UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE
Institut d'Etudes Politiques de Grenoble
Eric FARGES
UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE
?
L'engagement et le militantisme au sein du
comité Attac Isère
Année universitaire 2000-2001
Séminaire : « Les mises en scène
du politique »
Sous la direction de MM. Olivier IHL et Philippe VEITL
SOMMAIRE
INTRODUCTION 5
PARTIE 1 LE MODE ASSOCIATIF
1 Une forme associative renouvelée ?
23
1.1 La mise en scène du mouvement 23
1.2 Une dialectique entre le local et le national ?
42
1.3 Une « démocratie interne »
contestée 59
2 La part associative de l'engagement
74
2.1 Les vertus associatives 75
2.2 Un engagement précis mais global 91
PARTIE 2 PARTICIPER AUTREMENT
1 Les nouveaux conflits sociaux
115
1.1 Le réveil de la protestation collective 111
1.2 Les nouvelles formes de mobilisation 128
1.3 La place d'Attac au sein du réseau anti-mondialiste
138
2. Des nouveaux militants ?
157
2.1 La compréhension de l'engagement 157
2.2 Un militantisme « par le bas » ?
196
CONCLUSION 228
Bibliographie 235
Table des matières 244
Index des sigles 248
INTRODUCTION
La figure du militant
A
rles, 25 août 2001, 11h00. Julie est attentive, elle
note scrupuleusement sur un cahier la démonstration du professeur. Tout
lui paraît clair. Les événements s'enchaînent de
façon logique : le système monétaire de Bretton
Woods, la fluctuation des monnaies, la spéculation boursière, la
crise de la dette des pays du Sud, la fuite des capitaux vers les paradis
fiscaux. Jean-Marie Harribey, professeur de sciences économiques et
sociales à l'université Bordeaux-IV, s'attache à expliquer
de façon pédagogique les mécanismes financiers
internationaux aboutissant à un capitalisme
« boursier ». Malgré ce que l'on pourrait croire
Julie n'est pas étudiante en sciences économiques, elle est
assistante sociale. Elle assiste à la seconde université
d'été de l'Association pour la taxation des transactions
financières (Attac) qui propose à ses militants un cycle
d'enseignement consacré à l'économie mondiale et
baptisé « Contre l'emprise de la finance, une économie
à finalité humaine ». Pendant quatre jours, 700
militants, rassemblés au Palais des congrès d'Arles, vont
assister quotidiennement à six heures de cours suivis d'ateliers
spécialisés et de travaux dirigés. L'ambiance est à
l'étude. Julie souhaite avant tout se
« réapproprier » les thèmes
économiques dont se sont arrogés pendant trop longtemps les
« experts ». Dans l'immense salle, transformée pour
l'occasion en amphithéâtre, les idées fusent :
« Non, la mondialisation n'est pas un fait inéluctable. On
peut résister ! », « Le monde n'est pas une
marchandise ! », « Les droits des peuples priment sur
le profit économique », « Un autre monde est
possible ».
L'association n'est toutefois pas ancrée dans le monde
des idées. La formation n'est qu'une des multiples dimensions du
militantisme. Attac, comme le rappelle sans cesse Bernard Cassen, son
président, est « un mouvement d'éducation populaire
tourné vers l'action ». Julie estime que sa formation
économique constitue le pendant logique des actions qu'elle mène
sur le terrain. Car ces apprentis économistes sont des militants
d'« en bas » avant tout. Ils représentent les 230
comités locaux de l'association qui se sont essaimés sur tout le
territoire français depuis juin 1998, date du lancement d'Attac. Julie
est d'ailleurs venue à Arles avec une dizaine de militants du
comité Attac Isère. Durant les mois précédents, le
comité à multiplié les initiatives :
conférences, distributions de tracts, manifestations locales. Les
militants isérois ont également été protester leur
mécontentement à Gênes en juillet, à l'occasion du
sommet du G8. Julie n'a pas eu peur de les accompagner malgré les
violences prévisibles qui ont provoqué un mort et six cents
blessés. Elle fait partie des fidèles qui ont répondu
présents dès le lancement de l'association. Julie n'a alors pas
hésité à s'engager. La « prise de
conscience » des méfaits de l'économie l'a amené
à militer en faveur de la taxation des mouvements de capitaux, de
l'annulation de la dette du tiers monde ou encore du
démantèlement des paradis fiscaux. Julie n'est pourtant pas une
professionnelle du militantisme. Après ses quinze années de
syndicalisme à la CFDT, elle se présente comme une
déçue de l'engagement. Son refus des compromis, sa
méfiance vis-à-vis des partis politiques ont alors trouvé
un échappatoire dans la forme associative
d'Attac, « moins contraignante et plus souple ». Moins
d'un an après son adhésion Julie a rendu sa carte de la CFDT,
dont elle juge la secrétaire, Nicole Notat, trop
« compromise ». A l'inverse, Attac représente pour
elle un regroupement de citoyens décidés à exercer un
« contre-pouvoir » sur les décisions du
gouvernement1(*).
Au départ, un
éditorial
Un éditorial publié dans Le Monde
diplomatique en décembre 1997 serait à l'origine
d'Attac2(*). Dans cet
article, intitulé « Désarmer les
marchés », Igniacio Ramonet, le directeur du mensuel, accusait
les spéculateurs boursiers d'être responsables des crises
économiques. En conclusion, il proposait à ses lecteurs,
l'idée d'une taxation des mouvements de capitaux appelée taxe
Tobin : « Pourquoi ne pas créer, à l'échelle
planétaire, l'organisation non-gouvernementale d'Action pour une taxe
Tobin d'aide aux citoyens- Attac. En liaison avec les syndicats, les
associations à finalité culturelle, sociale ou écologique,
elle pourrait agir comme un formidable groupe de pression civique auprès
des gouvernements pour les pousser à réclamer, enfin, la mise en
oeuvre effective de cet impôt mondial de solidarité.
»3(*). Cette
proposition fut alors reprise par d'autres médias et elle reçut
le soutien de nombreux individus et d'organisations variées
(associations, syndicats, journaux), tous prêts à soutenir cette
initiative.
Une première rencontre eut lieu à Paris le 16
mars 1998 à l'invitation du Monde Diplomatique et un accord fut
élaboré entre les participants. Le projet d'une charte permettant
aux membres fondateurs d'adopter une plate-forme de revendications communes a
été envisagé à cette occasion. Il s'agissait de
constituer le mouvement Attac qui prit la définition suivante :
« Association pour la Taxation des Transactions Financières pour
l'Aide aux Citoyens ». L'Assemblée générale
constitutive du 3 juin, au cours de laquelle les statuts de l'association ont
été déposés, permit d'élire un Conseil
d'administration provisoire dans lequel les membres fondateurs siègent
de façon permanente. En outre, Bernard Cassen, directeur
général du Monde Diplomatique, fut élu
président de l'association et Ignacio Ramonet, l'initiateur d'Attac
devint président d'honneur.
Les structures de fonctionnement de l'association ont alors
été mises en place. Le Bureau présidé par Bernard
Cassen assura la gestion de l'association. Un Conseil scientifique
présidé par René Passet, professeur émérite
à l'université Paris I, fut établi. Son rôle est de
produire un ensemble de documents pouvant servir de fondement et de
référence aux revendications du mouvement. La création de
« comités Attac » a permis un
développement local de l'association. En décembre 1998, des
statuts type furent élaborés pour les comités locaux et
une charte des rapports entre ces comités et l'association nationale fut
constituée.
L'association est alors lancée, elle va connaître
une progression très rapide. Tout d'abord, le nombre d'adhérents
a connu une croissance exceptionnelle : en août 1998, Attac
accueille son millième adhérent, en juin 1999, le seuil des 10
000 adhérents est franchi. L'association dépasse les 20 000
adhérents en février 2000. En août 2001, l'association
revendiquait le chiffre de 38 000 adhérents4(*). Des rencontres nationales
eurent lieu entre les adhérents. La première réunion (17
octobre 1998) et les premières assises (Assemblée
générale des 23-24 octobre 1999) se déroulèrent
à la Ciotat (Bouches-du-Rhône). L'Assemblée
générale de l'année 2000 eu lieu à St Brieuc
(Côtes-d'Armor) en octobre. Deux universités d'été
furent organisées, la première dans la ville de la Ciotat (23-26
août 2000) et la seconde à Arles (24-28 août 2001)5(*).
Parallèlement la direction nationale d'Attac a
multiplié les initiatives. Elle lança en décembre 1998 une
pétition pour la taxation des transactions financières qui
recueillit 110 000 signatures et qu'une délégation d'Attac
remit à Laurent Fabius, alors président de l'Assemblée
nationale, en automne 1999. En novembre 1999 à l'occasion du sommet de
l'OMC à Seattle, un ensemble de manifestations unitaires furent
organisées dans toute la France, le plus souvent sur l'initiative des
comités locaux. Elles rassemblèrent 70 000 personnes, dont
20 000 à Paris. Enfin, de nombreux ouvrages ont été
publiés par Attac. Ils permettent de diffuser les travaux du Conseil
scientifique de l'association, mais également de présenter
l'association aux non-adhérents.
La présentation de soi
Ce qui semble surprenant à priori dans Attac,
c'est la dynamique qu'on lui attribue spontanément et qui en fait un
phénomène6(*),
une success story7(*) ou une start up citoyenne selon les mots de
Bernard Cassen8(*). Cette
nouveauté aurait pour origine les conditions dans lesquelles est apparue
l'association dont voici quelques signes avant-coureurs : « le
volume de courrier (plusieurs millier de lettres ou de message) reçu au
Monde diplomatique après la publication, en décembre
1997, de l'éditorial à l'impératif
« Désarmer les marchés » dans lequel Igniacio
Ramonet suggérait, comme on lance une bouteille à la mer, la
création d'une association qui s'appellerait Attac, les deux
« t » se référant à l'époque
à « taxe Tobin » ; l'immédiate
disponibilité des personnalités et des publications,
organisations syndicales et associatives contactées en vue de donner
suite à la sommation que les lecteurs faisaient au journal de
créer Attac, et non pas d'attendre une hypothétique
création par d'autres (ce qui n'était nullement envisagé
à l'origine et explique l'obligation dans laquelle s'est rapidement
trouvé l'auteur de ces lignes de s'impliquer dans cette
entreprise) ; la rapidité avec laquelle un accord fut trouvé
sur les statuts, la plate-forme constitutive et la direction provisoire de
l'association ; plus symptomatique encore, la facilité avec
laquelle les organes de décision des différentes organisations
fondatrices ratifièrent les propositions de leurs représentants
aux discussions »9(*). Un appel adressé aux citoyens, des milliers de
lettres, le regroupement immédiat d'un ensemble d'organisations :
le lancement d'Attac s'apparente à un conte de fées dont personne
n'avait prévu l'ampleur de la réussite. Le déroulement de
la suite des événements allait relever de la même
imprévisibilité que celle qui a marqué l'émergence
de l'association10(*).
Dés lors, Attac est décrite comme étant une association
marquée par le sceau de la nouveauté, en raison de son
organisation originale et de l'engagement qu'elle suscite.
Tout d'abord, la spontanéité initiale du
mouvement aurait rendu possible l'émergence d'une organisation dont la
forme est difficilement qualifiable. Attac est présenté comme
étant une association souple permettant la mise en réseau des
individus et des organisations qui y participent11(*). En sus des adhérents
individuels, l'association a réussi à rassembler plus de mille
organisations à partir de la même charte12(*). De plus, en réponse au
centralisme et à la hiérarchie des organisations traditionnelles
(syndicats, partis) un fonctionnement souple aurait été
privilégié. En effet, la contrepartie de la non-reconnaissance
des comités locaux (qui ne figurent pas dans les statuts) serait
l'importante autonomie d'action dont ils disposent.
Mais la principale originalité d'Attac serait d'avoir
permis un renouveau de l'engagement. Le signe le plus flagrant de ce
réveil de la participation est la progression
exceptionnelle du nombre d'adhésions. Alors que le thème de la
crise de la participation figure comme un leitmotiv, les médias
n'hésitent pas à parler d'un retour de l'engagement. Certains y
voient un mouvement à contre-courant des partis politiques et à
l'atonie des grandes structures partisanes et syndicales, ils opposent la
vigueur de l'engagement associatif13(*). D'autres mettent en avant le retour de la
participation des jeunes dans la vie politique, comme par exemple ce magazine
de presse féminine qui titre : « Engagez-vous ! Rengagez-vous ! :
on n'avait pas vu ça depuis les années 70. À la ville
comme sur les écrans, l'engagement politique redevient une valeur [...]
Enquête sur un phénomène de jeune masse»14(*).
Attac aurait rendu possible non seulement un renouveau de
l'engagement militant mais également un nouveau type engagement. La
participation à Attac échapperait à toutes les
classifications existantes. Il s'agit, tout d'abord, d'un engagement qui ne
repose pas sur des affinités partisanes mais dont le principal ressort
est la « citoyenneté ». La participation associative
devrait dés lors être entendue comme étant un
impératif catégorique qui s'impose à chaque membre de la
communauté politique. Attac serait donc un regroupement de citoyens
visant à mettre fin à la « tyrannie des marchés
financiers ». L'engagement au sein d'Attac ne serait pas contraignant
contrairement à une adhésion politique. Il constituerait un
engagement « politique non politicien »15(*).
De plus, le discours de l'association accorde une large part
à la figure du citoyen « actif » c'est-à-dire
qui ne limite pas sa participation au seul geste électoral. Le militant
d'Attac est un citoyen qui témoigne d'une volonté de participer
et de « se réapproprier l'avenir du monde ». Pour
cela il n'hésite pas à associer « l'information, la
formation et l'action »16(*). Attac constituerait donc un « mouvement
d'éducation populaire tourné vers l'action ».
Enfin, une des caractéristiques d'Attac serait son
insaisissable dimension territoriale. Le citoyen s'inscrit dans une
communauté nationale à laquelle il participe. Il est
également rattaché à une communauté locale. Comme
le rappelle Bernard Cassen, bien qu'Attac ait été lancé
initialement sous une forme nationale, les comités locaux ont pris le
relais très rapidement : « Quand Attac est né, on ne
savait pas ce que cela allait devenir ! Très rapidement, on a
été surpris par le succès mais aussi par l'enthousiasme et
la volonté d'agir des gens eux-mêmes. Les premiers comités
se sont crées de manière tout à fait spontanée,
avant même que nous en ayons prévu
l'existence »17(*). A cette citoyenneté locale, s'ajoute
l'émergence d'une citoyenneté mondiale dont Attac constituerait
une des manifestations. L'engagement des Attacants témoignerait d'un
« nouveau style de militance et d'un monde associatif qui de nouveau porte
à agir par-delà les frontières »18(*). Certain dirigeants d'Attac y
voient même l'émergence d'une nouvelle internationale des
peuples.
La représentation de la citoyenneté telle
qu'elle se déploie dans l'association implique une réflexion sur
la territorialisation de la participation. Le but de chaque militant serait de
« Penser global et agir local »19(*). Toutefois comment s'effectue
l'inscription des engagements dans le local ?
Une étude comparative
L'acte d'adhésion à Attac marque l'inscription
dans une communauté nationale (et même internationale). Comme le
remarque Jacques Ion, l'appartenance à une association passe toujours
par le rattachement à une « sociabilité de
base ». Le modèle en fédérations associatives
qui s'est développé sous la IIIéme
République articulait un « pôle
sociétaire » national et un « pôle
communautaire » local20(*). Au sein d'Attac, l'acte militant semble s'inscrire
de façon privilégiée à l'échelle locale. En
effet, les comités locaux sont chargés de
« porter » les revendications sur le territoire. La
compréhension des militants est donc indissociable du milieu dans lequel
ils s'inscrivent. C'est pourquoi le terrain d'enquête le plus
approprié à notre recherche doit être suffisamment
restreint et circonscrit pour prendre en compte la spécificité
des militants. De plus, ce terrain doit présenter suffisamment de points
communs avec l'association nationale pour qu'une filiation puisse être
faite entre les deux. L'étude du comité Attac Isère
répond à ces critères.
Le comité Attac Isère est, tout d'abord, apparu
en novembre 1998, quelques mois après la création de
l'association nationale. C'est également sur l'initiative d'un ensemble
d'organisations, qui sont pour la plupart membres fondateurs d'Attac, que le
comité isérois a été mis en place. Il a connu une
progression, en termes d'effectifs, similaire à celle qui a eu lieu sur
le plan national. Attac Isère comptait 200 adhérents en janvier
1999, puis 590 adhérents en 2000 et 820 en février 2001.
Une recherche ne peut pas porter uniquement sur le
comité isérois. L'interdépendance du local et du national
implique d'articuler dans une même réflexion les deux dimensions
de l'association. L'étude du comité doit permettre de
dégager certains éléments qui seront pertinents au regard
de l'organisation nationale. Il s'agit de chercher autant les ressemblances que
les divergences entre Attac Isère et Attac national. Il apparaît
donc nécessaire de prendre en compte les particularités du local.
Le comité Attac Isère dispose par exemple d'un mode
d'organisation spécifique. Les statuts qui ont été
adoptés ne sont pas ceux de l'association ou des autres comités
locaux. De plus, certaines de ses prises de position vont à l'encontre
de celles de la direction nationale. Ces dissemblances témoignent, bien
sûr, des spécificités du comité local, mais elles
permettent également de prendre la mesure de l'effectivité de la
nouveauté que Attac prétend représenter. Elles ne
constituent donc pas une limite à la compréhension de
l'engagement au sein d'Attac mais sa condition de possibilité. C'est par
une approche comparative entre le local et le national qu'il est possible
d'interroger la prétendue nouveauté du mouvement.
Un nouvel âge de la
participation associative ?
L'attribut qui qualifierait le plus
adéquatement Attac serait celui de la nouveauté. Il rendrait
compte aussi bien de l'originalité de la forme associative du mouvement
que de la singularité de l'engagement des militants. Cet engagement
semble d'ailleurs se situer à contre courant des modes de participation
traditionnels et contemporains.
Dans quelle mesure peut-on parler d'un nouvel
âge de la participation associative21(*)? En quoi ce renouveau est-il manifeste au sein
du comité isérois ?
S'interroger sur Attac revient donc à examiner la
nouveauté qui lui est attribuée, afin d'en distinguer la part du
neuf et de l'ancien. Pour cela, il est nécessaire d'adopter une double
démarche comparative dans laquelle le comité isérois
servira de référent. Nous effectuerons une première
comparaison entre le discours tenu par l'association et son effectivité
au niveau local. D'autre part, il apparaît primordiale de confronter les
caractéristiques de l'organisation nationale au comité
isérois.
Un renouvellement des approches de
l'engagement et de la participation politique ?
Les fondateurs d'Attac insistent sur le choix de la forme
associative qui est jugée plus souple que les modes d'organisation
traditionnelles. Martine Barthélémy a observé que l'essor
de la participation associative s'explique, en partie, par l'adéquation
des valeurs véhiculées par la forme associative avec les attentes
formulées par les individus. La généralisation du concept
de « citoyenneté associative » rendrait compte de ce
dynamisme22(*). Selon Jacques Ion, tandis que les
organisations traditionnelles se fondaient sur l'anonymat de l'individu et lui
ôtaient toute autonomie, l'individualité spécifique du
militant serait désormais prise en compte23(*).
Attac est, selon nous, indissociable de la forme associative.
Sa rapide progression s'expliquerait par une défection des structures
partisanes et syndicales au cours des années 80 et 90 et par le rejet
des pratiques d'appareil. Les militants attribueraient à l'organisation
d'Attac un ensemble de vertus associatives telles que la liberté.
L'engagement au sein d'Attac doit être entendu avant tout comme un
engagement associatif.
D'autre part, il semblerait que les revendications soutenues
par l'association soient dotées d'une dimension internationale (taxe
Tobin, annulation de la dette, etc.). Ces thèmes répondraient
selon Bernard Cassen à une attente de la
« société civile »24(*). Mais Attac
représenterait également un renouveau de
l' « utopie » dont témoignent certains slogans
(« un autre monde est possible », « il s'agit de
se réapproprier l'avenir de notre monde »). Attac
constituerait par conséquent un renouveau de l'engagement en faveur des
grandes causes.
À l'inverse de ce type d'engagement, Nonna Mayer
évoque l'essor d'un militantisme du quotidien dans lequel les militants
« attendent de leur engagement une approche concrète des
problèmes, proche des réalités et des
préoccupations quotidiennes »25(*). Selon elle, l'engagement relèverait de la
proximité que les gens ont avec la « cause » et les
revendications pour lesquelles ils militent. Cette observation ne semble
à priori pas s'appliquer à Attac. Doit-on pour autant en
conclure qu'Attac témoignerait d'un engagement à contre
courant ? Ce constat amène à poser la question des ressorts
de l'engagement, c'est-à-dire des motivations qui ont amené
chacun des individus à adhérer voir à militer au sein du
comité isérois. D'autre part, Daniel Gaxie considère que
l'engagement des militants n'est pas intelligible à partir des seuls
mobiles idéologiques auxquels ils se référent. Selon lui,
les militants bénéficieraient de certaines rétributions
matérielles ou symboliques susceptibles de rendre compte de leur
participation. Comment rendre compte de l'engagement des militants au sein
d'Attac ? Peut-on le rattacher uniquement à la promotion de certaines
valeurs (solidarité, l'équité) ? L'engagement au sein
d'Attac répond-il à d'autres préoccupations ?
La compréhension de l'engagement au sein d'Attac, nous
en faisons l'hypothèse, ne peut-être rendue possible qu'en
s'attachant à démontrer les intérêts défendus
par les militants. Il s'agit de voir en quoi la participation des militants ne
se limiterait pas à un engagement intellectuel mais s'inscrirait dans un
conflit d'intérêts où les enjeux sont également
matériels. Dès lors, la proximité à laquelle se
réfère Nonna Mayer est peut-être l'un des facteurs de
l'engagement des militants. Il apparaît également
nécessaire d'établir les bénéfices et les
gratifications (matérielles et symboliques) que les militants retirent
de leur participation.
Enfin, la constitution du mouvement relèverait d'une
spontanéité imprévisible. Toutefois, la sociologie de la
mobilisation des ressources a remis en cause la naturalité de
l'organisation des groupements sociaux26(*). Les groupes n'apparaissent jamais comme des objets
trouvés mais ils sont avant tout des construits sociaux. Il est donc
nécessaire d'interroger les modalités d'émergence de
l'association. L'éditorial du Monde diplomatique, le
rassemblement des membres fondateurs, la progression des adhésions
répondent peut-être à certaines stratégies mises en
oeuvre par les fondateurs de l'association. Il s'agit de voir en quelle mesure
Attac correspond à une entreprise de mobilisation.
Ce dernier problème suppose d'analyser les conditions
dans lesquelles a eu lieu l'engagement des militants. La prétention
d'Attac de renouveler la participation associative doit être jugée
à l'aune des conflits sociaux des années quatre-vingt-dix, que
nous désignerons par le terme de « nouveaux conflits
sociaux ». D'autre part, Attac s'inscrit dans un mouvement plus large
de résistance à la
« mondialisation »27(*). C'est à l'intersection de ces deux processus
qu'un réseau d'acteur s'est mis en place28(*). Nous désignerons, par simplicité, ce
réseau par le terme de mouvement
« anti-mondialisation » bien qu'il soit dénié
par les acteurs à qui nous l'attribuons29(*). Nous postulons un lien entre l'inscription des
individus au sein de réseaux de militance et leur participation à
Attac. Comme le rappelle Martine Bathélémy « les
individus ne sont pas désincarnés, c'est dans la constitution de
relations et par l'identification à des statuts sociaux qu'ils
accèdent à la vie associative 30(*)». Cette remarque justifie
d'autant plus, une analyse du militantisme au sein d'Attac qui soit
centrée sur un terrain de recherche spécifique. La place du local
semble donc devoir être privilégiée dans la
compréhension de l'engagement des militants.
L'enquête de terrain
La première étape de cette étude fut tout
d'abord la collecte des matériaux de recherche nécessaires. Les
travaux existants sur Attac étaient trop distincts dans leur sujet ou
leur « terrain d'enquête » pour qu'il soit possible
de les utiliser31(*). Afin
de recueillir suffisamment d'informations et de données nous avons eu
recours aux coupures de presse qui ont été
collectées32(*).
Ces documents ont permis de réaliser un historique du mouvement, mais
aussi de cerner l'image d'Attac au sein de l'espace médiatique33(*).
D'autre part, nous avons procédé à une
« immersion » au sein de l'association, dans sa dimension
nationale mais surtout dans le groupe local isérois en assistant
à de nombreuses réunions34(*). En outre, il fut primordial d'accompagner les
militants lors de mobilisations afin d'observer leur mode d'action35(*). Au cours de ces mobilisations
et de ces réunions, de nombreuses observations et prises de notes ont
été effectuées. Ce sont elles qui ont permis
d'élaborer les principales hypothèses de la recherche. Le but de
ces observations était, d'une part, de constater comment les militants
s'organisent (c'est à dire d'examiner le déroulement d'un
débat, la façon dont une action est organisée) et, d'autre
part, de considérer les relations que les militants entretiennent entre
eux au sein du groupe local (quelle est la convivialité ? Quel accueil
est réservé aux nouveaux adhérents ? Quelle place les
plus anciens occupent-ils ?). Il fut également possible de
rassembler tout un ensemble de documents de première main tels que des
tracts, des rapports, mais aussi des ouvrages publiés par l'association.
Ces documents ont eu trois fonctions. Ils ont, tout d'abord, permis une
meilleure connaissance de l'information (revendications, statuts). Ils ont
également constitué un moyen pour déterminer quelle image
et quelle présentation de soi les responsables d'Attac souhaitent donner
de l'association. Enfin, les documents internes ont permis de savoir à
partir de quel discours les militants étaient mobilisés.
Afin de collecter des informations auprès des
militants, il fut possible d'être inscrit sur une
mailing-list nommée Attac-talk36(*). La source la plus importante
d'information sur les militants du comité local fut une série
d'entretiens qui furent conduits d'avril à fin juin auprès de
neuf adhérents isérois. Ceux-ci ont été
retranscrits dans leur quasi-intégralité et figurent en
annexe37(*). Les
entretiens occupent une place suffisamment importante au sein de cette
recherche pour que nous en expliquions la démarche.
La diversité des
enquêtés
La première difficulté rencontrée fut de
trouver suffisamment d'individus souhaitant être interviewés. En
dépit d'une intervention durant une réunion
générale et la distribution d'un courrier aux militants,
uniquement deux volontaires se sont présentés. Il a fallu
entreprendre une démarche de bouche-à-oreille qui s'est
montrée plus fructueuse. En revanche, seul un refus fut opposé en
raison d'un emploi du temps trop surchargé38(*).
Face à la complexité et à la richesse des
configurations singulières, la constitution d'un échantillon
représentatif selon les critères classiques (âge,
profession, situation familiale, résidence) apparut peu
pertinente39(*). C'est
pourquoi il sembla préférable de rassembler un grand niveau de
diversité.
Tout d'abord au point de vue de des classes d'âges
représentées, l'échantillon peut être divisé
en trois groupes : les personnes de moins de vingt-cinq ans qui sont
« inactives » (Cécile, Isabelle) ; un groupe
intermédiaire, les 25-40, qui sont dans la vie active (François,
Laurent) et un groupe de plus de quarante ans qui se situent vers la fin de
leur vie active (Thomas, Julie, Fabien, Lionel, Luc). Au regard des
catégories socioprofessionnelles, deux interviewés sont
étudiants (Cécile, Isabelle), deux travaillent dans
l'enseignement (Laurent, Fabien), deux dans le secteur associatif (Lionel,
Julie), deux dans le secteur privé (François, Thomas) et un
enquêté est à la retraite (Luc).
En considération de l'engagement dans Attac, et c'est
le critère le plus important dans le choix des personnes
interviewées, un enquêté s'inscrit dans une adhésion
« passive » (Fabien), c'est-à-dire sans qu'il y ait
participation aux actions ou aux réunions, un s'inscrit dans une phase
croissante de militantisme (Laurent), un dans une phase descendante (Isabelle),
ce que nous assimilerons à une défection possible, trois se
situent dans ce que l'on pourrait appeler un engagement
« modéré » (Lionel, François,
Cécile) et trois dans une forte activité militante (Julie,
Thomas, Luc).
Enfin vis-à-vis des expériences militantes
passées de chacun des interviewées, quatre s'inscrivent dans un
fort passé militant et un réseau assez structuré de
militantisme. Ils cumulent parfois les adhésions dans les associations
et pourraient être assimilés à des
« professionnels » du militantisme (Thomas,
François, Cécile, Luc), tandis que cinq n'ont pas un fort
passé militant politique, associatif ou syndical et ne cumulent par les
adhésions ; ils sont donc assimilés à des
« novices » (Julie, Fabien, Laurent, Isabelle). On peut
déjà noter que parmi les quatre militants professionnels, un
(Thomas) a eu une adhésion à la Ligue communiste
révolutionnaire (LCR) avec laquelle il entretient encore des relations,
tandis que les deux autres (François, Cécile) sont
également militants à la LCR. Le positionnement politique de ces
militants « professionnels » est par conséquent
très nettement ciblé.
Les entretiens se sont déroulés40(*) soit au domicile des personnes
interviewées (Laurent, Isabelle, François), soit sur leur lieu de
travail (Thomas, Fabien, Julie, Lionel), soit à mon domicile
(Cécile), soit encore à la FSU où Attac tient son local
(Thomas, Luc). Leur durée a été assez longue puisque le
plus court des entretiens a duré un peu moins de deux heures
(Isabelle41(*)), tandis
que les autres ont duré entre trois et quatre heures, il s'agit donc
là d'entretiens approfondis. Cette durée qui peut à
première vue sembler excessive s'explique par l'objectif de
recherche.
Les systèmes de
représentation
La méthode de l'entretien semi-directif est apparue la
plus adéquate dans cette recherche. Il s'agissait de mettre en relation
les représentations dont sont porteurs les enquêtés avec
celles qui sont diffusées par la direction nationale et dont nous avons
déjà tracé quelques pistes (spontanéité du
mouvement, rattachement à l'éducation populaire). Nous
souhaitions savoir quelles étaient les représentations communes
qui constituent les signes de l'existence d'une même culture
militante42(*). De
même, les différences de représentation peuvent traduire
certains conflits. La seconde comparaison qui apparaît nécessaire
est celle qui s'effectue entre les représentations militantes et les
comportements. Nous partons de l'hypothèse que les
représentations sont dotées d'une force explicative suffisante
pour rendre compte des attitudes43(*). La nécessité d'investir le vécu
des enquêtés, la recherche d'un climat de
« confiance » suffisant contraignent à adopter un
mode de discours suffisamment libre44(*). C'est pourquoi les entretiens ont été
effectués sur un mode semi-directif et que leur durée est souvent
longue. Le nombre d'enquêtés a été également
volontairement restreint afin de permettre une analyse plus
détaillée de l'échantillon. L'objectif n'était pas
d'obtenir un échantillon représentatif mais varié. Comme
le rappelle Sapir, « si l'on enregistre un témoignage
individuel [...] cela ne veut pas dire qu'on attache du poids à
l'individu, entité adulte et singulière, mais qu'on le prend pour
échantillon de la communauté ».45(*) Enfin, on peut noter que
l'enregistrement et la retranscription des entretiens ont été
jugés indispensables puisqu'ils constituent l'essentiel du
matériau de la recherche. Les enquêtés n'ont eu aucune
réticence à se faire enregistrer46(*).
La
mise en question(s) des engagements
Afin de pouvoir orienter le déroulement de l'entretien,
nous avons fait le choix de nous appuyer sur un guide d'entretien assez
détaillé pouvant répertorier les principales questions qui
nous amenaient à rencontrer les enquêtés47(*). Toutefois, nous avons
procédé à la plupart des entretiens sans ce guide, tout en
ayant à l'esprit son déroulement. Ce qui nous intéressait
c'était moins d'obtenir des réponses précises à nos
questions que de pénétrer et de comprendre les
représentations mentales qui orientent les enquêtés dans
leur militantisme48(*).
Les entretiens peuvent être découpés en
deux thèmes. Un premier ensemble de questions portait sur l'engagement
des enquêtés et leur participation à Attac, cette partie
occupait les trois quarts de la durée de l'entretien. A partir des
questions posées, les entretiens ont suivi des cours assez
différents car chacun d'entre eux fut orienté sur la
spécificité de l'enquêté49(*). Bien sûr, la plupart
d'entre eux ont développé de longs passages sur les
revendications de l'association mais ceux ci ne figurent pas en totalité
dans la retranscription des entretiens. Les propos tenus par les militants
s'apparentent parfois trop à un discours idéologique
« officiel » pour pouvoir faire l'objet d'une analyse
sociologique50(*).
La seconde partie du questionnaire était
consacrée au vécu spécifique de l'interviewé. Cette
partie correspondait à un entretien biographique, elle visait à
tracer pour chaque enquêté les grandes lignes de son passé
militant, de son origine sociale et familiale, ou encore de son comportement
électoral, et permettre ainsi de recontextualiser son
l'engagement51(*). Une
approche trop statique et « réifiante » des
militants, c'est-à-dire qui ne ferait que prendre acte de ce qu'ils
sont, n'est pas apte à comprendre comment ils sont arrivés
à militer à Attac et quel sens ils donnent à leur
engagement. C'est uniquement par une considération des militants en
terme de trajectoires professionnelles, sociales et militantes, qu'il est
possible de procéder à la généalogie de leur
engagement. Il s'agit de tracer le lien qui existe entre le sens qu'ils donnent
à leur adhésion à Attac et leur parcours biographique
(origine sociale, parcours militant, professionnel).
La grille d'entretien a connu plusieurs modifications au cours
de l'enquête. La consigne initiale est la question ayant
été la plus modifiée. Elle concernait, lors de nos
premiers entretiens, la représentation que l'enquêté a de
son engagement (« Comment est-ce que tu te représentes ton
engagement au sein Attac ? »). Toutefois elle fut inadéquate car
certains interviewés ne répondaient pas directement à la
question ; c'est le cas avec François52(*) qui répondit à
la question en se référant à son passé ou Isabelle
qui demanda de reformuler la question. La consigne étant trop floue, il
parut préférable d'interroger les militants sur leurs fonctions
et leur participation dans le comité isérois (« J'aimerais
connaître ton implication et ta participation dans Attac ? » avec
Laurent, « Déjà, je vais te demander tes fonctions au sein
d'Attac Isère ? » avec Thomas). Ce point de départ
était plus approprié car il permettait de pénétrer
directement dans le vif du sujet, c'est-à-dire la vie du groupe
isérois.
La compréhension de l'engagement des militants
isérois nécessite une double interrogation. En premier lieu, il
apparaît primordiale d'analyser Attac en tant que mode associatif
d'organisation. Comment expliquer le mode d'organisation spécifique du
comité isérois ? La structuration de l'association
relève t-elle uniquement d'une spontanéité
imprévisible ou répond-elle à la mise en place de
certaines stratégies ? Dans quelle mesure se distingue t-elle des modes
traditionnels de participation (syndicats et partis politiques) ?
Quelle importance la forme associative représente t-elle dans
l'engagement des militants ?
Il sera possible, dans un second temps, d'interroger la
nouveauté de la participation au sein d'Attac en tant que telle. Dans
quel contexte l'engagement des militants a t-il eu lieu ? Comment des
réseaux sont-ils progressivement apparus ? L'engagement des
militants répond t-il aux mêmes logiques (sociales, individuelles)
que les formes d'engagement traditionnel ou en quoi s'en distingue t-il ?
Assiste t-on à un renouvellement des pratiques militantes locales
ou nationales ? En bref, il s'agira d'examiner quel est le renouveau
des modes de participation.
Partie 1 Le mode
associatif
1 Une forme associative
renouvelée ?
La direction nationale définit avant tout Attac comme
une « association de citoyens ». L'expression renvoie
à une forme juridique instituée depuis le 1er juillet
1901 et dont l'organisation s'est généralisée53(*). Mais une association, c'est
avant tout une réunion d'intérêts et de volontés
communes. Il en est de même pour Attac qui avant d'être un
être juridique composé de statuts et de règlements traduit
l'expression d'une volonté commune. On peut d'ailleurs souligner la
spontanéité que le mouvement a connu lors de sa création.
Ainsi, cette association, avant d'être une organisation, serait
née d'un ensemble de citoyens qui ont témoigné d'un
même désir de s'engager. Le Monde Diplomatique n'aurait
joué qu'un rôle de catalyseur des volontés individuelles.
Toutefois, la constitution d'Attac n'aurait-elle pas relevée d'autres
volontés que de celles de ses adhérents ? Derrière
l'apparente spontanéité du mouvement, n'est il pas possible de
mettre en évidence des stratégies de mise en
scène ?
1.1 La mise en scène du
mouvement
« Pour nous, modernes, le mythe est seulement
mythe parce que nous ne pouvons plus relier ce temps à celui de
l'histoire telle que nous l'écrivons selon la méthode critique,
ni non plus relier les lieux du mythe à l'espace de notre
géographie ; c'est pourquoi le mythe ne peut plus être une
explication ; exclure son intention étiologique, c'est le
thème de toute nécessaire démythologisation. Mais en
perdant ses prétentions explicatives le mythe révèle sa
portée exploratoire et compréhensive, ce que nous appellerons
plus loin sa fonction symbolique, c'est à dire son pouvoir de
découvrir, de dévoiler le lien de l'homme à son
sacré. Aussi paradoxal qu'il paraisse, le mythe ainsi
démythologisé au contact de l'histoire scientifique et
élevé à la dignité de symbole, est une dimension de
la pensée moderne »
Paul Ricoeur, « Finitude et
culpabilité » in Philosophie de la
volonté
1.1.1 L'« appel » du Monde Diplomatique
Le premier facteur de mise en scène de l'association
est, selon nous, le Monde Diplomatique qui est à l'origine du
lancement d'Attac. L'article de Ramonet, publié en décembre 1997,
est d'ailleurs considéré par les militants comme un texte
fondateur. Toutefois, il est nécessaire de s'interroger sur les
processus par lesquels cet éditorial a été
constitué comme une référence symbolique. Mais, avant
cela, il est nécessaire d'analyser brièvement la nature du
mensuel afin de comprendre dans quel arrière-plan intellectuel est
née l'association.
1.1.1.1 Une
référence culturelle associative
Le Monde Diplomatique est un mensuel consacré
aux problèmes internationaux. Il fut créé en 1954 par
Hubert Beuve-Méry, qui est également le fondateur du quotidien
Le Monde. Il a été remplacé par Claude Julien,
puis par Ignacio Ramonet qui en est l'actuel président. Le
« Monde Diplo », comme le surnomment ses lecteurs, est une
publication qui s'est toujours présentée comme
« indépendante » et « critique »
concernant l'actualité et les évolutions du monde contemporain.
Il a connu une forte progression de ses ventes, 200.000 exemplaires en France.
Par ailleurs, il existe une dizaine d'éditions à
l'étranger qui lui permettent de totaliser 500.000 exemplaires. On peut
observer certaines similitudes entre le mensuel et Attac. Tout d'abord, les
journalistes du Monde Diplomatique occupent souvent des postes dans
les structures de l'association telles que le conseil scientifique ou le
conseil d'administration54(*). De plus, les sujets qui sont abordés par
l'association et le mensuel se recoupent de façon significative. Le
Monde Diplomatique développe des thèses très
critiques sur le thème de la globalisation financière dont
Attac a fait son cheval de bataille ; il a notamment pris partie contre le
néolibéralisme. Les articles stigmatisent les conséquences
de la libéralisation et de la mondialisation libérale :
l'appauvrissement des pays du tiers monde55(*), l'hégémonie économique des
Etats-Unis56(*), la
« marchandisation » de l'éducation57(*), les multinationales58(*), les organismes financiers
internationaux59(*), etc.
Tous ces thèmes se retrouvent, comme nous le verrons, parmi les
revendications défendues par Attac.
Le Monde Diplomatique semble constituer une
référence intellectuelle commune au sein de
l'association. La quasi-totalité des enquêtés affirment
connaître et lire ce mensuel. Une seule interviewée n'est pas une
lectrice du Monde Diplomatique. Elle exprime notamment, dans sa
réponse, un sentiment de gêne qui peut laisser sous-entendre
qu'elle ne s'intègre pas à cette culture commune. D'ailleurs,
Isabelle a adhéré afin de mieux connaître
l'association mais elle s'est sentie en décalage avec les militants
qu'elle a rencontrés. Au cours de l'entretien, elle déclare ne
pas se sentir intégrée au monde militant des Attacants.
Cette référence commune dépasse les
cercles militants, car elle est partagée par certains adhérents
qui ne sont pas engagés dans le comité local. Par exemple, pour
Fabien, qui est professeur d'économie en faculté, la lecture du
Monde Diplomatique est « stimulante ». Elle lui
apporte un discours en décalage avec « le conformisme de la
pensée économique ». Le mensuel trace par
conséquent un lien (symbolique) entre les simples adhérents,
comme Fabien, et les militants. En revanche, les militants du comité
isérois développent un autre usage de cette publication. Ils
présentent la lecture de ce mensuel comme faisant partie de leur «
formation ». Cela leur permet de se réapproprier une culture
économique qui leur fait défaut. Ils ne lisent, d'ailleurs, que
les articles ayant un rapport avec les thèmes défendus par Attac.
La lecture du Monde Diplomatique représente à leurs yeux
un outil militant à l'aide duquel ils « aiguisent » leur
argumentaire. Par exemple, au cours des débats en réunions
publiques, il n'est pas rare qu'un militant se réfère à un
article qu'il a lu récemment.
Ainsi, le Monde Diplomatique remplit deux fonctions
distinctes au regard de l'association. Il constitue, tout d'abord, une
référence intellectuelle qui permet de se rattacher à un
groupe de sympathies. D'autre part, certains l'utilisent comme un outil de
formation et intègrent la lecture du mensuel dans leur militantisme. Ces
deux usages ne sont, bien sûr, pas contradictoires mais
complémentaires.
Ces observations appellent une remarque : la
présence d'une culture commune au sein d'Attac renvoie à la
première signification de
l'« adhésion ».
Adhérer60(*), c'est
avant tout s'identifier à un ensemble de référents
culturels et symboliques que s'attribue un groupement. Jacques Ion note que
cette représentation de l'adhésion n'est plus de mise dans les
organisations les plus récentes61(*). En revanche, elle était
particulièrement présente dans le Parti communiste
français. Marie-claire Lavabre, dans un ouvrage consacré à
la sociologie de la mémoire communiste, a pu constater que le PCF
constituait un groupe intermédiaire doté d'une culture
spécifique62(*).
L'adhésion au parti signifiait l'intégration à une
communauté d'individus. Maurice Halbwachs parle de
« communauté affective ».63(*) Le ressort de l'engagement
était la similitude. La lecture du Monde diplomatique ne
constitue bien sûr pas un vecteur d'intégration aussi important
que la lecture de l'Humanité. Toutefois, on peut supposer que
le mensuel contribue à la définition d'une
identité collective.
F.E : Ils sont assez liés au Monde Diplomatique, tu
le lis ?
Isabelle : Non, je ne le lis pas ! [Rires et expression de
gêne]
F.E : C'est la preuve d'une culpabilité ?
Isabelle : Non pas du tout ! [Rires]
Fabien: Je ne le lis pas régulièrement car si je
le lisais régulièrement il m'énerverait, donc je le lis de
temps en temps, il me réconforte à certains égards. On y
trouve un discours un peu différent de tout ce que l'on est
accablé, c'est un discours rafraîchissant, surtout pour les
économistes car on vit quand même dans une sorte de conformisme de
la pensée économique qui est très fort. Et quand on peut
trouver des idées un petit peu différentes, elles sont peut
être stimulantes.
Luc : Dans le Monde Diplomatique, les articles qui se
situent dans notre mouvance je les lis. [...] Je le parcours et si je trouve
des choses intéressantes, tous les articles qui me permettent d'aiguiser
mon argumentaire dans les discussions sur la mondialisation.
François : Le Monde diplomatique,
c'est lu par beaucoup de gens. Il y en a qui en font un usage purement
intellectuel, [...] et puis tu en as d'autres qui s'en servent comme un outil
pour le militantisme, et moi c'est plutôt de ce
côté-là que je me situe [...] Mais c'est un outil de
militantisme, de formation intellectuelle, d'échange...
Thomas : Je pense que c'est un mensuel de réflexion qui
nous donne bien les arguments, qui pose bien des questions de fond et qui fait
le tour des sujets.
Les militants portent, cependant, un regard très
différent sur la nature du journal qu'ils considèrent -parfois
avec regret- comme trop « intellectuel ». Plusieurs
enquêtés considèrent que Le Monde Diplomatique se
situe dans une perspective critique sans que celle-ci s'accompagne d'un
ensemble de contre-propositions sur les thèmes abordés. De plus,
ils estiment qu'il s'agit d'un journal trop pessimiste, donnant une vision de
l'homme et du monde qui apparaît parfois très sombre. Certains
observent également que les analyses qui y sont
développées sont trop manichéennes et s'apparentent trop
à des dénonciations. Il semblerait qu'on puisse lier cette
critique au manque de propositions formulées dans le mensuel.
Thomas : Ils ne sont pas non plus militant dans le sens
où il n'y a pas en fin de paragraphe, pour éviter de faire
ça, tu vois... C'est chacun qui fait ce qui veut avec ça. Mais
les conclusions générales vont dans le sens de dire «
Ça ne peut pas durer parce qu'on va vers la catastrophe », alors
ça c'est un peu grave et il y a des sujets qu'ils abordent, tu vois
qu'au niveau philosophique ils disent que l'être humain il n'est pas
joli, joli et ça, ça me mine un peu le moral et tu te dis, il y a
des sacrés salauds [...] L'être humain est vraiment bête
à des moments.
Fabien : Je reconnais que Bernard Cassen s'exprime de
manière très négative [..] Il se donne un peu le beau jeu
et Le Monde diplomatique est un peu comme ça. Ils disent «
Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire » mais ils sont assez peu
explicites sur les propositions. Ceci dit ? c'est souvent, que les gens
sont bien dans la partie critique mais sont décevants dans la partie
propositions.
Luc : J'ai lu le Monde Diplomatique, mais ça
ne débouchait sur rien du tout... Je l'ai acheté
régulièrement pendant deux ou trois ans, c'est en 1974 [...] Le
Monde Diplomatique, il ne débouchait sur rien, car on faisait
des analyses et il ne lançait rien derrière pour changer quelque
chose. Je ne sentais pas la possibilité de changer quelque chose
là-dessus[...].
Cécile : Je pense que c'est un très bon journal.
Je suis d'accord globalement avec les articles [...] Après il y a des
choses avec lesquelles je suis moins d'accord, par exemple Serge Halimi il
m'énerve, il a un côté dénonciation qui
m'énerve, il donne des bons et des mauvais points à tout le
monde. C'est un côté un peu, voilà les impurs de la terre !
On peut remarquer qu'aucun enquêté n'a une
lecture régulière du mensuel64(*). Ceci s'explique en partie par les critiques
formulées précédemment mais aussi par le fait que le
Monde Diplomatique constitue une lecture d'accès difficile.
