Université Lumière Lyon 2
Institut d'études politiques de Lyon
Ecole doctorale : Sciences humaines et sociales
Laboratoire d'accueil : Centre de politologie de Lyon
CERIEP
Eric FARGES
La gouvernance de l'ingérable
Quelle politique de santé publique
en milieu carcéral ?
Analyse du dispositif sanitaire des prisons de Lyon et
perspectives italiennes.
Diplôme d'études approfondies
Politiques Publiques et gouvernements Comparés
Année académique 2002-2003
Directeur de recherche :
Monsieur le professeur Gilles Pollet
Volume 1
-Et pourtant rien n'échappe à la loi dans
les prisons ?
-Non, c'est le rebut de la loi. On respecte la loi. La loi
prévoit l'emprisonnement comme punition mais ne s'occupe absolument pas
de voir comment cela est géré. Et c'est ingérable. Parce
qu'il n'y a pas assez de moyens. Parce qu'il y a trop de monde. Parce que c'est
un lieu aussi où il y a de nombreuses tensions. Tout cela fait que la
structure est constamment hors-la-loi. On ne peut pas faire autrement car cela
a lieu dans des conditions d'emprisonnement ingérables. Donc tant qu'on
ne trouvera que ça comme solution, la prison, à mon avis, c'est
un lieu de misère qui sera de pire en pire.
Entretien avec une des membres fondatrices de
l'Observatoire International des Prisons (OIP)
Je tiens à remercier M.M Gilles Pollet et Didier
Renard pour leur suivi tout au long de cette année. Je souhaite
également remercier Monika Steffen et Henry Bergeron pour leurs conseils
avisés.
J'exprime ma gratitude à toutes les personnes qui
ont bien voulu consacrer le temps nécessaire pour répondre
à mes questions. En particulier Sandro Libianchi, sans qui la mise en
perspective entre la France et l'Italie n'aurait pas été
possible.
Pour Christine, enfin, dont le soutien m'a
été précieux durant ce difficile été
2003.
Sommaire
INTRODUCTION
PARTIE 1 LA MISE EN PLACE D'UN NOUVEAU DISPOSITIF
SOIGNANT
CHAPITRE 1 : UNE CRISE DE GOUVERNANCE DE L'INSTITUTION
CARCÉRALE
CHAPITRE 2 : LA RÉORIENTATION DES POLITIQUES
SANITAIRES EN PRISON
PARTIE 2 LES CONTRADICTIONS D'UNE POLITIQUE DE
SANTÉ PUBLIQUE EN PRISON
CHAPITRE 3 : UN RENOUVEAU DU CONFLIT ENTRE SOIN ET
DÉTENTION
CHAPITRE 4 : UNE PRISE EN CHARGE SANITAIRE DES
DÉTENUS INCONCILIABLE AVEC LES EXIGENCES CARCÉRALES
PARTIE 3. L'ÉMERGENCE D'UNE POLITIQUE DE
PRÉVENTION EN MILIEU CARCÉRAL
CHAPITRE 5 : DE LA TOXICOMANIE AU SIDA : LES
PREMIÈRES POLITIQUES DE PRÉVENTION EN PRISON
CHAPITRE 6 : L'AFFIRMATION D'UNE DÉMARCHE DE
PROMOTION DE LA SANTÉ EN PRISON : ENJEUX ET LIMITES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Introduction
L'article 2 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994,
relative à la santé publique et à la protection sociale,
instaure une réorganisation complète de l'administration des
soins en milieu carcéral : « Le service public
hospitalier assure, dans des conditions fixées par voie
réglementaire, les examens de diagnostic et les soins dispensés
aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en
milieu hospitalier. Il concourt, dans les mêmes conditions, aux actions
de prévention et d'éducation pour la santé
organisées dans les établissements
pénitentiaires ». L'organisation et la mise en oeuvre de la
prise en charge sanitaire des détenus, qui relevait auparavant de
l'administration pénitentiaire, sont désormais confiées
à des personnels hospitaliers. Chaque établissement
pénitentiaire réalise un protocole avec un établissement
public hospitalier qui s'engage à créer au sein de
l'établissement pénitentiaire une Unité de consultation et
de soins ambulatoires (UCSA) composée uniquement de personnel
hospitalier. La nouveauté est cependant moins, comme le remarque Bruno
Milly1(*), organisationnelle
que financière et statutaire. Il n'y a pas de déplacement
géographique du lieu de soin. La loi prévoit un transfert de
tutelle pour l'ensemble du personnel médical intervenant auparavant en
prison. L'objectif proclamé par les pouvoirs publics est avant tout de
séparer de façon distincte les fonctions de soin et de
surveillance qui cohabitent au sein de la prison. La médecine
pénitentiaire laisse la place à l'instauration d'une
médecine généraliste exercée dans un milieu
spécifique.
La réforme de 1994, relative à la santé
publique et à la protection sociale, va cependant au-delà de
l'organisation des soins. L'article 3, qui stipule que toute personne entrant
en prison est automatiquement « immatriculée »
à la sécurité sociale française, assure le
rattachement du détenu au dispositif de protection des risques dont il
était auparavant exclu2(*). Cette modification traduit une reconnaissance du
détenu en tant que citoyen doté de droits équivalents
à ceux de toute personne libre. La loi du 18 janvier 1994 consacre ainsi
la mise en oeuvre du principe juridique d'équivalence, selon lequel les
détenus devraient pouvoir bénéficier des même droits
que ceux qui existent à l'extérieur3(*). Elle marque la fin d'une exception carcérale
et l'instauration d'un nouveau sens de la peine. La réforme de la
médecine pénitentiaire apporte ainsi une nouvelle orientation aux
politiques sanitaires développées jusqu'alors en milieu
carcéral. Tandis que celles-ci se limitaient auparavant à assurer
aux détenus les prestations curatives minimales, le législateur
fixe au personnel soignant hospitalier une triple mission qui inclue, outre la
délivrance de soins primaires, le développement de projets
d'éducation pour la santé et la préparation à la
sortie des détenus.
L'inscription d'une logique
de santé publique en milieu carcéral
Ce passage de la notion de soin à celle de santé
marque l'émergence d'une considération nouvelle qui est celle de
la santé publique. Définir la santé publique est un
exercice périlleux puisqu'elle correspond aussi bien, comme
l'écrivent Jean-Pierre Dozon et Didier Fassin, à un savoir, un
savoir-faire, une méthode, un état d'esprit, une situation
d'expertise et une culture que l'on peut qualifier de « discipline
incertaine »4(*).
Si la santé publique est un « domaine
d'action »5(*),
comme l'affirme le Haut comité de la santé publique, il
semblerait que l'institution carcérale relève désormais de
son champ de préoccupation. En effet, le législateur a inscrit,
par la réforme de 1994, la santé des détenus dans le
domaine d'action de la santé publique. Les partisans de cette loi
décrivent l'organisation des soins en prison comme un « enjeu
de santé publique »6(*). C'est dans cet esprit que Guy Nicolas, rapporteur
général du Haut comité de santé publique,
écrit : « Mais il ne faudrait pas considérer la
réforme accomplie si l'organisation mise en place limitait son action
à la seule mission de soins. Le véritable enjeu est de
considérer la période de détention comme un moment propice
pour élaborer une réelle démarche de santé publique
auprès d'une population souvent peu soucieuse de sa santé, peu
motivée, voire réticente, et cet objectif répond à
l'esprit des rédacteurs de la loi de 1994 »7(*). Cet enjeu, auquel se
référent de nombreux auteurs, c'est le passage d'une conception
curative à une conception préventive de l'action sanitaire,
désormais orientée en vue de la libération et de la
réinsertion du détenu8(*).
Cette réorientation des politiques de santé en
milieu carcéral prend d'autant plus de sens qu'elle n'est pas un fait
spécifique à la France mais s'inscrit dans une tendance
générale en Europe. Au Royaume-Uni, une directive de 1999
recommande que le système sanitaire britannique, le National Health
Service, et l'administration pénitentiaire, le Prison
Service, travaillent de façon conjointe pour planifier et procurer
les soins aux détenus, travail qui était auparavant confié
au seul service pénitentiaire9(*). L'Italie a adopté une réforme dite de
Riordino della medicina penitenziaria (Réorganisation de la
médecine pénitentiaire) par la loi n.419 de 1998 et son
décret législatif n°230 du 22 juin 1999 qui prévoit
que soient transférées au Servizio sanitario nazionale
les fonctions sanitaires remplies par l'administration pénitentiaire,
à compter du 1er janvier 200010(*). Le décret 230 affirme le respect du principe
d'équivalence entre la médecine « du dedans »
et la médecine « du dehors » à travers
l'article 1er, où il est établit que « les
détenus et internés ont droit, de façon égale avec
les citoyens en état de liberté, à des prestations de
prévention, de diagnostic, de soin et de réhabilitation efficaces
et appropriées, sur la base des objectifs de santé
généraux et spécifiques et des niveaux essentiels
d'assistance indiqués dans les Piani sanitari nazionali,
régionaux et locaux ». La réorganisation du dispositif
sanitaire carcéral a enfin fait l'objet d'un débat en Belgique
qui s'est conclu par un refus de transférer les activités de
santé vers le système sanitaire national11(*).
Il est manifeste, à travers les exemples cités,
que la réforme française de 1994 ne doit pas être
considérée comme un événement spécifique
mais qu'elle relève d'un processus plus large qui traduirait une
redéfinition des politiques de santé en milieu carcéral.
Ce processus, difficilement circonscriptible à une aire
géographique donnée, a été durant ces dix
dernières années soutenu par les organisations internationales.
C'est ainsi que l'organisme des Nations-unies pour le sida, ONUSIDA,
préconisait, dans un document sur les « bonnes
pratiques » de prévention des infections en milieu
carcéral, le transfert des activités de soin au système
sanitaire national : « Un changement structurel peut, a lui
seul, avoir un formidable retentissement a long terme sur le Sida en prison. Il
consiste à transférer le contrôle de la santé dans
les prisons aux autorités de santé publique »12(*). Le Conseil de l'Europe
notifiait dans une recommandation de 1998 que « la politique de
santé en milieu carcéral devrait être
intégrée à la politique nationale de santé et
être compatible avec elle »13(*). La réorientation des politiques de
santé en milieu pénitentiaire est ainsi présentée
par les organismes internationaux comme une réponse globale face
à l'épidémie de Sida, reconnue en tant que problème
de santé publique depuis la fin des années quatre-vingts. Le
transfert de la médecine pénitentiaire aux autorités
sanitaires se situerait en continuation avec la mise en place des politiques de
lutte contre le Sida, et notamment des politiques de réduction des
risques14(*). Monika
Steffen a mis en évidence les
« apprentissages » induits par ces politiques,
c'est-à-dire les évolutions structurelles qui ont
été rendues possible par la gestion de l'épidémie.
L'adaptation des politiques sanitaires aurait favorisé, de façon
générale en Europe, l'émergence d'une culture de la
santé publique par la coordination d'une multitude de mesures
destinées à endiguer la progression du virus : « Leur
mise en oeuvre simultanée est à l'origine d'une dynamique
nouvelle et cohérente, dont l'effet fut de placer la santé
publique, antérieurement reléguée à la
périphérie du système médical, au centre de
l'attention des responsables politiques »15(*).
Un processus de
décloisonnement d'une « institution totale »
La réforme française de 1994 doit être
comprise dans un mouvement plus large de prise en compte des enjeux de
santé publique. Dans un ouvrage de sociologie de la prison, Philippe
Combessie rappelle qu'il est possible de distinguer deux perspectives d'analyse
sociologique du milieu carcéral : la première
considère la prison en tant que microsociété
développant ses propres règles, tandis que la seconde analyse la
société à travers ce que les prisons
révèlent16(*). L'auteur remarque qu'on a cessé depuis
l'analyse de Michel Foucault de penser la prison comme un lieu autonome afin de
souligner le lien entre l'institution et l'ensemble de la
société. L'organisation pénitentiaire fonctionnerait,
selon Claude Veil et Dominique Lhuilier, comme une « caisse de
résonance » d'évolutions plus amples qui ont lieu dans
le reste du corps social17(*). Mieux encore, la prison serait, pour Claude
Faugeron, un lieu idéal d'observation des transformations sociales car
elles y seraient plus prononcées et ainsi mieux visibles :
« La prison est une sorte de lieu paroxystique, un laboratoire
d'analyse du social privilégié, dans la mesure où se
concentrent, dans un espace circonscrit de façon simplifiée, bien
des phénomènes observés dans d'autres champs de la
société. Ainsi, elle permet de lire [...] les principes de
structuration des rapports sociaux »18(*). La réforme des politiques sanitaires en
milieu carcéral ne doit dès lors peut-être pas tant
être envisagée comme une évolution propre au milieu
carcéral mais plutôt comme un changement sanitaire global qui
atteindrait désormais les prisons. On assiste, en effet, depuis une
dizaine d'année à un retour de la santé publique qui
s'impose comme un principe fondamental des politiques sanitaires
contemporaines19(*).
Le discours de la santé publique, auquel se
référent les tenants de la réforme, s'immiscerait
désormais dans ce monde clos qu'est l'univers pénitentiaire. Il
apparaît dès lors nécessaire de s'interroger sur les
processus qui ont permis de faire reconnaître l'organisation des soins en
milieu carcéral comme relevant de la santé publique. En effet,
comme le rappelle Albert Ogien, l'inscription d'un problème de
santé dans le champ de compétence de la santé publique
n'est pas un processus automatique mais résulte d'une
construction20(*). Les
mesures de lutte contre le Sida, qui a permis de souligner la
perméabilité des murs séparant la prison du reste de la
société21(*), ont constitué à cet égard les
prémisses d'une politique d'ouverture vers l'extérieur en terme
d'action sanitaire, en posant de fait une équivalence entre le dedans et
le dehors. Celle-ci s'inscrivaient dans le cadre d'un décloisonnement
progressif de la gestion de la santé en prison22(*). Le transfert des
activités de soin et de prévention peut être
considéré comme une étape successive de ce renouveau de la
santé publique. Mais de façon plus générale, la
désincarcération de la santé s'inscrirait dans un
processus de décloisonnement de l'institution carcérale.
« Institution totale »23(*), la prison serait
traversée par un mouvement d'ouverture continu vers le reste de la
société comme en témoigne l'intervention croissante de
nombreux professionnels extérieurs24(*). Une question reste cependant ouverte : cette
détotalisation implique t-elle pour autant un changement réel de
l'institution carcérale25(*) ? Ces transformations sont t-elles compatibles
avec la prison ? Ce questionnement est d'autant plus pertinent en
matière sanitaire que la logique qui prévaut au sein de du
système pénitentiaire, la sécurité, semble
s'opposer avec la logique soignante : le discours de santé publique
porté par les acteurs soignants rentre en contradiction totale avec
certaines règles de fonctionnement du milieu pénitentiaire.
L'exemple le plus manifeste de cette opposition est l'introduction du
préservatif, longtemps interdit en détention, qui répond
à une exigence sanitaire évidente alors même qu'elle
constitue une infraction patente du règlement
pénitentiaire26(*).
Problématique et
enjeux de l'analyse
La principale question à laquelle tentera de
répondre cette recherche est de savoir en quoi une politique de
santé publique est compatible avec le milieu carcéral. Ce
problème se décompose en un double questionnement. Il s'agit,
tout d'abord, de rendre compte du transfert des activités sanitaires qui
a été effectué de l'administration pénitentiaire au
système sanitaire national afin de comprendre les raisons qui ont
conduit à cette réforme ainsi que les modalités de ce
passage. Il s'agit, ensuite, de mettre en évidence les problèmes
soulevés par la mise en oeuvre de cette réforme afin de
comprendre les limites et le sens d'une politique de santé publique en
milieu carcéral. Il faudra, pour répondre à cette
question, mettre en évidence les conflits qui opposent les personnels
pénitentiaires et sanitaires et savoir en quoi ces évolutions
participent à une redéfinition des identités et des
rôles respectifs de chacun.
La portée de cette analyse est double. Elle permet, en
premier lieu, d'interroger l'institution carcérale au prisme de la
santé. Il s'agira de souligner le décloisonnement progressif de
cette institution totale. Analyser ce processus de détotalisation, comme
l'ajoute Bruno Milly, c'est réfléchir, d'une part, à
l'arrivée de représentants extérieurs à la prison
et, d'autre part, à l'autonomie de ces intervenants vis-à-vis de
l'administration pénitentiaire27(*). L'analyse de la réforme de la médecine
pénitentiaire permettra de constater les difficultés qui
subsistent et les limites de ce décloisonnement. Cette
problématique permettra, en second lieu, d'étudier les
professionnels de santé au regard de la prison. Ceux-ci adoptent des
stratégies d'adaptation au sein de l'institution carcérale dont
il s'agira de souligner les transformations suite à la loi du 18 janvier
1994. Ce double niveau d'analyse permettra de soulever la question des rapports
de force entre les personnels sanitaire et pénitentiaire et, de
façon plus générale, entre l'organisation soignante et
l'institution pénitentiaire. La réforme de la médecine
pénitentiaire doit dès lors être entendue comme
l'émergence d'un nouveau paradigme normatif en matière de
politique sanitaire milieu carcéral, aboutissant à une
recomposition des identités
L'émergence d'un
nouveau référentiel et une recomposition des rapports de
force
Les politiques publiques constituent moins la solution
apportée par les gouvernants à un problème initial qu'un
changement de sens et de représentation d'une question
spécifique28(*).
C'est dans ce sens que l'approche cognitive des politiques publiques tente
« de saisir les politiques publiques comme des matrices cognitives et
normatives constituant des systèmes d'interprétation du
réel, au sein desquels les différents acteurs publics et
privés pourront inscrire leur action»29(*). Parmi les différentes
méthodologies que recouvre cette approche, le modèle du
« référentiel », développé par
Pierre Muller et Bruno Jobert, est utile pour comprendre le passage d'une
politique sanitaire organisé selon le schéma pénitentiaire
à une politique de santé publique30(*). Selon cette théorie, les
référentiels des politiques publiques sectorielles sont
définis selon un référentiel global qui constitue une
représentation générale guidant l'action publique. Une
politique a pour objet les décalages entre un secteur et l'ensemble de
la société ; il s'agit d'une « tentative
d'ajustement » entre deux réalités sociales. Elle
constitue par conséquent un processus de médiation sociale
permettant de réduire les désajustements entre un secteur et la
société globale, c'est-à-dire la rapport
global-société (RGS). La réforme de la médecine
pénitentiaire traduit la reconnaissance d'un référentiel
de santé publique en prison. Elle permet de mettre fin au
décalage qui existait entre le référentiel de la
médecine pénitentaire (faiblement dotée, accordant la
priorité aux exigences sécuritaires et peu préventive) et
celui des politiques de santé publique (conduisant à une
médecine bien dotée, mettant en avant les exigences sanitaires et
valorisant la prévention). La loi du 18 janvier 1994 marque
l'affirmation d'un nouveau paradigme de l'action publique en matière
d'action sanitaire en prison, suite à la crise du
référentiel de l'ancienne médecine pénitentiaire,
qu'il s'agira de démontrer31(*). Un changement de référentiel est un
processus cognitif de recodage du réel qui correspond à
l'émergence de nouvelles valeurs mais aussi à l'affirmation de
nouveaux intérêts32(*). Le référentiel traduit ainsi souvent
la représentation du groupe dominant. Sa redéfinition implique
une recomposition du secteur concerné, délimité selon de
nouvelles frontières. L'émergence d'un nouveau paradigme provoque
une cristallisation des rapports de force et une redistribution du pouvoir au
sein du secteur dont il est crucial de mettre en évidence les
processus33(*).
Un renouveau du
système d'action concret au regard des identités professionnelles
La réforme de la médecine pénitentiaire
traduit la reconnaissance d'un nouveau référentiel en
matière de politique sanitaire en milieu carcéral et une
recomposition des rapports de force. Le nouvel équilibre qui
découle de la réorganisation des soins en milieu carcéral
peut être étudié à l'aide de l'analyse
stratégique développée par le Centre de sociologie des
organisations. En soulignant les objectifs hétérogènes
poursuivis par les acteurs, qui ne sont pas nécessairement compatibles
avec ceux de l'organisation, Michel Crozier et Erhard Friedberg insistent sur
les stratégies en présence qui ne se comprennent que par rapport
à la structuration des relations de pouvoir. Il s'agit, dès lors,
de reconstituer le « système d'action concret » dans
lequel se déroulent les interactions entre acteurs34(*). Ceux-ci mobilisent un
ensemble de ressources d'ordres divers (compétences, informations,
accès aux financements, prestige) afin de négocier leur marge
d'action et de pouvoir dans un jeu commun : l'organisation du soin. La
réforme de la médecine pénitentiaire doit ainsi être
comprise à travers l'évolution des rapports qui lient les
personnels sanitaire et pénitentiaire. La sociologie des professions
est, à cet égard, importante. Outre leurs tâches
respectives dans la détention, les différents professionnels se
différencient par des schèmes culturels plus ou moins
homogènes qui constituent les cadres interprétatifs de leurs
comportements35(*). C'est
dans ce sens que la réforme de la médecine pénitentiaire
constitue, outre une recomposition des rapports de force, un processus de
redéfinition des identités sociales des professionnels
travaillant en milieu carcéral36(*).
Le modèle d'analyse de la sociologie des organisations
nous invite dès maintenant à préciser les acteurs qui
apparaissent pertinents au sein du système d'action concret que
constitue le dispositif sanitaire. La mise en oeuvre de la réforme de
l'organisation des soins en milieu pénitentiaire ne peut pas être
comprise uniquement à travers le prisme des personnels médicaux.
En effet, celle-ci met en confrontation les administrations sanitaire et
pénitentiaire. Chacune de ces entités administratives ne
constitue toutefois pas un groupe homogène. C'est pourquoi, une seconde
distinction doit être opérée entre, d'une part, les
médecins et infirmiers au sein des personnels soignants et, d'autre
part, les cadres de administratifs37(*) et les surveillants parmi les personnels
pénitentiaires. Il existe également de nombreux acteurs
périphériques dont l'intervention apparaît
déterminante dans l'application de la réforme, comme c'est le cas
de la direction hospitalière ou des services sanitaires, tels que les
Directions Départementales et Régionales des Affaires Sanitaires
et Sociales (DDASS et DRASS). Enfin, on doit distinguer les acteurs qui
occupent un rôle mineur dans la réforme, et dont il sera question
occasionnellement, tels que les services sociaux, rattachés à
l'administration pénitentiaire, ou les acteurs associatifs.
Une mise en perspective des
réformes française et italienne
L'approche comparative semble un moyen
privilégié afin de souligner les logiques de mobilisation des
acteurs. En effet, même si la loi française du 18 janvier 1994
s'inscrit dans un cadre plus ample de redéfinition des politiques de
santé en milieu carcéral, tous les pays n'ont cependant pas
adopté cette réforme dans les mêmes termes. Ces changements
ont bien sûr eu lieu dans des contextes politiques et institutionnels
distincts. C'est pourquoi, il semble important de procéder à une
analyse comparative afin de souligner les processus qui ont été
à l'origine de la réforme la médecine pénitentiaire
et les recompositions qui en ont découlées.
L'Italie et la France sont apparues comme les témoins
pertinents d'une comparaison du fait que la même réforme sanitaire
y a été adoptée à cinq années d'intervalle,
transférant ainsi les activités de soin et de prévention
en milieu carcéral auprès du système sanitaire national.
Malgré ce principe commun, le dispositif de ce transfert a eu lieu selon
des modalités diverses puisque la réforme française de
1994 a été mise en oeuvre par une institution sanitaire
généraliste (le service public hospitalier) tandis que la
réforme italienne de 1999 a été portée par une
structure fortement spécialisée (les services de soin pour
toxicomanes ou Sert). En outre, les différents dispositifs et les
écarts de la mise en oeuvre entre la France et l'Italie doivent
être analysés selon la configuration spécifique de chaque
système sanitaire38(*) et leur évolution propre, notamment au regard
de la politique de réduction des risques qui a été
appliquée de façon très différente entre les deux
pays. La France a longtemps constitué une
« exception » du fait de son retard en matière de
prévention des risques liés à la toxicomanie par sa
tradition culturelle et par une résistance au changement des
différentes catégories d'acteurs39(*). La transition italienne à la réduction
des risques fut tout aussi difficile qu'en France bien que moins spectaculaire.
Elle a été marquée par de nombreuses ruptures et une
absence de continuité sur le long terme40(*). Il résulte de cette différence que
l'apprentissage en faveur de l'émergence d'un modèle de
santé publique, évoqué auparavant, a été
très inégal entre la France et l'Italie. Cette culture de la
santé publique est nettement plus visible en France, pour qui le
degré d'apprentissage a été plus élevé qu'en
Italie. En effet, la France a connu, à travers le passage à la
réduction de risques mais de façon plus générale
par le biais de la politique sanitaire de lutte contre le Sida, une rupture
soudaine qui a remis en cause l'ensemble des relations de pouvoir et des
conceptions établies jusque là. Le niveau d'apprentissage a
été très élevé : « Aux
réformes visant le dispositif de santé publique s'ajoutent les
changements favorisant la coordination gouvernementale et un style
désormais plus consensuel dans la conduite des politiques de
santé publique. La profondeur du changement français
répond à un véritable rattrapage historique sous la
pression d'une crise »41(*). L'Italie a en revanche effectuée une
transition beaucoup plus graduelle, ceci s'expliquant par la non remise en
cause de la politique prohibitionniste, qui reste pourtant inconciliable avec
la réduction des risques. Les autorités publiques n'ont pas fait,
en outre, l'objet d'une contestation sociale très forte comme ce fut le
cas en France.
La France et l'Italie présentent par conséquent
la particularité d'avoir adopté une réforme similaire sur
le transfert de la médecine en milieu carcéral dans des contextes
très différents. Ces deux réformes sont enfin distinctes
dans leur mise en oeuvre : tandis que le transfert des médecins
pénitentiaires français s'est effectué sans
difficultés notables, celui-ci n'a pas encore eu lieu en Italie en
raison d'un ensemble de blocages. L'application de la loi de 1999 se situe
encore dans un entre-deux incertain. L'analyse de la réforme italienne
pourra ainsi être rapportée à celle de la loi
française du 18 janvier 1994 et permettre ainsi d'en comprendre les
spécificités afin de souligner les facteurs explicatifs de
réussite ou d'échec42(*).
Andy Smith remarque que les analyses comparées ont
souvent pour défaut de « s'engouffrer dans l'examen des
détails de chaque politique publique plutôt que de mettre
l'analyse des politiques publiques au service d'une interrogation centrale de
la science politique : celle du rapport entre les composants partiels d'un
système politique et sa cohérence (ou ces systèmes de
contradiction) globale »43(*). Afin de dépasser le « tourisme
intelligent », il propose un modèle d'analyse permettant
d'articuler trois niveaux de réflexion, l'espace politique
(polity), la politique (politics), c'est-à-dire les
règles du jeu qui tendent à rendre durable les échanges
politiques observés, et les politiques publiques ou comment un
problème de l'action publique est formulé dans chaque territoire
étudié. La confrontation comparative vise ainsi à saisir
les processus politiques qui ont permis de mettre en place la réforme de
1994 en France et de 1999 en Italie et d'en comprendre la mise en oeuvre. Cette
confrontation est réalisée à partir de la comparaison des
établissements de Lyon et de Rome qui constituent des prisons de taille
importante44(*).
Protocole d'enquête
Cette recherche s'appuie tout d'abord sur la lecture d'une
sélection d'ouvrages issus de la littérature existante sur le
milieu pénitentiaire, notamment en matière de sociologie de la
prison et de politiques sanitaires45(*). De nombreuses informations sur le dispositif
sanitaire existant et sur la réforme française de 1994 ont
été fournies par la lecture de plusieurs rapports
élaborés par des instances consultatives, comme le Haut
comité national de la santé publique ou le Conseil national du
Sida, ou des organes d'inspection, tel que l'Inspection générale
des affaires sanitaires (IGAS). Des articles professionnels ont permis de
compléter ces informations, extraits de revues sanitaires
spécialisées tels que « La santé de
l'homme » ou « La lettre de l'Espace
éthique ». Enfin, la compréhension des réformes
françaises et italiennes a été facilitée par la
lecture de coupures de presses diverses.
L'essentiel du matériel de cette recherche a cependant
été extrait d'un important travail de terrain.
Privilégiant la méthode de l'entretien à celle de
l'observation46(*), une
série de trente entretiens semi-directifs a été
réalisée en France et en Italie47(*). Face à la complexité et à la
richesse des configurations singulières, la constitution d'un
échantillon représentatif selon les critères classiques
(âge, profession, situation familiale, résidence) paraissait peu
pertinente. L'objet de cette recherche étant avant tout de saisir les
logiques de mise en oeuvre d'une politique nationale au plan local, il a
semblé préférable d'insister sur la diversité des
positions occupées par les acteurs afin d'aboutir à une
représentation aussi fine que possible du cadre dans lequel la
réforme de la médecine pénitentiaire a eu lieu. Toute
analyse en termes d'interactions doit ainsi, comme le rappelle Jacques Lagroye,
« repérer les acteurs pertinents intervenants dans le
processus, leurs positions, leurs intérêts et leurs
objectifs »48(*). La compréhension de l'application de la
réforme nécessite d'adopter une démarche globale. C'est
pourquoi, les entretiens n'ont pas été réalisés
exclusivement auprès du personnel soignant ou pénitentiaire,
même s'ils sont majoritaires, mais concernent également les
acteurs périphériques nécessaires à la
compréhension de l'ensemble du système d'interaction. La
méthode de l'entretien semi-directif est enfin apparue la plus
adéquate dans cette recherche. Il s'agissait ainsi d'aboutir à
une meilleure compréhension des interactions entre les différents
acteurs mais aussi de mettre en évidence les représentations dont
sont porteurs les enquêtés49(*).
Afin de mettre en évidence les transformations et les
difficultés liées à la réforme qui assure le
transfert de l'organisation des soins de l'administration pénitentiaire
au système sanitaire national, cette réflexion s'articulera en
trois temps. Il s'agira dans un premier temps d'expliciter la structuration du
nouveau dispositif sanitaire présent en milieu carcéral, en
expliquant tout d'abord les différentes logiques qui ont
été à l'origine de la réforme, puis en dressant un
premier bilan de sa mise en oeuvre. Dans un second temps, on s'attachera
à décrire le renouveau de l'activité soignante en prison,
en détaillant la configuration du système d'acteur qui en
résulte entre les personnels sanitaires, pénitentiaires et leur
environnement, après quoi on s'attardera sur certains moments
spécifiques de la prise en charge des détenus afin de mettre en
évidence l'accentuation des oppositions entre les logiques soignante et
pénitentiaire suite à la réforme de 1994. Enfin, on
analysera dans un troisième temps l'émergence d'une logique de
prévention au sein du milieu carcéral, en explicitant le passage
du modèle de la réduction des risques à une
démarche d'éducation pour la santé. On en montrera la
nouveauté ainsi que les limites et les ambiguïtés qui en
découlent.
Partie 1. La mise en place d'un nouveau dispositif soignant
CHAPITRE 1 : UNE CRISE DE
GOUVERNANCE DE L'INSTITUTION CARCERALE
La réforme de la médecine pénitentiaire
marque une réorientation des politiques sanitaires en milieu
carcéral. Elle ne doit cependant pas être envisagée comme
un point de départ car elle s'inscrit dans un processus plus ample, dont
elle ne marque qu'une étape. L'origine de la loi du 18 janvier 1994 est
triple. Elle traduit, en premier lieu, la reconnaissance d'une médecine
qui a longtemps été disqualifiée et subordonnée
à l'administration pénitentiaire. La réforme de 1994
répond également à la situation d'urgence sanitaire que
traversent les prisons françaises dès les années
quatre-vingts, en raison d'une fragilisation accrue de la population
carcérale, qui est soudainement amplifiée par
l'épidémie de Sida. Elle apparaît enfin dans un contexte de
remise en cause du système précédant à l'occasion
de l'« affaire » du sang contaminé. Cette
conjonction causale multiple fut à l'origine d'une crise de gouvernance
qui a mis en évidence les limites de l'institution carcérale
à prendre en charge l'organisation des soins et qui a
légitimé la mise en place d'un nouveau dispositif sanitaire.
1 Réformer une
médecine malade
Michel Foucault réalise dans son essai
« Surveiller et punir » une réflexion sur «
l'économie politique du corps », ou comment le corps est investi
par les rapports de pouvoir et de domination, au terme de laquelle il conclut
que « la peine se dissocie mal d'un
supplément de douleur physique. Que serait un châtiment incorporel
? »50(*). Cette
association établie entre peine et châtiment par la conscience
collective est peut-être à l'origine de la cohabitation
problématique du soin et de la punition. Soumise à la
primauté du principe de sécurité, et de ce fait à
l'administration pénitentiaire, dépourvue des moyens suffisants
pour assurer sa mission de soin, reléguée au rang de
« sous médecine » par l'ensemble du champ
médical, la médecine pénitentiaire a longtemps
été considérée comme « un
supplément d'âme » de l'institution carcérale.
Elle a été d'ailleurs, jusqu'à récemment,
exercée par philanthropie51(*). La réforme de 1994 avait justement pour
objectif de mettre fin aux critiques qui ont été adressées
à la médecine pénitentiaire et d'accéder afin au
rang de médecine de droit commun.
1.1
Une position ambiguë au sein de la prison
Les contours actuels de la santé en milieu
pénitentiaire ne peuvent pas être compris si on ne les restitue
pas par rapport au passé. C'est pourquoi, il est nécessaire dans
un premier temps de retracer brièvement l'histoire de l'institution
carcérale et la place que la santé y occupait pour pouvoir
comprendre, dans un second temps, la position de subordination qui a longtemps
caractérisée la médecine vis-à-vis de
l'administration pénitentiaire.
1.1.a Prison et santé : perspectives historiques
d'une relation conflictuelle
La prison n'est pas une notion univoque, comme le rappelle
Guy-Pierre Cabanel, puisqu'elle était conçue au cours de
l'histoire de façon très hétérogène52(*). Elle était
assimilée à la notion de pénitence pendant le
Moyen-âge53(*).
Cette idée disparaît puis ressurgit au 16ème
siècle. Les détenus étaient maintenus en captivité
pour le rachat de leur faute, dans un but d'amendement. La préservation
de la santé des détenus était visée dès le
17ème siècle, même si elle était
considérée comme un objectif irréaliste vu les conditions
déplorables de détention dans les prisons. Le soin était
alors abandonné aux associations caritatives, au premier rang desquelles
celles développées par St Vincent de Paul. Au
18ème siècle, un mouvement d'idée favorable
à la substitution de l'enfermement individuel au châtiment
corporel se développe. Beccaria s'élève alors contre la
torture au nom de l'utilité sociale de la peine. C'est dans cette
conception de la peine que s'inscrit la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 qui affirme que « la loi ne doit
établir que les peines strictement évidemment nécessaires
». Après le premier Empire, un mouvement se développa au
sein de l'école hygiéniste qui joua un rôle décisif
dans la prise de conscience du rapport entre les conditions de vie et
l'état de santé du détenu54(*). Le développement de la statistique permet
à cette époque de prendre acte des taux de prévalence et
de mortalité anormalement élevés en prison55(*). Les premières
équipes médicales sont mises en place mais elles demeurent
sous-payées, disposent de faibles moyens et ont peu de pouvoir face
à l'administration qui se méfie de leur philanthropie56(*). Sous la République,
les débats autour de la santé publique et de l'hygiène
sociale, marqués par la création d'un ministère de
l'Hygiène en 1920, concernent très peu le monde
carcéral57(*). A la
veille de la seconde guerre mondiale, l'état sanitaire des prisons de
métropole avait peu changé et il n'était
résulté aucune évolution de la nouvelle tutelle de
l'administration pénitentiaire, qui avait quitté le
ministère de l'Intérieur pour être rattaché au
ministère de la Justice58(*). « Jusqu'à la libération, tel
que l'écrit Bruno Milly, l'histoire de la santé et des
professions de santé en prison est marquée par une profonde
continuité qui s'exprime, d'abord, au travers d'une opposition continue
entre l'expression de philanthropie des réformes et la confrontation
à une réalité austère de la santé dans une
prison totale et totalitaire : l'autonomie de ceux qui ont la charge de la
santé en prison n'est guère garantie, malgré la profusion
de discours philanthropiques. Les prisons échappent encore aux grandes
révolutions sanitaires et hygiéniques »59(*).
Trois grandes périodes de réforme de la prison
vont avoir lieu au cours de la deuxième moitié du
20ème siècle en France60(*). La Libération marque une volonté de
changement dans un contexte général de réforme des
structures administratives et d'urgence sanitaire et sociale. Les 14 principes
formulés en mai 1945 par la commission Paul Armor mettent l'accent sur
« l'amendement et le reclassement social du
condamné » (1er principe) ou sur l'ouverture des personnels
extérieurs. Le secteur médical fait l'objet d'un principe
à part entière : « Dans tous les établissements
pénitentiaires doit fonctionner un service social et médico-
psychologique» (principe 10). Le Code de la santé publique de 1945
prévoit également le dépistage des maladies contagieuses
en milieu carcéral. La constitution de 1946 « garantit
à tous [...] la protection de la santé ». Le principe
de la gratuité des soins fonde la prise en charge, mais le détenu
perd le bénéfice de la Sécurité sociale et les
consultations se limitent aux problèmes présentant un
caractère d'urgence. De 1944 à 1948 fut mis en place un
dispositif sanitaire placé sous la tutelle et à la charge
budgétaire de l'administration pénitentiaire : dans une
infirmerie, des médecins vacataires et des infirmières (dans un
premier temps détachées par la Croix-Rouge) assuraient les
soins61(*). Le
contrôle était exercé par un médecin
général des prisons dépendant de l'administration
pénitentiaire. C'est cette logique de médecine sous tutelle
pénitentiaire qui sera battue en brèche par la réforme de
1994. Enfin, un certain nombre d'établissements sont
spécialisés dans l'accueil de détenus malades : Liancourt
pour les tuberculoses pulmonaires, château Thierry pour les malades
mentaux. Deux hôpitaux pénitentiaires sont institués, l'un
à Fresnes, l'autre aux Baumettes à Marseille.
Les initiatives se multiplient à partir des
années 1950. Les professionnels de santé s'intéressent de
plus en plus à l'exercice en prison, notamment le secteur
psychiatrique62(*). Des
annexes psychiatriques sont créées dans les maisons
d'arrêt. Chargées du dépistage et du traitement des
délinquants ayant des déficiences mentales, ces annexes sont
cependant contraintes de fermer faute de ressources budgétaires. La
prison commence ainsi à être traversée par un courant
psychiatrique qui échappe à la logique du milieu
pénitentiaire. Cette période marque également un
« tournant » par l'écart qui se creuse entre les
« médecins pénitentiaires » et ceux qui
interviennent en milieu libre, en libéral, à l'hôpital ou
dans d'autres institutions médicalisées. En effet,
« l'essor de plus en plus rapide des techniques diagnostiques et
thérapeutiques creusait d'année en année le fossé
entre celles disponibles à la population générale et
celles accessibles aux personnes détenues »63(*). En réponse à
l'autonomie des médecins en milieu libre64(*), les médecins de prison,
considérés par l'administration pénitentiaire au
même titre que les aumôniers, cherchent à s'imposer en tant
que cliniciens sur des bases strictement techniques, par leur qualification, et
non par leur humanisme ou par leur charité. Les échecs
répétés de ces tentatives feront de cette période
des « années honteuses »65(*).
Une seconde vague de réforme, appelée
« réforme de 1975 », bien qu'elle fut
commencée dès 1970, a lieu suite à des révoltes de
détenus dans un contexte de contestation de l'institution
carcérale par les intellectuels, au premier rang desquels Michel
Foucault66(*). On assiste
à un bouleversement de la vie pénitentiaire notamment par
l'amélioration et la libéralisation des régimes de
détention et l'assouplissement des mesures d'aménagement et
d'exécution des peines dans une volonté de
réinsérer le détenu. On relève à cette
époque un quasi-doublement des dépenses relatives aux soins
médicaux entre 1972 et 1974. La prise en charge psychiatrique
évolue fortement durant cette même période par la
création des Centres médico-psychologiques (CMP), par un
décret de 1967 qui entérine la subordination hiérarchique
des psychiatres au chef de l'établissement pénitentiaire, dont
ils seront libérés en 1977. Les années 1970 constituent
cependant pour la santé en milieu pénitentiaire des «
années noires ». Les marges d'autonomie, les
rémunérations, les modes de recrutement font des médecins
intervenant en prison des « sous médecins », surtout aux yeux
de leurs confrères. C'est alors qu'apparaît un slogan : « La
médecine en milieu pénitentiaire n'est pas une
sous-médecine»67(*). C'est à cette période où
l'écart entre les conditions d'exercice en milieu carcéral et
celles du milieu libre, particulièrement en confrontation avec le
secteur hospitalier, apparaît maximal. Certains médecins tentent
alors en réaction de défendre leur non-subordination à
l'administration pénitentiaire en réaffirmant le respect de
l'éthique médicale68(*). Au même moment, le Code de déontologie
médicale de 1979 énonce pour la première fois un article
visant spécifiquement l'exercice de la médecine en milieu
carcéral (Article 8 du code de déontologie médicale,
décret n° 79 506 du 28 juin 1979). Cette irruption atteste un
intérêt croissant du corps médical et du Conseil de l'ordre
pour la médecine en milieu pénitentiaire69(*).
Une troisième vague de libéralisation des
régimes de détention et de décloisonnement s'initie au
cours des années quatre-vingts avec l'arrivée de Robert Badinter
au ministère de la Justice70(*). Le décret n° 8477 du 30 janvier 1984 ouvre un
ensemble de nouveaux droits et inaugure le décloisonnement des services
médicaux pénitentiaires : l'inspection des services
médicaux et infirmiers des établissements est désormais de
la compétence de l'Inspection générale des affaires
sociales (IGAS). Pour la première fois, ce sont des personnels
indépendants de l'administration pénitentiaire qui sont
chargés du contrôle de l'hygiène et de l'organisation
générale des soins en milieu carcéral. L'enjeu de ce
transfert de compétence, comme le note Bruno Milly, était de
relier la médecine pénitentiaire au corps médical tout
entier71(*). Le premier
rapport, établi en 1984 à la demande du garde des Sceaux, sur
l'organisation des services de santé en milieu pénitentiaire
relève alors les taux d'incidences élevés de la
tuberculose, des maladies mentales ou encore des hépatites virales
liées à la toxicomanie ainsi que le manque d'hygiène
flagrant. La médecine pénitentiaire acquière alors une
place accrue dans le fonctionnement de l'administration pénitentiaire.
Les dépenses liées aux rémunérations des
infirmières et des médecins ont doublé entre 1980 et 1990,
les dépenses globales ont même triplé, alors même que
le nombre de jours d'hospitalisation de personne détenue a décru.
Le secteur psychiatrique est réformé en 1986 avec la
création des Services médicaux psychologiques régionaux
(SMPR) par le décret du 14 mars 1986 et l'arrêté du 14
décembre 1986. Leurs personnels ne sont plus vacataires de
l'administration pénitentiaire. Enfin, l'hôpital de Fresnes est
transformé en établissement d'hospitalisation publique nationale
de Fresnes spécifiquement destiné à l'accueil des
personnes incarcérées et son personnel soignant est mis sous
l'autorité du ministère de la Santé. Bien qu'à la
fin des années quatre-vingts l'organisation des soins ait
considérablement évolué, elle présente, selon Bruno
Milly, deux limites importantes72(*). Il existe, tout d'abord, une opposition au sein de
la médecine pénitentiaire entre le secteur somatique et le
secteur psychiatrique : le pôle somatique, dont les médecins
et les infirmiers sont vacataires de l'administration pénitentiaire,
demeure en marge de cette révolution statutaire dont
bénéficient les services psychiatriques. Le second clivage
concerne les rapports entre les professionnels de santé intervenant en
milieu pénitentiaire et ceux qui interviennent en milieu libre.
L'étiquette de médecin ou d'infirmier pénitentiaire est le
plus souvent refusée. L'hôpital pénitentiaire de Fresnes
reste le symbole de la soumission des « médecins de
prison », et de l`ensemble du corps médical auquel ils
appartiennent, face à l'administration pénitentiaire.
1.1.b Une position de subordination préjudiciable
La médecine pénitentiaire fonctionnait au
début des années quatre-vingt-dix en France et en Italie sur un
modèle similaire, selon lequel la prise en charge sanitaire des
détenus relevait de la seule compétence de l'administration
pénitentiaire73(*).
L'organisation des soins consistait en un ou plusieurs médecins
vacataires désignés par le directeur régional des services
pénitentiaires auprès de chaque établissement pour une
période renouvelable. Les services médicaux en prison se
trouvaient par conséquent sous une forme de tutelle du ministère
de la Justice. Ce mode d'organisation n'était pas sans poser un certain
nombre de difficultés qui ont été à l'origine du
transfert de la compétence sanitaire au ministère de la
Santé.
Le premier dysfonctionnement de l'ancien modèle
était l'absence de séparation nette entre les personnels
soignant et pénitentiaire. Par manque d'employés, les
surveillants étaient fréquemment amenés à assurer
des postes d'infirmier, de manipulateur radio, d'aide-soignant ou de
préparateur en pharmacie, rôles occupés parfois par les
détenus eux-mêmes. Dans un rapport réalisé par le
Conseil national du Sida (CNS) en 1993 portant sur « les situations
médicales sans absolue confidentialité dans l'univers
pénitentiaire », il est établi que les attributions de
poste contrevenaient, dans de nombreux établissements français,
au Code de déontologie ainsi qu'au Code de procédure
pénale74(*). Un
cadre de l'administration pénitentiaire raconte ainsi son
expérience à la maison d'arrêt de Douai au début des
années quatre-vingt-dix où la distribution des médicaments
était effectuée par un surveillant « qui portait la
blouse blanche»75(*).
Tandis que la loi de 1994 a permis de mettre fin en France à ces
situations ambiguës, les mêmes problèmes persistent
aujourd'hui en Italie qui offre une comparaison entre l'ancien et le nouveau
dispositif. Une psychologue travaillant dans un centre de détention pour
mineurs regrette que la distribution des médicaments soit encore
réalisée par un surveillant. Partisane de la réforme de
1999, qui transfert l'organisation des soins au Sistema sanitario
nazionale, elle s'oppose à ce mode de fonctionnement. Outre les
ambiguïtés liées au statut du personnel, elle justifie sa
position par un motif de compétence : le surveillant ne dispose pas
d'une culture médicale qui lui permette de faire face à
différentes éventualités, telle qu'une réaction
à la prise d'un médicament :
« Les médicaments doivent être
distribués par du personnel médical. Seulement parce que le jour
où un personnel de surveillance donne un médicament a un mineur
et que la personne fait une réaction au médicament... Que se
passe-t-il alors? Qui a la responsabilité? Le problème, c'est que
le surveillant n'a pas les compétences nécessaires pour pouvoir
distribuer les médicaments.»76(*)
Le médecin, en second lieu, était placé
sous l'autorité directe du chef d'établissement. Il se situait
dans une relation de subordination stricte vis-à-vis de
l'autorité carcérale. En France, les personnes interrogées
durant cette enquête ont parfois fait état, mais rarement à
la première personne, des pressions que les personnels soignants
subissaient de la part de l'administration pénitentiaire avant la
réforme de 1994. Comme le rappelle toutefois un psychiatre, il ne
s'agissait le plus souvent pas de menaces ou d'intimidations directes mais
d'une tension entre les personnels : « [Ça]
n'était pas une pression perverse : "Vous allez me faire un faux
certificat ou sinon vous partez" ou "Vous allez taire qu'on a cassé la
gueule à ce détenu où vous ne remettrez plus les pieds
ici". Ce n'était pas aussi violent que ça »77(*). Le renouvellement du contrat
de chaque soignant étant lié au bon vouloir du directeur de
l'établissement, la précarité des postes de travail
était à l'origine d'un rapport de dépendance entre
l'employé et son « patron », de sorte que, tel que
le rappelle un ancien médecin
pénitentiaire, « quand il déplaisait à un
directeur, celui-ci lui disait "Docteur, je me passerai de vos services
à la fin du mois" »78(*).
Tandis que la loi de 1994 a fait cesser cette relation de
dépendance en France, de telles situations sont encore observables en
Italie. Un médecin de garde à la prison de Rebbibia constate que
le statut de médecin pénitentiaire italien est précaire
puisque celui-ci signe une convention avec l'établissement dans lequel
il intervient qui peut ne pas être renouvelée selon l'avis du
directeur79(*). Du fait de
cette position de subordination statutaire, le personnel médical ne
dispose d'aucuns pouvoirs propres vis-à-vis de l'administration
pénitentiaire, à qui il revient de sanctionner, en
dernière instance, la validité du jugement médical :
« De toute façon, en prison le médecin n'est qu'un
consultant du directeur de l'institut pénitentiaire. Le médecin
ne peut rien exiger mais il peut seulement formuler des demandes qui seront
jugées ensuite par la direction selon les critères de
sécurité»80(*). Cette subordination du médical au
pénitentiaire contraint le personnel soignant pénitentiaire
à de nombreuses tractations81(*). Une psychologue qui soutient résolument la
réforme de 1999 critique, dans un mode plus virulent, les concessions
faites par le service médical afin de concilier l'impératif
sanitaire avec les exigences de sécurité. Elle donne l'exemple
d'une intervention auprès d'un mineur qui n'a pas eu lieu en raison du
refus de son directeur. Celui-ci, un éducateur de profession, n'a pas
jugé opportun d'appeler les urgences, pensant que la personne simulait,
et aucune aide médicale ne lui a été fournit. La
dépendance à un supérieur relevant d'une autre profession
que le domaine sanitaire est clairement rejetée par cette psychologue au
nom de l'autonomie de la décision médicale vis-à-vis des
exigences de sécurité :
« Notre directeur par exemple est un
éducateur et nous ne pouvons même pas lui reconnaître une
compétence et pourtant il commande [...] Je souhaite avoir un dirigeant
qui soit de mon domaine. Je suis une psychologue et je suis dirigée par
un éducateur [...] Les problèmes de sécurité ne
nous concernent pas, ce sont leurs problèmes. Je souhaite qu'il soit
possible de prendre une décision sans être conditionné
selon d'autres critères qui parfois conditionnent beaucoup plus le
jugement médical que les seuls critères
sanitaires.»82(*).
La conciliation difficile entre les principes sanitaires et
les exigences de sécurité a été pendant longtemps
symbolisée en France par le mode d'administration des
médicaments. L'administration pénitentiaire, craignant les
suicides médicamenteux ainsi que le trafic de médicaments, a
longtemps obtenu des professionnels de santé que les médicaments
soient distribués sous une forme diluée dans de petits flacons,
nommés « fioles pénitentiaires », les
médicaments étant écrasés et mélangés
puis dissous dans de l'eau et conditionnés dans de petits
réceptacles individuels qui étaient distribués en cellule.
Ces fioles sont devenues, de la part des médias et des médecins
intervenants en milieu libre, le symbole de l'archaïsme du dispositif de
soin en milieu pénitentiaire et de la soumission des médecins et
des infirmiers à l'administration. Ce problème a fait l'objet de
plusieurs notifications lors des inspections de l'Inspection
générale des affaires sociales en 1986 (Rapport IGAS
n°86-017 d'août 1986) et en 1991 (Rapport IGAS n° 91-084). Dans
un article publié dans Libération en 1994, Charles
Benqué, psychiatre des hôpitaux exerçant au centre
pénitentiaire de Fleury-Mérogis, critique les dysfonctionnements
liés à l'utilisation des « fioles » au point
de vue pharmacologique, médico-psychologique et
déontologique83(*).
Cette pratique apparaissait d'autant plus inadmissible au début des
années quatre-vingt-dix que les responsables médicaux des
établissements à gestion privée avaient mis fin aux
distributions de médicaments dans la fiole84(*). La réforme de 1994 a
rendu possible, comme le remarque un rapport conjoint entre l'Inspection
générale des services judiciaires (IGSJ) et l'Inspection
générale des affaires sociales établi en 2001, la
résolution de ce problème85(*).
L'organisation des soins en prison a pendant longtemps
été considérée comme une préoccupation de
second rang. Bien qu'indispensable, l'intervention du personnel soignant
était perçue comme une menace pour l'institution
carcérale. C'est pourquoi la médecine pénitentiaire se
caractérisait avant tout par son rapport de subordination
vis-à-vis de l'administration. Cette relation de dépendance a
fortement contribué a dévalorisé l'exercice de la
« médecine pénitentiaire » au sein du champ
des professions de santé.
1.2
Le refus d'une « médecine
pénitentiaire » : histoire d'une lutte pour la
reconnaissance
La loi du 18 janvier 1994 s'explique avant tout par la
nécessité de réformer une médecine malade. Celle-ci
souffrait d'un manque flagrant de considération comme en témoigne
l'état de pauvreté qui l'a pendant longtemps
caractérisé. Mais c'est avant tout de son manque de prestige dont
était victime cette discipline. La réforme de 1994 a alors
constitué pour les soignants pénitentiaires l'opportunité
de revaloriser leur pratique médicale en réinscrivant la
médecine pénitentiaire dans la médecine de droit
commun.
1.2.a Une médecine de second rang
La réforme de 1994 a constitué la réponse
apportée au manque de moyen de la médecine pénitentiaire
au début des années quatre-vingt-dix. Un rapport établi
par le Haut comité national de la santé publique (HCNSP)
réalisait en 1993 un état des lieux des carences dont souffrait
l'organisation des soins en milieu carcéral. Il soulevait notamment le
manque de personnel, la vétusté des locaux mis à
disposition par l'administration pénitentiaire, le manque de
matériel médical, pour les soins dentaires par exemple,
l'insuffisance de la rémunération des vacations (soixante-dix
francs de l'heure) et le manque, voire l'absence d'intervention de
spécialistes sur plusieurs établissements86(*). Le rapport du Conseil
national du Sida a réalisé également en 1993 un constat
accablant de l'organisation sanitaire de certains établissements :
« Dans tel établissement, dont le cas n'est
sans doute pas exceptionnel, les moyens sont limités [...] Cet
établissement ne dispose d'aucun psychologue ou psychiatre [...] De
l'avis général, ce système ne semble pas répondre
aux besoins médicaux et psychologiques des détenus, et ne
satisfait à l'évidence aucun des responsables de
l'établissement. Un toxicomane écroué un dimanche ne peut
recevoir aucun médicament, puisqu'il n'y a pas de permanence
médicale [...] Le médecin généraliste,
particulièrement mal rétribué, ne continue à venir
que par amitié pour son directeur »87(*)
Les personnes interrogées reconnaissent volontiers le
manque de moyen patent dont souffrait la médecine pénitentiaire
avant la réforme de 1994. Une psychologue qui travaillait à
l'Antenne toxicomanie durant les années quatre-vingts qualifie les soins
de « primaires »88(*). Une employée des services sociaux
pénitentiaires, le Service Pénitentiaire d'insertion et de
probation (SPIP), raconte son expérience à la maison
d'arrêt de Meaux en 1993 où le manque de personnel soignant, dont
le local se limitait à une cellule, ne permettait pas d'assurer plus que
les soins ou de développer des projets de prévention ou
d'insertion89(*). A ce
manque de moyens, s'ajoutait une absence de considération de la
médecine pénitentiaire en tant que discipline médicale. La
prison demeurait un milieu peu valorisant pour les médecins qui
percevaient l'exercice en milieu carcéral comme une activité
dépréciative90(*). Cette charge était d'ailleurs souvent
occupée par des médecins de « second ordre »
qui choisissait cette voie en l'absence d'autres choix. La profession de
« médecin de prison » offrait à cette
époque peu de perspectives de carrières, comme le rapporte un
ancien médecin pénitentiaire :
« Si vous voulez, qu'est-ce que c'était
en 1970 qu'un médecin pénitentiaire ? C'était un
médecin vacataire, en général un médecin
généraliste, qui acceptait à titre philanthropique [...]
de venir une fois ou deux fois par semaine de passer une demi-journée
dans un établissement pénitentiaire. Il était donc
totalement seul avec une infirmière [...] Il pouvait faire vingt ans ou
vingt-cinq ans, il avait toujours le même statut, toujours la même
rémunération, aucune perspective de
carrière.»91(*)
La médecine en prison a donc été pendant
longtemps en France « une médecine de seconde zone pour des
individus de seconde zone »92(*). La situation italienne fournit également une
bonne échelle de comparaison, où même si les conditions ne
sont pas similaires à l'ancienne médecine pénitentiaire
française, elles demeurent largement insuffisantes dans plusieurs
établissements. Une psychologue regrette par exemple le manque de moyens
disponibles au centre de détention pour mineurs où le seul
médecin en fonction ne dispose pas du matériel suffisant pour
réaliser la visite des entrants de façon satisfaisante :
« Le problème c'est qu'il n'y a pas de
véritables vérifications. Il y a un médecin qui regarde en
cinq minutes un détenu. Ce ne sont pas des visites qui sont très
bien faites [...] Et si un détenu a un problème visible à
l'oeil nu alors il s'en rend compte mais il n'y a pas d'examens plus
approfondis. Il n'y a pas un discours de dépistage des maladies en
général. »93(*)
En confrontation avec les besoins, le manque de moyens
accordés à la médecine pénitentiaire s'expliquerait
par une double, voire une triple, discrimination : la santé n'a
toujours occupée qu'une place marginale au sein d'une administration qui
elle-même ne représente qu'une part réduite du budget de
fonctionnement du ministère auquel elle est rattachée.
Agnès Olive écrit qu'« il n'est pas exagéré
d'affirmer que financièrement la prison est le secteur
délaissé de la Justice qui elle-même ne
bénéficie pas de crédits suffisants (le budget de la
Justice représente 1,5% du budget de l'Etat), alors la santé en
prison... »94(*). Un pionnier de la médecine
pénitentiaire en France remarque que l'administration
pénitentiaire était trop faible pour pouvoir assurer
l'organisation des soins, ce qui justifiait le transfert des activités
sanitaires au ministère de la Santé : « Donc nous
avons dit qu'il s'agit plutôt d'une mission de santé publique et
qu'elle était peu compatible avec la dépendance à
l'administration pénitentiaire. En effet [...] l'administration
pénitentiaire se situait au fond d'un entonnoir de pauvreté qui
la coinçait et la figeait dans ces pauvres moyens du
droit »95(*).
La seconde critique fréquemment adressée
à l'ancienne organisation des soins est la mauvaise gestion des fonds
mis à disposition de la médecine pénitentiaire. Une
psychologue constate le manque de planification avec lequel l'administration
pénitentiaire gérait l'organisation des soins :
« Parce que les soins étaient quand même plus que
dramatiques. C'était pas structuré. Pas assez structuré,
pas assez suivi [...] Il y en avait pour des sommes faramineuses. Rien
n'était vraiment géré. Il y a eu des déficits, des
choses comme ça. Il fallait tout restructurer »96(*). Le choix de rattacher la
médecine pénitentiaire au système hospitalier
français s'explique probablement en vertu de l'organisation
hospitalière qui a été l'objet au cours des
vingt-dernières années d'un important processus de
rationalisation des dépenses97(*). La réforme de 1994 semble avoir permis
d'améliorer fortement la gestion des ressources, comme en
témoigne la nouvelle gestion des médicaments98(*). En Italie, la mauvaise
intendance semble beaucoup plus généralisée. Le budget de
la médecine pénitentiaire a été jusqu'à la
réforme de 1999 géré au sein du ministère par un
petit groupe de fonctionnaires sans qu'aucun contrôle ne soit
effectué sur les coûts, comme le constate le responsable du Sert
de Rebbibia. Les surfacturations, pratique courante selon certains
enquêtés, constituerait même un moyen pour l'administration
pénitentiaire italienne de « fidéliser » les
médecins à leurs exigences :
« La médecine pénitentiaire en
Italie c'était auparavant trois personnes qui géraient à
elles seules un budget de 220 milliards de lires par année. Elles
géraient cet argent sans aucuns contrôles [...] Un psychiatre dit
par exemple qu'il a fait vingt visites dans une matinée mais elles sont
assez expéditives [...] Il y a encore par exemple une personne à
Rebbibia qui gagne encore aujourd'hui un milliard de lires [330.000 francs] par
année. Pour les personnes qui dépendaient de l'administration
pénitentiaire, venir travailler en prison était une énorme
opportunité car elles pouvaient faire ce qu'elles voulaient. Toutes les
facturations étaient illégales [...] Parce que quand tu
achètes l'opérateur et que cet opérateur a
été acheté, tu le contrôles [...] Cela crée
un lien de dépendance entre l'administration et le
personnel. »99(*)
La médecine pénitentiaire était, du fait
de son manque de moyens et de sa mauvaise gestion, dans un état de crise
au début des années quatre-vingt-dix. Certains personnels
médicaux ont alors affirmé l'échec d'un
« véritable statut de la médecine
pénitentiaire »100(*) et ont exigé leur reconnaissance en tant que
personnel soignant. Faire renter la médecine pénitentiaire dans
un statut de droit commun requérait son intégration au
système sanitaire national.
1.2.b Une médecine en milieu pénitentiaire de
droit commun
La médecine en milieu carcéral ne relevait pas
au début des années quatre-vingt-dix en France ou en Italie du
droit commun mais de l'administration pénitentiaire. Cette distinction
s'explique par une répartition de compétences entre
ministères mais aussi par l'absence de politique sanitaire
spécifique en milieu carcéral, notamment en Italie101(*). Au début des
années quatre-vingt-dix, alors que la médecine
pénitentiaire était en crise, une partie du personnel
médical s'empressa de proposer la fin de l'exception carcérale et
le rattachement au ministère de la Santé. Daniel Gonin publia en
1991 un ouvrage, La santé incarcéré,
dénonçant les conditions d'incarcération et d'exercice de
la médecine en prison afin de réclamer un débat sur le
statut du personnel soignant : « Pour satisfaire sa mission, la
médecine pénitentiaire ne peut plus être une
médecine à part, enclavée dans une administration qui n'a
pas pour rôle de garantir la protection médicale. Elle doit
retrouver sa place au sein de la Santé»102(*). L'argumentaire
développé par les partisans de cette réforme consiste
avant tout à affirmer le principe de continuité du droit à
la santé entre la prison et le milieu libre. Il s'agit, comme le
soutient le président de l'agence pénitentiaire de la ville de
Rome, de refuser que la prison puisse être coupée du reste de la
société et d'affirmer ainsi qu'elle doit s'ouvrir à des
intervenants extérieurs :
« La prison constitue un monde autonome
coupé du reste de la société. Et le but de la loi de 1999,
outre d'améliorer la prise en charge sanitaire des détenus,
c'était d'affirmer le principe d'ouverture de la prison. La prison ne
doit pas rester repliée sur elle-même, elle fait partie de notre
pays. C'est une institution d'Etat.» 103(*)
Les personnels soignants partisans du rattachement de la
médecine pénitentiaire au système sanitaire national ont
principalement justifié la réforme de 1994, ou de 1999 en Italie,
par la nécessité de garantir un droit à la santé
qui puisse être respecté aussi bien en prison que dans le reste de
la société. Ce transfert de compétence avait
néanmoins d'autres intentions. Il s'agissait pour le personnel
médical travaillant en prison de requalifier une profession qui
était atteinte de discrédit depuis longtemps. Bruno Milly note
dans son étude sur le soin en milieu carcéral que la
médecine pénitentiaire a toujours souffert d'un manque de
valorisation104(*). Elle
reste, tout d'abord, une médecine salariée qui a toujours
été dépréciée par rapport à la
médecine libérale. Elle souffre également d'un
déficit de reconnaissance lié au caractère peu prestigieux
de l'institution. Enfin, la dépendance vis-à-vis de
l'administration pénitentiaire est perçue comme le symbole d'un
métier « au rabais », comme cela a été
souligné précédemment. Cette dévalorisation
reposait sur l'idée répandue au sein du champ médical
d'une incompatibilité entre la logique soignante et la logique
pénitentiaire, comme en témoigne les propos d'une
éducatrice des prisons de Lyon105(*). Cette dévalorisation était telle que
efforts de modernisation de la médecine pénitentiaire ont
d'ailleurs été parfois davantage motivés par la
volonté des médecins de faire reconnaître une discipline
mal considérée par leurs pairs plutôt que par une
préoccupation de l'état de santé des
détenus106(*).
Sans pouvoir généraliser ce constat, cette remarque souligne les
avantages escomptés par certains médecins pénitentiaires
du passage au service sanitaire national107(*).
La réforme de 1994 a été perçue
comme l'opportunité de requalifier une discipline entachée de
discrédit. Elle doit cependant davantage être
considérée comme l'aboutissement d'un processus que comme une
étape initiale. En effet, certains médecins intervenant en milieu
carcéral avaient déjà engagé une lutte depuis une
trentaine d'année afin de rehausser l'image de la médecine
pénitentiaire. Ce processus est particulièrement flagrant sur
Lyon et participe à la constitution d'une
« spécificité lyonnaise ». L'engagement de la
médecine lyonnaise dans le soin aux détenus fut l'une des
initiatives de Louis Roche pour engager la médecine légale, dont
il était professeur agrégé, dans ce champ
disciplinaire108(*). Il
incita certains de ses élèves à occuper des postes de
médecins vacataires dans les prisons de Lyon. Le rattachement à
l'université leur fournît un support logistique et mît
à leur disposition un ensemble de ressources suffisantes pour mettre fin
à l'isolement qui caractérisait alors les médecins
pénitentiaires109(*). C'est « grâce à cet
étayage qu'ils purent élaborer l'expérience clinique de ce
qui ne tarda pas à leur apparaître comme une discipline
spécifique, tant du fait de la morbidité somatique et psychique
des entrants qu'en regard des effets « iatrogènes »
de la détention »110(*). L'accès au milieu universitaire, facilitant,
par exemple, l'organisation de conférences internationales, permit
à quelques médecins pénitentiaires lyonnais
d'institutionnaliser et de disciplinariser ainsi une profession alors
précaire :
« Roche [...] nous a dit, à un certain
nombre de ces jeunes collaborateurs, « il y a un autre champ
d'activité qui est le monde pénitentiaire et dans lequel je pense
que vous devriez vous investir » [...] C'est comme ça que quelques
camarades et moi-même nous avons pris possession de quelques postes
vacants en tant que vacataires de l'administration pénitentiaire. La
chance que nous avons eue par rapport à tous les collègues
vacataires des établissements pénitentiaires de France, c'est
précisément ce rattachement universitaire à travers la
médecine légale qui nous permettait à la fois de ne pas
être seul et qui permettait un partage d'expériences et un travail
de recherche. L'université était un
support. »111(*)
La progressive reconnaissance de la médecine
pénitentiaire au sein du champ médical en tant que discipline
spécifique est désormais perceptible à travers deux
évolutions. La première concerne la formation universitaire qui
prévoit désormais des enseignements sur la pratique
médicale en milieu carcéral pour les soignants qui souhaitent
travailler en prison112(*). La seconde évolution significative est la
requalification sémantique du terme de médecine
pénitentiaire, un changement soutenu depuis longtemps par de nombreux
médecins et qui semble désormais davantage reconnu. Comme
l'affirme Isabelle Chauvin, « le terme de médecine
pénitentiaire est manifestement impropre. La déontologie et
l'éthique font qu'il n'y a pas et qu'il ne peut y avoir de
"médecine pénitentiaire", mais une médecine "en milieu
pénitentiaire" »113(*). L'enjeu de la réforme de 1994 était
d'affirmer la reconnaissance de la médecine en milieu carcéral en
tant que discipline à part entière. On peut affirmer, selon un
cadre de l'administration pénitentiaire qu'elle « a permis de
mettre fin à l'idée qu'il y aurait en prison une autre
médecine, une sous-médecine pour les
détenus »114(*).
L'histoire de la médecine en milieu
pénitentiaire est celle d'une lutte pour la reconnaissance. Née
sur l'initiative d'associations de charité, elle fut progressivement
institutionnalisée au 19ème siècle. Elle fut
par la suite profondément ébranlée par le « coup
de buttoir » que représenta la Libération. Elle demeura
néanmoins pendant longtemps une « médecine de
second choix » destinée à un public spécifique,
considéré comme dangereux. La réforme de 1994 qui assure
le transfert de l'organisation des soins vers le système hospitalier
s'explique dès lors, en considération de l'histoire de la
médecine pénitentiaire, pour au moins trois raisons. Elle mit
fin, tout d'abord, à la relation de dépendance qui s'était
établit entre l'administration pénitentiaire et le personnel
soignant. Elle permit, ensuite, d'apporter une réponse à
l'état de délabrement dans laquelle se situait le dispositif
sanitaire qui était tout juste en mesure d'assurer les soins aux
détenus et incapable d'adopter une démarche de prévention.
Elle offrit, enfin, l'opportunité à la médecine
pénitentiaire de reconquérir au sein du champ médical les
lettres de noblesse que lui avaient toujours refusées les
médecins travaillant en milieu libre. La réforme de
l'organisation des soins en milieu pénitentiaire apparaissait d'autant
plus indispensable au début des années quatre-vingt-dix, qu'elle
devait faire face à une situation sanitaire alarmante.
2 Répondre à une
situation d'urgence sanitaire
Malgré ses faiblesses, l'ancien dispositif soignant
carcéral n'a pendant longtemps pas été remis en cause en
raison de la faible demande sanitaire à laquelle il devait
répondre : le nombre de détenus demeurait relativement
faible et les pathologies de la population carcérale étaient
relativement bénignes. Cette situation s'est cependant
considérablement aggravée au cours des années
quatre-vingts en raison d'une politique pénale répressive qui a
aboutit à une forte surpopulation carcérale et à une
paupérisation accrue des détenus. La médecine
pénitentiaire est alors apparue incapable de répondre aux besoins
sanitaires toujours plus importants au sein des prisons françaises. La
remise en cause de l'organisation des soins ne fut cependant possible que par
la crise liée à l'épidémie de Sida qui a permis un
renouveau des politiques de santé publique en milieu carcéral
comme dans le reste de la société.
2.1
Une population carcérale fragilisée
« Le 20ème siècle a vu un
renversement de la pratique de l'emprisonnement en France »115(*). En effet, alors que le taux
d'incarcération était en baisse constante depuis le début
du siècle, celui-ci a commencé à augmenté à
partir des années soixante puis s'est rapidement
accéléré à la fin des années soixante-dix.
Cette inflation pénale, fruit d'un recours accru à
l'emprisonnement des populations à statut précaire, ne
s'accompagne pas du développement du parc immobilier
pénitentiaire, aboutissant ainsi à une forte surpopulation
carcérale.
2.1.a « Les prisons de la misère »
La surpopulation carcérale est, comme le rappelle
Loïc Wacquant un phénomène présent dans presque touts
les pays de l'Union Européenne. Le taux d'occupation des prisons (nombre
de prisonniers/nombre de places) atteint en 1997, 136% au Portugal, 129% en
Grèce, 127% en Italie, 112% en Espagne, 109% en Angleterre, 109% en
France, 103% en Allemagne, 95% aux Pays-Bas, 92% en Suède et 72% en
Finlande116(*). Ces
chiffres masquent néanmoins une très forte disparité entre
les établissements comme le rappelle Martine Viallet, directrice de
l'administration pénitentiaire117(*). Il faut tout d'abord nettement distinguer les
établissements pour peine, où le taux d'occupation ne peut pas
dépasser 100% tandis qu'il dépasse fréquemment les 150%
dans les maisons d'arrêts118(*). La première conséquence de cet
état de fait est que de nombreux condamnés effectuent leur peine
dans des structures qui sont inadaptées pour entreprendre une
démarche de réinsertion. La seconde, qui en découle, est
que les détenus n'effectuent pas leur période de détention
en cellule individuelle comme cela est prévu par le Code de
procédure pénale119(*). Enfin, et surtout, les conditions
d'incarcération sont très souvent contraires aux principes
d'humanité et de respect de la personne humaine, comme n'a pas
manqué de le constater à plusieurs reprises le Comité pour
la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
(CPT)120(*).
La seconde raison qui explique ces disproportions est le
numerus clausus appliqué dans les prisons
« privées » du plan 13 000 qui transfèrent
leurs détenus excédents à destination des prisons
publiques selon le principe des vases communicants121(*). Ce procédé
accroît les inégalités territoriales tandis qu'il est
à l'origine de transferts brusques nuisibles pour le suivi du
détenu. Les prisons de Lyon, maison d'arrêt où transitent
de nombreux détenus, figurent parmi les plus surpeuplées de
France, comme l'indique la sous directrice de l'établissement, avec un
taux d'occupation de 160% en juin 2003. L'effectif théorique des prisons
de Lyon est de 344 places122(*). En pratique, les prisons de Lyon comportent plus de
700 détenus (en février 2003). Ce chiffre est en forte
augmentation puisque au 1er janvier 2002, il était proche de 580
détenus. Il est actuellement de trois pour une cellule avoisinant dix
mètres carrés. Enfin, la rotation est très importante. Par
exemple, en 2002 on comptait 2070 entrées pour 2094 sorties. La
situation italienne est de ce point de vue très similaire aux prisons
françaises. L'association Antigone, de défense des droits des
détenus, a publié un ouvrage d'enquête sur les conditions
de détention dans lequel on apprend que la population carcérale
détenue au 31 décembre 2001 était de 55.275
personnes123(*). Les
prisons de Rome ne sont pas épargnées par cette surpopulation
puisque Regina Coeli comporte, selon un responsable d'une communauté
thérapeutique qui qualifie la situation de
« dramatique », plus de 1100 détenus pour 700
places124(*).
Le taux d'occupation des prisons en France ou en Italie est
considérablement élevé en raison d'une tendance
inflationniste initiée au cours des années soixante-dix et qui
s'est amplifiée au cours des dix dernières années, selon
des directions quelques fois contradictoires125(*). Ces évolutions de la population
carcérale sont avant tout le fait des changements de direction des
politiques pénales appliquées en Europe face auxquelles
l'administration pénitentiaire demeure impuissante126(*). On observe, selon Philippe
Combessie, dans la plupart des démocraties à partir des
années 70, un phénomène de dualisation ou de bifurcation
par la conjugaison de deux mouvements : la diminution du nombre d'enfermements
pour de courte période et l'augmentation des enfermements de longue
durée. La dualisation est difficilement observable dans la mesure
où s'articulent deux effectifs qui tendent à s'annuler127(*). Mais la modification la
plus grave des politiques pénales est cependant la réorientation
des peines au détriment des personnes les plus modestes et
marginalisées. Dans son essai intitulé « Les prisons de
la misère », Loïc Wacquant dénonce un «
nouveau sens commun pénal visant à criminaliser la
misère» provenant des Etats-Unis qui se diffuserait depuis la fin
des années quatre-vingts en Europe128(*). Les infractions les plus
pénalisées seraient ainsi les délits, tels que les vols ou
les infractions à la législation sur les stupéfiants.
C'est effectivement le cas en France, où 10,6 % des personnes
envoyées en prison au cours de l'année 2000 sont
condamnées pour crimes contre 90,4 % pour les délits, dont 41,1 %
des délits contre les biens, 13,2 % des délits contre les
personnes et 13,3 % des infractions à la législation sur les
stupéfiants129(*). En Italie, au 31 décembre 2001, le premier
motif d'incarcération était les atteintes à la
propriété (25,13%) suivie des infractions à la loi sur les
stupéfiants (20,91%) et de la violation de l'ordre public
(14,99%)130(*).
Ce changement de direction de la politique pénale a
affecté durablement la composition de la politique carcérale
toujours plus précaire131(*). La population carcérale est de façon
générale une population très jeune puisque l'âge
médian en France, c'est à dire l'âge qui divise en deux
parties égale la population concernée, est de trente et un
ans132(*). Les personnes
de 21 à 30 ans sont ainsi fortement
sur-représentées133(*). Les dernières études de l'INSEE
montrent que les milieux défavorisés sont
sur-représentés, comme en témoigne la pauvreté qui
apparaît comme une « caractéristique
structurelle » de la population carcérale134(*). En prison, la moitié
des détenus sont ouvriers, alors qu'à l'extérieur cette
catégorie socioprofessionnelle ne concerne qu'un tiers de la population,
et pratiquement la moitié des pères de détenus sont
ouvriers. Environ 40 % des détenus se déclarent
chômeurs135(*). Au
1er avril 2000, 60,7 % des détenus incarcérés en France
métropolitaine n'avaient pas un niveau dépassant l'instruction
primaire tandis que 39,3 % bénéficiaient de l'instruction
secondaire au supérieur et la proportion d'illettrés était
de 12 % (32 % chez les étrangers). Anne-Marie Marchetti
évoque ainsi « une construction sociale des
délinquants». Loïc Wacquant dénonce également
une «criminalisation des immigrés »136(*) en raison de leur
sur-représentation au sein de la population carcérale. En France,
la part des étrangers dans la population pénitentiaire est
passée de 18% en 1975 à 29% en 1995 soit 15 000 détenus.
Ceux-ci étaient majoritairement originaires d'Afrique du Nord (53%) ou
d'Afrique noire (16%)137(*). La troisième tendance affectant la
composition de la population carcérale est la sur-représentation
des toxicomanes. En raison du nombre d'infraction à la
législation sur les stupéfiants, Loïc Wacquant remarque que
« la part des toxicomanes et des revendeurs de stupéfiants
dans la population détenue a connu une augmentation spectaculaire
»138(*), se situant
autour de 20% en Europe. Ces tendances sont particulièrement vraies en
Italie, où le nombre de toxicomanes était de 14.602, soit 27,38%
des détenus dont 3.418 étrangers139(*).
La population carcérale a profondément
évolué au cours des vingt dernières années en
raison des nouvelles orientations des politiques pénales
européennes. Elle a tout d'abord augmenté de façon
impressionnante engendrant ainsi une forte surpopulation carcérale et
détériorant considérablement les conditions de
détentions. On assiste également à une
paupérisation des détenus. La population carcérale est
actuellement très spécifique ; elle est composée pour
une grande majorité d'immigrés et de toxicomanes. Ces groupes
sont bien sûr les plus fragiles d'un point de vue socio-économique
mais aussi sanitaire. L'état de santé des détenus s'est
ainsi progressivement dégradé engendrant un décalage
manifeste entre les besoins requis par cette population et les moyens dont
disposait la médecine pénitentiaire.
2.1.b Des besoins sanitaires disproportionnés
La médecine pénitentiaire a longtemps
été incapable, comme le rappelle Isabelle Chauvin, du fait de son
émiettement, d'établir une statistique globale de l'état
de santé des détenus, rendant ainsi difficile d'obtenir une
vision d'ensemble140(*).
Ce sont essentiellement les rapports sanitaires annuels élaborés
par les Médecins inspecteurs de santé publique (MISP) pour chaque
établissement pénitentiaire qui ont permis de cerner les
pathologies présentées par la population pénale141(*). Au début des
années quatre-vingt-dix, plusieurs ouvrages et rapports ont fait mention
de l'état de santé déplorable de la population
carcérale. Le Haut comité de la santé publique publie par
exemple un rapport dans lequel il constate les « tableaux cliniques
lourds » présentés par les détenus. Ceux-ci
apparaissent liés à un double processus de fragilisation. Les
personnes entrant en prison présentent, d'une part, un cumul des
facteurs de risque et l'incarcération constitue, d'autre part, une
aggravation des pathologies déjà présentes, et peut
être la cause de certains troubles psychosomatiques.
L'accueil des « nouveaux-arrivants » est
un moment opportun pour réaliser un bilan des besoins sanitaires requis
pour la prise en charge des détenus. Une enquête
réalisée en 1997 sur l'ensemble des maisons d'arrêts qui
accueillent la quasi-totalité des personnes arrivant du milieu libre,
effectuée par la Direction de la recherche, des études et de
l'évaluation et des statistiques (DRESS), permet d'avoir une bonne image
des besoins de santé de la population détenue142(*). L'étude confirme la
précarité des détenus puisque à leur arrivée
en prison, 17,5% des entrants disent ne pas avoir de protection sociale, contre
0,3% pour la population générale. L'état de santé
des arrivants nécessite de nombreux soins. Par exemple, 47,7% des
entrants ont besoin de soins dentaires (non urgents). Beaucoup suivent des
traitements médicamenteux devant se poursuivre en prison. Il s'agit le
plus souvent d'asthme, de maladies cardio-vasculaires et d'épilepsie.
Les détenus se caractérisent également par une forte
fragilité en matière d'usages de substances. Sur cinq personnes
arrivant en prison, près de quatre fument et près d'une consomme
quotidiennement plus de vingt cigarettes. Un entrant sur trois déclare
une consommation excessive d'alcool, définie comme supérieure ou
égale à cinq verres par jour quand elle est
régulière, et supérieure ou égale à cinq
verres consécutifs au moins une fois par mois quand elle est
discontinue. Près du tiers des entrants déclare une consommation
prolongée et régulière de drogues au cours des douze mois
précédant l'incarcération. Même si les drogues les
plus fréquentes sont le cannabis, 12% des arrivants déclarent
avoir utilisé une drogue par voie intraveineuse au moins une fois au
cours de leur vie. Par ailleurs, à leur arrivée en prison,
environ 7% des personnes déclarent bénéficier d'un
traitement de substitution. Près d'un entrant sur cinq déclare un
traitement en cours par un médicament psychotrope. Il s'agit dans la
plupart des cas, d'un traitement par anxiolytiques ou hypnotiques. Enfin,
l'association des substances, mais aussi des différentes consommations
à risque (tabac, alcool, psychotropes, etc.), est très
fréquente (28%). De nombreux détenus sont atteints de troubles
mentaux à leur arrivée, ainsi près d'un entrant sur dix
(8,8%) déclare avoir été régulièrement suivi
par un psychiatre ou un psychologue au moins une fois par trimestre ou avoir
été hospitalisé en psychiatrie dans les douze mois
précédant son incarcération. Globalement, 4% des entrants
déclarent un traitement par antidépresseurs et 3,5% un traitement
par neuroleptiques, proportions nettement plus élevées que celles
observées dans la population générale (avec respectivement
2 et 0,7%).
Les personnes entrant en prison cumulent donc les facteurs de
risque, comme l'affirme l'étude de la DREES. En revanche si certaines
pathologies préexistent à l'incarcération, beaucoup ne
sont que des réactions à la détention, notamment au point
de vue psychiatrique. Ainsi comme le rappelle Isabelle Chauvin, 80 % des
problèmes d'ordre psychiatriques sont des troubles réactionnels
à la détention. C'est le cas par exemple des psychoses où
le détenu s'isole du monde extérieur et se réfugie dans un
monde fantasmatique. Les conduites auto-destructrices se manifestes par des
grèves de la faim ou de la soif, des automutilations, des ingestions de
corps étranger et de produits toxiques, des incisions et des suicides.
Le taux de suicide des détenus est en augmentation depuis 1991, il est
presque dix fois plus élevées que celui de la population
générale143(*). De nombreuses pathologies somatiques apparaissent
également en détention en réaction à
l'incarcération et se manifestent par une détérioration
progressive de l'état de santé des détenus144(*).
La santé semble doublement affectée en milieu
carcéral du fait de la fragilité initiale des entrants et de la
« dangerosité » de la prison qui constituerait un
milieu pathogène, notamment en raison des conditions
d'incarcération. Les besoins sanitaires de la population
carcérale sont apparus incompatibles au début des années
quatre-vingt-dix avec l'organisation des soins qui existait alors. C'est ainsi
que le Haut comité de la santé publique justifia en 1993 une
refonte totale des politiques de santé en milieu
carcéral145(*).
C'est également la constatation qu'ont réalisé quelques
médecins pénitentiaires lyonnais lorsqu'ils ont remarqué,
à partir de leur expérience sur les prisons de Lyon, que la
mission de santé publique qui existait en prison était
incompatible avec le rattachement de l'organisation des soins à
l'administration pénitentiaire :
« On se trouvait confronté à des
besoins sanitaires considérables liés au fait d'une part à
ce que ces personnes pour la plupart d'entre elles étaient depuis leur
naissance dans une grande négligence des soins, souvent dans des
conduites de risque, et d'autre part que l'institution elle-même est
pathogène. Donc nous avons dit qu'il s'agissait plutôt d'une
mission de santé publique et qu'elle était peu compatible avec la
dépendance à l'administration
pénitentiaire. »146(*)
C'est la disproportion entre les moyens dont disposait la
médecine pénitentiaire et l'état de santé des
détenus qui légitima la réforme de 1994. La situation
sanitaire des prisons était dès les années quatre-vingts
fortement détériorée en raison d'une paupérisation
des détenus mais la situation n'avait cependant pas atteint un niveau
d'urgence suffisant pour pouvoir imposer une redéfinition des politiques
sanitaires en prison. C'est uniquement l'irruption d'un fléau
contemporain, l'épidémie de Sida, qui provoquera une prise de
conscience et rendra possible la réforme de la médecine
pénitentiaire.
2.2
L'épidémie de Sida ou la mise en crise du système
carcéral
Les grandes épidémies que traversent les
sociétés soulignent les difficultés d'adaptation des
dispositifs sanitaires et politiques et constituent en cela « une mise
à l'épreuve du politique» qui est souvent à l'origine
d'une « dynamique de santé publique »147(*). Les répercussions de
l'épidémie de Sida sur la réorganisation des
systèmes sanitaires ont été considérables bien que
très inégales selon les pays148(*). Ce phénomène de recomposition
s'explique avant tout par les spécificités de cette maladie qui
constitue au début des années quatre-vingts un «
problème mal structuré », selon l'expression de Herbert
Simon149(*). Le
dispositif sanitaire carcéral va apparaître inapte à
prendre en charge l'épidémie de Sida à laquelle il est
pourtant confronté. Cette inadéquation rendra nécessaire
un premier décloisonnement de la médecine pénitentiaire
qui sera le précurseur de la réforme de 1994.
2.2.a Un « problème mal
structuré » au sein du système carcéral
perçu comme une menace pour l'extérieur
Les politiques de lutte contre le Sida en Europe n'ont pas
été continues mais se sont construites par des crises
ponctuelles, le plus souvent sous l'influence d'acteurs extérieurs aux
pouvoirs publics (acteurs sanitaires, associations de malades). Quatre
séquences peuvent être distinguées dans la gestion de
l'épidémie150(*). Les politiques de lutte contre
l'épidémie ont connu en milieu carcéral, selon Claudio
Sarzotti, un développement similaire mais avec un retard de quatre ou
cinq années151(*). Ce décalage s'explique par les
difficultés qu'ont eu les administrations pénitentiaires à
reconnaître la forte prévalence de l'infection à VIH au
sein des prisons mais aussi l'existence de facteurs de risques pouvant
être à l'origine de contaminations152(*). Les risques encourus par
les toxicomanes incarcérés ne furent reconnus que très
tardivement par les pouvoirs publics français. Les premières
mesures de prévention des infections n'apparaissent au sein des prisons
françaises qu'au milieu des années quatre-vingt-dix, alors
même que les premiers cas de Sida y sont révélés en
1984. L'administration pénitentiaire sous-estime à
l'époque l'impact de l'épidémie au sein des prisons et ne
réagit pas. Elle reste ainsi prostrée dans le silence pendant
plusieurs années alors que la menace se fait de plus en plus
réelle. La difficulté à laquelle étaient
confrontés les pouvoirs publics dans cette première phase de
reconnaissance de l'épidémie tient à l'absence de
réalité épidémiologique permettant de prendre
conscience de la menace. En effet, Michel Setbon rappelle qu'au moment
où le Sida apparaît en Europe au début des années
80, il reste une maladie très rare qui n'a qu'une faible
visibilité épidémiologique. Ainsi en France, jusqu'en
1985, moins de 500 cas de Sida déclarés sont recensés.
D'où un paradoxe dans la reconnaissance de cette maladie comme
problème de santé publique : « La reconnaissance de
cette maladie comme problème de santé publique passe donc par un
processus atypique, puisqu'il s'agit de montrer le potentiel de futurs malades
qu'elle représente [...] Ce n'est plus à partir d'un raisonnement
sur ce qui est, mais sur ce qui peut advenir que peut s'effectuer
l'intervention publique »153(*).
La lutte contre l'épidémie passe par une
première phase de mise en visibilité du problème. Cette
représentation statistique de la maladie n'est pas réalisable en
prison où aucune structure sanitaire ne prend en charge ce travail
épidémiologique. Face à cette absence de menace directe,
l'administration pénitentiaire ne réagit pas et n'adopte aucune
mesure de prévention telle que la distribution de préservatifs.
Un système de surveillance épidémiologique de l'infection
par le VIH dans les prisons est mis en place en 1988 dans le cadre d'une
enquête annuelle dite « Un jour donné » organisée
par la Direction des hôpitaux et se déroulant au mois de juin. La
première enquête révèle un taux de prévalence
de l'infection à VIH de 3,64% en 1988 et qui va en augmentant154(*). Les mesures de
prévention sont alors introduites en milieu carcéral. Dès
la fin de l'année 1988 des préservatifs sont mis à
disposition des services médicaux pénitentiaires. A partir de mai
1989, des brochures d'information et des préservatifs sont
systématiquement distribués aux sortants de prison. Dans le
même temps, la possibilité était donnée à
toute personne incarcérée de bénéficier d'un test
de dépistage. A l'épidémie de Sida, s'ajoute à la
fin des années quatre-vingts une recrudescence des cas de tuberculose en
prison, une des maladies opportunistes les plus fréquentes. Celle-ci
souligne les carences de la médecine pénitentiaire et impose
l'idée d'une « remise à plat du schéma de
l'organisation sanitaire »155(*).
L'épidémie de Sida en milieu
pénitentiaire, principalement liée à la toxicomanie, est
progressivement reconnue au cours des années quatre-vingts par les
pouvoirs publics comme une menace réelle. Cette considération est
cependant moins liée à une préoccupation pour
l'état de santé des détenus qu'à la crainte de voir
se propager l'épidémie dans le reste de la société.
A l'occasion de ses libérations occasionnelles, de sa sortie
définitive mais aussi des parloirs, le prisonnier devient une source de
contamination potentielle pour l'ensemble du corps social. Les pratiques
à risques en milieu carcéral (toxicomanie par voie intraveineuse,
homosexualité, viols) ne pouvant être prévenues, faute
d'une politique de prévention suffisante, les chances de faire des
prisons des nids de contamination du virus sont élevées.
Dès 1989, Thomas Harding, un spécialiste international du Sida en
milieu carcéral, souligne la possibilité d'établir un lien
de contamination entre deux groupes auparavant disjoints. « Ainsi,
écrit-il, le comportement homosexuel induit par la prison constitue un
«pont» entre un groupe au risque connu (les toxicomanes intraveineux)
et des personnes susceptibles d'être ultérieurement une source
d'infection par le rapport hétérosexuel. Ce
phénomène de pontage peut jouer un rôle non
négligeable dans la propagation de l'épidémie, il est
capital d'y mettre un frein ».156(*) Ce constat traduit la préoccupation
croissante des acteurs de santé publique sur les risques de transmission
du VIH que la prison véhicule à la fin des années
quatre-vingts. Le rapport établi par le professeur Luc Montagnier en
1993 alerte les pouvoirs publics sur le risque que les toxicomanes
incarcérés représentent à leur sortie de
prison157(*).
La reconnaissance du risque de contamination lié au
milieu carcéral suppose une réévaluation de l'état
sanitaire des prisons en tant que problème de santé publique. Ce
changement suppose, comme l'affirme Dominique Lhuilier, une nouvelle
représentation de la prison elle-même qui n'apparaît plus
coupée du reste de la société ; il s'établit
désormais un lien symbolique entre les deux qui est celui du risque de
contamination. Ainsi, « l'attention portée au risque de
transmission intra-muros paraît moins justifiée par
l'exigence de la préservation de la santé des personnes
incarcérées que par la reconnaissance du risque de diffusion
extra-muros. Les maladies transmissibles apparaissent comme les
premières causes d'une réévaluation des problèmes
de santé en prison. La maladie, voire le risque de mort, ne concerne
alors plus seulement le délinquant : elle est, parce que contagieuse,
une menace pour le monde libre »158(*). Cette préoccupation indirecte pour la
santé en milieu carcéral, en tant que menace pour le corps
social, n'est pas propre à l'épidémie de Sida puisque la
nécessité de soigner des détenus apparaissait auparavant
le plus souvent associée aux épidémies qui trouvaient en
prison un milieu propice pour se développer : il s'agissait de
protéger les gens qui travaillaient et intervenaient en prison ainsi que
d'empêcher la diffusion des « semences » contagieuses par des
ex-détenus159(*).
L'épidémie de Sida a contraint le législateur
français à reconnaître que la prison relevait d'une mission
de santé publique du fait qu'elle était susceptible de
représenter une menace potentielle pour l'ensemble du corps social.
C'est cette constatation qui justifiera l'ouverture de la prison aux
interventions sanitaires extérieure, dont la plus flagrante sera la
réforme de 1994 :
« Ça a été en effet le
starter de la loi du 18 janvier 1994 [...] Non pas parce que notre groupe
social se préoccupe de la santé des détenus. Non. Mais par
crainte que la prison devienne un lieu de dissémination de
l'épidémie, d'où l'idée impérative qu'il y
ait une prise en charge et un dépistage à l'intérieur et
que tout ce qui doit être fait soit fait pour que le péril
pénitentiaire soit écarté. Et c'est ça qui va faire
le starter de la loi de 1994.»160(*)
La menace potentiel que représente chaque détenu
à sa libération a incité l'administration
pénitentiaire a mettre en place un certain nombre de mesures sous le
poids de l'opinion publique. C'est ainsi que s'est amorcé le processus
de décloisonnement de la prise en charge sanitaire des
détenus.
2.2 b Un renouveau de la prise en charge rendu
nécessaire
La reconnaissance de l'épidémie de Sida en
milieu carcéral aboutit à la fin des années quatre-vingts
à l'introduction des premières mesures de prévention, dont
la distribution de préservatifs qui symbolise une première
victoire des enjeux de santé publique sur les règles
pénitentiaires. Les dispositions développées par les
administrations nationales sont renforcées par la production normative
de quelques organismes internationaux qui sont à l'origine, à la
fin des années quatre-vingts, de recommandations et de directives
supranationales qui réaffirment les risques existant en milieu
carcéral et les principes généraux qui doivent inspirer
les programmes mis en place161(*). Le dispositif sanitaire carcéral s'est alors
progressivement décloisonné. En effet, la lutte contre le Sida a
été marquée de façon générale, comme
le note Olivier Borraz, par l'intervention de nouveaux acteurs dans le champ de
la prévention, notamment des associations162(*). Ce fut nettement le cas en
Italie où de nombreuses associations vinrent combler les manques de la
médecine pénitentiaire incapable de répondre pleinement
aux besoins de prévention, d'information et de formation du
moment163(*). Ce
phénomène fut en revanche moins marqué au sein des prisons
françaises où les structures hospitalières jouèrent
un rôle prépondérant164(*). Les Centres d'information et de soins de
l'immunodéficience humaine (CISIH), créés par le
ministère de la Santé en 1987, visent à renforcer et
à coordonner la prise en charge et la prévention du Sida entre
les différentes structures sanitaires. Ils constituent la pièce
maîtresse de la lutte contre le Sida en milieu hospitalier165(*). En avril 1989, la signature
de conventions entre huit établissements pénitentiaires et sept
CISIH est proposée à titre expérimental. Ces conventions
prévoient la réalisation en milieu carcéral de
consultations médicales spécialisées, à raison
d'une ou deux par semaine. Compte tenu d'un premier bilan très
favorable, l'opération a été étendue en 1990
à cinq autres établissements, puis en 1991 à cinq
établissements supplémentaires, portant leur total à
dix-huit. Ces conventions marquèrent les premières interventions
de praticiens hospitaliers en milieu carcéral :
« c'était la première avancée de l'hôpital
au niveau pénitentiaire »166(*). Des dépistages anonymes et gratuits
étaient proposés aux détenus dans des conditions de
confidentialité analogues à celles existant en milieu
libre167(*).
La publication de plusieurs rapports publics permet de prendre
conscience alors de l'inadéquation entre l'organisation des soins et la
propagation de l'épidémie de Sida en prison. Déjà
en 1989, le professeur Claude Got notait dans son rapport sur le Sida que
« le problème n'est pas : le sida et la prison, mais
d'abord : organisation du système de soins dans les
prisons »168(*). En 1993, le « Rapport sur les situations
médicales sans absolue confidentialité dans l'univers
pénitentiaire », établi par le Conseil
national du Sida (CNS), souligne les fortes variations géographiques des
taux de contamination selon les prisons169(*). La prévalence générale de 4,3%
sur l'ensemble des instituts masque certaines pointes allant jusqu'à
15%, ce qui traduit des différences épidémiologiques
réelles ou des écarts dans le taux de dépistage, qui est
lui aussi très inégal géographiquement. Le Conseil
national du Sida note, en outre, la « forte corrélation, voire
la stricte adéquation entre toxicomanes et séropositifs parmi les
détenus »170(*). En 1993, le rapport du Haut comité national
de la santé publique dresse un bilan positif lié à
l'intervention des CISIH mais soulève l'inadéquation de la
médecine pénitentiaire, incapable d'assurer un dépistage
et une prise en charge satisfaisante dans les établissements où
aucune convention n'a été signée avec un CISIH ou un
centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG), structure
hospitalière spécialisée dans le dépistage du Sida.
Le Haut comité relève en outre les difficultés à
garantir le secret médical lorsque le test de dépistage est
effectué par du personnel de la médecine pénitentiaire. Le
problème du secret professionnel et du manque de moyens financiers
suffisants pour assurer le suivi des traitements justifient, dès lors,
l'intervention de la médecine hospitalière et le
décloisonnement de la médecine pénitentiaire:
« L'exercice de la confidentialité est
difficile dans le milieu clos de la prison, où chaque activité
des détenus est connue. Les conditions matérielles et
fonctionnelles de la médecine en milieu pénitentiaire ne sont pas
idéales [...] La prise en charge en milieu carcéral d'une
population atteinte par le VIH, dont la lourdeur de la pathologie
s'accroît, augmente les tâches d'un personnel soignant dont
l'effectif stagne. Enfin, nombre d'établissements connaissent des
difficultés pour faire face à la lourde charge financière
qu'implique le traitement de la pathologie à VIH,
particulièrement aux stades avancés de la
maladie »171(*)
Le problème du Sida est un phénomène aux
dimensions multiples qui peut être perçu simultanément
comme un problème de santé publique, une maladie ou un
problème social172(*). Monika Steffen remarque que le principal
défi lié à l'épidémie de Sida en Europe fut
la gouvernance de la santé publique173(*). Le modèle de santé publique existant
alors apparut totalement inadapté à la nouveauté de cette
maladie qui ne pouvait être traitée que par une double
stratégie reposant sur les principes de volontariat et de
confidentialité ainsi que sur la responsabilisation des individus par le
biais de campagnes publiques174(*). Ces principes étaient d'autant plus
difficiles à mettre en oeuvre s'agissant de populations
fragilisées comme les détenus ou les toxicomanes, moins
réceptifs aux campagnes de prévention mais également moins
en mesure de se mobiliser que d'autres groupes à risques tels que les
homosexuels. Dès lors, « pour les systèmes de
santé, le Sida représentait un problème
« mal structuré », ne correspondant pas aux modes
d'intervention, cadres cognitifs et découpages institutionnels
forgés antérieurement et appelant, de ce fait, des
réajustements »175(*). Ce constat est d'autant plus pertinent en milieu
carcéral où les principes de fonctionnement s'opposaient
précisément aux principales mesures des politiques de
réduction des risques qui permirent d'endiguer l'épidémie
chez les toxicomanes (distribution de seringue, traitements de substitution)
mais aussi aux mesures de prévention plus générales comme
l'usage du préservatif. Les difficultés de l'administration
pénitentiaire à reconnaître la portée de
l'épidémie de Sida en milieu carcéral s'explique avant
tout par des résistances culturelles qui lui empêchaient
d'apporter une réponse cohérente au problème176(*). L'irruption d'un
problème, qui ne pouvait pas être résolu dans les cadres de
compréhension et d'action de l'institution carcérale, a permis
d'en soulever les blocages. C'est l'incompatibilité entre la prison et
les exigences de santé publique qui est alors apparue. Le Sida a
exercé en prison, comme dans l'ensemble de la société, un
« effet de dévoilement » selon les mots de Michel
Setbon177(*). Le Sida
était une maladie singulière qui, ne pouvant pas être
traitée dans le cadre existant et selon les règles en vigueur, a
nécessité un processus de recomposition des dispositifs
sanitaires. La réorganisation des soins en milieu carcéral a
été légitimée dès lors que la santé
des détenus est apparue comme un problème de santé
publique.
3 La reconnaissance de la
santé des détenus en tant que problème de santé
publique
Les conditions d'une réforme de l'organisation de soin
en milieu carcéral semblent réunies au début des
années quatre-vingt-dix : les soignants intervenant en prison sont
demandeurs d'un nouveau statut, les besoins de prise en charge de la population
carcérale apparaissent démesurés vis-à-vis des
moyens dont dispose la médecine pénitentiaire, alors que dans un
même temps l'épidémie de Sida a souligné
l'incompatibilité entre le soin et l'administration
pénitentiaire. Le projet d'une réforme n'est cependant pas encore
évoqué au début des années quatre-vingt-dix par les
pouvoirs publics et l'idée d'une réorganisation des soins en
milieu carcéral se limite à un petit cercle de
spécialistes. La santé en prison n'est pas reconnue à
cette époque comme une question de santé publique au sein de
l'espace politique. Le risque que les prisons constituent un lieu de
propagation du virus dans l'ensemble de la société ne semble
alors pas pris en compte, sauf de la part de quelques professionnels. C'est
uniquement la crise du sang contaminé qui va souligner le lien qui unit
la santé des détenus à celle de tous les citoyens et
rendre ainsi nécessaire une intervention des pouvoirs publics.
3.1
Le scandale du sang contaminé : une crise de gouvernance de la
santé en milieu carcéral
Avant même l'affaire du sang contaminé, la
médecine pénitentiaire a toujours souffert d'un manque de
crédibilité. Longtemps perçus comme étant au
service de l'administration pénitentiaire, les médecins
intervenant en milieu carcéral étaient soupçonnés
de servir l'institution qui les employait. La sur-prescription de psychotropes
est une critique récurrente à l'égard des psychiatres
accusés de vouloir pacifier la détention en médicalisant
les détenus178(*). Plusieurs scandales ont défrayé la
chronique au cours des vingt dernières années. Le
« scandale des grâces », qui symbolisa une atteinte
grave à la moralité des médecins pénitentiaires, en
offre un bon exemple:
« La médecine pénitentiaire
revient de loin dans son image de marque auprès des personnes
détenues, de leur entourage et auprès du reste du corps soignant.
[...] Il y a eu à côté de ça, quelques erreurs ici
et là, qui ont été largement montées en
épingle pour conforter l'image que tout ce qui se passe derrière
les murs d'une prison est trouble [...] Exemple, le scandale des grâces
[...] Dans les années 80, un certain nombre de collègues du sud
de la France se sont mis à se laisser convaincre de faire des
certificats de complaisance [...] Ces médecins ont fait contresigner ces
certificats par le médecin inspecteur national de l'administration
pénitentiaire qui était le docteur Solange Troisier à
l'époque. »179(*)
Plusieurs cas de morts violentes et de suicides suspects
amènent épisodiquement des militants des droits de l'homme
à condamner l'opacité du milieu carcéral180(*). Le silence du personnel
soignant était perçu à cet égard comme un aveu
d'impuissance, ou pire, de complicité181(*). Le manque de transparence de la prison entachait la
réputation d'une médecine mal connue. L'unité
d'hospitalisation pour détenus de Lyon a ainsi été
implantée au sein d'un Centre hospitalo-universitaire, comme le constate
une psychologue, afin d'apporter aux détenus une médecine
équivalente à celle dont bénéficie n'importe quel
citoyen et répondre ainsi aux accusations selon lesquelles la
médecine pénitentiaire recourait aux prisonniers en tant que
cobayes182(*). Il
s'agissait pour les personnels soignants, non seulement, de se démarquer
de certaines pratiques face auxquelles ils ne pouvaient intervenir en raison du
lien de dépendance qui les liait à l'administration
pénitentiaire, mais le rattachement à la médecine de droit
commun était surtout perçu comme une opportunité pour
réhabiliter une discipline socialement et professionnellement
disqualifiée. La médecine pénitentiaire a
été traversée par une série de crises à
répétition qui ont profondément ébranlé son
image de marque. Aucune n'ont cependant mis en évidence son
incapacité à assurer l'organisation des soins et à
légitimer ainsi une forme globale de son fonctionnement. La santé
des détenus n'était à l'époque encore pas
perçue comme un enjeu de santé publique. La
non-confidentialité des soin, la sur-prescription de psychotropes, voire
les expérimentations médicales sur des détenus ne
suffisaient pas à concerner l'ensemble de la société
civile car leurs conséquences ne dépassaient pas l'enceinte de la
prison. C'est uniquement le scandale du sang contaminé qui, en
révélant la menace que la prison pouvait constituer pour la
santé de chacun, va imposer une réforme de la médecine
pénitentiaire.
L'affaire du sang contaminé a mis en crise de
nombreuses institutions: le système transfusionnel français, la
tutelle des autorités sanitaires, le système judiciaire mal
adapté pour pouvoir y répondre correctement. Le milieu
carcéral n'a pas échappé à cette crise. Le sang
contaminé a soulevé, par la question de la sélection des
donneurs, le problème des risques encourus par la collectivité
dans son ensemble. Ainsi, comme le rappelle Monika Steffen, «lorsque
l'épidémie arrive, elle présente un problème mal
structuré pour les systèmes de santé en
général, mais plus particulièrement pour le sous-secteur
transfusionnel [...] L'incertitude règne sur la nature du risque, sa
gravité et les stratégies pour l'éviter. Faut-il ou non
exclure de la collecte du sang les personnes appartenant au groupe
touché par la maladie, les homosexuels, les toxicomanes et les
ressortissants de certains pays, au risque de manquer de sang ? Comment
identifier les sujets à risque ? »183(*).
Le scandale du sang contaminé s'explique avant tout par
la structuration du système de prélèvement sanguin
hérité de la Libération184(*). Organisé selon un modèle associatif,
il apparaît au cours des années 80 de plus en plus
décalé vis-à-vis des exigences fonctionnelles d'une
industrie biomédicale moderne, alors que les besoins en plasma
augmentent. La réticence des centres de transfusion et des associations
de donneurs à modifier leurs politiques traditionnelles de collecte pour
développer la plasmaphérèse185(*) amène les centres
à amplifier la collecte extensive du sang et à recourir
systématiquement aux collectes dans les prisons. Les
prélèvements en milieu carcéral atteignent un pic entre
1984 et 1985, au moment précis où le Sida se développe et
où le nombre de toxicomanes incarcérés augmente. Le
système se caractérise alors par une absence totale de
contrôle sur l'activité des centres de transfusions. Seule la
Direction générale de la santé (DGS), récemment
constituée, assure la tutelle sur l'ensemble des activités des
centres. Ainsi, comme le résume Monika Steffen, « les mesures de
prévention contre le Sida devaient donc être imposées par
une tutelle faiblement équipée sans soutien politique, la DGS,
dans un secteur fermé, marqué par l'indépendance
médicale et plus sensible à l'éthique du don qu'à
la sécurité des patients ».
Parmi les mesures de prévention existantes pour limiter
les risques de contamination liés au sang186(*), la plus simple à
appliquer et la plus efficace était la sélection des donneurs.
Des dispositions existaient depuis longtemps en matière de
sélection des détenus candidats au don du sang187(*). Celles-ci sont cependant
restées lettre-morte pendant longtemps en raison de la pénurie du
dispositif sanitaire, incapable de mettre en oeuvre une démarche de
sélection des donneurs188(*). Ainsi, comme le souligne Aquilino Morelle,
« comment aurait-on pu faire respecter ces consignes, puisqu'il n'y
avait pas assez de personnel médical et paramédical pour
respecter la loi et simplement faire face aux besoins sanitaires
élémentaires des personnes
incarcérés ? »189(*). Pourtant, la Direction générale de la
santé (DGS) diffuse le 20 juin 1983 une circulaire « relative
à la prévention de l'éventuelle transmission du Sida par
transfusion sanguine » qui préconise le repérage des
populations à risque, dont le sang serait réservé à
la préparation du plasma qui ne présente, en raison de son
procédé de fabrication, aucun pouvoir contaminant190(*). Cette circulaire
adressée aux 164 Centres de transfusion sanguine (CTS) imposait un
interrogatoire détaillé des donneurs et précisait les
critères d'identification des personnes à risque (personnes
homosexuelles ou bisexuelles, utilisateurs de drogues injectables par voie
intraveineuse, personnes originaires d'Haïti ou d'Afrique
équatoriale et les partenaires sexuels des personnes appartenant
à ces catégories) et la recherche de signes cliniques suspects
ayant valeur de contre-indication dans le don. Le texte ne mentionne cependant
pas de façon précise les collectes en milieu
carcéral191(*).
En février 1984 l'étude de suivi montre que la directive n'est
pas appliquée192(*). La majorité des centres considèrent
l'intervention de la DGS comme illégitime et la mesure comme inutile.
Aquilino Morelle remarque qu'une sélection satisfaisante des donneurs
exigeait une relation de confiance, ce qui nécessitait un temps
d'interrogatoire suffisant et le respect de la stricte confidentialité.
Ces deux conditions sont difficiles à garantir en milieu
carcéral. Les entretiens étaient le plus souvent absents car cela
constituait une charge supplémentaire pour la prison193(*). Mais la résistance
face à l'épidémie de Sida est davantage d'ordre culturel.
La circulaire impose d'adopter, par le biais de l'interrogatoire, une relation
différente avec le donneur en le considérant comme une menace
potentielle, ce qui heurtait les conceptions alors en présence. Comme
l'affirme Aquilino Morelle, « elle laissait entendre que les donneurs de
sang français pouvaient représenter une source de contamination,
ce qui allait directement à l'encontre des croyances les mieux
enracinées dans l'esprit des transfuseurs français
»194(*). L'origine
du système de la transfusion sanguine accorde un rôle central
à une éthique militante incompatible avec la prise en
considération du risque de contamination encourue. La mise en
équivalence entre le bénévolat et la nature saine est
à l'origine de « l'incapacité structurelle à
envisager le donneur de sang comme un possible sujet à
risque »195(*).
Les collectes en milieu carcéral continuent
malgré les risques de contamination. Les tentatives de la DGS de mettre
fin aux collectes se heurtent à l'opposition des cabinets
ministériels196(*). Une circulaire datée du 13 janvier 1984 et
signée par Myriam Ezratty, alors directrice de l'administration
pénitentiaire, encourage même les collectes de sang en
prison197(*). Le 29
février 1984, une réunion de la Société nationale
de transfusion sanguine a lieu, durant laquelle les risques de contamination de
lots liés aux collectes en prison sont soulevés198(*). Le directeur de la DGS
adresse une nouvelle circulaire à chaque établissement
français de transfusion où il rappelle la responsabilité
des centres en cas de non-respect de la circulaire de 1983. Suite à deux
études réalisées en mai 1985 par le docteur Pierre
Espinoza, Mme Ezratty convoque une réunion du groupe
santé-justice, coprésidée par Michel Lucas, directeur de
l'IGAS, au terme de laquelle, il fut décider de « ne pas
arrêter ni suspendre les prélèvements sanguins
réalisés en établissements
pénitentiaires »199(*). Il est cependant admis que les services de la DGS
contactent téléphoniquement les directeurs régionaux
responsables des centres de transfusion sanguine pour « leur donner
toute recommandation utile sur l'utilisation des dons de sang ». La
recommandation de stopper les collectes ne sera finalement adressée par
les directions régionales de l'administration pénitentiaire aux
chefs d'établissement que par une note datée du 11 octobre 1985.
Si la plupart des collectes en prison s'arrêtent vers la
fin de 1985, certaines se poursuivent jusqu'à l'inculpation
pénale des responsables de la transfusion sanguine en 1991, faute d'une
interdiction officielle. Ces collectes ne représentaient pourtant que
0,35% du volume total de sang prélevé en France chaque
année et n'étaient donc pas justifiées. L'absence de
mesures de prévention dans les collectes effectuées en milieu
carcéral était à cette époque d'autant plus
coupable, comme l'estime Aquilino Morelle, que les risques de contamination
à VIH étaient fortement prévisibles au regard de
l'hépatite B. En effet, avant même qu'apparaisse le virus du
Sida, les prélèvements de sang en prison représentaient
une menace de vis-à-vis de l'hépatite B. A la fin des
années 60, le risque d'hépatite post-transfusionnelle
était évalué entre 25 à 50 %, selon les lieux de
collecte, la nature et la quantité de produits sanguins injectés.
La mise en place en 1971 du dépistage systématique de
l'antigène Australia (HBs), marqueur biologique spécifique de
l'hépatite B, rassura et promit un nouvel essor de la transfusion
sanguine. Néanmoins, malgré le dépistage de
l'hépatite B, le risque d'hépatite transfusionnel avoisinait les
7 ou 8 %. La prévalence de l'hépatite B était alors
très forte en milieu carcéral. Le docteur Noël, directeur du
CDTS de Versailles, indique en 1984 que la prévalence de
l'hépatite était en moyenne 4,5 fois plus élevée
dans une maison d'arrêt que dans la population
générale200(*). Cette prévalence indiquait un risque de
recueillir, malgré le test de dépistage, des dons de sang
contaminé par l'hépatite B en raison de la période
pré-sérologique. Le docteur Noël écrivait d'ailleurs
que « cette forte prévalence de l'infection par le VHB implique un
risque élevé d'infection par des agents transmissibles [...] et
assimile cette population de donneurs de sang en milieu carcéral
à une population à risque de transmission du VHB et probablement
d'autres agents infectieux identifiés. Il est inconcevable
éthiquement et économiquement de prélever des populations
et d'écarter 31,5 % des unités provenant des donneurs ayant
été en contact avec le VHB. Cette population à risque
ayant l'avantage d'être bien délimitée, nous avons
préféré suspendre provisoirement la collecte de sang
à la maison d'arrêt jusqu'à ce que le risque infectieux
soit mieux décidé »201(*). Une « dissonance cognitive » ne
permit cependant pas de tirer toutes les conclusions de la mise en
parallèle entre le VIH et le VHB202(*). En effet, au début des années
quatre-vingts, la plupart des hémophiles sont atteints de
l'hépatite B et le risque semble accepté. Environ 10% des cas
s'avèrent fatals, d'où l'hypothèse largement
partagée en 1985, selon laquelle 10% seulement des patients
séropositifs au VIH développeraient un jour un Sida. Dans le
monde transfusionnel, le risque du Sida était donc
considéré au début des années quatre-vingts comme
un risque acceptable.
Alors que les risques de contamination sont
élevés, les collectes de sang ont eu lieu en milieu
carcéral entre 1984 et 1985 infectant ainsi de nombreux lots
sanguins203(*). Evaluer
la part de responsabilité de cette non-application des mesures de
prévention est une opération délicate204(*). Selon les calculs
effectués par la mission d'enquête IGAS de 1992, les collectes de
sang en prison seraient responsables de 25 % des contaminations liées
aux transfusions pour l'année 1985, à partir de laquelle on
disposait d'un test de dépistage et où il a été
possible de calculer les taux de séroprévalence205(*). Comme le remarque Aquilino
Morelle, « le danger que faisaient courir ces collectes paraît plus
impressionnant encore quand on compare leur poids dans le total des
prélèvements et leur part dans la contamination. En effet, le
taux de séropositivité était en moyenne 60 fois plus
élevé que le taux moyen observé sur l'ensemble des dons
recueillis dans la population générale (détenus
compris)206(*). Ainsi,
les prélèvements de sang en milieu carcéral qui
représentaient 0,3 % des dons de sang en 1985 ont été
à l'origine de 25,4% de la contamination post-transfusionnelle du Sida.
Cet écart phénoménal du taux de
séropositivité entre les collectes effectuées en prison et
celles effectuées à l'extérieur, en poste fixe, s'explique
par la forte prévalence de toxicomanes intraveineux en milieu
carcéral. Ce phénomène était amplifié du
fait que 139 des 183 établissements pénitentiaires
français sont des maisons d'arrêt où la population est
composée de petits délinquants dont les délits sont
liés à la consommation de stupéfiants.
Le non-respect des mesures de prévention en milieu
carcéral fut responsable de nombreuses contaminations. C'est en 1992
qu'éclate le scandale du sang contaminé et que le problème
des collectes de sang en prison est évoqué pour la
première fois par une enquête publiée par Le
Monde207(*). Le
journal met en avant la responsabilité de l'ancienne directrice de
l'Administration pénitentiaire, Myriam Ezratty. L'incapacité de
l'administration pénitentiaire à gérer cette crise
sanitaire est soulevée quelques mois après par un rapport
conjoint Santé (IGAS), Justice (IGSJ), rendu public par Bernard
Kouchner, alors ministre de la Santé et de l'Action humanitaire, le 6
novembre 1992208(*).
