UNIVERSITE LUMIERE LYON 2
FACULTE DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE
MASTER 2 DROIT PROCESSUEL : CONTENTIEUX et PROCEDURES
D'EXECUTION
Sophia BINET
L'utilisation des nouvelles technologies
dans le procès civil :
Vers une procédure civile
intégralement informatisée ?
Sous la direction de Madame le Professeur Marie-Claire
RIVIER
2004-2005
Le 17 juin 2005
principales ABREVIATIONS
Bull.civ.: Bulletin des arrêts de la
Cour de cassation (Chambres civiles)
C. E.: Conseil d'Etat
C.E.D.H.: Convention Européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
C.E.D.H.: Cour Européenne des droits
de l'homme (jurisprudence)
Civ.: Cour de cassation, chambre civile
(suivi du numéro de la chambre)
C.N.B.: Conseil National des Barreaux
C.N.I.L.: Commission Nationale de
l'informatique et des libertés
Com.: Cour de cassation, chambre commerciale
et financière
Com. com. élec.: Revue mensuelle de
Communication et commerce électronique
D.: Recueil de jurisprudence Dalloz
Gaz. Pal.: Gazette du Palais
J.C.P.: Jurisclasseur périodique
(édition générale)
J.C.P. éd. N.: Jurisclasseur
périodique (édition notariale)
J.O.: Journal Officiel (Lois et
décrets)
L.C.E.N.: Loi pour la Confiance dans
l'économie numérique
N.C.P.C.: Nouveau Code de procédure
civile
P.A.G.S.I.: Programme d'Action
Gouvernementale pour l'entrée de la France dans la Société
de l'Information
R.T.D. Com.: Revue trimestrielle de droit
commercial et économique
T.C. : Tribunal de commerce
T.G.I.: Tribunal de Grande Instance
T.I.: Tribunal d'Instance
SOMMAIRE
PRINCIPALES ABREVIATIONS 4
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 6
PARTIE 1 : LE BIEN FONDÉ DE L'ESSOR DES
NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS LA PROCÉDURE CIVILE 12
CHAPITRE 1 : DES ARGUMENTS PROPICES AU
DÉVELOPPEMENT DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS LE PROCÈS CIVIL
13
SECTION 1 - LE TEMPS INFORMATIQUE AU SERVICE DU TEMPS
JUDICIAIRE 13
SECTION 2 - UNE POLITIQUE LÉGISLATIVE DE
SIMPLIFICATION DE LA PROCÉDURE CIVILE PAR L'OUTIL INFORMATIQUE
20
CHAPITRE 2 : L'IMPACT DES NOUVELLES TECHNOLOGIES SUR
LE QUOTIDIEN DES PROFESSIONNELS DU DROIT 27
SECTION 1 - L'OUVERTURE DES JURIDICTIONS VERS
L'EXTÉRIEUR PAR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHANGES
DÉMATÉRIALISÉS 27
SECTION 2 - LA DÉMATÉRIALISATION DES ACTES
DE PROCÉDURE 34
CHAPITRE 3 : LA SAUVEGARDE DE LA
SÉCURITÉ JURIDIQUE PAR LA CERTIFICATION 43
SECTION 1 - LA CERTIFICATION, UN OUTIL DE CONFIANCE
43
SECTION 2 - LES ENJEUX DE LA
DÉMATÉRIALISATION DES ÉCHANGES 53
TRANSITION 58
PARTIE 2 : LE RISQUE D'UNE DÉRIVE VERS UNE
JUSTICE DÉSHUMANISÉE 64
CHAPITRE 1 : DES OBSTACLES DÉCELABLES
À MAÎTRISER 64
SECTION 1 - LA PORTÉE D'UNE UTILISATION EXTENSIVE
DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS LA PROCÉDURE CIVILE 65
SECTION 2 - LES PROBLÈMES TECHNIQUES
INHÉRENTS AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES 72
CHAPITRE 2 : LA SUBSTITUTION INTÉGRALE DU
JUGE PAR L'INFORMATIQUE, UNE ÉTAPE À NE PAS FRANCHIR
80
SECTION 1 - L'APPRÉCIATION HUMAINE DE
L'OPPORTUNITÉ D'UNE DÉCISION 80
SECTION 2 - LA COHABITATION DE L'HOMME ET DE LA MACHINE
DANS LE DÉLIBÉRÉ, UNE PERSPECTIVE À
DÉLIMITER 84
CONCLUSION 91
BIBLIOGRAPHIE 94
INDEX 97
TABLE DES MATIÈRES 98
introduction
« Les technologies de l'information et de la
communication sont porteuses de promesses dans tous les domaines. Leur vertu
est de mettre de la rapidité dans ce qui est lent, de la fluidité
dans ce qui est lourd, de l'ouverture dans ce qui est
fermé ».1(*)
Jean-Pierre RAFFARIN
La procédure civile s'est historiquement construite
autour du support papier. Traditionnellement en effet, les actes de
procédure tels que l'assignation, les actes du palais, les conclusions,
les ordonnances sont des actes écrits au sens où ils sont
délivrés sur papier. Le Nouveau Code de procédure civile,
nommé ainsi en raison de la réforme du 1er janvier
1976 qui a dégagé les nouveaux principes directeurs du
procès civil, recèle une pléthore d'hypothèses dans
lesquelles l'utilisation de l'écrit implique en pratique un support
papier. En effet, certaines dispositions exigent directement et explicitement
la présence d'une signature manuscrite comme par exemple l'article 456
alinéa 1er du NCPC qui dispose que « le
jugement est signé par le président et le
secrétaire » ou l'article 901 du NCPC qui énonce
que la déclaration d'appel est signée par l'avoué à
peine de nullité. D'autres dispositions impliquent concrètement
l'intervention du papier destiné à laisser une trace de
l'évolution de la procédure. L'écrit est alors dans ces
cas utilisé pour encadrer la procédure en formalisant les accords
des parties2(*) ou bien en
fixant leurs prétentions3(*). Dans le même sens, les personnes qui concourent
à la procédure sont bien souvent tenues de recourir à
l'écrit papier. Tel est le cas par exemple des Huissiers de justice qui
doivent utiliser le papier et des enveloppes pour signification des
actes4(*) ou bien des
médiateurs ou conciliateurs qui informent le juge par écrit
à l'issue de leurs missions5(*).
Les innovations technologiques de ces dernières
années viennent bouleverser cette culture du papier comme premier
support des relations entre le justiciable et les partenaires de la justice.
Avec l'apparition du télégraphe, de la machine à
écrire, ou plus récemment du minitel et de la
télécopie, les méthodes de travail ancrées autour
de la culture de la plume s'en sont nécessairement trouvées
modifiées. Mais ces techniques, aujourd'hui intégrées dans
le pratique judiciaire, n'ont pas soulevé autant de questions et
suscité autant de débats passionnés que l'apparition des
nouvelles technologies de l'information et de la communication dans la
sphère procédurale française. Ainsi, la procédure
civile entre dans l'ère du numérique, notamment depuis
l'entrée en vigueur de la loi du 13 mars 2000 et ses décrets
d'application plaçant sur le même pied d'égalité le
support papier et le support électronique.
Le développement des nouvelles technologies dans la
justice a touché en premier lieu le domaine administratif. Il
répondait à une volonté politique inscrite dans le cadre
plus général de la réforme de l'Etat, exprimée pour
la première fois dans un discours prononcé par le premier
ministre le 25 août 1997 à Hourtin, dans lequel celui-ci
énonçait sa ferme intention de simplifier,
d'accélérer et de rendre plus sûre et moins coûteuse
la justice par l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de
la communication. Un an plus tard, le Programme d'Action Gouvernementale pour
l'entrée de la France dans la société de l'information
(P.A.G.S.I) a vu le jour et s'en est suivi de multiples discours,
décisions tendant à la modernisation du système
administratif. Le vent nouveau de l'usage de ces outils modernes soufflant sur
l'administration a alors gagné le domaine judiciaire. Les avantages
retirés de l'utilisation de la plupart des produits proposés aux
acteurs administratifs ont pu convaincre progressivement les plus
réticents de l'utilité pour la justice civile de ne pas
méconnaître leurs apports.
Sous l'appellation « nouvelles technologies de
l'information et de la communication », il convient d'entendre
l'ensemble des instruments pourvus d'une technologie moderne utilisés
pour traiter, modifier et échanger de l'information, plus
spécifiquement des données numérisées. La naissance
de ces outils est due notamment à la convergence de l'informatique, des
télécommunications et de l'audiovisuel. L'informatique est la
science du traitement automatique de l'information par des ordinateurs, le
terme « informatique » venant de la contraction des mots
« information » et « automatique ». Il
a été proposé en 1962 par Philippe Dreyfus et
accepté par l'Académie française en 1966. Née avec
l'apparition des premiers ordinateurs à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, l'informatique a tout d'abord pour mission de pallier les
insuffisances humaines. Elle permet aussi de diffuser une information par le
biais de réseaux, dont Internet constitue l'exemple le plus marquant. En
effet, issu du réseau ARPANET qui a été conçu dans
les années soixante pour le département Américain de la
Défense, Internet constitue à ce jour le plus grand réseau
du monde accessible aux professionnels comme aux particuliers. Il peut donc
être considéré comme le seul réseau
spécialisé dans l'information. En effet, son but n'est plus,
comme à l'origine, de transmettre quelques lignes à partir de
messageries, mais d'échanger des documents électroniques, des
données informatisées, des informations
dématérialisés, etc. D'autres technologies tels que les
logiciels, les lieux publics virtuels, les courriers électroniques, les
bases de données font parties des nouvelles technologies de
l'information et de la communication. Ainsi, ces instruments permettent tout
à la fois d'échanger de l'information, de mettre en commun des
documents, ou encore de diffuser une donnée à une personne
quelque soit l'endroit où elle se trouve.
La mise à disposition des informations juridiques sur
Internet ou sur cédérom recueille un sérieux
succès. En effet, des entreprises privées du marché de
l'édition juridique et des concessions de service public ont eu
l'ambition de mettre en ligne gratuitement des renseignements juridiques qui
existent sur papier sur un support informatique ce qui permet aux justiciables
de disposer d'un grand nombre de données rapidement. La création
d'un tel corpus documentaire numérique a été concevable
par l'application d'un procédé informatique appelé
« base de données ». L'article L113-3 Code de
Propriété Intellectuelle6(*) définit une base de données comme
« un recueil d'oeuvres de données et d'autres
éléments indépendants disposés de manière
systématique ou méthodique et individuellement accessible par des
moyens électroniques ou d'une autre manière ».
Néanmoins, ces nouvelles technologies concernent le marché de
l'édition électronique et non le fonctionnement de la
procédure civile en temps que telle. Dès lors, en dépit de
leur intérêt fondamental quant à la question de
l'accès aux informations juridiques pour les usagers et professionnel du
droit, notre développement ne portera pas sur cet aspect.
La procédure civile connaît une utilisation
progressive de nouvelles technologies de l'information et de la communication
alors que les citoyens ne peuvent pourtant pas tous y accéder. Depuis
une dizaine d'année en effet, la justice civile est concernée par
ce mouvement d'entrée dans l'ère de la technologie. Elle est
dotée d'outils tels que des chaînes informatiques dans les
tribunaux auprès des magistrats et greffiers, des logiciels performants
pour la gestion des dossiers dans les études d'huissiers de justice,
notaires et dans les cabinets d'avocats, des courriers électroniques et
boites de messagerie utilisés par ces professionnels, des sites
Internet, des portails juridiques permettant des échanges
dématérialisés entre tous les partenaires de la justice
civile. Ces moyens techniques modernes permettent donc un échange entre
les protagonistes du procès qui peuvent effectuer nombreuses
démarches judiciaires par voie électronique. Notre
développement portera exclusivement sur ces instruments qui permettent
une communication de l'information entre les différents intervenants au
procès civil. Pour davantage d'intelligibilité, il conviendra de
les appeler simplement nouvelles technologies.
Face à la croissance notable du maniement des nouvelles
technologies en matière administrative et pénale, l'utilisation
de ces procédés dans la procédure civile reste timide. En
effet, les modes de représentation, la présence de l'oral et de
l'écrit, le nombre de personnes qui interviennent au procès y
sont les plus diverses. L'instauration de procédés techniques
dans cette sphère est donc davantage complexe; elle exige une adaptation
lente et délicate afin de ne pas bouleverser l'équilibre
procédural, les principes directeurs du procès et la
sécurité juridique. Le développement des
télé-procédures, la création de nouveaux modes de
traitement et de transfert des données, la
dématérialisation des informations ou encore de la signature
électronique soulève donc des interrogations, des
difficultés légitimes qu'il paraît opportun
d'étudier à un moment où la procédure civile
commence à changer de visage. En effet, la loi du 13 mars 2000 portant
adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative
à la signature électronique, enjeu majeur pour la pratique
judiciaire, ne semble être qu'une prémisse du passage de la
sphère civile procédurale dans le monde de l'électronique.
L'actualité est brûlante s'agissant de l'extension de l'usage des
nouvelles technologies dans la procédure civile : le rapport
« Célérité et qualité de la
justice » de Monsieur Jean-Claude Magendie du 15 juin 2004 a
été déposé au Garde des sceaux, ministre de la
Justice, le 6 septembre 2004 ; le projet de décret d'application de
la loi du 13 mars 2000 pris en Conseil d'Etat et relatif à l'adaptation
des actes authentiques sur supports électroniques a été
évoqué le 14 juin 2005 et sera prochainement publié ;
le garde des Sceaux a présenté en Conseil des ministre le 15 juin
2005 une ordonnance prise en application de la loi pour la confiance dans
l'économie numérique du 21 juin 2004, relative à
l'accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie
électronique et dans laquelle il projette de modifier certaines
dispositions du Code civil ; la norme AFNOR Z 43-400 relative à
l'archivage de données électroniques sera homologuée en
principe dans le courant du mois de juin 2005.
La technique vient modifier la perspective dans laquelle se
situe le droit. Dès lors, celui-ci ne peut plus être
regardé de la même manière : les relations entre le
justiciable et les partenaires de la justice, entre le citoyen et le droit, se
modifient ouvrant la voie à une justice nouvelle car
électronique. Néanmoins, l'avenir qu'offre l'instauration des
nouvelles technologies dans la procédure civile paraît prometteur
à condition de contrôler leur impulsion : la
sécurité juridique doit être au coeur de la
réflexion quant à la question de savoir si la procédure
civile pourra un jour être totalement dématérialisée
et si elle s'effectuera intégralement en ligne. Les profits
suscités par l'utilisation des nouvelles technologies dans la
procédure civile mèneront-ils à une société
du « tout électronique » ? L'informatisation
intégrale de la sphère civile procédurale peut-elle
être envisagée en dépit des risques qu'elle
génère quant à l'équilibre judiciaire ?
Au-delà de cette problématique
générale relative aux perspectives d'avenir de l'utilisation des
nouvelles technologies dans la procédure civile, de nombreuses
interrogations doivent conduire notre réflexion : les atouts
procurés par ces outils sont-ils en adéquation avec les principes
fondamentaux du procès civil et les règles déontologiques
des professions judiciaires ? De quelle manière l'usage des
nouvelles technologies peut garantir la confidentialité,
l'intégrité et l'authenticité d'un échange
électronique ? Les mécanismes techniques de certification
assurant la sécurité de transmissions numériques sont-ils
fiables et méritent-ils la confiance que certains praticiens du droit
leur confèrent ? Comment contourner les difficultés
inhérentes à l'utilisation des nouvelles technologies afin de ne
pas bouleverser l'organisation judicaire et les garanties fondamentales d'une
bonne justice ?
L'étude des nouvelles technologies dans la
procédure civile implique nécessairement d'aborder des questions
techniques tel que le mécanisme de la certification, la cryptographie ou
encore les systèmes experts. La compréhension du fonctionnement
de ces outils paraît indispensable pour répondre à
l'ensemble des interrogations suscitées par un tel sujet.
Utiliser les nouvelles technologies dans la procédure
civile afin de palier aux difficultés de lenteur et à certaines
inefficacités du système judiciaire semble être
actuellement une solution profitable pour tous les protagonistes du
procès civil. En effet, les modifications des méthodes de travail
qu'induit un tel changement profitent aux magistrats, auxiliaires de justice et
justiciables. Ils peuvent retirer de l'utilisation de ces
procédés des avantages perceptibles en terme d'efficacité,
de productivité et de rapidité notamment grâce au
mécanisme de la certification qui garantie la sécurité
juridique (Partie 1).
Néanmoins, l'éclat procuré actuellement
par le maniement des nouvelles technologies dans la procédure civile ne
doit pas dissimuler certaines réalités. Afin que ces outils
modernes offrent aux acteurs du procès civil ainsi qu'aux usagers de la
justice ses atouts, un discernement est nécessaire quant aux limites
à leur apporter (Partie 2).
Partie 1 : Le bien fondé de l'essor des
nouvelles technologies dans la procédure civile
Les professionnels du droit et les hommes politiques
s'accordent sur l'idée que le maniement de nouvelles technologies de
l'information et de la communication tel que l'informatique et Internet
pourrait être une issue permettant de résoudre les
difficultés de lenteur du système judiciaire français. En
effet, l'usage de ces procédés technologiques semblerait
répondre à des exigences définies de simplification,
d'accélération et de sécurité des communications
entre l'usager et les praticiens de la justice.
Au regard des bénéfices suscités par
l'émergence actuelle de certains procédés techniques, la
procédure civile française, bien que déjà
armée de certaines technologies, tente de s'équiper davantage
afin d'atteindre au mieux un objectif d'optimisation et de rationalisation du
travail.
Les professionnels du droit, les hommes politiques et le
législateur participent donc ensemble à promouvoir leur extension
(Chapitre 1) étant donné qu'elles semblent avoir un avenir
prometteur pour la procédure civile modifiant les méthodes de
travail et influant sur l'évolution du droit et de la justice (Chapitre
2).
La question délicate de la sécurité
juridique est également au coeur des débats politiques et
juridiques. Sa sauvegarde, une valeur essentielle d'une justice
équitable et contradictoire, s'opère par le biais de la
méthode de certification d'après la loi du 13 mars 2000 sur la
signature électronique et ses décrets d'application (Chapitre
3).
Chapitre 1 : Des arguments propices au
développement des nouvelles technologies dans le procès civil
De par leur nature, les nouvelles technologies de
l'information et de la communication apportent une accélération
du rythme de la justice. Par conséquent, ils peuvent donc être une
solution à l'exigence de bonne administration de la justice (Section
1).
L'introduction de ces nouveaux procédés dans le
fonctionnement de l'institution judiciaire française s'inscrit
globalement dans une démarche politique générale visant
d'un côté à favoriser l'entrée de la France dans la
société de l'information et de la communication et d'un autre
côté, à satisfaire les espérances du justiciable
avide de célérité et d'efficacité du système
judiciaire. C'est au travers de ces préoccupations que le
législateur introduit la technologie informatique dans le procès
civil (Section 2).
SECTION 1 - Le temps informatique au service du temps
judiciaire
Nombreux sont les professionnels du droit qui estiment que les
nouvelles technologies peuvent apporter à la procédure civile
certains avantages pour la gestion des dossiers. A l'heure où les
transactions commerciales s'effectuent de plus en plus souvent par la
communication électronique, faisant ainsi disparaître le support
papier, il semble que les mentalités changent progressivement.
I. Une productivité assurée pour la gestion du
dossier
C'est un gain de temps considérable qui peut être
retiré de l'utilisation de l'informatique tant pour les individus en
cause que globalement pour le traitement du dossier.
A. Les professionnels du droit en faveur d'un suivi de
l'affaire instantané et rapide
Les professions juridiques, entreprises, avocats, magistrats,
huissiers de justice, notaires, ont de plus en plus recours aux nouvelles
technologies de l'information et des communications dans leur vie
professionnelle et ils sont nombreux à témoigner de leur
substantiels avantages.
En effet, d'une part, la totalité des études
d'huissiers de justice est désormais informatisée. Plus de 20
fournisseurs occupent le marché bien que celui-ci soit limité
à environ 2000 études. Monsieur André Voillequin,
Directeur général de l'ADEC, Organisme lié par convention
avec la Chambre Nationale des Huissiers de justice, ne manque pas de rappeler
qu'il faut bien reconnaître que les progrès actuels des nouvelles
technologies appliquées aux logiciels spécifiques procurent aux
études une facilité et une qualité d'utilisation de haut
niveau7(*).
Pour les huissiers de justice également, ces
systèmes informatiques leur permettent de réaliser un gain de
temps considérable par une gestion comptable mécanisée,
une interconnexion avec l'extérieur mais surtout une véritable
intendance électronique des dossiers permettant notamment une
automatisation des procédures, des lettres de rappel, de l'agenda, de la
facturation.
D'autre part, les notaires ont voulu se doter très
tôt d'outils performants pour assurer au mieux leur mission sans cesse
plus complexe et sans cesse plus administrative. Un notaire sans plume d'oie
est donc encore un notaire. Le développement de ces
procédés informatiques semble ne pas effrayer la profession
même si la présence physique du notaire demeure
indispensable8(*). Monsieur
Didier Mathy estime que « l'informatique notariale doit aider le
notaire à porter son art jusqu'au sublime, et non se contenter de lui
permettre de continuer à gérer les urgences
(...) 9(*)».
Aussi, les avocats semblent s'accorder sur l'idée que
la généralisation de la communication électronique
pourrait contribuer à une justice plus diligente et plus efficace.
Même si l'opinion de certains d'entre eux sur les avantages de ces outils
n'est pas réellement exprimée, il convient de remarquer que la
plupart des cabinets d'avocats possèdent déjà des
logiciels spécialisés offrant notamment des bases d'informations
structurées (intervenants, cotation, clients, contacts, dossiers...),
agenda de procédure affichant les urgences quotidiennes et
prévoyant le planning comme les rendez-vous par collaborateur ou pour
l'ensemble du cabinet, archivage, rédaction d'actes modèles
actualisés par des praticiens10(*). Ces logiciels peuvent assurer la confection
semi-automatique des actes, leur mise en mémoire, et une
procédure de consultation et d'édition à distance
instantanée. La reproduction, l'expédition en nombre aux
personnes concernées (conseils, témoins, experts...) ainsi que la
possibilité de connaître à tout moment l'état et le
calendrier des procédures11(*) paraissent donc facilitées.
Il semble que l'utilisation des nouvelles technologies par les
avocats pourrait dépasser ce simple aspect de gestion mais
s'étendre aux relations entre les acteurs du procès civil. En
effet, Maître Jean Villacèque, avocat au barreau des
Pyrénées Orientales, ancien bâtonnier et professeur
associé à l'Université de Perpignan, pense à ce
propos que nous sommes au début de cette généralisation
des outils électroniques et qu'une fois que les avocats seront en
réseau avec les juridictions, une grande partie de la mise en
état pourra se faire ainsi et beaucoup de lenteurs seront
résorbées sans que les droits des parties ne soient mises en
péril12(*).
De plus, les entreprises et notamment celles de recouvrement
utilisent en masse les nouvelles technologies et surtout Internet. Il est un
outil précieux, instantané et souvent gratuit, mettant à
la disposition des Crédits managers un système d'informations
quasi-exhaustif : renseignements sur la qualité, transmission des
dossiers de recouvrement aux sociétés, visualisation des actions
conduites par ces dernières sur les espaces
clients/dédiés... La gestion du contentieux est alors
facilitée pour les juristes d'entreprises bénéficiant de
logiciels qui leur permettent de suivre l'historique de chaque dossier, d'avoir
des alertes sur les étapes de la procédure et d'évaluer le
risque financier pour chaque affaire.
Enfin les juridictions civiles dont certaines sont
dotées de moyens technologiques modernes participent à la
modernisation et à la simplification du procès civil.
Grâce à cette mécanisation
déjà existante, les acteurs du procès peuvent
espérer davantage d'économie d'effort et de temps pour le
traitement d'une affaire, ce qui satisfera probablement les justiciables.
B. Des échanges facilités et rapides
L'informatique et les réseaux offrent, de par leur
nature, une disponibilité permanente et immédiate de
l'information ainsi qu'une instantanéité de la communication
entre tous les intervenants du procès. Les nouvelles technologies
semblent donc permettre une modification patente de la perception d'un dossier
en libérant les praticiens, juges et greffiers de la fatalité de
la lenteur du traitement matériel des procédures.
Le formalisme procédural comme les flux judiciaires ne
peuvent être qu'assouplis par l'émergence des technologies de
l'information et de la communication dans la procédure civile. Monsieur
Pierre Chevalier, Magistrat, chef de bureau de la procédure à la
direction des Affaires juridiques et du Sceau, ministère de la justice,
émet à ce titre un avis encourageant sur la question. Il
déclare en effet que les échanges simultanés et rapides,
le suivi d'une mise en état et la constitution des
éléments du dossier d'une procédure par la voie
électronique devraient tout à la fois permettre une diminution
des délais et des distances en épargnant des déplacements,
un renforcement du contradictoire en raison de l'information immédiate
de l'évolution du dossier, une plus grande transparence, une meilleure
sécurité juridique dans les informations transmises, une
facilitation des échanges13(*).
D'une part, il convient de souligner qu'Internet ouvre la voie
à un dialogue entre les usagers. Les services de la justice par le biais
des télé-procédures permettent donc aux justiciables
d'effectuer la plupart de leurs démarches devant les tribunaux sans
avoir à se déplacer. Les expériences d'échanges par
voie électronique simultanée sont diverses et ne cessent de
proliférer dans un objectif constant d'accès rapide à
l'information juridique et de commodité dans les
démarches14(*).
D'autre part, le développement d'Internet facilitera
les échanges de données en permettant à chacun
d'être présent virtuellement quasi-instantanément faisant
ainsi disparaître les systèmes d'échanges corps
présent synchrones (la parole) ou asynchrones (le courrier). Le
système de visioconférence, qui permet un contact direct entre
l'usager et le fonctionnaire, se développe actuellement à titre
expérimental en procédure pénale. Toutefois, les arguments
en faveur de l'émergence de ce mode opératoire et plus largement
des nouvelles technologies restent les mêmes. En effet, à
l'occasion d'une démonstration dans une salle du parquet des mineurs de
Lyon, en présence du ministre de la justice Monsieur Dominique Perben,
le procureur de la République à Lyon, Monsieur Xavier Richaud n'a
pas manqué d'exprimer son contentement. Après avoir
affirmé que la liaison était sécurisé, il
énonce clairement que l'intérêt incontestable est le gain
de temps et de productivité15(*).