Ainsi certains militants font valoir que les articles sont très denses
et qu'il est nécessaire de procéder à plusieurs relectures
afin de pouvoir en assimiler le contenu. En outre, des interviewés, tels
Fabien, regrettent que les articles soient trop répétitifs et que
la mondialisation soit devenue le « fonds de commerce » du
mensuel.
Toutefois, c'est après avoir adhéré
à l'association que certains lecteurs se sont fidélisés.
Par exemple, Luc lisait le Monde Diplomatique au milieu des
années soixante-dix. Il a décidé d'arrêter, au bout
de quelques années, car « ça ne débouchait sur
rien du tout ». Depuis son adhésion à Attac, il le lit
régulièrement. Cette observation confirme notre
hypothèse65(*).
L'adhésion nécessite l'adoption de certaines valeurs et de
certains référents. Ce processus constitue la condition de
l'intégration de l'adhérent à l'association, en tant que
groupement humain. L'identification à ce groupe, c'est-à-dire le
sentiment d'en être membre, apparaît donc davantage comme une
construction que comme un donné immédiat.66(*).
La lecture du Monde Diplomatique relève donc
aussi bien d'une formation personnelle que d'un phénomène
symbolique; il s'inscrit dans le champ culturel des adhérents67(*). Il trace entre eux une
référence intellectuelle commune. La lecture du mensuel
préexiste pour beaucoup d'interviewés à leur
adhésion. Plusieurs ont d'ailleurs trouvé leur bulletin
d'adhésion dans les pages du journal comme c'est le cas pour Fabien,
Luc, Laurent et Julie. Pour d'autres, en revanche, la lecture du journal a
suivi leur adhésion. La lecture du Monde Diplomatique
apparaît comme un rite initiatique d'entrée ou de rattachement
à l'association en tant que groupe d'appartenance. Jacques Ion, qui
étudie les évolutions des structures militantes, rend compte de
l'intégration des individus dans une structure collective par la
constitution d'une entité abstraite, le
« Nous »68(*), qui se caractérise par une très forte
proximité entre les adhérents. Un ensemble de pratiques organise
cette sociabilité et apporte une naturalité au groupe en le
dotant d'un « répertoire commun »69(*). La lecture du Monde
Diplomatique fait partie de cet ensemble de rites qui intègrent
chaque individu à Attac en tant que groupement intellectuel et militant.
Sa lecture constitue un signe manifeste d'engagement dans le groupement.
C'est au sein de cette trame idéologique et culturelle
que va apparaître l'acte de naissance symbolique de l'association.
Fabien : Je ne le lis pas régulièrement car si
je le lisais régulièrement il m'énerverait, donc je le lis
de temps en temps [...] En ce moment je ne l'ai pas lu, je le lis de
manière intermittente. J'ai mes périodes « Monde
Diplomatique » et puis après je laisse tomber pendant un
certain temps. Je n'ai pas dû le lire depuis trois ou quatre mois. Il
parle beaucoup des revendications et des mouvements internationaux mais c'est
normal car c'est un peu leur fonds de commerce [...] Mais j'ai quand même
une impression de répétition, car ce sont souvent les mêmes
thèmes qui reviennent. Donc on peut interrompre pendant un certain temps
et lorsqu'on reprend se retrouver tout de suite dans la mouvance.
Thomas : C'est un journal que j'achète de temps en
temps, tous les deux mois, parce que pour digérer tout ce qu'il y a
dedans et puis ça me donne pas le moral !
Julie : Maintenant Le Monde Diplomatique je lis
très régulièrement depuis que j'ai adhéré
à Attac. Je ne le lis pas entièrement car déjà
qu'il faut que je lise 3 à 4 fois un article pour bien intégrer
et donc il faut du temps.
Luc : Puis j'ai lu quand même pendant pas mal de
temps le Monde Diplomatique, et puis j'ai abandonné la lecture
du Monde Diplomatique parce que j'en avais ras-le-bol de lire des
articles qui me paraissaient très censés mais qui faisaient une
analyse de ce qui se passait dans tous les pays et dans le monde et qui
était toujours pareil... Et puis j'en avais marre parce que ça ne
débouchait sur rien du tout et donc j'en avais ras-le-bol !
1.1.1.2 La construction
symbolique de l'origine
En 1997, alors que la crise monétaire et
financière partie de Thaïlande se propage à toute l'Asie du
sud-est, Igniacio Ramonet signe dans le Monde Diplomatique du mois de
décembre un éditorial intitulé
« Désarmer les marchés »70(*). Dans celui ci, Ramonet
condamne la mondialisation financière conduite par quatre institutions
économiques internationales qui «parlent d'une seule voix [...]
pour exalter les «vertus du marché » » :
Le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale,
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et l'Organisation pour la
coopération et le développement économique (OCDE). Afin
d'enrayer les dérives de la spéculation financière, il
propose d'instaurer une taxe sur les revenus financiers : la taxe Tobin
(du nom d'un économiste américain qui en fit la proposition en
1972). Afin de mettre en place celle-ci, il termine l'éditorial par une
proposition : « Pourquoi ne pas créer, à
l'échelle planétaire, l'organisation non-gouvernementale d'Action
pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens- Attac. En liaison avec les syndicats,
les associations à finalité culturelle, sociale ou
écologique, elle pourrait agir comme un formidable groupe de pression
civique auprès des gouvernements pour les pousser à
réclamer, enfin, la mise en oeuvre effective de cet impôt mondial
de solidarité ». Cette proposition rencontra un écho
favorable auprès de nombreux lecteurs et fut reprise par d'autres
médias. Des lettres de soutien arrivèrent : des courriers
individuels, des lettres d'associations, de syndicats, de journaux, tous
prêts à soutenir cette initiative. La rédaction du
Monde Diplomatique, en collaboration avec les publications Charlie
Hebdo, Politis et Transversales, organisa en mars 1998 une
première réunion à Paris. L'association Attac (Action pour
une Taxe Tobin d'Aide aux Citoyens) fut créée le 3 juin
199871(*) autour d'un
collectif de publications, de syndicats et d'associations. A cette occasion,
les premières structures ont été mises en place : un
Conseil d'administration, un bureau provisoire ainsi qu'un Conseil
scientifique.
C'est ainsi qu'est présentée la constitution
d'Attac dans les documents officiels de l'association72(*) et c'est également
ainsi que la presse en a rendu compte73(*). L'éditorial de Ramonet est mis en avant comme
étant l'origine d'Attac. Il est qualifié, à
posteriori, d' «appel »74(*). Il s'agit d'un terme
très connoté puisqu'il renvoie aux mouvements de
résistance populaire comme « l'appel du 18 juin » lancé
par De Gaule. Cet éditorial constitue également une
référence commune dans la culture militante d'Attac. Beaucoup
d'enquêtés l'évoquent spontanément, à propos
du Monde Diplomatique. Il serait le point de départ de
l'association et aurait provoqué chez de nombreux lecteurs un sursaut
« citoyen » qui les aurait amenés à
s'engager. Ce fut le cas par exemple de Lionel qui était depuis les
années quatre-vingt dans une phase de « sommeil »
militant. La lecture de l'éditorial a eu sur lui un impact très
fort. Il qualifie sa réaction de « prise de conscience ou de
rencontre avec quelque chose ». Cet article a donc eu sur
l'engagement de Lionel, qui a adhéré un mois après la
création d'Attac, un rôle très important.
Toutefois, les autres enquêtés avouent ne pas
avoir lu l'éditorial lors de sa publication et ceux qui l'ont parcouru
n'ont pas réagi à sa lecture. Il est étonnant que
l'article de Ramonet soit présenté comme le point de
départ, non seulement de l'association, mais aussi de l'engagement des
militants alors qu'il a eu très peu de conséquences sur les
adhérents. Les brochures d'Attac commémorent cette date
symbolique de décembre 1997 comme une référence
incontournable de l'association. Cette présentation s'apparente à
un travail de symbolisation. Il s'agit de faire de
l'éditorial du Monde diplomatique une référence
dans la culture militante des Attacants. S'il apparaît comme un symbole
de la fondation d'Attac, ce qui vaut à Ramonet d'être
considéré comme le père spirituel d'Attac, ce n'est pas
tant par les répercussions effectives qu'il a eues sur l'engagement des
militants que parce qu'il a été construit comme tel75(*). Il apparaît comme le
point de départ dont tout est parti mais aussi comme une
référence au sein de la mémoire collective de
l'association.
La narration du lancement de l'association s'apparente
à un mythe qui est difficilement crédible. Comment expliquer que
le nom de l'association figurait déjà dans
l'éditorial ? Comment rendre compte du fait qu'un nombre
conséquent d'associations se soient immédiatement ralliées
à cette proposition ? Il est probable que le projet de cette
association était antérieur à l'éditorial. Des
réunions préparatoires ont probablement dû avoir lieu entre
les responsables de plusieurs organisations. Il est dangereux de
spéculer sur l'origine de l'association, mais il serait naïf de se
rallier à l'idée qu'un éditorial puisse lancer une
association aussi bien structurée qu'Attac.
La naissance de l'association relève donc
essentiellement du symbolique. Elle a été mise en scène
par un ensemble de procédés visant à conférer un
élan à son lancement. La spontanéité et la
nouveauté qui ont été attribuées à l'origine
d'Attac vont désormais apparaître comme les qualités
propres du mouvement. Ces attributs se prolongent dans la présentation
qui est faite de l'association.
F.E : Est-ce que vous êtes un lecteur du Monde
Diplomatique ?
Lionel : Oui, d'ailleurs j'avais lu l'éditorial de
Ramonet et il a eu un impact très fort sur moi. Il était
très en liaison avec beaucoup de questions que je me posais alors. Sa
lecture a été quelque chose de... très affectif pour moi !
Ça était un peu comme une prise de conscience ou de rencontre
avec quelque chose, quelque chose de très fort.
F.E : Il y avait eu un édito de Ramonet qui
avait été assez connu «désarmer les marchés
financiers », tu l'avais lu ?
François : Oui j'avais lu ça... Mais bon...
Thomas : J'avais lu l'édito de Ramonet mais je n'avais
pas plus réagi que ça et c'est après en entendant les gens
parler et en voyant que beaucoup de gens réagissaient par rapport
à ça... Sinon j'ai laissé un peu le temps coulé et
après j'ai pris mon adhésion en 1998.
Julie : Je lisais de temps en temps le Monde
Diplomatique et j'en ai entendu parler comme tout le monde dans le
Monde Diplomatique, je sais qu'il y avait eu la déclaration...
enfin l'article de Ramonet mais je ne l'avais pas lu car je ne le lisais pas
régulièrement.
1.1.2 La présentation de
soi
1.1.2.1 Le rattachement
à l'éducation populaire
Les publications officielles décrivent Attac comme
« une association qui se veut un mouvement d'éducation populaire
tourné vers l'action »76(*). Par cette appellation les dirigeants souhaitent
s'inscrire dans la continuité des « associations et
fédérations « historiques », qui se sont
consacrées à la formation à la citoyenneté pendant
des décennies »77(*). Toutefois, il s'agirait non seulement de poursuivre
mais également de renouveler l'idée même d'éducation
populaire. Ainsi, Bernard Cassen juge que les mouvements d'éducation
populaire « n'ont pas su s'articuler avec les mouvements sociaux de ces
dernières années qui, eux, se veulent des acteurs directs de la
citoyenneté active, ici et maintenant, sur les terrains les plus
divers.»78(*). Ces
mouvements « historiques » seraient en décalage avec
les organisations syndicales, qui sont « autant
d' « écoles » de citoyenneté »
et avec les associations nées du « mouvement
social » (associations de chômeurs, de
« sans-logis », de
« sans-papiers »)79(*). C'est la raison pour laquelle il suggère
qu'Attac renouvelle les formes de l'éducation populaire en inscrivant
celle-ci dans l'action et les « luttes actuelles ».
L' « originalité d'Attac serait d'avoir réuni ces
trois « mouvances » autour d'un objectif dans lequel elles
peuvent toutes se reconnaître : « reconquérir les
espaces perdus de la démocratie au profit de la sphère
financière »80(*).
La référence à l'éducation
populaire étant une des principales caractéristiques d'Attac, il
est probable qu'elle occupe une place importante dans l'engagement des
adhérents. Cependant, au cours des entretiens, très peu
d'enquêtés se réfèrent spontanément à
cette thématique. Lorsque les enquêtés sont
interrogés sur ce thème, la plupart reconnaissent que cette
référence est légitime. Toutefois, les
représentations de ce qu'est l'éducation populaire sont
très hétérogènes. Thomas perçoit
l'éducation populaire comme étant, avant tout, destinée
aux non-adhérents de l'association. Il s'agit, selon lui, d'informer les
gens pour qu' « ils puissent ensuite se positionner ».
Lionel pense qu'elle permet également aux adhérents de se former.
L'éducation populaire ne semble pas avoir l'impact qu'on aurait pu
attendre sur l'engagement des adhérents. En effet, les
enquêtés rapportent avant tout le thème au militantisme et
aux modes d'action que propose l'association. Aucun n'évoque
l'éducation populaire comme étant un ressort de son engagement
personnel. Luc observe, toutefois, qu'il a déjà été
membre d'une association d'éducation populaire « qui se
voulait aussi, tournée vers l'action ».
En revanche, plusieurs interviewés adoptent un regard
critique vis-à-vis de cette référence. Par exemple,
Cécile, qui estime connaître cette thématique du fait
qu'elle dispose de plusieurs expériences dans le domaine de la formation
à l'animation, considère qu'il n'y a « pas vraiment [une]
filiation entre les deux ». François explique
« qu'il faudrait trouver autre chose comme philosophie ».
Il s'agit, selon lui, d'un terme trop « intellectualiste ».
Cela revient à vouloir « porter la bonne parole »
auprès des non-adhérents. On peut remarquer que ceux qui
légitiment cette référence sont ceux qu'on a
précédemment décrits comme étant des
« nouveaux » militants et qui sont pour la plupart des
individus déçus de leurs expériences militantes
précédentes. A l'inverse, ceux qui critiquent cette
référence figurent comme étant des militants
« professionnels ». On peut supposer que la
référence à l'éducation populaire constitue un
thème fécond en faveur de l'engagement militant car elle permet
de proposer un mode de militantisme distinct de celui qui s'est
développé au cours des années quatre-vingt et qui
apparaissait plus éloigné des préoccupations des
adhérents81(*).
Thomas : C'est un moyen... de revenir aux mouvements
d'éducation populaire... C'est un moyen de concentrer de la formation et
de la diffuser pour que justement, les gens qui veulent après participer
à des mouvements d'émancipation puissent, enrichis de ces
informations. Si c'est dans ce sens-là alors oui, Attac participe
à l'émancipation des travailleurs. Après, pour moi, il va
falloir, on revient toujours à des opinions personnelles, il va falloir
que les gens, une fois qu'ils ont ces informations, qu'ils regardent autour
d'eux [...] Mais il faut d'abord commencer par justement informer pour que les
gens puissent ensuite se positionner. Et ça c'est un travail qui est
gigantesque, parce qu'on a en face de nous le reste des médias, quoi.
Lionel : Je pense qu'elle est tournée vers deux
groupes. Tout d'abord vers nous parce que nous avons besoin d'une formation
comme par exemple en économie. Très peu de personnes dans
l'association ont une formation économique. Mais aussi vers les gens de
l'extérieur afin de les informer.
Luc : On a fait partie, suite à 1968, d'un
mouvement qui s'appelle « Vie Nouvelle » et qui se
réclamait du personnalisme communautaire d'Emmanuel Mounier. Le
personnalisme communautaire, il y a le mot personne, individu là-dedans
et on vit dans une communauté [...] C'était aussi un mouvement
d'éducation populaire, qui se voulait aussi tourné vers l'action
et c'est à cette époque là, c'était un mouvement
très catholique, qui était issu du PSU à
l'époque.
François : Je sais qu'Attac se revendique comme
ça [un mouvement d'éducation populaire ] mais j'ai très
peur... Pour moi éduquer la base ou le peuple... Ça peut
paraître un peu paradoxal pour quelqu'un qui est communiste ou marxiste.
Je ne dis pas que c'est ce que propose Attac mais je pense qu'il faudrait
trouver autre chose comme philosophie. C'est un rapport simplement
intellectualiste à la chose, c'est-à-dire nous les militants, et
ça c'est aussi bien des militants de base que la direction d'Attac ou le
Conseil scientifique, on va faire un mouvement d'éducation populaire
pour les autres et pour ceux qui ne militent pas encore ! C'est aussi une
vision du monde. Il y a ceux qui portent la bonne parole. Les autres ils
n'attendent qu'une chose c'est d'être éduqués pour se
mettre en action. Je pense qu'il y a d'autres ressorts qui font que les gens ne
se battent pas aujourd'hui.
Cécile : Attac se revendique de l'éducation
populaire mais je ne vois pas vraiment la filiation entre les deux. Attac c'est
quand même très politique et ça n'a pas grand-chose
à voir avec les mouvements d'après-guerre comme le CEMEA.
Cette dénomination n'était pas présente
lors de la constitution de l'association. Ce n'est qu'à partir d'avril
1999, que le terme d'éducation populaire va être utilisé
pour qualifier l'association82(*).
Depuis, Attac est constamment présenté ainsi, dans ses
publications officielles83(*) mais
également au sein des médias84(*). Il est alors légitime de s'interroger sur la
provenance de cette « étiquette ». Elle
répondrait à une attente formulée par les
adhérents85(*). Mais il
semblerait également qu'on puisse expliquer cette évolution
à partir de la position personnelle du président de
l'association. En effet, Bernard Cassen semble très attaché au
fait qu'Attac soit un mouvement d'éducation populaire. Il a d'ailleurs
publié un article dans le Monde Diplomatique, en juin 1997,
dans lequel il défendait l'idée d'une
« nécessaire refondation de l'éducation
populaire »86(*). Il y
tenait un discours identique à celui qu'Attac diffuse dans ses
documents. Pourquoi avoir voulu raccrocher Attac à cette
thématique ? Tout d'abord, qualifier Attac de mouvement
d' « éducation populaire » lui permet de se
positionner dans la lignée d'un long passé associatif87(*). Il l'inscrit dans une tradition et
lui permet de dépasser la qualification d'association anti-mondialiste.
De plus, par cette référence, Attac rejoint
« l'intérêt pour le bas »
-intérêt qui constitue, selon Jacques Ion, l'un des principaux
attributs des mouvements d'éducation populaire88(*). Cette affiliation constituerait un
mode de présentation de l'association qui aurait été
adopté afin d'en modifier la perception et la représentation. Il
est possible d'y voir une mise en scène de l'image de l'association au
sein de la sphère publique. Il s'agirait, à l'aide de ce travail
de « marketing », d'attirer de nouvelles sympathies et
permettre ainsi la progression des adhésions.
1.1.2.2 La construction
d'une dynamique associative
Concernant la présentation d'Attac, le second
élément qui peut être mis en avant réside dans
l'accroissement des adhésions. Les documents officiels de l'association
et les articles de presse se réfèrent de façon
systématique à l'ascension rapide qu'a connue l'association. Le
lancement des adhésions individuelles commença en juillet 1998,
après que les cadres de l'association eurent été mis en
place. La progression du nombre d'adhérents déclarés par
l'association est considérable : trois années après
le lancement, Attac revendique 30 000 adhérents89(*). La présentation de
l'association diffusée par les documents officiels et les médias
est celle d'un mouvement doté d'une forte dynamique. Bernard Cassen, qui
s'amuse à se présenter comme un
« entrepreneur »90(*) dirigeant une des start-up citoyennes les
plus audacieuses, met sans cesse en avant ce dynamisme : « Le
phénomène Attac intrigue, et parfois même
déconcerte : comment se fait-il qu'en un temps de prétendue
« dépolitisation » une association [...] accueille
chaque semaine en son sein plusieurs centaines de nouveaux membres, dont un
nombre significatif de jeunes ? »91(*). Les médias confrontent
également ce « renouveau » de l'engagement à
la perte de vitesse des organisations politiques et syndicales92(*). Cette représentation
est très présente au cours des entretiens. Lionel explique qu'il
est assez étonné de voir à chaque réunion autant de
nouvelles personnes se présenter. Jusqu'en décembre 2000, une
personne se chargeait d'informer en début de réunion les nouveaux
arrivants. Isabelle affirme, également, que les réunions du
groupe « campus » attirent « pas mal de nouvelles
têtes ».
Lionel : À partir de là, certains ont
organisé à nouveau une rencontre dans une autre commune et puis
il y a eu une trentaine de personnes. C'était assez surprenant car les
réunions mensuelles à Grenoble rassemblent entre 30 et 60
personnes. Dans ce groupe, il y a un tiers de personnes qu'on peut voir aux
réunions mensuelles, un tiers de personnes qui viennent rarement aux
réunions mensuelles et puis un tiers de gens qui viennent pour la
première fois, souvent des gens qui ont entendu parler d'Attac et qui
sont intéressés. À chaque fois il y a des gens nouveaux et
qu'on retrouvera la fois suivante ou pas. Comme on ne le dit pas ça se
fait uniquement de bouche-à-oreille [...] Il y a beaucoup de gens qui
viennent se renseigner sur l'association. Il y avait tellement de gens nouveaux
avant qui venaient à chaque assemblée plénière
qu'on prenait un groupe à part pour faire un briefing sur
l'association.
Isabelle : Le fait de voir qu'il y a un groupe de jeunes
qui bougent et qui ont des idées, ça permet d'attirer d'autres
gens. J'ai vu au cours de l'année, le groupe s'est élargi par
rapport au début d'année. La première fois ça date
de janvier et depuis je vois pas mal de nouvelles têtes arriver. À
chaque fois il y a presque une douzaine de personnes alors qu'au début
on était moins nombreux.
Attac traduirait donc un renouveau de l'engagement.
L'engouement qu'a suscité l'association n'est pas contestable au vu des
adhésions. Toutefois, il s'agit de mettre en évidence la
manière dont cette progression a été
présentée et déformée. Le nombre d'adhérents
est un facteur très important dans l'engagement de nombreux militants,
il explique également l'intérêt médiatique qui est
porté à l'association. Cependant cette progression est
artificiellement surévaluée. La direction nationale comptabilise
comme étant adhérents, tous ceux qui ont souscrit à
l'association depuis son lancement en juin 1998. Les non-renouvellements
d'adhésion ne sont pas pris en compte. Par exemple, parmi les 5300
adhérents de 1998, seulement un tiers (soit 1800) avaient
renouvelé leur adhésion en septembre 199993(*). Cela induit un
différentiel croissant entre les cotisants et les adhérents.
Ainsi, en septembre 1999, le chiffre de 12 000 adhérents était
revendiqué, tandis que 8 800 cotisations avaient été
perçues94(*). En
septembre 2000, alors que l'association revendiquait 27 000 adhérents,
elle ne comportait que 17 000 cotisants95(*). En juin 2001, un article de
Libération96(*) faisait état du chiffre de 30 000
adhérents tandis que l'association ne comportait
« que » 24 000 cotisants97(*). Enfin en août 2001, Attac revendiquait 38 000
adhérents mais comptait 21 000 cotisants98(*). La différence entre les adhérents et
les cotisants était de 3 200 en septembre 1999, elle était de 10
000 en septembre 2000 et de 17 000 en août 2001. On peut supposer que
cette comptabilisation des adhérents a pour but d'amplifier la
progression que connaît l'association.
Cette technique a peut-être également
été employée lors du lancement de l'association. Lors des
premiers mois de lancement, le Monde Diplomatique rendait compte
chaque mois de l'avancement de l'association. Le mensuel publiait
également, à l'occasion, le nombre d'adhésions qui avaient
été comptabilisées. Toutefois, il apparaît que le
nombre alors délivré ne correspond pas au nombre
d'adhésions qu'il est possible de relever dans les documents de
l'association. Par exemple, le Monde Diplomatique proclamait
qu'à « la fin du mois de juillet, environ 4000 personnes
avaient demandé des informations sur l'association et 1500 avaient
adhéré »99(*) tandis que seuls 1 000 adhérents
étaient déclarés par l'association. Dans son
édition de septembre, il était annoncé que
« déjà l'association compte près de 2 500
membres et le flux des adhésions, qui ne s'est pas interrompu en
août, devrait s'amplifier en septembre »100(*), à cette date
l'association atteignait 1500 adhérents. Il est légitime de se
demander si les déclarations du Monde diplomatique ne
s'apparentent pas à de la « publicité
mensongère ». Le nombre d'adhésions aurait
été surélevé dans le but de stimuler les lecteurs
du mensuel les plus hésitants à adhérer. Ces
déclarations erronées et ce mode de comptage des adhérents
s'apparentent à ce qu'il est possible d'appeler une
« prophétie auto-réalisatrice ». En se
présentant comme un mouvement dynamique, l'association a
instrumentalisé son succès initial, qui n'est pas mis en doute,
et a ainsi suscité de nouvelles adhésions. Le dynamisme
attribué à Attac serait la conséquence d'une
stratégie de présentation adoptée par ses fondateurs.
Cette mise en scène fut rendue possible grâce à la
couverture médiatique très large dont a
bénéficié l'association et qui a permis de diffuser une
image qui était davantage le reflet de la volonté des dirigeants
que de la réalité de l'association.
1.1.2.3 La stratégie
de médiatisation
Dès son lancement, Attac a
bénéficié d'un intérêt très
prononcé de la part des médias. Lors des premiers mois, de
nombreux articles ont relaté la constitution de l'association. Les
premières rencontres nationales, qui ont eu lieu le 17 octobre 1998
à la Ciotat, ont également été très suivies
par les médias, tandis que l'association comptabilisait moins de 4000
adhérents. La presse semble avoir témoigné d'un
intérêt pour l'association qui paraît disproportionné
au regard de la croissance du mouvement. Cet intérêt semble
d'ailleurs être réciproque car l'association n'est pas
indifférente au regard que lui portent les médias. Il est, bien
sûr, indispensable pour la plupart des organisations qui souhaitent
occuper la sphère publique de bénéficier d'un relais
médiatique. Toutefois, les documents de l'association consacrent
beaucoup d'importance aux articles que la presse publie sur Attac. Deux mois
après le lancement, un article du Monde diplomatique remarquait
que « comme le prouve plusieurs articles commentant sa
création, notamment celui paru dans le Point, Attac
dérange déjà : c'est un bon signe ! Une raison
supplémentaire pour que l'association soit aussi forte que possible
à la rentrée »101(*). Bernard Cassen n'hésite pas à
interpréter la médiatisation du mouvement comme un signe de
succès102(*). Les
exemples pourraient être multipliés. Cette médiatisation
est, selon nous, amplifiée. Elle relève également d'un
phénomène « d'auto réalisation » qui a
pour but d'accomplir ce qui est affirmé. Le discours n'exerce pas
seulement dans cette situation une fonction déclarative, mais il a
également une disposition performative, c'est-à-dire qu'il exerce
une action sur la réalité dont il prétend rendre
compte103(*).
La médiatisation dont a bénéficié
Attac s'explique par certaines stratégies qui ont été
mises en place dès sa création. Tout d'abord, le lancement de
l'association par un ensemble de personnes morales, mais surtout de personnes
physiques qui sont pour la plupart
« célèbres », rend compte de cette
volonté de promouvoir Attac au sein des médias. Comment expliquer
autrement la présence de Manu Chao au sein d'un comité
composé essentiellement d'économistes et de chercheurs ?
D'autre part, la présence de nombreux journaux (huit) au sein des
personnes morales témoigne de la tentative de publiciser la constitution
de l'association. Les premiers articles consacrés à Attac ont
d'ailleurs été publiés par ces revues.
Les dirigeants ont toujours su mettre à profit les
médias dans le développement d'Attac104(*). Dès le mois de juin,
des conférences de presse nationale ont été
organisées à l'initiative du bureau. L'association s'est mise
à la disposition des journalistes pour faciliter leur travail. Cette
médiatisation a été renforcée depuis la
conférence de Seattle, en décembre 1999, à partir de
laquelle les contre-sommets se sont multipliés. D'ailleurs, dans les
médias, Attac est mis en avant de façon excessive
vis-à-vis des autres organisations qui sont présentes. Ainsi,
lors des actions unitaires, Attac tient le plus souvent le « haut du
pavé » et « vole la vedette » aux autres
organisations présentes. Il est difficile de rendre compte de ce
phénomène105(*). Toutefois, il semblerait qu'il puisse être
expliqué en partie par une tentative délibérée de
la part des dirigeants d'accentuer la médiatisation du mouvement. Par
exemple, lors du contre-sommet de Gênes, qui s'est déroulé
du 16 au 22 juillet 2001, une manifestation a eu lieu le 17 juillet sur
l'initiative d'Attac106(*). Les organisateurs du groupe Attac ont fait circuler
l'information et le lieu de départ. Toutefois, il s'est
avéré, qu'il n'y avait au sein du cortège qu'une
« cinquantaine » de militants, soit autant que le nombre de
journalistes. Cela témoigne d'une volonté de médiatiser le
mouvement au détriment d'une réelle
représentativité de la manifestation. Cette anecdote rend compte
de façon précise des stratégies qui sont
privilégiées par la direction nationale d'Attac107(*).
La médiatisation dont bénéficierait Attac
serait davantage le résultat d'une mise en scène et d'un travail
de publicisation de l'image de l'association qu'un reflet réel de
l'importance du mouvement. Un fait peut étayer cette
hypothèse : tandis que l'association a profité de
l'intérêt des médias dès son lancement, le
comité isérois n'a été médiatisé que
très tardivement. Le comité a été
créé en novembre 1998 mais jusqu'en décembre 2000,
à l'occasion du congrès du P.S qui a eu lieu à Grenoble,
la présence d'Attac Isère dans les journaux locaux est quasi
inexistante. Luc, le président isérois, explique d'ailleurs
qu'aucun journaliste ne se présentait aux conférences de presse
qui étaient organisées. En revanche, les articles se sont
multipliés depuis quelques mois. A l'occasion du défilé du
1er mai, un article du Dauphiné Libéré note la
présence d'un cortège Attac108(*). De même, un article relate la journée
d'action consacrée aux paradis fiscaux organisée par le
comité. Un article du Dauphiné Libéré fut
consacré exclusivement au comité local. Enfin, une journaliste
fut chargée de suivre à Gênes les militants isérois
venus manifester. Cette couverture médiatique, dont
bénéficie actuellement le comité, peut sembler assez
tardive en comparaison de l'écho dont a profité l'association au
niveau national. Cela confirmerait le fait qu'il y ait eu une
sur-médiatisation d'Attac, celle-ci étant due, en partie,
à une mise en scène de la présence de l'association au
sein de l'espace public.
Luc : Depuis peu, on commence à être pris au
sérieux par le Dauphine Libéré, on a
rencontré ce matin une radio extrémiste. Mais à mon avis,
on ne fait pas assez d'information par rapport aux médias. Il faut aussi
qu'ils soient ouverts. Maintenant, il semble qu'on y passe. Il faudrait qu'on
envoie systématiquement tous nos dossiers à tous les
médias mais nous n'avons pas ses contacts. Ceci dit nous avons fait
plusieurs fois des conférences de presse où personne n'est venu.
Par exemple avant une manifestation quelle qu'elle soit, on essayait plusieurs
fois de faire des conférences de presse. C'est depuis un mois ou deux,
que ça commence vraiment à marcher.
La mise en place de l'association ne correspond pas à
la spontanéité que revendiquent les dirigeants nationaux. Il
semblerait que cette représentation soit issue d'un processus de mise en
scène du lancement de l'association et de son image. C'est en
présentant Attac comme un mouvement dynamique orienté vers la
« modernité » (par le thème de la
mondialisation) et qui s'ancre dans une tradition associative
(l'éducation populaire) qu'un ensemble de sympathies et d'engagements
ont pu naître. Ce renouveau de l'engagement citoyen serait donc
essentiellement une construction. Il ne s'agit pas de nier l'effectivité
de cet engagement mais simplement d'en remettre en cause la
spontanéité.
Toutefois ceci n'explique pas adéquatement les motifs
de cette mise en scène. Le mouvement dispose désormais d'une
certaine dynamique et il n'apparaît plus nécessaire de la
promouvoir de façon excessive. De plus, pourquoi vouloir naturaliser la
création d'Attac en présentant l'association comme
l'émanation des citoyens ? Il semblerait que cette
représentation vise à légitimer le fait qu'Attac ait
été crée de façon nationale. Attac est avant tout
un mouvement de citoyens. C'est pourquoi le rôle du national ne serait
pas de « diriger » les membres de l'association mais de les
« coordonner ». Le national et le local apparaissent donc
comme deux instances qui sont indispensables l'une à l'autre. 1.2 Une dialectique entre le local et le
national ?
L'éditorial « Désarmer les
marchés » correspond à la référence
intellectuelle d'Attac; il est à ce titre un des textes les plus
essentiels du mouvement. Toutefois, il n'est doté d'aucune valeur
juridique. C'est en juin 1998, soit six mois après, que les fondements
statutaires sont élaborés. Ils affectent à l'acronyme
formulé par Ramonet la personnalité juridique. Ce qui
n'était avant que des idées et des voeux pieux dans l'article du
Monde Diplomatique devient dés lors des revendications. Toute
une organisation, statutaire mais aussi matérielle, est progressivement
mise en place afin de soutenir la lutte contre les marchés
financiers.
1.2.1 Les statuts et
l'organisation d'Attac
1.2.1.1 La charte
fondatrice
Six mois après la parution de l'éditorial, un
ensemble d'organisations et de personnalités furent réunies afin
d'assurer le lancement de l'association. Lors de l'Assemblée
générale constitutive du 3 juin 1998, les membres fondateurs
signèrent la charte et déposèrent les statuts de
l'association. Chaque organisation apporta une somme comprise entre 5 000 et 35
000 frs afin de couvrir les frais de lancement109(*). Bernard Cassen110(*), directeur
général du Monde Diplomatique, fut élu
président de l'association, tandis que Igniacio Ramonet, directeur du
Monde Diplomatique devint président d'honneur. La charte de
l'association est le texte par lequel les signataires s'accordent sur un
ensemble d'objectifs communs111(*). Elle présente, tout d'abord, les conditions
dans lesquelles l'association est apparue : une aggravation de
« l`insécurité économique et [des]
inégalités sociales [...] la progression des partis
antidémocratiques [...] la liberté totale de circulation des
capitaux [...] l'accroissement permanent des revenus du capital au
détriment de ceux du travail, la généralisation de la
précarité et l'extension de la pauvreté». La charte
évoque, ensuite, la possibilité de mettre en place des
« alternatives » telles que la taxe Tobin qui
« mettrait du sable dans les rouages de la
spéculation ». Un ensemble de revendications précises
et d'intentions plus larges figurent dans la charte. Ces objectifs ont
d'ailleurs été repris pour la constitution du mouvement
international Attac. Enfin, les signataires s'engagent à «
créer l'association Attac, qui leur permettra de produire et de diffuser
l'information pour agir en commun, tant dans leurs pays respectifs, qu'au
niveau européen et international ». Cette charte, qui fut
signée par les 58 membres fondateurs, a servi ultérieurement de
« déclaration d'intention » à l'ensemble des
comités locaux qui se sont constitués.
Au cours des entretiens, il est apparu que les militants
isérois semblaient très attachés à la charte de
l'association. En effet, alors que seuls les membres les plus militants se
réfèrent aux statuts de l'association, la charte apparaît
comme une référence commune aux adhérents. Il s'agit,
selon Thomas, d'un document qui permet à tous les adhérents de
l'association d'avoir « la même base ». Selon Julie,
elle permet de donner à Attac « une certaine
cohérence ». La structure nationale d'Attac est donc
perçue par les militants isérois comme quelque chose de
légitime. Elle serait même, selon eux, la seule possibilité
de fonctionnement de l'association.
Thomas : Moi je pense que c'est bien, parce que
déjà au niveau de l'information et au niveau de la charte et de
la base de l'adhésion, on a tous la même base. C'est une base qui
est donnée par le national et sur laquelle, à la limite on
pourrait agir en disant que ça ne convient pas. Ça s'est fait par
exemple dans les tarifs, au niveau des retraités. Donc
déjà, en adhérant tous sous la même charte avec
[...] les membres fondateurs. Tout le monde a les mêmes informations et
si les gens adhèrent, ils adhèrent à ça. Parce
qu'après ça peut amener des dérives au sein de petits
comités locaux qui... Pour des tas de raison...
Julie : Attac est une association nationale et
internationale il y a donc une certaine cohérence à avoir, il est
nécessaire qu'il y ait des instances de décision communes.
Déjà il y a la charte qui assure une base commune, sachant que
dans certaines villes il y a trois comités locaux.
Luc : Attac c'est un peu la même chose, sauf qu'on
défend quelque chose qui n'a jamais été remis en cause par
personne et ça me semble important, c'est la charte initiale d'Attac.
Pour moi la charte initiale d'Attac n'a jamais été remise en
cause à ma connaissance par personne. Ça me semble primordial.
1.2.1.2 Les statuts de
l'association
Le fonctionnement de l'association repose sur les statuts qui
furent adoptées le 3 juin 1998112(*). Ils distinguent deux types de membres.
« Les membres fondateurs, réunis en collège, sont les
personnes qui ont créé l'association et celles qu'elles
désigneront, à la majorité des deux tiers, pour les
compléter ou les remplacer, le cas échéant. Les membres
actifs sont les autres personnes qui auront adhéré à
l'association »113(*). L'association est dotée d'un Conseil
d'administration, d'un bureau, d'un président, et d'un Conseil
scientifique. Le Conseil d'administration est composé de 30 membres
élus pour un mandat de trois ans et rééligibles sans
limitations. Sur les 30 administrateurs, 18 émanent du collège
des membres fondateurs et 12 de l'ensemble des membres actifs. Les
réunions du C.A ont lieu « aussi souvent que
l'intérêt de l'association l'exige »114(*) avec un minimum de deux
réunions par an. Le bureau est composé du président et des
vice-présidents, du trésorier et de membres. Il est chargé
de la gestion de l'association « dans le cadre des orientations
fixées par le Conseil d'administration ». Le président
« est désigné par le Conseil, parmi les membres
fondateurs, à la majorité absolue au premier tour et
deuxième tour, et à la majorité simple au
troisième »115(*). Le président exerce trois rôles. Il a,
tout d'abord, une fonction de représentation de l'association. D'autre
part il dirige les réunions du bureau, du C.A et de l'Assemblée
générale, qu'il préside. Enfin, il assure le respect des
statuts et du règlement intérieur. Depuis la fondation d'Attac,
Bernard Cassen occupe la fonction de président. Il fut élu en
juin 1998, puis fut réélu en octobre 1999 lors des assises de la
Ciotat116(*). Le
collège des fondateurs est composé de toutes les personnes
physiques et morales qui ont créé l'association117(*). Parmi le collège des
fondateurs118(*)
figurent dix personnes physiques et 48 personnes morales dont des associations
comme AC! (Agir ensemble contre le chômage), Droit au Logement, Droits
Devant !, la C.ADAC (Coordination des associations pour le droit à
l'avortement et à la contraception) mais également des syndicats
comme la Confédération paysanne, SUD-PTT et le syndicat de la
magistrature, et enfin des publications comme par exemple Alternatives
Économiques, Charlie Hebdo, Politis,
Témoignage Chrétien. L'association s'est enfin
dotée d'un Conseil scientifique. Il s'agit d'un organe dont le
rôle est de proposer au C.A, « les axes de recherche de
l'association »119(*). Il produit, pour cela, un ensemble de documents
pouvant servir de fondement et de référence intellectuelle aux
revendications portées par Attac120(*). Il organise ses travaux « en toute
indépendance »121(*). Toutefois, on peut noter que son président
et ses membres sont nommés par le Conseil d'administration. Le Conseil
scientifique est présidé, depuis le lancement de l'association,
par René Passet, professeur émérite à
l'université Paris I.
Les prises de position de l'association sont
effectuées, selon les statuts, au sein du C.A. Pour chaque thème
abordé, le Conseil scientifique produit un projet qui est soumis au C.A.
Le document peut alors être adopté comme un statut de document de
travail du conseil et il n'engage alors pas publiquement la
responsabilité de l'association. Le C.A peut également choisir de
prendre position officiellement et le texte est alors publié dans
Lignes d'Attac122(*) et dans les ouvrages édités au
nom de l'association123(*).
L'esprit sur lequel reposeraient les statuts, selon les
fondateurs d'Attac, est celui de la « participation » et de
la « mutualisation ». Ils présentent la
structuration de l'association comme une « organisation en
réseau ». C'est pourquoi Attac a été
conçu comme une « association nationale - et non pas [une]
fédération-, elle permet à chaque adhérent de
participer et de contribuer à son développement avec la
même pertinence124(*) ». Cette structuration permettrait
d'assurer une meilleure participation de chacun ainsi qu'une diffusion de
l'information plus rapide et plus efficace. Il s'agit, par exemple, de
rassembler par un lien souvent virtuel (c'est-à-dire par le biais
d'Internet qui occupe une place centrale dans l'association) des milliers de
personnes : les membres du national, les membres des comités locaux, les
traducteurs bénévoles et les autres sections de
l'étranger. Toutefois, à la lecture des statuts, on
s'aperçoit du rôle déterminant joué par les membres
fondateurs. Le collège des fondateurs n'occupe pas en tant que tel une
place importante. Il propose au C.A « les grandes orientations et
lignes d'actions de l'Association »125(*). Le Conseil semble prépondérant
puisqu'il peut prendre « toutes les décisions et mesures
relatives à l'association » à la majorité des
présents et des représentés126(*). Toutefois, en raison du
fait que la majorité des membres du C.A sont élus parmi le
Collège (18 membres fondateurs contre 12 membres actifs), les membres
fondateurs disposent d'un droit de veto qui leur permet d'exercer un
contrôle sur l'association.
Les statuts énoncent les principes de fonctionnement
des instances de délibération de l'association. Ils
décrivent également les modalités d'adhésion
à Attac et le statut des membres. Toutefois, les comités ne sont
pas mentionnés. Ils représentent pourtant le lieu d'interface
entre la structure nationale de l'association et les adhérents. Les
comités sont chargés d'organiser des actions (réunions
publiques, distributions de tracts, signatures de pétition) afin de
réaliser le relais local des revendications nationales. Ils constituent
le maillage territorial de l'association.
1.2.2. Le développement
local d'Attac
1.2.2.1 La constitution des
comités locaux
La mise en place des comités locaux commença
à se réaliser peu de temps après le lancement de
l'association. Le 17 octobre 1998 eut lieu la première rencontre
nationale à la Ciotat127(*) (Bouches-du-Rhône). Les prémisses d'une
organisation locale furent posées à cette occasion. Le 20 octobre
1998, les adhérents d'Ile de France se retrouvent au nombre de mille
à une première réunion. En décembre 1998, des
statuts type sont élaborés pour les comités locaux et une
charte des rapports entre ces comités et l'association nationale est
adoptée. Les comités locaux peuvent avoir deux statuts
différents. Un comité peut décider de se constituer en
sous-groupe Attac. Il ne dispose alors pas de ses propres statuts. Son
fonctionnement est informel puisque aucun mécanisme de prise de
décision ou de représentation ne sont définis. De plus,
afin de réparer l' « oubli » des comités
locaux, des statuts types ont été élaborés pour
ceux qui souhaiteraient se doter d'une personnalité juridique128(*). Les comités locaux
peuvent ainsi se constituer en association loi 1901 et se doter d'un Conseil
d'administration, d'un président, d'un secrétaire
général et d'un trésorier. Cette possibilité visait
à garantir une plus grande liberté d'action au fonctionnement du
comité129(*). Les
statuts type rédigés par la direction nationale sont semblables
au fonctionnement de l'association Attac. Le C.A prend « toutes les
décisions et mesures relatives à l'association, autres que celles
expressément réservées par la loi et par les statuts
à la compétence de l'Assemblée
générale »130(*). L'ordre du jour de l'AG est établi
uniquement par le C.A (Article 11-3), l'essentiel des décisions
relève donc du C.A et du bureau. Les rapports entre le comité,
qui prend le nom de « groupe Attac », sont
réglés en fonction de l'article 4 des statuts. Le comité
s'engage à « soumettre les présents statuts au bureau
de l'association nationale Attac pour approbation », à
« s'assurer que tous ses membres sont également membres de
l'association nationale Attac » et à « adresser
chaque année, trois mois avant l'assemblée générale
de l'association nationale Attac, un bilan de ses actions qui est
incorporé au rapport d'activité de l'association nationale
Attac ». Enfin, il est précisé qu' « en
cas de non respect de ces clauses par l'association, le bureau de l'association
nationale Attac peut lui retirer l'utilisation du sigle et la
dénomination Attac ». Dans les deux configurations, le
comité reste indépendant du réseau national. Aucun
contrôle direct n'est exercé sur les actions menées par le
comité, ni sur ces prises de positions. En revanche, aucun groupe local
ne peut aller à l'encontre du texte de la charte. Les comités
locaux se développèrent progressivement sur le territoire
français à partir de la charte et de ces statuts.
En novembre 1998, près de 40 comités locaux sont
constitués, en février 1999, le seuil des 100 comités
locaux est franchi, en février 2000, plus de 150 fonctionnent et en
octobre 2000, 170 comités locaux sont formés131(*). Quelques comités
furent lancés lors de la fondation de l'association, toutefois la
plupart apparurent à partir de septembre 1998. Un document national
publié durant l'été 1998 précise que les
réunions de lancement des comités doivent s'effectuer par le
biais des organisations qui sont membres fondateurs d'Attac132(*). La réunion est
proposée par le relais local d'une des organisations fondatrices ou par
l'ensemble des structures locales rattachées indirectement à
l'association. Cette réunion regroupe les adhérents individuels
d'Attac ainsi que des militants d'autres associations ayant
adhéré à Attac. La présence des membres fondateurs
au sein du comité est essentielle dans le fonctionnement de
l'association. Cela figure parmi les obligations statutaires du comité
« loi 1901 », qui doit s'assurer que « toutes les
structures locales des organisations fondatrices (lorsqu'elles existent
localement) de l'association nationale Attac soient invitées à
son assemblée constitutive et aux réunions
ultérieures »133(*).
Cette présentation statutaire est nécessaire,
bien que fastidieuse, afin de comprendre le fonctionnement de l'association.
Toutefois, c'est uniquement à partir du développement concret des
comités locaux qu'il est possible de mettre à jour les logiques
propres à l'association. C'est, comme nous l'avons dit auparavant,
uniquement à partir de l'étude de la singularité qu'il est
possible d'opérer une saisie intellectuelle de l'objet dans sa
généralité. C'est pourquoi l'analyse du
développement d'un comité local précis est
désormais nécessaire.