Pourtant, cette mauvaise gestion d'un problème de santé publique
est restée sans suite. Au cours du procès du sang
contaminé, Myriam Ezratty, qui avait été nommée
depuis première présidente de la cour d'appel de Paris, n'a pas
été appelée à comparaître209(*). C'est pourtant sous sa
direction que les collectes ont été intensifiées en prison
en 1984. Un proche collaborateur de Myriam Ezratty, Jean-Pierre Dintilhac a
fait l'objet d'une plainte devant le procureur de la République de Paris
par une jeune femme contaminée par le VIH et par l'hépatite C le
8 juin 1984 lors d'une transfusion sanguine où les lots étaient
contaminés probablement par des collectes en milieu
pénitentiaire. Celle-ci demeura cependant sans conséquence suite
à la relaxe générale. D'autres responsabilités
enfin semblent lever des doutes notamment au sein de l'IGAS210(*).
L'incapacité de l'administration pénitentiaire
française à gérer les collectes de sang en milieu
carcéral semble liée à un déficit de santé
publique. Une comparaison internationale permet de s'en rendre compte211(*). On peut remarquer que les
pays scandinaves (Finlande, Suède, Norvège) ont cessé
très tôt les collectes en prison de même que les pays de
tradition anglo-saxonne (Afrique du Sud, Australie, Canada, États-Unis).
Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont mis fin à ces collectes plus
tardivement, en 1982. La principale raison qui a été à
l'origine et qui a motivé ces décisions était le risque de
transmission de l'hépatite que n'a pas su prendre en compte le
dispositif politico-sanitaire français. Aquilino Morelle en
déduit que « ce sont précisément les pays ayant la
culture d'hygiène publique la plus ancienne et la plus
développée qui enregistre les meilleurs résultats ».
Le manque de lien entre la médecine pénitentiaire et le reste du
système de santé est probablement en partie à l'origine de
la non-application des mesures de précaution recommandées par la
DGS. Il semblerait toutefois que le principal facteur explicatif de
l'immobilisme de l'administration soit son mode de gouvernance.
L'institution carcérale est durement remise en cause
depuis le début des années soixante-dix sous le poids de
mouvements sociaux d'un ordre nouveau212(*). La tendance est alors à gérer les
problèmes pénitentiaires sans passer par le politique. Comme le
remarque Pierre Favre, « l'administration, confrontée à
un problème, tente généralement de le résoudre
seule, hors de l'intervention du champ politique. Les gestionnaires ou les
experts dans l'administration se défient des interventions changeantes
des cabinets ministériels et cultivent une vision de l'administration
comme le lieu d'une compétence technique qui doit être à
l'écart des initiatives inopportunes et souvent suspectes des hommes
politiques. Loin d'être cet organe de transmission automatique au champ
politique, qu'on a pu voir en elle, l'administration serait spontanément
une instance de captation des problèmes »213(*). Face à l'aggravation
de l'état de santé des détenus et à l'insuffisance
des moyens sanitaires au cours des années quatre-vingts,
l'administration pénitentiaire adopte une stratégie d'«
évitement » du conflit afin de prévenir la «
politisation » du problème. C'est ainsi qu'à son
arrivée à la direction de l'administration pénitentiaire
Myriam Ezratty décide en 1984 de confier une mission de contrôle
sanitaire des prisons à l'Inspection Générale des Affaires
Sociales (IGAS) qui venait d'être chargée de cette
compétence. La gestion de la crise du sang contaminé en milieu
carcéral témoigne de ce mode de gouvernance des
problèmes214(*).
C'est par directive téléphonique, puis par voie de circulaire,
que l'administration pénitentiaire cherche à faire stopper les
collectes sans que cela ne soit connu du public. Le scandale du sang
contaminé constitue une crise de gouvernance de l'institution
carcérale qui a mis en évidence l'incompatibilité entre
l'ancienne structuration de l'organisation des soins et les principes
prévalant au sein du système sanitaire. Elle a ouvert une
« fenêtre politique »215(*) à la mobilisation des
différents acteurs en vue d'une réforme globale de la
médecine pénitentiaire à partir de l'exemple des prisons
« 13 000 ».
3.2
L'expérience « 13 000 » : un premier
décloisonnement de la médecine pénitentiaire
La réforme de 1994 qui transfère l'organisation
des soins au système public hospitalier a connu une première
expérimentation au cours des années quatre-vingt-dix dans le
cadre du programme « 13 000 »216(*). Les activités
sanitaires sont déléguées à des groupes
privés et sortent du contrôle de l'administration
pénitentiaire pour la première fois217(*). Le cahier des charges des
marchés de fonctionnement attribue à l'opérateur
privé l'ensemble des actions de prévention, de diagnostic et de
soin nécessaires à la préservation de la santé des
détenus, à l'exception des hospitalisations, dans le cadre de la
réglementation en vigueur. Il définit la composition de
l'équipe médicale et paramédicale pour chaque type
d'établissement. La mise en place de ces conventions Etat-privé
ont constitué un premier pas dans le décloisonnement de la
médecine pénitentiaire. Les services médicaux des
établissements « 13 000 » ont par exemple mis fin
aux distributions de médicaments dans la fiole et ont insisté sur
le respect du secret médical. Bien que la réforme de 1994
s'inspire de l'expérience 13 000, elle s'en distingue
considérablement dans ses modalités à la suite de la
remise du rapport du Haut comité de la santé publique (HCSP)
publié en 1993 qui a effectué un bilan du fonctionnement de ces
services218(*). Celui-ci
visait notamment à mettre en comparaison les établissements
pénitentiaires déjà conventionnés avec le
fonctionnement des établissements 13 000219(*). Le rapport note dans ces
derniers un progrès sensible vis-à-vis des effectifs soignants et
de l'équipement médical au regard des établissements du
parc pénitentiaire classique et estime que leur service sanitaire
fonctionne « globalement de manière satisfaisante ».
Il relève cependant un certain nombre de dysfonctionnements : la
continuité des soins n'est pas toujours assurée ; les
hospitalisations extérieures restent trop nombreuses ; le relais de
la prise en charge sanitaire des sortants n'est pas nécessairement
assuré, aucun lien institutionnel n'existant entre les soignants en
prison et le réseau de soin extérieur ; la dimension de la
réinsertion ne paraît enfin pas avoir été
intégrée. Le manque de coordination entre les services sanitaires
des établissements 13 000 et le reste du système sanitaire
apparaît plus grave dans le dépistage et la prise en charge du
Sida, pour laquelle, faute de ressources internes, le recours aux structures
extérieures est d'autant plus important. Le professeur Luc Montagnier
remarque dans son rapport sur « Le Sida et la société
française », remis au gouvernement en 1993, que la
coordination des établissements 13 000 avec les Centres de
dépistage anonymes et gratuits (CDAG) est très
insuffisante220(*).
Un second problème est fréquemment
soulevé : la coordination entre le personnel soignant et le personnel de
l'établissement pénitentiaire semblait insuffisante à deux
niveaux. En premier lieu, Luc Montagnier remarque le manque de lien entre
l'administration pénitentiaire et l'infirmerie. Ainsi, « c'est dans
les prisons du programme 13 000 que la séparation et la plus nette entre
les surveillants et le personnel médical puisqu'ils n'appartiennent pas
à la même administration »221(*). Une responsable pénitentiaire qui a
travaillé cinq ans dans un établissement « 13
000 » (la maison d'arrêt de Douai) confirme l'absence de
relation entre la direction et le personnel médical. La
délégation au secteur privé avait, semble t-il,
aboutit à une séparation nette entre les deux services sans
que s'établisse un rapport de coopération : « Nous on
avait l'habitude de leur répondre "c'est le 13 000 et le médecin,
c'est du privé" [...] On avait quasiment aucun rapport avec eux. C'est
essentiellement le privé qui gérait la santé. Ça
n'était pas nous. Ça représentait vraiment une
difficulté, ça c'est sûr »222(*). Une seconde coupure
existait dans les prisons « 13 000 » entre le service
sanitaire et les services sociaux, titulaires de l'administration
pénitentiaire. Le rapport du HCNSP a mis en évidence l'absence de
coordination entre les deux services223(*), ce que souligna également le rapport du
professeur Montagnier224(*). Ce constat doit pourtant être
relativisé par l'expérience de la prison de Villefranche,
établissement du « programme 13000 » où le
directeur de l'établissement et l'opérateur privé
entretenaient un rapport de collusion qui a probablement contribué
à rejeter le modèle des prisons « 13
000 »225(*).
Le fonctionnement des services de santé des prisons
« 13 000 » présentait certains dysfonctionnements
qui ont amené le Haut comité de la santé publique à
privilégier comme modèle pour la réforme de 1994 le
système de convention entre les établissements
pénitentiaires et les hôpitaux publics226(*). Les prisons « 13
000 » furent exclues de la réforme de 1994 et
conservèrent leur ancien mode de fonctionnement. En 1997, le professeur
Marc Gentilini publia un rapport sur la prise en charge sanitaire des
détenus dans lequel il critiqua la gestion des infirmeries
« 13 000 », dont notamment la mauvaise coordination avec le
secteur hospitalier et les réticences à mettre en place des
programmes de substitution auprès des toxicomanes227(*). Le Conseil national du Sida
divulgua un rapport en 1998 dans lequel il constatait des difficultés de
prescription des traitements de substitution et où il demandait le
rattachement de ces établissements au système
hospitalier228(*). Pour
répondre à ces critiques, un rapport d'évaluation de la
« gestion de la santé dans les établissements du
programme 13000 » a été réalisé en 1999
qui, en contradiction avec les études précédentes, ne
remit pas en cause les contrats de délégation229(*). Pourtant, les pouvoirs
publics décidèrent en 2001 d'étendre la loi de 1994 aux
services de santé à gestion privée,
homogénéisant ainsi les services sanitaires en prison.
L'expérience d'une gestion privée de la santé en milieu
pénitentiaire n'a duré que dix ans. Elle constitua une
parenthèse entre l'ancien système et le nouveau.
L'expérience « 13000 » a néanmoins permis un
premier décloisonnement de la médecine en milieu carcéral
vers des personnels non pénitentiaires et constitue une anticipation de
la réforme du 18 janvier 1994. Jean-Louis Pérol, magistrat et
sous-directeur des affaires administratives, responsable du suivi du programme
13 000, va même jusqu'affirmer que « la loi de janvier 1994 est la
fille directe du programme 13 000 »230(*). Bien qu'il s'agisse de deux modèles de
fonctionnement distincts, le projet « 13000 » a sans nul
doute ouvert la voie à une réforme de l'organisation des soins en
milieu carcéral.
La réforme de l'organisation des soins résulte
d'une conjonction causale multiple : la médecine
pénitentiaire apparaissait comme une discipline très
cloisonnée et peu valorisée, incapable de prendre en charge les
besoins sanitaires croissant d'une population carcérale de plus en plus
nombreuse et marginale. Outre ces raisons structurelles, le scandale du sang
contaminé a mis en crise la gestion de la santé en milieu
carcéral, en soulignant les conséquences qui en
découlaient pour l'ensemble de la société. Le risque de
contamination encouru par la population libre a permis de mettre fin à
la représentation de la prison comme institution située en dehors
du corps social. La réorientation des politiques sanitaires en prison
est dès lors apparue comme une nécessité de santé
publique.
CHAPITRE 2 : LA REORIENTATION
DES POLITIQUES SANITAIRES EN PRISON
Le dispositif sanitaire présent en milieu
carcéral apparaît au début des années
quatre-vingt-dix totalement inadéquat à la prise en charge de la
population détenue. Celui-ci est remis en cause par plusieurs
médecins pénitentiaires ainsi que par la publication de nombreux
rapports. La réforme de la médecine pénitentiaire est
volontiers présentée par ses défenseurs comme
une exigence de santé publique. Pourtant, l'idée est loin de
réaliser un consensus chez tous les acteurs concernés. En effet,
l'élaboration et la mise en oeuvre de la réforme ne supposent pas
uniquement l'accord du personnel soignant travaillant en milieu carcéral
mais aussi, et surtout, celui de l'administration pénitentiaire et du
système public hospitalier, auquel est déléguée la
gestion des soins. C'est uniquement par la prise en compte de ces positions,
qu'il est possible de comprendre le retard du vote de la loi du 18 janvier 1994
ainsi que les difficultés de mise en oeuvre qu'elle va devoir affronter.
1 Réformer la
médecine pénitentiaire : une confrontation France-Italie
Les dispositifs sanitaires carcéraux français et
italiens affrontent des difficultés similaires au début des
années quatre-vingts (manque de considération, surpopulation
carcérale, proportion entre les besoins et les moyens mis en oeuvre) qui
vont les amener à engager une réforme de la médecine
pénitentiaire. Ces deux réformes méritent d'être
comparées. Il s'agit de rendre compte, d'une part, de l'écart de
cinq ans qui les a séparé, en s'attardant sur les processus
politique propres à chaque pays, et de comprendre, d'autre part, les
spécificités du nouveau dispositif sanitaire qui a
été mis en place.
1.1
Les dynamiques politiques de la loi du 18 janvier 1994
Bien que les éléments d'une réforme de la
médecine pénitentiaire semblent réunis depuis la fin des
années quatre-vingts, ce n'est que la crise du sang contaminé qui
suscite en 1992 l'intérêt de la société civile pour
la santé en milieu carcéral. L'intervention des pouvoirs publics
est dès lors rendue indispensable231(*). Il est nécessaire de décrire les
principales mobilisations qui ont rendu possible la loi du 18 janvier 1994 afin
de comprendre quels sont les acteurs en présence et les processus par
lesquels s'effectue l'inscription de la réforme de la médecine
pénitentiaire sur l'agenda politique232(*).
1.1.a La mise sur agenda de la réforme de la
médecine pénitentiaire française
Les pouvoirs publics vont reconnaître progressivement au
début des années quatre-vingt-dix, la nécessité de
réformer la médecine pénitentiaire. Celle-ci est pourtant
traversée depuis le début des années quatre-vingts par une
profonde crise de légitimité et de nombreux médecins ont
déjà réclamé sa réforme. L'expérience
lyonnaise apporte un bon exemple de cette mobilisation des professionnels. Le
professeur Barlet et certains médecins pénitentiaires se
mobilisent dès le début des années-quatre vingt pour
réformer la médecine pénitentiaire233(*). Ils proposent ainsi en 1982
un projet de réorganisation des soins au garde des Sceaux, dont seule
une proposition sera retenue : la création d'unités
d'hospitalisation spécifiques pour détenus. L'idée du
transfert de la médecine pénitentiaire vers le système
sanitaire national est cependant proposée pour la première fois
et sera reprise à diverses occasions234(*) :
« En 1982, on avait fait remonter au Garde des
sceaux de l'époque un projet dans lequel on disait qu'il fallait
transférer la mission de soin aux hôpitaux publics et créer
des unités d'hospitalisation, à l'intérieur des
hôpitaux, réservées aux personnes détenues. Alors
seule la deuxième partie de la proposition a été
retenue.»235(*)
Malgré la mobilisation de plusieurs professionnels
depuis le début des années quatre-vingts, ce n'est qu'en 1992 que
les pouvoirs publics s'intéressent à la réforme de la
médecine pénitentiaire. Un premier rapprochement entre
l'administration carcérale et le ministère de la Santé
annonce cette réforme. Un colloque est organisé le 4 avril 1992,
quelques jours avant la publication de l'enquête du journal Le
Monde sur les collectes de sang en milieu pénitentiaire, sur
l'initiative des deux ministères et dont l'intitulé est sans
ambiguïté (« Soigner absolument: Pour une
médecine sans rupture entre la prison et la ville ») et au
cours de laquelle l'idée d'une réforme de la médecine
pénitentiaire est envisagée publiquement pour la première
fois236(*).
Cette conférence semble être le point de
départ d'un processus politique de réforme de la médecine
pénitentiaire. Le garde des Sceaux, Michel Vauzelle, et le ministre de
la Santé, Bernard Kouchner, demandent alors, par la lettre de mission du
15 juillet 1992, au Haut comité national de la santé publique de
proposer une réforme de l'organisation des soins en milieu
carcéral. Cette commission, sous l'égide de Gilbert Chodorge,
directeur de l'hôpital d'Orsay, remet en février 1993 les
conclusions de son étude237(*). Après avoir fait un état des lieux
des besoins sanitaires des détenus, le rapport établit les
insuffisances de la prise en charge. Il définit alors les objectifs
prioritaires puis propose un schéma national d'organisation des soins en
milieu pénitentiaire. Le rapport préconise la
généralisation des conventions de proximité avec les
établissements publics de santé, à l'image de la
médecine psychiatrique avec les SMPR, ainsi que la
généralisation de la couverture sociale du risque
maladie-maternité à la totalité de la population
pénale. Le principe du couplage prison-hôpital est jugé
positivement au regard d'expérimentations qui avaient eu lieu en 1992
dans trois établissements pénitentiaires où des
conventions avaient été signées entre chaque
établissement pénitentiaire et le centre hospitalier le plus
proche238(*). Au rapport
du HCNSP vient s'ajouter, en mars 1993, l'étude réalisée
par le Conseil national du Sida qui dénonce les fréquentes
violations du secret médical en prison et estime « urgent et
nécessaire » que la médecine pénitentiaire passe
« sous le contrôle exclusif du ministère de la
Santé »239(*).
Suite à la remise de ce rapport, Bernard Kouchner prend
l'initiative de porter la réforme du transfert de la médecine
pénitentiaire vers le ministère de la Santé. L'imminence
des élections législatives de mars 1993 ne permettait cependant
pas de procéder par voie législative. Le 27 mars 1993, dernier
jour du gouvernement Bérégovoy, le gouvernement publia un
décret, après avis du Conseil d'état, qui
transférait les activités de soin en milieu carcéral du
ministère de la Justice au ministère de la Santé. Ce choix
politique résultait d'une interprétation extensive de la
compétence du domaine réglementaire. Il est apparu que certaines
dispositions, telle l'application des caisses d'assurance maladie, justifiaient
l'intervention du législateur en application de l'article 34 de la
constitution de 1958 et le décret du 27 mars 1993 fut
abrogé240(*).
Après cette tentative avortée de lancer la réforme par
décret, le projet ne disparaît cependant pas puisque le
gouvernement de centre-droite poursuit la réforme inachevée.
Philippe Douste-Blazy, ministre délégué à la
Santé, annonce ainsi en août 1993 un projet de loi reprenant les
principales dispositions du décret de mars 1993241(*). Simone Veil, ministres des
affaires sociales, de la santé et de la ville, présente le
mercredi 6 octobre un projet de loi relatif à « la
santé publique et à la protection sociale ». Ce projet
de loi, un DMOSS, est un texte « fourre-tout » qui comporte
diverses mesures d'ordre sanitaire et social dont le transfert de la
médecine pénitentiaire, dans son article 2, mais également
une réforme visant à organiser la lutte contre la recrudescence
de la tuberculose dont on recense plus de 8.000 cas en 1993242(*).
L'examen du texte par les Chambres peut sembler assez
paradoxal. L'article 2 concernant la médecine pénitentiaire ne
fut pas l'objet de débat243(*). De nombreux auteurs notent l'absence de
polémiques. C'est ainsi que Michèle Colin, coauteur du rapport du
HCNSP, et Jean-Paul Jean remarquent que le texte fut voté
« presque sans débat et en tout cas sans
opposition », avant d'ajouter que cette réforme
« résulte d'une volonté commune de la gauche comme de
la droite, ce qui constitue la meilleure garantie de sa
pérennité »244(*). Si l'article 2 ne semble pas avoir
été contesté, la loi a fait l'objet d'une forte
polémique parlementaire entre les deux Assemblées. Lors de
l'examen du projet au Sénat, un amendement a été
adopté le 26 octobre 1993, instituant le dépistage obligatoire du
virus du Sida pour les malades atteints de tuberculose. Cet amendement
sénatorial a alors déclenché l'opposition du gouvernement,
des partis politiques et des milieux médicaux245(*). Lors de son passage
à l'Assemblée nationale, le 29 novembre, des
députés appartenant en majorité au milieu médical,
contestent vivement cette disposition au nom de la « relation
de » confiance entre le malade et le
médecin »246(*). Le même aller-retour se poursuit peu de temps
après entre le Palais-Bourbon et le Palais du Luxembourg. Le vendredi 17
décembre, l'Assemblée nationale rétablit les dispositions
supprimées par le Sénat quelques jours auparavant, le lundi 13
décembre, et supprime celles qui avaient été
ajoutées247(*).
La polémique prit fin par la convocation d'une commission mixte
paritaire Assemblée-Sénat et le projet fut adopté et
devint la loi n°94-43 du 18 janvier 1994, publiée au Journal
Officiel du 19 janvier 1994. La médecine pénitentiaire
cède dorénavant la place à une médecine en milieu
pénitentiaire.
Le vote de la réforme de la médecine
pénitentiaire suscite une faible contestation politique. Aucun pouvoir
ne semble s'être opposé à ce passage. Ni l'administration
pénitentiaire, pour qui la délégation des
prérogatives sanitaires impliquait une perte de contrôle sur le
personnel médical, ni le ministère de la Santé, pour
lequel cette réforme engageait une hausse des dépenses, n'ont
fait obstruction à la loi du 18 janvier 1994. La réforme de la
médecine pénitentiaire a été adoptée en
moins de deux ans, essentiellement à cause de difficultés
constitutionnelles ou électorales, alors même que ce projet
était réclamé par certains soignants depuis plus de dix
ans et que la situation sanitaire avait franchit depuis longtemps les limites
du tolérable. Comment expliquer que cette réforme, impliquant
pourtant de nombreuses conséquences, ait été aussi rapide
et discrète248(*) ? Il faut, pour pouvoir répondre
à ces interrogations, rendre compte des processus qui ont
été à l'oeuvre d'une mobilisation politique.
1.1.b L'établissement d'un nouveau
référentiel des politiques sanitaires en prison
Dans leur théorie du
« référentiel », Pierre Muller et Bruno
Jobert inscrivent parmi les conditions de réalisation d'une politique
publique la mobilisation d'acteurs nommés
« médiateurs »249(*). Ceux-ci sont des agents qui occupent une fonction
sociale spécifique (haute fonction publique, syndicats dominants, etc.)
et qui imposent leur représentation d'une politique sectorielle
vis-à-vis d'autres agents avec lesquels ils sont en concurrence. Ainsi
ils « réalisent la construction du référentiel
d'une politique, c'est-à-dire la création des images cognitives
déterminant la perception du problème par les groupes en
présence et la définition des solutions
appropriées »250(*). L'émergence d'une politique publique
requiert une configuration spécifique des rapports de force à un
moment précis. L'élaboration et la mise en place d'une politique
publique relève ainsi de trois conditions générales
décrites par Bruno Jobert et Pierre Muller251(*). Il faut que se
dégage une relation de leadership professionnel qui fait qu'une
catégorie sociale prend la direction d'un secteur spécifique, en
cherchant à le modeler en fonction de ses intérêts. Il est
nécessaire que se dégage une forme de leadership dans le
domaine de l'expertise scientifique, c'est-à-dire qu'un acteur
administratif revendique avec succès l'exclusivité du domaine
concerné, et donc qu'il détienne l'expertise légitime. Il
faut, enfin, que les deux formes de leadership se superposent
suffisamment pour produire un processus d'interférence positif entre
l'administration et le milieu concerné.
Ces considérations permettent de mieux comprendre
l'absence d'une véritable politique de santé publique en milieu
carcéral jusqu'aux années quatre-vingt-dix. Une transformation
radicale de l'organisation des soins, comme celle qui a eu lieu en 1994,
supposait qu'un groupe social puisse servir de médiateur afin de
promouvoir l'idée d'une réforme de la médecine
pénitentiaire à partir d'un discours de santé publique
pouvant justifier et légitimer cette transformation252(*). Certains médecins
pénitentiaires, on l'a vu, se sont engagés dès le
début des années quatre-vingts en faveur d'un projet de
réforme. L'échec de leur mobilisation s'explique probablement par
l'émiettement de la médecine pénitentiaire. Les personnels
travaillant en milieu carcéral ne bénéficiaient pas d'une
capacité à s'organiser qui soit suffisante.
L'impossibilité pour les personnes concernées par cette
réforme, les détenus, à s'organiser et à faire
écho à cette préoccupation explique également en
partie l'absence de mobilisation253(*).
L'existence d'un groupe porteur d'un référentiel
ne suffit pas pour qu'il y ait politique publique. Il faut également
qu'un acteur administratif soit solidaire de ce groupe professionnel. Les
réticences de l'administration pénitentiaire constituent sans
doute la principale raison explicative du retard de la réforme de 1994.
La gestion de la santé en milieu carcéral a été
longtemps l'objet d'une gestion administrative, comme cela a été
évoqué auparavant, sans qu'elle ne soit confiée à
l'acteur politique. La réforme de la médecine
pénitentiaire supposait donc l'émergence du problème dans
le champ politique. L'incapacité de l'administration
pénitentiaire à répondre de façon adéquate
à la situation de crise sanitaire qui s'amplifie au début des
années quatre-vingt-dix contraint l'acteur politique à s'emparer
du problème. L'administration perd le contrôle de l'agenda
décisionnel. Elle est alors dessaisit de son droit de gestion et doit
désormais composer avec les pouvoirs publics254(*).
Il est difficile, faute de renseignements plus précis,
de rendre compte du processus d'activation du champ politique qui a eu lieu au
début des années quatre-vingt-dix. Il est néanmoins
possible de distinguer au moins quatre causes. La mobilisation de l'opinion
publique, tout d'abord, liée à la publication de plusieurs
ouvrages sur l'état de santé des prisons, où un constat
accablant est dressé de l'épidémie de VIH et de la
recrudescence de la tuberculose, a rendu nécessaire l'engagement des
dirigeants sur ce dossier. Le procès du sang en 1992, à
l'occasion duquel la responsabilité de l'administration
pénitentiaire dans les collectes de 1984-1985 a pu être
soulevé, a également contraint les pouvoirs publics à
réagir. Le volontarisme politique de Bernard Kouchner, alors ministre de
la Santé, a constitué le premier engagement politique vers la
réforme. Celui-ci a fait de la politique de santé publique son
cheval de bataille en tant que ministre entre 1992 et 1993255(*). Enfin, ce passage d'une
gestion administrative à une gestion politique a probablement
été rendu possible par le nouveau directeur de l'administration
pénitentiaire, Jean-Claude Karsenty, favorable à un transfert de
l'organisation des soins vers le ministère de la Santé.
La saisine de l'acteur politique apparaît comme le
résultat d'un double processus. Une mobilisation externe, tout d'abord,
par le biais de médecins pénitentiaires qui ont trouvé un
écho favorable au sein de l'opinion publique, désormais
« concernée » par l'état de santé des
détenus du fait de l'épidémie de Sida et du scandale du
sang contaminé. L'administration pénitentiaire semble, ensuite,
elle-même avoir fait recours à l'acteur politique pour prendre en
charge un dossier qui devenait désormais ingérable et qui
risquait de discréditer durablement tous ses services256(*). Le recours à
l'acteur politique est également lié à l'ampleur du
problème qui ne peut désormais plus être résolu
par voie de circulaire comme cela avait été le cas pour le sang
contaminé. Le remodelage complet de l'organisation des soins en prison
exigeait l'intervention du législateur qui dispose d'une capacité
d'initiative supérieure à l'administration. En effet,
« seul le pouvoir politique, au sens large, peut modifier la loi,
changer les affectations budgétaires, bouleverser la
réglementation »257(*). La réticence des pouvoirs publics à
recourir à la voie législative est, d'ailleurs, manifeste
à travers la tentative avortée de lancer la réforme par
décret en 1993. Celle-ci témoigne, en outre, du caractère
polémique du sujet qui risque de faire l'objet d'un traitement
réactif, comme cela avait été le cas pour le
Sida258(*). Le projet de
réforme n'a pourtant pas été contesté politiquement
lors de son examen parlementaire. Cette absence de polémique s'explique
par au moins trois phénomènes. En premier lieu, le gouvernement a
choisi d'intégrer la réorganisation des soins en milieu
pénitentiaire au sein d'un texte très général sur
la santé publique où l'article 2 n'occupait qu'une place
relative259(*). En
second lieu, la sensibilité polémique du sujet,
évoquée auparavant, a contraint l'ensemble de la classe politique
à se positionner en faveur du texte. Des divergences d'opinion auraient
ouvert la voie à l'apparition d'opinons extrêmes comme ce fut le
cas pour le Sida. Enfin, la multiplication des controverses sur le
dépistage obligatoire du Sida pour les tuberculeux a produit un effet
d'évitement qui a mis à l'écart l'article 2 des
débats.
La loi italienne de réforme de la médecine
pénitentiaire a eu lieu dans un contexte assez distinct. Contrairement
à leurs homologues français, les médecins travaillant en
prison étaient globalement réfractaires à leur
rattachement au ministère de la Santé260(*). La mobilisation en faveur
de la réforme n'est ainsi pas venue de l'intérieur du milieu
carcéral mais du reste de la société. Une pluralité
d'associations et de syndicats se sont engagés tout d'abord en faveur
d'une réorganisation du dispositif sanitaire261(*). Certains médecins
travaillant au sein des Serts, qui intervenaient depuis quelques années
au sein des prisons italiennes, se sont également mobilisés en
faveur de ce transfert262(*). Il semblerait que ceux-ci aient rencontré un
écho favorable de la part de quelques rares personnalités
politiques et notamment la ministre de la Santé, Rosy Bindi263(*). La réforme n'a
cependant pas constitué un texte législatif propre mais fut
inclus dans une loi plus large, comme ce fut le cas en France264(*). Malgré l'engagement
de quelques personnalités de gauche, cette réforme n'a pas
été l'objet de vives discussions en raison de
l'indifférence de la plupart des partis politiques à cette
question265(*) :
« Le problème c'est qu'il n'y a pas de véritable
mobilisation politique sur cette chose car il n'y a pas une coupure politique
qui permettrait que des personnes descendent dans la rue pour demander
l'application de la loi. Il y a une indifférence au niveau du
centre-gauche ou du centre-droit qui équivalente »266(*). L'absence de
volonté des acteurs politiques de s'emparer de ce sujet est commun entre
la France et l'Italie. En revanche aucun acteur administratif italien ne semble
vouloir se saisir de ce dossier : ni l'Administration
pénitentiaire, ni le ministère de la Santé. Si leur
absence d'implication n'a pas entravé la loi de 1999, elle a, comme on
le montrera par la suite, constitué un obstacle important à sa
mise en oeuvre.
La difficulté à inscrire la
réorganisation des soins en milieu carcéral sur l'agenda public
s'expliquerait, aussi bien en France qu'en Italie, par la réticence de
l'administration pénitentiaire à se dessaisir de ce monopole
qu'elle exerçait, d'une part, et par le manque de volonté des
acteurs politiques à s'emparer de ce dossier peu électoral,
d'autre part. La conjonction causale décrite auparavant a
néanmoins permis la mise en place d'un nouveau dispositif sanitaire en
milieu carcéral, organisé selon un référentiel de
santé publique.
1.2
Les dispositifs de la réforme de la médecine
pénitentiaire: limites et enjeux
La réforme de la médecine pénitentiaire a
été reconnue comme une nécessité de santé
publique qui a contraint les législateurs français et italiens
à adopter une loi de transfert de la gestion des soins en milieu
carcéral auprès du système de santé de droit
commun. Les modalités de cette prise en charge sont cependant
très diverses d'un pays à l'autre. Ces choix ne sont cependant
pas anodins puisqu'ils traduisent des conceptions distinctes du soin des
détenus. L'analyse de ces dispositifs est dès lors
nécessaire afin d'en mettre en évidence les principes mais aussi
les limites qui constituent les enjeux de réussite de la
réforme.
1.2.a La loi du 18 janvier 1994 ou les défis d'une
délégation au service public hospitalier
Le dispositif de soin en milieu carcéral est
organisé selon la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à
la santé publique et à la protection sociale (titre 1, chapitre
II : soins en milieu pénitentiaire et protection sociale des
détenus) et mis en application par le décret n° 94-929 du 27
octobre 1994 relatif aux soins dispensés aux détenus par les
établissements de santé assurant le service public hospitalier,
à la protection sociale des détenus et à la situation des
personnels infirmiers des services déconcentrés de
l'administration pénitentiaire (JO du 28 octobre 1994). Le nouveau
dispositif de prise en charge sanitaire des détenus repose sur quatre
principes fondamentaux.
Il consiste tout d'abord en une mission étendue
confiée aux hôpitaux. L'objectif de la réforme étant
d'assurer aux personnes incarcérées une qualité et une
continuité des soins semblables à celles offertes à la
population générale, l'organisation et la mise en oeuvre de la
prise en charge des détenus sont transférées du service
public pénitentiaire au service public hospitalier. Chaque institut
pénitentiaire est jumelé avec un établissement public de
santé qui s'engage à mettre en place une Unité de
consultations et de soins ambulatoires (UCSA)267(*) dans l'institut concerné. Les
établissements de santé sont désignés par le
préfet de région après avis du préfet de
département et du conseil d'administration de l'établissement
concerné, en concertation avec la direction régionale des
services pénitentiaires. Ces jumelages sont le plus souvent le fruit
d'une négociation entre la Direction régionale des affaires
sanitaires et sociales (DRASS) en concertation avec la Direction
régionale des services pénitentiaires (DRSP) et les Directions
départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS). Les
jumelages sont formalisés par des protocoles qui formalisent
l'engagement réciproque de l'établissement hospitalier et de
l'établissement pénitentiaire. Dans chaque protocole est
consigné avec une grande précision la façon dont est
assuré l'ensemble des prestations ambulatoires relevant de la
médecine générale, les soins dentaires, les consultations
spécialisées ainsi que l'organisation d'une permanence de
soins268(*).
Le second principe de la réforme est d'accorder le
bénéfice d'une protection sociale à tous les
détenus269(*). Le
troisième principe est une redéfinition des modalités de
prise en charge270(*).
Enfin, la continuité des soins et de la prise en charge à l'issue
de l'incarcération, quatrième principe, par la responsabilisation
médicale des détenus et la mise en oeuvre d'actions
d'éducation pour la santé, constitue un enjeu majeur de la loi du
18 janvier 1994. Le nouveau dispositif sanitaire de prise en charge des
détenus accorde une place cruciale à l'hôpital. La bonne
mise en oeuvre de la réforme de 1994 dépend du degré de
coordination qui s'établit entre les acteurs en présence :
coordination entre l'hôpital et l'administration pénitentiaire,
coordination entre l'UCSA et son service hospitalier de rattachement,
coordination entre le personnel de l'UCSA et le personnel pénitentiaire.
La première de ces relations, hôpital/prison, a toujours
été fragile historiquement et apparaît comme un enjeu
crucial de la réforme.
Les relations entre l'hôpital et la prison ont toujours
été conflictuelles comme en témoignent les
précédentes tentatives de collaboration. Une première
expérience d'« hôpital dans la prison » a eu
lieu dans la centrale de Fresnes, au lendemain de la seconde guerre mondiale,
qui n'avait cependant pas le statut d'établissement hospitalier :
le personnel soignant y est vacataire de l'administration pénitentiaire
et les normes d'hospitalisation paraissent éloignées de celles de
l'hôpital public271(*). Le décret du 21 décembre 1987
transforme Fresnes en établissement d'hospitalisation publique nationale
spécifiquement destiné à l'accueil des personnes
incarcérées et son personnel soignant est mis sous
l'autorité du ministère de la Santé272(*). Fresnes constitue un
pôle médical doté d'importantes ressources et qui effectue
de nombreuses missions273(*). Plusieurs problèmes de fonctionnement sont
cependant relevés par un rapport établi par l'IGAS en
1989274(*) :
l'hôpital est dirigé par un directeur d'établissement
pénitentiaire sans qu'il soit secondé par un cadre
hospitalier ; les équipements ne sont pas conformes à ceux
d'un établissement hospitalier, les normes hospitalières sont
rarement respectées ; les secrétaires médicales
absentes sont remplacées par du personnel de surveillance. De nombreuses
incompatibilités de fonctionnement entre la structure
hospitalière et l'institution carcérale sont ainsi
soulevées. L'hôpital pénitentiaire de Fresnes reste au sein
de la profession soignante le symbole de la soumission du corps médical
intervenant en prison à l'administration pénitentiaire 275(*).
La seconde tentative visant à permettre l'intervention
de l'hôpital dans la prison fut le décloisonnement de la
médecine psychiatrique pénitentiaire qui a servi, en partie, de
modèle pour la réforme de 1994. La création des Centres
médico-psychologique régionaux (CMPR) en 1977, unités de
soin situées en milieu carcéral et rattachées aux
hôpitaux psychiatriques, donna lieu à d'importantes
résistances des structures hospitalières, comme en
témoigne l'intégration difficile du CMPR de Lyon au sein de
l'établissement du Vinatier. Outre la réticence à mettre
en place un dispositif spécialisé pour détenus alors
même que la logique était alors à la sectorisation
géographique276(*), il semblerait que les problèmes de
coopération, encore présents aujourd'hui, s'expliquent par la
position d'extériorité du service, situé en dehors de
l'établissement hospitalier psychiatrique. La logique de
territorialisation professionnelle laisse percevoir les intervenants du CMPR
comme une menace pour le personnel hospitalier, comme en témoigne
l'intrusion sur les dossiers médicaux entre confrères :
« C'est très ambigu par exemple par
rapport aux gardes, est-ce qu'on est dedans ou dehors? [...] Quand on
débarque dans un autre service, on peut aller voir le dossier de
n'importe quel patient parce qu'on est en garde et le médecin de garde,
lui, sait très bien que jamais il ne pourra faire autant chez moi. On
n'est pas en relation de symétrie. C'est un exemple qui leur permet de
voir qu'on n'est pas vraiment dans la maison... »277(*)
Une seconde expérience remarquable est celle du
professeur Barlet à Lyon qui constitue la première tentative
d'instaurer la « prison dans l'hôpital ». Face aux
problèmes d'hospitalisation des détenus, deux solutions
s'offraient à la médecine pénitentiaire : soit
transformer les hôpitaux en prison, ce qui fut tenté à
Fresnes mais ne pouvait être reproduit dans tous les instituts, soit
intégrer une unité pour détenus au sein d'un
hôpital. Cette seconde solution fut mise en place dans plusieurs centres
hospitaliers de France comme ce fut le cas à l'Antiquaille à
Lyon. Le désintérêt porté par les praticiens
hospitaliers pour ces unités les condamnait cependant à
disparaître rapidement : « Ce sont des unités qui
ont très vite trouvé un discrédit. Pourquoi ? Eh bien
parce que quand on les ouvrait, on les rattachait à un chef de service
volontaire. Ce chef de service volontaire partait en retraite et était
remplacé par quelqu'un que ça n'intéressait pas. Il filait
ça à l'assistant. Il y en a que ça intéressait et
d'autres que ça intéressait moins. Il donnait ça à
l'interne et puis ça devenait pratiquement des lieux qui n'avaient
aucune crédibilité de soin »278(*). C'est pour
reconquérir cette crédibilité perdue qu'une Unité
sécurisée de seize lits, dirigée par le professeur Barlet,
fut implantée en mars 1985 au sein du Centre hospitalier Lyon sud. Il
s'agissait d'un service jouissant d'une autonomie de fonctionnement. Le service
fut néanmoins très mal accueilli initialement par le personnel
hospitalier, qui voyait d'un mauvais oeil l'introduction d'un service
spécifique pour détenus, comme en témoigne la comparaison
avec le fléau de la tuberculose:
« Ici nous sommes dans l'ancien Perron. Cet
hôpital s'appelait le Perron à Lyon et il avait très
mauvaise réputation puisque c'était l'hôpital des
tuberculeux [...] Les confrères de la génération
précédant la mienne avaient ramé très dur pour
restructurer une meilleure image de cet hôpital et le démarquer de
la tuberculose, tant et si bien que quand je suis venu me présenter en
1985 à l'un d'entre eux, il m'a dit presque avec émotion
"Monsieur Barlet, on nous en veut ! On a hérité la
tâche du bacille de Koch et maintenant on nous met les
tôlards...»279(*)
La crainte de soigner des personnes considérées
comme dangereuses mais aussi le manque de considération apportée
à la médecine pénitentiaire rendaient problématique
l'intégration de l'unité pour détenus au sein de la
structure hospitalière280(*). Comprenant l'importance d'intégrer son
service au sein du tissu hospitalier, le professeur Barlet sut qu'il ne pouvait
être accepté par le reste de l'établissement que s'il ne se
présentait pas uniquement comme « consommateur » de
soin, ce qui aurait pu assimiler son équipe à « des
prédateurs à l'intérieur de l'hôpital »,
mais s'il était également en mesure de répondre à
certaines attentes. Le service de l'unité pour détenu mobilisa
ainsi deux ressources qui lui ont permis de faire reconnaître son
importance. La première fut la médecine légale, domaine de
compétence du professeur Barlet, qui est devenue au cours des quinze
dernières années une discipline utile au sein du monde soignant.
La seconde fut le Sida. Très concernée par
l'épidémie, l'unité sécurisée de Lyon Sud
est devenue le seul service « Sida » de l'hôpital
Lyon Sud, qui n'est pas doté de service spécifique contrairement
aux autres hôpitaux lyonnais, ainsi que le centre référent
en cas d'accident d'exposition au sang. Ces deux facteurs expliqueraient le
succès de l'unité pour détenus qui serait perçue
par les personnels hospitaliers comme un service à part
entière281(*) et
qui serait désormais intégrée au sein de
l'établissement hospitalier, malgré la persistance de certaines
difficultés282(*) :
« Pour implanter le service ici, il a fallu
faire tout un travail préparatoire car les gens disaient qu'avec les
détenus il allait y avoir des gros problèmes d'agression, des
choses comme ça. Et puis les patrons, ils savaient qu'ils allaient
recevoir des détenus et devant la clientèle ça fait
mauvais effet. C'était très négatif [...] Il y a encore
pleins de consultation où les médecins n'osent pas dire aux flics
de sortir car ils ont peur d'être agressé par le détenu.
Ils voulaient se protéger alors que c'est
inadmissible !»283(*)
Les réticences de la médecine
hospitalière à accepter le soin des détenus s'expliquent
probablement autant par une méfiance vis-à-vis des détenus
que par un refus de la médecine pénitentiaire, amalgamée
très souvent à l'institution carcérale qui possède
une connotation répressive forte. En choisissant la structure
hospitalière pour prendre en charge l'organisation des soins en milieu
carcéral, la réforme de 1994 s'exposait au risque d'aboutir
à un échec. En effet, les résistances du personnel
hospitalier à travailler en milieu carcéral mais surtout
à travailler avec le personnel pénitentiaire pouvaient
provoquer des blocages pouvant paralyser le bon déroulement des soins. A
cette première limite, ou ce premier défi, s'ajoute
l'incapacité pour l'hôpital de prendre en charge une population
spécifique. En effet, comme le rappelle la responsable du bureau de
l'action sanitaire de la Direction régionale des services
pénitentiaires (DRSP) Rhône-Alpes, le soin à un
détenu ne peut pas être envisagé comme à n'importe
quel patient car il doit comporter des éléments
spécifiques, propres au fonctionnement carcéral284(*). Le second défi pour
le personnel hospitalier est par conséquent de comprendre les
spécificités d'un soin en milieu carcéral et de ne pas
reproduire des comportements propres au système hospitalier dans un
environnement où ceux-ci perdent leur signification et leur
portée. En effet, l'exercice de la médecine en milieu hospitalier
se caractérise avant tout par son ultra-spécialisation qui semble
peu adaptée à la prise en charge d'une population affectée
de troubles bénins relevant de la médecine
générale. Ce phénomène traduit de façon plus
générale le décalage entre l'institution
hospitalière et la « nouvelle
pauvreté »285(*). L'incompatibilité apparente entre
l'hôpital et la prison laisse penser que la réforme de 1994 porte
en elle ses faiblesses. Reconnue pour sa technicité, son haut niveau de
prestation, la médecine hospitalière n'est peut-être pas la
plus adéquate pour organiser le soin en milieu carcéral. Elle
doit en tout cas relever plusieurs défis pour pouvoir être
effective.
1.2.b La réforme de la médecine
pénitentiaire italienne : un dispositif trop
spécialisé ?
Bien que loi sur la « réorganisation des
soins en milieu carcéral » parte du même principe que la
loi française en affirmant un droit au soin égal pour les
détenus comme pour n'importe quel citoyen286(*), le cadre de cette
réforme est profondément différent. Le décret
législatif n°230 du 22 juin 1999 prévoit que soient
« transférées au Servizio Sanitario Nazionale
les fonctions sanitaires remplies par l'administration pénitentiaire
avec pour seul référence les secteurs de la prévention et
de l'assistance aux détenus et aux toxicomanes incarcérés
» (art.8) à compter du 1er janvier 2000287(*). La réforme italienne
prévoit deux phases dans ce transfert. Dans un premier temps, seules les
activités de prévention et de soin aux toxicomanes sont
déléguées aux structures du ministère de la
Santé chargées de prendre en charge les addictions. Les anciens
services de soin pour toxicomane en prison passent, leurs locaux et leurs
personnels, sous la responsabilité des Servizi d'assistenza ai
tossicodipendenti (Sert), les centres publics de soin à la
toxicomanie288(*). Dans
un second temps, c'est l'ensemble de l'organisation des soins en milieu
carcéral qui doit être transférée au Sistema
Sanitario Nazionale par l'intermédiaire des Serts. Le passage de la
santé pénitentiaire au SSN devait cependant avoir lieu pour les
autres fonctions de façon expérimentale dans trois régions
(la Toscane, le Latium et les Pouilles). La phase d'expérimentation mise
en place dans les trois régions était considérée
par le ministère comme cruciale du fait qu'elle déterminerait la
suite du projet en cours. Le décret 230 insiste, enfin, sur la mission
de prévention et d'éducation à la santé qui incombe
aux Serts et énonce les principes qui doivent guider la prise en
charge289(*).
La réforme italienne de la médecine
pénitentiaire de 1999 repose sur un cadre très différent
de la loi du 18 janvier 1994. Tandis que le transfert de l'organisation des
soins en prison est attribué en France au système hospitalier,
médecine de pointe mais pluridisciplinaire, la loi italienne
prévoit le recours aux services publics de soin en toxicomanie, les
Serts, pour assurer ce transfert. Ce choix n'est bien sûr pas anodin et
risque d'avoir de fortes répercussions sur la réussite ou
l'échec de cette réforme. Les Serts constituent un service de
soin très spécifique. Initialement hostiles aux traitements de
substitution, ils ont été reconvertis en 1990 par les pouvoirs
publics italiens vers la prise en charge médicalisée des
héroïnomanes. Les Serts sont souvent assimilés en Italie
à l'utilisation de la méthadone, dont ils sont les quasi-seuls
prescripteurs. Cette conception de la prise en charge est fortement
critiquée290(*).
Riccardo Gatti regrette que la méthadone puisse être perçue
comme un traitement en soi de la toxicomanie. La substitution ne
représente qu'un moyen de désintoxiquer l'usager de drogues, un
processus qui n'est qu'une étape parmi tant d'autres dans le processus
thérapeutique291(*). Plusieurs dysfonctionnements résultent de ce
modèle thérapeutique. Tout d'abord, les Sert sont accusés
de limiter leur intervention à une médicalisation du toxicomane
au détriment de la prise en charge psychosociale. Le responsable du
bureau de l'action sanitaire en milieu carcéral à la Regione
Lazio, regrette que les Serts soient rarement en mesure de proposer des
outils thérapeutiques adéquats à la situation des
toxicomanes, comme les groupes de discussion qui sont d'autant plus importants
en prison292(*). Le
second problème directement lié au premier est la très
forte orientation du dispositif public vers les héroïnomanes au
détriment des autres formes de toxicomanie. Le fait les consommateurs
d'héroïne représentent près de 90% des patients
suivis par les Sert atteste que les services de prise en charge des toxicomanes
sont avant tout destinés aux héroïnomanes, la substance la
plus pathologique293(*).
Cette spécialisation s'effectue, comme le remarque Ricardo Gatti, au
détriment des autres substances (cocaïne, THC, LSD,
amphétamines, ecstasy, benzodiazépines, alcool). Les
phénomènes des drogues synthétiques, de même que les
polyconsommations, restent souvent hors de portée des intervenants
spécialisés en toxicomanie294(*). Cette spécialisation s'explique, en partie,
par l'absence de traitements de substitution pour traiter les autres addictions
que l'héroïnomanie295(*). L'incapacité de certains Sert à
développer d'autres outils thérapeutiques les a confiné
dans la seule prise en charge du manque de la substance, les apparentant ainsi
à des structures de contrôle social296(*).
Ce dispositif de prise en charge semble assez inadéquat
au sein du milieu carcéral. Même s'il est vrai que la part des
toxicomanes est particulièrement élevée au sein des
prisons italiennes, on sait que la prise en charge de la santé des
détenus requiert une intervention beaucoup plus globale qui n'est pas
forcément compatible avec l'activité des Serts. Il semblerait que
le choix des structures de soin pour toxicomanes traduise avant tout une
représentation du détenu en tant que personne déviante,
dont la marginalité l'assimile à la population toxicomane. Ce
constat amène à s'interroger sur l'adéquation des Serts
à la prise en charge des détenus :
« Les Serts sont les structures qui sont les
plus porteuses de cette logique de malaise, ce qui est très important
dans le cadre de la médecine pénitentiaire [...] Le
problème, c'est que ceux qui s'occupent de toxicomanie [...] ne sont
pas, selon moi, représentatifs de tous ceux qui s'occupent de
médecine et ils ne sont donc pas forcément en mesure de porter un
discours complet sur la santé.»297(*)
Un second problème posé par les services
spécialisés de soin à la toxicomanie est leur très
grande hétérogénéité. Les Serts disposent
par rapport à l'ensemble du système sanitaire italien d'une
très forte autonomie ce qui n'est pas sans poser des problèmes
d'homogénéisation des procédures298(*). Ricardo Gatti remarque
ainsi que chaque Sert diffère d'un autre au regard de son mode de
fonctionnement ou de la composition de son équipe
thérapeutique299(*). Il en résulte un émiettement entre
les différents services et une difficulté pour les intervenants
des centres spécialisés italiens à travailler en
équipe300(*).
Cette incapacité est à mettre en relation avec l'absence d'une
culture professionnelle et d'intervention qui soit commune aux
opérateurs publics de la toxicomanie.
Le dernier point faible des Serts est leur fragilité au
sein du Sistema Sanitario Nazionale. Les Serts n'ont pas réussi
à obtenir une reconnaissance suffisante au niveau national et leur
dotation budgétaire reste faible301(*). Les services spécialisés italiens ont
fait l'objet d'une forte préférence au cours des années
quatre-vingt-dix de la part des pouvoirs publics, notamment sous le
gouvernement de centre-gauche mais le système italien n'est pas
doté d'une stratégie à long terme. L'arrivée du
gouvernement de la coalition de centre-droit, dirigée par Berlusconi, en
2001 a marqué à un renversement de tendance qui se traduit par un
affaiblissement de la dotation des Serts302(*). Le projet de la loi italienne sur les
stupéfiants, actuellement en préparation, risque d'ailleurs de
démanteler le dispositif public de soin en matière de toxicomanie
condamnant ainsi la réforme de la médecine
pénitentiaire303(*). Le choix du législateur italien de
transférer la médecine pénitentiaire au système
sanitaire national par l'intermédiaire des services
spécialisés en toxicomanie s'avère dangereux. En effet,
les Serts sont des structures orientées avant tout vers la prise en
charge médicale des héroïnomanes, très
fragmentées et faiblement reconnues au sein par les autres structures
sanitaires. Elles risquent par conséquent de rencontrer des
difficultés à prendre en charge une population où la
polyconsommation est fréquente et qui souffre de pathologies très
variées.
Les réformes françaises et italiennes de la
médecine pénitentiaires établissent deux cadres
très distincts du transfert des activités sanitaires du
ministère de la Justice au système sanitaire national. Tandis que
les pouvoirs publics français ont privilégié la prise en
charge globale proposée par le système hospitalier, soulignant
ainsi les enjeux de santé publique qui y sont rattachées, le
législateur italien a délégué cette
responsabilité aux services de soin pour toxicomanes, mettant ainsi en
avant le problème des addictions au sein de la population
carcérale. Il découle de ces choix respectifs de nombreuses
implications et des défis nécessaires à relever dans la
mise en oeuvre de la réforme dont le premier constitue la participation
des acteurs sanitaires.
2 L'implication et les
réticences des acteurs sanitaires
Bien que n'étant pas le seul impliqué, le
principal acteur de la réforme de la médecine
pénitentiaire demeure le personnel soignant, à double titre. La
perception de la réforme par les anciens médecins
pénitentiaires constitue, d'une part, un facteur explicatif important de
la mise en oeuvre du transfert comme en témoigne l'échec italien.
La revalorisation de la médecine pénitentiaire dépend,
d'autre part, du positionnement des soignants exerçant en milieu libre.
Le succès ou l'échec de la réforme dépend
cependant, avant tout, de la coopération des structures sanitaires
notamment à l'occasion de la signature des protocoles mais aussi, de
façon plus générale, à travers la plus ou moins
bonne intégration de l'équipe sanitaire intervenant en prison au
sein de l'établissement hospitalier.
2.1
L'attitude des personnels soignants face à la réforme
La première conséquence de la mise en oeuvre de
la réforme de la médecine pénitentiaire fut le transfert
du personnel sanitaire intervenant auparavant en détention auprès
du ministère de la Santé ainsi que l'arrivée d'un nouveau
type de soignant. Ce changement est cependant loin d'être anodin. Il
comporte de nombreuses conséquences statutaires et fonctionnelles qui
rendent comptent des divergences d'appréciation de la réforme.
2.2.1.a Des positionnement professionnels divergents
La mobilisation de plusieurs médecins
pénitentiaires français, dès les années
quatre-vingts, en faveur de la loi du 18 janvier 1994 a constitué un
facteur explicatif important du processus d'émergence de la
réforme. Peu de soignants sont apparus hostiles au
décloisonnement de la médecine carcérale. Une petite
minorité semblait cependant défendre depuis les années
soixante-dix la spécificité de leur discipline. Se
considérant comme « auxiliaires de justice », ils refusaient
le rattachement de la médecine pénitentiaire au système
hospitalier304(*). Outre
des considérations d'ordre professionnel305(*), le transfert de
compétence auprès du ministère de la Santé implique
pour les anciens médecins pénitentiaires la mise en place d'un
contrôle sur leurs pratiques dont ils étaient auparavant juges et
parties. L'hôpital a pu apparaître pour certains soignants comme
une instance de contrôle extérieure. C'est par exemple le cas en
matière des prescriptions médicales qui étaient auparavant
laissées à la seule appréciation du médecin et qui
font désormais l'objet de contrôles de la part des pharmaciens
hospitaliers, tel qu'en témoigne un psychiatre des prisons de
Lyon :
« Actuellement les pharmaciens hospitaliers sont
toujours prêts à être vigilants par rapport à ce
qu'on prescrit et donc il y a un certain contrôle. Et pas simplement un
contrôle de volume mais aussi un contrôle nominal des ordonnances.
Avant vous aviez un pharmacien gérant qui visait l'ordonnance mais il
n'avait pas de moyens de véritablement discuter avec les médecins
et il ne remettait pas en cause ce qui était prescrit. Ce n'était
pas son rôle et il ne le faisait pas.»306(*)
Tandis que les médecins pénitentiaires semblent
globalement favorables à la réforme, les positions des soignants
pénitentiaires italiens sont en revanche très partagées
entre, d'une part, les partisans et, d'autre part, les opposants à la
réforme du dispositif sanitaire. Cette scission permet, en partie, de
rendre compte de l'échec de loi de 1999. On peut distinguer au sein des
personnels soignants intervenant des prisons italiennes une première
ligne de fracture en fonction de la profession exercée. Comme le
rappelle Claudio Sarzotti307(*), les médecins pénitentiaires ont
été dès le début très résistants
à cette réforme à travers leur principale association,
l'AMAPI308(*). Il est
intéressant de s'arrêter un instant sur l'argumentaire de ce
syndicat. Les médecins de l'AMAPI défendent, tout d'abord, la
spécificité de la profession de médecin
pénitentiaire, qui doit concilier la connaissance d'une population
spécifique et le respect des règles carcérales, et
refusent à ce titre le transfert au Sistema Sanitario
nazionale, qu'ils estiment incapable d'assurer les soins auprès de
la population carcérale309(*). La position des opposants à la
réforme de 1999 se fonde également sur une critique du
système sanitaire italien qui, d'une part, ne disposerait pas des moyens
suffisants pour prendre en charge cette nouvelle mission310(*) et qui, d'autre part,
reléguerait la santé des détenus en dernière
position311(*). Enfin,
l'AMAPI considère que le rattachement au système de santé
signifierait une forme de tutelle de la médecine pénitentiaire
envers les intérêts des ASL et impliquerait la perte d'une
autonomie obtenu face à l'administration pénitentiaire312(*).
Cette position n'est cependant pas le fait de tous les
médecins pénitentiaires mais est plus spécifique aux
médecins titulaires313(*). Ces derniers disposent d'un statut très
spécifique en Italie puisque leur charge de médecin titulaire de
l'administration pénitentiaire n'est pas incompatible avec d'autres
fonctions sanitaires, ce qui leur offre la possibilité de cumuler
plusieurs emplois314(*),
et donc plusieurs revenus, en même temps315(*). Le rattachement au
Sistema sanitario nazionale impliquerait la perte de cet avantage pour
les médecins titulaires, comme l'explique un médecin vacataire
à Rebbibia, qui seraient alors contraints d'effectuer un choix entre
l'exercice de la médecine en milieu carcéral et la pratique en
milieu libre : « Souvent d'ailleurs le travail en milieu
pénitentiaire est considéré comme un troisième,
voir un quatrième travail. C'est sûr qu'avec ces avantages, les
médecins pénitentiaires titulaires n'ont pas
d'intérêt au transfert au système sanitaire
national »316(*). La seconde conséquence liée au
changement de statut des médecins pénitentiaires serait, tel que
le constate le responsable du bureau de l'action sanitaire en milieu
carcéral à la Regione Lazio, la modification de leur
rétribution qui serait désormais indexée sur les tarifs du
système public, beaucoup plus bas que les rémunérations
actuelles:
« Les médecins ou les psychologues
payés par l'ASL sont très peu payés, quelque chose comme
30 000 lires [environ 15 euros] de l'heure [...] Et c'est pour ça qu'il
y a cette grosse résistance des médecins à passer au
système sanitaire national. Parce qu'ils savent qu'ils vont être
beaucoup moins payés [...] Tous les salaires vont être
contrôlés par l'ASL et c'est pour ça qu'il y a autant de
résistances.»317(*)
Les indemnités des médecins
pénitentiaires sont pour l'instant souvent astronomiques en raison de
l'absence de contrôle. L'administration pénitentiaire gère
encore le budget consacré à l'organisation des soins en prison en
toute liberté. L'opacité de ce système a favorisé
l'émergence de relations clientélistes entre les médecins
pénitentiaires et l'administration que condamnent plusieurs
enquêtés318(*). L'opposition des médecins
pénitentiaires titulaires au transfert au Sistema sanitario
nazionale s'explique par des motifs professionnels et économiques.
Elle doit cependant être comprise dans un cadre plus large qui est celui
des liens de dépendance et de réciprocité qui unissent les
médecins titulaires et l'administration pénitentiaire. Le recours
au détenu en tant que « monnaie d'échange »
permet aux médecins italiens de se situer davantage dans une relation de
collaboration avec l'institution carcérale que dans un rapport de
stricte subordination :
« Les médecins titulaires [...]
utilisent le détenu comme une monnaie d'échange dans leurs
relations avec l'administration. « Je gère le détenu en
échange du renouvellement de mon poste » [...] Les médecins
n'ont aucun avantage à être indépendants vis-à-vis
de l'administration pénitentiaire.»319(*)
Une autre partie du personnel de la médecine
pénitentiaire italienne est en revanche favorable à la mise en
oeuvre de la réforme de 1999. Il s'agit principalement des soignants,
médecins, psychologues ou infirmiers, qui ne sont pas titulaires de
l'administration pénitentiaire et pour qui le transfert aux ASL
impliquerait une titularisation de leur poste. C'est le cas par exemple d'une
psychologue vacataire de l'administration pénitentiaire qui soutient la
réforme en espérant son rattachement au ministère de la
Santé320(*) ou
encore d'un médecin vacataire à Rebbibia qui, ayant
échoué le concours de médecin pénitentiaire,
souhaite son rattachement au Sistema sanitario nazionale et qui
reconnaît pouvoir tirer avantage de la réforme de 1999321(*). Le second avantage qui
découlerait du changement de statut est la possibilité pour un
soignant pénitentiaire rattaché aux services sanitaires
d'être transféré à un autre poste lui permettant
ainsi une requalification322(*). La perception de la réforme de 1999 par les
personnels sanitaires italiens diverge profondément en fonction de leur
statut professionnel323(*). Tandis que les médecins
pénitentiaires titularisés, et travaillant pour la plupart dans
ce secteur depuis de nombreuses années, sont hostiles à un
changement d'organisation, les personnels sanitaires les plus jeunes qui ne
disposent pas encore d'une position avantageuse au sein de l'ancien
système y sont favorables. Outre les questions économiques, les
enjeux de la réforme de 1999 se situent à un niveau plus
symbolique : en repositionnant tous les personnels soignants à un
même statut, la réorganisation des soins menace la position
privilégiée occupée par les médecins titulaires
tandis qu'elle constitue une opportunité professionnelle aux jeunes
arrivants :
« Les médecins qui travaillent en prison
comme troisième ou quatrième emploi sont contraires à la
réforme car si elle n'est pas appliquée, ils pourront continuer
à travailler comme ils le font en conciliant ces deux patrons. En
revanche, ceux pour qui la médecine pénitentiaire est leur
activité principale ou même qui voudraient y travailler encore
plus, alors ils sont favorables à la réforme car ils voient dans
la réforme une possibilité supplémentaire [...] La loi
intéresse surtout les personnes les plus jeunes ou alors qui voudraient
s'investir davantage dans ce domaine. »324(*)
Il semblerait que la considération de la loi de 1999
par les personnels sanitaires italiens soit fonction de leur statut et des
avantages dont ils peuvent en attendre. On peut observer de façon plus
générale, avec Pierre Bourdieu, que l'espace des prises de
position recouvre le plus souvent l'espace des positions sociales
occupées325(*).
L'écart du niveau d'acceptation de la réforme de la
médecine pénitentiaire entre les personnels sanitaires
français et italiens s'explique d'ailleurs peut-être, en partie,
par la position et la considération dont disposent les différents
dispositifs sanitaires publics: tandis que le système hospitalier
français est reconnu comme un dispositif efficace et prestigieux,
l'exercice de la médecine en milieu public est largement
dévalorisé en Italie326(*). Au lieu d'être perçu comme une
revalorisation professionnelle, le transfert de compétence auprès
du ministère de la Santé est alors considéré par
les soignants intervenant en milieu carcéral comme une
détérioration de leur statut. L'un des enjeux de la loi du 18
janvier 1994 était à l'inverse de revaloriser une discipline dont
l'image de marque avait été considérablement amoindrie
précédemment.
2.1.b Une médecine qui demeure peu attrayante
En désenclavant la médecine pénitentiaire
de la prison et en l'inscrivant au sein du système hospitalier, le
législateur rendait possible la professionnalisation d'une
médecine qui offrait auparavant peu de perspectives de carrières
aux jeunes diplômés et qui était perçue comme une
« voie de garage ». Le bilan de la réforme est
cependant nuancé. Le recrutement du personnel des UCSA, qui se
déroule au sein du personnel hospitalier sur le principe du volontariat,
semble avoir contribué à professionnaliser les services de soin
pour détenus. Les infirmières de la Croix-rouge ont
été substituées par du personnel hospitalier disposant
d'une culture médicale solide327(*). La principale avancée s'observe cependant
dans le recrutement des médecins qui s'est profondément
modifié. Il s'agit désormais de praticiens hospitaliers qui
intègrent l'UCSA après avoir réalisé un concours de
la fonction publique. La médecine en milieu carcéral semble
constituer de plus en plus un débouché professionnel aux jeunes
praticiens. C'est le cas, par exemple, d'un médecin aux UCSA des prisons
de Lyon qui est rentré en fonction dans la médecine
pénitentiaire en 1992 après avoir été
diplômé et après avoir réalisé un an de
remplacement dans la médecine libérale. Celui-ci pourrait
témoigner de l'émergence d'un nouveau modèle de soignant
intervenant en milieu carcéral directement lié à la
réforme de 1994328(*). Cette remarque demande cependant à
être nuancée puisque la portée de la réforme semble
limitée. L'arrivée de patriciens hospitaliers a tout d'abord
contribué à dévaloriser la notion de médecine
pénitentiaire en opposant les anciens et les nouveaux intervenants,
comme en témoigne un psychiatre qui a vécu le passage de
1994 : « Au départ, on a vu débarquer une
série de petits chefs issus du CHU qui étaient persuadés
qu'ils allaient nous apprendre ce que c'était la
pénicilline »329(*). La mise en place des UCSA s'est tout d'abord
accompagnée de problèmes de recrutement au sein des
établissements hospitaliers en raison des réticences du personnel
à travailler en milieu carcéral330(*). Malgré les progrès
réalisés, notamment sur les prisons de Lyon, certains postes ne
sont pas attribués, faute de volontaires, ce qui entraîne de
nombreuses répercussions sur le fonctionnement de l'UCSA, telle qu'une
hausse des extractions médicales ou la sous-utilisation du
matériel médical mis à disposition331(*) :
« Il y a des problèmes parce que par
exemple certains praticiens ne veulent pas aller exercer en prison mais ce
n'est pas normal parce que ça appartient à la mission de
l'hôpital [...] Aujourd'hui encore, dix ans après la loi,
j'entends encore des directeurs d'hôpitaux qui me disent "On ne trouve
personne pour aller travail en prison, ils ne veulent pas y
aller.»332(*)
La principale difficulté de recrutement concerne le
personnel médical spécialisé qui est souvent en nombre
insuffisant. Ces réticences s'expliquent par une trop faible
rémunération (pour l'ophtalmologie ou la dermatologie par
exemple), un manque de motivation ou la faible dotation en spécialiste
de l'établissement hospitalier de rattachement et entraînent un
important « turn over » préjudiciable à la
continuité des soins333(*). Il n'est également pas toujours possible
pour les UCSA de mettre en application les directives nationales faute de
personnel suffisant. Le rapport du HCNSP ainsi que le rapport IGAS de 1997
incitent à recourir aux Centres de dépistage anonymes et gratuits
(CDAG) pour effectuer le dépistage des maladies infectieuses et garantir
ainsi une meilleure protection du secret médical. Cela n'est cependant
pas réalisable aux prisons de Lyon, où seul un médecin du
CDAG de l'Hôpital Edouard Herriot (HEH) s'est porté volontaire en
raison de la faible rétribution des vacations. :
« A l'automne 2001 on a contacté les
médecins qui travaillaient dans les CDAG pour leur demander s'ils
voulaient bien aller en prison. Il y en a trois qui ont commencé.
Ça c'est plus ou moins bien passé et je suis le seul qui ait
repris ça [...] Autrefois, c'était le conseil
général qui finançait notre travail en prison et ça
été repris par les HCL qui payent beaucoup moins bien [...] Ce
qui explique la difficulté à trouver des
volontaires. »334(*)
Malgré la loi du 18 juillet 1994, la médecine en
milieu carcéral demeure une discipline de « second
choix », notamment pour les spécialistes dont l'exercice
médical est nettement plus valorisé en milieu libre335(*). Bruno Milly remarque que
les principales motivations évoquées par les praticiens
intervenant en prison sont d'ordre stratégique et montrent que le milieu
pénitentiaire est rarement choisi afin d'exercer auprès de
personnes défavorisées336(*). La décision de travailler en prison est
souvent un choix désenchanté du fait de l'image que se voient
renvoyer les praticiens en prison par leurs collègues intervenant en
milieu libre. Le sentiment d'être disqualifié est, d'ailleurs,
l'un des rares points communs des professionnels de santé en milieu
pénitentiaire. L'embauche d'un médecin CDAG auprès des
maisons d'arrêt de Lyon manifeste le manque d'attrait de l'exercice en
prison. Médecin dans une clinique psychiatrique, il fut licencié
et cherchait du travail. Il profita alors de l'opportunité, qui lui fut
proposée à cette période, de travailler comme vacataire
pour les prisons de Lyon337(*).
L'exercice de la médecine en milieu carcéral
demeure encore en France largement dévalorisé. Outre les
conditions de rémunération, cette considération renvoie
à une distinction d'ordre culturel qui ravale le soin en prison au rang
de pratique médiocre. Celle-ci constitue cependant un obstacle important
à la mise en oeuvre de la réforme de 1994 comme en
témoigne les réticences du système hospitalier
français.
2.2
Une coopération hospitalière difficile
Les rapports entre l'institution carcérale et le
dispositif hospitalier ont été depuis les années soixante
de plus en plus distants, à mesure que se creusait l'écart entre
une médecine de pointe très prestigieuse et une médecine
pour personnes détenues jugée dévalorisante. L'un des
enjeux de la loi du 18 janvier 1994 était dès lors d'arriver
à réconcilier les deux institutions, dont les dissemblances,
davantage culturelles qu'organisationnelles, pouvaient conduire à un
échec de la réforme. La coopération du système
hospitalier apparaît en effet décisive du processus de
décloisonnement de la médecine pénitentiaire.
2.2.a La signature des protocoles : des
« mariages » institutionnels délicats
Le nouveau dispositif de prise en charge des détenus,
représenté par la circulaire du 8 décembre 1994, fait
l'objet de protocoles tripartites engageant les autorités sectorielles :
préfets de région et de département, directions
régionales des services pénitentiaires et directions des
établissements hospitaliers. La ministre des Affaires sociales, Simone
Veil, s'était engagée lors du vote de la réforme à
ce que tous les établissements pénitentiaires publics aient
signé un protocole avant le 1er juillet 1995. En fait, cela ne sera fait
que pour 20% d'entre eux à cette date338(*). Ce retard s'explique par les réticences des
structures hospitalières à s'engager dans ce processus de
contractualisation avec les établissements pénitentiaires. Ces
« mariages » entre l'administration pénitentiaire et
les services médicaux, comme le souligne Dominique Lhulier, ont
été précédés par de longs travaux d'approche
et d'âpres négociations 339(*). L'étape la plus difficile de
l'élaboration de ces protocoles fut la désignation d'un chef de
service acceptant de prendre en charge l'UCSA. Peu de praticiens hospitaliers
furent volontaires, tel que le rappelle un cadre de l'administration
pénitentiaire, et l'attribution de cette charge fut fréquemment
imposée à un chef de service, compromettant ainsi son
articulation avec le reste de l'établissement hospitalier :
« La loi de 1994 a été
imposée aux hôpitaux. Ça, il faut le savoir et donc les
chefs de service n'étaient pas du tout volontaires pour prendre en
charge cette mission [...] Ça a été imposé à
un chef de service. Ce qui était une très mauvaise chose puisque
après il y a eu des conséquences. »340(*)
En outre, comme le souligne Bruno Milly, les motivations de
ceux qui ont accepté de travailler en milieu carcéral
étaient parfois éloignées des préoccupations de
santé publique341(*). La prise en charge d'une UCSA permit à
certains patriciens hospitaliers de tenir une fonction de chef de services
qu'ils avaient peu de chance d'obtenir en restant à l'hôpital. Par
conséquent, le choix du rattachement entre les établissements
publics hospitaliers et les prisons ne correspond pas toujours à la
double condition de proximité et de niveau technique imposée par
le législateur. Les politiques d'établissement et les logiques
professionnelles des praticiens hospitaliers ont beaucoup conditionné la
signature des protocoles. La région lyonnaise en donne un exemple. En
2001, lorsque le service de soin psychiatrique de la maison d'arrêt de
Villefranche fut rattaché au service public hospitalier, deux
établissements rentrèrent en concurrence pour être
signataire du protocole342(*). D'une part, le SMPR de Lyon, dirigé par le
professeur Lamothe, et rattaché à l'hôpital du Vinatier et,
d'autre part, l'hôpital psychiatrique de Saint-Cyr, plus proche
géographiquement de la maison d'arrêt. La décision final de
l'attribution relevait de la compétence de l'Agence régionale
d'hospitalisation (ARH). Le médecin-inspecteur à la DDASS du
Rhône indique qu'elle était favorable au choix de Saint-Cyr et
qu'elle a soutenu cette solution, par l'intermédiaire de son chef de
direction, au sein de l'ARH qui l'a finalement adoptée. Outre des motifs
de proximité géographique, ce choix s'explique, selon elle, en
réaction à la volonté du professeur Lamothe
d'étendre son champ de compétence à un nouvel
établissement. L'«annexion » du service de psychiatrie de
la maison d'arrêt de Villefranche représentait pour lui
l'opportunité d'engranger de nouvelles responsabilités qui se
seraient ajoutées à son capital social et professionnel
déjà élevé. La logique qui animait le chef de
service de Saint-Cyr était similaire à celle du responsable du
SMPR. Il s'agissait d'obtenir l'attribution de lits d'hospitalisation
nécessaire à sa reconnaissance professionnelle. Cet exemple
illustre les intérêts professionnels qui peuvent parfois motiver
les praticiens hospitaliers à s'intéresser à la
médecine pénitentiaire. Mis à part un intérêt
pour la discipline, souvent réel, les enjeux professionnels propres
à l'organisation hospitalière, mais aussi les logiques
politiques343(*),
déterminent parfois certains choix :
« Pour un certain nombre de raisons on
était plutôt favorable à ce que ce soit Saint-Cyr [...]
M.Lamothe -qui est chef de service du SMPR - est un personnage haut en
couleurs, qu'on voit à la télé, qu'on voit dans les
journaux, qui est au ministère, et il voulait que ce soit le SMPR de
Lyon qui ait la compétence. Plus on étend son jardin et plus on a
de pouvoir [...] On ne voyait pas bien l'intérêt qu'il ait quelque
chose de plus. Je pense qu'il a la plus-value de son expérience mais
qu'il a la moins-value de son manque de disponibilité et c'est pour
ça qu'on a préféré jouer local. Il a vraiment fait
du forcing mais finalement ça n'a pas marché [...]
Le chef de service de ce secteur psychiatrique
était demandeur [...] De même que Lamothe, c'est un peu pour
agrandir son rayon d'action. Je pense que pour le médecin de Saint-Cyr
[...] c'était assez intéressant [...] Je pense qu'il devait
être en recherche d'une assise puisqu'il était un peu dans une
situation particulière pour un chef de service. C'est assez particulier
pour un chef de service psychiatrique de ne pas avoir de lits d'hospitalisation
et maintenant il a des lits d'hospitalisation. Peut-être que la
médecine pénitentiaire l'intéressait aussi mais en tout
cas il voyait bien ce que ça pouvait apporter à son
secteur.»344(*)
Le choix du service hospitalier de rattachement de l'UCSA
n'est pourtant pas insignifiant car il peut avoir des répercussions sur
le fonctionnement de l'unité. Chaque service hospitalier dispose en
effet d'un mode de fonctionnement propre et d`une conception
particulière du soin. De nombreuses UCSA de la Région
Rhône-Alpes ont par exemple été intégrées,
suite aux recommandations formulées dans le guide méthodologique
de la loi du 18 janvier 1994, à des services d'urgence345(*). Ce choix qui pouvait
sembler logique traduit néanmoins une perception du soin très
spécifique, probablement différente d'une UCSA rattachée
à un service d'infectiologie : un praticien hospitalier travaillant
en service d'urgence évalue par exemple moins les aspects de
réinsertion du soin et considère davantage la médecine
pénitentiaire comme étant une « médecine
d'urgence » se limitant à l'acte soignant346(*). Certains rattachements
semblent parfois saugrenus347(*) et d'autres présentent des
incompatibilités de fonctionnement348(*). Les différences de fonctionnement entre les
UCSA ne sont cependant peut-être pas tant le fait, comme le
suggère un médecin-inspecteur de la DRASS Rhône-Alpes, de
la discipline de rattachement que de l'implication du chef de service349(*). En effet, seul ce dernier
est en mesure d'assurer l'intégration de l'unité de soin au sein
du tissu hospitalier.
2.2.b L'intégration inégale des UCSA au sein du
système hospitalier
L'un des objectifs de la loi du 18 janvier 1994 était
de rompre l'isolement de la médecine pénitentiaire en
établissant un lien avec l'ensemble du système sanitaire.
L'intégration d'une « médecine pour
détenus » au sein du dispositif hospitalier présente,
comme cela a été établi, un certain nombre de
difficultés. Le chef de service de l'UCSA a une place
particulière dans ce processus. C'est lui qui assure le lien entre la
direction de l'établissement et l'UCSA dont il est par exemple le
porte-parole lors des différentes commissions hospitalières,
contribuant ainsi à faire connaître la médecine en milieu
pénitentiaire350(*). Le choix du chef de service auquel est
confiée l'UCSA doit alors répondre à deux conditions. Il
faut en premier lieu que ce chef de service soit volontaire et motivé
à s'investir dans le fonctionnement de l'UCSA mais il faut
également qu'il dispose lui-même d'une reconnaissance suffisante
au sein de l'hôpital351(*). Si ces deux conditions sont réunies, le chef
de service peut alors accomplir une fonction de jonction avec l'hôpital
qui est cruciale pour le bon fonctionnement de l'UCSA. C'est par exemple le cas
à Lyon, comme un médecin le constate, où l'implication du
chef de service permet de compenser le désintérêt que
manifeste la direction hospitalière à l'égard de
l'UCSA :
« On a la chance que notre chef de service soit
chef de services à l'hôpital et ça c'est une grande chance
car ça facilite l'articulation [...] Je pense que les
spécialistes comme le chef de cardiologie, pour lui la prison c'est
vraiment rien. Je pense qu'on ne représente rien pour l'hôpital.
Cette réforme ça a été imposé à
l'hôpital. »352(*)
La désignation d'un chef de service qui soit
motivé à promouvoir les unités de soin pour détenus
(UCSA) est d'autant plus importante que les directeurs d'hôpitaux se
désintéressent le plus souvent d'une médecine qu'ils
n'estiment pas relever de leur champ de compétence. Plusieurs
enquêtés témoignent du manque de considération dont
souffre encore actuellement la médecine en milieu carcéral au
sein du système hospitalier, où elle constitue la dernière
priorité : « Pour beaucoup d'établissements
hospitaliers c'est la dernière roue du chariot car les
établissements hospitaliers n'ont pas été demandeurs et
ça n'est pas un service qui fait une médecine qui est
valorisée et personne ne se bat pour s'en occuper » 353(*). La difficulté
à trouver un chef de service suffisamment motivé pour diriger les
UCSA s'explique en partie par le manque de reconnaissance dont
bénéficie la médecine pour détenus au sein de la
« culture hospitalière », comme en témoigne
le fait que plusieurs directeurs d'établissement ignorent encore la loi
du 18 janvier 1994 :
«Il faut que cette position là soit reconnue,
soit légitimée par la direction hospitalière. Des fois,
j'ai affaire à des directeurs d'hôpitaux qui ne savent pas ce que
c'est et je trouve ça un peu étonnant [...] Là aussi,
encore, ce n'est pas dans la culture hospitalière, si vous voulez. La
loi n'est pas encore très bien connue.»354(*)
Les services de soin pour détenus sont cependant
très dépendants de la structure hospitalière à
laquelle ils sont rattachés du fait de leur externalisation et de
l'absence de liens directs. L'absence de considération de leur chef de
service à l'UCSA conduit ainsi à des dysfonctionnements. Il est
fréquent par exemple qu'un manque de dialogue existe entre les deux
services ce qui est nuisible au bon déroulement des soins355(*). Outre les problèmes
de communication, il arrive dans certains établissements que les
créations de poste attribuées à l'UCSA ne se fassent pas
ou que le personnel soit attribué à un autre service, comme le
remarque un médecin-inspecteur DRASS sur un site de la Région
Rhône-Alpes. Enfin, de façon plus générale, le
manque d'implication de la structure hospitalière dans le fonctionnement
de l'UCSA peut démoraliser le personnel qui y travaille. Le sentiment
d'isolement qui en résulte contribue à reproduire la coupure
entre la médecine pénitentiaire et le reste du système
sanitaire à laquelle la loi du 18 janvier 1994 avait tenté de
mettre fin :
« Il semblerait qu'il y ait des
résistances très importantes à Grenoble [...] Le chef de
service de Grenoble ne s'implique pas [...] Il peut y avoir des
détournements d'attribution de financement [...] Les postes, par
exemple, ont été attribués initialement à l'UCSA et
le poste se retrouve créé dans un autre service. Et puis il y a
les personnels de l'UCSA qui ne se sentent pas écoutés, qui ne se
sentent pas soutenus car si le chef de service ne vient jamais à
l'UCSA... »356(*)
La position des personnels sanitaires face à la
réforme de la médecine pénitentiaire semble constituer un
facteur explicatif important. En effet, les réticences d'une partie des
soignants italiens intervenant en prison à être
transférés au ministère de la Santé ont
probablement limité l'impact de la réforme. En France, bien que
le personnel soignant pénitentiaire semblait favorable, la portée
du décloisonnement de l'organisation des soins semble restreinte par la
faible intégration du nouveau dispositif pour détenus au sein de
l'organisation hospitalière. C'est en considération de ces
positions qu'il est maintenant possible de dresser un premier bilan de la mise
en oeuvre de la réforme.
3 La mise en oeuvre de la
réforme
La position des personnels sanitaires est très
inégale selon les pays, comme cela a été établi.
Tandis que les soignants français sont globalement favorables à
la réforme de 1994, les médecins pénitentiaires italiens
sont beaucoup plus divisés. Cette dissemblance va permettre de rendre
compte, en partie, des écarts de mise en oeuvre du
décloisonnement du dispositif sanitaire carcéral. Mais c'est
surtout l'organisation du dispositif sanitaire français et italien,
notamment à travers l'existence ou non de procédures de suivi et
d'inspection, qui explique le succès ou l'échec de la
réforme.
3.1
Un bilan très contrasté
Le bilan de la réforme apparaît très
contrasté entre la France et l'Italie. Cette distinction globale doit
cependant être réévaluée au prisme des
singularités locales qui permettent de rendre compte des configurations
particulières des prisons de Lyon et de Rome.
3.1.a Une « révolution sanitaire »
française face à la paralysie de la réforme italienne
La réforme de 1994 a profondément modifié
la place des services sanitaires au sein des prisons françaises.
L'enveloppe consacrée aux dépenses de personnel,
c'est-à-dire concrètement à la mise en place des UCSA,
traduit la rupture avec le système précédent. Alors qu'en
1993, l'administration pénitentiaire dépensait un peu plus de 79
MF pour rémunérer les personnels médicaux et
paramédicaux, la circulaire du 8 décembre 1994 prévoit
l'attribution d'une enveloppe globale de 188 MF357(*). La Direction de
l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), qui a en charge la
répartition des budgets au niveau national entre les différentes
Agences régionales d'hospitalisation (ARH), a mis en place en 1994 une
enveloppe de 393 MF pour financer l'intégralité de la prise en
charge somatique et psychiatrique venant s'ajouter aux 60 MF
préexistants au titre de la psychiatrie. Ce montant s'est trouvé
renforcé par des mesures ponctuelles pour aboutir à près
de 636 MF en 2000358(*).
La médecine en milieu pénitentiaire bénéficie
désormais de crédits fléchés malgré
certaines réticences des ARH à relayer ces affectations de
crédit359(*).
Cette nouvelle dotation budgétaire accordée à la
médecine en milieu pénitentiaire a permis selon un rapport
IGAS-IGSJ d'évaluation de la loi un véritable
« changement d'échelle » dans l'organisation des
soins qui s'est traduit par de nombreuses créations de postes. Les
personnels ont considérablement augmenté dans toutes les UCSA.
Des créations de poste ont lieu régulièrement, ce qui
contraste avec les autres services hospitaliers où les personnels
tendent à diminuer. Cette reconnaissance budgétaire contraste
avec le manque de valorisation de la médecine en milieu carcéral
comme en témoigne les réticences de certains chefs de service
n'osant pas demander des moyens supplémentaires auprès de la
direction hospitalière par peur d'être mal
considéré :
« Le service de médecine
pénitentiaire va devenir en 2004 le plus gros service des hospices
civils de Lyon avec plus de quatre-vingts agents [...] J'essaie plutôt de
persuader mes confrères qui n'osent pas ou qui ne pensent pas demander
[...] C'est parce qu'ils sont complexés et qu'ils n'osent pas dire
qu'ils font de la médecine pénitentiaire, ils pensent que
ça ne passera pas a priori.»360(*)
La réforme de 1994 a également contribué
à doter le personnel sanitaire d'une meilleure reconnaissance au sein de
l'établissement pénitentiaire. Les UCSA sont dotées de
nouveaux locaux rénovés et spacieux qui contrastent avec les
anciennes infirmeries pénitentiaires. Ce changement symbolique
confère un espace spécifique à la mission sanitaire et
permet d'opérer une distinction nette entre les personnels soignant et
pénitentiaire en « identifiant bien l'existence d'une zone de
soins autonome qui relève d'une logique
hospitalière »361(*). La nouvelle dotation des UCSA de Lyon permet par
exemple de prendre acte de ce changement d'échelle : « Je
pense vraiment qu'au niveau des moyens ça a été un
énorme progrès. [...] On a des locaux qui ont été
refaits. Les locaux ont changé. On a tout le matériel de
l'hôpital, on dispose de la pharmacie des hôpitaux »362(*). Plus qu'un simple confort,
le nouvel équipement mis à disposition des soignants a
favorisé l'émergence d'une nouvelle conception du soin
désormais plus proche de la prise en charge
hospitalière : « Le nouveau dispositif a donc eu un
effet très sensible sur la professionnalisation de la médecine en
prison qui évolue progressivement d'une médecine humanitaire, de
l'urgence, à un mode de prise en charge
hospitalier »363(*). Cette nouvelle gestion hospitalière ne fait
cependant pas l'unanimité parmi les soignants. Bien que la
réforme ait permis une meilleure gestion des dépenses
liées aux médicaments364(*), il semblerait que certains défauts du mode
de fonctionnement hospitalier soient apparus. C'est notamment la position d'un
ancien psychiatre des prisons de Lyon : « [Les médecins
pénitentiaires] utilisaient au mieux des moyens qui étaient
disponibles et parfois de façon très efficace alors
qu'actuellement ce n'est plus le cas. Actuellement c'est la norme
hospitalière qui prévaut avec tous ces inconvénients et
ces avantages. Il y a un certain nombre de choses qui sont plus chères
et qui ont moins de rendement »365(*). Malgré ces dysfonctionnements, celui-ci
considère néanmoins que la réforme a permis « un
énorme changement » de la médecine pénitentiaire
en la rapprochant des « normes
hospitalières »366(*). La loi du 18 janvier 1994 peut globalement
être qualifiée de révolution sanitaire de l'organisation
des soins en milieu carcéral. Elle a sans aucun doute permis de
réduire l'écart qui existait auparavant entre le soin offert aux
détenus et la prise en charge existant en milieu libre. La
rapidité avec laquelle elle a été mise en place contraste
avec l'immobilisme de la réforme italienne.
Le décret législatif n°230 de 1999, suite
à la loi n°419 de 1998, prévoit le transfert des
compétences du secteur sanitaire du ministero della Giustizia
au ministero della Sanità. Depuis le premier janvier 2000, les
fonctions de prévention et d'assistance aux détenus qui
étaient auparavant l'oeuvre de l'administration pénitentiaire ont
été transférées au Servizio sanitario
nazionale. Le matériel médical, les locaux ainsi que le
personnel devraient être transférés aux ASL qui ont la
responsabilité de procéder au contrôle et à la
gestion des services sanitaires présents dans les établissements
pénitentiaires367(*). La réforme italienne se situe pourtant dans
un état d'immobilisme presque total qui s'explique par l'inertie des
pouvoirs publics. La loi L.419/98 prévoyait plusieurs décrets
d'application afin de mettre en oeuvre les dispositions prévues par
l'article 5368(*).
Jusqu'à aujourd'hui, un seul a été publié. Le
décret législatif n.230 du 22 juin 1999, intitulé
«réorganisation de la médecin pénitentiaire, a mis en
oeuvre certaines dispositions dont notamment le passage des services de soin en
matière de toxicomanie. Le reste des dispositions est cependant
resté, comme le précise le responsable d'un Sert, lettre morte
faute de décret d'application369(*). Le budget qui devait selon l'article 5 de la
L.419/98 être confié au minitero della Sanità afin
d'être géré par les ASL n'a pas été
transféré et demeure sous le contrôle de l'administration
pénitentiaire.
Il résulte de cette non-application une série de
dysfonctionnements dont la plus flagrante est la précarité du
statut du personnel soignant. Les soignants des services de prise en charge de
la toxicomanie ont été transférés sous la
responsabilité fonctionnelle du Sert alors qu'ils continuent pour
l'instant d'être rémunérés par l'administration
pénitentiaire. La superposition de la précédente
législation, qui n'a pas été abrogée, et des
nouvelles dispositions est à l'origine d'un blocage de l'organisation
sanitaire qui se situe dans un entre-deux ou plus exactement « une
phase de transition qui dure depuis quatre ans »370(*). Le transfert du personnel
a, en outre, été effectué uniquement pour les soins en
matière de toxicomanie et de nombreux soignants demeurent sous le
contrôle de l'administration pénitentiaire371(*). Un second dysfonctionnement
risque de paralyser l'activité des services sanitaires situés en
prison : n'étant pas rémunérées, les ASL
refusent d'assurer les prestations soignantes tandis que l'administration
pénitentiaire, qui a conservé le budget de fonctionnement des
activités sanitaires, refuse de rémunérer les soins en
matière de toxicomanie qui ont été fonctionnellement
délégués au Sistema sanitario nazionale372(*). La non-application de
la loi engendre un immobilisme presque total des services sanitaires qui se
répercutent sur le suivi médical des détenus373(*).
La non-effectivité de la loi italienne de 1999
s'explique par plusieurs raisons. La plupart des enquêtés accusent
tout d'abord plusieurs lobbies d'avoir freiné sa mise en
application374(*). C'est
le cas par exemple des médecins pénitentiaires réunis au
sein de l'association l'AMAPI. D'autres responsabilités sont
néanmoins en jeu. Les magistrats sembleraient hostiles à cette
réforme375(*).
C'est également le cas de groupes pharmaceutiques376(*). Les deux autres principaux
opposants à la réforme seraient les ministères
eux-mêmes. L'administration pénitentiaire, tout d'abord,
craindrait de perdre par ce transfert le contrôle qu'elle exerce,
jusqu'à présent, sur le personnel soignant et qui lui garantit un
contrôle indirect des détenus377(*) :
« En 1999 le choix politique qui a
été fait par le gouvernement de centre gauche a été
celui du compromis. Le gouvernement a tenté d'établir un accord
avec plusieurs lobbies afin de faire passer la loi [...] Si le transfert de
personnel du ministère de la Justice au ministère de la
Santé ne s'est pas déroulé, c'est uniquement parce qu'il y
a des lobbies importants dans les ministères. L'administration
pénitentiaire fait pression auprès du ministère de la
Justice car elle ne veut pas perdre le contrôle sur les médecins
»378(*)
Le minisitero della Sanità ne semble
également pas favorable à cette réforme qui
représente pour lui une charge supplémentaire jugée peu
valorisante. Les ASL sont d'ailleurs très réticentes à
élaborer des conventions avec les établissements
pénitentiaires, retardant ainsi l'application de la loi379(*). Outre le peu
d'intérêt qu'elles ont à s'investir sur un sujet
jugé peu valorisant, il semblerait que la dépendance politique
des ASL explique leur manque d'intervention380(*), comme c'est le cas sur la région du
Lazio381(*). Enfin la dernière opposition
à cette loi serait exercée par la classe politique
elle-même. La mise en oeuvre de la réforme a pris un terme lors du
changement de majorité en faveur du centre-droit en 2001. Cependant,
certains reconnaissent que le problème n'est pas uniquement partisan
mais traduit une indifférence politique générale. Le
gouvernement de centre-gauche qui a fait voter la réforme n'a par
exemple pas adopté les décrets d'application entre 1999 et 2001
condamnant ainsi la loi à rester inappliquée :
« La question n'est pas uniquement partisane [...] parce que les
lobbies exercent aussi bien de l'influence d'un côté que de
l'autre. »382(*)
Le bilan de la mise en oeuvre de la réforme est
très inégal entre la France et l'Italie. Cet écart
s'explique peut-être avant tout par le niveau de consensus qu'a permis de
réaliser la réforme. Tandis que les positions des acteurs
administratifs et sanitaires italiens sont très fragmentées ce
qui a, semble t-il, contraint le gouvernement italien à élaborer
un compromis entre les différentes parties afin de faire accepter la
réforme de 1999, la loi du 18 juillet 1994 a fait l'objet d'un large
accord entre les administrations, les ministères et les personnels
concernés. C'est probablement le contexte d'élaboration de la loi
qui permet de rendre compte des deux configurations. En effet, la
réforme française a été adoptée au terme
d'un processus de remise en cause de l'institution carcérale, dont
l'ultime étape fut la crise du sang contaminé qui constitua
l'élément déclencheur de la loi du 18 janvier 1994. Cette
crise de gouvernance de la santé en prison a rendu nécessaire
une réorganisation complète du précédent dispositif
sanitaire, légitimant ainsi la reconnaissance d'un
référentiel de santé publique en milieu carcéral.
La loi italienne a en revanche eu lieu dans un contexte moins conflictuel qui
n'a pas permis l'intrusion du problème de la santé des
détenus au sein de l'opinion publique. La réorganisation des
soins en Italie doit alors moins être comprise en tant qu'une
rédéfinition du référentiel, comme c'est le cas en
France, que l'aboutissement d'un compromis incertain entre différents
acteurs professionnels et administratifs, selon un schéma
pluraliste383(*).
Bien qu'on puisse globalement affirmer que la réforme
de 1994 a constitué une révolution sanitaire dans l'organisation
du dispositif soignant des détenus, tandis que la loi italienne de 1999
semble constituer un échec, ce constat doit être relativisé
par la prise en compte des spécificités locales. En effet,
celles-ci ont dans certains établissements accentué les obstacles
à la mise en oeuvre du décloisonnement de la médecine
pénitentiaire, tandis que ces particularismes locaux ont parfois
facilité l'effectivité de la loi, comme c'est le cas des prisons
de Lyon mais aussi, à un moindre niveau, de Rome.
3.1.b De fortes inégalités territoriales et la
spécificité des situations lyonnaise et romaine
L'un des objectifs de la réforme du 18 janvier 1994
était d'homogénéiser la dotation des différents
services sanitaires qui, laissés à l'arbitraire du directeur
d'établissement, différaient considérablement d'une prison
à une autre. L'idée était de confier l'ensemble des
ressources disponibles aux différentes ARH chargées d'en assurer
la répartition de façon équitable. Le bilan de la
réforme est mitigé car même si la réforme s'est
appliquée sur l'ensemble des établissements, elle semble avoir
profité davantage à certains. Les UCSA n'ont, tout d'abord, pas
toutes bénéficié de l'attribution de nouveaux locaux
adéquats par l'administration pénitentiaires, comme le constate
un médecin-inspecteur de la DRASS au sujet des établissements de
la région Rhône-Alpes : « Privas, par exemple,
c'est une bonbonnière et il n'y a pas de place pour la
secrétaire. Il ne peut pas y avoir une secrétaire ou une
infirmière en même temps par exemple. A Bonneville, par exemple,
il n'y a pas de salle d'examen close »384(*). Les différents
services sont en outre inégalement dotés en personnel et plus
particulièrement pour les consultations spécialisées qui
sont à mettre en lien avec les différences de moyens financiers
dégagés par les hôpitaux pour les soins en
détention385(*),
les comparaisons entre les différents établissements tendant
à montrer des situations différentes386(*). Ces écarts de
dotation traduisent, avant tout, la place inégale occupée par les
UCSA au sein du fonctionnement hospitalier. Les UCSA sont souvent d'autant
mieux dotées que leur coordination avec le chef de service hospitalier
est importante. La relation privilégiée qui peut exister entre
l'unité de soin pour détenus et la structure hospitalière,
comme c'est le cas à Lyon, doit être comprise au regard du
passé de chaque établissement :
« Donc on a une vingtaine
d'établissements avec 20 hôpitaux différents et il n'y
avait pas déjà cette imprégnation de l'hôpital dans
la prison avant la loi de 1994 [...] Donc il ne faut pas vous baser sur
l'exemple lyonnais [...] Il y a des chefs de services qui sont responsables de
l'unité fonctionnelle à laquelle est rattachée l'UCSA qui
ne connaissent pas l'UCSA et qui n'ont jamais mis les pieds dans la
prison.»387(*)
Bien que la portée de la réforme de la
médecine pénitentiaire semble inégale selon les sites, la
loi du 18 janvier 1994 a, en revanche, permis d'homogénéiser les
règles de fonctionnement de chaque UCSA à partir des protocoles
nationaux selon le modèle de la culture soignante hospitalière.
Les différences qui étaient auparavant valables entre petits et
gros établissements pénitentiaires ne semblent désormais
plus vérifiées, tel que le remarque un cadre de l'administration
pénitentiaire au sujet des établissements de la région
Rhône-Alpes388(*).
La réforme italienne de 1999 n'avait pas une fonction
de péréquation entre les établissements contrairement
à la loi française. La dotation de chaque service de
médecine pénitentiaire était décidée par
l'administration pénitentiaire de façon centralisée et
était plus ou moins répartie de façon équitable. Le
transfert de compétence a cependant profondément modifié
cet équilibre. La mise en oeuvre du transfert de la médecine
pénitentiaire a été confiée aux Regioni en
raison de la régionalisation de la politique sanitaire
italienne389(*). Ce
schéma d'organisation a toujours été à l'origine
d'importants écarts390(*). La loi prévoyait également le passage
de l'ensemble des compétences sanitaires en milieu carcéral au
SSN de façon expérimentale dans trois Regioni (la
Toscane, le Latium et les Pouilles) contribuant ainsi à accroître
les inégalités géographiques entre l'ancien et le nouveau
système. Il en résulte de grandes inégalités
d'application selon les localités. Les services de soin aux toxicomanes
(Sert) n'interviennent par exemple pas dans de nombreux établissements
de plusieurs Regioni comme c'est le cas notamment à Naples et
dans de nombreuses localités du Sud de l'Italie391(*) :
« Ici, tu es à Rome mais si tu vas dans
une prison du sud de l'Italie, on n'en parle même pas de cette affaire,
tu es dans un autre pays là bas. Dans le Nord c'est le même
problème. En dehors des grandes villes, il y a de nombreux
problèmes. »392(*)
« Il y a encore beaucoup de villes en Italie, je
pense à Palerme, à Naples par exemple où les Serts
n'interviennent pas encore. En fait, ils n'ont pas un personnel
spécifique qui intervient en prison, leurs relations se limitent
à une simple collaboration. »393(*)
Certaines Regioni se sont démarquées
par leur volonté à mettre en oeuvre ce transfert394(*). La région Toscane
est celle qui, semble t-il, a opéré le plus de progrès
dans la réalisation de la réforme395(*). Le service sanitaire toscan
avait déjà, avant même le décret 230,
expérimenté des formes de coopération entre le
système sanitaire et la médecine pénitentiaire. La
région a constitué depuis décembre 1999 un groupe de
travail paritaire entre l'administration pénitentiaire et les services
sanitaires régionaux avec l'objectif de coordonner les interventions des
deux administrations396(*). La commission a constitué des groupes de
travail pour chacun des établissements pénitentiaires
présents dans la région, composés de représentants
des médecins pénitentiaires, des directions
d'établissement et des ASL de référence. Mais surtout, la
Regione Toscane a fait voter une loi, utilisant ainsi ses
prérogatives en matière sanitaire, qui assure le transfert
définitif des personnel sanitaires intervenant en prison auprès
des ASL qui assument désormais leur rétribution. Le
Lazio, pourtant région expérimentale, n'a rien entrepris
pour activer l'application de la réforme en raison, comme l'attestent
plusieurs enquêtés, de son orientation politique de
centre-droite :
« La région Toscane a
élaboré une loi qui lui a permis d'ordonner aux ASL, puisqu'elles
dépendent de la région, d'intervenir en prison. Elle a
imposé aux hôpitaux de constituer des secteurs spécifiques
pour l'hospitalisation des détenus. Mais cette situation est très
grave selon moi car c'est l'administration pénitentiaire qui absorbe
tous les fonds disponibles pour l'instant de la médecine
pénitentiaire et c'est la région qui doit suppléer [...]
Les deux autres régions expérimentales initiales, le Lazio et la
Puglia n'ont absolument rien fait contrairement à la Toscane. Dans le
Lazio c'est un fait politique car nous avons une direction de région qui
est de centre-droite. »397(*)
La mise en oeuvre de la réforme de la médecine
pénitentiaire est très inégale géographiquement.
Ces écarts s'expliquent par les différentes politiques
d'établissements hospitaliers et pénitentiaires, notamment en
France. Elles semblent en Italie davantage liée au manque de
coordination de la réforme. Le cas de Rome et de Lyon constituent des
cas très spécifiques en raison leur histoire. La médecine
pénitentiaire occupe depuis longtemps une place spécifique au
sein des prisons de Lyon. L'intérêt de quelques praticiens
hospitaliers comme le professeur Barlet ou le docteur Lamothe pour cette
discipline dès les années soixante-dix explique les quelques
particularités du dispositif lyonnais de soin pour détenus :
la mise en place d'un Centre médico-psychologique régional (CMPR)
transformé en SMPR en 1986, la création de l'Unité
sécurisée pour détenus au sein de l'hôpital Lyon Sud
en 1985, la participation de l'équipe du professeur Barlet à la
création du premier CISIH. Ces transformations ont permis un
décloisonnement de la médecine pénitentiaire et ont
favorisé son intégration au sein des Hospices Civils de Lyon
(H.C.L). Alors que de nombreuses UCSA peinent à entretenir des relations
avec leur service hospitalier de rattachement, les prisons de Lyon semblent
constituer un « contre-exemple » :
« A Lyon, traditionnellement au niveau de la
santé carcérale, il y a toujours eu une équipe qui s'est
beaucoup engagée pour le développement de la santé en
milieu carcéral parce que, que ce soit le docteur Barlet ou le docteur
Lamothe, ce sont des gens qui sont dans la médecine pénitentiaire
depuis longtemps, qui sont bien ancrés aussi dans le milieu hospitalier.
Je dirais que Lyon, c'est un contre-exemple [...] Pour eux, par rapport
à d'autres sites, il n'y a pas eu une grande modification. Alors que si
je pense à d'autres sites, il y a eu un revirement beaucoup plus
important..»398(*)
Les services de médecine pénitentiaire de Lyon
ont même exercé un rôle pionner vis-à-vis de la
réforme de 1994 qu'ils ont contribué à promouvoir. Le
transfert de la médecine pénitentiaire vers le service public
hospitalier a constitué pour eux le prolongement d'une collaboration
antérieure plutôt qu'une rupture, contrairement à la
majorité des autres établissements pénitentiaires. La loi
du 18 janvier 1994 a cependant permis de renforcer les équipes
médicales en place ainsi que le matériel disponible. Il
semblerait que de ce point de vue, les services de santé en milieu
carcéral de Lyon soient également privilégiés
puisque la dotation en personnel de l'Unité pour détenus et des
UCSA de Lyon est particulièrement favorable. Le service de
médecine pénitentiaire deviendra ainsi en 2004 le plus gros
service des Hospices civils de Lyon avec plus de quatre-vingts agents399(*).
Bien que n'ayant pas un passé aussi atypique que les
prisons de Lyon, la médecine pénitentiaire romaine dispose d'une
certaine spécificité. En premier lieu, la prison de Rebbibia
possède plusieurs caractéristiques propres. Elle fut, tout
d'abord, l'une des premières d'Italie à bénéficier
de l'intervention d'un service de soin pour toxicomanes. En 1995, le personnel
soignant prenant en charge les problèmes d'addiction fut
transféré à un Sert de Rome, préfigurant ainsi la
réforme de 1999400(*). La seconde spécificité de
l'établissement est que le Sert dirigé par Sandro Libianchi n'est
pas, contrairement aux autres prisons italiennes, une unité
déconcentrée d'un service externe à l'établissement
mais qu'il dispose d'une autonomie de fonctionnement401(*). Enfin, cet institut dispose
d'un service spécifique pour les détenus toxicomanes, la
terza casa, qui sera détaillé par la suite. De
façon plus général, la ville de Rome
bénéficie d'une organisation pénitentiaire
spécifique. Elle dispose, tout d'abord, d'organismes qui semblent
particulièrement actif sur les problèmes sanitaires des
détenus, telle de l'Organe consultatif pénitentiaire
municipal402(*) ou
encore l'Agence des toxicomanies403(*). La municipalité a, en outre, mis en place
plusieurs outils tels que la figure du « garant »,
censé assurer le respect des droits des détenus, ou le Piano
cittadino, qui prévoit la constitution d'un réseau social
destiné à faciliter la réinsertion des détenus.
Rome, décrite comme étant une des « villes les plus
innovantes en matière pénitentiaire », aurait mis en
place par ces éléments un « contre modèle face
à la politique du ministre actuel de la Justice
Bertelli »404(*). Il est certain que les prisons romaines, qui ne
sont pas exemptes de dysfonctionnements, ne sont pas représentatives de
l'ensemble des établissements italiens. Cet écart peut
s'expliquer, en partie, par la tradition politique de la ville, fortement
ancrée à gauche, d'une part, et par la moindre influence
qu'exercerait le syndicat de l'AMAPI auprès des médecins
pénitentiaires, d'autre part405(*).
La mise en oeuvre de la loi de réforme de la
médecine pénitentiaire apparaît très inégale
entre la France et l'Italie. Tandis qu'elle a permis en France un
véritable « changement d'échelle » des moyens
dont dispose l'organisation sanitaire en milieu carcéral, elle fait
l'objet en Italie d'une vive contestation qui l'a rendue, jusqu'à
aujourd'hui, ineffective. La réforme de 1999 semble même avoir
pour l'instant un effet contre-productif puisqu'elle a contribué
à désarticuler les services sanitaires pour détenus et
à accroître les inégalités entre les
établissements. Elle a en revanche permis en France d'initier une
première homogénéisation, non seulement de la dotation de
chaque service mais, surtout, des pratiques médicales. Comment rendre
compte d'un tel écart ? Outre le degré d'acceptation de la
réforme par les personnels et les administrations sanitaires et
pénitentiaires, le suivi de la mise en oeuvre de la loi constitue un
facteur explicatif important. C'est la structuration du dispositif sanitaire
qui rendrait compte du succès ou de l'échec de la réforme.
3.2
Les facteurs explicatifs d'une mise en oeuvre réussie
Les dispositifs sanitaires français et italiens sont
très divergents. Le système de santé français
bénéficie d'une large reconnaissance qui a facilité un
premier décloisonnement de la médecine pénitentiaire au
cours des années quatre-vingts. Il dispose, en outre, d'autorités
sanitaires déconcentrées qui facilitent la coordination et le
suivi de la mise en oeuvre d'une politique nationale. Le Sistema sanitario
nazionale italien est en revanche beaucoup plus récent. Ses
carences ont pendant longtemps justifié l'autonomie de la
médecine pénitentiaire qui est demeurée fortement
cloisonnée406(*).
La régionalisation des politiques sanitaires rend difficile, enfin, la
coordination et le contrôle d'une transformation à
l'échelle nationale. Ces caractéristiques des dispositifs
sanitaires français et italiens rendent compte, en partie, de
l'échec de la réforme italienne de 1999 et du succès de
loi française du 18 janvier 1994.
3.2.a Le dispositif de coordination et le suivi de la
réforme
Bien que la collaboration entre les ministères de la
Justice et de la Santé précède la loi du 18 janvier 1994,
la réforme de la médecine pénitentiaire a
considérablement renforcé les relations entre les deux structures
administratives407(*).
Des relations entre les ministères ont permis durant les
premières années de la réforme de s'assurer le bon
déroulement du transfert de compétence de l'administration
pénitentiaire au service public hospitalier. Le directeur du bureau
« Stratégie » des Hospices civils de Lyon confirme
que le principal interlocuteur des HCL demeure le ministère de la
Santé et que toutes les réunions de mise en oeuvre de la
réforme étaient interministérielles408(*). Ce processus de
concertation entre les différentes administrations a permis de
réduire les points de conflictualité et d'assurer ainsi une bonne
acceptation de la réforme409(*). Plusieurs dispositifs de coordination existent au
niveau local. Le premier est constitué de la direction
hospitalière des HCL qui s'est personnellement investie dans le projet
lors de l'élaboration des protocoles. C'est, dans un second temps,
l'établissement hospitalier de Lyon Sud, signataire de la convention,
qui a pris en charge la gestion du dossier tandis que le Département
stratégie, proche de la direction des HCL, conserve une fonction
d'intermédiaire notamment lors des réunions
ministérielles :
« La préparation du protocole qui a
été signé en 1995 avait été
préparé par la direction centrale [...] Mais c'est un dossier qui
est géré, une fois que le protocole a été
signé, par le CHLS [Centre Hospitalier de Lyon Sud] [...] Nous
participons au projet peut-être parce que nous sommes plus près de
la direction générale que le CHLS ou que la direction des
affaires techniques. »410(*)
Un second dispositif est composé des autorités
de tutelle sanitaires, à savoir les DDASS et les DRASS411(*). Ces dernières ont
été chargées d'importantes missions dans la réforme
de 1994. Elles sont, tout d'abord, associées directement à
l'élaboration, à la conclusion ainsi qu'au suivi des protocoles
hôpital-prison. La DRASS a, en outre, un rôle de
péréquation des ressources entre les différentes
UCSA412(*). La personne
chargée du dossier de l'action sanitaire en milieu carcéral
facilite le financement du dispositif soignant de la population détenue,
en représentant le dossier de la médecine pénitentiaire
auprès de l'Agence régionale d'hospitalisation (ARH) par
l'intermédiaire du directeur de la DRASS. Un second processus de
coordination est effectué au niveau régional par le biais des
Directions régionales des services pénitentiaires (DRSP).
Celles-ci ont intégré dans leur nouvel organigramme de 1994 un
poste d'action sanitaire pour assurer le suivi de la réforme de la
médecine pénitentiaire qui, bien qu'il n'ait pas toujours
été attribué413(*), permettrait d'assurer un rôle d'interface
entre les personnels sanitaires et pénitentiaires au sein des
établissements de la région. Cette fonction semble
particulièrement importante sur la Région Rhône-alpes. La
responsable de l'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes se rend tout
d'abord fréquemment au sein des différents établissements
pénitentiaires afin d'assister aux réunions de coordination et
afin de rencontrer les équipes médicales. Elle exerce ainsi une
double fonction de rappel à l'ordre, en rappelant à chacun son
statut et ses devoirs, et de communication entre les services414(*) :
« On a un rôle de relais des politiques
de santé publique vis-à-vis des chefs d'établissement
pénitentiaire. On a un rôle vis-à-vis des sanitaires, de
leur faire intégrer aussi le fonctionnement de l'institution
pénitentiaire avec ses contraintes, de faire en sorte si vous voulez que
ces deux mondes travaillent de manière la plus harmonieuse possible.
[...] Donc on a un rôle d'interface au niveau
institutionnel.»415(*)
Il semblerait que l'importance de cette fonction dans
l'articulation des services et la mise en oeuvre de la réforme soit
liée à la « marginalité » de ce poste
qui lui confère une autonomie très forte. Le bureau d'action
sanitaire est intégré au sein d'un petit département de la
DRSP, « Insertion et probation », et ne dispose
lui-même que d'un seul poste. La fonction de gestion est ainsi
réduite au minimum laissant davantage de liberté416(*). La mise en oeuvre de la
réforme de 1994 semble avoir été facilitée par la
présence d'une forte coordination ministérielle, d'une part, et
la présence de services sanitaires et pénitentiaires
déconcentrés qui aurait permis un ajustement entre les
personnels, d'autre part.
Les relations entre les ministères de la Santé
et de la Justice italiens semblent beaucoup plus ténues qu'en France,
notamment au niveau central. Quelques réunions ont suivi le vote de la
loi en 1999 mais ont rapidement pris fin, alors que la loi n'était
pourtant pas mise en oeuvre. Les seules autorités ayant une
compétence sanitaire et chargées de la coordination de la
réforme de la médecine pénitentiaire sont les
Regione. Dans le Lazio, un psychologue est responsable de la
mise en oeuvre de la réforme bien qu'il semble assez peu impliqué
sur ce dossier417(*).
Une commission de coordination régionale a été
constituée afin de rassembler les représentants du personnel
sanitaire et pénitentiaire et faciliter le déroulement du
transfert418(*). Le
manque de participation à cette commission, notamment de la part du
ministère de la Justice et des directeurs d'établissement
pénitentiaire, la rend cependant peu efficace419(*). Ces réunions ont
cependant pris fin malgré les difficultés de mise en oeuvre de la
réforme :
« Il y a une commission régionale
composée de 120 membres et mixtes entre certains directeurs de Sert,
certains directeurs de prison ou des personnes déléguées
pour la médecine pénitentiaire avec par exemple quelques
responsables sanitaires de prison comme pour Regina Coeli [...] Au
début, il y avait un représentant du secteur pour mineurs de la
prison de Casa del Marmo, et après et je ne sais pas pour quelle raison,
le ministère n'a plus voulu envoyer cet
opérateur. »420(*)
Le dispositif institutionnel de coordination et de suivi de la
réforme est très faible en Italie. En réponse à ces
dysfonctionnements, un mouvement associatif et syndical s'est constitué
en faveur de la réforme. Celui-ci exerce une pression politique
auprès des pouvoirs publics pour exiger la mise en oeuvre de la
réforme. Sandro Libianchi, directeur du Sert de Rebbibia, a
constitué une association en 1996 (Co.N.O.S.C.I., Coordinamento
Nazionale degli Operatori per la salute negli Carceri Italiane) afin de
fédérer les personnels soignants favorables à la
réforme et de se libérer de son de voir de réserve
lié à son statut de soignant : « J'ai
créé cette association car le problème c'était
qu'en tant qu'employé de l'administration, je ne pouvais pas m'opposer
et m'exprimer comme je le voulais »421(*). Cette association a organisé, ensemble
à d'autres organisations, plusieurs colloques destinés à
promouvoir l'application de la réforme422(*). Un congrès national a eu lieu à Rome
le 19 mars 2002 afin d'opérer un bilan de la réforme et d'en
dresser les dysfonctionnements423(*). Le recours à l'espace public semble
désormais constituer le principal recours des organisations en faveur de
l'application de la loi, comme le constate le président de l'Organe
consultatif pénitentiaire de la ville de Rome : « Nous ne
pouvons rien faire d'autres que d'essayer d'activer la chose au niveau
politique en portant plainte ou en essayant de mobiliser les
médias »424(*).
La présence, ou l'absence, de structures
chargées de coordonner la mise en oeuvre de la réforme de la
médecine pénitentiaire semble constituer un facteur explicatif
important de la réussite de la loi française du 18 janvier 1994
et de l'échec de la réforme italienne. C'est avant tout la
capacité à faire dialoguer les différents personnels et
administrations entre eux qui rend possible les ajustements nécessaires
à l'application de la loi. Cette capacité à produire de la
concertation fait en revanche défaut au système italien qui
demeure fortement fragmenté, conduisant ainsi à un immobilisme
presque total. C'est par conséquent le cloisonnement trop important
entre les services pénitentiaires et sanitaires qui est à
l'origine du manque de suivi de la réforme. En France, à
l'inverse, le rapprochement initié en 1984, lorsque la mission
d'inspection sanitaire a été confiée au ministère
de la Santé, a permis d'assurer l'effectivité du transfert de
compétence.
3.2.b Une mission d'inspection sanitaire décisive
Les contrôles sanitaires effectués en milieu
carcéral relevaient déjà de la mission d'Inspection
générale des affaires sociales (IGAS) avant la loi du 18 janvier
1994425(*). On assiste
en revanche depuis la réforme de la médecine pénitentiaire
à la publication de nombreux rapports émanant d'institutions
très variées. On peut citer en particulier le rapport
établi par Marc Gentilini suite à la mission confiée en
1995 par le garde des Sceaux, Jacques Toubon, et le ministre chargé de
la Santé publique et de l'Assurance-maladie, Élisabeth Hupert,
relatif à la « prise en charge du VIH et de la toxicomanie en
milieu pénitentiaire, en vue d'une meilleure application de la loi du 18
janvier 1994 »426(*) ou le rapport de la mission
santé-justice sur la réduction des risques de transmission du VIH
et des hépatites virales en milieu carcéral427(*). Un rapport conjoint
IGAS-IGSJ dresse enfin en 2001 une évaluation complète de la mise
en oeuvre de la loi de 1994428(*). Ces rapports ont sans nul doute
considérablement facilité l'application de la réforme de
la médecine pénitentiaire en soulignant les principaux
dysfonctionnements rencontrés.
