Partie 2 : Le risque d'une dérive vers une
justice déshumanisée
Les révolutions des techniques et des mentalités
qu'entraînent les nouveaux procédés technologiques
inspirent des craintes justifiées, même chez les plus optimistes
et les plus promoteurs. C'est certainement en ayant à l'esprit que l'on
peut à tout moment s'égarer, que l'on doit avancer prudemment, en
profitant des avantages et des améliorations des techniques. En la
personne du Sénateur Franck Serusclat, l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a
réalisé un rapport sur les conséquences des nouvelles
technologies pour la vie des hommes, rapport fort éclairant sur ces
questions, poursuivi par un colloque au Sénat en 1995. Joël de
Rosnay y a notamment exprimé l'idée selon laquelle il fallait
s'extraire de cette vision manichéenne de l'outil informatique.
Il est vrai que de nombreux dangers existent, il est aussi
vrai que les intérêts sont très grands. Néanmoins,
il convient de dépasser cet antagonisme et anticiper ces
évolutions en évitant autant que possible les risques
décelables (Chapitre 1). Ces risques sont connus et certains d'entre eux
concernent directement le rôle du juge. Les nouvelles technologies dans
la procédure civile gagnent le délibéré ; la
« décision artificielle » déshumanisée
est-elle donc à craindre (Chapitre 2) ?
Chapitre 1 : Des obstacles décelables
à maîtriser
Si l'avènement des nouvelles technologies
prospère jusqu'à une complète
dématérialisation des échanges et actes de
procédure, ne va-t-il pas mettre en péril les relations humaines
présentes dans le procès civil qui sont un équilibre
fondamental respectant les principes directeurs du procès et les
attentes de l'usager de la justice? La déshumanisation de la justice
est-elle un risque qu'il est possible d'éviter ?
Il convient donc de déceler les risques que peuvent
engendrer l'utilisation des nouvelles technologies dans le procès civil
pour mieux les anticiper. Afin que ces outils modernes offrent aux praticiens
du droit ainsi qu'aux justiciables ses prérogatives, un discernement est
nécessaire quant aux limites à leur apporter. Certaines d'entre
elles sont des difficultés d'ordre technique intrinsèquement
liées à la nature des nouvelles technologies (section 2) qui
paraissent difficilement contournables sauf avec du temps et de la
compréhension. Les autres, attachées à une utilisation
trop expansive des nouvelles technologies dans le procès civil sont
davantage maîtrisables car c'est en restreignant leur essor dans certains
domaines qu'il est possible de les combattre (section 1).
Section 1 - La portée d'une utilisation extensive
des nouvelles technologies dans la procédure civile
L'introduction des nouvelles technologies dans le domaine
judiciaire soulève des inquiétudes, des interrogations et des
difficultés juridiques auxquelles il convient de faire face pour que
leur utilisation s'effectue de manière efficace. Notre avancée
vers une société intégralement informatisée
amène à nous questionner sur les risques majeurs qu'elle est
susceptible de créer. En effet, les relations humaines entre les
protagonistes du procès méritent d'être sauvegardées
(II), sinon, l'égalité entre les justiciables ainsi qu'entre les
professionnels du droit sera gravement menacée (I).
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