1.2.2.2 Le comité
isérois
La création du comité Attac Isère s'est
effectuée en novembre 1998, quelques mois après la
création d'Attac national. C'était sur l'initiative de
l'association Raison d'Agir (qui fait partie des membres fondateurs d'Attac)
que le comité local a été créé. Une centaine
de personnes ont été contactées. Il s'agissait
essentiellement d'adhérents d'associations et de syndicats. Toutefois la
plupart ne se connaissaient pas. La première réunion a eue lieu
à la bourse du travail, dans le local de la FSU, qui fait partie des
membres fondateurs. Lors de sa création, les fondateurs choisirent de
donner au comité Isère une forme associative de loi 1901. Des
volontaires se présentèrent pour être membre du C.A. Parmi
ceux-ci, une seule personne avait adhéré à titre
individuel et ne représentait pas une association. Il s'agissait d'un
lecteur du Monde Diplomatique qui avait adhéré
dès la création de l'association et qui avait été
contacté pour le lancement du comité. Parmi les membres actuels
du C.A d'Attac Isère, seul Thomas a participé à la
création du comité local dont il résume la
création. Le comité comptait peu de temps après sa
création 200 adhérents134(*) ; ce chiffre a ensuite progressé de
façon régulière : 380 adhérents en janvier
2000135(*), 590
adhérents en juin 2000 et 820 en janvier 2001136(*).
Thomas : Et puis j'avais été informé de
la réunion du week-end contre la précarité
organisée par Raison d'Agir, je me disais que c'est intéressant
parce que je me trouvais toujours dans un milieu de militants syndicaux et de
travailleurs salariés et pas d'intellectuels [...] Je pensais pouvoir
servir de lien. J'avais participé à deux conférences,
j'avais trouvé ça bien mais un peu intellectuel, il y avait
beaucoup d'étudiants et pas beaucoup de prolétaires,
c'était sur le campus. Et six mois après, en février,
Raison d'Agir avait contacté tous les gens qui avaient laissé
leurs coordonnées, Raison d'Agir étant membre fondateur d'Attac,
pour créer un comité local d'Attac. Il y avait 110 personnes qui
étaient réunies. C'était début novembre 1998. Il y
avait Bernard Floris et Philippe Decamp qui était correspondants Attac
pendant trois quatre mois. Au cours de cette soirée on avait
décidé la création de ce comité, on a eu une
réunion une semaine après à la bourse du travail. Il y
avait déjà des adhérents Attac à titre individuel,
moi j'étais adhérent Attac déjà depuis octobre 1998
j'avais déjà été à la Ciotat pour la
première réunion nationale [...] On s'est réuni ici
[à la FSU], on avait décidé de nommer des responsables
provisoires pour mettre en place les statuts et convoquer l'assemblée
générale. Il a fallu qu'il y ait des gens qui veuillent bien
être membres du conseil d'administration. Bon. Il y a des choses qui ont
commencé à se dessiner, des gens qui ont fait un tract, un
communiqué de presse. Le Conseil d'administration auto
désigné et autoproclamé... Il était provisoire,
c'était uniquement pour convoquer l'Assemblée
générale, c'était quelque chose de très informel
parce qu'il y aurait très bien pu ce jour-là avoir des fachos
parmi nous et qu'ils prennent le pouvoir. On ne se connaissait pas du tout, je
connaissais deux ou trois personnes dans l'assemblée mais dans le
Conseil d'administration, il y avait des gens de Sud, mais la plupart on ne se
connaissait pas. La plupart des gens du Conseil d'administration venaient de
syndicats ou d'associations. Il n'y avait que Thomas je crois qui n'avait
jamais mis les pieds du tout et qui était lecteur du Monde
Diplomatique et qui était très au courant de plein de
choses. On a décidé du bureau et du président,
secrétaire, trésorier... Toujours provisoires. Moi, j'ai bien
voulu assurer la présidence pour les 3 ou 4 mois à venir
jusqu'à l'Assemblée du mois de mars 1999. Pour l'Assemblée
générale on a fait les statuts et on a réélu le
bureau, je me suis représenté, ils m'ont réélu et
c'est parti... Il y a toujours eu une forte participation, le plus faible
c'était pendant les vacances où il y avait 25 à 30
personnes sinon il y a en moyenne entre 50 et 60 personnes à chaque
réunion.
Le comité local Attac Isère est constitué
en association loi 1901. Toutefois, il a adopté des statuts distincts de
ceux des « statuts types » proposés par le
national137(*). Le
fonctionnement n'en est pas beaucoup affecté. Les prises de
décision ont lieu lors du Conseil d'administration qui se réunit
tous les quinze jours, il est ouvert à chaque adhérent. Le C.A se
compose de 19 membres élus chaque année lors de
l'assemblée générale. C'est également à
l'occasion du C.A, que le président est élu. Le comité
isérois a connu pour l'instant deux présidents : Thomas a
été nommé président lors de la création du
groupe en novembre 1998. Il a été reconduit dans sa fonction lors
de l'assemblée générale de mars 1999. Il a
décidé lors de la dernière assemblée, en
février 2001, de ne pas se représenter afin de ne pas cumuler les
mandats et de laisser la place à un autre. Luc a accepté
d'occuper le poste vacant après de nombreuses hésitations. On
peut noter que des quorums ont été fixés pour que les
réunions du C.A et de l'Assemblée générale soient
valides138(*). Il s'agit
d'une spécificité du comité Attac Isère.
Une répartition des tâches très
précise a été établie dans le comité. Un
groupe a été constitué pour chaque activité :
l'interpellation des élus, l'information et la constitution des tracts,
la diffusion des documents nationaux d'Attac, la gestion du site Internet
local, l'enregistrement de la boîte vocale du comité et enfin, la
gestion des permanences qui sont effectuées tous les mercredis soirs au
café « Notre-Dame » à Grenoble afin que les
personnes intéressées puissent prendre contact avec
l'association. De plus, des groupes de réflexion thématique ont
été mis en place auxquels peuvent prendre part les
adhérents. Ces groupes sont organisés selon les thèmes
lancés par le national : la dette des pays du tiers-monde, les
banques et les paradis fiscaux, l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et
les Institutions Financières Internationales (IFI), l'énergie, la
question de l'environnement et des Organismes Génétiquement
Modifiés (OGM), les médias, la condition des femmes, et enfin
l'Accord Général sur le Commerce et les Services (AGCS) et la
défense du service public. Les réunions de ces groupes se
déroulent, le plus souvent, de façon mensuelle. Elles ont lieu
à 18 heures, soit à la Bourse travail, soit à la maison
des associations de Grenoble. Chacune d'entre elles regroupe entre 10 et 15
personnes.
Une réunion publique a également lieu chaque
mois. La réunion publique, ouverte aux non adhérents, rassemble
entre 60 et 70 personnes à chaque fois. Les thèmes abordés
sont inscrits à l'ordre du jour qui est préparé
préalablement au cours du Conseil d'administration. Des
réflexions et des débats ont lieu sur les thèmes dont est
porteur Attac (tels que la taxe Tobin). D'autres débats ont cours sur
l'organisation des actions (congrès du PS, manifestation du 1er mai,
contre-sommet à Nice ou à Gênes) et sur la diffusion des
informations. Aucun vote n'a lieu durant ces réunions ; le
déroulement de la réunion et des prises de parole est
assuré par un(e) président(e) qui est renouvelé(e)
à chaque réunion. Enfin, on peut noter que des sous-groupes
locaux, au sein de l'Isère, se sont mis en place, permettant ainsi une
meilleure répartition géographique. Un groupe intitulé
« Grésivaudan » s'est constitué pour rassembler toutes
les communes de la vallée du Grésivaudan; les réunions y
sont bimensuelles. Un groupe dans la commune de Voiron a également vu le
jour, une permanence étant assurée de façon hebdomadaire.
Un groupe « Campus » a été créé
en 2001 afin de pouvoir rassembler les adhérents qui sont
étudiants. Pour chacun de ces groupes, un responsable a
été désigné, afin de servir de
référent. On peut noter qu'il existait auparavant un groupe
à Vienne ; celui s'est constitué récemment en
association.
Les comités locaux constituent l'implantation de
l'association au niveau local, ils ont permis son développement rapide
et continu dans chaque partie de l'hexagone. Ses fondateurs reconnaissent
d'ailleurs fréquemment que l'un des principaux atouts du mouvement
réside dans ce maillage territorial dense qui permet une
représentation plus homogène des intérêts, et
évite ainsi la monopolisation du mouvement par quelques cercles
restreints de militants et d'intellectuels parisiens. La direction d'Attac a
par conséquent toujours affiché son souci de
décentralisation. Toutefois, ces déclarations présentent
une contradiction avec les statuts de l'association dans lesquels les
comités locaux ne sont pas reconnus juridiquement. Cette absence va
donner lieu à des conflits internes en vue de la reconnaissance des
comités.
1.2.3 La reconnaissance des
comités locaux
1. 2. 3.1 Une
reconnaissance légitime ?
Les comités locaux ne figurent pas dans les statuts.
Ils sont considérés comme des associations à part
entière (de loi 1901) ou comme des groupes spontanés
d'adhérents. Dans les deux cas, la seule adhésion qui est prise
en compte par l'association est celle qui est faite de façon nationale.
Les militants139(*) du
comité isérois accordent beaucoup d'importance aux statuts de
l'association. La reconnaissance des comités est un sujet de discorde
entre eux et la direction nationale. Selon eux, des incohérences
résultent de l'absence des comités locaux au sein des statuts. Le
reversement des cotisations aux comités, tout d'abord, a provoqué
des conflits. Les cotisations des adhérents sont payées
directement à la structure nationale d'Attac. Afin que les
comités locaux puissent disposer de fonds propres, le national leur
concède le reversement de 25% des cotisations provenant des
adhésions faites dans le comité. Ce versement est
considéré comme étant une
« ristourne »140(*). Toutefois, ce versement aboutit, selon Julie,
à une contradiction puisque le national reconnaît implicitement
les comités locaux, en leur allouant une somme. Julie estime que les
dirigeants reconnaissent « l'existence d'un groupe qui milite, qui
organise quelque chose mais que d'autre part [ils] ne leur donne[nt] pas le
pouvoir au niveau national ».
La seconde incohérence à laquelle aboutissent
les statuts, selon certains enquêtés (Luc, Thomas, Julie), est la
non reconnaissance des comités lors des délibérations
nationales. La participation d'un adhérent à l'Assemblée
générale se fait à titre individuel. Il ne peut prendre
une position qu'en son nom propre. Ainsi, les questions qui sont mises à
l'ordre du jour ou les motions qui sont déposées lors de l'AG
nationale sont rédigées à titre individuel141(*). Certains comités,
dont l'Isère, qui possèdent le statut d'association ont alors
décidé de prendre des décisions collectives et de mandater
un représentant. Le comité isérois a pris plusieurs
positions de façon collective qui ont été
présentées lors de délibérations nationales.
Certaines de ces prises de position ont eu lieu dans le cadre de
l'assemblée plénière qui est ouverte à tous les
adhérents. Par exemple, une assemblée exceptionnelle
s'était réunie le 10 janvier 2000 afin de débattre de
l'adhésion des élus et des collectivités territoriales.
Des résolutions y furent votées, puis furent publiées et
transmises au bureau national142(*). D'autre part, le C.A peut parfois adopter des
positions au nom du comité. A l'occasion, par exemple, de l'AG 2000 de
St Brieuc, deux motions furent présentées de façon
collective143(*).
Toutefois, les enquêtés regrettent qu'on ne
puisse pas distinguer les individus qui viennent à titre individuel et
ceux qui sont présents en tant que délégué d'un
groupe. Les statuts nationaux n'accordant pas d'existence aux comités,
leurs mandants sont dépourvus d'autorité. Le fait qu'ils soient
mandatés ne leur donne pas plus de légitimité
vis-à-vis de ceux qui sont présents à titre individuel. De
même, une motion, qui est déposée à titre collectif
est en égalité avec celle qui déposée à
titre individuel. Ainsi, les deux motions proposées lors de St Brieuc
furent rejetés en C.A national. D'autre part, les militants d'Attac
Isère ont formulé la même critique pour les
élections des membres du C.A national. Les douze sièges à
pourvoir sont répartis de façon géographique. Les
candidatures, lors de l'AG nationale, sont déposées à
titre individuel. Luc explique qu'il a voté pour ceux qui étaient
mandatés par leur comité local144(*). De même, au sein du C.A, les membres
individuels ne représentent qu'eux même. Julie explique que si un
membre veut représenter son comité, il en a le droit mais cela
n'est pas reconnu dans les statuts. De même, si un individu souhaite
prendre une position personnelle, sans consulter au préalable son
comité, il en a également le droit.
Julie : On adhère tous au national, on
adhère pas du tout au local et là aussi il y a des choses qui ne
vont pas, c'est le national qui redistribue une partie des cotisations aux
comités locaux et c'est là où il y a des décalages,
à la fois quand on regarde les statuts c'est chaque militant qui est
reconnu et les comités locaux n'ont pas d'existence propre mais quand
même le national nous reverse un pourcentage de la cotisation aux
comités locaux c'est-à-dire qu'on reconnaît d'une certaine
manière l'existence des comités locaux puisqu'on leur verse
quelque chose pour fonctionner. Il y a des choses comme ça qui sont
contradictoires. C'est une contradiction parce que ça veut dire qu'on
reconnaît l'existence d'un groupe qui milite, qui organise quelque chose
mais que d'autre part qu'on ne leur donne pas le pouvoir au niveau national.
Luc : Les comités locaux qui viennent, on ne sait
pas du tout ce qu'ils représentent. Nous, on sait, parce qu'on a
débattu avant des motions qu'on a du prendre, on représente
l'ensemble du comité local. Mais des autres comités locaux, il y
en a qui sont pareils mais il y en a certains, on ne sait pas s'ils viennent
à titre de comité local ou à titre individuel. On ne sait
pas ce qu'ils représentent, donc quand les gens parlent, on ne sait pas
s'ils parlent à titre individuel ou collectif. C'est une caricature de
démocratie.
Thomas : Il faudrait que les comités locaux organisent
des vraies Assemblées générales et des débats sur
telle ou telle chose, dans une organisation structurée, que les
positions puissent être exprimées par leurs représentants
élus à l'Assemblée nationale. Le problème c'est que
les comités locaux n'ont pas de statuts à l'Assemblée
générale nationale, donc on y va à titre individuel...
Alors nous on était un peu des frondeurs parce qu'on a pris les
positions du C.A Isère ou de groupes d'adhérents qui ont voulu
s'exprimer et qui ne sont en rien... Je dirais légal parce que pour
exprimer une position particulière, il faudrait qu'on réunisse
tout le monde, tous les adhérents et qu'il y ait un quorum minimum
c'est-à-dire la moitié des adhérents, qui se prononcent
par vote à la main levée et que ça, le mandat d'expression
de cette position, soit donné à un membre particulier,
forcément membre du C.A, pour être représenté. Et
ça, ça ne se fait pas. Cette position, c'est une position
émise par une partie, par un groupe de cinquante adhérents de
l'Attac Isère ou de cents ou de 150 et retransmises par le C.A à
l'Assemblée générale nationale mais qui ne sont pas... Je
dirai légal au vu des statuts, parce que les comités locaux n'ont
pas de place là-dedans [...] Et comme on a pas d'organisation
derrière et on n'a pas quelqu'un qui dit « Moi, je parle au nom de
untel », afin de savoir qui il représente, j'évite toujours
d'intervenir à titre individuel parce que ça ne veut rien
dire.
Luc : Il faut voir comment ils [les membres du C.A
national] ont été élus, c'était avant
l'Assemblée générale, on a dit « Qui se
présente aux élections ? ». Les gens se sont
présentés sur quelle base ? Individuellement. Qui est-ce qu'on
connaît là-dedans ? Moi j'ai appris qu'il y avait des gens qui se
présentait au nom de leur comité local et mon choix de vote
ça a été en fonction de ça, j'ai voté pour
ceux qui se présentaient au nom de leur comité local. Et comme
ça ne suffisait pas pour avoir 12 personnes, je me suis dit que j'allais
voter pour des femmes. Voilà comment j'ai voté. Il y a dix-huit
membres fondateurs et douze adhérents individuels.
Julie : Ce qu'on souhaite c'est la reconnaissance de la
présence des comités locaux au sein du Conseil d'administration,
en tant que représentants de collectifs, parce que ça n'existe
pas et les personnes qui sont là-bas qui sont des personnes qui y sont
à titre individuel. Pour nous ça veut dire qu'il y ait au
minimum, des rencontres des comités locaux qui soient porteurs d'une
décision de collectifs et non pas porteurs de leurs propres paroles. Ce
n'est pas toujours ce qui se passe. Ça relève de la
décision personnelle de chacun et si un représentant a
décidé d'être porteur de son groupe, il peut l'être,
mais si quelqu'un décide de se présenter à titre
individuel et qu'il n'a pas du tout envie d'avoir de liens avec son groupe
local, c'est tout à fait possible. Puisqu'il y est à titre
individuel. Chacun peut faire le choix mais ce n'est pas une décision
qui représente une forme de démocratie, je n'aime pas trop
employer ce terme là parce qu'il est galvaudé mais une forme de
fonctionnement qui est tout autre.
1.2.3.2 La modification des
statuts
La reconnaissance des comités locaux passe
nécessairement par la modification des statuts. Il s'agit d'un processus
relativement complexe145(*). Tout d'abord, il faut que le C.A propose une
modification qui soit votée à la majorité des deux tiers
des membres présents146(*). L'Assemblée générale
extraordinaire est alors convoquée, elle ne peut délibérer
qu'à la seule condition que les deux tiers des membres soient
présents ou représentés147(*). Enfin, les décisions relatives à la
modification des statuts doivent être prises à la majorité
des deux tiers148(*). De
nombreuses conditions rendent donc la modification improbable. Bernard Cassen
rappela, d'ailleurs, lors de la réunion du C.A du 11/11/2000, qu'il
existe de nombreuses « difficultés à surmonter pour une
éventuelle modification des statuts »149(*). De plus, comme le remarque
Thomas, la modification des statuts est rendue d'autant plus difficile que la
proposition, avant d'être soumise à l'AG, doit être
adoptée par les deux tiers du C.A. Or, les membres fondateurs
étant majoritaires ils peuvent bloquer toute proposition150(*).
Les enquêtés estiment que les membres fondateurs
ont bloqué les statuts lors de la création de l'association
(Julie estime que les statuts sont « bouclés »).
D'ailleurs, comme le rappelle Luc, très souvent le C.A ne s'en
défend pas. Il s'agirait d'un moyen utilisé afin d'éviter
l'entrisme151(*).
Toutefois, Luc estime que cela témoigne, avant tout, du fait que les
dirigeants « craignent une prise de pouvoir des comités locaux
sur association ». Il craint d'ailleurs que les militants
isérois ne soient pris pour des dissidents. Etant les principaux
concernés par les décisions prises par le national, les militants
d'Attac estiment qu'il est légitime que les comités locaux soient
reconnus. Il leur apparaît donc nécessaire de modifier les
statuts.
Thomas : Après il y a des organisations, associations,
syndicats qui sont représentés et des journaux qui ont une voix
et ce collège des membres fondateurs est représenté par 18
sièges. Et après tu as des représentants, entre
parenthèses, géographique des comités locaux, qui sont au
nombre de 12... Si mes souvenirs sont bons. Mais ils ne représentent par
les comités locaux, dans le sens où il n'y a pas
d'élections et il n'y a pas eu de candidature de chaque comité...
Ça c'est fait un peu de manière informelle, on a regroupé
par région. Par exemple les comités locaux de la région
Rhône-Alpes et c'est une personne de Lyon. Mais on a décidé
comme ça, il n'y a pas eu d'élection. Ils n'ont pas de pouvoir,
si tu veux. Ils sont là uniquement pour faire le lien entre les
comités locaux de leur région et le Conseil d'administration
nationale. Et s'il y a une décision à prendre, elle est prise
à la majorité du Conseil d'administration nationale et donc des
dix-huit membres fondateurs, par contre il y a une discussion avec les
représentants régionaux qui est uniquement consultative. Ils
n'ont pas de droit de vote.
Julie : Vous connaissez les statuts d'Attac ? Dans les statuts
d'Attac c'est bouclé, il y a les membres fondateurs qui sont 18 et il y
a douze représentants des comités locaux.
F.E: Et le fait que les comités locaux ne soient
pas reconnus dans les statuts, vous l'interprétez comment ?
Luc : Cette volonté de ne pas modifier les statuts,
comme le dit Cassen, c'est pour éviter l'entrisme. Il l'a dit et il l'a
répété, c'est comme ça que ça a
été prévu à l'origine et ils ont verrouillé
volontairement. Il y a un certain nombre d'adhérents qui craignent ce
qu'ils appellent le parlementarisme, c'est-à-dire qu'il y ait des
débats entre les comités locaux qui ne soient pas d'accord, qu'il
y ait plein de débats qui fassent perdre le temps. Je ne sais pas trop
ce que ça recouvre ? Pour moi ils craignent une prise de pouvoir des
comités locaux sur leur association [...] C'est ce qu'ils craignent au
niveau national et c'est ce que nous craignons si on met en place cette
coordination des comités locaux, on craint d'être pris pour des
séparatistes alors que ce n'est pas du tout le cas.
Afin d'engager une réforme des statuts, une
coordination informelle, entre certains comités locaux, s'est alors mise
en place de façon progressive. Luc explique de quelle manière il
s'est mis en relation avec quelques comités locaux dont les
revendications étaient similaires. Une liste internet
« fermée » a été créée
qui permet aux membres de cette coordination de diffuser des informations
relatives au C.A national et de constituer des propositions communes. C'est
ainsi que pour l'AG de St Brieuc, une motion a été
proposée au C.A national en coordination avec d'autres comités
locaux152(*). Celle-ci
fut par ailleurs refusée. En revanche, le jour de l'AG, deux voeux ont
été déposés avec l'accord des responsables
nationaux. Ces deux voeux firent ensuite l'objet d'un vote en C.A153(*). Le premier voeu portait sur
l'organisation de Conférences nationales des comités locaux
(CNCL) et le second voeu visait à organiser une commission afin
d'étudier l'opportunité de réformer les statuts. Cette
commission est composée de douze membres du C.A et de douze
représentants des comités locaux154(*).
Luc : L'année dernière, j'ai assisté
à l'université d'été et il y a eu quelques
échanges sur Attac local et on a commencé à se
créer une sorte de liste Internet fermée. Par fermée
à tout le monde mais entre nous, pour qu'on puisse discuter
collectivement et qu'on puisse faire passer des choses à
l'assemblée générale nationale, étant donné
qu'il y a des comités locaux qui sont complètement à
côté de cet aspect des choses. Ils ne veulent pas de ça. Il
y a d'ailleurs eu un débat lors de la dernière CNCL... Sur Attac
local on avait vu un certain nombre de positions qui se rapprochaient des
autres et durant l'université d'été on a rencontré
des gens qu'on sentait à peu près sûr de nos positions.
C'est là qu'on a arrêté une motion, un premier projet de
motion, entre nous et en disant qu'il faut qu'on fasse passer ça sur
l'ensemble. On envoyait ça sur Attac local, en disant voilà ce
qu'on cherche mais ça n'a pas été possible de trouver un
consensus là-dessus, tous les comités locaux discutaient chacun
dans leur coin et il n'y a pas eu de consensus, sauf avec Attac Rennes avec qui
on a dit au bout d'un certain temps : ras-le-bol, parce que l'assemblée
générale nationale allait bientôt arriver et on a
envoyé un document officiel signé par Attac Rennes et Attac
Isère sur la liste. Pour Rennes, ça s'est passé comme
nous. Avec Attac Rennes, on est sur des positions similaires.
Thomas : Et on a mis ça sur la place publique, parce
qu'on n'a rien à cacher, il y a d'autres comités locaux qui ont
aussi une prise de position et qui se sont associés à cette
démarche et qui ont fait des avancées aussi de leur
côté sur des problèmes particuliers. Et donc on a
été parmi les promoteurs de ce qu'on appelle un voeu à
l'Assemblée nationale de Saint-Brieuc sur la modification... Enfin
l'éventuelle opportunité d'une modification des statuts, pour
aller vers plus de démocratie au sein d'Attac. Et donc la
représentation des comités locaux [...] C'était une des
motions de l'Assemblée générale. C'est un mandat qu'a
reçu l'Assemblée générale de Saint-Brieuc en
octobre 2000 et qui en train de se mettre en place. C'est un mandat. On va
demander lors de l'Assemblée générale de 2001, elle va
avoir lieu à Marseille je crois. C'est vraiment quelque chose sur lequel
on est très vigilant et Luc est quelqu'un qui connaît bien le
sujet et qui est en lien avec les autres participants à ce collectif de
comités locaux pour lesquels toutes les questions de démocratie
sont importantes.
F.E: Et la motion s'était faite avec d'autres
comités locaux ?
Thomas: Oui avec d'autres comités locaux mais c'est
nous qui l'avons présenté [...] Alors, il y avait des
comités locaux parisiens, il y avait Rennes, il y avait l'Aveyron, il y
avait les Yvelines je crois, Montpellier ou Toulouse [...] On a eu beaucoup
d'échanges par mail et puis lors des réunions... Lors des
conférences nationales on a prit la parole, et il y a des liens qui se
créent et puis on voit qu'on va dans le même sens, on se
répond. Et puis on se réunissait pour en parler un peu et ainsi
de suite quoi. L'élaboration de l'ordre du jour en commun par exemple,
l'élaboration de l'ordre du jour en commun qui est intéressant
par exemple parce que tu arrives avec des propositions...
Luc: Et quand je vois ce qui se déroule actuellement
[dans la commission de réforme des statuts] je me dis que j'avais bien
raison de ne pas y aller. Ils se sont réunis un certain nombre de fois
et à chaque fois que quelqu'un dit dans la commission « il faudrait
changer cela ou cela » on lui répond que ce n'est pas possible de
changer les statuts. Il y en a quand même quelques-uns dans la commission
qui essaient de changer les statuts, toutes les informations officieuses que
j'ai eues c'est par une de ces personnes.
Il existe dans Attac certains problèmes de
coordination entre le local et le national. Les militants isérois
estiment qu'ils ne bénéficient pas de la reconnaissance qui leur
est du au sein de l'association. Ils figurent d'ailleurs parmi les
« frondeurs » qui ont permis la constitution d'une instance
de rencontre entre les comités (la CNCL). Ces remarques nous encouragent
à s'intéresser plus longuement aux problèmes de
« démocratie interne » qui existent au sein de
l'association. Par ce terme, il faut entendre toutes les procédures
(officielles et officieuses) qui ont lieu et qui peuvent prêter à
un débat ou une contestation. Comment les responsables d'Attac ont ils
été remis en cause et pour quels motifs ? Quels sont les
rapports qu'entretiennent les militants isérois avec les
dirigeants ? Le comité isérois ne présente t-il pas
lui même des dysfonctionnements ?
1.3 Une
« démocratie interne » contestée
Les
militants qui ont été interviewés évoquent
fréquemment les problèmes de
« démocratie » interne 155(*). Ils l'utilisent rarement à
propos du fonctionnement du comité local. La plupart des
enquêtés s'y réfèrent pour critiquer la direction
nationale. C'est ainsi par exemple que Thomas qualifie le fonctionnement
national d'Attac de « caricature de démocratie »,
Luc regrette qu'Attac « prétende revitaliser la
démocratie [mais] a un fonctionnement qui n'est absolument pas
démocratique ». Le terme de
« démocratie » renvoie, dans leurs discours,
à plusieurs significations : à un mode de fonctionnement
collectif, et d'autre part, au refus d'une personnalisation des dirigeants.
1.3. 1 La remise en cause du
« directoire national »
1. 3. 1. 1 Un mode de
fonctionnement collectif
Le terme de « démocratie »
désigne avant tout pour les enquêtés un mode de
fonctionnement qui soit collectif. Ils privilégient ainsi, dans leurs
discours, la participation collective des adhérents (« les
représentants élus », « au nom de leur
comité local », « le mandat
d'expression ») à celle qui est faite de façon
individuelle (« à titre individuel »). Les prises de
position qui sont faites au nom du comité (et qui sont adoptées
de façon collective) sont jugées plus légitimes que les
positions individuelles. A ce propos, Julie explique que la participation au
C.A ou à l'A.G en tant que comité, permet aux adhérents de
tenir tête à la direction. Luc observe qu'en tant que
président, il exerce un travail de « coordination »
afin de « trouver un consensus » entre les
adhérents156(*).
D'ailleurs, il note que, lorsqu'il était responsable syndical de son
entreprise, il a « toujours travaillé avec l'ensemble des
travailleurs et avec l'ensemble des salariés [et] les décisions
ont toujours été prises collectivement ». De plus, il
semblerait également que les militants accordent une grande place au
vote. Ils le qualifient comme étant le mode décisionnel le plus
adéquat. Luc regrette d'ailleurs qu'il n'y ait pas plus de votes lors de
l'AG nationale.
Julie : Ce qu'on souhaite c'est la reconnaissance de la
présence des comités locaux au sein du Conseil d'administration,
en tant que représentant de collectifs, parce que ça n'existe pas
et les personnes qui sont là-bas qui sont des personnes qui y sont
à titre individuel [...] Bernard Cassen s'il y a une décision qui
le gêne, il peut lui dire qu'il est là à titre individuel
le non s'il y est à titre de représentants de collectifs on a
plus de poids.
Luc : Pour moi le rôle du président c'est
d'essayer à chaque fois de trouver un consens entre les gens qui sont
là, je pense que c'est un de mes objectifs principaux. Tout ce que je
fais dans un groupe c'est toujours en tant que simple exécutant, je ne
cherche pas à faire autre chose. Sur les problèmes de
coordination, j'essaie de trouver à chaque fois un compromis quand il y
a des bagarres internes.
Les enquêtés sont très critiques quant au
fonctionnement de l'association. Ils désapprouvent tout d'abord les
décisions prises lors des Assemblées générales. Le
mode de délibération, n'est, selon eux, pas suffisamment
collectif. Les enquêtés qualifient les débats et les votes
qui ont lieu d' « anti-démocratiques ». Par
exemple, lors de la CNCL du 6 décembre 2000, les membres de la
commission des statuts ont été désignés. Cette
nomination faite par Cassen s'apparentait, selon Thomas et Luc qui
représentaient le comité isérois, à une
« caricature de démocratie ».
F.E: Lors de la première conférence
nationale des comités locaux, il y a eu un groupe de réforme des
statuts qui a été créé ?
Luc : Ah oui ! Là aussi la manière dont
ça s'est passé, ça s'est déroulé en fin de
journée, lors du dernier quart d'heure et en plus c'est Cassen, tout
seul, qui a décidé de la manière dont se constituait ce
groupe [...] Donc, il a dit, il faut douze représentants des
comités locaux. Comment on va les trouver ? Qui est volontaire ? Moi
à l'époque, je me suis mis dans les volontaires, on devait
être une vingtaine. Donc tous les volontaires vont au pied de la tribune
et en plus au niveau symbole ça n'est pas neutre parce que se trouver
sous Cassen qui est au-dessus. À ce moment-là il y a quelqu'un
dans la salle qui a eu une intervention en disant :« Il faudrait
quand même qu'il y ait la parité ». Je ne lui reproche par
d'avoir dit ça, mais ce que je reproche c'est à Cassen
d'être rentré dans ce jeu en disant « Allez les six femmes
sont retenues ! », après il reste une quinzaine de personnes,
comment on les choisi ? Tous ceux qui sont intervenus dans le débat
avant ! Il y en a six qui ont levé la main et les six ont
été retenus. Le débat portait sur l'opportunité de
modifier les statuts et c'était un débat qui était
complètement hors sujet parce qu'on a repris le débat de
l'Assemblée nationale avant, qui parlait faut-il modifier les statuts ou
est-ce que ça n'est pas important ? Je n'étais pas intervenu dans
ce débat et c'est pour ça qu'on n'a pas été retenu,
alors qu'on était à la tête de la contestation, et puis la
manière dont ça c'est fait, je n'aurais vraiment plus envie d'y
aller.
Thomas : L'ordre du jour a été voté comme
ça puis [...] on a parlé de l'élection des
représentants à la commission, ce qu'on appelle la commission des
statuts et ça c'est fait de manière carrément
caricaturale... Et la nomination des représentants s'est faite d'une
manière pour le moins cavalière [...] C'était Bernard
Cassen qui a dit il faut dix personnes, bon moi je propose qu'il y ait... Et
c'était dans le brouha le plus total, c'était en fin de
séance, c'était six heures moins le quart, moi je propose qu'il y
ait dix personnes... Bon alors il y a un qui a dit ça serait bien qu'il
y est Paris 13... Ah oui Paris 13 alors parmi les gens, combien... Levez le
droit... Qui est-ce qui veut ?... Cinq femmes alors oui cinq femmes et les
autres ce sera untel, untel, tout le monde est d'accord allez bon ! Moi
j'étais écoeuré. On a réagi par la suite, j'ai
envoyé un courrier à Bernard Cassen et on m'a répondu que
non, il ne fallait pas que je vois les choses comme ça parce que je me
disais que c'était une caricature de démocratie et puis bon...
Les enquêtés regrettent également que
certaines prises de décision n'aient pas lieu de façon publique
et soient exécutées par le national de façon autonome. Par
exemple, à l'occasion de l'AG de Saint-Brieuc les deux voeux qui ont
été votés ont été présentés
avec l'accord de la direction. Luc explique que l'essentiel des
négociations ont eu lieu à la dernière minute, de
façon informelle et que sans cela les voeux n'auraient pas pu être
adoptées.
Luc : Donc pendant l'Assemblée
générale, la veille, on s'est réuni de manière
officieuse entre comités locaux avec la présence
parachutée, parce qu'on l'attendait pas, de Pierre Khalfa [membre du
bureau] qui a été envoyé par Cassen. Il a fait des
propositions, en disant « voilà on peut proposer quelque chose
mais il n'est pas question de faire une motion, c'est trop tard pour faire une
motion. Impossible de faire une motion dans les statuts. Il n'y a que le
Conseil d'administration qui peut décider d'une motion ».
[...] On a eu cette réunion avec Pierre Khalfa, il disait qu'on pouvait
proposer une conférence nationale des comités locaux. Moi je
pensais qu'il ne fallait pas une conférence mais une coordination, et
surtout on a assisté à cette réunion en disant qu'il
fallait aussi une commission sur les statuts. Il faut modifier les statuts. Et
le lendemain, durant l'Assemblée générale, discussions
dans les couloirs - je n'aime pas ce genre de choses mais on était
obligé- proposition de faire passer deux voeux, un sur la
création de la conférence nationale des comités locaux, et
un autre pour la création d'une commission mais Cassen était
d'accord à condition qu'on rajoute qu'il s'agisse d'une commission pour
discuter de l'opportunité de modifier des statuts. Ça a
été négocié dans les couloirs, moyennant quoi il
était d'accord pour faire voter des voeux car c'est lui qui mène
l'Assemblée générale, on a voté ces deux voeux qui
ont été présentés par Attac Isère. C'est
comme ça que ça s'est passé [...] Pour que ce soit
voté, il fallait que le Conseil d'administration donne son accord car
c'était des voeux et pas des motions. Il a fallu que ce soit voté
avec l'accord du bureau, étant donné que ça
été négocié avant.
1.3.1.2 Le refus d'une
personnalisation du pouvoir
La notion de démocratie et la préférence
pour un mode de fonctionnement collectif s'accompagnent également, pour
les militants isérois, du refus d'une concentration et d'une
personnalisation trop forte du pouvoir. Il s'agit là d'une
représentation qui est commune à l'ensemble des
enquêtés. Luc explique qu'en tant que président, il ne
souhaite pas prendre de décisions à titre personnel. La fonction
de président est, selon lui, « une façon de trop
individualiser quelqu'un ». Il avait d'ailleurs accepté le
poste vacant avec quelques réticences, « parce qu'il en
fallait bien un, et que personne ne voulait ». Thomas avait choisi de
ne pas se représenter car il préférait ne pas
dépasser deux mandats. Cette idée est également
présente dans le discours d'adhérents qui ne sont pas militants,
tel Fabien par exemple. Sa principale crainte est que l'association soit le
moyen pour certains « de se faire mousser ».
Luc : Je suis peut-être un peu utopiste mais ça
se passe relativement bien et les décisions sont toujours prises
collectivement, mais je n'ai pas envie que moi, en tant que Luc, de prendre des
décisions. Je n'ai jamais pris de décisions très
fondamentales à titre personnel. Je préfère engager le
maximum de gens dans tout [...] Je n'ai jamais pris de décisions
très fondamentales à titre personnel. Je préfère
engager le maximum de gens dans tout. Le président je perçois pas
ça comme quelque chose de très important, c'est une façon
de trop individualiser quelqu'un.
Fabien : Ce qui m'agace souvent dans les mouvements
associatifs, c'est lorsque ça devient un peu des affaires personnelles,
lorsque ça devient le fonds de commerce de quelques personnes qui
trouvent là un moyen de se faire mousser. Ca m'agace peu.
Les militants sont très critiques sur la façon
dont les dirigeants contrôlent l'association. Ils considèrent que
la gestion du pouvoir au sein de la direction nationale est trop exclusive.
Julie considère que les dirigeants ont du mal à
« conserver la tête froide » et elle les suspecte de
vouloir « garder le pouvoir ». De plus, ils craignent que
le « bagout » de Cassen ne permette de
« manipuler l'Assemblée ». Luc explique que les
adhérents qui étaient présents à la CNCL n'ont pas
osé intervenir auprès de la direction. Les militants du
comité isérois furent d'autant plus renforcés dans leur
convictions, en apprenant qu'au niveau national certains remettaient en cause
l' « autoritarisme » de Bernard Cassen157(*). Luc et Thomas
évoquent même le fait que Cassen exercerait seul le pouvoir au
sein du C.A. Thomas parle de « directoire national ».
Les militants isérois semblent très
attachés aux problèmes de « démocratie
interne ». Jacques Ion observe que ce souci peut être
généralisé à l'ensemble des groupements
contemporains. La remise en cause de la parole des dirigeants, la
« langue de bois », participe de cette évolution.
Désormais, la parole d'organisation est perçue comme étant
un frein à la participation et à l'expression des
adhérents. Ses qualités sont devenues ses
défauts158(*).
Toutefois, comme le note Jacques Ion, « ce qui est mis en cause c'est
moins la parole d'un collectif d'adhérents que celle
précisément d'un « appareil » qui
confisquerait l'expression de l'ensemble des
sociétaires »159(*). D'ailleurs, on a pu noter que les militants
isérois étaient pareillement attachés à la remise
en cause de la parole nationale qu'à l'expression collective des
adhérents. La légitimité des représentants,
l'élaboration commune des décisions semblent être les
priorités du comité. Toutefois qu'en est-il véritablement
au sein du comité ? Qu'elle place les militants accordent-ils
à la « démocratie interne » dans leurs
pratiques ?
Julie : Au niveau d'Attac, il y a déjà des
phénomènes de pouvoir, de garder le pouvoir. On peut leur donner
le droit de parole mais c'est difficile au niveau d'Attac de jouer son
rôle de citoyen parce que je crois que c'est toujours difficile pour des
gens qui sont à la tête de quelque chose de conserver la
tête froide et de donner la place à chacun, c'est-à-dire
que c'est difficile d'obtenir du national un certain nombre de choses [...] Je
pense que c'est des gens qui ont des efforts à faire pour mettre en
actes les belles idées de démocratie participative et donner aux
citoyens la possibilité d'avoir du poids.
F.E : Et dans ces réunions [les CNCL] il s'y
passe quoi ?
Thomas: Il n'y a pas grand-chose qui se passait. Parce que
tout était ficelé et le bagout ou de M.Cassen et de Monsieur
Tartakowski, même si je leur dois pas mal de respect parce que ce sont
des gens compétents, mais là-dessus ils ont
pêché.
Luc [il évoque le déroulement de la CNCL]:
Et puis en plus [...] après il y a plein de gens qui sont venus me
trouver et qui m'ont dit « On était d'accord avec
toi » mais personne ne la dit ! Il y a un poids de la structure de
tête sur les comités locaux qui fait que les gens n'osent pas. Et
même des gens que j'estime. J'aurais pu intervenir en disant que
c'était scandaleux mais je ne l'ai pas fait. Si on intervient dans un
cadre très lourd, on finit par passer par des extrémistes qui
veulent tout casser, c'est la réaction de pas mal de gens qui disent
« on ne veut pas intervenir parce qu'il y a un poids de
l'Assemblée qui fait qu'on ose pas ». Le soir
précédent, on avait eu une réunion mais nous
n'étions pas assez nombreux, on était pas assez organisé
pour arriver à résister à cette espèce d'inertie
collective. Une inertie collective qui est quand même bien entretenue par
l'équipe dirigeante. Ils savent manipuler l'Assemblée. Parce que
les gens n'osent pas intervenir, parce qu'ils ont peur de se faire rentrer
dedans par François Cassen. C'est surtout Tartakoswki. Et c'est toujours
très bien fait
Thomas : Les douze membres fondateurs ne viendront jamais aux
réunions, parce que les membres fondateurs ne viennent presque jamais
aux réunions et c'est Cassen tout seul, et Tartakowsky tout seul
à Paris...
Lionel : La veille [de l'AG de Saint-Brieuc] 4 ou 5
comités dont l'Isère s'étaient réunis et un membre
du bureau est venu voir pour se mettre d'accord. D'ailleurs ce même
membre du bureau était venu pour L'Heure Bleue et avait dit en discutant
que l'autoritarisme de François Cassen avait été remis en
cause par certains dans l'association. J'étais très surpris de
voir que les questions qui se posaient dans Attac Isère avaient un
répondant équivalent à Paris.
1.3.1.3 Les contradictions
du comité isérois
Si l'on observe le fonctionnement interne du comité
isérois, il semblerait, en dépit des discours tenus par les
militants, que la prise de décision s'effectue sur des modes similaires
à la structure nationale. Luc explique qu'avant que la prise de
décision ne soit clarifiée, les membres de la réunion
publique étaient parfois amenés à voter sans que cela soit
pour autant représentatif de l'ensemble des adhérents. Suite
à un incident (un groupe de non-adhérents étaient survenus
dans une réunion publique afin de peser sur les décisions du
comité), les décisions ont désormais uniquement lieu au
sein du Conseil d'administration. Toutefois, cela ne satisfait pas tous les
adhérents. Par exemple, François, qui a milité dans
plusieurs organisations, estime que l'Assemblée n'est là que pour
« entériner » les décisions qui ont
été adoptées auparavant lors du C.A. De plus, on peut
mettre en doute la représentativité du C.A quand on sait que
seuls moins d'une dizaine de membres160(*) y participent. La décision
« collective », qui est faite au nom des 800
adhérents du groupe, est donc le résultat d'une discussion et
d'un vote qui ont lieu entre un petit groupe de militants. Luc avoue
d'ailleurs ne pas savoir qui il représente au sein du comité. Son
élection, est selon lui le signe d'un accord des adhérents
isérois avec les prises de position du comité.
Le mode électif, auquel semblent attachés les
militants isérois lorsqu'il s'agit du mode de fonctionnement national,
occupe une place très restreinte au sein même du comité.
Luc reconnaît d'ailleurs que le vote est très rarement
utilisé lors du C.A. Il explique que le consensus est
privilégié et qu'il fait en sorte que suffisamment de
débats aient lieu. Le vote n'est requis qu'à deux
occasions : pour mettre fin à un débat lorsque des conflits
de personnes apparaissent et pour être mandaté du comité,
ce qui représente une source de légitimité au sein
d'un débat national. Il est légitime de s'interroger sur la
représentativité des prises de position qui sont faites au nom du
comité. Lors de l'AG iséroise 2000, certains adhérents ont
critiqué les membres du C.A pour leur opposition au national161(*). Cécile explique que
les militants du comité « reprochent à Attac national
de faire des sujets sans le consentement des comités locaux. Or, le C.A
d'Attac Isère fait un maximum de sujets sans le consentement des
adhérents d'Attac Isère ! ».
Luc : Il y a eu tout un problème de
décision au sein d'Attac Isère. Parce qu'à l'origine, je
n'y étais pas encore et ça c'est clarifié il y a quelques
mois, qui prend les décisions au sein d'Attac Isère ? Est-ce le
Conseil d'administration, ou est-ce la réunion mensuelle ? Il y a eu des
ambiguïtés pas possibles. Maintenant on a dit nous on parle au nom
du Conseil d'administration d'Attac Isère élu durant une
Assemblée générale. L'esprit c'est ça. Le Conseil
d'administration est élu et il prend des décisions au nom du
Conseil d'administration, il est hors de questions que l'Assemblée
mensuelle et ça, ça a été clarifié, prenne
des décisions, parce que ça c'est tout l'aspect anarchique, il y
a des anarchistes à Attac qui disaient la décision est prise
collectivement. Mais ça veut dire quoi collectivement alors que dans les
réunions mensuelles nous sommes une cinquantaine et nous ne serons
jamais les 700 ? Ca n'est pas plus représentatif, au contraire ce sont
des gens qui ne sont pas élus. En plus, on a assisté au niveau de
notre histoire... On a voulu faire une action pour la Tunisie et c'est moi qui
l'avait pris en charge, et en plus une action auprès du consulat
tunisien à Grenoble, on a eu une réunion mensuelle avant. Dans
celle-ci il y a plein de gens du consulat de Tunisie qui sont venus dans la
réunion mensuelle pour peser sur notre décision. Parce que dans
ces réunions publiques on discute librement. Il n'y avait pas
eu de votes. Maintenant on peut faire des votes lors des réunions, mais
on dit que ce sont des votes indicatifs. Et puis maintenant on dit qui a sa
carte d'Attac ? Parce que n'importe qui peut venir pour voter lors d'une
réunion publique. Ce problème de démocratie est maintenant
clair, on prend plus de décisions en réunion mensuelle [...] Il
n'y avait pas de compte-rendu de Conseil d'administration avant. Comment
était prise la décision ? C'était flou. Les seules
décisions qui étaient prises de manière claires,
c'étaient celles qu'on a mise sur Internet et qui sont sur le site Attac
38.
François : L'Assemblée
générale n'est là que pour entériner. Par exemple
le Conseil d'administration d'Attac Isère se réunit avant et
vient à l'Assemblée générale et dit ce qu'il a
décidé.
F.E : Tout à l'heure vous me disiez que dans le
Conseil d'administration d'Attac Isère il y a peu de vote...
Luc : Il y a peu de vote et par exemple hier, quand il y a eu
un vote c'était pour arrêter la discussion parce qu'à mon
avis ça tournait dans le vide, donc pour arrêter j'ai fait un
vote. Mais de manière générale il n'y a pas de vote
formel, on arrive souvent à un accord. Parfois, par exemple par rapport
à la coordination nationale, où j'ai demandé un vote
formel, pour être mandaté sur quelque chose, pour que je sois
mandaté officiellement et clairement sur quelque chose. Je dis
« Je demande un vote formel là-dessus ». La plupart
du temps lors des votes, il y a une ou deux personnes qui ne sont pas d'accord
ou qui s'abstiennent. Il faut dire qu'on débat pas mal, et je pense que
l'ensemble des gens sont assez différents.
Luc : Je pense qu'on a certainement les mêmes
contradictions au sein d'Attac Isère, il y a des gens qu'on ne voit
jamais, et c'est en cela que je dis qu'on ne sait pas ce qu'on
représente. Je le sais si on est réélu ou pas. Ces
problèmes de la démocratie sont posés partout.