Une procédure d'inspection sanitaire des
établissements pénitentiaires existe au niveau local par
l'intermédiaire des médecins-inspecteurs DDASS. Des rapports sont
élaborés annuellement et remis à leur administration
centrale429(*). Le
médecin-inspecteur qui occupe cette fonction au sein de la DDASS du
Rhône remarque toutefois que la mission d'inspection correspond moins
à un contrôle dans le sens strict du terme qu'à une
évaluation des difficultés rencontrées par le personnel
sanitaire. Outre les rencontres annuelles, il entretient des contacts avec les
responsables des UCSA et du SMPR, pour lesquels il constitue une ressource
importante. La DRASS ou la DRASS peuvent également intervenir, comme
cela a déjà été le cas sur Lyon, par
l'intermédiaire de leur dirceteur, auprès de la direction de
l'établissement hospitalier ou de l'Agence régionale
d'hospitalisation (ARH) à la demande d'un chef de service pour
intercéder en sa faveur, notamment à l'occasion des arbitrages
budgétaires430(*) :
« Quand on parle d'inspection, on ne va pas
inspecter les pratiques médicales. Moi je le vois plutôt dans le
sens où on voit comment ça marche et comment on pourrait les
aider à résoudre leurs difficultés [...] En fait, ils font
appel à nous aussi quand ils ont des difficultés propres.
M.Barlet avait des difficultés au niveau de l'organisation dans les
Hospices civils de Lyon et il nous a demandé notre concours [...] On a
essayé d'intervenir auprès du directeur des Hospices
civils.»431(*)
Les nombreuses procédures de contrôle sanitaire
qui existent en France sont en revanche quasiment absentes en Italie432(*). Les seuls contrôles
auxquels les prisons sont soumises sont celles des Provveditore
regionale, autorité de l'administration pénitentiaire,
qui n'effectuent plus d'inspection des services sanitaires depuis que cette
mission a été transférée au Sistema sanitario
nazionale en 1999. Une sous-directrice de l'établissement de
Rebbibia confirme qu'il n'y a actuellement « aucun contrôle
extérieur » en matière sanitaire433(*). Les Regioni sont
désormais les autorités chargées d'assurer des
contrôles réguliers qui ne sont cependant pas effectués par
manque de personnel. Un bilan de l'application du transfert de la
médecine pénitentiaire était effectué au sein de la
Regione Lazio, pour la première fois, en juin 2003 par le biais
d'un questionnaire envoyé aux ASL. Ne disposant pas d'une administration
déléguée, aucune visite ne peut être
effectuée directement auprès des services sanitaires en milieu
carcéral434(*).
Une mission d'évaluation de la réforme de 1998 a
été effectuée par Sandro Libianchi à la demande du
ministère de la Santé. Son rapport final a cependant
été censuré et n'avait toujours pas été
débattu devant le Parlement italien en juin 2003 :
« Le ministère de la Santé devrait
effectuer une fonction de contrôle notamment sur l'application de la loi
de 1999 [...] Le premier rapport parlementaire d'évaluation a
été réalisé cette année [mais] nous sommes
actuellement en juin il n'a toujours pas été publié tandis
qu'il aurait dû être discuté en janvier
2003.»435(*)
Les dispositifs italiens et français de la
réforme de la médecine pénitentiaire sont très
hétérogènes en matière de suivi et de
contrôle sanitaire. Le double système de contrôle des DDASS
et des missions d'inspection nationales a, semble t-il, contribué
à homogénéiser la mise en oeuvre de la réforme
entre les différents établissements tandis qu'à l'inverse
l'absence de contrôle au niveau national et régional entretient en
Italie la non-application des textes et creuse les écarts entre les
établissements, car comme le souligne un
enquêté « sans ce contrôle chacun fait comme
bon lui semble »436(*).
La mise en place d'un nouveau dispositif sanitaire en milieu
carcéral constitue l'aboutissement d'un long processus. La remise en
cause de la médecine pénitentiaire, incapable d'assurer de
façon satisfaisante la prise en charge des détenus et de
répondre à l'épidémie de Sida, et la crise du sang
contaminé ont légitimé la réforme globale de
l'organisation des soins. Celle-ci a permis d'opérer une
véritable révolution sanitaire au sein des prisons
françaises. La loi italienne de 1999 a aboutit, en revanche, à un
échec. Cette différence peut s'expliquer par au moins trois
raisons. Le positionnement du personnel sanitaire intervenant en milieu
carcéral constitue un premier facteur explicatif : tandis que les
médecins pénitentiaires français se sont fortement
mobilisés dès les années quatre-vingts en faveur de leur
transfert auprès du ministère de la Santé, la
réorganisation des soins ne forme pas un consensus parmi les personnels
soignants italiens qui demeurent fortement divisés. Il semblerait, en
second lieu, que la médecine pénitentiaire italienne n'ait pas
fait l'objet d'une remise en cause aussi brutale qu'en France. C'est, en effet,
le scandale du sang contaminé qui a contraint l'administration
pénitentiaire française à se dessaisir du monopole dont
elle bénéficiait sur l'organisation des soins et qui a
incité les pouvoirs publics à mettre en oeuvre la loi du 18
janvier 1994. En Italie, l'administration pénitentiaire demeure, en
revanche, réticente à un transfert de compétence tandis
que l'opinion publique italienne est restée largement
indifférente à ce sujet, n'entraînant pas, de
facto, une saisine des autorités politiques. Enfin, l'échec
ou le succès de la réforme doivent être rapportés au
dispositif sanitaire de chaque pays. Tandis que le système sanitaire
français est suffisamment consolidé pour permettre l'implantation
et le suivi d'une politique de santé publique en milieu carcéral,
l'état du système sanitaire, fortement critiqué,
n'apparaît pas en mesure d'assurer la mise en oeuvre de la
réforme.
La réforme de la médecine pénitentiaire a
été perçue comme le moyen de mettre fin à
l'ambiguïté du personnel sanitaire qui répondait à
une double logique, très ambivalente, soignante, du fait de leur
profession, d'une part, et sécuritaire, du fait de leur subordination
à la direction de l'établissement, d'autre part. Tandis que
l'arbitrage entre les deux principes s'opérait le plus souvent au
détriment du soin, le nouveau dispositif soignant rétablit les
exigences sanitaires au premier plan. L'arrivée de nouveaux intervenants
extérieurs à l'institution carcérale, les personnels
hospitaliers, est censée faciliter cette réconciliation du soin
et de la prison. En effet, ceux-ci, fortement empreints d'une culture soignante
d'excellence, seraient en mesure de réhabiliter l'image de marque d'une
discipline mal considérée. L'hôpital n'a pourtant pas
toujours été en adéquation avec la prison, comme cela a
été évoqué. Un gouffre culturel semble
séparer les deux institutions. La mise en place d'une véritable
politique de santé publique en milieu carcéral nécessite
une adaptation des pratiques soignantes aux contraintes pénitentiaires,
inconnues des praticiens hospitaliers. L'inadéquation entre les deux
cultures peut être à l'origine de nombreuses contradictions.
Partie 2. Les contradictions d'une politique de santé
publique en prison
CHAPITRE 3 : UN RENOUVEAU DU
CONFLIT ENTRE SOIN ET DETENTION
« Le détenu est sous l'oeil du gardien, le
gardien sous l'oeil du directeur, la prison sous l'oeil du peuple.
»
Jeremy Bentham, « Le
Panoptique »
La loi du 18 janvier 1994 ne semble pas avoir
bouleversé le dispositif institutionnel sanitaire en milieu
carcéral. Elle a principalement opéré un changement
statutaire du personnel soignant qui est désormais rattaché au
ministère de la Santé. La réforme a ainsi permis
d'affranchir le service sanitaire du rapport de subordination qui le rattachait
à l'administration pénitentiaire, lui garantissant ainsi une
marge de liberté accrue. Cette transformation a cependant
considérablement affecté les relations entre les
différents acteurs. La réforme de 1994, apparemment symbolique,
est à l'origine d'une recomposition du « système
d'action concret » c'est à dire de l'assemblage formé
par les rapports de pouvoir qui s'établissent au sein de l'institution
pénitentiaire, dont il s'agit de souligner les implications.
1 La recomposition du
système d'action concret
Les acteurs sanitaires se distinguent désormais
nettement des personnels pénitentiaires, rattachés au
ministère de la Justice. La loi du 18 janvier 1994 présente
dès lors le risque de désarticuler une organisation
établie depuis de nombreuses années en bouleversant les relations
de pouvoir qu'entretiennent entre eux les différents personnels. La
réforme de la médecine pénitentiaire peut, d'une part,
être à l'origine d'une trop forte démarcation entre les
services sanitaires et pénitentiaires pouvant être néfaste
à la mise en place d'une collaboration pourtant nécessaire et
elle peut, d'autre part, réactiver les oppositions entre surveillants et
soignants et accentuer ainsi le cloisonnement de l'institution
carcérale.
1.1 Les effets pervers d'une trop forte démarcation
entre les services
Les soignants étaient auparavant sous l'autorité
directe du chef d'établissement. Ceux-ci entretenaient donc
nécessairement des liens directs, inévitablement satisfaisants,
faute de quoi le contrat du personnel médical pouvait ne pas être
reconduit. La réforme de 1994 a permis aux soignants d'acquérir
une autonomie statutaire. La prise en charge des détenus requiert
cependant une coopération fonctionnelle forte entre les services
médicaux et pénitentiaires. Une démarcation trop nette
peut ainsi s'avérer préjudiciable.
1.1.a Un modèle de régulation indirecte
L'histoire de la médecine pénitentiaire se
résume fondamentalement à celle d'une lutte pour l'autonomie
vis-à-vis de la tutelle de l'administration pénitentiaire. Les
personnels sanitaires rencontrés semblent très attentifs à
cette indépendance qui est considérée comme une condition
nécessaire au soin, tel qu'en témoigne un médecin qui
avait animé un groupe de parole en détention :
« Cette confidentialité, c'était d'ailleurs un peu la
condition de ces réunions. On avait promis aux détenus de ne rien
transmettre à l'extérieur de ce qui nous avait été
dit au sein du groupe de parole »437(*). En identifiant clairement les différents
intervenants, la réforme de 1994 a permis au personnel soignant de
disposer d'un statut spécifique au sein de la détention et mettre
ainsi fin à une confusion des rôles438(*). L'indépendance est
un progrès indéniable mais celle-ci présente le risque
d'aboutir à un cloisonnement entre les différents services, comme
l'a souligné un rapport IGAS-IGSJ : « L'institution
judiciaire, l'administration pénitentiaire, les équipes
médicales des UCSA et des SMPR, l'hôpital de rattachement [...]
sont des interlocuteurs bien distincts, dont les logiques divergent mais dont
la mission est commune. Améliorer le dialogue entre les
différents acteurs est donc une nécessité qui est
d'ailleurs clairement ressentie sur le terrain »439(*). La démarche de
distinction des soignants hospitaliers peut les conduire à refuser tout
contact direct avec le personnel pénitentiaire par peur d'être
assimilé à une institution jugée trop
répressive440(*).
Une trop grande autonomie peut également aboutir à une
« marginalisation d'une optique sanitaire » de la part de
l'administration pénitentiaire de sorte que « tout se passe en
fait comme si le service médical ne faisait déjà plus
partie de la prison »441(*). Un premier effet pervers de la loi du 18 janvier
1994 semble être le manque d'implication des directions
d'établissements qui étaient chargés auparavant de la
gestion de la médecine pénitentiaire et qui auraient vu dans la
réforme l'opportunité de se décharger d'un dossier parfois
lourd à gérer:
« Et du côté des chefs
d'établissement pénitentiaire [...] ils ont dit "Nous maintenant
on ne s'occupe plus de rien". Alors que ça n'est pas du tout ça.
Autant le rôle de la loi, c'est effectivement de confier le soin aux
services hospitaliers mais nous on doit s'occuper de tout ce qui peut permettre
aux détenus d'accéder aux soins et ça renvoi à
l'organisation de la prison.»442(*)
La première réaction de l'administration
pénitentiaire à la réforme du dispositif de santé
semble être une « déresponsabilisation complète
[...] en ce qui concerne les questions sanitaires »443(*). Cette réaction
s'inscrirait peut-être, comme le suggère un psychiatre du SMPR de
Lyon, dans un processus de redéfinition des missions de l'administration
pénitentiaire. Tandis que celle-ci avait auparavant la
responsabilité de la prise en charge globale du détenu, son
action se limiterait de plus en plus à l'exercice de la fonction de
contrôle, négligeant ainsi les autres dimensions :
« On est passé d'une conception datant du
19ème siècle où l'administration
pénitentiaire était responsable de la santé des
détenus et de l'hygiène, où elle avait un certain nombres
de devoirs, [à] la logique du service public des années 80
où ont fait notre prestation et le reste, on s'en fout, ça ne
nous regarde pas »444(*).
L'administration pénitentiaire occupe pourtant une
place importante dans la mise en place d'actions sanitaires au sein de
l'institution. Une éducatrice estime que la direction de
l'établissement est en mesure de « favoriser l'accès
aux soins » de deux façons : « d'une part,
de façon matérielle et, d'autre part, en mobilisant et en formant
les agents pour les sensibiliser à ces questions et à ce type de
problématique qui leur permettra de comprendre un petit peu mieux ce qui
se joue et d'être peut-être plus parties prenantes. Et si ce n'est
pas parties prenantes, au moins d'être moins
hostiles »445(*). Elle remarque d'ailleurs que la coopération
de la direction actuelle facilite considérablement la mise en place
de projet : « Ça dépend beaucoup des personnes.
Ça fonctionne très bien pour le moment car ces personnes
là sont très sensibles à toutes les questions liées
à la santé. Si demain, il y a une autre direction et qu'elle
n'est pas du tout intéressée par ça, ça va
être plus compliqué ». La mise en oeuvre de la
réforme implique une coopération de l'administration
pénitentiaire qui, si elle fait défaut, peut rendre difficile
l'application de la réforme de 1994. Certains chefs
d'établissements peuvent, par exemple, changer l'affectation d'un
surveillant travaillant à l'infirmerie en faveur d'un poste de
sécurité jugé plus important, perturbant ainsi le
déroulement du soin : « Il ont tendance à piquer
le poste de l'UCSA pour faire autre chose »446(*). Outre ces problèmes
d'organisation, qui ne semblent pas propres au fonctionnement du dispositif
sanitaire mais qui concernent également le travail ou
l'éducation, les services pénitentiaires présenteraient
des « résistances culturelles par rapport à la loi de
1994 »447(*).
Le rôle de l'administration pénitentiaire est d'autant plus
important que la coordination entre les différents acteurs a
été confiée par la réforme de 1994 au directeur de
l'établissement pénitentiaire, bien que celle-ci soit souvent
déléguée au sous-directeur comme c'est le cas pour les
prisons de Lyon448(*).
Une réunion institutionnelle mensuelle y a été mise en
place afin de rassembler la plupart des acteurs intervenant en
détention449(*).
Elle remplirait une fonction d'interface entre les services
pénitentiaires et médicaux et constituerait une occasion pour
faire circuler l'information entre les différentes structures et
permettre éventuellement la résolution d'un conflit :
« Et dans ce cadre-là sont
évoquées toutes les questions que les services peuvent avoir
à poser sur le fonctionnement des uns et des autres et si on veut
régler quelque chose on le fait tout de suite sur place et on n'a pas
attendre des semaines et des semaines pour que cela se règle [...] La
parole est assez libre, on laisse les gens s'exprimer. On fait circuler
beaucoup d'information.»450(*)
Cette réunion de coordination semble faciliter les
relations notamment entre l'administration pénitentiaire et le personnel
médical, avec qui la sous-directrice déclare avoir de très
bons rapports : « Je pense qu'ici on a un très bon
fonctionnement avec les médecins. On a une très bonne
collaboration car il suffit de décrocher le téléphone pour
pouvoir discuter d'un problème avec un médecin. Il nous arrive de
très nombreuses fois que les médecins, s'ils ont un souci de
détention ou de comportement d'un détenu ou une
difficulté, ils décrochent le
téléphone»451(*). Un deuxième outil d'interface entre
l'administration pénitentiaire et le service médical existe. Il
s'agit du poste d'action sanitaire auprès de la Direction
régionale des services pénitentiaires (DRSP) dont il a
été question auparavant. La responsable de l'action sanitaire de
cette structure semble constituer un lien très important entre l'UCSA et
la sous-directrice des prisons de Lyon452(*), à qui elle communique notamment les
dysfonctionnements rencontrés dans l'organisation de
soins: « Elle est une intermédiaire par rapport à
des dysfonctionnements dont quelqu'un a pu lui faire part et elle nous en
informe pour qu'on voit ce qu'on peut faire. On a eu une discussion hier par
exemple sur l'hygiène et sur les mesures qui ne sont pas faites. Elle me
demande d'être plus attentive par rapport à
ça »453(*). Il semblerait que le passage de l'information
s'effectue en milieu carcéral selon des voies de transmission
extérieures à l'établissement454(*). La communication directe
entre la direction de l'établissement et les services sanitaires semble
très réduite. Ceux-ci communiqueraient davantage, bien que cela
semble moins vrai pour les prisons de Lyon, par le biais de leur administration
respective que par relations directes. La régulation s'effectuerait non
pas selon un schéma horizontal, mais selon un modèle
hiérarchique vertical455(*). On peut supposer qu'il s'agisse là d'une
conséquence de la réforme de 1994 qui, en rendant autonome chaque
service, aurait contribué à accroître la distance entre les
différents intervenants. Cette remarque semble également
pertinente pour comprendre les relations qu'entretiennent les personnels
soignants avec les services de réinsertion pénitentiaires.
1.1.b Le cloisonnement des Services pénitentiaires
d'insertion et de probation (SPIP)
Les prisons françaises ont été
dotées de services socio-éducatifs depuis la réforme Amor
de 1945 et les travailleurs sociaux ont désormais investi le milieu
carcéral. La réforme de 1999 a renforcé la politique
d'insertion en confiant cette charge aux Services pénitentiaires
d'insertion et de probation (SPIP)456(*). Ceux-ci occupent deux fonctions principales :
ils opèrent, d'une part, un suivi de la peine du détenu et sont
indispensables en cas de demande d'aménagement de peine et ils
constituent, d'autre part, le seul lien extérieur entre la prison et son
environnement (familles, associations, juges d'application des peines, etc.).
L'une des spécificités des services sociaux est qu'ils occupent
un rôle d'intermédiaire avec les magistrats. Ces derniers sont
nettement dissociés de l'établissement carcéral bien que
leurs décisions aient de fortes répercussions sur le travail des
autres intervenants. Les magistrats n'entretiennent pourtant que peu de
relations avec l'administration pénitentiaire et sont encore plus
distants des services médicaux457(*). Les personnels soignants regrettent
fréquemment de devoir subir les décisions, jugées
arbitraires, du magistrat sans pouvoir être consultés. C'est le
cas à l'occasion des visites médicales immédiates qui sont
parfois exigées par certains magistrats lors de l'incarcération
d'un détenu et qui imposent au médecin de se rendre d'urgence
à l'établissement pénitentiaire458(*). Les médecins
considèrent que les demandes des magistrats sont trop fréquentes
et souvent abusives, car celles-ci ne semblent pas toujours justifiées
médicalement, comme le rappelle un médecin-inspecteur de la
DRASS : « C'est plus ou moins motivé car en fait ils se
couvrent. Ils exigent un certificat médical par un médecin [...]
Et s'il y avait un peu plus d'esprit critique de la part des magistrats
vis-à-vis de leur demandes, je pense que les choses seraient
meilleures»459(*).
Outre un problème d'organisation des soins préjudiciable à
la prise en charge des détenus, il semblerait que ce conflit traduise un
sentiment de malaise du personnel soignant face à une perte d'autonomie
professionnelle460(*).
Les médecins, souverains dans l'exercice de leur profession, sont
contraints d'intervenir à la demande d'une autorité
non-médicale dont la décision leur semble arbitraire :
« C'est laissé à la libre appréciation du
magistrat. C'est un terme qui revient souvent en justice. Le magistrat
"apprécie"... »461(*). La réforme de 1994 semble avoir
accentué l'opposition entre les soignants intervenant en prison et le
corps des magistrats, rendant plus que jamais nécessaire une
coopération entre les deux.
Les SPIP sont les seuls à assurer le lien entre les
magistrats et le personnel médical. Cette position leur confère
un rôle important bien qu'elle puisse interférer dans leurs
rapports quotidiens avec les soignants462(*). La collaboration quotidienne entre les SPIP et les
services médicaux est néanmoins indispensable à plusieurs
titres : elle peut par exemple faciliter la préparation de la
sortie (notamment pour les détenus dont l'état de santé
mentale justifie un suivi adapté à l'extérieur) ou
améliorer la coordination de la prise en charge de la toxicomanie. Il
apparaît toutefois que la coopération entre les services sociaux
et le personnel soignant est généralement très
insuffisante, comme le constate un rapport IGAS-IGSJ :
« Pourtant, rares sont les établissements
pénitentiaires où ce travail en réseau s'effectue
véritablement, les logiques de territoire jouant souvent à leur
maximum.»463(*). Il
semblerait que la réforme de 1994 n'ait pas favorisé le
rapprochement entre les deux services contrairement à l'objectif
souhaité mais ait à l'inverse accentué le repli de chaque
personnel sur ses compétences respectives.
Les relations entre les SPIP et les services médicaux
sur les prisons de Lyon constituent une illustration de la distance qui peut
exister entre les deux services. Malgré la présence de rapports
entre les personnels depuis longtemps464(*), il semblerait que les contacts entre les agents
d'insertion et les soignants soient cependant plutôt rares, notamment
avec l'UCSA465(*). Des
réunions communes ont lieu entre les deux services, telle que la
commission mensuelle évoquée auparavant, mais celles-ci
constituent davantage des réunions institutionnelles, où se
retrouvent les cadres de chaque service, que des rencontres entre personnels
afin d'améliorer la prise en charge des détenus466(*). Certaines réunions
ont cependant été mises en place sur des thèmes
spécifiques comme la prévention du suicide ou la prise en charge
des toxicomanes. Les relations entre les deux services apparaissent globalement
assez faibles et la mise en rapport entre le personnel soignant et les agents
des services sociaux relève davantage de cas ponctuels que d'une
procédure systématique de prise en charge des
détenus :
« Si le détenu les sollicite pour une
question d'hébergement alors j'imagine que le médecin va leur
répondre que ce n'est pas son rôle et il va leur dire de
s'adresser à nous. [...] Mais si le détenu fait les demandes
adaptées et ne pose pas des questions relatives à
l'hébergement ou à la famille, s'il adresse uniquement une
demande médicale aux médecins alors il n'y aura pas
forcément de suivi.»467(*)
La sous-directrice des prisons de Lyon reconnaît que les
services n'entretiennent que des « rapports assez ponctuels sur
certains détenus ». Elle explique ce manque de liens par la
configuration des prisons des maisons d'arrêt St Paul et Saint Joseph qui
ne facilite pas le rapprochement entre les personnels contrairement à la
maison d'arrêt de Montluc où la taille de la structure met en
contact les services de façon directe: « Ici les services
sont coupés entre les deux quartiers et c'est beaucoup plus
compliqué dans le fonctionnement [...] Les rapports sont beaucoup plus
éloignés et beaucoup plus lointains »468(*). Un second problème
semble être l'absence de chef de service propre au SPIP qui aboutit
à un émiettement de l'action sociale et qui rend difficile la
coordination avec les autres intervenants. C'est par exemple le cas au sujet
des réunions du groupe d'éducation pour la santé dans
lequel les SPIP demeurent peu investis faute de personnel dirigeant :
« Il faudrait aussi plus de cadre pour assurer une cohérence
au niveau du service [...] Notre service a participé à beaucoup
de réunions mais les difficultés c'est la cohérence entre
celles-ci.»469(*).
La faible coordination entre le personnel sanitaire et social est globalement
assez faible sur les prisons de Lyon s'explique de façon plus
générale par le faible rôle qu'attribuent les soignants aux
SPIP dans la réinsertion des détenus470(*). Ce phénomène
traduit peut-être avant tout la distinction statutaire qui existe entre
les soignants et les services sociaux, rattachés à
l'administration pénitentiaire471(*). La gestion des SPIP des demandes de
libération conditionnelle, qui constitue leur principale
prérogative, s'effectuerait selon une logique de monopolisation, comme
en témoigne un psychiatre du SMPR : « Dans 70 % des cas
ils ne veulent pas avoir de rapports avec nous. Ils veulent garder le monopole
des dossiers pour les mesures conditionnelles »472(*). Il semblerait que la
réforme de 1994 n'ait pas permis le rapprochement escompté mais
ait peut-être au contraire accentué la distance entre les deux
services.
La loi du 18 janvier 1994 a affirmé l'autonomie du
personnel sanitaire au sein de l'institution carcérale afin de
faciliter ainsi ses relations avec les autres acteurs pénitentiaires. Il
apparaît que la frontière qui sépare désormais les
deux administrations constitue un obstacle à la communication. En
ouvrant la gestion de la santé au milieu extérieur, la
réforme de 1994 aurait accentué le cloisonnement entre les
différents services. Chaque acteur serait désormais restreint aux
prérogatives qui lui sont propres, qui deviennent des ressources pouvant
être mises à profit dans une relation de pouvoir. Ce
phénomène est manifeste à travers les rapports
qu'entretiennent les personnels de surveillance avec les soignants et les
détenus, entre lesquels s'établit une relation triangulaire, dont
l'objet est la santé et dont l'enjeu est le pouvoir.
1.2 Surveillants, soignants, détenus : une
relation de pouvoir triangulaire
« Il n'est pas possible de faire progresser la
condition carcérale si on ne fait pas progresser simultanément la
condition des personnels de celle des détenus. Les personnels vivent
durement leurs conditions et c'est un travail dont la société ne
reconnaît pas les mérites. Lorsque l'on veut faire progresser la
condition de prison, il faut simultanément améliorer la condition
des uns et des autres. Pas une des mesures que j'ai prises avec forte
concertation et moult difficultés et des résistances
considérables, ne le fut sans que, conjointement, ne soit
améliorée la condition des personnels et celle des
détenus. Il s'agit d'une réalité profonde. Le sort du
personnel de surveillance est indissociable de celui des
détenus».
Robert BADINTER
C'est selon une approche stratégique qu'il s'agit de
comprendre les relations entre les surveillants, les soignants et les
détenus. Ces derniers constituent souvent l'objet du conflit qui oppose
les personnels sanitaires et pénitentiaires473(*). Ce rapport d'opposition a
bien sûr toujours existé. La réforme de 1994 semble avoir
néanmoins profondément modifié l'équilibre des
rapports de force en affirmant l'autonomie des soignants, auparavant soumis aux
exigences pénitentiaires. Le décloisonnement de la
médecine pénitentiaire a d'autant plus affecté le
métier de surveillant de prison que cette profession traverse depuis la
fin des années quatre-vingts une crise identitaire profonde.
1.2.a Une profession contradictoire en perte
d'identité
Les surveillants sont soumis à plusieurs contradictions
dont la principale consiste en une double mission de garde et de
réinsertion qui définit leur profession474(*). La plupart des
études sociologiques réalisées sur ce métier
relèvent la difficulté à concilier une « double
injonction contradictoire » qui rend le positionnement du personnel
très délicat475(*). Le contexte dans lequel ces fonctions doivent
être exercées rend celles-ci d'autant plus difficiles. Les
surveillants constituent, tout d'abord, un corps professionnel socialement
dévalorisé. Emploi rarement exercé par vocation476(*), il constitue un second
choix pour des personnes qui sont paradoxalement de plus en plus
diplômées477(*). Ces évolutions ont d'importantes
répercussions sur le métier de surveillant.
L'élévation du niveau de formation a permis l'arrivée de
personnels qui ne veulent pas remplir « une mission simplement
formelle »478(*). Certains soignants y voient une opportunité
pour revaloriser le rôle de réinsertion des surveillants :
« Alors on avait une chance, c'est la crise économique qu'on
vient de traverser et qui a mené un certain nombre [...] de gens avec un
bac plus un, bac plus deux voire bac plus trois [...] qui très souvent
nous ont dit "Nous, on n'a pas envie de porter des clés pendant trente
ans". Donc, il y avait là une opportunité »479(*). Cette
élévation des aspirations du personnel pénitentiaire se
heurte cependant à l'évolution du fonctionnement de l'institution
carcérale qui s'est fortement bureaucratisée au cours des vingt
dernières années sous le poids, comme le rappelle Marion
Vacheret, d'une rationalisation des procédures480(*). La séparation des
lieux de décision et d'exécution a accentué
l'« infantilisation » des gardiens481(*) face à une
administration considérée comme étant « beaucoup
plus archaïque que celle de l'armée »482(*). Une psychologue estime que
le personnel de surveillance souffre avant tout d'un manque de
considération de la part de leur hiérarchie : « Il
y a aussi un problème qui apparaît beaucoup, c'est le
problème de l'institution, de l'administration. L'administration nous
oppresse [...] Ce sont toujours les mêmes griefs qui ressortent :
"On n'est pas écouté", "On est considéré comme des
pions", "On ne compte pas et on n'est pas
valorisé" »483(*). Cette souffrance se manifeste par les
problèmes d'alcoolisme, d'une part, qui sont assez présents, bien
qu'en diminution, auprès du personnel de surveillance des prisons de
Lyon selon des enquêtés. Les difficultés du métier
de surveillant engendrent, d'autre part, un très fort absentéisme
qui se répercute sur le fonctionnement de la détention484(*). Le personnel se situe ainsi
constamment en sous-effectifs, rendant difficile la gestion de la vie en
détention, et reléguant ainsi la mission de réinsertion au
second plan. Les surveillants sont de moins en moins nombreux pour assumer un
nombre croissant de tâches en raison de la surpopulation
carcérale, accentuant ainsi leur sentiment de malaise485(*).
Bien que faiblement valorisé, le rôle des
surveillants est fondamental dans le fonctionnement de la vie en
détention. Un peu infirmiers, un peu éducateurs, un peu
formateurs, ils occupaient auparavant une fonction polyvalente en raison de
leur position d'interlocuteur unique des détenus486(*). Le décloisonnement
de l'institution carcérale et l'intervention croissante d'autres
professionnels a accentué la dévalorisation de la profession de
surveillant en les reléguant dans leur mission première de
garde : « Mais l'entrée en prison de ces intervenants
spécialisés dans différents domaines [...] entraîne
aussi des modifications des tâches de surveillance, dans le sens d'un
appauvrissement [...] Réduits à n'être que de simples
porte-clés (comme ils le dénoncent volontiers), les surveillants
sont les laissés-pour-compte de l'ouverture des prisons»487(*). Cette réduction des
tâches des personnels de garde a lieu alors même que leur
aspiration à exercer un rôle de prévention est croissante,
en raison de l'élévation du niveau de diplôme, soumettant
ainsi leur profession à une double injonction antinomique :
« L'histoire de la prison est marquée depuis deux
décennies par une double évolution contradictoire [...] La double
pression qui en résulte pour les surveillants réduit leurs
échanges avec les détenus et les renvoie aux tâches de
garde et de surveillance. Dans le même temps, la formation des
surveillants s'est allongée et le message qu'elle véhicule met de
plus en plus l'accent sur la réinsertion, creusant ainsi l'écart
entre les attentes professionnelles des surveillants et leurs conditions de
travail réelles »488(*). Face à ces contradictions, Marion Vacheret
remarque que les personnels de surveillance adoptent des stratégies
différentes qui aboutissent à une mise en avant du rôle de
garde ou, à l'inverse, pour certains d'entre eux, à une
valorisation de leur mission de réinsertion sociale. Ces
différences traduisent cependant l'éclatement des surveillants en
tant que corps professionnel homogène qui est marquée par une
crise identitaire profonde489(*). On peut dès lors tenter de comprendre
quelles sont les conséquences de la réforme de 1994 sur la
profession de surveillant. Celle-ci visait, en effet, à clarifier les
missions soignantes et pénitentiaires tout en favorisant leur
implication dans la prise en charge du détenu. Ces deux objectifs
sont-ils conciliables ?
1.2.b Une relation d'interdépendance entre soignants et
surveillants qui demeure pourtant conflictuelle
L'autonomie de la profession médicale a
été initialement perçue par le personnel de surveillance
comme une dévalorisation et une perte de pouvoir de leur fonction au
sein de la prison. Il semblerait néanmoins qu'elle ait également
permis, comme l'estime le rapport IGAS-IGSJ d'évaluation de la
réforme, une « clarification des rôles »
facilitant le recentrage des activités sur la mission de garde490(*). Le personnel aurait
désormais tendance à établir une séparation entre
les deux fonctions afin d'éviter toute responsabilité, et
à recourir ainsi d'autant plus facilement au service médical:
« Ce sont eux qui sont demandeurs quand ils ont repéré
qu'un détenu ne sortait pas de sa cellule ou ne se levait pas ou un
problème particulier [...] Les surveillants essayent de se
décharger un maximum sur le service médical [...] Maintenant,
à chaque fois qu'il y a des problèmes en détention ils
n'ont pas intérêt à ce qu'il se passe quelque chose sur
leur étage et donc ils en réfèrent tout de suite à
leur chef ou à l'administration ou au service médical
»491(*). Cette
attitude peut est-elle toutefois être qualifiée
de coopération ? Même s'il n'existe désormais
aucune relation de dépendance entre le personnel pénitentiaire et
soignant, cette position demeure insuffisante, comme le souligne un
médecin: « Ceci dit, on ne peut pas s'en tenir à ce
raisonnement là, nous sommes dans une interdépendance
quotidienne »492(*). La loi du 18 janvier 1994 n'attribue pourtant aucun
rôle au personnel de surveillance qui demeure, selon Dominique Lhuilier,
le grand absent de cette réforme. La loi du 18 janvier 1994 aurait
même contribué à l'inverse à accroître le
conflit entre le personnel médical et le personnel de surveillance en
amplifiant davantage l'écart matériel et symbolique qui
sépare les deux fonctions :
« La création des UCSA a introduit dans les
prisons un îlot de richesse dans un océan de pauvreté [...]
On a créé deux missions parallèles, une mission noble,
habituellement reconnue comme telle, qui est la mission de soins, et une
mission mercenaire qui est celle de sécurité. Cela ne peut que
conduire à un affrontement »493(*).
La loi du 18 janvier 1994 aurait accentué les
oppositions entre les personnels pénitentiaire et sanitaires. Dans une
recherche sur la mise en place de la réforme de la médecine
pénitentiaire, Marie-Hélène Lechien constate en effet
que l'arrivée du personnel hospitalier « réactive des
systèmes d'opposition durables [...] Système d'oppositions
entre des missions sécuritaires et répressives -ici celles des
personnels pénitentiaires- et des missions plus
« humaines » celles des soignants qui portent secours
à des personnes incarcérées »494(*). Ce phénomène
est visible à travers les mécontentements des différents
personnels. Les soignants reprochent fréquemment aux surveillants de
faire obstruction aux soins notamment à travers les retards durant les
consultations495(*)
tandis que le personnel de garde dénonce l'existence d'un
« pouvoir médical ». Le soin implique de nombreux
enjeux au sein de la détention. La suppression de la distribution des
médicaments par les surveillants, qui leur permettaient de
« gérer un certain type de relations», a
été vécue, selon un formateur associatif, comme une perte
de contrôle496(*).
Le pouvoir médical est d'autant plus mal perçu que le personnel
sanitaire oppose des arguments qui sont souvent mal compris de la part des
surveillants497(*). Les
soignants sont alors suspectés de privilégier, sous couvert du
secret médical, la vie du détenu plutôt que celle du
surveillant, notamment lors d'un refus de révéler
l'identité des personnes séropositives ou tuberculeuses498(*). Le soin est perçu
comme un contre-pouvoir au sein de la détention pouvant faire obstacle
au bon fonctionnement de l'établissement : « Quelquefois
il peut y avoir des rivalités importantes, c'est-à-dire que j'ai
entendu dire aussi nettement que ça : "Vous savez, ce n'est pas le
directeur qui est le patron ici, c'est le médecin" »499(*). Le pouvoir exercé
par les soignants au sein de la détention ne semble cependant pas
nouveau. Les médecins pénitentiaires disposaient avant la
réforme de 1994 d'une place centrale dans les relations entre
détenus et surveillants par le bais des certificats médicaux, tel
qu'en témoigne un psychiatre :
«Les médecins n'ont plus le pouvoir qu'ils
avaient avant. Avant le médecin avait un pouvoir énorme, ne
serait-ce que parce qu'il rythmait beaucoup la vie de la détention au
point de vue social [...] Les médecins faisaient des certificats pour
tout. [...] Le médecin avait le pouvoir de dire que l'état de
santé de monsieur untel suppose qu'il bénéficie de tel
privilège.»500(*)
Il semblerait que ce ne soit pas tant le pouvoir effectivement
exercé par les soignants qui ait changé au sein du milieu
carcéral que sa nature et sa représentation. Le certificat du
médecin justifiait alors certains pratiques que ne cautionne
désormais plus le personnel sanitaire intervenant en prison. Auparavant
perçue comme un élément de régulation de la vie en
détention, la puissance médical serait maintenant
considérée comme un « contre-pouvoir » devenu
incontrôlable en raison de la disparition du rapport de subordination
antérieur.
Ce rapport d'opposition semble cependant peu présent
sur les prisons de Lyon. Le personnel sanitaire considère que les
relations entretenues avec le personnel pénitentiaire sont
satisfaisantes. Les soignants affirment la nécessité d'adopter un
respect mutuel501(*).
C'est par exemple le cas du chef de service des UCSA qui estime que les deux
personnels se situent dans une situation d'interdépendance qui rend
la coopération nécessaire : « J'ai reçu ce main
la nouvelle équipe d'internes et je leur ai dit qu'ici il y avait deux
équipes, une équipe en bleu et une équipe en blanc, et si
on voulait que l'équipe en bleu respecte l'équipe en blanc, il
faut que vous respectiez la leur. Si on met délibérément
le personnel de surveillance en difficulté [...] alors le pire est
à craindre »502(*). Il ne s'agit pas, selon un médecin des
maisons d'arrêt de Lyon, d'opposer les deux missions des personnels mais
de travailler dans un rapport de respect et de reconnaissance mutuel :
« Si on respecte bien le travail de
l'administration pénitentiaire, ils respectent notre travail [...] Nous
on a de très bonnes relations avec eux parce qu'on les respecte beaucoup
[...] Parce qu'on a l'impression de faire partie du camp des "pour" en
opposition au camp des "contre". On oppose les surveillants qui sont les
vilains et les soignants qui sont les gentils. »503(*)
Bien qu'initialement l'arrivée du personnel
médical en détention a pu être perçue comme une
intrusion par certains surveillants, il semblerait qu'une relation de respect
mutuel se soit engagée comme c'est le cas sur les prisons de Lyon. Cette
attitude traduit avant tout la conscience d'une interdépendance
réciproque et ne peut, par conséquent, probablement pas
être qualifiée de coopération car, comme le rappelle un
soignant, « les relations [...] sont forcément bonnes car si
elles n'étaient pas bonnes, elles seraient franchement
mauvaises »504(*). L'un des enjeux de la réforme est pourtant
de réhabiliter la mission du personnel de surveillance en lui accordant
un rôle prépondérant dans la promotion de la santé
du détenu, tentant ainsi d'aller à l'encontre du rapport
conflictuel qui a toujours existé entre les surveillants et les
détenus.
1.2.c Un rapport ambivalent face à la santé des
détenus
La première réaction du personnel de
surveillance est parfois de considérer que le soin apporté par
l'équipe médicale aux détenus n'est pas
justifié505(*).
Cette position n'est d'ailleurs pas propre au milieu pénitentiaire mais
est plus ou moins diffuse dans l'ensemble de la société :
« Je pense qu'il y a aussi toujours cette réticence,
peut-être, du personnel pénitentiaire à considérer
que les soins aux détenus sont quelque chose auquel ils ont droit
obligatoirement. Après tout, c'est une mentalité qui existe aussi
à l'extérieur et qui est de dire "S'ils sont là, c'est de
leur faute, et en plus on les soigne... Et gratuitement "»506(*). Cette conception est
néanmoins particulièrement prégnante en milieu
carcéral en raison du rapport de rivalité qui oppose les
surveillants aux détenus. Le personnel de garde se situe dans une
« position de victime », comme le rappelle une psychologue,
au sein de la détention en considérant que la plupart des actions
et des efforts des professionnels travaillant en prison sont organisés
exclusivement au bénéfice des prisonniers507(*). Cette rivalité, qui
sépare les surveillants des détenus, rend difficile toute
démarche d'insertion, comme le constate une intervenante
associative : « Les professionnels de surveillance sont vraiment en
souffrance par rapport aux détenus en disant "On leur donne tout",
"Toutes les actions sont en direction des détenus, et non, voilà,
qu'est-ce qu'on est dans tout ça ?"... Voilà... "On a aussi droit
à de l'attention, etc." C'est vrai qu'ils sont un peu focalisés
sur "C'est toujours pour les détenus, et nous dans l'histoire qu'est-ce
qu'on est ?" »508(*). Ce manque de légitimité du soin
accordé aux détenus est, par exemple, manifeste chez un
commandant de la police pénitentiaire de Rebbibia à
Rome509(*) qui remet en
cause le principe de gratuité des soins ou encore le
« traitement de faveur » dont disposent les détenus
auprès des hôpitaux510(*). Le personnel de surveillance considère
souvent que l'aide sanitaire apportée aux détenus est
illégitime. Cette position est cependant très variable selon le
type de soin qui est prodigué511(*). Celui-ci est légitimé en cas de
« gestion de la crise », comme le constate une
éducatrice, alors qu'il est considéré comme
« injustifié » s'il s'apparente à de la
prévention ou une action visant à améliorer l'état
de bien-être du détenu, considérée alors comme
incompatible avec la détention qui conserve une valeur punitive :
« En travail en détention, on doit se
dire que 50 % de notre énergie passe dans ce travail de
négociation et de tractation pour faire accepter le soin. Si le soin est
directement médical, il est compris. S'il est une gestion de la crise,
il est compris et même demandé [...] S'il n'apparaît pas
comme ça et qu'il relève d'une prise en charge de type
psychosocial avec une médiation ludique, alors ça n'est pas
compris. »512(*)
Cette perception du soin rend tout d'abord difficile tout
travail commun entre les personnels soignants et de surveillance sur le long
terme afin d'améliorer la prise en charge des détenus513(*). Cette non-reconnaissance du
soin en tant qu'amélioration de l'état de santé, entendue
au sens large, rend d'autre part difficile la mise en place de programmes
socio-sanitaires au bénéfice des détenus, comme en
témoigne l'expérience de l'Unité pour sortants
(UPS)514(*). La
création de l'UPS a en effet été à l'origine de
résistances de la part des surveillants, tel que le souligne
l'éducatrice qui a dirigé le projet, en raison d'un mode de
fonctionnement « atypique » qui allait à l'encontre
des règles de détention habituelles mais, surtout, de la
conception du soin : « Ça n'a pas été facile au
départ car on a fait du sport, de la peinture, de l'informatique et pour
les surveillants, c'est une récompense et ils ne comprenaient pas trop.
On peut soigner quelqu'un en prison et par le soin on peut même lui
procurer du plaisir »515(*). La sous-directrice des prisons de Lyon remarque,
d'ailleurs, que malgré certains progrès, le service n'est
toujours pas intégré dans le fonctionnement de la maison
d'arrêt après plusieurs années d'existence. Elle constate
également que ce service est cependant très spécifique en
comparaison au reste de l'établissement : « C'est un lieu
où il y a beaucoup d'intervenants, c'est un type de détention
assez différent car les portes restent de temps en temps ouvertes. Ils
ont un accès à des activités comme du théâtre
ou de l'informatique et c'est donc un petit lieu privilégié
quelque part par rapport à la détention. Cela amène
à se poser des questions au personnel »516(*).
Ce manque de légitimité du soin accordé
aux détenus interroge le rôle que peuvent avoir les surveillants
dans l'accès au soin en détention. Les surveillants occupent une
fonction cruciale en raison de leur position d'intermédiaire entre le
détenu et l'ensemble des autres professionnels intervenant en prison.
C'est par exemple par le personnel de surveillance que doivent passer
nécessairement toutes les demandes de consultation. Il s'agit là
d'une opportunité dont le gardien peut profiter pour faire
reconnaître son autorité, en exerçant une liberté
d'appréciation sur la pertinence de la demande formulée par le
détenu517(*). Les
surveillants peuvent ainsi constituer un obstacle dans l'accès aux
soins. Les personnels soignants se plaignent souvent des retards
prolongés des surveillants lors de déplacements dans
l'institution518(*).
Certains « oublient » parfois d'aller chercher un
détenu pour l'emmener faire une activité519(*). D'une façon plus
générale, le personnel de surveillance dispose du monopole des
« moyens de contrôle » au sein de la détention
qu'il peut éventuellement utiliser pour faire obstacle au soin :
« S'ils ont l'impression qu'on ne tient pas
assez compte d'eux, alors [...] ils peuvent utiliser les moyens qu'ils ont, qui
sont les moyens de la sécurité, les moyens de contrôle
[...] Ils peuvent utiliser des dimensions un petit peu de contrôle ou de
sécurité, en jouant sur le fait que pour rentrer il faut avoir
passé certaines portes. »520(*)
La possibilité pour le personnel de garde de
gêner l'accès au soin du détenu est récurrente dans
le discours des personnels médicaux. Cette ressource que les
surveillants ont à disposition est perçue comme une menace par
les soignants. Ceci explique pourquoi la considération et la
valorisation du surveillant sont présentées comme des
étapes nécessaires et préalables à l'acte soignant.
Une psychologue rappelle, par exemple, qu'elle a consacré les premiers
mois de son travail à l'Antenne toxicomanie à
« arpenter les prisons de Lyon [...] afin de voir les surveillants
et de leur expliquer ce qu'était cette
« Antenne-toxicomanie » »521(*). Elle ajoute que cette
première étape a par la suite considérablement
facilité son travail. Beaucoup de soignants expriment également
leur volonté de revaloriser le métier de surveillant afin
d'apaiser le rapport d'opposition qui existe parfois entre gardiens et
détenus (en organisant des formations à leur attention, en
mobilisant un psychologue qui leur est destiné, voire en voyant arriver
un détenu particulièrement important qui puisse
reconsidérer leur rôle de garde)522(*). L'implication des surveillants est perçue
par les personnels sanitaires non seulement comme le moyen de ne pas entraver
le soin apporté aux détenus mais aussi comme la
possibilité de le favoriser. Un médecin constate ainsi que la
participation des surveillants avait été indispensable au projet
de prévention qu'elle avait contribué à mettre en place et
qu'un travail de collaboration était, à ce titre,
nécessaire. Elle insiste à plusieurs reprises sur le fait que
« les surveillants n'étaient pas une pièce
rapportée au projet » mais étaient « inclus
dès le départ comme un élément à part
entière du projet ». Au-delà de l'absence d'obstacle,
l'implication d'un chef de détention apparaît comme un atout dans
le déroulement de la formation :
« On a organisé des réunions en
petits groupes avec les surveillants pour leur expliquer notre démarche
et pour leur demander leur avis et des conseils [...] Ca a vraiment
été réussi grâce à l'implication d'un chef de
détention [...] Je crois que sans lui rien n'aurait été
possible. Parce que sans les surveillants, rien n'aurait été
possible [...] Ils auraient très bien pu ne pas vouloir participer et
dans ce cas rien n'aurait été possible.»523(*)
De façon plus générale, les personnels
médicaux semblent conscients que si les surveillants peuvent limiter
l'accès au soin, ils peuvent également le favoriser. On peut,
tout d'abord, constater que l'intérêt des surveillants est souvent
convergent de celui des détenus en raison de l'interdépendance de
la vie en détention, comme le constate un cadre de
l'établissement, « la santé du détenu, c'est
leur santé aussi quelque part »524(*). Les surveillants ont ainsi
une perception ambivalente de la santé des détenus qui renvoie
à leur double mission de garde et de veille525(*). Plusieurs soignants
reconnaissent l'importance du rôle des gardiens qui entretiennent des
rapports constants avec les détenus, dont ils sont souvent une bien
meilleure connaissance que les intervenants médicaux526(*) : « Ce sont
les surveillants qui sont au contact permanent des détenus et ce ne sont
pas les médecins ou les infirmières mais ce sont les
surveillants »527(*). Les surveillants constitueraient, selon un
psychiatre, « un élément fondamental pour recueillir
l'information qui est utile [...] dans les diagnostics et dans la prise en
charge du patient »528(*). Un médecin des UCSA de Lyon considère
également que les personnels de garde peuvent jouer un rôle
important dans la prise en charge et le suivi sanitaire du détenu en
raison de la proximité dont il bénéficie :
« Les seules personnes qui sont en contact 24
heures sur 24 auprès des détenus ce sont les surveillants et dans
les étages il se passe des tas de choses que nous on ne voit pas... Des
discussions, des échanges de matériel. Des choses que les
surveillants connaissent bien et sur lesquels ils peuvent avoir un impact, en
disant par exemple "Tu as vu comme tu utilises ta Javel", "Tu ne veux pas aller
à la douche mais tu sais..." [...] Ils doivent absolument être le
relais de ça.»529(*)
Les personnels de surveillance sont en mesure de contribuer
utilement aux soins du fait de leur position au sein de la détention.
Ils peuvent par exemple faciliter la mise en relation du détenu avec le
service médical ou encore participer au repérage des
« sujets à risques » et permettre ainsi une
meilleure prévention du suicide530(*). L'affectation des surveillants à des postes
fixes semble par ailleurs fortement favoriser leur implication et leur
rôle d'« auxiliaire médical »531(*). La coopération entre
soignants et surveillants s'établirait à partir d'un
échange implicite que résume Marie-Hélène
Lechien : « La qualité du signalement des troubles
physiques ou psychologiques des détenus par les surveillants qui
alertent les services médicaux contre un apaisement des tensions au sein
des unités »532(*). Bien que les missions des personnels
médicaux et de surveillance semblent s'opposer, la garde et le soin ne
seraient dès lors pas incompatibles. L'enjeu d'une véritable
politique de soin serait de permettre aux personnels de garde de
dépasser leur rôle initial afin de les réconcilier avec
leur seconde mission : la réinsertion. Une éducatrice
considère par exemple que l'Unité pour sortants (UPS)
« a permis de renouveler la conception qu'ont les surveillants de la
prise en charge et du soin » en contribuant à légitimer
l'idée d'une prise en charge globale du détenu qui ne se
résume pas à la gestion de l'urgence533(*). Le soin constituerait
dès lors le starter d'une réforme de la culture
pénitentiaire :
« Il serait essentiel de donner au personnel de
surveillance, à côté de la mission de
sécurité qu'il ne s'agit pas de supprimer, cette mission
là de réinsertion. Et c'est cela l'enjeu de la loi de 1994. Que
le développement des moyens médicaux entraîne le
développement d'une institution soignante, répressive mais
soignante. »534(*)
Au lieu de faciliter la relation entre les personnels, la loi
du 18 janvier 1994 a accentué dans un premier temps les systèmes
d'oppositions séculaires qui dissocient les missions de soin et de
garde. Conscient de l'interdépendance qui unie les personnels, l'un des
enjeux de la réforme de la médecine pénitentiaire semble
dès lors être la redéfinition de la fonction de
surveillance en faveur d'une prise en charge globale (au sens de
« prendre soin ») du détenu. Les missions de soin et
de garde sont, malgré leur opposition apparente, profondément
liées et la réforme de 1994 peut constituer le ressort de leur
réconciliation. Celle-ci suppose cependant de parvenir à
redéfinir l'éthique soignante afin qu'elle soit compatible avec
les contraintes du milieu carcéral.
2 Une nouvelle éthique du
soin en milieu carcéral ?
« Le médecin, consulté dans le cadre de
la prison, ne peut exercer à plein sa vocation définie par le
devoir d'assistance et de soin dès lors que la situation même dans
laquelle il est appelé à le faire constitue une atteinte à
la liberté et à la santé requise précisément
par les règles du système carcéral. Le choix pour le
médecin individuel est entre appliquer sans concession les exigences
issues du serment d'Hippocrate au risque d'être éliminé du
milieu carcéral et consentir aux contraintes constitutives de ce milieu
le minimum d'exceptions compatibles avec le respect d'autrui et celui de la
règle. Il n'y a plus de règles pour trancher entre les
règles, mais, une fois encore, le recours à la sagesse pratique
proche de celle qu'Aristote désignait du terme de phronesis (que l'on
traduit par prudence), dont l'Éthique à Nicomaque dit qu'elle est
dans l'ordre pratique ce qu'est la sensation singulière dans l'ordre
théorique. C'est exactement le cas avec le jugement moral en
situation.»
Paul RICOEUR, « Éthique et
morale »
L'institution pénitentiaire a pendant longtemps
été considéré comme le lieu au sein duquel les
principes de la déontologie médicale n'étaient pas
respectés, provoquant ainsi le rejet de la médecine
pénitentiaire du reste du champ médical. La subordination du
personnel soignant à l'administration pénitentiaire justifiait la
soumission du principe éthique à celui de la
sécurité en toutes circonstances. La loi du 18 janvier 1994
visait à rééquilibrer cet ordre des priorités, en
transférant le personnel sanitaire au ministère de la
Santé, et à placer ainsi sur un pied d'égalité le
soin et la surveillance. La conciliation des deux principes est-elle cependant
toujours possible ? Les normes déontologiques médicales ne
sont-elles pas parfois contradictoires avec la logique du milieu
carcéral ? L'enjeu est dès lors de réconcilier les
principes de l'éthique soignante avec les contraintes propres à
l'institution pénitentiaire.
2.1
Une réconciliation difficile de l'éthique médicale et des
contraintes carcérales
Le respect des principes de la déontologie
médicale est depuis toujours apparu inconciliable avec les
règles de fonctionnement du milieu carcéral. Le nouveau statut du
personnel sanitaire était censé réhabiliter
l'éthique médicale, facilitant ainsi la relation
thérapeutique qui s'établit entre le soignant et le
patient-détenu. La réforme de 1994 implique t-elle pour autant
une autonomie fonctionnelle ? L'autonomie statutaire libère t-elle
le personnel sanitaire de toutes contraintes ?
2.1.a L'émergence d'une nouvelle relation
thérapeutique ?
La relation thérapeutique entre le détenu et le
médecin en milieu carcéral s'apparente souvent, comme le rappelle
Dominique Lhuilier, à un double rapport de méfiance535(*). Les détenus
témoignent souvent d'un certain scepticisme sur l'efficacité des
pratiques soignantes, comme si l'infirmerie était le lieu de mise en
scène d'un rituel soignant. La pratique de l'exercice médical en
milieu carcéral est d'ailleurs perçue par les détenus
comme la conséquence d'un échec professionnel dans l'exercice de
la médecine libre536(*). L'image des soignants paraît
généralement comme « contaminée » par
leur lieu d'exercice. La méfiance des personnes
incarcérées à l'encontre des différentes
catégories de personnel fait écho à la suspicion de
simulation des détenus. La méfiance des professionnels de
santé pour les personnes détenues apparaît au travers de la
perception qu'ils ont de leurs discours : les détenus sont souvent
présentés comme des personnes qui ne disent pas la
vérité537(*). La parole du détenu est
généralement pensée comme potentiellement
mensongère. Il est assez fréquent de voir rappeler par les
personnels soignants les excès des détenus. Bruno Milly remarque
que la relation asymétrique entre le soignant et le détenu prive
ce dernier d'un véritable statut de patient538(*). Celui-ci n'est souvent pas
considéré comme étant en mesure de participer à la
démarche de soin, dont il est alors exclu539(*). Outre cette relation de
défiance, certains médecins pénitentiaires adoptaient
auparavant une attitude paternaliste à l'égard des détenus
devant être rééduqués par l'institution
carcérale à laquelle ils appartenaient :
«Il y avait beaucoup de médecins qui avant
conditionnaient leur traitement à des prescriptions presque morales,
chose qu'il n'aurait jamais osé faire à l'extérieur. Ce
n'était souvent pas par méchanceté ou par sadisme, mais
plutôt sur un ton paternaliste: "Mon petit gars, c'est mauvais pour toi
et tu devrais arrêter". Par exemple, j'avais rencontré des
médecins qui refusaient de prescrire des hormones à un
transsexuel.»540(*)
L'un des objectifs de la réforme du 18 janvier 1994
était de réhabiliter la notion de soin en milieu carcéral
en effectuant une démarcation nette entre le personnel médical et
le personnel pénitentiaire541(*). Il s'agissait également d'introduire en
détention une nouvelle figure professionnelle soignante issue du milieu
hospitalier et davantage attachée au respect du patient. Les praticiens
hospitaliers sont pourtant généralement suspicieux à
l'égard des détenus, comme en témoigne l'implantation de
l'unité d'hospitalisation pour détenus à Lyon Sud. Il
semble, néanmoins, que le recrutement au sein des UCSA, établies
depuis 1994, ait permis l'émergence d'une nouvelle figure
médicale en milieu carcéral542(*). Un des médecins des prisons de Lyon semble
en constituer un bon exemple. N'ayant jamais connu l'ancienne médecine
pénitentiaire, ce praticien hospitalier se caractérise par des
conceptions relativement spécifiques. Il décrit tout d'abord sa
relation au détenu comme étant similaire à celle qu'il
entretient avec n'importe quel patient et n'est pas préoccupé par
les accusations de « mauvais traitements » qu'il peut
parfois recevoir :
« Nous d'abord on fait tout pour être au
service des détenus comme on serait au service de n'importe qui dehors
[...] Moi je compare avec mon activité à l'extérieur et on
fait la même chose. C'est pareil. Je prends les gens exactement de la
même façon [...] On les soigne vraiment comme l'extérieur.
Nous on s'en fiche qu'ils soient détenus. » 543(*)
Ce médecin déclare également ne pas
être intéressé par le motif d'incarcération, mis
à part pour des raisons professionnelles lorsque la durée de
détention peut influer sur la programmation des soins544(*). Il considère
également que la responsabilisation médicale du détenu est
une étape importante, notamment par l'usage d'un pilulier :
« Ça change parce que ça responsabilise les gens [...]
Je pense qu'on tout à y gagner et le détenu
aussi ». Enfin bien qu'il admette que de nombreuses demandes de
prise en charge soient parfois excessives, il reconnaît avoir la
même démarche dans sa pratique médicale non
carcérale : « Il y a une grosse demande de soins
immédiats et de maux qui sont souvent injustifiés [...] Nous, on
fait comme si on était à l'extérieur et que la personne
n'était pas en prison. »
La relation thérapeutique qui unit le
détenu-patient au médecin s'est longtemps éloignée
de l'idéal prescrit par le Code de déontologie fondé sur
un rapport de confiance réciproque. Elle s'apparentait au contraire
à un « équilibre des
méfiances »545(*). La réforme de 1994 semble néanmoins
avoir permis l'émergence d'une nouvelle catégorie de
médecins en milieu pénitentiaire qui n'avaient auparavant connu
que l'exercice en milieu libre, hospitalier ou non. Ceux-ci favoriseraient un
renouveau des conceptions soignantes dans le sens des standards classiques de
la pratique médicale, rapprochant ainsi la médecine en milieu
carcéral de la médecine de droit commun. Ce constat optimiste
demande cependant à être nuancé. Les médecins
hospitaliers ne semblent pas toujours adaptés aux
spécificités de la population carcérale. Ceux-ci
n'auraient pas toujours acquis le savoir médical nécessaire
à la compréhension du monde carcéral et de ses
pathologies546(*). Les
médecins hospitaliers arrivés après 1994 s'apparentent
souvent à des spécialistes qui concentreraient l'essentiel de
leur activité autour de l'acte technique du soin. Ces
« organicistes » entendraient se limiter volontairement au
traitement technique du corps, négligeant tout ce qui a trait à
la personne dans sa globalité547(*). Le soin en prison ne peut cependant pas être
réduit à un acte mécanique car il requiert de prendre en
compte l'état de détresse psychologique dans lequel se situent
les personnes détenues. Cet écart traduit avant tout
l'inadaptation de l'hôpital à prendre en charge des individus
marginalisés. L'institution hospitalière a en effet toujours
« privilégié la maladie au malade »
d'où en découle un morcellement de l'individu par
spécialités médicales, rendant difficile une attention au
patient et à son environnement : « L'hôpital aux
plateaux techniques performants butte en réalité sur les besoins
de prise en charge globale, qui intégrerait au soin médical une
dimension humaine, sociale et psychologique »548(*). Les réponses du
système hospitalier, malade « parce qu'il est, paradoxalement,
plus qu'il ne l'a jamais été, performant »549(*), s'avèrent
inadaptées à une population marginale dont le recours au soin
peut traduire « davantage une demande sociale qu'une demande
médicale »550(*). Le paternalisme et l'infantilisation qui
caractérisent la relation médecin-patient au sein du
système hospitalier aboutissent souvent à reléguer le
malade au rang d'objet551(*). Cette asymétrie s'accentue en milieu
carcéral où l'association des statuts de malade et de
détenu contribue à disqualifier davantage la participation de
l'individu. La médecine hospitalière est alors peu propice
à une reconnaissance du malade en tant que patient552(*). Celle-ci est
présentée par un ancien psychiatre comme beaucoup plus inhumaine
que l'ancienne médecine pénitentiaire. La considération du
détenu en tant que patient, similaire à n'importe quel autre
citoyen, serait inadaptée au milieu carcéral :
« L'éthique pénitentiaire
antérieure n'était pas aussi dégueulasse qu'on pouvait
l'imaginer et en revanche actuellement, il existe des quantités de
situation infectes, absolument infectes, où des médecins se
foutent éperdument de ce qui arrive car ils ont fait leurs prestations
en tant que praticiens hospitaliers [...] Si quelqu'un dit qu'il a du
matériel orthopédique comme une plaque qui peut le gêner
alors le médecin lui répond [...] "Vous la gardez votre
plaque ! On ne va pas immobiliser le bloc et opérer pour ça.
Terminé". La logique du milieu civil est quelquefois plus dure que la
logique d'un milieu spécialisé
pénitentiaire.»553(*)
On peut cependant relever une nette amélioration dans
la considération de l'exercice médical en milieu carcéral
qui se rapproche progressivement, au moins en terme de représentation,
de la pratique médicale classique. C'est le cas du médecin
cité auparavant sur les prisons de Lyon qui témoigne d'une
évolution des mentalités liée à la réforme
de 1994. Ce praticien hospitalier présente la prison comme un lieu
d'exercice comme un autre même s'il en reconnaît les contraintes.
C'est par exemple le cas pour les consultations dont il reconnaît les
limites notamment en matière de d'organisation mais qu'il estime
néanmoins similaires à ses consultations
extérieures : « Donc ça se passe dans un cabinet
médical en tête-à-tête comme dans un cabinet
privé en fait. On réalise un examen clinique, on écoute
les gens [...] C'est un peu comme en milieu libéral vous
savez.»554(*).
Il semblerait que la réforme de 1994 ait permis une
mise en équivalence, ou tout au moins, un rapprochement entre la
médecine exercée en prison et celle en milieu libre. Bruno Milly
note toutefois qu'il est possible d'interpréter le discours des
personnels soignants dans un autre sens555(*). Il observe la propension des soignants travaillant
en prison, aussi bien des plus anciens que des plus nouveaux, à nuancer
le clivage qui pourrait les opposer aux autres professionnels de santé.
La majorité des personnels médicaux intervenant en milieu
carcéral déclarent appartenir à la grande
profession de la santé, à la profession de
médecins, à la profession des infirmiers, à
la profession des hospitaliers, et nie la particularité du
milieu d'exercice pénitentiaire. Cette attitude est à mettre en
lien avec la dévalorisation du milieu pénitentiaire :
« "Les" professionnels de santé, "les" médecins, "les"
infirmiers détiennent des serments nominaux identitaires qui,
par-delà la diversité des actions et des représentations,
permettent d'oublier la réalité dévalorisante du milieu
pénitentiaire ». Cette mise en scène, visant à
afficher la continuité entre l'exercice en prison et l'exercice en
milieu libre, conduit alors à insister sur les facteurs
d'homogénéité du groupe des professionnels de santé
en prison.
Le bilan de la réforme de 1994 apparaît
incertain. Si elle a permis de rapprocher la médecine en milieu
carcéral des standards classiques de la démarche
thérapeutique à travers l'émergence d'une nouvelle
catégorie de médecins, d'une part, elle semble avoir
accentué le décalage entre les pratiques médicales et les
spécificités du milieu carcéral, d'autre part. On peut
dès lors s'interroger sur la compatibilité entre les
médecins hospitaliers intégrés après 1994 et leur
nouveau milieu d'exercice. L'institution pénitentiaire implique de
nombreuses contraintes qui se répercutent sur la profession de soignant,
dont l'exercice n'est alors plus envisageable de façon similaire
à la pratique médicale courante.
2.1.b Une pratique médicale sous contraintes
La prison constitue une
« institution totale » dotée de ses propres
règles de fonctionnement. Celles-ci sont à l'origine d'un
ensemble de contraintes, présentées par l'administration
pénitentiaire comme « inévitables »556(*), qui se répercutent
sur la pratique médicale des soignants. Il existe, tout d'abord,
plusieurs procédures spécifiques du milieu carcéral qui ne
relèvent pas des actes médicaux standards, définis en
référence à la médecine libérale, qui ont
toujours contribué à disqualifier la médecine en milieu
pénitentiaire. C'est par exemple le cas des certificats
médicaux557(*),
et notamment des certificats de coups et blessures, que sont contraints de
fournir les médecins à la demande de l'administration
pénitentiaire558(*) ou encore l'obligation faite aux médecins par
le Code de procédure pénale de visiter le quartier
disciplinaire559(*). Le
positionnement des médecins intervenant en prison est très
distinct face à ces procédures. On peut schématiquement
distinguer deux attitudes. Le personnel soignant travaillant en milieu
carcéral avant la réforme de 1994 semble reconnaître la
nécessité de telles pratiques, qu'il considère comme
inhérentes au fonctionnement de l'institution
pénitentiaire560(*). Ces professionnels du milieu carcéral visent
le plus souvent à faire reconnaître la spécificité
de leur pratique médicale. Il semblerait en revanche que le personnel
médical apparu après la réforme de 1994 soit beaucoup
plus hostile à des procédures qu'ils estiment incompatibles avec
leur statut de soignant, comme le relève un rapport d'évaluation
IGAS-IGSJ établi en 2001. Les personnels de l'UCSA estiment souvent par
exemple qu'ils n'ont aucune information à transmettre à
l'administration pénitentiaire et que celle-ci doit faire appel à
des experts médicaux si elle souhaite transmettre des
éléments aux autorités judiciaires. La visite en quartier
de détention semble également jugée par certains soignants
comme contraire à la déontologie médicale, en ce qu'elle
implique de donner un avis d'expert sur la compatibilité d'un
état de santé avec des conditions de détention561(*). Les médecins
supportent souvent mal ce rôle, qu'ils trouvent contraire aux principes
du Code de leur profession562(*). Ces procédures d'expertise
médicale sont considérées par les personnels soignants
comme incompatibles avec leur mission de soin en raison de
l'ambiguïté qui en résulter et être néfaste
à la relation thérapeutique entretenue avec le
détenu563(*).
Outre ces procédures, le fonctionnement de
l'institution pénitentiaire implique de nombreuses répercussions
sur l'organisation des soins. La question des retards et des temps d'attente
est par exemple souvent présentée par les personnels de
santé comme l'une des astreintes majeures du milieu
carcéral564(*).
Cette attente est plus généralement liée au temps
pénitentiaire présenté comme un temps spécifique
caractérisé par la lenteur565(*). Cette lenteur, comme le remarque Bruno Milly, est
peut-être moins le fait d'une personnalité routinière et
bureaucratique que le produit d'une organisation hiérarchique au sein de
laquelle les surveillants ne sont souvent que de simples rouages566(*). Même si le grief des
retards n'est pas une critique nouvelle parmi les personnels soignants, il
semblerait qu'il soit encore plus présent chez les médecins
hospitaliers nouvellement arrivés qui sont peu habitués aux
contraintes du milieu carcéral. Cette critique est très
présente chez les intervenants extérieurs comme c'est le cas d'un
médecin qui effectue des consultations de dépistage au sein des
prisons de Lyon et qui regrette que la procédure pour accéder
à un détenu soit aussi contraignante567(*).
Une autre critique semble en revanche être apparue suite
à la réforme de 1994. Il s'agit des procédures de
contrôle propres au milieu pénitentiaire (document
d'identité, détection des métaux, fouille) qui sont
imposées à chaque entrant en détention. Le personnel
médical nouvellement arrivé semble assez réticent à
ces contraintes. Un cadre hospitalier remarque ainsi qu'il est difficile de
trouver suffisamment de médecins pour effectuer des vacations en raison
des réticences à subir les mesures de contrôle
classiques :
« Il a fallu convaincre les soignants à
aller travailler en prison [...] J'ai rencontré des médecins qui
me disaient qu'il n'était pas question qu'ils passent sous un portique
de détection des métaux, qu'ils fassent l'objet d'une fouille
pour aller visiter un détenu [...] Ils voudraient échapper
à la loi commune d'accès dans les prisons alors même que le
directeur de la prison se fait fouiller à son arrivée tous les
matins. »568(*)
Cette observation soulève le problème de la
difficulté à faire intervenir en prison de façon
ponctuelle (vacations, gardes) des médecins peu habitués au mode
de fonctionnement carcéral. La difficulté à assurer la
permanence des soins durant la nuit en est d'ailleurs une conséquence.
Les médecins libéraux sont souvent très réticents
à intervenir en tant que médecin de garde : « Nous
avons rencontré un certain nombre de médecins acceptant de signer
une convention avec les hospices civils de Lyon. Et ça avait
été assez héroïque car beaucoup nous ont dit
"Comment, on est fouillé ?", etc. il y avait eu beaucoup de
réticences »569(*). La non-connaissance du milieu carcéral a
d'ailleurs déjà été à l'origine de refus
d'intervenir de la part des urgences570(*).
La loi du 18 janvier 1994 visait à affirmer la
similitude des soins entre le dedans et le dehors. Le milieu carcéral
comporte cependant des règles et des contraintes spécifiques qui
rendent parfois difficile la mise en place d'une démarche
thérapeutique équivalente à celle qui existe en milieu
libre. L'arrivée des médecins hospitaliers en 1994 a permis un
renouveau de la pratique médicale en prison, aboutissant parfois
à certaines oppositions avec les règles de fonctionnement de
l'institution pénitentiaire. La disparition de la
« fiole » et la distribution des médicaments sous
forme de cachet a par exemple été à l'origine d'un trafic
en détention qui s'inscrit parfois dans une stratégie
suicidaire571(*). Ces
dérives sont accentuées par la remise au détenu d'un
pilulier, lui permettant de gérer sa consommation, selon une logique de
responsabilisation. On perçoit l'opposition qui sépare la logique
soignante des règles de fonctionnement de l'institution carcérale
: « Les phénomènes d'accumulation et de trafic des
médicaments [...] sont favorisés par cette autonomie
conférée au patient-détenu »572(*).
La réforme de la médecine pénitentiaire
devait permettre la mise en équivalence du dispositif sanitaire du
milieu carcéral avec celui du reste de la société,
facilitant ainsi le renouveau des pratiques thérapeutiques et mettant
fin à la position ambiguë du personnel soignant qui était
soumis a l'administration pénitentiaire. Il apparaît toutefois que
l'exercice de la médecine en milieu carcéral suppose de
reconnaître certaines contraintes indissociables de la prison. L'absence
de subordination des personnels soignant ne leur permet pas de s'affranchir du
respect de certaines règles fondamentales. La réforme de 1994
semble avoir accentué le rejet de ces règles qui sont
étrangères à la pratique médicale courante. La
démarcation aujourd'hui plus nette des rôles entre les missions de
soin et de garde aurait accentué l'ambiguïté de la position
du soignant vis-à-vis de pratiques qu'il considère comme ne
relevant pas de sa profession. La démarche thérapeutique
valorisée d'ordinaire semble même incompatible avec les
spécificités du milieu carcéral. Ces observations
amènent à s'interroger sur la position du personnel soignant face
à l'institution pénitentiaire. Les personnels sanitaires
appartenaient auparavant fonctionnellement et statutairement à
l'établissement dans lequel ils intervenaient. Ils devaient par
conséquent se plier aux règles de fonctionnement du milieu
carcéral, sans qui leur soit possible de s'y soustraire ou de les
critiquer. De façon plus générale, les médecins
étaient soumis à un devoir de réserve sur leur
activité comme n'importe quel membre de l'administration
pénitentiaire. La loi du 18 janvier 1994 a cependant remis en cause ce
rapport de subordination en conférant une autonomie statutaire aux
soignants. Quel est désormais leur attitude face à l'institution
pénitentiaire ?
2.1.c La figure médicale face à l'institution
carcérale. Témoigner en prison : un devoir éthique?
Liés auparavant à leur employeur, les
médecins ne pouvaient auparavant pas témoigner, au risque de
perdre leur emploi. Ils ont désormais acquis une autonomie qui les rend
libre de prendre position pour dénoncer les dysfonctionnements ou les
atteintes aux libertés dont ils sont témoins573(*). Le livre du docteur Vasseur
publié en 2000, Médecin-chef à la prison de la
Santé, fut à l'origine d'un renouveau du questionnement sur
la position du personnel sanitaire au sein de la prison574(*). Le personnel
médical, en tant que témoin privilégié de la vie
carcérale, ne doit-il pas témoigner, voire
dénoncer, au nom des principes éthiques qui fondent la
déontologie médicale575(*)? Les positions des soignants sont
généralement très tranchées sur cette
question : tandis que certains présentent le témoignage
comme un « devoir éthique », d'autres sont
défavorables à cette attitude, au nom d'une solidarité du
médecin avec l'institution dans laquelle il travaille576(*). L'opinion des
enquêtés sur le livre de Véronique Vasseur, mais surtout
sur l'attitude du personnel médical intervenant en milieu
carcéral, peut permettre de comprendre comment chacun résout la
contradiction apparente entre les principes éthiques liés
à la profession médicale et le fonctionnement de l'institution
carcérale. On peut remarquer, avant tout, que les soignants intervenant
en milieu carcéral ont généralement une très
mauvaise perception de l'ouvrage bien qu'aucun médecin ne semble se
situer dans une position de rejet total. Ainsi, même si certains
estiment, comme c'est le cas du responsable du SMPR de Lyon, que ce livre
à sensation, rempli d'incohérences et d'erreurs, ne
« ne vaut rien [...] au niveau de l'éthique
pénitentiaire», ils reconnaissant néanmoins que ce pamphlet
a permis de soulever l'attention du public sur les conditions
d'incarcération : « En revanche, ce qu'elle a
écrit au plan des conditions carcérales est important et c'est
pour ça qu'on s'est bien gardé de descendre son bouquin. Tout ce
qui est utile à la cause de l'amélioration de l'administration
pénitentiaire est à respecter »577(*). Tous les médecins
interrogés estiment que le livre de Véronique Vasseur a fait
« beaucoup de mal » au personnel soignant intervenant en
prison. C'est par exemple la position du chef de service de l'Unité
d'hospitalisation pour détenus qui oppose à l'attitude de
dénonciation, symbolisée par le docteur Vasseur, une
« position de défense institutionnelle », soulignant
ainsi la double responsabilité du personnel médical et
pénitentiaire :
« Je pense qu'il n'y a pas à critiquer
l'administration pénitentiaire. Il n'y a rien à attendre de
l'élection d'un coupable qui peut d'ailleurs être bilatéral
[...] Ces visions-là ne mènent à rien [...] Avant de tirer
à boulets rouges sur l'administration pénitentiaire et les
surveillants, il faut réfléchir. On ne peut s'en tirer qu'en
ayant une position de défense institutionnelle.»578(*)
Il est légitime de s'interroger pour savoir si cette
position « critique » est propre aux soignants de
l'ancienne médecine pénitentiaire, qui pourraient s'estimer plus
impliqués ou compromis dans les critiques faites au fonctionnement
carcéral, ou si elle est partagée par l'ensemble de soignants.
Les médecins arrivés après la réforme de 1994
pourraient adopter une posture de démarcation en apportant leur soutien
à l'ouvrage de Véronique Vasseur. Cela ne semble pourtant pas le
cas, comme en témoigne un médecin des prisons de Lyon qui estime
que la publication de ce témoignage a contribué à
accentuer l'opposition entre surveillants et soignants, amplifiant ainsi les
tensions qui existent de façon quotidienne entre les
personnels579(*)
« Moi je suis assez mal à l'aise par
rapport à ça parce que les surveillants sont en permanence
humiliés à l'intérieur de la prison [...] Et je trouve que
la sortie du livre de Vasseur nous a pénalisé là-dessus.
Parce qu'on a l'impression de faire partie du camp des "pour" en opposition au
camp des "contre". En opposant les surveillants qui sont les vilains et les
soignants qui sont les gentils.»580(*)
La principale ligne de démarcation entre les partisans
et les opposants à l'ouvrage du docteur Vasseur ne semble pas être
celle qui sépare le personnel soignant de l'administration
pénitentiaire mais celle qui délimite le dedans du dehors. La
plupart des personnes interrogées qui se situent à
l'extérieur de la prison ont une opinion favorable du livre
Médecin-chef à la prison de la Santé. C'est par
exemple le cas d'un médecin-inspecteur de la DDASS du Rhône qui
estime que ce témoignage a permis de faire connaître au reste de
la société française la réalité du milieu
carcéral et de faire évoluer ainsi la condition des
prisons : « Je pense que ça a donné une image
à pas mal de gens de ce qui pouvait se passer en prison. Ça a
fait bouger des choses »581(*). D'autres ont même, semble t-il,
été interpellés directement par la publication de cet
ouvrage qui aurait motivé leur engagement en faveur de la santé
en milieu carcéral, comme en témoigne un médecin de la
DRASS Rhône-Alpes qui a pris en charge ce dossier peu de temps
après : « Moi je pense que c'est très important et
qu'elle a eu tout à fait raison de le faire et pour moi ça a
constitué un appel pour que les choses changent »582(*). La grande majorité
des personnels interrogés travaillant en milieu carcéral,
soignants ou pénitentiaires, ont, en revanche, une opinion
défavorable du livre de Véronique Vasseur. Ils considèrent
pour la plupart qu'il s'agit d'un constat injuste qui ne cherchait à
mettre en avant que les dysfonctionnements du milieu carcéral sans en
souligner les progrès. Certains établissent, d'ailleurs, une
comparaison entre cet ouvrage et le traitement médiatique dont souffrent
fréquemment les prisons de Lyon583(*). Celui-ci est souvent très polémique,
répondant ainsi aux critères de production journalistique, et
plus particulièrement télévisuelle, laissant un sentiment
d'insatisfaction chez les personnels, sanitaires et pénitentiaires qui
se placent dans une position de victime :
« Lorsque c'est uniquement une
dénonciation et une vision apocalyptique des choses et qu'il n'y a pas
un rendu équilibré en disant également ce qui fonctionne,
je trouve ça très désagréable car ça n'est
pas la réalité [...] C'est comme le fameux reportage de la «
Marmite du diable » qui a été fait par France 2, il y a deux
ou trois ans [...] Ils ont pris soin d'interviewer beaucoup de monde mais
à la fin ils n'ont sorti que quelque chose de sensationnel et ça
a énormément déçu les personnels. Car ce qu'ils ont
montré est vrai, c'est la réalité. Mais on n'a rien vu de
toutes les choses qui se passent dans l'établissement et qui marchent
bien. »584(*)
La prison, en tant qu'« institution
totale », constitue un monde clos. C'est l'épaisseur de ses
murs dont les personnels se sentent victimes. La sous-directrice des prisons de
Lyon regrette le secret qu'a pendant longtemps adopté l'administration
pénitentiaire à l'égard du reste de la
société et qui aurait contribué à alimenter les
« fantasmes » à son égard585(*). Face à cette
politique du secret, l'administration tente d'établir depuis quelques
années une stratégie d'ouverture et de communication586(*). Il semblerait que le
rôle du médecin vis-à-vis de l'institution carcérale
doive être compris dans les mêmes termes : l'attitude de
dénonciation, comme celle de Véronique Vasseur, traduirait avant
tout un échec commun entre les différents personnels à
établir une communication suffisante. C'est la position d'un
médecin des prisons de Lyon qui affirme préférer
résoudre un problème par le biais d'une relation directe avec les
surveillants ou par la voie hiérarchique de l'établissement
plutôt qu'en ayant recours aux médias :
« Et si un jour, moi, je me mets à dire
"Tiens, tel jour et à telle heure, il y a un surveillant qui n'a pas
voulu ouvrir la cellule de telle personne", j'aurai l'impression de le trahir
et de l'humilier. Si j'ai un truc à lui dire, je vais lui [...] et je
n'ai pas besoin de mettre ça dans la presse. Ça ne se
règle pas comme ça ces histoires là !»587(*)
Le devoir de témoignage du personnel soignant n'est
peut-être pas tant un devoir de contestation à l'égard de
la prison que de communication588(*). Une position extrême comme celle de
Véronique Vasseur traduirait dès lors davantage une absence de
communication qu'une opposition indépassable entre les deux
administrations. La sous-directrice des prisons de Lyon remarque d'ailleurs
qu'aucun médecin n'a jamais adopté une réaction de
dénonciation virulente dans son établissement car aucun n'en a
ressenti le besoin. Les efforts de communication entre la direction de
l'établissement et l'ensemble du personnel soignant ont permis, selon
elle, de résoudre les problèmes de façon interne :
« Sur Lyon, on n'a jamais eu de problèmes avec des
médecins qui ont eu besoin de dénoncer quelque chose car je pense
qu'on a une relation qui est suffisamment bonne pour que ce soit à nous
qu'ils les disent [...] Ce genre de problèmes on le règle nous
avec les médecins »589(*). La loi du 18 janvier 1994 a reformulé le
questionnement sur la place du médecin en milieu carcéral dans de
nouveaux termes. Elle ne semble cependant pas avoir accentué
l'opposition entre les deux administrations comme en témoigne la
position du personnel des prisons de Lyon au sujet de l'ouvrage de
Véronique Vasseur590(*).
La réforme de la médecine pénitentiaire
aurait permis un rapprochement de l'éthique soignante en milieu
pénitentiaire avec règles de la déontologie
médicale. Le rattachement au ministère de la Santé du
personnel soignant, libéré du rapport de subordination
vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, a facilité la
reconnaissance d'une logique sanitaire, distincte des règles de
fonctionnement de l'établissement, sans pour autant que cela se traduise
par un strict rapport d'opposition à l'institution pénitentiaire.
L'exercice de la médecine en milieu pénitentiaire n'en est pas
moins soumis à certaines contraintes propres à la prison qui sont
beaucoup plus mal vécus par certains médecins hospitaliers. La
réussite de la réforme requiert dès lors l'adaptation de
l'éthique soignante aux spécificités
pénitentiaires.
2.2
Une éthique soignante spécifique en milieu
carcéral ?
La déontologie médicale constitue l'un des
ferments identitaires commun à l'ensemble des professionnels de
santé. Ceux-ci marquent généralement un attachement
très marqué au respect de ces principes. L'éthique
soignante correspond à une pratique de la médecine dans des
conditions précises (choix du médecin, consentement du patient).
La prison constitue, toutefois, un lieu d'exercice spécifique où
certaines règles peuvent perdre leur sens initial. Les pratiques
professionnelles sanitaires doivent dès lors être
réévaluées à l'aune des contraintes du milieu
carcéral.
2.2.a Le respect du secret médical en
détention : une exigence éthique illusoire ?
La loi du 18 janvier 1994 constitua une réponse au
problème du secret médical qui était difficilement
préservé dans l'ancienne organisation de la médecine
pénitentiaire. La réforme de la médecine
pénitentiaire consacre l'autonomie du personnel médical, seul
détenteur des informations relatives à la santé des
détenus. L'amélioration très nette de la place du secret
médical en prison est visible à deux niveaux. Le respect du
colloque singulier (absence de tierce personne durant la consultation) est tout
d'abord exemplaire des effets de ce changement de statut591(*). Celui-ci semble être
devenu la règle générale dans tous les
établissements : « Les discours des professionnels sont
unanimes sur ce point. Si les surveillants sont encore parfois présents
pendant des soins, ce n'est qu'avec le consentement ou à la demande des
professionnels de santé eux-mêmes »592(*). Plusieurs soignants des
prisons de Lyon ont confirmé ce changement au cours des
entretiens593(*). Cette
amélioration témoigne de la territorialisation de l'espace de
santé et de l'autonomisation du personnel soignant à
l'égard du personnel pénitentiaire. Le dossier médical
constitue un second indice de l'évolution des pratiques. Relevant
précédemment du dossier pénitentiaire, il s'agit
désormais d'un dossier médical hospitalier à part
entière. Placé sous la seule responsabilité de
l'établissement de santé et conservé dans les locaux de
l'UCSA, ce dossier n'est accessible qu'au personnel soignant, garantissant
ainsi la confidentialité des données médicales
enregistrées sur les détenus et facilitant la relation de
confiance entre le détenu et le soignant594(*).
Les progrès réalisés en France dans la
protection du secret médical peuvent être comparés à
l'organisation des soins en Italie où la dépendance du personnel
médical vis-à-vis du personnel pénitentiaire est
manifeste. Les conditions du colloque singulier ne sont pas toujours
respectées, car même si c'est le cas la plupart du temps, la
situation est toujours laissée à la libre appréciation du
surveillant dont le soignant peut difficilement refuser la
présence :
« Il y a eu une circulaire du ministère
de la Justice pour demander au surveillant d'évaluer la situation. Parce
que c'est vrai que ça dépend beaucoup des conditions. Par exemple
si manifestement le détenu semble très en colère ou semble
dangereux alors c'est difficile de dire au surveillant de s'en
aller. »595(*)
L'opposition entre les personnel soignant et
pénitentiaire est manifeste en cas d'hospitalisation du
détenu596(*). La
présence des surveillants pendant les soins est alors laissée
à la « discrétion » du chef de l'escorte qui
demeure entièrement responsable de la sécurité du
détenu et des personnels et s'estime en mesure d'imposer aux soignants
leur présence pendant les soins, comme le souligne un commandant de la
police pénitentiaire de Rebbibia : « Ça peut donc nous
arriver d'avoir un mauvais rapport avec les infirmières et parfois
même avec les médecins [...] et dans ce genre de cas, je les
rappelle à l'ordre [...] Je leur dis qu'elles sont infirmières et
qu'elles doivent faire leur métier d'infirmière et nous laisser
faire le nôtre »597(*). Le respect du secret professionnel n'est
également pas respecté au sujet du dossier médical auquel
ont accès les personnels pénitentiaires. Les dossiers
médicaux pénitentiaires de la prison de Rebbibia sont
marqués de symboles, comme l'explique le responsable du Sert,
destinés à identifier les détenus toxicomanes et
séropositifs, allant ainsi à l'encontre du principe de
non-discrimination598(*). Le personnel de surveillance semble
considérer que l'accès au dossier médical est
indispensable en cas d'intervention sur un détenu séropositif
afin de ne pas exposer le personnel à des risques connus des
soignants :
« C'est indispensable parce que si j'ai besoin
de connaître quelque chose sur un détenu je dois pouvoir consulter
des dossiers médicaux. Par exemple si un détenu s'ouvre une veine
alors j'ai besoin avant d'intervenir de savoir s'il est
séropositif.»599(*)
Le secret médical est encore actuellement en Italie un
secret de Polichinelle. Cette situation s'explique par la non-application de la
récente réforme de la médecine pénitentiaire mais
surtout par une culture où le personnel médical est faiblement
autonome et où les règles pénitentiaires
prédominent sur les principes éthiques. La loi du 18 janvier 1994
semble en revanche avoir permis un changement des pratiques, notamment par
l'arrivée du personnel hospitalier doté d'une culture
médicale où le respect du secret professionnel est essentiel. La
conciliation des principes éthiques avec les contraintes du milieu
carcéral demeure cependant problématique, comme en
témoigne les difficultés à respecter le secret
médical en détention. En effet, les principes éthiques du
Code de déontologie, qui ont été formulés dans le
cadre d'une pratique médicale en milieu libre, peuvent s'avérer
inadaptés en prison et rencontrent dès lors certaines limites
dans leur application. C'est par exemple le cas lorsque l'impératif de
sécurité prime sur les règles éthiques. Une
psychologue de l'unité d'hospitalisation pour détenus de Lyon-Sud
reconnaît que le principe du colloque singulier est beaucoup plus
difficile à mettre en oeuvre depuis qu'une tentative d'évasion
particulièrement violente a eu lieu, ce qui a remis les exigences de
sécurité au premier plan : « Et c'est vrai
que depuis, l'accès au patient est devenu très difficile. On ne
peut pas ouvrir plus de deux portes à la fois. Alors qu'avant... J'ai
été pendant huit années en entretien enfermé avec
le détenu. Alors que maintenant il faut laisser la porte
ouverte »600(*). Le respect du colloque singulier est
également lié à la configuration des locaux qui rendent
plus ou moins praticable la conciliation des principes éthiques et des
règles de sécurité601(*). Les soignants sont d'ailleurs parfois les premiers
à se sentir menacés et ne pas exiger le respect du secret
médical, comme c'est souvent le cas à l'occasion de
l'hospitalisation du détenu : « Il y a encore plein de
consultations où les médecins n'osent pas dire aux flics de
sortir car ils ont peur d'être agressés par le détenu
» 602(*).
Les règles de fonctionnement du milieu carcéral
rendent, selon plusieurs soignants, irréalisable le respect du secret
médical qui apparaît comme « illusoire » ou
une « vaste supercherie ». Cette opinion est, tout d'abord,
celle des personnels sanitaires intervenant de façon ponctuelle en
prison. L'intervention des Consultations de dépistage anonyme et gratuit
(CDAG), par exemple, ne permet pas de respecter la confidentialité de
l'état sérologique des détenus comme en témoigne le
constat désabusé d'un médecin réalisant des
vacations aux prisons de Lyon : « C'est un peu compliqué
en prison et pour moi c'est un peu illusoire mais
enfin... »603(*). Cette position est également partagée
par des médecins hospitaliers rattachés aux UCSA après la
loi de 1994. Deux difficultés rendraient impraticable l'anonymat des
informations médicales au reste de la détention. La prison est
d'abord un monde clos où chaque mouvement de détenu est
contrôlé par le personnel pénitentiaire qui a facilement
connaissance des problèmes de santé du détenu604(*) :
« L'anonymat en prison c'est une vaste
supercherie, c'est n'importe quoi [...] Parce que personne n'est anonyme en
prison. Le surveillant, il sait exactement où va n'importe quel
détenu, n'importe quoi [...] Le surveillant de l'UCSA, lui, il le sait
à peu près qui a l'hépatite et le Sida puisque les
médecins qui s'occupent de cela viennent à certains jours et ils
appellent une liste de détenus spécialement pour ce
médecin.»605(*)
Les détenus, ensuite, n'ont pas cette
préoccupation du secret médical et sont souvent les premiers
à enfreindre la règle pour faire part à leurs
codétenus, voire à des surveillants, de leurs problèmes de
santé : « Il n'y a aucun détenu qui nous demande
"Qu'est-ce que vous allez en faire de ces examens?". Le gars il s'en fout que
ce soit anonyme ou pas [...] Quand cela se sait en détention, c'est que
le détenu l'a dit lui-même à son co-détenu ou
à un surveillant un jour de déprime »606(*). Ce problème concerne
en particulier la sérologie à VIH puisqu'il est souvent dans
l'intérêt d'un détenu révélé
séronégatif au test VIH de communiquer au reste de la
détention le résultat de son examen pour éviter ainsi tout
acte de discrimination607(*). Bien que le personnel soignant assure la
confidentialité des informations, la non-connaissance de la
séropositivité des détenus est de fait rarement
respectée. Cette difficulté souligne la contradiction entre les
principes déontologiques et les règles du milieu carcéral
où le respect du secret médical peut parfois être
« contre-productif » :
« Quand un détenu se fait dépister
sa séropositivité au VIH et qu'il est négatif, et bien
c'est la première chose qu'il exhibe aux autres détenus et c'est
très important d'être séronégatif quand on est
détenu car si vous êtes séropositif, vous êtes un
pédé et [...] cela implique de nombreuses discriminations [...]
Nous, on fait en sorte que le dossier médical ne soit pas accessible
[...] et ça vous donne la mesure du problème. Les médecins
sont formés dans le respect de certaines règles et la garantie du
secret médical est presque contre-productive dans un certain nombre de
cas.»608(*)
Le respect du secret médical serait illusoire en
détention. C'est pourquoi ce principe cardinal ne pourrait pas s'y
appliquer de façon aussi intransigeante que dans la pratique
médicale courante. La notion de secret médical devrait alors
être redéfinie en fonction des contraintes du lieu d'exercice, tel
que le constate un psychiatre du SMPR de Lyon : « En
théorie, il n'y absolument rien qui peut être dit à
l'administration concernant le diagnostic. En réalité, c'est un
secret de Polichinelle et on dit beaucoup de choses [...] Parce qu'en
détention, tout se sait [...] Les diagnostics et les traitements sont
presque semi-publics »609(*). De façon plus générale, la
coexistence de deux cultures professionnelles distinctes rend parfois
inadapté le respect de règles jugées pourtant valides. Les
principes éthiques auxquels répond le personnel soignant ne
doivent alors t-elles pas être revues à l'aune des exigences du
milieu carcéral ?
2.2.b Quelle éthique
« pénitentiaire » ? Du partage de l'information
à l'émergence d'une conception du soin spécifique.
Le principe du secret médical appartient à la
culture du personnel soignant pour qui toute intrusion de la part des
surveillants est perçue comme une violation inacceptable, comme en
témoigne une formatrice : « Pour eux, le secret
médical c'est un acquis, point barre. Il n'y a pas à rediscuter
là-dessus [...] Ils ont été éduqués dans
cette culture là, formés dans cette culture là et pour eux
ça ne pose aucun problème »610(*). Le respect strict du secret
médical en milieu carcéral peut cependant être à
l'origine de problèmes de prise en charge. Outre les difficultés
à assurer le suivi médical du détenu en cas de
non-communication de l'information entre soignants dans le cas de situations
spécifiques611(*), le problème du partage de l'information
entre les personnels pénitentiaires peut porter préjudice au
traitement du détenu en détention. Le travail de
réinsertion des assistants sociaux n'est par exemple pas possible sans
une coopération avec les services médicaux. L'absence de
réticences du personnel soignant des prisons de Lyon à
communiquer des informations facilite le suivi des détenus notamment
lors de la préparation à la sortie, comme le constate une
Conseillère de probation et d'insertion : « Ça
n'est pas, par exemple, utile de préparer un accès à
l'emploi dans le monde du travail traditionnel sachant que ça n'est pas
réalisable, si la personne souffre de certains troubles
psychologiques »612(*). Le partage de l'information est également
crucial dans la politique de prévention du suicide613(*). En effet, le
repérage des personnes à risque rend nécessaire une bonne
communication entre les services de détention, qui sont en contact
permanent avec le détenu, et les services médicaux, qui
détiennent souvent des informations importantes sur les problèmes
de santé somatiques ou psychologiques pouvant être à
l'origine d'une tentative de suicide. La participation des services
médicaux, les UCSA comme pour le SMPR, aux efforts de prévention
du suicide fait cependant souvent défaut614(*). L'administration
pénitentiaire regrette souvent les réticences des soignants
à communiquer les informations dont ils disposent, étant
donné que la prévention du suicide requiert une prise en charge
globale dont le médical ne peut pas être exclu. Les critiques de
l'administration pénitentiaire sont d'autant plus virulentes à
cet égard qu'elle peut subir les conséquences d'un tel
refus615(*) :
« Il y a des gens qui ont une position
très tranchée et c'est absurde. Si vous voulez faire une
politique de prévention du suicide, vous êtes obligés de
partager des informations [...] On met en place une politique d'observation et
si le médical n'y participe pas, ça n'a pas de sens! [...] On
dirait que par rapport à certaines équipes médicales [...]
que tout ce qu'il se passe en détention ça ne les regarde pas.
Moi je trouve ça archaïque comment
raisonnement. »616(*)
Il semblerait que la réforme de 1994 ait
accentué les difficultés de partage de l'information entre le
personnel pénitentiaire et le personnel soignant désormais
autonome. Les « anciens » médecins apparaissent
beaucoup moins intransigeants sur le respect du secret médical, comme en
témoigne un psychiatre du SMPR de Lyon : « Je ne suis pas
au garde-à-vous devant le secret médical comme certains qui en
font un élément majeur de droit public en disant que nul ne peut
rompre le secret, pas même le malade. C'est une conception qui est
défensive et qui conduit à ne jamais partager l'information et
à paralyser la communication. Il y a des éléments qui
peuvent être connus pour le bien du patient »617(*). Les praticiens
hospitaliers, caractérisés par une culture du secret
médical plus stricte, sont à l'inverse plus réticents
à collaborer avec une administration dont ils cherchent à se
distinguer. Interrogé au sujet de la nécessité de
communiquer aux surveillants les informations utiles à la prise en
charge du détenu, un cadre hospitalier estime qu'il n'est possible de
transmettre certaines informations sans pour autant enfreindre le secret
médical. Il souligne, en revanche, que l'administration
pénitentiaire ne transmet pas toujours les informations utiles au
personnel médical, qui peut pourtant participer à la
prévention du suicide618(*). C'est pour faire face à ces
difficultés de communication qu'une commission de prévention du
suicide associant les personnels pénitentiaires et médicaux a
été mise en place en 1999 au sein des prisons de Lyon, où
la sursuicidité est relativement importante. Celle-ci aurait permis un
meilleur partage de l'information dans le repérage des détenus
considérés à risque619(*).
Le secret médical est un principe éthique
destiné à protéger le patient. Il est cependant empreint
en milieu carcéral d'une dimension nouvelle. La réticence des
soignants à enfreindre cette règle ne doit peut-être pas
tant être considérée comme une position idéologique
mais comme une attitude stratégique. Le secret médical serait
alors un moyen pour les personnels soignants de se distinguer du milieu dans
lequel ils interviennent en affirmant la spécificité de leur
statut. Certains membres de l'administration pénitentiaire remarquent
dans ce sens que la confidentialité des informations est davantage
destinée à protéger les soignants que les détenus.
Elle leur offre un espace réservé au sein de la détention,
échappant ainsi aux règles de fonctionnement du milieu
carcéral. De la même façon que la mise en avant des
règles de sécurité par le personnel pénitentiaire
constitue une opportunité pour affirmer leur identité
professionnelle, le recours au secret médical permet de faire
reconnaître la spécificité des soignants. Le secret
médical en prison est dès lors davantage un principe de
distinction qu'un principe éthique. Une prise en charge efficace des
détenus nécessite néanmoins une évolution de la
position stricte de certains hospitaliers face aux spécificités
du milieu carcéral :
« De toute façon, le secret
médical ou professionnel, il est par rapport à
l'intérêt de la personne et pas par rapport à la protection
du soignant. Et très souvent, ils le mettent en avant par rapport
à la protection de leur profession.»620(*)
Les préceptes de l'éthique médicale ne
sont pas toujours applicables tels quels en milieu carcéral. Les
soignants sont alors contraints, s'ils veulent effectuer leur mission de soin,
d'adapter ces principes aux contraintes propres à la prison. D'autres
refusent au nom de leur statut et du Code de déontologie de commettre la
moindre entorse à ces normes, au détriment du patient. C'est le
cas par exemple de certains soignants pour lesquels le respect d'une
démarche éthique constituerait un moyen de se protéger
face au règlement de l'administration pénitentiaire621(*). C'est également le
cas de médecins qui refusent d'assurer les soins en détention,
considérant l'infirmerie comme le seul lieu adapté à la
prestation des soins622(*). Cette attitude est souvent très mal
perçue de la part de l'administration pénitentiaire qui regrette
les réticences du personnel soignant à intervenir en
cellule :
« J'étais très frappée par
une réflexion d'une infirmière qui m'a dit "Moi, je ne vais pas
en cellule car je pense que ça n'est pas un lieu de soins" [...] Les
soignants ne vont jamais en détention, ils ne vont pas voir les
personnes dans leur environnement. Ça me paraît nécessaire
à la prise en charge de la personne.»623(*)
Le repli de certains soignants sur l'infirmerie traduirait de
même la volonté de s'autonomiser du reste de la détention,
affirmant ainsi un statut spécifique624(*). Le même problème apparaît de
manière plus fréquente vis-à-vis du principe du
consentement au soin que l'éthique médicale impose à tous
les soignants. C'est au nom de cette norme que les détenus, notamment
toxicomanes, sont considérés par les soignants comme libres
d'entreprendre une thérapie ou de la refuser. Cette attitude est
également très mal perçue de la part des surveillants qui
ne comprennent pas toujours le sens de la démarche médicale
qu'adopte l'équipe soignante, amplifiant ainsi l'incompréhension
entre les personnels625(*). La règle du consentement au soin a des
conséquences plus graves lorsqu'elle est invoquée par les
personnels sanitaires pour justifier leur refus d'intervenir auprès d'un
détenu qui n'en fait pas la demande. Malgré certaines
procédures spécifiques précisées dans le Code de
procédure pénale626(*), il revient à la libre appréciation du
médecin de juger de l'opportunité des soins. Le principe du
consentement, adapté pour un exercice de la médecine en milieu
libre, est cependant nettement plus délicat en prison, où les
personnes ne disposent pas toujours de leur libre-arbitre. Ce problème
est d'autant plus grave en matière de troubles psychiatriques en cas de
crise d'un détenu en quartier de détention627(*). Le responsable du SMPR de
Lyon s'oppose à la position de ses collègues qui s'abriteraient
derrière le principe du consentement au soin en évitant
d'intervenir, notamment afin de limiter leur responsabilité en cas de
plainte : « Ça permet actuellement à des
médecins de dire "Moi je ne bouge pas parce que le patient ne consent
pas aux soins" [...] Actuellement, on voit dans beaucoup de prisons, des
médecins qui sont campés là-dessus, comme la loi du 4 mars
2002 le leur demande, et qui s'intéressent exclusivement à ce que
le détenu leur demande »628(*). A l'inverse, le mode de fonctionnement du SMPR de
Lyon, qui n'hésite pas à intervenir en considérant que
« le consentement n'a de valeur que si le détenu est capable
de le donner »629(*), est jugé très
« sécurisant » par l'administration
pénitentiaire, tel que le souligne la directrice des prisons de Lyon.
Les principes éthiques des soignants varient cependant fortement d'un
service à un autre comme en témoigne la différence
entre les prisons de Lyon et un autre établissement:
« Le docteur Lamothe prend les détenus et
il gère après et pour la détention c'est très,
très sécurisant quelque part [...] Parfois, il les
médicalise et ça nous a très souvent sauvé quelques
situations très compliquées [...] Pour être admis au SMPR
de Loos, à l'époque, et je pense que c'est toujours comme
ça, il fallait que les détenus demandent leur a admission au
SMPR..C'était uniquement comme ça. »630(*)
Les réticences du personnel à intervenir dans
des cas de figure spécifiques (en détention, sans le consentement
du détenu) traduiraient, selon un membre de l'administration
pénitentiaire, une « position idéologique de
protection »631(*). Il s'agirait d'un moyen pour le personnel soignant,
de même que pour le respect du secret médical, d'affirmer une
identité professionnelle et de se démarquer ainsi avec le reste
du milieu carcéral. Ces stratégies identitaires peuvent cependant
déboucher sur l'incapacité des soignants à s'adapter au
milieu carcéral, au détriment des détenus :
« Certains psy nous disent "Nous, on ne travaille qu'avec le
consentement au soin il faut donc que les gens viennent nous voir" et bien ce
type-là n'a pas été vu et s'est suicidé et
ça pose quand même des questions »632(*).
La pratique médicale repose sur un certain nombre de
principes éthiques et thérapeutiques qui fondent une
démarche de soin. Celle-ci peut cependant s'avérer
inadaptée à la prise en charge des détenus. Les
consultations en matière psychologique constituent un bon exemple. Les
standards classiques de la psychologie font référence à un
entretien individuel et volontaire entre le patient et son thérapeute.
Les détenus sont cependant souvent réticents à
entreprendre une démarche qui nécessite un investissement
émotionnel important et un suivi dans le temps. Face à ces
difficultés, il semblerait que les positions des équipes
médicales divergent considérablement. L'Antenne toxicomanie a par
exemple tenté de s'adapter à ces difficultés en mettant en
place un groupe de sophrologie qui est désormais proposée aux
détenus réticents à initier une thérapie duelle.
D'autres activités plus accessibles aux détenus souffrants, tels
que des groupes d'écriture, ont été mises en place au
cours des dix dernières années afin d'adapter l'offre
thérapeutique aux besoins réels des détenus :
« On travaille beaucoup sur les comportements et on s'est rendu
compte des spécificités du milieu carcéral. Donc on a
souhaité donner aux détenus quelque chose qui puisse leur servire
à tout moment »633(*). D'autres équipes médicales semblent
en revanche beaucoup plus réticentes à développer ces
outils qui sont considérés comme ne relevant pas d'une
démarche de soin classique. Il est difficile de savoir dans quel sens la
réforme de 1994 fera évoluer les choses mais il semblerait que le
personnel hospitalier ne soit pas familier avec ce type de démarche de
soin634(*) :
« L'idée de la loi c'est pour essayer de
mettre en place des outils diversifiés et en matière psy, il y a
des équipes qui le font car il y a une prise en charge collective avec
des groupes de paroles [...] J'ai une équipe psy archaïque qui ne
démord pas de sa conception alors que j'ai un établissement pour
peine où il y a des actions de groupe. »635(*)
La loi du 18 janvier 1994 a considérablement
affecté les relations entre les acteurs sanitaires et
pénitentiaires. L'autonomie statutaire conférée aux
soignants a renforcé, dans un premier temps en tout cas, le
cloisonnement des personnels en dressant une délimitation nette entre
les activités de soin et de garde. Le système d'opposition entre
soignants et surveillants s'en est trouvé renforcé, chacun se
recentrant sur ses compétences propres. Le renouveau de l'éthique
soignante en milieu carcéral, désormais plus proche des standards
classiques de la pratique médicale, doit ainsi être
considérée comme un marqueur identitaire important du statut de
soignant. Les personnels sanitaires, désormais reconnu en tant que tels,
disposent d'une autonomie, qu'est venue renforcer l'arrivée de
personnels hospitaliers. Il semblerait que ceux-ci n'échappent pas pour
autant aux contraintes de l'institution pénitentiaire qui s'imposent
aussi bien aux personnels de surveillance que sanitaires. L'autonomie
statutaire des soignants n'implique pas pour autant une autonomie
fonctionnelle. La prise en charge des détenus est un acte global qui
implique la participation de l'ensemble des professionnels intervenant en
détention. La tentative d'établir une prise en charge strictement
sanitaire, à l'image de celle qui a lieu en milieu libre va ainsi
déboucher sur de nombreuses contradictions.
CHAPITRE 4 : UNE PRISE EN
CHARGE SANITAIRE DES DETENUS INCONCILIABLE AVEC LES EXIGENCES CARCERALES
La loi du 18 janvier 1994 visait à assurer une prise en
charge des détenus similaire à celle de n'importe quel autre
patient, dans laquelle les critères de santé publique seraient
toujours prépondérants sur les exigences de
sécurité propres à la logique carcérale. La prison,
« institution totale », répond cependant à
des règles de fonctionnement qui peuvent se heurter à la
démarche thérapeutique des soignants. Celle-ci suppose une prise
en charge globale à travers laquelle le statut de patient prime
constamment sur celui de détenu. La contradiction entre les
réquisits soignants et les spécificités du milieu
carcéral vont être particulièrement visibles à
travers certains moments, tels que les transferts ou les hospitalisations,
ainsi qu'à l'occasion de la lutte contre l'épidémie de
Sida, face à laquelle la politique de santé publique qui a permis
de mettre fin à ce fléau va révéler de nombreuses
contradictions.
1 L'accentuation des rapports
d'opposition et de concurrence
La médecine pénitentiaire se
caractérisait auparavant par un émiettement très
important : les différents soignants se juxtaposaient sans qu'aucun
lien n'existe entre eux. Les personnels médicaux demeuraient en outre
soumis à l'administration pénitentiaire en raison de leur
subordination statutaire à l'établissement dans lequel ils
intervenaient. La réforme de 1994 en France et de 1999 en Italie ont
profondément bouleversé l'organisation des soins auprès
des détenus en permettant la reconnaissance d'une autorité
sanitaire autonome. Cette modification était censée permettre une
homogénéisation et une coordination des soignants, d'une part, et
le meilleur respect du principe de soin sur le principe de garde lors de la
prise en charge du patient-détenu, d'autre part. L'intégration du
nouveau dispositif de prise en charge au sein de l'ancien système est
toutefois problématique en raison de la logique de concurrence qui
s'établit parfois entre les soignants.
1.1
La fragmentation du nouveau dispositif sanitaire
La réforme de l'organisation des soins ne fait pas, en
France ou en Italie, table rase de l'ancien dispositif mais inaugure
l'intervention de nouveaux soignants au côté du personnel qui y
travaillait auparavant, aboutissant souvent à une dualité de la
prise en charge. C'est ainsi qu'en France les personnels hospitaliers, qui ont
la responsabilité du soin somatique, juxtaposent le personnel des
équipes psychiatriques. De même en Italie, où les soignants
des services de soin aux toxicomanes (Sert) coexistent désormais, en
l'absence d'un transfert de l'intégralité du personnel au
ministère de la Santé, avec les médecins
pénitentiaires de l'ancien dispositif. L'arrivée d'une nouveaux
intervenants est dès lors souvent perçue par les
précédents soignants comme une intrusion sur leur territoire.
1.1.a Un rapport conflictuel entre le somatique et le
psychiatrique au sein des prisons françaises
La prise en charge des détenus dépend depuis la
réforme de 1994 de deux structures distinctes : les UCSA pour le
somatique et les SMPR pour les problèmes de psychiatrie636(*). Bien que leur champ de
compétence soit distinct, les problèmes de santé en milieu
carcéral sont complexes et nécessitent souvent une double
intervention du somatique et du psychiatrique637(*). L'appartenance des soignants de l'UCSA et du SMPR
à la fonction publique hospitalière, qui partage une culture
commune, devait faciliter la collaboration entre les deux personnels, ce qui
semble être le cas comme en témoigne le responsable du SMPR :
« Ça a provoqué un énorme changement. Tout
d'abord parce que tout le monde à la culture hospitalière.
Médecins et infirmières, tout le monde est passé dans le
giron de l'hôpital et donc tout le monde étant hospitaliers, les
personnels ont la même logique »638(*). Pourtant, la transmission
d'informations entre les deux services est, la plupart du temps,
défaillante. L'existence de véritables dossiers médicaux
communs ou de réunions entre le SMPR et l'UCSA est, comme le remarque un
rapport IGAS-IGSJ, très peu répandue639(*). L'absence de concertation
entre les équipes somatiques et psychiatriques est préjudiciable
à une prise en charge globale des patients et peut être à
l'origine de nombreux problèmes tels que la non distribution des
médicaments, l'absence de continuité des soins ou encore des
interférences médicamenteuses640(*). Cela ne semble toutefois pas le cas des prisons de
Lyon où la collaboration entre les deux services est jugée
très satisfaisante par un médecin de l'UCSA :
« À Lyon, ça fonctionne bien. On se voit souvent.
On a des réunions. Pour la distribution de médicaments, les
infirmières de l'UCSA distribuent les médicaments et même
des psychotropes qui sont prescrits par des psychiatres »641(*). Un psychiatre
considère de même que les médecins somatiques et
psychiatriques disposent d'une même mission et travaillent plein
collaboration, n'hésitant pas à se relayer dans les traitements
prescrits642(*). Il
apparaît cependant que l'articulation entre les personnels s'effectue
davantage par le biais de relations informelles, le plus souvent
téléphoniques, que par la gestion d'un dossier médical
insuffisamment utilisé ou des temps de travail communs :
« Je pense qu'il vaut mieux avoir un système plus souple moins
formel, où on se téléphone entre médecins quand il
y a un problème »643(*). Les réunions communes entre les personnels
demeurent rares644(*),
et la coordination entre les deux services lyonnais, qui semble satisfaisante,
s'effectue davantage par la relation entre leurs dirigeants que par un travail
commun entre les équipes soignantes645(*) :
« Je sais qu'ils fonctionnent tous les deux de
façon autonome, il n'y a pas de dossier médical commun [...] Ce
qui fait que l'articulation à travers le dossier médical n'est
pas terrible [....] Il n'y a pas non plus vraiment de temps commun, ce sont
surtout des rencontres informelles.»646(*)
Les difficultés de coordination des deux personnels
sont parfois accentuées dans certains établissements en raison de
la double convention qui existe entre la prison, le Centre hospitalier et le
Centre hospitalier psychiatrique. Ce dispositif est souvent nuisible à
la collaboration entre les deux services. Faute d'un responsable commun, les
prises de position du somatique et du psychiatrique sont parfois divergentes ce
qui engendre des blocages dans l'organisation des soins comme c'est le cas pour
l'organisation des temps infirmiers ou la distribution des médicaments.
Le fonctionnement des établissements pénitentiaires ayant
signés une seule convention serait préférable selon la
responsable de l'action sanitaire de la Direction régionale des services
pénitentiaires :
« Et sur la majorité de nos sites, on a
souvent affaire à deux hôpitaux. Et c'est quelque chose qui
demande à être clarifié davantage par la loi car ça
soulève des questions par exemple au niveau de la responsabilité
[...] Donc, c'est très gênant au niveau de la mise en place des
politiques car on sent bien encore que entre le secteur psychiatrique et le
secteur somatique, il y a une séparation [...] On a deux ou trois sites
où on n'a qu'un seul hôpital avec lequel on travaille et c'est
beaucoup plus facile parce que le service de médecine
pénitentiaire est rattaché à un seul chef de
service. »647(*)
La loi du 18 janvier 1994 devait permettre une meilleure
collaboration entre les services de médecine somatique et psychiatrique
intervenant en prison par la présence d'une culture commune. Il
apparaît toutefois que les deux services ont parfois des
réticences à travailler ensemble. Ces difficultés
s'expliqueraient avant tout par une méfiance réciproque entre les
personnels du SMPR et de l'UCSA comme le suggère la mission IGAS-IGSJ
qui évoque une « culture du secret » au sujet du
maintien de dossiers médicaux séparés648(*). L'arrivée d'un
nouveau personnel hospitalier, dont la culture soignante ne coïncide pas
avec celle du personnel psychiatrique, a peut-être été
à l'origine d'une rivalité entre les deux services. L'absence de
démarcation nette entre les troubles somatiques et les troubles
psychiatriques serait à l'origine d'une lutte pour la reconnaissance
entre les structures à travers laquelle chacun tente de se
démarquer649(*).
Cette logique de territoire, peu présente auparavant (la médecine
pénitentiaire ne disposait pas des moyens en personnels et en
équipement dont disposent aujourd'hui les UCSA), aurait
été réactivée par la réforme de 1994. Elle
demeure cependant beaucoup moins marquée qu'en Italie où la
juxtaposition de l'ancienne médecine pénitentiaire et du nouveau
dispositif est à l'origine de blocages.
1.1.b Une coupure radicale entre les services soignants
italiens
La réforme italienne de 1999 a permis
l'émergence en milieu carcéral des premières structures
sanitaires non-pénitentiaires qui sont rattachées au Servizio
sanitario nazionale par le biais des ASL. La coopération entre les
différents personnels apparaît extrêmement faible en Italie
vis-à-vis de la situation française. La gestion du dossier
médical pose de nombreux problèmes. Un médecin de Rebbibia
remarque que le dossier est toujours double, souvent triple et parfois
quadruple et que l'échange d'information avec les médecins
relevant de l'administration pénitentiaire est
quasi-inexistant650(*).
La gestion du dossier médical est en revanche moins problématique
à Regina-Coeli où le personnel du Sert remplit
indifféremment les deux dossiers (pénitentiaire et Sert) afin
d'assurer la continuité de la prise en charge entre les deux
équipes651(*). Le
principal problème demeure cependant la transmission du dossier
médical en cas de transfert d'une prison à une autre :
« Le problème c'est qu'un détenu qui est
transféré de Regina Coeli à Rebbibia comme cela arrive
fréquemment ne porte avec lui son dossier médical. Parce qu'il
s'agit de deux personnels différents».652(*)
Les contacts entre les personnels soignants sont en outre
très peu développés. A Rebbibia, des réunions se
déroulent de façon mensuelle entre les psychologues de
l'administration pénitentiaire et les psychologues du Sert. Il ne s'agit
toutefois pas d'un groupe de travail proprement dit mais seulement d'une
réunion afin de répartir le suivi des détenus entre tous
les psychologues653(*).
Les relations entre médecins sont en revanche inexistantes, voire
très hostiles. C'est le cas par exemple à Regina Coeli depuis de
l'intervention du Sert il y a deux ans à l'occasion de laquelle un
conflit s'est engagé entre médecins au sujet du contrôle
des thérapies, chacun tentant de s'attribuer le monopole des
prescriptions médicales :
« Nous avons reçu beaucoup de pressions
de la part des médecins pénitentiaires et la bataille fut longue.