La mise en contraste de ces propos fait immédiatement
ressortir les avantages que pourraient procurer le développement de la
technologie informatique dans le domaine de la procédure civile. A titre
d'exemple, les conciliations dans le cadre d'une procédure de divorce
pourraient très bien se dérouler en visioconférence.
Dès lors, le juge des affaires familiales pourra fixer plus facilement
une date pour statuer et les parties éviteront ainsi des lourds
déplacements parfois coûteux au tribunal.
Les arguments avancés par les professionnels du droit
montrent donc que le développement des nouvelles technologies semble
garantir une productivité et une célérité de la
procédure civile. Néanmoins, il y a lieu de savoir si leur
application ne va pas à l'encontre des droits du citoyen.
II. L'assurance d'une meilleure application des principes
fondamentaux
L'usage d'outils techniques informatiques modifie les
méthodes de travail des praticiens du droit.
Il répond alors à des objectifs clairement
définis : il s'agit tout à la fois de simplifier,
d'accélérer et de rendre plus sûres et moins
coûteuses les communications entre les usagers et les acteurs de la
sphère civile procédurale. Ainsi, l'emploi des nouvelles
technologies dans la procédure civile respecte les principes
fondamentaux qui doivent s'imposer dans le fonctionnement de l'institution
judiciaire, notamment ceux de l'article 13 et 6-1 de la Convention
Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales16(*).
A. Le droit à un accès effectif à un
tribunal
En se dotant de procédés techniques modernes
allouant un accès aisé à la justice, la banalisation des
communications par Internet comme la démultiplication des litiges
sont-ils à craindre ?
Il serait tentant de réponse positivement.
Néanmoins, favoriser l'accès à la justice n'entraîne
pas une menace de déséquilibre de la société, au
contraire. En effet, l'appel au juge facilité par des moyens
technologiques ne peut que renouer avec l'un des plus anciens et des plus
constructifs aspects de la civilisation occidentale : le règlement
des conflits par le droit plutôt que par la violence, le recours à
la protection de la loi plutôt que la seule invocation du rapport de
force17(*).
Dès lors, la procédure civile
équipée de nouvelles technologies répond sans aucun doute
à une exigence ancienne de démocratisation de la justice. Elle
est plus proche du justiciable, créant ainsi un rapport de
proximité et de confiance entre l'usager de la justice et le droit
puisque l'accès à l'information comme le traitement du dossier
sera rapide et simplifié.
Le maniement de moyens techniques nouveaux dans la
procédure civile permet donc un meilleur accès à la
justice étant donné que cette dernière concourt à
l'intérêt général et non à la satisfaction
unique d'un besoin individuel, mais il faut rester prudent quant à la
possibilité d'une surconsommation judiciaire18(*).
Par conséquent, l'exigence d'un droit d'accès
effectif devant le juge posé par l'article 13 de la CEDH
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans
la présente Convention ont été violés, a droit
à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors
même que la violation aurait été commise par des personnes
agissant dans l'exercice de leur fonctions officielles » et qui
sous-tend tout l'article 6-1 est donc clairement respecté.
Toutefois, il convient de mettre un bémol à
cette observation, sans pour autant s'y étendre puisque cela fera
l'objet d'une étude approfondie postérieurement19(*). En effet, la question de
l'étendue des nouvelles technologies dans la procédure civile se
pose : l'introduction de ces outils ne doit pas entraîner une
justice à deux vitesses, l'une des personnes à la pointe de la
modernité et l'autre des usagers qui ne peuvent ou ne veulent, pour des
moyens tant financiers que personnels, s'adapter à ces
procédés. On peut douter dès à présent
qu'une large diffusion et a fortiori une complète propagation
de ces derniers engendrerait un fossé entre les justiciables et donc un
non respect de l'article 6-1 de la CEDH . La maîtrise de leur rayonnement
paraît en conséquence indispensable pour une bonne application de
cet article.
B. Le droit à un jugement public et équitable
dans un délai raisonnable
L'article 6-1 de la Convention Européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que
« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi
(...) ». Ce principe induit le respect d'une bonne organisation
et d'un bon fonctionnement de la justice étatique.
Jusqu'à l'élaboration de cet article, la
question du délai dans la procédure n'existait pas en temps que
tel. En effet, même si aucun texte de loi français n'exigeait ce
principe, il était implicitement exprimé dans les articles
prévoyant des délais. Par exemple, l'article 15 du Nouveau Code
de Procédure Civile prévoit que « les parties
doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels
elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve
qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elle invoquent, afin que chacune
soit à même d'organiser sa défense ».
Depuis l'entrée en vigueur de la Convention, tout Etat
doit donc respecter un délai raisonnable dans le traitement des litiges
qui lui sont soumis afin de donner aux justiciables un procès
« équitable » au sens large. La Cour apprécie
le caractère raisonnable de l'affaire, du comportement du
requérant et celui des autorités compétentes20(*) ; elle prend
également en considération l'enjeu du litige pour
l'intéressé : une célérité accrue
s'impose lorsque l'espérance de vie du requérant est
réduite par exemple21(*).
Ainsi, d'un côté, grâce au maniement des
procédés techniques modernes, le bon déroulement de
l'affaire dans un délai raisonnable paraît être profitable.
D'une part pour les parties, elles se déchargent alors de la lourdeur et
des contrariétés psychologiques engendrées par un
procès trop long et coûteux, et pour les acteurs du procès,
d'autre part, qui pourront traiter le litige d'une manière plus souple
et profiter du gain de temps pour s'intéresser davantage au fond du
conflit ou pour se consacrer à d'autres conflits.
D'un autre côté, la mise en place des nouvelles
technologies dans la procédure civile évitera donc que les
organes de Strasbourg sanctionnent sévèrement les
procédures qui dépassent « un délai
raisonnable ».
Ce principe communautaire imposé aux Etats membres sera
donc davantage honoré, ce qui satisfera les parties comme les
professionnels du droit et l'image de la justice française sera
revalorisée. Néanmoins, la limitation de l'usage des nouvelles
technologies paraît nécessaire afin que cette exigence
européenne soit appliquée de manière irréprochable.
En effet, on peut facilement imaginer qu'avoir recours de manière
systématique aux nouvelles technologies pour saisir la justice aurait
pour effet pervers que certains usagers, au lieu d'être jugé dans
un délai raisonnable, ne le soit nullement, faute pour eux de ne pouvoir
ou de ne vouloir pour quelques raisons que ce soit accéder à ces
outils. Encore une fois, la maîtrise de l'étendue des
procédés nouveaux paraît indispensable.
Les professionnels du droit ont intégré les
idées d'efficacité et de célérité des moyens
offerts par les nouvelles technologies pour la procédure civile en les
utilisant. Ces outils semblent correspondre aux exigences de bonne organisation
et de bon fonctionnement de la justice étatique et être en
cohérence avec les droits du citoyen à la condition de
maîtriser leur propagation de manière clairvoyante.
Néanmoins, s'il est permis de manier les nouvelles technologies dans la
procédure en toute sécurité, c'est grâce aux hommes
politiques et au législateur qui sont l'origine de ce mouvement en leur
faveur.
SECTION 2 - Une politique législative de
simplification de la procédure civile par l'outil informatique
Le droit évolue et la communauté des juristes
devient mondiale. Les droits internes sont quotidiennement mis à
l'épreuve des autres droits et toute sorte de comparaisons sont possible
entre les différentes législations existantes. Dès lors,
l'Etat français n'a pu se désintéresser des pistes
ouvertes par les nouvelles technologies. Il s'est donc organisé pour
permettre à tous d'accéder aux données publiques et
d'utiliser légalement les nouvelles technologies.
I. Un programme politique en faveur d'une
société de l'information et de la communication
Une partie du travail de l'homme politique consiste à
opérer des changements en employant des procédés qui
soient acceptables pour le public et efficace. Ainsi, face à
l'évolution des technologies de l'information, les hommes d'Etat ont
progressivement mis ces outils au service de la justice par le biais d'un
programme de modernisation de l'administration.
A. La lutte politique pour une justice simplifiée et
moderne
Nombreuses sont les structures de la justice civile qui
présentent des signes de fatigue. Les gouvernements ont dès lors
tenté d'exploiter les possibilités offertes par les technologies
de l'information pour répondre aux attentes et aux besoins des
citoyens.
En effet, dès sa prise de fonction en juin 1997, le
gouvernement dirigé par Monsieur Lionel Jospin, a pris acte du retard
enregistré par la France dans ce domaine et s'est engagé dans un
programme très ambitieux, constituant une priorité de son action.
C'est par un discours prononcé à Hourtin (Gironde), le 25
août 1997, que le premier ministre a défini les grandes lignes de
la politique qu'il entendait suivre. Il déclarait alors que «
Les bouleversements introduits par les technologies de l'information
dépassent largement le seul enjeu économique : l'essor des
nouveaux réseaux d'information et de communication offre des promesses
sociales, culturelles et, en définitive,
politiques »22(*).
L'Etat s'est alors engagé à moderniser le
fonctionnement de l'administration par le biais des outils informatique. Le
Programme d'action gouvernementale pour l'entrée de la France dans la
société de l'information (P.A.G.S.I), publié en 1998,
fixait des objectifs à atteindre et définissait la place que
l'Etat entendait occuper dans ce mouvement de mobilisation nationale.
Nonobstant une grande prudence, voire une certaine
timidité de la jurisprudence civile qui est réticente à
l'usage de la télécopie, la pratique et les gouvernements
successifs semblent en faveur d'une dématérialisation des actes
de procédure.
B. Les projets politiques actuels ouverts vers une
ère électronique
Dans une optique similaire de modernisation et afin de trouver
un accès simplifié à la justice, le Ministère de la
justice a commandé en décembre 2003 un rapport procédant
à un état des lieux exhaustif des lenteurs de la justice et des
pratiques professionnelles propres à y remédier. Il convenait
plus précisément de détecter « tout ce qui
est susceptible d'engendrer des lenteurs inutiles, voire des
blocages », l'objectif étant de
« promouvoir et de pérenniser des procédures et des
pratiques mieux adaptées » au système
procédural23(*).
Ainsi, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, Monsieur
Jean-Claude Magendie, a remis le 6 septembre 200424(*), à Monsieur Dominique
Perben, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, le rapport de son groupe de
travail sur le thème « Célérité et
qualité de la justice »25(*).
La quatrième partie du rapport, intitulée
« L'informatique et la communication au service de la
célérité et de la qualité de la
justice », est exclusivement consacrée aux atouts
qu'offre l'informatique au fonctionnement de la justice. Elle préconise
certaines mesures visant d'une part, à développer la
communication électronique et d'autre part, à conserver
l'information.
Ce rapport et ses suites feront l'objet d'une large
concertation avec l'ensemble des acteurs intéressés afin de
déboucher sur des évolutions concrètes. Néanmoins,
cette démarche politique est à pour l'heure, une illustration de
l'action engagée par le Ministère de la Justice visant à
moderniser par des moyens informatiques le fonctionnement du service public.
Le projet de budget 2005 établi par le Garde des Sceaux
et Madame Nicole Guedj, Secrétaire d'Etat aux droits des victimes,
présenté le 22 septembre 2004 à la presse juridique et
judiciaire, souligne également l'importance octroyée à
l'informatique pour la justice. En effet, des crédits seront directement
attribués au développement des outils informatiques26(*).
Le pouvoir politique se fait donc l'écho des
bénéfices que peuvent apporter ces outils modernes. Le
législateur a suivi ce mouvement en créant des lois bouleversant
la culture papier. Il est également à l'origine de l'essor des
nouvelles technologies dans la procédure civile et d'une
généralisation éventuelle du phénomène.
II. La loi au service de l'ère informatique
La technique semble avoir eu une influence sur le contenu du
droit puisque plus d'une loi concernant les nouvelles technologies ont
été promulguées en France. Néanmoins, il convient
de s'intéresser uniquement à deux d'entre elles étant
donné qu'elles ont une utilité pour la procédure civile.
Il s'agit d'une part de la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de
la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature
électronique, et d'autre part, de la loi du 21 juin 2004 sur la
confiance dans l'économie numérique.
A. L'écrit électronique ad
probationem
Le législateur français a montré la
capacité du droit à prendre en compte les évolutions
techniques de la société d'information en créant la loi
n° 2000-230 du 13 mars 2000 « portant adaptation du droit de
la preuve aux technologies de l'information » et relative
à la signature électronique27(*). En effet, l'adoption de la loi était
censée assurer la transposition de la Directive Européenne
1999/93/CE du Parlement Européen et du Conseil du 13 décembre
1999. Cependant, cette loi va plus loin que la Directive en conformant le droit
de la preuve aux technologies de l'information.
D'une part, elle modifie les dispositions du Code Civil
relatives à la preuve littérale en le dotant d'articles qui
placent l'écrit et la signature électronique sur un terrain
égal.
Dorénavant en effet, l'article 1316-1 du Code Civil
dispose que « l'écrit électronique est admis en
preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous
réserve que puisse être dûment identifiée la personne
dont l'écrit émane et qu'il soit établi et conservé
dans des conditions de nature à en garantir
l'intégrité ». Il n'y a donc en principe plus de
conflit de preuve entre un support papier et un support électronique
(article 1316-2 du Code Civil).
L'article 1316-3 et 1316-4 du Code Civil donne de plus une
définition de la force probante de l'écrit sur support
électronique en admettant que cette force est soumise à certaines
conditions : d'un côté, l'intégrité de
l'écrit doit être garanti et d'un autre côté,
l'imputabilité à son auteur doit être établie.
La signature électronique a donc la même valeur
juridique que la signature manuscrite, sous réserve que le
procédé soit fiable. Les conditions permettant de
bénéficier de cette présomption légale de
fiabilité de signature électronique sont détaillées
dans le Décret n°2001-272 du 30 mars 200128(*).
D'autre part, la loi du 13 mars 2000 consacre la
possibilité pour les officiers publics d'établir et de conserver
les actes authentiques sur support électronique. Ce dernier point est
une véritable révolution juridique29(*) qui soulève une
extrême prudence dans son application. C'est pour cette raison que le
nouvel et 2nd alinéa de l'article 1317 du Code Civil a
été suspendu à l'adoption d'un décret en Conseil
d'Etat qui n'a pas encore été pris30(*).
Le Décret du 30 mars 2001 susmentionné, pris
pour l'application de l'article 1316-4 du Code Civil et relatif à la
signature électronique, précise les conditions à
réunir afin de bénéficier de la présomption de
fiabilité d'un procédé de signature électronique.
La signature électronique doit être sécurisée et
garantir la confidentialité (chapitre 1er dudit
décret). C'est pourquoi, il convient de créer des dispositifs de
vérification de la signature électronique (chapitre 2) qui seront
mis en oeuvre grâce à l'utilisation de certificats
électroniques qualifiés pour assurer l'intégrité de
cette signature (chapitre 3)31(*). Le décret n° 2002-535 du 18 avril 2002
relatif à l'évaluation et à la certification de la
sécurité offerte par les produits et les systèmes des
technologies de l'information32(*) et l'arrêté ministériel du 31 mai
2002 relatif à la reconnaissance de la qualification des prestataires de
certification électronique et à l'accréditation des
organismes chargés de l'évaluation33(*) sont également venus
compléter la loi du 13 mars 2000 sur ce sujet.
Dès lors, cette loi semble apporter de sérieux
avantages en terme de gain de temps pour la procédure civile puisqu'elle
admet que puissent être dématérialisés non seulement
l'acte sous seing privé, mais aussi l'acte authentique sous
réserve de la publication du décret pris en Conseil
d'Etat34(*).
Néanmoins, des mécanismes permettant la
dématérialisation des actes de procédure doivent
être créés afin de sauvegarder la sécurité
des échanges juridiques.
B. L'écrit électronique ad
validitatem
La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans
l'économie numérique35(*) (LCEN) constitue la première étape
législative du plan RESO 2007 présenté par le Premier
ministre en 2003 pour favoriser le développement de la
"République numérique"36(*).
Son objectif consiste en l'adaptation de la législation
française au développement de l'économie numérique,
aux fins de renforcer la confiance en cette dernière et d'assurer le
développement de ce secteur, tout en établissant un cadre
juridique stable pour les différents acteurs de la société
de l'information. Dès lors, deux concepts émergent de cette
finalité : d'une part la loi vient s'adapter à la
réalité des faits et au développement du commerce
électronique; d'autre part, elle tend à combiner ce
développement avec les intérêts des différents
acteurs.
La loi du 21 juin 2004 marque une sorte d'achèvement de
l'édifice légal et réglementaire37(*). En effet, un vide restait
à combler avec la question de l'écrit électronique ad
validitatem. C'est chose faite avec l'article 25 qui crée,
notamment, un nouvel article 1108-1 dans le Code civil, article qui dispose que
« lorsqu'un écrit est exigé pour la validité
d'un acte juridique, il peut être établi et conservé sous
forme électronique(...). »
Dès lors, l'égalité de l'écrit
électronique et de l'écrit papier lorsqu'un écrit est
exigé pour la validité d'un acte juridique est consacrée
par cette loi. Cette équivalence implique en outre que, lorsque la loi
exige une mention manuscrite de la main de celui qui s'oblige, cette mention
peut être apposée sous forme électronique.
Par exemple, la conclusion en ligne d'un bail d'habitation qui
selon l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 doit être établi par
écrit, devient envisageable, étant précisé que le
Gouvernement est habilité par la L.C.E.N. à adapter les textes
existants par voie d'ordonnances.
Ces questions de formalisme des actes juridiques ne peuvent
donc être indifférentes aux praticiens judiciaires38(*). Néanmoins, les
dispositions de l'article 1108-1 du Code civil ne sont pas applicables aux
actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des
successions ou à certains actes sous seing privé relatifs
à des sûretés personnelles ou réelles (article
1108-2 du Code civil).
En d'autres termes, la dématérialisation des
actes de procédure comme la reconnaissance de l'acte de procédure
électronique ad validitatem n'est pas l'objet de la L.C.E.N.,
mais elle semble en contenir des prémices.
Récemment, le garde des Sceaux, ministre de la Justice,
a présenté en conseil des ministres, le 15 juin 2005, une
ordonnance relative à l'accomplissement de certaines formalités
contractuelles par voie électronique39(*). Cette ordonnance, prise en application de la
L.C.E.N., adapte les dispositions du Code civil relatives à la
conclusion, la validité ou les effets de certains contrats à
l'accomplissement de formalités afin de pouvoir réaliser ces
dernières par voie électronique. Ce texte prévoit en outre
de procéder sur support électronique à des envois de
lettres simples et recommandées, avec ou sans avis de réception,
tout en leur attribuant les mêmes effets juridiques qu'à celles
adressées sur support papier.
L'adoption de ces lois et surtout celle du 13 mars 2000 est
donc le témoignage de la concurrence future de l'immatériel sur
le support papier et de la conviction que l'utilisation des nouvelles
technologies a un sens pour la procédure civile. En effet, il semble
qu'offrir un tel cadre légal à ces outils modernes dépasse
la simple volonté politique de s'adapter à son temps mais montre
l'intérêt de leur maniement pour le droit et la justice.
Dès lors, le législateur leur permet de prospérer
davantage tout en respectant la sécurité juridique.
Les arguments en faveur de l'introduction des nouvelles
technologies pour la procédure civile demeurent fondés au point
qu'ils ont été favorablement accueillis par les hommes politiques
et le législateur qui tentent progressivement de moderniser notre
système judiciaire français en prenant appui sur ces outils. Ces
derniers présentent aussi l'intérêt d'être
adapté aux exigences Européennes qui régissent notre
institution judiciaire.
Le système judiciaire français n'est pas pour
autant au commencement de l'ère informatique même si les
mentalités semblent l'être globalement. En effet, les
échanges et actes dématérialisés sont
utilisés par un certain nombre de professionnels du droit.
Concernés par leur usage, les professions juridiques et judiciaires
peuvent témoigner de l'utilité de l'essor des nouvelles
technologies.
Chapitre 2 : L'impact des nouvelles technologies
sur le quotidien des professionnels du droit
Les innovations technologiques bouleversent la culture papier
comme unique support des relations entre l'usager et les professionnels civils
du droit. La volonté d'entrer dans une ère électronique
facilitant les échanges et permettant un gain de productivité se
concrétise par l'utilisation d'outils régissant d'une part les
échanges (Section 1), et d'autre part les actes juridiques (Section 2).
L'utilisation des nouvelles technologies va
dématérialiser les échanges entre les acteurs du
procès civil et les actes de procédure civile. La
dématérialisation a pour objet de gérer de façon
totalement électronique des données ou des documents
(correspondances, contrats, factures...) qui transitent dans le cadre
d'échanges avec des partenaires. Elle constitue donc le remplacement des
supports papiers par des fichiers informatiques, entraînant la mise en
oeuvre d'un bureau sans papier.
Dès lors, les échanges et les actes de
procédure paraissent inséparables puisque le fait de transmettre
un acte constitue fondamentalement un échange et un échange se
fait généralement par un écrit en procédure civile
(acte sous-seing privé ou acte authentique). Il conviendra
néanmoins d'étudier ces deux éléments
successivement.
Section 1 - L'ouverture des juridictions vers
l'extérieur par le développement des échanges
dématérialisés
L'informatisation et le recours aux nouvelles technologies
constituent un enjeu majeur pour la modernisation de la justice civile.
L'exercice des métiers s'en trouve donc nécessairement
modifié. Les échanges dématérialisés,
c'est-à-dire réalisés par le biais d'un micro-ordinateur,
en utilisation progressive, sont des instruments qui participent au
décloisonnement entre les services, à l'ouverture des
juridictions sur l'extérieur et non à l'isolement des
professionnels du droit.
I. Les échanges électroniques entre les
tribunaux civils et les justiciables face aux exemplaires juridictions
administratives et pénales
A. Vers une généralisation de l'usage des
nouvelles technologies dans les juridictions civiles
Entre les tribunaux et les usagers de la justice, les
nouvelles technologies se généralisent doucement avec les
formulaires en ligne tels la conciliation ou l'aide juridictionnelle, le
courrier électronique qui est une utilisation quotidienne et
répandue, mais surtout avec les visioconférences.
A l'origine, un procédé appelé
« visio-greffe » a été
expérimenté au cours de l'année 2000 à Limoges.
Cette pratique a été développée par la cour d'appel
de Limoges avec le soutien de la Chancellerie. Ce dispositif permet,
grâce à un équipement informatique avec mini caméra
et scanner, d'établir une liaison informatique entre les greffes des
tribunaux environnants et le service unique du greffe de Limoge et d'assurer
des échanges de paroles ainsi que la vision de l'image de son
interlocuteur. Elle vise alors à permettre aux usagers de la justice,
situés dans les communes éloignées du siège du
tribunal de grande instance (TGI) d'accomplir des actes de greffe, de recevoir
des informations sur l'état d'avancement de leur procédure, de
retirer sous le contrôle de fonctionnaire de justice en temps
réel, des documents sans avoir à se déplacer au TGI.
Dès lors, l'accomplissement d'actes de procédure
s'en trouve facilité dans le cadre d'une procédure écrite
sans intervention du Ministère d'avocat. Par exemple, le juge aux
affaires familiales peut être saisi en ce qui concerne notamment la
contribution aux charges du mariage, l'entretien des enfants majeurs, la
révision de la prestation compensatoire, l'exercice de l'autorité
parentale, les obligations alimentaires. Le juge de l'exécution peut
également être saisi d'une demande de délai en
matière d'expulsion locative, d'une demande de suspension de
procédures d'exécution en matière de surendettement et
certains actes de greffe tels le dépôt de dossier d'aide
juridictionnel ou la réception de demandes concernant le tribunal
d'Instance de Limoges
Aussi, faute de magistrats en nombre suffisant à
Saint-Pierre-et-Miquelon, l'ordonnance n°98-729 du 20 août 1998 et
son décret d'application n° 2001-431 du 18 mai 2001 autorisent le
magistrat assurant le remplacement à présider une audience tant
civile que pénale, depuis le territoire métropolitain grâce
à un moyen de télédiffusion. Toutefois, ce recours
est limité aux cas de « nécessité
absolue », c'est-à-dire lorsque le magistrat n'aura pas
la possibilité de se rendre sur place soit dans les délais
prescrits par la loi, soit dans les délais exigés par la nature
de l'affaire. Le texte réglementaire précise les conditions
techniques de mise en oeuvre du recours à la communication
audiovisuelle, en prévoyant que l'enregistrement des images ou du son
doit assurer une retransmission fidèle, loyale et confidentielle
à l'égard des tiers40(*).
Actuellement, peu de tribunaux civils ont adhéré
à ces procédés de visioconférences. Même si
elle est en voie de s'étendre, l'utilisation des nouvelles technologies
dans le droit civil reste timide si l'on ose la comparer aux juridictions
pénales et administratives. Il conviendra de faire remarquer
néanmoins que la mise en oeuvre d'une chaîne civile à
l'image de la chaîne pénale paraît difficile, et ce pour
plusieurs raisons.
B. L'intense utilisation des nouvelles technologies par les
juridictions pénales et administratives.
Il ne s'agit pas de réaliser ici une étude
complète de l'emploi des procédés électroniques
dans le procès pénal et administratif qui serait abondante voire
prolixe mais simplement, en énonçant les principaux
progrès réalisés en ces domaines, de constater que ces
juridictions sont des exemples qui peuvent constituer dans la mesure du
possible des objectifs à atteindre pour le droit civil.
1. Le maniement abondant des nouvelles technologies
dans la chaîne pénale et administrative
D'une part, le constat de notre législation en
matière de procédure pénale montre la réelle
avancée dans le domaine. En effet, à titre d'exemples, il y a
lieu de citer : la loi n°98-1498 du 17 juin 1998 concernant les
infractions sexuelles et les droits des victimes prévoyant
l'enregistrement par voie audiovisuelle de l'audition du mineur victime
(article 706-52 du code de procédure pénale), la loi
n°2000-516 du 15 juin 2000 relative à la protection de la
présomption d'innocence (entrée en vigueur le 15 juin 2001) qui
met en place l'enregistrement des mineurs lors de leur garde à vue, la
loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relatif l'usage de la
visioconférence pour les auditions, interrogatoire ou confrontation en
cours d'enquête ou d'instruction (article 706-71 du code de
procédure pénale), ou encore la loi n°2002-1138 du 9
septembre 2002 qui dans le même article autorise le recours à la
visioconférence pour la prolongation de la garde à vue ou la
retenue judiciaire lors d'une enquête ou d'une instruction. En outre, 17
formulaires pour les particuliers et 7 pour les professionnels sont mis en
ligne à l'initiative du Ministère de la justice, lequel
prévoit notamment pour l'année 200541(*) d'informatiser la chaîne
pénale dans quatre TGI pilotes, les tableaux de service pour
l'administration pénitentiaire.