Cécile : Moi je me rappelle très bien
à l'A.G. des adhérents, où il y avait encore eu la
question des relations avec le national qui avait été mise sur le
tapis, et où finalement il y avait un adhérent qui était
intervenu pour dire : « Moi je viens d'apprendre qu'Attac Isère est
en opposition avec Attac national, je ne le savais pas du tout, je ne connais
pas du tout les termes du débat ! ». Donc l'adhérent
avait adhéré à Attac, parce qu'il était d'accord
avec Attac national parce que c'est Attac national qu'on voit et il se sentait
un peu pris en otage par les prises de position un peu polémique d'Attac
Isère. Quelquefois il y a un côté un peu impatient par
rapport au national pour plus de démocratie dans Attac, mais il faut
peut-être balayer devant sa porte d'abord [...] Non mais c'est vrai,
quand tu es dans un groupe, que tu as un adhérent qui dit : « Moi
je ne comprends pas la position d'Attac Isère vis-à-vis d'Attac
national ». Quand on reproche à Attac national de faire des sujets
sans le consentement des comités locaux ! Or, le C.A d'Attac
Isère fait un maximum de sujets sans le consentement des
adhérents d'Attac Isère !
Lionel : Il y a eu un problème lors du rapport
moral de l'année 2001, c'est-à-dire après
l'Assemblée générale de Saint-Brieuc où avait eu
lieu la fronde des comités locaux. Des gens avaient reçu un
courrier de l'Isère et ils ne comprenaient pas cette friction avec le
national et le bureau avait été très critiqué par
des gens qui viennent pas souvent et qui reçoivent l'information. Il ne
comprenait pas pourquoi il y avait eu autant de problèmes [...] Ils ont
quand même été pas mal critiqué même à
l'intérieur de l'Isère. Des gens qui sont venus dire « Vous
critiquez beaucoup mais vous n'êtes pas parfaits dans la façon
dont vous fonctionnez ! ».
La conception de la « démocratie »
interne qui est présente dans le discours des interviewés exclut
la personnalisation du pouvoir. Toutefois, il semblerait que le comité
local soit pris, quant à son fonctionnement, dans les mêmes
contradictions que le national. Les délibérations du C.A
n'engagent souvent qu'une dizaine de membres de l'association. Lors des
réunions générales, auxquelles assistent entre 50 et 60
personnes, les intervenants sont le plus souvent les membres du C.A.
François considère ainsi que « plus il y a du monde et
plus ce sont les grandes gueules qui prennent la parole et moins c'est
démocratique en termes [...] de prise de décision ».
Cécile considère que le comité n'est animé que par
trois ou quatre militants. On peut d'ailleurs noter qu'au sein d'Attac
Isère, parmi les 33 postes de responsables de groupes, 23 sont
occupés par des membres du C.A. Certains militants sont présents
en tant que membre du C.A, référent d'un groupe et responsable
d'un comité de réflexion thématique. Il y a une
concentration des postes qui est donc très forte. La participation
politique, comme le note Bernard Denni, se caractérise par une forte
concentration au profit de quelques uns et elle s'effectue sur un modèle
pyramidale (cumul des adhésions et des responsabilités)162(*). Toutefois, on peut noter
que ceux qui occupent le nombre le plus important de fonctions ne sont pas des
militants « professionnels ». Par exemple, Julie, qui
occupe quatre postes dans l'association n'est pas adhérente d'une autre
organisation. Elle a un passé militant relativement faible163(*). A l'inverse les
enquêtés qui cumulent les adhésions dans d'autres
organisations (Cécile, François) n'occupent pas des postes
à responsabilité dans le comité ou ne s'investissent pas
dans ceux-ci164(*).
François : Parce que dans les Assemblées
générales comme celle d'Attac par exemple on voit que plus il y a
du monde et plus ce sont les grandes gueules qui prennent la parole et moins
c'est démocratique en termes d'information et de prise de
décision.
Cécile : Il y a des gens dans Attac Isère
qui sont au courant de tout ce qui se passe à un moment sur tous les
groupes ; il y a trois quatre personnes du C.A qui sont engagées et qui
vraiment animent Attac Isère.
Les militants isérois semblent attachés aux
procédures de délibérations collectives. Or, selon Jacques
Ion, on assisterait depuis la fin des années soixante à une
remise en cause des procédures électives. Le vote, c'est le moyen
qui permet au sein d'une organisation de « dégager une
expression unique et donc de faire de la volonté majoritaire la loi de
tous »165(*).
Cette vertu du vote qui était auparavant exalté serait
aujourd'hui devenu un vice. Désormais il apparaîtrait, comme un
« moyen trop souvent utilisé pour freiner les processus de
discussion et de délibération »166(*). Toutefois, la
préférence des enquêtés pour ce mode
décisionnel contredit cette évolution. L'usage qui est fait du
vote au sein du comité, tout comme au sein de l'association nationale,
semble aller dans un sens qui est contraire aux observations de Jacques Ion. Le
vote n'a pas ici, uniquement un rôle délibératif. Il sert
à clore un débat ou encore à être mandaté,
c'est-à-dire à agréger les volontés individuelles
et à légitimer leur représentation. Il existe donc un
paradoxe entre le souci démocratique d'une meilleure
légitimité et d'une meilleure participation dont
témoignent les adhérents et les modes de
délibération qui ont lieu au sein du comité. Il semblerait
que les militants isérois soient confrontés aux mêmes
contradictions que la direction nationale. Alors qu'ils portent un discours
où la « démocratie » (entendu comme la
participation collective) est centrale, le mode de fonctionnement de
l'association semble échapper à ce principe. Comment
interpréter ce paradoxe ?
On peut supposer que les fréquentes évocations
du thème de la démocratie témoignent, non seulement, d'un
réel attachement à la notion de participation collective mais
également d'une rhétorique permettant de critiquer la direction
nationale. Si les militants attachent tant d'importance à la
représentation collective, c'est peut-être afin de pouvoir jouer
un rôle plus important dans le fonctionnement national de l'association.
Le conflit qui oppose la direction de l'association aux militants
isérois, témoigne d'une volonté d'être reconnu au
sein des statuts, en tant que comité local, afin de disposer d'une place
plus importante. La valeur qu'accordent les militants au mode de
désignation électif et à la participation collective
serait alors un moyen de légitimer leurs revendications.
Ces contradictions ont été montrées du
doigt à plusieurs reprises. De toute évidence, l'attitude du
comité Attac Isère ne fait pas l'unanimité au sein de
l'association. Il est, d'ailleurs, réputé pour être l'un
des comités le plus radical à l'encontre de la direction
nationale. Cette relation fait l'objet de débats entre comités
mais également entre les adhérents isérois.
1.3.2 Les relations entre Grenoble
et Paris
1.3.2.1 Une relation
d'opposition critiquée
Certains comités locaux, reprochèrent aux
militants isérois de chercher à mettre en cause le national et
ils désapprouvèrent leur attitude. Ils furent accusés de
vouloir prendre le pouvoir au sein de l'association en renversant les
dirigeants.
Luc : La première CNCL, on a demandé
dès le début une inversion de l'ordre du jour, en disant avant de
commencer, il faudrait peut-être travailler en ateliers sur la fonction
de la CNCL, ce qu'il convient de faire et comment on va travailler, avant de
commencer à travailler. Et bien non ! Il y a beaucoup de gens qui ont
réagi de manière très négative, en disant «
Qu'est-ce que ça que cette histoire là ! On est en train de
perdre notre temps sur des discussions qui ne valent pas le coût !
», donc on a débattu d'une manière assez aléatoire
d'un certain nombre de choses et rien a été décidé.
F.E : Il y a des comités locaux qui vous ont
critiqué ?
Thomas : Bien sûr ! On s'est fait traiter de gauchistes,
de calife mais tous ceux-là ils ont été remis à
leur place rapidement. Les deux, trois qui ont porté ces critiques
là, je les ai vus physiquement à l'Assemblée nationale ou
à la conférence nationale en disant que c'était vraiment
petit comme réflexion. Moi mon combat il est ailleurs, je n'en ai rien
à foutre de devenir célèbre à l'intérieur
d'Attac.
Les accusations, portées à l'encontre des
dirigeants, sont également très mal perçues par certains
adhérents d'Attac Isère. Il s'agit, avant tout, d' accusations
émanant de membres qui sont le moins impliqués dans le
comité. Leurs critiques reposent davantage sur la forme de l'opposition
que sur sa légitimité. D'ailleurs, certains reconnaissent que ces
reproches sont « peut-être justifiés »
(Fabien), d'autres s'accordent à dire qu'ils sont
« légitimes » (Lionel). Toutefois, ils
désapprouvent le mode d'opposition qu'entretiennent les membres du C.A
avec la direction nationale. Ils y voient une tentative d'obtenir une certaine
forme de reconnaissance. Fabien, qui a été mis au courant des
conflits avec le national par un courrier interne167(*), craint une dérive
« bureaucratique » de l'association où les
« petits chefs veulent prendre la place du grand chef ».
Cécile regrette que la confiance vis-à-vis du national ne soit
pas plus présente chez les membres du C.A. Elle leur reproche une
« opposition systématique » qui consisterait
à « se plaindre pour s'affirmer un peu ». Enfin,
Lionel y voit une tentative d'obtenir une reconnaissance de la part de la
direction nationale168(*).
F.E : Il y a eu des débats au sein d'Attac
Isère...
Thomas : Il y a eu aussi des critiques au sein d'Attac
Isère de gens qui en n'avaient marre qu'on ressasse toujours les
problèmes, du lien avec le national en disant « Oui vous rechercher
la reconnaissance du nationale ! », alors qu'on fait ce qu'on a à
faire et on mobilise comme on peut et on est loin d'être les moins
efficaces.
Fabien : Je n'aimerais pas qu'Attac me donne l'impression
de devenir un trop bureaucratique. Je ne trouve pas mais le fait que la section
de l'Isère commence à critiquer la direction nationale. Je n'aime
pas les organisations qui cherchent à s'auto-finaliser.
C'est-à-dire les organisations, où au bout d'un certain temps,
l'action consiste à critiquer les chefs, à essayer de prendre
leur place, à avoir des débats sur des problèmes qui
n'intéressent que le groupuscule, perdre de vue la vue initiale. J'ai
cru comprendre que la section de l'Isère était partie très
en guerre contre la direction nationale. C'est peut être très
justifié, mais je me méfie de ce genre de choses, parce que
souvent dans les organisations au bout d'un moment il y a des problèmes
de leadership, il y a des petits chefs qui veulent prendre la place du
grand chef et au bout d'un moment ça tourne en rond. C'est ce que
j'appelle une association qui essaye de se finaliser elle-même. Et puis
elle perd de vue ce pourquoi elle a été constituée.
Ça a été un peu ma crainte.
Cécile : Dans toutes les organisations qui se
veulent nationales, voire internationales, il ne faut pas se leurrer, il y a
une direction qui prend les décisions et tout le monde ne peut pas
participer à la prise de décision immédiatement. Là
aussi, la confiance doit jouer. À partir du moment où tu
adhères à une organisation et qu'il y a un minimum de
débats d'idées à l'intérieur de l'organisation, tu
peux te dire que globalement les prises de position au niveau national vont
plus ou moins ressembler aux tiennes [...] Après, moi je pense qu'il y a
aussi une part de parano, car je disais qu'Attac Isère a un
côté parano, il y a un côté très
polémique [...] Quelquefois il y a la tentation de se plaindre pour se
plaindre, pour s'affirmer un peu [...] En plus, on se déconsidère
en faisant cela. Ce n'est pas les prises de position intelligente, c'est de
l'opposition systématique.
Lionel : Je comprends tout à fait aussi les
critiques qu'il y a eu contre le national car vu l'énergie qu'ils
déploient, je comprends qu'ils regrettent qu'ils ne soient pas reconnus
vis-à-vis du mouvement [...] Il est tout à fait légitime,
je pense, qu'ils reprochaient ces griefs à Paris et puis il y a de
l'émotionnel et c'est moins maîtrisé. Le fait de ne pas
être reconnu. On est un peu dans la dialectique difficile qui reproche
à son père et qui cherche à être reconnu. Il y a un
peu de ça.
1.3.2.2 Des relations
sans ambiguïtés ?
Les critiques provenant des comités locaux et des
adhérents isérois ont été très mal
acceptées par les dirigeants d'Attac Isère. C'est afin
d'éviter tout soupçon, qu'ils affichent une certaine distance
dans les relations qu'ils entretiennent avec le national. Les militants
isérois insistent, au cours des entretiens, sur leur indépendance
et le peu de liens que le comité entretient avec les responsables
nationaux. A l'occasion des Assemblées nationales, trois courriers ont
été envoyés à Cassen mais ils sont restés
sans réponse, précise Luc169(*). Aucun membre du C.A n'est jamais venu rencontrer
les responsables locaux. Le comité, rajoute Thomas, a toujours
été indépendant du national lors de l'organisation de
rassemblements comme celui de l'Heure Bleue170(*), où les intervenant avaient été
contactés directement au sein du Conseil scientifique sans passer par le
biais du national. Les militants affichent une certaine fierté quant
à cette indépendance. Thomas tient à préciser que
lorsqu'il exerçait la fonction de président, il ne s'est
« jamais rapproché physiquement » des dirigeants
afin de pouvoir conserver sa « liberté de parole ».
Enfin, ses déclarations ont toujours eu lieu « dans la
clarté et devant tout le monde ». De même, l'actuel
président affirme qu'il n'a « pas de contact en
plus » que les documents officiels qui lui sont transmis. Les
enquêtés témoignent d'une crainte d'être
accusé de collaboration avec le national. A l'inverse, Thomas accuse
certains responsables de comité de s'être trop rapprochés
de la direction et de s'être faits retournés comme des
« crêpes ». Les militants isérois
présentent leurs interventions comme étant
« désintéressées » et ils se
défendent de n'avoir jamais cherché à prendre la place des
dirigeants. Luc craint que les militants isérois ne soient pris pour des
« séparatistes ». Thomas, alors qu'il était
encore le président du comité, s'était exprimé lors
de l'AG de St Brieuc pour préciser que son intention n'était pas
de prendre le pouvoir mais de se faire entendre en tant que comité
local.
F.E : Sinon avec le national, quels contacts avez-vous
?
Luc : On a essayé pendant un an de leur envoyer un
certain nombre de messages auxquels on a reçu aucune réponse,
donc on a abandonné. Je n'ai aucun contact actuellement avec le
national, sauf dans le cadre de la conférence nationale des
comités locaux où par définition on essaye d'envoyer
quelque chose en leur disant ce qu'on demande, mais on n'a jamais eu de
réponse donc ça s'arrête là. Avec Sylvie Derrien, la
responsable de la coordination des comités locaux, je n'ai pas de
problème mais elle nous appelle pas sauf quand il y a un problème
à traiter. Elle envoie des documents qui sont destinés à
tout le monde, comme des convocations à la CNCL. Elle fait son boulot,
c'est une salarié mais on n'a pas de contact en plus. Moi ce que je
regrette, c'est que chaque fois qu'on écrit à Cassen, on n'a pas
eu une seule réponse.
Thomas : On a toujours, quand je dis nous c'est Attac
Isère, fait seuls et c'est notre grand mérite pour
défendre nos opinions par rapport à eux [les dirigeants
nationaux] mais aussi pour défendre les thèmes d'Attac. On se
débrouille, jusqu'à l'Heure Bleue on avait jamais demandé
d'aide du national, tous les contacts à part René Passet, on
s'est débrouillé pour avoir tous nos intervenants et on n'a
jamais demandé à ce qu'ils nous déroulent le tapis rouge
pour nous amener nos intervenants à telle heure ou à telle heure
est on s'est occupé de tout. Par contre on a réussi à se
faire payer les billets de train et on y avait droit, il y a eu une
participation du national là-dessus. Alors pour le prochain truc
à l'Heure Bleue ça va changer car il va falloir qu'on paye et on
va demander des subventions. Pour les intervenants on est passé par le
Conseil scientifique pour René Passet, sinon pour le reste on les a
contactés à droite à gauche. Pour Susan Georges ou Vincent
Espagne on les a contactés à la fin d'une conférence.
F.E : Il y a des membres du bureau national qui sont
déjà venus à Attac Isère ?
Thomas : Non ! Non ! Non... Non... Pas encore. On avait, je
crois envoyer une lettre à Cassen pour lui dire de venir, je me rappelle
plus. Non il y a personne qui est venu, peut-être qu'il faudra le faire.
Mais à partir du moment où on envoie du courrier, je pense que
s'ils avaient répondu. On n'a pas eu de réponse, on a fait trois
courriers. C'est pour ça qu'on s'est demandé si c'est le fait de
pas être d'accord sur des thèmes au niveau national mais c'est un
problème de démocratie au sein de l'association.
Thomas : Moi je me méfie de tout ce qui est
institution, personnalité est donc je ne me suis jamais rapproché
physiquement de Cassen ou de Tartakowsky ou de gens comme ça, j'ai
toujours voulu garder ma liberté de parole [...] Mais je pense que je
suis quel qu'un de sincère et quel qu'un d'intègre. Je n'ai pas
profité de la situation de président pour me placer auprès
d'eux. Je ne les ai jamais interpellés directement, je n'ai jamais
discuté avec eux dans un coin, moi je parle toujours dans la
clarté et devant tout le monde. Alors qu'il y en a d'autres qui ont
été retournés comme des crêpes et qui, il y a deux
ans, étaient frondeurs et grandes gueules et qui six mois après,
on les retrouvait en nous traitant comme des irresponsables, et immatures...
Luc : On essaye de se trouver une solution pour arriver,
sans remettre en cause le nationale, car on n'a pas envie de casser Attac,
c'est quand même actuellement le seul outil qu'on connaisse qui permette
de se bagarrer sur ce plan là, on n'a vraiment pas envie de le casser
[...] C'est ce qu'ils craignent au niveau national et c'est ce que nous
craignons si on met en place cette coordination des comités locaux, on
craint être pris pour des séparatistes alors que ce n'est pas du
tout le cas.
Thomas : Maintenant avec le recul je pense qu'ils avaient peur
qu'on foute la merde à l'Assemblée générale, alors
qu'on était vraiment pas là pour ça et j'ai pris la parole
dans ce sens la, en disant qu'on n'était pas à des fouteurs de
merde [...] Que j'étais pas là pour foutre en l'air Attac et
qu'il n'avait pas lieu de craindre de nous une prise de pouvoir quelconque, par
rapport à ça [...] Ils avaient peur eux, le bureau surtout,
Cassen, Tarta et Khalfa, ils avaient peur de ça mais c'était une
peur qui n'était pas fondée [...] Et Cassen, Tarta, Khalfa
peut-être en moindre mesure car il est reconnu syndicalement, ont craint
qu'il y ait une prise de pouvoir physique dans le sens où il y ait des
gens qui les bousculent et qu'on en mette d'autres à leur place. Moi
j'en ai rien a battre. J'en ai rien à foutre de me faire voir dans Attac
et de participer, de me faire mousser auprès de Cassen... Et tu le sais
j'aurais pu le faire plusieurs fois.
La relation d'opposition qui caractérise le
comité isérois vis-à-vis de la direction nationale
participe, selon Jacques Ion, à une remise en cause des modes
d'organisations traditionnels qui apparaissent trop rigides. Le fonctionnement
interne serait devenu une priorité. La participation des
adhérents et la légitimité des représentants
incarneraient les nouvelles préoccupations des militants. Ces
évolutions traduisent l'émergence de nouvelles valeurs au sein de
l'engagement (la participation, la légitimité). Pour en rendre
compte, il est possible de mettre en lien, comme le fait Alain Lancelot,
l'essor des mouvements associatifs avec la crise de légitimité
des organisations politiques traditionnelles171(*). Dès lors, selon Dominique Mehl,
« la place politique du mouvement associatif se définit
d'abord en creux [...] [Les associations] servent alors de substitut à
la carence des institutions représentatives »172(*). L'association serait
dotée des valeurs qui font défaut aux groupements traditionnels.
L'attachement au mode associatif serait un des vecteurs de l'engagement.
2 La
part associative de l'engagement
« « Trouver une forme d'association
qui défende et protège de toute la force commune la personne et
les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s'unissant à
tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi
libre qu'auparavant. » Tel est le problème fondamental dont le
Contrat social donne la solution. Les clauses de ce contrat sont tellement
déterminées par la nature de l'acte, que la moindre modification
les rendrait vaines et de nul effet »
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, I, ch 6.
Attac, est une association de loi 1901. Pourtant, à
l'origine, la proposition de Ramonet qui fut publiée dans le
Monde Diplomatique évoquait la constitution d'une Organisation
non gouvernementale (ONG). Ainsi il suggéra en décembre 1997 de
« créer, à l'échelle planétaire,
l'organisation non gouvernementale Action pour une taxe Tobin d'aide aux
citoyens -Attac »173(*). Au cours de la rencontre qui eu lieu le 16/03/1998
entre les futurs membres fondateurs le projet d'une ONG avait encore
été évoqué174(*). Toutefois, le projet d'une ONG se transforma en mai
1998 en une « association internationale »175(*). Lors du dépôt
des statuts, le « A » de l'acronyme qui se
référait initialement à
l' « Action » signifia désormais
l' « Association ». Par la suite, l'idée d'une
ONG ne fut plus évoquée officiellement. Bernard Cassen rappelait,
lors du C.A du 17 février 1999, qu'Attac n'était pas une ONG mais
une « organisation française
internationaliste »176(*). A l'occasion de l'AG 1999, il était
précisé qu'à terme, « il est possible de
construire, avec d'autres, la grande ONG internationale qui saura exprimer les
besoins des peuples, s'opposer à la dictature des marchés,
démontrer qu' « un autre monde est
possible »177(*). D'après ce document du bureau, l'idée
d'une ONG resterait le but visé. Il s'agit, d'ailleurs, d'une
revendication qui est soutenue par certains adhérents. Ils proposent
qu'Attac devienne une ONG afin que, par exemple, il soit possible de
déduire fiscalement les donations qui sont faites. Peut-être la
forme associative a t-elle été privilégiée en
raison de sa flexibilité ? Il est imprudent de spéculer sur
le fait qu'Attac soit devenu une association et que le projet initial d'ONG ait
échoué. Toutefois, en quoi l'engagement des enquêtés
a t-il un lien avec la forme associative du mouvement ?. Il est
nécessaire pour cela d'identifier la représentation de la forme
associative, telle qu'elle apparaît au cours des entretiens.
2.1
Les vertus associatives
Martine Barthélémy explique l'engouement pour
l'engagement associatif par le fait que l'association représente un
ensemble de valeurs auprès des militants. La principale vertu de
l'association serait la liberté. La notion de
liberté recouvre ici deux phénomènes. L'association
serait, tout d'abord, l'organisation dans laquelle l'adhérent
disposerait d'une liberté d'action supplémentaire en comparaison
avec les formes plus hiérarchisées (syndicats et partis
politiques). Il s'agit de la « liberté individuelle dont la
démarche associative permet l'expression »178(*). D'autre part, l'association
serait perçue, contrairement aux structures partisanes, comme un mode
d'organisation facilitant la diversité des opinions. C'est l'idée
d'une « liberté de l'association, fondée sur le
« pluralisme » et la
« diversité » des idées qui s'y
échangent et des individus qui s'y rencontrent »179(*). Qu'en est-il au sein
d'Attac Isère ? En quoi l'engagement des enquêtés a
t-il un lien avec la forme associative du mouvement ? Y- a t'il une
représentation homogène de l'association parmi ceux ci, qui
serait semblable à celle que décrit Martine
Barthélémy ?
2.1.1 Une liberté d'action supplémentaire
2.1.1.1 Le refus d'un
fonctionnement hiérarchique et centralisé
Tout d'abord, les enquêtés sont assez
réfractaires aux syndicats et aux partis politiques, eu égard
à leur centralisme. Il s'agit selon eux, d'organisations qui sont le
plus souvent « bureaucratiques » et
« centralisées ». Luc, qui a milité depuis
les années soixante-dix dans la CFDT, regrette qu'un dualisme croissant
soit apparu au sein des syndicats entre la « base » et la
« tête ». Par ailleurs, il se définit, lui
même, comme un « militant à la base » et
déclare avoir tenté de travailler jusqu'à sa
démission avec « la base ». Sa participation
syndicale est restée essentiellement au niveau de son entreprise. Au
terme de son militantisme, il considère que la CFDT ne lui a jamais
véritablement apporté son soutien, et qu'elle se limitait
à percevoir les cotisations. Luc estime que les responsables syndicaux
ne se situent pas dans une stratégie de défense des
salariés mais qu'ils sont « inclus dans les problèmes
de pouvoir ». Il déclare, par ailleurs, au cours de
l'entretien, que l'originalité d'Attac est de se situer à
l'extérieur des problèmes de pouvoir, c'est-à-dire en
position de « contre-pouvoir ». Laurent
perçoit également cette coupure entre les militants et les
responsables au sein des partis politiques. Les partis ne correspondent pas
à des « mouvements d'idées » mais à
des « écuries » en faveur des dirigeants. Laurent
reste perplexe devant le fait que certains individus puissent militer dans les
partis puisqu'ils n'ont aucun bénéfice direct à en
attendre.
Certains enquêtés rejettent la structure
syndicale et politique car ils critiquent son mode d'organisation vertical
où la « base » est dépourvue d'un réel
pouvoir180(*). Stanislas
Varennes, au cours d'une étude consacrée au militantisme
associatif, a pu remarquer que les personnes qui privilégient la
structure associative souhaitent, avant tout, un mode d'engagement qui aille
à l'encontre du centralisme syndical ou politique. Il s'agirait de
« pallier la défaite de la démocratie
représentative par le développement de la
« démocratie participative » »181(*). Face à la
rigidité des structures syndicales et politiques, organisée de
façon verticale le modèle associatif est présenté
comme une structure souple et non hiérarchisée, permettant
à chacun de participer182(*). Qu'en est-il au niveau de l'engagement au sein
d'Attac ?
Luc : C'est là que je me suis rendu compte d'un
certain nombre de problèmes qui se posent au niveau syndical... Enfin
c'est une analyse de la société que je fais quand je dis
ça. D'une part, entre les spécialistes syndicaux qui sont
à la tête et la base, il y a des spécialistes qui se sont
transformés en experts et qui ne tiennent pas du tout compte de la base
[...] Les syndicats sont de plus en plus sur une position
néo-libérale, ils sont complètement intégrés
au système. Parce que les gens qui sont à la tête des
syndicats, je parle des syndicats majoritaires et je ne parle pas uniquement de
la CFDT, ce sont des gens qui sont inclus dans les problèmes de pouvoir,
qui se battent et qui discutent avec les politiques mais comme les politiques
!
Laurent : C'est une question de personnes car la
politique en général ça m'interpelle et jusqu'à
maintenant je n'avais jamais franchi le pas d'adhérer un mouvement. Les
mouvements politiques sont pour moi un peu trop des écuries, il ne me
semble pas que se soient des mouvements d'idées. En tout cas je ne
retrouverais pas à militer vraiment pour un parti [...] Alors moi du
coup j'aimerais bien parler à des militants du parti socialiste pour
savoir pourquoi ils militent à leur niveau, il mouillent leur chemise,
ils vont coller des tracts alors que directement ils n'ont rien à y
gagner... Sauf si vraiment ils croient en la personne... Peut-être que
c'est ça.
2.1.1.2
L'association : une organisation au fonctionnement souple
Face à ces modes d'organisation qui ne correspondent
pas aux attentes de certains adhérents, Attac est présenté
comme une structure « souple », dans laquelle la
liberté d'action et d'initiative est très importante183(*). Pour Julie, tandis que les
structures politiques et syndicales apparaissent
« vieilles » et « figées »,
Attac représente une association « très
jeune », en « construction » et dont les
débouchées sont incertains. Elle évoque une
« création continue ». La forme associative qui est
moins encadrée, permettrait davantage de
« confrontation », de « recherche » et
de « réflexion », qu'au sein d'un parti ou d'un
syndicat.
La forme associative a semble t'il contribué à
l'engagement de plusieurs adhérents. Il s'agit pour eux de participer
à une « expérience ». Lionel a
été motivé par une « curiosité
intellectuelle » qui l'a amené à s'intéresser au
devenir du mouvement. C'est également pour cette raison qu'il s'est
rendu à l'AG de St Brieuc, en octobre 2000. Il semble très
intéressé par le conflit qui existe entre les comités
locaux et la direction nationale. De même ce qui a interpellé
Julie, ce ne sont pas les revendications que défend Attac, c'est avant
tout la forme de militantisme qui était proposé. Attac a
lancé, selon elle, un appel à « réveiller le
citoyen » et à « réfléchir ensemble
pour voir comment ça peut bouger ». Julie se représente
son engagement comme une « expérience » de
mobilisation. Il s'agit de l'opportunité de prendre part à
quelque chose de nouveau et de voir comment l'association évolue. Par
ailleurs, Julie, perçoit les problèmes de démocratie
interne et le combat, auquel elle participe, en vue de la reconnaissance des
comités locaux comme un premier défi à « changer
les choses ». Les problèmes avec la direction nationale ne
constitue pas un facteur de démobilisation dans son engagement. Au
contraire, il s'agit pour Julie, d'une motivation supplémentaire car ces
problèmes renvoient, selon elle, au slogan défendu par Attac,
à savoir : « Il s'agit ensemble de se réapproprier
l'avenir de notre monde ». Ce qui a lieu dans l'association
préfigure ce qui peut avoir lieu a une échelle de
« communauté de pays ». Par la nouveauté de
sa forme Attac symboliserait un premier changement social. Il s'agit d'une
expérience « à une échelle qui permet de
comprendre ce qui se passe », tandis que les mécanismes de la
finance ont une dimension qui lui
« échappe ».
Julie : Attac est une très jeune association et on
ne sait pas ce que ça va donner [...] Pour moi ce qui est important
c'est que c'est une association qui donne la possibilité aux gens de
réfléchir, on rencontre une diversité de gens que je
trouve très intéressante. À partir du moment où se
sera structuré sous forme de parti politique, on ne gagnera pas
d'ouverture et il y aura la bonne parole et tout ce côté, les
réflexions un peu parallèles ça ne sera plus un espace de
réflexion et de confrontation, de recherche car pour l'instant Attac
pour moi c'est ça, une création continue. Pour moi ce qui
intéressant c'est que ça fait appel à chaque citoyen [...]
Mais je trouve quand même qu'il y a des choses intéressantes, je
trouve que c'est tonique, peut-être que dans cinq ou six ans Attac sera
devenue une association routinière et que ça aura changé
Lionel : Je trouve ça assez intéressant.
Dans ma motivation pour rejoindre Attac Isère, il y avait l'idée
de rencontrer des gens avec qui on partage quelque chose et puis aussi par
curiosité intellectuelle sur la création d'un mouvement qui se
crée, à quoi ça correspond, qu'est-ce qui se joue ? Donc
là c'était plutôt la dimension proche de mes
intérêts non pas professionnels mais d'intérêts pour
le regard psychosociologique, toute la dimension des sciences humaines par
rapport à ce groupe humain avec un phénomène qui me
paraît très actuel dans notre époque. C'est quelque chose
qui naît, qui essaye de réagir à des problèmes avec
tout ce qui touche la vie sociale et l'individu [...] Il y avait un effet
politique dans cette assemblée du fait que pour Paris, leurs
préoccupations sont en tant que créateur d'Attac et il y a un
phénomène qui déborde le cadre intellectuel par lequel
ça été créé. C'est assez intéressant
de voir cette fronde qu'il y a pu y avoir à un moment donné entre
les comités locaux et le bureau de Paris, cette recherche de se faire
reconnaître et de se dire Attac ce n'est pas simplement le bureau d'une
association c'est aussi tous les gens qui la composent. Moi j'y allais pour
voir.
Julie : Mais moi particulièrement ce n'est pas
ça qui m'a attiré, c'est qu'à la fois elle abordait des
problèmes et une vision du monde et qu'elle disait à chacun on va
réfléchir ensemble pour voir comment ça peut bouger. Je ne
rentrais pas dans une organisation qui était vieille, qui était
déjà installée et qui avait déjà une ligne
de conduite très précise, je rentrais dans une association qui
faisait appel à chacun et qui devait se construire donc c'est une
expérience. Il y a des choses qui vont, qui évoluent, il y a des
conflits, les choses qui marchent bien, des choses intéressantes mais
aussi des confrontations, mais aussi des choses avec lesquelles on n'est pas
d'accord et il faut voir si on est capable de faire bouger aussi à
l'intérieur même d'Attac les choses avec lesquelles on n'est pas
d'accord. Comment peuvent se négocier des avis différents ?
Comment peut-on arriver à produire quelque chose ensemble ? Car je me
dis si on arrive à le faire dans Attac, il n'y a aucune raison pour
qu'on puisse pas le faire ailleurs c'est-à-dire dans d'autres groupes et
pourquoi pas au niveau d'une communauté beaucoup plus grande, une
communauté de pays... C'est peut-être complètement utopique
mais je me dis que l'avantage d'Attac c'est que c'est quelque chose qui
débute et qui se construit au jour le jour [...] Alors je me dis que
c'est intéressant car c'est encore à ma mesure au niveau des
rouages, autant au niveau du pouvoir financier il y a quelque chose de
très compliqué et il y a des choses qui nous échappent,
l'association Attac est encore à une échelle qui permet de
comprendre ce qui se passe et ça m'intéresse beaucoup de voir
comment elle évolue et de voir ce qui se passe, comment elle va
évoluer et comment chacun des militants qui sont à Attac et qui
sont venus Attac parce que c'était justement l'aboutissement d'un appel
à réveiller le citoyen qui est en chacun de nous, comment il va
se débrouiller et comment va faire vivre sa au sein de l'association qui
se réclame de cet objectif [...] C'est vrai que pour moi c'est une
expérience ce qui se passe là, c'est une expérience de
voir une mobilisation importante qui peut changer quelque chose si on a
effectivement cette possibilité de faire pression pour changer ce qui ne
me plaît pas [...] Est-ce qu'on est encore capable de se mobiliser et de
bouger pour que vraiment on se fasse entendre en tant qu'hommes et femmes de ce
monde ? Moi c'est ce qui m'intéresse.
2.1.2 Le respect du pluralisme
2.1.2.1 Le refus du
conformisme
Les organisations traditionnelles sont également
perçues comme étant une limite à la liberté
d'opinion. Cette critique est beaucoup plus fréquente à propos
des partis que des syndicats. Selon les adhérents, les partis occupent
dans la vie politique un rôle de mouvement d'idées qui n'est plus
rempli actuellement. C'est ainsi que Fabien qualifie la vie politique
française de « platitude ». Il exprime
également son inquiétude vis-à-vis du rapport
qu'entretiennent les jeunes avec la politique. Il considère qu'il n'y a
plus suffisamment d' « effervescence au niveau des
idées » pour que les jeunes puisent s'engager politiquement.
Laurent affirme, à plusieurs reprises, qu'il se sent interpellé
par « la politique ». Toutefois, les partis ne
correspondent pas, selon lui, à des « mouvements
d'idées » mais à des
« écuries ».
Fabien : Ce n'est pas au niveau des partis politiques que
l'on peut trouver de l'effervescence au niveau des idées. Ils sont un
peu, je n'ose pas dire sclérosés, mais enfermés dans un
certain confort intellectuel. Moi ce qui me paraît grave, c'est que la
vie politique à l'heure actuelle doit avoir énormément de
mal à intéresser les jeunes [...] Ce qui m'énerve, c'est
que dans les partis politiques, quels qu'ils soient, il y a beaucoup de
platitude, il n'y a rien de moins enthousiasmant. Et si j'ai une
inquiétude à manifester, c'est que je ne vois pas comment les
jeunes peuvent véritablement être motivés par des
intérêts d'ordre politique.
Laurent : C'est une question de personnes car la
politique en général ça m'interpelle et jusqu'à
maintenant je n'avais jamais franchi le pas d'adhérer à un
mouvement. Les mouvements politiques sont pour moi un peu trop des
écuries, il ne me semble pas que ce soient des mouvements
d'idées. En tout cas je ne retrouverais pas à militer vraiment
pour un parti.
Cette dévalorisation des organisations syndicales et
politiques s'assortit d'une critique de l'engagement militant. Fabien estime
que l'engagement syndical est « borné ». Il regrette
que les prises de position de la direction soient suivies de façon
stricte sans regard critique. Il existe, selon lui, un conformisme intellectuel
au sein de ces structures. Il explique, d'ailleurs, qu'à l'occasion des
mouvements de grève de 1995, il avait participé à une
réunion syndicale au cours de laquelle il avait soutenu le plan
Juppé sous les critiques des syndicalistes présents. Peu de temps
après, des membres de F.O (Force ouvrière) lui avaient
avoué que malgré leur accord, ils étaient contraints par
leur syndicat à afficher leur désapprobation. Fabien
considère que ses collègues syndicalistes
étaient « affligeants ». A l'inverse, il se
décrit comme étant quelqu'un
d' « indiscipliné » et
d' « indépendant ». Il justifie, par ailleurs,
le fait qu'il soit professeur d'université par l'autonomie que lui
confère son travail. Laurent dévalorise également le
militantisme syndical ou politique qui suppose, selon lui, de
« mettre des oeillères ». L'adhésion a un
parti lui semble « étrangère » car cela
suppose d'adhérer totalement à une
« idéologie » ou une
« doctrine ». L'engagement politique relève, selon
lui, de la même croyance que l'engagement religieux; le militant se situe
dans des « chapelles » trop contraignantes. On pourrait
s'attendre à ce que cette représentation ne soit pas
partagée par ceux qui militent dans des organisations politiques.
Toutefois Cécile, qui milite à la LCR, partage une conception
similaire. Elle avoue avoir peur d'être sujette, au sein de son
organisation, à un « endoctrinement ». C'est pour
éviter « d'arrêter de
réfléchir », qu'elle souhaite militer dans une autre
organisation. Elle privilégie pour ce second choix, une association
puisqu'elle militait auparavant à Ras l'Front de 1996 à 1999 et
qu'elle a adhéré à Attac en janvier 2000. Ce second
engagement lui permet de ne pas militer « en vase clos »
dans la LCR et de garder un « esprit critique ».
Fabien : Je ne sais pas si vous vous rappelez de toutes
ces manifestations qui ont eu lieu au moment du plan Juppé [...] J'y
voyais toute une série d'aspects positifs. Je trouvais que ce plan
allait plutôt dans le bon sens. J'ai été le dire assez
librement et les gens qui étaient là, notamment du syndicat Force
Ouvrière, étaient farouchement contre le plan Juppé et je
me suis trouvé très fortement contesté. C'était une
assemblée générale qui avait eu lieu à la
faculté de sciences économiques. L'amphithéâtre
était plein et on était plusieurs à s'exprimer. On m'a
beaucoup critiqué et deux jours plus tard je rencontre des gens du
brain trust de Force Ouvrière à Paris, et ils me disent
« Dans le fond ce plan Juppé, il n'est pas si mal que ça
mais on ne peut pas se permettre de le dire. Dans le fond on le trouve pas mal.
Mais sur la place publique on est obligé de dire qu'on le trouve mauvais
». De même que quand la CSG avait été mise en place,
j'avais un collègue qui était au service économique de la
CGT, la CGT était partie complètement en guerre contre la
contribution sociale généralisée, qui au fond
n'était pas si mal que ça. Et ce collègue me dit « Au
fond, on est pas si contre mais il faut qu'on dise qu'on est contre car la
direction l'a dit ». Et ça je ne comprends pas [...] Dans les
syndicats il y a beaucoup de sclérose. J'aime bien les syndicats [...]
mais il y a des formes de militantisme qui sont un peu bornées et ce
sont souvent celles-là qui tiennent un peu le haut du pavé.
Fabien : J'ai appartenu à un syndicat
d'enseignants, le Syndicat National d'Enseignement Supérieur, le SNESUP.
J'y ai adhéré mes premières années d'enseignement
à l'université. J'ai commencé en 1970 et j'ai y
été pendant près de dix ans. J'ai adhéré
d'abord au SNESUP, puis j'étais agacé. Il y a un corporatisme
excessif, un manque de raisonnement. C'est un peu le propre d'un syndicat, mais
il y a plusieurs degrés. Là c'était vraiment du
corporatisme, le nez sur le guidon. Je me suis rapidement lassé, et puis
mes collègues étaient très bornés. Il y en avait
qui étaient affligeant. Participer aux réunions était
devenu pour moi un calvaire. Quand la littérature syndicale vous
paraît répétitive et très automatique dans ces
réactions...
Fabien : Je suis quelqu'un d'assez indépendant
j'ai du mal à me canaliser dans un parti, la discipline de parti est
quelque chose qui m'est insupportable. Je suis quelqu'un de très
indiscipliné et ça me pèse d'être encadré par
un parti. C'est un certain nombre de choses qui font que je n'aurai plus
l'impression de me sentir suffisamment libre, si j'étais adhérent
à un parti politique. Je n'arrive pas à prendre position d'un
côté ou de l'autre. On aboutit à des absurdités
totales, aussi bien au sein des partis que des syndicats [...] Et souvent quand
on est encadré par des partis politiques, on est obligé de faire
des concessions. Si je suis universitaire, c'est parce que c'est un des
métiers qui permet une des plus grandes libertés de penser. C'est
pourquoi je n'ai pas envie d'aller militer dans des structures où j'ai
peur d'être trop canalisé.
Laurent : Ça a longtemps été une
source de velléité, je m'intéresse à la politique
mais en même temps j'ai une sorte de conscience cette lucidité,
pour s'engager dans un mouvement je pense que quelque part il faut être
un peu con dans le sens où il faut être un peu borné. Dans
tout ce qui est politique il n'y a pas de vérité absolue et c'est
tout le temps une question de perspectives. Et choisir une perspective c'est
quand même se mettre des oeillères, même si on le fait
lucidement, il n'y a pas de vérité. Pour s'engager quelque part
il faut être un peu con, les militants purs et durs je ne les aime pas
bien [...] Du coup tout en ayant une sorte de volonté de m'impliquer en
tant que citoyen, je ne l'ai jamais vraiment fait car je n'ai pas envie de
m'enfermer [...] Quand j'étais étudiant j'avais rencontré
des gens qui étaient adhérents aux jeunesses communistes et je
les regardais comme des gens étranges, ils m'interpellaient car je me
demandais qui ils sont. Pour moi ce sont des gens différents et je les
sens très loin de moi, je ne comprenais pas comment on pouvait
adhérer au Parti communiste. Ça me semblait étrange parce
qu'ils sont dans une chapelle avec une idéologie, une religion. De
même titre que les gens qui croient en dieu, en tant que personne ils
m'interrogent car je me dis comment ils font, c'est un peu la même chose
au fond. En tout cas il y a des points communs entre la doctrine qu'elle soit
religieuse ou laïque, moins maintenant.
Cécile : Moi j'ai toujours eu très peur par
rapport à la Ligue d'arrêter de réfléchir,
c'est-à-dire que c'est un parti qui a une énorme tradition
politique et il y a un certain nombre de gens qui ont un positionnement
politique très clair vis-à-vis des choses et ils sont capables de
t'enfoncer. Le fait que je voie d'autres choses par ailleurs et que j'ai
d'autres réflexions ça m'empêche de rester dans la ligne.
J'ai une certaine méfiance par rapport à ça, par rapport
à l'endoctrinement. Je ne vais pas militer qu'en vase clos à la
Ligue parce que c'est vrai que si je me fichais complètement de ce qui
se fait au niveau du monde militant et je ne pourrais plus avoir un esprit
critique vis-à-vis de la Ligue. Militer ailleurs ça me permet
d'avoir un positionnement critique vis-à-vis de mon propre parti. J'ai
quand même les idées de la Ligue par ailleurs que j'ai envie de
d'y diffuser ailleurs dans le monde associatif et donc aller militer ailleurs.
2.1.2.2 Un engagement plus
parcellaire
Les partis politiques et les syndicats sont décrits
comme des organisations ne permettant pas à l'individu de s'exprimer
librement. En revanche, les enquêtés différencient
nettement le mode de fonctionnement d'Attac. Selon Cécile, le
fonctionnement d'une association est plus « souple » que
celui d'un parti politique. Selon elle, les prises de position des individus
sont déterminées dans un parti, par « leur vision
globale des choses et leur vision de la stratégie du parti ».
L'absence de « projet de société » dans Attac
permet aux adhérents de « se positionner plus ou moins en
retrait par apport à un thème ». Pour Laurent, tandis
que l'engagement politique traduit un « phénomène
de croyance », l'adhésion à Attac s'apparente plus
à une similitude de « perspectives ». L'idée
de perspective est plus singulière et moins contraignante que celle de
croyance qui suppose une adhésion totale. Soutenir une perspective,
selon Laurent, n'empêche pas d' « être conscient que
la vérité n'est pas absolue ».
Cécile : C'est très différent d'une
forme de parti. Tu as un programme alors que dans Attac tu as des
revendications. Tu as un programme général avec une vision
générale de la société, il est
élaboré par les militants du parti et puis il y a une
structuration en tendances. Les prises de position des gens sont
déterminées par leur vision globale des choses et leur vision de
la stratégie du parti et tu as une organisation par rapport aux prises
de position sur la société. Attac c'est un ensemble de
revendications structurées autour de la taxe Tobin et de ce qui va avec,
il y a un lien entre ses revendications, mais tu n'as pas quelque chose de
programmatif avec un projet de société à établir.
Ça permet quelque chose de beaucoup plus souple contrairement à
des partis où la vision de la société détermine
l'organisation. Dans Attac chaque individu peut se positionner plus ou moins en
retrait par apport à un thème. Puis tu n'as pas
l'élaboration de la ligne Attac par un congrès qui rassemblerait
tous les adhérents qui auraient été élus sur la
base de tendances. Ce n'est pas vraiment centralisé parce que le
centralisme c'est le fait que la base soit représentée au sommet
et donne sa confiance au sommet pour faire agir tout le monde. Attac ça
n'est pas ça. C'est quelque chose de nouveau et c'est difficile à
caractériser [...] Ça n'est pas un fonctionnement de parti parce
que dans un parti il n'y a de légitimité que parce qu'il y a une
élection par la base du parti.
Laurent : Même dans un mouvement comme Attac ce
sont des gens qui portent des idées et il y a un phénomène
de croyance. Mais je vois ça moins en termes de croyance mais de
perspectives, on a différentes perceptions des choses, la
réalité on peut la voir de plusieurs manières. On peut
être conscient que la vérité n'est pas absolue tout en
ayant une perspective de la société, lui donner une orientation.
Le mouvement Attac est en cohérence avec ma perception et c'est pour
ça que j'ai adhéré. Je vois une perception du monde,
déjà le fait que ce soit international, ensuite qu'il ne soit pas
radical dans son approche des choses, il s'agit plus d'orienter et de
maîtriser la réalité dans un sens qui soit plus social,
plus humain et plus axé vers le développement et c'est ça
la direction qui m'intéresse. Il me semble que la direction d'Attac
c'est celle-ci et la mienne c'est la même.