Comme ce sont eux qui distribuent les traitements que nous prescrivons
concernant les thérapies psychiatriques comme les
antidépresseurs, ils demeurent les autorités suprêmes de
chaque section pénitentiaire. Ils peuvent nous donner des indications
dans les traitements à prescrire et si les traitements ne leur
convenaient pas alors ils les supprimaient et mettaient fin eux-mêmes
à la thérapie [...] Nous sommes parvenus à faire admettre
que nous étions complètement libres de choisir la thérapie
qui nous semblait la plus adaptée en matière psychiatrique et que
les médecins pénitentiaires de section ne peuvent prescrire que
les médicaments de médecine
générale. »654(*)
Enfin, il semblerait que la collaboration soit assez faible
entre les Serts eux-mêmes. Ceci est le cas pour le Sert de Rebbibia qui
constitue une structure autonome mais aussi pour le Sert de Regina Coeli
notamment en raison de l'absence de cadres dirigeants pouvant assurer la
coordination entre les deux structures, comme le souligne son
responsable : « Le personnel est vraiment coupé entre les
deux Sert et il y a assez peu d'échanges. Nous avons vraiment des
problèmes à établir le lien entre le Sert situé
dans Regina Coeli et le Sert situé à l'extérieur
»655(*). Le fait
que le Sert de Rebbibia soit interne à la prison semble en revanche
faciliter les relations entre les soignants et les acteurs soignants
extérieurs. C'est le cas par exemple pour les communautés
thérapeutiques ou encore pour les services sanitaires publics
extérieurs tel que le bureau d'action « Sida » de la
ville de Rome. Le Sert joue alors un rôle d'interface avec l'institution
carcérale qui n'existait pas auparavant.
« C'est beaucoup plus difficile de travailler
avec Regina Coeli. Et on se trouve beaucoup mieux pour travailler avec Rebbibia
car là bas le Sert est beaucoup plus actif.»656(*)
« Les relations sont pour nous beaucoup plus facile
avec Rebbibia que Regina Coeli car le Sert de Rebbibia nous sert d'interface
dans nos relations avec la prison. Nous avons pour ainsi dire des rapports
privilégiés. Tandis qu'à Regina Coeli, le fait que le Sert
soit externe à la prison ne facilite pas les
rapports. »657(*)
La réforme de la médecine pénitentiaire
avait pour but d'apporter davantage de cohérence à la prise en
charge des détenus en unifiant le dispositif sanitaire. La mise en place
d'une collaboration entre les équipes somatiques et psychiatriques
demeure toutefois difficile en raison de la logique de concurrence qui s'est
parfois établi entre elles. Chaque groupe tend à se replier sur
ses prérogatives respectives restreignant toute possibilité de
discussion et de partenariat. L'externalisation de la fonction sanitaire laisse
irrésolues les questions relatives aux modalités de coordination
et de coopération nécessaire à établir entre les
différents professionnels convoqués autour de la question de la
santé de la population carcérale. Dominique Lhuilier remarque que
« la mise en place de la réforme pourrait, comme l'a
été en son temps l'introduction de la mission de
réinsertion, donner lieu à des juxtapositions de
différents services et catégories professionnels travaillant sans
lien fonctionnel entre eux»658(*). L'un des défis de la réforme de 1994
est dès lors de coordonner efficacement l'ensemble de l'action sanitaire
en milieu carcéral.
1.1.c Une coordination sanitaire insuffisante
La loi du 18 janvier 1994 attribue un rôle crucial aux
autorités de tutelle sanitaires, DDASS et DRASS, dans l'application des
protocoles hôpital-prison et la coordination entre, d'une part, les
administrations pénitentiaires et sanitaires et, d'autre part, les
structures sanitaires elles-mêmes. Cette fonction est attribuée en
particulier aux DRASS qui effectuent une coordination entre les UCSA. Celle-ci
concerne cependant surtout la répartition des budgets au sein de
l'Agence régionale d'hospitalisation et demeure marginale en
matière de coopération. Une première réunion entre
les personnels des UCSA a néanmoins été
réalisée en 2003 au niveau régional659(*). Elle fut l'occasion pour
les différents praticiens d'échanger des informations sur les
problèmes rencontrés et de développer ainsi une meilleure
connaissance des autres sites : « Je pense que ce dont souffrent les
intervenants en UCSA, c'est un manque d'échange entre eux [...] Et je
souhaiterais qu'il y ait des questions d'organisation du service qui soient le
thème de ces réunions »660(*). La mission de coordination
attribuée aux autorités sanitaires s'avère cependant
insuffisamment accomplie sur les prisons de Lyon. Elle ne constitue tout
d'abord qu'une faible partie du temps de travail des médecins
chargés de ce dossier. Le médecin-inspecteur de la DDASS du
Rhône, qui est également en charge de la psychiatrie et chef de
son service, regrette ne pouvoir y consacrer que 5 % de son temps tandis
qu'elle remarque que le poste n'est souvent pas attribué au sein des
autres départements : « Mais il faut dire que c'est un
petit sujet par rapport à nos préoccupations. Il y a même
des départements où il n'y a pas de médecin inspecteur qui
s'en occupe. Ou alors vraiment au lance-pierre. Et c'est un peu toujours la
dernière des priorités »661(*). C'est également le
cas du médecin de la DRASS Rhône-Alpes qui reconnaît que la
coordination de l'action sanitaire en prison ne représente pas sa
principale tâche : « Cette activité n'est pas
chiffrée dans ma fiche de poste et elle est donc laissée à
ma libre appréciation. Or, c'est vrai que j'ai d'autres missions comme
le suivi régional du programme de santé alcool, le suivi des
problèmes liés à l'interruption volontaire de grossesse
[...] Je pense que ça doit occuper moins de 10 % de mon emploi du
temps »662(*).
La médecine en milieu pénitentiaire, confiée aux
autorités sanitaires, ne semble pas constituer une priorité pour
les personnels DASS et des DRASS. C'est également le sentiment d'un
cadre de l'administration pénitentiaire qui déplore le manque
d'implication des services sanitaires déconcentrés et l'absence
d'un interlocuteur unique :
« Très souvent, il y a des
médecins inspecteurs de santé publique des DDASS qui ne
connaissent pas la loi de 1994 [...] Pour la DDASS, la santé en milieu
carcéral est vraiment très souvent sur un coin de bureau [...] On
manque d'un interlocuteur unique avec une vision globale sur l'ensemble de la
santé en milieu carcéral. [...] Dans les DDASS où les
DRASS, tout est séparé. Donc il n'y a personne qui ait une
lecture globale.»663(*)
Le manque d'investissement, la structuration
particulière des organigrammes des autorités sanitaires
déconcentrées664(*) et l'absence de collaboration entre les DDASS
elles-mêmes665(*)
rendent difficile une approche globale des problèmes de santé en
milieu carcéral. Le rôle joué par l'ARH ou la direction des
Hospices civils de Lyon semble également insuffisante. L'absence de
coordination se traduirait par une mauvaise circulation de l'information entre
les équipes médicales des UCSA. Celles-ci sont souvent tenus
à l'écart des modifications de la législation rendant
ainsi impossible la mise en place d'une politique de santé au niveau
national. L'administration pénitentiaire serait contrainte de se
substituer au rôle des autorités sanitaires ou de la direction
hospitalière en transmettant l'information à leur place. Ce
problème traduit avant tout l'émiettement des UCSA,
insuffisamment rattachées au reste du système sanitaire, et la
différence structurelle importante qui existe entre l'organisation
pénitentiaire très hiérarchisée et le dispositif de
santé implanté en milieu carcéral qui demeure
fragmenté :
« Nous dans l'administration
pénitentiaire, on est très hiérarchisé [...] Donc
si vous voulez, chez nous, l'information redescend et remonte assez vite.
Côté direction hospitalière [...] l'information circule
très mal [...] Il y a pourtant eu une circulaire
interministérielle sur la prévention du suicide en milieu
carcéral. Combien de praticiens exerçant dans les UCSA l'ont
reçue par leurs propres institutions ? C'est nous qui donnons les
circulaires et qui sont pourtant des circulaires Santé et
Justice. »666(*)
La réforme de 1994 aurait du faciliter la coordination
entre les équipes médicales des UCSA, permettant ainsi aux
personnels hospitaliers de promouvoir une culture médicale en milieu
pénitentiaire qui leur soit spécifique. Cet objectif semble
toutefois difficile à atteindre667(*). Des problèmes similaires existent en Italie
où la collaboration entre les Serts reste marginale668(*). Une seconde coupure existe
cependant à Rome entre les services de soin aux toxicomanes intervenant
en prison, qui seront à terme responsables de l'ensemble de la prise en
charge de la santé en milieu carcéral, et le reste des autres
intervenants. C'est le cas par exemple avec les services territoriaux
municipaux ou les communautés thérapeutiques et les associations
qui ont une place essentielle en Italie. Cette seconde coupure s'explique
peut-être par la difficulté persistante « à faire
dialoguer un organisme public avec un organisme
privé »669(*). Une expérience intéressante de
coordination entre les services sanitaires a en revanche été
réalisée par la ville de Rome. Pour répondre à
l'absence de politique de l'Assessorato aux services sociaux670(*), le conseil municipal a
institué un organisme spécifique : la Consulta
penitenziaria. L'Organe consultatif pénitentiaire permanent de la
ville de Rome est, comme l'explique son président, un instrument
à vocation consultatif dont s'est doté la municipalité il
y a trois ans et qui est composé de 80 organisations qui sont pour la
plupart présentes au niveau national. La Consulta intervient
dans plusieurs domaines, dont la santé, et permet aux différents
intervenants (associatifs, publics, communautés thérapeutiques)
de se rencontrer afin de mieux travailler ensemble671(*) :
« On s'est rendu compte que les interventions en
prison sont des interventions temporaires, parcellaires et qui souvent
étaient plus basées sur la bonne volonté de quelques
associations et pas d'un projet planifié [...] Il s'agit de projeter des
interventions à partir de cette analyse des besoins de manière
à ce que les fonds des institutions locales, communes, provincie et
régions, investissent sur la prison soient
programmés. »672(*)
La réforme de la santé en milieu carcéral
devait apporter une cohérence de la prise en charge des détenus
qui faisait auparavant défaut à la médecine
pénitentiaire. Il semblerait toutefois qu'elle ait accentué dans
un premier temps l'émiettement du dispositif sanitaire en opposant les
anciens intervenants aux nouveaux. L'arrivée de personnels soignants
extérieurs au milieu carcéral aurait été
perçue comme une intrusion sur le territoire des professionnels de la
médecine pénitentiaire. Ce décloisonnement était
néanmoins justifié par la nécessité
d'améliorer la prise en charge du détenu entre l'intérieur
et l'extérieur afin de faciliter la continuité des soins ou les
relations avec l'établissement hospitalier. Cette ouverture du
dispositif sanitaire va cependant accentuer les difficultés à
concilier des exigences souvent contradictoires.
1.2
La prise en charge des détenus ou la conciliation d'exigences
contradictoires
L'intervention d'un personnel sanitaire, statutairement
autonome de l'administration pénitentiaire, a été
perçue comme le moyen d'assurer une prise en charge des détenus
équivalente à celle de n'importe quel patient. La vie d'un
l'établissement carcéral est cependant soumis à de
nombreuses autres exigences qui peuvent parfois aller à l'encontre du
soin. Le personnel soignant est alors soumis à une double série
d'exigences contradictoires dont la conciliation apparaît impossible.
1.2.a Une continuité des soins problématique
La réforme de 1994 a fait de la continuité des
soins l'un de ses enjeux majeurs. Il revient aux UCSA de l'assurer en toutes
circonstances : à l'entrée en détention pour les
détenus déclarant suivre un traitement ou porteurs de
médicaments, à l'occasion d'un transfert avec un nouvel
établissement pénitentiaire et au moment de la libération.
Malgré la création de véritables équipes
médicales hospitalières, la continuité des soins demeure
difficile. Les transferts entre établissements pénitentiaires
sont souvent l'occasion de conflits ou de frustrations entre le personnel
sanitaire et le personnel de surveillance. La difficulté des UCSA
à communiquer des informations médicales à l'escorte fait
écho aux réticences de l'administration pénitentiaire
à informer le personnel soignant sur les transferts673(*). N'apprenant le
départ du détenu qu'une fois le fait accompli, le personnel
médical est alors contraint d'annuler les soins programmés
auparavant674(*). Un
rapport IGAS-IGSJ remarque que la pratique des transferts successifs de
détenus entre établissements pénitentiaires est
généralement dénoncée par les médecins parce
qu'elle limite toute prise en charge au long cours, que ce soit sur le plan
somatique ou psychiatrique675(*). Les transferts sont également à
l'origine de problèmes dans le suivi du traitement. Un avis de 1998 du
Conseil national du Sida (CNS) intitulé « Traitements à
l'épreuve de l'interpellation » attirait l'attention sur les
lacunes du système judiciaire en matière de continuité des
traitements antirétroviraux et de substitution. Il n'est pas rare que
dans de telles circonstances, une personne se trouve dans
l'impossibilité totale de poursuivre un traitement qui lui a
été prescrit ce qui compromet son efficacité676(*). Ceci ne semble en revanche
pas le cas pour les prisons de Lyon où la transmission du dossier
médical est systématique et permet le suivi du patient677(*).
Au-delà des aspects purement médicaux, il
semblerait que les critiques faites par les soignants à l'administration
pénitentiaire dans de telles situations témoignent du rapport de
conflictualité qui existe entre les deux personnels. Bruno Milly
remarque que les transferts constituent une situation critique qui remet en
cause l'autonomie les professionnels de santé intervenant en
prison678(*). Ces
transferts manifestent les contraintes propres au milieu carcéral et
rappellent aux soignants la puissance de l'administration pénitentiaire
et les limites de leur liberté d'exercice. Les oppositions qui sont
révélées à ces occasions traduisent un repli
identitaire de chaque personnel sur ses prérogatives respectives. Les
soignants disposent d'un monopole de l'information médicale, rarement
partagée, tandis que les membres de l'administration
pénitentiaire exercent un contrôle sur les actes de la vie
judiciaire dont est exclu le personnel sanitaire.
Le second moment critique de la vie pénale d'un
détenu qui marque souvent un terme à la prestation des soins est
la sortie de prison. Il s'agit pourtant également de l'un des objectifs
de la loi du 18 janvier 1994. La mise en place d'une équipe
hospitalière ayant des liens étroits avec les structures
soignantes situées à l'extérieur devrait permettre une
meilleure continuité des soins après la sortie de prison. Il
semblerait que la réforme de 1994 ait en partie permis de rejoindre cet
objectif. La continuité des soins en matière de traitement de
substitution ou d'antrirétroviraux semble le plus souvent
respectée mis à part lors de réticences du
patient679(*) :
« Le problème c'est quand les gens ne veulent pas donner le
nom de leur médecin traitant car ils veulent pas qu'on sache qu'ils ont
été en prison [...] Il n'y a pas de possibilité de
suivi »680(*).
Toutefois, certains problèmes relationnels entre l'administration
pénitentiaire, notamment les SPIP qui ont la responsabilité du
suivi et de la réinsertion du détenu, et le personnel
médical qui est parfois informé trop tardivement de la sortie
d'un détenu compromettent le suivi thérapeutique681(*). En outre, même si le
suivi des soins initiés se poursuit, la continuité d'une prise en
charge globale est en revanche plus difficile à réaliser. La
volonté de rompre l'expérience carcérale constitue souvent
un obstacle comme c'est le cas notamment en matière de suivi
psychologique : « Il y a des gens que je suivais très
régulièrement et je me disais : `tiens j'ai un pôle de
consultation en ville et donc on va pouvoir poursuivre'. Mais non ! Le
dedans, c'est le dedans. Le dehors, c'est le dehors »682(*). Soucieux de rompre avec
leur passé carcéral, les détenus sont réticents
à être suivis par les mêmes soignants. La réforme de
1994 qui prévoyait un suivi par le biais du système hospitalier
semble peu approprié en raison de la méfiance qu'ont les
détenus à l'égard des administrations qui rend difficile
leur prise en charge par le service public hospitalier. Les associations
semblent en revanche beaucoup plus adaptées pour le suivi de personnes
socialement et psychologiquement fragilisées :
« Les détenus sont tellement
fragilisés quand ils sortent, ils se laissent beaucoup prendre en charge
par le milieu associatif et c'est là que tout se passe. Ils n'ont pas
trop envie de fréquenter les administrations.»683(*)
La réforme de 1994 était censée favoriser
la coexistence d'une logique de soin avec les contraintes de la vie
carcérale et permettre ainsi une meilleure continuité
thérapeutique. Elle semble à l'inverse avoir contribué
à accentuer le système d'opposition entre le soin et la garde.
Celui-ci est particulièrement manifeste à l'occasion des
extractions médicales qui sont l'objet d'arbitrages entre les exigences
hospitalières et pénitentiaires que doit concilier le personnel
sanitaire intervenant en prison.
1.2.b Les extractions médicales : un
système de contraintes inconciliable
Les transferts des détenus vers l'hôpital,
appelés « extractions médicales »,
constituent une procédure difficile à mettre en oeuvre car ils
nécessitent la coordination de trois administrations différentes
: celles de l'établissement pénitentiaire, de l'hôpital et
du personnel soignant. Les extractions ont ainsi toujours donné lieu
à des rivalités entre les personnels pénitentiaires et
médicaux. En adoptant la réforme de 1994, le législateur
pensait résoudre le problème des extractions médicales.
L'amélioration de la qualité des soins fournis en milieu
carcéral aurait permis, comme le pensait le Haut comité national
en santé publique en 1993, de réduire les transferts vers les
hôpitaux684(*). Le
résultat de la réforme fut cependant inverse puisque le nombre
d'extractions médicales n'a pas cessé d'augmenter
depuis685(*). Le recours
à un plateau technique plus développé aurait
engendré une augmentation prévisible des transferts vers
l'hôpital, l'offre créant la demande686(*). Cette augmentation est le
plus souvent mal perçue de la part de l'administration
pénitentiaire qui considère que l'UCSA ne gère pas
suffisamment les soins des détenus et développerait une vision
« luxueuse» de leur santé en recourant de façon
excessive à l'hôpital687(*) :
« La loi avait au départ pour objectif de
réduire les extractions médicales et de réduire les
sorties de détenus [...] Or ça n'est pas ce qui s'est
passé puisqu'on a assisté à une explosion des extractions
médicales [...] L'offre créée la demande, comme à
l'extérieur, donc on a beaucoup d'extractions médicales. Ce qui a
des répercussions sur notre fonctionnement. »688(*)
La loi de 1994 ne semble pas avoir amélioré
à court terme les conditions de consultation en milieu hospitalier
puisque le nombre de demandes est en augmentation constante tandis que les
hôpitaux demeurent réticents à recevoir dans leurs services
des patients détenus qui font souvent mauvaise impression aux autres
patients, provoquant ainsi un allongement des délais d'attente689(*). Ces difficultés ont
mis le problème des extractions médicales au premier plan. En cas
d'impossibilité d'organiser un transfert vers l'hôpital, qui ne
propose que des plages horaires réduites pour les détenus, la
consultation est alors annulée, ce qui est ressenti par le service
hospitalier comme une gêne supplémentaire. Les extractions
médicales donnent souvent lieu à des affrontements ouverts entre
personnels. A ces problèmes d'organisation, s'ajoute un problème
de compétence entre l'administration pénitentiaire et les
services de police ou de gendarmerie qui rend difficile l'organisation des
escortes ce qui perturbe le fonctionnement des extractions :
« Quand il n'y a pas d'escorte suffisante car il n'y a pas de
personnel pénitentiaire suffisant, on accompagne la consultation en
dernier lieu. Les hospitalisations de courte durée devraient se faire
par l'hôpital de rattachement et là aussi il faut une escorte, il
faut que le responsable de gendarmerie délègue une escorte, ce
qu'il ne fait pas toujours »690(*). Une solution fut cependant trouvée à
Lyon par la mise en place d'une escorte-hôpital spécifiquement
attribuée aux transferts médicaux bien que celle-ci ne semble pas
suffisante selon un médecin des UCSA de Lyon691(*).
Le déroulement des extractions médicales
s'effectue dans un cadre où les contraintes des milieux
pénitentiaire et hospitalier se cumulent. Le personnel de surveillance,
habitué à contrôler chaque déplacement qui a lieu en
prison, est à cette occasion dessaisi de l'un des actes de la vie
carcérale. Le contraste est d'ailleurs manifeste avec la situation
italienne où le personnel pénitentiaire reste le
« référent » des extractions médicales
notamment en cas d'hospitalisation non programmée692(*). Les soignants de l'UCSA
sont en revanche pris dans un double système de contraintes qui les
oblige à articuler les exigences hospitalières et
pénitentiaires. Ils se situent dans une position ambiguë dans
laquelle ils sont tenus pour responsable des retards hospitaliers mais
également des problèmes d'escorte. Les hospitalisations offrent
ainsi un aperçu du système de contraintes dans lequel doivent
travailler les personnels soignants :
« L'hôpital rechigne pas mal pour ces
consultations parce qu'il y a la police qui est avec eux, ça
entraîne des problèmes dans la salle d'attente [...] et ça
désorganise l'hôpital. Ils ne sont pas très contents parce
qu'eux aussi ils ont une liste d'attente et puis nous on est coincé
parce que [...] l'escorte ne peut emmener personne d'autre. Ces
difficultés de fonctionnement sont difficiles à expliquer
à l'hôpital. Nous, des fois, ça nous met la pression et
c'est pénible »693(*)
Les extractions médicales permettent de souligner la
difficulté à concilier les principes de garde de soin. La loi du
18 janvier 1994 a amplifié cette contradiction en situant le personnel
soignant de l'UCSA à l'intersection d'une double série de
contraintes, hospitalières et pénitentiaires. L'affrontement
entre le mode de fonctionnement hospitalier et les règles du
système carcéral donnent lieu à des situations
inconciliables comme en témoigne le déroulement des
hospitalisations.
1.2.c Une prise en charge hospitalière contradictoire
avec le statut de détenu
Mis à part les hospitalisations diurnes, les
problèmes de santé plus importants nécessitent
fréquemment l'hospitalisation du détenu pendant plusieurs jours.
Celles-ci avaient auparavant lieu à Lyon dans des chambres
spécifiques répartis entre les différents services. Les
praticiens hospitaliers étaient cependant réticents à
soigner des malades qui ne relevaient pas de leur spécialité et
le faible taux d'occupation de ces chambres constituait un manque à
gagner qui fut d'autant plus important lors de la rationalisation
budgétaire des établissements hospitaliers :
« Le milieu hospitalier est tout à fait
défavorable à cela. C'est comme pour la SNCF ou de temps en temps
on voit un détenu accompagné de deux gendarmes qui montent dans
le train, et bien ils voyagent dans un compartiment qui leur est
réservé et il y a trois personnes dans un compartiment de six
personnes et ça représente donc un manque à gagner pour la
SNCF. C'est à peu près la même chose pour
nous. »694(*)
Le milieu hospitalier classique apparaît peu propice au
soin des détenus. Les patients, même gravement malades ou en
fauteuil roulant, sont souvent entravés lors de leur hospitalisation
alors même que le personnel de l'escorte est présent, enfreignant
ainsi les principes de la déontologie médicale695(*). Ces dysfonctionnements ont
conduit à mettre en place une unité d'hospitalisation
spécifique pour détenus qui fut implantée à Lyon
Sud en 1985 : l'Unité d'hospitalisation sécurisée
inter-régionale (UHSIR). Le fonctionnement de cette unité, qui
doit concilier les exigences de garde et de soin, est très
spécifique. Elle répond tout d'abord à d'importantes
contraintes de sécurité plus ou moins bien acceptées par
le personnel696(*). Elle
dispose d'un personnel important, « surdimensionné »
au regard des normes hospitalières, en raison de l'impossibilité
pour le personnel de se faire remplacer par des soignants extérieurs
pour des raisons de sécurité697(*). En outre, l'UHSIR est contrainte de limiter
considérablement la durée d'hospitalisation, qui excède
rarement deux semaines, en raison des nouveaux critères
budgétaires hospitaliers imposent de réduire au minimum les
durées. Cette adaptation aux standards hospitaliers est cependant
difficile à respecter concernant la prise en charge des détenus
pour lesquels il n'existe pas d'alternatives à l'hospitalisation
(maisons de repos ou de rééducation)698(*) :
« La durée moyenne des séjours est
entre 10 et 11 jours, ce qui est bien sûr en décalage par rapport
à la durée moyenne de l'hôpital qui de cinq ou six jours.
En fait c'est un exploit [...] Il faut savoir par exemple que la durée
moyenne des séjours à Fresnes était de deux mois et demi!
Mais on ne peut pas faire ça en CHU, ça n'est pas possible. On
engendrerait alors des dépenses qui ne sont pas compatibles avec les
lignes de conduite d'un CHU [...] et qui en plus démarqueraient ces
unités du reste de fonctionnement de l'institution d'une façon
inévitablement préjudiciable. »699(*)
Les critères d'efficacité et de
compétitivité de l'institution hospitalière s'accordent
peu avec les besoins sanitaires de la population détenue700(*). En outre, les contraintes
de sécurité obligent les soignants à adopter une attitude
thérapeutique qui va à l'encontre du modèle standard de la
pratique médicale hospitalière701(*). Enfin, le service doit traiter toutes sortes de
pathologies et ne peut pas fonctionner de façon
spécialisée, contrairement au modèle d'organisation
hospitalier classique702(*). Le mode de fonctionnement de l'UHSIR de Lyon a
été étendu à l'ensemble du territoire
français par la loi du 18 janvier 1994, bien qu'un problème.
d'arbitrage entre les forces de police et de l'administration
pénitentiaire en matière de garde, qui est pour l'instant
assurée par la police, ait retardé le projet qui n'a
été arrêté qu'en août 2000703(*).
Les hospitalisations sont des procédures complexes
liées au double système de contraintes, hospitalières et
pénitentiaires, auxquelles elles doivent correspondre. Elles
nécessitent une bonne coopération des diverses administrations
dont les décisions sont interdépendantes704(*). Les soignants intervenant
en unité d'hospitalisation pour détenus sont également
soumis à plusieurs exigences de la part du personnel de surveillance
(portes fermées à clefs, anonymat, non-communication des
délais au patient) et de l'établissement hospitalier
(durée d'hospitalisation raccourcie, prise en compte des critères
soignants hospitaliers par souci de crédibilité du service). Le
respect de ces exigences, parfois contradictoires comme c'est le cas pour la
démarche soignante, contraint le personnel qui y travaille à
réaliser de nombreuses concessions.
Le patient demeure avant tout en prison un détenu.
Cette considération statutaire implique une subordination constante du
principe soignant aux exigences de sécurité. Les contraintes
qu'affronte le personnel sanitaire constituent de nombreux obstacles dans la
prise en charge des détenus qui est difficilement comparable à
celle de n'importe quel citoyen. La culture professionnelle soignante
apparaît parfois inadéquate aux règles de fonctionnement du
milieu carcéral, comme c'est le cas pour certains principes de la
déontologie médicale. La mise en équivalence entre le
milieu libre et la prison suppose de reconnaître la primauté du
statut de malade. C'est en partie ce qu'a rendu possible le Sida qui a
profondément renouvelé la représentation de la maladie en
prison ainsi que de sa prise en charge tout en soulignant les
difficultés à mettre en place en milieu carcéral une
politique de santé publique similaire à celle qui a permis de
terrasser l'épidémie.
2 Le Sida en prison : une
nouvelle conception de la maladie et de sa prise en charge
Le Sida est apparu au début des années
quatre-vingts comme un problème mal structuré auquel ont du
réagir les systèmes sanitaires. Ceux-ci ont progressivement mis
en place une politique de prise en charge de la maladie fondée
principalement sur la constitution d'un système de dépistage,
d'un réseau de surveillance épidémiologique ainsi que d'un
dispositif médico-social de traitement de la maladie. La politique de
traitement du Sida en milieu carcéral a été
élaboré selon un modèle similaire à celui qui fut
développé en milieu libre bien que plus tardivement. Le soin en
prison est toutefois très spécifique en raison des règles
de fonctionnement de l'institution pénitentiaire, d'une part, et de la
considération de la maladie, d'autre part. Ces
spécificités ne rendent t-elles pas difficile la mise en place
d'un dispositif de prise en charge du Sida équivalent à
celui qui fut développé dans le reste de la
société?
2.1
Avancées et limites d'une politique de décloisonnement
L'épidémie de Sida a très rapidement
permis de soulever la question de l'inadéquation de l'ancien dispositif
de prise en charge des détenus. La mise en place d'un système de
dépistage ou de soin de la maladie de qualité suffisante ont
alors rendu nécessaire l'intervention de nouveaux acteurs sanitaires,
externes à l'administration pénitentiaire, annonçant ainsi
les prémices d'une politique de décloisonnement qui aboutira
à la loi du 18 janvier 1994. Cette ouverture a, sans nul doute,
amélioré de façon considérable la prise en charge
du Sida en prison. Elle s'est toutefois heurtée à d'importantes
contraintes carcérales qui ont souligné les limites d'une
politique de santé publique en milieu pénitentiaire.
2.1.a Un dispositif de dépistage peu
approprié au milieu carcéral ?
Instrument permettant d'établir la distinction entre le
normal et le pathologique et de tracer ainsi une démarcation entre les
sujets sains et les sujets infectés, le dépistage du Sida a
constitué un élément clé des politiques de lutte
contre Sida. Il permet avant tout de rendre objectif une réalité
invisible705(*). Les
conditions de réalisation du dépistage ne sont pas fortuites,
elles ont été en Europe l'objet d'une forte controverse au cours
des années quatre-vingts qui reflétait les contextes politiques
nationaux mais traduisait aussi des conceptions divergentes de la santé
publique. Le dépistage est passé du statut d'outil médical
à celui d'objet politique706(*). Les polémiques apparues en 1985 sur les
conditions de réalisation du test (systématique ou non)
renvoyaient à deux conceptions distinctes de la santé
publique707(*). La
mobilisation d'acteurs associatifs et médicaux dans un contexte
politique polémique a permis à la conception la plus
libérale de s'imposer sans être depuis remise en cause708(*) : les principes du
volontariat et de l'anonymat ainsi que sa démarche préventive
font du dépistage un outil de santé publique709(*). Le dispositif de
dépistage du Sida en milieu carcéral a été
construit en référence au modèle élaboré en
milieu libre. Les premières circulaires décrivant les conditions
de réalisation du test en prison ont cependant été
très tardives710(*). Le dispositif actuel est organisé par une
circulaire de juin 1993 modifiée par la circulaire du 5 décembre
1996. Il prévoit l'intervention de Consultations de dépistages
anonymes et gratuits (CDAG) dans tous les établissements
pénitentiaires afin d'assurer aux personnes détenues
l'accès à un dépistage de l'infection VIH dans les
mêmes conditions qu'en milieu libre : pas de dépistage
obligatoire, une démarche d'éducation à la santé,
le respect de la confidentialité711(*). Ces trois principes cardinaux qui font l'objet d'un
consensus dans la plupart des pays européens semblent cependant
difficilement applicables en prison.
La philosophie du dispositif de dépistage du Sida en
prison privilégia tout d'abord l'intervention des Centres de
dépistage anonyme et gratuit (CDAG) afin de garantir l'anonymat. Le Haut
comité national de santé publique jugeait nécessaire en
1993 que le personnel médical, à l'époque
pénitentiaire, ne puisse pas avoir connaissance de la sérologie
d'un détenu sans son consentement712(*). La réforme de 1994 et la présence de
personnels hospitaliers autonomes en prison a cependant modifié la
situation d'autant plus que les lacunes du dispositif extérieur ont
été relevées à plusieurs reprises. Le rapport
établi par le professeur Gentilini a constaté en 1996 que
l'intervention des CDAG ne permettait pas toujours de respecter l'anonymat.
Clui-ci proposait alors une adaptation du système de dépistage en
prison en concluant que « ces structures ne sont pas adaptées au
milieu pénitentiaire où la consultation au CDAG loin de
protéger l'anonymat, expose le demandeur»713(*). Ces remarques ont
été reprises en 2001 par un rapport IGAS-IGSJ qui
considère qu'au regard de l'organisation de la vie carcérale, la
tenue d'une CDAG à des jours et des heures bien identifiés
aboutit à l'inverse du résultat recherché,
c'est-à-dire au non respect de la confidentialité. Le rapport
conclue par la nécessaire réforme du système afin de
« faire de l'UCSA le véritable pilote de la politique de
dépistage » et d'aboutir ainsi, pour reprendre les mots du
professeur Gentilini, à « un seul et même dispositif
cohérent »714(*). L'anonymat, difficile à respecter, pourrait
dans certaines occasions être contre-productif dans la prise en charge
des détenus et conviendrait peu au milieu carcéral.
Le second principe est celui du volontariat, le
dépistage obligatoire étant perçu comme un instrument
coercitif néfaste à la prévention. En effet, comme le note
Michel Setbon, l'instauration du dépistage systématique
accorderait une trop grande importance au repérage des personnes
infectées au détriment d'une véritable politique de
prévention715(*).
Le test constituerait davantage le levier d'une prise de conscience du risque
et de sa réduction qu'un outil de diagnostic de l'infection. La
circulaire du 17 mai 1989 rappelle ainsi que le dépistage obligatoire
à l'entrée en détention est exclu car inefficace et
excessivement coûteux. Elle incite cependant le corps médical
à proposer un test de dépistage « aux personnes mises sous
écrous et exposées à des risques d'infection compte-tenu
de leur toxicomanie ou de leur comportement sexuel ». Pourtant, comme le
rappelle Daniel Welzer-Lang, l'affirmation du caractère volontaire du
dépistage n'allait pas totalement de soi à l'époque
notamment pour la population carcérale716(*). Il semblerait aujourd'hui que ce principe fasse
l'objet d'une timide remise en cause. Certains médecins, auparavant
hostiles au dépistage obligatoire considéré comme une
mesure discriminatoire, y semblent désormais favorables. C'est le cas
par exemple du docteur Vasseur qui considère qu'il est nécessaire
de rendre le test « obligatoire pour les toxicomanes
opérant par voie intraveineuse »717(*). Cette remise en cause du
consensus qui existait auparavant repose sur le fait que le principe du
volontariat, fondamental en milieu libre, serait peu pertinent en milieu
carcéral718(*). Un médecin CDAG intervenant aux
prisons de Lyon, envisage le dépistage obligatoire des entrants comme
une éventualité, même s'il demeure incertain, en raison du
nouveau contexte thérapeutique :
« C'est vrai que ça peut se discuter
[...] Ça pourrait s'envisager car maintenant ce qui est différent
par rapport au début de l'épidémie, c'est qu'il y a des
traitements maintenant qui peuvent être efficaces pour ralentir et
même stopper l'infection [...] Autrefois, on n'avait pas de
possibilités et ça semblait un peu dur de faire des
dépistages pour ensuite dire qu'on ne pouvait rien y
faire. »719(*)
Enfin, l'accès au dépistage a pour
finalité de favoriser l'adoption de comportements de préventions
individuels afin de réduire les risques de contamination. Il s'agit d'un
acte médical conçu dans une démarche d'éducation
pour la santé720(*). Cet objectif est d'autant plus important en prison
où, comme le remarque un médecin CDAG, les individus sont
beaucoup moins bien informés sur le VIH et ses modes de transmission que
le reste de la population : « Selon mon impression, ce sont des
personnes qui n'ont jamais fait le test [...] Il y en a plusieurs qui ne savent
pas ce que c'est le VIH [...] Il s'agit d'une population qui est très
peu informée. Sur les modes de transmission par
exemple »721(*). Le rendu du test, même négatif,
constitue dès lors un moment important. Pourtant les conditions de
réalisation du test en prison permettent rarement de transmettre un
message de prévention comme c'est le cas à l'extérieur,
les consultations dépassant rarement dix minutes :
« -Et vous essayez d'avoir un rôle de
prévention vis-à-vis des pratiques notamment par rapport aux
toxicomanes et aux échanges de seringues?
-Oui. Bien sûr, oui... Dans la mesure du possible...
Dans la mesure où on a le temps... Ça c'est le problème
[...] Je dois en voir quelquefois une quinzaine en deux ou trois heures.
Ça va assez vite [...] On attend jusqu'à trois heures et demi
pour avoir tous les gens qui viennent en même temps. Donc après il
faut se dépêcher pour rendre les
résultats. »722(*)
Les résultats des tests ne sont d'ailleurs pas transmis
systématiquement dans certains établissements faute de temps. En
outre, la fragilité psychologique des détenus lors de leur mise
sous écrou peut les rendre peu réceptifs à
l'intégration d'un message de prévention723(*). Faire du dépistage
un acte de prévention constitue, selon Olivier Obrecht chef de service
de l'UCSA de la maison d'arrêt de Fleury Mérogis, un objectif
« hors de portée »724(*). Cet état de fait peut aboutir à des
conséquences inverses à l'objectif recherché. En effet,
Michel Setbon souligne que si un test de dépistage réalisé
dans des conditions adéquates ouvre de nouvelles perspectives en
matière de prévention, un test insuffisamment approfondi peut
inciter l'individu à poursuivre les mêmes comportements à
risque725(*).
Le dispositif de dépistage du VIH en prison a
été élaboré selon les standards classiques du test
qui forment un consensus en Europe. Le dépistage constitue un outil de
santé publique crucial dans les politiques de lutte contre le
Sida726(*). Le
triptyque, confidentialité, volontariat et démarche
préventive, semblent toutefois difficilement applicable en prison.
Certains principes, comme la confidentialité vis-à-vis de
l'équipe médicale, seraient même contre-productifs en
prison et sont remis en cause. Le milieu carcéral présente de
nombreuses spécificités qui rendent difficile un dépistage
adéquat des détenus ce qui restreint la mise en place d'un suivi
épidémiologique similaire à celui qui a été
réalisé dans le reste de la société.
2.1.b Les insuffisances du relevé
épidémiologique des maladies infectieuses en prison
Dénombrer les cas prévalant et incident d'une
maladie permet de la rendre visible. Tandis que les premiers cas de Sida ont
été identifiés au sein des prisons d'Ile de France en 1984
et que des publications scientifiques soulignent, dès 1987, la place du
VIH en milieu carcéral727(*), ce n'est qu'à partir de 1988 que
l'enquête menée à un jour donné en milieu
hospitalier sur l'infection par le VIH a été
réalisée en milieu pénitentiaire. Depuis cette date, elle
permet de suivre les évolutions des cas d'infection connus par les
services médicaux au sein de la population pénale728(*). Les résultats de
l'enquête « un jour donné »
établissent une première augmentation de la prévalence de
l'infection à VIH qui passe de 3,64% en 1988 à 5,79% en 1990,
suivie d'une nette diminution de la prévalence de l'infection à
VIH qui serait passée de 2,32% en 1995 à 1,2 % en 2000729(*). En revanche, tandis que le
relevé épidémiologique de la séroprévalence
en prison est pris en charge en France par le système sanitaire, il
relève en Italie de l'administration pénitentiaire. Les prisons
italiennes ont par ailleurs été beaucoup plus touchées par
l'épidémie de VIH qui atteint un pic maximal en valeur relative
au 31/12/1991 avec 9,73% des détenus730(*). Cette prévalence diminue progressivement au
cours des années quatre-vingt-dix pour se stabiliser autour de 3% en
2000. Les données épidémiologiques révèlent
aussi bien en France qu'en Italie, un lien important entre la toxicomanie par
voie intraveineuse et l'épidémie de VIH. En Italie, la
prévalence de la séropositivité chez les toxicomanes
incarcérés a toujours été supérieure
à 80%731(*). En
France, le rapport IGAS-IGSJ établi en 2001 remarque qu'il ressort
clairement que les usagers de drogues par voie intraveineuse
représentent la grande majorité des personnes infectées
parmi les personnes incarcérées732(*). L'incidence du VIH, c'est à dire le nombre
de nouveaux cas, serait assez faible actuellement sur les prisons de Lyon
où un seul cas séropositif a été identifié
durant le second semestre 2002733(*).
Il est important de prendre en compte les conditions dans
lesquelles sont réalisées ces enquêtes
épidémiologiques. Comme le signale le docteur M.Rotily, la mesure
de séroprévalence de l'infection à VIH soulève un
certain nombre de questions méthodologiques de recueil d'information en
milieu carcéral734(*). Le test de dépistage du VIH est
proposé soit de manière systématique, soit de
manière ciblée sur certains facteurs de risque, au premier titre
desquels la toxicomanie. Chaque établissement a ainsi une manière
propre de procéder en matière de dépistage. En
conséquence, les statistiques prennent comme homogène des
données dont les conditions de recueil sont en fait
hétérogènes : le dépistage peut être
proposé dans tel établissement à tous les entrants alors
qu'il ne l'est dans un autre qu'aux seuls toxicomanes. Plusieurs
conséquences découlent de cette absence
d'homogénéité. En premier lieu, les taux de
dépistage sont très variables d'un établissement à
un autre. C'est par exemple le cas en Italie où la part des
détenus dépistés peut varier de 0 à 100% selon la
propension des médecins pénitentiaires à proposer le test
aux arrivants : « La moyenne nationale de dépistage est
de 25 % mais ce chiffre est très variable d'une prison à une
autre puisque par exemple je connais une prison située vers Turin
où le taux est de 100 % tandis qu'il y a d'autres instituts où ce
taux approche 0 %. Il est de 18 % à Rebbibia [...] parce que certains
médecins sont encore réticents à le
proposer »735(*). On peut supposer que les taux de
séropositivité sont très certainement
sous-estimés736(*). Ils le sont d'ailleurs de plus en plus, selon
Welzer Lang, en raison de l'extension de l'épidémie chez les
hétérosexuels non toxicomanes qui ne sont pas encore
considérés comme une population ayant des pratiques à
risque. Ces détenus peuvent donc échapper au dépistage
lorsque celui-ci n'est proposé qu'aux seuls toxicomanes. D'autre part,
Michel Rotily indique qu'il existe un second biais dans le recueil des
données épidémiologiques. En effet, la plupart des
études réalisées à l'échelon national sont
menées par des Antennes toxicomanies pour l'INSERM. Celles-ci concluent
le plus souvent que 95 % des séropositifs incarcérés sont
dits toxicomanes. Ainsi, « les toxicomanes apparaîtront comme le
groupe de quasi exclusifs concernés par le Sida dans les prisons
françaises tant qu'ils seront les seules dans certains
établissements à se voir proposer un dépistage. Ces biais
[...] constituent des indicateurs de la représentation (au sens d'image
mentale) du Sida et de la sexualité dans l'univers carcéral. La
toxicomanie constitue une forme de phénomène écran
permettant de limiter le domaine de validité de la question du Sida en
se dispensant un regard et d'une réflexion trop attentive sur la
sexualité »737(*).
Tandis que l'épidémie de VIH semble sous
contrôle au sein des prisons françaises et italiennes, un second
fléau longtemps sous-estimé s'abat en milieu
carcéral : les hépatites. Cette infection, très
présente chez les toxicomanes par voie-intraveineuse, a longtemps
été considérée comme un « incident de
parcours » de la toxicomanie dont elle serait un stigmate
logique738(*). Cette
« maladie qui n'en est pas une » est pourtant
sur-représentée en milieu carcéral depuis les
années quatre-vingts739(*). Le rapport Gentilini mettait en garde les pouvoirs
publics en 1996 contre l'hépatite B qui atteignait parfois 80 % des
détenus toxicomanes par voie intraveineuse
incarcérés740(*). Malgré les circulaires établies en
1997 et 1999, le rapport IGAS-IGSJ de 2001 relève que le
dépistage des hépatites est insuffisamment
développé741(*) et estime qu'au regard des estimations de
prévalence de l'hépatite C dans la population pénale, une
stratégie plus offensive de dépistage constitue un
« enjeu de santé publique majeur ».
Les contraintes du milieu carcéral rendent la mise en
place d'un réseau de surveillance épidémiologique du Sida
très difficilement réalisable. Ce sont peut-être ces
difficultés qui expliquent le retard de l'administration
pénitentiaire face à l'épidémie. Celle-ci a
pourtant rapidement rendu nécessaire l'établissement d'un
dispositif de prise en charge médico-social équivalent à
celui du milieu libre.
2.1.c Les insuffisances de la prise en charge
médico-sociale des détenus séropositifs
La prise en charge des personnes séropositives a
marqué le premier mouvement d'ouverture de la prison aux intervenants
extérieurs742(*).
En effet, huit établissements pénitentiaires
particulièrement concernés par le Sida ont conclu en avril 1989
des conventions avec un Centre d'information et de soins de
l'immunodéficience humaine (CISIH) qui ont pour mission la prise en
charge globale des patients atteints par le VIH743(*). L'instauration de ces
services a permis une amélioration de la prise en charge tout en
limitant le nombre d'hospitalisations pour les pathologies liées au VIH
et limitant également les extractions. En Italie, des conventions ont
été réalisées avec des hôpitaux tandis que le
ministère de la Justice a institué quatre Centri Clinici
penitenziari (à Milan, Naples, Rome et Gênes) destinés
à accueillir les détenus sidéens ou en phase
avancée de maladie744(*).
Une enquête de la Direction des hôpitaux
réalisée en décembre 1997 sur les traitements
antrirétroviraux en milieu pénitentiaire considère que la
prise en charge médicale des séropositifs est
« satisfaisante »745(*). Malgré une amélioration globale de la
prise en charge, des problèmes subsistent. Tout d'abord, même si
toutes les molécules antitérovirales sont disponibles en prison,
les personnes en échappement ne peuvent pas bénéficier des
essais, en raison de l'éthique médicale qui limite fortement les
expérimentations sur les détenus746(*). Le suivi
thérapeutique d'un patient séropositif demeure, ensuite, un
processus difficile au cours duquel les contraintes du milieu carcéral
peuvent avoir de nombreuses répercussions747(*). La continuité des
traitements n'est enfin pas toujours respectée comme l'a mis en
évidence le rapport du Conseil national du Sida en France748(*). Ces problèmes
semblent davantage présents dans les prisons italiennes où, comme
c'est le cas à Rebbibia, le manque de fonds suffisants et le
régime de détention imposent des interruptions de traitement dans
près de sept cas sur dix :
« Le principal problème c'est qu'il n'y a
pas assez d'argent pour l'achat des médicaments ce qui entraîne
souvent des interruptions de traitement. Et le problème c'est que
lorsqu'un détenu arrive en prison avec son traitement, ses
médicaments sont considérés comme des stupéfiants
et lui sont donc retirés [...] On a remarqué que dans sept cas
sur dix on vérifie une interruption de traitement qui a une durée
variable entre une et vingt heures. »749(*)
Un second problème, plus spécifique aux prisons
italiennes, semble être l'absence de structures sanitaires
spécifiques pour la prise en charge des détenus
séropositifs bien que certains établissements italiens aient mis
en place des unités de soin propres aux détenus
sidéens750(*).
Les Serts, désormais responsables de la prise en charge des
détenus toxicomanes, tendent en outre à ne pas prendre en charge
les toxicomanes séropositifs, pourtant nombreux, comme c'est le cas
à Rebbibia : « Le problème c'est que le personnel
du Sert a tendance à délaisser les toxicomanes qui sont porteurs
du Sida »751(*). La responsable du bureau
« Sida » de la ville de Rome explique que le personnel
soignant des Serts considère la toxicomanie des personnes
séropositives comme étant
« secondaire » et attribue au malade une
étiquette de sidéen, pathologie pour laquelle ils ne s'estiment
pas compétents :
« En Italie, personne ne veut s'occuper des
malades du Sida. Pour ceux qui sont toxicomanes, les Serts accordent toute
l'attention sur le problème du Sida et occultent leur toxicomanie. En
fait, ils se déchargent sur nous. Si une personne a le Sida, sa
toxicomanie va sembler presque secondaire car le fait qu'elle ait le Sida lui
donne une étiquette. »752(*)
Enfin, la prise en charge sociale des séropositifs
apparaît insuffisante en milieu carcéral. En France, même si
le nombre de détenus séropositifs reste faible, le rôle des
SPIP se réduit aux demandes d'aménagement de peine sans qu'un
véritable suivi soit mis en oeuvre comme en témoigne un agent de
probation et d'insertion des prisons de Lyon753(*). L'absence de prise en charge sociale au sein des
prisons italiennes a conduit la mairie de Rome à faire intervenir le
bureau municipal s'occupant des personnes sidéennes au sein des
établissements pénitentiaires de Rebbibia et Regina Coeli. Les
lacunes en matière de prise en charge sociale des détenus
séropositifs s'expliquent principalement par la coupure relevée
auparavant entre les services médicaux et les services sociaux qui
relèvent de l'administration pénitentiaire754(*).
Le dépistage et la prise en charge du Sida en milieu
carcéral ont dû affronter de nombreuses difficultés rendant
difficilement applicable une politique sanitaire équivalente à
celle du milieu libre. L'épidémie a néanmoins permis
d'amorcer une première ouverture de la prison à l'intervention
d'acteurs sanitaires extérieurs, préfigurant ainsi la
réforme de 1994. Le Sida a renforcé l'incompatibilité
entre les exigences éthiques et les contraintes pénitentiaires
facilitant ainsi l'émergence d'une nouvelle considération des
questions sanitaires en prison.
2.2.
Un renouvellement des préoccupations sanitaires en milieu
carcéral
Le Sida marque l'apparition d'un « nouveau
régime du mal »755(*) dans l'histoire de la médecine. Maladie
encore incurable, elle fut pendant longtemps caractérisée par une
très forte mortalité. L'épidémie de Sida a
profondément modifié les représentations de la maladie et
du malade comme en témoigne l'incertitude dans laquelle se situaient les
séropositifs ou les sidéens avant l'apparition des
multithérapies. Ce bouleversement a eu d'importantes
répercussions en milieu carcéral où la gestion de la
maladie est devenue fortement problématique comme en témoigne la
prise en charge des fins de vie. Le Sida a ainsi été l'occasion
de renouveler le problème des « mourants en prison »
selon des termes nouveaux.
2.2.a De l'incompatibilité du Sida à la prise en
charge des fins de vie : un processus de recomposition du militantisme en
faveur des détenus
Les pouvoirs publics français se sont opposés au
principe mis en oeuvre en Italie d'une libération systématique
des détenus sidéens756(*). Ce refus était principalement
justifié par l'existence d'autres mesures permettant de résoudre
cette difficulté. Le droit de grâce fut l'une des principales
dispositions mise en oeuvre pour libérer les sidéens en fin de
vie en France757(*). Le
nombre de grâces accordées pour raisons médicales ont ainsi
progressé au cours des années quatre-vingts avec un pic entre
1994 et 1997 qui correspondait à l'acmé de la mortalité
liée au Sida758(*). En 1994 par exemple, le Sida représentait
pratiquement la moitié des grâces accordées. Les
détenus sidéens sont également soumis au régime
ordinaire d'aménagement des peines. Ils peuvent, par conséquent,
solliciter une mesure de fractionnement ou de suspension de peine. Ces
dispositions souvent trop restrictives n'ont cependant pas toujours permis de
résoudre un nombre significatif de problèmes de fin de vie
liés aux Sida759(*). Enfin, les libérations conditionnelles pour
raisons médicales, qu'il s'agisse de celles accordées par le
garde des Sceaux ou par le juge d'application des peines, ont été
en revanche assez peu utilisées.
Les pouvoirs publics italiens ont tenté de
répondre au nombre croissant de détenus incarcérés
en mettant en place des dispositions particulières permettant la
libération des personnes infectées. La loi n.222 du 14 juillet
1993 et le décret-loi n°139 fixent les conditions dans lesquelles
le juge peut libérer une personne atteinte du Sida et imposent ainsi le
principe de l'incompatibilité absolue avec la détention pour les
cas de Sida déclarés ou les séropositifs atteints d'un
important déficit immunitaire (taux de lymphocytes T/CD4+ égal ou
inférieur à 100/mmc obtenu dans aux moins deux examens
consécutifs effectués à 15 jours d'intervalle)760(*). La loi prévoyait par
conséquent une évaluation objective de la part du médecin
suite à laquelle la procédure de renvoi avait lieu de
façon automatique. Il était alors assez simple pour un
séropositif d'obtenir une mesure de libération. Ces
modalités furent cependant remises en cause au début des
années quatre-vingt-dix761(*). En octobre 1995, la Cour constitutionnelle
italienne annule ces dispositions jugées anticonstitutionnelles en
raison de l'inégalité qu'elles introduisent vis-à-vis
d'autres détenus malades et assigne aux magistrats di
sorveglienza le devoir d'évaluer, pour chaque cas particulier,
l'incompatibilité entre l'état de santé du malade et la
détention. Ce n'est qu'en 1999 que les modalités pratiques de la
prise en charge du Sida sont définitivement arrêtées. La
loi 231/99 et son décret d'application du 22.12.1999 introduisent la
mise en équivalence du Sida et des autres maladies graves qui pourraient
impliquer un état d'incompatibilité avec la
détention762(*)
et rendent au juge son pouvoir discrétionnaire d'évaluer chaque
situation763(*). Le
nombre de détenus infectés à VIH est redescendu à 1
860 au 31/12/1996. Les porteurs de Sida incarcérés ont fortement
diminué du fait qu'ils ont bénéficié d'une
meilleure application de la L.222. Le nombre de cas de Sida
déclarés est passé de 39 en 1990, à 80 en juin
1992, à 120 le 20/10/1992 puis 74 au 31/12/1996764(*). La réforme de 1993,
très innovante, n'a pas pu être appliquée tel quel et a
été remise en cause par les autorités judiciaires. Elle a
cependant permis l'ouverture d'un débat plus général sur
le problème de l'incompatibilité entre les problèmes
éventuels de santé des détenus et
l'incarcération.
En France, l'absence de dispositif spécifique pour
permettre aux détenus affectés du Sida d'être
libérés a conduit à plusieurs drames sanitaires. En effet,
faute de cadre formel, la libération anticipée des personnes en
phase terminale de la maladie dépend largement de l'état clinique
du malade incarcéré ou du magistrat auquel s'adresse le
médecin chargé du patient765(*). La plupart des libérations avaient lieu
très peu de temps avant le décès des malades donnant lieu
à des scandales médiatiques766(*). Une psychologue travaillant alors à
l'unité d'hospitalisation pour détenus évoque le souvenir
de plusieurs détenus qui « venaient mourir à
l'hôpital »767(*). En réponse à l'inaction des pouvoirs
publics, une mobilisation associative se mît en place. L'Organisation
internationale pour les prisons (OIP) déclencha plusieurs scandales
médiatiques mais d'autres associations ont fait irruption dans la
mobilisation ce qui permit un renouveau et un décloisonnement de
l'action militante associative en faveur des prisonniers768(*). C'est notamment le cas
d'Act-Up769(*) qui
dénonce au cours des années quatre-vingt-dix la double logique
d'enfermement dont seraient victimes les détenus séropositifs et
qui aboutit souvent à des actes de rejet en détention :
« Pour les séropositifs et les sidéens, la prison est
avant tout le lieu du redoublement de la discrimination qu'ils subissent dans
la mesure même où ils se retrouvent exclus chez les
exclus »770(*). L'association s'engage alors en faveur du
développement des mesures de prévention (préservatifs,
seringues, etc.), de la disparition de l'usage d'entraves ou d'un meilleur
respect du secret médical. Le problème des fins de vie en milieu
carcéral liées au Sida disparaît cependant à partir
de 1996, date de l'introduction des multitraitements. Le Sida ne
représente dés lors plus une cause de mortalité
importante771(*). La
mobilisation associative d'Act-Up demeure pourtant très intense. Mis
à part la mobilisation en faveur de quelques détenus
séropositifs dont l'état de santé est jugé
incompatible avec la détention772(*), il semblerait qu'on assiste à
l'émergence de nouvelles causes mobilisatrices. Les revendications de
l'association sont ainsi progressivement passées du problème des
fins de vie liées au Sida à la question plus
générale des fins de vie pour tous les détenus en
situation de santé critique773(*). Cette mobilisation a contribué à
faire reconnaître la place du problème des « mourants en
prison »774(*). Les prises de position de l'association ont
cessé de concerner spécifiquement les seuls séropositifs
et portent désormais sur l'ensemble des détenus. Le champ de
revendication d'Act-Up s'est élargi considérablement
jusqu'à concerner l'ensemble des conditions de détention, sujet
pourtant éloigné de ses revendications initiales775(*). L'association a
contribué à redynamiser le mouvement associatif en faveur des
détenus alors même que la principale association, l'Observatoire
international des prisons, traverse une importante crise776(*). Ce phénomène
a par ailleurs eu lieu alors même que la modification de la population
carcérale est à l'origine de nouveaux problèmes de
santé difficilement gérables qui relancent le débat sur
les mesures d'incompatibilité avec la détention777(*). Mais cette mobilisation
traduit surtout le redéploiement de l'association sur un nouveau
problème de santé publique alors que la politique de lutte contre
le Sida est désormais dans une phase de
« normalisation »778(*). Elle offre à Act-Up une nouvelle
scène de mobilisation et de reconnaissance779(*).
L'épidémie de Sida a renouvelé le statut
de malade en détention en soulignant l'incompatibilité des
personnes en fin de vie avec la détention. La plupart des pays
européens ont alors eu recours à des dispositions permettant la
libération des détenus gravement malades ce qui témoigne
une nouvelle considération de la maladie en prison780(*). A partir de quelques cas
médiatisés de détenus mourrant en prison, c'est la
question de l'incompatibilité entre l'état de santé et la
détention qui a été soulevé mais de façon
plus générale, c'est la place de la maladie elle-même en
tant que phénomène social qui a été
réactivée à partir du Sida et de ses
représentations.
2.2.b Les métaphores du Sida en milieu
carcéral
Chaque individu dispose de notions relatives à la
santé et à la maladie indépendamment des conceptions
véhiculées par le savoir médical. Celles-ci sont
liées en partie aux croyances avec lesquelles chaque
société interprète le rapport entre le normal et le
pathologique et qui constitue une réalité sociale collectivement
partagée781(*).
Ces conceptions sont également liées à des notions et
à des symboles intériorisés par les individus du fait de
leurs appartenances sociales et culturelles. La « maladie comme
métaphore »782(*) est ainsi remplie de représentations qui
s'imposent aux personnes saines et malades et qui conditionnent leurs
comportements783(*). Le
Sida a ravivé certaines peurs, aussi bien au niveau individuel que
collectif, pour plusieurs raisons. L'incertitude scientifique sur l'origine de
la maladie, résolue en 1983 avec la définition du VIH, mais
surtout l'incertitude thérapeutique ont contribué à faire
du Sida un problème « mal structuré ». Cette
maladie est d'autant plus difficile à analyser suivant les
schèmes de compréhension classiques qui existaient alors, qu'elle
brouillait la frontière entre le sain et le malsain784(*). Le Sida, enfin,
était perçu comme un mal d'autant plus avilissant en raison de sa
forte corrélation à des conduites difficilement acceptables au
niveau social tels que des pratiques sexuelles dévalorisées
(rapports homosexuels ou non liés à la sphère conjugale)
ou des comportements illégaux comme la consommation de drogue par voie
intraveineuse785(*). Le
Sida est une maladie aux multiples représentations qui ont fortement
contribué à constituer une identité du malade en tant que
personne stigmatisée786(*). Celle-ci est d'autant plus problématique en
prison où l'image du détenu coupable et celle du malade
détenu se mêlent pour en faire un malade coupable787(*), figure ambiguë,
dangereux à double titre et dotée d'une
« identité indicible »788(*). Les peurs ont ainsi pris
une très forte ampleur en milieu carcéral dès le
début de l'épidémie provoquant des réactions
d'angoisse ou de panique chez les personnels comme chez les
détenus : certains détenus ne voulaient plus cohabiter avec
les séropositifs, les membres du personnel de surveillance refusaient
d'assurer leur service789(*). Le climat de la détention était
dominé par un sentiment de panique comme le souligne une
psychologue qui travaillait alors à l'Antenne toxicomanie :
« Ils étaient paniqués à
l'époque [...] Il n'y a pas un jour où un surveillant ne me
coinçait pas et moi je leur disais "Je ne suis pas médecin". Il
fallait les rassurer. Et c'est là qu'on s'est aperçu, qu'il
fallait faire de l'information. »790(*)
L'épidémie de Sida s'est accompagnée dans
les prisons françaises, comme c'est le cas pour les maisons
d'arrêt de Lyon, de phénomènes de discrimination
sporadiques, de peurs du personnel de surveillance et de tentatives de mettre
fin au secret médical conçu comme une protection du détenu
menaçant791(*).
L'ampleur des peurs rattachées au Sida contraste fortement avec les
risques réels encourus par les personnels. C'est ce que constate un
médecin qui animait une formation de prévention en milieu
carcéral au début des années quatre-vingt-dix :
« Bien sûr, il s'agit d'un milieu à risque car il y a de
la drogue. Mais les risques ne sont pas beaucoup plus élevés qu'a
l'extérieur. Ce qui est important surtout ce sont les peurs, comme
à l'extérieur d'ailleurs »792(*). Les risques réels présents en milieu
carcéral, difficiles à évaluer, demeurent faibles selon
plusieurs soignants qui rappellent qu'aucune contamination de surveillant n'a
jamais été relevée : « J'ai vraiment
l'impression que toutes les peurs sont focalisées là-dessus [...]
A mon sens, ça ne se justifie pas [...] Il y a une focalisation sur un
problème qui canalise un peu toutes les peurs et toutes les
angoisses »793(*). Les craintes liées au Sida traduisent
peut-être davantage une cristallisation des angoisses rattachées
au milieu carcéral que l'existence d'une menace réelle. Aldona
Simonpietri remarque d'ailleurs qu'aujourd'hui, alors qu'on assiste à
une dédramatisation voire une relative banalisation du Sida en prison,
de nouvelles peurs surgissent notamment pour la tuberculose794(*). Ces peurs sont, de
façon plus générale, rélévatrices du
sentiment de contagion (des maladies, de la violence, de la déviance)
qui sépare les personnels pénitentiaires des
détenus795(*). Le
Sida constituerait alors un révélateur du fonctionnement
institutionnel et professionnel propre au milieu carcéral.
L'épidémie de Sida a considérablement
affecté les politiques de santé en milieu carcéral. Elle a
tout d'abord soulevé la nécessité d'établir en
prison un programme de dépistage et de prise en charge similaire
à celui qui existait dans le reste de la société. Les
contraintes de l'institution pénitentiaire ont cependant
révélé les difficultés, voire
l'impossibilité, à garantir des prestations identiques. La
politique de santé publique qui a permis de mettre fin à
l'épidémie de Sida s'avère difficilement conciliable en
prison. L'épidémie a également souligné la place du
malade en prison par le biais de l'incompatibilité entre état de
santé et détention, permettant à de nouvelles associations
d'investir le champ de la santé en milieu carcéral qui semblait
auparavant peu mobilisateur. Ainsi, bien que l'épidémie de Sida
ait permis de reconnaître au détenu un statut de malade à
part entière, elle a souligné les contradictions entre le soin et
la détention..
La mise en oeuvre de loi du 18 janvier 1994 a
été à l'origine de nombreuses contradictions.
L'affirmation du statut de personnel soignant autonome a renforcé, tout
d'abord, les oppositions entre le soin et la détention, en accentuant le
cloisonnement entre les services sanitaires et pénitentiaires, d'une
part, et en renforçant le rapport conflictuel qui oppose les
surveillants aux soignants, d'autre part. Ces effets pervers de la
réforme peuvent bien sûr avoir des répercussions
néfastes sur la prise en charge des détenus. Des contradictions
similaires sont apparues en ce qui concerne la nouvelle éthique
soignante, rendue possible par la réforme de la médecine
pénitentiaire. En effet, bien que celle-ci se soit sensiblement
rapprochée des règles déontologiques classiques, mettant
ainsi fin à l'exception carcérale, le recours à des
pratiques professionnelles identiques à celles qui ont lieu en milieu
libre est apparu inadéquat en certaines circonstances. L'institution
pénitentiaire est, en effet, une institution totale dotée d'un
fonctionnement propre au sein de laquelle la démarche
thérapeutique ordinaire semble perdre une partie de son sens, comme
c'est le cas du secret médical en certaines occasions. Une prise en
charge sanitaire des détenus identique à celle de n'importe quel
autre patient semble, de même, parfois inconciliable avec les exigences
du milieu carcéral, tel qu'en témoignent la continuité des
soins ou les hospitalisations. Les contradictions entre les logiques soignantes
et pénitentiaires sont d'autant plus manifeste à travers la mise
en oeuvre de la politique de prise en charge du Sida en prison,
développée selon les mêmes principes qui ont
été appliqués dans le reste de la société.
Ceux-ci s'avèrent toutefois incompatibles, dans certains cas, avec les
règles de fonctionnement du milieu carcéral. La mise en oeuvre
d'une politique de santé publique, tel que l'avait prévu la loi
du 18 janvier 1994, est traversée par de nombreuses contradictions.
Celles-ci viennent, en partie, d'un constat simple qui a peut-être
été insuffisamment pris en compte durant la réforme :
bien que le transfert accorde aux soignants une autonomie statutaire au sein de
l'institution carcérale, ceux-ci ne disposent pas pour autant d'une
autonomie fonctionnelle. La prise en charge des détenus demeure un acte
global, co-produit par l'ensemble des professionnels, sanitaires et
pénitentiaires. L'interdépendance fonctionnelle est une
caractéristique intrinsèque de l'organisation
pénitentiaire que ne peut pas esquiver le personnel sanitaire. Le repli
de chaque personnel sur ses prérogatives propres est à l'origine
d'un cloisonnement, fortement préjudiciable à la prise en charge
des détenus.
L'ouverture de la prison à de nouveaux intervenants a
cependant eu une incidence globale très positive. Elle a, en premier
lieu, marqué un changement d'échelle dans l'organisation
sanitaire qui est passée du statut de médecine humanitaire
à celui d'une prise en charge hospitalière. Mais outre
l'amélioration des prestations soignantes, c'est la conception du soin
qui est peut-être en train d'évoluer. Longtemps réduit
à un acte d'urgence, le soin s'apparenterait désormais à
une prise en charge globale, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives
thérapeutiques, notamment en termes de prévention.
Partie 3. L'émergence d'une politique de
prévention en milieu carcéral
CHAPITRE 5 : DE LA TOXICOMANIE
AU SIDA : LES PREMIERES POLITIQUES DE PREVENTION EN PRISON
Le dispositif sanitaire en milieu carcéral s'est
presque toujours limité à la prestation des soins de
première nécessité. La prévention, peu
développée dans le reste de la société,
était alors considérée comme un luxe en prison. On a
cependant assisté au cours des années quatre-vingts à une
revalorisation de la démarche préventive, notamment en raison
d'une double épidémie fortement corrélée. Le
développement soudain de la toxicomanie par voie intraveineuse à
la fin des années soixante-dix a, plus que jamais remis au premier plan
les exigences de prévention et de réinsertion. Ce
phénomène a été accentué sous le coup de
l'épidémie de Sida, face à laquelle, les politiques de
prévention sont apparues nécessaires, en l'absence de
thérapies adéquates. Le milieu carcéral n'est bien
sûr par resté à l'écart de ces transformations qui
ont eu d'importantes répercussions.
1. Du soin à la
prévention de la toxicomanie
L'épidémie de Sida a souligné la
fragilité sanitaire de la population carcérale et en particulier
des toxicomanes qui demeurent les détenus les plus infectés. Elle
a également permis de relever les carences du dispositif de prise en
charge qui se limitait auparavant au sevrage dans une perspective de
« guérison » de la toxicomanie. L'introduction des
premiers traitements de substitution a dès lors été
légitimée en même temps que la question de la
réinsertion des toxicomanes apparaissait au premier plan. Le renouveau
de la prise en charge de la toxicomanie a permis un mouvement
général de décloisonnement de l'organisation de soins en
prison, bien qu'inégal entre la France et l'Italie, et a
constitué, à plus long terme, un renversement des
priorités sanitaires en prison en faveur de la prévention.
1.1 Le (dé)cloisonnement des dispositifs de prise en
charge des addictions
La recrudescence du nombre de toxicomanes
incarcérés au cours des années quatre-vingts a permis la
restructuration des dispositifs de prise en charge des addictions.
L'intervention de nouveaux acteurs a accéléré le
décloisonnement de l'institution carcérale vers le reste de la
société. Ces changements ont cependant eu des
répercussions néfastes, bien que divergentes, en France et en
Italie : tandis que l'intervention de nouveaux professionnels au sein des
prisons françaises a accentué le cloisonnement et la
fragmentation entre les différents services sanitaires, le recours aux
communautés thérapeutiques italiennes a freiné
l'instauration d'un véritable dispositif de soin de la toxicomanie.
1.1.a Un dispositif de prise en charge des addictions
fragmenté
Déterminer avec précision le nombre de
détenus qui doivent être considérés comme
consommateurs de drogues ou toxicomanes n'est pas aisé. Les
détenus taisent souvent leur problème et les possibilités
de dépistage sont limitées. Mis à part une
comptabilisation réalisée à partir des statistiques
pénales qui demeure imparfaite, plusieurs enquêtes ont
été mises en oeuvre au sein des prisons
françaises796(*).
Le premier dispositif de surveillance épidémiologique des
conduites addictives fut mis en place en 1990 par le biais des Antennes
toxicomanies. Il s'agit d'un questionnaire présenté
systématiquement auprès de tous les entrants en détention
qui est par la suite envoyé auprès de l'INSERM où les
données sont traitées797(*). La principale faiblesse de ce dispositif est qu'il
ne s'applique qu'aux seuls établissements qui sont dotés d'une
Antenne toxicomanie, actuellement au nombre de seize. La recherche menée
en 1997 auprès des entrants en détention par la direction de la
recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques
(DREES) citée auparavant, constitue la première enquête
exhaustive permettant d'évaluer l'ampleur des usages de drogues au sein
de la population détenue et l'évolution des
consommations798(*).
Le dispositif de prise en charge des toxicomanies en milieu
carcéral a considérablement évolué au cours des
quinze dernières années. Il était jusqu'au milieu des
années 1980 essentiellement expérimental sans qu'on puisse parler
de réelle prise en charge. Les premières Antennes de lutte contre
la toxicomanie, créées à Fresnes et à Lyon dans les
années 80, ont servi de modèle d'organisation pour un certain
nombre de maisons d'arrêt pourvues de SMPR. Financées par la DGS,
elles sont placées sous l'autorité médicale du
médecin chef du service de soin psychiatrique dont elles constituent une
unité fonctionnelle. En dépit des inégalités
territoriales, on peut désormais affirmer qu'un réseau de prise
en charge des addictions existe au sein des prisons françaises799(*). La multiplicité des
intervenants constitue cependant un obstacle à la coordination et
l'homogénéité de la prise en charge. Plusieurs conflits
doivent être signalés. Il semblerait en premier lieu que les
relations entre les Antennes toxicomanies et les chefs de service des SMPR dont
elles relèvent sont souvent conflictuelles800(*). Cette inimité
s'expliquerait par le fait que lors de la création des Antennes les
responsables des SMPR n'aient pas toujours respecté l'autonomie de ces
structures dont elles devaient pourtant disposer. Dès lors, une lutte
s'est engagée entre les chefs de service et le personnel soignant des
Antennes, bien que ce ne soit pas le cas à Lyon selon une
éducatrice:
« On est toujours sous l'autorité
médicale du médecin-chef, pas du SMPR. Par rapport au SMPR, on a
une autonomie de fonctionnement. C'est lié aussi au fait que notre
médecin-chef, le docteur Lamothe, a respecté le cahier des
charges et les règles qui étaient indiquées lors de la
création des centres et il n'a pas phagocyté l'Antenne. Parce
qu'on a des Antennes toxicomanie qui ont été complètement
phagocytées par le SMPR et où il n'y avait plus de distinction
entre les personnels. C'était le SMPR qui prenait en charge au sens
large les malades mentaux mais aussi les toxicomanes et là il y a
confusion totale entre le personnel de l'Antenne et le personnel du SMPR. Alors
qu'à l'Antenne de Lyon, ce n'est pas le cas. Ce sont deux structures
séparées et nous y tenons beaucoup »801(*)
Bien que les relations apparaissent satisfaisantes entre le
chef de service du SMPR et l'Antenne, il semblerait qu'elles soient en revanche
nettement moins bonnes entre les deux équipes soignantes. Outre une
logique de territoire qui rend difficile l'implantation d'une nouvelle
structure dans les mêmes locaux où se situe le SMPR, ce conflit
semble davantage s'expliquer par une conception distincte du soin. Les Antennes
toxicomanie ont été constituées, comme le rappelle une
éducatrice de l'Antenne des prisons de Lyon, à partir d'une
vision de la toxicomanie qui était très proche du modèle
psychanalytique et qui considérait que le soin de la toxicomanie
n'appelait pas une réponse de type médical mais une
démarche psychosociale802(*). Le personnel des Antennes, quasi-exclusivement
psychologues et éducateurs, travaillent selon un mode de fonctionnement
de « type associatif » hérité du mouvement
communautaire de prise en charge des toxicomanes qui n'opèrent pas de
distinction au sein de la structure : « Nous on a gardé
quelque chose de ce mouvement à l'Antenne toxicomanie car il n'y a pas
de hiérarchie. Il y a un médecin, un psychologue et deux
éducatrices et une secrétaire mais il n'y a pas de pouvoir
hiérarchique d'une personne sur une autre. Il n'y a pas
d'intermédiaire entre le chef de service et nous »803(*). Ce modèle de prise
en charge rentre cependant en totale contradiction avec le fonctionnement du
SMPR où le personnel est organisé selon un modèle
hiérarchique strict selon le schéma hospitalier à
l'égard duquel les soignants de l'Antenne sont très
critiques :
« Si on monte un groupe ou un atelier, on doit
être là et on ne peut pas poser nos vacances au moment où
le groupe se fait [...]Au SMPR, c'est très différent. Alors comme
il y a eu des problèmes parfois où n'il y avait personne pour les
groupes, ils commencent à se remettre en cause [...] Parce que le SMPR a
un fonctionnement qui est très structuré »804(*).
Un second dysfonctionnement du dispositif de prise en charge
de la toxicomanie semble être la coordination entre les services
somatiques et psychiatriques. Il apparaît que la responsabilité du
SMPR en matière d'addiction est remise en cause depuis 1994 par
plusieurs UCSA805(*). Ce
problème ne semble cependant pas présent au sein des prisons de
Lyon où un projet commun UCSA- SMPR de prise en charge des
détenus toxicomanes a été mis en place806(*). Enfin, une troisième
difficulté semble assez répandue dans la prise en charge des
détenus toxicomanes notamment sur les prisons de Lyon. Les services
sociaux, les SPIP, occuperaient un rôle mineur dans le suivi des
toxicomanes. Ainsi, leur prise en charge peut parfois se limiter à un
traitement médico-psychologique sans qu'un travail de réinsertion
ne soit amorcé si le détenu n'est pas signalé de
façon spécifique auprès des SPIP par le personnel
soignant :
« Si le SMPR établit une prise en charge
médicale, il ne vous contacte pas automatiquement pour vous signaler que
telle personne est prise en charge?
-Pas forcément. Non. Non. Sauf si le détenu
les sollicite pour une question d'hébergement alors j'imagine que le
médecin va leur répondre que ce n'est pas son rôle et il va
leur dire de s'adresser à nous. »807(*)
Cette marginalisation des SPIP s'explique tout d'abord par le
manque de relations avec les structures soignantes comme cela a
été évoqué auparavant, mais surtout par un rapport
de rivalité entre ce service et l'Antenne toxicomanie. Celle-ci est
avant tout dû au fait que plusieurs missions, dont celle de
réinsertion, se superposent entre les deux structures. Deux agents
d'insertion et de probation des prisons de Lyon rappellent que mis à
part certaines situations particulières, notamment en cas de demande
d'aménagement de peine, qui rendent nécessaire le passage par le
service de réinsertion, le choix de l'interlocuteur revient au
détenu qui ne fait pas l'objet d'un suivi social automatique:
« Les détenus sont libres de faire appel à nous ou pas
[...] Si les détenus ne demandent pas à nous voir, on ne va pas
les rencontrer [...] Sur la recherche d'hébergement par exemple si le
détenu sollicite directement l'Antenne toxicomanie et qu'elle ne nous
contacte pas, et bien voilà... »808(*). Il semblerait que chaque
service soit tenté d'effectuer une prise en charge des toxicomanes sans
en référer à l'autre selon une logique de territoire. Une
réunion commune entre l'Antenne et les SPIP vient d'ailleurs
d'être mise en place après plusieurs tentatives afin
d'améliorer la cohérence de la prise en charge. La principale
difficulté semble être la collaboration de deux structures aux
modes de fonctionnement très divergents et dotés pourtant de
prérogatives communes qui aboutit à des problèmes de prise
en charge : « [Il y a] un problème [de]
répartition des taches. À la prison de Lyon, on n'est jamais
arrivé à vraiment formaliser cela. Actuellement on reste un peu
flou [...] Alors, soit c'est une collaboration et nous profitons de
l'expérience des uns et des autres, soit le fonctionnement se fait de
façon séparée avec le risque d'avoir des projets
contradictoires »809(*).
La principale difficulté en matière de prise en
charge des toxicomanies en milieu carcéral n'est plus un manque d'offre
thérapeutique comme cela était le cas auparavant. Il s'agit
désormais, comme le remarque Nicole Maestracci présidente de la
Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les
toxicomanies (MILDT), d'un problème de coopération et de
cohérence des actions qui sont menées. Le dispositif
nécessite, selon elle, une refonte globale : « Certaines
situations sont même assez absurdes. Dans certains établissements,
le psychiatre s'intéresse à tout ce qui concerne la " tête
", c'est-à-dire tous les médicaments psychoactifs qui agissent
sur le système nerveux central. " En dessous de la tête ", c'est
le médecin de l'UCSA [...] On retrouve ainsi à l'intérieur
de l'établissement toute une série de cloisonnements
institutionnels, disciplinaires qu'on est en train de régler dans les
prises en charge sanitaires et sociales à l'extérieur. Au fond,
c'est comme si la prise en charge dans les établissements
pénitentiaires avait pris cinq ou six ans de retard par rapport à
ce qui se passe à l'extérieur »810(*). Cette difficulté a
été soulevée à plusieurs reprises par d'autres
rapports, telle que la mission d'évaluation IGAS-IGSJ qui encourage la
mise en place d'un nouveau dispositif qui placerait sous la
responsabilité d'un « chef de projet » l'ensemble des
addictions dans les établissements pénitentiaires
déchargeant ainsi les SMPR de ce rôle811(*).
Un second problème est récurrent dans le soin
des toxicomanies en milieu carcéral. Certaines addictions semblent
échapper fortement au dispositif de prise en charge actuel. C'est
notamment le cas de l'alcoolisme qui ne dispose pas encore d'un réseau
soignant homogène entre les différents établissements.
Evry Archer regrette que le nombre d'Antennes alcool demeure trop faible
malgré l'importance des problèmes de boisson au sein de la
population carcérale812(*). Nicole Maestracci constate que « le
dispositif est totalement indigent » : l'intervention des
consultations spécialisées pour alcoolo-dépendants ne
concernaient par exemple en 1997 que deux établissements. Les prisons de
Lyon constitueraient un contre-exemple à cette critique puisque le SMPR
dispose d'un médecin alcoologue mais également d'un groupe alcool
animé par un psychologue813(*).
La prise en charge de la toxicomanie au sein des prisons
françaises se caractérise par un important dispositif qui a
été établi par étapes successives. Celui-ci
juxtapose cependant différents intervenants qui agissent suivant des
logiques thérapeutiques distinctes. Cette diversité, que la loi
du 18 janvier 1994 a renforcé, représente bien sûr un atout
mais peut être à l'origine de dysfonctionnements en raison
notamment d'une mise en concurrence entre les acteurs soignants qui rend
nécessaire une amorce de coordination. L'importance de ce dispositif
contraste fortement avec le système italien de prise en charge des
détenus toxicomanes qui reposait jusqu'à peu de temps
essentiellement sur le recours au milieu associatif.
1.1.b Le modèle italien de prise en charge de la
toxicomanie par délégation
En l'absence d'un système de surveillance
épidémiologique ou d'enquêtes nationales auprès des
entrants, la part des toxicomanes au sein des prisons italiennes est
évaluée de façon approximative à près de 30%
de l'ensemble des détenus, chiffre resté stable depuis
1990814(*). Bruno
Bertelli note la part croissante des immigrés au sein de la population
des toxicomanes incarcérés. Ceux-ci représentaient 14% des
toxicomanes écroués en 1992, puis 23,4% en 1996 et 31,5% en
1998815(*). Cette
augmentation s'explique en partie par un durcissement de la législation
sur les stupéfiants qui a eu lieu en 1993. La principale
réglementation dans le soin des détenus toxicomanes est
établie par le Testo Unico n.309 de 1990, apparu suite à
la loi Jervolino-Vassali, qui confie au monde carcéral de nouvelles
responsabilités en matière de traitement des toxicomanes (art.90
à 96). L'article 30 de la loi 162/90 prévoit la création
de structures thérapeutiques spécifiques pour toxicomanes au sein
des prisons ou encore une coopération entre l'institution
pénitentiaire et les services sanitaires publics. Les Serts sont ainsi
dès 1990 tenus de façon explicite par la loi à prendre en
charge les toxicomanes détenus ou condamnés. Cette nouvelle
réglementation demeura cependant lettre morte en raison des
réticences des opérateurs sanitaires publics à travailler
en milieu carcéral, souvent considéré comme
répressif, et du refus de l'administration pénitentiaire de les
laisser rentrer. C'est seulement la réforme de 1999 qui inaugure
l'uniformisation du dispositif de soin des toxicomanies entre
l'intérieur et l'extérieur.
Outre les obstacles culturels, le retard dans la mise en place
d'un système de prise en charge des addictions dans les prisons
italiennes s'explique avant tout par l'existence d'un système de mesures
alternatives aux poursuites judiciaires original qui permet l'annulation du
recours en justice à condition que le toxicomane soit
intégré au sein d'un programme thérapeutique.
Malgré l'introduction de ce système dès 1975, ce n'est que
le Testo unico du 9 octobre 1990 qui donne une importance cruciale
aux procédures alternatives816(*). Le législateur décrit alors le
toxicomane comme un malade devant être soigné et poussé par
tous les moyens (même coercitifs) afin d'entreprendre un programme
thérapeutique. Les institutions publiques (prisons, tribunaux, services
sociaux) ont la possibilité d'envoyer le toxicomane, en alternative
à la réclusion in affidamento, c'est à dire en
mise sous tutelle, auprès d'une communauté thérapeutique
(art.94)817(*). Bruno
Bertelli affirme qu'il s'agit d'une mesure juridique « à
travers laquelle apparaît de manière évidente la soumission
du principe pénal face à l'objectif
thérapeutique »818(*). Le Testo unico de 1990 permettrait de
résoudre le conflit entre la logique pénale et la logique
thérapeutique qui traverse l'ensemble des politiques de lutte contre les
toxicomanies819(*). Le
recours massif à ces mesures a constitué un moyen pour le
législateur italien de désamorcer en partie le problème de
la sur-représentation des toxicomanes en milieu carcéral,
d'autant plus préoccupant en l'absence d'un système de prise en
charge sanitaire adéquat820(*). Plusieurs questions méritent cependant
d'être soulevées. Un premier problème d'ordre
thérapeutique est la faible motivation des détenus qui
bénéficient d'une telle mesure821(*). En effet, comme le souligne le responsable d'une
communauté thérapeutique, « leur motivation est
au début toujours la même c'est-à-dire ils ne veulent pas
rester en prison. Ce qui les motive c'est avant tout cela »822(*). Cet opportunisme, dont sont
conscients de nombreux intervenants, rend difficile l'élaboration d'un
programme thérapeutique et laisse craindre une déstabilisation de
l'ensemble de la communauté823(*):
« Il y a un problème de motivation car un
toxicomane en prison qui décide d'aller en communauté a
très souvent une motivation plus forte de partir de prison plutôt
qu'une motivation d'interrompre sa toxicomanie [...] Le comportement peu
collaborateur [...] peut-être communiqué aux autres
éléments de la communauté qui peuvent être des
personnes très motivées par le soin car ils ont des filtres de
motivation avant de venir. »824(*)
C'est en raison de ce risque que beaucoup de
communautés choisissent de ne pas dépasser le seuil de 30% des
usagers respectant ainsi un équilibre entre toxicomanes détenus
et toxicomanes non détenus825(*). Cette règle informelle n'est cependant pas
toujours vérifiée puisque plusieurs communautés sont
constituées presque exclusivement de toxicomanes ayant
bénéficiés de mesures alternatives. C'est par exemple le
cas d'une communauté située à Rome qui dépasse le
seuil de 90%. Son responsable regrette cette trop forte proportion qui
rapproche le travail des opérateurs de celui de celui des surveillants
et qui aboutit parfois à une atmosphère
délétère au sein de la communauté:
« Cela rend le travail un peu plus difficile car en
réalité nous ne devons pas seulement avoir un travail de
thérapie mais aussi de surveillance. Et de toute façon il faut
être lucide, ce sont des personnes qui sortent de prison et qui ont un
rapport biaisé. Par exemple, il y a beaucoup de gens qui ont fait plus
de dix ans de prison et qui ont donc forcément au début un
rapport avec nous qui est très similaire à celui qu'ils avaient
en prison »826(*). Les missions de soin et de contrôle semblent
parfois se recouper au sein des communautés thérapeutiques. Bien
que le contrôle soit effectué par le Centro dei servizi
sociali per adulti (CSSA) du ministère de la Justice, la
séparation entre les fonctions judiciaires et thérapeutiques est
cependant très formelle comme le rappelle Luca Morici827(*). Les discours des
intervenants des communautés oscillent entre, d'une part, l'affirmation
du rôle de soignant dans une logique de démarcation du milieu
carcéral et, d'autre part, la conscience d'exercer une fonction de
contrôle similaire à celle des prisons.
« Nous, nous sommes des thérapeutes, nous
sommes ici pour soigner, nous ne sommes pas là pour réprimer. Si
quelqu'un veut s'en aller, nous cherchons à le convaincre mais nous
n'allons pas le retenir, il peut s'en aller [...] Nous ne voulons pas
reproduire une prison. Certains de nos secteurs sont des reproductions de la
prison dans une version "libre" [...] Les mêmes mécanismes qu'en
prison, de pouvoir par exemple, se reproduisent ici. »828(*)
La procédure d'affidamento permet de
déléguer un nombre considérable de toxicomanes aux
structures de soin leur permettant d'éviter ainsi la prison, facteur de
précarisation accrue. Luca Morici souligne cependant
l'ambiguïté de ces mesures qui s'apparentent à une
volonté de « punir en soignant » par le biais d'une
délégation du système pénal au système
soignant829(*). Certains
opérateurs critiquent cette délégation de la fonction de
contrôle qui fait des communautés les sous-traitants du
ministère de la Justice : « La police effectue des
contrôles très réguliers [...] Pour eux c'est beaucoup plus
pratique et c'est beaucoup plus contrôlable. Je pense qu'actuellement
pour le futur en Italie, cela peut devenir une des nouvelles formes de prison.
Parce qu'un détenu coûte en Italie 120 euro par mois alors qu'ici
il ne coûte que 40 euro, c'est peut-être une forme de prison
privée à l'américaine... »830(*).
Le second problème du dispositif actuel est la
quasi-absence des services de soin publics aux toxicomanes, pourtant
habilités par la loi à recevoir les personnes
bénéficiant de mesures alternatives à la détention.
Outre les réticences du personnel soignant, cette difficulté est
liée au mode de fonctionnement des Serts qui ne disposent pas de
programmes communautaires (diurnes ou nocturnes) mais qui réalisent
uniquement des soins ambulatoires ponctuels. La prise en charge d'un toxicomane
au sein d'un Sert se résume le plus souvent à la distribution
d'un produit de substitution et à quelques séances de
psychothérapie. Les magistrats sont très réticents
à accorder l'envoi de toxicomanes auprès de structures où
ils ne bénéficieront souvent pas d'une réelle prise en
charge : « Les Serts offrent beaucoup moins de places
disponibles pour ce genre de mesures [...] Les juges préfèrent
très souvent les communautés thérapeutiques où le
contrôle du toxicomane [et] où les toxicomanes vont tous les jours
plutôt que dans un Sert où ils ne vont que deux fois par
semaine »831(*). Malgré plusieurs expérimentations de
collaboration entre les structures privées et publiques, la plupart des
mesures alternatives à l'incarcération des détenus
toxicomanes sont réalisées au bénéfice du secteur
privé associatif832(*). Enfin, plusieurs dépendances demeurent mal
prises en charge. C'est le cas des mineurs qui ne bénéficient de
l'intervention d'aucun service spécialisé et qui peuvent rarement
profiter des mesures alternatives faute de places qui leur sont
réservées dans les communautés
thérapeutiques833(*). Ce problème s'explique en partie par une
sous évaluation des problèmes d'héroïnomanie chez les
mineurs. L'alcoolisme et la cocaïnomanie demeurent également mal
pris en charge faute d'une certification possible834(*). Les immigrés sont
enfin très rarement bénéficiaires des mesures alternatives
à l'incarcération, notamment par manque d'une structure sociale
ou familiale qui puisse les accueillir à leur
libération835(*).
Les dispositifs français et italiens de prise en charge
des toxicomanies en milieu carcéral sont très distincts. Tandis
que le système français se singularise par la présence de
nombreux intervenants spécialisés, l'Italie a largement recourt
aux associations afin de leur déléguer le soin des détenus
toxicomanes. Il semblerait que l'on puisse discerner, outre les
spécificités qui caractérisent chaque pays, un facteur
explicatif commun : plus le dispositif soignant intervenant en milieu
carcéral est fortement développé et moins il
entretiendrait de liens avec le secteur associatif extérieur, à
l'inverse moins le système de prise en charge des détenus est
consolidé et plus il aurait tendance à recourir à des
acteurs associatifs836(*). Cette hypothèse permettrait de rendre compte
du retard dans la mise en place d'un dispositif de soin aux toxicomanes en
Italie mais aussi du manque d'interventions des acteurs extérieurs au
milieu carcéral français837(*). Les spécificités nationales des
dispositifs de prise en charge des addictions en prison vont se
répercuter sur l'émergence, plus ou moins rapide, des traitements
de substitution. Ceux-ci vont profondément modifier la conception
soignante de la toxicomanie en réhabilitant la notion de
réinsertion.
1.2
Une nouvelle conception soignante de la toxicomanie
Le traitement de la toxicomanie se réduisait auparavant
au sevrage. L'épidémie de VIH/Sida a cependant rendu
nécessaire le développement de nouveaux instruments de soin tels
que les traitements de substitution qui se sont développés
à partir des années quatre-vingts dans toute l'Europe838(*) ou les unités sans
drogues. Ces transformations n'ont cependant pas eu lieu sans d'importantes
résistances d'ordre culturelles. Celles-ci reflétaient des
réticences qui existaient dans l'ensemble du dispositif sanitaire,
auxquelles s'ajoutaient des oppositions propres à l'institution
pénitentiaire.
1.2.a Les politiques de substitution en milieu
carcéral
La France s'est pendant longtemps caractérisé
par un important retard en matière de substitution en raison des
réticences de la classe politique et du milieu professionnel de la
toxicomanie839(*).
L'introduction des programmes de substitution en milieu carcéral s'est
déroulé entre 1995 et 1996. Elle a été à
l'origine d' « énormes réticences » de
la part du personnel de surveillance », comme le rappelle un
psychiatre, pour qui le recours à ces substances
équivalait à un échec de l'institution
pénitentiaire : « Il y a même eu quelquefois des
espèces de caricatures dans les mess où on montrait du doigt les
médecins dealers. On opposait la logique antérieure en
disant "Nous, on s'est efforcé de les priver de tout ce qui les rendait
dépend et puis, vous, vous arrivez au contraire en leur apportant leur
drogue" »840(*). Bien que légalisés, les traitements
de substitution ne semblent cependant pas encore aujourd'hui appartenir
à la culture soignante pénitentiaire. L'augmentation du nombre
total de programmes, qui demeure faible841(*), masque d'importantes disparités d'un
établissement à un autre842(*). Celles-ci traduisent avant tout les
différentes conceptions de chaque médecin qui délivre ou
non des traitements de substitution selon ses positions strictement
personnelles et sa « vision de la "drogue et des
drogués" »843(*). Les conceptions soignantes oscillent
fréquemment entre le refus catégorique de recourir à la
substitution par peur d'un trafic en détention ou d'une consommation
excessive, ou à l'inverse une distribution systématique,
« le médecin s'interdisant même de refuser les
traitements de substitution à tout consommateur d'opiacés [...]
allant jusqu'à ne voir dans le trafic en détention que le signe
d'une insuffisance globale de prescription du produit dans la
prison »844(*). Le refus d'un certain nombre de médecins de
prescrire des traitements de substitution à des toxicomanes
incarcérés reflète des résistances culturelles qui
sont également présentes dans le reste de la
société. Cette attitude est cependant bien plus
préjudiciable au patient en milieu carcéral où,
contrairement à l'extérieur, il ne dispose pas de la
faculté de s'adresser à un autre médecin845(*). Ce refus a des
conséquences d'autant plus importantes lorsqu'il s'agit de poursuivre un
traitement initié à l'extérieur846(*). Ces interruptions de
traitement contreviennent au principe de continuité des soins inscrit
dans la réforme de 1994. Outre le sevrage forcé du toxicomane,
cette position peut s'avérer extrêmement nuisible pour le
détenu puisque les interruptions de traitements constitueraient un
facteur de risque important en faveur de l'injection en
détention847(*).
Le personnel médical des prisons de Lyon semble relativement favorable
aux traitements de substitution. Il apparaît pourtant que le
développement des programmes s'accompagne de réticences de la
part de l'Antenne toxicomanie mais aussi du personnel infirmier du SMPR, comme
en témoigne une éducatrice848(*) :
« Que ce soient les psychiatres ou les
infirmiers [...] pour eux, c'est pire que nous car ils sont des distributeurs
de Subutex et pour eux c'est intolérable car ils n'ont pas
été formés pour ça, pour voir défiler tous
les matins des types qui viennent prendre leurs comprimés. [...] Je ne
suis pas hostile à la substitution [...] Mais [...] ça permet de
mettre de côté le problème de la toxicomanie [...] et du
coup le problème de la toxicomanie est
écarté. »849(*)
L'absence de cadre commun entre les différentes
démarches soignantes est à l'origine de pratiques
thérapeutiques contre-indiquées. Cette remarque concerne en
particulier le choix entre les deux traitements de substitution actuellement
sur le marché, la méthadone et le Subutex, qui correspondent
à des schémas thérapeutiques distincts. Les
réticences du dispositif sanitaire français à recourir
à la méthadone se sont répercutées dans le
système carcéral où l'usage du Subutex a été
initialement privilégié850(*). Le Subutex semble pourtant assez peu adéquat
au profil thérapeutique des détenus. Bien qu'il soit
principalement prescrit dans le cadre de poursuites de traitements
antérieurs (84% des prescriptions de Subutex en 1999), le Subutex peut
parfois être prescrit à des détenus de courtes peines sur
certains établissements851(*). L'équipe soignante des prisons de Lyon a
choisi de ne plus initier de traitement au Subutex mais uniquement à la
méthadone qui est considérée comme étant
« beaucoup mieux cadré que le Subutex »852(*). Le Subutex conviendrait
davantage à une substitution effectuée en milieu libre en raison
de son injection possible qui est à l'origine d'un trafic au sein de la
détention et qui peut aboutir parfois à des primo-injections de
personnes non toxicomanes : « Maintenant c'est le Subutex. On
trouve toujours des gens qui sont initiés au Subutex par les
co-détenus [...] Il y a un marché noir »853(*). Les risques de trafic font
parfois l'objet d'affrontement entre l'administration pénitentiaire et
l'équipe médicale en raison de leurs priorités
respectives : tandis que la direction de l'établissement
préférerait que le Subutex soit administré cachet par
cachet face au détenu afin de limiter les risques de revente, le
personnel soignant privilégie parfois une prescription
étalée sur plusieurs jours pour favoriser la responsabilisation
médicale du toxicomane :
« L'administration pénitentiaire
préférerait pour éviter des trafics que le Subutex soit
donné comprimé par comprimé, alors que les médecins
valorisent davantage la responsabilisation et ils veulent plutôt
reproduire ce qui se passe à l'extérieur de la prison,
c'est-à-dire où le patient va chercher une fois par semaine son
Subutex à la pharmacie. »854(*)
Les phénomènes de trafic sont perçus de
façon très distincte par les différents
personnels855(*) mais
demeurent cependant peu discutés au sein des établissements ce
qui tend à renforcer le sentiment de méfiance vis-à-vis
des produits de substitution et alimente les peurs, notamment du personnel de
surveillance856(*).
Enfin il existe de nombreuses divergences sur la place qu'occupe le produit de
substitution au sein du programme thérapeutique de même qu'en
milieu libre857(*). Le
risque de voir la substitution se développer comme « la
solution » au problème de la toxicomanie est d'autant plus
grand en milieu carcéral où elle permet une pacification de la
vie en détention858(*). En réponse à certaines pratiques, un
rapport sur la réduction des risques en milieu carcéral rappelle
la nécessité d'« inscrire la prescription des traitements de
substitution dans une prise en charge globale de la personne
détenue »859(*). Il semblerait cependant qu'un accord existe entre
les personnels soignants des prisons de Lyon puisque aussi bien ceux de
l'Antenne toxicomanie que du SMPR s'accordent sur une conception de la
substitution comme traitement du manque et non pas de la toxicomanie :
« Le traitement médical de la toxicomanie
est un traitement à courte vue [...] Si il ne s'accompagne pas d'une
prise en charge psychosociale du détenu, à mon avis il est
voué à l'échec [...] On ne peut pas imaginer que la
substitution va traiter la toxicomanie [...] Mais au sein du SMPR, ils ont
aussi conscience que la prescription est un acte thérapeutique car il
est entouré par une parole et il n'y a pas de substitution seule [...]
Pour les médecins psychiatres du SMPR, c'est un outil, ce n'est pas une
réponse. »860(*)
Même si le principe de la substitution est
désormais reconnu au sein des prisons françaises, il est
très inégalement appliqué entre les différents
établissements pénitentiaires. L'absence de directives sur les
pratiques thérapeutiques permet à chaque équipe d'adopter
des démarches distinctes qui ne sont pas toujours bien comprises par les
personnels pénitentiaires faute d'une communication suffisante. Les
traitements de substitution ne peuvent devenir un outil de soin de la
toxicomanie qu'à certaines conditions: « Lorsque la collaboration
entre tous les partenaires concernés (pharmacie, UCSA, SMPR) est
effective et que les traitements de substitution s'inscrivent dans une
réflexion globale sur la prise en charge des toxicomanes
incarcérés, ceux-ci nous semblent constituer un énorme
progrès, tant dans le cadre de la réduction des risques que pour
le travail de fond avec ces patients en milieu carcéral »861(*). La résolution de ces
dysfonctionnements en milieu carcéral où les soignants demeurent
fragmentés rend nécessaire une coordination nationale susceptible
d'initier une véritable politique de la substitution en prison :
« J'ai interrogé la DRASS sur tout ce qui est
politique de substitution car je trouvais qu'il n'y avait pas une
véritable politique de substitution en milieu carcéral. Moi je
m'en rends compte quand je vais sur les sites, ne serait-ce que par rapport aux
modes de substitution en milieu carcéral, il y a une circulaire
là-dessus et on se rend compte que les équipes font un peu ce
qu'elles veulent. »862(*)
L'introduction des programmes de substitution au sein des
prisons italiennes fut beaucoup plus difficile qu'en France bien que la culture
professionnelle des soignants de la toxicomanie ait intégré plus
rapidement l'utilisation de la méthadone que les intervenants
français et que les personnels des Serts présentent
désormais peu de réticences à recourir à la
substitution863(*). Il
semblerait que ce retard s'explique avant tout par un double refus : les
personnels des Serts ont été pendant longtemps peu enclins
à intervenir en milieu carcéral, comme cela a été
évoqué, tandis que les directeurs d'établissements
étaient hostiles à l'usage des produits de substitution. Ces
derniers étaient en effet entièrement libres d'accepter ou de
refuser l'introduction de méthadone au sein de leur
établissement. L'utilisation des produits de substitution a eu lieu
ainsi au cas par cas selon les sites. Un des premiers instituts à
recourir à la méthadone fut celui de Rebbibia à Rome
dès 1995 suite à une altercation entre le directeur de
l'établissement et le responsable du Sert864(*). Ce n'est toutefois
qu'après la réforme de 1999 et la publication d'une circulaire
établissant la nécessité de garantir la continuité
thérapeutique des traitements de substitution avant, pendant et
après l'incarcération, que l'arrivée des programmes de
substitution n'a véritablement eu lieu au sein des prisons italiennes.
Il semblerait que la réticence de certains chefs d'établissements
constitue néanmoins un obstacle865(*). Une étude réalisée en 2000
apprenait que de nombreux instituts interdisaient encore les substances de
substitution866(*). Ce
problème est également présent dans la région du
Lazio puisque plusieurs enquêtés ont confirmé que
de nombreuses prisons des environs de Rome n'ont toujours pas recours à
ces traitements867(*).
Ces réticences s'expliquent par la représentation accordée
aux substances telle que la méthadone, considérées comme
des stupéfiant868(*) et dont l'utilisation est conçue comme une
« solution de dernier recours »869(*).
Contrairement à la France, la méthadone
constitue le principal produit de substitution utilisé aussi bien en
milieu carcéral qu'à l'extérieur. A Rebbibia, les
thérapies de substitution ont lieu dans une section spécifique
qui dispose de quarante places afin de faciliter l'administration des
médicaments870(*). L'un des principaux problèmes semble
être l'utilisation thérapeutique de la méthadone. Les
programmes de substitution sont orientés essentiellement vers
l'abstinence en accord avec les principales décisions judiciaires
italiennes qui affirment l'impossibilité d'établir un traitement
à long terme (mantenimento)871(*). Cette démarche thérapeutique est
d'autant plus utilisée en milieu carcéral où les
durées de traitement n'excèdent pas un ou deux mois comme c'est
le cas à Rebbibia ou Regina Coeli à Rome872(*). Outre le fait d'infliger
aux toxicomanes d'importantes douleurs873(*), cette démarche est considérée
« irrationnelle » par certains médecins des Serts
qui estiment que cela ne peut aboutir qu'à un « cycle absurde
de rechute »874(*). Les contraintes auxquelles sont soumis les Serts ne
viennent pas seulement des indications de l'administration pénitentiaire
mais également des demandes des détenus eux-mêmes qui, afin
de bénéficier d'une mesure alternative à la
détention, telle que l'affidamento in prova, ou afin de pouvoir
exercer un travail rémunéré en détention, sont
enclins à réduire au minimum la durée des traitements. Les
médecins sont contraints de mettre en oeuvre ces dispositions en
essayant de protéger le détenu des conséquences
éventuelles, telles que les overdoses qui sont fréquentes
lors de la sortie de prison875(*) : « Tout ce que nous pouvons faire, par
conséquent, est de chercher à convaincre les patients à ne
pas diminuer trop rapidement»876(*). Bien que les traitements de substitution
s'accompagnent le plus souvent d'interventions psychologiques877(*), il peut parfois arriver que
les toxicomanes ne bénéficient que d'un soin médical,
notamment si le détenu n'est pas jugé apte à être
suivi psychologiquement878(*). Enfin les interruptions de traitement apparaissent
assez fréquentes, non seulement lors de l'incarcération879(*), mais également
pendant la détention. En effet, bien que l'administration de la
méthadone soit faite par le Sert en temps normal, ce rôle est
délégué aux médecins pénitentiaires durant
la nuit ou les week-ends880(*) et ceux-ci sont souvent réticents à y
avoir recours881(*). Les
horaires restreints des Serts constitueraient selon le responsable d'une
communauté une limite qui témoignant l'incapacité des
structures publiques à prendre en charge la toxicomanie en milieu
carcéral :
« Nous avons déjà donné la
méthadone à leur place en prison car ils n'y sont pas
allés et du coup la prison nous a rappelés et nous avons
porté la méthadone. Regina Coeli m'a demandé hier de
donner la méthadone à certains détenus qui sortaient avec
l'escorte pour aller en tribunal... Ils sortent trop tôt pour que le Sert
puisse s'en occuper, ils rentrent trop tard du tribunal et le Sert est
déjà fermé»882(*)
Les différences d'utilisation des programmes de
substitution en milieu carcéral renvoient en France et en Italie aux
contextes nationaux dans lesquels est apparue l'idée d'une
médicalisation de la substitution. Celle-ci a permis dans un premier
temps de limiter les risques d'infection et d'endiguer ainsi
l'épidémie de Sida au sein de la population toxicomane mais elle
a également offert l'opportunité de stabiliser le comportement
dans une optique de réinsertion. Le soin de la dépendance a ainsi
été le moteur d'une réflexion sur la réinsertion
des toxicomanes dans l'ensemble du dispositif sanitaire mais aussi en milieu
carcéral.
1.2.b Les prémisses d'une démarche de
réinsertion auprès des détenus toxicomanes
C'est dans le but de réorienter la politique de soin de
la toxicomanie vers la réinsertion que les Unités pour sortants
(UPS) ont été mises en place en 1997 sur huit sites
pénitentiaires dont celui de Lyon. Ces structures, établies
à partir de l'expérience du Quartier intermédiaire
sortants (QIS) de Fresnes883(*), sont destinées à accueillir pendant
une durée limitée les détenus toxicomanes les plus
marginalisés pour un stage de préparation à la sortie. Ces
projets ont été mis en place sous l'égide des Antennes
toxicomanie afin de décloisonner la prise en charge des
toxicomanes : « On s'était dit qu'il fallait faire entrer
un peu plus l'extérieur à l'intérieur de la prison [...]
Travailler avec des gens qui auraient un regard plus
extérieur »884(*). Le principe de l'Unité est de travailler au
« développement des potentialités » des
détenus à travers la mise en place d'activités
spécifiques (sport, ateliers) et l'intervention de nombreux intervenants
extérieurs pendant une durée de cinq semaines885(*). L'idée d'une prise
en charge « socio-ludique » des futurs sortants
présente cependant de nombreuses difficultés. Elle apparaît
tout d'abord peu compatible avec le reste de la détention dont le mode
de fonctionnement est très distinct. L'UPS des prisons de Lyon a par
exemple rencontré de nombreuses difficultés d'implantation avec
le personnel de surveillance comme cela a été
évoqué auparavant. En outre, fonctionnement de l'Unité
semble fonctionner selon une logique de territoire qui opposerait l'Antenne au
reste de la détention. La marginalisation des services sociaux
pénitentiaires est manifeste de la logique de monopolisation avec
laquelle l'Antenne gère l'Unité pour sortants, comme le remarque
un agent des SPIP : « Dans le cadre de l'UPS, c'est un peu
l'Antenne toxicomanie qui s'en occupe puisqu'il y a des éducateurs [...]
C'est eux qui sont porteurs du projet et il n'y a pas une
co-production»886(*).
Ce service est également mal accepté au sein de
la détention du fait que l'impact de ce stage de réinsertion n'a
pas encore été mis en évidence, faute d'un suivi des
détenus, et sa portée demeure
hypothétique : « On se dit que ces gens ont pu
expérimenter pendant quatre semaines un autre rapport aux autres [...]
Même si c'est pas signifiant sur le moment, ça laisse des traces
auxquelles ils vont pouvoir se référer et qui va leur permettre
dans le futur d'avoir une autre démarche »887(*). Le manque de
résultats tangibles est d'autant plus dommageable en raison du
coût de ce projet qui concerne très peu de
détenus888(*). La
démarche de l'Unité pour sortant est elle-même remise en
cause par certains soignants qui estiment contradictoire d'engager une logique
de réinsertion sur du court terme :
« La prévention de la récidive
suppose de se tourner vers l'avenir. À partir de quand? Pas à
partir de la veille de la sortie dans ces espèces de pansements
misérables que sont les Unités de préparation à la
sortie. C'est un effroyable mensonge que de croire qu'en mettant pendant 8
jours quelqu'un dans un endroit et en lui distribuant des plaquettes et des
adresses de soins, de logements... C'est une honte!.»889(*)
L'impact de l'Unité pour sortants est pour l'instant
difficilement quantifiable. La portée de cette structure se situerait
davantage au plan « symbolique », tel que le souligne le
responsable du SMPR de Lyon, en permettant de réhabiliter une
démarche de prévention et de réinsertion au sein de la
détention : « C'est quelque chose qui traduit de
façon précise la volonté qu'on a de garder un
détenu citoyen et de l'aider à retrouver palace dans la
société civile [...] Ça a beaucoup plus un impact
symbolique car ça permet de montrer aussi aux surveillants qu'on peut
consacrer un certain temps et une certaine somme à la santé les
détenus »890(*). L'UPS préfigurerait en ce sens les actions
d'éducation pour la santé mises en place auprès des
détenus.
Bien que distinctes, des expériences tentant de
concilier le milieu carcéral avec une logique de prévention ont
été mises en place en Italie, notamment dans la prison de
Rebbibia. Le Testo unico de 1990 sur les stupéfiants
prévoyait (art.96 et 96) la mise en place de sections spécifiques
dites à « custodia attenuata » (garde
amoindrie) désignées sous le sigle S.C.A, Strutture a
custodia attenuata, qui accordent un traitement particulier aux
toxicomanes, davantage orienté vers la réinsertion891(*). Ces unités, plus
connues sous le non d'unités sans drogue (drug free)892(*), fonctionnent selon des
règles très distinctes de la détention (portes pouvant
être ouvertes ou fermées par les détenus de 8h à
22h) et disposent d'un équipement spécifique (salles de sport et
de loisir, « mini-appartements » de 30 m2 pour deux
détenus) comme c'est le cas de la Terza Casa de
Rebbibia893(*). Les
toxicomanes sont sélectionnés à partir de critères
(peine résiduelle inférieure à 3 ans, plus de 35 ans,
condamnation à une peine définitive, pas de pathologie
particulière, première incarcération) par l'équipe
thérapeutique du Sert qui a en charge l'essentiel du fonctionnement du
service. L'objectif est d'assurer un suivi personnalisé du détenu
et de favoriser sa responsabilisation.
Le fonctionnement de cette unité se heurte cependant
à plusieurs difficultés. Un responsable de communauté,
très hostile à cette expérience, remarque qu'elle
fonctionne en sous-effectifs ce qui ne permet pas d'occuper les places
disponibles894(*) :
« Cette prison qui a coûté des dizaines de milliards de
lires a seulement une vingtaine de personnes et depuis
toujours »895(*). Cette critique traduit l'hostilité de cette
communauté à l'égard de cette expérience. Il
semblerait de façon plus générale que les
communautés soient très réticentes au principe de
transposer la communauté thérapeutique au sein du milieu
carcéral. Outre une différence de principe, on peut supposer que
cette opposition traduise une logique de monopolisation de la part des
communautés qui pourraient se sentir menacées par l'intrusion des
services de soin des toxicomanies sur leur domaine d'activité.
Cette même logique de monopolisation du soin de la
toxicomanie semble avoir lieu dans les rapports qui unissent les personnels du
Sert aux médecins pénitentiaires. Cette opposition a
été manifeste à l'occasion de la création en 1998
d'une seconde section spécifique pour toxicomanes sur l'initiative de
l'administration pénitentiaire au sein du Nuovo complesso.
Cette unité proposait à une quarantaine de détenus des
activités spécifiques similaires à celles de l'UPS. Elle
s'adressait à des détenus déjà sevrés mais
qui n'étaient pas en fin de peine et constituait donc « une
étape intermédiaire entre la désintoxication et la
réinsertion »896(*). La perception du fonctionnement de cette
expérience est très distincte selon les personnels. La
responsable pénitentiaire qui en avait la charge estime que le
fonctionnement de la section était décevant en raison de la
faible implication des soignants du Sert qui « ne se sont pas
suffisamment investis ». Elle ajoute que la section a
été fermée en 2002 suite à un manque de moyens et
par peur de ghettoïser les détenus. Les personnels du Sert
considèrent en revanche que le peu d'activités proposées
dans cette section ne suffisait pas à lui accorder un statut
spécifique. Ils déclarent ne pas avoir été
associés au projet et s'être opposés à sa
création. L'opposition du Sert à ce projet peut s'expliquer par
la volonté de garder le contrôle sur le soin en matière de
toxicomanie, l'expérience de l'administration pénitentiaire
étant perçue comme une tentative pour concurrencer l'unité
de garde atténuée dirigée par le Sert.
« Il y a d'ailleurs eu des problèmes
entre nous et la direction car nous étions fortement défavorables
à ce projet [...] Le projet est vraiment né de la direction
pénitentiaire sans que nous soyons consultés [...] Ils se sont
rendus comptes que c'était un échec et ils ont dû fermer le
service.»897(*)
« Nous n'avons jamais participé à
ce projet. Je pense que c'était une chose stupide [...] Nous n'avons
jamais voulu reconnaître que cette section était
particulière. Et d'ailleurs quand le nouveau directeur de la prison est
arrivé, il s'en est rendu compte et il a fermé
immédiatement cette section.»898(*)
La considération de la toxicomanie en milieu
carcéral a contribué à modifier la perception du soin,
davantage orienté vers la réinsertion du détenu et la
prévention, en mettant l'accent sur les risques encourus par la
population toxicomane. De façon plus générale, la forte
prévalence de toxicomanes en détention et l'importante
corrélation avec l'épidémie de Sida ont
légitimé la mise en place d'une politique de réduction des
risques.
2. Quelle politique de
réduction des risques en prison?
L'adoption d'une politique de réduction des risques par
les pays européens à partir de la fin des années
quatre-vingts ne s'est pas produite sans un certain nombre de
résistances de la part des acteurs sanitaires, politiques et
administratifs, comme en témoigne l'histoire française899(*). Outre les
intérêts catégoriels de certains professionnels, il
semblerait que ces mouvements d'opposition aient traduit la réticence
à un changement culturel. En effet, la réduction des risques
implique, au-delà des mesures sanitaires, un changement de conception
du soin de la toxicomanie900(*). On comprend mieux dès lors la
difficulté à mettre en place une politique de réduction
des risques en milieu carcéral901(*).
2.1
Lutter contre les peurs plutôt que contre les risques
Bien que l'institution carcérale ait été
confrontée très tôt à l'épidémie de
Sida, l'administration pénitentiaire a adopté les
premières mesures de prévention de façon très
tardive. Celles-ci demeurent encore aujourd'hui très lacunaires en
confrontation avec la politique de réduction des risques mise en oeuvre
dans le reste de la société. Il semblerait que ce retard puisse
s'expliquer par la position de dénégation qu'a adopté
l'administration mais aussi le personnel intervenant en milieu carcéral.
Celui-ci, largement hostile à la reconnaissance de la prison en tant que
milieu à risques, a favorisé le développement d'une
stratégie préventive fondée sur l'information au
détriment de l'introduction des outils classiques de prévention
qui ont fait le succès des politiques de réduction des
risques.
2.1.a Le déni d'un milieu à risques
La prison constitue une institution totale qui échappe
aux regards. Il est d'autant plus difficile de connaître des pratiques
qui demeurent illégales (toxicomanie, sexualité). Les prisons ne
constituent pas des lieux protégés de la drogue. Plusieurs
études ont mis en évidence les usages de drogues qui ont lieu en
milieu carcéral902(*). Bien qu'il s'agisse le plus souvent du prolongement
de certaines pratiques antérieures à l'incarcération, la
détention représente pour d'autres le moment de leur
primo-injection903(*).
De façon plus générale, il semblerait que
l'incarcération soit susceptible de favoriser chez certains
détenus l'acquisition ou l'intensification de pratiques à risques
ou qu'elle puisse être à l'origine d'une fragilisation des
réflexes de protection. Une recherche allemande citée dans
Transcriptase indiquait que le taux de contamination par le VIH est
plus important chez toxicomanes récidivistes que chez ceux et celles
pour qui il s'agit de la première incarcération (19,9 % contre
4,4 %)904(*). Il
semblerait que cette différence puisse être rapportée
à une plus grande fréquence des pratiques à risque chez
les récidivistes : « une hypothèse
d'interprétation de ces données pourrait laisser supposer que
l'épisode préalable de l'incarcération, en provoquant une
rupture dans le cours de l'existence et en contribuant par un effet de
stigmatisation supplémentaire à une plus grande marginalisation
après la libération, tendrait indirectement à fragiliser
des toxicomanes devant le VIH. Une autre hypothèse, proposée par
le Dr Rotily, pourrait lier le taux de contamination plus important chez les
récidivistes à une contamination au cours de
l'incarcération »905(*). Les substances consommées dans les prisons
françaises, mis à part le cannabis, semblent avant tout
être le Subutex, dont il existe un trafic en milieu carcéral, et
en moindre proportion l'héroïne906(*). Il est possible à partir de ces certaines
études de proposer une estimation du nombre de personnes qui s'exposent
en s'injectant des produits en détention sur une année. Ce nombre
est évalué à environ mille personnes soit 2 % de la
population pénale. Il est également possible de proposer une
estimation du nombre de personnes qui prennent effectivement des risques en
partageant leur seringue. Selon les différentes approches, ce nombre est
évalué entre deux et trois cents personnes par an907(*).
Les risques de contamination par voie sexuelle sont encore
plus difficilement démontrables que ceux liés à la
toxicomanie car au silence de la prison s'ajoute celui des
détenus908(*).
L'activité sexuelle en prison semble cependant constituer un facteur de
risque moins important que l'injection en prison, même si,
comparés à la population générale, les risques pris
par les détenus lors des comportements sexuels avant
l'incarcération apparaissent importants909(*). Selon une enquête
multicentrique européenne, 1% à 2% des détenus (toutes
peines confondues) déclarent avoir eu des relations homosexuelles au
cours d'un séjour en prison. Les rapports hétérosexuelles
semblent en revanche plus importants avec respectivement 2,2% et 8,3% pour
l'Italie et la France910(*).