D'autre part, en matière administrative, le Conseil
d'Etat a, le 28 décembre 2001 admi que tout citoyen pouvait recourir au
courrier électronique42(*) (en l'espèce une requête contentieuse)
pour saisir la juridiction administrative alors que la Cour de cassation refuse
de reconnaître une quelconque valeur aux conclusions envoyées par
télécopie43(*) parce que le dépôt de conclusions doit
s'effectuer par remise au secrétariat-greffe et non autrement.
Aussi, dans le cadre du Plan stratégique de
l'administration (PSAE), lancé par le secrétaire d'Etat, la
juridiction administrative s'est récemment engagée dans la voie
de la dématérialisation des échanges avec les usagers et
les administrations entraînant inévitablement des économies
importantes en raison du caractère écrit de la procédure.
Ainsi, a été établi le 10 mars 2005 le décret
n°2005-22244(*) qui
autorise jusqu'au 31 décembre 2009 l'expérimentation devant les
tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil
d'Etat des modalités d'envoi par voie électronique de
requêtes, mémoires, pièces, décisions prises pour
l'instruction des affaires et décisions juridictionnelles. Au plus tard
au 31 décembre 2009, un rapport dressant le bilan de
l'expérimentation sera établi par le vice-président du
Conseil d'Etat et remis au Premier ministre.
A son tour, le Code général des
Collectivités territoriales goûte aux nouvelles technologies
puisqu'il a été modifié par un décret du 7 avril
200545(*) afin de prendre
en compte les nouvelles dispositions relatives à la transmission, par
voie électronique, des actes de la commune, du département et de
la région qui sont soumis au contrôle de légalité
(délibérations du Conseil municipal, décisions
réglementaires et individuelles prises par le maire dans l'exercice de
son pouvoir de police, les permis de construire, etc.). En effet, le nouvel
article R. 2131-1 du Code général des Collectivités
territoriales prévoit que la commune, lorsqu'elle choisit d'effectuer
par voie de transmission électronique de tout ou partie de ces actes,
recourt à un dispositif de télétransmission ayant fait
l'objet d'une homologation, dont les conditions sont fixées par
arrêté ministériel.
2. Les difficultés d'instaurer une chaîne
civile à l'image de la chaîne pénale
D'une manière générale, il semble bien
que les instances administratives et surtout pénales acceptent plus
facilement les nouvelles technologies que les juridictions civiles. Ce
décalage ne s'explique pas par un manque d'innovation de ces
dernières ou une réticence de leur part. En effet, le passage du
civil au pénal méconnaît un certain nombre de
réalités irréductibles.
Tout d'abord, les procédures civiles sont sensiblement
plus diverses que ne l'est la procédure pénale. Les juridictions,
les compétences, les modes de représentation, la place de
l'écrit et de l'oral, l'existence ou l'absence de mise en état et
bien d'autres facteurs inscrivent des différences profondes dans le
déroulement du procès. Si les juridictions civiles veulent
installer des procédés techniques pour la gestion des dossiers,
il est donc indispensable que ces derniers s'adaptent à chaque
caractéristique de la chaîne civile.
De surcroît, la procédure civile est accusatoire,
malgré un rôle accru accordé depuis un certain nombre
d'années au juge. Les 5 premiers articles du Nouveau Code de
procédure civile énoncent clairement que le procès demeure
la chose des parties : seules les parties introduisent l'instance, elles
ont la liberté d'y mettre fin avant qu'elle ne s'éteigne par
l'effet d'un jugement ou en vertu de la loi (article 1er du NCPC),
elles conduisent l'instance (article 2 du NCPC), leurs prétentions
respectives déterminent l'objet du litige (article 4 du NCPC). Quant au
juge, sa fonction est de veiller au bon déroulement de l'instance
(article 3 du NCPC) et de se prononcé sur tout ce qui est demandé
et seulement sur ce qui est demandé (article 5 du NCPC). Ainsi, un
système informatique appelé à gérer une
procédure civile doit, dès l'enrôlement, être
adapté aux parties et à leurs avocats et devra mettre en liaison
le juge et ces derniers tout au long du procès. Il est donc beaucoup
plus difficile de mettre des nouvelles technologies dans le procès civil
en raison de la pluralité de personnes participant à la
procédure que dans le procès pénal où
l'accès au fichier semble se limiter à un seul intervenant (le
procureur de la république).
Ainsi, l'instauration des nouvelles technologies dans le
procès civil ne pourra se faire à l'image de la procédure
pénale en raison de l'existence des caractéristiques
procédurales diverses en matière civile. Néanmoins,
l'avancée timide de la procédure civile comparée à
la procédure pénale s'explique par la volonté de respecter
ses spécificités.
II. Les échanges dématérialisés
entre les tribunaux et les partenaires de la justice
La plus grande implantation de nouvelles technologies
existante est celle pour les relations entre les tribunaux et les partenaires
de la justice.
A. Entre les cours d'appel et les avoués
Un dispositif de communication électronique est
effectif depuis 2003 entre les cours d'appels d'Aix en Provence,
Besançon, Bordeaux, Pau et Versailles respectant le droit processuel et
les principes dégagés par le droit Européen. Il permet de
réduire les délais de transmission des actes, de supprimer les
déplacements inutiles et les échanges de courriers superflus et
ainsi, d'accélérer le rythme du procès civil. Ainsi,
grâce à la mise en place d'un réseau Intranet avec un point
d'entrée unique et sécurisé, l'avoué peut adresser
au greffe les données relatives à la déclaration d'appel.
Le greffier, après avoir vérifié le contenu du message,
l'intègre dans la base de données des affaires civiles de la
cour. Il adresse ensuite un accusé de réception à
l'avoué. Ce moyen peut être utilisé pour toutes les
pièces de la procédure.
B. Entre les juridictions civiles et les avocats
Tout d'abord, entre le TGI de Paris et son barreau, un
système de communication électronique
« E-GREFFE » ouvert depuis le 16 octobre 2003, permet aux
avocats de consulter le dossier informatique des affaires qui les concernent,
d'échanger électroniquement des documents et données
relatives aux affaires civiles traitées par la juridiction et de se
faire inscrire aux audiences de référé.
Ensuite, il convient de constater que les initiatives sont
prises par les praticiens eux-mêmes. De ce point de vue, la lecture du
nouveau règlement intérieur unifié du Conseil national des
Barreaux (CNB) montre que la profession d'avocat a d'ores et déjà
envisagé les conséquences de l'électronique sur l'exercice
de son métier46(*).
En effet, l'article 5 dudit règlement fait place à
l'électronique dans le débat contradictoire. Après avoir
rappelé que « la communication mutuelle et complète
des moyens de fait, des éléments de preuve et des moyens de droit
doit se faire spontanément en temps utile et par écrit pour
permettre dans le respect des droits de la défense, un procès
loyal et équitable », l'article 5-1 précise
qu' « un avocat correspond avec un confrère par voie
électronique à l'adresse figurant sur les documents
professionnels de son correspondant ». Dès lors, l'on
apprend simultanément qu'entre avocats, le contradictoire doit
déontologiquement être assuré par écrit, même
dans les procédures orales, et que la voie électronique est
assimilable à un écrit47(*). Ceci est d'autant plus confirmé que l'article
5-5 du règlement admet que « la communication de
pièces peut être faite par voie électronique, par la remise
de tout support de stockage de données numériques, ou l'envoi
d'un courrier électronique, s'il est justifié de sa
réception effective par le destinataire ».
Désormais, il reste à savoir quelle serait
à propos de cette pratique, la position de la jurisprudence qui en 2002
s'est montré hostile à la notification des conclusions d'appel
par télécopie48(*).
L'autonomie de la profession en ce qui concerne l'installation
de nouvelles technologies est exemplaire. En effet, depuis de nombreuses
années, les avocats se sont intéressés à ces
procédés modernes, créant EDIAVOCAT qui avait mis en place
le premier Intranet professionnel : AVOCAWEB, puis E-GREFFE. Ces
expériences ont abouti à la création d'un rapport
d'orientation d'un Intranet national de la profession d'avocat49(*), le 9 janvier 2004. Accueilli
favorablement par l'unanimité des membres du C.N.B., ce rapport ouvre
des perspectives prospères puisque le C.N.B. entend soumettre à
l'avis de la profession les choix qui se présentent à la
communauté des avocats pour lui permettre de fédérer les
moyens de sa communication électronique. La solution proposée est
alors celle de créer un « réseau privé virtuel
avocat » incluant une offre de messagerie sécurisée et
un Intranet dotant la communauté professionnelle de moyens techniques de
connexions avec les partenaires institutionnels publics (greffes des T.G.I. et
de T.C., services du cadastre, bureaux des hypothèques, centres de
formalités), sans oublier la signature électronique comme acte
juridique sécurisé des avocats permettant de venir s'intercaler
entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique.
Les avocats modernisent leur profession, conscients que
l'informatique et l'Internet sont parties intégrantes de leur vie
quotidienne et qu'ils ne peuvent qu'être impliqués à terme
dans les nouvelles technologies. Le C.N.B. tente donc de promouvoir
l'accès d'un maximum, sinon de la totalité des avocats aux
procédés électroniques, et ce, en raison de la
nécessité d'éviter en ce domaine une sorte de fracture
sociale qui serait une fracture technologique.
Si ces projets aboutissent, la profession répondra aux
demandes pressantes de ses partenaires qui sont d'établir des liaisons
sécurisées garantissant, outre l'intégrité des
messages, l'authentification de la qualité d'avocat.
Ces expérimentations ont vocation à être
étendue à l'ensemble des juridictions et des barreaux. Elles
ouvrent des horizons prospères permettant de répondre aux besoins
de ces praticiens et satisferont certainement les attentes des justiciables.
Les nouvelles technologies dans le procès civil ont
permis également la dématérialisation des actes de
procédures, ce qui n'est pas une moindre avancée en la
matière.
Section 2 - La dématérialisation des actes de
procédure
La loi n°2000-230 du 13 mars 2000 et les décrets
d'application ont fait entrer la signature électronique dans la
législation française. Ils constituent un cadre commun et sont
donc applicables en procédure civile. Dès lors, cette
réglementation particulière permet aux acteurs du procès
de réaliser différents actes, non pas sur support papier, mais
sur support électronique. Ces actes de procédure sont par
conséquent dits
« dématérialisés ».
Il est envisageable de distinguer trois catégories de
ces actes passés par voie électronique dont deux feront l'objet
d'une étude approfondie. D'une part, certains actes, à priori
dématérialisables sont les actes préparatoires
passés entre les auxiliaires de justice et leur client mais ils se
situent hors de la sphère judiciaire. D'autre part, les actes
d'administration judiciaire et les actes du palais constituent des
véritables actes de procédure pouvant être
dématérialisés (I). Enfin, il y a lieu de s'étendre
sur les actes de procédure à caractère authentique qui
représentent une vaste catégorie (II).
I. Vers une dématérialisation étendue
des actes d'administration judiciaire et actes du palais
A. Les actes relatifs à la mise en état d'une
affaire
La mise en état est la phase de la procédure
précédant l'audience de plaidoirie. Le juge de la mise en
état vérifie que les avocats se sont bien communiqués
leurs pièces et leurs conclusions et que l'affaire est en état
d'être jugée.
Les décisions concernant la mise en état d'une
affaire entrent dans la sphère judiciaire. Elles ne sont pas pour autant
des décisions juridictionnelles, n'ont pas de caractère
authentique et ne peuvent donner lieu à une voie de recours
indépendamment de la décision sur le fond50(*).
Dans la plupart des tribunaux de grande instance, la mise en
état actuelle est longue et constitue une perte de temps
considérable pour l'avocat. En effet, ce dernier ne reste que quelques
minutes à expliquer ses instructions au juge de la mise en état
(renvoi de l'affaire, injonction de conclure pour l'adversaire, clôture)
qui va sur le champ lui donner sa décision et une date
ultérieure. L'avocat doit donc souvent se déplacer au tribunal
alors même qu'il n'a qu'une seule affaire pendante.
Néanmoins, pour certaines affaires qui ne
présentent pas de difficultés procédurales, les cabinets
d'avocats préparent souvent la mise en état par
téléphone ou par voie de télécopie et n'ont donc
pas besoin de se déplacer au tribunal. Par exemple, il arrive que
l'affaire ne puisse faire l'objet que d'un renvoi puisque la partie adverse n'a
pas signifié ses écritures. Dans ce cas, l'avocat demandeur
à l'instance va écrire à la suite du bulletin ses
intentions comme tel « Je demande le renvoi de cette affaire
faute pour l'adversaire d'avoir signifié ses conclusions en
réponse (...) ». Le bulletin va ensuite être
envoyé par voie de télécopie à l'avocat adverse et
au tribunal trois jours au moins avant la date de l'audience afin que ces
derniers soient prévenus de ses instructions. Le juge de la mise en
l'état peut donc, sans la présence physique des avocats
établir une date de renvoi. Cette hypothèse n'est cependant pas
si fréquente puisque souvent les affaires présentent de
réels obstacles de procédure qui nécessitent une
communication rapide et instantanée, un dialogue rapide entre les
acteurs du procès civil.
Employer les nouvelles technologies dans cette phase purement
procédurale du procès civil semblerait sauvegarder le
contradictoire grâce à un accès à l'information
immédiate de l'évolution du dossier et la transparence et la
sécurité juridique dans les communications transmises paraissent
garanties.
Cette idée d'utiliser des moyens techniques modernes
pour cette phase préalable à la plaidoirie a déjà
été prise en compte puisque le TGI de Paris se sert, à
titre expérimental, d'une mise en état par voie
électronique par le biais du réseau virtuel privé, un
Intranet nommé « E-GREFFE ». Ce dispositif permet
donc le traitement de la procédure de la mise en état
électronique pour la 4ème et la 5ème
Chambre du TGI (1° et 2° section). L'accès aux données
et l'échange d'informations par Internet permettent d'alléger les
tâches administratives des cabinets et d'éviter des
déplacements.
Le traitement de la procédure de la mise en état
électronique devrait se développer au fur et à mesure
à chacune des sections des Chambres Civiles du TGI de Paris. E-GREFFE
s'est d'ailleurs étendu puisque la mise en état
électronique au service des Juges aux Affaires Familiales est
opérationnelle depuis le 1er Avril 200551(*).
Le bilan de cette expérimentation s'avère donc
positif puisque son extension est en train de se réaliser. La
dématérialisation des actes de la mise en l'état pourrait
probablement gagner l'ensemble des juridictions civiles françaises
permettant un gain de temps pour les avocats, greffiers et magistrats.
B. Les actes de palais établis entre les partenaires
du procès civil
Les actes de palais constituent des significations entre
professionnels dont dépend l'exercice d'un droit procédural. Il
sont échangés entre les seuls avocats et avoués et cet
échange est opposable aux parties bien qu'elles ne soient pas
directement destinataires.
Ces actes pourraient être
dématérialisés si les conditions techniques étaient
satisfaites pour garantir de l'identification de leur auteur et leur
authenticité. Légalement en tout cas, ce processus de
dématérialisation est envisageable puisque la loi du 13 mars 2000
et Décret du 30 mars 2001 précisent les conditions à
réunir pour qu'un acte puisse s'effectuer de manière fiable par
voie électronique. Il faut en effet s'assurer que le message
électronique émane réellement de celui auquel on l'impute
et garantir l'intégrité de l'acte.
Cette technique éviterait des déplacements
inutiles étant donné que les actes seraient transmis de
manière instantanée assurant la confidentialité et le
respect des droits de la défense.
Si le support électronique vient à remplacer le
support papier, c'est qu'il offre des avantages en terme de productivité
et de gestion d'une affaire. Et ce n'est pas parce que le texte n'est plus
inscrit sur du papier mais sur un écran, après sa transmission
également dématérialisée, qu'il perd pour autant sa
qualité d'écrit.
Dès lors, tout comme l'acte sous-seing privé,
l'acte authentique peut être dématérialisé.
II. L'acte authentique adapté aux nouvelles
technologies
L'acte authentique est aux termes de l'article 1317
alinéa 1er du Code civil « celui qui a
été reçu par officiers publics ayant le droit
d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été
rédigé, et avec les solennités requises ».
Modèle historique de la force symbolique du papier, de la plume, de
l'archivage, de l'autorité, il est aujourd'hui toujours efficace,
quoique concurrencé par la révolution de l'immatériel. Il
n'est dès lors guère étonnant que la loi n°2000-230
du 13 mars 2000 sur la preuve électronique ait également eu
à identifier l'acte authentique électronique. En effet, en
adoptant cette loi, le législateur a consacré la notion d'acte
authentique établi sur support électronique. L'ajout d'un
alinéa 2 à l'article 1317 du Code civil a donc permis à
l'acte authentique d' « être dressé sur support
électronique s'il est établi et conservé dans des
conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».
Le pouvoir réglementaire a donc la charge d'organiser les
modalités de mise en oeuvre de la réception d'un acte
établi sur support électronique.
Afin de comprendre cette législation et les multiples
discussions qui en découlent, il convient d'abord de s'interroger sur ce
qu'est un acte authentique.
A. Précisions sur la notion d'acte
authentique
L'acte authentique, témoignage d'un officier public, se
définit comme un acte instrumentaire (instrumentum), comme un
écrit qui constate un acte juridique (negocium)52(*). En règle
générale, il n'est qu'un instrument de preuve mais il peut
également être nécessaire à la formation même
d'un contrat devenant ainsi, par dérogation au principe du
consensualisme, une condition de forme nécessaire à sa
validité.
L'acte authentique est donc dressé par un tiers,
notaire ou huissier de justice par exemple contrairement à un acte sous
seing-privé qui est établi par les parties elles-mêmes. Ce
tiers est un témoin officiel, une personne qui tient de l'Etat la
mission de constater une convention ou une situation, de les authentifier.
Lorsque l'acte authentique est établit par un notaire, c'est de sa
qualité de « témoin
privilégié » qu'il tire la double force qui le
caractérise : sa force probante et par suite, sa force
exécutoire.
S'agissant de sa force probante, l'acte authentique est
« supérieur » à un acte sous-seing
privé. En effet, aux termes de l'article 1319 du Code civil,
« l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il
renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants
cause ». Par conséquent, alors que l'acte sous-seing
privé peut être combattu par un autre écrit, un acte
authentique ne peut être contredit que par la procédure
d'inscription de faux c'est-à-dire jusqu'au succès d'un
procès parvenant à établir que l'officier public a menti
ou a commis un faux53(*).
Cette résistance à la preuve contraire s'explique par le fait que
l'acte authentique porte le témoignage de l'officier public ou
ministériel et non un témoignage ordinaire qui pourrait
être détruit par tous les modes de preuve. Les actes dont les
constatations sont faites au nom de l'Etat et qui détiennent donc le
sceau, doivent alors être crus sur parole.
Quant à la force exécutoire qui existe
essentiellement pour les actes notariés, elle s'explique par sa force
probante. C'est parce que l'acte authentique fait foi jusqu'à
inscription de faux de son origine, de son contenu et de sa date, qu'il a force
exécutoire. En effet, l'obligation qu'il constate est tenue pour
certaine, ce qui entraîne que l'exécution peut être
immédiate. Inversement, l'acte sous seing privé n'offre pas cette
certitude puisqu'il ne fait pas foi dès son origine, les signatures
qu'il porte pouvant être déniées et la preuve contraire
à son contenu pouvant être rapportée plus facilement. Pour
ces derniers, il faut donc vérifier l'existence de l'obligation avant de
passer à l'exécution.
Par conséquent, l'idée de
dématérialiser l'acte authentique engendre des questions
importantes étant donné que ce dernier a des
caractéristiques précises qu'il convient de sauvegarder. Le
passage de l'acte authentique traditionnel à l'acte authentique
électronique doit donc se faire avec prudence, ce qui a bien
été assimilé par le législateur qui a
décidé de soumettre sa mise en oeuvre par un décret en
Conseil d'Etat.
B. L'adaptation de l'acte authentique sur support
électronique
La réflexion sur le concept d'acte authentique
établi sur support électronique est dense. La majorité de
la doctrine et de la pratique s'accordent sur la réflexion du Professeur
Catala : « L'authenticité ne peut se passer de cette
comparution physique du contractant par devant le témoin
privilégié habile à recevoir l'acte. Ce point central
étant tenu pour essentiel, c'est autour de lui qu'il faut inventer les
adaptations possibles des formes actuelles aux technologies
futures »54(*). Ainsi, beaucoup d'interrogations subsistent
relatives à l'élaboration, la rédaction et la transmission
d'un acte authentique électronique.
1. L'authenticité des actes électroniques
par les notaires
S'agissant des actes authentiques notariés, la forme
électronique ne saurait dispenser de la nécessité pour
chaque partie d'exprimer son consentement devant le notaire. Si l'acte est fait
à distance, il suppose le concours de deux notaires qui, chacun
situé au lieu où se trouve l'une des parties, recueillent leur
consentement.
Il convient donc d'écarter deux thèses. D'une
part, il paraît délicat d'envisager qu'un acte authentique
à distance soit réalisé par un seul et même notaire
qui devra recueillir le consentement puisque l'unicité instrumentaire
n'implique pas l'unicité de notaire. D'autre part, l'acte authentique
à distance dans lequel le notaire recueille les consentements des
parties en dialoguant avec elles ne peut pas être admis. En effet,
comment vérifier la qualité du consentement du contractant
invisible et que son engagement soit libre et éclairé ?
L'appréciation du sérieux du consentement ne peut donc se faire
qu'avec la seule présence physique d'un témoin officiel.
Dès lors, concrètement, le déroulement de
la passation d'un acte authentique55(*) pourra se faire comme tel dans l'hypothèse
où les parties sont éloignées l'une de l'autre. Deux
notaires, l'un instrumentaire et l'autre distant, vont se connecter sur leur
réseau intranet sécurisé R.E.A.L. Un logiciel
approprié leur permettra de travailler ensemble, simultanément
sur l'acte dont le texte s'affiche à l'identique sur leur écran
d'ordinateur. L'accord une fois réalisé sur un texte, chacune des
parties y apposera sa signature électronique en présence de son
notaire qui recevra ainsi son consentement. Puis, chacun des notaires y
apposera la sienne : d'abord, le notaire distant, puis le notaire
instrumentaire dont la signature rendra l'acte authentique selon les termes de
l'article 1316-4 du Code civil. Ainsi, l'acte est définitif, comme il
le serait s'il avait été dressé sur support papier.
Par conséquent, cette procédure ne remet donc
nullement en cause l'authenticité traditionnelle liée à la
présence physique de chacune des parties devant le notaire.
Néanmoins, il semble qu'une question reste en suspend : lequel des
notaires peut être poursuivi pour inscription de faux ? Tout
dépend de la nature du faux allégué, matériel ou
intellectuel mais devant la difficulté de prouver l'altération
frauduleuse de la vérité, l'ensemble des notaires ayant concouru
à l'authentification de l'acte sera à l'évidence
inquiété jusqu'à ce que l'instruction révèle
l'auteur de l'éventuelle infraction. Ce point reste ambigu et
mériterai d'être réglé soigneusement par le pouvoir
réglementaire.
2. Les actes authentiques électroniques des
huissiers de justice
Concernant l'utilisation de l'acte authentique
électronique par les huissiers de justice, les praticiens se sont
interrogés sur les conditions pratiques de l'équivalence des
écrits papiers et électroniques. Réunis en groupe de
travail, plusieurs huissiers de justice ont formulés des propositions
à partir de l'analyse des textes de base régissant la
profession56(*), du
nouveau code de procédure civile et du Code général des
impôts.
L'adoption d'un acte authentique électronique semble
envisagé comme une hypothèse particulière. Le principe de
l'écrit sur support papier ne paraît donc pas remis en cause. En
effet, le projet de modification de l'article 648 du NCPC envisage d'ajouter
une nouvelle mention obligatoire « Si l'acte est
rédigé sur support électronique (...), [il doit
contenir] la mention qu'il a été dressé sous forme
électronique ». Par ailleurs, l'exigence classique d'une
signature manuscrite ne paraît pas poser de problème particulier.
Les huissiers de justice semblent admettre facilement l'idée d'une
signature électronique sécurisée en proposant la
création d'un nouvel article 654-1 du NCPC dont l'alinéa 2
prévoirait que « l'huissier de justice utilise un
procédé de signature électronique sécurisée
(...) permettant un traitement de l'information conformément aux
prescriptions ».
Les propositions relatives à la signification
électronique sont plus intéressantes. En effet, la proposition
des huissiers de modification de l'article 648 n'envisage pas une signification
électronique puisqu'il semble que l'utilisation d'une messagerie
électronique ne permette pas cependant de s'assurer de l'identité
de la personne qui reçoit l'acte. La signification à personne par
cette voie électronique paraît donc impossible de ce fait puisque
ce qui donne à l'acte son authenticité, c'est justement le fait
qu'il soit remis personnellement par un officier public. Sans intervention
physique de l'huissier, l'acte perdrait toute sa force57(*).
Ces réflexions témoignent de l'ampleur de la
tâche relative à l'élaboration du décret en Conseil
d'Etat qui va permettre de mettre en oeuvre les actes authentiques
électroniques. Il aurait été possible de penser qu'avec la
LCEN la quasi-totalité des formalités requises à titre de
validité de l'acte puisse être accomplie par voie
électronique étant donné que l'article 1108-1 du Code
civil autorise l'écrit électronique à titre de
validité de l'acte. Néanmoins, adopter cette idée pour les
actes authentiques reviendrait à leur faire perdre leurs
caractéristiques fondamentales qui font leur force juridique.
L'identification des parties et l'authentification des témoins officiels
doivent en effet être garantis.
L'utilisation des nouvelles technologies dans la
procédure civile doit donc se faire de manière
sécurisée. En effet, même si elles présentent
l'avantage de la rapidité et de l'efficacité, il faut se demander
si elles livrent les mêmes garanties en termes de confidentialité
et de respect du secret professionnel que lorsque les actes de
procédures sont accomplis par des déplacements physiques des
praticiens. La dématérialisation des procédures, si elle
se traduit par un gain de temps pour les avocats, ne doit donc pas sacrifier la
sécurité des échanges et la confidentialité des
documents.