Attac est également représenté comme une
organisation « ouverte » dans laquelle il est possible de
rencontrer une grande diversité d'appartenances politiques ou
syndicales. Par exemple, Isabelle, pour qui il s'agit du premier engagement, ne
souhaitait pas adhérer à une organisations qui ait
« des idées vraiment limitées »; ce qu'elle
assimile au fait de « renter dans une case ». Attac lui est
apparu comme un mouvement doté d'une « ouverture sur plein de
choses », permettant une « confrontation d'idées
[qui soit] beaucoup plus large ». De même, Laurent explique
qu'il a adhéré à Attac parce qu'il est rentré en
accord avec la « perspective » et les revendications que
propose l'association. Il s'agit, pour lui, d'un « mouvement
d'idées [...] qui est assez large ». Enfin, l'engagement de
Fabien semble révélateur de l'ouverture dont les
enquêtés accréditent Attac. Fabien, explique pourquoi il a
préféré s'engager dans Attac plutôt que dans le
groupe contre la pensée unique184(*). Ce groupe reste, selon lui, très
« intellectuel » et il représente un
« fonds de commerce très universitaire ». A
l'inverse, Attac lui semblait être un groupe de réflexion
« qui n'est pas trop fermé [...] trop spécialisé
[...] trop confiné ». Il apparaît, au cours des
entretiens, que cette représentation de l'association a beaucoup
contribué à l'engagement des enquêtés. Toutefois,
cela n'est observable que pour ceux qui n'étaient pas inscrits dans des
réseaux militants (Isabelle, Laurent, Fabien, Julie), tandis que ceux
qui peuvent être décrits comme étant des militants
« professionnels » attachent peu d'importance dans leur
engagement au fait qu'Attac soit une association. Ceci est cohérent avec
le fait que l'engagement des moins militants s'accompagne d'un rejet des
organisations politiques et syndicales.
Isabelle : Et du coup on s'y est intéressé,
on avait eu un peu la même démarche, c'est-à-dire qu'on
avait pas envie de rentrer dans un parti, parce qu'on n'est pas
déterminé forcément, on a des idées mais on ne se
sentait pas de rentrer dans une case, un parti qui a des idées vraiment
limitées. Et là, Attac ça nous semblait un peu
différent, une ouverture sur plein de choses avec des gens
différents et, étant donné qu'il y a des gens qui
adhèrent à la fois à des syndicats, des partis...
Ça nous permettait d'avoir une confrontation d'idées beaucoup
plus large.
Laurent : Et là le mouvement Attac, c'est cela
avec quoi je suis rentré le plus en accord pour m'engager dans une
action. C'est un mouvement citoyen qui est porteur d'une perspective sur la
société et qui a des revendications pratiques, il ne cherche pas
non plus à prendre le pouvoir. C'est un mouvement d'influence, ce n'est
pas un lobby, c'est un mouvement d'idées et d'influence qui est assez
large.
F.E: Vous connaissez le groupe de réflexions contre
la pensée unique ?
Fabien : Oui, mais c'est un groupe d'économistes
qui reste très intellectuel [...] Mais je préfère Attac
parce que c'est plus large comme approche. Du fait que ce ne sont pas que des
économistes, ce n'est peut-être pas plus mal. Ce qui
m'intéresse chez Attac, c'est que c'est à la fois un groupe de
réflexion, mais un groupe de réflexion qui n'est pas trop
fermé, qui n'est pas trop spécialisé, qui n'est pas trop
confiné. Le support du Monde Diplomatique, à mon avis,
c'est quelque chose d'important. Et puis Attac, est lié à des
milieux différents. Alors que le groupe contre la pensée unique,
je suis d'accord avec eux, c'est bien, mais ils sont combien ? Ils sont
peut-être 200, même pas. C'est resté un fonds de commerce
universitaire et à ma connaissance ils ne cherchent pas à
susciter des adhésions. Ils n'ont pas envoyé aux groupes
d'économistes et aux professeurs d'université un courrier en leur
disant « Voilà ce qu'on fait et si vous êtes d'accord,
rejoignez-nous ! » [...] Peut-être que les gens de l'appel
contre la pensée unique, on envie de rester un peu entre eux car c'est
leur originalité et leur idée et ils ne veulent pas qu'elle soit
trop partagée et diluée. Peut-être qu'ils estiment que
ça n'est pas leur vocation.
Tandis que les partis politiques et les syndicats
représentent des organisations « rigides » qui
supposent un engagement total de l'individu, l'association est perçue
comme étant plus ouverte à une multiplicité d'opinions.
Cette diversité s'explique par le fait que l'adhésion à
une association puisse se faire à partir d'un accord parcellaire et ne
présuppose pas un engagement global185(*). Tout ce qui relève du global, comme le note
Emmanuelle Reynaud, est assimilé à un engagement flou et
éparpillé et est renvoyé aux partis politiques186(*). Le regroupement d'individus
distincts, et parfois opposés, au sein d'une même association est
d'autant plus possible, que cette agrégation est perçue comme
étant éphémère. Les individus ne semblent pas
être contraints par leur engagement. C'est ce dont témoignent les
Attacants isérois. Beaucoup d'enquêtés, aussi bien ceux qui
sont membres d'autres organisations (François, Cécile), que ceux
qui n'ont pas d'autres adhésions, sont d'accords pour reconnaître
que si les divergences étaient trop importantes le mouvement se
séparerait. Ils se représentent Attac comme un
regroupement hétérogène provisoire dans
le but de soutenir un certain nombre de revendications
particulières. L'adhésion ne semble donc pas
être perçue comme un acte contraignant.
F.E: Il y a certaines différences entre les
adhérents d'Attac [...] est-ce que ça ne risque pas de poser des
problèmes de défendre la même chose pour des raisons
différentes ?
Fabien : Pour l'instant ces différences ne sont pas
trop affirmées, je ne le vois pas comme ça [...] Il y aura
toujours moyen de se dissocier et de se dégager, le jour où on
peut se sentir embrigader dans une voix qui n'a pas été celle qui
était initialement privilégiée.
Laurent : Par contre au niveau des opinions politiques
c'est quand même très large, il y a une gauche assez ouverte...
Enfin disons modérée et une gauche assez extrême comme la
LCR. Il y a une bonne partie des militants qui sont des gauchistes et il y a
aussi des gens qui sont plus modérés dans leur approche et leurs
perspectives. Après je sais aussi qu'il y a un groupe Attac à
l'assemblée nationale, et il y a des centristes qui sont
adhérents et donc Attac c'est un mouvement qui est assez
hétéroclite. Je ne pense pas qu'il y ait des gens de droite
vraiment. Au niveau du petit groupe Isère le discours que j'entends est
assez extrémiste. Moi je ne suis pas du tour en accord avec
ça.
F.E : Est-ce que ces différences ça
n'empêche pas de porter un projet commun ?
Laurent : Non, bien sûr que non. Déjà ils
sont d'accord pour instaurer la taxe Tobin et ils ont déjà
ça en commun. Je pense qu'ils mettent le même sens derrière
que moi, et en tous cas peu importe, c'est plus la manière de porter le
projet qui est différente. À mon avis dans l'historique d'un
mouvement, il y a un moment où les idées sont tellement
minoritaires qu'on ne se pose pas trop la question, c'est peut-être
après que ça peut poser problème. Il y a des moments
où les mouvements se scindent en plusieurs courants.
François : Ca c'est sur tout le monde est pour la taxe
Tobin, tout le monde est pour l'annulation de la dette du tiers-monde, tout le
monde... Tout le monde n'est pas obligé d'être d'accord. Par
exemple, je sais que sur l'OTAN on n'aura pas débats parce que je sais
que si on a un débat [...] on aura des différenciations et c'est
normal. On sera pas d'accord et on mènera pas d'actions ensemble sur
l'OTAN. On peut avoir le débat, ça empêche pas... Mais pour
déboucher sur une pratique militante... Mais tu vois je pense qu'on y
est pour faire des choix ensemble, pas pour se cliver. Donc... Donc bien oui.
Sur l'OTAN, entre ceux qui pensent que c'est le bras armé de
l'Amérique et ceux qui disent que c'est le garant de l'ordre mondial et
la stabilité et des droits des peuples, il y a quelque chose qui fait
qu'on ait pas sur le même pied, qu'on est pas d'accord. Mais c'est pas
grave. On ne se battra pas sur ce terrain-là ensemble. On fera le reste
ensemble on fait le bout de chemin qu'on peut faire. On est en désaccord
là-dessus et quand on n'est pas d'accord chacun retourne à son
organisation, à ces activités, à son syndicat.
2.1.3 Une liberté
contestée
Le mode associatif semble doté au regard des militants
d'un ensemble de vertus. Toutefois, la perception du mode associatif n'est pas
homogène chez les enquêtés. Pour certains, il
représente un signe de démocratie en comparaison des partis
politiques et des syndicats. En revanche, certains interviewés affirment
que la forme associative est un cadre trop exigu qui restreint la participation
des adhérents. Par exemple, Lionel considère que la forme
associative n'était pas nécessaire au niveau local car elle est
déjà présente au niveau national. C'est pourquoi Lionel ne
milite au sein du comité que depuis octobre 1999, alors qu'il a
adhéré à l'association nationale en juillet 1998. Il
cherchait un regroupement dont le fonctionnement soit plus
« informel » et dont le développement puisse
être plus « spontané » et
« imprévisible » qu'une association. Il pensait
militer dans le comité Savoie qui ne s'est pas constitué en
association. N'ayant pu y adhérer (pour des raisons professionnelles),
il a rejoint le comité isérois « sur la pointe des
pieds » presque un an après sa création. Lionel a
beaucoup hésité puisque Attac Isère est une association
loi 1901. La forme associative représente pour lui une organisation de
groupe « rodée » et qui impose à ses
participants, un « cadre » et un
« carcan ». Depuis, son adhésion Lionel a
refusé de participer aux groupes thématiques de réflexion
qui existent dans le comité. Il n'a également pas souhaité
intégrer le Conseil d'administration, en dépit du fait qu'il
figure parmi les plus anciens militants du comité.
Lionel : J'ai adhéré très rapidement
à Attac, dans le mois qui a suivi sa création sur le plan
national. J'ai commencé à aller voir en Savoie comment ça
se passe, parce que j'ai un travail là-bas [...] Je savais qu'à
Grenoble se créait une association Attac et je n'y ai pas
été tout de suite en raison du cadre même de l'association
avec des élus, un bureau, président. Je suis relativement
prudent. En Savoie, il y avait eu des discussions auxquelles j'avais
assisté et ils se demandaient s'il fallait créer une association
ou un comité et ils ont en fait pencher plutôt pour un type de
fonctionnement de comité, c'est-à-dire qui n'est pas une
organisation avec un cadre de fonctionnement officiel. L'association c'est
déjà une organisation qui est largement pensée et
rodée, une organisation de groupe. Ça impose un cadre avec tout
ce que ça implique, c'est-à-dire un carcan. Je pensais davantage
m'inscrire dans quelque chose de plus spontané, dans une création
plus imprévisible dans l'organisation. Parce qu'on est dans quelque
chose qui est à créer et à instituer. On était
plusieurs à penser que le cadre associatif n'était pas
nécessaire parce qu'il est déjà établi sur le plan
national. Cette représentation officielle elle existe actuellement mais
ce qu'on pouvait vivre à petite échelle pouvait être
différent [...] Je les ai rejoints plus de six mois après la
création. C'était la forme associative qui me freinait un peu, et
puis, je suis venu sur la pointe des pieds. Je suis venu pour une manifestation
organisée par Attac en octobre 1999, pratiquement un an après la
formation d'Attac Isère. Je voulais quand même essayer de
rejoindre ou de rencontrer des personnes qui adhéraient à Attac
et qui a priori partageaient des idées communes avec moi..
Les critiques qui sont formulées à propos du
fonctionnement d'Attac semblent aller à l'encontre du modèle
associatif. L'association, comme le note Stanislas Varennes, représente
un mode de fonctionnement « souple » qui facilite la
participation des adhérents. Contrairement au centralisme des structures
fortement hiérarchisées, l'association se caractérise par
un modèle horizontal où le pouvoir est diffus. Pourtant, il
existe, selon les enquêtés, au sein de la structure nationale
d'Attac, une forte concentration du pouvoir. Un
« directoire national» exercerait, selon Thomas, un
contrôle unilatéral sur le fonctionnement de l'association. Nous
sommes donc loin du fonctionnement « souple » et
« ouvert » qu'évoquaient certains adhérents.
Les mêmes reproches ont été formulé à
l'encontre du fonctionnement du comité isérois. La prises de
décision s'effectueraient uniquement au sein du C.A et laisseraient
à l'écart la plupart des membres. La structure associative n'est
pas appropriée, selon certains enquêtés, pour un
comité local car elle suppose un fonctionnement trop rigide. Plusieurs
enquêtés considèrent qu'il existe un formalisme trop
important au sein du groupe isérois. Cécile insiste à
plusieurs reprises sur les difficultés qu'elle a rencontrées dans
son militantisme. Elle a adhéré dans le but de mettre en place un
groupe spécifique pour le campus mais qui soit lié au
comité isérois. Elle s'est heurtée, explique t-elle,
à plusieurs obstacles dans le fonctionnement du groupe. Par exemple,
Cécile a eu l'idée, en février 2001, de publier un journal
propre au groupe campus qui s'intitule Trat'Attac. Le C.A, qui a
été très méfiant, souhaitait avoir un droit de
regard sur les articles qui étaient publiés. Après la
parution du premier journal, qui n'avait pas été soumis à
l'approbation du C.A, les militants du campus furent très
critiqués. Il fut alors décidé que tout document devrait
être soumis au C.A. Cécile regrette que le C.A souhaite
contrôler la totalité du comité. Il en résulte,
selon elle, un manque de confiance qui constitue un frein à l'engagement
des adhérents. Elle explique qu'elle a rencontré d'autant plus de
difficultés, qu'elle disposait d'une précédente
expérience associative au sein de Ras l'Front, où elle avait
participé au lancement d'un journal lycéen. La direction
n'exerçait aucun contrôle sur la publication. Cécile
constate que le fonctionnement au sein d'Attac Isère n'est pas aussi
souple.
Cécile : Oui, oui c'était en début
d'année, on s'est dit : « cela fera une activité
régulière, sur le campus; on va faire un journal » [...]
Quand on a sorti le premier journal, c'est moi, qui les ait appelés en
leur disant : « Voilà on sort notre premier journal » mais on
ne leur a pas montré. C'est vrai que cela a été super dur,
car moi, à ce moment-là je ne pouvais pas aller au C.A,
c'était un copain qui était allé au C.A pour dire qu'on
avait fait un journal. Il s'était fait incendier par les membres du C.A
mais alors d'une façon vraiment grave. Il en était sorti super
choqué par rapport à ce qui s'était passé.
F. E. Ils avaient lu le journal ? C'était en
fonction du contenu ?
Cécile : Non ! Ce n'était même pas en
fonction du contenu ; c'était en fonction de la démarche. On
n'était pas passé par le C.A. Et ils ont très peur de tout
ce qui est récupération, tout ce qui est éclatement au
sein d'Attac qui ferait qu'on ne pourrait pas avoir le contrôle sur tout
ce qui se fait au sein des groupes. Ils ont dit : « Tout document doit
passer par le C.A avant d'être publié ».
Cécile : Au début, comme je te le disais,
c'était difficile et notamment cela a été difficile car on
a fait des sujets sans l'accord du C.A, parce que nous, dans notre tête,
on avait une expérience associative et on avait aussi un groupe
lycées, on faisait pareil, on tirait 12 000 tracts par mois et
c'était jamais lu par un membre du bureau. Il n' y avait pas de
vérification, il y avait une confiance entre les groupes. Il n'y a
jamais eu de problèmes. Comme c'était un groupe lycée, on
était quarante à la meilleure époque [rires], donc, comme
il y avait du monde, on considérait que c'était le fruit d'un
travail collectif et qu'il n'y avait pas besoin de repasser derrière
pour voir si c'était en accord avec les idées du groupe. Tandis
qu'à Attac, il ne nous ont pas fait cette confiance là.
Le formalisme du comité isérois aboutit, selon
Cécile, à des « blocages » dans le
fonctionnement de l'association. Tout d'abord les réunions seraient
ancrées dans une forme trop rigide187(*). Par exemple, Cécile explique que
récemment le C.A, auquel elle participe, a abordé une question
matérielle relative à l'achat d'une armoire. La discussion a
débordé sur la gestion de la trésorerie et a duré
un peu moins d'une heure. Chaque chose étant soumise à l'accord
des membres du C.A, les préoccupations matérielles occupent une
place centrale dans les débats. De plus, des blocages surviennent
également lors des mobilisations. Par exemple, Cécile
précise, avec ironie, qu'à l'occasion de la manifestation du
1er mai 2001, le groupe campus a été
« mandaté » par le C.A afin de réaliser une
banderole. Des blocages sont également survenus lorsque des actions ont
été menées avec des organisations dont le fonctionnement
est plus souple. Ce fut le cas notamment à l'occasion du Festival de
Résistance Anti-Kapitaliste (FRAKA) qui eu lieu sur le campus. Le FRAKA
est une association composée d'une quarantaine d'étudiants et qui
a un fonctionnement très souple et peu hiérarchisé (pas de
C.A, décisions prises au consensus). Attac a participé au
festival qui s'est déroulé en avril 2000. Toutefois, les membres
du FRAKA avaient annulé une intervention sans en avertir le
comité. Les membres du C.A en furent contrariés. De plus, les
militants isérois avaient invité José Bové sur le
campus lors du déroulement du festival. Les militants du FRAKA avaient
annoncé l'événement dans leur plaquette sans pour autant
avoir participé à l'organisation. Cela fut très mal
accepté par le comité local qui décida de ne plus
participer au festival. Toutefois, en 2001, Cécile, qui fréquente
les membres du FRAKA, désira y participer. Pour cela, elle décida
d'adopter une démarche très formelle auprès du C.A qui fut
contraint d'accepter la participation du groupe campus.
Cécile : Et puis il y a des blocages. Par exemple
à la dernière réunion on a discuté pendant trois
quarts d'heure s'il fallait une armoire pour Attac Isère pour ranger les
documents dans le local FSU. Au départ il ne fallait pas de meubles
dépareillés par rapport à son mobilier, on les comprend,
donc ils devaient forcément acheter une armoire qui allait avec leurs
meubles. Cette armoire devait coûter 2400 F. Cela nous a
entraîné avoir un débat plus large sur la trésorerie
et comme la trésorière avait des difficultés.
Cécile : Et cette année, on a tenu une
table d'Attac campus, car la relation en entre le FRAKA et Attac Isère
était un peu compliquée. En fait, c'est parce qu'Attac
Isère n'a pas apprécié la façon dont le FRAKA les a
sollicités. Déjà l'an dernier, une personne d'Attac
Isère devait faire une intervention pour le FRAKA; or le FRAKA avait
trouvé quelqu'un d'autre et ils n'avaient pas prévenu. Elle avait
commencé son travail. C'est ce qui explique les mauvaises relations
actuelles, car Attac c'est vraiment un organisme très
réglementé, on ne peut pas faire n'importe quoi, ni annuler
n'importe comment, il faut passer par le C.A avant de faire quelque chose. Du
coup, le mode de fonctionnement des deux organismes était difficilement
compatible. Eh oui ! Ce qui s'était passé c'était à
propos de José Bové. Le FRAKA avait demandé à
José Bové de venir sur le campus, mais ils n'avaient pas obtenu
de réponse et ils ont appris par ailleurs, que le collectif avait
invité José Bové. Comme ils étaient
contrariés, ils avaient mis la venue de José Bové dans
leur plaquette, pour annoncer l'organisation. Or, comme ils n'étaient
pas encore co-organisateurs, Attac s'était énervé en
disant que cela était scandaleux qu'ils l'écrivent dans leur
plaquette. C'est vraiment de petites querelles [...] Donc, ce qui se passe,
maintenant c'est qu'on a bien pigé le truc, et on les ennuie avec des
sujets supers formalistes, la fois où j'y suis allée,
c'était pour leur dire qu'on voulait prendre en charge la table à
FRAKA. J'ai demandé à Cristina la présidente du FRAKA de
m'écrire une lettre, signée la présidente du FRAKA :
« Nous vous invitons à venir... etc ». Je leur ai
présenté la lettre et cela les ennuyaient, car finalement, ils
sont sur des principes, mais dans la réalité ils appliquent des
principes supers formalistes.
Le fonctionnement du comité isérois et de
l'association nationale semblent aller à l'inverse des valeurs
qu'incarne le mode d'organisation associatif. Le mode de fonctionnement des
organisations, quelles qu'elles soient, qui se sont développées
en France depuis la IIIe République, se caractérisait,
selon Jacques Ion, par un important formalisme juridique.
L' « attachement extrêmement minutieux aux
règlements » et le « fétichisme des
statuts » témoignent du « souci constant
d'élaborer anonymement une volonté commune »188(*). Ce formalisme tendrait,
selon lui, à disparaître. Et « quand bien même les
règles juridiques continuent à s'imposer, c'est sur un autre
registre [...] elles ne sont respectées que par
obligation »189(*). Ce constat ne s'applique vraisemblablement pas au
fonctionnement de l'association Attac. Au contraire, les militants attachent
beaucoup d'importance aux règles qui régissent le
déroulement des réunions et des mobilisations. La place qui est
accordée aux statuts, comme nous l'avons vu précédemment,
va également à l'inverse de cet abandon du juridisme. Le
comité Attac Isère semble donc aller à l'encontre des
évolutions que connaissent actuellement les organisations.
Cette observation doit être nuancée par une
remarque. Les statuts du comité imposent qu'un tiers des membres soient
présents lors du déroulement de l'Assemblée
générale. Toutefois, lors de l'AG du 24 février 2001 au
cours de laquelle le C.A fut élu, ce quorum n'était pas
réuni. C'est ainsi que, tandis que le comité comporte plus de 800
adhérents, seuls 165 membres étaient présents190(*). L'attachement des militants
envers les statuts est donc plus prégnant dans leur discours que dans
leurs pratiques effectives191(*).
L'engagement des militants semble motivé par un
ensemble de valeurs qui sont incarnées par la forme associative. Comme
le remarque Martine Bathélémy, au sein des représentations
militantes, le substrat de l'association est la
liberté. A l'inverse, les organisations partisanes sont
perçues comme des cadres rigides retreignant l'initiative individuelle.
L'engagement associatif, qui est plus parcellaire, apparaît comme un
échappatoire aux discours globalisants tenus par les
« appareils ». C'est ce qui explique, selon Patrick
Lecomte, que « l'engagement se porte de préférence vers
des associations à buts spécialisés plutôt que vers
des organisations politiques qui prétendent régir l'ensemble de
la société »192(*). Toutefois Attac soutient des revendications sur de
nombreux domaines. Comment expliquer que le champ des revendications soit si
large sans qu'il soit perçu pour autant comme contraignant ? Le
discours tenu par Attac pourrait alors s'apparenter à celui d'un parti
politique. Quelles limites, les militants posent-ils aux prises de positions de
l'association ?
2.2 Un
engagement précis mais global
2.2.1 Lutter contre la
spéculation
L'acronyme Attac, Association pour la Taxation des
Transactions financières et l'Aide aux Citoyens, indique la
première revendication sur laquelle s'est fondée l'association.
Le terme de transaction est large mais il renvoie, en premier lieu, aux
transactions financières, c'est-à-dire celles qui ont lieu sur le
marché des changes. Nous avons déjà évoqué
le contexte dans lequel Ramonet a proposé la mise en place de cette
taxe. Il s'agissait d'une récession économique très forte
touchant le sud-est asiatique en 1997, et plus particulièrement
l'Indonésie et la Thaïlande. Leurs systèmes financiers et
bancaires s'effondrèrent et la responsabilité fut
attribuée à la globalisation et à la
déréglementation des transactions financières et
monétaires.193(*)
Ramonet précise que « la taxation des revenus financiers est une
exigence démocratique minimale. Ces revenus devraient être
taxés exactement au même taux que les revenus du travail [...]
C'est pourquoi il importe de mettre en place des mécanismes dissuasifs
»194(*). Afin de
« désarmer les marchés », il propose une taxe
appelée « Tobin », du nom de son fondateur, celle ci
n'étant parmi les mécanismes possibles que « l'un d'entre
eux».
2.2.1.1 La taxe
formulée par James Tobin
James Tobin est un économiste américain,
diplômé de l'université de Harvard et professeur à
l'université de Yale. Il a obtenu le prix Nobel d'économie en
1981 pour ses analyses des marchés financiers195(*). Il est
considéré dans les cercles des économistes comme un
Keynésien convaincu et un
« anti-Friedman »196(*). Il fut le conseiller économique de
J.F.Kennedy au début des années soixante et un farouche opposant
à la politique économique du président Reagan. C'est en
1978 qu'il a publié l'article le plus connu proposant
l'établissement d'une taxe sur les transactions de change. Toutefois sa
première intervention remonte à 1972, soit peu de temps
après l'abrogation, en août 1971, du système de taux de
change fixe, créé lors du traité de Bretton Woods en
1944197(*). Au
système de change fixe, a succédé un régime
à « taux flottants » dans lequel la valeur des monnaies
dépend du jeu du marché et des stratégies adoptées
par les intervenants qui y sont présents. Cette modification a ouvert la
porte à la spéculation198(*) sur le marché des changes.
C'est pour répondre à cette menace, qui
représentait un facteur d'instabilité important au sein du
système monétaire international, que Tobin proposa de
prélever une taxe sur toutes les opérations de change
privées. Cette taxe serait de l'ordre de 0, 1% du montant brut de la
transaction, permettant ainsi de taxer les placements à court terme
(moins d'une semaine) sans pénaliser les investissements qui seraient
faits à long terme. Elle permettrait donc de faire la distinction entre
les transferts spéculatifs et les transferts non-spéculatifs. La
taxe serait collectée dans le pays où la transaction est conclue
et nécessiterait une coopération entre les Etats qui serait
possible selon lui à travers l'organisme du Fonds Monétaire
International mis en place lors des accords de Bretton Woods. Il s'agit pour
lui de réduire l'activité spéculative en la
pénalisant et ainsi de limiter la volatilité des transactions. Le
marché s'en retrouverait restreint aux seules opérations de
change nécessaires à l'investissement.
Le but poursuivi par James Tobin et les économistes qui
ont soutenu sa proposition est de rendre aux politiques monétaires
nationales l'autonomie qu'elles ont perdue face aux marchés
financiers199(*). En
effet, dans un régime de change flottant, la tendance à
l'uniformisation des taux sur l'ensemble des marchés est très
forte, ce qui rend difficile l'élaboration d'une politique
monétaire autonome pour les Etats200(*). Grâce à la taxe Tobin, il serait moins
nécessaire d'utiliser les taux d'intérêts pour
défendre le taux de change car les transactions ne s'effectueraient pas
sur la base d'un profit spéculatif et la politique monétaire de
détermination des taux d'intérêts pourrait être plus
aisément mise au service de l'investissement201(*). La seconde
conséquence de la taxe consisterait en la création d'une forme
d'impôt sur le capital qui serait uniforme mondialement. Le produit de
cet impôt pourrait servir à l'aide au développement.
Toutefois, ce n'était pas l'objectif principal poursuivi par Tobin.
Lorsque l'idée d'une taxe sur les transactions monétaire dans un
but « social » est réapparue, Tobin a
réaffirmé qu'il ne s'agissait pas de sa finalité202(*).
2.2.1.2 La
ré-appropriation de la taxe Tobin par Attac
Avec l'accentuation de la mondialisation et les
facilités de circulation des capitaux qui en résultent, les
transactions spéculatives ont pris, durant les années 1990, une
proportion beaucoup plus importante qu'elles n'avaient lorsque Tobin fit sa
proposition203(*). De
nombreuses crises économiques se sont succédées :
crise de la dette des pays du Sud au cours des années 1980, crise du
Mexique en 1994-95, crise de l'Asie de l'Est en 1997, crise du Brésil en
1998. C'est dans ce contexte que l'idée de taxer les transactions
financières et la proposition de James Tobin sont revenues sur le devant
de la scène. La taxe « Tobin » fut
évoquée lors de la crise monétaire européenne, en
1992 et 1993, lors de l'effondrement du peso américain en 1994204(*). Mitterrand proposa
également la taxe dans un but « humanitaire » lors
du Sommet Social Mondial de Copenhague en 1994. Enfin, elle fut
évoquée au G7, à Halifax, en 1995. L'idée
reçut le soutien de plusieurs personnalités : Jacques Delors
(président de la commission européenne de 1985 à 1994),
Boutros Boutros-Ghali (secrétaire général de l'ONU de 1992
à 1996), Barber Conable (président de la Banque Mondiale de 1986
à 1991). En France, en 1995, le candidat Lionel Jospin avait inscrit
cette mesure dans son programme de campagne présidentielle, elle avait
également été reprise par les socialistes lors des
élections européennes de 1995 ; il n'en avait plus
été question depuis205(*). Elle est réapparue en décembre 1997
dans l'éditorial d'Igniacio Ramonet. Mais la proposition défendue
par Attac est-elle la même que celle de Tobin ? Comment l'association
s'est-elle réappropriée cette idée et en a t-elle fait son
cheval de bataille ?
La taxe défendue par Attac n'est pas fondamentalement
différente, dans ses modalités d'application, de celle que James
Tobin avait pu concevoir. Il s'agit d'une imposition des opérations de
change à un taux situé entre 0,05% et 1% et qui permettrait de
réduire le volume des transactions. Toutefois, Attac entend reprendre
à son compte cette taxe dans un « esprit »
différent de celui qui motivait James Tobin : alors qu'il
souhaitait avant tout redonner aux politiques monétaires nationales une
certaine autonomie et qu'il ne considérait le bénéfice de
cette taxe que comme un « sous-produit », l'association s'est
fondée initialement sur l'idée de collecter une somme permettant
l'éradication de la pauvreté et le développement des pays
les moins avancés206(*). Ramonet, dans son éditorial «
Désarmer les marchés » appelait de ses voeux cet «
impôt mondial de solidarité » qui «procurerait, par
an, quelque 166 milliards de dollars, deux fois plus que la somme annuelle
nécessaire pour éradiquer la pauvreté extrême d'ici
au début du siècle. »207(*) Les membres du Conseil scientifique d'Attac
précisent, par ailleurs, qu'il ne s'agit pas de se substituer à
l'aide publique au développement mais d'ajouter le produit de la taxe
aux financements déjà existants208(*).
En se réappropriant l'idée de Tobin et en lui
donnant une finalité différente de celle qu'il lui attribuait
initialement, l'association a ,dans un premier temps, donné
l'idée que James Tobin était un économiste «
humaniste »209(*), alors que le contexte et le but n'étaient
pas semblables. Ce qui est étonnant, c'est que de nombreux militants
Attac se représentent James Tobin comme un économiste
libéral souhaitant non pas lutter contre la spéculation mais la
protéger, en constituant grâce à l'argent
récolté un fonds de réserve qui permetterait en cas de
crise économique de « relancer la machine ». Son
intention était d'empêcher la formation de bulles
spéculatives qui sont néfastes au déroulement de
l'économie capitaliste et au bon fonctionnement des
marchés210(*). En
revanche, il souhaitait bien freiner la spéculation. Il s'agissait pour
lui de « jeter du sable dans les rouages de la
spéculation » afin de rendre aux Etats une politique
monétaire plus autonome. La finalité de Tobin était de
donner plus de place aux politiques de relance et de réduire la place du
marché, il était avant tout keynésien et surtout pas
libéral.
Fabien : Dans son projet initial, le mot «
mondialisation » ne venait pas, il s'agissait de faire en sorte de
mettre du sable dans les rouages pour éviter qu' il y ait trop de
transactions de spéculation. C'est tout. Je ne me rappelle plus quel
était son but. Mais Attac je ne sais même plus ce qu'ils disent
là-dessus. Eux... Enfin nous puisque j'en fais partie... Ils
étaient favorables à la constitution d'un fonds qui permettrait
de financer le développement social. Ce n'est pas le but que Tobin avait
donné à son idée mais ça ne me choque pas. Je ne
pense pas qu'il y ait de contradiction. Qu'on prenne l'idée mais on
qu'on essaie de l'appliquer dans une optique différente !
Cécile : Dans la taxe je pense qu'on peut y voir
ce qu'on veut dedans. Les gens d'extrême gauche y voient un tremplin pour
une critique globale de la société, un grain de sable qui
pourrait amener une prise de conscience du capitalisme mondial et c'est pour
ça qu'il y a un certain nombre de gens de la gauche radicale qui se
retrouvent dans Attac. Il y aussi des gens qui vont y voir un moyen d'action
pour améliorer la condition de vie des populations, comme des gens du
parti socialiste. Il y a Tobin lui-même qui y voit le moyen pour huiler
le système financier. Je pense qu'on peut y voir ce qu'on veut.
2.2.2 L'élargissement des
revendications
2.2.2.1 De la taxe Tobin au
boycott de Danone
Taxer les transactions qui sont effectuées sur le
marché des changes peut sembler réducteur, mais il s'agit avant
tout, par le biais de cette idée, de retrouver un contrôle des
transactions sur lesquelles les Etats ont perdu tout droit de regard211(*). « Elle constitue
un embryon de contrôle sur la spéculation, même si le seul
marché des changes est concerné, car celui-ci est au carrefour de
toutes les opérations financières internationales, sur toutes les
sortes d'actifs, y compris les investissements à long terme à
l'étranger. Redonnant des marges d'autonomie aux politiques
économiques nationales [...] elle conforterait les mesures
intérieures de taxation des revenus financiers ainsi que la surveillance
publique des investissements extérieurs »212(*). La taxe Tobin
dépasse la seule taxation des marchés des changes et sert de
« préalable à une refonte du système financier
international »213(*). C'est donc l'ensemble des transactions
financières qui sont concernées par Attac214(*). D'ailleurs dans son
éditorial, Ramonet proposait un mouvement qui s'appellerait
« Action pour une Taxe Tobin d'Aide aux Citoyens » et les
deux T centraux renvoyaient encore à la Taxe Tobin au printemps 1998,
lors des premières réunions. C'est avant le dépôt
des statuts qu'il fut décider de changer le sigle de signification afin
d'élargir le champ d'action et de revendication de
l'association215(*). Il
s'agissait dès lors non plus seulement de la taxe Tobin mais de
l'ensemble des transactions financières216(*).
Ce premier élargissement permit tout d'abord de mettre
en avant le fait que la taxe Tobin n'est qu'une mesure parmi d'autres et
qu'Attac n'est pas uniquement destiné à défendre cette
taxe. Ensuite cela permit d'aborder tout un ensemble de thèmes qui tout
en étant assez différents sont intimement liés à
celui de la taxe. Ainsi dans la charte et la plate-forme
internationale217(*),
les signataires décidèrent de défendre cinq
revendications.
Les deux premières, « entraver la
spéculation » et « taxer les revenus du
capital », passent par la taxation des transactions
financières. La sanction des paradis fiscaux est très
liée, dans les réflexions que l'association publie, à la
taxe Tobin. En effet, le fait de taxer les transactions financières
risque d'entraîner une évasion de ces flux vers les endroits
où ils ne sont pas taxés, en particulier vers les paradis fiscaux
qui ne sont sujets à aucune imposition218(*). La lutte contre les fonds de pension qui alimentent
la spéculation est également l'un des objectifs car ceux-ci
représentent pour Attac, « les principaux acteurs et
bénéficiaires de cette déréglementation et de cette
libéralisation financière »219(*) et constituent « les
forces hégémoniques de la finance
mondialisée »220(*). L'annulation de la dette des pays pauvres
s'explique, eu égard aux objectifs du mouvement, par le fait que les
titres de la dette publique s'échangent sur les marchés
obligataires publiques et constituent ainsi un moyen supplémentaire de
spéculation. Ainsi, « s'attaquer aux fondements de la
puissance de la finance suppose le démantèlement de ces
mécanismes et donc l'annulation de la dette publique
[...] »221(*).
Les revendications défendues par Attac222(*) se sont peu à peu
élargies et elles ont dépassé considérablement le
cadre de la lutte contre les marchés financiers. A l'occasion des
négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui ont eu
lieu à Seattle en décembre 1999, Attac a appelé à
manifester lors des réunions des organismes internationaux de finance et
de commerce, notamment à travers le refus de l'Accord
Multilatéral sur les Investissements (AMI) et de l'Accord
Général sur le Commerce et Services (AGCS) proposés par
l'OMC. De plus, le Conseil scientifique d'Attac a publié un document
réclamant l'édiction d'un « droit sur le vivant en tant que
bien commun de l'humanité » qui implique la mise en place d'un
moratoire sur les organismes génétiquement modifiés, le
redéploiement des recherches vers une agriculture « durable,
autonome et paysanne »223(*). A l'occasion du naufrage en décembre 2000
d'un pétrolier affrété par la multinationale TotalFinaElf,
l'Erika, sur les côtes françaises, le bureau national a
publié une déclaration réclamant auprès du
gouvernement et du parlement français « la responsabilité
financière illimitée des compagnies pétrolières,
l'instauration de la « responsabilité pénale personnelle des
P-DG pour les crimes écologiques commis par leurs
sociétés » et enfin la suppression des pavillons de
complaisance224(*).
Attac a également pris position sur des questions d'éducation en
dénonçant la présence d'une banque (CIC) dans plusieurs
collèges et lycées de France afin de faire participer les
élèves à un concours fondé sur un jeu de
spéculation fictive. Dans une lettre aux comités locaux, le
bureau estime qu'il s'agit d'un « endoctrinement idéologique des
jeunes » et d'une tentative afin « d'infiltrer les consciences.
Cette utilisation du service public de l'Education Nationale remet
également en cause « le principe républicain de
laïcité » »225(*). Enfin, l'association a également pris
position sur des problèmes liés au travail et à
l'entreprise. Par exemple, à l'occasion des négociations entre
syndicats, la direction nationale s'est opposée au projet du PARE (Plan
d'aide au retour à l'emploi ).226(*) De plus, à l'occasion
de l'annonce d'un plan de licenciement par Danone, alors que le groupe
dégageait un bénéfice de 4,7 milliards de francs pour
l'année 2000, le siège de l'association a pris position contre
les licenciements de convenance boursière et a appelé au boycott
des produits Danone227(*).
Parallèlement à ces revendications qui ont une
ampleur nationale (par le fait qu'elles soient lancées sur l'initiative
du bureau) les comités locaux prennent position sur des thèmes
très divers228(*). Par exemple, le comité Attac- Strasbourg a
formé une commission intitulée « Publicité,
Image, Pouvoir- Les formes contemporaines de la servitude
volontaire » qui, à travers l'analyse du discours
publicitaire, vise à mettre en évidence que la publicité
« opère un certain nombre de mécanismes qui sont des
procédés manipulateurs [et qu'elle] produit et promeut un certain
nombre de valeurs »229(*), alors que le bureau national n'a jamais pris
position sur le sujet de la publicité. Le groupe local Attac
Isère a également pris position sur certains thèmes
à titre « personnel », c'est à dire en tant que
comité local. Par exemple, un groupe de réflexion sur les femmes
s'est crée récemment230(*), et cette « réflexion » s'est
accompagnée d'une participation d'Attac Isère à la marche
des femmes qui a eu lieu sur Grenoble le 8 mai 2001. Lors du contre sommet de
Nice, à l'occasion du sommet européen des 6,7 et 8
décembre 2000, le bureau national n'a pas appelé à
manifester lors de l'encerclement du Palais des congrès, mais certains
comités locaux dont Attac Isère y ont participé. Ils
réclamaient le maintien de l'article 133 du Traité d'Amsterdam,
une démocratisation du processus de décision qui accroît la
responsabilité de la Commission. Ils marquaient également leur
opposition à l'Accord Général sur le Commerce des Services
(AGCS) et au Millénium Round menés par l'OMC avec le soutien de
la Commission européenne. Enfin, ils demandaient aux ministres
réunis à Nice d'exprimer une position qui soit favorable à
l'annulation de la dette des Pays du Sud du Monde et de l'Est européen,
à l'introduction d'une taxe Tobin et à l'élimination des
« paradis fiscaux ».
2.2.2.2 les logiques de ces
élargissements
La première proposition d'Attac était la taxe
Tobin mais son champ de revendications s'est depuis considérablement
élargi. Il est possible de distinguer quatre logiques qui ont
participé à cet élargissement. Tout d'abord en raison
d'une réflexion sur les conséquences de la « mondialisation
libérale » qui a amené l'association à prendre
position sur le problème de la dette, des fonds de pension, des paradis
fiscaux, des négociations économiques et commerciales
internationales. Ces revendications découlent du principe dont est parti
le mouvement, à savoir le refus de la spéculation et des
dérives des marchés financiers. Lors des entretiens, beaucoup
d'enquêtés évoquent cet élargissement comme «
allant de soi » ou comme étant «
inévitable ». Ainsi que ce soit un adhérent qui n'a
jamais milité comme Fabien ou un militant très impliqué
comme Thomas, tous les deux considèrent comme «logique »
et comme allant de soi qu'Attac soutienne d'autres revendications que celles
qui étaient initialement défendues. Pour eux, la taxe Tobin n'est
pas suffisante, elle ne représente qu'une mesure parmi d'autres.
Dés lors un élargissement est nécessaire. La taxe Tobin ne
constituerait qu'une « porte d'entrée
pédagogique » vers les marchés financiers231(*).
Fabien : « Oui, je pense que ça aurait
été un peu réducteur de parler que de la taxe Tobin. Et
puis, je crois que c'est inévitable. Parce que la taxe Tobin a
été ressuscitée sous l'impulsion de la mondialisation, de
la déréglementation des mouvements de capitaux. Etant
donné que ce sont des événements qui ont vu d'autres types
de conséquences, on peut faire difficilement abstraction du reste. Moi
ça ne me gêne pas qu'Attac soutienne d'autres
revendications. »
Thomas : « Et on peut commencer par la taxe Tobin.
Mais il n'y a pas que ça ! On avait commencé par la taxe Tobin et
très rapidement les membres fondateurs d'Attac ont dit « Ce
n'est pas possible ». En s'arrêtant à la taxe Tobin
ça ne va plus, parce que les paradis fiscaux et le blanchiment de
l'argent de la mafia et de la corruption participent aussi aux flux financiers
et la dette ! Tout l'argent qui revient du service de la dette des pays du
tiers-monde est réinvesti en achat de devises et participe aussi
à la spéculation financière. On a ouvert par rapport
à ça [...] Dès que tu commences à mettre le doigt
dans l'engrenage là-dedans, eh bien tu t'aperçois que tout
découle de ça... Tout découle ! »
François : Et c'est plus large quand même
que l'idée de départ qui était la taxe Tobin, c'est parti
essentiellement là-dessus et aujourd'hui c'est beaucoup plus large et
c'est très bien comme ça. Parce que les gens aussi ils ont
compris, et je parlais de dynamique tout à l'heure, qu'il y a un lien
entre ces choses-là, il n'y a pas de paradis fiscaux comme ça au
hasard, il n'y a pas d'absence de taxation financière au hasard.
Cécile : Au départ c'était la taxe
Tobin et forcément quand tu fais quelque chose sur la taxe Tobin, tu es
amené à réfléchir sur la dette et si tu
réfléchis sur la dette tu es amené à
réfléchir à autre chose car tout est lié. Attac
même s'il ne le dit pas il s'attaque au capitalisme financier et à
ces dérives plus sauvages. Du coup c'est super général par
rapport à ça.
Cet élargissement est également dû au
positionnement des dirigeants de l'association sur les thèmes
d'actualité. C'est ainsi que de nombreuses revendications ont
été formulées à l'occasion
d'événements qui ont défrayé la chronique. C'est
par exemple à l'occasion du naufrage de l'Erika ou à l'occasion
du plan de licenciement de Danone que le bureau a été
amené à prendre position sur des sujets vis-à-vis desquels
Attac restait jusque là en retrait. Plusieurs enquêtés
considèrent que cet élargissement est légitime. Ils y
voient un enrichissement du mouvement (Julie, Cécile, Laurent). En
revanche Isabelle juge assez négativement ce mode
d'élargissement. Elle regrette que le mouvement «
s'accroche » à chaque événement de façon
précipitée et aimerait qu'Attac reste plus centré sur la
spéculation financière. Elle évoque par exemple l'action
du boycott de Danone que nous avons mentionné où la
réaction d'Attac était selon elle trop immédiate, pas
assez réfléchie se rapprochant davantage de l'action d'un
syndicat ou d'un parti politique que de celle d'une association.
Laurent : Déjà les revendications
augmentent en fonction de l'actualité, ils se positionnent en fonction
des problèmes. Et comme ils sont contre la logique libérale
absolue quand il y a un fait actualité qui est provoqué par cette
logique, alors il ne s'agit pas de le casser mais de le dépasser et de
l'intégrer. Pour l'Erika c'est un exemple typique où il faudrait
des règles internationales, parce que c'est quand même un
problème énorme. Ça me semble cohérent qu'Attac se
positionne par rapport à ça.
Isabelle : Là par exemple, le boycott Danone, j'ai
l'impression que c'était un peu une réaction à chaud !
Danone a licencié, on est un peu à la bourre mais il faut qu'on
boycotte ! C'était un peu la réaction d'un syndicat ou d'un
parti. C'est une réaction trop spontanée. On n'a pas
débattu réellement des idées [...] Je pense qu'Attac s'est
trop précipité là-dessus, un mouvement c'est fait pour
avoir des réflexions de fond [...] La dérive est risquée,
du moment qu'on touche un peu à tous les domaines, c'est un risque de se
disperser. Des fois c'est bien de se recentrer et de se poser la question
« Qu'elles sont nos priorités?».
L'ouverture du mouvement à de nouvelles revendications
s'explique également par le fonctionnement en réseau de
l'association. Le fait que différentes associations et syndicats soient
membres d'Attac a permis de prendre en compte d'autres thèmes que ceux
qui s'étaient développés initialement. Ainsi, chaque
membre fondateur a essayé de faire valoir son problème
spécifique. Par exemple, la Confédération paysanne a
incité l'association à se positionner vis-à-vis des OGM.
De même, Attac a été amené, comme nous l'avons vu,
à intervenir dans le domaine de l'éducation alors qu'il s'agit
apparemment d'un thème sans rapport direct avec l'association. Ceci
s'explique, selon François, par la présence de nombreux syndicats
enseignants parmi les membres fondateurs qui « poussent »
les dirigeants à s'engager.
François : Par exemple sur l'éducation... C'est
une volonté de marchandisation et de transformer l'éducation en
marchandise, c'est ce qu'ils appellent une trousse universelle. Attac pourrait
dire, on s'en fout c'est l'éducation, sauf que dans les membres
fondateurs d'Attac il y a la FSU donc forcément, tout de suite... La
connexion est faite tout de suite parce que les gens qui y sont, ils poussent
et ils disent c'est pas possible [...] Je ne pense pas qu'ils défendent
simplement le côté des profs, mêmes au contraire, c'est
l'impact que ça aura sur la société et sur les enfants et
les générations futures, comme on dit [...] Là-dessus je
pense qu'Attac à raison... aurait raison de proposer. Et s'ils le font
c'est parce que la FSU pousse derrière. C'est un syndicat d'enseignants
et ils sont confrontés directement à ce truc-là et donc
ils savent de quoi il s'agit et ils peuvent nourrir la réflexion au sein
du collectif et du comité Attac et puis voilà.
