Vers un système arabe unifié d'arbitrage commercial (L'apport de la convention d'Amman)par AdeL BsiLi Faculté de Droit de Tunis - DEA Droit privé général 1989 |
Paragraphe deuxième : Une compétence fondée sur l'accord d'arbitrageL'article 3 de la convention traite des modalités de soumission du litige à l'arbitrage. Qu'il soit une clause compromissoire ou un compromis, l'article 1.i, parle d' « accord d'arbitrage ». On se demandera si cet accord exige certaines conditions (A) pour produire certains effets (B). L' « Accord d'arbitrage » signifie une clause compromissoire ou un compromis. La distinction entre ces deux termes ne s'impose pas dans le domaine de l'arbitrage commercial49(*). Le terme employé par l'article 1.i peut être interprété comme une référence implicite au caractère contractuel de l'arbitrage. C'est en ce sens qu'on a analysé l'accord d'arbitrage comme un contrat autonome. Avant d'analyser certaines conditions de fond et de forme faut-il rappeler cette autonomie. L'autonomie de l'accord d'arbitrage signifie qu'il ne sera affecté ni par la nullité ni par la résolution ou résiliation du contrat auquel se réfère. Cette autonomie est un principe bien affirmé en droit international privé Français depuis l'arrêt GOSSET de la cour de cassation française du 7 Mai 196350(*) et a été confirmé ultérieurement à plusieurs reprises51(*). La majorité des pays arabes ayant approuvé un tel principe, on est tenté de penser que l'accord d'arbitrage au sens de la convention d'Amman doit être situé dans ce même cadre d'idée. On se demande, dès lors, si cette autonomie de la clause compromissoire va influencer son régime juridique, spécialement quant à la détermination de la capacité et la forme écrite, considérées comme étant les deux questions principales qui ont suscité un long débat. On peut s'interroger, d'abord, selon quelle loi on apprécie la capacité ? Si on applique un système national de conflit de lois, on peut opter soit pour la loi nationale de chacune des parties, soit la loi du domicile de l'une d'elles. Mais selon quel système l'arbitre va y procéder ? Mr. GOLDMAN estime que la question est réglée par une qualification originale rattachant la capacité au contrat lui-même. Par conséquent, on appliquera la loi du contrat. Cependant cette solution a été critiquée par le doyen Loussouarn qui, Selon lui, il appartient au droit conventionnel de résoudre un tel problème. En réalité, le problème de capacité a été rattaché essentiellement au débat autour de la question relative à la capacité des personnes morales de droit public. En droit comparé, la question a été réglée par l'autorisation faite à ces personnes de compromettre en matière de commerce internationale en dépit de l'interdiction faite par le droit interne52(*). Dans les pays arabes, en revanche, la question a suscité un vif débat doctrinal et jurisprudentiel53(*). En effet, la transposition des solutions des pays colonisateurs dans les droits des pays arabes colonisés a engendré les difficultés connues de la matière. Ainsi, certaines législations arabes ont interdit expressément (Arabie Saoudite, Algérie...), ou indirectement (Syrie, Tunisie...) aux personnes morales de droit public (Etat, établissements publies, entreprises publiques ...) la capacité de compromettre54(*). Cette interdiction de compromettre, résultant des dispositions de droit interne, a été étendue au droit international manifestant une hostilité à l'égard de l'arbitrage. En plus, cette hostilité a été pratiquée par des moyens juridiques conventionnels ou légaux55(*). Cependant, cette hostilité parait être abandonnée au profit de l'admission de l'arbitrage commercial international par le fait des dérogations législatives et conventionnelles apportées au principe de l'interdiction au point que certains auteurs ont exprimé des doutes quant à la survivance de ce principe56(*). En ce sens, une doctrine autorisée estime que l'admission de l'arbitrage commercial international est conçue pour s'adapter aux exigences de commerce international et certains pays, le cas de l'Algérie, ont abandonné une telle hostilité. En plus, une telle admission sera généralisée au niveau arabe par la mise en place d'organisme d'arbitrage arabe, déjà faite par la convention d'Amman57(*). Bien que l'article 3 n'exige pas une forme bien déterminée, on peut relever la forme écrite, comme condition exigée dans l'article (1.i) qui définit l'arbitrage en tant qu'accord « écrit ». Cependant, cette forme écrite n'est pas précisée et on se demande, des lors, s'il faut lui donner un sens général ! La réponse peut être affirmative pour plusieurs raisons : D'abord, la conception extensive cadre mieux avec l'esprit de la convention consistant dans l'élargissement de son champ d'application et l'élargissement de la compétence du centre fondée sur des critères souples. Ensuite, on peut se référer à la loi type CNUDCI sur l'arbitrage commercial international de 198558(*) auquel s'est référée la convention d'Amman. Elle définit la forme écrite comme étant « toute convention consignée dans un document signé par les parties ou dans un échange de lettres, de communications télex, de télégramme ou de tout autre moyen de télécommunication qui en atteste l'existence, ou encore, dans l'échange d'une conclusion en demande et d'une conclusion en réponse dans lequel l'existence d'une telle convention n'est pas contestée par l'autre ». De toute façon, la forme écrite doit éviter à l'accord d'arbitrage le risque d'être pathologique59(*) en raison de maladresses de rédaction l'affectant. Dans un tel cas, l'arbitre doit se référer à la lex régit actum pour apprécier cette forme. Mais pour éviter tout risque de maladresse, l'article 3.2 a suggéré aux parties l'inclusion d'une clause type dans leur contrat afin de lui garantir tous ses effets. B- Les effets de l'accord d'arbitrage L'accord d'arbitrage produit des effets à l'égard des arbitres et entre les parties60(*). 1- Les effets entre les parties : L'accord de l'arbitrage lie obligatoirement les parties qui doivent accepter l'arbitrage et s'y soumettre. En outre, il interdit aux parties de saisir une autre instance arbitrale ou même judiciaire étatique (article 27). Cette interdiction faite aux parties de saisir les tribunaux deo ordres judiciaires nationaux s'inscrit dans une tendance qui s'affirme de plus en plus en matière d'arbitrage commercial international. En effet, la convention d'Amman, rejoint la position de la convention de New York de 1958 (article 8.1) qui autorise les tribunaux étatiques à renvoyer les parties à l'arbitrage, chaque fois qu'un accord d'arbitrage existait entre elles. Cette solution s'inscrit dans le cadre de l'affirmation de l'autonomie de l'arbitrage qui se vérifie aussi au niveau des effets vis-à-vis des arbitres. 2- Les effets vis-à-vis des arbitres : L'accord d'arbitrage est un fondement de la compétence des arbitres et sert à déterminer leurs pouvoirs. C'est dans ce sens que s'inscrit le principe de « compétence de la compétence » qui signifie que les arbitres peuvent statuer sur les questions relatives à leur compétence 61(*).Cette solution a été affirmée par la convention d'Amman (article 24) et la loi type CNUDCI de 1985 (article 16 al.1 et 2). Cependant, il faut remarquer que la convention d'Amman consacre davantage l'autonomie d'arbitrage, en ce sens qu'elle exclut toute intervention judiciaire dans cette matière, à la différence de la loi type qui réserve un contrôle ultérieur au profit des tribunaux (Article 16 al. 3). En plus, l'accord d'arbitrage conclu par les parties devra, normalement, déterminer la procédure à suivre par les arbitres (article 19 al. 1 de la loi type). Mais une telle solution n'a pas été retenue dans la convention d'Amman dont la procédure s'applique par le seul fait que les parties ont signé une clause compromissoire CAAC. Cette solution peut elle paraitre contraire à la volonté des parties et incompatible avec l'arbitrage, qualifié de volontaire ? C'est pour éviter une telle crainte que la convention a prévu une procédure garantissant l'équilibre entre les parties et aboutissant à une sentence juste et efficace. * 49 - Y. Loussouarn et Bredin, Droit de commerce international, SIREY, paris, 1969, p. 94. * 50 - 1er Ch. Civ., 7 mai 1963, RC, 1963, p. 615; JCP, 1963, p. 13405; JDI, 1963, p.83; D. 1963, p. 545. * 51 - Cass. 18 Mai 1971, arrêt Inpex, JDI, 1972, p. 62 ; D., 1972, p. 37 ; Arrêt Hecht, Cass. 4 juillet 1972, JDI, 1972, p. 843. Voir aussi, Ph. Francescakis, le principe jurisprudentiel de l'autonomie de l'accord compromissoire après l'arrêt Hecht de la Cour de Cassation, RA, 1974, p.67. * 52 - Arrêt Galakis, 2 mai 1966, JDI, 1966, p. 648 ; RC, 1966, p. 563. * 53 - Pour plus de détails, Voir L. Bououny, Les personnes morales de droit public et l'arbitrage, in « les entreprises tunisiennes et l'arbitrage commercial international », colloque Tunis, 2, 3 et 4 Novembre 1981, CERP, 1983. * 54 - A. Zahi, Op. cit, p. 116 et s. * 55 - Ibid, p. 250. * 56 - L. Bououny, Op. cit, p. 259. * 57 - A. Zahi, Op. cit, p. 291. * 58 - Voir texte à la revue de droit uniforme, 1985, II., p. 321 et les commentaires de Mr Ph. Fouchard au JDI, 1987, p. 861 et s. * 59 - F. Eisemann, la clause d'arbitrage pathologique, Essais in Memoriam Eugenio Minoli, UTET, 1974, p. 120. * 60 - Pour les effets à l'égard des tiers, Voir colloque « l'arbitrage et les tiers », RA, 1988, 1 et s. * 61 - R. David, Op. cit, p. 396 et s. |
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