Ainsi, pour que ces dernières puissent s'appliquer dans
notre système juridique, la mise en place d'une méthode de
sécurisation des échanges dématérialisés de
messages et de documents utilisés par les praticiens du droit comme par
les usagers est indispensable. La puissance des réseaux tout en assurant
une confiance dans la transmission des données semble se faire depuis
peu de temps par le mécanisme de la certification électronique.
A l'heure actuelle, il a déjà été
envisagé de faire appel à des organismes de certification pour la
délivrance de certificats électroniques qui vont garantir
l'identification et l'authentification des professions judiciaires
amenées à utiliser des actes authentiques
électroniques.
Les notaires ont d'ailleurs compris le débat sur la
sécurité des transmissions des actes et aujourd'hui, avec leur
structure nationale ADSN, Association pour le Développement du Service
notarial, ils ont mis en place le réseau Intranet notarial qui compte
plus de 5500 abonnés, une architecture de certification avec la mise en
place de la carte « REAL Plus » qui gère les
certificats électroniques leur permettant l'accès à
certains fichiers, à commencer par la Conservations des
hypothèques.
Maintenant que l'on connaît les facteurs favorables
à l'instauration des nouvelles technologies dans la procédure
civile, il faut passer à l'étude des procédures de
sécurisation de l'échange de documents qui s'opère par le
biais de la certification.
Chapitre 3 : La sauvegarde de la
sécurité juridique par la certification
Garantir la sécurité juridique est essentiel
pour permettre une bonne administration de la justice. Ainsi, si
l'électronique entre dans la sphère judiciaire et permet aux
acteurs du procès civil d'échanger des documents par Internet, il
convient de mettre en place un système mettant en oeuvre une
dématérialisation des données en toute
sécurité. Les justiciables doivent être rassurés par
ces nouveaux moyens procéduraux et les principes directeurs du
procès civil doivent être respectés.
La certification est un mécanisme novateur permettant
de répondre à ces exigences de confidentialité,
d'identification et d'authentification. Créée en France en
application de la Directive Européenne du 12 décembre 1999 sur la
signature électronique, la certification a été
adoptée et définie par les décrets d'application de la loi
du 13 mars 2000. Elle offre aux acteurs du procès ainsi qu'aux
justiciables une confiance dans l'échange des données
dématérialisées par l'emploi de certificats
électroniques délivrés par une autorité de
certification utilisant des techniques cryptographiques.
Le service E-GREFFE, réseau virtuel existant au
tribunal de grande instance de Paris permettant la liaison entre ce dernier et
les avocats de son barreau, a été le premier à utiliser
cette méthode de la certification. Les développements qui
suivront s'appuieront alors en majorité sur cet exemple.
Afin de comprendre les enjeux de la certification pour les
échanges dématérialisés (section 2), il convient
d'abord de s'intéresser au fonctionnement technique de la certification
(section 1).
Section 1 - La certification, un outil de confiance
La certification tend à respecter la
confidentialité et l'authenticité des données transmises
par les professions juridiques et judiciaires (I).En effet, le décret du
18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification
de la sécurité offerte par les produits et les systèmes
des technologies de l'information énonce dans son articler
1er que « la sécurité offerte par des
produits ou des systèmes des technologies de l'information, au regard
notamment de leur aptitude à assurer la disponibilité,
l'intégrité ou la confidentialité de l'information
traitée face aux menaces dues en particulier à la malveillance
peut être certifiée(...) ». Dès lors, des
certificats électroniques sont utilisés en vu de protéger
les échanges dématérialisés (II).
I. Des exigences de confidentialité et
d'authentification respectées
Le maniement d'Internet peut s'avérer périlleux
pour les avocats et des autres professions judiciaires. En effet, leurs
règles déontologiques sont incompatibles avec
l'insécurité pouvant régner sur le Web (A). La loi du 13
mars 2000 et ses décrets d'application ont choisi un
procédé pour garantir ces normes : la cryptographie (B).
A. Un conflit entre le besoin de sécurité
juridique et les risques du Web
Le réseau Internet est un espace ouvert où
chacun peut naviguer sans s'identifier. Ainsi, si les professions juridiques
sont amenées à échanger par Internet des documents ou des
actes de procédure contenant des informations personnelles,
privées et donc couvertes par le secret professionnel, il est
indispensable que cela s'effectue de manière sécurisée.
L'espace de communication entre ces acteurs doit donc garantir ces aspects
fondamentaux de bonne organisation de la justice.
Les transmissions de messages et documents doivent alors se
défendre contre le vol d'information et s'assurer de
l'intégrité des documents. Mais il faut également
sécuriser les systèmes informatiques, c'est-à-dire
protéger l'espace virtuel contre les vols de mots de passe, les
intrusions dans les systèmes et les virus. En effet, les
problèmes techniques et juridiques rencontrés avant la mise en
oeuvre du service E-GREFFE58(*) représentent des difficultés
générales dont il convient de faire face pour que les acteurs du
procès civil puissent avoir confiance en l'utilisation des nouvelles
technologies.
D'abord, les transmissions doivent être fiables. Il y a
lieu de respecter des exigences d'identité du message envoyé au
message reçu et la confidentialité des échanges de
documents et correspondances doit être assurée. Le service
oeuvrant à la dématérialisation des procédures doit
donc assurer la certification des messages et documents, en garantir
l'intégrité et le respect du secret professionnel. Par exemple,
lorsqu'un avocat envoie une demande de référé aux services
du greffe du TGI de son ressort, il ne faut pas qu'un tiers puisse lire la
communication et puisse en modifier le contenu. En effet, cette modification
pourrait être préjudiciable aussi bien pour le tribunal que pour
l'avocat et le client dans le cas où le message n'aurait pas
été régulièrement reçu au tribunal.
De la même manière, lors de la communication avec
les services d'un tribunal par courriel, il serait malvenu qu'un tiers puisse
avoir accès à celui-ci et en altère le contenu.
Ensuite, cette architecture de certification doit faire face
à des problèmes d'identification et d'authentification des
utilisateurs. Ces derniers doivent être reconnus avec certitude et les
partenaires destinataires doivent bien être ceux qu'ils prétendent
être. L'enjeu est important puisqu'il a pour objet la non
répudiation des messages : l'utilisateur ne doit pas pouvoir nier
qu'il a envoyé une communication ou en avoir reçue une.
Dès lors, l'identification et l'authentification lors de la connexion
sur le réseau doivent être certaines.
En outre, la vie privée des clients doit être
respectée. Dans certains cas en effet, les communications
effectuées pourront contenir des informations personnelles sur des
clients telles que leur nom, adresse, situation patrimoniale... Le fait qu'un
tiers puisse avoir accès à ces éléments serait
contraire au respect de la vie privée des clients.
Par conséquent, afin de faire face à ces
diverses difficultés, le législateur a prévu de faire
appel à une technique de sécurisation des échanges de
données sur Internet : la cryptographie.
B. La cryptographie, le fondement de la
sécurité des échanges
dématérialisés
La cryptographie est la discipline incluant les principes, les
moyens et les méthodes de transformation des données, dans le but
de masquer leur contenu, empêcher leur modification ou leur utilisation
illégale, ainsi que les opérations inverses, pour rendre le
document à nouveau intelligible59(*). Un moyen de cryptologie est défini comme tout
matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des
données, qu'il s'agisse d'informations ou de signaux, à l'aide de
conventions secrètes ou pour réaliser l'opération inverse
avec ou sans convention secrète. Ces moyens de cryptologie ont
principalement pour objet de garantir la sécurité du stockage ou
de la transmission de données, en permettant d'assurer leur
confidentialité, leur authentification ou le contrôle de leur
intégrité60(*).
La cryptographie repose sur l'utilisation de
« clés » servant à chiffrer les parties les
plus sensibles de la communication dématérialisée. Les
documents signés sur support cryptographique sont opposables au tiers en
vertu de la loi du 13 mars 2000 et de ses décrets d'application.
En pratique, une donnée transmise est scellée
par le calcul d'une empreinte électronique afin d'empêcher toute
modification non autorisée. Cette empreinte est la représentation
réduite et de taille fixe du message ou du document
dématérialisé. Elle est construite par l'application d'un
calcul sur le contenu du message de sorte que toute modification donne lieu
à une empreinte différente. Ainsi, la comparaison entre
l'empreinte calculée et l'empreinte recalculée à la
réception du message ou du document permet de détecter les
éventuelles modifications et falsifications.
Deux types de cryptographie sont généralement
utilisés: la cryptographie à clé secrète ou
clé symétrique d'une part et la cryptographie à clé
publique et privée ou clé asymétrique d'autre part, qui
est la méthode la plus utilisée pour transmettre et
échanger des données dématérialisées de
façon sécurisée.
Dans le premier cas, les utilisateurs partagent une même
clé qui servira à l'émetteur pour crypter le message et au
récepteur de le décrypter. Le problème de cette
méthode est qu'il faut trouver le moyen de transmettre de manière
sécurisée la clé à son correspondant. Parce que
faute de trouver une solution satisfaisante à cette difficulté,
ce procédé n'est pas utilisé.
Dans le second cas, chacun des interlocuteurs détient
sa propre clé : chacune des parties engagées dans une
transaction est muni de ces deux clés. La clé privée est
totalement secrète et ne doit en aucun cas être
communiquée ; elle est conservée dans une zone inviolable du
disque dur de l'ordinateur ou bien sur une « clé
USB » une « carte à puce ». Quant à
la clé publique, celle-ci est accessible à tous et est transmise
à tous les intervenants sans restriction.
La connaissance d'une des deux clés ne permet pas de
déterminer l'autre. Un message crypté avec une clé
publique ne peut être découvert qu'avec la clé
privée correspondante et inversement une communication cryptée
avec une clé privée ne peut être lue qu'avec la clé
publique.
Ces clés ne peuvent donc être dissociées.
Une autorité est chargée de leur distribution, de leur
conservation et de leur remplacement. Il s'agit du gestionnaire des
clés61(*) qui est
un tiers de confiance.
Dès lors, cette technique garantit le respect de la
confidentialité des échanges de documents et des correspondances
tout en assurant l'identification et l'authentification des utilisateurs. En
définitive, ces clés font office de signature électronique
et donnent la certitude de l'identité de l'émetteur puisque la
clé privée sert à crypter le message et la clé
publique à le décrypter.
Les insécurités du web sont
atténuées et les exigences inhérentes à la
déontologie des professions juridiques et judiciaires ainsi que le
respect de la vie privée de l'individu paraissent sauvegardés.
La cryptographie est donc bien le fondement de la
sécurisation des échanges. Elle s'opère par l'utilisation
de certificats électroniques permettant d'échanger des documents
authentifiés et certifiés sur Internet.
II. Le certificat électronique, l'outil de la
dématérialisation des échanges
Le certificat numérique est une véritable carte
d'identité électronique qui permet aux utilisateurs de
s'identifier sur Internet ou sur un réseau privé afin de pouvoir
transmettre des données et assurant la confidentialité des
échanges.
Le décret du 30 avril 2001 pris pour l'application de
l'article 1316-4 du code civil et relatif à la signature
électronique définit le certificat électronique comme un
document sous forme électronique attestant du lien entre les
données de vérification de signature électronique et un
signataire. Il a donc pour fonction de sauvegarder l'intégrité
d'une signature électronique.
Le certificat électronique doit, pour être
intègre, être délivré par une société
qui détient une autorité afin qu'elle puisse contrôler ce
système. Actuellement, CertEUROPE met en place des autorités de
certification en France sur le marché de la
dématérialisation. Il convient donc d'abord de se pencher
davantage sur le fonctionnement et l'intérêt du mécanisme
du certificat numérique (A) afin d'étudier ensuite le rôle
de l'autorité de certification (B).
A. Une identification électronique garantie
La certification repose sur l'émission de certificats
électroniques permettant une navigation sécurisée sur le
web puisqu'ils garantissent l'authentification de l'utilisateur. Les
concepteurs d'E-GREFFE ont d'ailleurs fait appel à ce système
d'échange. Il s'agit là d'un exemple qui a vocation a montrer les
intérêts d'un tel outil.
1. Un support sécurisé de la
dématérialisation des échanges
Afin qu'une transmission numérique soit
sécurisée, le dispositif de certification doit garantir, par des
moyens techniques et des procédures appropriées, que les
données de création de ne peuvent être établies plus
d'une fois et que leur confidentialité est assurée. Aussi, les
données ne peuvent être trouvées par déduction et
elles doivent protégées contre toute falsification. Les documents
dématérialisés doivent donc être
protégées de manière satisfaisante par le signataire
contre toute utilisation par des tiers. Dès lors, les textes envisagent
l'utilisation de certificats électroniques délivrés par
une autorité de certification pour que toutes ces exigences soient
respectées.
Par le certificat électronique, l'utilisateur d'un
réseau permettant d'effectuer des échanges
dématérialisés va attester de son identité. Le
certificat garanti que tous les adhérents du service sont bien des
membres. Il joue donc le rôle de pièce d'identité
électronique ou de passeport électronique permettant ainsi
d'identifier l'émetteur du message et d'en garantir
l'intégrité comme la confidentialité.
Le certificat numérique est composé
d'informations personnelles sur le porteur, le tout signé par une
autorité de certification. Il est attaché à l'attribution
d'une clé qui est un document attestant de la propriété et
de la durée de validité de celle-ci.
Le certificat électronique d'authentification
utilisée prévus dans les décrets un certificat dit
« qualifié », c'est-à-dire que l'utilisateur
se sert de la cryptographie asymétrique, par clé privée et
publique. Il répond à des règles strictes imposées
par le décret du 30 avril 2001. En effet, il doit contenir plusieurs
éléments tels que la version, le numéro de série,
le nom du porteur, sa clé publique, les dates de validité, le nom
de l'émetteur, l'identification de la politique de certification et la
signature de l'émetteur.
Cet outil permettant une sécurisation des
échanges de documents, assurée par l'utilisation de certificat
électronique, a été choisi pour régir les relations
dématérialisées entre le Tribunal de Grande Instance de
Paris et les avocats de son barreau.
2. Le fonctionnement du certificat électronique
à travers l'exemple d'E-GREFFE
L'accès au service d'E-GREFFE, réseau
d'échanges dématérialisés entre le TGI de Paris et
les avocats, s'effectue par le biais d'un certificat électronique qui
atteste de l'identité et de la qualité de l'avocat utilisateur.
Le certificat garantit que tous les adhérents au service sont des
membres du Barreau de Paris. L'identité de l'utilisateur,
l'intégrité du message et la confidentialité sont
assurés grâce à ce procédé.
Les avocats retirent leur certificat auprès de l'Ordre.
Ce dernier est crypté par la clé privée de l'entité
qui attribue les clés et il est remis pour une durée de 3 ans. En
cas de perte, le certificat est révoqué, c'est-à-dire que
l'accès est bloqué et l'avocat ne peut plus accéder au
réseau sauf s'il se représente au Barreau pour obtenir une
nouvelle clé.
La clé est donc le support matériel de la
certification qui sert à authentifier l'avocat utilisateur. Il s'agit
d'une clé USB ayant beaucoup de mémoire afin d'assurer une
sécurité des échanges élevée.
Néanmoins, une clé ne peut fonctionner sans un code d'activation.
Concrètement, pour se connecter sur le site de l'Ordre, l'avocat va
entrer son code et présenter son certificat. Ainsi, la session s'ouvre
entre le greffe et le poste de l'avocat.
La navigation sur le service semble alors
sécurisée puisqu'un support matériel sert à
identifier et à authentifier l'utilisateur. Le mécanisme du
certificat électronique paraît être une avancée
technologique importante permettant de procéder à des
échanges de documents dématérialisés tout en
respectant la sécurité juridique.
Reste que l'utilisation actuelle de ce certificat devra pour
s'étendre faire ses preuves à l'égard des professionnels
du droit encore méfiants quant à l'utilisation de nouvelles
technologies pour l'accomplissement des actes juridiques. La présomption
de fiabilité du procédé, soumise à des conditions
qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat, est posée
en faveur des personnes qui auront recours soit aux services d'un tiers ayant
fait l'objet d'une accréditation volontaire (une autorité de
certification), soit à des produits correspondants à des normes
mentionnées dans une liste publiée au Journal Officiel de la
Communauté Européenne. Néanmoins, l'intervention d'un
tiers contrôlant le certificat électronique et ayant une
autorité d'enregistrement semble nécessaire pour la
sécurité et la confiance des échanges électronique.
B. L'autorité de certification indispensable
à la sécurisation des échanges
Afin que les échanges
dématérialisés puissent se réaliser de
manière sécurisée et que la preuve de ces échanges
soit sauvegardée, un tiers indépendant dénommé
autorité de certification doit contrôler le tout. En France,
déjà quelques autorités de certification sont
présentes sur le marché judiciaire.
1. L'intervention d'un tiers certificateur neutre et
indépendant
La preuve est un élément déterminant de
la reconnaissance d'un droit. En effet, la préconstitution d'une preuve
permet d'établir le contenu d'un droit, de prévenir et de
régler les contestations ultérieures. Or, les règles de
droit français relatives à la preuve et à sa conservation
dépendent de nombreux textes et principes généraux au sein
desquels l'informatique doit trouver sa place. Les professions
réglementées et les professionnels du droit (huissiers de
justice, avocats, notaires, greffiers...) sont déjà des
spécialistes de la certification reconnus pour leur expérience,
leur intégrité, leur indépendance, leur discrétion
et leur objectivité. Ainsi, une autorité de certification doit
leur permettre de continuer à assumer pleinement leur rôle de
caution morale « supérieure ».
L'autorité de certification est donc un
élément clé de la confiance dans la
dématérialisation des actes et échanges. Elle est un tiers
indépendant qui possède un rôle très important dans
le système probatoire puisqu'il est chargé de contrôler
l'accomplissement des échanges électroniques et d'en conserver la
trace. Ce tiers est donc un témoin qui améliore la qualité
de la preuve. Il s'insère parfaitement dans la logique d'assurer la
sécurisation des transmissions de messages sur les réseaux sans
ingérence dans le contenu des échanges, et de fournir des preuves
irréfutables qui puissent être acceptées par les parties en
cas de litige62(*). C'est
ainsi que cette autorité de certification peut notamment proposer
différents services de sécurité et de contrôle comme
par exemple une non répudiation par l'émetteur et le destinataire
des données transmises ou bien un horodatage complet.
Seule l'intervention d'un tiers indépendant permet de
renforcer l'efficacité de la preuve. Concrètement, à
défaut de relever d'une activité réglementée et
d'avoir un statut légal (tel le notaire ou l'huissier de justice), il
doit s'agir d'un organisme prestataire dont la neutralité et
l'indépendance sont indiscutables.
Le décret du 18 avril 2002 et l'arrêté du
31 mai 2002 organisent le régime de ces autorités de
certification. L'obtention d'une autorisation permettant de créer une
telle autorité est soumise à un système
d'accréditation volontaire. Ce sont le Comité français
d'accréditation (COFRAC), association déclarée le 4 mai
1994, ainsi que les organismes d'accréditation signataires de l'accord
européen multilatéral pris dans le cadre de la coordination
européenne des organismes d'accréditation, qui sont
chargés d'accréditer les organismes qui procéderont
à l'évaluation des prestataires de services de certification
électronique en vue de reconnaître leur qualification (article
1er dudit arrêté). Ces prestataires de services de
certification63(*) ou
autorités de certification sont des entités ou des personnes
physiques ou morales qui délivrent les certificats électroniques
et fournissent d'autres services liés aux signatures
électroniques. Mais pour être habilitées à
émettre des certificats, ces autorités ont l'obligation de
remplir les conditions minimales de sécurités
étudiées (cryptographie, utilisation de clés publiques et
privées, etc.).
Il pèse sur le prestataire des obligations techniques
ainsi que des obligations d'information et de conseil. En effet, la protection
des données emporte obligation pour les Etats qu'ils s'assurent que les
autorités de certifications et les organismes responsables de
l'accréditation respectent les exigences figurant dans la Directive du
24 octobre 1995 sur le traitement des données à caractère
personnel. Par conséquent, tous les organismes en France doivent
déclarer à la C.N.I.L. les données nominatives de leurs
abonnées. En cas de préjudice, l'autorité est responsable
de l'exactitude des informations qu'elle inscrit dans les certificats au moment
de leur date de délivrance, du lien entre le signataire et une
clé, et si elle omet d'enregistrer ou de publier la révocation
d'un certificat sur ses lignes accessibles en ligne. Il est également
prévu une simple présomption de responsabilité qui peut
donc être écartée en cas d'absence de faute prouvée.
Néanmoins, on peut penser que la preuve négative ne sera pas
facile à établir étant donné que l'autorité
de certification bénéficiera d'une accréditation. Aussi,
l'autorité devra se protéger en insérant des clauses
élusives ou limitatives de responsabilités prévoyant les
limites de l'utilisation du certificat, ce de façon à
éviter tout risque de confusion. Il est donc possible qu'à
l'avenir nos juridictions viennent à se prononcer sur un tel
contentieux.
2. Les exemples prometteurs d'autorités de
certification
Certeurope est une entreprise française qui
conçoit et met en oeuvre des autorités de certification qui
exécutent ce mécanisme auprès d'entreprises comme de
professionnels du droit tels que le GIE Infogreffe, l'Ordre des avocats au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, l'Ordre des avocats à
la Cour d'Appel de Paris ou encore à la Chambre Nationale des Huissiers
de Justice.
Il convient de se pencher sur l'exemple d'Infogreffe afin de
comprendre les intérêts d'une dématérialisation des
échanges pour les professions judiciaires. Infogreffe est une
autorité de certification qui distribue sont propre certificat
électronique d'authentification et de signature nommé
« certigreffe ». Ce certificat électronique va
permettre, dès que les textes juridiques le permettront, d'effectuer
directement en ligne diverses formalités telles que des injonctions de
payer, inscriptions de crédit-bail, immatriculations de
sociétés, modifications. Ces formalités sont à
destination des Greffes des Tribunaux de Commerce répartis sur
l'ensemble du territoire français. Chacun vont enregistrer et accuser
réception de ces dernières de manières
dématérialisées, sous le contrôle de
l'autorité de certification.
Pour Monsieur Jacques Doucède64(*), il s'agit d'un projet
d'envergure et éminemment moderne. Il déclare que
l'autorité de certification d'Infogreffe permet à la profession
de greffier du Tribunal de Commerce de poursuivre son évolution
technique de façon décisive et que les greffiers vont dès
lors améliorer plus encore la qualité de leurs services à
l'égard des entreprises.
Ainsi, cet exemple paraît prometteur. On peut concevoir
le gain de temps que peut procurer une telle installation technique pour les
professions juridiques. Néanmoins, sans respect de la
sécurité juridique, aucun acte dématérialisé
ne peut être envisagé. En effet, l'intérêt n'est pas
d'avancer dans l'ère numérique au mépris des garanties
fondamentales d'une bonne justice mais bien de mettre en place un
système de dématérialisation des communications prenant en
compte les obligations de sécurité, de confidentialité et
de preuve avec d'autant plus d'intérêt que ces obligations sont
des éléments essentiels du fonctionnement et de l'acceptation
juridique. La sécurisation des échanges
dématérialisés est donc une exigence indispensable
à la viabilité d'un service virtuel permettant un dialogue entre
le justiciable et les professionnels du droit ou entre ces derniers entre eux.
Mais dès l'instant où cette exigence sera satisfaite d'une part
par la publication du décret du Conseil d'Etat relatif aux actes
dématérialisés et d'autre part, par l'utilisation de la
certification, contrôlée par un tiers indépendant, cela
pourra ouvrir la voie à l'extension des transmissions par Internet et
peut être même au développement d'une justice en ligne.
Le contexte paraît actuellement favorable à la
dématérialisation de documents comme le montre la naissance de
plusieurs organismes de certification auprès des juridictions civiles ou
commerciales tels que E-Greffe au tribunal de Grande Instance de Paris ou
Infogreffe utilisé prochainement dans tous les tribunaux de commerce
dès que ledit décret en Conseil d'Etat pris pour application de
la loi du 13 mars 2000 sera publié. Il est donc possible qu'en raison
des garanties procédurales qu'elle offre aux utilisateurs, la
certification soit un outil qui aura vocation à s'étendre dans le
domaine de la procédure civile. Elle referme donc des enjeux importants
pour notre système procédural.
Section 2 - Les enjeux de la
dématérialisation des échanges
La certification, technique sécurisée permettant
l'échange de données dématérialisées, est
utilisée comme signature électronique comme le décrit les
décrets d'applications de la loi du 13 mars 2000. La signature
électronique ne présente pas de spécificité par
rapport à un modèle de signature qui ne le serait pas dans la
mesure où un seul texte, l'article 1316-4 du Code civil régit la
signature de façon générale65(*). La fiabilité du
procédé de signature électronique étant
présumée, il est nécessaire que ces techniques de
vérification existent, telles que précisées par le
décret n°2001-272 du 30 mars 2001 qui transpose la directive
n°1999/93/CE du 13 décembre 1999. En effet, le décret met en
place des « dispositifs sécurisés de
création de signature électronique » (Article 3 et
4) qui supposent eux-mêmes une fiabilité et une
confidentialité particulière, des « dispositifs de
vérification de signature électronique » (Article
5), des « certificats électroniques qualifiés et
des prestataires de service de certification
électronique » (Article 6 et suivant).
D'un point de vue pragmatique, la certification
présente alors l'intérêt d'adapter le droit de la preuve
aux écrits papiers étant donné que l'écrit
électronique est admissible comme preuve au même titre que
l'écrit papier s'il garanti l'intégrité de son contenu et
l'imputabilité de son auteur(I). Il semble dès lors que la
création de ce mécanisme de certification permettant
l'utilisation de nouvelles technologies dans la procédure n'a pas
ignoré le grand principe du droit de la preuve selon lequel nul ne peut
se constituer soi-même sa preuve.
Néanmoins, l'adoption de normes ou la création
d'outils techniques oeuvrant pour le maniement de nouvelles technologies
semblent aller dans une simple logique d'adaptation du droit et de la justice
à l'ère du temps. Ainsi, l'exigence de respect de la
sécurité juridique n'est-elle pas la motivation principale ?
Il convient donc de se demander si la sauvegarde de la sécurité
est une telle exigence qu'elle passe au-delà de l'adoption d'un
écrit électronique.
I. La portée de l'admission d'une preuve
électronique.