Enfin, on peut évoquer un quatrième type
d'élargissement qui se développe de façon suffisamment
significative dans l'association pour qu'on puisse l'indiquer. Il s'agit de la
prise en considération des revendications portées par les
comités locaux que nous avons mentionnée. Par exemple, si le
bureau national a pris position sur une question d'éducation c'est parce
qu'un comité local s'était engagé sur la question et il
fut décidé de lancer cette action au niveau national. De
même pour la question des femmes que nous avons évoquée
dans Attac 38, le comité Attac Paris 14ème s'est doté d'un
groupe « Femmes et mondialisation »232(*). Peu après l'université
d'été de la Ciotat, l'idée a été
lancée par plusieurs comités locaux (dont Attac 14éme)
d'effectuer « une analyse sexuée de la mondialisation
libérale et d'instaurer une démocratie paritaire dans le
fonctionnement même d'Attac »233(*) (Conseil d'administration, Conseil scientifique). A
cet effet une lettre type a été proposée aux
adhérents afin de faire pression sur le bureau national et
d'établir un réseau national. Ce regroupement de comités a
également élaboré une plate-forme de revendications en se
rendant visible dans Attac. Récemment, un document a été
envoyé au conseil scientifique afin qu'il prenne en compte le
«genre » dans leurs analyses234(*). Il y a donc, dans la définition des
revendications, une dialectique du national et du local, l'un enrichissant
l'autre.
L'élargissement qu'Attac a connu dans ses
revendications est considérable et pourtant il est
considéré par les adhérents comme légitime. Cela
soulève un certain nombre de questions : quelles limites posent-ils
à l'association ? Comment à travers cette diversité
de revendications perçoivent-ils l'unité d'Attac ?
2.2.3 Limites et unité
2.2.3.1 Des revendications
illégitimes ?
Afin de connaître les revendications
considérées par les enquêtés comme les moins
légitimes ainsi que les limites du discours qu'Attac peut tenir, selon
eux, sur la société, nous avons demandé aux personnes
interrogées de se positionner vis-à-vis d'un certain nombre de
sujets. Tout d'abord, le boycott de Danone, qui fut très
polémiqué semblait convenir à un tel test235(*). La majorité des
enquêtés (sept) est favorable au boycott. Il s'agit pour eux d'un
lien direct avec les fondamentaux d'Attac. Par exemple, Fabien qui situe son
engagement comme un refus du « rouleau compresseur de
l'économie » perçoit le boycott comme légitime
car les licenciements de Danone sont une nouvelle manifestation de la
rentabilité financière contre laquelle lutte, selon lui, Attac.
En revanche Luc qui possède un fort passé syndical et qui inscrit
son engagement dans le cadre de la lutte des classes, ne perçoit pas le
boycott uniquement comme un conflit du travail qui relèverait des
syndicats, mais aussi comme un conflit qui opposerait les
« capitalistes » à ceux qui en sont exclus. Il se
déclare également favorable à une prise de position
d'Attac vis-à-vis du PARE (Plan d'aide au retour à l'emploi).
Deux interviewés se déclarent indécis sur
la question du boycott. Tout d'abord, ils doutent de l'efficacité de
cette action; il s'agit pour Laurent d'une action qui peut avoir des
retombées positives mais qui n'est pas assez massive pour que cela
remette en cause la politique du groupe Danone, tandis que Isabelle craint le
« résultat inverse » c'est-à-dire que Danone en
tire des retombées commerciales et économiques à l'aide
d'une «super campagne de pub ». D'où son
interrogation : « Faut-il parler de Danone, faut-il ne pas en
parler ? ». De plus, ils remettent en question le bien fondé
et la légitimité de cette prise de position. Laurent estime que
le plan de licenciement ne prête pas à condamnation puisque Danone
agit, selon lui, selon sa « nature d'entreprise » en embauchant
et en licenciant. Il n'y voit pas une dérive de la «
rentabilité financière » comme le faisait
Fabien.236(*) Isabelle
critique cette revendication, d'une part car il s'agit pour elle d'une
réaction trop spontanée et qui n'a pas été
suffisamment réfléchie, et d'autre part car il s'agit d'une
action qui relèverait davantage des syndicats. Elle évoque en
outre la situation du campus universitaire, où le groupe Attac a
appelé les Restaurants Universitaires (RU) à boycotter les
produits Danone. Ils ont d'ailleurs organisé à l'occasion une
distribution de tracts devants les RU à laquelle Isabelle n'a pas
participé.
Fabien : Oui, là ça me paraît encore un
peu dans l'optique. Il est vraisemblable que si Danone a licencié, c'est
pour des questions de rentabilité financière, pour donner
satisfaction aux actionnaires, aux fonds de pension et à tous ceux qui
détiennent des actions de la firme. On est quand même dans la
mouvance de la mondialisation. Je pense qu'Attac a son mot à dire.
Luc : Attac n'a pas pris position par rapport à
cela et moi j'étais pour qu'on prenne position non par rapport au PARE,
et c'est ce qui a été fait précédemment pour les
licenciements après coup, mais par rapport à cette analyse des
pouvoirs qui pèsent sur le salarié [...] Tout ça fait
partie de la même lutte [...] J'en ai discuté avec Antoine, et on
en a conclut qu'il y en qui sont contre l'intervention par rapport au PARE et
même contre l'intervention et la position d'Attac par rapport à
Danone, en disant qu'on est en train de faire de l'ombre aux syndicats et qu'il
faut laisser les syndicats se battre au sein de l'entreprise. Alors que moi, je
dis que si on dépasse la notion de corporatisme on se situe dans la
lutte des classes, parce que moi depuis longtemps je parle de lutte des
classes, je pense qu'Attac doit se situer dans le cadre de cette lutte de
classes.
Laurent : Le boycott de Danone pour moi ça ne
m'a pas effleuré l'esprit. Je n'ai pas de certitudes là-dessus,
je n'en sais rien. J'imagine qu'il y a des groupes qui ont besoin de s'adapter
et de réorganiser leur structure et ça passe par la suppression
de postes. Il faut tenir compte de la réalité aussi. Boycotter
Danone ça revient à les punir parce qu'ils ont licencié
des gens mais on ne peut pas demander autre chose à une entreprise
qu'elle soit une entreprise et qu'elle se comporte comme telle. Faire en sorte
que ce soit acceptable mais elle licencie et elle a le droit, elle a le droit
d'embaucher aussi. C'est dans sa nature même d'entreprise. On ne peut pas
reprocher à une entreprise de se réorganiser. Comme ce sont des
entreprises de consommation directe, le poids de leur image en termes de
marketing est très important et ça va les obliger à
intégrer en termes de gestion des ressources humaines le poids de cette
réalité qui les touche beaucoup. Ça peut être utile
pour que ça fasse du bruit. Mais à mon avis ça ne sert
à rien car il faudrait que ce soit massif pour qu'ils le ressentent en
termes de vente. C'est plus un symbole.
Isabelle : C'est vrai que moi, comme je te le disais au
début, je me pose pas mal de questions par rapport au boycott et aussi
par rapport au boycott du restaurant universitaire. Je ne pense pas que ce soit
véritablement le rôle d'Attac [...] C'était un peu la
réaction d'un syndicat ou d'un parti. C'est une réaction trop
spontanée. On n'a pas débattu réellement des idées.
On ne s'est pas posé la question s'il y avait une autre solution
à plus long terme, une autre action à faire, à plus long
terme, qui serait plus intéressante. Elle pourrait concerner l'ensemble
des multinationales et on ne serait pas bloqué sur un exemple qui est
déjà très médiatisé. On pourrait y
réfléchir [...] Alors maintenant, à voir la façon
dont ils se sont lancés dessus, il faut boycotter les produits Danone au
restaurant universitaires... Je sais bien que ça relève du
symbolique mais je me demande si symboliquement, il ne faudrait pas mieux faire
autre chose. Parce que ce boycott sur Danone, c'est un peu comme la prime
à la casserole des hommes politiques [...] C'est pour ça que je
n'ai pas été distribuer le tract mais ça ne m'a pas trop
dérangé car je n'étais pas très motivée.
La constitution d'un groupe de réflexion sur le
thème des femmes représente un sujet polémique au sein du
comité isérois. Il s'est avéré que les
enquêtés étaient très partagés sur la
position à adopter. Certains estiment que cette intervention et cette
réflexion sont tout à fait légitimes au sein de
l'association (François, Cécile, Thomas), d'autres estiment que
cela est cohérent mais qu'Attac doit rester prudent sur cette question
car certaines associations existent déjà et il y a selon eux un
risque de chevauchement (Luc, Julie), et enfin, quelques-uns ne voient pas de
lien avec les fondamentaux d'Attac, c'est-à-dire la lutte contre la
spéculation et les marchés financiers (Fabien, Laurent,
Isabelle)237(*). Pour
Julie, qui au cours de l'entretien se déclare très
concernée par la situation des femmes, le fait de créer un groupe
de réflexion lui paraît légitime car cela correspond
à certains thèmes d'Attac. Elle explique par exemple en quoi les
femmes sont particulièrement concernées par les retombées
du problème de la dette des pays pauvres. En revanche, selon elle,
l'association ne peut avoir sur un thème comme celui-ci qu'un rôle
de soutien. Fabien, qui est très peu impliqué dans l'association,
considère que ce thème n'est pas lié à la
mondialisation. Il estime que d'autres associations sont présentes pour
prendre en charge cette question.
Il en va de même, selon Fabien, pour le racisme, qui,
par ailleurs, a été souvent évoqué
spontanément par les enquêtés au cours des entretiens.
Certains enquêtés considèrent que ce thème n'est pas
lié aux revendications d'Attac et que l'association n'a pas à
prendre position dessus (Laurent, Fabien), d'autres, au contraire, estiment que
le racisme est lié de façon directe ou indirecte à la
mondialisation (Luc, François, Tomas). Parmi ceux ci, deux
(François, Thomas) sont d'anciens militants de Ras l'Front238(*), et ils perçoivent
une continuité dans leur engagement. Ils sont, par ailleurs, des
militants ou d'anciens militants de la LCR et ont une vision très
globale des problèmes. Par exemple, Cécile estime qu'il est
possible d'établir, indirectement, un lien entre la taxe Tobin et le
problème du racisme. C'est pourquoi, l'engagement au sein d'Attac
permet, selon elle, de « susciter une réflexion plus
large » et permet d'aboutir à une « prise de
conscience » que ces différentes revendications sont
liées.
Julie : « Mais il y a des domaines dans lesquels
Attac ne se mobilise pas, non pas que le problème soit pas
intéressant. Le problème de la dette du tiers-monde par rapport
auquel Attac est très important... Ce problème on peut le prendre
sous l'aspect des femmes car effectivement ce dont on s'aperçoit, en
travaillant sur la dette, c'est que ce sont les femmes et les enfants qui sont
les premiers atteints par la suppression de l'éducation, de la
santé, la diminution du service public [...] On peut aborder les
problèmes sous cet angle et donc Attac ne peut être que partie
prenante d'une certaine manière, mais il y a aussi d'autres associations
qui y travaillent. Donc, on peut soutenir mais on n'est pas moteur. Par rapport
à la marche des femmes, Attac a soutenu et a participé à
l'appel mais Attac elle n'a pas été moteur de ce problème.
Il y a des choix qui sont faits et puis il y a aussi un certain nombre
d'associations qui existent aussi et soutenir oui mais remplacer non !
F.E : Mais par exemple dans le groupe Isère, un
comité sur les femmes s'est créé. Est-ce que ça
vous ensemble décalé ?
Fabien : Oui, je ne le savais pas. Je pense qu'il y a
d'autres instances pour s'occuper de ces questions là, ça ne me
paraît pas aller... Ça ne me paraît pas judicieux [...] Le
champ d'action que je vois pour Attac, c'est tout ce qui est lié de
manière étroite et significative à la mondialisation de
l'économie. [...] Je pense qu'Attac peut avoir son mot à dire
également sur les conditions de travail. Alors par contre les femmes, le
racisme ou la sexualité, à mon avis ce n'est pas de leur
domaine.
F.E : Tout à l'heure tu me disais que ton
antifascisme avait un rapport avec ton engagement...
Cécile : En fait, c'est le fait de
considérer qu'un engagement sur quelque chose de très particulier
comme l'antifascisme ou l'anti-sexisme peut mener à un engagement plus
global. Ça a un rapport avec ce que je pense sur l'engagement à
Attac aujourd'hui parce que l'engagement sur la taxe mène à un
engagement global [...] Entre la taxe Tobin et le racisme il y a un pas mais le
lien on peut le faire mais ça serait un lien rapidement fait. Le racisme
se développe parce que les gens ont besoin de se trouver un ennemi parce
qu'ils sont dans une situation assez critique et leur situation c'est une
situation de chômage et d'incertitude et celle-ci est
générée par quelque chose dont fait partie la
mondialisation libérale et ce que ça peut créer au niveau
social. C'est très simplificateur [...] Je pense que c'est aussi par
rapport à la prise de conscience des choses et d'une manière
générale tu vas mettre ça en pratique et c'est poser des
questions aux gens en essayant de susciter une réflexion plus large que
simplement la taxe et pas d'arriver avec un discours tout fait en leur disant
que c'est comme ça, il s'agit de susciter une réflexion chez les
gens en essayant de faire avancer les choses.
François : Attac ne fait pas de l'antifascisme, en
tous cas pas directement. Et Ras l'Front fait pas de la lutte contre la
mondialisation. Pourtant il y a des choses qui se regroupent. Ras l'Front va se
battre pour les sans-papiers et Attac aussi il se trouve qu'il y a quelque
part, quand même un lien.
Luc : Mais, d'un autre côté, il y a d'autres
associations qui prennent en charge les autres choses. Par exemple quand il y a
des manifestations contre le racisme, on organise pas la manifestation, mais on
soutiendra et on participera, mais ça s'arrêtera là. On
soutiendra tous ceux qui subissent les conséquences de la
mondialisation. Ce qui se passe dans les quartiers en difficulté, c'est
le résultat de la mondialisation. Ce n'est pas du tout
déconnecté de notre lutte.
La plupart des interviewés reconnaissent que ces
revendications (le boycott de Danone, la défense du droit des femmes, la
condamnation du racisme) sont légitimes et ils sont prêts à
les défendre au sein d'Attac. En revanche, ils émettent des
réserves sur l'impact négatif que cela peut avoir sur le
mouvement. Laurent, qui est un adhérent assez récent (11/2000) et
qui a un engagement croissant dans l'association présente un accord
assez large avec les revendications portées mais il est inquiet pour les
conséquences possibles pour l'association. Il craint qu'un
élargissement trop important des revendications introduise des lignes de
clivage entre les adhérents et divise l'association. La question pour
lui est de savoir si le fait de prendre position sur beaucoup de thèmes
fait du tort à Attac ou s'il est au contraire préférable
d'adopter une position globale qui se décline dans de nombreux domaines.
Une militante plus ancienne (Julie) évoque le fait que le comité
isérois soit beaucoup interpellé par d'autres associations pour
soutenir des actions ou des manifestations. Il y a un risque selon elle
d'éparpillement, et il est important de limiter le champ d'intervention
de l'association.
Enfin, Fabien s'étonne que le thème de
l'agriculture biologique ait été abordé par le groupe
isérois, et il en déduit qu'il existe un risque de « trop
élargir » et de s'en retrouver affaibli. Il conclut en
annonçant que, si le mouvement continuait à s'élargir, il
serait nécessaire d'en modifier le nom. Cela traduit bien que
l'association, malgré ses élargissements possibles, reste
rattachée à son point de départ (les transactions
financières) et que certaines conséquences de la mondialisation
ne pourraient pas être abordées en son sein. Ce que laissent
entendre ces trois exemples c'est qu'Attac aurait une unité qu'il s'agit
de conserver intacte. C'est elle qui définirait par la négative
les limites à ne pas franchir. Il s'agit de voir comment les
adhérents se représentent l'identité d'Attac.
Laurent : La taxe Tobin c'est la réforme qui est
portée en étendard dans le mouvement et c'est la base qui lui a
donné naissance. Après, tout le reste ça vient comme quand
on tire la maille d'un pull, tout le reste vient [...] Oui c'est
très large et ça c'est embêtant. Moi ça m'ennuie un
peu parce que justement, c'est des mouvements qui sont un peu de la même
génération, qui se ressemblent entre eux. [...] Je ne sais pas si
le but du jeu c'est d'avoir un discours global et d'avoir quelque chose
à dire surtout ou s'il faut rester vraiment spécifique sur
certains thèmes. Peut-être qu'on s'égare [...] Mais
ça va poser problème parce que plus tu parles de sujets et moins
les gens sont d'accord sur tous les sujets et c'est logique. S'il y a une seule
revendication qui est affichée, tous les gens qui adhèrent sont
d'accord avec cette revendication, mais si ça se globalise alors il y a
nécessairement des moments où comme dans un parti politique, il y
a certaines personnes qui contestent.
F.E : Vous pensez qu'il y a des limites aux sujets qui
puissent être débattus dans Attac ?
Julie: Je pense qu'il faut qu'Attac reste dans... On fait
appel à Attac pour énormément de choses, parce qu'il y a
beaucoup d'adhérents et que ça bouge... À la limite on lui
demande de participer à énormément de choses et il y a
effectivement le risque aussi qu'en se mobilisant pour énormément
de choses, qu'on en perde aussi une forme d'essence, d'identité. Je
pense qu'il faut qu'Attac se limite, il ne peut pas participer à tout,
il ne peut pas se mobiliser sur tout et ne peut pas intervenir sur tout. Pour
l'instant ce n'est pas encore trop le cas. Il y a sûrement des tas de
thèmes sur lesquels Attac ne pourrait pas intervenir.
Fabien : Moi ça ne me gêne pas qu'Attac soutienne
d'autres revendications. Ils ont peut-être été un petit peu
loin. Dans l'Isère, j'ai appris qu'ils se sont mis à parler
d'agriculture biologique... Bon... Il ne faut pas trop se diluer non plus.
Parce que quand on se dilue trop, on perd un peu de sa force. Qu'on
élargisse un petit peu la plate-forme, ça me paraît
à la fois souhaitable et inévitable, mais il ne faut pas trop
élargir car sinon, après Attac risque de parler de tout et de
rien. Ou alors il faudrait carrément qu'ils modifient l'appellation et
que ce soit « Association contre les excès de la
mondialisation » ou quelque chose comme ça.
2.2.3.2 Les limites aux
revendications
2.2.3.2.1 L'unité
d'Attac : la lutte contre les marchés financiers
Le principal vecteur d'unité de l'association auquel se
référent de nombreux enquêtés, c'est avant tout la
charte de l'association. Celle ci est perçue comme un cadre commun qui
empêche les dérives possibles. Elle permet à chaque
adhérent et à chaque comité de disposer d'un même
point de départ et de défendre des revendications communes.
Certains estiment d'ailleurs, tel Luc, que toutes les revendications actuelles
sont déjà présentes dans la charte non pas dans le sens
où elles y seraient inscrites telles quelles mais dans le sens où
ce qu'elles « représentent » (la « dictature des
marchés ») y figure. En effet, la charte fondatrice
énumère un ensemble de revendications précises, mais elle
évoque également des intentions plus larges. Ainsi, lors de la
constitution d'Attac, les signataires de la charte se sont engagés
à agir « en vue d'entraver la spéculation, de taxer les
revenus du capital, sanctionner les paradis fiscaux, empêcher la
généralisation des fonds de pension [...] et d'une manière
plus générale, de reconquérir les espaces perdus de la
démocratie [...] Il s'agit tout simplement de se réapproprier
ensemble l'avenir de notre monde »239(*). De même, l'éditorial de Ramonet
constitue tout autant une proposition à mettre en place la taxe Tobin
qu'un appel à « désarmer les marchés ».
La taxe Tobin n'a été qu'une proposition
concrète qui a servi de fondement au lancement de l'association. Une des
enquêtées (Julie) remarque que le point de départ dont est
née l'association est double. Il s'agit, d'une part, d'une revendication
très précise qui incarne la volonté de mettre à mal
les marchés financiers et, d'autre part, d'un « projet
démocratique » qui passe également par la remise en
cause des marchés mais dans une optique beaucoup plus large. La plupart
ont d'ailleurs été davantage motivés dans leur
adhésion par cette seconde revendication que par la taxe Tobin
elle-même. Fabien exprime de façon très nette que s'il a
adhéré (lors du lancement) ce n'est pas tant pour la taxe que ce
qu'elle représentait. Attac est né d'une double
revendication : d'un « projet démocratique » et
d'une proposition concrète. Le développement du mouvement l'a
conduit à s'éloigner de plus en plus de la taxe pour pouvoir
élargir son discours. Le point commun qui existe entre les deux
revendications et qui fonde l'unité du mouvement c'est la lutte contre
les marchés financiers. La taxe Tobin, tout comme le projet de «
ré-appropriation », sont proposés à l'encontre
des marchés financiers
Thomas : Moi je pense que c'est bien, parce que
déjà au niveau de l'information et au niveau de la charte et de
la base de l'adhésion on a tous la même base. C'est une base qui
est donnée par le national et sur laquelle, à la limite on
pourrait agir en disant que ça ne convient pas [...] Tout le monde a les
mêmes informations et si les gens adhèrent, ils adhèrent
à ça. Parce qu'après ça peut amener des
dérives au sein de petits comités locaux qui [pourraient
dériver]... Pour des tas de raison...
Julie : Attac est une association nationale et
internationale il y a donc une certaine cohérence a avoir, il est
nécessaire qu'il y ait des instances de décision communes.
Déjà il y a la charte qui assure une base commune, sachant que
dans certaines villes il y a trois comités locaux.
Luc : Attac c'est un peu la même chose [qu'un
syndicat] sauf qu'on défend quelque chose qui n'a jamais
été remis en cause par personne et ça me semble important,
c'est la charte initiale d'Attac. Pour moi la charte initiale d'Attac n'a
jamais été remise en cause à ma connaissance par personne.
Ça me semble primordial.
F.E : Il y a eu un élargissement des revendications
d'Attac...
Luc : Pas tellement en fait. Si on regarde la charte, tous les
domaines dans lesquels on se bat sont dedans. Alors l'Erika, par exemple, en
tant que tel ne se trouve pas dedans, mais ce que ça représente y
est contenu. C'est quand même une multinationale qui pollue et c'est le
peuple qui en subi les conséquences. C'est pour ça que je me dis
que le mot d'ordre pour moi d'Attac c'est « Contre la dictature des
marchés », les marchés c'est le capital [...] Tout ça
fait partie de la même lutte.
Julie : Je ne sais pas quelle est l'ouverture d'Attac.
Cette association est passée par un biais particulier. Elle a
abordé le problème de la mondialisation sous l'aspect du monde de
la finance et l'autre aspect qui moi me paraît primordial c'est qu'elle a
fait appel à la réappropriation du monde par le citoyen et je
pense que c'est quelque chose d'important.
F.E : Mais vous, dans votre adhésion,
c'était surtout la taxe Tobin qui vous a motivé ?
Fabien : Non... Enfin à l'époque c'était
avant tout la taxe Tobin mais c'était plus ce qu'elle
représentait. La taxe Tobin, ça signifiait une certaine
méfiance vis-à-vis des mouvements internationaux de capitaux, des
fonds de spéculation, l'idée de ne pas trop donner de pouvoir aux
sphères financières. Par la suite, ce qui me paraît
crucial, c'est de développer des idées très critiques
vis-à-vis des fonds de pension que je considère comme
extrêmement dangereux. Tout ça constituait un ensemble
d'idées qui se situent dans la même mouvance.
2.2.3.2.2 Le risque de
confusion
La seconde limite aux prises de position de l'association
serait le risque de confusion avec les autres organisations qui soutiennent
Attac. Plusieurs enquêtées craignent qu'Attac n'empiète sur
le rôle d'autres associations, notamment dans le domaine des femmes, du
racisme ou de l'écologie240(*). Ce risque est, selon plusieurs interviewés
résolu du fait qu'ils participent sur Grenoble aux actions
lancées par d'autres associations, qu'ils y apportent leur soutien
(signature unitaire, présence de stands et participation aux
manifestations), même s'ils n'y jouent pas un rôle «
moteur ». Le second risque possible est le risque de confusion avec
les partis politiques. La distinction qu'opèrent certains
enquêtés, entre les partis politique et Attac, s'effectue en
raison du degré d'ouverture, plus ou moins grand, des revendications
soutenues par l'organisation. Un parti est contraint de tenir un discours
« global » et de porter des revendications sur tous les sujets. Pour
eux, si Attac venait à trop élargir son discours, il risquerait
d'être amalgamé à un parti. Isabelle évoque
l'identité d'Attac, qui n'est pas de « toucher à
tout ».
Le problème des revendications et de leurs limites
implique de penser l'identité du mouvement, c'est-à-dire la
représentation que les adhérents ont de l'association
malgré les évolutions qu'elle connaît. C'est tout d'abord,
selon eux, la lutte contre la spéculation et les marchés
financiers qui fondent, malgré la diversité des revendications,
l'unité d'Attac. Chaque revendication porterait le même objectif.
Ainsi, il serait possible de rendre compte de problèmes sexuels,
écologiques et culturels241(*) sous l'angle du néolibéralisme et de
la «financiarisation ». Mais plus essentiellement, c'est le
projet « démocratique » et l'appel à se «
réapproprier le monde » que formule Attac, qui a
interpellé certains adhérents et qui constituent, selon eux, son
identité. Enfin, l'identité de l'association n'est
représentée dans le discours des interviewés que par
rapport aux autres acteurs associatifs et politiques dont il s'agit de se
distinguer. Un élargissement excessif du champ de revendications,
altérerait l'identité du mouvement.
François : On se retrouve les uns les autres, sans
savoir dans les mêmes associations d'un côté ou de l'autre
de la Méditerranée. Il y a des choses comme ça et je pense
qu'Attac mène des combats de solidarité avec d'autres
associations [...] Sur la dette du tiers-monde par exemple, il y a des
campagnes qui sont faites avec d'autres associations bien sûres [...]
Chacun sa spécificité, sa notoriété, son
implantation et on se met en commun et on essaie d'avancer. Et puis, bien
sûr, il y a des choses auxquelles Attac ne touche pas, et c'est
très bien parce que bon... Il en faut pour d'autres et on ne peut pas
tout faire.
Laurent : Je ne sais pas si le but du jeu c'est d'avoir
un discours global et d'avoir quelque chose à dire sur tout ou s'il faut
rester vraiment spécifique sur certains thèmes. Peut-être
qu'on s'égare. Les partis politiques ont nécessairement besoin
d'avoir un discours cohérent et global donc un discours sur les droits
de la femme. C'est leur rôle. Pour moi dans un parti politique c'est
normal et inévitable qu'il y ait des groupes de réflexion sur
tous les domaines. Mais pour un mouvement d'action comme Attac ce n'est
certainement pas une nécessité. Le but d'un parti politique c'est
de gouverner et donc ça nécessite avoir une position sur chaque
problème, ça nécessite d'avoir une perspective globale.
Mais le but du jeu pour Attac ce n'est pas de gouverner donc ça n'est
pas nécessaire.
François : C'est ça aussi, qui est marrant,
les gens quand ils sont dans les associations et qu'ils n'ont aucun autre
engagement ne le voient pas et quand on a un engagement syndical ou quand tu
appartiens à d'autres, on voit qu'il y a un lien entre les deux parce
que c'est le propre du parti de toucher à toutes les luttes. En tous
cas, c'est ma conception du parti politique. C'est d'être présent
dans toutes les luttes, les appuyer, les soutenir. D'apporter ce qu'on peut,
afin de faire progresser ces luttes, et puis voilà... Et on arrive
à faire des liens [...] Et c'est cette organisation-là, le parti,
qui fait le lien entre toutes ces différentes luttes et qui a la
prétention, peut-être un peu forte, d'en faire un moment la
synthèse et de donner une vue politique directe. Il y a un sens à
donner à notre engagement sur des terrains complètement
différents [...] C'est pas plus que ça un parti politique, c'est
pas... C'est la synthèse des luttes en quelque part.
Isabelle : Je pense que le fait de toucher à tout,
il y a quand même risque. Tout simplement, parce qu'il en a d'autres qui
le font, il y en a qui sont spécialisés dans l'écologie,
il y en a qui sont spécialisés sur autre chose, il y a d'autres
gens qui sont là pour ça. Je pense qu'Attac, s'il veut continuer
à garder une certaine identité il ne faut pas qu'il touche
à tout. Pour un parti politique c'est normal, c'est un peu le propre de
la politique d'avoir un avis sur tous les domaines alors que ce n'est pas le
propre d'un mouvement. C'est là une des grandes différences,
alors après s'ils commencent à toucher à tout, ça
n'est plus un mouvement mais ça devient un parti..
L'engagement des militants d'Attac apparaît
indissociable de la forme associative du mouvement. Les enquêtés
semblent y être attachés pour deux motifs. Tout d'abord, ils
confèrent à l'association un ensemble de vertus
« démocratiques ». L'association serait
perçue pour la plupart comme un domaine de liberté. A l'inverse
des organisations fortement centralisées et hiérarchisées,
elle permettrait à chaque membre de s'exprimer. L'association rendrait
possible l'expression des différences. L'adhésion n'est
d'ailleurs pas perçue par les militants comme étant un processus
contraignant. L'adhésion, serait un accord parcellaire que
l'adhérent se réserve le droit de révoquer à chaque
instant. Dès lors, les mobilisations deviennent ponctuelles. Certains
enquêtés n'hésitent d'ailleurs pas à remettre en
cause leur engagement au sein d'Attac.
L'adhésion des militants s'est fondée sur une
revendication spécifique qui est très ciblée. Pourtant, et
c'est là le second atout de la forme associative, cet engagement
précis aboutit à un ensemble global de revendications. Ceux qui
avaient adhéré auparavant à Attac à partir de la
taxe Tobin, militent désormais contre la ratification du traité
européen de Nice, contre le Plan d'aide au retour à l'emploi
(PARE), contre la « marchandisation de la culture »...mais
ils militent également en faveur du revenu d'existence, du respect de la
nature ou encore de la parité hommes/ femmes. Ces élargissements
ont le plus souvent été perçus par les militants
isérois comme étant en continuité avec le point de
départ de l'association, c'est-à-dire, la lutte contre les
marchés financiers. L'engagement à Attac constitue t-il un
engagement associatif nouveau ?
Il reste ancré dans une tradition républicaine
(forme associative, mouvement d'éducation populaire) mais semble inscrit
vers la « modernité ». Il renouvellerait les formes
classiques de la participation en rendant possible de concilier les vertus
associatives avec un engagement global qui était
précédemment l'apanage (avant d'en devenir le défaut) des
organisations partisanes.
Toutefois, ce renouveau ne semble pas être doté
de la spontanéité qu'on lui attribuait
précédemment. Attac s'apparente tout autant à une
entreprise de mobilisation qu'à une association de citoyens. Le
lancement de l'association révèle un ensemble de
préparations et de stratégies (l'éditorial de Ramonet, le
gonflement des effectifs, la sur-médiatisation du mouvement) qui ont
rendu possible le rapide succès d'Attac. Ce qui auparavant
été perçu comme spontané devient le signe d'une
mise en scène dans laquelle le hasard ne semble pas avoir sa place.
L'organisation de l'association n'est alors peut-être pas aussi
« originale » que les dirigeants d'Attac le proclament.
Elle semble dotée d'une forte hiérarchie qui ne laisse que peu de
place au local. Les vertus qui lui étaient attribuées restent de
« belles paroles ». Le comité isérois semble
pris dans des contradictions similaires à celles des dirigeants. Il
s'avère que la structuration d'Attac se rapproche davantage d'une
organisation centralisée et hiérarchisée que d'une
association « souple ». Les précédentes
représentations que nous avions prises comme points de départ
étaient avant tous des constructions. Elles traduisent la manière
dont les dirigeants présentent Attac au sein de l'espace publique.
Il s'avère que le lancement d'Attac serait une
illusion. Son organisation, malgré la forme associative, serait proche
du fonctionnement des « appareils » traditionnels. En
revanche, qu'en est-il de la participation des militants ? En dépit
de son origine et de son organisation les militants d'Attac témoignent
d'un renouvellement des formes du militantisme. Il s'agirait d'un militantisme
s'inscrivant aussi bien dans la réflexion que dans l'action. Cela ne
témoigne t-il pas de l'émergence d'un nouveau mode de
participation ? De plus, Attac s'inscrit dans une triple
« terriorialité » de la protestation. A
l'articulation du local et du national, se surajoute la dimension
internationale dont est né Attac242(*). Cet élargissement de l'action collective ne
peut pas être sans conséquences sur les modes de protestation des
militants. Quelles en sont les répercussions ?
Partie 2 Participer autrement ?
1 Les
nouveaux conflits sociaux
Les conflits sociaux, qu'ils soient perçus
comme le signe d'une crise de l'intégration sociale ou comme le vecteur
du changement, désignent une réalité centrale de nos
sociétés243(*). Ils représentent, avant tout,
l'incapacité des mécanismes institutionnels à gérer
les demandes, sociales, politiques ou culturelles exprimées par la
société civile : il y a conflit quand une décision ne
peut être prise selon les décisions traditionnelles.
Attac en tant que groupement de
« citoyens » qui affirment « faire de la
politique autrement » participent de façon directe à
l'élaboration du conflit social. Ils témoignent d'un échec
des mécanismes institutionnels à prendre en compte les attentes
de la société civile. C'est pourquoi, il apparaît
nécessaire d'envisager la participation à d'Attac en rapport avec
la problématique des conflits sociaux. Cela permettra d'intégrer
ce militantisme au sein d'ensembles plus larges (groupes anti-mondialistes) et
en rendra la compréhension plus aisée.
La participation des Attacants aux conflits sociaux doit
être analysée sous deux angles distincts. Tout d'abord, il
apparaît nécessaire de mettre en relation le développement
de l'association avec les nouvelles dynamiques protestataires qui sont apparues
depuis le début des années quatre-vingt-dix; après quoi il
sera possible de considérer les formes de mobilisations
émergentes et auxquelles participe Attac.
1.1 Le réveil de la protestation
collective
Le militantisme des Attacants participerait à un
mouvement de contestation plus ample que certains assimilent à un
« réveil de la protestation collective ». Celui-ci
succéderait à une longue phase d'apathie politique et sociale qui
aurait pris fin lors des conflits de décembre 1995. Mais quand est il
réellement ? Quel rapport est il possible d'identifier entre la
militance des Attacants et les « nouveaux conflits
sociaux » ? Quelle fut la participation effective des militants
à ces évènements ?
1.1.1 La nouvelle dynamique des
mouvements sociaux
1.1.1.1 Déclin et
renouveau des conflits sociaux
Depuis les années 1980, les conflits sociaux sont
marqués par deux évolutions majeures244(*). Tout d'abord, on assiste
à une régression des conflits sociaux. Cette baisse est visible
notamment à partir de l'indicateur du nombre de jours de grèves
« perdus »245(*). D'autre part, les conflits sociaux ont perdu leur
forme de confrontation généralisée, qui se traduisaient
par des actions nationales, et ils se sont recentrés au niveau local.
Par exemple, les conflits du travail qui occupent une place centrale dans le
conflit social246(*), se
sont de plus en plus conduits et traités au niveau de l'entreprise
depuis le début des années 1980.
Cette double évolution est liée, en partie,
à la crise qui affecte le syndicalisme depuis 1986 notamment dans le
secteur privé. Un des signes les plus visibles de cette crise est la
chute du taux de syndicalisation à la fin des années 1980 :
depuis 1988, moins de 10% des salariés sont syndiqués247(*). Une des explications
souvent avancée considère cette évolution comme une remise
en cause des formes du syndicalisme d'après guerre. Les syndicats
avaient réussi sous la Ve République à s'imposer comme les
partenaires de la croissance en facilitant un relatif partage des gains de
productivité et l'acceptation d'un certain type de division technique du
travail. Il s'agissait, selon Christophe Aguiton, d'un « syndicalisme
d'entreprise, un syndicalisme intermédiaire quasi unique dans les
grandes entreprises, entre salariés et patrons, un syndicalisme jouant
un rôle important dans les mécanismes de régulation des
sociétés du monde capitaliste développé
après guerre »248(*). Ce système fut confronté, selon
René Mouriaux, à la remise en cause du « compromis
fordiste » suite aux modifications des conditions de production
(internationalisation, mise en place de nouvelles technologies) et aux
nouvelles relations au sein du marché du travail (retrait de l'Etat,
rejet des ouvriers peu qualifiés).249(*) Cet affaiblissement est plus visible aux marges du
syndicalisme puisqu'il s'agit de ceux qui se situent à la
périphérie des bastions traditionnels : les petites
entreprises, les immigrés, les jeunes, les femmes, les précaires
et les chômeurs250(*). Un renouveau des formes du conflit d'entreprise a
lieu à la fin des années 1980 en dehors des syndicats. Les
coordinations par secteurs professionnels, où syndiqués et non
syndiqués décident ensemble de mener des grèves, se
multiplient251(*).
Alors que les syndicats étaient en crise et que les
travailleurs étaient à la recherche de nouvelles formes de lutte,
le renouveau des conflits sociaux a eu lieu par là où on ne
l'attendait pas : le secteur associatif. Les associations qui avaient eu
le vent en poupe durant les années 1980 comme par exemple SOS-Racisme
ont connu une perte de vitesse et de nouveaux mouvements associatifs
centrés sur la défense des
« précaires » et des plus démunis ont
émergé au début des années 1990252(*). Le DAL (Droit au Logement)
inaugure ce renouveau associatif durant l'hiver 1994253(*). D'autres associations
suivront telles que AC ! (Agir ensemble contre le chômage)
fondée en octobre 1993 ou Droits Devant ! ! lancée en
janvier 1995.
Le conflit social s'accentue en 1995 lors des mois de novembre
et décembre durant lesquels une vague de grèves, essentiellement
dans la fonction publique, touche la France. Ce mouvement de grèves qui
est souvent présenté comme étant unifié regroupe
plusieurs revendications distinctes qui se sont superposées. Il y a
tout d'abord eu une grève des cheminots qui refusaient le contrat de
plan Etat-SNCF prévu pour les cinq années à
venir254(*). A cette
revendication s'est grevé le refus du plan présenté par
Alain Juppé, premier ministre à l'époque, qui proposer de
restructurer les caisses de sécurité sociale. Il comportait deux
volets : un premier qui prévoyait un allongement des retraites et
un second qui visait à maîtriser les dépenses de
santé255(*). De
nouvelles revendications s'ajoutèrent durant les
événements : les enseignants manifestèrent en
demandant de nouveaux moyens à l'Education Nationale256(*), des actions eurent
également lieu en faveur du droit des femmes257(*). Alors que le mouvement
avait pour origine la fonction publique, il s'est progressivement élargi
aux salariés du secteur privé, puis aux
« exclus » comme les chômeurs ou les
sans-papiers258(*). Des
occupations d'usine et des manifestation nationales de grandes ampleur eurent
lieu259(*). Le soutient
de la population au mouvement de grève fut très important aussi
bien dans le secteur privé que pour les
« sans »260(*). Certains afin d'expliquer ce soutien aux
manifestants parlèrent même à l'occasion de grève
« par procuration ». Toutefois, beaucoup
critiquèrent les grèves de 1995 en les accusant de
défendre des intérêts catégoriels et de
refléter un très fort corporatisme au sein du service public.
D'ailleurs, l'essentiel des acquis de 1995 ont concerné le service
public : le plan d'urgence et les Etats généraux de
l'enseignement supérieur, le retrait des mesures sur les retraites des
fonctionnaires. En revanche, l'essentiel du plan Juppé sur la
réduction des dépenses de santé fut maintenu261(*).
Il semblerait que les événements de
décembre 1995 aient enclenché une dynamique de la protestation
sociale. En effet, suite à 1995, les conflits sociaux se
multiplièrent. Ils ne concernèrent pas uniquement les conflits du
travail mais aussi le droit des immigrés, des mal logés ou encore
des chômeurs. Un mouvement des chômeurs et des travailleurs
précaires de grande ampleur a eu lieu du 23 décembre 1997 au 7
mars 1998262(*). Les
mouvements d'aide aux sans-papiers se mobilisèrent également
suite à la loi Debré, du nom du ministre de l'intérieur,
votée le 20 mars 1997. Pour alerter l'opinion un appel à la
désobéissance civile a été lancé par un
collectif de cinéastes le 12 février 1997 et une manifestation
nationale a eu lieu le 22 févier 1997. On peut également à
travers ces événements distinguer l'émergence d'une
nouvelle « territorialisation » des conflits sociaux
puisqu'ils s'étendirent à l'échelle européenne. En
effet, 1997 fut l'année des premières mobilisations sociales
européennes. Ce fut tout d'abord l'annonce par Renault de la fermeture
de son usine de Villevorde, le 27 février 1997, qui provoqua une
« eurogrève » le 7 mars. Il y eu une manifestation
le 28 mai à l'appel de la Confédération européenne
des syndicats. Ce fut également la marche européenne contre le
chômage et la précarité qui s'acheva à Amsterdam, le
14 juin 1997, à l'occasion de la Conférence intergouvernementale
pour la révision du traité de Maastricht.
1.1.1.2 L'interprétation
des conflits sociaux
Les événements de novembre, décembre et
la multiplication des conflits sociaux depuis 1995 laissèrent la porte
ouverte à de nombreuses interprétations263(*). Certains, tout d'abord,
soulignèrent une corrélation entre les conflits du travail et les
autres types de conflits sociaux. Alors qu'on distinguait habituellement les
conflits situés dans l'entreprise de ceux qui ont lieu à
l'extérieur, des syndicalistes et des intellectuels commencèrent
à tracer une continuité entre les deux. Suite à 1995, un
groupe de sociologues écrivit : « La revendication des
droits sociaux universels [...] n'est pas séparable de la défense
du droit au travail. Complémentaires, les luttes se répondent et
se renforcent dès lors qu'on veut bien les appréhender comme un
continuum, en refusant de hisser la condition salariale au rang de
privilège, en déjouant la contradiction apparente mais fausse
entre mobilisations pour le maintien d'emplois et refus d'une
précarisation accrue »264(*). Depuis, les conflits du travail sont liés
aux dérives de la libéralisation et certaines revendications qui
étaient auparavant spécifiques aux syndicats s'élargissent
ainsi au champ d'action des associations. Cela a été le cas par
exemple des licenciements dans le groupe Danone pour lesquels Attac s'est
mobilisé. Le résultat de cette agrégation des conflits du
travail et des autres conflits sociaux permit un élargissement des
luttes et la constitution de réseaux de mobilisation265(*).
Une des interrogations soulevées fut de savoir si les
grèves de 1995 et les événements qui ont suivi pouvaient
être considérés comme l'émergence d'un mouvement
social ou s'ils ne se résumaient à un conflit social ordinaire.
La question de la définition d'un mouvement social est au centre du
problème266(*).
Au cours des débats, Alain Touraine est apparu comme un des principaux
représentants des intellectuels réfractaires à
l'idée de nouveau mouvement social. Alain Touraine est un sociologue
français qui a développé une analyse de la
société et de ses évolutions à partir du concept de
mouvement social267(*).
Il définit celui ci comme étant « la conduite
collective organisée d'un acteur luttant contre son adversaire pour la
direction sociale de l'historicité dans une collectivité
concrète »268(*), c'est-à-dire la lutte pour la
détermination des grandes orientations culturelles de la
société.
Selon Touraine, chaque société peut être
caractérisée par un seul mouvement social. Le mouvement ouvrier
est pour lui le mouvement social de la société industrielle en
tant que « société de production ». Le
passage de la société industrielle à la
société post-industrielle, amorcé depuis 1968, suscite
l'émergence de Nouveaux Mouvements Sociaux (NMS) situés hors de
l'entreprise (mouvement étudiant, féministe, anti-raciste). Un
mouvement social est doté de trois caractéristiques : il est
placé au centre des conflits sociaux, il a face à lui un
adversaire social clairement déterminé et défini, il est
doté d'un projet de changement social. Les acteurs sociaux de
décembre 1995 ne satisfont pas, selon Touraine, ces trois
critères et ils ne peuvent donc pas être assimilés à
un mouvement social. Il y a, selon lui, un clivage trop important entre la
classe moyenne, auquel il identifie le noyau central des salariés des
entreprises, et l'underclass constituée de l'ensemble des
exclus. Ainsi le mot d'ordre du mouvement de 95, « Tous
ensemble ! », masque une pluralité
d'intérêts qui sont trop divergents pour constituer un projet de
société269(*). D'où la seconde critique : les
revendications portées en 1995 s'apparentent plus à un mode
défensif de conservation des acquis qu'à un véritable
projet. Le refus de modifier le fonctionnement des règles du service
public témoignerait d'une « stratégie
d'immobilisme »270(*). Parmi les différents phases qui
caractérisent le passage de la société industrielle
à la société post-industrielle ou
« programmée », les grèves de 1995
correspondent à ce que Touraine nomme le « grand
refus »271(*),
c'est-à-dire le « décalage existant entre une
manifestation conflictuelle passéiste mais non encore révolue et
l'annonce d'un nouveau type d'opposition encore peu
visible »272(*). Il s'agit, selon lui, de ne pas prendre ce grand
refus pour le mouvement social lui-même.
Contrairement à Touraine les tenants du
« mouvement social »273(*) mettent en évidence l'unité des
grèves et la teneur du projet défendu par les manifestants.
L'unité du mouvement est manifeste, selon eux, par la convergence des
différentes catégories socio-professionnelles (enseignants,
cheminots, salariés du privé) mais aussi des exclus et des
minorités (sans-papiers, travailleurs précaires, chômeurs).
Cette unité est symbolisée par le slogan de ces manifestations
(« Tous ensemble ! ») qui permit le regroupement de
ces différents mouvements dans une même action. Ce qui permet
d'affirmer l'émergence d'un mouvement social, c'est l'unité d'un
même projet soutenu lors de ces événements. Ce projet
traduit tout d'abord une volonté de ré-appropriation des
politiques publiques par « ceux d'en bas ». Il s'agit d'une
tentative d'instaurer un débat et une réflexion sur des
thèmes qui étaient auparavant délégués aux
spécialistes274(*). Ce projet ne serait pas antérieur au
mouvement social mais il en est d'une part, le postulat logique275(*), et il est, d'autre part la
résultante de ces mobilisations276(*).
Quelles revendications ce projet porterait-il ? Il serait
possible de distinguer dans le mouvement de 1995 et dans les conflits qui l'ont
suivi, trois niveaux distincts de revendications277(*). Il y aurait tout d'abord
les revendications qui sont défendues explicitement par les acteurs. Il
y aurait également une revendication dotée d'une portée
plus générale qui serait la défense du service publique.