Malgré l'existence de pratiques à risques de
transmission sanguine911(*) ou sexuelle, très peu de
séroconversions au VIH durant l'incarcération ont pu être
documentées912(*). Cette absence de visibilité des risques
encourus par les détenus pendant leur incarcération explique
peut-être le retard avec lequel l'administration pénitentiaire a
répondu à l'épidémie de Sida. La mise en place des
premières mesures de réduction des risques n'étaient pas
destinées à prévenir les éventuelles contaminations
en milieu carcéral mais celles qui pouvaient avoir lieu à la
sortie de prison913(*).
La reconnaissance officielle des risques d'infection liés au milieu
carcéral par l'administration pénitentiaire peut-être
attribuée à la mission santé-justice mise en place fin
1997. Celle-ci reconnaît que les risques de transmission des maladies
infectieuses encourus par les détenus sont
« réels » et les cas de contamination
« probables »914(*). Ce constat correspond également à une
recommandation d'ONUSIDA publiée en 1997 qui encourage les
administrations pénitentiaires à mettre en place des mesures de
prévention pour faire face aux risques de contamination915(*).
L'existence de pratiques à risque semble être
l'objet d'un déni au sein du personnel travaillant en milieu
carcéral. C'est tout d'abord le cas des membres de l'administration
pénitentiaire. Une psychologue s'étonne du silence du personnel
de surveillance au sujet des pratiques sexuelles et addictives des
détenus et suppose la présence de tabous : « Je
n'en entends même pas parler. C'est une de mes surprises [...] Si je leur
pose la question, ils me répondent, "Vous savez, ça ne nous
regarde pas" »916(*). Tandis que le silence du personnel de surveillance
semble compréhensible, puisqu'il est en adéquation avec la
position de « façade » de l'institution dans
laquelle ils travaillent917(*), les réticences du personnel médical
sont plus surprenantes. Une éducatrice de l'Antenne toxicomanie des
prisons de Lyon considère ainsi que les consommations de drogues en
prison ainsi que les rapports sexuels demeurent très improbables en
détention et correspondent avant tout à l'image que
véhicule la prison au sein de la société :
« En milieu carcéral, il y a peu
d'addictions. Je pense que ça reste une vue de l'esprit des gens qui
sont à l'extérieur [...] C'est pareil, je pense que la vie
sexuelle des détenus est très faible »918(*).
Un médecin des prisons de Lyon estime que les
séroconversions en détention demeurent, faute de preuves, non
connues et que les moyens mise en oeuvre dans la lutte contre le Sida sont
disproportionnés avec les risques encourus par les détenus :
« Je pense qu'il y a plein de fantasmes [...] Ça nous fait
marrer de voir d'énormes moyens qui sont mis en place pour parler de la
lutte contre la transmission de l'hépatite et du Sida en prison alors
qu'il n'y en a pas... de recensé »919(*). Une étude est
d'ailleurs actuellement en cours à l'initiative d'un médecin de
santé publique du SMPR de Lyon afin de mettre en évidence le
faible risque d'infection encouru par les détenus. Cette position
traduit tout d'abord la position ambiguë du personnel médical en
prison qui, bien qu'il dispose désormais d'un statut distinct de
l'administration pénitentiaire, est fréquemment assimilé
par les détenus à l'institution dans laquelle ils travaillent. Il
est dès lors probable que les pratiques illicites ne leur soient pas
déclarés par peur de représailles, comme en
témoigne un médecin CDAG pourtant extérieur à
l'institution:
« Je suis médecin et je sais que je suis
indépendant de la prison mais ils ne sont pas obligés de savoir
et ils ne sont pas obligés de me raconter des choses qui pourraient par
ailleurs leur être reprochées [...] Si une personne se
débrouille pour avoir de la drogue en prison, elle ne va certainement
pas me le dire.»920(*)
Bien qu'il ne s'agisse pas de s'engager dans une controverse
épidémiologique sur les risques réels d'infection
présents en milieu carcéral, il est néanmoins possible
d'observer le contraste entre l'existence de pratiques à risques et
l'attitude de dénégation du personnel médical travaillant
en prison, très réticent à reconnaître l'existence
de ces pratiques mais surtout les risques qui en découlent. Dans une
étude sur les représentations des personnels
pénitentiaires et médicaux face au Sida, Claudio Sarzotti a mis
en évidence que les soignants ont tendance à minimiser la
dangerosité du milieu carcéral en tant que facteur de risque
vis-à-vis de l'infection à VIH. Il s'agit pour eux de comprendre
les cas de séropositivité comme étant liés à
l'extérieur et de refuser une victimisation de l'institution
pénitentiaire. Les pratiques à risques tels que l'échange
de seringues ou les pratiques sexuelles sont considérées comme
étant extrêmement marginales au sein de la prison. Une telle
représentation de la maladie correspond, selon Claudio Sarzotti,
à une culture juridique pénitentiaire stricte présente au
sein du personnel de surveillance et dans une moindre mesure chez les
soignants921(*).
L'institution carcérale a refusé pendant
longtemps d'admettre l'existence de pratiques à risques en
détention et les risques de contamination susceptibles d'en
découler. Aujourd'hui encore, la menace liée au Sida ou aux
hépatites est considérée davantage comme imaginaire que
réelle. Ce démenti institutionnel explique en partie le retard de
l'administration pénitentiaire à réagir face à
l'épidémie de Sida mais aussi la préférence pour un
modèle de prévention basé sur l'information jugé
moins contraire aux principes de l'institution et plus approprié afin de
lutter contre les représentations que véhiculent les maladies
infectieuses.
2.1.b. Une stratégie de prévention
destinée à vaincre les peurs
L'information est apparue comme un support
privilégié de la prévention face à
épidémie de Sida en milieu carcéral922(*). L'information est
considérée comme étant en mesure d'apporter aussi bien aux
détenus qu'aux surveillants les éléments de
prévention permettant de faire face aux risques encourus. Elle
permettrait ainsi de faire la part des risques réels et des risques
imaginaires et de réduire les nombreuses peurs qui sont
rattachées au virus et qui font obstacle à une bonne
prévention. Une enquête réalisée en 1999 dans cinq
pays européens sur les maladies transmissibles auprès du
personnel de surveillance établit les retombées positives des
campagnes de formation et d'information. Elle conclut notamment que les
« différences marquées entre les surveillants des
différents pays quant aux connaissances et incertitudes sur les modes de
transmission du VIH, ainsi qu'à la tolérance vis-à-vis des
personnes séropositives, semblent néanmoins refléter les
différentes politiques de prévention et de réduction des
risques sur le Sida mises en place dans les pays concernés et plus
particulièrement les politiques menées dans les milieux
pénitentiaires ». Pourtant le manque de lien entre le
ministère de la Santé et l'administration pénitentiaire va
retarder le lancement de campagnes nationales et les actions d'information vont
demeurer pendant longtemps le fait d'actions ponctuelles923(*). Il s'agissait le plus
souvent de formations organisées de façon bénévole
par des médecins pénitentiaires volontaires aussi bien en
Italie924(*), qu'en
France925(*).
L'information auprès des surveillants s'effectuait davantage sous la
forme de relations informelles avec des soignants et ce n'est que plus
récemment que des formations ont été proposées aux
personnels926(*).
Bien qu'il permette de répondre en partie aux angoisses
des personnels et des détenus, la portée d'un tel modèle
de prévention apparaît limitée. Le développement de
stratégies informatives peut, par exemple, s'accompagner d'une
élévation du niveau de connaissance des personnels sans se
répercuter sur les représentations des personnels927(*). Ces campagnes peuvent
même aboutir à l'effet inverse en renforçant les peurs
initiales928(*). Le
développement des campagnes de formation/information peut, en outre,
permettre une meilleure connaissance des modes de transmission sans impliquer
pour autant une amélioration des pratiques. Isabelle Stéphan,
psychothérapeute, évoque ainsi une « dissonance
cognitive » chez les surveillants qui adoptent un décalage
entre leurs représentations et leurs pratiques
professionnelles929(*).
L'une des difficultés du personnel de surveillance semble être la
capacité à acquérir une culture professionnelle
préventive lors de leurs interventions quotidiennes :
« Un surveillant qui voit un détenu se
couper a plutôt tendance à venir l'aider alors qu'il doit utiliser
des moyens qui sont à sa disposition c'est-à-dire en utilisant
ses gants. Beaucoup ne respectent pas véritablement ces règles
[...] Je pense qu'il faut que ces mesures fassent partie de leurs pratiques
professionnelles [...] Mais ça, c'est une culture qu'ils ont du mal
à avoir »930(*).
Les campagnes d'information peuvent également avoir une
portée limitée auprès des détenus. Outre
l'inadéquation des supports utilisés931(*), le modèle de
prévention normatif repose avant tout sur le principe de
l'autorité médicale qui est parfois rejeté par les
détenus932(*). En
effet, les conditions de détention peuvent être hostiles à
la diffusion d'un message de prévention qui nécessite un rapport
de mise en équivalence entre le détenu et
l'opérateur933(*). Les groupes d'entraide constituent peut-être
comme le propose Ronconi un moyen utile pour développer cette
information préventive. Ils permettent, en effet, de privilégier
un mode de transmission de l'information basé sur un principe
d'équivalence plutôt que sur la scientificité des contenus
en favorisant la création d'un « esprit de communauté
»934(*). Ce
principe semble davantage mis en oeuvre au sein des prisons italiennes que des
prisons françaises où l'intervention d'associations
extérieures demeure rare935(*). De façon plus générale, le
succès ou l'échec des campagnes de prévention
résiderait, selon Valeria Giordano, dans le passage de l'information
à la communication. Celle-ci est problématique en milieu
carcéral du fait de la distinction entre les surveillants et les
détenus par laquelle s'établirait une barrière
infranchissable entre les deux mondes. Ce « gouffre
communicatif » s'explique par la distance qui sépare non
seulement les personnels des détenus, mais aussi les administrations
pénitentiaires et de santé, dont le rapprochement
nécessite un changement culturel 936(*).
Les réticences de l'administration et des personnels
à reconnaître la prison en tant que milieu à risque a
retardé pendant longtemps la mise en place d'un dispositif de
prévention similaire à celui qui existe dans le reste de la
société. Le modèle préventif fondé sur
l'information a été perçu comme le moyen pour mettre fin
aux peurs qui parcouraient le milieu carcéral depuis le début de
l'épidémie. Bien que celui-ci ait permis d'importants
progrès, sa portée semble limitée en raison des
contraintes du milieu carcéral qui rendent difficile la mise en place
d'un climat nécessaire à une démarche de
prévention. Le recours aux outils classiques de la prévention
était dès lors nécessaire.
2.2
La mise en place d'un dispositif de prévention
En réponse à l'augmentation des cas de Sida
recensés et à l'insuffisance des campagnes d'information-
formation, plusieurs instruments de prévention ont été mis
en place au cours des années quatre-vingt dix au sein des prisons
européennes. Ces réformes, qui traduisent un bouleversement
culturel de l'institution carcérale, ont souvent été
adoptées sous la pression des organismes internationaux937(*) dont les directives et les
avis ont fortement incité les administrations pénitentiaires
à introduire les outils nécessaires à une
prévention des risques sexuels, d `une part, et des risques liés
à la toxicomanie, d'autre part.
2.2.a De la prévention des risques sexuels à
l'émergence d'un débat sur la place de la sexualité en
prison
Mesure emblématique des campagnes de prévention
nationales contre le Sida, le préservatif symbolisa l'une des
principales infractions au règlement pénitentiaire. Suite
à la publication du rapport du professeur Gentilini, la circulaire du 5
décembre 1996 inaugura la mise à disposition de
préservatifs en libre accès auprès des UCSA. Le
préservatif a, en revanche, toujours été refusé par
l'administration pénitentiaire italienne pour laquelle,
«l'idée même d'un rapport sexuel » est
interdite938(*). Il
semblerait que cette mesure n'ait pas fait l'objet d'une forte campagne
associative, peu d'associations s'étant mobilisées sur la
question mis à part la Lila. Quelques distributions de
préservatifs sont entreprises par des volontaires, de façon
illégale, et donnent lieu à des saisies à l'occasion des
fouilles, comme le précise une sous-directrice de Rebbibia :
« Quelquefois on en a trouvé en cas de fouilles dans des
cellules et dans ce cas on les saisit immédiatement [...] Ce sont les
personnes extérieures à la prison qui les apporte comme des
volontaires [...] pour des motifs humanitaires par
exemple »939(*). Cette interdiction a en outre une incidence sur les
stratégies de prévention puisque l'utilisation momentanée
d'un préservatif pour une formation de prévention peut-être
néfaste, comme le souligne un médecin:
« Le problème majeur reste le fait qu'il
soit interdit de distribuer des préservatifs en prison. En fait
l'administration pénitentiaire a peur qu'ils puissent servir à
faire circuler de la drogue. Donc on peut en amener pour servir de
démonstration mais on ne peut pas en distribuer. Ca pourrait même
être contre-productif, je pense.»940(*)
En France, outre la difficulté à introduire les
préservatifs légalement en milieu carcéral, le mode de
distribution a également constitué un objet de polémique
important. Une fois acquis l'accord de l'administration pénitentiaire,
une nouvelle question est alors apparue : « Où est ce
qu'on les mettait? »941(*). Deux positions s'affrontaient : soit les
préservatifs étaient mis à disposition des détenus
par les services pénitentiaires942(*), soit par le bais du service
médical943(*). Le
rapport du professeur Gentilini optait pour la seconde solution en refusant la
mise à disposition systématique, indication qui fut reprise dans
la circulaire de décembre 1996944(*). Ce refus fut réitéré en 1997
par la mission santé-justice sur la réduction des risques en
milieu carcéral au nom d'une possible « incitation »
du détenu à avoir des relations sexuelles, le service
médical étant considéré comme le lieu le plus
adéquat945(*).
Pourtant malgré la mise à disposition de préservatifs au
sein des UCSA, l'accès semble insuffisant. C'est ce que conclue un
rapport réalisé en 1998 qui constate que 92 % des
établissements contactés avaient mis en place cette mesure au
niveau de leurs infirmeries mais que seulement 16 % proposaient d'autres
modalités de mise à disposition (via les associations, par
cantine...)946(*). Les
détenus ont insuffisamment connaissance de ce dispositif puisque 34 %
des détenus pensaient qu'il n'y avait pas de préservatifs en
prison ce qui traduit la faible sensibilisation des détenus. Le
principal obstacle à l'application de la circulaire ne relèverait
cependant pas du dispositif mis en place mais de la culture de l'homophobie,
prépondérante en milieu carcéral947(*). La peur d'être
« étiqueté »948(*) en tant qu'homosexuel
constituerait un frein à la distribution des
préservatifs949(*). Elle reste néanmoins la première
réaction des détenus : « La réaction de la
grande majorité c'est de dire "vous nous prenez pour des tapettes" et on
leur dit "vous pouvez aussi partir en permission" »950(*).
La réduction des risques sexuels en prison ne peut pas
seulement être établie par la mise en oeuvre de mesures
spécifiques car elle implique une réflexion sur le sens de la
sexualité en milieu carcéral951(*). Dès 1989, le rapport sur le Sida
demandé par le ministère de la Santé Claude Evin au
professeur Claude Got avait soulevé le problème de l'organisation
carcérale sur la diffusion de la maladie en signalant les
conséquences néfastes de l'occultation de la sexualité en
prison952(*). Le Sida a
mis à l'épreuve les systèmes pénitentiaires en
soulevant le problème des pratiques sexuelles qui avaient lieu en milieu
carcéral, rompant ainsi une « connivence du
silence ». Les rapports sexuels souvent tolérés au sein
des parloirs, dont le symbole demeure les « bébés
parloirs », ont été fortement remis en cause en raison
des risques de contamination qu'ils font courir au détenu et à
son conjoint953(*).
Cette critique a ouvert le débat à un droit à la
sexualité, davantage présenté comme un droit à
l'« intimité », pour les détenus, notamment
à travers le principe des « parloirs
intimes »954(*). L'administration pénitentiaire a
initié l'expérimentation d'« unités de vie
familiale »(UVF) en 1998 sur trois sites français mais le
dispositif demeurera limité aux longues peines, soit un cinquième
de la population pénale955(*). D'autre part, plusieurs recommandations ont
été élaborées afin de renforcer la lutte contre les
comportements sexuels agressifs ou la prostitution, parfois présents en
prison956(*).
La lutte contre les risques de transmission par voie sexuelle
en prison se heurte à un double obstacle. Elle va tout d'abord à
l'encontre d'un règlement qui proscrit les relations sexuelles qui sont
pourtant parfois réelles. L'introduction du préservatif au sein
des prisons françaises symbolise à cet égard une victoire
de la santé publique. Mais le silence qui entoure la sexualité en
milieu carcéral et l'importante culture de l'homophobie s'opposent
à sa pleine application. La portée de cette mesure restera
très faible si elle ne permet pas de ré-interroger la place de la
sexualité en prison. Le Sida a constitué en milieu
carcéral comme dans le reste de la société un
révélateur des dysfonctionnements culturels :
« Niée pendant des années par l'ensemble des acteurs
intervenants de près ou de loin dans le champ carcéral [...] la
sexualité des détenus émerge, difficilement et lentement
malgré le tragique de la situation, comme un enjeu de la lutte contre le
Sida »957(*). Le
principal obstacle à l'établissement d'une véritable
politique de prévention des risques sexuels est avant tout d'ordre
culturel. Cette contradiction entre les logiques pénitentiaire et
sanitaire est encore plus saillante en matière de réduction des
risques liés à la toxicomanie.
2.2.b. Les obstacles culturels à une prévention
des risques liés à la toxicomanie
La plupart des Etats européens ont choisi de faire face
aux risques liés à la toxicomanie en prison en développant
une politique répressive (lutter contre la consommation de drogues)
plutôt que de réduire les risques liés à
l'usage958(*). La mise
à disposition de seringues auprès des détenus constitue la
mesure la plus symbolique des politiques de réduction des risques. Peu
de pays ont cependant mis en place des programmes d'échange de seringues
(PES) et la plupart de ces programmes demeurent expérimentaux959(*). Cette mesure fut
systématiquement rejetée par les administrations
pénitentiaires françaises et italiennes. La position du
ministère de la Justice français est de considérer, comme
le rappelle la sous-directrice des prisons de Lyon, que ce dispositif reste
« à l'état d'étude »960(*). La mobilisation du
personnel soignant intervenant en prison semble avoir été
beaucoup moins importante pour l'échange de seringues que pour
l'introduction du préservatif, comme en témoigne une psychologue
: « On savait que ce n'était pas possible. On l'a peut
être évoqué mais ça nous semblait tellement... On a
plus axé sur le préservatif en fait »961(*). Cette revendication a en
revanche été soutenue par le secteur associatif962(*).
Le premier argument du refus de l'administration
pénitentiaire est l'infraction de la législation en
matière de répression de l'usage des stupéfiants (et
notamment les articles 222-37 et 222-39 du Code de procédure
pénale et l'article L. 628 du Code de la santé publique) qui est
fréquemment présentée comme une limite infranchissable
à la mise à disposition de seringues963(*). Outre l'infraction, la
transgression de la norme juridique pourrait impliquer une perte de
repère pour le détenu et remettre ainsi en cause le sens qu'il
attribue à sa peine : « Cette mesure entre en conflit
avec l'objet même de la peine qui est de rappeler l'existence de la
règle, de sanctionner son non-respect et de prévenir le
renouvellement de sa violation [...] Elle est de nature à fragiliser les
repères structurants que la sanction doit apporter »964(*). Une seconde limite souvent
évoquée est le risque d'accentuer l'ambiguïté du
positionnement des personnels de surveillance qui seraient contraints de
tolérer les pratiques qu'ils ont pour mission de réprimer et de
contrôler965(*).
L'introduction de seringues en détention souligne la contradiction du
sens de la peine et de la mission de l'administration pénitentiaire qui
est de punir l'infraction sans pour autant nuire au détenu. Le
principal obstacle à la mise en place de PES en milieu carcéral
n'est pas seulement de nature législative ou sécuritaire mais
d'ordre culturel. Le refus de l'administration pénitentiaire et de son
personnel reflète l'existence, selon Claudio Sarzotti, d'une culture
juridique stricte dont la rigidité normative rend impossible une
adaptation du règlement à la situation966(*). Cette position de
« rejet viscéral », partagée par certains
soignants, traduirait la peur de se rendre complice des comportements
toxicomaniaque des détenus967(*). Elle témoigne de façon plus
générale une moindre acceptation de la politique de
réduction des risques.
Cette remarque est d'autant plus valable que le facteur
discriminant entre les pays où cette mesure a été
adoptée et ceux qui l'ont refusé semble également
être d'ordre culturel. En effet, on peut remarquer que les pays qui ont
mis en place des programmes d'échange de seringue sont ceux qui ont
développé une politique de réduction des risques
volontariste qui fait généralement l'objet d'un consensus social.
C'est le cas en partie pour l'Allemagne968(*) mais ce phénomène est
particulièrement vrai pour la Suisse où la politique de
réduction des risques a acquis ses lettres de noblesse969(*). A l'inverse, la
France970(*) et l'Italie
où cette mesure n'a jamais été envisagée ont
rencontré de nombreuses réticences à mettre en place une
politique préventive au bénéfice de la population
toxicomanie. Il semblerait par conséquent que ce soit le contexte
national qui rende compte des politiques de prévention des risques en
milieu carcéral et qui justifie l'impossibilité d'introduire du
matériel d'injection en détention. C'est ainsi que le rapport
santé justice sur la réduction des risques observe qu'en France
« la politique de réduction des risques est encore fragile et
pas toujours bien acceptée » avant de conclure
que « le contexte français n'apparaît donc pas
propice à la mise en place » des programmes d'échange
de seringues971(*).
Face aux difficultés à mettre en oeuvre des PES
en milieu carcéral, quelques pays ont décidé de recourir
à l'utilisation de virucide, distribué aux détenus sous la
forme d'un détergent puissant type eau de Javel, permettant de
réduire les risques de contamination par voie intraveineuse972(*). L'administration
pénitentiaire française a adopté cette mesure par la
circulaire du 5 décembre 1996973(*) suite au rapport Gentilini qui souligne les
conditions précises dans lesquelles le produit doit être
utilisé, faute de quoi il demeure sans effets974(*). Julien Emmanuelli note
cependant que l'eau de Javel n'est pourtant le plus souvent pas
accompagnée d'un mode d'emploi, sauf en Suisse ou en Espagne où
elle est distribuée dans un Kit pharmacie avec des recommandations
écrites. La circulaire française de 1996 prévoit la
distribution de dépliants par le personnel surveillant. Ceux-ci ne sont
pourtant pas distribués aux prisons de Lyon comme le constate la
sous-directrice : « Normalement, il y a un petit
dépliant qui est prévu mais [...] je suis certaine qu'il n'est
pas distribué»975(*). Cet écart à la norme s'explique
peut-être aussi par la culture juridique stricte du personnel de
surveillance dont la mission de garde est mise à mal par la
distribution d'un produit dont l'usage est ambigu976(*). L'attitude des surveillants
traduirait la contradiction dans laquelle se situe l'administration
pénitentiaire elle-même qui esquive le débat sur
l'introduction des seringues par le recours à un produit dont l'usage
premier est détourné. Le Sida a constitué là aussi
un révélateur en soulignant les contradictions de l'institution
carcérale. Il a permit d'ouvrir un débat sur la question des
addictions en détention. Certains pays comme la France ou l'Italie s'y
sont cependant soustraits en mettant en oeuvre des dispositions qui ne
répondent que de façon imparfaite à la stratégie
de réduction des risques et dont les effets demeurent
limités977(*).
Les épidémies de toxicomanie et de Sida,
fortement corrélées, ont fortement touché les prisons
françaises et italiennes depuis la fin des années quatre-vingts.
Elles ont rendu nécessaire une reconsidération des politiques de
prévention en matière de sexualité et de toxicomanie.
Malgré l'introduction de mesures ponctuelles (campagnes informatives,
mise à disposition de préservatifs ou de virucide), les
contraintes du milieu carcéral, législatives mais surtout
culturelles, ont rendu impossible la mise en place d'une politique de
réduction des risques similaire à celle qui a permis de mettre
fin à l'épidémie. Ces mesures ont néanmoins
constitué les prémices d'une nouvelle logique préventive
en prison favorisant la promotion de la santé des détenus.
CHAPITRE 6 : L'AFFIRMATION
D'UNE DEMARCHE DE PROMOTION DE LA SANTE EN PRISON: ENJEUX ET LIMITES
Les politiques de lutte contre le Sida et de réduction
des risques ont inauguré les premières actions dé
prévention en milieu carcéral. Elles ont permis de souligner la
place de l'individu dans la prise en charge de sa santé. La mise en
oeuvre d'une pratique de prévention suppose en effet qu'elle soit
intégrée et comprise par la population. Les campagnes
d'information établies pour lutter contre l'épidémie de
Sida ont permis ainsi de réhabiliter l'éducation sanitaire qui
avait progressivement disparue au cours du 20ème
siècle en raison des progrès médicaux
réalisés. L'éducation à la santé ou
pour la santé978(*) est l'une des conséquences manifestes du
renouveau des politiques de prévention. Cette démarche s'inscrit
dans le cadre d'une logique de promotion de la santé979(*), dont l'éducation
pour la santé est une composante essentielle980(*). Elle marque une rupture
dans le cours des politiques de prévention, dont l'objet n'est
désormais plus seulement de protéger l'individu des risques
potentiels mais de favoriser son épanouissement personnel.
La réforme de 1994 inaugure l'introduction de cette
nouvelle logique de prévention en prison par l'intermédiaire des
UCSA981(*). Cette
innovation marque, sans nul doute, l'émergence d'une nouvelle conception
du soin en faveur des détenus. Elle soulève en revanche de
nombreuses questions : comment cette démarche se concilie t-elle
avec les contraintes carcérales ? Quel sens et quelle portée
peut avoir l'éducation pour la santé en prison ? Une logique
de promotion sanitaire est-elle réalisable en détention ? A
travers cette question, c'est le problème de la compatibilité
entre le soin, entendu au sens large, et l'institution pénitentiaire qui
sera soulevé.
1 Un processus de
décloisonnement de la santé carcérale
Le soin des détenus a pendant longtemps
été confié à une administration non sanitaire. Ce
cloisonnement de l'organisation des soins vis-à-vis de l'ensemble du
système de santé a marginalisé le dispositif soignant
situé en prison qui est demeuré à l'écart des
grandes évolutions sanitaires qui ont eu lieu depuis les années
cinquante. La réforme de la médecine pénitentiaire visait
à rééquilibrer cette situation en redéfinissant le
soin selon les pratiques médicales extérieures. La santé
du détenu a été perçue comme le moyen d'amorcer un
processus de décloisonnement de l'organisation carcérale
vis-à-vis d'intervenants extérieurs, d'une part, et entre les
professionnels pénitentiaires et sanitaires intervenant en
détention, d'autre part.
1.1
Une nouvelle conception du soin ouverte à de nouveaux intervenants
La santé n'est pas une notion univoque. Sa
définition implique de nombreuses répercussions en matière
d'organisation des soins. On peut distinguer globalement deux conceptions. La
première, la santé-maladie, « fait de la maladie
individuelle le moteur de l'intervention, du traitement curatif le mode
d'intervention, et de la guérison l'objectif visé
»982(*). A
l'inverse, la santé publique « implique l'intervention
technique planifiée sur l'environnement global et sur la population,
ayant comme but spécifique la prévention de la maladie, la
promotion de la santé, les soins curatifs, la réadaptation du
malade, l'éducation pour la santé ». L'émergence de
la notion d'éducation pour la santé s'inscrit directement dans un
processus de redéfinition de la santé en faveur du paradigme de
la santé publique.
1.1.a L'affirmation d'un modèle de santé
préventif en milieu carcéral
La santé publique a toujours été le
parent pauvre des politiques de santé en France. Elle a pourtant connu
un engouement dès le XIXème siècle avec
l'apparition du modèle hygiéniste qui, bien que d'une
portée limitée, marque les prémisses d'une logique
d'action sanitaire en termes de population983(*). Un mouvement d'uniformisation de la lutte contre
les grandes épidémies se forme et l'hygiène devient une
science internationale qui s'incarne à travers des
institutions984(*).
L'éradication des maladies contagieuses au cours du
XXème siècle affaiblit le modèle
hygiéniste et entraîne ainsi une désaffection pour
l'ensemble du modèle de santé publique dont il n'était
qu'une forme d'historisation. Les progrès médicaux
réalisés après 1950 et la croissance de l'organisation
hospitalière contribuent à assurer l'hégémonie du
modèle curatif fondé sur l'association : un malade -une maladie
-un traitement -une profession qui en a le monopole985(*). Au début des
années quatre-vingts, la santé publique est quasi inexistante et
la prévention se limite à la notion de dangerosité dont
est porteur l'individu malgré l'émergence timide de la notion de
risque986(*). C'est
l'épidémie de Sida qui constitue le véritable
déclencheur des politiques de santé publique. Les politiques de
lutte contre le Sida mettent au premier plan les comportements individuels et
consacrent ainsi les stratégies de prévention ciblées sur
les « pratiques à risque »987(*). Elles permettent
également de poser les premiers jalons d'un dispositif de santé
publique par un effet d'apprentissage institutionnel988(*).
L'émergence de l'éducation pour la santé
correspond à un mouvement parallèle bien que distinct des
politiques de lutte contre le Sida. Antérieure à
l'épidémie de Sida, l'éducation pour la santé, qui
consiste pour l'essentiel à enseigner des comportements favorables
à la santé, a trouvé à travers la notion de
pratiques à risques l'opportunité d'une véritable
reconnaissance. L'émergence de cette démarche s'inscrit dans un
changement global de perspective qui traduit le déplacement d'un
schéma curatif ou de la « réparation », dont
l'objectif premier est la résiliation du trouble pathologique, à
un schéma préventif ou de « croissance »
davantage orienté vers le développement des
« potentialités du sujet »989(*). Ce bouleversement se
traduit dès lors par une réorientation dispositif
sanitaire : « La hiérarchie des objectifs sanitaires se
redistribue dans un modèle où prévenir devient une
ambition tout aussi légitime et valorisée que guérir. En
cette fin de décennie, on passe lentement d'un modèle public de
santé à un modèle de santé
publique »990(*). On assiste de façon parallèle
à une redéfinition de l'état de santé en tant que
condition globale991(*).
Ce processus de redéfinition implique une nouvelle conception de la
prévention qui ne se réduit plus à l'évitement de
la maladie mais qui s'apparente à un développement des ressources
personnelles :
« On est passé très
progressivement d'une vision basée sur les risques, sur la
prévention des risques, des grandes pathologies et des fléaux
sociaux à une démarche qui était de se dire finalement on
n'est pas obligé de travailler uniquement sur les facteurs de risque
mais on peut travailler aussi sur les facteurs de protection et les facteurs de
promotion de la santé »992(*).
La promotion de la santé tend à devenir un cadre
conceptuel commun d'analyse des systèmes de santé comme en
témoigne la charte d'Ottawa, issue de la première
conférence internationale pour la promotion de la santé en
1986993(*), qui marque
l'internationalisation d'une discipline alors peu reconnue994(*). En France, la consolidation
durant les années quatre-vingt-dix d'un réseau associatif
établi au niveau départemental (ADES, Association
départementale d'éducation pour la santé) et
régional (tel que le Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé, CRAES) qui est fortement lié au Conseil français
d'éducation pour la santé (CFES)995(*), a permis
l'institutionnalisation de cette approche de santé publique. La
promotion de la santé s'est principalement développée dans
certains secteurs où elle trouvait un terrain propice996(*). La loi du 18 janvier 1994
inaugure l'introduction d'actions d'éducation pour la santé en
prison qui était restée jusque là à l'écart
du développement de cette démarche préventive.
L'éducation pour la santé constitue désormais un
élément significatif de l'évolution des politiques
sanitaires en milieu carcéral997(*). Cette transformation s'intègre dans un
processus de décloisonnement de la prison afin de permettre de
façon plus large aux populations
« empêchées » d'accéder aux même
prestations sanitaires que n'importe quel citoyen selon le principe
d'équivalence :
« C'est l'idée dans la loi que les
prisonniers sont des citoyens comme les autres [...]C'est la question de
l'accès à la prévention qui est une question importante.
Elle se pose pour les populations qui sont dites "empêchées"...
Les personnes handicapées, physiques, mentales ou sociales, les
personnes emprisonnées ou les personnes
marginalisées. »998(*)
2.1.1.b Une démarche de décloisonnement sur le
long terme
Des actions d'éducation pour la santé avaient
déjà lieu en milieu carcéral avant la loi du 18 janvier
1994, notamment au sujet des maladies infectieuses. L'introduction de cette
démarche en tant que ligne directrice des politiques sanitaires en
prison a cependant permis de multiplier les initiatives999(*) et d'initier un processus
établi davantage sur le long terme et reposant moins sur des actions
ponctuelles. La réforme de 1994 a ainsi été suivi d'un
colloque consacré à ce thème afin d'insuffler une nouvelle
logique et d'en faire une démarche sur le long terme :
« De faire moins d'opérations hyper ponctuelles mais de voir
comment impliquer un peu plus les différents personnels par cet aspect
là. Ne pas faire de l'éducation pour la santé une
pièce rapportée mais essayer d'en faire un élément
du projet d'établissement »1000(*). Ce changement de démarche est manifeste
à travers l'exemple des actions en matière de prévention
des maladies infectieuses qui sont passées du statut d'initiatives,
essentiellement symboliques, construites autour de la date du 1er
décembre à celui de plan de prévention1001(*). C'est le cas par exemple
d'un groupe de parole organisé auparavant à la prison de Saint
Quentin Fallaviers qui fut entrepris à la suite d'actions ponctuelles
ayant eu lieu au 1er décembre de chaque année. Le
médecin qui en était responsable justifie ce changement de
démarche par les contraintes du milieu carcéral qui imposent
d'établir une action dans le long terme afin de gagner la confiance
aussi bien des personnels de surveillance que des détenus :
« Une action d'éducation pour la santé
ne peut pas être envisagée de façon seulement ponctuelle,
comme on faisait au début pour le premier décembre [...] Ce n'est
qu'au bout de plusieurs mois de rencontres et de fonctionnement, qu'on a pu
obtenir une véritable implication des surveillants. Pour obtenir de
vrais changements il faut du temps. Pour les détenus, c'est la
même chose [...] L'éducation pour la santé ça
demande de s'impliquer sur le long terme. C'est une démarche de projet,
pas d'actions ponctuelles. »1002(*)
Le passage d'une logique d'action à une démarche
de projet est visible sur les prisons de Lyon où cette attribution a
été déléguée de l'Antenne toxicomanie
à un groupe d'éducation pour la santé constituée en
1998 de façon informelle sur l'initiative de quelques
médecins1003(*). Ce groupe a permis, selon la personne qui
était auparavant responsable de l'éducation pour la santé,
d'adopter une « démarche beaucoup plus
globale »1004(*). Ce changement s'est accompagné d'une
ouverture des actions d'éducation à d'autres thèmes que
les maladies infectieuses, ainsi qu'à de nouveaux outils de
prévention1005(*).
Les projets d'éducation par la santé sont
souvent l'occasion de faire intervenir des acteurs extérieurs à
la prison, comme c'est le cas sur les prisons de Lyon. Ce recours à des
professionnels non spécifiques au milieu carcéral constituerait
une opportunité relationnelle vis-à-vis des détenus pour
qui l'intervention d'un expert médical extérieur peut
représenter une forme de gratification, tel que le constate un
médecin ayant participé à un groupe de parole:
« J'étais présentée comme une experte aux yeux
des détenus et donc c'était très valorisant pour eux.
C'était complètement un acte de reconnaissance ; le fait de
reconnaître qu'on leur attribuait une importance »1006(*). Outre les
bénéfices que peuvent en retirer les patients, la participation
de personnes extérieures permet aux soignants travaillant en milieu
pénitentiaire d'être davantage
« crédible » à l'égard des
détenus. Il s'agirait d'un moyen, comme le souligne un médecin
des UCSA de Lyon, d'affirmer ainsi une continuité entre la
médecine en milieu carcéral et le reste de la
société :
« Et le souci qu'on a en prison, c'est
d'être un peu crédible auprès les détenus et de
faire en sorte, de faire entrer le plus possible des gens de l'extérieur
[...] Des fois on a l'impression que c'est une médecine spéciale
pour détenus. C'est pas vrai. L'idée c'était de dire qu'on
va essayer de travailler avec des gens qui sont aussi à
l'extérieur »1007(*).
Cette ressource semble cependant limitée et
insuffisamment mise à profit. La non-connaissance du milieu
carcéral peut tout d'abord représenter un handicap et être
perçu comme un manque de crédibilité. Par exemple à
l'occasion d'une formation à destination des surveillants, certains
formateurs n'étaient pas en mesure de fournir des réponses
adéquates aux spécificités du milieu carcéral, ne
répondant ainsi pas aux préoccupations du personnel qui y
travaille. A l'inverse, l'intervention la plus appréciée a
été réalisée par deux médecins
rattachés aux prisons de Lyon qui connaissaient très bien le
thème abordé1008(*). En second lieu, le fait que l'intervenant soit
extérieur à la prison peut ne pas être forcément
perçu par les destinataires, notamment les détenus. Un
médecin qui effectue des consultations de dépistage aux prisons
de Lyon regrette que les détenus ne perçoivent pas qu'il
n'appartient pas à l'établissement, le considérant avant
tout comme un soignant. Son extériorité constituerait même,
comme il l'indique, un inconvénient :
« Les détenus ne s'en rendent pas compte.
Pour eux je suis un médecin. D'ailleurs le gros problème, c'est
comme je suis extérieur à la prison, je n'ai pas à
intervenir dans les traitements [...] Ça serait peut-être mieux si
j'étais un médecin de l'UCSA. Car dans ce cas, je pourrais leur
prescrire ce qui leur faut.»1009(*)
Il semblerait en revanche que l'intervention d'associations
extérieures soit davantage favorable à modifier le rapport
relationnel avec les détenus notamment lors des groupes de parole. Le
rôle des groupes d'auto-support constituerait ainsi une ressource
importante en matière de toxicomanie1010(*). On peut cependant regretter que le collectif
d'éducation pour la santé des prisons de Lyon n'ait pas recours
à cette ressource, probablement en raison des difficultés
à établir une communication entre l'établissement
pénitentiaire et l'extérieur1011(*). L'objectif initial de la réforme,
décloisonner l'institution carcérale, s'en voit cependant
amoindri.
La démarche d'éducation pour la santé a
été reconnue en milieu carcéral pour la première
fois en France et en Italie lors de la réforme de la médecine
pénitentiaire. Cette transformation s'inscrivait alors dans le projet de
décloisonner les services soignants en accentuant leur lien avec le
reste du dispositif sanitaire. L'arrivée de nouveaux intervenants
implique t-elle pour autant un véritable décloisonnement de
l'institution carcérale ? L'éducation pour la santé
peut-elle permettre la mise en oeuvre d'une démarche d'action
collective en détention ?
1.2
Une nouvelle démarche d'action collective en prison
La prison est une institution totale qui demeure
cloisonnée non seulement vis-à-vis du monde extérieur mais
également entre les différents professionnels qui y travaillent.
La multiplication des intervenants en prison depuis les années
quatre-vingts (travailleurs sociaux, éducateurs et formateurs,
bénévoles, soignants) n'implique pas pour autant un changement de
l'institution carcérale. Il semblerait à l'inverse, comme c'est
le cas pour la réforme de la médecine pénitentiaire, que
l'arrivée de nouveaux professionnels accentue le cloisonnement qui
existe entre les différents services. Les interventions de chaque
professionnel se juxtaposent selon une logique sectorielle, de façon
quasi-étanche. L'un des enjeux de la loi du 18 janvier 1994 est
dès lors de faire de la santé un outil de coopération
interprofessionnel.
1.2.a La santé comme « marginal
sécant »
La prise en charge de la santé du détenu a
pendant longtemps été réduite à la seule
intervention médicale. Plusieurs enquêtés soulignent
cependant la nécessité de parvenir à établir un
lien entre les personnels qui contribuent tous à différents
degrés au rapport que le détenu entretient avec sa santé.
La redéfinition de la santé en tant qu'état global, au
sens de l'OMS, implique une démédicalisation de la
prévention qui ne se réduit pas au seul personnel
soignant1012(*), comme
le rappelle une formatrice en éducation pour la santé :
« Je pense que prendre le sujet du côté des médecins,
c'est très, très réducteur... Parce qu'en terme
d'éducation pour la santé [...] C'est vraiment le fait d'une
multitude d'acteurs jusqu'au personnel de surveillance... Même eux
peuvent être amenés à exercer des actions de
prévention »1013(*). La santé des détenus n'est pas
seulement l'aboutissement d'un acte thérapeutique car elle s'inscrit
dans une démarche collective « coproduite » par les
différents acteurs en prévention. L'éducation pour la
santé constitue dès lors une opportunité pour
décloisonner les relations entre les différents
personnels :
« On sort d'une définition strictement
biomédicale de la santé qui se définit uniquement par
l'absence de maladie pour aller vers une notion de la santé comme
quelque chose de construit [...] Le directeur de la prison, il produit aussi
de la santé. Les gardiens produisent aussi de la santé [...] Le
monde de la prison c'est un peu comme les autres mondes, c'est un monde qui est
cloisonné [...] La santé, comme c'est quelque chose qui est
coproduit, c'est une manière un peu de revisiter les collaborations avec
les autres. »1014(*)
De façon plus générale, la santé
occuperait une position spécifique au sein de l'institution
carcérale qui lui permettrait d'exercer une fonction de
« marginal sécant »1015(*). Ce concept,
développé par la sociologie des organisations pour décrire
la position intermédiaire d'un acteur entre différents
systèmes d'action, traduit la place de la santé en prison qui,
sans être un objet central, constituerait une ligne transversale
permettant d'établir un lien entre les différents acteurs, tel
que le rappelle le directeur du CRAES : « Souvent quand on n'est pas
en position de pouvoir central, il y a moins de mécanismes de
défense. L'éducation pour la santé c'est quand même
marginal et donc c'est l'un des moyens qui permet d'accéder de
façon transversale aux différents domaines. Parce qu'on n'est
moins au centre et on est plus décalé »1016(*). L'éducation pour
la santé constituerait un outil privilégié pour
établir une démarche commune entre les différents
professionnels et favoriser ainsi une connaissance mutuelle.
La coopération entre les différents personnels
s'effectue de façon privilégiée au sein du groupe
d'éducation pour la santé des prisons de Lyon où le
travail interdisciplinaire est présenté comme la
possibilité de mettre en commun une pluralité de ressources dont
dispose chaque acteur : « Il faut toujours qu'il y ait un
travail de collaboration [...] Donc moi je préconise qu'il y ait un
travail pluridisciplinaire autour du montage du suivi des actions
d'éducation pour la santé »1017(*). Les services sociaux
pénitentiaires peuvent être importants pour effectuer un lien
à l'extérieur de la prison afin de recourir à d'autres
intervenants. Un médecin des UCSA souligne l'importance du rôle
des SPIP qui bénéficient d'un accès plus direct et continu
avec les détenus que les personnels médicaux avec lesquels le
rapport se limite souvent à l'administration du soin :
« Sans eux on ne peut rien faire.
C'est-à-dire que eux, ils ont la possibilité de contacter des
détenus en plus de nous, ils ont plus de temps car il sont là en
permanence [...] Ils ont une grande possibilité d'ouverture vers
l'extérieur, de contact vers l'extérieur, plus que
nous. »1018(*)
L'administration pénitentiaire joue également un
rôle important dans les projets d'éducation pour la santé
pour lesquels elle a dégagé une ligne budgétaire
spécifique. Le financement de ces actions constitue un problème
particulier pour les médecins qui sont peu habitués à
procéder à des démarches de type administratif. Ils ont
par conséquent facilement recours à la Direction régionale
des services pénitentiaires (DRSP), comme le regrette un de ses
représentants : « Théoriquement, l'hôpital
devrait rechercher les cofinancements [...] Actuellement, ça ne se passe
pas du tout comme ça et très souvent les projets sont la plupart
du temps financés par l'administration pénitentiaire ce qui est
absolument anormal »1019(*). C'est pour répondre à ces critiques
que le groupe d'éducation pour la santé des prisons de Lyon a
choisi de mobiliser d'autres ressources en recourrant au milieu associatif
comme c'est le cas du CRAES qui dispose de fonds propres importants:
« C'est une grosse épine dans nos
souliers. C'est-à-dire qu'on n'a pas de financement pour ça et
qu'il faut les trouver ces financements [...] On perd une énergie
très importante là-dedans [...] Nous, médecins, on n'est
pas formé à ça et puis ça nous barbe un peu. Et le
CRAES ça représente par exemple une possibilité de
financement. »1020(*)
Un second niveau de coopération est celui des
formations interdisciplinaires. Malgré leur apparente proximité,
les différents personnels travaillant en détention se situent
souvent dans une méconnaissance réciproque : « Il
y a une méconnaissance totale entre le médecin, le professionnel
de surveillance ou le gardien de prison et l'assistante sociale. [...] Il y a
une multitude d'intervenants en fait autour du détenu mais il y a des
fractures au niveau de l'information »1021(*). Les formations destinées aux
différents services, comme celles qui ont eu lieu sur Lyon, offrent
l'opportunité d'amorcer un dialogue entre les personnels soignants et
pénitentiaires, facilitant ainsi une meilleure
compréhension1022(*). Ce changement apparaît important afin de
limiter les dysfonctionnements qui peuvent découler d'un trop grand
cloisonnement. Les médicaments, par exemple, constituent
fréquemment un sujet de conflit entre le personnel médical, pour
qui toute intrusion équivaut à une transgression du principe du
secret médical, et le personnel pénitentiaire qui s'estime mal
averti. La fracture de l'information qui sépare les deux services
offrirait une marge d'action supplémentaire au détenu pouvant
profiter du manque de lien entre les personnels. L'émergence d'un
dialogue peut alors permettre de résoudre les incompréhensions et
de prévenir ces dysfonctionnements1023(*) :
« Les professionnels de surveillance ne
comprennent pas toujours comment sont prescrits les médicaments, par qui
et quel est son parcours [...] Et je pense que le détenu lui peut en
jouer. Il peut prétendre par exemple être terriblement malade et
le personnel de surveillance [...] ne saura pas si c'est du
bluff... »1024(*)
La santé occupe une place marginale en milieu
carcéral qui lui confère un rôle potentiel
spécifique. Elle peut, en effet, constituer l'opportunité
d'engager un processus de décloisonnement au sein de l'institution
pénitentiaire en facilitant la communication entre les services. Les
actions de prévention qui reposent sur une définition globale de
la santé permettent de regrouper les personnels sanitaires et
pénitentiaires au sein d'une même démarche. Celle-ci se
heurte cependant aux exigences premières de la prison qui
relèguent l'éducation pour la santé au rang de
préoccupation secondaire.
1.2.b Une préoccupation de second ordre
La mise en oeuvre d'un projet d'éducation en prison se
heurte à de nombreux problèmes liés au milieu
carcéral. L'obstacle le plus récurrent est
précisément le cloisonnement entre les différents services
qui rend difficile l'élaboration d'un travail collectif.
L'administration pénitentiaire est présentée comme une
bureaucratie au sein de laquelle la transmission de l'information s'effectue
imparfaitement en raison des délimitations hiérarchiques :
« L'un des problèmes de la pénitentiaire, c'est la
communication parce que ça passe toujours par le haut et le temps que
ça arrive en bas, il ne reste plus rien comme information [...] Tout est
cloisonné. C'est un lieu d'enfermement mais à tous les
niveaux. »1025(*). Cette lenteur se répercute sur les actions
d'éducation pour la santé qui nécessitent avant tout un
travail de concertation. Les procédures apparemment simples d'ordinaire
deviennent ainsi beaucoup plus dures à gérer dans la mise au
point d'un projet : « Tout est compliqué en prison. La
démarche d'enquête auprès des surveillants, la
communication pour demander la participation aux journées demandait tout
un dispositif un petit peu lourd »1026(*). Une intervenante
associative remarque la difficulté à établir, en tant que
professionnelle extérieure à l'institution carcérale, une
communication suffisante avec le personnel pénitentiaire, elle conclue
en affirmant qu'« il y a vraiment l'intérieur et
l'extérieur »1027(*). Sa position ne lui a pas permis d'intervenir
directement mais la situait dans une relation de dépendance
vis-à-vis de l'administration pénitentiaire1028(*) :
« Nous, on était prestataires de
services. On dépendait largement de nos partenaires qui étaient
à l'intérieur des prisons. C'est-à-dire que moi, je n'ai
pas pu faire la communication moi-même, je n'ai pas pu intervenir
moi-même, etc. Il a fallu que je passe à chaque fois par le
personnel de la prison et ils n'ont pas toujours joué le
jeu.»
Le second obstacle à l'élaboration d'un projet
d'éducation pour la santé semble être
l'impossibilité d'établir une démarche à long
terme, pourtant nécessaire, en milieu carcéral. Les contraintes
évoquées auparavant (absentéisme, le renouvellement trop
rapide des surveillants) rendent nécessaire de « tout
recommencer tout le temps ». La prison se caractériserait par
son immobilisme qui découragerait de nombreux intervenants, notamment
sanitaires, comme en témoigne une psychologue : « C'est vrai
que c'est usant. Moi je commence aussi à m'épuiser parce que
recommencer tout le temps, tout le temps à aller me
présenter... »1029(*). Les règles de fonctionnement de
l'institution carcérale rendent difficile la pérennisation d'un
projet, tel que le constate une éducatrice au sujet de l'Unité
pour sortants (UPS) : « La détention fonctionne à
courte vue, au jour le jour et on a du mal à lancer des actions de
longue durée. Il n'y a aucune histoire. À chaque fois que
j'organisais l'UPS, je devais tout expliquer aux surveillants [...] En travail
en détention, on doit se dire que 50 % de notre énergie passe
dans ce travail de négociation et de tractation pour faire accepter le
soin »1030(*).
Face à ces difficultés, la mise en oeuvre d'un
projet d'éducation pour la santé nécessite de relever
plusieurs défis. Elle requière tout d'abord une participation de
la direction de l'établissement sans laquelle « ça
n'est pas la peine »1031(*). Mais de façon plus large, la
réussite d'un projet ne peut-être assurée que grâce
à la coopération de plusieurs individus dans une dynamique de
groupe. La participation de l'ensemble du personnel implique en effet la
mobilisation de membres de chaque service qui soient suffisamment
impliqués pour être le relais d'un projet d'éducation pour
la santé auprès de leur groupe respectif, tel que le constate un
médecin ayant participé à un projet de prévention
au sein d'une maison d'arrêt :
« Tout a été rendu possible car
il y avait le médecin chef de l'UCSA qui était très
impliqué. [...] Dans chaque groupe, il y avait une personne qui
était le relais ou le meneur si vous voulez, par exemple, il y avait ce
médecin, il y avait aussi le chef de détention [...] qui
était vraiment central. Et puis, j'étais toujours
accompagné par une infirmière pour aller voir les détenus
[...] Donc, il s'est vraiment formé un trio entre ce médecin, le
surveillant chef et cette infirmière et c'est ce trio qui a permis que
les choses se fassent »1032(*).
L'implication des différents personnels semble
cependant souvent insuffisante pour permettre un bon déroulement des
actions d'éducation pour la santé. Le concours de
l'administration pénitentiaire est très souvent limité. La
participation des directeurs d'établissement de la région
Rhône-Alpes, chargés de la coordination des actions de
prévention, est qualifiée de « minimaliste »
bien que celle-ci soit très variable d'un site à un
autre1033(*). Les
prisons de Lyon semblent constituer une exception où la sous-directrice
d'établissement assiste régulièrement aux réunions
du groupe d'éducation pour la santé. Malgré cette
présence, l'administration pénitentiaire exercerait davantage un
rôle de suivi que d'initiative, comme le constate un responsable
associatif au sujet d'une action menée sur les prisons de
Lyon : « l'administration pénitentiaire
était... favorable »1034(*). La participation des personnels de surveillance,
tels que les chefs de détention, est en revanche beaucoup plus rare. Le
peu de place accordée à l'éducation pour la santé
dans le fonctionnement de l'établissement contraste fortement avec les
financements apportés par l'administration pénitentiaire au
niveau national qui sembleraient en faire une priorité:
« L'éducation pour la santé, ce
n'est carrément par la priorité au sein du milieu
carcéral. Il y a tellement de problème, de lourdeurs, de
difficultés [...] L'éducation pour la santé c'est vraiment
la dernière roue du carrosse [...] Au niveau de l'administration
pénitentiaire régionale, il y a des moyens qui sont
débloqués pour l'éducation à la santé. Donc
là, il y a pas trop de souci au niveau du financement. C'est plus le
niveau de l'application professionnelle. Je pense que pour eux ce n'est pas la
priorité. »1035(*)
La participation du personnel médical semble
également relativement fragile dans les actions d'éducation pour
la santé. Mis à part l'implication de deux médecins, l'un
de l'UCSA et l'autre du SMPR, au sein du groupe des prisons de Lyon, les autres
soignants apparaissent plus distants comme en témoigne leur faible
participation aux séances de formation1036(*). Malgré la culture
médicale dont il dispose, cette moindre participation du personnel
sanitaire peut faire défaut à l'élaboration d'une
démarche collective qui vise à rapprocher les cultures sanitaire
et pénitentiaire1037(*) : « Je pense personnellement que le personnel
médical estime être suffisamment informé, formé,
éclairé... Je pense qu'ils n'ont pas considéré que
c'était une formation qui leur était adressée en
priorité»1038(*). La non-participation des du personnel infirmier
s'expliquerait néanmoins davantage par un problème de temps que
de motivation1039(*).
Plus généralement, les infirmières seraient beaucoup plus
favorables à une démarche d'éducation à la
santé, plus proche de leur culture médicale, que les
médecins qui demeurent réticents à une logique de
prévention:
« Chez les infirmières il y a des choses
qui ne sont pas encore chez les médecins, la culture de la
qualité, la promotion de la santé. Ce sont des choses que les
infirmières ont déjà dans leur culture [...] Pour
l'instant l'éducation pour la santé ne fait pas du tout partie de
la culture des médecins, et encore moins des médecins
hospitaliers »1040(*).
Le rattachement des UCSA aux établissements
hospitaliers a conduit à déléguer aux praticiens
hospitaliers la mission d'éducation pour la santé en milieu
carcéral. Pourtant celle-ci n'apparaît pas comme une
priorité du milieu hospitalier où les actions de
prévention demeurent le fait d'initiatives personnelles de la part de
praticiens hospitaliers, comme en témoigne l'exemple des Hospices Civils
de Lyon, sans qu'il y ait pour autant « dans le cadre institutionnel une
politique de promotion de la santé »1041(*). Le principal obstacle
à l'implication des soignants en faveur de l'éducation pour la
santé serait d'ordre culturel du fait que les hôpitaux dont
relèvent les UCSA « n'ont pas encore vraiment acquis les
savoir-faire qu'ils seraient censés posséder en matière de
prévention (individuelle ou collective), d'éducation à la
santé et de promotion de la santé d'une manière
générale »1042(*). La médecine hospitalière se
caractérise avant tout pas son hyper-spécialisation,
symbolisée par la qualité de ses plateaux techniques, permettant
de soigner les pathologies les plus diverses. Cette politique purement curative
oublie cependant la démarche préventive, réduisant la
santé à « la vie dans le silence des
organes » pour reprendre la définition de Leriche
critiquée par Canguilhem1043(*). La démarche du personnel des UCSA
apparaît ainsi en décalage avec la structure soignante à
laquelle il est rattaché. Ce contraste peut constituer un obstacle
à la mission de prévention des unités de soin pour
détenus mais elle peut permettre, à l'inverse, une modification
de la culture soignante hospitalière, comme l'espère un
médecin des UCSA de Lyon:
« En éducation pour la santé,
l'hôpital c'est zéro. Et la formation des médecins, on en
parle pas [...] Pourquoi est-ce que l'hôpital n'apprendrait pas
l'éducation à la santé? [...] Ça me
paraîtrait très crédible [...] L'hôpital est une
structure trop spécialisée et trop
marquée »1044(*).
L'éducation pour la santé se heurte à de
nombreux obstacles culturels au sein de l'institution pénitentiaire. On
peut dès lors douter parfois de la motivation des personnels à
promouvoir des actions de prévention au sein de leur
établissement1045(*), comme en attestent certains projets apparemment
absurdes1046(*). Cette
démarche ne constitue pas la priorité des personnels sanitaires
et pénitentiaires qui sont souvent trop absorbés par leur travail
de « suivi individuel » pour pouvoir s'impliquer dans des
actions nécessitant une lourde préparation1047(*). Le quotidien constitue
l'essentiel du fonctionnement d'un établissement pénitentiaire,
laissant peu de place pour la prévention. C'est également le cas
pour les détenus pour qui la vie en détention comporte de
nombreuses autres préoccupations, ce qui fait qu'«entre les
parloirs, l'atelier et le sport, il ne reste pas beaucoup de place pour la
santé »1048(*). La même hiérarchie s'établit
au sein des services médicaux où l'allocation des ressources
entre le soin et la prévention se fait souvent au détriment de
l'éducation pour la santé. Celle-ci est d'autant plus marginale
qu'elle demeure imperceptible. En effet, la promotion de la santé peut
difficilement faire l'objet d'une évaluation chiffrée et reste
difficile à justifier au regard des critères de
rentabilité du système hospitalier : « Dans nos
comptes-rendus d'activité, c'est facile de compter le nombre de
consultations qu'on a faites, mais si on dit qu'on a fait des réunions
d'éducation pour la santé [...] On évalue ça
comment pour l'UCSA? Quand on a un rapport d'activité à faire,
c'est dur à préciser »1049(*). L'éducation pour
la santé constitue le parent pauvre de la vie en détention
où elle ne constitue souvent qu'un « plus » et
jamais une priorité. Cette absence de considération n'est pas
propre au milieu carcéral mais traduit la primauté du
modèle de santé curatif dans l'ensemble de la
société : « C'est le problème - de
manière générale car à l'extérieur ça
existe et c'est encore pire en prison- de la reconnaissance et de la
légitimité de l'éducation pour la santé, de
manière générale »1050(*).
L'éducation pour la santé est une
démarche spécifique de prévention introduite en milieu
carcéral en 1994 par la réforme de la médecine
pénitentiaire. Elle offre l'opportunité d'initier un premier
décloisonnement non seulement vis-à-vis des intervenants
extérieurs, mais aussi entre les services sanitaires et
pénitentiaires à travers une démarche d'action collective.
La démarche de promotion de la santé se heurte cependant aux
priorités et aux exigences pénitentiaires qui demeurent au
premier plan. Quelle portée peut, dès lors, avoir cette logique
de prévention en prison ? La logique du milieu carcéral ne
lui enlève t-elle pas tout son sens ?
2 Les ambiguïtés d'une
démarche d'éducation pour la santé en prison
L'éducation pour la santé recouvre une
pluralité de significations. Elle peut s'entendre en tant que la
transmission d'une information médicale destinée à
éviter une maladie (prévention secondaire) ou de façon
plus large en tant que réflexion personnelle permettant la diffusion de
comportements sains afin de renforcer l'état de santé
(prévention primaire)1051(*). Il s'agit d'une démarche qui associe un
aspect sanitaire à une logique éducative. Celle-ci peut cependant
dépasser la sphère médicale et interroger l'individu sur
ses choix personnels de façon plus générale. C'est
pourquoi la portée de l'éducation pour la santé en milieu
carcéral doit être interrogée non seulement par son
incidence au sein de la détention mais aussi, sur le long terme, au
regard de la réinsertion du détenu.
2.1
Quel renouveau du fonctionnement de la vie en détention ?
L'institution pénitentiaire constituerait un monde
minéral sans vie propre. Seuls des modifications externes seraient en
mesure de faire évoluer le fonctionnement de la détention.
L'éducation pour la santé est perçue comme le moyen
d'apporter, au moins, deux modifications au sein de la prison. Elle permettrait
de revaloriser la fonction de surveillant en réconciliant sa mission de
veille avec celle de garde, d'une part, et représenterait une
amélioration marginale des conditions de vie en détention,
d'autre part. Ces ambitions se heurtent néanmoins aux contraintes du
milieu carcéral qui en soulignent les contradictions et les
ambiguïtés.
2.1.b Vers l'affirmation d'un nouveau rôle de
veille ?
L'éducation pour la santé est perçue
comme un moyen afin d'impliquer davantage les surveillants dans le suivi des
détenus et de réconcilier ainsi leur mission de garde et celle de
veille, davantage orientée vers la réinsertion. Les
premières formations adressées aux personnels de surveillance
sont apparues au cours des années quatre-vingt-dix dans le cadre de la
lutte contre le Sida. Les maladies infectieuses ont cependant été
considérées comme un thème trop restrictif pour aborder
les questions relatives à la santé, d'autant plus qu'il semble
mobiliser assez peu les surveillants1052(*). Certains établissement ont alors
développé, comme c'est le cas des prisons de Lyon, des formations
répondant spécifiquement aux problématiques qui
intéressent le personnel de garde afin d'éviter le rapport de
rivalité qui existe parfois avec les détenus. Il s'agit d'arriver
à concerner les personnes les moins prédisposées à
se mobiliser sur la santé des détenus à partir de leurs
préoccupations quotidiennes :
« On leur a parlé plutôt de leurs
problèmes de sommeil à eux, on leur a parlé plutôt
de leurs souffrances psychologiques à eux... Je pense que s'ils sont
venus d'abord, c'était pour parler d'eux. L'astuce, c'est qu'on
s'était dit : on essayait de les prendre par ce biais-là, et
peut-être que petit à petit, au fur et à mesure de la
formation, on réussira à introduire la problématique des
détenus, et le rapport qu'ils peuvent avoir avec eux.»1053(*)
Il est possible de distinguer plusieurs objectifs à
travers cette formation. Le premier de cette formation était de
familiariser les personnels de surveillance à la culture de
l'éducation pour la santé en soulignant l'interdépendance
entre l'état de santé des détenus et les conditions de
travail en détention par lesquelles ils sont directement affectés
: « Il s'agit de sensibiliser les surveillants en leur disant que
les soucis de santé des détenus peuvent être
générés par les conditions d'hygiène et que ce sont
aussi les conditions d'hygiène et les conditions de travail du
personnel »1054(*). Le second aspect de la formation était
d'organiser des ateliers thématiques au cours desquels les surveillants
devaient élaborer collectivement des solutions répondant à
des problèmes rencontrés couramment au sein de la vie en
détention et face auxquels les personnels sont souvent
désemparés (refus d'un détenu de se doucher ou de nettoyer
sa cellule). Il s'agissait, ainsi, d'apporter « des outils
complémentaires par rapport à la compréhension de
certaines problématiques de santé en
prison »1055(*). Un troisième objectif plus ambitieux
était de mobiliser directement les personnels ayant
bénéficié de la formation, en leur proposant de participer
ultérieurement à des groupes de prévention, afin qu'ils
puissent dans un second temps « devenir eux-mêmes animateurs en
prévention pour la santé auprès des
détenus »1056(*).
La formation organisée par les prisons de Lyon apporte
également un bon exemple des limites de l'impact que l'éducation
pour la santé peut avoir sur la revalorisation du rôle de
surveillant. La participation du personnel de garde à la formation a
tout d'abord été très instable en raison des
problèmes d'emploi du temps1057(*). La présence des surveillants aux ateliers
n'était pas reconnue en tant que formation professionnelle, obligeant
les personnes à s'y rendre pendant leur temps libre. Une
éducatrice rappelle au sujet d'une autre formation que le personnel de
surveillance est celui qui rencontre le plus de difficultés pour pouvoir
assister aux séances en raison de l'important sous-effectif. Leur faible
participation, ajoute t-elle, « ne traduit pas vraiment un manque de
demande mais un manque de disponibilité »1058(*). Le second objectif,
apporter des acquis théoriques pouvant servir aux surveillants dans leur
travail quotidien, semble également difficilement réalisable en
raison du manque de moyens auxquels ils sont confrontés. Les outils
essentiels à une démarche de prévention ne seraient pas
disponibles en détention rendant vain la mise en oeuvre des conseils qui
sont apportés :
« Je crois surtout qu'ils n'ont pas beaucoup de
moyens pour mettre en application ce qu'ils savent [...] Ils n'ont aucun moyen
de se laver les mains. Ils doivent fouiller les gens et ils ne peuvent pas se
laver les mains [...] Alors après on nous parle de prévention,
d'avoir des préservatifs en cellule mais la moindre des choses, c'est
quand même de pouvoir se laver les mains car ça semble
prioritaire. »1059(*)
Il semblerait que la formation se soit heurtée à
certaines difficultés du fait de l'absence de réponse de la part
de l'administration pénitentiaire aux suggestions formulées par
les personnels de garde. Ceux-ci étaient invités à la fin
de chaque activité à émettre des propositions qui
étaient par la suite transmises auprès de la direction de
l'établissement. Une formatrice remarque que les surveillants ont
manifesté une déception face à l'absence de suivi qui
décrédibilisait en partie le sens de la formation :
« Le personnel de surveillance attendait beaucoup de ces propositions
là, de leur construction, de leur travail en groupe et ils n'ont pas du
tout eu l'impression d'être entendu »1060(*). La plupart des
suggestions qui ont été faites (mettre en place des douches
individuelles, modifier le dispositif des horaires de travail, proposer un
matériel désinfectant pour les fouilles) se sont heurtées
au silence de l'institution carcérale et sont restées
inappliquées. Il semblerait, comme le constate un responsable
associatif, qu'en l'absence d'une véritable politique
d'établissement, la portée de la formation demeure
limitée1061(*).
En outre, le fait de confronter les surveillants avec des exigences qui
demeurent inaccessibles peut s'avérer contre-productif et il
apparaît préférable, selon une psychologue, d'axer la
formation sur des changements secondaires mais réalisables :
« Pendant cette formation pour la santé, [on ne doit] pas
faire des choses qui ne vont pas pouvoir s'adapter ici parce que c'est trop
violent. C'est montrer ce qu'on devrait faire et ce qu'on ne peut pas faire
[...] Sinon, ça ne fait que les mettre dans l'impuissance et ils y sont
déjà bien »1062(*). L'amélioration des pratiques des
surveillants est d'autant plus difficile à attester qu'aucune
évaluation n'est réalisable et que la portée de la
formation demeure inconnue : « Est-ce que ça a
amélioré les choses? Comment ? Ou est-ce que les choses sont
restées complètement en l'état ? On n'en sait rien du
tout »1063(*). Enfin, le troisième objectif (impliquer de
façon plus directe les surveillants dans une démarche de
prévention auprès des détenus) constitue un
semi-échec. Près d'un an après la formation, seuls deux
surveillants sur les dix-sept qui avaient participé étaient
encore en poste auprès des prisons de Lyon. Le roulement très
rapide du personnel pénitentiaire rend difficile l'élaboration
d'un projet de prévention à long terme, comme le regrette une
formatrice : « La difficulté c'est qu'il y a un fort
turn-over chez le personnel de surveillance. C'est un métier qui n'est
pas facile il y a beaucoup d'arrêts maladies, beaucoup de transferts,
etc. donc ce n'est pas dit que ceux qui ont suivi la formation cet
été soient encore en poste [...] Donc je pense qu'on va avoir du
mal à trouver des gens pour se mobiliser là-dessus
»1064(*).
L'éducation pour la santé constitue t-il un
moyen pour réconcilier la mission de garde et la mission de veille des
surveillants et modifier ainsi le rapport qu'ils entretiennent avec les
détenus? Rien n'est moins sûr. En effet, même si
l'éducation pour la santé est une démarche pouvant
favoriser un changement culturel, elle se heurte au sein du milieu
carcéral à ne nombreuses contraintes qui la rendent peu
crédible. Certains considèrent néanmoins que même si
cette réconciliation demeure « utopique », et est de
plus en plus difficile en raison de l'évolution actuelle des conditions
de détention, cela ne rend pas pour autant vain tout effort visant
à inscrire le travail quotidien du personnel de surveillance dans une
démarche de prévention1065(*). L'éducation pour la santé
permettrait ainsi des modifications marginales pouvant aboutir à une
amélioration de la vie quotidienne des détenus.
2.1.b Vers une amélioration de la vie carcérale
ou une nouvelle forme d'autocontrôle ?
Beaucoup d'intervenants, aussi bien soignants que
pénitentiaires, reconnaissent que l'éducation pour la
santé n'a qu'une portée limitée en milieu carcéral.
Celle-ci viserait avant tout à permettre aux détenus
d'améliorer leur mode de vie au quotidien: « Je pense que
pour que ce soit efficace, il faut être modeste. On était tous
à peu près d'accord avec ça dans le groupe. Ça veut
dire qu'il faut faire des petites actions mais qui soient très
précises par rapport à l'hygiène. Il faudrait que les
détenus arrivent à prendre soin d'eux »1066(*). L'un des objectifs de la
démarche d'éducation pour la santé serait d'apporter un
certain nombre de connaissances au détenu sur des thèmes
précis (le sommeil, l'alimentation, le stress) lui offrant ainsi la
possibilité d'adopter un autre comportement1067(*). Les conditions de
détention sont cependant souvent mauvaises et semblent peu compatibles
avec une démarche censée favoriser une amélioration du
quotidien1068(*).
Certaines contradictions émergent de ce constat : comment inciter
les détenus à rester vigilent sur leur hygiène alors
même que de nombreux établissements pénitentiaires sont
incapables d'assurer les trois douches par semaine réglementaires ?
Quel peut-être le rôle d'une diététicienne tandis que
les repas sont souvent de mauvaise qualité et sont servis froids ?
Comment inciter de façon plus générale l'adoption de
comportements protecteurs dans un environnement nocif1069(*) ? Le personnel
médical, pourtant favorable à une démarche de promotion de
la santé, reconnaît l'existence de certaines contradictions:
« Par exemple à un moment on voulait parler des
problèmes de dos mais ils ont des lits tout cassés. Qu'est-ce
qu'on peut aller faire une école du dos s'ils dorment dans des lits tout
cassés ? »1070(*).
Face à ce constat, les intervenants mobilisés
sur le thème de l'éducation pour la santé adoptent une
réaction qui peut être décomposée en trois temps.
Ils reconnaissent, tout d'abord, que la prison présente de nombreuses
limites à cette démarche, après quoi ils
considèrent qu'il n'existe pas d'« environnement
favorable » à une démarche de promotion de la
santé et ils estiment, enfin, que des modifications marginales demeurent
possibles. C'est l'avis par exemple d'un responsable associatif qui admet que
« le nombre de prisonniers croissant rend plus difficile un certain
nombre de choses pour l'éducation pour la santé » et
qu'« il y a des limites très fortes liées à
l'environnement ». Il considère toutefois que des
évolutions sont réalisables : « Il y a des choix
possibles. On peut agir différemment. Il y un certain nombre de marges
de liberté possibles pour travailler différemment sur un certain
nombre de questions »1071(*). C'est également la position d'une
responsable de l'administration pénitentiaire qui admet les mauvaises
conditions d'hygiène de l'établissement : « On dit
souvent les prisons de Lyon vont fermer mais c'est vraiment une
nécessité absolue [...] Il y a des problèmes
d'hygiène évidemment. C'est vraiment très vieux et on a
beau faire de l'entretien, c'est vieux. Vieux et délabré».
Elle estime néanmoins que « des petites choses simples
à mettre en place qui peuvent être très
efficaces » sont possibles telle que l'utilisation d'eau de Javel
afin d'assurer un minimum de propreté dans les cellules1072(*). C'est enfin la position
d'un médecin des UCSA qui estime que l'éducation pour la
santé offre au détenu l'opportunité de protéger la
dernière chose qui est en sa possession, sa santé :
« Alors c'est vrai que la prison n'est pas
idéale mais de toute façon il n'y en a pas d'environnement
idéal [...] L'éducation pour la santé, elle ne peut pas
construire une douche. Elle peut expliquer aux gens pourquoi il faut se laver,
pourquoi faut se brosser les dents [...] Il y a des moments dans la vie
où on n'est pas maître de tout et ce n'est pas la peine en plus de
détruire son corps. On est déjà détruit dans
l'esprit il faut quand même tenter de protéger ce qui leur reste
un petit peu »1073(*).
L'éducation à la santé serait donc en
mesure d'améliorer la vie quotidienne des détenus par le biais de
modifications marginales. Elle permettrait même un changement de
comportement au sein de la détention en favorisant une pacification des
rapports entre les détenus et les personnels, comme en témoigne
un cadre de l'administration pénitentiaire : « Il y a un
bienfait qui se fait sentir tout de suite même au niveau du comportement
des gens. Les gens deviennent moins agressifs, ils reprennent confiance en eux.
Donc déjà on voit un bien fait par rapport à
ça »1074(*). Les actions de promotion de la santé
rendraient la vie carcérale plus douce et plus supportable. Une question
demeure cependant ouverte : l'éducation pour la santé ne
serait t-elle pas perçu comme le remède aux maux de la vie en
détention ? La démarche de promotion de la santé ne
constituerait-elle pas un expédient en réponse à la
vétusté des équipements ? La prévention ne
peut pourtant pas, comme le constate une éducatrice, constituer un
substitut aux carences du milieu carcéral : «
l'éducation pour la santé, ne doit pas être palliative au
manque de moyens structurels »1075(*).
Il s'agit dès lors de ré-interroger le sens de
l'éducation pour la santé en prison sous une perspective
nouvelle. L'émergence d'une culture de la prévention
relèverait peut-être d'un processus plus large de
médicalisation de la société1076(*). Ce
phénomène n'est pas nouveau, il s'inscrit dans un procès
de civilisation décrit par Norbert Elias qui, bien qu'il n'ait pas
analysé le rôle spécifique de la médecine,
considère que le recours aux théories scientifiques relatives
à la santé est lié à la
généralisation des « comportements
civilisés », c'est-à-dire du savoir vivre, à
l'ensemble des individus. Les progrès de l'hygiène publique
réalisés au cours des derniers siècles ne s'expliquent pas
tant par la connaissance rationnelle des maladies que par la structure sociale
existante. La lutte contre les grandes épidémies ne se
résume pas aux seuls aspects médicaux, mais visait à
affronter ces menaces en élevant le niveau de civilisation de la
société dans son ensemble1077(*). Norbert Elias remarque dans ce processus un aspect
fondamental qui est le passage de la contrainte sociale à
l'auto-contrainte c'est à dire l'intériorisation du
contrôle des émotions et des pulsions1078(*). Alors que
l'hygiénisme du 19ème siècle ne prenait pas
pour objet les conduites ou les comportements interdividuels mais se limitait
à l'étude entre la population et son environnement, la
médecine moderne a, depuis la « révolution
pasteurienne », mis les comportements individuels au premier
plan1079(*). La
démarche croissante de prévention, initiée à
l'occasion des politiques publiques de lutte contre les grandes maladies
fléaux de l'entre-deux guerre, a amplifié ce processus de
médicalisation « dans la mesure où il dépendrait
du « comportement individuel » d'accroître ou de
diminuer les risques potentiels d'« attraper » une
maladie », contribuant ainsi à rendre l'individu responsable
de son état de santé selon une idéologie de stigmatisation
de la victime1080(*).
La médecine contribue de plus en plus à cette dynamique en
déléguant au patient un rôle d'autocontrôle de son
propre corps, faisant de lui un homo medicus, comme en
témoignent les campagnes de dépistage précoces contre le
cancer1081(*). La
responsabilisation du patient vis-à-vis de sa propre santé est
présentée comme un progrès. Toutefois le fait que
l'individu semble le nouveau dépositaire du principe de surveillance de
son corps, visible à travers l'idéologie de la
« maîtrise de soi », ne signifie pas pour autant un
mouvement de libération de l'individu face à l'Etat. Ce
phénomène s'interprète comme le passage de la sanction
à l'autorégulation qui marque une nouvelle étape du
processus d'individuation élasien. L'éducation pour la
santé ne participe dès lors t-elle pas, au-delà du de la
mise en avant des valeurs d'autonomie et de prévention, à une
« nouvelle administration des corps »1082(*) ? Ne peut-elle pas
être entendue comme « un autocontrôle corporel,
étatiquement organisé, qui délègue à
l'individu le plus directement concerné le soin d'user
raisonnablement de son corps »1083(*) ? La promotion de la santé participe,
peut-être, à l'établissement d'une morale médicale
visant à normaliser les comportements humains1084(*). Ce processus prend
d'ailleurs un sens particulier en milieu carcéral où le
contrôle des individus et des corps demeure la mission première de
l'institution. L'éducation pour la santé ne constituerait t-elle
pas une nouvelle forme de discipline, voire d'autodiscipline, des
détenus ? Au-delà des déclarations d'intention et des
bonnes volontés de chaque intervenant, une ambiguïté
demeure.
L'éducation pour la santé est une
démarche qui viserait avant tout à améliorer la vie
quotidienne des détenus. Sa portée semble cependant
limitée en raison des conditions de vie souvent déplorables en
détention qui laissent émerger d'importantes contradictions.
Celles-ci rendent difficile une incidence des actions de prévention
à court terme au sein de la prison. La promotion de la santé en
milieu carcéral se conçoit alors davantage comme une
démarche sur le long terme pouvant faciliter la réinsertion du
détenu.
2.2
Par delà les murs... Quels liens entre soin, prévention et
réinsertion ?
Les contraintes du milieu carcéral constituent une
limite forte à la portée d'une logique de prévention au
sein de la détention. Qu'en est-il hors de l'institution
carcérale ? La promotion de la santé est peut-être une
démarche qui prend tout son sens lors de la libération du
détenu. Elle peut, par exemple, faciliter sa réintégration
au sein du corps social. La prison offrirait de nouvelles opportunités
de réinsertion. Mais, de façon plus générale,
l'institution carcérale ne constitue t-elle pas le lieu propice au
rétablissement de la santé du détenu ?
2.2.a Les ambiguïtés d'une prison
restauratrice
La prison est souvent présentée comme
restauratrice. Elle offre tout d'abord la possibilité d'une
première prise en charge à des personnes qui sont souvent
éloignées du système de santé1085(*). Les détenus qui
réalisent un dépistage des maladies infectieuses lors de leur
entrée en détention effectuent souvent le test pour la
première fois alors même, comme le souligne un médecin
CDAG, que beaucoup ignorent ce qu'est le VIH1086(*). Plusieurs
enquêtés décrivent l'institution carcérale comme un
refuge notamment pour les toxicomanes à qui elle permettrait
d'échapper à la drogue : « J'en ai
rencontré beaucoup qui inconsciemment faisaient un hold-up pour
être arrêtés [...] Ils se faisaient arrêter et
c'était le soulagement. Ils rentraient dans un cadre. C'est là
qu'on s'est rendu compte, des bienfaits, entre guillemets, de cette prise en
charge car on pouvait démarrer un soin durant le temps carcéral
»1087(*).
L'incarcération constituerait une mise entre parenthèses des
addictions passées qui permettrait aux détenus « de
modifier un peu ces pratiques et [...] au corps de
souffler »1088(*). La prison est même parfois perçue
comme un lieu de soin permettant aux détenus de bénéficier
d'une meilleure prise en charge que celle dont ils disposeraient en
liberté. Cette idée, qui ouvre la voie à des idées
extrêmes mais heureusement marginales1089(*), se vérifie par exemple en matière
d'observance des traitements :
« Je pense qu'ils sont mieux suivis qu'à
l'extérieur. Ça c'est sûr. Car tous les gens qui vivent un
peu marginalement ne vont pas à leur rendez-vous. Des fois on en voit
qui sont réincarcérés six mois ou un an après et
entre-temps ils n'ont rien fait alors qu'on avait pris tous les rendez-vous
avec toutes les ordonnances »1090(*).
Outre un premier soin, la prison offrirait
l'opportunité à une population souvent marginale d'accorder un
temps à une démarche de prévention. Les détenus,
« tournés vers eux-mêmes », seraient ainsi
pendant leur détention « davantage réceptifs aux
messages, à des actions » de prévention1091(*). Il s'agirait d'un moment
dont disposent les détenus pour « s'intéresser pour la
première fois souvent à leur santé et [...] avoir cette
démarche de considérer son corps »1092(*). L'incarcération
constituerait un moment propice à la constitution d'un projet de vie
basé sur une démarche thérapeutique : « ils
ont l'opportunité de bénéficier du temps que n'ont pas les
gens à l'extérieur pour prêter cette attention à
leur santé. Ils ont une chance, ils n'ont pas de problèmes de
financement car ils sont couverts par la sécurité sociale et ils
auront à mon avis une seconde chance qui leur est offerte pour le
soin »1093(*). Les soignants considèrent souvent que la
réforme de 1994 aurait permis un changement de démarche en
affirmant une nouvelle conception du soin: « C'est le fonctionnement
hospitalier qui prédomine et donc ce n'est plus comme autrefois
où on soignait les bobos et où on avait une démarche
purement de soin mais c'est aussi une démarche où on doit amener
la personne à prendre en charge sa santé alors qu'auparavant on
faisait uniquement du palliatif »1094(*). Considérée comme un temps de
réflexion, la détention offrirait aux détenus l'occasion
de se consacrer pleinement à leur santé, comme le suggère
une éducatrice : « Paradoxalement, la prison constitue
parfois le seul endroit où les personnes peuvent retrouver un cadre, se
sentir en sécurité prendre soin d'elles. Les
préoccupations de santé, qui n'étaient pas prioritaires
à l'état de liberté, peuvent, à l'inverse, le
devenir en détention »1095(*). Le rôle préventif de la prison est
d'ailleurs manifeste à travers les campagnes de vaccination dont
l'importance en milieu carcéral ont été soulignés
par le professeur Gentilini1096(*).
La représentation de la détention comme cadre
protecteur, où les détenus pourraient retrouver un
équilibre et initier une démarche de prévention, est
très fréquente auprès du personnel soignant mais aussi,
dans une moindre mesure, du personnel pénitentiaire. Ce discours
contraste cependant fortement avec la réalité du milieu
carcéral qui est souvent décrit comme un milieu pathogène,
comme en témoignent par exemple les suicides, les automutilations ou les
grèves de la faim1097(*). De nombreuses maladies apparaissent au cours de
l'incarcération en tant que réaction psychosomatique à la
souffrance liée au choc carcéral1098(*). Un conflit s'engage
dès lors très nettement entre la mission thérapeutique du
personnel soignant et les effets délétères du milieu
carcéral. « Les personnels des UCSA et des SMPR gèrent,
comme le souligne Marie-Hélène Lechien, les corps des
détenus précocement vieillis par la précarité et la
prison [et] les effets de la violence propre au monde
carcéral »1099(*). La loi du 18 janvier 1994 accentue cette
ambiguïté puisque, la prise en charge sanitaire s'étant
subitement améliorée, la prison apparaît plus que jamais
comme un lieu de soin. Face à ce constat, certains proclament
l'incompatibilité des deux missions, comme c'est le cas de
Véronique Vasseur1100(*) ou d'Olivier Obrecht :
« La prison n'est cependant pas et ne sera jamais un
lieu de soins hospitaliers. Cela signifie que, quel que soit la qualité
des équipes, la contrainte carcérale reste au premier plan, et
l'admission en prison ne saurait avoir pour motif avoué ou non
avoué la possibilité d'être soigné, et encore moins
sous la contrainte. C'est malheureusement la tentation qui peut exister pour
certains délinquants, toxicomanes en particulier, et sans croire que
cette dérive récente, on est forcé de constater que
l'amélioration manifeste du niveau des soins offerts (au sens curatif
strict du terme) renforce cette tendance paradoxale »1101(*).
On peut relever une ambiguïté dans le discours de
la plupart des enquêtés : la prison milieu pathogène
offre cependant certaines opportunités thérapeutiques. Une
psychologue constate ainsi que la « santé se
détériore en prison » mais ajoute qu'elle offre
pourtant de nombreuses possibilités, avant de conclure :
« Mais je ne peux pas dire que la prison soit vraiment
thérapeutique »1102(*). Elle reconnaît de façon paradoxale
que le corps, dont les conditions s'aggravent, constitue auprès des
détenus « une porte d'entrée vers le soin ».
L'ambivalence d'une prison comme lieu simultanément restaurateur et
nuisible semble indépassable :
« C'est très complexe parce que parfois
par rapport à certains types de personnes, la prison a été
l'instrument du recours aux soins [...] La prison peut redonner un cadre
à un moment donné et des opportunités par rapport à
la santé [...] Donc ça c'est une dimension positive, les
dimensions négatives c'est que la prison peut être
extrêmement destructrice.»1103(*)
Bien que beaucoup partent d'un constat pragmatique en
considérant que « c'est mieux de soigner les gens que de ne
pas les soigner »1104(*). La position des enquêtés est souvent
partagée entre la volonté de faire progresser la prise en charge
dont bénéficient les détenus et la conscience que cette
amélioration renforce la contradiction de la prison en tant que lieu de
soin qui n'en est pas un. La part croissante des phénomènes de
dépendance pour les actes de la vie quotidienne soulève par
exemple cette contradiction. L'amélioration du dispositif soignant est
nécessaire bien que contradictoire:
« Par exemple par rapport aux personnes qui ont
des handicaps, effectivement il y a des gens qui disent que ces personnes ne
devraient pas être en prison mais pour l'instant ils y sont. Alors est-ce
qu'on ne devrait rien faire ? [...] Essayons de faire entrer des associations
de soins à domicile en prison. Même si au départ il serait
mieux que ces personnes là soient ailleurs qu'en prison
»1105(*).
Les professionnels intervenant en prison sont conscients de
l'ambivalence de la prison qui se situe à l'intersection d'une double
logique de soin et de souffrance. Cette ambiguïté est, par
ailleurs, accentuée actuellement en raison de la politique de
pénalisation de la pauvreté, évoquée auparavant,
qui soumet les soignants à des injonctions apparemment
contradictoires : « La loi de 1994 emprunte au registre des
luttes pour la dignité des prisonniers mais se déploie dans un
contexte d'intolérance accrue aux comportements des classes populaires
précarisées »1106(*). Le rapport entre santé et prison
s'apparente dès lors à une « équation
insoluble »1107(*). Comment interpréter cette
considération de la prison comme lieu de soin, notamment de la part des
personnels sanitaires ? La fonction thérapeutique est, comme le
remarque Dominique Lhuilier, au centre du discours sur les origines de la
prison : « C'est le mythe qui permet de transformer le mal
(l'enfermement de sûreté, toujours soupçonné
d'arbitraire) en bien (la "bonne" peine de prison) »1108(*). Les vertus
thérapeutiques de l'enfermement s'inscrivent dans le projet d'une prison
au service de l'amendement, du traitement et de la restauration de la personne
incarcérée. La présentation de la prison comme lieu de
soin relèverait dès lors d'un discours de justification de
l'institution carcérale. Une seconde interprétation peut
être proposée : le discours des soignants traduit peut-être
la représentation idéalisée de la prison dont la mission
coercitive serait compensée par ses opportunités
thérapeutiques. Il s'agirait alors pour les personnels sanitaires d'un
moyen pour se démarquer de la logique de l'institution au sein de
laquelle ils travaillent. Le temps de l'incarcération se justifierait
par les répercussions positives qu'elle peut avoir sur la
réinsertion du détenu.
2.2.b Réinsérer par la santé ou par
l'éducation ?
Santé et réinsertion sont souvent
présentées comme allant de pair. Le rapport Gentilini notait
déjà en 1996 l'importance des programmes d'éducation pour
la santé en tant que « facteur potentiel d'insertion sociale
des personnes détenues »1109(*). Même si les intervenants ont parfois des
avis divergents sur la portée d'une démarche de
prévention, la plupart reconnaissent qu'elle doit nécessairement
viser au-delà de la vie en détention, comme le souligne la
sous-directrice des prisons de Lyon : « Inévitablement,
ça va avoir une répercussion sur la réinsertion. Et le but
c'est de leur donner des acquis utiles pour qu'ils puissent continuer à
les utiliser à leur sortie. Ce n'est surtout pas que pour la prison,
c'est vraiment pour après. Sinon ça n'aurait pas
d'intérêt »1110(*). Le soin contribue tout d'abord à
l'insertion du détenu de façon indirecte en le
rétablissant dans un état de santé satisfaisant,
considéré comme une « étape préalable
indispensable pour pouvoir après [...] parler de
réinsertion »1111(*). Les problèmes de dépendance sont
fréquemment cités en tant que premier obstacle à une
démarche d'insertion. Ils sont, tel que l'explique une
éducatrice, fréquemment à l'origine d'une rupture
familiale ou professionnelle et « les conséquences que les
problèmes d'addiction engendrent sur le plan social font que [les
opérations de promotion de la santé] sont des actions qui peuvent
avoir une portée autre que simplement le soin
physique »1112(*). Cette dimension de réinsertion de la
démarche thérapeutique est indéniable bien qu'elle
présente une limite importante : celle-ci n'est effective que si le
soin est conçu à long terme. La sortie de prison peut cependant
constituer une rupture du soin et provoquer une régression de la
situation du détenu, tel que le souligne Didier Sicard : « La
prison, qui a pu constituer un moment un havre, est alors à la source
d'une rupture thérapeutique. La situation est paradoxale : une prise en
charge médicale bien faite lors de l'incarcération se trouve
brutalement compromise par la libération [...] Lorsqu'une prison a
incarcéré un détenu, elle en devient
responsable » 1113(*).
Ce n'est que s'il est orienté vers l'avenir que l'acte
thérapeutique peut avoir une répercussion sur l'insertion du
détenu. Or, le soin et plus encore la prévention ont la
particularité de viser la responsabilisation du patient. Ils
reconnaissent l'individu en tant qu'être libre chargé d'effectuer
des choix et ont ainsi « une dimension de réinsertion, de
reconstruction personnelle et de redécouverte de sa dignité
d'être humain »1114(*). La promotion de la santé constituerait
dès lors le moyen pour permettre au détenu de se situer dans une
logique de long terme. Cette démarche de responsabilisation n'est
cependant possible qu'à partir du moment où le détenu
attribue à sa santé, et donc à lui-même une valeur
propre. La logique soignante serait alors avant tout une démarche de
revalorisation de l'individu :
« L'éducation pour la santé si
vous voulez pour moi, c'est l'inscription dans la durée de personnes qui
sont habituées à vivre dans l'immédiateté, dans le
jour le jour [...] À quoi ça sert si le sujet va sortir deux ans
plus tard dans la même négligence de l'hygiène dentaire
dans laquelle il a toujours vécu. C'est un travail totalement stupide.
Ça n'a d'intérêt que s'il a compris que son capital
dentaire faisait partie de son capital santé [...] Et pour
protéger son capital santé, il faut avoir conscience de valoir
quelque chose soi-même à ses yeux et aux yeux des autres [...]
C'est-à-dire que notre rôle de soignant en détention, c'est
avant tout l'intérêt porté aux personnes détenues
[...] Et c'est dans cet intérêt qu'ils vont pouvoir faire un
ancrage, du moins nous l'espérons, pour commencer à
s'intéresser à eux-mêmes. Et ce n'est qu'à partir du
moment qu'ils sont passés de la négligence du risque à un
intérêt pour eux-mêmes que l'éducation pour la
santé aura porté ses fruits. Sinon c'est un travail de
Sisyphe. »1115(*)
L'éducation pour la santé et le soin ont une
incidence sur la réinsertion en tant qu'ils favorisent l'« estime
de soi »1116(*). Elles offrent une reconnaissance du détenu
en tant que patient et en tant qu'individu doté de liberté. Cette
liberté (de choix) est cependant très restreinte en milieu
carcéral du fait des nombreuses contraintes qui y sont présentes.
L'éducation pour la santé est une démarche qui suppose un
milieu ouvert et qui présente de nombreuses contradictions lorsqu'elle
est utilisée dans un environnement fortement
réglementé1117(*) : « On a des contradictions fortes
[...] L'éducation pour la santé c'est normalement un
système qui promeut des choix, qui se construit sur la liberté
des personnes. Or, il y a très peu de choix en prison et le
système est justement un système qui ne laisse pas de place aux
détenus »1118(*). L'esprit du soin, tourné vers la
responsabilisation et la reconnaissance, semble incompatible avec celui de
l'institution carcérale, orienté vers l'infantilisation et la
mise en dépendance du détenu1119(*). La coexistence des logiques soignante et
pénitentiaire aboutit à d'importantes contradictions qui mettent
en cause la cohérence des interventions ciblées autour du
patient-détenu :
« Il y a une négation du détenu
en tant que sujet dans le fonctionnement de l'administration
pénitentiaire qui ne peut faire sortir de prison que des gens
détruits ou révoltés, c'est ou l'un ou l'autre [...] Alors
évidemment quand vous mettez en fasse une équipe soignante qui se
situe dans un dialogue permanent [...] on voit bien qu'il y a un
écartèlement de la personne détenue. Il y en a qui le
tirent d'un côté et il y en a qui le tirent de
l'autre.»1120(*).
La démarche d'éducation pour la santé
affronte dès lors un obstacle qui semble insurmontable :
« Peut-on aspirer à l'autonomie individuelle en milieu
d'enfermement ? Si les capacités de la personne ne sont pas soutenues en
dehors après le projet, l'estime de soi retrouvée peut-elle
perdurer dans le cadre carcéral ou le milieu extérieur
? »1121(*).
Une seconde contrainte du milieu carcéral restreint l'incidence du soin
du soin sur la prévention : la durée d'incarcération.
Celle-ci a de façon générale un impact important sur le
travail de réinsertion qui n'est pas envisagé de façon
similaire en maison d'arrêt ou en centre de détention national :
« Quand on est en centre de détention national, la population
pénale est plus stabilisée, c'est-à-dire qu'elle sait
où elle va, elle sait combien elle a pris et on est sur une
détention beaucoup plus calme où on a plus le temps de faire les
choses et on travaille sur le projet de sortie. Les détenus travaillent
là-dessus constamment. Ils ont constamment ça dans la
tête »1122(*). Ce facteur se répercute sur les actions
d'éducation pour la santé : tandis qu'en maison d'arrêt,
les actions d'éducation auprès d'un détenu se limitent
souvent à s'assurer à la sortie de la possibilité d'un
suivi médical ou social, en centre de détention, où
l'objectif est à plus long terme, les projets peuvent se planifier et se
construire dans le temps1123(*). L'éducation pour la santé s'effectue
sur le long terme et ne serait pertinente, comme toute action de
réinsertion, que pour des détenus condamnés à de
longues peines. Pourtant, si cette démarche de prévention vise
à faciliter la réintégration du détenu lors de sa
sortie de prison, elle peut apparaître contradictoire avec l'augmentation
croissante de la durée des peines. Les actions de promotion de la
santé n'auraient alors de sens que pour de courtes
incarcérations :
« Je pense, que l'éducation pour la
santé ne peut être faite que dans des maisons d'arrêt
où les individus ont un espoir de ressortir à l'extérieur
car ils peuvent encore construire des projets [...] Je ne pense pas que ce soit
possible de construire un projet sur le long terme lorsque les individus n'ont
plus d'espoir de sortie. Toutes ces actions deviennent alors, selon moi,
impossibles.»1124(*)
La démarche soignante ré-interroge le sens de la
peine et à travers elle la logique du monde carcéral puisque,
comme l'estime une psychologue, « pour travailler dans une logique de
prévention, il faut redonner un autre sens à
l'incarcération »1125(*). Il s'agit de ne plus se situer, estime Dominique
Lhuilier, dans l'immobilisme du temps carcéral qui « se
focalise sur le présent le plus immédiat [...] comme s'il
écartait le passé et l'avenir [réalisant] l'inscription
spatio-temporelle du détenu [dans] une chronologie institutionnelle
immuable »1126(*). L'acte soignant, dont la temporalité est
inverse à celle de la peine, est peut-être alors en mesure de
provoquer un changement de l'institution
pénitentiaire elle-même:
« Par nature, l'acte de soin est tourné
vers l'avenir. Ainsi entendue, la médecine en milieu
pénitentiaire peut non seulement devenir un des leviers essentiels de la
réinsertion mais aussi jouer un rôle moteur dans
l'élaboration d'une mission nouvelle pour l'institution
pénitentiaire : que celle-ci ne soit plus tournée vers la
sanction d'un passé fautif, synonyme d'exclusion, mais vers la
préparation d'un avenir de réinsertion et de
réhabilitation. »1127(*)
L'éducation pour la santé semble dotée
d'une capacité à favoriser la réinsertion du détenu
par la mise en avant du soin en tant qu'acte de reconnaissance du patient. La
seconde dimension de cette démarche est celle de l'«
éducation » qui permettrait de transmettre aux détenus
les éléments nécessaires à leur
réintégration. Les actions sanitaires à visée
éducative en milieu carcéral ont leur origine dans les
leçons organisées à la fin du 19ème
siècle qui étaient destinées à mettre en garde les
détenus contre les conduites néfastes pour la santé, comme
l'alcoolisme1128(*).
Ces actions s'inscrivaient dans le cadre du courant hygiéniste qui
visait à favoriser le progrès social et mental des
détenus. Santé et morale étaient alors profondément
liées. En réaction à ce modèle moraliste, le
vocabulaire de la prévention a considérablement
évolué : l'hygiène et l'information sanitaire
ont laissé la place à l'éducation sanitaire
puis à l'éducation à la santé et
enfin à l'éducation pour la santé. Malgré
ce changement terminologique, l'aspect éducatif conserve une place
importante au sein des actions d'éducation pour la santé qui se
résument rarement à une simple transmission d'informations. Les
groupes de parole en fournissent un exemple. Organisés sur un
thème particulier (les maladies infectieuses, le tabac, etc.), ils
offrent aux participants l'opportunité d'aborder une pluralité de
sujets dans une démarche collective qui va souvent bien
au-delà de la santé:
« Le groupe de paroles dépassait donc
largement le cadre de notre objectif initial. Ça allait bien plus loin
que le Sida [...] Et l'éducation à la santé pour moi,
c'est cela. Ce n'est pas de faire de la prévention du Sida ou du
dépistage du cancer [...] C'est pour cela que le terme
d'éducation a la santé ne convient pas très bien au milieu
carcéral. Pour moi, c'est davantage une éducation à la
vie »1129(*)
L'éducation pour la santé ne reposerait
dès lors pas tant sur la dimension sanitaire que sur l'aspect
éducatif. Les problèmes de santé ne constitueraient qu'une
porte d'entrée ou un prétexte pour pouvoir initier une
démarche construite autour d'un échange visant à favoriser
le développement de la personne. L'éducation pour la santé
serait t-elle « une sorte d'animation socioculturelle dont le mode
d'entrée est la santé ? »1130(*). Les actions de
prévention permettraient ainsi d'aborder une pluralité de
thèmes et de rétablir une communication qui avait parfois
été rompue : « On peut le prendre par le biais de la
santé, on peut le prendre par le biais du culturel aussi et tout
dépend du fonctionnement de la personne [...] Le fait de passer par la
santé permet d'aborder tout un ensemble de choses [...] Ça peut
ouvrir sur une autre démarche de réflexion et pas
spécifiquement sur la santé»1131(*). L'éducation pour
la santé est une démarche qui pourrait permettre à des
personnes socialement affaiblies d'aborder certains problèmes de la vie
quotidienne (l'alimentation, le stress, l'estime de soi) par une voie
d'entrée jugée non discriminante, la santé1132(*). Elle prend dès
lors une importance particulière en prison souvent
présentée comme le lieu où s'accumule la misère
sociale1133(*). La promotion de la santé serait
dès lors l'outil permettant d'éduquer des individus en manque de
repère comme en témoigne un projet sur les prisons de Lyon qui
vise à apporter aux détenus un sens de l'hygiène minimal
qui n'a souvent pas été acquis dans leur sphère familiale
d'origine. Il s'agit d'éduquer les détenus les plus
marginalisés en luttant contre leurs comportements
« incivils » dont l'augmentation croissante en
détention reflète une modification de la population pénale
ainsi qu'un changement plus large de société :
« Les personnes n'ont aucune hygiène au
niveau des douches et donc ils font tout et n'importe quoi dans les douches. Je
pense que ça relève d'un mode de comportement par rapport aux
choses qui ne leur appartiennent pas [...] On peut le comparer aux tags. Ce
n'est pas propre à la prison mais c'est un discours
général de société et cela est issu d'un
comportement de société [...] Ce sont des choses qu'ils auraient
dû apprendre avant [...] Ce sont des choses
basiques »1134(*).
On voit poindre ici la dimension normative de la
démarche de promotion de la santé. En effet, celle-ci
présente comme souhaitable des pratiques culturellement
déterminées. L'éducation pour la santé prescrit un
certain nombre de comportements qui aboutissent à une image
idéalisée de la santé et du corps1135(*). De manière plus
générale, Lucien Sfez y voit une nouvelle utopie de la
santé parfaite selon laquelle chaque homme se rendrait maître de
son corps à l'image d'un démiurge tout-puissant1136(*). Cette nouvelle utopie
s'inscrit dans le cadre d'un projet moral et politique hérité du
healthism (« santéisme »),
développé dès le début du 20ème
siècle1137(*).
Cette normalisation, qui dépasse largement les seuls comportements
sanitaires, relève d'un processus de médicalisation des
comportements sociaux, évoqué auparavant, qui laisse entrevoir
l'accroissement de l'espace politique de la santé1138(*). Bien que ces deux termes
aient toujours été liés, c'est le développement de
la santé publique qui a favorisé l'élargissement de cet
espace1139(*). Ce
phénomène s'observe à travers la multiplication des usages
politiques de la santé. En effet, la médicalisation croissante
impliquerait, comme le soutient Didier Fasssin, l'émergence d'un nouveau
langage du politique à travers sa redéfinition
médicale : « Si au niveau culturel, la
médicalisation de la société correspond à la
reformulation de problèmes sociaux dans les termes de la
médecine, on peut ajouter que, sur le plan politique, elle implique la
légitimation de cette reformulation. Tel est bien le sens de ces
situations, toujours plus nombreuses, où le politique se dit dans le
langage du médical, où la légitimité sanitaire
s'impose dans l'action publique »1140(*). Le langage médical devient une nouvelle
forme légitime d'expression du politique, comme en témoigne le
souci humanitaire croissant pour les populations les plus marginales1141(*). L'éducation pour
la santé ne traduit-elle pas une nouvelle forme de la
« biopolitique » décrite par Michel
Foucault1142(*) ?
La prescription de certains comportements sanitaires mais, surtout, le discours
éducatif que promeut cette démarche s'inscrivent dans ce
processus de traduction des problèmes sociaux en un langage sanitaire.
Cette considération est d'autant plus pertinente à l'égard
de la population détenue pour laquelle les potentialités
éducatives sont mises au premier plan. L'éducation pour la
santé constituerait un moyen pour pallier l'insuffisance des politiques
de réinsertion. Elle apparaît dès lors comme une tentative
pour traiter par le biais de la santé ce qui relève de la
régulation sociale. Plus que le retour à un modèle
autoritaire hygiéniste, elle traduit avant tout un échec de la
société.
Conclusion
« Chercher sans cesse dans la personne de chaque
détenu en dépit du mystère, du nombre, de la monotonie des
échecs, le ressort d'un relèvement constitue l'unique
manière de satisfaire l'obligation d'assistance née à la
charge de la société qui s'est arrogée au nom de la
justice le droit de punir ». J.Léauté, Les prisons,
Que sais-je ?
Il est possible, au terme de cette réflexion, de
reconsidérer le questionnement qui nous avait servi de point de
départ : en quoi une politique de santé publique est-elle
compatible avec le milieu carcéral ? La réponse à
cette interrogation permettra de déterminer dans quelle mesure la
réforme de la médecine pénitentiaire a permis un
décloisonnement de l'institution carcérale, d'une part, et une
recomposition des identités professionnelles des personnels
pénitentiaire et sanitaire ou plus généralement des
rapports entre la prison et l'hôpital, d'autre part.
La loi du 18 janvier 1994 a marqué une volonté
d'inscrire une logique de santé publique en milieu carcéral.
Cette réorientation de la politique sanitaire fait suite, comme il a
été établi, à une de crise de gouvernance de
l'organisation des soins en prison qui a eu lieu au terme d'une conjonction
causale multiple. Celle-ci a permis de prendre conscience que l'institution
pénitentiaire n'est pas située en dehors de la
société mais qu'elle s'inscrit, à l'inverse, au sein du
corps social, rendant ainsi nécessaire l'équivalence entre les
soins dont bénéficient les détenus avec ceux de n'importe
quel autre citoyen. Le bilan de la mise en oeuvre de cette politique est
néanmoins nuancé. La loi du 18 janvier 1994 a, sans nul doute,
rendu possible une « révolution sanitaire » au sein
des prisons françaises. Celles-ci sont désormais pourvues d'un
dispositif soignant performant et d'un personnel fortement qualifié
grâce au recours au milieu hospitalier. Malgré ce premier constat
favorable, l'application de la réforme de 1994 apparaît
ambivalente.
Elle devait permettre, en premier lieu, le renouveau de
l'éthique soignante en prison, où elle fut longtemps
discréditée. La déontologie des médecins semble
désormais correspondre davantage aux standards de la pratique
médicale classique. Celle-ci est néanmoins peu adéquate
à certaines occasions aux règles de fonctionnement de
l'organisation pénitentiaire, milieu « transparent »
où le secret médical apparaît illusoire. Un respect trop
strict des règles de l'éthique médicale serait même
parfois préjudiciable à la prise en charge des détenus,
comme en témoignent le refus de certains soignants de partager
l'information dont ils sont détenteurs avec le personnel de
l'administration pénitentiaire ou l'intransigeance face au principe du
consentement aux soins. La loi du 18 janvier 1994 a également rendu
possible la reconnaissance d'une logique de promotion de la santé au
sein de la prison, qui était restée jusqu'alors hermétique
au développement de cette nouvelle culture de la prévention. La
mise en place des premiers projets semble constituer un pas en important en
faveur de la reconnaissance d'un droit à la santé, conception
globale qui ne se résume pas aux soins mais qui inclue l'idée
d'un bien-être. L'introduction d'une démarche d'éducation
pour la santé en milieu carcéral soulève cependant
d'importantes interrogations : celle-ci n'est-elle pas conçue comme
un moyen de remédier aux carences structurelles de l'institution
pénitentiaire ? La pacification de la vie en détention qui
en découle ne serait-elle pas un nouveau procédé de
contrôle des détenus ? De façon plus
générale, la médicalisation de l'échec de la
Justice à réinsérer les détenus ne traduit-elle pas
la reformulation d'un problème social et politique dans le langage de la
santé publique ?
La mise en oeuvre de la réforme de la médecine
pénitentiaire apparaît nuancée. Le principe de santé
publique dont elle consacrait la reconnaissance ne s'applique qu'imparfaitement
en prison. Les exigences sécuritaires demeurent
prépondérantes dans le déroulement de la vie en
détention. La démarche sanitaire subsiste au second plan dans la
hiérarchie des priorités. Pour répondre au questionnement
ouvert en introduction, à savoir le processus de décloisonnement
implique t-il pour autant un changement réel de l'institution
pénitentiaire, nous sommes contraints de reconnaître que la
logique carcérale demeure inchangée. En effet, comme l'affirme
Philippe Combessie, celle-ci « surdétermine toutes les
activités qui se déroulent au sein de la prison [...] Toutes les
interactions [...] sont orientées, marquées par le stigmate
carcéral ». Ainsi, « pour parler des prisons, le
concept d'institution totale n'est pas
dépassé »1143(*). La loi de 1994 traduirait ainsi davantage un
changement dans la prison, qu'un changement de la
prison.
La logique de santé publique coexiste désormais
avec celle de l'institution pénitentiaire, à laquelle elle reste
néanmoins subordonnée. Il semblerait que la réforme de
1994 renferme une ambiguïté lourde de conséquences. Celle-ci
a permis de renouveler le statut du personnel soignant, désormais
autonome de l'administration pénitentiaire. Cette indépendance
statutaire n'implique pourtant pas une autonomie fonctionnelle. La prise en
charge des détenus est un acte global, co-produit par l'ensemble des
professionnels présents en détention. L'interdépendance
fonctionnelle est une caractéristique intrinsèque de
l'organisation pénitentiaire qui semble parfois mal connue de certains
médecins hospitaliers arrivés après 1994. La loi du 18
janvier 1994 a ainsi renforcé les oppositions entre le soin et la
détention, en accentuant le cloisonnement entre les services sanitaires
et pénitentiaires, d'une part, et en renforçant le rapport
conflictuel qui oppose les surveillants aux soignants, d'autre part. Une prise
en charge sanitaire des détenus identique à celle de n'importe
quel autre patient est parfois inconciliable avec les exigences du milieu
carcéral, tels qu'en témoignent les extractions ou les
hospitalisations des détenus qui sont l'occasion de nombreux
affrontements entre deux logiques inconciliables.
Ce cloisonnement entre les personnels et les services laisse
donc ouverte la question du devenir de la réforme. Face à cette
interrogation, plusieurs scénarios sont envisageables comme le rappelle
Isabelle Chauvin1144(*). Le repli identitaire de chacun des personnels sur
ses prérogatives respectives peut aboutir, en premier lieu, à un
échec de la réforme sur le long terme. A la
conception trop rigide du secret médical de la part des soignants peut
faire écho au recours par les surveillants des moyens de
sécurité dont ils ont le monopole en détention, paralysant
ainsi l'organisation des soins au détriment des détenus. La mise
en place de la loi du 18 janvier 1994 risque également, second
scénario, de déboucher sur une coexistence sans
ambition des deux personnels. En effet, le respect de la place
respective de chaque acteur constitue une première étape
décisive dans le déroulement des soins. Cette
considération n'implique cependant pas, comme cela
a été démontré, l'existence d'une
véritable coopération: « Il s'agirait cependant d'une
coexistence sans autre ambition de rapprochement des pratiques, ni de synergies
[...] Pour les personnels de surveillance, le malade resterait d'abord un
détenu tandis que pour le personnel hospitalier, le détenu serait
d'abord un patient»1145(*). A l'inverse, une dynamique de coopération
pourrait s'engager en faveur du rapprochement entre soignants et surveillants.
Ceux-ci se situent dans une interdépendance indépassable comme en
témoigne le recours mutuel des uns aux autres selon les situations. La
portée de la réforme est néanmoins insuffisante, selon ce
troisième scénario, si la collaboration entre professionnels ne
va pas au-delà de l'organisation des soins. Il s'agirait alors d'une
coopération confiante limitée aux enjeux de
santé.
Un dernier scénario, plus ambitieux,
d'apprentissage mutuel est envisageable : la loi du 18
janvier 1994 ne concerne pas uniquement les relations entre surveillants et
soignants mais elle traduit, de façon plus générale, un
renouveau possible des rapports entre l'organisation hospitalière et
l'institution carcérale. En effet, la santé constitue une
discipline marginale sécante qui permettrait de revisiter les
collaborations de façon durable en modifiant imperceptiblement la
culture de chaque intervenant, et de permettre ainsi le rapprochement de leurs
organisations respectives. L'enjeu de la réforme serait, à terme,
une transformation de la prison et de l'hôpital. L'institution
pénitentiaire peut ainsi progressivement s'ouvrir aux intervenants
extérieurs, accélérant ainsi le processus de
décloisonnement. Elle peut surtout s'ouvrir à une nouvelle
conception de la prise en charge des détenus davantage orientée
vers la prévention et la réinsertion. L'hôpital, partenaire
essentiel de la réforme, ne doit cependant pas rester en marge de ces
transformations. Celui-ci est pour l'instant inadapté, à certains
égards, aux exigences que requière le soin des
détenus : les patriciens hospitaliers demeurent réticents
à intervenir en milieu pénitentiaire, les contraintes
carcérales sont souvent mal comprises des équipes
hospitalières, le traitement « organiciste » de la
maladie convient mal à des patients-détenus qui sont avant tout
à la demande d'un dialogue. L'ouverture de la prison sur l'hôpital
constitue une ouverture potentielle de l'hôpital en faveur des personnes
défavorisées : « L'hôpital pourrait y gagner
également une expérience de l'ouverture sur la cité, en
coopération avec les équipes soignantes sociales de la ville. Il
pourrait également mieux jouer son rôle dans la continuité
des soins entre l'avant hôpital, l'hôpital et l'après
hôpital. Il pourrait, enfin, mieux faire participer le patient aux
décisions qui le concernent »1146(*). Ainsi, comme le rappelle
Olivier Obrecht « le service public hospitalier doit s'organiser pour
être service de tous, sans exception »1147(*).
Bien que la loi du 18 janvier 1994 puisse à
première vue être qualifiée de triomphe de la santé
publique, sa portée demeure incertaine. La réforme italienne de
la médecine pénitentiaire se caractérise en revanche par
un échec flagrant. Celui-ci s'explique tout d'abord par l'important
niveau de conflictualité qui marque le passage, non accompli, de
l'ancien système à la nouvelle organisation des soins. Les
soignants intervenant en prison sont fortement divisés tandis que les
administrations pénitentiaire et sanitaire sont réticentes
à effectuer ce transfert fonctionnel et budgétaire. La
précédente organisation des soins n'a, en outre, pas fait l'objet
d'une remise en cause aussi virulente qu'en France. En effet, le système
carcéral français a subi une crise de gouvernance majeure
à l'occasion du scandale du sang contaminé, soulignant ainsi
l'urgence d'une réforme. L'administration pénitentiaire s'est
alors dessaisi du monopole de l'organisation des soins au profit d'une gestion
politique sous le poids de l'opinion publique. On a assisté à une
crise de la médecine pénitentiaire qui a légitimé
la reconnaissance d'un référentiel de santé publique. Ce
changement de référentiel n'a pas eu lieu en Italie. La
conflictualité entre les acteurs n'a tout d'abord pas permis de
rejoindre un consensus, en l'absence duquel le nouveau dispositif sanitaire
s'est établi à partir d'un compromis incertain. Celui-ci s'est
avéré fragile comme en témoigne le blocage dans lequel se
situe actuellement la mise en oeuvre de la réforme. Il semblerait que
ces difficultés puissent également s'expliquer par les carences
du dispositif sanitaire italien, fortement morcelé et
bénéficiant d'une faible légitimité. A l'inverse,
le succès apparent de la loi du 18 janvier 1994 doit être compris
au regard du fort consensus établi entre les acteurs, d'une part, et de
la reconnaissance dont bénéficie le système hospitalier
français, chargé du nouveau dispositif soignant, d'autre part.
La réforme de 1994 marque le passage d'un
référentiel de la médecine pénitentiaire, où
les soins étaient subordonnés au fonctionnement carcéral,
à un référentiel de santé publique, où le
droit à la santé devient premier. Cette transformation
traduirait, selon le modèle de Pierre Muller, la réconciliation
entre les politiques sanitaires développées en prison et les
évolutions plus larges de la société. Ce
« nouveau rapport au monde » est par exemple visible
à travers l'affirmation d'une nouvelle conception de la santé en
prison, désormais plus proche de la définition des organisations
sanitaires comme l'OMS1148(*). Cette vision du monde n'est cependant pas
consensuelle, tel que le souligne l'auteur, mais constitue « un
espace de sens où se cristallisent les conflits »1149(*). Ceux-ci ont
été mis en évidence à plusieurs reprises. Le
nouveau système d'action concret qui découle de la recomposition
de la politique sanitaire en milieu carcéral a renforcé les jeux
d'opposition identitaires entre les professionnels convoqués autour de
la santé du détenu. Il apparaît dès lors
préférable, comme le rappelle Philippe Warin, de mettre l'accent
sur les tensions que subit le référentiel plutôt que sur
l'apparente stabilité du nouveau système1150(*).
Le changement de paradigme de l'action publique en
matière d'action sanitaire est à l'origine d'une accentuation des
rapports de force et d'une recomposition des identités1151(*). Celle-ci est manifeste
non seulement au niveau des personnels sanitaires et pénitentiaires mais
aussi, et surtout, à travers la modification, presque imperceptible, des
institutions hospitalières et carcérales. Bien que la
modification de la culture carcérale semble correspondre aux intentions
du législateur, on ne peut pas en dire de même pour la culture
hospitalière. Cette conséquence inattendue de la loi du 18
janvier 1994 s'expliquerait peut-être par un paradoxe : tandis que les
médiateurs sectoriels qui ont été à l'origine de
cette réforme semblent avoir été les médecins
pénitentiaires, soucieux de leur rattachement au ministère de la
Santé pour des motifs aussi bien fonctionnels (l'accès aux
ressources du système hospitalier et la non-subordination à
l'administration pénitentiaire) que professionnels (la revalorisation de
leur discipline), le segment professionnel chargé de mener à bien
ce transfert fut le personnel hospitalier. La culture hospitalière est
cependant très lointaine du référentiel de santé
publique auquel répond la nouvelle organisation des soins, comme en
témoigne la part marginale qu'elle accorde à la politique de
prévention et de promotion de la santé pourtant cruciale dans la
loi de 1994. L'institution hospitalière apparaît ainsi comme
l'objet indirect de la réforme de la médecine
pénitentiaire. Celle-ci permettrait peut-être, à terme, un
rapprochement non seulement du référentiel carcéral mais
aussi du référentiel hospitalier avec le principe de santé
publique qui s'apparente aujourd'hui comme le nouveau référentiel
des politiques sanitaires européennes.
La conciliation des logiques sanitaires et
pénitentiaires constitue t-elle toujours cette équation insoluble
évoquée à plusieurs reprises ? La réponse est
ambivalente. La réforme de la médecine pénitentiaire
semble favoriser un rapprochement de deux cultures dotées d'exigences
parfois inconciliables ; tel est du moins l'enjeu de la loi du 18 janvier
1994. Ces deux logiques apparaissent néanmoins, dans le contexte actuel,
plus que jamais inconciliables : la surpopulation carcérale, la
pénalisation des populations les plus précaires et l'allongement
de la durée des peines s'accordent difficilement avec la volonté
de faire du soin un outil de réinsertion. Celui-ci n'a de sens que s'il
est orienté vers un futur proche. « Quel sens y a-t-il, comme
le souligne Antoinette Chauvenet, à être soigné à
vie s'il n'y a pas l'espoir de la sortie ? Dans ce cas le droit aux soins ne se
retourne t-il pas en « peine de soin »? »1152(*). Les logiques
soignantes et pénitentiaires sont profondément
contradictoires : le temps carcéral, source de rédemption du
détenu à l'égard de la société, est
parfaitement destructeur de l'individu dans une optique soignante1153(*). Une réforme de
l'organisation des soins doit alors nécessairement aboutir à une
réflexion sur le sens donné à la peine, faute de quoi
toute amélioration du dispositif sanitaire apparaît vain.
Même si l'institution carcérale constitue une
réalité indépassable, elle ne peut représenter
l'aboutissement du processus d'humanisation des peines : « Si nous
croyons que la santé n'est pas seulement l'absence de maladies, alors la
question des prisons nous interpelle. Il y a en amont un travail
d'éducation et de justice sociale à renforcer. Il y a à
développer d'autres moyens que la prison pour punir. Il y a en aval
à développer un véritable travail de réhabilitation
qui ne soit pas un contrôle social
déguisé »1154(*).
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Table des matières
SOMMAIRE
5
INTRODUCTION
6
L'inscription d'une logique de santé publique
en milieu carcéral
7
Un processus de décloisonnement d'une
« institution totale »
9
Problématique et enjeux de l'analyse
12
L'émergence d'un nouveau
référentiel et une recomposition des rapports de force
12
Un renouveau du système d'action concret au
regard des identités professionnelles
14
Une mise en perspective des réformes
française et italienne
15
Protocole de recherche
18
PARTIE 1 LA MISE EN PLACE D'UN
NOUVEAU DISPOSITIF SOIGNANT
CHAPITRE 1:UNE CRISE DE GOUVERNANCE DE
L'INSTITUTION CARCERALE
1 RÉFORMER UNE MÉDECINE MALADE
22
1.1 Une position ambiguë au sein de la
prison
23
1.1.a Prison et santé : perspectives
historiques d'une relation conflictuelle
23
1.1.b Une position de subordination
préjudiciable
27
1.2 Le refus d'une « médecine
pénitentiaire » : histoire d'une lutte pour la
reconnaissance
31
1.2.a Une médecine de second rang
31
1.2.b La médecine en milieu
pénitentiaire de droit commun
34
2 RÉPONDRE À UNE SITUATION D'URGENCE
SANITAIRE
38
2.1 Une population carcérale
fragilisée
38
2.1.a « Les prisons de la
misère »
38
2.1.b Des besoins sanitaires
disproportionnés
42
2.2 L'épidémie de Sida ou la mise
en crise du système carcéral
45
2.2.a Un « problème mal
structuré » au sein du système carcéral
perçu comme une menace pour l'extérieur
45
2.2 b Un renouveau de la prise en charge rendu
nécessaire
49
3 LA RECONNAISSANCE DE LA SANTÉ DES
DÉTENUS EN TANT QUE PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE
52
3.1 Le scandale du sang contaminé :
une crise de gouvernance de la santé en milieu carcéral
53
3.2 L'expérience « 13
000 »: un premier décloisonnement de la médecine
pénitentiaire
62
CHAPITRE 2: LA REORIENTATION DES POLITIQUES
SANITAIRES EN PRISON
1 RÉFORMER LA MÉDECINE
PÉNITENTIAIRE : UNE CONFRONTATION FRANCE-ITALIE
67
1.1 Les dynamiques politiques de la loi du 18
janvier 1994
67
1.1.a La mise sur agenda de la réforme de la
médecine pénitentiaire française
68
1.1.b L'établissement d'un nouveau
référentiel des politiques sanitaires en prison
71
1.2 Les dispositifs de la réforme de la
médecine pénitentiaire: limites et enjeux
76
1.2.a La loi du 18 janvier 1994 ou les
défis d'une délégation au service public hospitalier
76
1.2.b La réforme de la médecine
pénitentiaire italienne : un dispositif trop
spécialisé ?
81
2 L'IMPLICATION ET LES RÉTICENCES DES ACTEURS
SANITAIRES
85
2.1 L'attitude des personnels soignants face
à la réforme
85
2.2.1.a Des positionnement professionnels
divergents
85
2.1.b Une médecine qui demeure peu
attrayante
90
2.2 Une coopération hospitalière
difficile
93
2.2.a La signature des protocoles : des
« mariages » institutionnels délicats
93
2.2.b L'intégration inégale des UCSA
au sein du système hospitalier
95
3 LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME
97
3.1 Un bilan très contrasté
98
3.1.a Une «révolution sanitaire»
française face à la paralysie de la réforme italienne
98
3.1.b De fortes inégalités
territoriales et la spécificité des situations lyonnaise et
romaine
103
3.2 Les facteurs explicatifs d'une mise en
oeuvre réussie
108
3.2.a Le dispositif de coordination et le suivi de
la réforme
108
3.2.b Une mission d'inspection sanitaire
décisive
112
PARTIE 2. LES CONTRADICTIONS D'UNE POLITIQUE DE SANTE
PUBLIQUE EN PRISON
CHAPITRE 3 : UN RENOUVEAU DU CONFLIT
ENTRE SOIN ET DETENTION
1 LA RECOMPOSITION DU SYSTÈME D'ACTION
CONCRET
118
1.1 Les effets pervers d'une
trop forte démarcation entre les services
118
1.1.a Un modèle de régulation
indirecte
119
1.1.b Le cloisonnement des Services
pénitentiaires d'insertion et de probation
122
1.2 Surveillants, soignants,
détenus : une relation de pouvoir triangulaire
126
1.2.a Une profession contradictoire en perte
d'identité
127
1.2.b Une relation d'interdépendance entre
soignants et surveillants qui demeure pourtant conflictuelle
130
1.2.c Un rapport ambivalent face à la
santé des détenus
133
2 UNE NOUVELLE ÉTHIQUE DU SOIN EN MILIEU
CARCÉRAL ?
139
2.1 Une réconciliation difficile de
l'éthique médicale et des contraintes carcérales
139
2.1.a L'émergence d'une nouvelle relation
thérapeutique ?
140
2.1.b Une pratique médicale sous
contraintes
144
2.1.c La figure médicale face à
l'institution carcérale. Témoigner en prison : un devoir
éthique?
147
2.2 Une éthique soignante
spécifique en milieu carcéral ?
152
2.2.a Le respect du secret médical en
détention : une exigence éthique illusoire ?
152
2.2.b Quelle éthique
« pénitentiaire » ? Du partage de l'information
à l'émergence d'une conception du soin spécifique.
156
CHAPITRE 4 : UNE PRISE EN CHARGE
SANITAIRE DES DETENUS INCONCILIABLE AVEC LES EXIGENCES
CARCERALES
1 L'ACCENTUATION DES RAPPORTS D'OPPOSITION ET DE
CONCURRENCE
163
1.1 La fragmentation du nouveau dispositif
sanitaire
163
1.1.a Un rapport conflictuel entre le somatique et
le psychiatrique au sein des prisons françaises
164
1.1.b Une coupure radicale entre les services
soignants italiens
166
1.1.c Une coordination sanitaire insuffisante
168
1.2 La prise en charge des détenus ou la
conciliation d'exigences contradictoires
171
1.2.a Une continuité des soins
problématique
172
1.2.b Les extractions médicales : un
système de contraintes inconciliable
174
1.2.c Une prise en charge hospitalière
contradictoire avec le statut de détenu
176
2 LE SIDA EN PRISON : UNE NOUVELLE CONCEPTION DE LA
MALADIE ET DE SA PRISE EN CHARGE
179
2.1 Avancées et limites d'une politique
de décloisonnement
179
2.1.a Un dispositif de dépistage peu
approprié au milieu carcéral ?
179
2.1.b Les insuffisances du relevé
épidémiologique des maladies infectieuses
184
2.1.c Les insuffisances de prise en charge
médico-sociale des détenus séropositifs
186
2.2. Un renouvellement des préoccupations
sanitaires en milieu carcéral
189
2.2.a De l'incompatibilité du Sida à
la prise en charge des fins de vie : un processus de recomposition du
militantisme en faveur des détenus
189
2.2.b Les métaphores du Sida en milieu
carcéral
193
PARTIE 3. L'EMERGENCE D'UNE
POLITIQUE DE PREVENTION EN MILIEU CARCERAL
CHAPITRE 5 : DE LA TOXICOMANIE AU
SIDA : LES PREMIERES POLITIQUES DE PREVENTION EN
PRISON
1. DU SOIN À LA PRÉVENTION DE LA
TOXICOMANIE
199
1.1 Le (dé)cloisonnement
des dispositifs de prise en charge des addictions
199
1.1.a Un dispositif de prise en charge des
addictions fragmenté
200
1.1.b Le modèle italien de prise en charge de
la toxicomanie par délégation
204
1.2 Une nouvelle conception soignante de la
toxicomanie
209
1.2.a Les politiques de substitution en milieu
carcéral
209
1.2.b Les prémisses d'une démarche de
réinsertion des détenus toxicomanes
216
2. QUELLE POLITIQUE DE RÉDUCTION DES RISQUES
EN PRISON?
220
2.1 Lutter contre les peurs plutôt que
contre les risques
220
2.1.a Le déni d'un milieu à
risques
220
2.1.b. Une stratégie de prévention
destinée à vaincre les peurs
225
2.2 La mise en place d'un dispositif de
prévention
227
2.2.a De la prévention des risques sexuels
à l'émergence d'un débat sur la place de la
sexualité en prison
228
2.2.b. Les obstacles culturels à une
prévention des risques liés à la toxicomanie
231
CHAPITRE 6 : L'AFFIRMATION D'UNE DEMARCHE
DE PROMOTION DE LA SANTE EN PRISON: ENJEUX ET LIMITES
1 UN PROCESSUS DE DÉCLOISONNEMENT DE LA
SANTÉ CARCÉRALE
237
1.1 Une nouvelle conception du soin ouverte
à de nouveaux intervenants
237
1.1.a L'affirmation d'un modèle de
santé préventif en milieu carcéral
237
2.1.1.b Une démarche de
décloisonnement sur le long terme
240
1.2 Une nouvelle démarche d'action
collective en prison
243
1.2.a La santé comme « marginal
sécant »
244
1.2.b Une préoccupation de second ordre
247
2 LES AMBIGUÏTÉS D'UNE DÉMARCHE
D'ÉDUCATION POUR LA SANTÉ EN PRISON
252
2.1 Quel renouveau du fonctionnement de la vie
en détention ?
252
2.1.b Vers l'affirmation d'un nouveau rôle de
veille ?
252
2.1.b Une amélioration de la vie
carcérale ou une nouvelle forme d'autocontrôle ?
255
2.2 Par delà les murs... Quels liens
entre soin, prévention et réinsertion ?
259
2.2.a Les ambiguïtés d'une prison
restauratrice
260
2.2.b Réinsérer par la santé ou
par l'éducation ?
264
CONCLUSION
271
Résumé : La loi du 18
janvier 1994 opère le transfert de l'organisation des soins en milieu
carcéral de l'administration pénitentiaire auprès du
ministère de la santé. Cette réforme marque l'affirmation
du principe de santé publique en prison suite à une crise de
gouvernance de l'ancien dispositif sanitaire. Sa mise en oeuvre donne cependant
lieu à de nombreuses contradictions en accentuant les systèmes
d'opposition antérieurs entre les logiques soignante et
pénitentiaire. Le système hospitalier français,
chargé de la nouvelle organisation des soins, apparaît parfois
inadéquat à remplir la mission qui lui a été
confiée. Ces limites constituent les enjeux d'une réforme
réussie.
Mots clefs : prison, prévention,
sang contaminé, santé publique, sida, toxicomanie.
* 1 Milly Bruno, Soigner
en prison, Paris, PUF, 2001, p.99.
* 2 L'article 3 vient
modifier l'article L. 381-30 du code de la sécurité sociale dans
les termes suivants : « Les détenus sont affiliés
obligatoirement aux assurances maladie et maternité du régime
général à compter de la date de leur
incarcération ».
* 3 Magliona. B.,
«Accertamento sierologico dell'infezione da HIV, carcere e tutela dei
diritti umani: dal concetto di popolazione speciale al principio di
equivalenza", in Rassegna Italina di Criminologia, 1994, V, 4,
pp.503-519.
* 4 Dozon Jean-Pierre, Fassin
Didier (dir.), Critique de la santé publique, Balland, Paris,
2001, p.9.
* 5 « La
santé publique est un domaine d'action dont l'objet est
l'amélioration de la santé de la population. Elle est un ensemble
de savoirs et de savoir-faire qui se situent entre l'administration de la
santé et l'exercice de la profession médicale. Sa finalité
est aussi la connaissance par la recherche ». Haut comité de
la santé publique (HCSP), Santé en milieu carcéral,
ENSP Collection Avis et Rapports du HCSP, janvier 1993, 68 p.
* 6 Titre d'un dossier
spécial de la Revue française des affaires sociales,
n°1, janvier-mars, 51 année, 1997.
* 7 Nicolas Guy, Dessaint
Louis, Nicolas Christine, « La santé en prison : un enjeu
de santé publique », Revue française des affaires
sociales, op.cit., p.33-39.
* 8 Girard François,
« Enjeu de santé publique », Revue
française des affaires sociales, op.cit., p.13-15.
* 9 Marshall T., Simpson S.,
Stevens A., «Use of health services by prison inmates: comparisons with
the community», Journal Epidemiology Community Health, 2001,
n°55, pp.364-365.
* 10 Sarzotti Claudio,
«L'assistenza sanitaria: cronaca di una riforma mai nata»,
in Anastasia Stefano, Gonnella Patrizio (dir.), Inchiesta sulle
carceri italiane, Carocci, Roma, 2002, pp.109.
* 11 Jean-Marc Feron,
médecin à la prison de Huy, rend compte de ce refus par une
inadaptation de ce projet à la Belgique en raison, tout d'abord, de la
structuration du système sanitaire où les compétences du
ministre de la Santé sont réparties entre les autorités
fédérales et communautaires, ce qui serait selon lui la source
d'un morcellement. Cette réforme ne serait pas justifiée,
ensuite, du fait qu'« en Belgique, les moyens utilisés pour
les soins aux détenus sont au moins équivalents aux moyens
utilisés pour la communauté ». Feron Jean-Marc,
« La santé en prison : Santé publique ou
ministère de la Justice ? », Santé
conjuguée, 10/2002, n°22, pp.95-96.
* 12 ONUSIDA, Le SIDA
dans les prisons, Collection ONUSIDA sur les meilleures pratiques, avril
1997, p.7
* 13 Conseil de l'Europe,
Comité des ministres, Recommandation R (98) 7, avril 1998.
* 14 La réduction des
risques est aujourd'hui un principe reconnu de façon mondiale. Le
premier objectif de cette politique était de limiter les risques
d'infection à VIH encourus par les usagers de drogues par voie
intraveineuse mais le terme a cependant rapidement englobé l'idée
d'une prise en charge sanitaire globale. La prévention se fonde alors
sur une stratégie visant à réduire les risques sanitaires
liés à la consommation. La méthode comporte deux volets.
Le premier consiste à éliminer la source directe de transmission
virale : le partage de seringues, en fournissant aux toxicomanes des
équipements d'injection sûrs. Le deuxième volet vise
à substituer les prises de drogues par injection intraveineuse en
administrant des médicaments sous contrôle médical. Ces
traitements dits de « substitution » contournent ainsi les
risques encourus par les toxicomanes. La réduction des risques peut
alors être définie, selon le Conseil National du Sida comme
« une politique de santé publique visant à minimiser
les effets néfastes que l'usage de drogues peut entraîner chez le
consommateur ». Cf., Steffen Monika, Les Etats face au Sida en
Europe en Europe, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2001, p.93
et Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de drogues
comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du
cadre législatif, Rapport, avis et recommandations du Conseil
national du Sida, adoptés lors de la séance
plénière du 21 juin 2001, responsable de la commission : Alain
Molla, 163p.
* 15 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.235.
* 16 Combessie Philippe,
Sociologie de la prison, Paris, La découverte, 2001, p.68.
* 17 Veil Claude, Lhuilier
Dominique, "Introduction", in Veil Claude, Lhuilier Dominique, La
prison en changement, Paris, 2000, p.15.
* 18 Faugeron C., Chauvenet
A., Combessie A., Approches de la prison, Bruxelles, De Boeck
Université, 1996.
* 19 La politique de
santé publique trouve ses racines dans les considérations
hygiénistes qui prennent un essor à la moitié du
XIXème siècle dans le contexte des grandes
épidémies. Une étape importante est franchie sous la
troisième république par le vote de la loi du 15 février
1902 relative à la protection de la santé publique et la
création du ministère de l'Hygiène en 1920. Mais c'est
surtout lors de la Libération que la santé publique prend un
essor par la création d'un ministère de la Santé publique
en 1947, du corps des médecins-inspecteurs en 1949 et du Code de la
santé publique en 1956. Elle va cependant être
reléguée au second rang à partir des années 1970 en
raison d'une amélioration des indicateurs de santé et de la
priorité qui est accordée à l'impératif
budgétaire de la maîtrise des dépenses de santé. La
politique de santé publique connaît un nouvel essor au
début des années quatre-vingt-dix suite aux politiques de lutte
contre le Sida et au scandale du sang contaminé. Lambert
Marie-Thérèse (dir.), Politiques sociales, Paris, Presses
de la FNSP, 1997, p.506-508.
* 20 C'est ainsi qu'Albert
Ogien écrit : « Il semble impossible de fixer,
à priori, et de manière définitive, ce qui
relève légitimement de l'action publique dans le domaine de la
santé. Il semble plus raisonnable d'admettre qu'un problème de
santé ne prend un caractère « public » - au
sens d'objet relevant de l'activité du gouvernement, qu'à travers
les décisions administratives prises pour tenter de lui aporter une
solution. Autrement dit, le phénomène crucial dans la
définition d'un problème de santé publique est
l'opération au terme de laquelle une préoccupation à
caractère sanitaire est élevée au rang de question
d'intérêt général et provoque l'intervention des
pouvoirs publics ». Ogien Albert, « Qu'est ce qu'un
problème de santé publique ? », in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, Paris, 2000, pp.226.
* 21 C'est ainsi qu'une
recommandation d'ONUSIDA rappelle que « les prisons ne sont pas
coupées du monde extérieur. La plupart des prisonniers quittent
à un moment donné la prison pour regagner leur communauté,
certains après un bref séjour derrière les barreaux. Des
individus entrent et sortent plusieurs fois de prison ». ONUSIDA,
Le SIDA dans les prisons, op.cit.,p.3.
* 22 Michèle Colin et
Jean-Paul Jean décrivent un processus de décloisonnement de la
médecine pénitentiaire initié en 1984 par le transfert du
contrôle sanitaire des établissements pénitentiaires
à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et
aux services déconcentrés du ministère chargé de la
santé et dont la réforme de 1994 marquerait l'aboutissement.
Michèle Colin, Jean-Paul Jean, « Droit aux soins et
amélioration de la conduite des détenus : deux objectifs
indissociables », Revue française des affaires
sociales, op.cit., p.17-29.
* 23 Erving Goffman a
élaboré le concept d'institution totale à partir
d'observations empiriques réalisées dans des hôpitaux
psychiatriques. Il s'agit cependant d'une notion très large qui
correspond également aux prisons ou aux communautés religieuses.
Par le concept d'institution totale, il entend « un lieu de
résidence de travail où un grand nombre d'individus,
placés dans la même situation, coupés du monde
extérieur pour une période relativement longue, mènent
ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et
minutieusement réglés ». Il s'agit là d'une
institution qui prend en charge tous les besoins des reclus et qui se
caractérise par conséquent par une coupure totale avec le reste
de la société. Goffman Erving, Asiles, Paris, Minuit,
1968, (1er édition américaine 1961), p.41.
* 24 Après une
période de clôture assez forte pendant la IIIe République,
où les acteurs pénitentiaires se résumaient au personnel
de surveillance, aux membres ecclésiastiques et aux concessionnaires de
main-d'oeuvre pénale, de nouveaux acteurs font une entrée de plus
en plus fréquente en prison depuis la Libération, suite à
une conjonction causale multiple: « C'est, entre autres choses, la
conséquence des multiples partenariats entre le ministère de la
Justice avec d'autres instances. C'est aussi la conséquence du
développement des moyens de communication, la démocratisation du
transport automobile (quasi indispensable pour se rendre dans la plupart des
prisons). Et, par-dessus tout cela, c'est l'effet des importantes mutations
qu'a connu, depuis ces dernières décennies, la
société occidentale ». Combessie Philippe,
« Ouverture des prisons, jusqu'à quel point ? »,
in Veil Claude, Lhuilier Dominique, La prison en changement,
p.72.
* 25 Claude Veil et
Dominique Lhuilier interrogent le sens des changements que connaît la
prison depuis une quinzaine d'années : « Mais, au-delà
de ce constat, écrivent-ils, cette lecture des changements du
système carcéral doit être interrogée. De quel type
de changement s'agit-il ? De changement dans la prison ou de
changement de la prison ? S'agit-il d'adaptation conjoncturelle ou de
mutation structurelle ? De changement pour le meilleur ou pour le pire ou pour
le même ? De changements pour le changement ? Le changement peut
être décliné comme ajustement dans une perspective de
conservation du système, comme développement centré sur
l'évolution ou encore comme rupture, moment de discontinuité
ouvrant sur des réorientations, des reconversions, des renversements de
tendance ». Veil Claude, Lhuilier Dominique, "Introduction", in
Veil Claude, Lhuilier Dominique, La prison en changement,
op.cit., p.14.
* 26 Ces aspects seront bien
sûr développés ultérieurement. Il ne s'agit ici que
d'illustrer l'incompatibilité apparente entre les logiques soignantes et
pénitentiaires.
* 27 Milly Bruno, Soigner
en prison, op.cit., p.22.
* 28 C'est en cela que les
approches cognitives des politiques publiques soulignent les limites de
l'approche séquentielle développée par Jones, selon
laquelle une politique publique constitue la réponse à un
problème sous la forme d'un enchaînement de séquences
d'action (la mise sur agenda, la production de solution, la décision, la
mise en oeuvre et la terminaison). Une politique publique doit davantage
être perçue comme un ensemble de séquences
parallèles, c'est à dire « un flux continu de
décisions et de procédures ». Muller, P., Surel, Y.,
L'analyse des politiques publiques, Montchrestien, Paris, 1998, p.31.
* 29 Muller, P., Surel, Y.,
L'analyse des politiques publiques, op.cit., p.47.
* 30 Selon Pierre Muller et
Bruno Jobert, une politique publique se présente toujours à
l'observateur sous deux aspects principaux : « c'est d'abord une image
sociale, c'est-à-dire une représentation du système sur
lequel on va intervenir » et « c'est ensuite un ensemble de moyens
organisationnels, financiers, administratifs, juridiques, humains, bref des
procédures, des techniques, des relations de pouvoir, tout ce qui fait
qu'une politique n'est pas seulement un processus intellectuel mais un
processus social concret ». Le
« référentiel » d'une politique sectorielle
désigne « l'ensemble des normes et des images de
référence en fonction desquelles sont définis les
critères d'intervention de l'Etat ainsi que les objectifs de la
politique considérée ». Jobert Bruno, Muller Pierre,
L'Etat en action, Presses Universitaires de France, Paris, 1987,
p.51 et suiv; Muller Pierre, Les politiques publiques, Que sais
je ?, Paris, 1990, p.26 et suiv.
* 31 Yves Surel
établit une comparaison entre ce processus de recomposition du
référentiel sectoriel avec les mécanismes de crise mis en
évidence par Thomas Khun dans son étude
épistémologique sur la structure des révolutions
scientifiques. Cf., Surel Yves, « Les politiques publiques comme
paradigmes », in Faure Alain, Pollet Gilles, Warin Philippe,
La construction du sens dans les politiques publiques, L'Harmattan,
1995, pp.125-151.
* 32 C'est dans ce sens que
Pierre Muller souligne le rôle crucial des médiateurs dans
l'émergence d'un nouveau référentiel. En effet, ceux-ci
effectuent un travail de légitimation des représentations dont
ils sont porteurs afin de défendre leurs intérêts propres.
Muller Pierre, Les politiques publiques, op.cit., p.43 et
suiv.
* 33 Surel Yves,
« Les politiques publiques comme paradigmes »,
art.cit., p.146.
* 34 Par la notion de
système d'action concret, Michel Crozier et Erhard Friedberg soulignent
le caractère contingent, non déterministe et vérifiable
empiriquement d'un ensemble humain qui est construit par les acteurs. Ce
modèle d'analyse permet de mettre en évidence les
mécanismes de jeux à travers lesquels les calculs rationnels
« stratégiques » des acteurs se trouvent
intégrés. Un système d'action concret peut-être
défini comme un « ensemble humain structuré qui
coordonne les actions de ses participants par des mécanismes de jeux
relativement stables et qui maintient sa structure, c'est-à-dire la
stabilité de ses jeux et les rapports entre-ceux-ci, par des
mécanismes de régulation qui constituent d'autres
jeux ». Crozier M., et Friedberg E., L'acteur et le
système, Paris, Seuil, 1977, p.286. 500p. Il faut noter
dès à présent que le système d'action concret ne se
limite pas uniquement aux rapports qui existent au sein de l'institution
carcérale mais aussi ceux qui se déroulent autour de la prison
avec le reste de son environnement, tels que les magistrats mais aussi les
établissements hospitaliers ou les autorités sanitaires.
* 35 En effet,
au-delà d'une même étiquette, les dénominations
professionnelles renvoient à des représentations cognitives
ordinaires dont chacun dispose pour se repérer et agir en
société. Les professions, perçues à travers la
grille des catégories socioprofessionnelles de l'INSEE, structurent les
représentations cognitives des acteurs : «Une représentation
cognitive des catégories est impliquée par la mise en oeuvre
d'une interprétation des catégories sociales, une image mentale
qui sert aussi quotidiennement à chacun d'entre nous pour s'identifier
et identifier les personnes avec lesquels il est en relation »
Thévenot, Desrosières, Les Catégories
socioprofessionnelles, Paris, la Découverte, 1988, p.34. Pour une
analyse très détaillée de la profession de soignant en
milieu carcéral, on peut se reporter à : Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit.
* 36 C'est dans ce sens que
Philippe Warin souligne le rôle des politiques publiques en tant que lieu
de fabrication des identités sociales. En effet, si les politiques
publiques contribuent à la production d'un ordre social, ce n'est pas
à travers la reproduction d'un ordre dominant, contrairement à ce
qu'estiment Pierre Muller et Bruno Jobert, mais par un processus de
(re)définition des positions sociales des différents acteurs.
Toute politique publique implique, en tant que processus de régulation
sociale, une série d'arbitrages entre les représentations de
chaque acteur concerné qui exercent une influence décisive sur
les stratégies identitaires qu'adoptent les individus. Philippe Warin,
"Les politiques publiques, multiplicité d'arbitrages et construction de
l'ordre social", in Faure Alain, Pollet Gilles, Warin Philippe, La
construction du sens dans les politiques publiques, L'Harmattan, 1995,
pp.85-101.
* 37 Parmi lesquels on doit
compter le personnel de direction, le personnel administratif
présentdans l'établissement mais aussi les services
déconcentrés de l'administration pénitentiaire comme les
services régionaux.
* 38 La naissance du
système sanitaire italien s'est déroulé par une suite de
réformes successives, à partir de la fin de la seconde guerre
mondiale, qui s'est achevée par la loi n.833 du 23 décembre 1978
qui substituait toutes les catégories mutualistes par une seule
assurance nationale étendue à chaque citoyen. La structure
administrative de ce nouveau dispositif a été
élaboré selon un modèle déconcentré. En
effet, le système s'articule sur trois niveaux, tous dotés d'une
autonomie politique et institutionnelle forte : le niveau national,
régional et local par le biais des communes. Les services de soin
directs aux personnes sont représentées par les Unità
sanitarie locali (USL).Ce système sera réformée
à plusieurs reprises au cours des années quatre-vingt-dix, en
faveur d'une régionalisation croissante de la politique sanitaire. De
façon générale, Le Servizio sanitario nazionale
italien présente trois caractéristiques: une forte coupure entre
les structures publiques et privées auxquelles l'Etat a largement
recours pour les interventions sanitaires d'urgence (toxicomanie, immigration,
prostitution, etc.) ; un manque de planification et de programmation
à long terme qui empêche d'adopter une considération
globale des problèmes sur le long terme et enfin l'impossibilité
des pouvoirs publics d'établir un consensus parmi les acteurs
impliqués dans les politiques sanitaires et sociales. Maino Franca,
La politica sanitaria, Bologna, Il Mulino, 2001, 310p; Rei Dario,
Servizi Sociali e politiche pubbliche, Nuova Italia Scientifica, 1994,
187.p.
* 39 Comme le
démontre clairement Henry Bergeron, le retard de la France lors du
passage à la réduction des risques s'explique par la culture
thérapeutique spécifique et homogène, constituée au
cours des années soixante-dix, qui caractérisait le
système de prise en charge des addictions. Dans le cadre d'un objectif
d'abstinence, lui-même lié à un modèle de
santé curative, les professionnels de la toxicomanie retenaient la
psychothérapie comme seul outil thérapeutique valable et
rejetaient de ce fait une médicalisation du traitement. Le dispositif de
la toxicomanie est devenu progressivement autonome au cours des années
quatre-vingts au détriment des pouvoirs publics qui sont demeurés
pendant longtemps des dispensateurs de crédits n'osant pas remettre en
cause le consensus établi par les spécialistes.
L'épidémie de VIH/Sida a fortement contribué à
déstabiliser l'équilibre précédemment établi
en remettant en cause les finalités du système. Le principal
vecteur de transformation fut la contestation qui eu lieu de la part des
intervenants extérieurs au dispositif spécialisé, et
notamment des médecins généralistes libéraux et des
praticiens du domaine hospitalier. Dès lors une première
brèche était créée au sein du champ
hermétique de la toxicomanie. Ce n'est toutefois que suite à
l'affaire du sang contaminé que les pouvoirs publics mirent en place une
politique de réduction des risques de façon soudaine. Pour de
plus amples détails sur les spécificités de la politique
française en matière de réduction des risques Cf. Bergeron
Henri, L'Etat et la toxicomanie, histoire d'une singularité
française, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, 370 p.
* 40 Les incertitudes de la
politique italienne en matière de réduction des risques
s'expliquent par l'impossibilité des pouvoirs publics à
réaliser un accord entre les parties. C'est ainsi que les traitements de
substitution développés dès la fin des années
soixante-dix ont fait l'objet d'un retrait en réponse à
l'émergence d'une nouvelle conception de la toxicomanie comme malaise
social. Un consensus s'est alors formé au cours des années
quatre-vingts entre les acteurs du privé social, et notamment les
communautés thérapeutiques qui reposent sur une approche
comportementaliste, et les services spécialisés (Sert) qui furent
délaissés par les pouvoirs publics. La législation sur les
stupéfiants, auparavant progressiste, fut l'objet d'un retournement
prohibitionniste en 1990 sous le poids des intérêts
électoraux. Le soutien aux communautés fut réinscrit comme
une priorité de l'action publique tandis que la réduction des
risques commençait à être timidement reconnue. C'est
surtout après le référendum de 1993 et les
conférences nationales de Palerme (1993) mais surtout de Naples (1997)
que la réduction des risques devient un enjeu de santé publique.
Cf. Farges Eric, Les Etats face aux drogues. Analyse de la transition des
politiques publiques en matière de toxicomanie au modèle de la
réduction des risques. Etude comparative entre la France et
l'Italie, Recherche sous la direction de Christophe Bouillaud, IEP
Grenoble, 2002, 2 tomes, 396p.
* 41 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.215.
* 42 La posture
adoptée dans cette recherche n'est donc pas celle d'une comparaison
stricto sensu, terme à terme, mais d'une mise en perspective
des spécificités de chaque cas étudié.
* 43 Andy Smith, «
L'analyse comparée des politiques publiques : une démarche pour
dépasser le tourisme intelligent », Revue internationale de
politique comparée, 2000, vol.7, n°1, p.8.
* 44 Le
« terrain » de cette recherche est constitué des
« prisons de Lyon » en France. Cette expression, couramment
utilisée, désigne un seul et même établissement
réparti en trois quartiers de détention : un quartier femme,
Montluc, qui comporte 22 places théoriques mais qui accueille
aujourd'hui près de 80 femmes, auquel s'ajoutent deux sites vers la gare
de Perrache : Saint-Joseph et Saint-Paul, construits respectivement en 1830 et
1860. Les prisons de Lyon constituent administrativement une maison
d'arrêt, c'est à dire un lieu destiné à recevoir
« les inculpés, prévenus et accusés soumis
à la détention provisoire » et les
« condamnés auxquels il reste à subir une peine d'une
durée inférieure à un an » (Art. 714 du Code de
procédure pénale) tandis que les établissements pour
peines accueillent « les condamnés qui purgent leur
peine » (Art. 717). Rome comporte deux établissements
pénitentiaires : d'une part celui de Regina Coeli, un ancien
monastère situé en centre ville qui dispose d'une capacité
de 850 places et, d'autre part, celui de Rebbibia, beaucoup plus récent
et situé légèrement en périphérie. Ce
dernier est le plus gros complexe pénitentiaire d'Italie. Il est
composé de quatre prisons distinctes (le nuovo complesso, la
casa di reclusione, la prison pour femmes et la terza casa,
institut spécialisé dans l'accueil des détenus
toxicomanes), chacune dirigée par des directeurs différents, qui
rassemblent au total plus de 2000 détenus. Entretien n°3, Mme
Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999 ;
Entretien n°18, Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 45 Tous les documents
utiles à cette recherche sont bien sûr
référencés dans la bibliographie, située en fin
d'ouvrage.
* 46 Bruno Milly explique
très bien dans son travail de recherche sur les soins en milieu
carcéral la difficulté et le peu d'intérêt, pour ce
type de recherche, d'effectuer des observations en milieu carcéral.
Ainsi, « plus que de décrire des actions, il s'agit de
réfléchir à la façon que les acteurs ont de
décrire leurs actions ». C'est pourquoi, explique t-il, l'entretien
est un mode privilégié de compréhension des acteurs du
milieu pénitentiaire. Milly Bruno, Soigner en prison,
op.cit., p.63.
* 47 Tandis que 17
entretiens ont été réalisés en France de novembre
2002 à juin 2003, 14 entretiens ont été
réalisés en Italie sur une période de 15 jours à
l'occasion d'un séjour à Rome en juin 2003. Ces entretiens
avaient été programmés par Sandro Libianchi, responsable
du Sert, unité de soin pour toxicomanes, de Rebbibia.
* 48 Lagroye Jacques,
Sociologie Politique, Paris, Presses de la Fondation Nationale de
Sciences Politiques, 1991, « Les politiques publiques »,
p.439.
* 49 Guy Michelat observe
que « chaque individu est porteur de la culture et des sous-cultures
auxquelles il appartient et qu'il en est représentatif ». Il
ajoute : « Nous entendons ici par culture l'ensemble des
représentations, des valorisations effectives, des habitudes, des
règles sociales, des codes symboliques ». Michelat (Guy),
« Sur l'utilisation de l'entretien non-directif en
sociologie », Revue Française de Sociologie, n°16,
1975, p. 232.
* 50 Foucault M.,
Surveiller et punir. La naissance de la prison, Paris, Gallimard,
1975
* 51 Le rôle
joué pendant longtemps par la Croix-Rouge dans l'organisation des soins
en est manifeste : la réforme de 1994 a transféré au
secteur public hospitalier les dernières infirmières de la
Croix-Rouge travaillant au sein des prisons françaises. Petit
Jacques-Guy, Faugeron Claude, Pierre Michel, Histoire des prisons en France.
1789-2000, Editions Privas, Toulouse, 2002, 254p.
* 52 Comme le rappelle
Claude Faugeron, « Il semble aller de soi, lorsque l'on évoque
la prison, que celle-ci est un dispositif où l'on effectue une peine.
C'est le discours sur l'enfermement carcéral le plus courant. Cette
représentation de la prison [...] s'est construite dès le XVIIIe
siècle, d'abord chez les philosophes et les juristes, puis, tout au long
du XIXe siècle, chez les théoriciens de la prison,
réformateurs et pénologues ». Cette superposition de
l'enfermement et de la punition constitue ainsi un "coup de force" sur lequel
la pratique de la prison actuelle se fonde : justifier l'enfermement par la
peine. Faugeron Claude, "Réformer la prison ? Une perspective
historique", in Veil Claude, Lhuilier Dominique, La prison en
changement, op.cit., p.33.
* 53 Cabanel Guy-Pierre,
« Entre exclusion et réinsertion », Projet, n°269,
printemps 2002, p. 47.
* 54 Michèle Colin,
Jean-Paul Jean, « Droit aux soins et amélioration de la
conduite des détenus : deux objectifs indissociables »,
Revue française des affaires sociales, op.cit.,
p.17-29.
* 55 De nombreux travaux
statistiques sont développés entre 1830 et 1860 par les
médecins hygiénistes qui tentent d'alarmer les pouvoirs publics
en raison des risques d'épidémie pour la population libre. Ces
études sont alors principalement publiées dans les Annales
d'hygiène publique et de médecine légale. Petit
Jacques-Guy, Faugeron Claude, Pierre Michel, Histoire des prisons en France.
1789-2000, op.cit., p.84
* 56 Face à ce manque
de moyens, les prisons se situent dans un état sanitaire
déplorable malgré les publications des élites qui
critiquent les « prisons paradis ». Les maladies
traditionnelles des prisons, le typhus et le scorbut, régressent
progressivement au XIXème siècle avec l'amélioration de
l'hygiène mais la tuberculose se développe liée à
l'état de malnutrition des détenus. La mortalité y est
extrêmement élevée. Il résulte que pendant le
XIXème siècle entre 40.000 et 50.000 personnes sont mortes en
France du fait de leur emprisonnement. Ibid, p.86.
* 57 Sous la IIIème
République, le nombre de détenus chute de moitié en raison
de l'ouverture de nouvelles possibilités d'individualisation de la peine
grâce à Aristide Briand chargé de la réforme
pénitentiaire. La République considère la prison comme une
école du crime qui représente cependant, comme le rappelle Robert
Badinter, le lieu de la peine et du châtiment par excellence et un
instrument de dissuasion à l'attention des "classes dangereuses".
Badinter Robert, La Prison républicaine (1871-1914), Fayard,
Paris, 1992, 473p.
* 58 Petit Jacques-Guy,
Faugeron Claude, Pierre Michel, Histoire des prisons en France.
1789-2000, op.cit., p.180.
* 59 Milly Bruno, Soigner
en prison, op.cit., p.81.
* 60 Faugeron Claude,
"Réformer la prison ? Une perspective historique", art.cit.,
pp.36-39.
* 61 Petit Jacques-Guy,
Faugeron Claude, Pierre Michel, Histoire des prisons en France.
1789-2000, op.cit., p.181.
* 62 Ibid.,
p.182.
* 63 Barlet P.,
« Historique de la médecine pénitentiaire »,
Tonic, Lyon, n°96, 2001, pp.2-4.
* 64 On rappelle la
création du conseil de l'ordre des médecins par l'ordonnance du
24 septembre 1945, conseil qui constitue l'un des fondements de la
reconnaissance sociale des médecins comme professionnels c'est à
dire en tant qu'acteurs autonomes.
* 65 Milly Bruno, Soigner
en prison, op.cit., p.84.
* 66 Les révoltes qui
secouèrent l'institution carcérale de 1971 à 1974
constituent, en partie, une répercussion du mouvement de
société de mai 68. En effet, comme le rappelle Anne-Marie
Marchetti, « les problèmes qui agitent une
société finissent toujours à terme par se manifester en
détention. Pour épais et si élevés qu'ils soient,
les murs qui enserrent les prisons ne sont jamais complètement
étanches [...] Des deux côtés des murs, que
désirait-on finalement, si ce n'est plus de considération et de
liberté ? ». Les mouvements de défenses des
détenus étaient souvent animés par des militants
maoïstes. Marchetti A-M., Combessie P., La prison dans la
Cité, Desclée de Brouwer, Paris, 1996, p.244.
* 67 Ibid.,
p.87.
* 68 Le 19 décembre
1972, le docteur Georges Fully, inspecteur général de
l'administration pénitentiaire, et d'autres médecins intervenant
en milieu pénitentiaire remettent au garde des Sceaux une motion
rappelant leur indépendance professionnelle et leur volonté de
respecter la déontologie. Son successeur, Solange Troisier, est à
l'origine d'un serment professionnel propre aux médecins intervenants en
milieu pénitentiaire qui figure dans la Charte d'Athènes :
«Nous, membre des professions de santé exerçant en prison,
réunis à Athènes le 11/09/1979, prenons l'engagement, dans
l'esprit du serment d'Hippocrate, de prodiguer les meilleurs soins possibles
à ceux qui sont incarcérés à quelque titre que ce
soit, sans porter atteinte aux principes de nos éthiques
professionnelles respectives ».
* 69 Milly Bruno, Soigner
en prison, op.cit., p.86.
* 70 En 1985, la
réforme de la politique pénale, la « réforme Armor
», rappelle la nécessité que la peine participe à la
réinsertion du délinquant. Elle a pour but essentiel le
reclassement du condamné. Cabanel Guy-Pierre, « Entre exclusion et
réinsertion », op.cit., p.48.
* 71 Milly Bruno, Soigner
en prison, op.cit., p.89.
* 72 Ibid.,
pp.90-91.
* 73 En Italie, les actions
sanitaires en milieu carcéral reposent sur la loi 354 de 1975 sur la
réorganisation pénitentiaire (et sa circulaire d'application de
1976) où l'article 11, intitulé «Service sanitaire»,
prévoit les conditions d'organisation d'un service médical. Les
directeurs des établissements pénitentiaires disposent, selon
l'article 3, de la responsabilité de l'organisation de l'ensemble des
services présent dans l'institution. En matière de santé,
le bureau de la direction est chargé de l'organisation de la structure
de soin, de promouvoir des liens avec les structures de soins
extérieures et avec les pharmacies, de recruter le personnel
médical mais les textes législatifs ne précisent pas les
missions de santé que doit remplir la direction, laissant ainsi la porte
ouverte aux initiatives personnelles. Andreano Renato , Tutela della salute
e organizzazione sanitaria nelle carceri: profili normativi e sociologici,
document disponible sur le site internet du centre de réflexion sur
l'institution carcérale Altro diritto: http://altrodiritto.it.
* 74 « Dans tel
établissement, il n'y a pas de préparateur en pharmacie, les
détenus préparent les fioles de psychotropes et les
médicaments secs, il n'y a pas de manipulateur radio, un surveillant
fait les radios, un autre surveillant est aide-soignant. [...] Ailleurs encore,
le manque de personnel médical fait que l'aide-soignant ou le
préparateur en pharmacie est un surveillant ». Conseil national du
Sida, Rapport sur les situations médicales sans absolue
confidentialité dans l'univers pénitentiaire, 12 janvier
1993, pp.10-11.
* 75 Entretien n°3, Mme
Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 76 Entretien n°23,
Alessandra Costa, psychologue au Centre de détention pour mineurs de
Rome.
* 77 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 78 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 79 Entretien n°19,
Ludovico Parisi, médecin vacataire auprès de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 80 Entretien n°19,
Ludovico Parisi, médecin vacataire auprès de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 81 Les altercations avec
le personnel de surveillance se seraient déjà conclues par le
renvoi d'un médecin ou d'un infirmier. Entretien n°19, Ludovico
Parisi, médecin vacataire auprès de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 82 Entretien n°23,
Alessandra Costa, psychologue au Centre de détention pour mineurs de
Rome.
* 83 Benqué Charles,
Libération, 10 mai 1994.
* 84 Thibault
Philippe-Michel, Le défi des prisons « privées
», Paris, Albin Michel, 1995, p.185.
* 85 Les médicaments
sont désormais distribués aux détenus sous leur forme
normale (le plus souvent sèche) soit à l'UCSA par le
préparateur en pharmacie ou l'infirmière, soit en cellule par
l'infirmière. IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, Rapport Inspection
générale des services judiciaires - Inspection
générale des affaires sociales, juin 2001, p.33.
* 86 Haut comité de
la santé publique (HCSP), Santé en milieu carcéral,
op.cit., p.19.
* 87 Conseil national du
Sida, Rapport sur les situations médicales sans absolue
confidentialité dans l'univers pénitentiaire, op.cit.,
p.6.
* 88 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 89 Entretien n°11, S.
Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 90 Cette difficulté
était accentuée en zone rurale où le préfet devait
auparavant désigner un médecin d'office ou
« décisionnaire ». Une charge qui était
très mal vécue comme en témoigne un médecin
généraliste : « Moi, je sortais de mes
études, je voulais me consacrer entièrement à la
médecine de campagne, et cette idée de faire des consultations
à la centrale ne me disait rien du tout, cela me semblait de la
sous-médecine... Et puis, j'ai été désigné
par le préfet, je ne pouvais pas refuser. C'est là que mes
clients ont commencé à me regardé d'un sale oeil quand je
passais les voir un peu tard et à me dire : « Et bien
sûr, nous, on passe après les détenus ».
Entretien cité in Marchetti A-M., Combessie P., La prison
dans la Cité, op.cit., p.107.
* 91 Entretien n°8,
Pierre Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 92 Marchetti A-M.,
Combessie P., La prison dans la Cité, op.cit., p.111.
* 93 Entretien n°23,
Alessandra Costa, psychologue au Centre de détention pour mineurs de
Rome.
* 94 Olive Agnès,
« Le Sida en prison (ou le bilan de la santé publique en
milieu carcéral) », Revue pénitentiaire,
n°2/4, 1998, pp.10-16.
* 95 Entretien n°8,
Pierre Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 96 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 97 Les hôpitaux
sont, en effet, traversés depuis la fin des années soixante-dix
par une restructuration qui passe notamment par une modification des
modalités de financement, avec l'adoption du budget global en 1983, une
meilleure planification sanitaire, par le biais du Schéma
régional d'organisation sanitaire (SROS) établi en 1991 et
l'instauration d'une culture de l'évaluation des pratiques, par la mise
en place, par exemple, d'une Programmation médicale des systèmes
informatique (PMSI). Lambert Marie-Thérèse (dir.), Politiques
sociales, op.cit., p.499.
* 98 C'est ce que
relève un rapport d'évaluation de la réforme :
« Ce sont les pharmaciens hospitaliers qui ont été
chargés de l'application de la réforme de 1994. Avec eux, c'est
l'ensemble des pharmacies hospitalières, de leur personnel, de leurs
pratiques, de leurs procédures, de leurs contrôles internes, qui
sont entrés dans la prison, permettant à terme une remise
à niveau du système ». IGAS-IGSJ, L'organisation des
soins aux détenus. Rapport d'évaluation, op.cit.,
p.33.
* 99 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 100 Ferrier Bernard,
« Pour un véritable statut de la médecine
pénitentiaire », Revue pénitentiaire et de droit
pénal, 1986, p.29.
* 101 Le milieu
carcéral est jusqu'en 1999 resté en dehors du système
sanitaire national, comme le résume le responsable de l'Agence pour les
toxicomanies de Rome. La non-application de la loi de 1975, qui a
instauré un service de soin pour toxicomanes, en milieu carcéral
témoigne, selon lui, de la coupure entre le milieu carcéral et le
reste de la société ainsi que par l'absence de politique
sanitaire propre aux prisons : « Le fait que les prisons soient
des structures spécifiques, qu'elles dépendent d'un autre
ministère, qu'elles aient des caractéristiques
particulières au niveau de la sécurité, a fait qu'elles
ont mis beaucoup de temps à s'adapter à cette loi ».
Entretien n° 20, Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les
toxicomanies de Rome.
* 102 On peut noter que ce
livre a connu un très fort succès aussi bien en France,
qu'à l'étranger puisque ce livre a été par exemple
traduit en Italie où il constitue l'un des livres manifeste dans la
condamnation des conditions d'incarcération. Gonin D., La
santé incarcérée. Médecine et conditions de vie en
détention, Ed. De l'archipel, Paris, 1991, p.256.
* 103 C'est d'ailleurs dans
ce sens que le conseil municipal de Rome a décidé de constituer
la prison de Rebbibia comme un arrondissement afin d'apporter aux
détenus les mêmes droits dont jouissent les citoyens
romains : «Ainsi les détenus en tant que citoyens de la ville
de Rome ont droit aux mêmes prestations que les autres
citoyens ». Entretien n°24, Lillo di Mauro, président de
l'Organe consultatif pénitentiaire permanent de la ville de Rome.
* 104 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.97.
* 105 « Il y
avait l'idée, un peu ancienne mais qui a durée très
longtemps, qui était de dire que si on met en place des structures
soignantes en milieu carcéral, c'était quelque part une
façon d'améliorer ou d'aménager le système
carcéral pénitentiaire français et du coup on était
dans une espèce d'aménagement et qu'on permettait la survivance
de ce système là. On s'est même fait traité une fois
de médecins nazis ». Entretien n°10, Mme Bouthara,
éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de Lyon.
* 106 Bruno Milly a par
exemple participé à l'observation d'un comité de pilotage
sur la télé-médecine qui lui a permis de prendre acte de
la différence entre le souci pour les détenus
témoigné par les médecins lors de leurs
déclarations d'intention et le discours tenu entre confrères, le
débat sur la télé-médecine étant
centré avant tout sur l'idée d'une valorisation de la
médecine pénitentiaire. Il conclut en affirmant : « On
peut noter que les détenus ne sont assurément pas une
préoccupation centrale des médecins intervenant en milieu
pénitentiaire ». Milly Bruno, Soigner en prison,
op.cit., p.57.
* 107 Il semble, en ce qui
concerne le cas lyonnais, que cette recherche de valorisation était
beaucoup moins présente du fait d'une plus grande reconnaissance de la
médecine pénitentiaire, qui sera développée par la
suite comme une « spécificité lyonnaise ».
* 108 Entretien n°8,
Pierre Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 109 L'Italie fournit
là aussi un bon modèle de comparaison où cet
émiettement professionnel est encore très présent comme en
témoigne un médecin de Rebbibia : « Le
problème de la médecine pénitentiaire, c'est que personne
ne t'aide. Personne ne t'apprend le métier et tu dois prendre des
risques ». Entretien n°19, Ludovico Parisi, médecin vacataire
auprès de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 110 Barlet P.,
« Historique de la médecine pénitentiaire »,
Tonic, art.cit.
* 111 Entretien n°8,
Pierre Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 112 Il existe
actuellement à l'université de Lyon une capacité en
médecine pénitentiaire, dirigée par le professeur Barlet,
tandis que Sando Libianchi dirige à Rome un Master en
« Protection de la santé en prison » ouvert aux
médecins, psychologues, pharmaciens et biologistes.
* 113 Chauvin Isabelle,
La santé en prison, Paris, ESF Editeur, 2000, p.14.
* 114 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 115 Petit Jacques-Guy,
Faugeron Claude, Pierre Michel, Histoire des prisons en France.
1789-2000, op.cit.,230.
* 116 Source : Pierre
Tournier, Statistiques pénales annuelles du Conseil de l'Europe,
Enquête 1997, Strasbourg, Conseil de l'Europe, 1999. Cité in
Wacquant Loïc, Les prisons de la misère, Raisons
d'Agir, Paris, 1999, p.112.
* 117 « Les taux
d'occupation sont très contrastés. Au 1er janvier 2000, niveau
exceptionnellement faible du fait de la baisse de la population pénale,
il était de 105 % en moyenne, mais de 113 % en maison d'arrêt
[...] Le taux d'occupation est de 199% à Bayonne ou au Mans et 162 %
à Lyon ». Audition de Mme Martine Viallet, Directrice de
l'administration pénitentiaire», 24 février 2000, source :
Assemblée nationale, http://www.assemblee-nationale.fr.
* 118 D'après les
chiffres publiés par la commission d'enquête parlementaire au 1er
avril 2000, 42 des 118 maisons d'arrêt connaissent un taux d'occupation
compris entre 150 et 200 %. Cligman Olivia, Gratiot Laurence, Hanoteau
Jean-Chtistophe, Le droit en prison, Paris, Editions Dalloz, 2001,
p.23.
* 119 Au 1er mars 2000, sur
les 35 544 détenus qui étaient incarcérés dans les
maisons d'arrêt, seuls 8174 étaient placés en cellules
individuelles. Tandis que l'article 716 du Code de procédure
pénale pose le principe selon lequel le prévenu est soumis
à l'emprisonnement individuel en cellule de jour comme de nuit.
Ibid., p.68.
* 120 En 1993, un rapport
du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains, émanation du Conseil de l'Europe, chargé
de faire respecter la Convention européenne du même nom mis en
application en 1989, admonestait la France pour les conditions de
détention outrageantes constatées dans la maison d'arrêt
des Baumettes à Marseille, où des cellules de moins de 10 m2
conçues pour un seul détenu en accueillaient quatre en
dépit des règles d'hygiène les plus
élémentaires. Wacquant Loïc, « Les prisons de la
misère », op.cit., p.113.
* 121 Catherine Erhel et
Patrick Marest, respectivement présidente et
délégué national de l'Observatoire International des
Prisons (OIP) dénoncent cet état de fait lors de leur audition
auprès de la Commission d'enquête parlementaire sur la situation
dans les prisons françaises : « Dès que la cote
d'alerte risque d'être atteinte dans un établissement du programme
13 000, on transfère assez brutalement une dizaine ou une quinzaine de
détenus pour dix, quinze ou trente jours, dans une prison publique
voisine, elle-même totalement surchargée ». Auditions de
la Commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons
françaises, « Audition de Mme Catherine Erhel, et de M. Patrick
Marest, respectivement présidente et délégué
national de l'Observatoire International des Prisons (OIP)», source :
Assemblée nationale.
* 122 Ce nombre est
déterminé en fonction du nombre de cellules et de leur
superficie. Par exemple, on comptabilise une place pour une cellule
inférieure à dix mètres carrés, deux places pour
une cellule entre 10 et 12 mètres carrés. Le site de Saint-Paul
comporte 174 cellules individuelles et le site de Saint-Joseph 99. Les cellules
pour mineurs sont à deux places. Entretien n°3, Mme Marié,
directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 123 Anastasia Stefano,
« Introduzione. Fotografia in movimento. Tendenze dell'esecuzione penale
», in Anastasia Stefano, Gonnella Patrizio (dir.), Inchiesta
sulle carceri italiane, Carocci, Roma, 2002, pp.13-30.
* 124 Entretien n°28,
Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison » de la
communauté « Villa Maraini ».
* 125 C'est le cas par
exemple en Italie où au lendemain de la seconde guerre mondiale, la
population carcérale s'élevait à 73.818 en 1945
après quoi elle a chuté à 58.402 en 1949. Cette tendance
déflationniste s'est confirmée au cours des années
cinquante jusqu'aux années soixante-dix. Le nombre de détenus
incarcérés a dépassé au cours des années
quatre-vingts la barre des 40.000 unités puis en 1993 le seuil de 50.000
détenus. Ce chiffre a connu depuis lors des fluctuations ces
dernières années bien qu'une tendance a la hausse se confirme.
Anastasia Stefano, « Introduzione. Fotografia in movimento. Tendenze
dell'esecuzione penale », in Anastasia Stefano, Gonnella Patrizio
(dir.), Inchiesta sulle carceri italiane, op.cit., p.14.
* 126 « On entend
par politiques pénales la façon dont chaque État poursuit
et sanctionne les auteurs des différentes infractions constatées
sur son territoire ». Combessie Philippe, Sociologie de la prison,
op.cit., p.61.
* 127 Cette situation
traduit aussi bien une modification des pratiques des magistrats que la
modification des lois, comme l'abolition de la peine de mort, sanctions plus
sévères pour certaines infractions, notamment en matière
de terrorisme, trafic de stupéfiants et violences sexuelles.
Parallèlement, on note une dépénalisation de certaines
infractions telles que l'adultère, l'homosexualité ou
l'émission de chèques sans provision. Les pouvoirs publics ont
cherché à limiter les incarcérations de courte
durée en les remplaçant par des mesures dites alternatives, comme
le travail d'intérêt général. Cette nouvelle peine
n'est instituée en France qu'en 1983, mais Bernard Jouys remet en
question la valeur substitutive de ces mesures alternatives qui sont
proposées le plus souvent à des délinquants occasionnels
qui, si ces peines n'existaient pas, n'auraient sans doute pas
été condamnés à une peine de prison ferme.
Combessie Philippe, Sociologie de la prison, op.cit., p.64.
* 128 Wacquant Loïc,
Les prisons de la misère, op.cit., p.11.
* 129 Combessie Philippe,
Sociologie de la prison, op.cit., p.43.
* 130 Anastasia Stefano,
« Introduzione. Fotografia in movimento. Tendenze dell'esecuzione penale
», in Anastasia Stefano, Gonella Patrizio (dir.), Inchiesta
sulle carceri italiane, op.cit., pp.16.
* 131 Wacquant Loïc,
Les prisons de la misère, op.cit., p.132.
* 132 Marchetti Anne-Marie,
« Sociologie de la population carcérale », in
Santé en milieu pénitentiaire, Forums
régionaux d'échanges de réflexion, février juin
2000, Centre régional de formation de l'administration
pénitentiaire, Liancourt (Oise), Actes, CRES Picardie, 12/2000,
pp.12-17.
* 133 Au 1er janvier 2000,
le taux de détention français moyen (rapport entre le nombre de
détenus et le nombre d'habitants de treize ans et plus) était de
96,9 pour 100 000 habitants. Ce taux était en revanche supérieure
à 200 pour les personnes entre 21 et 30 ans. Combessie Philippe,
Sociologie de la prison, op.cit., p. 34.
* 134 Cette pauvreté
est renforcée du fait de l'exclusion des détenus du Revenu
minimum d'insertion (RMI). Anne-Marie Marchetti en déduit la persistance
d'une « mauvaise pauvreté » incarnée par les
détenus. Marchetti A-M., «La pauvreté: une
caractéristique structurelle de l'institution
pénitentiaire», in Revue française des affaires
sociales, n°1, janvier-mars, 51 année, 1997, pp.27-246.
* 135 INSEE, L'histoire
familiale des hommes détenus, 2000 in Marchetti. A,
op.cit, p.15.
* 136 Wacquant Loïc,
Les prisons de la misère, op.cit., p.108.
* 137 Cette
dissymétrie s'explique en partie par un recours à la peine de
prison ferme que font les autorités judiciaires plus fréquemment
pour les non nationaux que pour les Français. Pierre Tournier a mis en
évidence que la probabilité d'être condamné à
la prison est 1,8 à 2,4 fois plus élevée pour un
étranger que pour un français. En outre, le nombre
d'étrangers mis en cause pour immigration clandestine a augmenté
de 7 000 en 1976 à 44 000 en 1993. Loïc Wacquant constate ainsi que
« loin de résulter d'une hypothétique aggravation de leur
délinquance, comme le voudraient certains discours xénophobes,
l'augmentation du poids des étrangers dans les effectifs
pénitentiaires de la France provient exclusivement du
triplement en vingt ans des incarcérations dues aux infractions à
la police des étrangers ». Wacquant Loïc, Les prisons de la
misère, op.cit., p.105.
* 138 En France, le nombre
de condamnations pour détentions ou pur trafic de drogues est
passé de 4000 en 1984 à près de 24 000 en 1994 et la
durée des peines double dans l'intervalle (de 9 mois à 20 mois en
moyenne). La part des prisonniers incarcérés pour une affaire de
stupéfiants passe de 14% en 1988 à 21% en 1992. La proportion des
condamnés pour affaires de stupéfiant reste en Europe entre 15 et
20% bien qu'elle connaisse de nombreuses variations : en 1997, le taux est de
36% au Portugal, de 30% en Espagne, 19% en France et en Suède, 15% en
Angleterre et aux Pays-Bas, 13% en Allemagne et en Finlande. Source : Pierre
Tournier, Statistiques pénales annuelles du Conseil de l'Europe,
Enquête 1997, Strasbourg, Conseil de l'Europe, 1999. Ibid.,
p.109.
* 139 La part de la
population toxicomane au sein des prisons italiennes est restée proche
de 30% au cours des années quatre-vingt-dix, bien qu'elle ait
doublé en valeur absolue : le nombre de détenus toxicomanes est
passé de 7.299 (28,5%) en 1990 à 14.602 (27,3%) en 2000. Source :
Dipartimento Amministrazione Penitenziaria (D.A.P). Morici Luca,
«Tossicodipendenza e carcere : tra punizione e cura », in
Corsi G., La Palombara A., Besio C., Morici L., Percorsi personali e di
reclusione, Edizioni Sensibili alle foglie, 2002, p.151.
* 140 Chauvin Isabelle,
La santé en prison, op.cit., p.37.
* 141 Haut comité de
la santé publique (HCSP), Santé en milieu carcéral,
op.cit., p.20.
* 142 DREES, La
santé à l'entrée en prison : un cumul des facteurs de
risque, ministère de l'Emploi et de la Solidarité,
1999, 4, 10 p.
* 143 Chauvin Isabelle,
La santé en prison, op.cit., p.42.
* 144 Comme le remarque le
Haut comité de la santé publique, « le choc de
l'incarcération, la surpopulation pénale, la restriction de
l'espace, la rupture de la vie familiale, les conditions d'hygiène en
détention contribuent à l'apparition ou à l'aggravation de
certaines pathologies : augmentation de l'angoisse, troubles sensoriels (vue,
ouïe), troubles de la digestion, douleurs musculaires sont l'apanage
quotidien d'un nombre important de détenus ». Haut
comité de la santé publique (HCSP), Santé en milieu
carcéral, op.cit., p.21.
* 145 « La
diversité et la gravité des pathologies qui viennent d'être
évoquées, la complexité des interventions qu'elles
appellent, tout comme leur incidence potentielle sur la population
générale, confrontent l'administration pénitentiaire
à la nécessité de repenser totalement les politiques
sanitaires en milieu carcéral, ce dont elle ne peut s'acquitter seule
tant les enjeux sont importants. Une société solidaire
régie par un État de droit se doit, pour le respect de la
dignité humaine, de permettre aux hommes et aux femmes privés de
liberté d'accéder en cas de besoin à des soins
satisfaisants ». Ibid.
* 146 Entretien n°8,
Pierre Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 147 Fassin Didier,
L'espace politique de la santé. Essai de
généalogie, Paris, PUF, 1996, p.231.
* 148 On peut se rapporter
pour une analyse comparative détaillée de la question à
l'ouvrage suivant : Steffen Monika, Les Etats face au Sida en
Europe, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2001, 258p.
* 149 Simon H., «The
structure of ill-structured problems», Artificial intelligence, 4,
1973.
* 150 On peut ainsi
distinguer selon Monika Steffen une période de reconnaissance (ou
d'indifférence selon Michel Setbon) qui s'étale du diagnostic des
premiers cas de la nouvelle maladie, en juin 1981 jusqu'à la fabrication
des premiers tests fin 1984 ; une seconde période de
polémique en 1985 concernant l'usage du test de dépistage ;
une période d'information et d'éducation qui constitue la partie
la plus visible des politiques de lutte contre le Sida et une
dernière phase de consolidation ou de stabilisation durant laquelle les
acteurs publiques prennent la relève des structures associatives.
Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.24 et
suiv.
* 151 Ainsi, il est
possible de distinguer plusieurs phases dans la réaction de
l'institution pénitentiaire face à l'épidémie de
Sida. Une première période, du commencement de
l'épidémie jusqu'aux années 1986-1987, s'est
caractérisée par une prise de conscience des risques de
transmission au sein du milieu carcéral, du fait de la toxicomanie et
des rapports sexuels possibles. Ce constat a aboutit, d'une part, à des
résistances au sein des prisons, par le refus de la part de certains
surveillants d'accomplir leur travail en contact avec des détenus
séropositifs et, d'autre part, à des campagnes de presse
alarmistes qui identifiaient la prison comme un lieu de diffusion possible du
virus. À cette première phase, a suivi un processus d'adaptation
progressive de l'institution carcérale initiée à partir de
la fin des années 80, période durant laquelle les premiers
projets de lutte contre la diffusion du Sida se sont développés
en prison. Sarzotti Claudio, «Prevenzione Aids in carcere : il ruolo della
cultura professionale degli operatori penitenziari», in Faccioli
Franca, Giordano Valeria, Claudio Sarzotti, L'Aids nel Carcere e nella
società. Le strategie comunicative per la prevenzione, Roma,
Carocci, 2001, p.21.
* 152 Il s'agit ici d'un
point délicat qui sera abordé par la suite, nous nous
contenterons pour l'instant d'évoquer la forte prévalence de
l'infection en milieu carcéral.
* 153 Setbon Michel,
Pouvoirs contre le Sida. De la transfusion sanguine au
dépistage : décisions et pratiques en France,
Grande-Bretagne et Suède, Paris, Seuil, coll.
« Sociologie », 1993, p.28.
* 154 L'enquête
réalisée en juin 1992 met en évidence la présence
de 1849 de détenus atteints par le VIH dont 1059 asymptomatiques et 790
symptomatiques. L'épidémie a une incidence variable selon les
régions et le pourcentage des détenus infectés est
très différent selon les établissements
pénitentiaires. Ainsi en 1991 et 1992, il est de 5,7 % en Ile de France
et de 6,4 % pour la région Provence Alpes Côte d'Azur. Ces deux
régions sont largement atteintes puisque la région Aquitaine ne
représente que 3,66 % et que l'ensemble des autres régions sont
aux alentours de 1,3 %. Bourdillon F, Parpillon C., Bonnevie M.C., Rousseau E.,
« Analyse de l'enquête un jour donné mené dans
l'ensemble des établissements pénitentiaires, tendance à
1988-1994 », Bulletin épidémiologique
hebdomadaire, 1995, p.26. Cité in Gentilini Marc,
Problèmes sanitaires dans les prisons, Paris, Flammarion,
1997, p.8.
* 155 Nau Jean-Yves,
« Tuberculoses pénitentiaires. Une refonte du système
de soins », Le Monde, 20 janvier 1993.
* 156 Harding T.W., «
Toxicomanie et Sida : aspects épidémiologiques, psychosociaux et
éthiques en milieu pénitentiaire », Cahiers
psychiatriques, n° 6,1989, p.40.
* 157 « Ce risque de
contamination sexuelle s'étend bien entendu à la population
générale lorsque ces personnes sortent de prison -qu'il s'agisse
de permission ou de fin de détention [...] On remarque en effet
l'aspect souvent paradoxal du mur de la prison, à l'intérieur
duquel est enfermé un système clos, à l'extérieur
duquel fonctionne un certain nombre de mécanismes de prévention
et de prise en charge, qui ne peuvent y pénétrer, et le
va-et-vient de certains détenus, qui effectuent de courte peines
à intervalles plus ou moins rapproché, et qui sont par le biais
des parloirs alternativement dedans et dehors ». Montagnier Luc, Le
sida et la société française, Paris, La documentation
française, décembre 1993, p.201.
* 158 Lhuilier Dominique,
« La santé en prison : permanence et changement »,
in Veil Claude, Lhuilier Dominique, La prison en changement,
op.cit., p.192.
* 159 Jusqu'au XIXe
siècle, les maladies traditionnelles des prisons sont le typhus et le
scorbut. Le typhus, appelée aussi "fièvre des prisons" est
lié à la surpopulation et au manque d'hygiène. Le scorbut
est en relation avec les carences alimentaires. On peut encore évoquer
la typhoïde, la dysenterie et les maladies respiratoires telles que les
pneumonies et pleurésies. Les médecins hygiéniste voient
dès lors leur place reconnue dans les prisons, à partir du moment
où il s'agissait d'enrayer les risques d'épidémies pour la
population libre. Dès lors, « on ne peut manquer bien sûr de
mettre en perspective l'histoire des épidémies en milieu
carcéral et celle de l'infection par le VIH ». Lhuilier
Dominique, « Ethique des pratiques de santé en milieu
pénitentiaire », La lettre de l'Espace éthique,
n°12 -13 -14, été-automne 2000, pp.34-38.
* 160 Entretien n°8,
Pierre Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 161 Par exemple,
l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, qui a adopté le
30 juin 1988 la Recommandation 1080 "relative à une politique
européenne coordonnée de la santé pour prévenir la
propagation du SIDA dans les prisons", reconnaît la présence
possible de relations sexuelles ou d'usages de drogues dans les prisons. Elle
indique en son alinéa 11 que "l'existence de l'homosexualité et
celle de la toxicomanie par voie intraveineuse dans les prisons, qui toutes
deux entraînent un risque considérable de propagation de
l'infection à VIH, parmi la population carcérale et
ultérieurement en dehors de la prison, doivent être pour l'instant
admises comme étant des réalités." Conseil de l'Europe,
Recommandation 1080 (1988) relative à une politique européenne
coordonnée de la santé pour prévenir la propagation du
SIDA dans les prisons, Strasbourg, 1988.
* 162 Borraz O.,
Loncle-Moriceau Patricia, « Permanences et recompositions du secteur
sanitaire. Les politiques locales de lutte contre le sida », Revue
française de sociologie, 41-1, 2000, p.49.
* 163 Ce
phénomène s'explique, en partie, par l'importance du rôle
occupé par les communautés thérapeutiques dans le soin des
toxicomanes. Celle-ci travaillaient en lien avec les établissements
pénitentiaires avant l'épidémie de Sida en raison de
l'existence d'une mesure d'injonction thérapeutique qui permettait la
libération du détenu en cas d'initiation d'un programmes
thérapeutique (ces programmes d'affidamento in prova seront
développés par la suite). Les communautés travaillant
déjà avec les prisons ont alors initié des groupes de
parole et de soutien auprès des personnes séropositives
incarcérées qui étaient majoritairement toxicomanes. C'est
par exemple le cas de la communauté de Villa Maraini à Rome qui a
organisé de façon systématique des groupes de parole en
prison à partir de 1984. Enfin, on doit noter qu'une importante
association de lutte contre le Sida a été crée au cours
des années quatre-vingt, la LILA, qui a été à
l'origine de nombreux cours de prévention en milieu carcéral afin
de pallier au manque de réaction de l'administration
pénitentiaire. Entretien n°28, Eugenio Iaffrate, responsable du
projet « prison » de la communauté « Villa Maraini
».
* 164 Certaines
associations de lutte contre le Sida se sont cependant mobilisées
à la fin des années quatre-vingts, telle qu'Act-Up, permettant un
renouveau du militantisme en faveur des détenus. Ce
phénomène demeure cependant moins marqué en Italie mais,
surtout, reste limité à des campagnes revendicatives.
* 165 Borraz O.,
Loncle-Moriceau P., « Permanences et recompositions du secteur sanitaire.
Les politiques locales de lutte contre le Sida », art.cit.,
p.45.
* 166 Crevier B.,
« Le pari de soigner la médecine
pénitentiaire », Economie et humanisme, n°329,
juin 1994, p.38.
* 167 Olive Agnès,
« Le Sida en prison (ou le bilan de la santé publique en
milieu carcéral) », art.cit., p.314.
* 168 Got C., Rapport
sur le Sida, Paris, Flammarion, 1989. A la même époque, tandis
qu'une circulaire datée du 17 mai 1989 définit les mesures de
prévention en prison, un journaliste du journal Le Monde
écrit : « Ces dispositions sont-elles suffisantes ?
[...] Le nombre, de plus en plus élevé, de toxicomanes atteints
du Sida qui seront amenés à séjourner en prison dans les
prochaines années, n'oblige t-il pas à repenser le fonctionnement
de la médecine pénitentiaire ? ». Nouchi Franck,
« Une circulaire pour améliorer le dépistage en milieu
carcéral », Le Monde, 24 mai 1989.
* 169 « Au total,
les statistiques du ministère de la Justice indiquent qu'en 1991, le
nombre de personnes séropositives connues, à un jour
donné, des services médicaux dans les prisons françaises
s'élevait à 2 283 personnes, soit 4,3% d'une population
pénale, au même jour, de 52 220 personnes (soit une augmentation
de 0,7% par rapport au 8 juin 1988, où cette proportion était de
3,6%). Sur ces 2 283 personnes, 1 584 étaient des séropositifs
asymptomatiques, 523 avaient développé des formes mineures
d'infection, et 176 un Sida déclaré. Ce taux national de
séropositivité dans l'univers carcéral variait
considérablement selon les régions : il était de 7,8% dans
les établissements de la Direction régionale de Paris, avec des
pointes de 10% à 15% dans certains établissements de la
région parisienne ». Source : ministère de la
Justice, Direction de l'administration pénitentiaire,
L'administration pénitentiaire et la lutte contre le Sida : bilan
1991, Paris, juin 1992, p. 2. Conseil national du Sida, Rapport sur les
situations médicales sans absolue confidentialité dans l'univers
pénitentiaire, op.cit., p.3.
* 170 Les
enquêtes du Conseil national du Sida rapportent par exemple que dans un
établissement, sur 6 000 entrants, 25% sont des toxicomanes dont 40%
sont séropositifs. Sur les quelque 720 détenus
séropositifs (en flux), 90% ont été contaminés par
injections de drogue et 3% (22 personnes environ) par voie sexuelle
(essentiellement homosexuelle) . Le rapport en conclue que « la
toxicomanie constitue donc, de loin, le principal facteur de contamination des
entrants ». Ibid., p.3.
* 171 Haut Comité
National de la Santé Publique (HCNSP), Santé en milieu
carcéral, op.cit., p.44.
* 172 Setbon M., « La
normalisation paradoxale du Sida », Revue française de
sociologie, 41-1, 2000, p.62. Cf également Steffen Monika,
«Répondre à l'inattendu : les systèmes de
santé face au Sida », Revue française d'administration
publique, n.76, 1995.
* 173 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.33.
* 174 L'avènement du
Sida constitue, comme le remarque Olivier Borraz, un facteur de désordre
qui induit dans un ensemble institutionnel structuré de nouveaux et
nombreux décalages dont la résolution appelle des recompositions.
Ces décalages sont de trois ordres. Un décalage tout d'abord
entre une maladie présentant de nombreuses inconnues et les dispositifs
institutionnels existants. Un second décalage d'ordre institutionnel
entre les différentes organisations qui participent à la lutte
contre le Sida. Un décalage enfin entre les dispositifs de lutte contre
le Sida et l'évolution de l'épidémie. Borraz O.,
Loncle-Moriceau Patricia, « Permanences et recompositions du secteur
sanitaire. Les politiques locales de lutte contre le Sida »,
art.cit., p.38.
* 175 Steffen Monika,
Les Etats face au Sida en Europe, op.cit. p.30.
* 176 Patrice Duran
souligne dans ce sens la difficulté pour certaines institutions
publiques à reconnaître un nouveau problème du fait de
l'inadéquation de leur culture professionnelle et institutionnelle avec
un problème émergeant. Duran Patrice, "Le Savant et la politique
: pour une approche raisonnée de l'analyse des politiques publiques",
L'Année sociologique, vol.40, 1990, p.241.
* 177 « En cela un
phénomène imprévu comme l'est le Sida provoque un effet de
dévoilement, tant du fonctionnement du système de décision
que de ses capacités d'adaptation à de nouvelles contraintes. En
quelque sorte le Sida met en évidence les propriétés -le
plus souvent imperceptibles dans un fonctionnement routinier -d'un
système antérieurement construit, ses fragilités et ses
résistances aux changements ». Setbon, M., Pouvoirs contre Sida.
De la transfusion sanguine au dépistage: décisions et pratiques
en France, Grande-Bretagne et Suède, op.cit.,
p.17.
* 178 Entretien n°16,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 179 Entretien n°8,
Pierre Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud. Ancien médecin-inspecteur
général de l'administration pénitentiaire, Solange
Troisier a été démise de ses fonctions suite au scandale
des trafics des grâces médicales des Baumettes. Inculpée de
corruption et trafic d'influence, elle avait été relaxée
en appel. Logeart Agathe, « Le rapport du docteur Solange Troisier
préconise d'améliorer l'information et l'hygiène dans les
prisons », Le Monde, 12 février 1988.
* 180 Ces accusations
semblent être liées avant tout, selon l'Observatoire international
des prisons, au silence qui entoure parfois la mort de plusieurs
détenus, en l'absence d'une information suffisante des familles.
Observatoire international des prisons, Prisons : un état des
lieux, Paris, L'Esprit frappeur, 2000, p.97.
* 181 De tels
événements ne sont bien sûr pas propres à la
médecine pénitentiaire française mais concernent
également l'Italie comme le rappelle le responsable du Sert de
Rebbibia : « Au milieu des années 90 [...] plusieurs cas
de mort pour non-assistance ont défrayé la chronique, par
overdose ou encore pour un infarctus. Il y avait même des mauvaises
langues qui affirmaient que les corps trouvés en cellule étaient
réchauffés pour ne pas montrer qu'ils n'avaient été
découverts que le matin. À l'époque je ne travaillais pas
encore en prison et j'avais reçu dans mon cabinet un détenu mort
depuis plus de deux heures, la personne avait le bras complètement
rigide et on essayait encore de le réanimer artificiellement ».
Entretien n°18, Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 182 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 183 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.143.
* 184 L'origine du
système de la transfusion sanguine remonte à la deuxième
guerre mondiale, au don du sang gratuit et militant pour les résistants
et les armées de libération. Après la guerre, les
organisateurs de la « route du sang » livrèrent un
combat aux banques de sang privées pour imposer leur modèle dans
le cadre du service public. Le principal héritage en fut un
système décentralisé composé de centres de
transfusion autonomes, sans véritable coordination nationale, et une
forte valorisation morale du donneur de sang qui entre dans l'histoire comme un
héros national. Ibid., pp.171-172
* 185 Il s'agit d'un
procédé particulier de recueil du plasma qui exige, outre des
infrastructures technologiques, le déplacement des donneurs et un
fonctionnement par rendez-vous individuels ce qui aurait perturbé le
mode de fonctionnement établi depuis l'après-guerre.
* 186 Les mesures à
prendre pour éliminer le risque de contamination dans le secteur du sang
et du plasma sont au nombre de quatre : la sélection des donneurs de
sang qui constitue la première mesure à l'entrée de la
chaîne transfusionnelle, le test de dépistage afin de
dépister les lots contaminés provenant de donneurs
séropositifs qui n'ont pas été écartés lors
de l'étape de sélection, l'élimination du virus par un
procédé de chauffage, enfin le retrait des produits non
chauffés. Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe,
op.cit.,p.148.
* 187 Le repérage
des personnes à risques était essentiel. Une circulaire du 7
Août 1963 de l'administration pénitentiaire recommandait aux
médecins de « signaler les détenus (candidats au don du
sang) pour lesquels le prélèvement semblerait médicament
déconseillé ». En outre, l'article 3 du décret
du 17 mai 1976, réglementant le prélèvement, dispose que
« chaque prélèvement doit obligatoirement être
précédé d'un examen médical du donneur, comportant
un interrogatoire orienté plus spécialement sur le
dépistage des affections contre-indiquant le prélèvement
et des maladies transmissibles ; un examen clinique comprenant notamment
l'appréciation de l'état général et la mesure de la
tension artérielle ». Morelle Aquilino, « L'institution
médicale en question. Retour sur l'affaire du sang
contaminé », Esprit, octobre 1993, n°195, p.28.
* 188 En 1984, le
dispositif sanitaire carcéral se caractérise alors, selon
Aquilino Morelle, par une pauvreté structurelle accablante.
L'administration pénitentiaire ne dispose, par exemple, pas de
médecin chargé de l'inspection des services médicaux,
depuis le départ de Solange Troisier. On dénombrait au 31
décembre 1983 319 médecins vacataires et 30 spécialistes
rémunérés à l'acte pour prendre en charge un stock
de 40.013 détenus et un flux de 85.362 entrants. Morelle Aquilino, La
défaite de la santé publique, op.cit., p.246
* 189 Ibid.,
p.247.
* 190 DGS (Circulaire DGS/3
B n°569 du 20 juin 1983, non parue au Journal officiel) .
* 191 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.178
* 192 Une enquête
réalisée en janvier 1984 par le docteur J.P Saleur, directeur du
CDTS de Brest, établit le non-respect de ces mesures de la part des
directeurs de CTS. Revue française de transfusion et
immuno-hématologie, tome XXVII, n°4, septembre 1984, p.33.
* 193 Aquilino Morelle
souligne le fait que les collectes représentaient pour la direction de
l'établissement une charge, parce qu'elles détournaient le
personnel de ses tâches habituelles, et des risques en terme de
sécurité. Les contraintes du milieu carcéral incitaient
les médecins à réduire l'examen clinique au strict
minimum. On procédait ainsi souvent à l'examen de 120 à
140 détenus en une matinée, soit un temps moyen par détenu
de 3 à 4 minutes. Morelle Aquilino, La défaite de la
santé publique, op.cit., p.44.
* 194 Morelle Aquilino,
« L'institution médicale en question. Retour sur l'affaire du
sang contaminé », art.cit., p.33. Aquilino Morelle
précise : « Bénévole, le donneur
français a été considéré automatiquement,
sans restriction, comme un individu par définition
« sain » moralement et physiquement [...] Voilà
pourquoi il était structurellement impossible aux directeurs de centres
d'accepter d'effectuer une sélection de ces donneurs ».
Morelle Aquilino, La défaite de la santé publique,
op.cit., p.49
* 195 Setbon Michel.,
Pouvoirs contre Sida, op.cit., p.109.
* 196 Un projet de
circulaire est préparé par la DGS qui comporte six paragraphes
consacrés spécifiquement à la question des collectes en
prison. Ceux-ci sont supprimés lors du passage du projet de circulaire
au cabinet d'Edmond Hervé et le texte final ne comporte aucune mention
de ces collectes. Morelle Aquilino, La défaite de la santé
publique, op.cit., p.285
* 197 Circulaire
n°AP.84 05.G1 émanant du ministère de la Justice, direction
de l'administration pénitentiaire, sous-direction de la
réinsertion sociale, bureau des méthodes de réinsertion
sociale et de la réglementation. Greilsamer L., Le procès du
sang contaminé, Le Monde Editions, Paris, 1992, p.88.
* 198 Nouchi Franck, Nau
Jean-yves, « Contamination : le sang des prisons »,
Le Monde, 11 avril 1992.
* 199 Cette décision
est justifiée par le fait que « l'arrêt, même
temporaire des dons de sang ne serait pas sans poser de difficultés dans
les centres de détention, mais aussi dans les centres de transfusion qui
verraient disparaître une importante source de
prélèvements ». Procès verbal de la
réunion du 10 juin 1985. Cité in Nouchi Franck, Nau
Jean-yves, « Contamination : le sang des prisons »,
Le Monde, 11 avril 1992.
* 200 « Marqueurs du
VHB, bêta 2, microglobuline et anti-HTLV dans une population de donneurs
de sang en milieu carcéral », Revue française de
transfusion et immuno-hématologie, tome XXVII, n°4, septembre
1984.
* 201 Ibid,
p.27-28.
* 202 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.144.
* 203 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.146.
* 204 Le nombre de victimes
des contaminations liées au sang demeure minoritaire parmi les
sidéens en Europe. Le nombre de cas de Sida déclarés,
cumulés au 30 septembre 1998 était en France 582 pour les
hémophiles et de 1799 pour les transfusés, pour un total de 2381,
tandis qu'il était, pour comparaison, en Italie de 332 pour les
hémophiles et de 392 pour les transfusés, pour un total de 724.
Le haut niveau de contamination des patients transfusés en France
traduit une double causalité : le refus de sélectionner les
donneurs de sang et la surconsommation de transfusion sanguine dans les
hôpitaux français. Source : Surveillance du Sida en Europe,
n°61, 1999. Cité in Steffen M., Les Etats face au Sida
en Europe, op.cit., p.149.
* 205 Cité in
Morelle Aquilino, « L'institution médicale en question.
Retour sur l'affaire du sang contaminé »,
art.cit..
* 206 Tandis que la
séroprévalence de l'ensemble des dons recueillis en 1985
était de 0,0064%, celle des seuls dons était de 4,24%, soit un
degré de contamination 66 fois plus élevé. La
séroprévalence du sang collecté pouvait atteindre des
valeurs bien plus élevées selon les sites : 8,2% à
Pontoise, 9,5% à Meaux, 10,6% à Fresnes, 11,1% à Gradignan
et aux Baumettes, 13,3% à Carcassonne. Morelle Aquilino, La
défaite de la santé publique, op.cit., p.42.
* 207 Les journalistes
déclarent notamment que « des documents jusqu'alors
inédits permettent d'affirmer que l'épicentre du scandale du sang
contaminé se situe dans les prisons françaises. C'est pour
l'essentiel parce que les services de plusieurs ministères
(santé, affaires sociales et justice) ont laissé pratiquer, puis
encouragé à partir de 1984, les transfuseurs qui
réalisaient des collectes massives de sang en prison, que la France
compte aujourd'hui autant de cas de Sida post-transfusionnels [1 021 au 31
décembre 1991] ». Nouchi Franck, Nau Jean-yves,
« Contamination : le sang des prisons », Le
Monde, 11 avril 1992. C'est également à la même
époque qu'une journaliste d'investigation, A-M.Casteret,
déclenche un scandale avec la publication de son ouvrage l'«
affaire du sang ». Patrick Champagne et D.Marchetti ont montré
en quoi ces publications correspondent à des enjeux propres au champ
médiatique : les médias rivalisent pour porter des documents
secrets à la connaissance du public par lesquels ils mettent en cause la
corruption au sommet de l'Etat. Cf. Champagne P., Marchetti D.,
« L'information médiatique sous contrainte. A propos du
« scandale du sang contaminé » », Actes
de la recherche en sciences sociales, n°101-102, 1994, pp.40-62.
* 208 Rapport
d'enquête sur les collectes de sang en milieu pénitentiaire,
IGAS, IGSJ, novembre 1992. Cf. , « Les suites de l'affaire du
sang contaminé. Le drame des collectes en prison », Le
Monde, 5 novembre 1992.
* 209 Lors de la
troisième journée du procès de l'affaire du sang
contaminé, le mercredi 24 juin 1992, un des avocats de la partie civile,
Me Kaman, critiqua l'absence d'une enquête à l'encontre de
Mme Ezratty: « Le juge d'instruction a interrogé le docteur Wetter
sur les collectes de sang [directeur général du laboratoire
national de la santé en 1984 et 1985] mais sa curiosité s'est
arrêtée aux portes du ministère de la Justice... C'est
ainsi dans notre système : le premier président de la cour
d'appel note tous les magistrats du siège. Je ne sais pas s'il existe
des possibilités d'inculpation. Je constate que Mme Ezratty n'a pas
été entendue ». Greilsamer L., Le procès du sang
contaminé, op.cit., pp.97-98.
* 210 C'est le cas de
Michel Lucas, ancien responsable de l'inspection générale des
affaires sociales (IGAS), qui a réalisé un rapport en 1991 sur la
contamination des hémophiles, dans lequel il avait omis de traiter le
problème des collectes en milieu carcéral, alors qu'il
était lui-même membre dès octobre 1984 des
« comités santé-justice » chargés de
contrôler la médecine pénitentiaire et qu'il ne pouvait
ignorer cette question délicate.
* 211 Cette comparaison est
établie par Aquilino Morelle à partir de trois
études : celle réalisée par le docteur Habbibi en
juillet 1985, l'enquête effectuée par la mission IGAS-IGSJ et
celle réalisée par le conseil de l'Europe. Morelle
Aquilino, « L'institution médicale en question. Retour sur
l'affaire du sang contaminé », art.cit.
* 212 Après mai 68,
plus d'une centaine de militants gauchistes sont arrêtés. Cette
nouvelle catégorie de détenus attire l'attention sur les prisons,
dont on dénonce de nouveau la fonction politique. Mais ce mouvement
n'aurait pas été suffisant si un certain nombre d'intellectuels
n'avaient étendu la protestation à la question des détenus
de droit commun. Le Groupe d'information sur les prisons (GIP) est
créé le 8 février 1971, autour de Michel Foucault. Son
objectif est d'informer, de faire sortir les prisons du silence. Petit
Jacques-Guy, Faugeron Claude, Pierre Michel, Histoire des prisons en France.
1789-2000, op.cit., p.254.
* 213 Favre Pierre, «
La gestion administrative du Sida ou l'impossible captation d'un
problème de santé par la Haute administration », in
Favre Pierre (dir.), Sida et politique. Les premiers affrontements
(1981-1987), Paris, L'Harmattan, 1992, pp.75-92.
* 214 De façon plus
générale, Michel Setbon relève l'existence de ce
problème de captation d'un problème par l'administration au sujet
de la crise du sang contaminé. Le retard d'une action publique en
matière de Sida alors même que l'agent infectieux avait
été identifié par le professeur Luc Montagnier au sein de
l'institut Pasteur en mars 1983 s'explique par une dissociation entre les
acteurs administratifs et politiques. « Le divorce est ainsi de plus en
plus manifeste entre l'acteur administratif soutenu par le groupe d'alerte qui
produit de l'information scientifiquement crédible et l'acteur politique
conseillé par des acteurs prestigieux qui lui recommandent
l'immobilité ». Les acteurs administratifs cherchent à agir
dans la limite de leurs fonctions et de leur pouvoir, c'est-à-dire de
façon technique. C'est ainsi que deux mesures sont adoptées en
1983. D'une part, une première circulaire de la DGS qui vise à
réduire les risques de contamination par les produits sanguins par la
mise à l'écart des donneurs de sang à risque,
évoquée auparavant. D'autre part, une seconde circulaire qui a
pour but de mettre en place un réseau national d'information et de
surveillance de la maladie. (Circulaire DGS/PGE/1 C n°547 du 26 août
1983, non parue au journal officiel). L'intervention des pouvoirs publics
n'interviendra qu'après la redécouverte aux États-Unis du
virus par l'équipe de Gallo aux États-Unis en avril 1984 et
découvert au préalable par l'équipe de l'institut Pasteur.
Setbon, Michel., Pouvoirs contre Sida, op.cit., pp.60-63.
* 215 Kingdom propose la
notion de « fenêtre politique » pour désigner un
changement d'opinion brusque qui suspend le fonctionnement ordinaire des
institutions et rend possible la réorientation d'une politique
sectorielle par une plus grande réceptivité des pouvoirs publics
aux intérêts de certains acteurs. Cf., Muller, P., Surel, Y.,
L'analyse des politiques publiques, op.cit., p.74.
* 216 Pour faire face
à la modernisation du parc pénitentiaire, avec la fermeture des
prisons les plus vétustes, et dans une optique d'accroissement du nombre
de places de détention (la surpopulation carcérale atteint un
niveau record en 1986 avec 50 000 personnes pour 32 500, soit cinq
détenus pour une cellule de neuf mètres carrés), le garde
des Sceaux, Albin Chalandon entreprend entre 1985 et 1988 un vaste programme de
privatisation des prisons : 15 000 nouvelles places devaient être
construites. Après le retour de la gauche au pouvoir en 1988, ce
programme est réduit à 13 000 places mais la logique de
privatisation n'est pas remise en cause. Il s'agissait dans un premier temps de
confier à des grandes entreprises privées du bâtiment la
construction de 25 nouvelles prisons qui ont été remises,
clé en main, à l'Etat. Cet ensemble est intitulé
"Programme 13 000". Dans un second temps, l'Etat a concédé, pour
une période de dix ans renouvelable, la gestion de l'entretien des
détenus à une entreprise privée. Le cahier des charges
précisait que chaque entreprise concessionnaire était responsable
de l'entretien général des bâtiments, du chauffage, de la
nourriture des détenus, des soins médicaux et du travail des
détenus. En échange, le concessionnaire privé
reçoit une certaine somme d'argent par jour et par détenu
(environ 130 F en 1998). Combessie Philippe, "Ouverture des prisons,
jusqu'à quel point ?", in Veil Claude, Lhuilier Dominique,
La prison en changement, pp.90-91.
* 217 Thibault
Philippe-Michel, Le défi des prisons « privées
», op.cit., p.174-175.
* 218 Haut comité de
la santé publique (HCSP), Santé en milieu carcéral,
op.cit.
* 219 Trois
établissements pénitentiaires (Laon, Châteauroux et
Saint-Quentin-Fallavier) ont servi d'expérimentation à la
réforme de 1994 en signant dès 1992 des conventions avec des
centres hospitaliers de proximité. C'est à partir de la
comparaison entre ces établissements et ceux du programme « 13
000 » que la réforme de la médecine
pénitentiaire fut élaborée.
* 220 Ainsi, pour la
région Est, seul un établissement pénitentiaire avait
signé une convention avec le CDAG local pour le dépistage du
Sida. Montagnier Luc, Le Sida et la société
Française, op.cit. p.196.
* 221 Montagnier Luc, Le
Sida et la société Française, op.cit.
p.197.
* 222 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 223 Haut comité de
la santé publique (HCSP), Santé en milieu carcéral,
op.cit.
* 224 Montagnier Luc, Le
Sida et la société Française, op.cit.,
p.197.
* 225 Le
médecin-inspecteur à la DDASS du Rhône chargée de la
santé en milieu carcéral constate ainsi que l'infirmerie de
Villefranche présentait deux problèmes. D'une part, elle
fonctionnait sur un modèle économique visant la
rentabilité et réduisait les dépenses en restreignant le
nombre d'extractions médicales ou les prescriptions de
médicaments, notamment les antidépresseurs. D'autre part, la
logique de fonctionnement du directeur de la maison d'arrêt de
Villefranche et celle du responsable de l'infirmerie étaient très
similaires de sorte que le transfert des soins au système public
hospitalier fut perçu comme une perte de contrôle. Il s'engagea un
conflit entre les deux hommes qui ne prit fin que lors du transfert du
directeur d'établissement : « Le responsable
médical était conseiller de la boîte privée et
était forcément sensible aux arguments de son patron, son patron
étant le groupement privé. S'il lui disait « Vous ne faites
pas trop de dépenses comme ceci ou comme cela », il se rangeait aux
avis de son patron qui était le groupement privé [...] L'ancien
directeur [de Villefranche], il avait vécu aussi avec la santé
gérée par G3S [groupement privé] et il s'était
habitué aussi à des pratiques très restrictives et quand
s'est passé au service public hospitalier, il n'a pas du tout, du tout,
supporté et il était en conflit permanent avec le médecin
responsable et donc je crois que c'était vraiment une très bonne
chose qu'il y ait un nouveau directeur à Villefranche ».
Entretien n°13, Claire Cellier, médecin inspecteur de santé
publique à la DDASS du Rhône.
* 226 Le rapport conclut au
terme de la comparaison entre les deux systèmes que « le
recours au partenaire public paraît donc plus souhaitable que le recours
à des partenaires privés ». Haut comité de la
santé publique (HCSP), Santé en milieu carcéral,
op.cit.
* 227 Gentilini Marc,
Problèmes sanitaires dans les prisons, op.cit., 214p.
* 228 « D'une
manière générale, le Conseil national du Sida estime que
la loi de 1994 devrait s'appliquer à l'ensemble des
établissements pénitentiaires ; rien ne légitime que
l'accès aux soins ne soit pas homogène dans toutes les prisons de
la République, et ce, au moment où interviennent les
renouvellements des contrats ». Conseil national du Sida,
Rapport et recommandations sur les traitements à
l'épreuve de l'interpellation. Le Suivi des traitements en garde
à vue, en rétention et en détention,
op.cit., p.28-29.
* 229 Le rapport Pradier
constate que même si le fonctionnement des établissements de la
loi de 1994 est satisfaisant cela ne justifie pas la remise en cause des
contrats de délégation de la gestion de la santé
auprès des groupements privés : « Malgré
les réticences qu'a fait naître la décision de confier la
santé des prisonniers à des praticiens liés à des
entreprises privées, il faut bien convenir du fait que ceux-ci
méritent de poursuivre la tâche qui leur a été
dévolue [...] Aujourd'hui, il ne paraît pas certain que le retour
de toutes les structures pénitentiaires sous un régime unique de
gestion soit de nature à transformer la situation sanitaire de
l'institution pénitentiaire ». Pradier Pierre, La Gestion
de la santé dans les établissements du programme 13000 :
évaluation et perspectives : documents, visites, entretiens,
réflexions, ministère de la Justice, 1999, 109p.
* 230 Thibault
Philippe-Michel, Le défi des prisons « privées
», op.cit., p.189.
* 231 Padioleau
considère qu'afin que les pouvoirs publics interviennent dans la
résolution d'un problème, il est nécessaire que
« des élites (syndicales, administratives, politiques, des
citoyens) qui peuvent être plus ou moins organisées
définissent une situation comme problématique parce qu'ils
perçoivent des écarts entre ce qui est, ce qui pourrait
être ou ce qui devrait être. Cette découverte d'un
problème s'accompagne de procédures d'étiquetage qui le
qualifient comme relevant de la sphère de compétence des
autorités publiques. L'intervention de la société
politiques est attendue, y compris l'option de ne rien faire ».
Padioleau J., L'Etat au concret, Presses universitaires de France, 1982.
* 232 Jean Padioleau
définit l'agenda politique comme « l'ensemble des
problèmes perçus comme appelant un débat public, voire
l'intervention des autorités politiques légitimes ». La
mise sur agenda correspond donc à « l'entrée [d'un
problème] dans le système formel de décision
politique ». Ibid., p.31.
* 233 On peut relever
l'importance pour un médecin pénitentiaire, comme le rappelle le
professeur Barlet, de travailler à cette époque en lien avec
l'université ce qui a offert la possibilité d'avoir un recul sur
l'activité de soin et d'anticiper une réforme du système.
L'Association lyonnaise de criminologie et d'anthropologie sociale, à
laquelle appartiennent plusieurs médecins pénitentiaires des
prisons de Lyon, a constitué également un lieu d'étude et
de proposition, permettant d'exercer une influence sur les pouvoirs publics.
C'est par exemple dans ce cadre que le docteur Gonin effectue en juin 1991 une
recherche, intitulée « Conditions de vie en détention
et pathologies somatiques » pour le ministère de la Justice.
Entretien n°8, Docteur Barlet, responsable de l'unité
d'hospitalisation pour détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 234 Ce
phénomène redouble l'interrogation initiale, à
savoir : comment expliquer la mise sur agenda tardive alors même que
toutes les conditions d'une réforme semblent réunies ? En
effet, le projet de réorganisation des soins est présent
dès 1982 mais restera inappliqué par manque de volonté
politique. Cette situation s'apparente au processus que décrit Jacques
Lagroye lorsqu'une solution est offerte avant même la formulation du
problème et où l'offre de solution est première. « Le
processus d'élaboration et de mise en oeuvre d'une politique publique se
déclenche lorsque surgit une opportunité politique de soulever le
problème pour lequel des solutions ont été
étudiées, en d'autres termes lorsque s'ouvre une
« fenêtre » pour engager l'action ».
Lagroye Jacques, Sociologie Politique, Paris, Presses de la Fondation
Nationale de Sciences Politiques, 1991, « Les politiques
publiques », p.447.
* 235 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 236 A cette occasion, le
directeur de l'administration pénitentiaire, Jean-Claude Karsenty,
déclare : « Notre objectif est de construire une
véritable médecine en milieu pénitentiaire. [...]
L'administration pénitentiaire a connu, depuis une douzaine
d'années, une évolution importante. On peut dire que
l'humanisation des prisons est désormais en route. On peut constater un
changement d'ambiance, une transformation du rapport de forces entre la
population des détenus et le personnel. On s'achemine vers l'idée
que la privation de liberté est la seule sanction qui doit
réellement s'appliquer au détenu. [...] L'idée du droit
à la santé en découle. Il faut maintenant réussir
à changer l'idée que les détenus eux-mêmes se font
de la médecine en prison. [...] La déontologie médicale et
la déontologie de ceux qui sont chargés de la
sécurité doivent s'harmoniser, se compléter. [...]
L'administration pénitentiaire ne revendique pas d'assumer la
fonction santé. Il est temps de construire quelque chose de
nouveau ». Souligné par nous. Cité in
Conseil national du Sida, Rapport sur les situations médicales
sans absolue confidentialité dans l'univers pénitentiaire,
op.cit., p.7. Jean-Claude Karsenty qualifie quelques jours
après la tenue du congrès de « solution
d'avenir » le système des conventions. Le Monde, 7
avril 1992.
* 237 Le Monde,
10/02/1993.
* 238 Chauvin Isabelle,
La santé en prison, op.cit., p.51-52.
* 239 Le Monde, 13
mars 1993.
* 240 Michèle Colin,
Jean-Paul Jean, « Droit aux soins et amélioration de la
conduite des détenus : deux objectifs indissociables »,
Revue française des affaires sociales, art.cit.,
p.26.
* 241 Folléa
Laurence, « Un projet de loi à l'automne sur la pris en charge
médicale des détenus », Le Monde, 16 Août
1993.
* 242 Nouchi Franck,
« Un projet de loi présenté au conseil des ministres.
Des mesures devraient permettre d'améliorer la protection sanitaire des
détenus », Le Monde, 7 octobre 1993.
* 243 Seul l'accès
aux débats des archives parlementaires permettrait de répondre
véritablement à cette question.
* 244 Michèle Colin,
Jean-Paul Jean, « Droit aux soins et amélioration de la
conduite des détenus : deux objectifs indissociables »,
Revue française des affaires sociales, art.cit.,
p.26.
* 245 Le Monde, 28
octobre 1993.
* 246 Blandin
Claire, « L'examen du projet de loi sur la santé publique
à l'Assemblée nationale. Les députés renoncent au
dépistage obligatoire du Sida pour les tuberculeux », Le
Monde, 1 décembre 1993.
* 247 Les
députés annulent à l'unanimité l'article introduit
par le Sénat qui accordait au gouvernement le pouvoir de définir,
par décret en Conseil d'Etat, les cas où le médecin devait
proposer systématiquement à son patient un test de
dépistage de l'infection du virus du Sida. Ils rétablissent en
revanche les dispositions concernant l'Agence du médicament en donnant
au ministre de la Santé le pouvoir de se substituer au directeur
général de l'Agence, pour les autorisations de mise sur le
marché, « en cas de menace grave pour la santé
publique ». D'autres dispositions sont contestées notamment
vis-à-vis de la direction des conseils d'administration des
hôpitaux ou l'allocation compensatrice pour les personnes
âgées. Blandin Claire, « Le projet de loi sur la
santé publique. Les divergences persistent entre députés
et sénateurs », Le Monde, 20 décembre 1993.
* 248 Bien que n'ayant pas
réalisé une revue de presse exhaustive des articles parus
à ce sujet en 1994, Le Monde, journal qui a servi de
référence dans cette recherche, a publié extrêmement
peu d'articles sur le projet de réforme lui-même, la
polémique parlementaire sur le dépistage obligatoire du Sida
ayant occupé le devant de la scène.
* 249 Cf., Muller Pierre,
Les politiques publiques, Que sais je ?, Paris, 1990, p.26 ;
Jobert Bruno, Muller Pierre, L'Etat en action, Presses Universitaires de
France, Paris, 1987, p.242.
* 250 Pierre Muller, Les
politiques publiques, op.cit, p.50..
* 251 Jobert B., Muller P.,
L'Etat en action, politiques publiques et corporatisme,
op.cit.
* 252 On peut de
façon plus générale faire la même remarque, comme le
remarque Monika Steffen, en ce qui concerne les politiques de lutte contre le
Sida : « La conception et la mise en oeuvre d'une politique
aussi transversale dépendaient étroitement de la capacité
de coordination entre les acteurs gouvernementaux, administratifs et
professionnels, au-delà des frontières sectorielles et des
compétences juridiques et professionnelles. Elles
dépendaient aussi de l'existence d'un groupe porteur d'un
référentiel de santé publique capable de l'imposer
à ses interlocuteurs». Steffen Monika, Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.32.
* 253 Comme l'explique
Pierre Favre concernant les mobilisations dans la lutte contre le Sida, le
nombre de personnes concernées ne suffit pas à rendre compte de
la (non) participation d'un groupe aux processus d'action collectif. La
capacité à se mobiliser est en effet fonction des
spécificités de la population. Celle des détenus
apparaît très réduite comme ce fut le cas pour les malades
du Sida : « Les malades du Sida apparaissent peu comme acteurs dans
le processus d'émergence dont on propose ici l'analyse : la
gravité de leur mal et les représentations qui s'y attachent sont
des obstacles presque insurmontables à leur participation à
l'action collective ». Favre Pierre (dir.), Sida et politique. Les
premiers affrontements (1981-1987), op.cit., p.22
* 254 « Dès
lors que les conditions de la captation d'un problème par
l'Administration ne sont pas ou plus remplies et que le champ politique est
activé à son propos, la gestion administrative du problème
change de nature et interfère avec ce mode de traitement tout
différent qu'est le mode politique [...] Lorsque ce transfert
s'effectue, l'Administration qui demeure en charge de la gestion quotidienne et
de la mise en oeuvre, ne peut plus appliquer ses principes ordinaires de
traitement du problème et entre dans une phase anomique ». Favre
Pierre, « La gestion administrative du Sida ou l'impossible captation d'un
problème de santé par la Haute administration »,
art.cit., p.77.
* 255 Cette mobilisation de
Bernard Kouchner est par ailleurs comparable en certains points à celle
de Michèle Barzach en 1986 en faveur de la lutte contre le Sida.
Michèle Barzach inaugure, comme l'analyse Frank le Floch, un nouveau
mode de gestion du problème. Elle fait du Sida une « grande cause
nationale », sujet sur lequel elle garde le contrôle en promouvant
une « politisation technicienne ». « En s'« emparant
» de l'épidémie de VIH, Michèle Barzach s'est
constitué une sphère d'intervention, sur laquelle elle
règne en état de quasi-monopole. Sans grand-passé
politique avant son passage au ministère de la Santé, inconnue du
grand public, Michèle Barzach va, grâce à son action contre
le Sida, accéder à la notoriété et à la
reconnaissance ». La principale distinction avec Bernard Kouchner est que
celui ci dispose déjà en 1992 d'un grand prestige, non pas en
tant que ministre mais en raison de son passé dans l'humanitaire.
L'engagement en faveur de la santé publique lui a en revanche permis de
s'investir sur un dossier qui va profondément garder sa trace. Le Floch
Frank, « Michèle Barzach, Ministre « du Sida » : les
modalités d'une politisation technicienne », in Favre
Pierre (dir.), Sida et politique, op.cit., pp.175-187.
* 256 Comme le constate
Pierre Favre, « cette émergence pourra survenir, sans surprise,
d'un événement extérieur, étranger à
l'administration : l'action bruyante d'un groupe, un accident spectaculaire,
une polémique intensément relayée par la presse y
parviendront à certaines conditions. Plus intéressante est la
situation où l'Administration, aussi hostile qu'elle soit à
l'intervention du champ politique, est contrainte d'en appeler à lui, le
développement même de son action la mettant dans l'obligation d'en
référer à l'autorité supérieure pour obtenir
des décision qui échappent à sa compétence ».
Favre Pierre, « La gestion administrative du Sida ou l'impossible
captation d'un problème de santé par la Haute administration
», op.cit., p.92.
* 257Ibid.,
p.89.
* 258 Le Front national
publia à la moitié des années quatre-vingts son propre
programme de mesures, centrées sur le dépistage obligatoire,
l'isolation des porteurs de virus dans des « sidatoriums »
et le contrôle sanitaire aux frontières. La croisade anti-Sida
d'un parti d'extrême droite provoqua, comme le rappelle Monika Steffen,
une importante mobilisation politique. Les grands partis, les médias et
les intellectuels se mobilisèrent contre le Front national fondant ainsi
un consensus pour la lutte contre le Sida qui marquera les compagnes publiques
jusqu'en 1993. Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe,
op.cit., p.55.
* 259 On peut remarquer que
le fait d'inscrire la réforme de la médecine pénitentiaire
comme une mesure de santé publique a probablement contribué
à légitimer cette réforme en la présentant comme de
première nécessité et liée à l'ensemble de
la collectivité. Le fait que la réforme concerne
spécifiquement le milieu carcéral n'a ainsi pas été
discriminé.
* 260 Les raisons de ces
réticences seront détaillées par la suite.
* 261 C'est ce qu'affirme
un enquêté : « La loi du renouveau de la
médecine pénitentiaire de 1999 [...] a été
sollicitée par l'ensemble du tiers secteur qui voulait que la
médecine pénitentiaire soit rattachée au système
sanitaire national ». C'est par exemple le cas de l'Organe
consultatif pénitentiaire permanent de la ville de Rome ou encore de la
Lega delle autonomie locali, une structure qui rassemble les communes,
provincie et les régions italiennes, qui s'intéresse
à tous les problèmes des institutions locales dont le
problème de la médecine pénitentiaire. Entretien
n°24, Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif
pénitentiaire permanent de la ville de Rome.
* 262 C'est tout
particulièrement le cas de Sandro Libianchi qui travaillait depuis 1995
à Rebbibia et qui a participé à l'élaboration de la
loi de réforme de la médecine pénitentiaire. Entretien
n°18, Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 263 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 264 « Le
ministère ne voulait pas élaborer une loi en tant que tel et nous
l'avons donc fait passer à travers une autre loi. La réforme de
la médecine pénitentiaire fut contenue dans les vingt lignes de
l'article 5 de la loi 419 L 98 ». Entretien n°18, Sandro
Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 265 D'une façon
plus générale, il semblerait que les partis politiques italiens
soient peu enclins à s'engager en faveur de la politique sanitaire qui
serait perçue en Italie comme une « patate chaude ».
Ce désinvestissement se traduirait par une délégation du
parlement en faveur de l'exécutif. Maino Franca, La politica
sanitaria, op.cit., p.85.
* 266 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 267 Cligman Olivia,
Gratiot Laurence, Hanoteau Jean-Chtistophe, Le droit en prison ,
op.cit., p.110.
* 268 Cligman Olivia,
Gratiot Laurence, Hanoteau Jean-Chtistophe, Le droit en prison ,
op.cit., p.112.
* 269 La loi du 18 janvier
1994 modifie le Code de la sécurité sociale (article L.381-30) en
inscrivant l'affiliation des détenus en tant qu'assurés sociaux
au régime général de la sécurité sociale.
Leur filiation est obligatoire et ouvre droit pour les intéressés
et leurs ayants droits aux prestations de l'assurance maladie et
maternité servie par le régime général. Tous les
détenus sont affiliés au régime général
quelle que soit leur situation au regard de la législation relative au
séjour des étrangers en France, et quel que soit leur statut au
sein de leur situation pénitentiaire. Le ticket modérateur, et en
cas d'hospitalisation le forfait journalier, sont pris en charge par
l'administration pénitentiaire. À compter de la date
délibération, le détenu bénéficie d'un
maintien des droits pendant une période d'un an.
* 270 La prise en charge
sanitaire a désormais lieu dans les locaux de l'établissement
pénitentiaire au sein d'une Unité de consultation et de son
ambulatoire (UCSA). Les hospitalisations sont assurées par
l'établissement de santé signataire du protocole et les
hospitalisations psychiatriques sont réalisées dans les SMPR. Le
financement des établissements de santé se faire enfin par
l'assurance-maladie. Le projet sanitaire en prison constitue un volet du projet
médical de l'établissement de santé.
L'établissement hospitalier créé une UCSA animée
par une équipe composée de personnel hospitalier.
* 271 Petit Jacques-Guy,
Faugeron Claude, Pierre Michel, Histoire des prisons en France.
1789-2000, op.cit.,p.181.
* 272 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.89.
* 273 Haut comité de
la santé publique (HCSP), Santé en milieu carcéral,
op.cit., p.21.
* 274 IGAS,
Fonctionnement médical de l'Établissement national
d'hospitalisation des prisons de Fresnes, ministère de la
Santé, novembre 1989..
* 275 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.91.
* 276 Une réforme du
dispositif psychiatrique eu lieu en 1964 qui a institué dans chaque
département des secteurs géo-démographiques pour la
psychiatrie générale afin d'assurer l'unicité de la prise
en charge. La création des CMPR se situait au cours des années
soixante-dix à contre-courant de cette politique de sectorisation, comme
le rappelle un psychiatre : « Les secteurs du troisième
type que représentaient les CMPR étaient au contraire
l'antithèse de cela ». Entretien n°17, Pierre Lamothe,
médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 277 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 278 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 279 Ibid.
* 280 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 281 « Le
service est un service qui est perçu comme consommateur, certes, mais
aussi sur lequel on peut s'appuyer dans certains domaines. Donc ce n'est pas
à sens unique et c'est ça qui est important. ».
Entretien n°8, Docteur Barlet, responsable de l'unité
d'hospitalisation pour détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 282 L'intégration
du service pour détenus à l'hôpital Lyon Sud a
été conquise après plus de quinze ans de fonctionnement.
Même si l'Unité sécurisée semble
intégrée d'un point de vue fonctionnel, elle dispose en revanche
de peu de visibilité au sein du Centre hospitalier Lyon Sud. Son
emplacement, légèrement à l'écart, témoigne
de la place marginale qui lui a été accordée. Lors du
premier numéro de la revue des Hospices civils de Lyon consacré
à la médecine pénitentiaire, publié en 2001, le
professeur Barlet s'étonnait ainsi que beaucoup de personnels des
hôpitaux lyonnais entendent « parler pour la première
fois de médecine en milieu carcéral, alors que les H.C.L s'y sont
investis depuis plus de quinze ans ». Barlet P., « Historique de
la médecine pénitentiaire », Tonic, Lyon,
n°96, 2001.
* 283 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 284 « Avec la
loi de 1994, les hôpitaux ont pris ça comme [...] un ressort de
population supplémentaire à prendre qui venait s'ajouter au
ressort de population générale. Mais si vous voulez, ils n'ont
pas perçu le fait que c'était une population qui avait quand
même des dimensions d'insertion et de prise en compte de la politique
judiciaire, avec tout ce qui est politique d'aménagement peine, la
préparation de l'aspect sanitaire à la sortie... [...] Ça
n'est quand même pas la même chose entre la santé d'une
personne qui est incarcérée et la santé d'une personne en
milieu hospitalier. Ça n'a rien avoir. Et je pense qu'ils n'ont pas
perçu ça ». Entretien n°9, Mme Demichelle,
responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes.
* 285 Isabelle Parizot
remarque dans son étude sur la prise en charge des personnes
défavorisées l'inadéquation entre la logique de
fonctionnement des services hospitaliers et les troubles dont souffre
généralement la population exclue (problèmes
dermatologiques, souffrances psychiques, conduites addictives ou les maladies
rares telle que la tuberculose) : « La mission de soin de
l'hôpital universitaire, conjointe à ses missions d'enseignement
et de recherche, s'est polarisée autour des pathologies qui suscitent un
intérêt scientifique, donnant lieu à une
spécialisation toujours plus importante. Les « maladies
ordinaires » [...] se trouvent reléguées notamment
à la médecine de ville. Cette répartition informelle au
sein du système sanitaire entrave la prise en charge des
« pauvres » et des « exclus » pour qui
l'hôpital reste un lieu important de recours aux soins ».
Parizot I., Soigner les exclus, PUF, Paris, 2003, p.49.
* 286 Sarzotti Claudio,
«L'assistenza sanitaria: cronaca di una riforma mai nata», in
Anastasia Stefano, Gonnella Patrizio (dir.), Inchiesta sulle carceri
italiane, op.cit., pp.109-121.
* 287 Sarzotti Claudio,
«L'assistenza sanitaria: cronaca di una riforma mai nata»,
art.cit., p.109.
* 288 Le dispositif de soin
de la toxicomanie est particulièrement développé en
Italie. Il se caractérise avant tout par une grande diversité
d'acteurs. On distingue principalement les communautés
thérapeutiques et les services publics spécialisés (Sert).
Les Sert, les Servizi d'assistenza ai tossicodipendenti, sont
institués officiellement par la loi 162 de 1990. Ces services publics
spécialisés sont rattachés aux Unità sanitarie
locale (USL), appelées aussi Aziende sanitarie locale
(ASL), ou plus rarement à des services hospitaliers. Le réseau
est réparti sur le territoire de façon relativement
homogène. On dénombrait en 1997, 552 Serts en activité. Le
nombre de toxicomanes en traitement auprès des Serts est resté
faible jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, période
à laquelle il a connu une forte augmentation au détriment des
communautés thérapeutiques. Le nombre de toxicomanes pris en
charge au sein des structures publiques est ainsi passé de 20 747 en
1984 (soit 82% de l'ensemble national, chiffre qui est descendu à 50%
à la fin des années quatre-vingt) à 116 131 patients en
1997 (soit 81,7%). Cf., Piccone Stella Simonetta, Droghe e
tossicodipendenza, 1999, Il Mulino, Bologne ; Orsenigo Marco, Tra
clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, FrancoAngeli, 1996, Milan, 158.p
* 289 Le décret
présente comme objectif prioritaire la réalisation de programmes
de prévention primaire dans le domaine alimentaire et nutritionnel,
l'hygiène de des milieux de vie, de travail et des structures
sanitaires. À cette fin, les ASL doivent mettre en place des programmes
ciblés d'educazione alla salute avec une attention
particulière portée aux maladies infectieuses, la
prévention de la toxicomanie, la souffrance mentale, l'abus de
psychotropes, de cannabis et de l'alcoolisme. Sarzotti Claudio,
«L'assistenza sanitaria: cronaca di una riforma mai nata»,
art.cit., p.111
* 290 Les
représentants des communautés thérapeutiques critiquent le
recours à la méthadone comme une solution de facilité et
appellent à la fermeture des « bar metadonici »
(littéralement les « bars à
méthadone »). Cette critique se fonde en partie sur l'exemple
réel de certains Serts qui privilégient les traitements de
substitution au détriment de l'accompagnement psychosocial du
toxicomane, à l'image des programmes thérapeutiques
américains. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza,
op.cit., p.89.