En adoptant la loi du 13 mars 2000, le législateur a eu
pour ambition d'adapter les règles actuelles du droit de la preuve,
s'agissant des actes sous seing-privé notamment, mais également
des actes authentiques, aux exigences de la société de
l'information, en cours de généralisation. Ainsi, en
énonçant que cet écrit a la même valeur probatoire
que l'écrit papier, la loi du 13 mars 2000, il aurait pu, à cet
égard, ajouter une nouvelle catégorie d'acte, l'acte
électronique, que l'on s'accorde à appeler l'écrit
électronique ou la preuve électronique. En admettant que la
preuve informatique soit sur le même pied d'égalité que le
support papier, le législateur a créé une nouvelle
organisation probatoire (A) réglant en même temps les conflits de
preuve (B).
A. La force probante de l'écrit électronique
par la certification
Tous les actes ne valent pas preuves en eux-mêmes En
effet, dans un premier temps, avant 1980, la jurisprudence avait refusé
de conférer aux photocopies la valeur de preuve aux motifs que seul
l'original d'un écrit ou une copie au sens légal du terme peuvent
être produits 66(*).
Ces obstacles à l'admission des photocopies comme copies et comme
commencement de preuve par écrit peuvent s'expliquer par la
piètre confiance que l'on peut accorder à ce mode de
reproduction, eut égard au risque de montage qu'il permet. Cependant,
dans certaines conditions, la jurisprudence a admit qu'une photocopie puisse
servir de commencement de preuve par écrit, dès lors que sa
conformité avec l'original n'est pas contestée67(*). Dans un second temps, les
télécopies ne sont jamais qu'une forme de photocopie, mais celui
qui la reçoit n'a, en principe, jamais eu l'original entre les mains,
à la différence d'une photocopie. Dès lors, cela permet
d'admettre plus aisément la production d'une télécopie par
le récepteur, comme commencement de preuve par écrit, mais non
par l'émetteur.
Or, la loi du 13 mars 2000 a eu pour principal objectif de
transformer les preuves informatiques en preuves de premier rang en admettant
que l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au
même titre que l'écrit sur support papier. La certification,
mécanisme légal de dématérialisation des actes a
donc un intérêt pour les utilisateurs.
En effet, les garanties du papier sont connues :
intégrité, durabilité, possibilité d'apposer une
signature sur le même support matériel que le texte de
l'engagement, et la certification semble offrir ces exigences.
D'une part, par l'attribution des clés, le fichier
dématérialisé ne peut être accessible à un
seul partenaire indépendamment de l'autre et n'est qu'à l'aide
des deux clés combinées que le document pourra être
vérifié ou contesté. Ainsi, le fichier est placé
dans un coffre fort virtuel qui ne peut être ouvert qu'avec ces
clés.
D'autre part, grâce à la cryptographie, l'acte
dématérialisé est insusceptible d'altération autre
que destructive.
Enfin, le recours à la tierce certification semble
diminuer encore un peu plus les risques d'une fausse attribution et de fraudes.
En effet, ce tiers est seul en mesure de disposer des mémoires de masse
incorporant l'instrumentum crypté.
Ainsi, en dehors de ce système, il subsisterait
toujours une suspicion que la preuve, détenue matériellement par
un seul partenaire, ne respecte pas totalement le principe selon lequel on ne
peut se préconstituer sa preuve soi-même.
De manière pragmatique, la certification règle
les craintes légitimes d'authentification de l'auteur et
d'intégrité du contenu en proposant une
dématérialisation des actes de procédure
sécurisée et légale. L'enjeu paraît donc fondamental
puisqu'il semble être un outil conforme au droit de la preuve : les
actes dématérialisés ont force probante dès lors
que d'un côté l'intégrité de l'écrit est
garanti, et que, d'un autre côté, l'imputabilité à
son auteur est établie. Néanmoins, le décret en Conseil
d'Etat devra définir les bases de cette fiabilité.
Reste le point capital, celui des conflits de preuves.
B. La gestion des conflits de preuve
L'objectif du conflit entre les procédés
traditionnels de preuve est en effet d'assurer la primauté de
l'écrit. Cependant, dès lors que deux types d'écrits sont
reconnus comme ayant une valeur probante identique, il reste à
régler la coexistence entre ces deux moyens de preuve. En premier lieu,
aucune forme d'écrit ne l'emporte sur l'autre68(*). En second lieu, le conflit ne
paraît guère aisé à résoudre par avance, de
sorte qu'il vaut mieux s'en tenir à l'écrit le plus
vraisemblable, ce que l'article 1316-2 du Code civile prévoit de la
façon suivante « lorsque la loi n'a pas fixé d'autres
principes, et à défaut de convention valable entre les parties,
le juge règle les conflits de preuve littérale en
déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu'en
soit le support ». Les parties peuvent donc régler par avance
cette question, par convention, pour faire privilégier l'un ou l'autre,
par exemple pour privilégier la signature électronique sur la
signature manuscrite ou plus ordinairement, pour préférer dans
les relations d'affaires, le contenu de courriers électroniques sur les
écrits papiers, ou inversement.
L'intérêt majeur de l'assimilation de la preuve
informatique à la preuve papier est donc de faire entrer la preuve
informatique dans le système probatoire traditionnel sans lui attribuer
une place particulière, plus ou moins forte que les autres modes de
preuve, en sorte que l'informatique permette de passer les actes les plus
simples. Rien n'aurait été plus néfaste à
l'unité des règles de la preuve que de dresser l'un contre
l'autre deux systèmes probatoires, l'un réputé antique et
l'autre moderne. Ce principe d'assimilation entraîne deux
corollaires : il faut d'un côté que la preuve informatique
donne au moins les mêmes garanties que le papier et que, d'un autre
côté, les règles actuelles afférentes à la
preuve papier puissent s'appliquer dans leurs moindres prescriptions à
la preuve informatique. Et c'est chose faite avec la méthode de la
certification qui semble réunir toutes les conditions nécessaires
fournissant les mêmes garanties que le papier.
II. L'exigence de sécurité juridique
au-delà de l'existence d'un écrit
La Cour de cassation s'était faite l'écho de la
loi du 13 mars 2000 avant son entrée en vigueur puisqu'en effet, la
chambre commerciale plaçait sur un pied d'égalité un
écrit et sa télécopie en affirmant que
« l'écrit (...) peut être établi et
conservé sur tout support, y compris par télécopie,
dès lors que son intégrité et l'imputabilité de son
contenu à l'autre désigné ont été
vérifiées, ou ne sont pas
contestées »69(*). Cette décision s'inscrit donc dans le
mouvement qui a permis de remettre en question la suprématie de
l'écrit traditionnel. Les professeurs CATALA et GAUTIER observaient
alors que ce qui compte ce n'est pas le support physique, ni le mode de
communication des volontés70(*), c'est la certitude que l'écrit émane
bien de celui auquel il pourrait être opposé, en d'autres termes,
que ni son origine ni son contenu n'ont été falsifiés.
Dès lors, l'important réside-t-il dans
l'écrit, qu'il soit papier ou électronique ? Il est possible
d'en douter. Il semble ainsi que peu importe le support, l'indispensable est
que la sécurité règne sur la preuve de la volonté
de s'engager sur un contenu indiscutable. Hier, l'écrit et sa signature
manuscrite étaient analysés, aujourd'hui l'écrit
immatériel et sa signature codée le sont, mais toujours avec les
mêmes exigences.
Transition
L'époque moderne amène à changer les
habitudes de travail, à se tourner davantage vers les nouvelles
technologies qui peuvent, comme nous venons de le voir, apporter un gain de
temps et de productivité dans le traitement des litiges civils. À
l'heure actuelle, il semble que les mentalités changent : les
professionnels du droit utilisent ces techniques électroniques pour la
gestion de leur dossier, le gouvernement comme le législateur oeuvrent
ensemble pour l'essor des nouvelles technologies.
Il est incontestable que certains éléments
techniques sont intrinsèquement liés à la profusion de la
technologie informatique dans la procédure civile. En effet,
l'informatique implique nécessairement de se doter d'un ordinateur. Mais
s'équiper d'un accès à Internet ainsi que de logiciels
spécifiques pour certaines professions juridiques paraît tout
autant indispensable actuellement. Aussi, afin que la communication entre les
acteurs du droit s'effectue de manière confidentielle, des
réseaux cryptés doivent être créés permettant
la mise en relation des utilisateurs tant pour leur information personnelle que
pour l'exercice quotidien de la justice. Enfin, pour garantir la
sécurité de l'ensemble, une signature électronique
assurant à la fois l'identification de l'utilisateur,
l'intégrité du document et la non répudiation de la
personne identifiée doit être mise en place. Ces nouvelles
technologies ne doivent pas en effet mettre en péril l'ensemble des
garanties fondamentales qui forment un équilibre procédural
fondamental car sécurisé. L'adhésion complète
à ces procédés ne doit pas passer à
côté de la sécurité juridique, du respect du
contradictoire, du secret professionnel... Mais il semble que la
confidentialité indispensable et non assurée par un réseau
classique est déjà obtenue par les moyens de la cryptographie.
Néanmoins, l'utilisation des nouvelles technologies
dans la procédure civile reste timide face d'une part, au droit
administratif et au droit pénal qui ne cessent d'utiliser ces outils
dans leur domaine, et d'autre part, aux modes alternatifs à la justice
étatique. En effet, il existe également un important mouvement
international en faveur de la pratique des résolutions des conflits par
voies de l'internet pour les modes alternatifs de règlement des conflits
(M.A.R.C.), règlements alternatifs des différents (R.A.D.) ou
alternative dispute resolution (A.D.R.).
Cette pratique désigne tous les modes de
règlements des litiges qui ont pour trait commun d'être
administrés en ligne et de réunir les colitigants par voie
électronique. Elle n'est cependant pas dénommée de la
même manière par toute la doctrine. En effet, certains la nomment
« mode électronique de règlement des
litiges » (M.E.R.L.) 71(*), expression naturalisée venant de
« ODR » pour Online Dispute
Resolution72(*).
D'autres auteurs préfèrent la définir comme une
nouvelle justice alternative à la justice étatique ou à la
justice alternative traditionnelle, dite
« cyberjustice »73(*). Cette justice électronique concerne tous les
conflits, liés ou non à l'Internet, du moment que la
résolution s'opère par le biais de ce réseau. Il s'agit
donc d'une justice administrée par l'Internet avec un espace ou un mode
de résolution des conflits prévu à cet effet.
Cette réalité n'est pas nouvelle. Très
tôt, des projets expérimentaux ont vu le jour, tel le
CyberTribunal canadien, l'Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle (O.M.P.I.) qui pratique le règlement en ligne des
conflits relatifs aux noms de domaines, par application des règles de
l'I.C.A.N.N. ( Internet Corporation for Assigned Names and Numbers).
L'American Arbitration Association a également instauré
les Supplementary Procedures for Online Arbitration. De même, le
Centre de médiation et d'arbitrage de Paris74(*) a mis en place un service de
médiation en ligne, tandis que la Chambre de commerce international
envisage le développement de l'arbitrage en ligne sur la base du projet
Netcase. L'Union Européenne teste également cette
cyberjustice expérimentale à travers le projet E.C.O.D.I.R.
(Electronic Consumer Dispute Resolution), plate-forme de résolution
par Internet des litiges de consommation.
Cette justice alternative utilisant des procédés
électroniques englobe en France la médiation électronique
ou la négociation automatisée et le contentieux de l'arbitrage.
L'arbitrage, en effet, peut être effectué en ligne puisqu'en
l'état actuel du droit, la clause compromissoire ou le compromis peuvent
être conclus par voie électronique. La refonte de l'article 2061
du Code civil par la loi sur les nouvelles régulations
économiques du 15 mai 2001 a libéré la clause
compromissoire pour autoriser son usage entre tous les professionnels. Dans ces
conditions, cette clause comme tout le reste de la convention d'arbitrage,
même si elle en est autonome juridiquement, a vocation à
être dématérialisée puisque l'article 1316-1 du Code
civil, issu de la loi du 13 mars 2000 définit bien l'écrit
indépendamment de son support autorisant de ce fait d'avoir recours
à ce procédé. A l'issue de la procédure arbitrale
en ligne, la sentence est alors rendue et notifiée aux parties par voie
électronique. Certes, la sentence est soumise à l'exigence d'un
écrit et d'une signature dans la plupart des législations,
à l'exception du droit suisse et du droit français de l'arbitrage
international75(*). Mais
l'écrit électronique, assorti d'une signature électronique
fiable et conforme à la loi de la procédure arbitrale, permet de
remplir cette exigence qu'elle soit formulée ad validitatem ou
ad probationem.
Tout comme l'arbitrage, le contrat de transaction76(*) peut être
effectué par voie électronique. Même si « ce
contrat doit être rédigé par écrit »
comme l'impose l'article 2044 du Code civil, la jurisprudence décide que
cet écrit est exigé ad probationem et non ad
validitatem. Les contrats de transaction conclus par voie
électronique étaient donc valables dès l'entrée en
vigueur de la loi du 13 mars 2000, sans attendre l'adoption de la Loi pour la
confiance dans l'économie numérique. Ainsi, lorsque les parties
tombent d'accord au cours d'une instance arbitrale, ils ont la
possibilité de demander à l'arbitre d'enregistrer leur
transaction dans une « sentence d'accords-parties »
électronique.
En théorie, il est donc possible de présenter au
juge un contrat de transaction par voie électronique ou une sentence
électronique, sans qu'il remette en cause leur validité. Il
semble donc que l'emploi de ces techniques informatiques peut faciliter la
conservation, la gestion et l'utilisation des documents soumis aux arbitres par
les parties. Les nouvelles technologies abaissent ensuite le coût de
l'instance arbitrale, de la médiation ou de la négociation
puisque les parties font l'économie des déplacements et des
audiences, spécialement en matière internationale. Ces
méthodes favorisent un règlement rapide du litige sachant que les
communications électroniques sont instantanées et les
transmissions sécurisées (par cryptage ou autres
procédés). Mais on peut estimer que c'est le recours à ces
modes alternatifs à la justice étatique, plus que la
dématérialisation de la procédure, qui offre une
célérité et une réponse adaptée à ces
conflits.
Tout est-il dématérialisé ? Tout
doit-il être dématérialisé ? En théorie,
il semble que tous les actes peuvent être
dématérialisés tels que la production des pièces,
le paiement contractuel (transferts de fonds, factures), les correspondances et
mises en demeure. Néanmoins, dans certains cas, il est envisageable que
l'échange de documents devra se faire physiquement, le support papier
restant dès lors une réponse efficace à l'exigence de
sécurité juridique. En effet, il faut déterminer selon
quelles modalités le juge apposera la formule exécutoire
recherchée par la partie qui entend se prévaloir d'un titre
électronique (accord transactionnel, sentence arbitrale...). S'agissant
du contrat de transaction, s'il a « entre les parties
l'autorité de la chose jugée en dernier
ressort »77(*), il ne vaut pas pour autant titre exécutoire.
C'est le juge qui lui confère force exécutoire. L'article 1441-1
du Nouveau Code de procédure civile autorise ainsi le juge à
apposer la formule exécutoire sur le contrat de transaction à la
demande de l'une des parties. En pratique, cette apposition s'entend par
l'impression d'un tampon sur le support papier du contrat, que
l'intéressé pourra ensuite transmettre à l'huissier de
justice. La formulation de cet article paraît assez compréhensible
pour désigner également la présentation du contrat par
voie électronique sur l'écran de l'ordinateur du juge et
l'apposition d'un sceau numérique. Néanmoins, il faut observer
que le contrat de transaction ainsi revêtu de la formule
exécutoire est un acte authentique et que pour déterminer les
modalités concrètes d'apposition de cette formule
exécutoire électronique, il convient d'attendre le décret
d'application de l'article 1317 du Code civil instituant l'acte authentique
dressé sur support électronique. A priori, cela suppose qu'il
devra exister un réseau de communication sécurisé entre
les parties, le juge et les officiers ministériels. Mais le nouvel
article 1108-2 du Code civil intégré par la loi pour la confiance
dans l'économie numérique semble faire obstacle au titre
exécutoire électronique. En effet, l'écrit
électronique ne vaudrait pas ad validitatem pour
« les actes soumis à l'autorisation ou homologation de
l'autorité judiciaire ». Cette exception légale
semble viser l'apposition du titre exécutoire sur le contrat de
transaction. La jurisprudence devra donc se prononcer sur ce point. De plus, en
ce qui concerne la signification à personne ou à domicile, la
dématérialisation de l'acte n'est pas envisagée par les
huissiers de justice qui entendent encore utiliser un support papier.
La difficulté est du même ordre en ce qui
concerne le dépôt des sentences arbitrales et leur exequatur. En
effet, le dépôt de la sentence au greffe est parfois
demandé par une partie pour donner une date définitive à
la sentence afin d'exercer une pression sur la partie adverse. Comment
dès lors, procéder au dépôt de cette sentence
électronique au greffe d'une juridiction ? Un système de
registre électronique est donc nécessaire, qui permettrait
l'archivage des sentences et la signature électronique du juge et du
déposant78(*).
L'article 1499 du Nouveau code de procédure civile impose à la
partie qui sollicite l'exequatur de produire au juge l'original ou une copie
authentique de la sentence arbitrale et l'original ou la copie authentique de
la convention d'arbitrage. Et après avoir procédé à
un examen de cette sentence, le juge appose la formule exécutoire.
Ainsi, l'apposition d'un sceau électronique sur cette sentence est
également suspendue à la réglementation de l'acte
authentique électronique et à la mise en place d'une structure
sécurisée de communication.
Les obstacles d'ordres pratiques sont donc importants. Dans
l'attente du décret d'application sur les actes authentiques
électroniques, l'exequatur par téléchargement n'est pas
réalisable. Le support papier reste donc la technique qui prévaut
en la matière. D'autres difficultés se présentent
lorsqu'on envisage la résolution de conflits par ces modes alternatifs.
En effet, il apparaît que l'arbitrage en ligne comme les autres modes
alternatifs de règlements des différents semble surtout mis en
oeuvre pour les petits et moyens litiges dans lesquels les faits sont simples,
les documents courts, les mémoires ramassés. Concrètement,
les arbitres et l'adversaire ne peuvent pas se contenter de lire les
pièces et écritures sur leur écran et les
imprimer79(*). Les
dossiers compliqués en effet, comportent des milliers de pièces,
centaines de pages de mémoires. Il semble que les arbitres seront
submergés et que plutôt que de passer leur temps à ouvrir
les fichiers attachés et lancer leurs imprimantes surchargées, il
sera beaucoup plus facile d'en revenir aux échanges physiques. Cet
aspect n'est pas négligeable. L'internet ne doit pas devenir une source
de lenteur alors qu'il est au contraire utilisé pour aller plus vite.
Ces interrogations liées à l'utilisation des
nouvelles technologies dans les modes alternatifs de règlement des
litiges sont vraisemblablement les mêmes que celles que l'on peut se
poser à l'entrée de ces procédés techniques dans la
procédure civile. Certaines mises en garde doivent être
formulées. Il semble donc que l'ambition de voir l'ère de
l'informatique s'introduire dans la procédure civile nécessite au
préalable un discernement sur les limites à ne pas franchir afin
de ne pas bouleverser l'organisation judicaire et les garanties fondamentales
d'une bonne justice. Les nouvelles technologies dans la procédure civile
ne doivent donc pas prêcher par excès.
Dès lors, il paraît prudent de considérer
les obstacles pratiques dans le but de maîtriser l'utilisation des
nouvelles technologies dans le procès civil.
Partie 2 : Le risque d'une dérive vers une
justice déshumanisée
Les révolutions des techniques et des mentalités
qu'entraînent les nouveaux procédés technologiques
inspirent des craintes justifiées, même chez les plus optimistes
et les plus promoteurs. C'est certainement en ayant à l'esprit que l'on
peut à tout moment s'égarer, que l'on doit avancer prudemment, en
profitant des avantages et des améliorations des techniques. En la
personne du Sénateur Franck Serusclat, l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a
réalisé un rapport sur les conséquences des nouvelles
technologies pour la vie des hommes, rapport fort éclairant sur ces
questions, poursuivi par un colloque au Sénat en 1995. Joël de
Rosnay y a notamment exprimé l'idée selon laquelle il fallait
s'extraire de cette vision manichéenne de l'outil informatique.
Il est vrai que de nombreux dangers existent, il est aussi
vrai que les intérêts sont très grands. Néanmoins,
il convient de dépasser cet antagonisme et anticiper ces
évolutions en évitant autant que possible les risques
décelables (Chapitre 1). Ces risques sont connus et certains d'entre eux
concernent directement le rôle du juge. Les nouvelles technologies dans
la procédure civile gagnent le délibéré ; la
« décision artificielle » déshumanisée
est-elle donc à craindre (Chapitre 2) ?
Chapitre 1 : Des obstacles décelables
à maîtriser
Si l'avènement des nouvelles technologies
prospère jusqu'à une complète
dématérialisation des échanges et actes de
procédure, ne va-t-il pas mettre en péril les relations humaines
présentes dans le procès civil qui sont un équilibre
fondamental respectant les principes directeurs du procès et les
attentes de l'usager de la justice? La déshumanisation de la justice
est-elle un risque qu'il est possible d'éviter ?
Il convient donc de déceler les risques que peuvent
engendrer l'utilisation des nouvelles technologies dans le procès civil
pour mieux les anticiper. Afin que ces outils modernes offrent aux praticiens
du droit ainsi qu'aux justiciables ses prérogatives, un discernement est
nécessaire quant aux limites à leur apporter. Certaines d'entre
elles sont des difficultés d'ordre technique intrinsèquement
liées à la nature des nouvelles technologies (section 2) qui
paraissent difficilement contournables sauf avec du temps et de la
compréhension. Les autres, attachées à une utilisation
trop expansive des nouvelles technologies dans le procès civil sont
davantage maîtrisables car c'est en restreignant leur essor dans certains
domaines qu'il est possible de les combattre (section 1).
Section 1 - La portée d'une utilisation extensive
des nouvelles technologies dans la procédure civile
L'introduction des nouvelles technologies dans le domaine
judiciaire soulève des inquiétudes, des interrogations et des
difficultés juridiques auxquelles il convient de faire face pour que
leur utilisation s'effectue de manière efficace. Notre avancée
vers une société intégralement informatisée
amène à nous questionner sur les risques majeurs qu'elle est
susceptible de créer. En effet, les relations humaines entre les
protagonistes du procès méritent d'être sauvegardées
(II), sinon, l'égalité entre les justiciables ainsi qu'entre les
professionnels du droit sera gravement menacée (I).
I. Dangers et inquiétudes liés à la
société du « tout électronique »
Faut-il aller plus loin et admettre que le dialogue entre les
partenaires de la justice et les usagers se fasse uniquement par voie
électronique ? L'usage de plus en plus fréquent des
télé-procédures, des mises en état
électronique, des formulaires en ligne, des courriels, les textes
récents ouvrant de plus en plus les possibilités de communication
par Internet nous y invitent. Toutefois, force est de constater que le droit
positif et les moyens techniques actuels ne permettent pas encore de regarder
comme indiscutable toute la procédure civile par voie
électronique, et cela est plus que préférable. Le risque
d'une dérive vers une justice inéquitable est patent (A) et la
surconsommation judiciaire menace de s'installer (B) si les nouvelles
technologies s'imposent à tous les stades de la procédure
civile.
A. Vers la perte de l'égalité entre les
justiciables et entre les professionnels du droit
Pour accéder au réseau Internet, l'utilisateur
doit posséder un ordinateur, une ligne téléphonique (ou,
dans le cas des grandes entreprises qui nécessitent une connexion
permanente, une ligne spécialisée), un modem ou une carte
réseau, un kit de connexion à l'Internet consistant en un
accès à un réseau local relié à Internet ou
un abonnement auprès d'un fournisseur d'accès Internet. Par
ailleurs, pour « surfer » sur Internet, l'utilisateur doit
également disposer d'un logiciel de navigation l'aidant à
parcourir les sites du réseau, et éventuellement d'un logiciel de
messagerie électronique lui permettant d'envoyer ou de recevoir du
courrier électronique. Même si la population française se
dote progressivement de tels outils, il reste néanmoins une grande
partie qui n'en dispose pas, ce pour des raisons personnelles de
préférence ou financières.
Il semble donc que par la mise en place d'un accès
à la justice intégralement dématérialisé, le
risque le plus important est d'assister à un creusement accru du
fossé déjà existant entre deux mondes : ceux qui ont
des connaissances en informatique et qui disposent d'une connexion à
Internet, et les autres. Cette question touche aussi bien les citoyens et les
professions juridiques.
1. Les usagers de la justice inégaux devant
l'accès la justice
La séparation entre les personnes connectée et
celles non connectées n'est même pas seulement
géographique. En effet, à l'intérieur même des pays
industrialisés, existent des impossibilités techniques et
financières pour acquérir les moyens d'accès à
l'informatique. De surcroît, nombreux sont les individus qui ne veulent
s'adapter à l'ère moderne en s'équipant d'outils
informatiques, qui ne s'y intéressent guère, non pour des raisons
budgétaires mais pour des convictions personnelles légitimes.
Actuellement, 46,3 % de la population française, soit quelques 24
millions d'individus, disposent d'une connexion à Internet80(*). Même si le nombre de
personnes connectées a connu une croissance de 94 % en 2004, la
moitié de la population ne dispose pas d'un moyen d'accès au Web
et donc à tous les outils mis à la disposition du justiciable sur
les sites internet des tribunaux : formulaires en ligne, conciliation
électronique, dépôt de requête, etc.
Dès lors, alors que l'on assiste déjà
à une mise à l'écart du citoyen non connecté, que
risque d'entraîner une propagation des nouvelles technologies à
l'ensemble de la procédure civile? La question de l'étendue de
ces dernières quant aux conséquences qu'elle pourra avoir pour le
droit d'accès à la justice de l'usager doit donc être au
coeur des débats.
Il est déjà possible de penser que la
société du « tout électronique »
risquerait fort de violer l'article 6-1 de la Convention Européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que
« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial (...) ». En effet, le
justiciable non connecté sera privé d'effectuer ses
démarches : sa cause ne sera donc nullement entendue faute pour lui
de posséder les outils informatiques nécessaires pour saisir la
justice. Aussi, les avantages procurés par les nouvelles technologies en
terme de célérité de la justice donneront lieu à un
effet pervers puisqu'au lieu d'être jugé dans un délai
raisonnable, l'usager ne le sera aucunement.
L'illégalité entre les justiciables en cas de
dématérialisation totale de la procédure civile sera
manifeste, ce qui n'est nullement envisageable. Il convient donc fortement de
limiter l'essor des nouvelles technologies, faire que la justice ne soit pas
uniquement réservée aux citoyens informatisés :
l'accès à la justice par des outils numériques doit rester
un choix et ne doit pas devenir une nécessité.