Le soutien du privé apporté aux salariés du secteur
publique témoigne ainsi de la volonté de défendre le
service publique en tant que tel278(*). Les prémisses d'un refus des politiques
néo-libérales et de la « marchandisation » du
service public, qui est une des revendications principales d'Attac, seraient
présentes dans le mouvement de 1995. Enfin, une demande plus large d'un
changement de société serait également exprimée
à travers ces conflits. Là aussi, les fondateurs d'Attac semblent
être les héritiers de 1995. En effet, le mot d'ordre
« Un autre monde est possible ! » qui est un des
slogans sur lesquels s'est fondé Attac, renvoie à cette
contestation sociale. L'idée de ré-appropriation du monde sur
laquelle Attac s'est créé serait également à
rechercher dans ce retour de la contestation sociale et ce renouveau du
militantisme.279(*)
1.1.2
Quel renouveau de l'engagement ?
1.1.2.1 La participation des
enquêtés
Afin de vérifier notre hypothèse, à
savoir qu'Attac s'est construit à partir de la reprise et de la mise en
forme d'un ensemble de mouvements sociaux qui ont eu lieu durant les
années 1990, nous avons analysé la place que 1995 et les
mouvements sociaux qui ont suivi, occupent dans l'engagement des militants.
Tout d'abord, on peut affirmer que la plupart des enquêtés ont
participé aux mouvements de grève. En effet, six
enquêtés y ont participé et trois n'y ont pas pris part
(une des interviewées avait quinze ans à l'époque et on
peut donc l'exclure). Leur statut professionnel était varié
puisque ceux qui ont participé étaient aussi bien
étudiants (Cécile, Luc) que salariés du secteur public
(Julie, Lionel) ou du secteur privé (Thomas). La plupart ont
été manifester par le biais d'une section syndicale. Ce fut pour
beaucoup avec la CFDT (Lionel, Julie, Luc), alors que Nicole Notat n'avait pas
appelé à manifester contre le plan Juppé avec lequel elle
était en accord. En revanche, ceux qui ont participé à ce
mouvement semble avoir été assez peu marqués par celui ci.
Leur participation à ces grèves semble découler de leur
engagement syndical ou associatif préexistant et il semblerait que ces
événements aient eu peu de conséquences sur leur
engagement. Isabelle est la personne pour qui décembre 1995 semble avoir
eu le plus de répercussions. Elle se syndiqua à la CFDT en 1985.
Son adhésion reflétait alors à la fois un accord avec les
idées du syndicat et une adhésion d'opportunité en raison
de la structuration des syndicats par bureau sur son lieu de travail. Elle
occupa la fonction de délégué du personnel puis pris plus
de distance avec la CFDT depuis l'élection de Nicole Notat envers qui
elle est très critique. Elle conserve toutefois une bonne opinion de sa
section syndicale tout en accusant Notat de
« collaboration » avec le gouvernement. En 1995, elle a
manifesté à Lyon avec la section CFDT. Elle perçoit sa
participation aux grèves comme un « cheminement » et
« une reprise de l'action plus active ».
En revanche, les enquêtés qui
évoquèrent le plus spontanément ces
événements et qui y accordent une grande importance sont les deux
personnes (Fabien, Laurent) qui n'y ont pas participé. Tous les deux
étaient farouchement opposés aux manifestations et soutenaient le
plan Juppé. Ils voyaient dans le plan de réformes proposé
un « progrès en matière sociale » et
accordaient à Juppé un « courage » politique.
Tous les deux sont assez réticents à l'action des syndicats
qu'ils jugent trop « épidermiques ». Un facteur
semble rendre compte de la distinction entre ceux qui ont soutenu les
grèves et ceux qui les ont critiquées. Il s'agit de l'implication
dans l'association. Ceux qui n'ont pas pris part à décembre 95 se
situent dans une adhésion sans qu'il y ai un engagement très
important de leur part. En revanche ceux qui y ont participé sont des
militants impliqués dans le comité local.
Julie : J'ai participé aux mouvements de 95 et à
un certain nombre de manifestations. Je suis descendue dans la rue et il y
avait beaucoup de monde. Pour moi ça représentait des forces qui
remettaient en cause beaucoup de choses. Le problème c'est
qu'après 1995 il n'y a pas eu d'utilisation de ces forces, il y avait
une demande d'action car il y avait du monde en 1995 et c'est tombé un
petit peu à plat après mais pour moi c'est un cheminement,
c'était une reprise de l'action plus active. La CFDT avait appelé
à manifester mais toujours dans des termes un peu... Nos sections sur
Grenoble s'étaient mobilisés mais ceci dit un coup ils sont
partis prenantes et un coup ils n'en sont pas. C'est le problème des
manifestations syndicales, un coup unitaire et un coup ça ne l'est pas
mais on ne sait pas sur quoi ils le sont où ils ne le sont pas. En tant
que section CFDT on avait manifesté sur Grenoble car on avait un raz le
bol de tas de choses de voir à quel point en tant que salariés on
était pressurisé et on n'avait pas notre mot à dire, on
était mis devant le fait accompli pour des tas de choses.
Fabien : Je ne sais pas si vous vous rappelez de toutes ces
manifestations qui ont eu lieu au moment du plan Juppé. Je me situe
plutôt de gauche et j'étais pourtant très pour le plan
Juppé. Je suis allé le dire dans les assemblées de la
faculté et je me suis fait incendier, parce que la mode c'était
pas ça. Tout le monde voulait aller dans le même sens.
J'étais un peu dans la position de Nicole Notat, qui elle aussi
était assez favorable à ce plan. J'y voyais toute une
série d'aspects positifs. Je trouvais que ce plan allait plutôt
dans le bon sens [...] Je n'ai surtout pas participé aux grèves !
J'étais mal vu par mes collègues car je ne faisais pas
grève. Moi je pense que ce plan Juppé était quand
même un certain progrès en matière sociale. J'ai
été étonné de voir la tournure que les choses
prenaient. C'est étonnant de voir ce qui a déclenché cette
réaction [...] Cette mesure avait été prise par Balladur
en 1993 mais la fonction publique échappait à cela. Juppé
en 1995 a pris une série de mesures assez significatives, et il y avait
parmi celles-ci l'idée d'aligner les fonctionnaires sur ce qui avait
été fait deux ans auparavant pour les salariés du
privé. Et c'est cela qui était jugé comme une attaque
intolérable aux acquis sociaux. Moi ça ne me choque pas.
Laurent : Moi je n'étais pas enseignant à cette
époque la, je préparais l'IUFM. Je me rappelle, j'avais
été contre le mouvement car je trouvais que c'était bien
de réformer la sécurité sociale et de réformer la
SNCF. Juppé avait été courageux là dessus. Donc moi
je n'avais pas fait grève. Moi j'étais plutôt pour qu'on
puisse réformer la sécurité sociale.
La participation des enquêtés aux conflits
sociaux qui ont suivi 1995, s'est opérée de façon
similaire. Les personnes qui étaient déjà engagées
dans des structures associatives, syndicales ou politiques (Cécile,
François, Thomas) ont participé aux mobilisations des
chômeurs ou aux mouvements lycéens. Par exemple, c'est le cas de
Cécile qui était lycéenne. Issue d'une famille de
militants, elle a adhéré à Ras l'Front en 1995 et aux
Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) en 1996. Cécile a eu
une participation très forte aux mouvements sociaux des années
1990 : elle s'est mobilisée à seize ans pour les
manifestations de 1995, pour les mouvements de chômeurs et l'occupation
des ASSEDIC en 1997 et 1998. Enfin, elle a pris part aux mouvements
lycéens en 1998 durant lesquels elle participa à des
débats sur l'éducation. Elle explique que son engagement
associatif l'a amené à prendre position sur d'autres
thèmes que le racisme. Sa participation aux conflits sociaux rentre en
continuité avec son engagement militant et son soutien ne
témoigne pas d'une prise de conscience comme c'était le cas pour
Julie. Beaucoup d'enquêtés se sont mobilisés à cette
période sur le thème du racisme et de l'antifascisme. Les trois
personnes les plus impliquées dans des structures militantes ont
adhéré à Ras l'Front. En revanche ceux qui n'avaient pas
d'engagement spécifique n'ont pas suivi ces événements. Il
semblerait que contrairement à notre hypothèse initiale, les
conflits sociaux n'ont contribué que très faiblement à une
réactivation de la participation.
Cécile : J'étais aux Jeunesses Communistes
Révolutionnaires à Lyon. Je suis rentré à Ras
l'FRont quand j'avais 16 ans, j'y suis resté deux ans et ensuite je suis
rentré aux JCR, j'avais dix-sept ans. En fait c'est l'organisation de
jeunesse de la Ligue. Je suis la fille de militants de la Ligue, mon
père est militant de la Ligue depuis très longtemps, il y
était à la fondation mais il ne milite plus beaucoup, il n'a pas
de responsabilité et ma mère a été militante
à la Ligue, elle était militante au PSU elle a milité dans
des groupes de femmes dans les années 70. J'appartiens à une
famille militante et j'ai eu cette socialisation là aussi. Ça
n'est pas très étonnant. Je connaissais des gens de la Ligue par
mes parents, mais comme j'ai milité à Ras l'Front j'ai
été amenée à militer dans des mouvements sociaux et
j'avais des amis qui étaient aux Jeunesses Communistes
Révolutionnaires et donc je suis venu [...] Et puis politiquement j'ai
milité sur l'antifascisme et ça m'a amené à
d'autres réflexions, je militais aussi beaucoup sur des trucs
féministes et ça m'a amené à me dire... à
partir de l'antifascisme, de remonter à cette société
là telle qu'elle est organisée et ça amène à
réfléchir globalement sur la société et j'ai
ressenti le besoin de faire des liens avec des choses séparées.
J'allais dans beaucoup de manifestations, en 1998 j'avais été
occupé des ASSEDIC, c'était des mouvements de chômeurs.
J'avais participé aux mouvements de 1995, j'étais en
troisième. Je me suis un peu investi, il y avait eu un mouvement
lycéen aussi en 1998. Il y avait eu aussi un mouvement contre l'AMI que
j'ai suivi de loin car j'étais pas dans Attac et j'étais plus
répliqué dans Ras l'Front. Pour moi la mondialisation ça
n'était pas crucial. C'est lorsque je suis arrivé à
Sciences-Po que je me suis intéressé à Attac parce que
c'est une thématique qu'on étudie plus la mondialisation. Pour le
mouvement contre l'AMI j'avais été à une conférence
de Susan George.
Thomas : Ras l'Front, c'est surtout lié à
l'émergence du front national, de l'appel des 250, ça date de
1992 ou 1993 avec des écrivains. J'avais pas participé à
la création mais je suis venu après parce qu'il y a cinq ou six
ans que je fais ça, je participais à des conférences.
Maintenant je ne peux plus rien car je fais Attac et puis c'est tout. Mais je
vais quand même aux manifs, s'il faut donner un coup de main bien
sûr.
Les événements de 1995 ne semblent pas avoir eu
l'impact supposé sur l'engagement des enquêtés. Alors que
nous avions émis l'hypothèse d'un réveil de la
participation massif, il semblerait que 1995 n'ait été le
déclencheur de l'engagement que pour très peu
d'enquêtés280(*). La plupart ont participé à ces
événements dans le cadre de leur engagement syndical ou
associatif sans que cela ait provoqué chez eux un retour de la
participation. En revanche, deux adhérents furent opposés
à cette contestation sociale. Ceci nous conduit à deux
conclusions. Tout d'abord, l'adhésion à Attac ne se recoupe pas
strictement avec le renouveau des conflits sociaux. Les enquêtés
ont majoritairement participé aux grèves de décembre 1995,
toutefois il s'agit essentiellement des enquêtés qui militaient
déjà au sein d'une organisation. Certains enquêtés
étaient même farouchement hostiles aux grèves.
D'autre part, il s'agit de remettre en question le rôle
central joué par les événements de 1995 dans le retour de
l'engagement. Comment alors expliquer qu'Attac se présente comme
l'héritier de 1995 qui symbolise le renouveau du conflit social et un
retour de la participation? Les événements de décembre
1995 marque un renouveau des conflits sociaux. Tout d'abord parce qu'ils sont
à l'origine d'un nouvel élan de contestation sociale qui va
s'amplifier à la fin des années quatre-vingt-dix, mais aussi
parce qu'ils ont permis de renouveler les formes de la contestation en prenant
acte de la diversité des acteurs qui étaient engagés et de
leur unité possible. Mais peut-on dire pour autant que les mouvements
sociaux de 1995 préfigurent les mouvements anti-mondialistes ? Le
refus du plan Juppé au nom de l'idéologie anti-libérale
suffit-il à en faire les prémisses d'un mouvement
anti-libéral tel qu'Attac ?
1.1.2.2 La mythification
des mouvements sociaux
Michel Wievorka répond par la négative à
ces deux questions281(*). Selon lui, il n'y avait pas dans les propositions
défendues en décembre 1995 le projet que certains ont pu y voir.
Les mouvements sociaux n'ont pas proposé « une vision de
l'avenir, un contre projet culturel, un ensemble même
ébauché de propositions modernisatrices ou
utopiques »282(*). Le mouvement de 1995, s'est constitué
à posteriori. Les discours de Christophe Aguiton et Daniel
Bensïad s'appuient sur 1995 pour rendre compte du retour du militantisme
et de la création d'un ensemble d'association qui poursuivraient la
même dynamique. Toutefois, il s'agirait selon Michel Wievorka d'une
stratégie de mise en scène des événements
de 1995. Le décembre 95 se serait constitué en mythe
afin de servir de caution historique et idéologique au renouveau
associatif et syndical. Les évènements de 1995 ne sont d'ailleurs
que très peu évoqués dans les discours des
enquêtés sur leur engagement. Certains participent, comme nous
l'avons vu, à ce renouveau associatif sans s'être pour autant
engagés dans les événements de 95.
Le renouveau de l'engagement et du militantisme qui est
perçu dans Attac serait la résultante d'un ensemble de
stratégie de mobilisation. La construction intellectuelle qui a
eu lieu à posteriori sur les conflits sociaux des années
1990 a permis d'historiciser les mouvements sociaux en les inscrivant dans une
trame historique. Cette stratégie répondrait au
thème de la « fin de l'histoire »
évoqué par des auteurs tels que Fukuyama, pour qui le
développement actuel des grandes démocraties occidentales serait
arrivé à son terme. Il s'agirait également
d'établir un patrimoine militant commun qui puisse permettre la
constitution d'une mémoire collective des « luttes »
et qui joue un rôle de stimulant pour l'engagement militant.
Ce regard porté sur les événements de
1995 témoigne d'un changement de perspective qu'il est nécessaire
d'adopter sur les mouvements sociaux. Le mouvement social peut être
considéré comme la mise en scène d'un ensemble de
mobilisations. Il s'agirait, selon Jacques Guilhaumou, d'analyser un mouvement
social du point de vue des acteurs qui y participent mais également du
point de vue de ceux qui en sont les spectateurs.283(*) Toutefois l'observation des
faits sociaux ne doit pas être « naïve »; elle
procède d'un choix délibéré de mettre en
évidence et de rendre plus visible tel ou tel aspect du mouvement
social. « L'observation des mouvements [sociaux] nous renvoie
principalement à des manières d'être spectateurs. Ce sont
les spectateurs qui témoignent de la dynamique des acteurs
émergents et de l'apparition d'une nouvelle part du sensible susceptible
d'élargir le champ d'expérience propre à toue
événementialité innovante [...] A ce titre, la
rationalité de la démarche de l'observateur procède plus
d'une mise en visibilité de l'inédit dans un
rapport étroit à l'autre que d'un simple enregistrement des
réalités »284(*).
Les années 1990 marque un renouveau du conflit social
dans lequel décembre 1995 est une date importante. Toutefois il ne
s'effectue pas un réel renouveau de l'engagement militant. Christophe
Aguiton remarque que « le changement ne se situe pas dans le nombre
de ces « nouveaux militants » qui pour beaucoup
étaient déjà engagés durant les années
quatre-vingt dix »285(*). Les nouveaux conflits sociaux ont, en revanche,
permis un renouvellement des formes de l'action militante.
1.2 Les nouvelles formes de mobilisation
Les mobilisations contemporaines s'effectuent à travers
le regroupement ponctuel d'un ensemble d'acteurs
hétérogènes. Les manifestations donnaient,
précédemment, l'opportunité à chaque organisation
(associative, politique ou syndicale) de faire état de ses
« forces »286(*). Il s'agissait d'« une succession de
cortège syndicaux et politiques [où] chacun défilait avec
les siens pour telle ou telle cause »287(*). Désormais, la
participation aux mobilisations s'effectue sur un mode plus
personnalisé, au cours duquel « les manifestants se retrouvent
avec le mouvement ou l'association qui reflète le mieux le combat du
moment »288(*). Le mode de participation à une manifestation
s'effectue sur un mode plus souple et moins contraignant que
précédemment289(*).
Toutefois, il existe une très forte
homogénéité entre ces acteurs. Ceux-ci sont
regroupés au sein d'un « réseau » qui se
présente comme l'agrégation informelle d'un ensemble
d'organisations et qui se constitue à travers la participation
d'individus hétérogènes à un même mouvement
de protestation. C'est pourquoi Aguiton définit le réseau comme
étant « un système souple, où l'on travaille ensemble
tout en gardant son identité »290(*). C'est au cours des quatre-vingt dix, qu'un
réseau de mobilisation s'est progressivement mis en place291(*). Les
événements de 1995 ont permis, par exemple, de déterminer
certains points d'accords autour desquels des organisations diverses ont pu se
réunir de façon éphémère.
Parallèlement à cette dynamique, un autre phénomène
a accentué cette mise en réseau des acteurs. Le
développement des conflits sociaux à l'échelle
internationale a débouché sur la mise en place d'un réseau
anti-mondialiste plus large.
1.2.1 L'internationalisation des
conflits sociaux
1.2.1.1 La naissance des
« contre-sommets »
Depuis 1999 les conflits sociaux ont pris une dimension
internationale à l'occasion des « contre-sommets ».
Ce terme désigne des mobilisations qui ont lieu à l'occasion des
sommets internationaux réunissant les pays les plus
industrialisés de la planète (qui ont lieu dans le cadre de
réunions institutionnelles292(*) ou de regroupements informels293(*)) afin de manifester un
désaccord avec les décisions qui y sont prises. Les premiers
contre-sommets ne sont pas, contrairement à ce que l'on pourrait croire,
ceux de la fin des années quatre-vingt-dix. Déjà en 1989
à Paris avait eu lieu le « Sommet des sept peuples les plus
pauvres » en réponse au déroulement du sommet du
G7294(*). Les
conférences organisées par l'ONU durant les années
quatre-vingt-dix furent également le lieu de mouvements de protestation.
Un forum global des alternatives eut lieu en 1992 à Rio de Janeiro lors
du Sommet de la terre, une rencontre internationale consacrée à
l'environnement. Pour chaque réunion organisée par l'ONU, des
contre-sommets furent organisés : à Vienne en 1993 sur le
thème des droits de l'homme, au Caire en 1994 sur les problèmes
de population, à Pékin en 1995 sur les femmes, en 1996 à
Istanbul sur sujet de l'habitat. Les contre-sommets qui ont eu lieu
récemment ont la particularité de rassembler les militants
déjà présents lors des précédentes
mobilisations et de nouveaux mouvements295(*).
C'est à l'occasion des négociations de l'AMI
(Accord multilatéral sur l'investissement) que la contestation
« anti-mondialiste » apparu sur le devant de la
scène publique296(*). Les opposants à cet accord y
voyaient « sous couverts de dispositions techniques, une totale
liberté de circulation des capitaux permettant aux multinationales de
dicter leur loi aux gouvernements, mettant en danger la démocratie, la
protection sociale et l'environnement »297(*). Les négociations de
l'AMI ont commencé en 1995 au sein de l'OMC puis ont été
poursuivies par l'OCDE. Au printemps 1997, des ONG Nord américaines de
défense des droits de l'homme et de l'environnement ont diffusé
le texte du projet afin d'alerter les réseaux associatifs qui
s'organisèrent. En France, durant l'automne 1997, une campagne
d'information fut menée par un collectif (la Coordination contre l'AMI)
de soixante-dix organisations aux domaines d'interventions divers
(Société des réalisateurs de film, Droits
devant ! !, Confédération paysanne). Le
Monde diplomatique fut très virulent vis-à-vis du projet
d'accord, qui fut publié sur son site internet. Lors de la
réunion du Groupe de négociation de l'AMI à l'OCDE
(situé au château de la Muette à Paris), un collectif fut
constitué et une manifestation eue lieu devant l'OCDE le 18
février 1998. Un autre mouvement de protestation se déroula le 28
avril 1998; il fut très médiatisé. En réponse
à ces mobilisations, le gouvernement décida en octobre 1998 de
reporter ces négociations au cadre de l'OMC jugée plus
« démocratique » que l'OCDE (137 pays
représentés à l'OMC contre 29 à l'OCDE). Le front
de protestation s'amplifia aussitôt puisqu'en octobre 1998, un nouveau
collectif fut mis en place (la Coordination pour le contrôle citoyen de
l'OMC, CCOMC). C'est ce collectif qui prépara, dès février
1999, les mobilisations qui eurent lieu à Seattle.
Les mouvements de protestation qui ont eu lieu à
l'occasion de l'AMI, en 1998, semblent avoir eu des répercussions assez
fortes sur l'engagement des militants. Plusieurs adhérents lient
directement leur engagement à Attac à la découverte de ces
négociations commerciales et à la polémique qu'il y a eue
alors. Par exemple Julie, pour qui décembre 1995 avait
représenté une « reprise de l'action
active », a été très marquée par la
révélation des accords de l'AMI. Luc explique que l'AMI a
été pour lui une « prise de conscience ».
Toutefois ceux qui étaient précédemment les plus
impliqués dans les conflits sociaux traditionnels (conflits du travail,
luttes pour les chômeurs, lutte contre l'antifascisme) ont
été très peu concernés par la polémique qui
a eu lieu au sujet de l'AMI. Par exemple, Cécile s'est
intéressée au mouvement mais elle explique qu'étant
impliquée dans Ras l'Front, elle était peu informée des
problèmes liés à la mondialisation. François qui
militait également à Ras l'Front et à la LCR s'est peu
intéressé au mouvement par manque d' « enjeux
évidents » qui auraient permis une mobilisation militante.
Beaucoup d'enquêtés ont été interpellé par le
mouvement de l'AMI. En raison de l'absence de manifestation, cela c'est plus
apparenté à une prise de conscience qu'à un acte de
militantisme. En revanche, ceux qui furent les plus interpellés par cet
événement (Julie, Luc, Fabien) ont adhéré à
Attac dès son lancement, c'est-à-dire quelques mois après
l'AMI. Il semblerait donc que leur engagement soit directement lié
à cet événement298(*).
Julie : Je suis venu à Attac car un jour dans
Marianne j'ai vu un petit entrefilet sur l'accord de l'AMI. Cet
article analysait cet accord et là je me suis dit : « Ce
n'est pas possible, ce n'est pas possible qu'on laisse faire un truc pareil
! » Je crois que ça été mon déclic. Un
mois après il y avait la création d'Attac et je me suis dit Attac
c'est ce qu'il me faut [...] Je me suis dit ce n'est pas possible que les
gouvernements laissent faire ça. Mais ce petit entrefilet ne me
suffisait pas quand même pour aller manifester dans la rue et je n'ai pas
participé aux mouvements de 1998 contre l'AMI. Pour que je descende dans
la rue il a fallu que j'adhère à Attac [...]
Luc : Le mouvement contre l'AMI a fait partie de la prise de
conscience à la même période. Il était fin 97 et
quand j'en ai entendu parler, il y ait une découverte qui était
faite par pas mal de gens à cette époque là. Je pense que
c'était par Le Monde diplomatique que j'en ai entendu
parler.
F.E : Il y avait eu des mouvements en 1998 contre l'AMI,
vous étiez au courant ?
Fabien : Oui, mais je crois qu'il n'y avait pas eu de
manifestations. C'était l'OCDE qui avait manigancé et tout
ça en cachette et après, sous la pression de l'opinion publique,
ça a été retiré. J'avais vu ça de
l'extérieur. J'étais bien content qu'on en arrive là mais
je n'y étais pour rien. Je suis l'intellectuel qui
réfléchit dans sa tour d'ivoire et qui laisse le bas peuple se
mettre les mains dans le cambouis ! [Rires]
Cécile : il y avait eu aussi un mouvement contre
l'AMI que j'ai suivi de loin car j'étais pas dans Attac et
j'étais plus impliqué dans Ras l'Front. Pour moi la
mondialisation ça n'était pas crucial. C'est lorsque je suis
arrivé à Sciences-Po que je me suis intéressé
à Attac parce que c'est une thématique qu'on étudie plus
la mondialisation.
François : Pour le mouvement de l'AMI,
j'étais passé à côté parce qu'il n'y avait
pas de mouvement populaire, il y avait des campagnes de presse et dans les
réseaux intellectuels mais sur Grenoble il n'y a pas eu de traduction
militante de cela donc je suis passé à côté comme
beaucoup de militants. Dans mon travail quotidien de militant, il n'y avait pas
matière à distribuer des tracts. Quand tu veux donner une
traduction militante assez large à quelque chose, il faut qu'il y est
d'autres gens qui soient disponibles et je pense que personne n'était
disponible pour travailler là-dessus. Les enjeux n'étaient pas
évidents.
1.2.1.2 La constitution
d'un réseau anti-mondialiste
Depuis, les mobilisations internationales se sont
multipliées299(*). Le FMI et la Banque mondiale furent
contestés dans leur politique à l'occasion du contre-sommet de
Washington et celui de Prague en septembre 2000. Les conférences de
l'ONU (Organisation des nations unies) donnèrent lieu à des
mobilisations comme par exemple à l'occasion du « Sommet
social » qui s'est tenu à Genève300(*) du 28 au 30 juin 2000.
Enfin, les sommets européens ont également été le
lieu de mobilisations. Ce fut le cas en décembre 2000 à Nice ou
à Götegorg (Suède) en juin 2001. Au cours de ces
manifestations, on peut observer parmi les organisations présentes une
grande diversité. Toutefois, il s'agit d'un nombre restreint de
groupements ; ils se retrouvent le plus souvent à chaque nouveau
contre-sommet et prennent l'habitude de militer ensemble. Il est possible de
regrouper l'ensemble de ces organisations sous le terme de
« mouvement antimondialiste ».
La contestation anti-mondialiste s'effectue sur un mode
particulier. La mobilisation des militants, lors des contre-sommets,
s'opère à travers un ensemble d'associations, de syndicats ou de
partis politique. Il s'agit d'individus qui s'inscrivent dans un réseau
(le mouvement anti-mondialiste) par le biais de l'organisation à
laquelle ils appartiennent. De plus, il n'est pas rare que les individus
cumulent les adhésions à des associations, syndicats et partis
politiques variées et se situent en position de
« multi-appartenance ». Cette structure de mobilisation
n'est pas nouvelle. En revanche, au sein d'une organisation comme Attac, la
diversité des organisations qui sont représentées est
très vaste. Par exemple, parmi les membres fondateurs d'Attac, figurent
des organisations de défense des chômeurs (le Mouvement national
des chômeurs et précaires, MNCP), d'aide au logement (le DAL),
d'écologie (Amis de la terre), de professionnels (le SNUIPP, Syndicat
national unifié des instituteurs et professeurs des écoles) ou
culturelles (la Fédération Française des Maisons de Jeunes
et de la Culture, FFMJC). Il existe également une grande
diversité d'appartenances politiques des participants. Cette
diversité est vérifiée, par exemple, au sein du
comité isérois où des militants du PS côtoient des
militants d'extrême gauche, voire même des anarchistes. Il en est
de même pour les mobilisations des contre-sommets où des
cortèges de gauche modéré et des groupuscules anarchistes
se retrouvent dans la même manifestation. Comment expliquer que des
individus qui n'ont pas, à priori, d'affinités
idéologiques puissent se retrouver au sein d'un même réseau
de mobilisation ? Afin de pouvoir comprendre ce mode d'organisation, il
est nécessaire d'analyser les configurations de la participation
associative, entendue dans le sens large de forme organisée
d'intervention dans la sphère publique301(*).
1.2.2 Les formes de la
participation associative
1.2.2.1
L'intégration de l'individu aux réseaux verticaux
La participation associative est liée, comme l'a
montré Louis Dumont302(*), à l'émergence de l'individualisme.
C'est pourquoi, l'association est apparue en Occident à la fin du
18éme siècle en simultanéité avec
l'établissement des sociétés démocratiques. La fin
des sociétés d'Ancien Régime représentait la
destruction des hiérarchies de corps et l'avènement de l'individu
en tant que sujet politique. « L'individualisme, note Jacques Ion,
c'est [...] la possibilité de penser la société comme une
somme d'individus dont l'existence autonome est préalable à leur
insertion dans des groupes d'appartenance et des réseaux de
dépendance. L'organisation de la société n'y est plus une
donnée initiale mais une construction sociale sans cesse
recommencée »303(*). Weber concevait le lien associatif comme une
relation sociale contractuelle par laquelle l'individu s'émancipe des
appartenances primaires (famille, village, profession) qui relèvent de
la communauté. Il constituerait, selon Alain Caillé, le lien
entre la sphère publique et la sphère privé qui permet de
réguler le social304(*). Toutefois, les associations ont eu, notamment en
France, un rapport ambigu à l'Etat : tantôt
complémentaires, tantôt concurrentes; les associations ont
été perçues comme des corps intermédiaires dont la
reconnaissance a été problématique. Pour résoudre
cette difficulté, le modèle associatif français, valant
ici dans son acception générique et non juridique, est
caractérisé par la juxtaposition de deux pôles qui en fait
un modèle mixe305(*). Un pôle communautaire holiste dans lequel
l'existence des individus qui composent le groupement est pensée comme
secondaire. Un pôle sociétaire où les individus sont
considérés comme des sujets désignant des
représentants de façon contractuelle.
C'est dans le cadre de ce modèle mixte que s'est
développée la figure du militant. Le groupement est une
combinaison des appartenances primaires et des groupements secondaires. Le
réseau vertical ou « constellation » est le mode
d'organisation qui s'est développé depuis le 19éme
siècle. Ce sont des réseaux dans lesquels les associations sont
regroupées « non plus sur la base d'une similitude d'objectifs
mais sur celle d'une proximité idéologique »306(*). Cette configuration permet
d'assurer l'intégration des individus car « c'est davantage le
groupement qui qualifie l'individu que l'individu qui fait acte
d'association »307(*). L'exemple le plus évident de cette
structuration est celui du PCF qui formait avec ses groupements
« satellites » un
« conglomérat »308(*). A partir d'une proximité idéologique
au parti, se succédaient un ensemble d'affiliations à d'autres
groupements fonctionnellement spécialisés : la CGT, le Secours
populaire, l'Union des femmes françaises, Tourisme et travail, la FSGT
(Fédération sportive et gymnique du travail), etc.
Durant les années soixante, deux modifications majeures
perturbèrent de façon croissante les anciens réseaux
verticaux. Tout d'abord, il y eu une spécialisation progressive des
groupements qui provoqua une lente sortie des réseaux309(*). En effet, ce mouvement
d'autonomisation fonctionnelle permit une moindre emprise des réseaux
idéologiques sur les groupements locaux310(*). D'autre part, le changement
culturel et axiologique311(*) qui a eu lieu a modifié les modalités
de la participation associative. « Les individus ne se mobilisent
plus en fonction de leur place dans le rapport de production et les
intérêts cessent d'être catégoriels pour être
symboliques et identitaires et sont plus basés sur les modes de vie
que des soucis matériels»312(*). Trois conséquences ont
découlé de ces changements : une autonomie et une valorisation du
local, une déterritorialisation des engagements, c'est-à-dire une
diminution des appartenances géographique dans la formation des
groupements, et enfin l'inscription des associations dans une
« contestation globale de type sociétale ». Une
dialectique entre le local et le global a lieu au terme de laquelle c'est au
niveau le plus décentralisé que tendent à se reporter les
investissements militants alors même que « l'horizon de
référence n'est plus strictement national mais [...]
supranational »313(*).
1.2.2.2 un nouvel âge
de la participation ?
Depuis le début des années quatre-vingt-dix,
un autre mode d'association est apparu suite à l'accentuation de cette
individualisation. Dans cette configuration, à l'image du pôle
sociétaire, c'est l'individu qui prime sur le groupement auquel il
appartient. L'adhésion valorise l'individu car ce sont ses
spécificités qui sont désormais prises en compte314(*). L'individu ne
s'aliène plus dans son adhésion315(*), mais il personnalise sa participation. L'un des
signes de l'importance des individus dans le fonctionnement des groupements
est, selon Jacques Ion, la transitivité des adhésions316(*). La pluri-appartenance
associative permet à un individu de s'extraire de son réseau
primaire. Mieux, c'est désormais l'individu, par ses adhésions,
qui est à l'origine de la constitution de réseaux. « La
transitivité des individus entre les différents groupements
accompagne ainsi l'apparition de réseaux qui ne tiennent, au moins
partiellement, leur existence que de la seule action des individus qui les
constituent. Bref les réseaux ne sont plus des données
préexistantes à l'engagement, ils se dessinent au fur et à
mesure des implications croisées des engagements
individuels »317(*). Le réseau anti-mondialiste ne doit pas
être perçu comme une structure préexistante aux
mobilisations nationales et internationales. C'est au cours des contre-sommet
qu'il s'est progressivement mis en place par l'agrégation d'acteurs
distincts à partir d'une communauté d'objectifs et
d'affinités idéologiques. C'est ainsi que les groupes
anti-mondialistes rassemblent une grande diversité de profils et de
parcours individuels, pouvant aller du militant
« professionnel » au chômeur n'ayant jamais
milité318(*).
Toutefois on peut apporter deux limites à ce qui vient
d'être dit précédemment. Tout d'abord, il serait trop
caricatural d'opposer à l'ancienne organisation des réseaux,
où l'individu était déterminé par son appartenance
à une « constellation », une structuration où
l'individu serait pleinement autonome dans ses choix. L'inscription dans un
réseau conserve une certaine influence sur l'engagement associatif.
C'est par exemple, parce qu'un individu adhère à une association
comme Attac qu'il pourra être amené à se rapprocher
politiquement de la LCR. L'individu ne peut donc pas être perçu
uniquement, contrairement a ce qu'écrit Jacques Ion, comme le sujet de
ces réseaux, il en est aussi l'objet319(*). La seconde limite concerne la diversité des
acteurs qui sont engagés dans les réseaux ; ceci est
observable au sein du réseau anti-mondialiste. Sur l'ensemble du
réseau il est possible de trouver de très fortes
disparités sociales, culturelles ou politiques. Toutefois, une certaine
homogénéité existe, notamment politique. Mais surtout, ce
sont au sein même des organisations, qu'il est possible de retrouver des
individus appartenant à une même configuration
socioprofessionnelle. La dynamique des conflits sociaux, tout d'abord
exclusivement nationaux puis internationaux, a rendu possible la constitution
d'un réseau anti-mondialiste. Attac a la particularité
d'être né de ce réseau et d'en être un acteur
à part entière. L'association n'aurait pas pu naître sans
un regroupement de ces différentes organisations mais paradoxalement
Attac prétend fédérer les mouvements anti-mondialistes.
1.3 La
place d'Attac au sein du réseau anti-mondialiste
La plupart des associations et des syndicats qui ont
fondé l'association sont apparus au cours des années
quatre-vingt-dix, lors d'une scission avec des organisations
modérées et traditionnelles. Attac est né de
l'émergence d'une radicalité associative et syndicale320(*). Il est d'autant plus
nécessaire de connaître les principaux acteurs de cette dynamique
sociale321(*). Que ces
organisations bénéficient d'une importance considérable
dans les statuts.
1.3.1 Un réseau associatif
diversifié
Il existe au sein d'Attac un réseau d'associations
très diversifié. On peut distinguer parmi celles-ci deux genres.
Tout d'abord, celles qui sont centrées sur la revendication de droits
sociaux. On peut les qualifier de mouvements
« protestataires ». Elles se caractérisent par un
mode d'action non-légaliste, un recours très important aux
médias. Ces associations recouvrent un ensemble de thématiques
très larges : la défense des chômeurs et des
précaires avec AC !, la lutte pour le logement avec le DAL, le
soutient aux « sans-papiers » avec Droits devant ! Il
s'agit d'organisations qui sont, avant tout, tournées vers l'action. Les
autres associations qui ont participé à la fondation d'Attac
s'apparentent à des think-thanks, c'est-à-dire des
cercles de réflexions. Parmi ceux-ci figurent les Amis du Monde
Diplomatique, Raison d'Agir ou encore la fondation Copernic. Ces associations
ne sont pas tournées spécifiquement vers l'action mais se
distinguent parfois par leurs prises de position. Par exemple, Bourdieu avait
soutenu publiquement les mouvements de grève qui ont eu lieu en 1995. Il
était également à l'origine du manifeste « Pour
des Etats généraux du mouvement social » lancé
en avril 2000322(*).
1.3.1.1 Les associations
protestataires
Les associations sont très peu
représentées au sein du C.A national d'Attac. En effet elles
occupent, parmi les 18 places réservées aux membres fondateurs,
quatre sièges323(*). Elles constituent pourtant près de la
moitié des membres fondateurs (18 sur 46). De plus, les associations
présentes au C.A ne sont pas celles que l'on pourrait qualifier de
protestataires puisqu'il s'agit de l'Aitec (Association internationale de
techniciens, experts et chercheurs) ou encore la FFMJC
(Fédération Française des Maisons de Jeunes et de la
Culture). La seule association issue des conflits sociaux des années
quatre-vingt-dix est celle de Droits devant ! Vincent Espagne, son
président, est d'ailleurs considéré comme une personne
beaucoup plus radicale que la direction nationale d'Attac. Il a
démissionné du C.A après s'être heurté
à plusieurs reprises avec Bernard Cassen.
Au niveau local, des actions ont été
régulièrement menées avec ces associations. Celles ci ont
été facilitées par les contacts qu'entretiennent les
militants entre eux. Par exemple, Thomas a milité de 1993 à 1995
au sein de AC !. Il connaît ainsi très bien les contacts avec
lesquels il peut organiser une action unitaire. Toutefois, on peut noter qu'il
ne s'agit pas toujours de réelles actions qui sont menées
ensemble mais cela se limite parfois à un appel unitaire. Par exemple,
le comité du DAL à Grenoble, après avoir connu un fort
dynamisme, est aujourd'hui une « coquille vide » qui
regroupe deux ou trois militants. La participation du DAL et la signature du
tract reste toutefois un objectif visé. Le champ des sympathies s'en
trouve élargi.
1.3.1.2 Le rôle des
intellectuels dans les conflits sociaux
Attac est né de la coopération de plusieurs
mensuels et hebdomadaires d'actualité et de réflexion324(*). Cela n'a donc rien
d'étonnant que les cercles d'intellectuels occupent une place importante
dans l'association. L'association dispose ainsi de ses
« savants », sur lesquels elle s'appuie pour mener des
« contre-expertises ». Le comité Attac Isère
s'est fondé également sur l'initiative du président du
comité isérois de Raison d'Agir.
Le Conseil scientifique d'Attac est né de ces
différents rassemblements de savants325(*). Son fonctionnement s'effectue sur le mode d'un
réseau : un « noyau dur » permanent,
structuré autour des organisations fondatrices, se réunit au
moins une fois par mois, tandis qu'un ensemble de groupes se réunissent
ponctuellement326(*). La
participation au Conseil s'effectue sur trois modes distincts : certains
membres ont une participation directe par le biais par d'un groupe de
réflexion (« Contrôle des flux financiers et
institutions financières internationales »,
« Retraites, épargne salariale et fonds de
pensions », « L'environnement et le développement
durable », « Les firmes transnationales », etc.),
d'autres sont présents en tant que représentants d'une
organisation avec laquelle une position commune est adoptée et
défendue (c'est le cas, par exemple, des positions définies en
coopération avec la CCC-OMC ou avec la Confédération
paysanne), d'autres, enfin, sont chargés par un organisme autonome de
préparer un document, pour le compte d'Attac, qui est soumis au Conseil
scientifique et qui peut être repris ensemble, ou par un seul des
organismes (par exemple, l'annulation de la dette des pays pauvres avec le
C.ADTM) ».
En revanche, le comité isérois entretient peu de
liens avec les groupes d'intellectuels qui font partie des membres fondateurs.
Il n'existe, par exemple, à Grenoble aucun lien entre le groupe des Amis
du Monde diplomatique et le comité Attac. Les responsables du groupe
local de Raison d'Agir ont participé au lancement du comité, mais
ils se sont progressivement retirés. Bernard Floris qui en est le
représentant au C.A isérois est rarement présent aux
réunions. De même, aucun enquêté n'a
déjà adhéré à un cercle de réflexion.
François explique qu'il souhaite, à travers son engagement,
trouver un « cadre d'action » qui lui permette de se situer
sur le « terrain de la lutte quotidienne ». Il
considère que les cercles de réflexion s'apparentent à des
« café[s] philosophique[s] » qui se situent, avant
tout, sur le « terrain des idées ». C'est pourquoi,
explique t-il, il a préféré militer à Attac
plutôt que d'adhérer à Raison d'Agir ou encore à la
fondation Copernic. François constate une coupure entre les
intellectuels et les militants. Il considère, d'ailleurs, que la prise
de position de Bourdieu va dans le bon sens mais, qu'en revanche, l'association
qu'il a fondée (Raison d'Agir) ne poursuit pas la même
démarche. Il regrette que ses membres « ne discutent pas avec
le gréviste de la SNCF ou le salarié du plan de licenciement mais
avec les cadres intellectuels des syndicats ou des associations ».
Thomas, qui appartient à un milieu ouvrier, constate également
cette coupure entre les intellectuels et les militants. Selon lui, les
« trucs à la Bourdieu [...] sont bien mais [...] sont
compréhensibles par 5 % des salariés ». Thomas
considère que les intellectuels ont un rôle à jouer dans
les mouvements sociaux. C'est pourquoi, il pensait, en participant à la
création du comité Attac Isère, pouvoir faire le lien
entre les deux.
François : C'est pas un engagement littéraire
[...] Et donc quand je disais que c'était pas un engagement
littéraire, je dis que s'il n'y avait pas eu matière
derrière, des forces sociales derrière, des gens qui
s'investissaient dans ce truc-là. Je n'y serais pas aller. Par exemple
il existe une association des Amis du Monde diplomatique, je n'y vais pas.
C'est un choix, un choix politique mais d'investissement [...] Ce que je
cherche ce n'est pas un cadre de discussions simplement. C'est un cadre
d'action. Voilà donc j'ai besoin de discussions pour agir et j'ai besoin
d'action pour nourrir la discussion. Je ne me situe pas... Je comprends qu'il y
ait des gens qui font ça. Je cherche pas un café philosophique ou
un café politique. Ce n'est pas mon option [...] Oui et puis ils
essaient de faire des liens avec le monde syndical, bien sûr. Mais c'est
pas là. où on va agir. On va faire des rencontres. Mais sur le
terrain de l'action sociale et politique c'est notre fonction. Ça n'est
pas Attac. Oui ça n'est pas Attac. C'était une association
« sur le terrain », sur le terrain de la
lutte...quotidienne. C'est plus sur le terrain des idées. Il y a pleins
de choses, comme le réseau de Bourdieu avec Raison d'Agir. C'est bien.
Mais ça travaille un autre champ. Oui sociologiquement ça
travaille un autre champ... C'est clair. Mais c'est utile [...] Il y a une
fondation qui s'appelle fondation Copernic, je ne sais pas si tu connais. Ils
sortent des publications... Je n'irai pas militer là dedans. J'ai des
copains qui sont là-dedans, des gens de la Ligue qui militent [...] Je
pense que ça [la coupure entre militants et intellectuels] va se
résorber dans la pratique mais cette coupure est forte. C'est ce qu'a
essayé de faire Bourdieu en 1995 en essayant de discuter à la
gare de Lyon avec les grévistes de la SNCF et leur dire ce qu'il pensait
du plan Juppé. C'est une démarche qui consiste à aller
dans la rue et essayer d'établir un rapport avec les gens. C'est dommage
que ce soit resté là. Avec Raison d'Agir, ce n'est plus le
même lien, ils ne discutent pas avec le gréviste de la SNCF ou le
salarié du plan de licenciement mais avec les cadres intellectuels des
syndicats ou des associations. Je pense qu'il faut arriver à
décloisonner. Pour décloisonner, il ne suffit pas d'être
membre d'une association, il faut aussi comprendre qu'il y a des formes
différentes. La production intellectuelle c'est un travail
différent et ça se complètent.
Thomas : J'ai toujours en tête l'idée qu'il
y a aujourd'hui des intellectuels qui sont engagés et qui ont leur mot
à dire et qui ont une capacité à synthétiser,
à fait ressortir l'essentiel de l'analyse économique et politique
et qui peuvent transmettre de manière simple à des gens. Raison
d'agir, je voyais que c'était un groupe d'intellectuels et je me disais,
nous travailleurs et salariés, on va pas les laisser gamberger tous
seuls et aboutir à des trucs à la Bourdieu qui sont bien mais qui
sont compréhensibles par 5 % des salariés. J'ai lu des passages
comme Souffrances en France. Et je me disais que ça serait bien
que nous on apporte notre témoignage avec nos mots, pour que les
intellos puissent nous exposer leurs concepts avec nos mots à nous,
parce que s'ils continuent et ils ne seront pas compris. Moi j'ai
contacté Raison d'Agir et je leur ai dit comment moi technicien dans une
entreprise grenobloise, comment je perçois le monde qui nous entoure et
comment je peux faire le relais par rapport aux gens qui sont autour de moi
[...] Je pensais pouvoir servir de lien.
1.3.2 L'influence des syndicats
dans Attac
1.3.2.1 La recomposition
syndicale
Les syndicats qui ont participé à la fondation
d'Attac se positionnent comme « critiques » et
« radicaux » vis-à-vis des centrales syndicales les
plus anciennes. La coupure, bien qu'elle ne soit pas nette, entre les syndicats
« radicaux » et
« modérés » est apparue au début des
années quatre-vingt-dix. C'est à l'occasion des
événements de décembre 1995 qu'elle s'est
révélée le plus saillant. Les principales centrales
syndicales furent divisées sur la position à prendre
vis-à-vis des grèves. La secrétaire de la CFDT, Nicole
Notat, accepta le plan proposé par Juppé et n'appela pas à
la grève mais elle fut contredite par une large partie de sa base
syndicale. Marc Blondel, secrétaire de FO (Force ouvrière), et
Bernard Thibault, secrétaire de la CGT (Confédération
générale du travail) appelèrent à la grève.
Toutefois, comme le note Daniel Bensaïd, « si les
Confédérations (en particulier CGT et FO) se sont
retrouvées ensemble dans la rue, il n'y a pas eu de front syndical
capable de proposer unitairement un calendrier de mobilisation et de
présenter une plate-forme de revendications
communes »327(*). Les syndicats traditionnels ressortirent affaiblis
de ces événements. Leur incapacité à agir en
concert avec le secteur associatif mît en évidence la
« fracture profonde entre syndicats et la couche sociale des
chômeurs et des exclus »328(*).