* 291 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, Franco Angeli, Milan, 1996.
* 292 Entretien n°28,
Antonio Loiacono, responsable de l'action sanitaire en milieu carcéral
pour la Région Lazio.
* 293 Ce chiffre de
l'année est resté presque inchangé en 2000.
ministère de la Santé, A. De Rose, N. Magliocchetti,
« Relazione sulle attività dei servizi pubblici per le
tossicodipendenze nell'anno 1994 », in Bolletino delle
farmacodipendenze e dell'alcolismo, XVIII, n.3, 1995.
* 294 Ricard Gatti souligne
qu'une personne qui n'est pas un héroïnomane chronique peut se
sentir éloignée d'un Sert qui s'occupe principalement de
personnes avec des problèmes divers des siens. Il affirme, à
l'encontre de cet état de fait : « Un Sert s'occupe des
toxicomanes et pas uniquement d'héroïnomanes ». Gatti
R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del
servizio pubblico, op.cit., p.46.
* 295 Entretien n°23,
Alessandra Costa, psychologue au Centre de détention pour mineurs de
Rome.
* 296 Fazzi note une forte
ambiguïté des Serts qui se trouvent engagés dans une
démarche double située entre une exigence de soin et une logique
de contrôle social. Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze e
politiche sociali in Italia, Luca Fazzi, Antonio Scaglia, FrancoAngeli,
Milan, 2001, p.12.
* 297 Entretien n°28,
Antonio Loiacono, responsable de l'action sanitaire en milieu carcéral
pour la Région Lazio.
* 298 Cf. G. Abbatecola,
« La lettura della tossicodipendenza e i sui
problemi », in Marginalità e società,
n.21, 1993
* 299 Chaque Sert a ses
principes et les applique au moment de l'acceptation et durant les premiers
entretiens. Ces règles sont présentées au toxicomane
comme la « procédure » de prise en charge. Cette
diversification reflète parfois la différence de composition des
équipes qui est également inégale en fonction des Serts.
Elles sont ainsi diversement composées de psychologues,
d'éducateurs, d'assistants sociaux et de médecins. Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.25.
* 300 Ibid.,
p.14.
* 301 Ibid.,
p.175
* 302 C'est ce constate un
médecin travaillant auprès d'un Sert et d'une communauté
thérapeutique : « Ce qui se déroule à
l'intérieur des Serts en milieu carcéral et le reflet de ce qui
se déroule à l'extérieur depuis une dizaine
d'années. Le gouvernement actuel de droite est en train de
détruire le réseau du système sanitaire national en faveur
des toxicomanes. Nous sommes actuellement au niveau national, en termes de
postes, en dessous des 50% du plan de planification nationale ».
Entretien n°28, Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison
» de la communauté « Villa Maraini ».
* 303 Mastandrea Angelo,
« Droghe, stoppato Fini », Il
Manifesto, 26/06/2003.
* 304 Solange Troisier,
ex-inspecteur général des prisons, en fut l'une des
porte-paroles, comme en témoigne cette allocution : « Je me devais
de rappeler devant vous qu'il faut [...] toujours penser que nous servons
à la fois Thémis et Hippocrate ». Cité in
Milly Bruno, Soigner en prison, op.cit., p.96.
* 305 La loi du 18 janvier
1994 offrait la possibilité aux soignants travaillant auparavant en
prison d'être intégré au système hospitalier et
beaucoup ont fait ce choix. La possibilité d'intégrer le service
public hospitalier sans passer de concours offrait à l'ancien personnel
pénitentiaire une réelle opportunité, ce qui n'a pas
été sans créer des jalousies chez certains praticiens
hospitaliers comme cela a été remarqué au cours d'un
entretien.
* 306 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 307 Sarzotti Claudio,
«L'assistenza sanitaria: cronaca di una riforma mai nata»,
art.cit., p.113.
* 308 L'AMAPI a
été constituée à Regina Coeli en 1961, elle a son
siège sociale à Pise (Toscane). L'association dispose d'une revue
semestrielle et intervient fréquemment lors de colloques.
* 309 Voici un extrait d'un
article de Gianni Raspa, président honoraire de l'AMAPI, qui
défend cette position : « On ne comprend pas comment les
ASL pourraient être chargées de gérer notre activité
sans qu'apparaissent des conflits de compétence et de pouvoir dangereux
avec l'Autorité pénitentiaire [...] Il est nécessaire que
la protection de la santé de ceux qui sont détenus continue
à être confiée à des professionnels qui non
seulement connaissent bien l'art médical, mais qui ont aussi
développé des compétences suffisantes sur la
problématique complexe de la prison ». Raspa Gianni, «In
difesa dell'Autonomia della Medicina Penitenziaria», n°30,
année XVI.
* 310 C'est encore ce que
soutient Gianni Raspa : « On alimente, enfin, l'illusion que
les détenus obtiendraient une sorte de promotion sociale avec le
rattachement du système qui prend en charge la santé de tous les
citoyens, c'est à dire le Servizio Sanitario Nazionale [...]
Qui peut ne pas tenir compte aujourd'hui des gaves dysfonctionnements de
nombreuses ASL qui se sont démontrées jusqu'à
présent incapables de réaliser les devoirs qui leur ont
été confiés ? [...] Qui ne connaît pas les
exténuantes files d'attente qui amènent de nombreux citoyens
à avoir recours au système privé ? Il est facile de
prévoir que selon la liste graduelle des attentes et des besoins, les
prisons seraient les dernières à bénéficier de tels
services ». Ibid.
* 311 C'est ce que nous a
confirmé un médecin vacataire : « Si la
médecine pénitentiaire tombe sous la dépendance de l'ASL,
c'est-à-dire du système sanitaire national, alors elle risque de
devenir une médecine de moindre importance. Toutes les demandes de
consultation risquent de passer à la trappe et les délais
d'attentes d'augmenter ». Entretien n°19, Ludovico Parisi,
médecin vacataire auprès de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 312 C'est dans ce sens
que Vincenzo De Donatis, l'un des responsables de l'AMAPI, écrit :
« Nous sommes des hommes habitués à lutter pour
affirmer l'autonomie d'un secteur où le rapport de dépendance
peut être un facteur très limitant en raison de chantages
évidents.... et où l'appartenance à une autre
administration peut constituer le motif d'une indifférence dangereuse
envers les problèmes de sécurité. L'autonomie de jugement
des médecins est la clef pour garantir la santé des patients
détenus contre n'importe quelle tentative d'atteinte ou
préjugé qui peut être exercé à leur
encontre ». Vincenzo De Donatis, «Il Medico Penitenziario tra
Passato, Presente e Futuro», n°30, année XVI.
* 313 Il faut distinguer
dans l'organisation de la médecine pénitentiaire italienne deux
types de statuts. Les médecins titulaires (incaricati), d'une
part, qui bénéficient d'un contrat à durée
indéterminée au sein de l'administration pénitentiaire
après avoir réussi un concours. Ces médecins assument
avant tout des fonctions administratives et gestionnaires. Les médecins
vacataires (di guarda), d'autre part, disposent d'un contrat d'une
durée de deux ans auprès de l'AP et exercent le soin en
permanence au sein de la détention. Cette seconde fonction est bien
sûr beaucoup plus précaire puisqu'elle est soumise à
l'arbitraire du directeur de l'établissement pénitentiaire.
* 314 Jusqu'en 1993, il
était possible pour in médecin -situation unique dans la fonction
publique italienne- de cumuler la charge de titulaire de l'administration
sanitaire et de médecin libéral. Cette « double
loyauté » a été résolue par une loi
d'incompatibilité votée en 1993. Mapelli Vittorio, Il sistema
sanitario italiano, op.cit., p. 70.
* 315 Un médecin
titulaire de l'administration pénitentiaire peut par exemple travailler,
comme c'est souvent le cas, auprès du ministère de la Justice et
du ministère de la Santé. On peut remarquer que cette
possibilité offerte par le législateur italien était
légitimée, comme l'explique un médecin vacataire, par la
nécessité pour un médecin pénitentiaire d'exercer
en milieu libre afin de conserver sa réputation : « Car
du fait qu'il travaille en prison, le médecin perd sa qualité et
sa réputation peut être entachée. Donc, la
possibilité de cumuler d'autres activités à
l'extérieur permet de revaloriser son travail ». Entretien
n°19, Ludovico Parisi, médecin vacataire auprès de
l'institut de Rome-Rebbibia.
* 316 Entretien n°19,
Ludovico Parisi, médecin vacataire auprès de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 317 Entretien n°28,
Antonio Loiacono, responsable de l'action sanitaire en milieu carcéral
pour la Région Lazio.
* 318 « Et avec
cet argent que détient administration pénitentiaire, il se passe
des scandales absolument illégaux [...] Pour une visite d'un
médecin qui réalise 28 visites en deux heures et qui s'est pris
la modeste somme de 2500 EUR [...] C'est un rapport purement
clientéliste [...] Cela est lié aux surfacturations, aux
médicaments également car tu dois savoir qu'il n'y a pas de
transparence sur ces choses ». Entretien n°24, Lillo di Mauro,
président de l'Organe consultatif pénitentiaire permanent de la
ville de Rome.
* 319 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 320 Entretien n°23,
Alessandra Costa, psychologue au Centre de détention pour mineurs de
Rome.
* 321 Entretien n°19,
Ludovico Parisi, médecin vacataire auprès de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 322 « Car outre
la prison, [les personnels sanitaires intervenant en prison] pourraient aussi
travailler dans d'autres services sanitaires [...] Si je suis rattachée
au ministère de la Santé alors je peux aussi me fatiguer de
travailler en prison et demander à travailler dans un autre service
sanitaire. Alors qu'actuellement je suis rattachée au ministère
de la Justice et je n'ai donc que deux possibilités, soit je continue
à travailler là où je suis, soit je pars. Les
possibilités de changement sont très limitées. »
Entretien n°23, Alessandra Costa, psychologue au Centre de
détention pour mineurs de Rome.
* 323 Il ne s'agit pas de
réduire les positions des opposants ou des partisans de la
réforme de 1999 à un calcul professionnel mais de souligner les
enjeux qui lui sont liés. Les préférences de chaque
individu sont bien sûr à mettre en lien avec leur système
de croyance respectif.
* 324 Entretien n°23,
Alessandra Costa, psychologue au Centre de détention pour mineurs de
Rome.
* 325 Pierre Bourdieu et
Rosine Christin remarquent dans leur analyse de la politique d'aide au logement
que les positions des différents acteurs s'expliquent par les luttes et
les rapports de forces spécifiques à chaque champ et sous-champ.
Les logiques qui structurent un tel espace rendent compte des prises de
positions individuelles et collectives. Bourdieu P., Christin R.,
« La construction du marché. Le champ administratif et la
production de la politique du logement », Actes de la recherche en
sciences sociales, n°81-82, 1990, pp.65-85 ;
* 326 Le système
sanitaire national italien fait l'objet d'un discrédit notoire qui
s'explique par la diffusion du stéréotype d'un
« dispositif sanitaire en crise » mais également par
ses nombreux dysfonctionnements : une bureaucratie très importante,
des délais d'attente extrêmement longs et une faible information
du public. Mapelli Vittorio, Il sistema sanitario italiano, op.cit.,
p.161.
* 327 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 328 Pascal Sourty a
occupé son premier poste de 1992 à 1995 à Saint-Quentin
Fallaviers qui était un site pilote de la réforme de 1994.
L'organisation des soins était déjà
déléguée à une UCSA rattachée à un
établissement hospitalier. Il n'a donc jamais connu le
précédent dispositif de soin aux détenus. Entretien
n°2, Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison
d'arrêt de St Paul - St Joseph depuis 1995.
* 329 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 330 Entretien n°16,
Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon. On peut
remarquer l'existence d'un problème similaire en Italie où le
personnel des services de soin aux toxicomanes (Serts) sont souvent
réticents à intervenir en prison : « Les
Serts n'étaient pas non plus très enthousiastes à
l'idée d'intervenir en milieu carcéral. Le fait de travailler en
prison est encore vécu comme une punition. Par exemple, un directeur de
Sert peut punir un de ses collaborateurs en l'envoyant travailler en prison
pendant six mois ». Entretien n°18, Sandro Libianchi, directeur
du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 331 C'est ainsi que la
Commission d'enquête de l'Assemblée Nationale a pu observer
« que des établissements pénitentiaires disposent
d'appareils de radiologie neufs qui restent inutilisés faute d'un
manipulateur radio ou d'un médecin généraliste
formé à leur utilisation. En conséquence de quoi, les
détenus doivent se rendre à l'hôpital de rattachement pour
effectuer ces examens avec toutes les difficultés qu'impliquent les
« extractions ». Assemblée Nationale, La France face
à ses prisons, Paris : Assemblé nationale, 2000,
n°2521, 28 juin 2000, p.211
* 332 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 333 Le rapport
d'évaluation de la réforme de 2001 de l'IGAS-IGSJ relève
de nombreuses carences dans les consultations spécialisées et
regrette le manque de motivation des médecins ou de
l'établissement hospitalier à intervenir en milieu
carcéral : « La motivation de nombreux
spécialistes à venir travailler en prison est souvent
limitée, ceux-ci préférant rester au sein de leur service
hospitalier [...] Enfin, la détermination de l'hôpital de
rattachement à mettre en place de telles consultations apparaît
parfois faible ». IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.53.
* 334 Entretien n°12,
Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage
aux prisons de Lyon.
* 335 L'exception à
ce constat serait, selon Marie Héléne Lechien, les
infirmières qui représenteraient la « seule
catégorie `volontaire' pour les UCSA ». Leur motivation
s'expliquerait néanmoins par des raisons professionnelles :
« Les infirmières quittent l'institution hospitalière
en raison de son rythme usant et de ses horaires décalés [...] En
prison, elles éprouvent un sentiment de
« plénitude » professionnelle ». Lechien
Marie-Héléne, « L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », art.cit., p.23.
* 336 Les raisons de ce
choix peuvent être variées : choix géographique,
opportunité de promotion hiérarchique, horaire hôpital...
Bruno Milly indique par exemple que beaucoup de soignants choisissent de
travailler en milieu pénitentiaire pour obtenir des services de jours
qu'ils avaient peu de chance d'obtenir en restant dans leur ancien service.
Milly Bruno, Soigner en prison, op.cit., p.226.
* 337 Il ne s'agit pas de
douter de la motivation de ce médecin, qui est par ailleurs très
investi sur les projets d'éducation pour la santé, mais de
montrer en quoi le soin en milieu carcéral est souvent choisi comme une
second choix.
* 338 Monceau Madeleine,
Jaeger Marcel, « Médicaments et réforme de la
santé en prison », in Veil Claude, Lhuilier
Dominique, La prison en changement, p.225. Actuellement, 206
établissements de santé sont signataires (131 centres
hospitaliers dont 31 Centres hospitaliers régionaux et 75 centres
hospitaliers psychiatriques).
* 339 Lhuilier Dominique,
Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral, Bayard, Paris, 2001,
p.119.
* 340 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 341 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.102.
* 342 En 2001, l'ensemble
des établissements à gestion privé, ou « 13
000 », comme celui de la maison d'arrêt de Villefranche
intégrèrent le régime prévu par la réforme
de 1994. La prise en charge somatique et le soin psychiatrique furent alors
confiés à des établissements hospitaliers distincts.
* 343 Le
médecin-inspecteur DDASS souligne également les facteurs
politiques qui ont présidé au choix de l'hôpital de
rattachement: « Et puis il y a eu aussi des gens qui l'ont
appuyé sur le plan politique car si j'ai bien compris... les gens qui
sont au conseil d'administration sont des politiques, ce sont des maires par
exemple, et eux aussi ça les intéressait que ce soit
Villefranche. Je pense que de plusieurs côtés il y avait des gens
intéressés, pas forcément pour les mêmes raisons,
mais il y a eu convergence ». Entretien n°13, Claire
Cellier, médecin inspecteur de santé publique à la DDASS
du Rhône.
* 344 Entretien n°13,
Claire Cellier, médecin inspecteur de santé publique à la
DDASS du Rhône.
* 345 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 346 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 347 On pense à un
établissement pénitentiaire dont l'UCSA a été
rattaché au service d'ophtalmologie d'un centre hospitalier qui semble
peu adéquat avec la pratique de la médecine pénitentiaire.
* 348 On pourrait penser
que le service de médecine légale est bien adapté pour le
rattachement d'une UCSA à un établissement hospitalier. Pourtant,
un rapport de l'IGAS établit l'incompatibilité entre les deux
fonctionnements. D'une part, la médecine légale occupe une place
« à part » au sein de l'hôpital pouvant
compromettre l'intégration de l'UCSA. D'autre part, « la
mission expertale assignée au service de médecine légale
est difficilement compatible tant sur le plan juridique que dans la pratique
avec la mission de soins confiée à l'UCSA. C'est
particulièrement vrai lorsque le service de médecine
légale assure les autopsies des personnes décédées
en prison ». IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.136.
* 349 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 350 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.32.
* 351 La mission
d'inspection de l'IGAS estime ainsi que « d'une manière
générale, il est souhaitable de confier la responsabilité
de l'UCSA à un chef de service bien intégré dans
l'hôpital, dont l'autorité morale et le poids aideront cette
structure à prendre toute sa dimension ». Ibid.,
p.136.
* 352 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 353 Ce
médecin-inspecteur établit également une comparaison entre
la place occupée au sein de l'organisation hospitalière par
l'UCSA et le service d'interruption volontaire de grossesse (IVG), dossier dont
elle a également la charge au sein de la DRASS Rhône-Alpes. Cette
remarque rend bien compte de la dévalorisation de la médecine
pénitentiaire et des enjeux moraux qui lui sont rattachés.
Entretien n°15, Marie-José Communal, médecin à la
DRASS Rhône-Alpes chargée de la médecine en prison.
* 354 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 355 « [Les
personnels de l'UCSA] ont du mal à se faire reconnaître par leur
propre direction hospitalière. Ils me le disent et puis je m'en rends
compte si vous voulez lors des réunions, on voit bien que les directions
hospitalières sont très loin de l'UCSA. Il y a des choses qui se
disent en réunion annuelle des comités de coordination et qui
pour moi devraient être dites avant, directement entre l'UCSA et la
direction hospitalière et donc ça démontre bien qu' il n'y
a pas de dialogue » Entretien n°9, Mme Demichelle, responsable du
bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes.
* 356 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 357 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.28
* 358 Les crédits
accordés par la DHOS (en MF) sont passés de 453 en 1994 à
635,96 en 2000, soit une augmentation de 40% alors même que le nombre
d'entrants diminuait pour la même période de 24% et le nombre de
détenus total de 9%. Source : direction de l'hospitalisation et de
l'organisation des soins. Cité in IGAS-IGSJ, L'organisation
des soins aux détenus. Rapport d'évaluation, op.cit.,
p.28.
* 359 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 360 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 361 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.29 ;
* 362 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 363 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.36.
* 364 Ibid.,
p.33.
* 365 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 366 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 367 Bresciani Luca,
Ferradini Francesca, «Mutamenti Normativi», in Anastasia
Stefano, Gonnella Patrizio (dir.), Inchiesta sulle carceri italiane,
op.cit., p.106.
* 368 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 369 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 370 Entretien n°19,
Ludovico Parisi, médecin vacataire auprès de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 371 C'est le cas par
exemple des soignants intervenant au sein des prisons pour mineurs.
N'étant pas dotés de services pour toxicomanes, les Sert, ce
personnel n'est pour l'instant pas concerné par la réforme de
1999 puisque celle-ci ne concerne dans un premier temps que les soins en
matière de toxicomanie. C'est par exemple le cas d'une psychologue
travaillant dans un centre de détention pour mineur, qui souhaite son
rattachement au ministère de la Santé et qui a entrepris avec ses
collègues un recours contre le ministère de la Justice devant le
juge du travail : « Actuellement nous sommes en train de mener une
véritable bataille avec mes collègues du Centro di prima
accoglienza car nous voulons vraiment passer au ministère de la
Santé [...] Il y a deux systèmes. Il y a ceux qui ont un service
de soins aux toxicomanes et qui sont passés au ministère de la
Santé et nous qui en restons exclus [...] Il y a cette double
administration, cette double référence en fonction de la
spécialité du personnel [....] Nous avant fait une
procédure auprès du juge du travail. C'est un procès
contre le ministère de la Justice et nous perdrons très
sûrement ». Entretien n°23, Alessandra Costa, psychologue au
Centre de détention pour mineurs de Rome.
* 372 Une enquête du
quotidien « Il Sole 24 Ore » révèle que les
fonds attribués par l'administration pénitentiaire à la
prestation des soins auraient chuté de 11,4% par détenu entre
1999 et 2002. «Meno soldi per la salute dei detenuti», Il Sole 24
Ore, 7 octobre 2002.
* 373 « Le
problème c'est que l'argent reste bloqué au niveau de
l'administration pénitentiaire qui n'effectue plus les interventions.
Les ASL ne sont pas payées et disent "si tu ne me donnes par l'argent,
je n'y vais pas". L'administration pénitentiaire dit "tu dois y aller
car la loi le prévoit". Et à la fin nous sommes dans un
immobilisme le plus complet. »Entretien n°24, Lillo di Mauro,
président de l'Organe consultatif pénitentiaire permanent de la
ville de Rome.
* 374 De façon
générale, la place prépondérante des lobbies au
sein de la politique sanitaire italienne s'expliquerait, selon Franca Maino,
par la forte dépendance du gouvernement à l'égard du
parlement, particulièrement sensible aux intérêts des
médecins et des compagnies pharmaceutiques. L'impossibilité
d'établir jusqu'à récemment une loi de programmation
(Piano sanitario nazionale) en témoigne. Maino Franca, La
politica sanitaria, op.cit., p.80.
* 375 Il semblerait que
cette position doive être mise en lien avec le « rapport
privilégié » qu'avaient certains magistrats avec les
médecins de l'administration pénitentiaire et qui pourraient
être remis en cause par leur rattachement au ministero della
Sanità. Entretien n°18, Sandro Libianchi, directeur du Sert de
l'institut de Rome-Rebbibia.
* 376 Les achats de
médicament étaient effectués auparavant par
l'administration pénitentiaire dans un grand manque de transparence,
engendrant des dépenses élevées, le passage au Sistema
sanitario nazionale remettrait bien sûr en cause les relations
clientélistes qui ont pu s'établir dans le passé.
Entretien n°18, Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 377 La réticence
de l'Administration pénitentiaire à perdre le contrôle sur
les médecins pénitentiaires qui lui étaient auparavant
subordonnés est telle qu'un article aurait été introduit
dans le décret d'application de la loi, indiquant qu'un groupe de 250
médecins demeurerait, après la mise en oeuvre du transfert, sous
la responsabilité de l'Administration pénitentiaire. Une
journaliste remarque qu'il s'agirait dès lors de
« médecins-policiers exerçant une fonction de
contrôle sur les médecins es ASL ». Elle conclut en
affirmant qu'une telle mesure « annonce un conflit
permanent ». Springs Alice, «La sanità entra in
carcere», Il Manifesto, 28 mai 2000.
* 378 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 379 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 380 Franca Maino remarque
ainsi que les USL/ASL ont toujours été fortement
politisées. Dirigées auparavant par un comité
composé d'hommes politiques de la commune, elles ont rapidement
reproduit les divisions partisanes du champ politique italien, fortement
divisé, contribuant ainsi à politiser des questions purement
techniques. La mise sous tutelle des Usl sous le contrôle des
régions, chargées d'en nommer le directeur général,
a reproduit cette politisation à un autre niveau. Maino Franca, La
politica sanitaria, op.cit., p.82.
* 381 C'est ce que
précise un enquêté : « Les ASL
relèvent des prérogatives de la région et elles se
trouvent donc placées sous la responsabilité directe de la
Région qui est actuellement de droite. Les responsables des ASL sont
nommés par la Région Lazio. Quand Storace est arrivé au
pouvoir, le président de la région Lazio, il a démis de
leurs fonctions tout les dirigeants des ASL qui avaient été
installés par le précédent gouvernement régional
[...] La santé ne se fait pas selon des impératifs réels
de santé publique mais selon des raisons électorales ».
Entretien n°24, Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif
pénitentiaire permanent de la ville de Rome.
* 382 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 383 La perspective
pluraliste classique permet de penser une politique publique comme la
résultante instable de conflits et de négociation entre de
multiples groupes d'intérêts qui forment autant d'acteurs
autonomes. Cette approche met en évidence que la décision est
davantage le résultat d'un marchandage entre des groupes de pression
plutôt que la solution rationnelle apportée par les pouvoirs
publics à un problème particulier. Cf., Pollet Gilles,
« Analyse des politiques publiques et perspectives
théoriques », in Faure Alain, Pollet Gilles, Warin
Philippe, La construction du sens dans les politiques publiques,
op.cit., p.35.
* 384 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 385 C'est ainsi que
l'enquête de la Direction des hôpitaux réalisée en
1997 relevait d'importantes disparités selon les régions en terme
d'effectifs : de 1 à 5 pour la présence de médecins
généralistes et pour les chirurgiens dentistes, de 1 à 30
pour les médecins spécialistes (hors psychiatres) et de 1
à 2 pour les infirmiers et préparateurs en pharmacie. S'agissant
de l'activité définie par le nombre de consultations, on
enregistrait aussi des écarts conséquents (de 1 à 2 pour
les consultations de généralistes, de 1 à 8 pour les
consultations de spécialistes, de 1 à 3 pour les consultations de
dentistes). Cité in IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.40.
* 386 C'est ainsi que le
rapport établi par l'IGAS-IGSJ en 2001 constate que le coût annuel
par place occupée, qui ne prend en compte que le budget de l'UCSA et non
pas l'ensemble des coûts effectivement supportés par
l'hôpital, (notamment les consultations réalisées à
l'hôpital et les hospitalisations) varie selon les établissements.
Il était en 1999 d'environ 16 000 francs dans les prisons de Lyon contre
9400 francs à la Maison d'arrêt de Bordeaux et 8400 francs pour
celle de Caen. IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux détenus.
Rapport d'évaluation, op.cit., p.40.
* 387 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 388 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 389 Cf article 3, decreto
Legislativo 22 giugno 1999, n. 230 «Riordino della medicina
penitenziaria», a norma dell'articolo 5, della legge 30 novembre 1998,
n.419.
* 390 C'est ainsi que
Franca Maino remarque que la régionalisation de la santé à
été à l'origine de déséquilibres
territoriaux liés aux différents comportements politiques dans
l'utilisation des ressources disponibles. Maino Franca, La politica
sanitaria, op.cit., p.82.
* 391 Une recherche
effectuée par la L.I.L.A. (Lega Italiana Lotta A.I.D.S.) et la
F.I.VOL. (Federazione Italiana Volontariato) en 2000 établit un
bilan des difficultés rencontrées par la réforme de 1999.
La prison de Secondigliano à Naples fournit un bon exemple des
difficultés de la transition entre le Sistema penitenziario et
le Sistema Sanitario Nazionale où il n'existe pas de convention
entre l'établissement et l'ASL territoriale ou le Sert local et les
toxicomanes incarcérés ne disposent, par conséquent,
d'aucune possibilité d'accéder à des programmes de
substitution. L.I.L.A. (Lega Italiana Lotta A.I.D.S.), F.I.VOL.
(Federazione Italiana Volontariato), «La medicina penitenziaria
è in crisi d'identità...», 2000, disponible sur le site
internet <http://www.ristretti.it>.
* 392 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 393 Entretien n°28,
Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison » de la
communauté « Villa Maraini ».
* 394 C'est le cas de
l'Emilie-Romagne bien qu'elle ne figure pas parmi les régions
expérimentales. Elle a mis en place une commission technique
composée conjointement de représentants de l'administration
pénitentiaire, de l'Assessorato regionale alla Sanità e alle
Politiche sociali, qui a en charge l'action sanitaire au niveau
régional, à laquelle étaient également
présents des membres du personnel sanitaire opérant en milieu
carcéral. Sarzotti Claudio, "L'assistenza sanitaria: cronaca di una
riforma mai nata", art.cit., p.119.
* 395 Sarzotti Claudio,
"L'assistenza sanitaria: cronaca di una riforma mai nata", art.cit.,
p.116.
* 396 Un important travail
de conciliation a été nécessaire au sein de la Toscane
où les résistances de l'association l'AMAPI, qui possède
dans en Toscane ses racines historiques, ont été très
vives.
* 397 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 398 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 399 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 400 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 401 Cette
différence de statut semble plusieurs répercussions dans
l'organisation du soin, comme cela sera établi ultérieurement.
* 402 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 403 Entretien n° 19,
Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les toxicomanies de Rome
* 404 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 405 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 406 Les Régions
occupent une place primordiale dans la mise en oeuvre de la politique sanitaire
italienne. Déjà reconnues lors du texte fondateur de 1978, leur
capacité d'initiative a été considérablement accrue
au cours des années quatre-vingt-dix à tel point que certains
auteurs parlent du passage d'un système sanitaire national à un
modèle régional. Auparavant confiées au communes, les
services soignants (ASL ou USL) ont été mis sous
l'autorité directe des régions. Cette évolution de la
politique sanitaire italienne ne serait, de manière plus
générale que le reflet d'un processus de region
building, c'est à dire le « renforcement institutionnel
de l'échelon régional ». Maino Franca, La politica
sanitaria, op.cit., p. 166.
* 407 Le décret du 6
août 1985 a créé le Comité interministériel
de coordination de la santé en milieu carcéral, placé
depuis 1998 sous la présidence conjointe des deux ministres
chargés de la Justice et de la Santé. Ce comité ne se
réunit plus, tout au moins formellement. Le rapport de l'IGAS-IGSJ de
2001 souligne néanmoins qu'il existe des rencontres des directeurs
respectifs de l'administration pénitentiaire, de la Direction
générale de la santé (DGS) et de la Direction de
l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS). IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.88.
* 408 Entretien n°16,
Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 409 C'est
également le procédé qui est utilisé par
l'administration pénitentiaire et le ministère de la Santé
au sujet de l'implantation des Unités d'Hospitalisation
Sécurisées Inter-régionales (UHSIR), actuellement en
projet. Un médecin-inspecteur de la DDASS du Rhône y
participe : « C'est un groupe de travail dans lequel il y a
chaque administration, pénitentiaire, ministère de
l'intérieur et santé, et nous élaborons un cahier des
charges qui va déterminer le fonctionnement de cette unité [...]
Il y a deux responsables de la DHOS, la direction de l'hospitalisation et de
l'organisation des soins du ministère de la Santé.».
Entretien n°13, Claire Cellier, médecin inspecteur de santé
publique à la DDASS du Rhône.
* 410 Entretien n°16,
Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 411 La création
des Directions départementales de l'action sanitaire et sociale en 1964
s'inscrit dans un processus de restauration de l'autorité
préfectorale par un processus de déconcentration. On trouve parmi
leurs larges compétences, la tutelle des établissements
sanitaires et des actions de prophylaxie. Les Directions régionales des
affaires sanitaires et sociales naissent en 1977 à partir d'une fusion
d'institutions préexistantes. Tandis que les DDASS ont conservé
une fonction de tutelle, DRASS ont reçu en revanche pour mission
principale de planifier les équipements sanitaires et sociaux avec
l'objectif d'une maîtrise des coûts. Vanderberghe M., Les
médecins inspecteurs de santé publique, Paris, L'Harmattan,
2002, 358p.
* 412 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 413 Des chargés de
mission ont été nommés
« ponctuellement » à l'occasion de la signature des
protocoles en 1994 après quoi cette fonction est cependant
demeurée vacante pendant plusieurs années dans l'ensemble des
directions régionales. La Région Bourgogne a été la
première à réattribuer son poste en septembre 1996 suivie
par Rhône-alpes en mars 1997. Certains postes n'ont encore
été attribués que récemment. Cette évolution
traduit en partie l'adaptation progressive de l'administration
pénitentiaire à la loi du 18 janvier 1994. Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 414 La responsable de
l'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes appartient par exemple à
un groupe de travail sur la santé publique en milieu carcéral qui
a été constitué sur les prisons de Lyon et qui facilite la
transmission d'informations. Elle est le seul membre de l'administration
pénitentiaire à y participer.
* 415 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 416 La responsable de
l'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes compare son poste actuelle avec
les fonctions qu'elle a occupé auparavant au sein de l'administration
pénitentiaire, dans laquelle elle travaille depuis 1980 :
« Et nous, au niveau de notre unité, on a plus un rôle
de mission si vous voulez. On a peu de gestion [...] C'est un poste qui
m'intéresse car vous n'avez pas d'équipe à gérer
[...] On est dans un rôle de conseil, d'accompagnement, car vous
n'avez pas vraiment de décision à prendre [...] En plus, on
a davantage d'autonomie ». Souligné par nous. Entretien
n°9, Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 417 Celui-ci ne s'occupe
par ailleurs pas uniquement de la médecine pénitentiaire
puisqu'il a également en charge le dossier du mobbing,
c'est-à-dire la violence sur les lieux de travail. Il semble davantage
accorder de temps à ce second dossier qu'à la médecine
pénitentiaire. Entretien n°29, Antonio Loiacono, responsable de
l'action sanitaire en milieu carcéral pour la Région Lazio.
* 418 On peut
s'étonner que cette commission a été constitué
uniquement le 23 octobre 2000 pour organiser le transfert qui aurait dû
avoir lieu le 1er janvier 2000.
* 419 Il semble en outre
que les logiques bureaucratique et hiérarchique constituent un obstacle
à la mise en place de ces réunions où par exemple les
personnes présentes ne sont pas toujours les plus compétentes en
matière de médecine pénitentiaire mais celles qui
disposent d'un grade élevé : « Parfois il y en a
certain qui ont travaillé là-dessus mais souvent par choix
politique, on n'envoyait pas les opérateurs qui suivent ce projet mais
on envoie des personnes qui ont un niveau hiérarchique supérieur
mais qui ne comprennent rien au sujet ». Entretien n°29, Antonio
Loiacono, responsable du bureau de l'action sanitaire en milieu carcéral
de la Région Lazio.
* 420 Entretien n°29,
Antonio Loiacono, responsable de l'action sanitaire en milieu carcéral
pour la Région Lazio.
* 421 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 422 C'est le cas par
exemple de la conférence qui a eu lieu à Rome le 9/11/1999
intitulée « Le Servizio sanitario nazionale pour les
détenus : une loi à appliquer ».
* 423 Un appel a
été lancé au terme de ce congrès afin d'exiger
« l'application de la réforme de la médecine
pénitentiaire ».
* 424 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 425 Les contrôles
sanitaires des établissements pénitentiaires ont
été délégués en France dés 1984
à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et
aux services du ministre chargé de la santé (Décret
n° 83-48 du 26 janvier 1983 et décret n° 84-77 du 30 janvier
1984). La réforme visait à étendre aux prisons la mission
générale de contrôle dévolue aux services
déconcentrés du ministère de la Santé et notamment
aux médecins inspecteurs.
* 426 Marc Gentilini, Jean
Tcheriatchoukine , Rapport au Garde des Sceaux et au Secrétaire
d'Etat à la santé intitulé « Infections à
VIH, hépatite, toxicomanies dans les établissements
pénitentiaires et état d'avancement de l'application de la loi du
18 janvier 1994 », ministère de la Justice ;
Secrétariat d'Etat à la santé et à la
sécurité sociale, 1996, 174 pages.
* 427 Stankoff Sylvie,
Dherot Jean, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, Paris, Direction générale de la
santé, direction générale de l'administration
pénitentiaire, 2000, 88 pages
* 428 L'organisation des
soins aux détenus : rapport d'évaluation, Inspection
générale des affaires sociales ; Inspection
générale des services judiciaires, Paris, 2001, 196 p.
* 429 Le rapport IGAS-IGSJ
de 2001 établit pourtant que « la périodicité
des inspections n'est pas toujours annuelle et bien des DDASS omettent de
transmettre à l'administration centrale les rapports des inspections
qu'elles ont réalisées. Ainsi, les rapports remontés des
DDASS étaient au nombre de 26 en 1998 et 15 en 1999. En outre,
les rapports transmis ne sont pas exploités de manière
systématique ». IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit.
* 430 Enfin une
procédure de saisine des services d'inspection sanitaires, soit
directement par les médecins-inspecteurs DDASS, soit par
l'intermédiaire de l'IGAS, permet aux détenus de
bénéficier d'un recours en cas de non-respect des normes.
Même si le médecin-inspecteur de la DDASS du Rhône remarque
que la plupart des plaintes ne sont pas médicalement justifiées
mais traduisent un malaise et un manque d'écoute au sein de la prison,
il semblerait que la procédure d'enquête ne soit pas
satisfaisante. Un militant de l'association Act-Up remarque, en effet, que
« l'IGAS, n'a aucune obligation de rencontrer le détenu ou la
personne qui l'a saisie. Elle rencontre des médecins, le personnel de
l'administration pénitentiaire, mais quasiment jamais le détenu
[...] En tous cas, le détenu n'est jamais informé de la
décision prise. La seule obligation de l'IGAS est de délivrer au
détenu un récépissé de prise en compte de sa
demande. » Auditions de la Commission d'enquête parlementaire sur la
situation dans les prisons françaises, « Audition de Mme Emmanuelle
Cosse, Présidente de Act Up-Paris, de M. Nicolas Kerszenbaum,
Trésorier et membre de la commission prison, de M. Serge Lastennet,
Responsable de la commission prison, et de Melle Jeanne Revel, Membre de la
commission prison d'Act Up-Paris», 4 mai 2000, source : Assemblée
nationale, <http://www.assemblee-nationale.fr>.
* 431 Entretien n°13,
Claire Cellier, médecin inspecteur de santé publique à la
DDASS du Rhône.
* 432 L'absence de
contrôle ne semble pas spécifique au dispositif sanitaire
situé en milieu carcéral mais serait général, comme
le rappelle Vittorio Mapelli, à l'ensemble du système de
santé italien : « Le Sistema sanitario nazionale
apparaît parfois comme une grande « société
à irresponsabilité illimitée » : personne
ne rend de comptes à personne et à propos de rien. Ni l'Usl
à la collectivité locale, ni la région à l'Etat, ni
le ministre au parlement ». Mapelli Vittorio, Il sistema sanitario
italiano, op.cit., p.164.
* 433 Entretien n°25,
Mme Covelli, sous-directrice de l'établissement pénitentiaire
Nuovo complesso (Rebbibia).
* 434 « Et donc
pour me rendre compte de la mise en oeuvre de la loi, j'envoie un questionnaire
auprès de chaque ASL en posant des questions précises sur par
exemple la gestion des médicaments pour comprendre ce qu'il est vraiment
en train de se dérouler dans les différentes zones».
Entretien n°28, Antonio Loiacono, responsable de l'action sanitaire en
milieu carcéral pour la Région Lazio.
* 435 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 436 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 437 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 438 Le respect des
positions respectives semble occuper une préoccupation chez chacun des
acteurs sanitaire et pénitentiaire. La responsable de l'action sanitaire
au sein de l'administration pénitentiaire régionale
établit ainsi une limite nette dans son rapport avec les équipes
médicales : « Moi, je n'interviens pas sur le contenu des
soins. Ce n'est pas notre rôle. Ça c'est le rôle des
autorités sanitaires [...] Et je leur rappelle aussi aux chefs
d'établissement, la loi de 1994 a eu justement pour objectif de bien
séparer et il faut veiller à ce que ce soit respecté, y
compris de notre côté ». Entretien n°9, Mme Demichelle,
responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes. Un
médecin inspecteur de la DDASS témoigne la même
préoccupation à l'occasion des visites d'inspection sanitaires
qu'elle effectue lieu de façon annuelle : « Je ne peux
pas me permettre d'inspecter ce qui se passe dans la prison au niveau des
surveillants par exemple, comment ils travaillent. Mon champ de
compétences c'est le service médical ». Entretien
n°13, Claire Cellier, médecin inspecteur de santé publique
à la DDASS du Rhône.
* 439 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.134.
* 440 C'est ce dont
témoigne un directeur d'établissement : « J'ai
été atterré par les gens que l'hôpital nous a
envoyés : [...] des comportements de défiance
vis-à-vis de l'administration pénitentiaire [...] Les
médecins me disaient : « Nous, on n'a rien n'a voir avec
vous, on se salue, bonjour-bonsoir, mais on veut même pas vous
voir » [...] En gros, il y avait d'un côté, selon eux,
un courant progressiste, humaniste, pour ne pas dire humanitaire,
incarné par les gens du ministère de la Santé. Nous, on
était les gardiens-chefs [...] Nous, on était les abrutis du
milieu pénitentiaire et eux arrivaient avec la toute-puissance de la
connaissance de la personne humaine ». Entretien cité in
Lechien Marie-Héléne, « L'impensé d'une
réforme pénitentiaire », art.cit., p.23.
* 441 Ce constat est celui
qui est dressé par Marc Bessin suite à l'évaluation de la
maison d'arrêt de Rouen qui figurait parmi les établissements
pionniers où les protocoles avaient été signés
dès 1992. Bessin M., L'hôpital incarcéré ?
Modalité de cohabitation des logiques hospitalière et
pénitentiaire, GRASS/IRESCO, juin 1994, 32p.
* 442 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 443 Bessin M.,
L'hôpital incarcéré ? Modalité de
cohabitation des logiques hospitalière et pénitentiaire,
op.cit., p.117.
* 444 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 445 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 446 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 447 L'interviewé
se réfère au refus de certains agents de l'administration
pénitentiaire de prendre en charge la part non remboursée par la
sécurité sociale des actes médicaux (tels que les
prothèses dentaires) pour les détenus indigents, procédure
pourtant obligatoire depuis la circulaire de 1999 qui indique que la prise en
charge du ticket modérateur s'effectue directement par l'administration
pénitentiaire pour les personnes aux ressources faibles dont le
traitement et les soins sont justifiés médicalement. Entretien
n°9, Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 448 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 449 Cette réunion
s'inspire de la de la commission de surveillance qui est prévue par
l'article D184 du code de procédure pénale. Elle fut
recommandée par le rapport IGAS-IGSJ en tant que rendez-vous
institutionnel intéressant pour les différents acteurs.
IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.135.
* 450 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 451 Les rapports
entretenus entre la direction de l'établissement et les services
médicaux semblent cependant inégaux puisque la sous-directrice
reconnaît avoir avec le SMPR « un rapport beaucoup plus direct
qu'avec les UCSA ». Cette différence est liée en partie
au fait que le SMPR dispose d'un service d'hospitalisation interne
fréquemment utilisé pour les détenus en crise. Elle
s'explique peut-être aussi par la meilleure implantation du SMPR dans
l'établissement que de l'UCSA qui est arrivée plus
récemment.
* 452 Celle-ci semble
cependant occuper un rôle beaucoup plus important sur d'autres
établissements de la région Rhône-Alpes où les
relations entre la direction de l'établissement et les services
médicaux sont moins entretenus qu'aux prisons de Lyon qui
constitueraient une « exception ». Entretien n°9, Mme
Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 453 Ibid.
* 454 Ce constat est
valable pour le fonctionnement des services pénitentiaires mais aussi
pour les services de santé qui communiquent parfois davantage avec la
direction de l'établissement par le biais du médecin- inspecteur
DDASS que de façon directe.
* 455 Ce schéma
renvoie de façon directe à l'analyse développée par
Michel Crozier et Jean-Claude Thoenig au sujet du système
politico-administratif départemental français. Ce système
plus ou moins organisé est formé d'un très grand nombre
d'acteurs qui restent très cloisonnés et très
isolés les uns des autres. Le système est fondé sur une
interdépendance d'ordre verticale plutôt qu'horizontale. La
contrepartie en est un cloisonnement très rigide entre les
différentes filières. Crozier Michel, Thoenig Jean-Claude, «
La régulation des systèmes organisés complexes»,
Revue française de sociologie, 1975, pp.3-32.
* 456 Il existait avant la
réforme de 1999 une séparation totale entre le millier ouvert et
le milieu fermé en ce qui concerne les services sociaux. En milieu
fermé, les travailleurs sociaux des services socio-éducatifs
à des établissements pénitentiaires étaient
chargés de mener l'insertion des détenus (immatriculation sur la
sécurité sociale, repérage de l'illettrisme, etc.), en
milieu ouvert l'insertion était sous la responsabilité des
Comités de probation et d'assistance liberté (CPAL) qui
assistaient le juge de l'application des peines dans la mise en oeuvre de ses
décisions. Le décret du 13 avril 1999 modifie le Code de
procédure pénale en opérant la fusion des travailleurs
sociaux des services socio-éducatifs des établissements
pénitentiaires et des CPAL en Services pénitentiaires insertion
de probation (SPIP). Cligman Olivia, Gratiot Laurence, Hanoteau
Jean-Chtistophe, Le droit en prison, op.cit., p.268-269.
* 457 Les directeurs
d'établissement sont par exemple totalement exclus de la gestion de la
population carcérale issue directement de la politique pénale des
magistrats dont ils doivent pourtant gérer les conséquences comme
le souligne la présidente de l'OIP : « L'administration
pénitentiaire et les magistrats [...] travaillent
séparément et s'ignorent superbement. Actuellement, un magistrat
affecte un détenu dans un établissement pénitentiaire dont
il ignore institutionnellement ce qui s'y déroule ». Auditions
de la Commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les
prisons françaises, « Audition de Mme Catherine Erhel, et de M.
Patrick Marest, respectivement présidente et
délégué national de l'Observatoire International des
Prisons (OIP)», source : Assemblée nationale.
* 458 La visite
médicale d'entrée a normalement lieu dans une limite de
quarante-huit heures pour la médecine somatique (UCSA) et dans une
limite d'une semaine pour la médecine psychiatrique après
l'incarcération. Le Code de procédure pénal peut cependant
permettre au magistrat d'exiger une visite médicale immédiate en
cas de risque pour la vie du détenu, notamment contre les risques de
suicide.
* 459 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 460 L'absence de lien
entre les services sanitaires et les magistrats est également
très prégnante en Italie où certains médecins se
plaignent de l'impossibilité d'avoir accès au dossier judiciaire
du détenu afin d'envisager les mesures de libération
conditionnelles (Entretien n°17, Sandro Libianchi, directeur du Sert de
l'institut de Rome-Rebbibia). D'autres, à l'inverse, se satisfont de
cette coupure qui leur permet de faire reconnaître leur statut de
soignant (Entretien n°20, Docteur Ambrosini, responsable du Sert de
l'institut Rome-Regina Coeli ; Entretien n°21, Marco Brucci,
responsable d'une communauté thérapeutique située à
Rome).
* 461 Cette remarque semble
d'autant plus vrai que les médecins les plus opposés à ces
décision du magistrat sont les médecins libéraux qui
effectuent des nuits de garde dans des établissements
pénitentiaires. Ceux-ci sont peu habitués aux contraintes du
milieu carcéral et sont très attachés à leur
liberté professionnelle.
* 462 La position
d'intermédiaire entre le magistrat et les soignants peut parfois faire
obstacle à la relation qu'entretiennent les SPIP avec le personnel
médical comme c'est le cas pour les procédures d'«
injonction thérapeutique » qui contribuent à renforcer
la distance entre les deux services. Un agent des SPIP des prisons de Lyon
raconte la relation conflictuelle qu'elle entretenait avec les psychologues
d'un établissement où elle travaillait
précédemment: « Avec les psychologues c'était
très conflictuel [...] Les détenus étaient suivis en
détention par une psychologue et on essayait d'avoir un dialogue avec
elles quand la personne était dans une démarche
d'aménagement de peine [...] En fait il n'y avait aucune communication
possible car elles étaient campées sur le secret de leurs
interventions et du lien qu'elles avaient avec leurs patients. Nous quand on
les appelait au cas par cas, il y avait vraiment un mur [...] Mais il faut dire
aussi que c'était faussé par le système, entre guillemets,
car en fait le juge octroyait quelque chose comme une permission ou autre
à un délinquant sexuel à condition que la personne soit
engagée dans une démarche de soins. Et donc les détenus le
savaient et ils s'inscrivaient tous plus ou moins dans cette démarche.
Ils allaient voir la psy car ils savaient qu'à la clé il y avait
la carotte de l'aménagement de peine. Mais après le
problème qu'il y avait derrière, c'est que la psy ne voulait pas
rentrer là-dedans et refusait de communiquer quoi que ce
soit ». Entretien n°11, S. Combe et C. Misto, agents d'insertion
et de probation (SPIP) des prisons de Lyon.
* 463 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.42.
* 464 Un agent d'insertion
et de probation remarque que les relations entre SPIP et UCSA étaient
à son arrivée à Lyon davantage développées
que là où elle travaillait précédemment :
« C'est vrai que quand moi je suis arrivé ici, je pense qu'il
y avait des liens depuis longtemps car c'était très
différent ». Entretien n°11, S. Combe et C. Misto, agents
d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de Lyon.
* 465 On retrouve ici une
distance plus importante entre le personnel pénitentiaire et les
soignants de l'UCSA qu'avec ceux du SMPR avec lesquels une conseillère
d'insertion reconnaît entretenir davantage de relations. Le responsable
du SMPR contredit cependant cette affirmation. Entretien n°17, Pierre
Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 466 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 467 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 468 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 469 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 470 Les personnels
soignants reconnaissent l'importance du rôle des SPIP mais sont
très sceptiques sur leur capacité à mettre en oeuvre une
démarche de réinsertion du détenu, notamment en raison de
leur manque de moyens. C'est par exemple la position d'une psychologue
(« Les SPIP ont un rôle à jouer mais quand vous les
entendez...», Entretien n°6, Mme Vacquier, psychologue dans
l'unité d'hospitalisation pour détenus de l'hôpital Lyon
Sud.) ou d'un médecin des prisons de Lyon (« La
réinsertion c'est zéro. C'est zéro de chez zéro. Il
n'y a rien à dire. Il n'y a pas de réinsertion car il n'y a pas
d'ouverture vers l'extérieur. C'est le travail des SPIP normalement mais
eux ils n'ont pas les moyens de faire ça. Ils n'ont absolument aucun
moyen », Entretien n°2, Pascal Sourty, médecin à
l'UCSA à la maison d'arrêt de St Paul - St Joseph depuis 1995) ou
d'un psychiatre du SMPR (« Les SPIP, c'est une catastrophe. Tout le
monde le sait et tout le monde le dit [...] Ce sont à la limite des
organisateurs de spectacles » ; Entretien n°17, Pierre
Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon).
* 471 Ce constat est
particulièrement vrai en Italie où l'opposition entre le
personnel sanitaire et les services sociaux pénitentiaires est
manifeste. Ceux-ci sont souvent assimilés à des services de
contrôle qui exerceraient une fonction purement bureaucratique. Entretien
n°21, Marco Brucci, responsable d'une communauté
thérapeutique située à Rome ; Entretien n°31,
Corinna Proietti, psychologue au Sert de Rebbibia.
* 472 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon
* 473 Cette approche est
néanmoins volontairement simplifiée. En effet, les détenus
n'occupent pas un rôle purement passif dans cette relation, comme cela a
été mis en évidence dans plusieurs recherches. La relation
qui nous intéresse ici est cependant davantage le conflit qui oppose les
soignants aux surveillants.
* 474 Le décret du
31 décembre 1977 précise que « les surveillants et
surveillants principaux assurent la garde les détenus, maintiennent
l'ordre et la discipline » et d'autre part qu'ils doivent participer
à « préparer la réinsertion de la population
pénale dans la société ».
* 475 Une enquête
réalisée par Antoinette Chauvenet souligne les difficultés
pour le personnel de surveillance de réaliser la mission de
réinsertion qui leur est confiée. La priorité
accordée à la sécurité a installé une
culture de l'autorité, de la contrainte et de la force, dans le cadre de
laquelle il ne convient pas de s'approcher des détenus de la
façon dont on entrerait en relation avec lui dans le cadre d'un
accompagnement social. Les surveillants trop humains, trop amicaux avec les
détenus sont ainsi vite stigmatisés par leur hiérarchie et
leurs collègues. Chauvenet Antoinette, Orlic Françoise, Benguigui
Georges, Le monde des surveillants de prison, Paris, PUF, 1994. Cf
Vacheret Marion, « L'univers des surveillants de prison : de la
dévalorisation à l'atomisation », pp.532-559.
* 476 Lhuilier D., Aymard
N., L'Univers pénitentiaire. Du côté des surveillants de
prison., Desclée de Brouwer, Paris, 1997, p.205.
* 477 La sociologie du
personnel pénitentiaire a considérablement évolué
au cours des quinze dernières anées durant lesquelles le nombre
de postes a été renouvelé de moitié. Le
rajeunissement du personnel de surveillance et la crise économique ont
favorisé une forte élévation du niveau de diplôme :
la proportion des personnes disposant au moins du baccalauréat parmi les
reçus au concours de surveillants est passé de 3,6 % en 1980
à 18,8 % en 1991 puis 88,1 % en 1997. Les surveillants sont en revanche
principalement originaires des régions anciennement
industrialisées du Nord et de l'Est de la France et des
départements ruraux. Cette évolution contribue à
confronter dans ces établissements une forte proportion de surveillants
stagiaires et de jeunes fonctionnaires à des jeunes issus des milieux de
la délinquance urbaine qu'ils connaissent peu. Combessie Philippe,
Sociologie de la prison, op.cit., p.48.
* 478 Auditions de la
Commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons
françaises, «Audition de M. Philippe Maître, Chef de
l'inspection des services pénitentiaires», 16 mars 2000, source :
Assemblée nationale, http://www.assemblee-nationale.fr.
* 479 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 480 Vacheret Marion,
« L'univers des surveillants de prison : de la
dévalorisation à l'atomisation », art.cit.,
p.541..
* 481 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 482 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 483 Ce sentiment
d'oppression et de dévalorisation serait accentué par la
structure hiérarchique de la prison qui, en cas d'incident, cherche
parfois à trouver des responsables au sein du personnel de surveillance
dans une logique de déresponsabilisation de l'institution
carcérale. Entretien n°14, Chantal Escoffié, psychologue
auprès du personnel pénitentiaire des prisons de Lyon.
* 484 Le nombre de
surveillants nécessaires est calculé en fonction d'un taux
d'absentéisme qui est calculé à 19 % qui correspond aux
nombreuses des personnels, comme l'explique Mme Marié
: « Il y a beaucoup de congés maladies. On a beaucoup,
enfin un certain nombre de personnels qui sont habitués à prendre
des congés maladie. Donc ce taux c'est un peu pour pallier aux
congés maladie. [...] Par exemple, pour l'année 2001 les
congés maladie pour le personnel de surveillance ça faisait 8153
jours ». Entretien n°3, Mme Marié, directrice adjointe des
prisons de Lyon depuis 1999.
* 485 C'est pour
répondre aux souffrances du personnel, que l'administration
pénitentiaire a adopté depuis quelques années une
politique de soutien psychologique auprès des surveillants en instituant
dans certains établissements un poste de psychologue comme c'est le cas
des prisons de Lyon.
* 486 Marchetti A-M.,
Combessie P., La prison dans la Cité, op.cit., p.118.
* 487 Combessie Philippe,
« Ouverture des prisons, jusqu'à quel point ? »,
art.cit., p.83.
* 488 Chauvenet Antoinette,
Orlic Françoise, Benguigui Georges, Le monde des surveillants de
prison, op.cit., p.47.
* 489 « Les
gardiens à l'heure actuelle n'existent plus réellement en tant
que corps professionnel. La dévalorisation qu'ils ressentent les conduit
à se questionner sur leur utilité sociale et ne permet pas la
constitution d'un regroupement autour de cette notion. Ils ne se reconnaissant
plus dans leurs tâches, ni dans leur utilité sociale, ni en tant
que groupe spécifique, et ce d'autant plus que ces impressions de perte
d'identité et de solitude, nées de l'éclatement du groupe,
accentuent par elle-même la fracture interne. Nous nous trouvons ainsi
face à un ensemble morcelé, atomisé, fragmenté en
petites unités sans liens les unes avec les autres ». Vacheret
Marion, « L'univers des surveillants de prison : de la
dévalorisation à l'atomisation », art.cit.,
p.556.
* 490 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.37.
* 491 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 492 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 493 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 494 Lechien
Marie-Hélène, « L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », Actes de la recherche en sciences
sociales, mars 2001, n°136-137, pp.15-26.
* 495 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 496 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 497 C'est par exemple le
cas lorsque le médecin refuse la mise en quartier de détention
d'un détenu pour des motifs de santé comme l'explique une
psychologue : « Quand un détenu les agresse [...] le
directeur peut décider de mettre le détenu en quartier
d'isolement [...] Pour les surveillants, c'est logique car ils disent "je dois
être reconnu comme agressé et ils doivent être punis".
Seulement, voilà où arrive le pouvoir médical [...] Le
médecin dit "C'est trop dangereux car le détenu risque de se
suicider". Parce que les suicides arrivent là-bas la plupart du temps.
Donc, on le retire. Et là le surveillant est blessé mais vraiment
blessé parce que lui peut se faire agresser. Et le risque envers le
détenu est plus pris en compte que le risque d'agression du
surveillant ». Entretien n°14, Chantal Escoffié,
psychologue auprès du personnel pénitentiaire des prisons de
Lyon.
* 498 Cet extrait de tract
permet de rendre compte de la méfiance qui caractérise les
relations entre soignants et surveillants : « Le 2 février
1998, un détenu, placé depuis quelques jours en isolement
médical, pour suspicion de tuberculose suivant une radio de
dépistage, a pu assister à la grande efficacité du docteur
suprême affecté au D4. En effet, ce grand manitou, assuré
de sa compétence et de son autonomie, a jugé nécessaire
d'enlever cet isolement. Bien mal lui en a prit, puisque plusieurs heures plus
tard, celui-ci s'est aperçu de son erreur et a aussitôt
replacé le détenu en isolement médical, sans juger utile
d'informer ou de rassurer les personnels des risques qu'il a pu faire encourir.
Bravo et merci docteur, bravo pour votre haute compétence et merci
surtout pour votre courage, puisque aucun personnel de surveillance n'a
été averti dans cette affaire ». Syndical local UFAP
Fleury-Mérogis, tract distribué dans l'établissement
pénitentiaire, 13 février 1998, Cité in
Observatoire international des prisons, Prisons : un état des
lieux, op.cit., p.140.
* 499 Entretien n°14,
Chantal Escoffié, psychologue auprès du personnel
pénitentiaire des prisons de Lyon.
* 500 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 501 Cet avis se fonde
bien sûr uniquement sur la position du personnel soignant
* 502 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 503 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 504 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 505 La crainte des
surveillants que les détenus soient mieux soignés que les autres
citoyens renvoie, comme le précise Dominique Lhuilier, aux analyses de
Michel Foucault : « La peine se dissocie mal d'un
supplément de douleur physique. Que serait un châtiment incorporel
? ». Lhuilier Dominique, « La santé en prison :
permanence et changement », art.cit., p.189-190.
* 506 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 507 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 508 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 509 N'ayant pas
effectué d'entretiens avec du personnel pénitentiaire
français, il n'est possible de mettre en évidence ces
réactions que chez des surveillants italiens, ce qui en l'occurrence ne
constitue pas un problème du fait d'une similitude des rapports entre
surveillants et détenus qui n'est pas propre à un pays mais
constitue une constante en milieu carcéral.
* 510 « Tous les
médicaments qui sont distribués aux détenus sont à
la charge de l'administration pénitentiaire et que donc tout est gratuit
pour les détenus. Alors que moi par exemple si je vais faire une visite
médicale, je paye le ticket modérateur [...] Les détenus
ont même une préférence au sein des hôpitaux [...] Et
donc ils sont privilégiés par rapport à nous par exemple
[...] Les détenus sont sûrs d'être beaucoup mieux
protégés que les citoyens ordinaires». Entretien n°30,
Ivano Carbonaro, commandant de la police pénitentiaire à la Terza
casa.
* 511 C'est dans ce sens
que même si « un droit aux soins » est reconnu de
façon quasi-unanime par le personnel pénitentiaire contrairement
aux activités éducatives ou professionnelles, comme le souligne
Bruno Milly, il semblerait que l'opposition entre soignants et surveillants se
cristallise davantage sur la définition plus ou moins extensive de la
santé. Milly Bruno, Soigner en prison, op.cit.,
p.113.
* 512 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 513 Une psychologue
constate les difficultés qu'elle a rencontrées avec les
surveillants du bâtiment des mineurs des prisons de Lyon afin
d'améliorer la prise en charge : « La
problématique psychologique des détenus est très
importante mais ils n'ont pas vraiment envie de la connaître. Je peux
leur apporter des éléments, qu'ils n'ont pas envie d'avoir sauf
quand c'est dans l'urgence. Dans l'urgence, il m'est arrivé une fois
d'arriver à midi alors qu'à onze heures et demie, il y avait eu
un incident. Et là, je leur ai expliqué les choses et ils avaient
les yeux exorbités. Ça les passionne car enfin ils avaient une
explication. Et le lendemain... Si encore le lendemain ça les
intéressait mais après c'était fini ». Entretien
n°14, Chantal Escoffié, psychologue auprès du personnel
pénitentiaire des prisons de Lyon.
* 514 L'Unité pour
sortants dont il sera question de façon plus détaillée par
la suite est une unité destinée principalement aux détenus
toxicomanes afin de leur permettre d'effectuer un stage de réinsertion
qui précède la sortie et durant lequel plusieurs activités
ludiques sont réalisées dans le cadre d'un régime de
détention atténuée.
* 515 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 516 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 517 Cette liberté
d'appréciation est cependant nécessaire lorsque par exemple la
permanence des soins n'est pas assurée pendant la nuit, en l'absence
d'un médecin de garde, ce qui est le cas dans de nombreuses maisons
d'arrêt. Ce dysfonctionnement a donné lieu à plusieurs cas
de détenus morts en cellule faute d'une intervention des surveillants
suffisamment rapide. Cf., Auditions de la Commission d'enquête
parlementaire sur la situation dans les prisons françaises, «
Audition de Mme Catherine Erhel, et de M. Patrick Marest, respectivement
présidente et délégué national de l'Observatoire
International des Prisons (OIP)», source : Assemblée nationale.
* 518 C'est ce que constate
Marie-Hélène Lechien suite à la mise en oeuvre de la
réforme : « Déstabilisés, les surveillants
multiplient les petites brimades. Ils ralentissent l'ouverture des portes ou
tardent parfois à aider les infirmières montées en
détention ». Lechien Marie-Héléne,
« L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », art.cit., p.19.
* 519 Ceci semble
être en particulier le cas pour les activités
« ludiques » telle que la sophrologie comme en
témoigne une éducatrice de l'Antenne toxicomanie. Entretien
n°10, Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des
prisons de Lyon.
* 520 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 521 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 522 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus incarcérés de l'hôpital Lyon Sud ;
Entretien n°6, M.Vacquier, psychologue dans l'unité
d'hospitalisation pour détenus incarcérés de
l'hôpital Lyon Sud ; Entretien n°2, Pascal Sourty,
médecin à l'UCSA à la maison d'arrêt de St Paul - St
Joseph depuis 1995 ; Entretien n°9, Mme Demichelle, responsable du
bureau d'action sanitaire de la direction régionale
pénitentiaire ; Entretien n°14, Chantal Escoffié,
psychologue auprès du personnel pénitentiaire des prisons de
Lyon.
* 523 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 524 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 525 La difficulté
à se positionner clairement vis-à-vis de la santé des
détenus est manifeste à travers la considération de leur
traitement médical : « C'est très, très
ambivalent chez eux. C'est-à-dire que d'une part, s'ils ont leur dose,
ça va car c'est plus calme dans la détention. Donc, ils
aimeraient qu'ils soient tous médicamentés et qu'on soit
tranquille. Mais pour une part, ça ne veut pas dire que c'est une partie
des surveillants mais que c'est dans chaque surveillant, il y a cette envie. Et
pour une autre part, à l'intérieur de chaque surveillant, c'est
une source de conflit permanent ». Entretien n°14, Chantal
Escoffié, psychologue auprès du personnel pénitentiaire
des prisons de Lyon.
* 526 Il semblerait que
cette bonne connaissance du détenu soit fréquemment
revendiquée par le personnel de surveillance probablement afin de
valoriser leur rôle professionnel au sein de la détention.
* 527 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 528 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 529 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 530 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 531 C'est par exemple le
cas des personnels qui sont affectés auprès des services
médicaux, UCSA et SMPR. Entretien n°14, Chantal Escoffié,
psychologue auprès du personnel pénitentiaire des prisons de
Lyon ; Entretien n°11, S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de
probation (SPIP) des prisons de Lyon.
* 532 Lechien
Marie-Hélène, « L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », art.cit., p.25.
* 533 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 534 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 535 Lhuilier Dominique,
Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral, op.cit., p.310.
* 536 Lhuilier
Dominique, Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral,
op.cit.,p.124.
* 537 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.167.
* 538 Bruno Milly note que
le praticien est en situation de refuser ou de limiter les prescriptions parce
qu'il est en situation de monopole. Si les médecins et les infirmiers
intervenant en prison peuvent imposer leur propre définition de la
maladie, c'est d'abord parce que le malade en prison n'est pas en position de
contester ce choix. Les médecins et les infirmiers se trouvent ainsi en
position de monopole, ils décident du contenu de la consultation et de
la prescription, ce qui les différencie de beaucoup de leurs
collègues intervenant milieu libre. Milly Bruno, Soigner en
prison, op.cit., p.187.
* 539 « Ici, l'absence
ou le peu d'informations que les détenus obtiennent sur les
résultats des examens réalisés, sur leur signification,
sur le traitement prescrit et ses effets, sur la composition des
médicaments distribués et sur les raisons d'un refus à
certaines demandes place le "patient" dans une position qui ne manque pas de
lui rappeler celle de détenus ». Lhuilier Dominique, Aldona
Lemiszewka, Le choc carcéral, op.cit., p.128.
* 540 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 541 Le degré de
suspicion à l'égard du soignant est fortement lié, comme
le rappelle Dominique Lhuilier, à la présence ou non d'une
démarcation nette entre le personnel médical et le personnel
pénitentiaire : « L'évaluation de la qualité de
l'offre sanitaire, de l'accueil, des soins, de la relation
médecin-malade, de l'efficacité des thérapies, de la
compétence professionnelle des soignants et du respect des principes
déontologiques est inversement proportionnelle au degré
perçu de proximité-collusion avec les services
pénitentiaires. On peut schématiquement opérer une
gradation des représentations attachées aux liens entre
système de santé et système pénitentiaire, qui va
de la collaboration à l'indépendance en passant par la
"contamination". L'alliance soignant-pénitentiaire justifie la
méfiance, la suspicion, les projections hostiles ». Lhuilier
Dominique, Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral, op.cit.,
p.126.
* 542 N'ayant pas
réalisé un nombre d'entretien suffisant, il ne s'agit bien
sûr que de poser ici une hypothèse qui demande à être
confirmée par de plus amples investigations.
* 543 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 544 Cette
caractéristique ne semble cependant pas propre à une nouvelle
catégorie de médecin mais elle caractériserait de
façon générale les professionnels de santé
intervenant en prison qui cherchent souvent à éviter les
questions relatives à la connaissance des motifs d'incarcération
de leur patient. Il s'agirait ainsi pour eux d'établir une
différence nette entre l'infirmerie et la prison, le patient et le
détenu. Milly Bruno, Soigner en prison, op.cit.,
p.178.
* 545 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.172.
* 546 Lhuilier Dominique,
Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral, Bayard, Paris, 2001,
p.129.
* 547 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.195.
* 548 Parizot Isabelle,
Soigner les exclus, op.cit., p.52.
* 549 Emmanuelli Xavier,
Dernier avis avant la fin du monde, Paris, Albin Michel, 1994, p.186.
* 550 Parizot Isabelle,
Soigner les exclus, op.cit., p.54.
* 551 Cf. Herzlich C.,
Pierret J., Malades d'hier, malades d'aujourd'hui- de la mort collective au
devoir de guérir, Paris, Payot, 1990.
* 552 « Chaque
fois que la personne incarcérée se sent traitée comme un
corps à soigner ou examiner, comme un objet à traiter, elle se
trouve renvoyée à une relation asymétrique où le
supposé savoir-pouvoir de l'autre la réduit au rôle d'objet
et non de partenaire dans une démarche de soins [...] Le patient
incarcéré reste détenu et sera traité comme
détenu ». Lhuilier Dominique, Aldona Lemiszewka, Le choc
carcéral, op.cit., p.128.
* 553 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 554 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 555 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.213.
* 556 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 557 Le médecin
peut établir des attestations ou des certificats médicaux
lorsqu'un aménagement du régime de détention pour raison
de santé est nécessaire en vertu de l'article D.378 du Code de
procédure pénale. Cette procédure peut être mise en
oeuvre en cas d'inaptitude temporaire ou permanente à exercer un
travail, d'un régime alimentaire particulier, d'une admission à
l'hôpital, d'une surveillance médicale particulière en cas
de grève de la faim prolongée, de la suspension d'une mesure
d'isolement et de la prolongation d'une mesure d'isolement au-delà de
trois mois. Cligman Olivia, Gratiot Laurence, Hanoteau Jean-Chtistophe, Le
droit en prison , op.cit., p.131.
* 558 Lorsqu'un incident
éclatant entre personnes détenues, les médecins sont
habilités à délivrer des certificats coups et blessures
à ceux qui le demandent.
* 559 L'article D 251-4 du
code de procédure pénale impose de faire examiner par un
médecin le détenu placé au quartier disciplinaire (QD)
aussi souvent que le praticien l'estime nécessaire et au moins deux fois
par semaine. «La sanction est suspendue si le médecin constate que
son exécution est de nature à compromettre la santé du
détenu ». Article D 251-4 du Code de procédure
pénale.
* 560 Ce constat n'implique
pas pour autant que ces pratiques soient toujours bien vécues par ces
anciens médecins pénitentiaires. Bruno Milly distingue dans une
classification des professionnels de santé travaillant en prison d'une
part les « spécialistes pénitentiaires » qui
restent attachés à leur statut de médecin et aux
obligations éthiques qui lui sont liés, et d'autres part les
médecins « consensuels » qui n'accordent pour la
plupart aucune importance au respect de l'éthique et qui ne ressentent
aucune tension entre le modèle normatif officiel et leurs actions
réelles. Milly Bruno, Soigner en prison, op.cit.,
p.199-210.
* 561 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.42.
* 562 Article 10 du
décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de
déontologie médicale : « Un médecin
amené à examiner une personne privée de liberté ou
à lui donner des soins, ne peut directement ou indirectement, serait-ce
par sa seule présence, favoriser ou cautionner une atteinte à
l'intégrité physique ou mentale de cette personne ou à sa
dignité ». Ce principe semble difficile à concilier en
raison des risques qui sont liés à la présence en quartier
de détention. En effet, un groupe de travail constitué en mars
1995 au sein de l'administration pénitentiaire a aboutit à la
réalisation d'un rapport sur la "sursuicidité" carcérale
dont elle met en évidence comme facteur de risque la présence au
QD où le taux de suicide est au moins sept fois supérieur
à celui du reste de la détention. Observatoire international des
prisons, Prisons : un état des lieux, op.cit., p.91.
* 563 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.107.
* 564 Ibid.,
p.114.
* 565 Daniel Gonin
écrit à ce sujet : « En prison, comme à
l'hôpital psychiatrique, rien de presse, même le temps devient
visqueux. En ce lieu où l'on ne parle que du temps de la
détention qui règle la peine, "on a toujours tout le temps de
voir venir", "il n'y a pas le feu" [...] À l'infirmerie, chacun pourrait
très bien passer tout son temps à attendre. La prison, c'est
l'attente dans la confusion d'une impatience désespérée.
"Je suis fatigué d'attendre et de ne rien faire", disait un interne pour
justifier sa démission » Daniel Gonin, La santé
incarcérée, Paris, L'Archipel, 1991, p.233-234.
* 566 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.117.
* 567 « Vous
savez en prison pour pouvoir voir quelqu'un, c'est tout un... Il faut les
appeler, il faut qu'ils soient emmenés et c'est donc assez lourd
[...] Si j'arrive à deux heures il faut faire une liste et les
papiers et quelquefois on attend jusqu'à trois heures et demie pour
avoir tous les gens qui viennent en même temps. Donc après il faut
se dépêcher pour rendre les résultats. En plus les
déplacements sont compliqués ». Entretien n°12, Patrick
Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage aux
prisons de Lyon.
* 568 Entretien n°16,
Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 569 Entretien n°16,
Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 570 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.56.
* 571 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.35.
* 572 La santé en
prison. Objet complexe d'échange entre détenus, surveillants et
personnels soignants, Rapport de séminaire, Ecole Nationale de
Santé publique, 2001, p.20.
* 573 C'est ainsi que
Véronique Vasseur écrit : « Depuis la loi de
1994 rattachant le service médical d'une prison à l'hôpital
le plus proche, le médecin est libre et ne dépend plus de
l'administration pénitentiaire. Il est indépendant et donc n'est
plus considéré comme complice de l'administration. Actuellement,
le service médical est le seul intervenant extérieur à
l'intérieur. Il constitue une deuxième force qui dérange
car nous avons la totale liberté de nous opposer et de dire non [...]
Que peut faire le médecin devant cet immense gâchis humain ? :
témoigner ? dénoncer ? Être ni compatissant, ni
répressif. N'être ni un médecin de l'extérieur
à l'intérieur, ni un médecin de l'intérieur
coupé de l'extérieur». Véronique Vasseur,
« Editorial : Engagement éthique d'un médecin en
prison », in La lettre de l'Espace éthique,
n° 12-13-14, été-automne 2000.
* 574 En 2000,
Véronique Vasseur, médecin de garde en 1992 puis
médecin-chef depuis 1993 à la prison de la Santé, publie
un témoignage sur son expérience professionnelle :
"Médecin-chef à la prison de la Santé". Elle y
décrit les conditions de vie des détenus de façon
dramatique. La sortie du livre fut très médiatisée,
notamment par de larges extraits que le journal Le Monde a
publié deux jours avant la sortie de l'ouvrage. Deux commissions
d'enquête, l'une sénatoriale et l'autre parlementaire, ont
été constituées et ont donné lieux à deux
rapports d'enquête. Véronique Vasseur ,
Médecin-chef à la prison de la Santé, Le cherche
midi, Paris, 2000, p.217.
* 575 On peut citer en
particulier le serment d'Hippocrate (« Mon premier souci sera de
rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous
ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je
respecterai toutes les personnes. (...) J'interviendrai pour les
protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées
dans leur intégrité ou leur dignité ») ainsi que le
Code de déontologie médicale, dont les articles 5, 7 et 10
revêtent une importance particulière en prison.
* 576
« Témoigner constitue un devoir éthique [...]
Témoigner auprès des médias ou dans des manifestations,
dont les journalistes se feront l'écho, soulève aussitôt
des levées de boucliers : le médecin a-t-il le droit de parler,
de témoigner lorsqu'il travaille en prison ? Certains avancent
l'obligation de réserve voire l'interdiction de parler au dehors [...]
Le médecin n'a pas le droit d'observer toutes les atteintes à la
santé et à la dignité des personnes sans rien dire. Il a
le devoir d'en témoigner pour qu'elles cessent ». Faucher
Dominique, « Médecin en détention : soignant et
témoin », in La lettre de l'Espace
éthique, n° 12-13-14, Eté automne 2000, p.39-40.
* 577 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 578 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 579 Il semblerait en
effet que la publication de l'ouvrage du docteur Vasseur ait eu une incidence
très importante sur le moral des fonctionnaires pénitentiaires
comme le constate la commission d'enquête de l'Assemblée
nationale : « Ils vivent mal les campagnes de presse en cours
sur les prisons, non pas parce qu'ils cautionnent les dysfonctionnements qui
peuvent exister dans l'institution pénitentiaire, mais parce qu'ils
dénoncent ces dysfonctionnements depuis longtemps sans avoir
l'impression d'avoir été écoutés. L'ouvrage de Mme
Véronique Vasseur a ainsi été mal perçu par une
profession qui a désormais le sentiment que la parole d'un
médecin, aussi approximative soit-elle, vaut davantage que celle d'un
surveillant ». Assemblée Nationale, Rapport sur la
situation dans les prisons françaises, op.cit., p.85.
* 580 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 581 Entretien n°13,
Claire Cellier, médecin inspecteur de santé publique à la
DDASS du Rhône.
* 582 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 583 Les prisons de Lyon
présentent la particularité d'être parmi les plus anciennes
et les plus vétustes de France. Les conditions d'incarcération
difficiles, souvent contraires aux normes d'hygiène, attirent les
journalistes des principales chaînes télévisées
ainsi que des principaux quotidiens nationaux. Il arrive fréquemment
qu'à l'occasion de la publication d'un rapport sur l'état des
prisons françaises, des journalistes viennent enquêter sur
l'« état de délabrement » des prisons de Lyon qui
sont érigées en symbole des carences de l'ensemble du
système pénitentiaire.
* 584 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 585 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 586 Déjà en
1989, le rapport établi par Gilbert Bonnemaison sur la modernisation du
service public pénitentiaire incitait à une politique de
transparence : « L'opacité de l'administration
pénitentiaire vis-à-vis de l'extérieur est une des causes
de la difficulté pour cette institution d'être reconnue à
sa juste place par la société [...] Tant qu'une institution ne
fait que réagir à la demande, le plus souvent à la suite
d'incidents, elle ne peut évidemment faire passer aucun message
valorisant pour elle-même et ses personnels. Une institution comme
l'administration pénitentiaire se doit de produire une communication
positive régulière. Ce sera la seule façon de changer
progressivement son image ». Bonnemaison G., La modernisation du
service pénitentiaire. Rapport au premier ministre et au garde des
Sceaux, ministre de la justice, Paris, ministère de la Justice,
1989.
* 587 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 588 C'est dans ce sens
que Dominique Faucher, médecin à l'U.C.S.A. du centre
pénitentiaire de Fresnes, écrit :
« Témoigner au sein de la prison : cela passe par les
discussions avec le personnel pénitentiaire à tous les niveaux,
de la base à la direction. Ces échanges aboutissent à
quelques améliorations ponctuelles, à une meilleure
compréhension des contraintes respectives de l'administration et du
service médical [...] Témoigner, c'est aussi, avec les
différents intervenants impliqués dans la vie en milieu
carcéral, participer à des groupes de réflexion sur les
soins, l'éthique ainsi que sur les modalités d'exécution
des peines ». Faucher Dominique, « Médecin en
détention : soignant et témoin »,
art.cit.
* 589 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 590 Cette constatation
demande à être nuancée puisqu'il est probable qu'elle
corresponde davantage aux prisons de Lyon qu'à l'ensemble du dispositif
sanitaire en milieu carcéral.
* 591 Au cours des
années 1980, les professionnels de santé très
mobilisés, appuyés par le Conseil de l'ordre, avaient
déjà obtenu que les surveillants n'assistent plus aux
consultations, car leur présence était contradictoire avec le
principe du colloque singulier. Néanmoins, localement, il restait encore
des établissements -notamment les plus petites maisons d'arrêt
-où des médecins et des infirmiers se voyaient imposer la
présence d'un surveillant par un directeur d'établissement.
Lorsque les professionnels faisaient valoir qu'ils étaient des
médecins et des infirmiers, tenus au respect de principes
déontologiques, ils se voyaient souvent rétorqués qu'ils
agissaient dans un milieu particulier - comme en attestait leur statut- et
qu'ils devaient en conséquence accepter les contraintes de ce milieu.
Milly Bruno, Soigner en prison, op.cit., p.109
* 592 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.109.
* 593 Entretien n°12,
Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage
anonyme et gratuit (CDAG) aux prisons de Lyon ; Entretien n°6,
M.Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus incarcérés de l'hôpital Lyon Sud ;
Entretien n°2, Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison
d'arrêt de St Paul - St Joseph depuis 1995.
* 594 Bruno Milly remarque
que les regards des personnels pénitentiaires sur les dossiers
médicaux et les demandes d'informations sur la contagiosité des
pathologies de certains patients sont devenus très rares ce qui a
été confirmé par certains soignants interrogés.
Milly Bruno, Soigner en prison, op.cit., p.109.
* 595 Entretien n°31,
Corinna Proietti, psychologue au Sert de Rebbibia.
* 596 La
responsabilité de l'extraction médicale incombant au chef de
l'escorte durant des consultations médicales en secteur hospitalier, il
n'est pas rare que des conflits entre médecins rigoureux et les
surveillants se soldent par un retour en détention sans que l'examen
puisse être réalisé. Observatoire international des
prisons, Prisons : un état des lieux, op.cit., p.123.
* 597 Entretien n°30,
Ivano Carbonaro, commandant de la police pénitentiaire à la Terza
casa.
* 598 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 599 Entretien n°30,
Ivano Carbonaro, commandant de la police pénitentiaire à la Terza
casa.
* 600 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 601 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 602 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 603 Entretien n°12,
Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage
aux prisons de Lyon.
* 604 Les consultations
extérieures en établissement hospitalier présentent les
mêmes difficultés puisque, comme le rappelle un rapport IGAS-IGSJ,
« malgré les précautions qui sont prises pour assurer
avec discrétion la gestion des rendez-vous extérieurs, il est
très difficile de sauvegarder le secret médical lorsque le
détenu doit consulter dans un service hospitalier
spécialisé dans le traitement d'une forme de pathologie ou subir
un examen particulier. Associée à l'organisation de l'escorte,
l'administration pénitentiaire sera nécessairement
informée de la destination, donc de la pathologie du détenu. On
touche là à une contrainte inévitable de l'univers
carcéral, dont sont conscients l'ensemble des acteurs ».
IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.38.
* 605 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 606 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 607 Entretien n°16,
Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 608 Entretien n°16,
Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 609 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 610 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 611 C'est le cas par
exemple lorsque suite à un test de dépistage effectué par
le CDAG, la sérologie n'est pas communiquée à
l'équipe médical de l'UCSA à la demande du détenu
et n'est pas classé dans son dossier médical. Cette
non-communication de l'information réalisée au nom des principes
éthique peut s'avérer un obstacle dans le suivi médical du
détenu, notamment pour le VHC. Entretien n°12, Patrick Caillon,
médecin effectuant une Consultation de dépistage aux prisons de
Lyon.
* 612 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 613 Il existe en France,
comme dans les autres pays occidentaux, une sursuicidité en milieu
carcéral. Alors que le taux de suicide dans les prisons
françaises a été relativement stable autour de 11 à
15 suicides annuels pour 10 000 détenus durant les décennies 1970
et 1980, on observe à partir de 1992 une augmentation sensible et
persistante de la mortalité par suicide. Face à cette
évolution défavorable, une réflexion a été
engagée. Une circulaire du ministre de la justice relative à la
prévention des suicides a été diffusée le 29 mai
1998 à l'ensemble des établissements pénitentiaires
(Circulaire Justice/DAP n° JUSE9840034C du 29 mai 1998 relative à
la prévention des suicides dans les établissements
pénitentiaires) . Elle s'articule autour de trois axes principaux : un
effort sur l'accueil du détenu ; une action sur le repérage des
détenus à risque qui doit faire l'objet d'une prise en charge
globale ; un placement en prévention au quartier disciplinaire qui doit
rester exceptionnel. IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux détenus.
Rapport d'évaluation, op.cit., p.48.
* 614 « Les
services de santé, qu'il s'agisse des UCSA ou des SMPR ou des secteurs
psychiatriques ne jouent pas un rôle moteur dans ce type de
démarche [...] Dans un autre établissement cependant, c'est
l'UCSA qui se refuse à participer à une réflexion
pluridisciplinaire sur le suicide. Plus généralement, les
personnels médicaux sont apparus assez peu enclins à se saisir
par eux même de cette problématique ». IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.50.
* 615 C'est le cas par
exemple d'un chef d'établissement interpellé par une
réquisition judiciaire à propos d'un détenu qui avait
tenté de se suicider par absorption médicamenteuse. Le
détenu s'est suicidé un an plus tard et une enquête a
été ouverte pour comprendre pourquoi le détenu n'avait pas
fait l'objet d'une surveillance accrue. Le chef d'établissement, tenu
pour responsable, n'avait cependant pas été mis au courant par le
service médical. Entretien n°9, Mme Demichelle, responsable du
bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes.
* 616 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 617 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 618
L'enquêté regrette les réticences de l'administration
pénitentiaire à partager les informations dont elle dispose
concernant les actes de la vie carcérale du détenu :
«Je ne sais pas si la divulgation d'informations va jusqu'à rompre
le secret médical mais il est vrai que le passage à l'acte a lieu
à certains moments remarquables [...] Ce sont [des] actes de la vie
pénitentiaire dont le médecin hospitalier n'a pas connaissance,
naturellement... Donc si le personnel pénitentiaire partage cette
information avec le médecin hospitalier [...] il est possible d'agir.
Encore faut-il que le médecin hospitalier soit prévenu ».
Entretien n°16, Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de
Lyon.
* 619 La mise sous
surveillance spéciale d'un détenu donne lieu à un tour de
ronde supplémentaire pendant la nuit ainsi qu'à un suivi
médico-social privilégié. Entretien n°3, Mme
Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 620 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 621 C'est par exemple le
cas d'un médecin ayant refusé d'intervenir d'urgence dans le
cadre d'une Interruption volontaire de grossesse, au nom de l'éthique
médicale, afin de ne pas enfreindre le règlement de
l'administration pénitentiaire, flou sur cette question :
« C'est l'exemple du crétin légaliste face à une
femme qui veut faire une interruption volontaire de grossesse d'urgence.
Autrefois, il n'y aurait jamais eu aucun problème [...] Cet aimable
crétin a commencé au lieu d'appeler un de ses confrères
qui avait quelques années d'expérience, à consulter le
Comité national consultatif d'éthique [...] Le temps que
ça redescende, il était beaucoup trop tard pour que cette pauvre
femme avorte et elle a été contrainte de garder son enfant. J'ai
entendu cette personne pérorer après dans les congrès de
médecine légale, en présentant sa "démarche", en
disant "Voilà ma démarche que je voulais éthique". Il y a
des choses qui nous, vieux pénitentiaires, nous ont
irrité ». Entretien n°17, Pierre Lamothe, médecin
psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 622 C'est ainsi que le
docteur Pedech rattaché à l'UCSA du centre pénitentiaire
de Lorient justifiait sa position : «Tout examen médical de
qualité doit pouvoir être effectué dans les locaux de
l'UCSA, seuls lieux permettant d'effectuer un examen complet respectant cette
confidentialité et offrant au détenu la possibilité de
s'exprimer et d'être entendu [...] Pourquoi en serait-il autrement d'un
acte médical comme les consultations, alors que la loi du 18 janvier
1994 prévoit que tous les détenus puissent
bénéficier de soins médicaux d'une qualité
équivalente à celle des personnes libres? » Pedech A., Le
médecin face au régime disciplinaire en prison,
décembre 1999.
* 623 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 624 C'est ainsi que
Marie-Hélène Lechien remarque que les conflits entre les
personnels sanitaires et pénitentiaires sont souvent des conflits de
territoire, aux sens propres et métaphoriques du terme. Les nouveaux
soignants arrivés après 1994 s'efforcent ainsi de constituer un
territoire professionnel propre par la mise à l'écart des
surveillants de l'infirmerie. Lechien Marie-Hélène,
« L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », art.cit., p. 17.
* 625 « Par
exemple, surtout pour le SMPR, il y a certains détenu qui participent
à des groupes concernant l'alcool ou la drogue. Le contrat passé
est de dire qu'on ne les oblige pas. Les surveillants du bâtiment
d'où les détenus viennent ne comprennent pas, ils disent "Mais
ils doivent venir. Pourquoi ne viennent-t-ils pas?. Le SMPR ne les prend
même pas en charge" [...] Ils pensent que c'est un règlement mais
se soigner n'est pas un règlement ». Entretien n°14, Chantal
Escoffié, psychologue auprès du personnel pénitentiaire
des prisons de Lyon.
* 626 Si l'état de
santé du détenu s'altère gravement lors d'une grève
de la faim, le détenu peut alors être soigné sans son
consentement sur décision et sous surveillance médicale. Article
D.364, Code de procédure pénale.
* 627 Le rapport IGAS-IGSJ
de 2001 relève ces difficultés : « Le consentement
suppose en effet que la personne ait conservé une capacité
suffisante de discernement et de conscience et un minimum de
rationalité. Or, par définition, les psychotiques les plus
sévèrement atteints, les dépressifs les plus
inhibés sont justement ceux qui sont le moins capables de prononcer une
adhésion valable tout en étant ceux qui ont le plus besoin de
soins. Les soins prodigués en détention reposent ainsi sur un
malentendu ». IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.107.
* 628 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 629 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 630 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 631 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 632 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 633 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 634 Le fait que l'Antenne
toxicomanie aient développé de nouvelles démarches
thérapeutiques n'est d'ailleurs par fortuit. Cela est à mettre en
lien avec le fonctionnement spécifique de l'Antenne qui ressemble
beaucoup plus à un modèle associatif qu'hospitalier :
« On un mode de fonctionnement qui nous a permis d'être
très créatifs et de créer par exemple à l'Antenne
toxicomanie à Lyon de nombreux dispositif nouveaux. Ça vient de
notre statut particulier qui fait qu'on a un fonctionnement très
différent, qui est beaucoup plus proche du schéma
associatif ». Entretien n°10, Mme Bouthara, éducatrice
à l'Antenne toxicomanie des prisons de Lyon.
* 635 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 636 Les SMPR sont des
extensions de la médecine psychiatrique au niveau pénitentiaire.
Le service de Lyon dépend de l'hôpital de Vinatier. Les
établissements psychiatriques sont des établissements
départementaux et non pas communaux comme pour la médecine
somatique. Ils relèvent donc du conseil général mais le
personnel relève de la fonction publique hospitalière.
* 637 Un cadre hospitalier
aux Hospices civils de Lyon souligne le lien nécessaire à
établir entre les deux structures : « Un détenu
qui a avalé une fourchette relève d'une spécialité
digestive pour l'extraction de l'objet mais il n'a pas avalé une
fourchette par hasard et [...] dans ce cas, il y aura une collaboration entre
le SMPR, l'UCSA et l'administration pénitentiaire ». Entretien
n°16, Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 638 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 639 «Il n'existe pas
de véritables staffs médicaux permettant, sur des cas
précis de patients, un échange d'informations entre les
personnels médicaux. Les réunions communes sont rares, et
rarement porteuses de projet commun ». IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.44.
* 640 C'est par exemple le
cas sur plusieurs établissements de la région Rhône-Alpes
comme le souligne une responsable de l'administration
pénitentiaire : « Ça pose des problèmes au
niveau de l'organisation du service infirmier en milieu carcéral parce
qu'il y a des hôpitaux psy qui refusent que leurs infirmières
participent, par exemple, à la distribution des médicaments et
ils préfèrent les cantonner sur une tâche et sur un
rôle uniquement d'entretien. [...] J'ai un site où, du fait qu'il
y a un conflit entre les deux hôpitaux sur ce point-là [...] et
donc l'ouverture de l'UCSA est réduite ». Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 641 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 642 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 643 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 644 La seule
réunion commune entre les deux services a lieu de façon annuelle
à l'occasion de la présentation des bilans d'activités des
UCSA de Lyon à laquelle sont présents la plupart des
représentants des personnels intervenant en prison. Cette réunion
témoigne pour un cadre hospitalier de la bonne collaboration entre les
deux services. Elle est en revanche présentée par un
interviewé comme une « grande messe très
solennelle ».
* 645 Il semblerait que
l'entente entre l'UCSA et le SMPR soit facilitée par l'existence d'une
culture médicale commune entre leurs dirigeants respectifs qui partagent
une double spécialité : la médecine légale et
la psychiatrie : « Il se trouve que le professeur Barlet est
également psychiatre, même s'il est responsable d'un service de
médecine polyvalente. Et je trouve que cela facilite
énormément les choses! Donc il faut à la fois des
médecins qui soient légistes, qui aient une formation
légiste, qui soient habitués aux temps judiciaires et qui savent
ce que c'est qu'une procédure judiciaire et d'autre part la
capacité à prendre en charge la dimension psychique du
détenu est un plus en termes de soins et en termes de coordination des
soins ». Entretien n°16, Robert Hanskens, cadre hospitalier des
Hospices civils de Lyon.
* 646 Entretien n°13,
Claire Cellier, médecin inspecteur de santé publique à la
DDASS du Rhône.
* 647 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 648 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.44.
* 649 C'est ce que
suggère le rapport IGAS-IGSJ : « Certains SMPR ont pu
percevoir l'arrivée des UCSA dans les établissements
pénitentiaires comme une forme d'intrusion [...] Cette arrivée
s'est, de plus, accompagnée d'opérations de rénovation
importantes permettant l'installation des UCSA. Aujourd'hui, le contraste est
parfois saisissant dans certains établissements, comme à la
maison d'arrêt de la Santé ou à celle de Rennes, entre les
locaux de l'UCSA et ceux du SMPR. IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.44.
* 650
« L'administration pénitentiaire gère un calendrier
clinique, c'est un récapitulatif de tous les examens passés par
le détenu depuis son incarcération. C'est un document qui le suit
en cas de transfert d'un établissement à un autre. Mais nous
avons beaucoup de difficultés pour y accéder car l'administration
pénitentiaire refuse souvent au prétexte que nous avons nous
aussi un dossier médical. » Entretien n°18, Sandro
Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 651 Entretien n°21,
Docteur Ambrosini, responsable du Sert de l'institut Rome-Regina Coeli.e...
* 652 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 653 Entretien n°31,
Corinna Proietti, psychologue au Sert de Rebbibia.
* 654 Entretien n°21,
Docteur Ambrosini, responsable du Sert de l'institut Rome-Regina Coeli.e...
* 655 Entretien n°21,
Docteur Ambrosini, responsable du Sert de l'institut Rome-Regina Coeli.e...
* 656 Entretien n°21,
Marco Brucci, responsable d'une communauté thérapeutique
située à Rome.
* 657 Entretien n°27,
Anna-Maria Pisacone, responsable du bureau « Sida » de la ville de
Rome.
* 658 Dominique Lhuilier,
« Ethique des pratiques de santé en milieu
pénitentiaire », La lettre de l'espace éthique,
n°12 -13 -14, été-automne 2000, pp.34-38.
* 659 Invité par
Claire Cellier, j'ai pu assister à cette réunion qui s'est tenue
dans les locaux de la DRASS Rhône-Alpes le 19 mai 2003.
* 660 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 661 Entretien n°13,
Claire Cellier, médecin inspecteur de santé publique à la
DDASS du Rhône.
* 662 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 663 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 664 L'attribution des
dossiers entre médecins inspecteurs s'effectue selon un double
critère géographique et de secteur d'activité qui
constitue un obstacle dans la prise en charge globale de la santé en
milieu carcéral. La séparation entre le somatique et le
psychiatrique empêche souvent qu'il y ait un seul
médecin-inspecteur qui soit responsable de la visite des UCSA et du SMPR
sur un même établissement, bien que ce ne soit pas le cas dans le
Rhône. En outre certains établissements, comme Saint Quentin
Fallaviers qui se situe en Isère mais qui est plus proche de Lyon que de
Grenoble, a signé un protocole avec les Hospices civils de Lyon mais
dépend du médecin-inspecteur de l'Isère. Le
découpage administration des autorités sanitaires et le
schéma fonctionnel de la médecine pénitentiaire ne se
recoupent donc pas. Entretien n°13, Claire Cellier, médecin
inspecteur de santé publique à la DDASS du Rhône.
* 665 La coordination entre
les différents médecins-inspecteurs des DDASS semble difficile
à réaliser en raison des relations de concurrence qui peuvent
parfois s'exercer entre eux. Ce fut le cas par exemple lors d'une
réunion organisée dans la Région Rhône-Alpes entre
les différents médecins-inspecteurs afin de prioriser le budget
accordé aux actions sanitaires en milieu carcéral
préalablement à l'arbitrage de l'Agence régionale
d'hospitalisation (ARH). Le médecin inspecteur qui fut à
l'initiative de cette idée considère cependant qu'il s'agissait
d'un échec : « Et en fait ça n'a pas bien
marché. Parce que d'une part il y a le jeu que chacun défend un
peu son truc et a du mal à reconnaître que l'autre peut avoir une
priorité qui passe avant. Donc c'était un peu quelque chose de
marchand de tapis. D'autant plus que les médecins inspecteurs sont
d'abord des médecins. Ils ont une vision quand même assez
individuelle des choses. Je pense qu'on aurait pas été
médecins inspecteurs, les choses auraient mieux fonctionnées
». Entretien n°13, Claire Cellier, médecin inspecteur de
santé publique à la DDASS du Rhône.
* 666 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 667 On peut
espérer que la mise en place d'un Congrès national des UCSA
facilitera peut-être la formation de cette culture commune.
* 668 Ce manque de
collaboration s'expliquerait peut-être par l'absence d'une organisation
commune entre les différents intervenants appartenant aux Serts :
« Il y a une coordination entre les Sert qui existe mais ce sont des
coordinations de type syndical ou scientifique. Ce ne sont pas des institutions
à proprement parler. À Rome, il y a par exemple ce
FedeSert ou FedeSerd car il y a eu une division. Cette
fédération des Serts est quelque chose de culturel ».
Entretien n° 20, Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les
toxicomanies de Rome.
* 669 Entretien n° 20,
Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les toxicomanies de Rome.
* 670 L'Assessore
italien correspond au conseiller municipal français bien qu'il
dispose d'une très grande marge d'action et de moyens importants.
* 671 Un second outil
similaire a été développé, davantage axé sur
la coordination des services sociaux. Il s'agit du Piano regolatore
sociale.
* 672 Entretien n°24,
Lillo di Mauro, président de l'Organe consultatif pénitentiaire
permanent de la ville de Rome.
* 673 La transmission
d'informations à caractère médical sur des patients suivis
par les UCSA dans les fiches établies par l'administration
pénitentiaire pour organiser le transfert de détenus entre
établissements est souvent très partielle, si elle n'est pas
totalement absente, comme le rapporte un rapport IGAS-IGSJ, ce qui est mal
accepté par l'administration pénitentiaire. IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.41.
* 674 Ce manque de lien
entre les personnels sanitaire et pénitentiaire est à l'origine
d'un problème de prise en charge aux prisons de Lyon où sur le
nombre total de demandes programmées, 20% seulement de prothèses
ont été réalisées du fait de la libération
ou du transfert des détenus, la mise en place de prothèses ne
pouvant se faire que sur un temps long.
* 675 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.42.
* 676 Le rapport du CNS
remarque qu'un « mauvais suivi des traitements peut mettre en péril
leur efficacité et la santé du patient, et peut constituer
d'autre part des risques en termes de santé publique en favorisant
notamment l'émergence de virus mutants résistants ».
Conseil national du Sida, Rapport et recommandations sur
les traitements à l'épreuve de l'interpellation. Le Suivi des
traitements en garde à vue, en rétention et en
détention, 1998, p.1.
* 677 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 678 Milly Bruno,
Soigner en prison, op.cit., p.125
* 679 La revue
Transversal affirme pourtant l'inverse de manière
générale en France à propose de la continuité des
traitements antirétroviraux : « La plupart des
détenus séropositifs connaissent des situations
socio-économiques de grande précarité. Aussi, si certains
ont pu bénéficier de soins en prison dont ils ne profitaient pas
avant, ils se retrouvent à leur sortie aussi démunis qu'à
leur arrivée ». Viaud Frédérique, « La
santé entravée », Transversal, 06-07-08/2002,
pp.9-11.
* 680 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 681 Olivier Obrecht,
responsable de l'UCSA de la prison de Fleury, remarque que 30 % des sortants
de Fleury, ne sont connus comme sortant que le jour même. Obrecht
Olivier, "La réforme des soins en milieu pénitentiaire de 1994 :
l'esprit et les pratiques ", in Veil Claude, Lhuilier Dominique, La
prison en changement, op.cit., p.243.
* 682 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 683
L'enquêté évoque à cet égard une convention
qui a été signée par les HCL avec une association afin
d'assurer la continuité des vaccins des détenus lors de leur
libération. Entretien n°16, Robert Hanskens, cadre hospitalier des
Hospices civils de Lyon.
* 684 Le rapport du HCNSP
prévoit parmi les avantages de la future réforme de 1994 que
suite à la création des services hospitalier de soin pour
détenus (UCSA), « la qualité des soins à
l'intérieur et leur diversité évitent un certain nombre
d'extractions pour consultations extérieures et
hospitalisations ». Haut Comité de la Santé Publique
(HCSP), Santé en milieu carcéral, op.cit.,
pp.44-45
* 685 En volume global, on
observe une augmentation du nombre d'extractions de 25 % de 1997 à 2000
(passant de 46.939 à 58.452), pour plus de trois quart due à
l'augmentation des consultations et hospitalisations de jour. Source : DAP.
Cité in IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.57.
* 686 On peut
également mettre cette augmentation en lien avec l'intervention du
personnel hospitalier plus habitué que les médecins
pénitentiaires à recourir à un équipement de pointe
mais doté aussi d'une autre conception du soin, beaucoup plus
techniciste.
* 687 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.58.
* 688 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 689 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 690 Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 691 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon
depuis 1999 ; Entretien n°2, Pascal Sourty, médecin
à l'UCSA de la maison d'arrêt de St Paul - St Joseph depuis
1995.
* 692 Entretien n°30,
Ivano Carbonaro, commandant de la police pénitentiaire à la Terza
casa.
* 693 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 694 Entretien n°16,
Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 695 Viaud
Frédérique, « La santé
entravée », art.cit.
* 696 Les portes sont par
exemple verrouillées et ouvertes par la police lors d'un soin.
* 697 L'unité est
composée d'un chef de service, d'un praticien hospitalier, d'un cadre
infirmier, de huit infirmières, de huit aide-soignantes, d'un
psychologue, d'un kinésithérapeute et d'une
diététicienne.
* 698 Un personnel de
l'UHSIR remarque d'ailleurs qu'une « évolution serait
souhaitable pour une prise en charge correcte des détenus porteurs de
lourdes pathologies, ou d'handicap réduisant leur mobilité dont
le retour en prison pose des problèmes importants de prise en
charge ». Jacquet, « L'Unité hospitalière
sécurisée interrégionale », Tonic, Lyon,
n°96, 2001, p.6.
* 699 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 700 Isabelle Parizot
dresse un constat similaire à l'égard de la population exclue en
observant que la tendance à diminuer les durées d'hospitalisation
rend les services hospitaliers réticents et peu adaptés à
la prise en charge des personnes défavorisées. Parizot Isabelle,
Soigner les exclus, op.cit., p.53.
* 701 C'est dans ce sens
qu'un personnel de l'UHSIR écrit : « Une
difficulté majeure [...] de l'ensemble des soignants est de ne jamais
informer le patient du déroulement dans le temps de son hospitalisation.
C'est une attitude qui va en contradiction avec le rôle habituel d'un
soignant dans un service de soins traditionnels qui doit au contraire favoriser
l'information du patient ». Jacquet, « L'Unité
hospitalière sécurisée interrégionale »,
art.cit., p.6.
* 702 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 703 Un délai de
six ans sépare le décret du 27 octobre 1994 qui prévoyait
la désignation par un arrêté interministériel des
hôpitaux chargés d'accueillir les UHSI et l'arrêté du
23 août 2000 qui décrit le schéma national
d'hospitalisation des détenus et qui dispose que les UHSI devront
être mises en place au plus tard en 2003. Huit unités semblables
à celle de Lyon seront implantées dans des CHU.
* 704 Cette
interdépendance est par exemple manifeste au sujet du conflit entre les
services de police et l'administration pénitentiaire au sujet de la
garde dont les conséquences sont importantes pour le fonctionnement des
services de soin. Tout d'abord parce que la présence des forces de
police en unité de soin, qui adoptent un régime de contrôle
des détenus plus restrictif que le régime pénitentiaire,
pose des difficultés de fonctionnement (Entretien Mme Vacquier ou Mr
Barlet). Mais aussi parce que l'administration pénitentiaire refuse de
prendre en charge la surveillance des gardés à vue, qui
relèvent normalement des services de police, et le changement
d'attribution de la garde risque de contraindre les services hospitalier
à accueillir les gardés à vue ce qui est
« toujours impopulaire ». On voit bien ici
l'interdépendance entre les administrations de la justice ou de la
police et de la santé. Entretien n°16, Robert Hanskens, cadre
hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 705 Setbon, Michel.,
Pouvoirs contre Sida, op.cit., p.22.
* 706 Michel Setbon
remarque ainsi que le dépistage «devient un problème public
en perdant sa nature originelle d'outil technique de santé publique, par
sa transformation en vecteur de valeurs conflictuelles [...] La politisation du
problème qui s'exprime sur le choix des modalités de
dépistage finit par donner aux valeurs un poids déterminant par
rapport à celui des faits ». Ibid., p.194.
* 707 On peut distinguer,
comme le fait Claude Thibaudière, deux conceptions antagonistes avec
d'un côté, le dépistage obligatoire comme instrument de la
lutte contre l'épidémie afin de contrôler les porteurs du
virus pour préserver la « population saine ». De
l'autre, le libre choix est présenté comme un moyen
d'éviter l'exclusion des individus les plus à risque.
Thibaudière Claude, Sociologie du Sida, La découverte,
Paris, 2002, p.36.
* 708 On peut souligner la
mobilisation des associations homosexuelles, craignant d'être l'objet de
mesures discriminatoires, dès 1985 en faveur du test volontaire mais
aussi des médecins qui participèrent activement aux associations
de prévention et qui refusèrent le caractère
systématique du test et réclamèrent sa
confidentialité. Péchu Cécile, « Tenir le politique
à l'écart. Jeu et enjeu du travail médical »,
in Favre Pierre (dir.), Sida et politique, op.cit.,
p.55.
* 709 La controverse sur la
politique de dépistage s'achève en 1987 par une loi qui institue
la création des CDAG, Centres de dépistage anonymes et gratuits
transformés par la suite en Consultations de dépistage anonymes
et gratuits (Loi n°87-588 du 30 juillet 1987). Les CDAG, situés le
plus souvent au sein de structures hospitalières, constituent l'une des
principales mesure de lutte contre l'épidémie de Sida en France,
notamment pour les personnes les plus exposées. La circulaire DGS/PGE/1
C n°85 du 20 janvier 1988 affirme notamment son orientation
résolument préventive en termes d'information et
d'éducation pour la santé. Setbon, Michel., Pouvoirs contre
Sida, op.cit., p.210.
* 710 Une première
circulaire, daté du 19 avril 1989 relative aux consultations
médicales hospitalières des détenus atteints par le VIH et
à la contractualisation des relations entre les prisons et les CISIH fut
suivi d'une circulaire, daté du 17 mai 1989, relatives aux mesures de
prévention préconisées dans l'institution
pénitentiaire dans le cadre du plan national de lutte contre le Sida.
Daniel Welzer-Lang déduit de ce retard une différence de
traitement entre les « victimes innocentes » et « ceux qui l'ont
bien cherché » qui serait liée aux modes de transmission de
l'infection: « Les personnes touchées au cours d'une transfusion
sanguine, les enfants de mère séropositive ou le personnel
soignant contaminé dans un cadre professionnel tendent à
être perçus par le sens commun comme n'ayant eu qu'un rôle
passif et surtout involontaire dans le processus de leur contamination qui
apparaît en conséquence comme une fatalité dont ils sont
les victimes irresponsables [ ...] On peut à l'inverse constater
que les détenus représentent de ce point de vue une
catégorie stigmatisée et marginalisée en ce qu'ils n'ont
bénéficié que très tardivement de l'attention des
pouvoirs publics. L'administration pénitentiaire semble avoir
été une des administrations les plus lente à prendre en
compte le problème du Sida, alors que la population qu'elle gère
est l'une des plus concernées par l'épidémie ».
Welzer Lang D., Mathieu L., Faure M., Sexualités et violences en
prison, Aléas -Observatoire international des prisons, Lyon, 1996,
p.212.
* 711 Circulaire du 5
décembre 1996.
* 712 Il s'agit pour Didier
Sicard, chef de service à l'hôpital Cochin, d'un droit
fondamental : « Il est fondamental de permettre simultanément
à un détenu de connaître sa sérologie et au
médecin de l'établissement d'éventuellement l'ignorer.
C'est un droit essentiel de l'individu d'avoir accès à un
dépistage anonyme où l'équipe qui dépiste n'est pas
celle qui soigne ». Sicard Didier, « Sida et prison »,
Chrétiens et Sida, n°23, p.1.
* 713 Souvent
accompagnés d'un surveillant, les médecins CDAG ne seraient pas
adaptés au milieu pénitentiaire. Le rapport Gentilini conclut que
« le dépistage des infections, en particulier le VIH et virus des
hépatites, devrait être en priorité confiée aux UCSA
(ou aux services médicaux "13 000"), sauf pour le cas où les
détenus sollicitent une consultation de dépistage dans un cadre
anonyme ». Gentilini Marc, Problèmes sanitaires dans les
prisons, op.cit., p.19.
* 714 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.65.
* 715 Ainsi, « la
pratique du dépistage devient une activité autonome sans lien
réel avec l'objectif essentiel de réduction de la propagation de
l'infection à VIH : c'est même l'inverse qui se produit, la
recherche plus ou moins systématique, donc aveugle, des
séropositifs réduit d'autant plus les autres formes de la lutte
fondée sur l'amélioration des comportements ». Setbon,
Michel., Pouvoirs contre Sida, op.cit., p.227.
* 716 Une enquête de
l'observatoire régional de la santé de France
réalisée en 1987 indiquait que 74,6 % des personnes
interrogées se déclaraient favorables à un
dépistage systématique des détenus. Dab W., Moatti J.P.,
Bastide S., Abenhaim L., Pollak M., « La perception sociale du Sida en Est
de France », Bulletin épidémiologique hebdomadaire,
28/03/1988. Cité in Welzer Lang D., Mathieu L., Faure M.,
Sexualités et violences en prison, op.cit., p.213
* 717 Auditions de la
Commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons
françaises, « Audition de Mme Véronique Vasseur,
médecin chef à la prison de La Santé »,
op.cit.
* 718 Dominique Lhuilier
remarque que nombreux arrivants qui n'ont jamais voulu se soumettre au test de
dépistage du VIH auparavant l'acceptent en prison. Il rend compte de ce
paradoxe par l'absence de liberté de choix du détenu au sein du
milieu carcéral. La proposition de test de dépistage
s'intègre dans un ensemble d'examens obligatoires lorsque brusquement,
à propos du Sida, une question imposée renvoie à un choix
: "voulez-vous un test VIH?". Or, « l'arrivant, pour penser pouvoir
refuser, doit être capable de se représenter comme un sujet de
droit, ce que les rituels d'admission ne favorisent pas ». Lhuilier
Dominique, Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral, op.cit.,
p.35..
* 719 Entretien n°12,
Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage
aux prisons de Lyon.
* 720 Cette démarche
de prévention consiste en une consultation médicale
préalable à la prescription du test, accompagnée d'une
information et d'un conseil personnalisé de prévention, dans un
climat de confiance et de confidentialité, destinée à la
recherche des facteurs de risque. Chauvin Isabelle, La santé en
prison, op.cit., p.71.
* 721 Entretien n°12,
Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage
aux prisons de Lyon.
* 722 Entretien n°12,
Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage
aux prisons de Lyon.
* 723 Stankoff Sylvie,
Dherot Jean, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques de transmission du VIH et des hépatites
virales en milieu carcéral, Paris, Direction générale
de la santé, direction générale de l'administration
pénitentiaire, 2000, p.44.
* 724 « Les bonnes
pratiques en matière de dépistage de pathologie (Sida
hépatite C notamment) supposent que le compte-rendu des résultats
soit pratiqué par un médecin lors d'une consultation, avec
délivrance concomitante d'un message de prévention, qui est
vraisemblablement l'acte le plus important pour la majorité des
personnes pour lesquelles le test se révèle heureusement
négatif. Objectif totalement hors de portée, dans un site
où, sans interventionnisme excessif, environ 7200 tests de
dépistage annuel du Sida et de l'hépatite C sont
réalisées ». Obrecht Olivier, « La réforme des
soins en milieu pénitentiaire de 1994 : l'esprit et les pratiques
», art.cit., p.242.
* 725 « Le
résultat seul peut avoir des effets négatifs, quand il est
évalué à la lumière de l'objectif de
prévention qui passe par la réduction des risques de
contamination, donc de prévention primaire ; en effet, le
résultat négatif, en soulageant le sujet testé, le rassure
sur la nature pourtant risquée de ces pratiques, il encourage ainsi
à les poursuivre inchangés. Le résultat négatif
seul devient ainsi contre-productif sur le plan de la prévention.
À travers la relation qu'entraîne la demande volontaire de
dépistage se dégage donc des perspectives de prévention
qui sont du ressort et de la portée de celui qui pratique le
dépistage ». Setbon, Michel., Pouvoirs contre Sida,
op.cit., p.198.
* 726 Steffen Monika,
Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.232.
* 727 Benezech M., Rager
P., Beylot J., « Sida et hépatite B dans la population
carcérale : une réalité épidémiologique
incontournable », Bulletin Académie National de
Médecine, 1987, n°171, pp.215-218.
* 728 Dhérot Jean,
Stankoff Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, op.cit., p.19.v
* 729 Source :
Enquête un jour donné - DREES., Dr. Lalande, Froment,
Valdes-Boulouque, L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.25.
* 730 Marchisio Marina,
«Aids e tossicodipendenza nelle statistiche sulla popolazione detenuta in
Italia (anni 1990-99)», in Faccioli Franca, Giordano Valeria,
Claudio Sarzotti, L'Aids nel Carcere e nella società,
op.cit., pp.139-160.
* 731 Osmani Ibrahim,
« Aids e tossicodipendenza nelle statistiche
penitenziarie », in Faretto Anna Rosa, Sarzotti Claudio,
Le carceri dell'Aids. Indagine su tre realtà italiane, Torino,
L'Harmattan Italia, 1999, p.216.
* 732 Dhérot Jean,
Stankoff Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, op.cit., p.25.
* 733 Entretien n°12,
Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage
aux prisons de Lyon.
* 734 Rotily M., «
Prévalence des pratiques risquant milieu carcéral : une
enquête à la maison d'arrêt des beaux mette»,
Communication à la journée d'animation de l'ANRS, Sida, le
système judiciaire et milieu carcéral, 30 mars 1995.
* 735 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 736 C'est probablement le
cas des prisons de Lyon où le nombre de tests effectués sur la
maison d'arrêt Saint Paul n'était que de 90 durant le second
semestre de l'année 2002.
* 737 Welzer Lang D.,
Mathieu L., Faure M., Sexualités et violences en prison,
op.cit., p.204-205.
* 738 Ingold F-R.,
« L'hépatite du toxicomane, une épidémie de
seconde zone », Esprit, 01/2001, n°271, pp.114-123.
* 739 Déjà en
1986, des études indiquaient un taux de détenus porteurs d'un
marqueur biologique du virus de l'hépatite B supérieur à
50 %. Benezech et al. « Sida hépatite B dans la population
carcérale : une réalité épidémiologique
incontournable », art.cit.
* 740 Gentilini Marc,
Problèmes sanitaires dans les prisons, op.cit., p.10.
* 741 D'après une
enquête réalisée en 2000 sur près de la
moitié des établissements pénitentiaires (Réseaux
Hépatites, Hépatite C - Prisons 2000. Une enquête
nationale de pratiques, septembre 2000), le dépistage ne serait pas
proposé dans 29 % des établissements, ce qui apparaît
considérable et en totale contradiction avec la politique
préconisée. IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.66.
* 742 On peut souligner la
prolifération de déclarations internationales affirmant le droit
pour un détenu séropositif à une assistance
médicale équivalente avec celle proposée à
l'extérieur. On peut citer en particulier les Principes fondamentaux
relatifs au traitement des détenus, point 9, Assemblée
générale des Nations unies, résolution 45/111 du 14 mars
1990; les directives de l'OMS (article 38 et 39) ou la recommandation du
Conseil de l'Europe, Comité des ministres, recommandation n°(93)
6,18 octobre 1993, article 78 , p.6. Observatoire international des prisons,
Prévention et traitement du sida dans les prisons d'Europe, Lyon,
décembre 1995, p.13.
* 743
L'inégalité des établissements pénitentiaires
à réagir face à l'épidémie s'explique
probablement par le degré d'ouverture des équipes
médicales pénitentiaires plus ou moins grand à
l'égard du système hospitalier. La médecine
pénitentiaire lyonnaise en fournit un bon exemple. Le professeur Barlet
a pu, en raison de son implication dans l'enseignement médical,
créer des liens avec l'équipe du professeur Trepos, alors
spécialisée en infectiologie, et participer ainsi à la
création du CISIH de Lyon facilitant le décloisonnement de la
médecine pénitentiaire. Entretien n°8, Docteur Barlet,
responsable de l'unité d'hospitalisation pour détenus de
l'hôpital Lyon Sud.
* 744 Recherche
effectuée par la L.I.L.A. (Lega Italiana Lotta A.I.D.S.) et la
F.I.VOL. (Federazione Italiana Volontariato), «La medicina
penitenziaria è in crisi d'identità...», op.cit.