Ainsi, la maîtrise de l'étendue des
procédés nouveaux à l'égard des justiciables
paraît donc indispensable. Cela veut-il dire que l'informatisation
intégrale de la procédure entre les professionnels du droit est
possible ? Cette question à l'égard des professions
juridiques rencontre les mêmes difficultés que celles
observées pour les usagers.
2. Le probable déclin des professions juridiques
non informatisées
Les partenaires de la justice peuvent se heurter à des
obstacles financiers (petites structures dans les campagnes par exemple) ou
bien faire le choix de privilégier l'aspect humain plutôt que
d'envisager d'avoir des relations avec l'extérieur par le biais de
l'informatique. Ainsi, si demain les échanges et actes se feront
uniquement par voie électronique, cela contraindra inévitablement
toutes les professions juridiques à s'équiper d'outils
informatiques et on assistera à une mise à l'écart voire
à une ruine des juristes non informatisés, ruine engendrée
par un phénomène de société mal
maîtrisé. Il convient donc là encore que la
réalisation d'échanges et d'actes par voie électronique
reste un choix et ne devienne pas une obligation contraignante.
Ce problème majeur de l'atteinte possible à
l'égalité entre les justiciables et entre les professionnels du
droit en cas d'informatisation intégrale de la procédure civile
gouverne l'ensemble de la problématique de notre sujet. Il paraît
donc nécessaire de contrôler l'extension des nouvelles
technologies afin que celles ci ne rompent pas l'équilibre de la
justice.
B. La crainte d'une surconsommation judiciaire
Dématérialiser toutes les phases de la
procédure civile ne va-t-il pas faciliter l'accès à la
justice, banaliser les communications par Internet au point d'entraîner
un engorgement de la juridiction civile ? En effet, le risque d'un
accès trop facile aux procédures est de transformer le
justiciable en consommateur de justice et la justice en une marchandise. Or, le
jugement n'est ni un produit, ni la juridiction un producteur. Recourir
à la justice ne saurait donc être assimilé à
l'accès à une grande surface81(*).
Ainsi, la généralisation des nouvelles
technologies, le principe d'un recours électronique rapide, gratuit et
simple fait surgir un nouveau problème de saturation de la juridiction
civile. En se rapprochant virtuellement du juge et de la justice, le
justiciable internaute pourrait les saisir systématiquement
créant une impossibilité pour les professionnels du droit de
répondre aux attentes, un épuisement des capacités
humaines voire même la mort d'un recours solennel à la justice
civile. La dématérialisation complète des actes de
procédure tend vers des risques de dénaturation des relations
humaines et de la justice elle-même.
Par conséquent, il convient de maîtriser
l'utilisation de ces procédés, faire que leur essor ne transforme
pas la justice en un marché mais permette un meilleur accès
à la justice et donc de déterminer quel recours, quelle
procédure pourra être faite par voie électronique.
II. Un risque de dépersonnalisation dans le
traitement du dossier
Au-delà de la problématique du risque
d'inégalité entre les usagers de la justice et entre les
professions juridiques inhérent à l'installation globale des
nouvelles technologies dans la procédure, se pose d'autres
difficultés : à quel stade est-il envisageable d'avoir
recours à ces outils sans que soient altérés la
sécurité juridique (A et C) et la qualité des
débats (B)?
A. La dématérialisation exclue en
matière gracieuse et contentieuse?
Imaginons qu'un justiciable désire faire une injonction
de payer à l'encontre de son débiteur. Il fera parvenir par voie
électronique une requête mais commettra une erreur quant à
la compétence du tribunal. Celui-ci ne comprendra pas que cette
juridiction ne le dirige pas vers le tribunal compétent et sans doute,
ne continuera pas son initiative. Dans cette hypothèse, il semblerait
que la justice ne réponde pas aux attentes de cet usager. Dès
lors, quelle solution convient-il d'apporter ? Faut-il envisager un
transfert automatique de la requête qui implique une redéfinition
de ceux qui traitent la requête car ce n'est plus le requérant qui
a la charge de choisir la juridiction mais cette dernière qui, conduite
à poser le problème de la compétence, analyse la
situation, décide et tire les conséquences en transférant
la requête ? Ou bien, faut-il en rester au mécanisme
classique en considérant que le constat de l'incompétence
résulte en principe d'une décision de justice qui doit
être expliquée et doit pouvoir être
contestée ?
Il convient donc de déterminer dans quel cas il est
justifié de maintenir un circuit judiciaire classique et dans quel cas
un traitement automatisé pour le justiciable est
préférable.
Dans l'exemple choisi, il paraît possible d'envisager la
saisine par voie électronique en raison de la nature du litige : il
s'agit d'une procédure gracieuse où les droits de la
défense ne sont pas les mêmes que dans une procédure
contentieuse.
B. L'altération de la qualité des
débats
En plus de la perte des relations humaines et de
l'inégalité que pourrait engendrer une justice
intégralement informatisée, il semble que
dématérialiser l'ensemble d'une procédure contentieuse
pourrait mettre en péril la qualité des débats. En effet,
s'agissant des litiges de la compétence du Tribunal de Grande Instance,
la procédure étant écrite, les parties ont l'obligation de
se constituer avocat conformément à l'article 751 du Nouveau Code
de procédure civile.
A supposer pour les besoins de notre réflexion qu'un
jour l'ensemble de la population française sera informatisée et
maîtrisera ces outils, la communication intégrale par voie
électronique entre le justiciable et son avocat ne risquera-t-elle pas
d'amoindrir la qualité de la défense? La relation entre un client
et son avocat est fondée sur la confiance qui nécessite un
dialogue étendu. Le danger serait donc que le pouvoir de
représentation et de conseil de ce professionnel du droit soient
négligés, voire disparaissent.
Aussi, est-il réfléchi d'envisager que la
défense se fasse par le biais de seules conclusions
électroniques ? Le propre de l'avocat étant de plaider,
même dans une procédure écrite, l'absence de plaidoirie au
profit de la dématérialisation entraînera certainement donc
un déclin du rôle de l'avocat orateur, ou de la profession
d'avocat simplement, ce qui est utopique pour le droit et la justice.
Néanmoins, la transmission de conclusions par voie
électronique au tribunal et aux contradicteurs n'est pas en
elle-même périlleuse si les garanties procédurales sont
respectées82(*) et
à condition que la phase des plaidoiries soit sauvegardée. La
coexistence de ces deux éléments semble donc possible car
l'échange d'écritures dématérialisées et la
sauvegarde de la phase orale du procès n'altèrent en rien les
relations humaines qui s'avèrent essentielles.
C. La signification électronique, un excès de
l'utilisation des nouvelles technologies
La dématérialisation des actes de
procédure, envisagée par les professionnels du droit et
bientôt permise pour les actes authentiques dès que le
décret pris en Conseil d'Etat sera publié, a suscité des
interrogations quant à la signification. En effet, le groupe de travail
organisé pour l'élaboration dudit Décret relatif à
l'acte authentique électronique, a insisté sur les limites des
échanges électroniques dans l'activité première des
huissiers de justice qu'est la signification. Leur proposition de modification
de l'article 648 in fine du Nouveau Code de procédure civile
est ainsi formulée « (...) si la signification peut
être réalisée par voie de communication
électronique, [il doit contenir] l'adresse de messagerie
électronique à laquelle la copie a été
envoyée ». Il semble ainsi que l'utilisation d'une telle
messagerie ne permette pas cependant de s'assurer de l'identité de la
personne qui reçoit l'acte et par conséquent de satisfaire aux
exigences de l'article 654 du Nouveau Code de procédure civile posant le
principe d'une signification à personne. C'est sans doute pour cette
raison que les propositions de signification électronique paraissent
rester exceptionnelles (« si la signification peut être
réalisée par voie de communication
électronique»). Le rôle de l'huissier lors de la remise
de l'acte à la personne est essentiel et le groupe de travail n'a pas
envisagé de modifier le principe83(*).
La signification à personne reste donc le principe et
la signification électronique ne serait possible que dans les cas
où il n'y a pas de personne réelle, c'est-à-dire dans le
cas de la personne morale. Ainsi, le nouvel article 654-1 proposé
concerne que l'hypothèse de l'équivalence de la signification
électronique et de la signification « personne
morale » : « la signification à une
personne morale est réputée faite à personne lorsqu'elle
est réalisée par voie de communication électronique
à l'adresse de messagerie électronique affectée à
cette personne morale à la réception de l'acte
(...) ».
Par conséquent, le caractère pédagogique
de la remise impose de sauvegarder la présence physique de l'huissier de
justice et de la part accordée à l'oralité. Il semble
dès lors que les facilités offertes par l'électronique
posent bien plus de question de procédure qu'elles n'en facilitent
l'exécution. Mais ce qui ressort avant tout de ce constat, c'est que la
dématérialisation complète des actes de procédure
civile n'est pas réellement judicieuse : l'acte officiel transmis
sur support électronique ne semble pas apporter les garanties
suffisantes de sauvegarde de la sécurité juridique. Les nouvelles
technologies n'offrant par en l'état actuel une assurance dans la remise
de l'acte officiel, il convient donc que ce document soit remis de
manière certaine à son destinataire, c'est-à-dire en
utilisant la procédure classique de la remise de l'acte (signification
à personne, à personne présente, à voisins,
à gardien, à mairie).
Cette position du groupe de travail témoigne de
l'ampleur de la tâche relative à l'élaboration du
décret en Conseil d'Etat qui permettra de mettre en oeuvre les actes
authentiques électroniques.
Il est donc possible de redouter que les nouvelles
technologies mettent en péril le principe du dialogue entre l'usager et
les partenaires de la justice. En effet, tout comme pour le recours aux
M.A.R.C. ou à l'A.D.R. où le dialogue est inhérent au
processus de conciliation ou de médiation, la procédure civile
française nécessite des entretiens entre les parties et leur
avocat, entre le juge et les parties. Et, on ne saurait soutenir que par
nature, la procédure civile compromette le respect du principe du
dialogue : l'écrit n'exclut pas l'oralité ni juridiquement
ni pratiquement. Par conséquent, il convient de limiter l'essor de ces
procédés dans la procédure civile puisqu'une
complète dématérialisation des actes pourrait
altérer la sécurité juridique et entraîner une
rupture d'égalité entre les citoyens et entre les partenaires de
la justice.
D'autres limites se posent à l'entrée des
nouvelles technologies dans la procédure mais celles-ci sont cette fois
liées au fonctionnement même de ces procédés.
Section 2 - Les problèmes techniques
inhérents aux nouvelles technologies
Le maniement des nouvelles technologies ne sert à rien
sans la formation, sans savoir les utiliser en amont. Il est même
possible d'aller plus loin en affirmant que cette utilisation n'est d'aucune
utilité si on ne dispose pas d'outils efficaces, ainsi que de formations
appropriées pour y accéder. L'intérêt de
présenter les limites de leur fonction est de montrer que la
complexité ne doit pas forcément donner naissance à des
craintes. Au contraire, c'est en prenant conscience des obstacles fonctionnels
de ces outils qu'il est possible de les contourner.
Certains de ces problèmes sont intrinsèquement
liés au fonctionnement des outils informatiques (I) entraînant des
questions relatives à la continuité des actes juridiques et la
traçabilité, questions qui forment une réalité
critique (II).
I. Les limites propres à l'utilisation de
l'informatique
Le développement portera d'abord sur les
problèmes liés aux courriels et aux réseaux informatiques
(A) et ensuite sur ceux des systèmes informatiques (B).
A. La vulnérabilité des courriels et
réseaux informatiques
1. Le message électronique, un commencement de
preuve par écrit
Pour s'assurer de la validité d'un recours
déposé par un justiciable par voie électronique ou d'un
acte dématérialisé envoyé par un professionnel du
droit, l'expéditeur doit posséder la preuve de l'enregistrement
de cette transmission, de l'arrivée de cet acte au destinataire.
Un message expédié peut-il constituer une preuve
suffisante ? La réponse ne peut être que négative. En
effet, nul n'ignore qu'un message électronique peut aisément
être contrefait et que les réseaux informatiques peuvent
être singulièrement perturbés par de mauvais plaisant ou de
véritables délinquants. Le simple courrier électronique
peut être facilement modifié ou altéré et
l'identité de son expéditeur usurpée. Il serait donc
difficile qu'il emporte la conviction du juge si l'autre partie en conteste le
contenu.
Ce type de message ne pourrait donc être assimilé
qu'à un commencement de preuve par écrit en raison de sa
fragilité face aux risques de modification de son contenu. Par
conséquent, seul un écrit papier provenant du destinataire saisi
ou d'un tiers certificateur permet de s'assurer de la validité d'une
transmission.
2. Les formulaires en ligne, un objectif de sauvegarde
de la sécurité juridique
Dans l'hypothèse d'un recours par voie d'Internet, il
convient de trouver une solution qui permette d'assurer la
sécurité juridique du dépôt par courrier
électronique de cet acte. Des start-up84(*) ont eu l'occasion de se spécialiser dans
l'institution d'une possibilité de recourir à un courrier
électronique avec accusé de réception. Le principe est le
suivant : l'internaute envoie à une société un
courriel au travers d'un formulaire disponible sur le site Internet de la
société. Cette dernière est ensuite chargée de
transmettre ledit message au destinataire qui ne reçoit pas directement
le contenu envoyé mais un email l'invitant à consulter une page
du site Internet de la société sur laquelle figure le courrier.
Il ne s'agit donc pas d'un réel accusé de réception mais
plutôt d'une preuve apportée par un tiers selon laquelle la
personne est venue consulter le message envoyé.
Même si cette solution semble diminuer les risques
préalablement énumérés, elle n'en demeure pas moins
incomplète. En effet, il suffit que le destinataire ne puisse pas ou ne
veule pas se connecter à de tels sites pour rendre le
procédé totalement inefficace. Par conséquent, cette
technique n'est pas intégralement fiable et ne permet pas au justiciable
de s'assurer que son courrier électronique a bien été
reçu par le greffe dans les temps.
Néanmoins, le système créé par les
sites Internet des juridictions qui mettent à la disposition des usagers
des formulaires en ligne tend vers la sécurité juridique. En
effet, au lieu de faire transiter le recours par un simple courrier
électronique, le mécanisme se fonde sur l'utilisation dudit
formulaire de dépôt accessible après la saisie d'un mot de
passe permettant ainsi une identification du requérant. Dès lors,
avec cette interface, l'utilisateur dispose d'une preuve du dépôt
de la requête, preuve qui bien qu'elle ne soit pas encore
irréfragable a une certaine force probante : le formulaire en ligne
permet de dater l'opération. Ce système semble assurer une
fiabilité à l'envoi d'une requête à une juridiction.
Cependant, il convient de contrôler la réception du courrier par
les utilisateurs puisque, si le document n'est pas traité de la bonne
manière, cela risque d'entraîner la fin de l'action.
L'utilisation du courrier électronique comme
échange d'information ou comme outil de saisine du tribunal pose donc
des difficultés quant à l'insécurité qu'elle
génère. L'encadrement du courriel est donc nécessaire pour
mieux apprécier les avantages qu'il est possible de procurer en terme de
gain de temps et de productivité. Il convient de faire face
également aux incompatibilités des logiciels utilisés par
les professionnels du droit et des systèmes matériels permettant
l'accès à l'informatique
B. L'inadaptation entre logiciels et systèmes
informatiques
Le monde de l'informatique est très concurrentiel,
aussi bien sur le plan des matériels que des logiciels. Sur le premier
plan, au niveau de la micro-informatique, la technologie a fait des
progrès. En effet, les difficultés existantes par exemple entre
le monde Macintosh et le monde PC tendant à disparaître peu
à peu, puisque les nouveaux modèles d'ordinateur sortent
actuellement sous la double compatibilité.
Cependant, le problème reste entier pour longtemps avec
les machines acquises avant ces améliorations. De plus, les obstacles
techniques liés aux connexions entre les systèmes plus puissants
sont encore plus grands puisque cela suscite des incompatibilités entre
tous les outils.
Sur le plan des logiciels, leur traitement
génère des complications étant donné qu'ils peuvent
être inadapté au système d'exploitation de l'ordinateur de
l'utilisateur. A ceci s'ajoute le fait que la multiplication des
créateurs rend les différents logiciels de plus en plus
incompatibles entre eux.
Il n'est cependant pas envisageable d'imposer un seul logiciel
pour toutes les professions juridiques puisque le marché de la
concurrence est un droit qu'il ne convient pas de transgresser. Ces
difficultés nous montrent une fois de plus que les nouvelles
technologies se heurtent à des obstacles techniques que les
professionnels devront résoudre afin que leur utilisation soit
efficace : l'informatique ne doit pas devenir une source de lenteur alors
qu'il est au contraire utilisé pour aller plus vite.
Malgré les incomparables exploits techniques des
concepteurs de logiciels et de matériels de stockage informatique, dans
bien des cas, le support papier et les techniques de micro filmage restent
malgré leur volume, des moyens d'archivage sûrs. A ce titre, il
faut considérer l'informatique comme un moyen utile de gestion des flux
mais savoir qu'elle n'a pas encore fait ses preuves dans la conservation des
stocks.
II. L'antinomisme entre statisme de l'archivage et
dynamisme de la dématérialisation
L'écrit papier possède de célèbres
vertus puisqu'il permet d'un même coup d'enregistrer l'information, de
l'administrer, de la transmettre, de l'archiver et de la prouver. Ces
qualités semblent difficilement reproductibles à l'égard
de l'écrit électronique surtout en ce qui concerne l'archivage
dans la mesure où d'un côté, l'accès et la
consultation en ligne des documents nécessitent un certain dynamisme et
que, d'un autre côté, l'archivage et l'administration de la preuve
requièrent une immuabilité.
Néanmoins, le législateur a fait évoluer
le droit de la preuve puisqu'il intègre la notion d'écrit sous
forme électronique depuis la loi du 13 mars 2000, la loi pour la
confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 ayant ensuite
établi le cadre juridique des transactions passées par voie
électronique. Outre l'intérêt pour chacun d'être en
mesure de prouver la sincérité de ses actes, les règles
légales applicables dans un monde où les personnes sont de plus
en plus connectées ne peuvent être méconnues. L'usage des
procédés dématérialisés ne fait donc
qu'accroître la nécessité de la traçabilité,
de la preuve et du devoir de vérité. Dès lors, comment
archiver de manière fiable, éventuellement à très
long terme les données établies, transformées ou
reçues sous forme électronique ? La problématique de
l'archivage des écrits électronique est au coeur des
débats (A) et plusieurs solutions sont envisagées (B).
A. Les difficultés de conservation des actes
dématérialisés
Un document électronique est lié aux logiciels
et matériels capables de l'interpréter et de le rendre
intelligible. Il en découle que la préservation d'un acte
établi par voie électronique n'est pas simple en raison de
l'obsolescence rapide de ces outils rendant la capacité de relecture
aléatoire. Par conséquent, l'archivage doit rendre cette
information indépendante des procédés informatiques
d'origine, de façon à garantir la préservation de
l'information pendant les durées de conservation requises. Aussi, il est
possible d'imaginer des procédures de contrôle permettant de
vérifier l'adéquation de la lecture d'un acte avant et
après la reprise des données du nouveau système85(*).
Dans certains domaines cependant, il semble que le maintien
sous la forme numérique des données peut s'avérer
inadéquat. En effet, si un acte n'est voué qu'à rester
dans d'état où il a été fait, son archivage n'aura
pas de véritable intérêt.
Viennent s'imbriquer à l'ensemble de cette
problématique les questions relatives aux conditions dans lesquelles
sont conservées les données électroniques qui concernent
des informations nominatives ou sensibles. En effet, l'absence d'archivage de
telle donnée pendant un temps excessif ou incontrôlé est
susceptible de présenter un réel danger pour la vie privée
et la sérénité des personnes. En d'autres termes, une
accessibilité universelle à l'ensemble des données du
monde peut poser des problèmes considérables de droit de la
propriété intellectuelle.
Dans le silence de la loi, la doctrine s'accorde à
reconnaître qu'il s'agit du problème majeur du droit de
l'écrit électronique86(*). La solution retenue devra certifier des
procédures suffisamment sécurisées pour assurer la
délivrance et la circulation des actes
dématérialisés et notamment des actes notariés dont
le caractère authentique ne pourra pas être remis en cause.
Par conséquent, un large besoin de clarification de ces
réalités liées à l'administration de la preuve, au
respect indispensable des dispositions légales relatives à la
protection de la vie privée et des libertés individuelles est
nécessaire. L'archivage des actes dématérialisés
doit engendrer une réflexion de la compétence des professionnels
du droit, des Archives de France pour les notaires voire même de la
politique. Plusieurs techniques à la conservation de l'acte
électronique établi sur support électronique sont
avancées.
B. Les solutions proposées
Certaines réponses sont apportées à la
question de la conservation des actes dématérialisés de
manière générale et des actes authentiques
électroniques.
1. La norme AFNOR, une proposition pour l'archivage des
données électroniques
L'avant projet de norme87(*) PR NF Z43-400 « Archivage de
données électroniques - COM/COLD »88(*) a fait l'objet d'une
enquête probatoire menée auprès des professionnels du
droit, proposant certaines solutions à la problématique de la
conservation des actes dématérialisés. En effet, la dite
norme s'applique aux données scripturales ou graphique en deux
dimensions, établies, transformées ou reçues sous forme
électronique. Elle se fonde sur les supports et les techniques de la
micrographie informatique en noir et blanc à traitement chimique
liquide. Ce procédé est choisi parce qu'il ne peut aboutir
à un autre que l'irréversibilité de l'enregistrement et
pour les qualités des microformes.
La présente norme comporte six annexes informatives,
consacrées respectivement aux aspects juridiques de l'archivage des
données électroniques, à la chronologie des
réformes du droit de la preuve, aux implications de la loi Informatique
et libertés...
L'association initiatrice de ce projet annoncera prochainement
l'homologation de la nouvelle norme d'archivage électronique89(*). Ces règles peuvent
être une solution à la problématique étudiée
mais seul l'avenir prouvera leur réussite. Aussi, si ladite association
vient à disparaître, quelles règles appliquer pour assurer
la conservation des documents archivés ? La norme n'assure donc pas
forcément une sécurité absolue, l'intérêt
d'un texte de loi se fait donc ressentir.
2. La mise en oeuvre d'une politique d'archivage pour
le notariat
L'alinéa 2 de l'article 1317 rappelle l'obligation de
conservation des actes authentiques établis sur support
électronique, renvoyant au décret en Conseil d'Etat pour les
modalités d'application. A ce titre, tenues de conserver les actes des
notaires au-delà de cent ans, les Archives de France ont entamé
une réflexion90(*)
sur l'archivage des documents électroniques. Il est essentiel de
prévoir le versement des documents pour en garantir une bonne
conservation.
Il a d'abord été proposé de faire
systématiquement une édition papier91(*). Mais bien que louable, cette
suggestion ne règle pas les problèmes de totale
dématérialisation des actes. En effet, d'une part, il
paraît difficilement concevable, à moyen terme, d'archiver des
actes établis sur support électronique à l'aide d'une
édition papier. D'autre part, l'édition papier d'une signature
électronique ne semble pas apporter la même force probante qu'une
signature manuscrite. Par conséquent, ne pas raisonner en
« tout électronique » est problématique.
Les propositions ultérieures sont relatives à la
création d'une structure adéquate à la conservation des
actes dématérialisés. Néanmoins,
réfléchir à une structure d'archivage suppose
préalablement d'avoir tranché le débat de savoir s'il faut
laisser la liberté au notaire d'organiser seul l'archivage des actes
authentiques établis sur support électronique ou si cet archivage
doit être confié à un tiers. Cette question, plusieurs fois
débattue, a abouti à une décision raisonnable de confier
cette mission à une institution centrale dont le rôle serait de
mettre au point un minutier central. Mais la création d'un tel
procédé est une idée fondamentalement novatrice, rompant
avec les méthodes actuelles, qui risque d'apporter les
mécontentements de certains notaires pouvant y voir une privation de
leur liberté92(*).
Il est néanmoins possible de prévoir que l'accès aux
données sera réservé au seul notaire qui aura
alimenté le fichier.
Les coûts afférents à ces techniques
d'archivage règleront en partie les débats. Le décret en
Conseil d'Etat relatif à l'application des actes authentiques
dématérialisés prochainement publié apportera
déjà une autre partie des solutions. Cependant, il semble qu'une
politique générale d'archivage sécurisé que la loi
ne manquera pas d'imposer est nécessaire pour que la conservation des
actes dématérialisés puisse s'effectuer avec respect de la
sécurité juridique.
Envisager l'usage des nouvelles technologies dans la
procédure civile suscitent alors diverses problématiques, de
portées plus ou moins importantes, mais qui amènent toutes
à l'idée qu'il convient de délimiter leur application afin
que la sécurité juridique, la qualité de la défense
d'un citoyen et surtout l'équilibre existant entre les protagonistes du
procès puissent être sauvegardés. Un maniement
tempéré est donc souhaitable. Quant à l'étape
finale de la procédure civile que constitue le jugement, se
heurte-t-elle aux mêmes obstacles ?
CHAPITRE 2 : La substitution intégrale du
juge par l'informatique, une étape à ne pas franchir
La mise en place de nouvelles technologies tel que les
logiciels de travail partagés peut faciliter le
délibéré. Techniquement en effet, il paraît
aisé de mettre en ligne des éléments figurant dans les
dossiers : pièces produites, arguments des parties et conclusions
des avocats. Ainsi, tout ce qui est dans le débat constitue un
environnement partagé. Mais cette simplification de la procédure
par l'utilisation de procédés informatiques peut-elle aller
jusqu'à substituer le juge par l'informatique ? Certes, le jugement
n'est que le point d'orgue de la procédure, mais il peut paraître
artificiel de le dissocier.
Dès lors, comment analyser l'immixtion des nouvelles
technologies dans le travail du magistrat du siège ? La technique
permet-elle simplement au juge de le seconder ou peut-elle le
remplacer ?
En considérant dans un premier temps que l'utilisation
impropre des procédés techniques risque fortement de bouleverser
le rôle du magistrat dans sa fonction de meneur de débat et de
preneur de décision (section 1), il convient d'exposer l'idée
selon laquelle les nouvelles technologies peuvent l'assister favorablement
(section 2).
SECTION 1 - L'appréciation humaine de
l'opportunité d'une décision
Les nouvelles technologies peuvent-elles remplacer le juge en
tant qu'être humain ? Les débats oraux menant à la
décision tout comme le jugement lui-même peuvent-ils être
échangés par une automatisation de la procédure ?
