La spécialisation fiscale, éléments de refondation de l'action publique locale: reflexion sur les concepts d'efficacité et de gouvernance territorialepar Bajer Joma Amada Université Aix-Marseille 3 - 2005 |
INTRODUCTION
Notre réflexion part d'un paradoxe. En effet, c'est au moment où le processus de décentralisation française a connu un coup d'accélérateur avec l'acte II de la loi du 13 août 2004 que de nombreuses questions ont été soulevées non pas quant à l'avenir de la décentralisation mais en ce qui concerne le rôle et la place des collectivités territoriales dans le paysage institutionnel de la France. On a trop souvent pris l'habitude d'envisager cette question en la réduisant à la stricte problématique des relations Etat- Collectivités territoriales alors même que de nouvelles contraintes extérieures viennent agir de plus en plus sur les décisions publiques locales. Il en est ainsi de l'influence du phénomène de la mondialisation qui exige, comme le clame le slogan, de « penser global » et « d'agir local ». C'est également le cas du renforcement de la construction européenne qui influence considérablement le paysage institutionnel des pays membres en ce sens que les collectivités locales ( et notamment les Régions ) sont devenues des interlocuteurs et des partenaires publics à part entière. Dans ce contexte, le modèle institutionnel de référence se caractérise par la constitution de collectivités territoriales fortes et influentes. En la matière, on peut dire que la France a beaucoup d'efforts d'adaptation à faire. De ce fait, elle ne peut se permettre de faire l'économie d'une véritable réflexion sur la refondation de l'action publique locale. Une telle réflexion est d'autant plus nécessaire qu'elle participe à la réflexion générale autour de la transformation des modalités de gouvernement public. En effet, de nouveaux impératifs sont venus interpeller la manière dont sont mises en oeuvre les politiques publiques. Ainsi, l'exigence d'efficacité et le succès du principe de gouvernance représentent des défis majeurs que doit relever l'action publique. Quelle influence peut donc avoir une refondation de l'action publique locale sur la régulation globale des politiques publiques ? Tout d'abords, il est évident qu'une réflexion sur l'avenir des politiques publiques locale n'est pas isolée des grandes problématiques actuelles touchant le rôle et la place de l'Etat. Autrement dit, on ne peut militer pour un renforcement et une meilleure prise en compte de l'action des collectivités territoriales si l'on était pas convaincu que l'avenir des politiques publiques passe nécessairement par l'action publique locale. Il faut dire que le contexte générale de mutation favorise cette conviction. En effet, qu'il s'agisse de l'essor des procédures de contractualisation et celles de co-production, il est de plus en plus admis que le « politiques locales » changent la Politique.1(*) Ce phénomène se manifeste dans la quasi-totalité des grandes questions actuelles sur le renouveau de l'action publique : question sur l'avenir de la Politique de la Ville, sur l'articulation possible entre Aménagement du territoire et développement local, problématiques de gouvernance urbaine et de management public territorial, questions sur la démocratie participative et la citoyenneté locale. Il apparaît cependant que l'un des freins à cette refondation de l'action publique locale réside dans la complexité de l'organisation institutionnelle locale. Cette complexité soulève d'autres questions relatives à la visibilité et à la légitimité nécessaire à tout cadre démocratique de mise en oeuvre d'une action collective. Ainsi, la question de la démocratie nous a conduit à envisager la refondation de l'action publique sous l'angle de la fiscalité. En effet, l'impôt est un bon indicateur de changement et contribue au renforcement de la démocratie locale. A ce titre, la fiscalité locale constitue un cadre d'expérimentation adéquate de la capacité du processus de décentralisation à se renforcer et à accorder aux institutions publiques locales une place à la mesure des défis majeurs à venir. Dans ce domaine, si le diagnostic est clairement posé avec en plus, une forme de consensus général, la voie de la réforme reste encore à tracer. Il faut dire que le sujet est sensible à plusieurs égards. En effet, on peut considérer que quelques deux décennies de décentralisation ne sont pas suffisantes pour marquer une vraie rupture avec deux siècles de centralisme. Pourtant, les vingt dernières années ont contribué à l'instauration d'une nouvelle « culture administrative » tant du point de vue des citoyens que des acteurs publics eux-mêmes. L'émergence et le renforcement de la démocratie participative locale en est une parfaite illustration. En outre, l'apparition d'un esprit de revendication de la part des collectivités locales qui se manifeste par une certaine forme de rapports de force entre celles-ci et l'Etat confirme l'existence d'une nouvelle « culture administrative ». Mais au-delà de l'esprit, il y a la réalité. En fait, les collectivités locales sont devenues des acteurs économiques importants. Malgré ce tableau qui semble illustrer le renforcement des pouvoirs publics locaux, le rapport de force entre l'Etat et les collectivités territoriales se caractérise le plus souvent par une forme de subordination des secondes vis-à-vis du premier. De ce fait, le principe d'autonomie financière semble être en perpétuel conflit avec celui de libre-adminisitration. C'est la raison pour laquelle la spécialisation fiscale comme élément de refondation de l'action publique locale peut concilier à la fois l'impératif d'autonomie financière et l'exigence de libre-administration. Tout au long de nos développement, nous tenterons de montrer qu'une véritable réforme de la fiscalité locale ne peut privilégier un aspect au détriment d'un autre. Dans ce contexte, la spécialisation fiscale doit répondre à un double défi : réformer la fiscalité locale et refonder l'action publique locale ( Deuxième partie ). Nous montrerons ainsi que la notion d'action publique locale n'est pas seulement un concept mais devient progressivement une réalité. Par conséquent, la reforme de la fiscalité locale doit nécessairement apporter des réponses à de nouvelles questions telles que le rôle et l'efficacité de l'impôt dans le contexte nouveau d'émergence des politiques de développement local ( aspects économiques) ou bien le lien entre fiscalité et nouvelle citoyenneté locale ( aspects politiques ). Toutes ces questions partent d'un même constat : les finances locales sont devenues le miroir des défis et des enjeux de la nouvelle action publique locale (Première partie ) * 1 BALME- FAURE- MABILEAU ( 1999 ) |
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