* 745
Réalisée sur un échantillon de 46 établissements,
cette enquête aboutissait aux conclusions suivantes : l'organisation des
soins était conforme aux besoins, du fait de l'existence d'une
consultation spécifique VIH dans les 32 établissements qui
accueillent 97% des personnes séropositives ; l'accès aux
traitements antrirétroviraux apparaît relativement similaire
à celui qui peut exister dans le milieu libre.
* 746 Viaud
Frédérique, « La santé
entravée », art.cit. Ce problème a
également été soulevé par un médecin des
prisons de Lyon qui précise que « si on respectait la
convention d'Athènes, les détenus séropositifs n'ont
accès à aucun traitement ». Entretien n°8, Docteur
Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour détenus de
l'hôpital Lyon Sud.
* 747 C'est par exemple le
cas en matière d'hygiène (douches insuffisantes) mais surtout de
suivi des traitements qui impliquent de nombreux effets secondaires peu
compatibles avec l'incarcération comme le rappelle Emmanuelle Cosse,
présidente de l'association Act-up : « Les trithérapies
mettent en jeu des médicaments lourds, dont la prise doit intervenir
à heures fixes [...] Suivre un traitement hors des conditions prescrites
rend les malades résistants à cette molécule, ce qui leur
fait "griller une cartouche" dans les possibilités de traitement et pose
des problèmes d'hygiène ». Auditions de la Commission
d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons
françaises, « Audition de Mme Emmanuelle Cosse, Présidente
de Act Up-Paris, de M. Nicolas Kerszenbaum, Trésorier et membre de la
commission prison, de M. Serge Lastennet, Responsable de la commission prison,
et de Melle Jeanne Revel, Membre de la commission prison d'Act Up-Paris»,
4 mai 2000, source : Assemblée nationale,
<http://www.assemblee-nationale.fr>. Cf. Viaud Frédérique,
« La santé entravée », art.cit.
* 748 Conseil national du
Sida, Rapport et recommandations sur les traitements
à l'épreuve de l'interpellation. Le Suivi des traitements en
garde à vue, en rétention et en détention,
18 novembre 1998.
* 749 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 750 C'est le cas par
exemple du Nuovo Complesso (Rebbibia) à Rome qui dispose d'une section
spécifique située dans l'infirmerie centrale. Cela pose un
problème d'égalité des détenus face aux traitements
puisque les détenus ne se situant pas dans cette section ne disposent
pas de soins équivalents comme le remarque une psychologue au Sert de
Rebbibia. Entretien n°31, Corinna Proietti, psychologue au Sert de
Rebbibia.
* 751 Entretien n°26,
Laura Passaretti, sous-directrice de l'établissement
pénitentiaire Nuovo complesso (Rebbibia).
* 752 Entretien n°27,
Anna-Maria Pisacone, responsable du bureau « Sida » de la ville de
Rome.
* 753 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 754 Entretien n°27,
Anna-Maria Pisacone, responsable du bureau « Sida » de la ville de
Rome.
* 755 Adam P., Herzlich C.,
Sociologie de la maladie et de la médecine, Nathan, Paris, 1994,
127p.
* 756 Le professeur
Gentilini soutenait cette position dans son rapport établi en 1997 en
écrivant : « Le Sida, affection d'une importante
gravité autant que plusieurs autres maladies, ne peut devenir l'objet de
dispositions systématiques permettant l'obtention d'une grâce
médicale ou d'un aménagement de peine. Par contre, lorsque
l'état de santé d'un individu incarcéré se
dégrade une mesure de libération doit être envisagée
du fait de sa fin de vie potentiellement proche, il est indispensable de
pouvoir saisir d'urgence l'instance judiciaire ». Gentilini Marc,
Problèmes sanitaires dans les prisons, op.cit., p.10.
* 757 Le droit de
grâce (article 17 de la Constitution) est la mesure par laquelle le
président de la République dispense une personne de
l'exécution d'une peine. Les requêtes doivent être
adressées au président de la République. Une expertise
médicale est sollicitée, ainsi que l'avis des médecins
suivant le détenu en détention. Enfin, c'est le président
de la République qui prend la décision finale d'accorder ou non
la grâce.
* 758 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.126.
* 759 La procédure
de suspension de peine pour raison médicale est très restrictive
: l'article 720-1 du CPP ne prévoit en effet la possibilité de
libération par le juge d'application des peines en cas de « maladie
totalement incompatible avec la détention » qu'en fin de peine et
dans des conditions très encadrées. L'article 132-27 du CP
prévoit également qu'en « matière correctionnelle, la
juridiction peut, pour motif grave d'ordre médical décider que
l'emprisonnement décidé pour une durée d'un an au plus
sera exécuté par fractions ».
* 760 Bertelli Bruno,
« Le politiche penitenziarie », art.cit., p.155 ;
Marchisio Marina, art.cit., p.125.
* 761 Certains vols ont
été commis par des personnes séropositives ayant
bénéficié de la mesure d'incompatibilité ce qui a
conduit certains magistrats à parler d'impunité des
séropositifs et à soulever l'inconstitutionnalité de la
loi.
* 762 L'article 6 de la loi
231/99 établit que les détenus atteints d'autres pathologies que
le Sida peuvent demander leur libération et leur admission à des
mesures alternatives si ceux-ci sont «affectés d'une maladie grave,
pour la quelle il n'existerait pas de thérapies disponibles qui puissent
être effectuées en prison». L'association la LILA
relève toutefois que plusieurs magistrats ont considéré
cette disposition comme une condition supplémentaire pour l'accès
au statut d'incompatibilité aux personnes malades du Sida. Recherche
effectuée par la L.I.L.A. (Lega Italiana Lotta A.I.D.S.) et la
F.I.VOL. (Federazione Italiana Volontariato), «La medicina
penitenziaria è in crisi d'identità...», 2000, disponible
sur le site internet <http://www.ristretti.it>.
* 763 La loi
d'incompatibilité rencontre des difficultés d'application
notamment de la part des magistrats qui disposent d'un pouvoir
discrétionnaire important. Bien que la loi prévoit que ceux-ci ne
peuvent refuser d'accorder les mesures alternatives liées à
l'incompatibilité entre détention et Sida, certains magistrats
adopteraient des jugements contradictoires, selon l'association la LILA, par
lesquels ils reconnaîtraient la condition d'incompatibilité mais
affirmeraient néanmoins que le détenu malade est apte à
rester dans un Centro Clinico, qui « se trouve adapté
à fournir l'aide sanitaire nécessaire ». La présence
de structures cliniques pénitentiaires pouvant hospitaliser les
détenus sidéens est donc invoquée comme un motif
suffisant de non-libération. Recherche effectuée par la L.I.L.A.
(Lega Italiana Lotta A.I.D.S.) et la F.I.VOL. (Federazione
Italiana Volontariato), «La medicina penitenziaria è in crisi
d'identità...», 2000, disponible sur le site internet
<http://www.ristretti.it>.
* 764 Agnoletto Vittorio,
« Aids, tossicodipendenza e carcere »,
art.cit..
* 765 Verboud M., «
Libération anticipée : un bricolage humanitaire », Le
journal du Sida, n°51, juin 1993, p.28.
* 766 « Les
détenus libérés en « phase terminale »
le sont souvent quelques jours à peine avant de mourir, dans un
état physique et mental qui ne leur permet guère une
libération spirituelle... On veut bien les libérer mais on ne
sait pas combien de temps avant « la date prévisible du
décès », on veut que le pronostic soit fatal sans que
les individus soient des « morts vivants »... Quelle
macabre arithmétique ! ». Olive Agnès,
« Le Sida en prison (ou le bilan de la santé publique en
milieu carcéral) », art.cit., p.318.
* 767 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 768 Welzer Lang D.,
Mathieu L., Faure M., Sexualités et violences en prison,
op.cit., p.218.
* 769 La fondation d'Act-Up
Paris en 1989 s'inscrit dans un processus de radicalisation de la lutte
associative contre le Sida. L'association part d'une critique du processus
d'institutionnalisation de la lutte contre le Sida. Tout compromis avec les
pouvoirs publics est refusé, traduisant ainsi une lutte politique et
sociale plus frontale. L'association s'engage dans une démarche de
visibilisation des problèmes et des identités liés au
virus dans laquelle s'inscrit son engagement en faveur des détenus .
Thibaudière Claude, Sociologie du Sida, op.cit.,
p.41.
* 770 Act-Up, Le Sida,
combine de divisions ?, Paris, Dagorno, 1994, p.256.
* 771 Steffen Monika,
Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.16.
* 772 Communiqué
Act-Up, « La droite veut amnistier les délits politiques mais
laisse mourir les détenus en attente d'une grâce médicale
», 11 juillet 2002, disponible sur le site http://www.actupparis.org.
* 773 C'est ainsi qu'un
communiqué d'Act-Up réclamait en 2002, la libération de
tous les malades souffrant de pathologies graves : « Rappelons-le :
aujourd'hui, en France, la prison tue [...] Il est de la responsabilité
de l'Etat de faire sortir sans délai tous les malades souffrant de
pathologies graves ». Communiqué Act-Up, « Prison : le
ministère ne « connaît pas » les chiffres », 24
novembre 2002, disponible sur le site <http://www.actupparis.org>.
* 774 C'est ainsi que le
ministère de la Justice a confié le 25 avril 1996 une mission sur
« la situation des personnes détenus en fin de
vie ». Cette mission a débouché après plusieurs
années sur le vote d'une loi relative aux droits des malades
(n° 2002. 303) le 4 mars 2002 et appliquée par un
décret (n° 2002.619) du 26 avril 2002, qui
énonce : « Une suspension de peine peut être
ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la
peine restant à subir, et pour une durée qui n'a pas à
être déterminée, pour les condamnés dont il est
établi ( après deux expertises médicales distinctes)
qu'ils sont atteints d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur
état de santé est durablement incompatible avec le maintien en
détention ». Devoto José Polo, « Les mourants
en prison », in Revue française des affaires
sociales, n°1, janvier-mars, 51 année, 1997, pp.225-230.
* 775 Un communiqué
d'Act-Up « exige » par exemple « une vraie
politique de santé : moyens financiers pour les UCSA ; hausse des
effectifs de médecins », ainsi que « la mise en place
d'un observatoire indépendant et transparent des prisons » ou
encore « la libération de tous ceux qui n'ont rien à
faire en prison et que la détention met en danger : malades,
étrangers sans-papiers, prostitués, usagers de drogues,
mineurs... ». Communiqué Act-Up, « Droits des malades
incarcérés : le ministère de la Santé inerte»,
4 mars 2003, disponible sur le site <http://www.actupparis.org>.
* 776 Act-Up Paris a ainsi
été à l'initiative en novembre 2002 d'un pôle
interassociatif de réflexion et d'action sur la suspension de peine qui
réunit : Aides Ile de France, l'ANVP (Association national des
volontaires en prison), l'ARAPEJ (Association réflexion action prison et
justice) Ile de France, la Croix Rouge Française, la Ligue des Droits de
l'Homme, le Génépi, le Groupe Multiprofessionnel des Prisons, le
Secours Catholique, SOS Homophobie le Syndicat des Avocats de France, le
Syndicat de la Magistrature. Communiqué Act-Up, «Article 10, loi
du 4 mars 2002 : 15 mois après », 30 mai 2003, disponible sur
le site <http://www.actupparis.org>.
* 777 On assiste depuis
quelques années à un vieillissement de la population
pénale, fruit d'une double évolution : l'âge des entrants
en détention augmente de façon continue depuis plus d'une
vingtaine d'années et l'allongement des peines touche plus fortement les
condamnés déjà âgés. La conjugaison de ces
deux phénomènes aboutit à l'existence d'une fraction de
plus en plus importante de la population pénale qui a plus de 50 ans,
particulièrement fragile au plan sanitaire. IGAS-IGSJ, L'organisation
des soins aux détenus. Rapport d'évaluation, op.cit.,
p.122. Ces problèmes modifient considérablement
l'activité des services médicaux comme c'est le cas de
l'unité pour détenus (UHSIR) de Lyon : « La population
carcérale est vieillissante [...] Ils ont des grosses pathologies, des
cancers ou des problèmes cardiaques. Ils viennent mourir [...] Pour
nous, ça encombre les lits... [...] Il nous arrive de demander des
grâces médicales mais de toute façon c'est tellement long
que les gens ont le temps de mourir avant ». Entretien n°6, Mme
Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour détenus
de l'hôpital Lyon Sud.
* 778 Ce repositionnement
est à mettre en lien avec la phase de
« normalisation » de la lutte contre le Sida amorcée
à la fin des années quatre-vingt-dix. Le retour des pouvoirs
publics dans la gestion de la maladie pose avec acuité, selon Michel
Setbon, la question du devenir du mouvement de lutte contre le Sida. Une
recomposition du mouvement de lutte contre le Sida s'amorce, certaines
associations se recentrent sur l'aide aux malades et l'accompagnement social,
tandis que d'autres, dont Act-Up, poursuivent leur lutte politique en
s'investissant sur d'autres thèmes de santé publique comme la
toxicomanie ou les hépatites. Setbon M., « La normalisation
paradoxale du Sida », Revue française de sociologie, 41-1,
2000, pp.61-78.
* 779 On peut penser par
exemple à l'audition de l'association par la Commission d'enquête
parlementaire sur les prisons en 2000.
* 780 On peut remarquer que
cette reconsidération de la maladie en prison demeure limitée
puisque l'obtention de mesures de libération est conditionnée
à un état de santé critique. L'impossibilité pour
les personnes séropositives de bénéficier de telles
mesures, comme c'est le cas en Allemagne, en Espagne, en France ou en Italie,
traduit la primauté de la logique carcérale sur les
impératifs sanitaires. Observatoire international des prisons,
Prévention et traitement du sida dans les prisons d'Europe,
op.cit., p.19.
* 781 Herzlich C.,
Santé et maladie, analyse d'une représentation sociale,
Paris, Editions de l'EHESS, 1992.
* 782 Susan Sontag utilise
cette expression pour décrire ce phénomène au sujet du
cancer. Sontag S., La maladie comme métaphore, Paris, Seuil,
1979.
* 783 « Les
représentations sont des images, des sentiments ou des modèles
explicatifs qui orientent les attitudes les comportements [...] Elles vont
influer sur les relations interpersonnelles, les pratiques professionnelles et
les fonctionnements organisationnels et institutionnels ».
Simonpietri Aldona, « Identité professionnelle,
identité de sexe et Sida. Le cas des surveillants de prison »,
art.cit., pp.52-54.
* 784 La distinction entre
l'infection par le VIH et la maladie-Sida a été, comme le
souligne Michel Setbon, la source de nombreuses ambiguïtés :
« Le fossé qui sépare la définition classique de la
maladie Sida du statut de séropositif (personnes infectées par le
virus mais sans signes cliniques) rend en effet inadaptées les normes
permettant de distinguer le pathologique du normal. [...] Comment concilier un
statut objectivement "normal" [...] avec le fait d'être, dans certaines
conditions, la source potentielle de contamination ? ». Setbon, Michel.,
Pouvoirs contre Sida, op.cit., p.19.
* 785 D'Andrea, Pini, Il
caso AIDS, 1996, p.177, in Faccioli Franca, «La comunicazione
difficile : l'AIDS tra informazione, allarme e solidarietà»,
in Faccioli Franca, Giordano Valeria, Claudio Sarzotti, L'Aids nel
Carcere e nella società, op.cit., p.101.
* 786 Goffman est l'un des
premiers à avoir décrit le phénomène de la
stigmatisation qui traduit le fait qu'un individu porteur de traits
discrédités ou discréditables accepte les valeurs sociales
dominantes et ressente en conséquence de la honte. Goffman E.,
Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Ed. de Minuit, 175
(1er édition 1963).
* 787 Aldona Simonpietri,
« Identité professionnelle, identité de sexe et Sida. Le cas
des surveillants de prison », art.cit., pp.52-54.
* 788 Michel Pollak se
réfère à cette expression au sujet des personnes
homosexuelles contaminées. Cf. Pollak M., Schiltz M.A.,
«Identité sociale et gestion d'un risqué de santé:
les homosexuels face au Sida », Actes de la recherche en sciences
sociales, 1987, n°68, pp.77-102.
* 789
« Sida-psychose à la prison de Gradignan » ;
Libération, 22 Août 1985 ; « Mutinerie
anti-Sida dans une prison belge », Le Monde, 3 mai 1987 ;
« Le Sida sème la panique dans les prisons
espagnoles », Le Matin de Paris, 23 avril 1987.
* 790 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 791 Une psychologue
rappelle ainsi certaines réactions du personnel de surveillance qui
assimilent le secret médical à un facteur de danger :
« J'ai entendu des revendications à être au courant, ils
veulent absolument être informés de qui a le Sida, qui a
l'hépatite et même pour la tuberculose. Qui peut leur communiquer
les maladies [...] J'entends dire "On ne sait même pas de qui il faut se
protéger?" [...] Ça génère parfois du rejet, le
plus souvent de l'angoisse, plus souvent de l'agressivité contre le
milieu médical ou l'administration qui ne veut pas dire». Entretien
n°14, Chantal Escoffié, psychologue auprès du personnel
pénitentiaire des prisons de Lyon. Aldona Simon Pietri remarque que la
discrétion sur le statut sérologique des détenus est
perçue par les surveillants comme un refus de communiquer une
information vitale et comme la manifestation d'une malveillance du corps
médical : « Le Sida vient brouiller l'image du médecin
qui jusqu'alors garant de la vie, fait figure de dispensateur de mort ; il est
taxé du refus de partager son savoir sur la maladie, savoir secret
supposé salvateur ». Aldona Simonpietri,
« Identité professionnelle, identité de sexe et Sida.
Le cas des surveillants de prison », art.cit., pp.52-54.
* 792 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 793 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 794 Aldona Simonpietri,
« Identité professionnelle, identité de sexe et Sida. Le cas
des surveillants de prison », art.cit., pp.52-54. Plusieurs
incidents sont survenus ces dernières années aux prisons de Lyon
suite à la découverte de détenus tuberculeux qui ont
provoqué des mouvements de panique du personnel de surveillance.
Entretien n°3, Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon
depuis 1999.
* 795 Lhuilier D., Aymard
N., L'Univers pénitentiaire. Du côté des surveillants de
prison., op.cit., p.94.
* 796 Une première
approche consiste à recenser, à une date
déterminée, le nombre de détenus incarcérés
pour infraction à la législation sur les stupéfiants
(ILS). Ce relevé est cependant peu fiable puisque même si les ILS,
qui demeurent parmi les premiers motifs d'incarcération, traduisent une
forte prévalence des toxicomanes en détention, d'autres sont en
revanche incarcérés pour d'autres motifs. En 1996, la
majorité des usagers de drogues reçus dans les «
Antennes-toxicomanies » étaient incarcérés pour
d'autres motifs qu'une ILS (52%).
* 797 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 798 L'étude met en
avant la forte consommation de cannabis (24,4 %) qui demeure la principale
substance consommée. La part des usagers de drogue par voie
intraveineuse parmi les entrants en prison peut être estimée
à un peu moins de 10% selon cette même étude traduisant
ainsi un net recul. Le profil traditionnel du toxicomane-injecteur
centré sur une consommation unique qui arrivait souvent en prison en
état de manque aurait même, selon le rapport IGAS-IGSJ, quasiment
disparu. Cette diminution traduit avant tout une modification des pratiques
toxicomaniaques. En effet, la moindre disponibilité de
l'héroïne et son coût élevé ont amené le
développement d'autres consommations plus accessibles. Les
médicaments et la cocaïne, dont le prix tend à diminuer,
connaissent une extension importante. On assiste également à
l'augmentation de la consommation d'autres produits dans le cadre d'une
polytoxicomanie associant cannabis, alcool et produits divers (ecstasy, LSD).
IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.23. P. Bouhnik, E. Jacob, I.
Maillard, S. Touzé. L'Amplification des risques chez les usagers de
drogues : prison - polyconsommations - substitution. RESSCOM.
1999. Cité in Dhérot Jean, Stankoff Sylvie, Rapport
de la mission santé-justice sur la réduction des risques,
op.cit., p.27.
* 799 Les Antennes ont de
multiples missions accueil de tous les entrants, recueil des donnés
épidémiologiques, coordination des actions mises en oeuvre en
faveur des toxicomanes, préparation à la sortie des personnes
dont elles assurent le suivi, notamment avec le dispositif
spécialisé extérieur. Aux termes du décret du 29
juin 1992, les Antennes de lutte contre la toxicomanie ont changé de
dénomination en devenant des Centres de soins spécialisés
aux toxicomanes (CSST), acquérant ainsi le même statut et la
même dénomination que les centres de soins extérieurs. Il
existe actuellement 16 CSST (Antennes toxicomanies) situées dans les
plus grandes maisons d'arrêt pourvues de SMPR représentant environ
28,5% de la population incarcérée. Par ailleurs, 57
établissements pénitentiaires regroupant 49% de la population
incarcérée au 1 er janvier 99, relèvent d'un CSST en
milieu libre à même d'intervenir en prison. 129
établissements ne peuvent bénéficier d'aucune prise en
charge de CSST. Ces établissements font souvent appel au dispositif
associatif extérieur. IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.73.
* 800 Ibid.,
p.75.
* 801 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 802 Il semblerait qu'un
autre sujet de conflit entre les deux structures soit la divergence de
modèle thérapeutique en matière de soin de la toxicomanie
puisque tandis que l'Antenne est hostile à toute médicalisation,
le soin de la toxicomanie proposé par le SMPR est fortement
médicalisé. Le personnel du SMPR de Lyon ne serait toutefois que
passablement favorable à la médicalisation du soin de la
toxicomanie comme cela sera abordé par la suite.
* 803 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 804 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 805 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.76.
* 806 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 807 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 808 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 809 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 810 Auditions de la
Commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons
françaises, « Audition de Mme Nicole Maestracci, Présidente
de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie», source : Assemblée nationale.
* 811 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.151
* 812 Auditions de la
Commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons
françaises, « Audition de M. Evry Archer, Président, de M.
Philippe Carrière et de M. Gérard Laurencin, au nom de
l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire
ASPMP», source : Assemblée nationale.
* 813 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 814 Source :
Ministero Giustizia, Dipartimento Amministrazione Penitenziaria. Cité
dans Bertelli Bruno, « Le politiche penitenziarie », in
Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, Luca Fazzi,
Antonio Scaglia, FrancoAngeli, Milan, 2001, p.161.
* 815 Bertelli Bruno,
« Le politiche penitenziarie », art.cit.,
p.151.
* 816 Les premières
mesures de peines alternatives à la détention carcérale
sont introduites par la loi de réforme pénitentiaire L.354 de
1975. Cette mesure, qualifiée de « révolution
culturelle du milieu carcéral » par Bruno Bertelli,
était d'autant plus innovante que la majorité des pays
européens adoptaient alors des politiques strictement
répressives. Mais si le principe a été établit,
l'application demeure faible en raison d'un manque de directives. La cadre
d'application de la loi n'apparaît qu'en 1984, d'abord pour les
incarcérations préventives puis pour les peines allant
jusqu'à deux ans et demi (1985) puis jusqu'à trois ans (loi 663
de 1986 connue comme loi Gozzini). Bertelli Bruno, « Le politiche
penitenziarie », in Tossicodipendenze e politiche sociali
in Italia, op.cit., p.144
* 817 Ce régime est
applicable pour les peines inférieures à quatre ans et ne peut
être utilisé que deux fois pour une même personne. Le
toxicomane s'engage à entreprendre et à mener à terme un
programme thérapeutique. Cette attribution temporaire aux services
sociaux s'accompagne de la suspension provisoire de 5 ans (art.90) de
l'exécution de la peine (d'une durée maximale de quatre ans).
Celle-ci est classée en cas de réussite du programme
thérapeutique entrepris. L'étendue de ces mesures est bien
sûr décidée en considération de la gravité
des faits imputés au toxicomane.
* 818 Ibid.,
p.142.
* 819 Luca Morici estime
dans ce sens : « Le système pénal résout ainsi
l'oscillation paradoxale entre une définition sociale de la toxicomanie
comme déviance ou comme maladie, considérant la personne
toxicomane comme déviante pour la traiter par la suite comme
malade». Morici Luca, « Tossicodipendenza e carcere : tra punizione e
cura », art.cit., p.155.
* 820 Le recours aux
mesures alternatives a été massif à partir de 1990. Le
nombre de toxicomanes bénéficiant de telles mesures est
passé de 2 386 en 1992 (soit 41,9% de l'ensemble des mesures
prononcées) à 4 541 en 1994 (soit 38,4%) puis à 5 985 en
1997 (34,2%), ce chiffre est redescendu à 3 746 en 1999 (25,1).
Source : Ministero della Giutizia- Dipartimento Amministrazione
penitenziaria. Extrait de Bertelli Bruno, « Le politiche
penintenziarie », in Tossicodipendenze e politiche
sociali in Italia, op.cit., p.152.
* 821 La toxicomanie serait
désormais devenue au sein du système pénal italien une
« circonstance atténuante » incitant par ailleurs
certains détenus à recourir aux stupéfiants. Entretien
n°28, Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison » de la
communauté « Villa Maraini ».
* 822 Entretien n°21,
Marco Brucci, responsable d'une communauté thérapeutique
située à Rome.
* 823 Luca Morici
évoque un sentiment d'instrumentalisation de la part des intervenants en
communautés thérapeutiques. Morici Luca, « Tossicodipendenza
e carcere : tra punizione e cura », art.cit., p.156.
* 824 Entretien n° 20,
Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les toxicomanies de Rome.
* 825 Entretien n° 20,
Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les toxicomanies de Rome.
* 826 Entretien n°21,
Marco Brucci, responsable d'une communauté thérapeutique
située à Rome.
* 827 Morici Luca, «
Tossicodipendenza e carcere : tra punizione e cura », art.cit.,
p.153.
* 828 Entretien n°28,
Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison » de la
communauté « Villa Maraini ».
* 829 Ce constat est
d'autant plus pertinent que les magistrats sont d'ailleurs plus favorables aux
communautés thérapeutiques qui représenteraient la forme
de conjugaison la plus réussie entre le principe thérapeutique et
le principe de discipline. C'est ainsi qu'une communauté telle que
San Patrignano, fortement marquée par un mode de fonctionnement
coercitif, bénéficie fréquemment de la
préférence des magistrats en raison des garanties de
sécurité qu'elle représente. Morici Luca, «
Tossicodipendenza e carcere : tra punizione e cura », art.cit.,
p.160.
* 830 Entretien n°28,
Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison » de la
communauté « Villa Maraini ».
* 831 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 832 La communauté
Villa Maraini située à Rome constitue un bon exemple de ce genre
d'expérimentation malgré les nombreuses difficultés
qu'elle a dû affronter durant ses quinze années de
fonctionnement : « Villa Maraini est également une
communauté assez spécifique dans le sens où une partie du
personnel est rattachée au Sert et une partie fonctionne en tant que
communauté. C'était une situation pilote en Italie car ils sont
les premiers à avoir adopté cette intégration. [...] Cette
intégration était très difficile car le public a
cherché à plusieurs reprises à retirer son personnel
». Entretien n° 20, Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les
toxicomanies de Rome.
* 833 Entretien n°23,
Alessandra Costa, psychologue au Centre de détention pour mineurs de
Rome.
* 834 La phase la plus
importante du soin de la toxicomanie en milieu carcéral, afin de
bénéficier d'un soin spécifique en détention ou de
l'application des mesures alternatives, constitue la certification de la
toxicomanie. Celle-ci s'effectue à partir de l'observation de
l'état d'abstinence du détenu et de ses manifestations physiques
ou selon les traitements de substitution qu'a pu éventuellement suivre
le détenu à l'extérieur auprès d'un Sert. En
l'absence d'une définition valable d'un état d'abstinence pour
l'alcoolisme et la cocaïnomanie ou de traitements de substitution qui leur
correspondent, leur certification demeure souvent problématique.
Entretien n°21, Marco Brucci, responsable d'une communauté
thérapeutique située à Rome.
* 835 Entretien n°28,
Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison » de la
communauté « Villa Maraini ».
* 836 On peut tenir pour
preuve de cette hypothèse le fait que les petits établissements
français qui ne disposent pas d'un dispositif sanitaire très
développé ont tendance à recourir plus volontiers au
système associatif, comme en témoigne une assistante sociale qui
souligne le contraste entre les prisons de Lyon et le précédent
établissement où elle travaillait, où le service
médical était quasi-inexistant : « A Meaux il n'y
avait personne de spécialisé dans la prise en charge.
J'étais en lien avec une association extérieure qui s'occupait
des détenus pour les problèmes de toxicomanie. Après
j'étais en lien avec une association qui s'occupait des gens qui avaient
des problèmes d'alcool [...] C'était surtout dans le but de
créer des liens avec des structures extérieures dans un objectif
de préparation à la sortie ». Entretien n°11, S.
Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 837 Cette
hypothèse ne serait pas seulement valable en matière de prise en
charge de la toxicomanie mais également pour l'ensemble du dispositif
sanitaire en prison, bien qu'elle semble davantage visible dans le soin des
addictions.
* 838 Les programmes de
substitution consistent à administrer des substances pharmacologiques
aux toxicomanes par voie orale (sirop, comprimés) permettant de
remédier au sentiment de manque en cas de sevrage. Ils offrent au
soignant une pluralité d'avantages thérapeutique : une
stabilisation comportementale, la réduction de la consommation
d'héroïne, l'amélioration de l'état de santé
du sujet, la réduction de la mortalité, la réduction des
comportements criminels liés à la drogue et l'amélioration
générale de la position sociale du toxicomane. Bien qu'il existe
plusieurs substances de substitution, dont certains étaient
utilisés depuis longtemps comme produit de substitution de façon
illégale, la méthadone est rapidement devenue le produit de
substitution le plus utilisé dans le monde. Cf., Touzeau Didier, Bouchez
Jacques, La Méthadone, Revue documentaire toxibase, 1998, 12p.
* 839 L'acceptation de la
politique de réduction des risques par la France a rencontré de
nombreux obstacles. L'introduction de la méthadone n'a pas eu lieu avant
1995. Les intervenants spécialisés, les administrations et
responsables politiques étaient en effet réticents à la
diffusion des traitements de substitution. La lecture de la toxicomanie demeure
à l'époque essentiellement sociale ou psychologique. Le consensus
anti-substitution a maintenu pendant une vingtaine d'années la
méthadone dans un statut expérimental et extrêmement
marginal. L'arrivée de Bernard Kouchner au ministère de la
Santé au début de l'année 1992 marque néanmoins un
tournant dans la politique de soin. Le soutien des autorités sanitaires
locales (DDASS) rend alors possible la création de centres
méthadone. Entre 1993 et 1995, la France est passée de 3 centres
méthadone pour 52 places à 45 centres pour plus de 1 600 places.
Le processus de diffusion de la méthadone semble alors lancé.
Deux circulaires affirment en 1995 le choix de la substitution en tant que
volet essentiel de la politique de santé publique. Cf., Bergeron Henri,
L'Etat et la toxicomanie, histoire d'une singularité
française, op.cit., p.292.
* 840 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 841 Une enquête
menée par la DH/DGS en 1998 et 1999 sur la base d'un questionnaire
adressé à toutes les unités médicales
implantées en milieu pénitentiaire relève que sur un peu
plus de 50 000 personnes écrouées, 1653 détenus
bénéficiaient d'un traitement de substitution Alors qu'ils
représentaient 2% de la population carcérale en 1998, ce taux
atteint 3,3% en 1999. IGAS-IGSJ, L'organisation des soins aux
détenus. Rapport d'évaluation, op.cit., p.79.
* 842 Ainsi, la maison
d'arrêt de Nîmes est décrite comme le
« numéro un au hit-parade de la substitution » avec
300 programmes au Subutex par an sur les 400 détenus qu'abrite
l'établissement. A l'inverse, à Fleury-Mérogis sur 5.000
détenus, 223 sont sous traitement de substitution. Schnall.,
« Les traitements de substitution et la prison »,
Maintenant la lettre, n° 25 juin 1998.
* 843 Ibid.
* 844 Archer E.,
« Les traitements de substitution en milieu carcéral :
évolutions des attitudes thérapeutiques », Le
journal de l'éducation pour la Santé en Picardie, n°4,
décembre 2001, p.11.
* 845 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.79.
* 846 Une enquête de
l'ORS PACA souligne les nombreuses interruptions : 73 % des détenus sous
méthadone et 60 % des détenus sous Subutex déclarent que
leur traitement a été interrompu lors de leur
incarcération. Dhérot Jean, Stankoff Sylvie, Rapport de la
mission santé-justice sur la réduction des risques,
op.cit., p. 48.
* 847 En effet une
étude souligne que 52 % des usagers qui pratiquaient l'injection durant
les quatre semaines précédant l'incarcération et qui ont
eu leur traitement au Subutex interrompu au moment de leur incarcération
se sont injecté en prison. Ibid., p.49.
* 848 On doit rappeler que
l'« école lyonnaise » de soin de la toxicomanie a
été pendant très longtemps hostile à la
médicalisation des traitements en raison de la prégnance du
modèle psychanalytique. Celui-ci serait un héritage de la
psychiatrie sociale dont l'un des fondateurs était le professeur Roche,
psychologue aux universités de Lyon. Les intervenants
spécialisés lyonnais sont demeurés dans leur
majorité hostiles aux traitements de substitution jusqu'au rappel
à l'ordre des autorités de tutelle. Entretien n°10, Mme
Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 849 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 850 La mise en place des
programmes de substitution s'est déroulée en plusieurs
étapes. Une circulaire de janvier 1995 a reconnu dans un premier temps
que tout traitement de méthadone initié à
l'extérieur put être poursuivi durant l'incarcération
(Circulaire DGS/04/SP 3 du 11 janvier 1995.). Une seconde circulaire
datée du 3 avril 1996 autorise la prescription initiale de la
buprénorphine haut dosage (Subutex) mais « essentiellement
dans la perspective d'une préparation à la sortie »
mais réaffirme en revanche l'interdiction d'une primo prescription de
méthadone. (Circulaire DGS/DH n° 96-239 du 3 avril 1996). Enfin une
dernière circulaire relative à la lutte contre l'infection par le
VIH en milieu pénitentiaire qui fait suite au rapport Gentilini aligne
en décembre 1996 le cadre réglementaire de prescription en prison
sur le milieu libre en affirmant qu'« un traitement de substitution
par la méthadone ou le Subutex peut être poursuivi ou
initié » (Circulaire n° 739 DGS/DH/DAP du 5
décembre 1996). Cf., Schnall., « Les traitements de
substitution et la prison », Maintenant la
lettre, n° 25 juin 1998 ; Brahamy Betty, « Les
traitements de substitution en prison », Swaps,
n°6., janvier 1998.
* 851 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 852 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 853 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 854 Entretien n°13,
Claire Cellier, médecin inspecteur de santé publique à la
DDASS du Rhône.
* 855 Un rapport de l'IGAS
établit que les surveillants et les directeurs d'établissement
sur-évaluent l'existence de trafic de Subutex au sein de la
détention que les personnels médicaux ont tendance à
sous-estimer ce phénomène comme c'est le cas par exemple de ce
médecin des prisons de Lyon : « Le Subutex, c'est un peu
n'importe quoi. Ils se l'injectent [...] Mais à l'intérieur de la
prison ces pratiques-là n'ont pas tellement court en fait. C'est
à l'extérieur qu'ils se les injectent. On a l'impression que la
prison c'est un peu ce qui va, entre guillemets, les sauver pendant un
temps ». Cette attitude traduit le refus d'assimiler la prison
à un milieu à risques, idée qui sera
développée par la suite. Entretien n°2, Pascal Sourty,
médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St Paul - St
Joseph depuis 1995.
* 856 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.81.
* 857 La place de la
méthadone dans la thérapie fait l'objet de nombreuses
polémiques. De nombreux auteurs s'accordent pour dire que la
méthadone ne peut constituer qu'une partie de la thérapie, le
traitement de substitution ne pouvant être entendu que dans une
conception globale de la thérapie.
* 858 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 859 Dhérot Jean,
Stankoff Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, op.cit., p.57.
* 860 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 861 Brahmy B., « Les
traitements de substitution en milieu carcéral », L'information
psychiatrique,1999, 75-1, pp.60-62.
* 862 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 863 Le
développement de la méthadone n'a pas suivi un schéma
régulier en Italie. Elle a tout d'abord a été
utilisée de façon très intensive dans toute l'Italie au
début des années 80. Puis les communautés furent
jugées comme la seconde « solution magique »
à la sortie de l'état de toxicomanie. La création des
Serts a contribué à reléguer la méthadone au second
plan en reléguant les médecins dans un rôle secondaire. A
la fin des années 80, l'épidémie de VIH a contraint
à substituer massivement l'héroïne par la méthadone.
Il semblerait cependant les Sert se soient engagés depuis quelques
années dans une stratégie inverse du ``tout méthadone''
qui leur vaut le surnom de « bar metadonici »,
« bars à méthadone ». Cf., Orsenigo Marco,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit.; Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico,
op.cit.
* 864 Le responsable du
Sert de Rebbibia raconte cet épisode : « Pendant
longtemps le directeur de la casa circondariale nous disait "Il
n'entrera pas de méthadone dans la prison car c'est une drogue". Et tout
a changé lorsqu'en 1995, un toxicomane sidéen en grave
état de santé est arrivé ici [...] Le directeur est
arrivé et nous a dit une phrase qui est restée
célèbre : "Vous devrez me passer sur le corps pour distribuer
cette drogue". Et comme nous avons distribué finalement la
méthadone, nous sommes passés sur son cadavre [...]
C'était la première prise en charge à partir de
méthadone qui a eu lieu ici. Cela a permis de faire changer les choses
puisque les autres ont été de plus en plus faciles ».
Entretien n°18, Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 865 L'utilisation de
méthadone est cependant encore laissée à l'entière
discrétion du chef d'établissement puisque la circulaire de 1999
établit qu'« aucun obstacle ou résistance ne doit
être opposée » à l'utilisation de la
méthadone, sauf « dans le cas éventuel où des
raisons graves et documentées rendraient inopportun au point de vue de
la sécurité l'utilisation de méthadone de la part des
détenus ». Cf. Springs Alice « Per uscire dal
carcere dogato», Il Manifesto, 03 juin 2002.
* 866 L.I.L.A. (Lega
Italiana Lotta A.I.D.S.), F.I.VOL. (Federazione Italiana
Volontariato), «La medicina penitenziaria è in crisi
d'identità...», 2000, disponible sur le site internet
<http://www.ristretti.it>.
* 867 Entretien n° 19,
Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les toxicomanies de Rome ;
Entretien n°21, Docteur Ambrosini, responsable du Sert de l'institut
Rome-Regina Coeli.e...
* 868 Claudio Sarzotti
observe un contraste entre le consensus des personnels, surveillants et
soignants, sur l'utilité et la légitimité des
médicaments psychotropes et la réticence à recourir aux
produits de substitution. « La légalité des
médicaments psychotropes induit beaucoup à sous-évaluer
les dangers de leur usage inapproprié tandis que les substances
stupéfiantes sont liées à une image de produits interdits
par la loi et dont l'usage thérapeutique n'est pas admissible ».
Sarzotti Claudio, "Prevenzione Aids in carcere : il ruolo della cultura
professionale degli operatori penitenziari", art.cit., p.73.
* 869 Entretien n°23,
Alessandra Costa, psychologue au Centre de détention pour mineurs de
Rome.
* 870 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 871 Caruso R., Guelfi
G-P., Lamberti E., Mollica M., «La terapia metadonica tra carcere e misure
alternative alla detenzione», in Gatti U., Gualco B., Carcere
e territorio, Milano, Giuffre Ed., 2003, pp.219-226.
* 872 Entretien n°17,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia ;
Entretien n°26, Laura Passaretti, sous-directrice de
l'établissement pénitentiaire Nuovo complesso (Rebbibia).
* 873 Une enquête
révèle le cas d'un toxicomane incarcéré à
Rebbibia qui était déjà sous traitement de substitution
à son arrivée et qui a été forcé de
réduire sa dose de méthadone de 56 milligrammes à 18
milligrammes en vingt jours, l'exposant ainsi à un manque important.
L.I.L.A. (Lega Italiana Lotta A.I.D.S.), F.I.VOL. (Federazione Italiana
Volontariato), «La medicina penitenziaria è in crisi
d'identità...», op.cit.
* 874 Entretien n°21,
Docteur Ambrosini, responsable du Sert de l'institut Rome-Regina Coeli.e...
* 875 Entretien n° 20,
Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les toxicomanies de Rome.
* 876 Entretien n°21,
Docteur Ambrosini, responsable du Sert de l'institut Rome-Regina Coeli.e...
* 877 Entretien n° 20,
Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les toxicomanies de Rome.
* 878 Entretien n°21,
Docteur Ambrosini, responsable du Sert de l'institut Rome-Regina Coeli.e...
* 879 Entretien n°19,
Ludovico Parisi, médecin vacataire auprès de l'institut de
Rome-Rebbibia.
* 880 L.I.L.A. (Lega
Italiana Lotta A.I.D.S.), F.I.VOL. (Federazione Italiana Volontariato),
«La medicina penitenziaria è in crisi d'identità...»,
op.cit.
* 881 Entretien n°21,
Docteur Ambrosini, responsable du Sert de l'institut Rome-Regina Coeli.e...
* 882 Entretien n°28,
Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison » de la
communauté « Villa Maraini ».
* 883 Au début des
années 90, constatant que beaucoup d'usagers de drogues étaient
dans des situations de grande précarité (très
démunis, sans domicile fixe) et n'avaient pas de lien avec le
système de prise en charge, une psychologue a imaginé un
dispositif d'encadrement pour la sortie. Fut mis alors en place le quartier
intermédiaire sortants (QIS). Quelques semaines avant le dernier mois de
détention, une psychologue sélectionne une dizaine de
détenus parmi ceux qui sont dans la plus grande détresse. Le QIS
a pour but, durant quatre semaines avant la sortie, de les aider à
préparer de manière intensive leur intégration dans la vie
: problèmes d'hébergement, de santé, de formation, etc.
Tous les matins, des ateliers sont ainsi proposés. Conseil national du
Sida, Rapport et recommandations sur les traitements
à l'épreuve de l'interpellation. Le Suivi des traitements en
garde à vue, en rétention et en détention,
op.cit., p.31.
* 884 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 885 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 886 Entretien n°11,
S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de
Lyon.
* 887 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 888 Une évaluation
effectuée auprès de l'ensemble des unités montre que ce
dispositif a touché que 265 détenus en 1998 alors qu'il est mis
en place dans les maisons d'arrêt les plus importantes ( la Santé,
Fresnes, les prisons de Lyon, les Baumettes, entre autres). IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.75.
* 889 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 890 Entretien n°17,
Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon.
* 891 Bianchetti R.,
Leggieri G., «struttura a custodia attenuata di II livello nella casa
circondariale «Le Valette» di Torino: programma Arcobaleno»,
in Gatti U., Gualco B., Carcere e territorio, Milano, Giuffre
Ed., 2003, pp.205-218.
* 892 Les objectifs des
unités sans drogue sont de protéger les toxicomanes qui le
désirent d'une confrontation possible à la drogue durant leur
détention par l'isolement et des propositions d'activités
multiples. Il y a une intention de réinsertion à plus long terme
à travers l'instauration de soins spécifiques assurés par
une équipe polyvalente spécialisée (acteurs de soins,
travailleurs sociaux et surveillants) et la recherche d'une continuité
de la prise en charge à la libération. Ces unités sont
particulièrement développées en Europe du Nord tels qu'aux
Pays-bas ou en Suède. Emmanuelli (Julien), Usage de drogues,
sexualité transmission des virus VIH, hépatites B et C et
réduction des risques en prison à travers le monde : état
des lieux et mise en perspective. Revue de littérature, Paris, RNSP,
1997.
* 893 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 894 Cette unité
accueille actuellement 88 personnes pour une capacité de 120 places
selon son responsable.
* 895 Entretien n°28,
Eugenio Iaffrate, responsable du projet « prison » de la
communauté « Villa Maraini ».
* 896 Entretien n°26,
Laura Passaretti, sous-directrice de l'établissement
pénitentiaire Nuovo complesso (Rebbibia).
* 897 Entretien n°31,
Corinna Proietti, psychologue au Sert de Rebbibia.
* 898 Entretien n°18,
Sandro Libianchi, directeur du Sert de l'institut de Rome-Rebbibia.
* 899 Cf., Bergeron Henri,
L'Etat et la toxicomanie, histoire d'une singularité
française, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, 370 p.
* 900 Simone Piccone Stella
remarque que le parcours thérapeutique du toxicomane est inversé
dans la réduction des risques puisque le toxicomane est accepté
pour ce qu'il est, sans qu'on lui impose de changer de comportement. La
réduction des risques est née comme un ensemble de mesures
sanitaires et sociales pour répondre de façon pragmatique
à l'épidémie de Sida mais aurait favorisé une
nouvelle conception du soin de la toxicomanie. Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.102.
* 901 Nous n'entendons pas
ici la réduction des risques dans son sens initial de
« politique de santé publique visant à minimiser les
effets néfastes que l'usage de drogues peut entraîner chez le
consommateur », mais de façon plus générale en
tant que politique permettant de limiter les risques d'infection à VIH
en milieu carcéral. Conseil national du Sida, Les risques liés
aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour
une reformulation du cadre législatif, op.cit.
* 902 Il ressort ainsi
d'une enquête ORS PACA réalisée en 1998 que parmi les
usagers de drogues par voie intraveineuse encore actifs à
l'entrée en détention (n=97), 44 % déclarent s'être
déjà injecté de la drogue au cours d'un séjour en
prison (43 personnes), 28 % se sont injecté un produit au cours des
quatre dernières semaines d'incarcération (27 personnes) et 7 %
ont commencé à s'injecter des produits en détention (7
personnes). ORS PACA. Réduction des risques de l'infection à
VIH et des hépatites en milieu carcéral : prévalence des
pratiques à risques et analyse des contraintes et de la
faisabilité des programmes de réduction des risques en milieu
carcéral. Rapport final 1998. Cité in
Dhérot Jean, Stankoff Sylvie, Rapport de la mission
santé-justice sur la réduction des risques, op.cit.,
p.31
* 903 Une étude
multicentrique européenne relève que
« l'incarcération ne signifie pas l'arrêt de toutes
consommations de drogues, en l'occurrence de produits injectables
(héroïne, cocaïne). Paradoxalement la détention peut
même être un temps d'initiation à certaines formes de
consommation ». Rotily (M.), Weilandt (C.), Gore (S.), Kall (K.), Jandolo
(E.), De Jong(W.), Van Haastrecht (H.). Prévalence des pratiques
à risque de transmission du VIH et des virus des hépatites chez
les usagers de drogues intraveineuses en milieu carcéral : une
enquête multicentrique européenne, Epidémiologie et
évaluation en toxicomanie. 25-26 septembre 1997, Lausanne, Suisse,
p.441.
* 904 Transcriptase,
Dossier spécial prisons, n°34, avril 1995.
* 905 Welzer Lang D.,
Mathieu L., Faure M., Sexualités et violences en prison,
op.cit., p.223.
* 906 Dhérot Jean,
Stankoff Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, op.cit., p.30.
* 907 Ibid.,
p.31.
* 908 Daniel Welzer Lang,
Lilian Mathieu et Michael Faure ont établi une recherche au début
des années quatre-vingt-dix sur les abus sexuels en prison. Ils
retracent les réticences des anciens détenus à aborder la
question : «Nous nous sommes trouvés face à un mur du
silence, ou ceux et celles qui savaient ou du moins qui étaient
censé savoir, en particulier ceux et celles ayant vécu
l'incarcération, affichaient une attitude commune [...] Ce dispositif
collectif du déni peut être comparé à ce que nous
avions vécu lorsque nous avions enquêté sur l'inceste et
le viol ». Welzer Lang D., Mathieu L., Faure M., Sexualités et
violences en prison, op.cit., p.22.
* 909 ORS PACA.
Réduction des risques de l'infection à VIH et des
hépatites en milieu carcéral : prévalence des pratiques
à risques et analyse des contraintes et de la faisabilité des
programmes de réduction des risques en milieu carcéral.
Rapport final 1998.
* 910 M. Rotily, A.
Galinier-Pujol, R. Hajjar, Epidémiologie de l'infection à
VIH et des hépatites virales en milieu carcéral,
Réseau Européen de Recherche sur la prévention du
Sida/hépatites en milieu carcéral, Texte de la communication lors
du premier congrès des médecins pénitentiaires, Nantes,
Mars 1997.
* 911 Le tatouage constitue
une autre pratique à risque susceptible de transmettre les virus du Sida
ou des hépatites. Sur l'ensemble des détenus, 19 % ont
déclaré à l'ORS PACA s'être tatoués en
détention. Les tatouages se font avec du matériel provenant de
différents objets et les mesures d'hygiène sont succinctes
puisqu'elles consistent avant tout à brûler l'aiguille au briquet
et quelque fois à changer l'aiguille. Dhérot Jean, Stankoff
Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la réduction
des risques, op.cit., p.33
* 912 Quelques
études épidémiologiques ont déjà mis en
évidence l'existence de cas de transmission du VIH, du VHB et du VHC en
prison. La plus importante a sans doute été
réalisée dans la prison de Glenochil, (Ecosse) au décours
de l'investigation d'une épidémie d'hépatites B
symptomatiques. Les auteurs ont montré que 43% des UDIV
incarcérés à ce moment-là s'étaient
injectés de la drogue. Sur 27 de ces usagers actifs en prison qui ont
accepté d'être testés avec 135 autres détenus, 12
étaient séropositifs, dont au moins 8 après contamination
dans l'enceinte de la prison lors du partage du matériel d'injection
(quasi-systématique à Glenochil) pendant le premier semestre
1993. Christie B, "HIV outbreak investigated in Scottish jail", 1993,
British Medical Journal, 307(6897), pp.151-152. Taylor A, "Outbreak of
HIV infection in a Scottish prison", 1995, British Medical Journal,
310(6975), pp.289-292. Cité in Emmanuelli Julien., Usage de
drogues, sexualité, transmission du VIH, VHB, VHC et réduction
des risques en prison à travers le monde, op.cit..
* 913 C'est ainsi qu'en
1989, une note prévoyait la distribution systématique aux
sortants de prison de brochures d'information destinées à faire
connaître l'usage du préservatif et elle indiquait
également que les préservatifs devaient être mis à
disposition des personnes sortant de prison et disponibles auprès du
service médical de l'établissement pour les détenus qui en
faisaient la demande. Le préservatif n'était pas prévu en
tant que moyen de prévention en milieu carcéral mais en vue de la
sortie de prison du détenu.
* 914 Dhérot Jean,
Stankoff Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, op.cit., p.33
* 915 ONUSIDA, Le SIDA
dans les prisons, op.cit.,p.3.
* 916 Entretien n°14,
Chantal Escoffié, psychologue auprès du personnel
pénitentiaire des prisons de Lyon.
* 917 Daniel Welzer Lang,
Lilian Mathieu et Michael Faure explicitent cette dénégation du
personnel pénitentiaire: « Les représentant-e-s de
l'administration pénitentiaire, lorsque est évoqué le
thème de l'abus, tendent eux/elles aussi une attitude défensive
et embarrassées de mutisme ou de dénégation [...]
L'existence de l'abus montrerait que la prison au développement de ce
qu'elle est précisément chargée de réprimer,
à savoir la violence et l'injustice ». Les auteurs constatent
la position contradictoire de l'administration pénitentiaire qui se
situe entre une volonté pragmatique de réformer la prison et le
maintien d'une « façade » au sens que lui a donné
Erving Goffman. Welzer Lang D., Mathieu L., Faure M., Sexualités et
violences en prison, op.cit., p.29.
* 918 Entretien n°10,
Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des prisons de
Lyon.
* 919 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 920 Entretien n°12,
Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de dépistage
aux prisons de Lyon.
* 921 « La culture
juridique pénitentiaire semble se caractériser par la tendance
à considérer que le seul fait que le comportement soit interdit
limite fortement sa diffusion [...] Le Sida est un phénomène qui
arrive de l'extérieur, on ne risque pas d'être infecté en
prison puisque les comportements par lesquels il est possible d'être mis
en contact avec le virus sont interdits, la prévention n'est donc pas
indispensable ». La prison serait en mesure d'établir des
barrières infranchissables avec l'extérieur qui empêche
l'entrée de toutes les réalités non voulues. Ces
représentations sont le plus couramment présentes chez le
personnel de surveillance bien qu'elles puissent aussi être
présentes au sein du personnel médical. Sarzotti Claudio,
«Prevenzione Aids in carcere : il ruolo della cultura professionale degli
operatori penitenziari», art.cit., pp.35-37.
* 922 Buffa P., Sarzotti
C., "La relazione culturale all'Aids dell'universo carcerario: dall'espulsione
al controllo interno", in Dei Delitti e delle Penne, I, 3,
p.209.
* 923 Ce constat est
d'autant plus valable en Italie où les collaborations entre le
ministère de la Santé et l'administration pénitentiaire
sont quasiment inexistantes au début des années 90 et se
résument à l'organisation du dépistage de la population
carcérale. Les campagnes de prévention contre le Sida,
inaugurées en 1988 en Italie, n' intègrent les surveillants
pénitentiaires comme cible qu'à partir de 1991 et les
détenus à partir de 1996. La collaboration entre les deux
institutions reste cependant quasiment nulle en terme de formation du
personnel. Giordano Valeria, "AIDS in carcere tra informazione e formazione",
in Faccioli Franca, Giordano Valeria, Claudio Sarzotti, L'Aids nel
Carcere e nella società, op.cit., p.85.
* 924 Entretien n°26,
Laura Passaretti, sous-directrice de l'établissement
pénitentiaire Nuovo complesso (Rebbibia).
* 925 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 926 Un médecin qui
avait mis en place un groupe de parole spécifique auprès des
détenus raconte son expérience avec le personnel de surveillance:
« Oui, très souvent j'en rencontrais dans les couloirs et on
commençait à discuter. Ils me posaient des questions sur leurs
propres peurs [...] Ce qui ne pouvait pas se dire dans une réunion ou
autour d'une table de façon plus officielle se faisait comme cela de
façon informelle ». Entretien n°7, Docteur Gilg,
médecin à la Consultation de dépistage (CDAG) de
l'Hôpital Edouard Herriot.
* 927 Dominique Lhuilier
note ainsi que les campagnes d'information- formation restent souvent
impuissantes à modifier le risque de contagion liée au
Sida : « L'information relative aux affections opportunistes
brouille les repères : le Sida n'est pas une maladie identifiable
à des signes cliniques propres. D'où un double processus de
dilution et d'amplification de la figure du Sida. Tout symptôme est
susceptible à la fois de masquer et de révéler la
maladie ». Lhuilier D., Aymard N., L'Univers pénitentiaire.
Du côté des surveillants de prison., op.cit.,
p.94.
* 928 Valeria Giordano
souligne la nécessité de ne pas accroître le sentiment de
peur et de dangerosité face à la maladie, ce qui risquerait
d'être contre-productif dans un message de prévention. Ce risque
est d'autant plus grand en milieu carcéral en raison de la
promiscuité. Giordano Valeria, "AIDS in carcere tra informazione e
formazione", art.cit., p.89.
* 929
« Même s'ils [les surveillants] connaissent les modes de
contamination, les conduites à tenir face au risque professionnel qu'est
le sang, ils expriment pour la plupart une difficulté à
intervenir. Cette « dissonance cognitive » fait
naître chez eux un malaise dans la mesure où ils ne peuvent
modifier la réalité de ce qui se joue, et entraîne par voie
de conséquence une peur irrationnelle, non seulement d'être
contaminé, mais plus encore d'être un vecteur de contamination
pour leur entourage ». Stephan Isabelle,
« Représentations et pratiques professionnelles des
surveillants », Le journal du Sida, n°104, mai 1998,
pp.22-23.
* 930 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 931 Plusieurs
enquêtés soulignent le manque de pertinence des dépliants
informatifs distribués aux détenus qui sont souvent
inadaptés à une population très marginalisée et
fortement immigrée qui maîtrise mal l'usage écrit de la
langue. Entretien n°3, Mme Marié, directrice adjointe des prisons
de Lyon depuis 1999 ; Entretien n°12, Patrick Caillon,
médecin effectuant une Consultation de dépistage aux prisons de
Lyon.
* 932 La
légitimité du médecin apparaît comme centrale dans
ce type de prévention. L'information est perçue comme une
donnée quantitative pouvant agir de façon directe sur le
comportement des individus. A l'inverse, Simoni décrit un second
modèle de prévention information qui repose sur l'instauration
d'un rapport différent entre les opérateurs et les
détenus. Simoni S, "Aids e modelli di rischio", Dei Delitti e delle
Pene, 1994, IV, 1, pp.127-146.
* 933 La mission
santé justice sur la réduction des risques remarque ainsi le lien
inverse entre la promiscuité et la propension des détenus
à protéger leur intégrité physique ou à
prendre en charge leur santé. Dhérot Jean, Stankoff Sylvie,
Rapport de la mission santé-justice sur la réduction des
risques, op.cit., p.67..
* 934 Ronconi S.,
"Informazione e prevenzione in ambito penitenziario: progetti, interventi ed
esperienze", in Magliona B., Sarzotti C., La prigione malata.
Letture in tema di AIDS, carcere e salute, L'Harmattan, Italia, Torino,
pp.155-174.
* 935 C'est le cas par
exemple sur les prisons de Lyon où l'association AIDES organisait des
formations auprès du personnel de surveillance et des détenus
jusqu'à la moitié des années quatre-vingt-dix. Les groupes
de pairs n'ont en revanche jamais été développés. A
Rome, en revanche plusieurs communautés thérapeutiques organisent
des formations et des groupes de discussion, notamment auprès des
toxicomanes, en milieu carcéral. Le séjour en communauté
semble assez propice également à la transmission de messages de
prévention en raison du rapport de confiance qui s'établit entre
l'opérateur et le détenu comme le souligne un directeur de
communauté thérapeutique. Entretien n°21, Marco Brucci,
responsable d'une communauté thérapeutique située à
Rome.
* 936 Giordano Valeria,
"AIDS in carcere tra informazione e formazione", art.cit., p.95.
* 937 L'Organisation
mondiale de la santé adopta une déclaration commune en novembre
1987 afin d'inciter les autorités carcérales à mettre en
place une politique globale de prévention du VIH/Sida en
légalisant notamment la distribution de préservatifs en prison.
Ces mesures seront réitérées dans une directive de
septembre 1992. La recommandation 1080 du Conseil de l'Europe adoptée le
30 juin 1988 préconise la mise en place de l'ensemble des mesures
préventives en détention dont la distribution de
préservatifs et « en dernier ressort » la mise
à disposition de seringues et aiguilles à usage unique. Ces
directives reposent toutes sur le principe d'équivalence comme le
remarque Agnès Olive : « L'économie
générale des recommandations réside en effet dans la
volonté d'instaurer au sein des établissements
pénitentiaires des mesures préventives et thérapeutiques
identiques au dispositif sanitaire général des différents
pats, afin que les prestations de santé au sein des prisons (en ce qui
concerne le Sida tout particulièrement) soient de qualité
comparable à celles qui existent à
l'extérieur ». Olive Agnès, « Le Sida en
prison (ou le bilan de la santé publique en milieu
carcéral) », Revue pénitentiaire, n°2/4,
1998, p.313.
* 938 Entretien n° 20,
Ignazio Marconi, responsable de l'Agence pour les toxicomanies de Rome.
* 939 Entretien n°25,
Mme Covelli, sous-directrice de l'établissement pénitentiaire
Nuovo complesso (Rebbibia).
* 940 Entretien n°27,
Anna-Maria Pisacone, responsable du bureau « Sida » de la ville de
Rome.
* 941 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 942 C'est la
décision qui a été adoptée par exemple en Autriche
où les préservatifs sont disponibles en détention ou en
Belgique, en Espagne et en Suède où ils constituent un produit
cantinable.
* 943 C'est le cas au
Danemark, en Finlande, au Luxembourg, au Portugal et en France.
* 944 Gentilini Marc,
Problèmes sanitaires dans les prisons, op.cit., p.21
.
* 945 « D'une
façon générale, la mission considère que la remise
systématique de préservatifs à l'entrée, pendant la
détention ou à la sortie n'est pas à retenir. Outre une
dévalorisation de l'outil, la remise systématique de
préservatifs par l'administration pénitentiaire ou les services
médicaux risque de renvoyer un message ambigu et d'être
interprétée comme une incitation à avoir des relations
sexuelles dans des circonstances qui n'y sont pas favorables ».
Dhérot Jean, Stankoff Sylvie, Rapport de la mission
santé-justice sur la réduction des risques, op.cit.,
p.54.
* 946 ORS PACA.
Réduction des risques de l'infection à VIH et des
hépatites en milieu carcéral : prévalence des pratiques
à risques et analyse des contraintes et de la faisabilité des
programmes de réduction des risques en milieu carcéral.
Rapport final 1998.
* 947 "L'un des principaux
obstacles à une réelle politique de prévention du Sida
dans les prisons françaises pour hommes est en fait l'homophobie.
Celle-ci constitue [...] une contrainte particulièrement forte qui joue
un effet déterminant sur les discours, attitudes et pratiques des
détenus. Tant que le fait de prendre un préservatif mis à
disposition à l'infirmerie de la prison sera interprété
comme un aveu implicite que l'on est « pédé », et en ce
sens un des individus les plus méprisables de la hiérarchie
carcérale, il est probable que la prévention restera un voeu pieu
». Welzer Lang D., Mathieu L., Faure M., Sexualités et violences
en prison, op.cit., p.235.
* 948 Howard Becker est le
premier à décrire dans sa sociologie de la déviance le
processus d'étiquetage qui peut-être à l'origine d'une
marginalisation de l'individu qui cherche alors à répondre aux
normes sociales en vigueur. Becker, Outsiders. Etudes de sociologie de la
déviance, Paris, Métailié, 1985
(1ère ed. 1963), pp.201-205.
* 949 C'est pourquoi
l'idée d'une distribution systématique, comme à
l'entrée en détention, qui constituerait une solution possible
aux dysfonctionnements du dispositif actuel, est souvent refusée. Elle
pourrait en effet accroître le sentiment de malaise de la part des
détenus. Chauvin Isabelle, La santé en prison,
op.cit., p.79.
* 950 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 951 On peut remarquer de
façon plus générale que l'une des étapes
fondamentales des politiques de lutte contre le Sida fut, comme l'explique
Monika Steffen, le développement de vastes campagnes d'éducation
sexuelle qui prenaient place dans un domaine intermédiaire entre la
sphère de la vie privée et publique. Cf. Steffen Monika, Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., pp.61 et suiv.
* 952 « Le
débat sur les préservatifs mis à la disposition des
détenus pour prévenir la transmission aux sexuels du VIH me
paraît également une manière bien étriquée
d'aborder le problème de la sexualité dans les prisons [...]
Comme il est difficile de demander à l'Administration d'organiser la
transgression de sa réglementation, c'est le médecin qui remplace
le distributeur automatique de préservatifs, le secret médical
étant commode pour élever une barrière entre la
règle et la pratique, barrière d'autant plus pratique que la
prison étant un milieu totalement «transparent », aller
demander un préservatif au médecin est une publication de son
homosexualité. Il serait plus cohérent d'organiser la
sexualité dans les prisons sans privilégier bizarrement
l'homosexualité et de permettre l'hétérosexualité
lors des visites, sans la limiter à des acrobaties sur un tabouret. Les
parloirs sexuels existent en Espagne, en Hollande, je ne vois pas pour quelle
raison et ils ne devraient pas exister en France ». Got C., Rapport sur
le Sida, Paris, Flammarion, 1989, pp.87-89.
* 953 En effet, bien que
les détenus disposent de préservatifs, les conditions sont
très défavorables à une démarche de
prévention: « Plusieurs témoignages insistent sur les
difficultés à poser un préservatif alors qu'il faut
surveiller le comportement des surveillants, que le temps presse et que les
conditions minimales d'intimité sont loin d'être présentes.
Dans le même temps, les effets de dévalorisation de soi
liés à la situation d'incarcération,
corrélée au désir d'avoir des relations sexuelles avec un
quelqu'un avec qui on est très lié affectivement et dont on est
privé, peut agir comme un facteur de prise de risque ». Welzer Lang
D., Mathieu L., Faure M., Sexualités et violences en prison,
op.cit., p.236.
* 954 La
délégation du Comité pour la prévention de la
torture (CPT) a relevé que les relations sexuelles sont quelquefois
tolérées pendant les parloirs famille par certains surveillants
"fermant les yeux", constatant qu'elles ne pouvaient pas être
entretenues dans des conditions de dignité minimales. Cligman Olivia,
Gratiot Laurence, Hanoteau Jean-Christophe, Le droit en prison ,
op.cit., p.246.
* 955 Imaginé il y a
près de quinze ans, annoncé le 4 décembre 1997, ce projet
n'a jamais été mis en oeuvre. Les UVF seraient de petits
appartements, exempts de surveillance, accessibles à des personnes
condamnées à de longues peines. Ils pourraient concerner de 8 000
à 15 000 détenus. Faure Michael, «Humaniser pour
réinsérer. Le droit à l'intimité en
détention », Le Monde diplomatique, février 1999,
p.26.
* 956 Directive de l'OMS
sur l'infection à VIH et le Sida dans les prisons. Genève, mars
1993, 9 pages.
* 957 Welzer Lang D.,
Mathieu L., Faure M., Sexualités et violences en prison,
op.cit., p. 200.
* 958 Emmanuelli Julien.,
Usage de drogues, sexualité, transmission du VIH, VHB, VHC et
réduction des risques en prison à travers le monde,
op.cit.
* 959 Plusieurs
expériences de mise à disposition de matériel
stérile en prison ont été initiées depuis quelques
années en Suisse et en Allemagne. La première distribution de
seringues en prison a eu lieu officieusement dans le centre pénitencier
d'Oberschöngren (canton de Solothurn, Suisse) en 1995, sous l'impulsion
indépendante du médecin de la prison. Soutenue par le directeur
de la prison, cette initiative suscita la mise en place d'un programme
expérimental de réduction des risques dans la prison de femmes de
Hindelbank comportant, outre un accès facilité aux
préservatifs et la constitution de petits groupes de discussion, la
distribution unitaire d'aiguilles stériles (en échange des
seringues usagées) par le biais d'automates. L'impact de ce programme
sur le niveau de risques VIH et VHB et la consommation de drogues fut
évalué. Il en ressort tout d'abord que la proportion des
utilisateurs de drogues (héroïnomanes et cocaïnomanes) en
prison est demeurée stable (40%), comme le taux des injecteurs parmi ces
consommateurs (70%). En revanche, le taux de partage a
régulièrement chuté passant de 50% à pratiquement
0%. Aucune séroconversion au VIH ou au VHB n'a été
observé pendant cette période. Devant ce constat, les
autorités ont décidé la poursuite du programme dans son
intégralité. Emmanuelli Julien., Usage de drogues,
sexualité, transmission du VIH, VHB, VHC et réduction des risques
en prison à travers le monde, op.cit.
* 960 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 961 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 962 C'est ainsi par
exemple que plusieurs organisations (médecins du monde, AIDES, Act-Up,
Auto-Support Banlieues, l'OIP et le syndicat de la magistrature) ont
lancé une campagne pour que du matériel d'injection
stérile soit mis à disposition des détenus faisant usage
de stupéfiants par voie intraveineuse. Ces organisations s'appuient sur
le « principe d'équivalence » ainsi que la
réforme de 1994 pour exiger une qualité des soins
équivalente à celle offerte à l'ensemble de la population.
De même que le matériel d'injection est disponible en vente libre,
il devrait l'être en prison. Chauvin Isabelle, La santé en
prison, op.cit., p.81.
* 963 C'est le cas par
exemple du rapport Gentilini remis en 1997 : « Il convient de ne pas
retenir les propositions qui aboutiraient à une dispensation
systématique de matériel d'injection, dans les maisons
d'arrêt ou dans les centres de détention [...] Des citoyens ne
pourraient être incarcérés pour les délits
liés au trafic et l'usage de drogue, puis se voir remettre
légalement des seringues lors de la détention. Il y aurait
là une incohérence totale. Gentilini Marc, Problèmes
sanitaires dans les prisons, op.cit., p.21.
* 964 Dhérot Jean,
Stankoff Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, op.cit., p.61.
* 965 Ibid.,
p.61
* 966 Claudio Sarzotti
remarque que le refus catégorique d'introduire les seringues au sein de
l'institution carcérale contraste avec la flexibilité dont font
preuve les surveillants dans la négociation du règlement
pénitentiaire. En effet, plusieurs recherches qui ont porté sur
le fonctionnement interne au milieu carcéral ont mis en évidence
que « les normes juridiques sont utilisées de ce point de vue
davantage comme des "cadre argumentatif" plutôt que comme des
énoncés strictement régulateurs des comportements à
adopter en prison ». Sarzotti Claudio, "Prevenzione Aids in carcere : il
ruolo della cultura professionale degli operatori penitenziari", art.cit.,
p.60.
* 967 Ibid,
p.66.
* 968
L'épidémie de Sida amène le gouvernement allemand à
faire de la fourniture de seringues aux toxicomanes une priorité de
santé publique dès 1983. De nouveaux services proches des milieux
de vie des toxicomanes sont alors progressivement installés. C'est en
1987 que les distributions de seringues bénéficient d'un soutien
national. Cf., Monika Steffen, Les Etats face au Sida en Europe,
op.cit., pp.111-119.
* 969 La politique suisse
en matière de toxicomanie, appelée « politique des 4
piliers », intègre la réduction des risques comme l'une
de ses composantes principales. Elle part d'un « principe
d'opportunité » qui incite à ne pas appliquer la loi
lorsqu'elle peut être à la cause de troubles sociaux importants,
comme la non-intégration sociale du consommateur de drogues. La
politique des quatre piliers réalise un large accord au sein de la
population. La Suisse a réalisé une expérimentation sur
l'usage thérapeutique de l'héroïne, qui a été
élargie en 1999 à 10% des toxicomanes. Cette décision a
été entérinée après un
référendum, le 13 juin 1999, qui portait sur la prescription
médicale d'héroïne et qui a été marquée
par une victoire du « Oui » avec 54,5%. Cf., Piccone Stella
S., Droghe e tossicodipendenza, p.115 ; Zuffa G., I drogati e gli
altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.86.
* 970 En raison de
l'hermétisme des professionnels et des pouvoirs publics français,
c'est à l'extérieur du domaine de la toxicomanie que naissent les
premières tentatives de prise en compte du problème du Sida pour
les toxicomanes. L'association AIDS organise la première
campagne de prévention en matière de seringues en décembre
1985 et janvier 1986 (« Une seringue, ça ne se partage
pas ») alors que la même année la France est le seul
pays européen à interdire la vente libre des seringues. Le
facteur qui déclencha la remise en cause de la politique
française fut le scandale du « sang
contaminé ». La mise en place de la réduction des
risques apparaît dés lors comme une priorité des pouvoirs
publics : en 1992 la DGS étend les programmes d'échange de
seringues (PES) à l'ensemble des centres de soins pour toxicomanes
(Circulaire DGS/311/Sida du 5 mai 1992);; le décret du 7 mars 1995
permet aux associations de lutte contre la toxicomanie et de prévention
du Sida de pouvoir distribuer librement du matériel stérile. Cf.,
Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité
française, op.cit.
* 971 Dhérot Jean,
Stankoff Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, op.cit., p.60.
* 972 Cette mesure demeure
peu répandue au sein des autres pays. Sur trente-deux pays
recensés au sein d'une revue de littérature de l'Institut
national de veille sanitaire, seulement neuf ont mis en oeuvre une telle
action. Les motifs invoqués pour expliquer le manque d'attrait de cette
mesure par les pays qui ne l'ont pas retenue sont le risque que l'eau de Javel
soit employée comme «arme» par les détenus à
l'encontre des surveillants, contre autrui ou contre le détenu
lui-même.
* 973 La circulaire du 5
décembre 1996 prévoit la distribution à titre gratuit aux
détenus de flacons d'eau de Javel de 120 ml à 12°
chlorométrique. À ce niveau de concentration, le produit n'est
pas toxique, même en cas de projection sur la peau ou dans les yeux, et
ne présente pas de différence significative d'efficacité
avec de l'eau de Javel à 24°. Cette mise à disposition d'un
flacon se fait par l'administration pénitentiaire sous forme d'une
distribution systématique à l'entrée, gratuite et
renouvelée tous les quinze jours. Ce produit figure également sur
la liste des produits cantinables. Dhérot Jean, Stankoff Sylvie,
Rapport de la mission santé-justice sur la réduction des
risques, op.cit., p.41.
* 974 Le professeur
Gentilini précise qu'il est nécessaire que ce produit soit
disponible en fonction d'une dilution au quart, une dilution plus importante
risquerait de diminuer son pouvoir désinfectant. Il est en outre
nécessaire d'appliquer un contact prolongé, d'une durée de
20 minutes, avec l'eau de Javel afin d'obtenir une désinfection virale
complète, dans l'optique de la neutralisation des virus des
hépatites qui restent des agents infectieux résistants. Le
rapport ajoute que « l'eau de Javel est certainement très
efficace dès lors que les utilisateurs savent différencier le
nettoyage d'une procédure complète de
désinfection ». Gentilini Marc, Problèmes sanitaires
dans les prisons, op.cit., p.25.
* 975 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 976 Claudio Sarzotti
remarque que le choix de distribuer du matériel désinfectant pour
pouvoir stériliser les éventuelles seringues qui circulent
à l'intérieur de l'institution carcérale a une connotation
ambiguë du fait que le matériel désinfectant peut être
aussi bien utilisé pour l'hygiène de la cellule ou des objets
d'usage courant (rasoirs) que pour les seringues. Ces distributions constituent
cependant un mode d' « escamotage » utilisé par
les administrations pénitentiaires pour éviter les débats
sur la question de l'introduction des seringues. Sarzotti Claudio,
«Prevenzione Aids in carcere : il ruolo della cultura professionale degli
operatori penitenziari», in Faccioli Franca, Giordano Valeria,
Claudio Sarzotti, L'Aids nel Carcere e nella società. Le strategie
comunicative per la prevenzione, Roma, Carocci, 2001, p.58.
* 977 Bien que peu de
données soient disponibles sur l'emploi de l'eau de Javel par les
toxicomanes incarcérés, il semblerait qu'elle demeure
sous-utilisée. D'après une étude de l'ORS PACA, parmi les
personnes ayant déclaré s'être injecté en prison
les quatre dernières semaines de l'incarcération, 59 % (16/27)
ont indiqué qu'elles avaient utilisé de l'eau de Javel pour
nettoyer leur matériel. Dhérot Jean, Stankoff Sylvie, Rapport
de la mission santé-justice sur la réduction des risques,
op.cit., p.50.
* 978 Bien que ces deux
notions soient proches, il est nécessaire de les distinguer. Tandis que
l'éducation à la santé laisse entendre que le
projet de santé est prédéterminé par les
éducateurs, l'éducation pour la santé implique
une participation active des individus. Elle n'est pas une simple transmission
d'informations sur les risques mais implique le développement de
l'expérience personnelle, des compétences et de la
capacité de jugement des individus. Elle peut -être définie
comme «un processus créant avec les personnels et groupes les
conditions du développement de leurs capacités vis-à-vis
de la santé, valorisant leur autonomie et leurs responsabilités
». CODES Basse-Normandie, Vers un langage commun en éducation et
promotion de la santé. Contribution à un glossaire, juin
2000, pp.34-35.
* 979 La promotion de la
santé peut être définie comme « le processus qui
permet aux populations d'améliorer leur santé en leur donnant les
moyens d'un plus grand contrôle sur celle-ci » ce qui
caractérise la promotion de la santé, c'est avant tout la
participation de la population à l'action et à la
définition des objectifs de santé. Outre l'éducation pour
la santé, la promotion de la santé regroupe la santé
communautaire qui caractérise davantage une démarche collective
qu'individuelle. Ibid., p.21.
* 980 Bien que ces
précisions lexicales doivent être rappelées, les termes
d'éducation pour la santé et de promotion de la santé
seront utilisés de façon indifférente. Il ne s'agit, en
effet, pas là d'une réflexion sur les différentes
conceptions de cette démarche de prévention mais sur le sens
qu'on peut lui attribuer en milieu carcérale.
* 981 Le guide
méthodologique de la circulaire d'application du décret du 27
octobre 1994 précise ainsi que « conformément à
l'article R. 711-14 du code de la santé publique, l'établissement
de santé coordonne les actions de prévention et élabore le
programme de prévention et d'éducation pour la santé en
accord avec la direction de l'établissement pénitentiaire et les
différents partenaires concernés (préfets de région
et des départements, président du conseil général,
organisme d'assurance-maladie ainsi que les autres collectivités et
associations...) ». Ministère des Affaires sociales, de la
Santé et de la Ville, Circulaire relative à la prise en charge
sanitaire des détenus et à leur protection sociale et guide
méthodologique, 8 décembre 1994.
* 982 Wislow C.E, The
United Field of Public Health, New York, Modern Medicin, 1961, Cité
in Setbon, Michel., Pouvoirs contre Sida, op.cit.,
p.42.
* 983 On peut distinguer,
selon Olivier Faure, deux périodes du courant hygiéniste entre le
XIXème et le XXème siècle. Le
premier hygiénisme naît à la fin du
XVIIIème siècle à partir du souci
populationniste des pouvoirs publics qui cherchent les moyens de redresser la
natalité et de lutter contre la mortalité. Les problèmes
démographiques deviennent ainsi sous l`Ancien Régime des
questions politiques. Les médecins s'intéressent ainsi aussi bien
à l'environnement physique qu'à l'environnement social tel que
l'habitat ou les conditions de travail. La portée de ce premier
mouvement hygiéniste est pourtant très modeste. Celui-ci demeure
ambigu voire contradictoire, comme le souligne Olivier Faure, entre la double
exigence née de la notion de santé publique alors
émergente et le caractère libéral de la
société et de l'Etat. La santé publique se limite ainsi
à quelques mesures sans faire l'objet d'une véritable politique.
Un deuxième courant hygiéniste s'initie à la suite du
double choc que constitue la défaite de 1870 et la Commune de 1871. Il
s'agit dès lors pour les pouvoirs publics de transformer l'action
sanitaire en un élément de reconstruction d'une nation affaiblie.
Plusieurs séries de mesures de santé publiques sont
décidées qui renforcent le dispositif sanitaire existant. Les
responsables de l'action sanitaire du pays réadoptent néanmoins
progressivement une attitude de stigmatisation des classes populaires
présentées comme indisciplinées. Le discours de la maladie
punition a probablement constitué l'un des plus grands obstacles
à la progression de l'hygiénisme. Faure Olivier,
« Hygiène, hygiénisme et santé publique en
France, XIXème-XXème siècle », in
Nourisson Didier, Education à la santé. XIXème
-Xxème siècle, Rennes, Editions de l'Ecole nationale de
santé publique, 2002, pp.13-30.
* 984 Setbon, Michel.,
Pouvoirs contre Sida, op.cit., p.44.
* 985Ibid., p.38.
* 986 Robert Castel met en
évidence le passage progressif de la notion de dangerosité
focalisée sur le danger lié à l'individu à la
notion de risque qui repose sur une logique combinatoire de facteurs (de
risque). Il écrit : « On autonomise la notion de risque
par rapport à celle de danger. Un risque ne résulte pas de la
présence d'un danger précis, par un individu ou même par un
groupe concret. Il est un effet de la mise en relation de données
abstraites ou de facteurs qui rendent plus ou moins probable l'avènement
de comportements indésirables ». Cette transition s'effectue
progressivement au cours des années soixante-dix à travers la
médecine mentale puis s'étendra durant les années
quatre-vingts à l'ensemble du corps médical. Castel Robert
« De la dangerosité au risque », Actes de la
recherche en sciences sociales, n°47-48, juin 1983, pp.119-127.
* 987
L'épidémie de Sida est apparue initialement comme un fléau
limité à quelques groupes spécifiques faisant craindre
ainsi la résurgence de la notion de maladie-punition, contraire à
une logique de santé publique. C'est cependant la mobilisation des
mouvements homosexuels, comme l'explique Monika Steffen, qui permit
d'éviter cette impasse. Il s'agissait dans un premier temps pour les
associations d'obtenir une reconnaissance des pouvoirs publics comme groupe
à risques. Le mouvement s'inverse cependant rapidement. Les associations
militent alors pour une universalisation du problème, l'objectif
étant de « déshomosexualiser » le Sida.
L'association française AIDES milite par exemple dès 1985 pour
que la notion de « groupes à risques » soit
remplacée par celle de « comportements à
risques ». Steffen Monika, Les Etats face au Sida en Europe,
op.cit., pp.36-57.
* 988 Ibid,
pp.234239.
* 989 Castel Robert,
« Une préoccupation en inflation », Informations
sociales, 1993, n°26, pp.87-96.
* 990 Bergeron Henri,
L'Etat et la toxicomanie, histoire d'une singularité
française, op.cit., p.248.
* 991 L'Organisation
mondiale pour la santé (OMS) est la première à affirmer
cette définition en 1946 : « La santé, c'est non
seulement l'absence de maladie et d'infirmité, mais un complet
bien-être physique, mental et social ».
* 992 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 993 Cette charte
constitue le texte de référence pour les acteurs intervenant dans
le champ de la promotion et de l'éducation pour la santé.
Schaetzel F., in Moquet-Anger M.L. (sous la direction de),
L'éducation pour la santé : enjeux, obstacles, moyens,
Colloque pluridisciplinaire, faculté de droit de science politique de
Rennes, 24-25 septembre 1998, Ed.CFES, octobre 2001, pp.50-56.
* 994 Ce constat
amène à s'interroger sur les conditions de circulation et
d'internationalisation de ce savoir qui s'est constituée progressivement
en discipline. Pierre Yves Saunier remarque, en effet, au sujet de la
constitution d'une internationale urbaine, que l'internationalisation d'un
savoir résulte avant tout d'un travail de construction social qui
s'inscrit dans un champ de luttes spécifique. Il pourrait être
intéressant d'analyser les mécanismes par lesquels la
reconnaissance de la promotion de la santé s'est effectué, les
moyens mis en oeuvre à cette fin et surtout les protagonistes
intéressés à cette internationalisation. Il s'agit
d'opérer, selon les mots de Pierre-Yves Saunier, une
« économie générale des échanges
internationaux » qui sont avant tout des rapports de pouvoir. Saunier
P-Y., « Sketches from the Urban International »,
International Journal for Urban and Regional Research, June 2001,
(document polycopié en français, 33p.)
* 995 Le CFES est né
de l'héritage du Centre national d'éducation sanitaire,
démographique et sociale, renommé Comité français
d'éducation sanitaire en 1966, organisme privé crée par le
docteur Delore afin d'investir la place préalablement occupée par
l'Office national d'hygiène. La disparition de cette institution
publique durant l'entre-deux guerres mettait un terme provisoire au souci de
conduire au niveau central la propagande éducative pour la santé
qui a été laissée alors à l'initiative de ligues de
défense contre les fléaux sociaux (alcool, tabac, tuberculose).
Le CFES a pris sa dénomination lorsque ministère de la
Santé en a pris la tutelle en 1972. Celui-ci est devenu l'Institut
national de prévention et d'éducation pour la santé en
2002. Pinell P. (dir), Une épidémie politique. La lutte contre
le Sida en France (1981-1996), Paris, PUF, p.103.
* 996 L'éducation
pour la santé a été fortement orientée au
début des années quatre-vingt-dix à destination de
l'école. Lieu privilégie d'éducation, elle manifeste dans
l'enseignement qui y est prodigué (éducation physique,
hygiène corporelle, éducation sexuelle) un souci de normalisation
des comportements sociaux et de responsabilisation des individus. Vigarello
Georges, « L'éducation pour la santé. Une vrai attente
scolaire », Esprit, n°2, février 1997,
pp.72-82.
* 997 Cette
évolution est d'autant plus significative que la loi italienne de
réforme de la médecine pénitentiaire affirme
également l'éducation pour la santé comme une
priorité de la nouvelle politique sanitaire en milieu carcéral.
Art 1, ali.2 du Decreto Legislativo 22 giugno 1999, n. 230 «Riordino della
medicina penitenziaria, a norma dell'articolo 5, della legge 30 novembre 1998,
n.41». Cette disposition est cependant demeurée lettre-morte dans
la plupart des établissements, mis à part quelques exceptions, ce
qui reflète la mauvaise implantation des ASL en prison mai aussi la
faible culture préventive du système sanitaire italien. Entretien
n°28, Antonio Loiacono, responsable de l'action sanitaire en milieu
carcéral pour la Région Lazio.
* 998 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 999 Un bilan des actions
d'éducation pour la santé en milieu carcéral relève
l'explosion du nombre d'établissement menant des projets, chiffre qui
est passé de 15 à 127 entre 1996 et 1999. Administration
pénitentiaire, Direction générale de la santé,
Etat des lieux des actions d'éducation pour la santé
menées en milieu pénitentiaire, document
dactylographié, 200, 5p.
* 1000 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1001 Depuis de
nombreuses années, les établissements pénitentiaires se
sont appuyés sur la journée mondiale de lutte contre le Sida du
1er décembre pour mobiliser les personnes détenues sur
les risques infectieux. Un bilan établi en 1998 faisait apparaître
que la journée du 1er décembre conserve un
caractère symbolique, mais que la sensibilisation à la lutte
contre le Sida tend à s'intégrer au fonctionnement quotidien des
établissements pénitentiaires et à s'inscrire davantage
dans la durée avec le développement de véritables actions
de formation et d'éducation à la santé. Dhérot
Jean, Stankoff Sylvie, Rapport de la mission santé-justice sur la
réduction des risques, op.cit., p. 42.
* 1002 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 1003 On peut remarquer
la particularité des prisons de Lyon en ce domaine qui disposent au sein
du SMPR d'un poste de médecin de santé publique ce qui a
fortement contribué à dynamiser la politique d'éducation
pour la santé au sein de l'établissement.
* 1004 On peut citer parmi
les actions du groupe d'éducation pour la santé des prisons de
Lyon une formation en secourisme assurée par les pompiers, un atelier
cartes postales, l'intervention d'une esthéticienne auprès de la
prison pour femmes, Montluc, l'intervention d'une diététicienne
afin de conseiller les détenus.
* 1005 Le rapport
cité auparavant note ainsi, de 1996 à 2000, le passage d'actions
« de type informatif et ponctuel » organisées
à l'occasion du premier décembre à des
« programmes d'éducation pour la santé » qui
incluent souvent des ateliers qui « s'inscrivent dans la
durée ». Administration pénitentiaire, Direction
générale de la santé, Etat des lieux des actions
d'éducation pour la santé menées en milieu
pénitentiaire, op.cit.
* 1006 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 1007 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1008 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1009 Entretien
n°12, Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de
dépistage aux prisons de Lyon.
* 1010 Les groupes
d'autosupport ou « de pairs » existent pour de nombreuses
pathologies et ont en commun un type de compétence
légitimée non par un diplôme mais par une expérience
vécue. Il s'agit avant tout de militants qui prétendent occuper
un rôle spécifique au nom de leur compétence personnelle.
Les groupes d'autosupport ont connu un important développement en France
en matière de soin de la toxicomanie au début des années
quatre-vingt-dix et ont bénéficié d'une forte
reconnaissance des autorités publiques.. Faugeron Claude, Kokoreff
Michel, « Il n'y a pas de société sans
drogues » : Un processus de normalisation ?, in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, op.cit, p.29.
* 1011 Les seuls
intervenants extérieurs, mis à part quelques professionnels
soignants, sont les sapeurs-pompiers de Lyon, une esthéticienne ainsi
que l'association du CRAES. Aucune association d'auto-support n'intervient en
matière de Sida ou de toxicomanie. Nous avons ainsi pris contact avec
plusieurs associations lyonnaises qui ont déclaré n'effectuer
aucunes actions en prison ; certaines ont d'ailleurs évoqué
les difficultés à établir un contact avec
l'établissement.
* 1012 On peut noter que
la définition de l'éducation pour la santé adoptée
à l'occasion de la conférence d'Ottawa du 21 novembre 1986
sous-entend une compréhension très large de la notion de
santé, similaire à celle de l'OMS : « Cette
démarche relève d'un concept définissant la
« santé » comme la mesure dans laquelle un groupe ou
un individu peut, d'une part réaliser ses ambitions et satisfaire ses
besoins et, d'autre part, évoluer avec le milieu ou s'adapter à
celui-ci [...] Aussi la promotion de la santé ne relève pas
seulement du secteur sanitaire : elle dépasse les modes de vie
sains pour viser le bien-être ». Célérier
Marie-Claire, La santé en France. Alternatives à
l'hospitalo-centrisme, La pensée sauvage, Grenoble, 1994, p.109.
* 1013 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1014 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1015 Ce concept a
été introduit en France par la sociologie des organisations de
Michel Crozier à partir des travaux de H.Jamous dans son étude du
processus de décision aboutissant à la réforme des
études médicales. Celui-ci a observé que la réforme
hospitalière française de 1959 et la réforme des
institutions sur la santé mentale en Californie en 1967 avaient comme
point commun d'avoir été animées par un petit groupe de
réformateurs qui occupaient une position singulière. Ils
étaient des marginaux dans le système ancien qui avaient
néanmoins accès à plusieurs lieux de pouvoirs et se
trouvaient ainsi à l'intersection de plusieurs sous-système
clefs. C'étaient, selon l'expression de Jamous, des
« marginaux-sécants ». Cette position est alors
décrite comme la condition de possibilité de la
réforme : « C'est le pouvoir dit du
« marginal-sécant », c'est à dire d'un
acteur qui est partie prenante dans plusieurs systèmes d'action en
relation les uns avec le autres et qui peut, de ce fait, jouer le rôle
indispensable d'intermédiaire et d'interprète entre des logiques
d'action différentes, voire contradictoires ». Jamous H.,
Contribution à une sociologie de la décision : la
réforme des études médicales et des structures
hospitalières, Paris, Copédith, 1968. Cité in
Cozier Michel, Friedberg Erhard, L'acteur et le système,
op.cit., p.86 et pp..350 et suiv.
* 1016 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1017 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1018 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1019 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1020 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1021 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1022 Christine Quellier
remarque toutefois dans son rapport d'évaluation des formations en
éducation pour la santé que l'éducation pour la
santé n'apparaît pas toujours comme un outil favorable à
l'établissement d'un rapport de partenariat entre les personnels. Elle
est souvent l'objet de conceptions antagonistes qui peuvent aboutir à un
renforcement des oppositions. Quellier Christine, Rapport
d'évaluation de la formation action en éducation pour la
santé en milieu pénitentiaire sur dix sites pilotes,
août 2000, p.27
* 1023 Le séminaire
intitulé « Les médicaments : des soutiens qu'il faut
bien gérer » organisé aux prisons de Lyon avait par
exemple permis aux surveillants de proposer que tous les personnels
pénitentiaires soient informés des effets secondaires des
médicaments ou encore de clarifier le système de distribution des
médicaments. G. Le Ponner, Formation en éducation pour la
santé, prison de Lyon. Compte-rendu du séminaire "Les
médicaments : des soutiens qu'il faut bien gérer", document
polycopié, 22 mai 2002.
* 1024 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1025 Entretien
n°14, Chantal Escoffié, psychologue auprès du personnel
pénitentiaire des prisons de Lyon.
* 1026 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1027 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1028 Cette critique
n'est cependant pas à sens unique puisqu'elle concerne également
les services médicaux puisqu'un agent de l'administration
pénitentiaire constate qu'il est « très difficile de
faire descendre de l'information du côté sanitaire ».
Entretien n°9, Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de
la DRSP Rhône-Alpes.
* 1029 Entretien
n°14, Chantal Escoffié, psychologue auprès du personnel
pénitentiaire des prisons de Lyon.
* 1030 Entretien
n°10, Mme Bouthara, éducatrice à l'Antenne toxicomanie des
prisons de Lyon.
* 1031 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1032 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 1033 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1034 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1035 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1036 Seulement deux
infirmières avaient par exemple participé à la formation
interdisciplinaire qui avait eu lieu aux prisons de Lyon.
* 1037 Ce manque
d'implication peut être préjudiciable du fait que
l'amélioration d'un problème de santé n'est
réalisable que par la collaboration entre les soignants, les
surveillants et les détenus. Entretien n°5, Claude Boucher,
directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour la Santé
(CRAES).
* 1038 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1039 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA à la maison d'arrêt
de St Paul - St Joseph depuis 1995 ; Entretien n°15,
Marie-José Communal, médecin à la DRASS Rhône-Alpes
chargée de la médecine en prison.
* 1040 Entretien
n°13, Claire Cellier, médecin inspecteur de santé publique
à la DDASS du Rhône.
* 1041 Entretien
n°16, Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 1042 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.86.
* 1043 Cf. Canguilhem G.,
Le normal et le pathologique, Paris, PUF, 1996 (1ère
édition 1943).
* 1044 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1045 C'est ainsi que
Christine Quellier remarque que la motivation des surveillants est souvent
assez faible. Incités par le directeur, qui peut parfois leur en donner
l'ordre, ils s'impliquent alors peu dans le déroulement de la formation.
L'éducation pour la santé peut également constituer pour
le service médical l'opportunité de revaloriser leur
réputation comme en témoigne un infirmier : « On
nous a dit que cela permettrait de redorer le blason de l'équipe
médicale ». Quellier Christine, Rapport d'évaluation
de la formation action en éducation pour la santé en milieu
pénitentiaire sur dix sites pilotes, op.cit, p.30.
* 1046 C'est le cas d'une
formation qui avaient eu lieu sur un établissement du département
du Rhône : « Ils avaient fait une action que j'avais
trouvée absolument scandaleuse qui était la prévention des
mélanomes dus au soleil. Pour des personnes qui marchent à
l'ombre, je trouve ça un petit peu ironique [...] Le médecin qui
l'organisait était très content. Je pense qu'il y a un peu de
sadisme ». Entretien n°13, Claire Cellier, médecin inspecteur
de santé publique à la DDASS du Rhône.
* 1047 Entretien
n°11, S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des
prisons de Lyon.
* 1048 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 1049 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1050 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1051 Moquet-Anger M.L,
"Rapport introductif", in Moquet-Anger M.L. (sous la direction de),
L'éducation santé : enjeux, obstacles, moyens,
op.cit, pp.15-23.
* 1052 Une étude
signale que les personnels pénitentiaires participent beaucoup moins aux
formations ciblées exclusivement sur les maladies transmissibles. Ils
sont en effet seulement 9 % à en avoir suivi une. Cf., Amélie
Chantraine et Anne-Marie Palicot. Les besoins en formation sur le Sida du
personnel pénitentiaire, CODESS de Rennes, 1996-1997.
* 1053 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1054 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 1055 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1056 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1057 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1058 Entretien
n°11, S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des
prisons de Lyon.
* 1059 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1060 Entretien n°1,
G. Leponer, chargée de mission au Collège Rhône-Alpes
d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1061 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du CRAES Rhône-Alpes. C'est également le
constat que dresse Christine Cellier dans son rapport d'évaluation des
actions d'éducation pour la santé en prison. Elle souligne un
phénomène d'essoufflement et de découragement chez tous
les participants en l'absence ressentie d'un soutien institutionnel de la part
de la direction de l'établissement. Quellier Christine, Rapport
d'évaluation de la formation action en éducation pour la
santé en milieu pénitentiaire sur dix sites pilotes,
op.cit, p.44.
* 1062 Entretien
n°14, Chantal Escoffié, psychologue auprès du personnel
pénitentiaire des prisons de Lyon.
* 1063 De façon
plus générale, l'évaluation des actions d'éducation
pour la santé semble poser problème. Cette étape
très importante en méthodologie d'éducation pour la
santé demeure pour l'instant inappliquée en milieu
carcéral.
* 1064
L'enquêtée tenait ces propos avant le suivi des surveillants, elle
prévoyait cependant déjà les difficultés à
venir. Entretien n°1, G. Leponer, chargée de mission au
Collège Rhône-Alpes d'Education pour la Santé (CRAES).
* 1065 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1066 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 1067 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1068 L'article D.349 du
code de procédure pénale indique que «
l'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes
d'hygiène et de salubrité ». Pourtant, comme le rappelle un
état des lieux" de l'Observatoire international des prisons les cellules
ne répondent pas toujours aux normes requises en matière
d'éclairage naturel ou d'aération. En outre, les détenus
doivent pouvoir « dans la mesure du possible » se doucher au moins
trois fois par semaine et bénéficier d'une douche
supplémentaire après les séances de sport et au retour du
travail (article D.358 CPP). Une enquête sur l'hygiène et les
conditions de vie des personnes détenues de la DAP remarque que la norme
n'est pas atteinte dans tous les quartiers d'établissements en raison de
l'insuffisance quantitative et qualitative des cabines de douche (trois douches
pour 100 détenus à la prison de la Santé), ou à
l'étroitesse des plages horaires pendant lesquelles elles peuvent
être utilisées, ou à un approvisionnement insuffisant en
eau chaude. Enfin, le Comité de prévention de la torture (CPT) a
noté des problèmes concernant la restauration au sein des
établissements qui ne répondent pas aux règles de la
diététique et de l'hygiène contrairement au code de
procédure pénale. Observatoire international des prisons,
Prisons : un état des lieux, op.cit., p.70.
* 1069 C'est ce sens que
la responsable d'une formation appartenant au Comité d'Education pour la
santé des Yvelines écrit : « Il nous paraissait
erroné, prétentieux et même quelque peu pervers de vouloir
travailler à la modification des comportements tel que le tabagisme,
l'hygiène corporelle ou alimentaire, la prévention du sida, dans
un milieu où le nombre de douches est réglementé,
l'acquisition de préservatifs difficile, voire impossible, et le stress
extrêmement prégnant du fait des conditions de vie, des rapports
entre les personnels pénitentiaires et les détenus ».
Choukroun Odile, « Education pour la santé et insertion
sociale », La santé de l'homme, n°315, janvier
-février 1995, pp.31-32
* 1070 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1071 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1072 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 1073 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1074 On peut penser en
particulier au développement des activités
« ludiques » proposées par le groupe
d'éducation pour la santé telle que le sport ou la relaxation qui
ont un effet immédiat sur les comportements des détenus.
Entretien n°9, Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de
la DRSP Rhône-Alpes.
* 1075 Dorothée
Martin, « Réflexion sur le sens éthique de
l'éducation pour la santé en milieu
pénitentiaire », La lettre de l'espace éthique,
n°12 -13 -14, été-automne 2000, pp.41-42.
* 1076 La
médicalisation est un phénomène social qui se
caractérise par deux formes. Elle est comprise tout d'abord comme
« l'extension du domaine médical » par
l'accroissement des institutions de santé et des personnels
médicaux et paramédicaux au cours du XXème siècle.
Mais cette expression désigne également « l'extension
du champ de compétence de la médecine et de tout ce qui s'y
rattache ». Ce second aspect, bien que fortement lié au
premier, est celui qui nous intéresse ici. Aïach Pierre,
« Les voies de la médicalisation », in
Aïach P., Delanoë D., L'ère de la
médicalisation, Ed. Economica, 1998, pp.15-36.
* 1077 Goudsblom Johan,
« Les grandes épidémies et la civilisation des
moeurs », Actes de la recherche en sciences sociales,
n°68, juin 1987, pp.3-14.
* 1078 Norbet Elias
s'interroge sur le rapport entre l'organisation de la société en
Etat et la civilisation des moeurs. Il constate une tendance de chaque homme
à régler son comportement en fonction du réseau
d'interdépendances auquel il appartient. Les individus sont
progressivement dépossédés de leurs pulsions et de leurs
passions par un processus d'autocontrôle : « A mesure que
progresse l'interpénétration réciproque des groupes
humains en extension et l'exclusion de la violence physique de leurs rapports,
on assiste à la formation d'un mécanisme social grâce
auquel les contraintes que les hommes exercent les un sur les autres se
transforment en auto-contraintes. Ces auto-contraintes [...] se
présentent en partie sous la forme d'une maîtrise de soi, en
partie sous la forme d'habitudes soumises à une sorte
d'automatisme ». Elias Norbert, La dynamique de l'Occident,
Paris, Calman-Lévy, 1975 (1969), p.198.
* 1079 Pinell Patrice,
« Médicalisation et procès de civilisation »,
in Aïach P., Delanoë D., L'ère de la
médicalisation, op.cit., pp.37-51.
* 1080 Aïach Pierre,
« Les voies de la médicalisation »,
art.cit., p.31.
* 1081 Patrice Pinell
remarque que l'introduction du diagnostic précoce en matière de
lutte contre le cancer durant l'entre-deux guerres contribue à
responsabiliser l'individu vis-à-vis de sa propre santé et en
faire ainsi un « patient-sentinelle » qui doit être
en mesure d'opérer un travail d'objectivation clinique de son corps,
contribuant ainsi à assurer son obéissance croissante au savoir
médical. Pinell Patrice, Naissance d'un fléau. Histoire de la
lutte contre le cancer en France (1890-1940), Métailié,
Paris, 1992.
* 1082 Dominique Memmi
entend par cette expression un contrôle indirect qu'exerce l'Etat sur les
individus par un processus de normalisation ou de mise en conformité
entre l'« être » et le « devoir
être », permettant de disqualifier les pratiques jugées
non-conformes. Memmi Dominique, « La nouvelle administration des
corps », Revue française de science politique, 2000,
n°1, pp.3-19.
* 1083 Ibid.,
p.14.
* 1084 Didier Fassin
remarque qu'il est possible de distinguer deux phases distinctes dans la
médicalisation : la première correspond à la
reconnaissance d'un comportement en tant que mesure prophylactique d'un point
de vue clinique, tandis que la seconde consiste à ériger cette
pratique en programme de santé publique. Pour que la
médicalisation prenne toute son amplitude, il faut par conséquent
qu'un comportement passe du statut de pratique thérapeutique au statut
de norme sociale : « Autrement dit, la médicalisation suppose
une normalisation. Elle devient un phénomène de
société, et non plus le seul fait d'une profession, à
partir du moment où la reconnaissance du problème comme
pathologique se double de son inscription ans l'espace collectif, où la
santé publique excède la clinique médicale, en somme
où la médicalisation prend une dimension politique ».
Fassin D., « Les politiques de la
médicalisation », in Aïach P., Delanoë D.,
L'ère de la médicalisation, op.cit., pp.1-14.
* 1085 Deux chiffres issus
de l'enquête de la DREES illustrent à quel point un nombre non
négligeable d'entrants en détention sont éloignés
du système de soins et plus généralement des
différentes formes de protection sociale : 17,2 % des entrants
déclarent ne disposer d'aucune protection sociale ; 40 %
déclarent n'avoir eu aucun contact avec le système de soins dans
les 12 mois précédant l'incarcération. DREES, La
santé à l'entrée en prison : un cumul des facteurs de
risque, op.cit.
* 1086 Entretien
n°12, Patrick Caillon, médecin effectuant une Consultation de
dépistage aux prisons de Lyon.
* 1087 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 1088 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1089 Cette position est
par exemple celle du député Robert Pandraud d'après ses
propos tenus au sein de la Commission d'enquête de l'Assemblée
nationale: « Une analyse optimiste peut considérer que la
surveillance médicale des détenus paraît très
supérieure à la surveillance médicale de la moyenne des
Français [...] Les étrangers en situation
irrégulière sont mieux traités en prison que dans la
nature [...] Nous ne bénéficions pas tous les huit jours de la
visite d'un médecin pour savoir comment nous allons ». Auditions de
la Commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons
françaises, « Audition de Mme Véronique Vasseur,
médecin chef à la prison de La Santé », source :
Assemblée nationale.
* 1090 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1091 Entretien n°2,
Pascal Sourty, médecin à l'UCSA de la maison d'arrêt de St
Paul - St Joseph depuis 1995.
* 1092 Entretien
n°15, Marie-José Communal, médecin à la DRASS
Rhône-Alpes chargée de la médecine en prison.
* 1093 Entretien
n°16, Robert Hanskens, cadre hospitalier des Hospices civils de Lyon.
* 1094 Entretien
n°15, Marie-José Communal, médecin à la DRASS
Rhône-Alpes chargée de la médecine en prison.
* 1095 Dorothée
Martin, "Réflexion sur le sens éthique de l'éducation pour
la santé en milieu pénitentiaire", art.cit.
* 1096 Gentilini Marc,
Problèmes sanitaires dans les prisons, op.cit., p.26.
* 1097 Le nombre de
suicides a doublé depuis 1990. Il était alors cinq fois plus
élevé en prison qu'en milieu libres (140 suicides pour 100 000
personnes en détention contre 22 en milieu libre). Les
potentialités suicidogènes du milieu carcéral sont fortes
: dévalorisation, dépossession de soi, rejet social, perte de
relations et de liberté. Les auto-agressions (automutilations,
ingestions de corps étrangers) sont également fréquentes.
L'automutilation est une atteinte portée à
l'intégrité du corps pouvant compromettre sa vitalité, son
bon fonctionnement qui prend le plus souvent la forme d'une coupure (90 % des
cas) et plus rarement une ingestion de produits toxiques ou de corps
étranger. Même si les automutilations et les suicides sont les
auto-agressions les plus spectaculaires, les grèves de la faim sont
également considérées comme des atteintes à sa
propre santé. Observatoire international des prisons, Prisons : un
état des lieux, op.cit., p.103.
* 1098 Lhuilier Dominique,
Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral, op.cit., p.112.
Pour une bonne description de la prison en tant que milieu pathogène on
peut se référer à l'ouvrage du docteur Gonin. Gonin D.,
La santé incarcérée. Médecine et conditions de
vie en détention, Ed. De l'archipel, Paris, 1991, p.256.
* 1099 Lechien
Marie-Hélène, « L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », art.cit., pp.24-25.
* 1100 C'est la position
que soutient Véronique Vasseur face à la Commission
d'enquête de l'Assemblée nationale: «La prison de La
Santé compte 65 % d'étrangers, dont 30 % sont détenus pour
infraction à la législation sur les étrangers. Ce sont des
personnes qui n'ont, à l'extérieur, absolument pas accès
aux soins et pour lesquelles la prison est le seul endroit où ils
peuvent se faire soigner. On entend parfois des détenus qui, revenant en
prison, déclarent : " J'ai repris six mois ; je vais enfin pouvoir me
faire traiter." C'est dramatique. La prison ne doit pas être
perçue comme le lieu où l'on soigne». Auditions de la
Commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons
françaises, « Audition de Mme Véronique Vasseur,
médecin chef à la prison de La Santé », source :
Assemblée nationale.
* 1101 Obrecht O.,
« La réforme des soins en milieu pénitentiaire de 1994
: l'esprit et les pratiques », art.cit., p.234.
* 1102 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 1103 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1104 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1105 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1106 Lechien
Marie-Hélène, « L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », art.cit., p.21. Les soignants
interviewés de réfèrent très fréquemment
à cette double politique dont ils doivent tenter d'articuler les
exigences contradictoires : soigner de mieux en mieux dans des conditions
de plus en plus difficiles.
* 1107 Hoffman Axel,
« Santé et prison : une équation
insoluble », Santé conjuguée, octobre 2002,
n°22, p.105.
* 1108 Lhuilier Dominique,
"La santé en prison : permanence et changement", art.cit.,
p.206.
* 1109 Gentilini Marc,
Problèmes sanitaires dans les prisons, op.cit., p.29.
* 1110 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 1111 Entretien n°9,
Mme Demichelle, responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP
Rhône-Alpes.
* 1112 Entretien
n°11, S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des
prisons de Lyon.
* 1113 Sicard Didier,
« Sida et prison », Chrétiens et Sida, n°23,
p.3.
* 1114 IGAS-IGSJ,
L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, op.cit., p.139
* 1115 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 1116 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1117 La prison constitue
le paroxysme de cette incompatibilité entre la démarche de
l'éducation pour la santé et son environnement. L'école,
souvent décrite comme un terrain favorable en raison de l'âge des
enfants, présente cependant à un moindre niveau des
difficultés similaires à l'institution carcérale. C'est
ainsi que Georges Vigarello remarque la contradiction entre les valeurs
portées par l'éducation pour la santé et l'esprit de
l'établissement scolaire qui reste dominé par des modes
d'apprentissages classiques. Vigarello Georges, « L'éducation
pour la santé. Une vraie attente scolaire »,
art.cit., p.81
* 1118 Entretien n°5,
Claude Boucher, directeur du Collège Rhône-Alpes d'Education pour
la Santé (CRAES).
* 1119 Le temps
carcéral est marqué, selon Dominique Lhuilier, par la
répétition d'actes minutieusement contrôlés et
détaillés selon une procédure fixée par
l'administration pénitentiaire qui aboutissent à nier le
détenu en tant qu'individu. « Humiliante et
dégradantes, ces opérations font l'objet d'un double discours :
reconnues comme "portant atteinte à l'intimité des
détenus", elles doivent néanmoins s'exercer "dans des conditions
qui préservent le respect de la dignité de la personne humaine"
». Dominique Lhuilier parle dès lors d'une régression du
détenu ou encore d'une infantilisation qui s'apparente à une mise
en dépendance vis-à-vis de l'institution carcérale.
Lhuilier Dominique, Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral,
op.cit., p.27-33.
* 1120 Entretien n°8,
Docteur Barlet, responsable de l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 1121 Dorothée
Martin, "Réflexion sur le sens éthique de l'éducation pour
la santé en milieu pénitentiaire", art.cit.
* 1122 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
C'est également la position d'un agent de probation et d'insertion des
prisons de Lyon : « On connaît beaucoup mieux les gens
qu'on suit en établissement pour peine. Le nombre de dossier qu'on
suivait était beaucoup moins important puisqu'on avait en moyenne une
cinquantaine de dossiers chacun. Alors que maintenant j'en suis 110. Et puis
avec un turn over plus important [...] Donc là-bas, on pouvait
mieux connaître les gens, on n'avait plus le temps. On était moins
dans l'urgence [...] Ils font un travail de préparation à la
sortie qui se fait plus en profondeur [...] Ici on est beaucoup plus dans
l'urgence ». Entretien n°11, S. Combe et C. Misto, agents
d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de Lyon.
* 1123 La santé
en prison. Objet complexe d'échange entre détenus, surveillants
et personnels soignants, Rapport de séminaire, Ecole Nationale de
Santé publique, op.cit., p.20.
* 1124 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 1125 Entretien n°6,
Mme Vacquier, psychologue dans l'unité d'hospitalisation pour
détenus de l'hôpital Lyon Sud.
* 1126 Lhuilier Dominique,
Aldona Lemiszewka, Le choc carcéral, op.cit., p.66.
* 1127 Barlet Pierre,
Tonic, Lyon, n°96, 2001, p.20.
* 1128 On peut par exemple
penser aux séances d'informations sur les méfaits de l'alcoolisme
réalisées à la prison de Fresnes en 1903 qui donnent une
bonne idée de ce type de démarche moralisatrice et sanitaire.
« La séance se tient dans une sorte
d'amphithéâtre à gradins, ces derniers sont faits de
petites cellules individuelles munies chacune d'une fenêtre
grillagée permettant aux détenus de voir l'estrade sur laquelle
un médecin en redingote déroule sa conférence en
s'appuyant sur des planches qu'il leur montre. Éclairé par cette
information sanitaire administrée par un homme de science, chaque
détenu est supposé avoir compris à quelle
dégradation il expose son organisme en s'adonnant à la boisson et
quelle attitude immorale et violente il exposera son environnement quand il
aura retrouvé la liberté, s'il ne se libère
pas ». Goudet B., Larrose B., Trias, V., Noury M.,
« Education pour la santé et réinsertion des
détenus », La santé de l'homme, n°315,
janvier -février 1995, p.32.
* 1129 Entretien n°7,
Docteur Gilg, médecin à la Consultation de dépistage
(CDAG) de l'Hôpital Edouard Herriot.
* 1130 Lecors Philippe,
« Ethique, santé et milieu carcéral », La
santé de l'homme, n°315, janvier -février 1995, p.32.
* 1131 Entretien
n°11, S. Combe et C. Misto, agents d'insertion et de probation (SPIP) des
prisons de Lyon.
* 1132 Le discours
porté par nos sociétés sur la santé est au
contraire un discours valorisant qui tend à présenter le soin de
soi et l'entretien de son corps comme des valeurs nobles.
* 1133
« « Machine à exclure »,
« pourrissoir », « poubelle sociale »,
hôpital dépourvu de soignants, la prison est en passe de devenir
un grand dépotoir destiné à enfermer bien des
laissés pour compte, et pas seulement ceux que la loi punit en raison de
leurs crimes et de leurs délits ». Mongin Olivier,
« Prisons à la dérive », Esprit,
octobre 1995, pp.101-103
* 1134 Entretien n°3,
Mme Marié, directrice adjointe des prisons de Lyon depuis 1999.
* 1135 C'est dans ce sens
qu'une éducatrice souligne le risque de construire une image
idéalisée de la santé : « Travailler sur
ces thèmes aurait été, pour nous, travailler sur des
normes sociales, c'est-à-dire avoir de l'homme une représentation
idéalisée, homme sain, non-fumeur, sportif, à l'haleine
pure et aux dents impeccables, qui renforce le sentiment d'exclusion de tous
ceux qui n'y arrivent pas, malgré leur désir, ou tout simplement
qui sentent que l'homme ne peut se résumer à une telle
définition, parce qu'elle oublie la dualité de l'être
humain, à la fois bon et méchant, à la fois aspirant
à une vie saine et buveur ». Choukroun Odile,
« Education pour la santé et insertion sociale »,
La santé de l'homme, art.cit., p.31.
* 1136 Sfez L., La
santé parfaite, critique d'une nouvelle utopie, Paris, Seuil,
1995.
* 1137 En témoigne
par exemple la phrase du président de l'Américan Medical
Association, Wendell Philipps, qui fut l'auteur indirect de la
définition de la santé de l'OMS et qui écrivait en
1926 : « Trop de nos concitoyens traversent la vie en
s'accommodant d'une santé tout juste bonne. Tandis qu'ils accomplissent
leurs tâches quotidiennes, ces hommes tout juste en forme ne
connaîtront pas l'exultation et le bonheur de la parfaite santé.
Le rôle du médecin de demain est un droit absolu pour tous. Plus
de bonne santé débordante, c'est plus de bonheur, de confort,
d'utilité et de valeur économique pour l'individu. Nous ne
connaîtront pas de superman sans supersanté ». On trouve
dans cette citation tous les éléments du modèle normatif
de l'éducation pour la santé comme le rappelle Skrabanek :
« La santé, c'est le bonheur et le bonheur c'est la
santé. Tous les individus sains doivent être
contrôlés en permanence [...] Mais le rôle de la
médecine est -il de transformer les gens en robots économiquement
utiles et heureux ? ». Skrabanek P. La fin de la
médecine à visage humain, Paris, éditions Odile Jacob,
1995.
* 1138 Fassin Didier,
L'espace politique de la santé. Essai de
généalogie, op.cit.
* 1139 Raymond
Massé rappelle ainsi que dès les 18 et 19ème
siècles, la santé publique constituait un projet politique. En
effet, la protection de la population contre les épidémies visait
aussi à garantir l'existence d'une main d'oeuvre industrielle
suffisante. La santé publique est rapidement apparue comme un projet de
société, tel qu'en témoigne l'émergence d'un
Etat-providence protégeant l'individu contre les différents
risques sociaux. Massé Raymond, « La santé publique
comme projet politique et comme projet individuel », Hours Bernard,
Systèmes et politiques de santé, Paris, Khartala, 2001,
pp.41-64.
* 1140 Fassin D.,
« Les politiques de la médicalisation »,
art.cit., p.11.
* 1141 op.cit.,
p.11.
* 1142 Michel Foucault
entend par le terme de « biopolitique » l'émergence
d'une nouvelle forme de contrôle des populations par l'Etat qui dispose
de nouvelles disciplines telle que l'hygiène ou la démographie.
Cf. Foucault M., Histoire de la sexualité, vol.1 La
volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.
* 1143 Combessie Philippe,
« Ouverture des prisons, jusqu'à quel point ? »,
art.cit., pp.95-97.
* 1144 Chauvin Isabelle,
La santé en prison, op.cit., p.83 et suiv.
* 1145 Ibid.,
p.85.
* 1146 Chauvin Isabelle,
La santé en prison, op.cit., p.87.
* 1147 Obrecht Olivier,
« Des progrès pour la santé en prison », Projet,
n°269, printemps 2002, p.114
* 1148 Muller Pierre,
« Les politiques publiques comme construction d'un rapport au
monde », in Faure Alain, Pollet Gilles, Warin Philippe,
La construction du sens dans les politiques publiques, op.cit.,
pp.153-179.
* 1149 Ibid.,
p.160.
* 1150 Warin P.,
« Les politiques publiques, multiplicité d'arbitrages et
construction de l'ordre social », art.cit., p.96.
* 1151 Surel Yves,
« Les politiques publiques comme paradigmes »,
art.cit., p.143.
* 1152 Chauvenet
Antoinette, « Les surveillants entre droit et sécurité
: une contradiction de plus en plus aiguë », in Veil
Claude, Lhuilier Dominique, La prison en changement, op.cit.,
p.156.
* 1153 Cugno Alain, «
Une aussi longue attente », Projet, n°269, printemps 2002,
pp.55-56.
* 1154 Hoffman Axel,
« Santé et prison : une équation
insoluble », art.cit., p.105.
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