L'utilisation de la technique ne semble pas pouvoir substituer
le cheminement de pensée conduisant à la décision (I)
comme la réalisation d'un jugement équitable (II).
I. La nécessaire sauvegarde des relations humaines
entre le juge et le justiciable
Le procès civil demeure au fond, la chose de parties
malgré le rôle accru de nos jours reconnu au juge. L'initiative
appartenant aux parties, la procédure civile reste accusatoire. Les
articles 1 à 5 du Nouveau Code de procédure civile ne laissent
aucun doute sur cette idée. Seules les parties introduisent l'instance
et ont la liberté d'y mettre fin avant qu'elle ne s'éteigne par
l'effet d'un jugement ou en vertu de la loi. De plus, ce sont leurs
prétentions respectives qui déterminent l'objet du litige. Le
juge, quant à lui, a pour fonction de veiller au bon déroulement
de l'instance et de se prononcer sur tout ce qui est demandé.
Dès lors, même si un système informatique
peut gérer une partie de la procédure civile et faciliter la
discussion collective dès l'enrôlement de l'affaire, le citoyen
attend dans certaines situations que le juge l'écoute vraiment,
c'est-à-dire sans intermédiaire humain ou technique. En effet,
au-delà de la question relative à la perte
d'égalité entre les justiciables qu'une procédure
intégralement automatisée pourrait engendrer, l'usager a sans
doute besoin d'être rassuré par des paroles, une écoute,
une présence physique. Souvent néophyte en droit, perdu dans le
système judiciaire, il risquerait d'être totalement noyé si
une telle procédure venait à être créée. Le
citoyen attend donc que le juge lui accorde le temps nécessaire à
la compréhension des faits qui lui sont soumis parce qu'à
côté de celle de décider, l'une des missions les plus
importantes du juge est bien de permettre aux parties d'entendre leur parole,
la voix de leur contradicteur et d'en admettre la légitimité afin
de rechercher ensemble des solutions qui ne peuvent être mises en oeuvre
que si elles ont été acceptées dans une moindre mesure.
Ce travail d'audition, de maniement du débat et de
décision parait donc difficile s'il est réalisé dans un
cadre qui ne met pas en présence les différents acteurs.
L'écoute n'est pas tout à fait la même à
l'égard de ceux qui sont présent à l'audience et ceux qui
sont loin ou dont les propos ont été enregistrés ou
retranscrits. La qualité du débat risquerait donc d'être
altérée par la mise en place d'un système
intégralement automatisé, sans intervention de l'homme. De plus,
les parties doivent garder encore la possibilité d'entendre leur avocat
plaider, les questions ou remarques du juge. Une procédure civile
entièrement technique entraînerait une déshumanisation de
la justice qui n'est pas souhaitable car la croyance d'une bonne administration
de notre système judiciaire, fondé par les hommes et encré
dans nos esprits ne pourra plus être défendue : le gain de
temps procuré par les nouvelles technologies mettra en péril le
principe du dialogue.
Aussi et surtout, il serait illusoire de penser que tous les
usagers de la justice pourront un jour être informatisés.
Dès lors, on ne peut imaginer que la justice prive les justiciables de
l'accès à leur droit à être jugé. Le
débat peut donc dans une certaine mesure être informatisé
mais l'intégralité de l'instruction d'un dossier ne peut se faire
avec cette technique puisque d'une altération de la qualité du
débat, nous passerons à une absence totale de débat.
Il convient donc de distinguer là encore, ce qui gagne
à être véhiculé par des moyens techniques et ce qui
reste dans les relations directes entre les individus. A cet égard, il
semblerait possible de permettre et de développer des échanges
par voie électronique entre les professionnels du droit (avocats,
huissiers de justices, notaires, greffiers, magistrats) afin que la gestion du
dossier soit facilitée, mais il serait déraisonnable d'effacer le
dialogue entre le juge et le justiciable pour les raisons
susmentionnées. Néanmoins, les problèmes demeurent les
mêmes pour les professions judiciaires : toutes ne sont pas
intégralement informatisées et il n'est pas imaginable de les
contraindre à le faire. Ainsi, l'instauration d'un « tout
informatique » entraînerait des dysfonctionnements importants
dans le système judiciaire puisque même les techniciens du droit
ne pourraient assurer leurs devoirs. Il convient donc de doser de
manière judicieuse l'utilisation des nouvelles technologies afin que les
débats ne soient pas dénaturés, voire qu'ils ne
disparaissent pas.
II. Le jugement, le propre de l'homme ?
Si le progrès technique et de la communication vient
à modifier à terme les relations entre le tribunal et le citoyen
ou les auxiliaires de la justice de sorte que le contradictoire y gagne en
termes de transparence et de ponctualité, l'informatique
parviendra-t-elle à s'infiltrer au coeur de la fonction judiciaire, au
point de substituer l'homme par des automates93(*) ?
Est-il acceptable que les fonctions du juge étatique,
à savoir le jurisdictio et l'imperium, soient
suppléées par une machine ? Afin de répondre
judicieusement à ces questions (B), il paraît nécessaire
dans un premier temps de positionner le problème (A).
A. Position de problème
L'interrogation essentielle repose sur le fait de savoir si la
technique peut offrir les mêmes compétences et garanties que le
travail d'un être humain, en l'occurrence un magistrat. En d'autres
termes, il convient de savoir si les nouvelles technologies peuvent apporter
une réflexion, une sagesse, une appréciation de
l'opportunité d'une décision similaires à celles fournies
par un juge avant qu'elles viennent à gagner l'ensemble de la
procédure civile.
Le jugement est défini comme l'action de juger, plus
précisément d'examiner une affaire en vue de lui donner une
solution, en général après une instruction et des
débats94(*). Ainsi,
l'examen approfondi du litige est nécessaire pour statuer de
manière juste et équitable, il ne saurait y avoir jugement sans
ce travail préalable. Reste à savoir si la technique peut
procéder à un tel travail intellectuel pour parvenir à un
résultat identique ou qui se rapproche de celui donné par
l'homme. Il est possible de douter que cela soit acceptable.
B. L'irremplaçable réflexion humaine
Tout d'abord, sans entrer dans des considérations
philosophiques qui ne sont pas l'objet de notre réflexion,
l'intelligence artificielle n'a pas la mémoire de l'expérience
d'un homme, la maturité et la sagesse de l'âge d'un magistrat
expérimenté.
De plus à l'origine, l'exploitation des données
d'un ordinateur sont dû à l'homme, à un ingénieur
qualifié qui a su intégrer un savoir dans la machine. La
technique n'est donc pas autonome. L'intelligence humaine par la technique
paraît difficilement remplaçable intégralement, sachant
d'autant plus que le droit et le raisonnement juridique présentent des
particularités : les nouvelles technologies risqueraient de
déformer, de dénaturer, de simplifier le processus juridique de
la résolution des problèmes.
Aussi, on peut imaginer que la confiance que certains usagers
peuvent accorder à une machine est limitée. Dès lors,
comment ces derniers pourront intégrer l'idée que la
décision d'un litige dont ils sont une partie, ait été
élaborée par une machine et non par un homme? Si la technique
vient à remplacer le magistrat, la confiance que le justiciable a en la
justice risquerait de se dégrader.
Par conséquent, les procédés techniques
peuvent certainement apporter des concours précieux mais ne sauraient
assumer le véritable acte de juger. En effet, même si les moyens
de s'informer, de communiquer, de préparer les décisions sont
multiples et variés, toujours plus efficaces et rapides, la majeure
partie des décisions doivent être abandonnées à la
sagesse des magistrats.
La réflexion humaine, la maturation d'un
problème, le travail de compréhension, la construction d'une
argumentation, la nécessaire prise en compte du doute, tout ce qui fait
la spécificité de l'élaboration d'une décision
prend du temps. Après avoir entendu les parties et leur avocat, il reste
un travail de concentration nécessaire à l'élaboration
d'un jugement afin qu'il soit juste et équitable. Même si les
nouvelles technologies gagnent en terme de temps et de productivité, la
valeur d'un jugement rendu par une machine peut être mise en doute.
La procédure civile est-elle donc sur le point de
rejoindre les hypothèses de processus on line
entièrement automatisés où la déshumanisation du
règlement des conflits est manifeste ? Concrètement dans ce
type de procédure prévue pour les contrats de transaction,
chacune des parties au conflit formule, successivement une offre
chiffrée en vu d'un règlement transactionnel. La proximité
desdites offres, dont les parties n'ont pas une connaissance réciproque,
conduit l'ordinateur à en déterminer la moyenne, fixant ainsi le
montant de la transaction extrajudiciaire. Ici, il semble que l'absence
d'intervention humaine et l'automaticité du procédé
compromettent l'espoir d'aboutir à une transaction exactement convenue
entre les parties. Ce n'est pas l'oeuvre d'une justice concevable de statuer
sans échanges des parties. Il paraît donc délicat
d'envisager la procédure civile de la même manière.
Néanmoins, l'application des nouvelles technologies
à l'oeuvre de la justice mène à la rencontre d'un juge
assisté par ordinateur.
SECTION 2 - La cohabitation de l'homme et de la machine
dans le délibéré, une perspective à
délimiter
Des systèmes fondés sur une intelligence
artificielle dans le domaine du droit sont nés à la fin des
années 1980. Ces outils dénommés
« systèmes experts » ou
« systèmes à base de
connaissance », sont un des plus beaux fleurons de
l'intelligence artificielle bien qu'ils présentent certaines failles
(I). Destinés à aider l'homme, ils ne servent cependant pas
à le remplacer mais bien à l'assister intelligemment (II) ce qui
semble correspondre aux exigences de sécurité juridique.
I. Une intelligence artificielle au service de
l'élaboration d'une décision : les systèmes
experts
Le concept « Artificial
Intelligence » a été utilisé pour la
première fois à Darthmounth College aux Etats-Unis en
août 1956, lors d'une conférence réunissant un ensemble de
scientifiques de haut niveau qui proposaient de réaliser des programmes
d'ordinateurs doués d'intelligence. Il est délicat à
définir puisque de nombreuses confusions et interprétations
erronées demeurent. En effet, sachant qu'il est au départ
difficile d'expliquer la notion d'intelligence, l'intelligence artificielle ne
peut pas être aisé à décrire. Néanmoins, le
Professeur Martine Quenillet l'a défini comme un regroupement de
concepts, méthodes et procédures élaborées par les
hommes pour simuler les activités liées à la pensée
et au raisonnement humain95(*). Le but est alors de fournir des résultats qui
pourraient être ceux de l'intelligence humaine mais il ne s'agit pas de
simuler l'ensemble de pensée ou de la raison humaine.
C'est en se fondant sur cette technique que les
systèmes experts ont été créés puisque
ceux-ci ont pour fonction d'assister l'homme pour résoudre les
problèmes dans lesquels l'aide d'un expert s'avère
particulièrement utile voire indispensable. A quoi servent
concrètement ces outils ? Est-il possible de réellement les
appliquer avec profit au domaine juridique ? L'étude approfondie de
leur histoire et fonctionnement est un préalable nécessaire (A)
afin de savoir quels sont leur avantages et inconvénients (B).
A. L'utilisation des systèmes experts
appliqués au droit
1. Historique
L'année 1970 marque le début de l'application
des systèmes experts au droit. En effet, à cette époque
aux Etats-Unis, l'informaticien BUCHANAN et le juriste HEADRICK
(Université de Stanford), publièrent les premiers résultas
d'une recherche détaillée sur l'utilisation de ces outils. Peu de
temps après, Thorne McCARTY, aujourd'hui considéré comme
le père de ce domaine d'activité, réalisa le
système « Taxman » qui a pour objet d'analyser les
conséquences fiscales d'une transaction commerciale et qui encore de nos
jours un des systèmes les plus connus.
Depuis les années 1985, la combinaison de
l'informatique traditionnelle du traitement des données et de
l'informatique de type intelligence artificielle s'est beaucoup
développée et à l'heure actuelle, il est possible de
concevoir sept différents systèmes experts : diagnostic, de
planification, guides, de contrôle, de modélisation de documents,
d'aide à la recherche documentaire, d'aire à l'analyse des textes
juridiques et ceux à vocation d'enseignement. Il ne convient pas de les
étudier successivement puisqu'ils ne concernent pas tous la
problématique de notre développement. Néanmoins, il est
intéressant de se pencher sur l'analyse du système expert de
diagnostic qui est un processus automatisé de résolution d'une
difficulté juridique.
2. L'intérêt de leur fonctionnement :
des outils pour reformuler le droit
Les systèmes experts accompagnent le processus de
décision du juge de manière à mémoriser son
raisonnement dans un domaine particulier.
En effet, dans les systèmes de diagnostic, l'ordinateur
propose une solution spécifique au problème qui lui est
soumis96(*). Les
décisions sont commandées par une combinaison de facteurs dont
elles résultent de façon mécanique. Ce système
repose sur l'enchaînement « Si...alors... ».
Par exemple, imaginons que ledit système doit aider le magistrat sur un
litige concernant une demande de condamnation au paiement d'une somme d'argent.
Il fera son cheminement vers la décision, fondé d'une part sur
les textes applicables dans le domaine concerné (non règlement
des loyers et loi de 1989 sur la bail d'habitation, non règlement des
échéances d'un contrat de vente, dommages et
intérêts fondés au titre de la responsabilité
civile, etc.) et la jurisprudence, et d'autre part, tenant compte des
règles de procédures (compétence du juge, pièces
produites à prendre en compte ou non selon que le principe du
contradictoire a été respecté, etc.). Tout comme le juge
vérifie si les conditions prévues par la loi sont réunies,
le système s'interroge sur chacune d'elles et la réponse
affirmative à chaque interrogation permet la poursuite du
raisonnement. : si telle condition est remplie, alors telle règle
s'applique.
Le magistrat participe à la création de ce qui
sera son outil d'aide à l'élaboration de la décision et
contrôle le processus. La sécurité juridique dans sa
sphère d'activité ne peut qu'être renforcée par un
tel exercice d'autant plus que l'outil peut l'aider à vérifier
ses connaissances lors du traitement des dossiers. Dès lors, un tel
système décharge le juge d'un certain nombre de dossier,
étant à l'évidence adapté aux règles
juridiques existantes qui résultent de la loi, de la jurisprudence de la
Cour de cassation, de la Cour d'appel de son ressort, voire de la chambre
où le juge exerce sa propre pratique.
Néanmoins, diverses difficultés se heurtent
à l'utilisation systématique des systèmes experts. Il
semble alors que les performances de l'informatique ne puissent pas
égaler celles des spécialistes du droit.
B. La réalisation d'un système expert :
les limites de la faisabilité
Dans de nombreux cas, le système expert n'est d'aucune
aide pour le magistrat qui devra apprécier seul la situation de faits.
En effet, tout d'abord, lorsque la situation
présentée au juge n'a pas été prévue par la
loi, qu'elle n'a fait l'objet d'aucune décision de jurisprudence, ou
encore si des éléments de faits nouveaux sont apportés au
débat, le système expert ne fournit plus de réponse et
n'est dès lors plus compétent. Le juge reprend donc le dossier
seul et fait son office de juge97(*). Son pouvoir créateur paraît donc ne pas
pouvoir être remplacé par la machine.
Ensuite, il faut savoir que même si les systèmes
experts peuvent permettre un meilleur rendement et une réduction du
coût des services, ils sont eux-mêmes onéreux, voire de
manière considérable98(*). En effet, afin de les faire fonctionner, des
informaticiens qualifiés sont indispensables et il faut payer les
experts humains, ce qui prend des proportions importantes. Ainsi, les
bénéfices qui résultent de leur utilisation devront
excéder ces coûts afin qu'ils puissent être mis en place.
Néanmoins, il paraît difficile de quantifier le profit
engendré par cette technologie car elle est pour partie de nature
intangible99(*).
Aussi, il est fréquent que certains litiges
mêlent plusieurs difficultés, dont certaines relèvent
largement de l'appréciation humaine. Le juge tient compte d'une
série de critères, en leur accordant une importance variable
selon les demandes, les dossiers, sa propre connaissance et chacun de ces
éléments peuvent influer sur l'appréciation des autres.
Dans ces cas où le raisonnement humain a une place indispensable, la
machine n'est donc d'aucun secours100(*).
Enfin, le système expert peut engendrer des
problèmes humains et d'organisation. En effet, la source du savoir et de
l'expertise est l'expert humain lui-même. Or, il est permis de penser
qu'il n'est pas toujours facile de convaincre un expert de consacrer de longues
périodes de son temps pour la réalisation du système,
d'autant plus s'il n'a pas l'assurance que ce dernier pourra fonctionner de
manière efficace dans le cadre d'une organisation spécifique.
Certains utilisateurs peuvent avoir le sentiment qu'on leur ôte des
compétences, ou encore ils peuvent se sentir moins à l'aise
devant des systèmes informatiques que devant des êtres humains.
Dès lors, le professionnel du droit qui ne désire pas faire une
utilisation de la technologie informatique constitue une limite première
à l'instauration des systèmes experts dans le domaine du
droit.
Par conséquent, les systèmes experts ne sont pas
infaillibles et leur maniement par le juge ne peut pas être
systématique. Néanmoins, ils constituent une technologie moderne
et appréciable qui peut très bien être utilisée pour
des litiges déterminés. L'important est là aussi de
distinguer les domaines qui nécessitent l'intervention de l'homme et
ceux qui peuvent être relayés par une machine.
II. Les perspectives envisageables face aux obstacles
techniques et juridiques
Le recours aux systèmes experts peut être
envisagé dans un cas complexe si la solution est intégralement
commandée par des paramètres objectifs et certains. Mais il
semble bien que peu de situations juridiques présentent l'ensemble des
caractéristiques favorables à l'élaboration d'un
système expert. Ainsi, il convient de séparer là encore
les domaines où l'introduction des nouvelles technologies dans la phase
du jugement est envisageable et les cas où elle ne l'est pas.
A. L'absence de conflits de compétence en cas de
décisions d'opportunité
Comme il a été expliqué
antérieurement, le juge doit dans différentes situations
apprécier les éléments de faits qui lui sont soumis. Par
exemple, nombreuses sont les décisions où les parties s'en
remettent à la sagesse du tribunal, ce qui est le cas en matière
contentieuse parfois mais surtout en matière gracieuse (autorisation du
juge des tutelles101(*)
, homologation d'un changement de régime matrimonial102(*), etc.). Dans ces cas, le
juge a une liberté de décision et va privilégier la
solution qui lui paraît la plus protectrice de l'intérêt le
plus légitime. Les données de droit ou de fait dont il dispose
inspirent sa décision mais ne la commandent pas. Le juge préserve
donc tout son libre arbitre, son pouvoir souverain d'appréciation. Il ne
va pas dire le droit « juridictio », mais va le
créer « imperium » afin de
déterminer une situation individuelle.
Ces décisions d'opportunité103(*) ne peuvent pas être
élaborées par un système expert étant donné
que la base de règle contenue dans le processus ne peut apporter aucune
réponse qui n'a pas été calculée. Ces situations ne
sont donc susceptibles d'aucune aide informatique à la
décision ? La réponse doit être nuancée. En
effet, il est possible qu'une machine puisse aider le magistrat en lui donnant
des pistes de réflexions à la lumière des
antécédents judiciaires mis en mémoire et en lui indiquant
la solution qui paraît être la plus judicieuse compte tenu des
résultats obtenus dans le passé. Cependant, l'outil informatique
ne pourra pas se substituer au juge et élaborer lui-même un
jugement en toute autonomie puisque le processus n'est guère
prévu à cet effet.
En d'autres termes, le système expert pourra pour les
décisions impératives dicter une solution nécessaire et
pour les décisions d'opportunité établir une
probabilité que le magistrat sera libre ou non de suivre.
Les décisions qui ne requièrent pas une
appréciation souveraine du juge peuvent donc être prises par des
machines telle que les évaluations des indemnités et
émoluments de toute nature réclamés par le demandeur. Une
collecte abondante de jugements pourrait permettre de calculer la moyenne des
sommes allouées pour les préjudices les plus courants.
Néanmoins, il convient de mettre un bémol sur cette idée.
En effet, le risque de prendre des données statistiques comme fondement
de la décision est que ce mode de réparation forfaitaire devienne
insensible à toute subjectivité. Il ne paraît pas prudent
que le progrès mette en péril toute appréciation humaine
du litige, même pour ce qui est d'un calcul simple d'une indemnisation
d'un préjudice.
B. Un outil d'aide plutôt qu'une inspiration
intégrale
Il semble que l'ordinateur sache tout faire sauf inventer. Il
peut retenir et tout déduire mais non pas rendre un jugement en
équité. La machine est donc bien mieux située à
côté de l'homme qu'à sa place.
Le système expert a un avenir certain dans l'assistance
qu'il pourra apporter au magistrat à tous les stades de la
procédure. Ainsi, le rôle respectif de l'homme et de la machine
est bien à distinguer: il n'appartient pas à l'ordinateur de
juger mais simplement de libérer le juge d'un certain nombre de charges,
lui permettant ainsi de mieux se consacrer à l'unique mission dont il a
l'exclusivité.
Il paraît alors possible de dire que lorsque l'outil
informatique décide, il n'y a pas de vrai jugement. Nous rejoignons
ainsi la conclusion de Madame Danielle Boursier qui soutient l'idée
qu' « il est nécessaire, en dernière instance
de légitimer toute décision par une autorité humaine et de
veiller à préserver la fonction de responsabilité dans
toute action impliquant un jugement. Le déterminisme des machines
(machine de droit, machine bureaucratique, machine technologique) doit
être interrompu par l'indétermination des choix humains,
même si la liberté humaine n'est que le fruit de notre ignorance,
et l'indétermination de l'interprétation seulement l'effet de la
multiplicité des déterminations auxquelles l'homme est
soumis »104(*).
Conclusion
L'introduction d'un instrument nouveau dans un domaine jusque
là réservé à l'esprit humain engendre souvent un
rejet quasi général. Puis, passée la méfiance
initiale, il est possible d'observer une phase d'engouement non moins excessive
pour arriver à une approche raisonnable.
Introduire les nouvelles technologies dans le procès
civil n'est pas un projet aisé. Le bouleversement des mentalités
ancrées autour de la culture papier, des comportements et
méthodes de travail des praticiens du droit est loin d'être un
mythe. Néanmoins, l'usage de ces outils n'entraîne pas un
véritable désordre dans la pratique judiciaire puisqu'il est
gouverné par des Directives Européennes, lois et décrets
d'application garantissant la sécurité juridique ainsi que la
bonne application des règles déontologiques de chaque profession
judiciaire et protégeant les données personnelles des
utilisateurs. A ce titre, il suffit de se pencher simplement sur
l'actualité judiciaire pour comprendre combien ces instruments sont
encadrés par des normes: de nombreux textes et programmes ayant pour
objectif premier de sauvegarder la sécurité du système
civil procédural sont en voie d'être appliqués, notamment
le décret du Conseil d'Etat pris en application de la loi du 13 mars
2000 relatif à la signature électronique, à
l'établissement et à la conservation des actes authentiques
électroniques. Les nouvelles technologies ont dès lors pu
convaincre les plus réservés quant aux atouts qu'elles comportent
pour la procédure civile. La célérité de la justice
comme la productivité dans la gestion des dossiers semblent
assurées par ces outils. Les profits que peuvent retirer les
professionnels du droit comme les justiciables du développement de ces
instruments dans la sphère civile procédurale ne peuvent
être méprisés. A cet égard, la méthode de la
certification atteste d'un avenir prometteur. Reposant sur le mécanisme
de la cryptographie et contrôlé par un tiers indépendant,
l'échange de données dématérialisées
s'effectue de manière sécurisée répondant ainsi aux
exigences de confidentialité et d'authenticité. En raison des
garanties procédurales qu'il offre aux utilisateurs, ce mécanisme
renferme sans doute de sérieux enjeux pour l'utilisation future des
nouvelles technologies dans la procédure civile.
Cependant, le parcours vers une procédure totalement
dématérialisée est semé d'embûches et il faut
être conscient des problèmes de faisabilités et de
sécurité juridique. Ce sont d'abord des obstacles techniques qui
doivent être dépassés afin que la communication
électronique s'opère en toute quiétude. A ce titre,
l'archivage des données électroniques et la durée de la
conservation des documents numérisés présentent des
difficultés dont il convient de remédier : les actes, qu'ils
soient authentiques ou sous-seing privé, doivent pouvoir être
conservés conformément aux exigences légales. Mais
à cet égard, la technologie avançant à une vitesse
fulgurante, il est possible que ces risques soient maîtrisés
à l'avenir, à supposer que d'autres ne viennent pas s'ajouter
à ceux connus. Ensuite, et surtout, le danger majeur de l'instauration
d'une procédure civile intégralement informatisée concerne
l'équité judiciaire. En effet, la question de l'étendue
des nouvelles technologies quant aux conséquences qu'elle pourra avoir
pour le droit d'accès à la justice de l'usager doit être au
coeur des débats. Si le système judiciaire parvient à la
société du « tout électronique », un
certain nombre de problèmes sont à envisager : le clivage
entre les individus disposant d'outils informatiques et les autres, la perte
de l'égalité entre les citoyens devant la justice, le
déclin des professionnels du droit non informatisés, et le non
respect des principes fondamentaux. Enfin, à cette menace s'ajoutent les
risques de parvenir, d'une part, à une surconsommation judiciaire,
puisque la simplification excessive de l'engagement d'une action civile pourra
entraîner un engorgement des tribunaux, d'autre part, à une
dépersonnalisation dans le traitement des dossiers, étant
donné que les relations humaines pourront disparaître au profit
d'une unique communication par voie électronique, et enfin, à une
perte de l'appréciation souveraine du magistrat pour les
décisions d'opportunité, dans le cas où la machine
viendrait à remplacer le juge.
Le « tout électronique » dans la
procédure civile, comme dans les autres secteurs judiciaires et
juridiques, constitue donc une utopie même s'il peut correspondre
à une ardente ambition des personnes intéressées. Ce
constat est préférable au vu des risques que l'intégrale
informatisation de la sphère procédurale pourrait comporter. Loin
d'être un échec, il est le reflet d'une prudence honorable
s'expliquant par le souci de ne pas aboutir à une discrimination dans le
traitement judiciaire. Dès lors, il convient de rester à une
utilisation modérée des nouvelles technologies en ne proposant
des échanges dématérialisés qu'à ceux qui
disposent de ces nouveaux outils, et ce, afin d'éviter de créer
un « fossé numérique ».
A l'avenir, la justice pourra très bien fonctionner
selon un mode alternatif, comme c'est le cas à moindre mesure
actuellement: d'un côté, la présence physique, de l'autre
côté, l'immatériel. Loin d'être substituée
à l'homme, la machine restera un outil d'aide et de simplification des
démarches procédurales.
L'objectif primordial est de trouver un équilibre dans
l'usage des instruments électroniques afin que la sécurité
juridique soit sauvegardée. Même si la pression tacite
exercée par la société actuellement nous conditionne tous,
dans la vie privée comme dans la vie publique, à nous
équiper de nouvelles technologies, il faut que l'utilisation de
celles-ci reste un choix pour le justiciable ainsi que pour les professionnels
du droit, et non une nécessité. Ces derniers doivent conserver le
droit de pouvoir se servir ou non d'instruments ou de préférer
le support papier au support électronique.
Cette conception « citoyenne » de
l'utilisation des nouvelles technologies est une préoccupation que tous
les acteurs du procès civil doivent partager. Dès lors, si la
perception de l'usage de ces outils modernes est envisagée de
manière équilibrée, celui-ci pourra promettre un avenir
satisfaisant.
Bibliographie
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civile, Armand Collin, 12ème éd.,
2002
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27ème éd., 2003
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sous la direction de Monsieur le Professeur Warusfel, 2003-2004.
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texte n° 25
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à la transmission par voie électronique des actes des
collectivités territoriales soumis au contrôle de
légalité et modifiant la partie réglementaire du Code
général des collectivités territoriales, JO
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Décret n°2005-222 du 10 mars 2005 relatif
à l'expérimentation de l'introduction et de la communication des
requêtes et mémoires et de la notification des décisions
par voie électronique, JO n° 59 du 11 mars 2005 p. 4212,
texte n°35.
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octobre 2004, 1312 p.
Salon juridique :
2ème Salon juridique de l'Internet et
du Numérique sous le patronage de Monsieur Christian JACOB,
Ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la
consommation, le 16 décembre 2004, Paris
75012
Sites Internet
- www.legifrance.gouv.fr
- www.justice.gouv.fr
- www.cnb.avocat.fr
- www.avocatparis.org
- www.assemblee-nationale.fr
- www.infogreffe.fr
- www.tout-savoir.net
Articles de journaux
MATHY (D.), Logiciels pour notaires, La
Tribune de l'Informatique Juridique 2004, n°6, p.28.
LANDRIN S., À Lyon, la justice
expérimente les confrontations à distance grâce à
des caméras, Le Monde, 8 février 2005.
Index
A
Acte authentique électronique · 37, 39, 40, 41, 42,
62, 70, 71, 76, 77
Arbitrage électronique · 59
Archivage · 14, 37, 62, 74, 75, 76, 77, 78
Avocats · 13, 14, 15, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 41, 43, 44,
48, 49, 50, 51, 80, 82, 83
C
Certificat électronique · 47, 48, 49, 51, 52
Certification · 24, 42, 43, 44, 45, 47, 48, 49, 50, 51, 52,
53, 54, 55, 56
Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales · 18, 19
Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales» · 17, 19
Courrier électronique · 28, 30, 33, 72, 73
Cryptographie · 44, 45, 46, 47, 48, 55, 58
H
Huissiers de justice · 13, 14, 40, 50, 61, 70
I
Intelligence artificielle · 83, 84, 85
Internet · 15, 16, 18, 34, 36, 43, 44, 45, 47, 52, 58, 59,
73
L
Logiciel · 14, 15, 40, 45, 58, 74, 75, 80
M
Mise en état électronique · 36
N
Notaires · 13, 14, 39, 40, 42, 50, 76, 78, 82
P
Programme d'action gouvernementale pour l'entrée de la
France dans la société de l'information · 21
S
Signature électronique · 23, 24, 25, 33, 34, 40, 41,
43, 46, 47, 53, 56, 58, 60, 62, 78
Signification électronique · 41, 70, 71
Système expert · 84, 85, 86, 87, 88
T
Télécopie · 21, 30, 33, 35, 54, 56
V
Visio-greffe · 28
Visioconférence · 16, 17, 28, 29, 30
Table des matières
PRINCIPALES ABREVIATIONS 4
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 6
PARTIE 1 : LE BIEN FONDÉ DE L'ESSOR DES
NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS LA PROCÉDURE CIVILE 12
CHAPITRE 1 : DES ARGUMENTS PROPICES AU
DÉVELOPPEMENT DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS LE PROCÈS CIVIL
13
SECTION 1 - LE TEMPS INFORMATIQUE AU SERVICE DU TEMPS
JUDICIAIRE 13
I. Une productivité assurée pour la gestion du
dossier 13
A. Les professionnels du droit en faveur d'un suivi de l'affaire
instantané et rapide 13
B. Des échanges facilités et rapides 15
II. L'assurance d'une meilleure application des principes
fondamentaux 17
A. Le droit à un accès effectif à un
tribunal 18
B. Le droit à un jugement public et équitable dans
un délai raisonnable 19
SECTION 2 - UNE POLITIQUE LÉGISLATIVE DE
SIMPLIFICATION DE LA PROCÉDURE CIVILE PAR L'OUTIL INFORMATIQUE
20
I. Un programme politique en faveur d'une
société de l'information et de la communication 20
A. La lutte politique pour une justice simplifiée et
moderne 21
B. Les projets politiques actuels ouverts vers une ère
électronique 21
II. La loi au service de l'ère informatique 22
A. L'écrit électronique ad probationem 23
B. L'écrit électronique ad validitatem 24
CHAPITRE 2 : L'IMPACT DES NOUVELLES TECHNOLOGIES SUR
LE QUOTIDIEN DES PROFESSIONNELS DU DROIT 27
SECTION 1 - L'OUVERTURE DES JURIDICTIONS VERS
L'EXTÉRIEUR PAR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHANGES
DÉMATÉRIALISÉS 27
I. Les échanges électroniques entre les
tribunaux civils et les justiciables face aux exemplaires juridictions
administratives et pénales 28
A. Vers une généralisation de l'usage des nouvelles
technologies dans les juridictions civiles 28
B. L'intense utilisation des nouvelles technologies par les
juridictions pénales et administratives. 29
1. Le maniement abondant des nouvelles technologies dans la
chaîne pénale et administrative 29
2. Les difficultés d'instaurer une chaîne civile
à l'image de la chaîne pénale 31
II. Les échanges dématérialisés
entre les tribunaux et les partenaires de la justice 32
A. Entre les cours d'appel et les avoués 32
B. Entre les juridictions civiles et les avocats 32
SECTION 2 - LA DÉMATÉRIALISATION DES ACTES
DE PROCÉDURE 34
I. Vers une dématérialisation étendue
des actes d'administration judiciaire et actes du palais 34
A. Les actes relatifs à la mise en état d'une
affaire 34
B. Les actes de palais établis entre les partenaires du
procès civil 36
II. L'acte authentique adapté aux nouvelles
technologies 37
A. Précisions sur la notion d'acte authentique 38
B. L'adaptation de l'acte authentique sur support
électronique 39
1. L'authenticité des actes électroniques par les
notaires 39
2. Les actes authentiques électroniques des huissiers de
justice 40
CHAPITRE 3 : LA SAUVEGARDE DE LA
SÉCURITÉ JURIDIQUE PAR LA CERTIFICATION 43
SECTION 1 - LA CERTIFICATION, UN OUTIL DE CONFIANCE
43
I. Des exigences de confidentialité et
d'authentification respectées 44
A. Un conflit entre le besoin de sécurité juridique
et les risques du Web 44
B. La cryptographie, le fondement de la sécurité
des échanges dématérialisés 45
II. Le certificat électronique, l'outil de la
dématérialisation des échanges 47
A. Une identification électronique garantie 47
1. Un support sécurisé de la
dématérialisation des échanges 47
2. Le fonctionnement du certificat électronique à
travers l'exemple d'E-GREFFE 48
B. L'autorité de certification indispensable à la
sécurisation des échanges 49
1. L'intervention d'un tiers certificateur neutre et
indépendant 49
2. Les exemples prometteurs d'autorités de certification
51
SECTION 2 - LES ENJEUX DE LA
DÉMATÉRIALISATION DES ÉCHANGES 53
I. La portée de l'admission d'une preuve
électronique. 53
A. La force probante de l'écrit électronique par la
certification 54
B. La gestion des conflits de preuve 55
II. L'exigence de sécurité juridique
au-delà de l'existence d'un écrit 56
TRANSITION 58
PARTIE 2 : LE RISQUE D'UNE DÉRIVE VERS UNE
JUSTICE DÉSHUMANISÉE 64
CHAPITRE 1 : DES OBSTACLES DÉCELABLES
À MAÎTRISER 64
SECTION 1 - LA PORTÉE D'UNE UTILISATION EXTENSIVE
DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS LA PROCÉDURE CIVILE 65
I. Dangers et inquiétudes liés à la
société du « tout électronique »
65
A. Vers la perte de l'égalité entre les
justiciables et entre les professionnels du droit 65
1. Les usagers de la justice inégaux devant l'accès
la justice 66
2. Le probable déclin des professions juridiques non
informatisées 67
B. La crainte d'une surconsommation judiciaire 67
II. Un risque de dépersonnalisation dans le traitement
du dossier 68
A. La dématérialisation exclue en matière
gracieuse et contentieuse? 69
B. L'altération de la qualité des débats
69
C. La signification électronique, un excès de
l'utilisation des nouvelles technologies 70
SECTION 2 - LES PROBLÈMES TECHNIQUES
INHÉRENTS AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES 72
I. Les limites propres à l'utilisation de
l'informatique 72
A. La vulnérabilité des courriels et réseaux
informatiques 72
1. Le message électronique, un commencement de preuve par
écrit 72
2. Les formulaires en ligne, un objectif de sauvegarde de la
sécurité juridique 73
B. L'inadaptation entre logiciels et systèmes
informatiques 74
II. L'antinomisme entre statisme de l'archivage et dynamisme
de la dématérialisation 74
A. Les difficultés de conservation des actes
dématérialisés 75
B. Les solutions proposées 77
1. La norme AFNOR, une proposition pour l'archivage des
données électroniques 77
2. La mise en oeuvre d'une politique d'archivage pour le notariat
78
CHAPITRE 2 : LA SUBSTITUTION INTÉGRALE DU
JUGE PAR L'INFORMATIQUE, UNE ÉTAPE À NE PAS FRANCHIR
80
SECTION 1 - L'APPRÉCIATION HUMAINE DE
L'OPPORTUNITÉ D'UNE DÉCISION 80
I. La nécessaire sauvegarde des relations humaines
entre le juge et le justiciable 80
II. Le jugement, le propre de l'homme ? 82
A. Position de problème 82
B. L'irremplaçable réflexion humaine 83
SECTION 2 - LA COHABITATION DE L'HOMME ET DE LA MACHINE
DANS LE DÉLIBÉRÉ, UNE PERSPECTIVE À
DÉLIMITER 84
I. Une intelligence artificielle au service de
l'élaboration d'une décision : les systèmes experts
84
A. L'utilisation des systèmes experts appliqués au
droit 85
1. Historique 85
2. L'intérêt de leur fonctionnement : des
outils pour reformuler le droit 85
B. La réalisation d'un système expert : les
limites de la faisabilité 86
II. Les perspectives envisageables face aux obstacles
techniques et juridiques 88
A. L'absence de conflits de compétence en cas de
décisions d'opportunité 88
B. Un outil d'aide plutôt qu'une inspiration
intégrale 90
CONCLUSION 91
BIBLIOGRAPHIE 94
INDEX 97
TABLE DES MATIÈRES 98
* 1 Discours du Premier Ministre
du 12 novembre 2002 devant l'assemblée Générale de
l'electronic business group, in P. HERRISON et B. SIDO, Rapport 345,
2002-2003, Commission des affaires économiques, www.senat.fr
* 2 Articles 238, 1443 et 1449
du Nouveau Code de procédure civile
* 3 Articles 727, 871, 879 et
946 du Nouveau Code de procédure civile
* 4 Articles 653 et suivant du
Nouveau Code de procédure civile
* 5 Articles 131-11 et 832-7 du
Nouveau Code de procédure civile
* 6 Directive Européenne
du 11 mars 1996 transposée en droit français par la loi du
1er juillet 1998
* 7 Les
systèmes informatiques des Huissiers de Justice, Chronique du
Centre Serveur, La Tribune de l'Informatique Juridique 2004, n°6, p.24.
* 8 Infra p. 38-39
* 9 D. MATHY, Notaire à
SAGY (Saône et Loire), Logiciels pour notaires, Chronique, La
Tribune de l'Informatique Juridique 2004, n°6, p.28.
* 10 A titre d'exemple,
Logiciel BuroClic, Editeur de logiciels Le Panorama, 456,
chemin de CARIMAI, 06250 MOUGINS, www.buro-clic.com
* 11 P. CATALA,
Procédure et jugement, Chapitre 10 dans Le droit
à l'épreuve du numérique, Jux ex Machina, Paris, Ed.
Puf. 1998.
* 12 J. VILLACEQUE, Interview
Rapport « célérité et qualité de la
justice » : le point de vue de l'avocat, D. 2004,
n°37, p. 2660.
* 13 P. CHEVALIER,
Expérience de téléprocédures dans les juridictions
françaises, Droit & Patrimoine n°103, Avril 2002 p.69
* 14 Infra p. 26 et
suiv.
* 15 S. LANDRIN, À
Lyon, la justice expérimente les confrontations à distance
grâce à des caméras, Le Monde, 8 février
2005.
* 16 Convention
Européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950, ratifiée en France le 3 mai 1974 D. n°74-360
* 17 F. MALLOL, Le Conseil
d'Etat admet la recevabilité d'une requête contentieuse
présentée par courrier électronique, D. 2002, JP p.
2008.
* 18 Infra p. 67
* 19 Infra p. 64 et
suiv.
* 20 Voir par exemples CEDH, 17
janvier 2002, Laine: Rev. Huiss. 2002, 153, obs. Marguénaud
(une procédure collective de dix années) - CEDH, 7 janvier 2003,
C. D. c/ France: Rev. Huiss. 2003, 229, obs. Fricéro
(importants délais d'inactivité judiciaire).
* 21 Voir par exemple CEDH, 26
août 1994, Karakaya c/ France D. 1995. SC.103
* 22
http://www.archives.premier-ministre.gouv.fr/jospin_version1/DISCOURS/250897.HTM
* 23 Interview de Jean-Claude
Magendie, D. 2004 n°32, p. 2309.
* 24 Ministère de la
Justice, communiqué de presse, 6 septembre 2004 ;
Procédures, Octobre 2004, p.4 ; JCP 15 Septembre 2004, n°38,
p. 1570 ; http://www.justice.gouv.fr/presse/com060904.htm
* 25 Mission Magendie,
Célérité et qualité de la justice, La gestion
du temps dans le procès, Rapport au Garde des Sceaux le 15 juin
2004 ; http://www.justice.gouv.fr/publicat/rapport-magendie.pdf
* 26 Rubrique Projets,
Justice, JCP 28 Septembre 2004, n° 40, p. 1677.
* 27 L. n°2000-230 du 13
mars 2000, JO 14 mars 2000
* 28 Décret no 2001-272
du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article 1316-4 du code civil et
relatif à la signature électronique, J.O. n°77 du 31 mars
2001, p. 5070.
* 29 Eric A. CAPRIOLI, La
loi française sur la preuve et la signature électronique dans la
perspective européenne, JCP 3 mai 2000, n°18, p. 787.
* 30 Selon Maître
André VOILLEQUIN, Directeur Général de l'ADEC, le projet
de décret a été évoqué en Conseil d'Etat le
14 juin 2005 et sera bientôt définitif.
* 31 Supra p. 42 et
suiv.
* 32 J.O. n° 92 du 19
avril 2002 page 6944, texte n° 1.
* 33 J.O. n° 132 du 8 juin
2002 page 10223, texte n° 16.
* 34 V. note 30
* 35 L. n°2004-575 du 21
juin 2004, J.O. 22 juin 2004, p. 11168, texte n° 2.
* 36 Ass. Nat.,
Communiqué du Conseil des ministres du 15 janvier 2003, Projet de loi
pour la confiance dans l'économie numérique, Dossier
législatif, www.assemblee-nationale.fr
* 37 T. PIETTE-COUDOL,
L'écrit électronique et la signature électronique
depuis la LCEN, Com.com.élec., sept. 2004, p.40.
* 38 H. CROZE, Faut-il
faire confiance à la loi sur la confiance dans l'économie
numérique ? , Procédures août/septembre
2004, p.3.
* 39 Rapport du garde des
sceaux, ministre de la justice, au Président de la République
relatif à l'ordonnance n° 2005-674 du 16 juin 2005 relative
à l'accomplissement de certaines formalités contractuelles par
voie électronique, J.O n° 140 du 17 juin 2005 p. 10341, texte
n° 25
* 40 Un arrêté
conjoint du garde des Sceaux, du ministre de l'Intérieur et du ministre
de la Défense définit les caractéristiques techniques de
la rediffusion, afin de se conformer aux conditions d'une telle transmission et
d'empêcher toute conservation des images du procès,
conformément aux dispositions de l'article 38 ter de la loi du 29
juillet 1881 modifiée sur la liberté de la presse.
* 41 Présentation du
projet de budget 2005 pour la justice, voire supra.
* 42 CE, 28 décembre
2001, D. 2002, JP p. 2008
* 43 C.Cass.
2ème Civ. 13 juin 2002, Juris-Data n° 2002-014751 ;
Bull.civ. 2002, II, n° 127, JCP G 2002, IV, n° 2324
* 44 D. n°2005-222 du 10
mars 2005, JO n° 59 du 11 mars 2005 p. 4212, texte n°35
* 45 D. n° 2005-324 du 7
avril 2005, JO n° 82 du 8 avril 2005, p. 6340.
* 46 Loi n° 2004-130 du 11
février 2004
* 47 H. CROZE, Le Conseil
national des barreaux et l'avocat électronique, Etudes,
Procédures, Juil. 2004, p.11.
* 48 V. Cass.
2ème Civ. 13 juin 2002
* 49 Rapport sur la messagerie
et l'accès Internet sécurisé pour les avocats
adopté par l'Assemblée générale du CNB le 20 mars
2004, www.cnb.avocat.fr/PDF/2004-06-19_liger.pdf
* 50 Article 776 du Nouveau
Code de procédure civile
* 51
http://www.avocatparis.org/new/avocats_services/01_400_e_services.asp
* 52 M. GRIMALDI et B. REYNIS,
L'acte authentique électronique, Petites affiches, 6 novembre
2003, n° 222, p. 3.
* 53 Article 303 et suivant du
Nouveau Code de procédure civile. Il faut préciser
néanmoins que cette procédure peut être contournée
en recourant à l'article 145 du même code.
* 54 P. CATALA, Le formalisme
et les nouvelles technologies, Défrénois 2000, art. 37210,
spéc. n° 20, p. 908.
* 55 Rép. Min. n°
41766 à M. Estrost JOAN, Q 27 juillet 2004, p. 5857.
* 56 Ord. n° 45-2592 du 2
novembre 1945, décret n° 56-222 du 29 février 1956 ;
Décret n° 50-97 du 20 janvier 1950
* 57 Infra p. 69-70
* 58 C. BOISSEL,
E-greffe : de la dématérialisation des actes de
procédure vers le développement d'une justice en ligne,
Mémoire sous la direction de Monsieur le Professeur Warusfel,
2003-2004.
* 59
http://www.tout-savoir.net/lexique.php?rub=definition&code=1917
* 60 Article 29 de la Loi
n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie
numérique, J.O n° 143 du 22 juin 2004, p. 11168.
* 61 Infra p. 49
* 62 Y. BREBAN et I. POTTIER,
Avocats, Cabinet Alain BENSOUSSAN, Paris, Sécurité,
authentification et dématérialisation de la preuve dans les
transactions électroniques (1ère partie), La
problématique juridique des échanges électroniques face
à la preuve, Doctrine, Gaz. Pal. 4 avril 1996.
* 63 Selon l'article 1-11 du
décret du 30 avril 2001, un prestataire de service de certification est
toute personne qui délivre des certificats électroniques ou
fournit d'autres services en matière de signatures
électroniques »
* 64 J. DOUCEDE,
Président d'Infogreffe, Propos recueillis dans Le guide de la
dématérialisation d'Infogreffe, www.infogreffe.fr
* 65 Supra p. 21 et
suiv.
* 66 Cass. Com. 20 déc.
1976, n°75-12.19, Bull.civ.IV, n°330
* 67 Cass.
1ère Civ., 14 février 1995, n°92-17.61, D. 1995,
jur., p. 340, note S. PIEDELIEVRE
* 68 Contrairement à
l'avant projet de loi qui faisait prévaloir l'écrit
traditionnel
* 69 Cass. Com. 2 déc.
1997, n°95-14.251, Bull. civ. IV, n° 321, D. 1998, jur., p. 192, note
MARTIN D.R., RTD com., 1998, p.187, obs. CABRILLAC M.
* 70 P. CATALA et P.-Y.GAUTIER,
L'audace technologique à la Cour de cassation : vers la
libéralisation de la preuve contractuelle, JCP éd. G 1998,
actualités, p. 905.
* 71 O. CACHARD, Les modes
électroniques de règlements des litiges (M.E.R.L.), Com.
Com. Elec., Décembre 2003, p. 22.
* 72 C'est une expression en
vogue aux Etats-Unis mais qui s'implante également en Europe. Ce sigle
est né engendré par les opérateurs du marché de
cette justice.
* 73 G. CHABOT, La
cyberjustice : réalité ou fiction ?, D. 2003,
Chron. p. 2322.
* 74 Centre de Médiation
et d'Arbitrage des Techniques avancées, 57 Av. de Villiers, 75017
PARIS.
* 75 P. FOUCHARD, E. GAILLARD
et B. GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international,
Litec, 1996, §1389.
* 76 L'article 2044 du Code
civil définit le contrat de transaction comme « un
contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou
préviennent une contestation à naître ».
* 77 Article 2052 du Code
civil
* 78 O. CACHARD, Les modes
électroniques de règlements des litiges (M.E.R.L.), Op. Cit.
note 71
* 79 P.-Y. GAUTIER,
Arbitrage et Internet, Droit et Patrimoine n°105, juin 2002,
p.88.
* 80 Sondage effectué
par Médiamétrie, Com.com. Élec. Mai 2005, p.4.
* 81 F. MALLOL, Le Conseil
d'Etat admet la recevabilité d'une requête contentieuse
présentée par courrier électronique, D. 2002, JP, p.
2008, op. cit. note 17.
* 82 Supra p. 35
* 83 G. DEHORO,
L'écrit dans les procédures judiciaires, Gaz. Pal. 6-8
mars 2005, p.2
* 84 Voir par exemple le
service de LettreRecommandee.com qui annonce un service ayant une valeur
légale identique à cette d'un envoi papier,
http://www.lettrerecommandee.com
* 85 D. FROGER, Les
contraintes du formalisme de l'archivage de l'acte notarié établi
sur support dématérialisé, JCP N, 12 mars 2004,
n°11, p. 464.
* 86 V. X. LINANT DE
BELLEFONDS, Notaires et huissiers face à l'acte authentique
électronique, JCP N 2003, n°10, p. 1196
* 87 "La normalisation a pour
objet de fournir des documents de référence comportant des
solutions à des problèmes techniques et commerciaux concernant
les produits, biens et services qui se posent de façon
répétée dans des relations entre partenaires
économiques, scientifiques, techniques et sociaux", Extrait du
Décret n°84-74 du 26 janvier 1984.
* 88 Preuve et Micrographie,
Association à but non lucratif, 4, allée Verte, 75011 PARIS,
micrographie@megapreuve.org
* 89 L'homologation devait
être officiellement annoncée lors du Salon Information
numérique, Veille et gestion de l'Information du1 et 2 juin prochain
à Paris. Mais il semble qu'elle a été repoussée
à une date ultérieure.
* 90 Un groupe de
réflexion s'est réuni sous la présidence de Martine DE
BOISDEFFRE, Directrice des Archives de France ; C. DHERENT, Les
archives électroniques, La documentation française, Paris
2002.
* 91 Proposition faite lors de
la 53ème session de l'Assemblée de liaison des
notaires (2-4 décembre 2002). L'assemblée dans une
troisième proposition, souhaite « dans un souci de
sécurité de la conservation des actes, lors de la
réception d'un acte authentique électronique, les notaires
procèdent systématiquement à une copie sur support papier
qu'ils certifieront conforme et conserveront avec leurs minutes établies
sur support papier », JCP N 2003, n°3, p. 1036.
* 92 D. FROGER, Les
contraintes du formalisme de l'archivage de l'acte notarié établi
sur support dématérialisé, JCP N, 12 mars 2004,
n°11, p. 464, op. cit. note 85.
* 93 P. CATALA,
Procédure et jugement, Chapitre 10 dans Le droit
à l'épreuve du numérique, Jux ex Machina, Ed. Puf,
op. cit. note 11.
* 94 G. CORNU, Vocabulaire
juridique, Association Henri Capitant, Quadrige, Ed. PUF, 2001.
* 95 M. QUENILLET, Droit et
intelligence artificielle : mythes, limites et
réalités, Petites Affiches n°11, p. 11
* 96 Voire par exemple le
système d'aide à la détermination de la nationalité
française développé dans sa version prototype au
laboratoire d'informatique juridique de Montpellier (I.R.E.T.I.J),
système qui face à une série de problèmes
techniques et financiers ne fut jamais installé dans le réseau
des greffes ; M. QUENILLET, Le système-expert
nationalité, in Système experts et droit, CRID,
Namur, Ed. Story Scientia, 1988.
* 97 Article 4 du Code civil
«Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de
l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi
comme coupable de déni de justice».
* 98 En 1988, la
société Cap Sogeti a chiffré à 1.800.000 Francs
(soit 274.408,23 €) la réalisation d'un système expert en
droit de la nationalité française limitée aux
problèmes posés par les ressortissants de Madagascar.
* 99 M. QUENILLET, Droit et
intelligence artificielle: mythes, limites et réalités,
Petites Affiches n°11, p. 11, op. cit. note 95.
* 100 Supra p.82
* 101 Article 396 du Code
civil et article 1216 du Nouveau Code de procédure civile
* 102 Article 1397 du Code
civil et article 1301 du Nouveau Code de procédure civile
* 103 V. P. CATALA,
Procédure et jugement, Chapitre 10 dans Le droit
à l'épreuve du numérique, Jux ex Machina, Ed. Puf
1998
* 104 D. BOURCIER, La
décision artificielle, PUF, 1995, p. 232.
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