Suite à 1995, le paysage syndical fut
profondément modifié. Les clivages qui étaient apparus
entre les syndicats s'accentuèrent. La CFDT se désolidarisa des
mouvements associatifs émergents et continua à soutenir des
organisations plus traditionnelles telles que les Restos du coeur329(*). Louis Vianet,
secrétaire de la CGT, occupa le rôle de coordinateur des
mouvements sociaux. En revanche, il refusa d'accorder son soutien aux
mouvements de chômeurs de 1997 et 1998, ce qui lui valu de nombreuses
critiques330(*). Aucune
confédération syndicale n'a pris part à la constitution
d'Attac. L'absence de position de Nicole Notat, n'a pas empêché
les syndicats dissidents de la CFDT (Fédération des banques CFDT,
FGTE-CFDT331(*)) de
participer à la constitution de l'association. En revanche, Bernard
Thibault, après une rencontre avec les fondateurs, a incité
à se mobiliser en faveur de l'association. C'est pourquoi, parmi les
membres fondateurs figurent plusieurs sections de la CGT :
Fédération des finances CGT, SNPTAS Equipement CGT, UGICT-CGT
(Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens
CGT332(*)). Les liens
qu'entretient l'association avec la CGT sont d'autant plus importants que
Pierre Tartakowsky, membre du C.A au titre de la UGICT-CGT est
secrétaire général d'Attac; il a eu la charge, en tant que
responsable cégétiste, de structurer l'association en la dotant
d'un appareil333(*).
En revanche, les syndicats les plus récents
participèrent activement à la fondation d'Attac. Ce sont les
mêmes qui occupèrent le devant de la scène pendant les
conflits sociaux de 1995. Ils tentèrent de tisser des liens avec les
associations défendant le droit des femmes, les travailleurs
immigrés ou les sans logis. A l'issue des mouvements sociaux de 95, une
union syndicale a d'ailleurs eu lieu entre Sud, le Groupe des
« Dix », la CGT, la FSU et le courant « Tous
ensemble » de la CFDT. Il s'agissait pour ceux qui ont
participé à 1995 de constituer une forme d'organisation
interprofessionnelle pouvant redonner une dynamique au militantisme
syndical334(*).
Parmi les syndicats membres fondateurs, figurent le Groupe des
« Dix » ou encore Sud (Solidarité, Unité,
Démocratie). Pierre Khalfa est membre du C.A au titre de l'Union
syndicale Groupe des Dix, il est également membre du bureau. Les
syndicats enseignants disposent d'une représentation très forte
dans Attac, puisque la FSU (Fédération syndicale unitaire), Le
SNES (Syndicat national de l'enseignement secondaire) et le SNESup (Syndicat
national de l'enseignement supérieur font partie des membres fondateurs.
Daniel Monteux, qui est membre du C.A et du bureau, représente
d'ailleurs le SNESup.
Le syndicat le plus médiatisé dans Attac est la
Confédération Paysanne (CP). La Confédération et
Attac sont très proches malgré leurs domaines d'intervention
très distincts. La Confédération est, d'ailleurs, membre
fondateur de l'association. François Dufour est membre du C.A et
vice-président d'Attac, au titre de la Confédération.
L'association a apporté à plusieurs reprises son soutien au
syndicat agricole : lors de l'arrestation de José Bové,
après le démontage du McDonald's, Attac a participé au
collectif de soutien qui s'était mis en place335(*). De même, lors de son
procès, le bureau national avait appeler les adhérents à
se joindre « à toutes les initiatives [...] de soutien aux
militants mis en examen »336(*). Outre les mobilisations internationales, Attac et
la Confédération ont mené plusieurs actions ensemble sur
le thème des OGM. Par exemple, des militants d'Attac ont
participé à plusieurs occasions au fauchage de champs
plantés de maïs transgénique337(*).
A priori, on pourrait penser que l'engagement
syndical des militants grenoblois s'oriente, avant tout, sur les syndicats les
plus radicaux qui ont participé au lancement de l'association. Il n'en
est rien. Parmi les enquêtés, cinq ont eu un engagement
syndical : Lionel a milité au sein de F.O, Laurent, Julie et
Raymond ont milité à la CFDT et Thomas milite à la CGT.
Aucun des interviewés n'a déjà adhéré
à Sud, à la FSU ou au Groupe des Dix. Le syndicat le plus
représenté (la CFDT), est d'ailleurs, celui qui semble le plus
loin des prises de position d'Attac338(*). Comment expliquer ce paradoxe ?
Tout d'abord, on peut remarquer que pour les
enquêtés le choix de la centrale syndicale ne semble pas
primordial. Il semblerait qu'ils privilégient davantage, dans leur
engagement, le fait que les syndicats soient des moyens de lutte dans
l'entreprise. Par exemple, l'adhésion de Lionel à F.O, bien
qu'elle s'étale sur une longue période (1988-1998),
n'apparaît pas comme représentative de ses
préférences syndicales. Lionel affirme qu'il ne s'agit pas d'un
engagement « de conviction mais plutôt par opportunité
et facilité » (F.O était le syndicat le mieux
représenté sur son lieu de travail). Il ajoute d'ailleurs que
« ça aurait pu être la CFDT ». On peut noter
que Lionel a été manifester en 1995 en compagnie des militants
CFDT. De même, Luc explique que ce qui est important pour lui c'est avant
tout « l'organisation collective des travailleurs ». Il a
choisit d'adhérer à la CFDT suite aux conflits de mai 68 dans
lesquels Luc « était partie prenante ». Lorsque
l'élection a eu lieu dans son entreprise pour déterminer le choix
d'une centrale syndicale, ce fut la CFDT qui fut élue. Luc estime qu'il
en était « plus proche au début que
maintenant ». La plupart des enquêtés engagés
syndicalement semblent donc davantage concevoir leur adhésion comme
étant liée à l'entreprise qu'au syndicat en tant que tel.
Cette préférence pour un militantisme syndical qui soit
indépendant des confédérations s'expliquerait par
un refus de la politisation des enjeux syndicaux. Cela
s'accorde d'ailleurs avec la volonté qu'affiche Attac de
« réinventer la politique du mouvement syndical :
« Repolitiser, dans la situation actuelle, ne peut en aucun cas
signifier le retour à des allégeances ou même à des
dépendances face à des partis politiques, ni le contrôle
des syndicats sur un parti politique [...] Il s'agit donc de réinventer
la politique du syndicalisme, en prenant comme point de départ la
défense de l'intérêt de ses membres à partir de
l'entreprise »339(*).
Luc : Il n'y avait que la CFDT dans la boîte, c'est
une petite boîte, on était 50. Moi en 1968, j'ai fait des piquets
de grève, sans être syndiqué. La CFDT m'a plus ou moins
demandé, dans la mesure où ils sentaient que j'étais
partie prenante d'un certain nombre de choses, j'ai été
très bien vu à la CFDT mais je n'ai pas adhéré, je
travaillais à Paris chez Marcel Dassault. Il devait y avoir la CFDT et
la CGT [...] Pour moi la centrale syndicale ce n'est pas important, ce qui
important c'est l'organisation collective des travailleurs. Je fais partie de
la CFDT à l'origine, peut-être que j'en étais plus proche
au début que maintenant, mais j'ai adhéré CFDT à
l'époque parce qu'on a décidé de faire une première
section et au cours des votes pour savoir quel syndicat retenir la CFDT est
passée parce qu'elle était beaucoup plus proche de ce qu'on
pensait à l'époque.
Lionel : Puis, je suis rentré à la «
Sauvegarde » au début des années 80. L'association a
connu une bureaucratisation très forte. Elle fonctionne moins sur un
mode démocratique et sur l'autogestion et beaucoup plus sur un mode
personnel, surtout celle qui se situe en Savoie. Face à ces
problèmes j'ai décidé de d'adhérer à Force
Ouvrière. Ce n'était pas par conviction mais plutôt par
opportunité et par facilité. C'était vraiment par rapport
à mon travail car il y avait des problèmes dans l'association.
Ça aurait pu être la CFDT mais aujourd'hui non. On a
organisé plusieurs manifestations et plusieurs réunions et mais
je n'ai jamais eu de participation nationale, d'ailleurs en 1995 je suis
allé manifester à Lyon avec la CFDT. C'était par hasard
car je connaissais des gens, les syndicats sont représentés dans
l'association en fonction des bureaux en fait. Mais je ne me suis pas du tout
senti en décalage j'ai quitté mon syndicat en 1998 peu de temps
après mon adhésion à Attac parce que je n'avais pas envie
de m'engager plus mais je suis parti en très bons termes.
Parmi ceux qui ont milité à la CFDT, un seul est
encore actuellement adhérent (Laurent). Julie et Raymond ont
quitté leur centrale syndicale après s'être engagés
dans Attac340(*). Julie
a quitté son syndicat en 2000, après quinze années de
syndicalisme. Elle regrette qu'il y ait une coupure entre la base syndicale et
la direction nationale. Selon elle, le « fonctionnement [...] ne va
plus du bas vers le haut mais [il] part du haut et les autres n'ont pas
grand-chose à dire ». Julie considère d'ailleurs que la
section locale CFDT « fait du bon boulot ». En revanche,
elle désapprouve les prises de position du secrétaire national,
Nicole Notat, qui se situe en « collaboration avec le pouvoir en
place » et qui représente « la courroie de
transmission du patronat ». Sa démission est en lien direct
avec son militantisme puisqu'elle explique que son appartenance syndicale lui
semblait « contradictoire » avec son adhésion
à Attac. Raymond, qui était délégué syndical
de son entreprise, a quitté la CFDT en avril 2001. Sa démission
est liée, en partie, au fonctionnement local du syndicat puisqu'il
considère qu'il rencontrait trop de difficultés sur son travail
syndical. De plus, il désapprouve les négociations qui ont eu
lieu entre Notat et le Medef. Il estime, également, que la CFDT
« rentre trop dans le jeu du patronat ». Laurent est le
seul enquêté qui approuve la ligne syndicale nationale de la CFDT.
Il déclare que son appartenance syndicale est «complètement
bien assumée », et il ajoute qu'il
« apprécie » les positions de Nicole Notat. En
revanche, il considère qu'il existe localement une radicalisation
à gauche qui est gênante.
Parmi les enquêtés figurent plusieurs
« déçus » du syndicalisme. Il semblerait
qu'ils regrettent un centralisme trop excessif. Leur adhésion à
Attac peut être donc être perçue comme la recherche d'un
nouveau mode d'engagement dans lequel la direction nationale et la base
seraient plus en accord.
F.E : Sinon vous avez fait partie d'un syndicat...
Julie : C'était la CFDT mais j'ai rendu ma carte. Je
l'ai rendue, il y a un an car je trouvais qu'effectivement la CFDT... Je
regrette que le porte-parole d'un groupe de mobilisation que ce soit par
rapport à l'épargne salariale, par rapport à la
modification du régime des retraites je trouve qu'elle est trop, pour
l'instant, la courroie de transmission du patronat et ça ne me
plaît pas du tout, donc je me suis dé-syndiquée. Ça
faisait quinze ans, c'est-à-dire depuis que je suis ici [...] Certaines
prises de position de Nicole Notat m'ont fortement déplu. Par rapport
à l'épargne salariale, par rapport à la remise en cause
des retraites, elle est pour les fonds de pension et la je me suis dit mais...
C'est essentiellement ça. Pour moi elle est en collaboration avec le
pouvoir en place et je trouve qu'il y a aujourd'hui un fonctionnement qui ne va
plus du bas vers le haut mais qui part du haut et les autres n'ont pas
grand-chose à dire. Et je trouve que son objectif à Notat c'est
de se faire élire et de devenir ministre de quelque chose, dans la
manière dont elle fonctionne ça n'est pas possible autrement.
C'est très épidermique. Sinon la section CFDT fait du bon boulot
[...] Pour moi ça me semble contradictoire d'être la CFDT et
à Attac, là je me retrouve-moi dans un certain nombre de
positions d'Attac, même si je me trouve pas forcément en
adéquation avec le national, je ne retrouve plus du tout haut niveau de
la CFDT et je pense que c'est contradictoire. La CFDT est d'accord avec
l'épargne salariale, Attac ne l'est pas et moi je ne le suis pas.
Luc : J'étais délégué
syndical de la boîte. C'était le syndicat des services CFDT
[...]
F.E : Par contre je ne me rappelle plus quand vous avez
arrêté adhérer à la CFDT ?
Luc: C'était il y a deux mois. Parce que j'ai
essayé jusqu'au dernier moment de travail avec la base et on arrive pas
à travailler avec la base [...] Et j'avais prévu quand je me suis
présenté et que j'ai été élu
secrétaire du syndicat, c'était uniquement si l'on arrivait
à former l'équipe de travail, sinon je laissais tomber. Je pense
que ce sont aux gens qui sont syndiqués à se prendre en main et
ce ne sont pas aux gens qui sont retraités de faire le travail pour les
autres. J'accepte de passer du temps parce qu'il y a des gens qui sont
là, mais je m'en irais un jour ou l'autre. J'ai à mon avis
attendu beaucoup trop longtemps [...] Il y aurait pas eu tous les
problèmes de la CFDT avec le MEDEF qui a fait du chantage et moi je ne
sais pas d'accord pour que la CFDT négocie dans ce cadre là avec
le MEDEF, cela n'a pas arrangé les choses. Je trouve que la CFDT rentre
trop dans le jeu du patronat
Laurent : En fait je t'avais dit que c'est la
première fois que j'ai adhérée un mouvement mais ça
n'est pas vrai car j'ai adhéré un CFDT et je me suis fait
élire représentant syndical dans le cadre de mon métier
quand j'étais à l'IUFM. C'était il y a trois ans. J'ai 32
ans. Et là à la CFDT j'ai eu le même problème
qu'à Attac, j'étais confronté à des gens pas
uniquement de la CFDT, il y avait deux syndicats qui étaient
représentés la CFDT avec le SGEN qui est la branche de
l'éducation nationale et le SIPP, c'est le syndicat enseignant qui est
proche du parti communiste et de la CGT. Et avec eux c'était le
même problème, ils sont radicaux et moi je ne suis pas radical
[...] Moi je suis syndiqué à la CFDT, complètement bien
assumé avec Nicole Notat alors que elle est pas mal remise en cause mais
moi j'apprécie [...] C'est le même syndrome [dans Attac] que pour
la CFDT. Entre le sommet et la base c'est clair que la base est beaucoup plus
de gauche. Pour le parti socialiste je n'en sais rien mais pour la CFDT c'est
sûr qu'il est une énorme différence.
F.E : Pourquoi avoir choisit cet engagement syndical
à la CFDT ?
Laurent : Parce que c'est celui qui me correspond le mieux. La
CFDT et, le parti socialiste, tout ça s'est cohérent. D'ailleurs
je crois que la CFDT est adhérente à Attac.
1.3.2.2 Un réseau
syndical isérois peu dense
Sur l'Isère, les militants d'Attac ont
déjà organisé des actions unitaires avec l'aide des
syndicats qui figurent parmi les membres fondateurs. Par exemple, à
l'occasion du Forum social de Genève, en juin 2000, des transports
avaient été organisés par Attac en lien avec la CGT et la
FSU. Thomas, qui milite à la CGT depuis 1978, considère que cette
action unitaire avec les syndicats n'aurait pas été possible, il
y a quelques années. C'est parce qu'Attac, « demande aux
syndicats de se positionner », que la CGT a été
amenée à « se poser des questions [...] et ensuite
[à] se positionner ».
Toutefois, c'est avec la Confédération paysanne,
que le comité local entretient le plus de rapports. Des actions communes
ont été menées à plusieurs reprises. Par exemple,
le 28/03/2000, une conférence de José Bové avait
été organisée de façon conjointe341(*). Une conférence sur
les OGM s'est déroulée en 2001. Attac a également
manifesté son soutien envers les militants isérois de la
Confédération. Ainsi, le comité Attac a souhaité
« manifester [sa] solidarité » vis-à-vis de
trois militants de la Confédération paysanne de l'Isère
qui avaient été mis en examen pour le fauchage d'un champ de
colza OGM342(*). De
plus, le comité avait lancé un appel de soutien pour
subventionner la location de bus afin que les militants de la
Confédération puissent se rendre à Millau343(*). Avant l'apparition des
mouvements anti-mondialiste, le comité isérois de la
Confédération avait très peu de liens avec les
associations et les syndicats grenoblois. On peut supposer, que c'est par le
biais, entre autres, d'Attac que des liens se sont progressivement
formés. D'ailleurs, Thomas, qui affirme connaître beaucoup
d'organisations grenobloises, avoue qu'avant son adhésion à
Attac, il n'avait pas de liens avec la Confédération.
Thomas : Par exemple les syndicats qui sont membres
fondateurs d'Attac, donc justement ils sont dans les membres fondateurs d'Attac
et c'est qu'on puisse avec eux travailler sur ces questions de la
mondialisation. Parce que je ne suis pas sûr par exemple que
l'année dernière à Genève, contre l'OMC, il y a
quelques années on aurait pu amener des gens à part
peut-être la FSU qui sont bien au fait du problème de la
marchandisation de l'éducation, on aurait peut-être pas pu amener
une trentaine de personnes de la CGT pour manifester contre l'OMC. Je ne dis
pas que c'est nous qui l'avons fait... Je dis que le fait qu'Attac pose ces
questions-là et demande aux syndicats de se positionner et qu'il y ait
des membres fondateurs d'Attac qui y soient, notamment le syndicat CGT des
finances, ça a permis que la CGT se pose des questions sur cela et
ensuite se positionne par rapport à l'OMC est donc ensuite participe
avec nous à tout ça. C'est pas sûr qu'ils l'auraient fait
il y a quelques années même si bien sûr ils avaient des
positions sur l'OMC.
F.E : Tu les connaissais avant les militants de la
Confédération paysanne ? Comment vous avez été
amené à vous rencontrez ?
Thomas : Non. Moi j'ai rencontré les militants de la
Confédération paysanne dans Attac, j'avais des copains qui les
connaissaient avant mais qui les connaissaient comme ça pour
s'être rencontré au cours de manifestations, mais...
En revanche, mis à part avec la
Confédération, aucune action locale n'a pu avoir lieu avec le
soutien des syndicats, notamment des centrales les plus anciennes comme la CGT
ou la CFDT. Thomas, qui souhaitait organiser des diffusions de tracts dans
l'usine où il travaille, n'a pas reçu l'appui de la CGT, bien
qu'il soit adhérent de la CGT. En revanche, il a reçu l'aide de
la CFDT, du fait que la section syndicale de l'entreprise ait
adhéré à Attac Isère. François reproche aux
militants du comité isérois de n'avoir rien tenté pour
organiser un « travail concret » avec la CFDT et la CGT. Il
met en comparaison sa précédente expérience associative
à Ras l'Front avec la situation au sein d'Attac. Il estime que les
militants de Ras l'Front avaient réussi à « tisser un lien
fort avec les syndicats à la base, localement ». Des actions
étaient menées régulièrement avec les syndicats, au
sein des entreprises, et un « lien social » avait
été établi. Dans le comité Attac, malgré la
présence de syndicalistes dans le C.A, François considère
qu'il n'existe pas un véritable lien. Il explique ce paradoxe par deux
raisons. Tout d'abord, les syndicalistes qui sont adhérents à
Attac, sont présents dans l'association uniquement à titre
individuel. Il n'existe donc pas une véritable représentation des
syndicats en tant que tels. De plus, il n'y a pas, selon lui, une
volonté de la part des militants du comité Attac de travailler en
lien avec les syndicats. François regrette que les membres du
comité isérois « pense avoir le monopole sur ces
questions-là » (qui sont liées à la
mondialisation) et en fait son « pré-carré »
sans que « les autres [n'aient] vraiment leur mot à
dire ». Il semblerait, qu'il existe une tentative de la part du
comité local de représenter de façon exclusive le
réseau anti-mondialiste.
Thomas : D'un côté, sur les syndicats, il y a des
membres fondateurs comme à la CGT ou Sud ou certaines sections de la
CFDT... A Nerpick par contre on a essayé car il y a des tracts d'Attac
qui sont distribués parce que CFDT Nerpick est rentrée à
Attac et on distribue des tracts. Moi je suis à la CGT et je distribue
des tracts d'Attac. Mais on comptait... Et moi je compte encore sur les
sections d'entreprise et de syndicats pour que la CGT fasse des diffusions de
temps en temps mais la CGT rien du tout... Rien ! Rien ! Toutes les
manifestations qu'on a faites depuis février 1999, la CGT en tant que
syndicat n'a participé à aucune initiative avec Attac. Il y a des
adhérents de la CGT qui viennent avec nous mais à titre
individuel [...] La plupart du temps les responsables locaux n'ont pas de lien
et ne veulent pas entendre parler d'Attac. Alors qu'avec la CFDT on a des liens
et on commence à être invité et reconnu.
François : On avait quand même réussi une
chose qu'Attac n'a toujours pas engagé, on avait réussi à
tisser un lien fort avec les syndicats à la base, localement. Attac a
des syndicalistes dans sa direction et il y a très peu de liens avec les
Confédérations. Il y a des liens avec Sud et avec la FSU, Sud
parce que c'est un syndicat moderne et radical dans lequel tu trouves des
libertaires, des gens d'extrême gauche ou simplement des
déçus de la CGT. Il y a très peu de lien entre Attac et la
CGT ou la CFDT, sinon aucun. Moi je pense que ça vient d'Attac, je pense
que les Confédérations sont assez sclérosées et
pour qu'elles bougent, il leur faut du temps. Nous, on a fait pression sur les
syndicats et on leur a dit que par rapport aux problèmes de racisme dans
les entreprises on peut travailler ensemble. Donc on a fait un travail concret
avec ces gens-là. On avait des échanges sur le matériel
qu'on pouvait produire ensemble et puis il y avait un lien social, on
était présent régulièrement et comme ça les
gens n'étaient pas cantonnés dans leur milieu. Dans Ras l'Front
il y avait des syndicalistes et il y en a aussi à Attac et on avait une
autre démarche et ils étaient là avec la
bénédiction de l'union départementale du syndicat, ils
étaient là pour faire le lien. Attac n'a pas cette
démarche aujourd'hui et c'est dommage. Peut-être qu'au niveau des
dirigeants ils l'ont, entre Thibault et Bernard Cassen ils doivent se
rencontrer mais c'est pas dans la culture d'Attac de dire qu'au niveau local on
va faire un pôle anti-mondialisation avec tous ceux qui se battent sur
des thèmes différents, par exemple la CGT sur le thème des
licenciements boursiers. Il n'y a pas de démarche offensive dans cette
direction-là. Attac pense avoir le monopole sur ces questions-là,
c'est son pré carré et c'est à Attac de gérer ses
revendications et les autres n'ont pas vraiment leur mot à dire. En tous
cas on a pas établi des passerelles pour travailler ensemble.
Ce manque de liens avec le réseau syndical se retrouve
également dans les relations qu'entretient le groupe
« campus » avec les syndicats étudiants.
Cécile, la responsable de ce groupe, explique qu'elle n'entretient aucun
rapport avec les trois principaux syndicats étudiants, l'Unef-Id,
Solidarité étudiante (SE) et Sud. Elle se positionne en retrait
vis-à-vis de ces trois syndicats. Elle considère que l'Unef-Id
souhaite avant tout récupérer les associations du
campus344(*). Elle est
en désaccord avec SE sur le sujet de l'allocation universelle
d'étude. Enfin elle définit les militants de Sud comme
étant des « aristocrates [...] dans le sens où ils sont
très méprisants vis-à-vis des
étudiants ». En revanche, Cécile estime que des actions
sont possibles avec ces syndicats à condition que cela se fasse de
façon unitaire. Par exemple, elle pense qu'une action conjointe aurait
été possible à l'occasion du boycott des produits Danone.
Cela aurait permis, selon elle, d'être
« complémentaire » sans pour autant se situer sur
« le même terrain ».
F.E : Par contre, avec les syndicats, ils sont
présents avec les syndicats étudiants ? Vous avez des rapports
?
Cécile : Aucun rapport ! C'est assez bizarre
d'ailleurs. Moi j'aurais imaginé que des gens, comme ceux de l'Unef-Id,
viendraient un peu à Attac campus. Par exemple à l'Unef-Id, ils
sont très en lien avec SOS racisme il y a beaucoup de gens Unef Id qui
sont à SOS racisme [...] Pour l'instant, les gens de Unef Id ne viennent
pas à Attac [...] Et puis, Sud, sur le campus, trouve des
réformistes un peu traîtres. Enfin, j'exagère un peu...
[Rires]. Non c'est vrai, Sud sont vraiment très radicaux [...] Et donc,
on n'a pas de liens avec eux parce que c'est un positionnement politique ; pour
eux, revendiquer la taxe Tobin c'est utiliser le système et ça,
ils n'en veulent pas. Je simplifie, c'est plus compliqué que ça.
Du coup, on n'a pas de lien avec les syndicats étudiants [...] J'ai
été voir les syndicats étudiants car je pensais que
c'était important de militer et j'avais été voir
Solidarité Etudiante et Sud et j'avais halluciné sur leurs
pratiques. Je trouvais qu'ils ne faisaient pas de syndicalisme étudiant
comme les chaînes d'inscription, faire de la défense au cas par
cas des étudiants, plancher sur les réformes de
l'université et moi ça me gênait. Moi j'ai toujours
trouvé que Sud était très intello et ils se sont à
côté de la plaque sur des choses. Ils sont limite aristocrates
pour moi dans le sens où ils sont très méprisants
vis-à-vis des étudiants.
F.E : Mais vous leur faites de l'ombre, un peu, aux
syndicats ?
Cécile : Non, car on n'agit pas sur le même
terrain ! [...] Le syndicalisme étudiant, c'est la défense des
droits des étudiants en premier lieu puis après c'est des
positionnements politiques. Mais ce n'est pas du tout la même vocation
qu'une association comme Attac. Moi je pense qu'il y a une
complémentarité. Cela aurait été bien, par exemple,
que l'on travaille avec les syndicats étudiants sur le sujet du Crous ou
Danone. C'est un sujet qui est à la limite de ce que peut faire un
syndicat étudiant; parce que c'est sur le campus et que cela concerne
les étudiants seuls. Si on avait été sollicité par
un syndicat étudiant ou que l'on ait eu des liens avec un syndicat
étudiant sur ce sujet, on aurait très bien pu faire une action en
commun. Comme on n'a pas ces liens là et que Sud n'intervient pas sur le
campus et l'Unef Id intervient mais pas sur ce terrain-là ! [...] Mais
moi, je pense que ce n'est pas faire de l'ombre, on pourrait être
très bien complémentaire sur une action [...] Non ! Une action
avec un seul syndicat étudiant, c'est toujours un peu difficile. C'est
un truc en binôme, tu vois, juste avec un syndicat, c'est faisable, mais
moi je pense que c'est toujours mieux, par exemple dans le domaine unitaire,
quand il y a plusieurs associations ou syndicats ou partis. C'est mieux car tu
n'as pas une association qui se fait directement, moi ça me saoulerait
que l'on soit associé à l'Unef id, tu vois, qu'on n'aurait
à faire qu'à eux ; par contre on pourrait faire une action
unitaire avec eux.
Les Attacants grenoblois mènent peu d'actions communes
avec les associations, mais surtout les syndicats, locaux. Les organisations
qui ont fondé l'association de façon nationale et locale,
semblent avoir très peu d'influence dans la vie du comité.
POurquoi les dirigeants nationaux accordent tant d'importance à
l'adhésion d'autres associations et les membres du comité
grenoblois si peu? Il faut chercher, selon nous , les raisons de cette
divergence dans les différentes représentations de l'engagement
associatif.
1.3.3 L'adhésion comme acte
individuel
Sans la présence de personnes morales, Attac n'aurait
sans doute pas eu l'attractivité dont il a
bénéficié dés son départ. D'ailleurs, la
plupart des enquêtés considèrent que les membres fondateurs
ont eu un rôle nécessaire dans le lancement d'Attac. La
participation des personnes morales à l'association faciliterait, selon
certains, la mise en réseau des organisations. Par exemple, pour Thomas
qui connaît beaucoup d'associations sur Grenoble, l'adhésion de
diverses organisations à Attac permet de mener des actions en commun. Le
travail en collectif est facilité par le fait que des organisations
soient représentées dans l'association. Lorsque Thomas
était président du comité isérois, l'une de ses
principales tâches était justement d'établir une
coordination des associations et des syndicats à travers Attac.
D'autres sont moins enthousiastes, et sont défavorables
à ce que les membres fondateurs puissent participer au fonctionnement de
l'association. Par exemple, Luc reconnaît que les personnes morales ont
eu un rôle important dans le lancement. Leur soutien a permis de
créer une dynamique qui a été profitable. En revanche, la
participation des membres fondateurs au déroulement de l'association
n'est pas souhaitable. Tout d'abord, selon Luc, l'adhésion d'une
organisation risque de déclencher des conflits. Selon lui, des
divergences peuvent survenir sur certaines prises de position, ce qui peut
amener à un blocage. L'adhésion des individus lui semble plus
logique que celle des personnes morales, car, en cas de difficulté, un
individu peut se désengager plus facilement qu'une association. D'autre
part, la participation des membres fondateurs n'est, selon Luc,
matériellement pas réalisable. Le fait de militer dans plusieurs
associations empêche une implication qui soit suffisamment forte. C'est
pourquoi, il regrette que les membres fondateurs ne soient pas plus
présents aux Conseils d'administrations nationaux ou encore que certains
membres du C.A d'Attac Isère soient retenus dans leurs organisations
respectives. Le principal risque, selon Luc, c'est que l'adhésion des
personnes morales remplace celle des individus. Les membres fondateurs ont donc
un rôle à jouer lors du lancement de l'association, mais ils ne
doivent pas participer à son développement. Il est
préférable que les organisations présentes se retirent
progressivement du mouvement. Luc rappelle que c'est ce qui s'est
déroulé après la fondation d'Attac Isère345(*). Les membres fondateurs ont
peu à peu quitté l'association qui a été reprise
par des personnes ne disposant pas, pour la plupart, de plusieurs
adhésions.
Certains, enfin, sont hostiles aux membres fondateurs et
regrettent que l'association ait été lancée par un
ensemble d'organisations. Lionel, qui a adhéré en 1998, ne savait
pas lors de son adhésion que des associations ou des syndicats avaient
adhéré à Attac. Il considérait l'association comme
un regroupement « spontané d'individus » agissant
dans une démarche commune mais propre à chaque individu. C'est
progressivement qu'il a pris conscience du fait que certains militants
représentaient d'autres organisations et étaient
« appuyés par une structure ». La présence de
cette « machine » dans le lancement d'Attac introduit le
« risque d'une instrumentalisation ».
Pour répondre à ces différentes
réactions, un débat s'est déroulé, au cours de
l'assemblée plénière du 10 janvier, au terme duquel une
proposition a été votée : « Attac est un
mouvement citoyen. N'importe qui peut, dans la mesure où il
adhère à la charte nationale, demander son adhésion
à Attac, quels que soient ses engagements pris dans d'autres mouvements
(partis, syndicats, associations, collectivités, élus, etc.). [Ce
fût une] position très majoritaire. »346(*). Toutefois, dans ce
cas de figure, l'initiative de l'adhésion qui est attribuée
à l'individu prime sur le fait qu'elle soit la représentante
d'une personne morale. L'adhésion individuelle prime sur la
représentation de l'organisation. Mieux, l'individu est perçu,
comme en témoigne Julie, comme le résultat d'une combinaison
d'adhésions distinctes.
F.E : Le fait que des personnes morales puissent
adhérer à Attac, pour toi...
Thomas : pour moi ça ne pose pas de problème, il
y a des statuts qui ont été mis en place, même s'il y a
certaines choses dans les statuts qui me déplaisent par rapport à
la représentativité des comités locaux qui est difficile
à digérer... par rapport aux personnes morales ça me
dérange absolument pas. Moi je suis un forcené, un collectiviste
forcené et je peux travailler en comité, en collectif... [...]
Dès qu'on peut travailler ensemble... Quand j'étais
président, j'essayais justement de faire fonctionner les réseaux
avec les gens que je connaissais d'ailleurs et mettre en place un collectif
pour moi c'est très important.
Lionel : [...] J'ai découvert assez rapidement
qu'il y avait beaucoup de personnalités morales qui servaient de barrage
dans Attac ce qui assez curieux. Je l'ai découvert à la fin de la
première année où j'ai participé à Attac de
façon assez naïve car j'imaginais que c'était des gens un
peu comme moi qui s'étaient rassemblés individuellement. Et en
fait, je me suis rendu compte que pour un certain nombre, les uns et les autres
sont appuyés par une structure. Même si l'initiative s'est faite
à titre individuel, derrière il y a déjà des
groupes constitués. Des groupes de journalistes ou des associations ou
alors au niveau des syndicats. [...] Ce n'était plus seulement pour moi
un mouvement spontané d'individus. J'ai trouvé ça curieux.
Sûrement Attac ne serait pas créé sans ces groupements.
Alors c'est vrai que Igniacio Ramonet a une certaine part de charisme et c'est
très insuffisant pour lancer une association, il y a toujours une
machine. Qui dit machine dit le risque d'une instrumentalisation. C'est
toujours le risque... Enfin pour moi !
F.E : Par contre, Attac a été lancé
au niveau national par plusieurs associations...
Luc : [...] Mais c'est pareil au niveau national, s'ils ne
s'étaient pas réunis, Attac n'aurait pas existé. Sur
l'Isère s'ils ne s'étaient pas réunis pour dire « On
lance une section locale Isère d'Attac », il n'y aurait pas eu
Attac Isère. Donc ils ont bien parrainés. Sur Attac national, les
associations sont membres du Conseil d'administration mais elles n'y
participent pas ! Elles ne participent pas aux réunions parce que chacun
va dans sa propre association, leurs propres conseils d'administration. Ils
s'investissent dans les Conseils d'administration de leur association. Il n'y a
même pas de vote la plupart du temps dans le Conseil d'administration
national [...] Moi je suis contre l'adhésion d'autres associations.
Parce que une association a ses objectifs propres ! Ça ne veut pas
dire qu'on ne travaille pas avec celles qui ont des objectifs communs, il y a
des conseils d'administration qui discutent entre eux et au risque d'avoir des
contradictions avec ces associations là. Il y a des jours où on
risque d'avoir des contradictions avec le citoyen lambda et s'il y a une
position majoritaire et que quelqu'un ne la partage pas, il s'en va !
Luc : Moi j'étais prêt dès le
départ à donner un coup de main, dès la deuxième
réunion j'ai été voir les membres qui me semblaient actifs
et je leur ai dit que j'étais prêt à leur donner un coup de
main et ils m'ont proposé d'aider au conseil d'administration [...] A
l'époque, ils étaient très nombreux et les effectifs du
Conseil d'administration se sont réduits. On s'est retrouvé
à 7/8, car des gens ont abandonné [...] C'était, je pense
des gens qui avaient participé à la création du
comité. Ça devait être des gens venant des autres
associations membres fondatrices d'Attac. Parce que un Conseil d'administration
doit être créé par les membres fondateurs d'Attac. Ils ont
décidé de lancer ça et puis petit à petit ils sont
partis.
Julie : Car de toute façon chaque individu
adhère à plusieurs associations et il est le résultat de
tout ça, c'est-à-dire de toutes ces adhésions et de ses
réflexions. Attac fait partie d'une association qui permet de
réfléchir, de se positionner.
Ces divergences d'appréciation au sein du comité
local ont provoqué récemment des débats347(*), à l'occasion de la
participation du comité isérois au lancement d'une association.
Le C.ADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde) est un
réseau d'associations qui milite sur la question des
inégalités entre le Nord et le Sud mais qui a
considérablement élargi son champ de revendications348(*). Le C.ADTM soutient, entre
autres, l'idée d'une taxation des transactions financières. Son
président, Eric Toussaint, est par ailleurs, membre du Conseil
scientifique d'Attac et journaliste au Monde diplomatique. Un groupe
du C.ADTM a récemment été créé sur Grenoble.
Les membres du comité isérois ont accepté de prendre part
à son lancement car ils ont estimé que les deux associations
présentent des similitudes d'objectifs. En effet, l'annulation de la
dette du tiers-monde est une des principales revendications d'Attac et le
comité dispose d'un groupe de réflexion qui est consacré
à ce thème. Attac a participé au lancement du C.ADTM, en
coordination avec le Centre d'information inter-peuples (CIIP). Toutefois, deux
difficultés sont apparues. En premier lieu, il n'y a pour l'instant que
des associations qui peuvent adhérer au C.ADTM et, d'autre part,
certains membres du comité voudraient qu'Attac Isère
adhère. Le président du comité local, Luc, se positionne
parmi ceux qui refusent cette adhésion. La participation au lancement
était, selon lui, conditionné au retrait de l'association. Il ne
s'agit donc pas d'adhérer, en tant qu'association, au C.ADTM. Ce que Luc
souhaite établir, c'est une coordination et une coopération des
deux associations sur un thème commun.
Luc : Lors du précédent conseil
d'administration, on a parlé du C.ADTM où il y a une
ambiguïté. On a participé au lancement d'une section sur
Grenoble pour le comité d'annulation de la dette du tiers-monde, on a
parrainé la première réunion avec le centre inter peuple.
Moi, j'y allais avec l'esprit de dire qu'on est là pour lancer une
section du C.ADTM mais on n'est pas là pour s'occuper d'une section du
C.ADTM. On est là, s'il y a des gens qui sont volontaires mais si
personne n'est volontaire on ne le fait pas. Et par rapport à ça
actuellement, ils ne sont pas clair du tout, parce que dans leur comité
d'annulation de la dette du tiers-monde, il n'y a pour le moment que des ces
associations qui adhèrent, donc des gens qui sont déjà
dans le milieu associatif. Nous, on a lancé un groupe C.ADTM afin
d'engager un thème de recherche sur la dette du tiers-monde et moi
ça m'a paru clair de dire que les gens de ce groupe, s'il participent au
C.ADTM, ils décident de ce qu'ils font par rapport à lui mais la
discussion qui a eu lieu, c'était les gens qui disaient « il faut
qu'on adhère au C.ADTM en tant qu'Attac Isère », il y a des
gens qui disaient dont moi « non, on adhère pas au C.ADTM ! ».
Si nécessaire, on peut aller sur des actions sur le thème de la
dette, si le groupe de la dette décide de participer avec eux il le
décide mais on adhère pas en tant qu'association, on travaille
avec eux. Parce qu'il y a que des associations qui adhèrent et il n'y a
pas d'individus. Qu'est-ce que ça recouvre ?
Les années quatre-vingt-dix ont été
marquées par une vague de conflits sociaux. Il s'avère qu'ils ont
eu peu de conséquences sur l'engagement des militants isérois. En
effet, seuls les militants déjà insérés dans des
organisations ont eu une participation active à ces
évènements. En revanche, ils ont amorcé un changement dans
la forme des mobilisations. La structure du réseau s'est
généralisé. Ce phénomène s'est
accentué lors des mobilisations
« anti-mondialistes ». Les contre-sommets regroupent un
nombre d'acteurs relativement restreint qui ont établi des liens au fil
des mobilisations. Attac a une double spécificité. L'association
est née de ses réseaux. Mais d'autre part, elle souhaite
regrouper et fédérer les organisations anti-mondialistes. C'est
ainsi que des réseaux se sont renforcés entre les syndicats et
les associations. Toutefois, cette configuration qui a été
établie au niveau national est beaucoup moins présente au niveau
local. Comment rendre compte de cette différence ? Il semblerait
que les militants du comité soient plus réfractaires à la
participation des personnes morales dans Attac. L'enthousiasme des dirigeants
nationaux pour le réseau n'est pas de mise au sein du comité
isérois. Beaucoup de militants sont des déçus de
l'engagement syndical. Ils sont également assez hostiles
vis-à-vis des partis politiques. Ces deux caractéristiques
expliquent que les militants isérois témoignent une certaine
méfiance. Ils craignent une tentative de
récupération politique.
Toutefois, les militants isérois semblent aller, une
fois de plus, à l'encontre des évolutions que connaît le
militantisme. Le nouveau mode de participation qu'esquissent Martine
Barthélémy et Jacques Ion suppose une conception individuelle de
l'adhésion. C'est effectivement la représentation des militants.
En revanche, elle ne s'accompagne pas d'une transitivité des
adhésions. Très peu d'enquêtés multiplient les
appartenances349(*). Il
apparaît donc nécessaire de remettre en cause la nouveauté
par laquelle on qualifiait initialement les militants.
Le militantisme propre à Attac serait inscrit dans la
modernité. A l'inverse des engagements ponctuels et matériels, il
symboliserait le retour des engagements pour les « grandes
causes ». Le militant n'est plus entendu comme celui qui
« suit » passivement à l'image des grandes machines
syndicales et politiques qui ont provoque une crise de l'engagement à la
fin des années quatre-vingt. Désormais, l'Attacant serait un
militant qui allie réflexion et action. Pour cela, il opère un
intense travail de formation économique qui le rend apte à se
réapproprier un discours dont se sont longtemps emparés les
spécialistes. C'est en interrogeant ces hypothèses qu'il sera
possible de déterminer quel type de militance a lieu au sein d'Attac.
2.
Des nouveaux militants ?
L'analyse et la compréhension du militantisme des
Attacants nécessitent, en premier lieu, d'en expliquer les logiques; il
faut pour cela se situer dans une démarche compréhensive.
L'engagement politique est un processus complexe dont nous tâcherons de
Puis, dans un second temps, il sera possible d'examiner les pratiques
effectives d'action dont témoignent les militants isérois.
2.1
La compréhension de l'engagement
La compréhension de l'engagement politique n'est pas
considérée comme étant immédiate. Or, on a
longtemps représenté la participation politique comme une
attitude allant de soi. Comment expliquer un tel changement de
perception ? Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler, comme le
fait Pascal Perrineau, que les représentations ne sont pas neutres, il
en est de même pour celle de l'engagement politique350(*). C'est pourquoi il est
important d'en rappeler les grandes étapes historiques. Au sein de la
science politique, « de la fin du 18éme au milieu du
20éme, c'est une conception normative de l'engagement politique qui [a
été] dominante »351(*). Ainsi, comme le note Dominique Memmi352(*), l'idée de
participation politique353(*) était avant tout une représentation
normative, c'est-à-dire qui dictait à chaque membre de la
communauté politique un « devoir civique » qui apparaissait
comme une « obligation de participer ». Il s'agissait alors d'un
« impératif catégorique » démocratique
auquel devait se conformer chaque individu. Cette représentation
mettait, en droit, chaque citoyen sur un même pied
d'égalité et présupposait que la compétence
politique soit partagée par tous. A l'aide de la
généralisation des enquêtes statistiques, il est apparu
dans les années cinquante qu'au citoyen volontaire loué par la
science politique se substituait l'image d'un individu
« passif »354(*). Une seconde évolution décisive eu
lieu : les études empiriques ont mis en évidence que les
activités considérées comme politiques sont
pratiquées par une minorité d'individus et que certains individus
pratiquent plusieurs activités. Martine Barthélémy note
ainsi que « le cumul des appartenances et la concentration des
responsabilités ou des activités militantes aux mains d'une
minorité de citoyens sont une illustration du fossé entre le
réel et la norme, entre le possible et le
désirable »355(*). Les thèses élitistes tendent à
légitimer l'exclusion politique du plus grand nombre. En revanche,
l' « idéologie de la participation »356(*) a été mise
à mal par d'autres auteurs tels que Pierre Bourdieu. La
problématique de l'illusion démocratique, qu'il
a développée, contribue à renouveler la
compréhension de l'engagement357(*). Elle repose sur le paradigme de la domination. La
participation à un champ spécifique d'activité358(*) (économique,
journalistique, politique, sportif, etc.) présuppose la détention
d'un ensemble de compétences sociales et techniques. Or, la structure
inégalitaire de la distribution des ressources dans nos
sociétés implique la « dépossession »
de la majorité des individus et la « concentration des moyens
de production proprement politiques aux mains des
professionnels »359(*). Les dominés n'ont alors pas d'autre choix
que la « remise de soi » aux professionnels qui en assurent
la représentation. Le militantisme ne serait qu'un échelon
intermédiaire dans cette représentation faussée. Ainsi,
celui qui fait office de mandant sert avant tout ses intérêts
propres. Le champ politique serait un « microcosme » dont
les acteurs sont quasi-invariants360(*). L'engagement politique constituerait donc, selon
Bourdieu, une illusion.
Le grand mérite de la sociologie contemporaine est
d'avoir démystifié une logique d'engagement idéel qui
considérait la participation politique comme quelque chose de
naturel361(*). Le
démontage des rapports de force qui animent le champ a pour effet de
faire cesser la fausse transparence qui fait paraître naturelle la
division du travail social362(*). Qu'en est-il au sein d'Attac ? A quelles
logiques sociales répond l'engagement des militants ? Il s'agit ici
de dénaturaliser l'engagement citoyen en analysant ses logiques.
2.1.1 La figure des militants
L'approche qui a été développée
par Bourdieu considère le positionnement des individus au sein des
structures sociales. Cette démarche se fonde sur
l'hypothèse suivante : «L'engagement politique constitue la
manifestation de croyances, de représentations, de normes acquises par
socialisation, qui reflètent la position et la trajectoire des individus
dans l'espace social et/ou leur appartenance à des groupes
sociaux »363(*). Bourdieu caractérise l'espace social par une
double détermination : le champ et l'habitus. L'habitus est la
manière dont les structures sociales sont intériorisées
par l'acteur social. Bourdieu le définit comme un
« système de dispositions durables et
transposables »364(*).
Afin de pouvoir définir
l' « habitus » dans lequel les militants d'Attac
évoluent, il est nécessaire de connaître le volume global
des ressources sociales distinctives détenues par chaque agent et sa
répartition entre les différentes formes de capital365(*). Toutefois, ceci
n'étant pas l'objet principal de notre recherche nous nous limiterons
à la variable pour laquelle nous disposons du nombre d'information le
plus élevé : la catégorie socioprofessionnelle (PCS). Il
s'agit, dans une approche comparative, de mettre en relation les ressources
détenues par les militants au niveau national avec le groupe
d'enquêtés mais aussi avec d'autres ensembles de
référence366(*).
2.1.1.1 Une forte
catégorisation socioprofessionnelle
Afin d'être en mesure d'effectuer une analyse
suffisamment féconde, il semble préférable de
considérer les PCS au niveau le plus agrégé qui soit et de
ne considérer pour cela que les six catégories
principales367(*). Cette
méthode nous a permis de déceler certaines absences mais aussi la
sur-représentation de certaines catégories.
Tout d'abord, on observe qu'au niveau national, cinq
catégories sont peu ou pas représentées. Trois
catégories d'actifs sont absentes. Les
« Agriculteurs » représentent 1,4% des
adhérents et 0,5% des lecteurs du Monde diplomatique. Cette
faible représentation se confirme, par ailleurs, dans l'enquête
« Toulouse » puisque aucun agriculteur ne figure dans
l'échantillon368(*). Cette constatation doit être
relativisée. Les agriculteurs ne représentaient que 2,7% de la
population active (P.A) nationale en 1998. D'autre part, leur place dans la
population active des agglomérations de plus de 200.000 habitants
était encore plus restreinte puisqu'ils représentent 0,14% en
1999.
En revanche, l'absence des « Artisans,
commerçants et chefs d'entreprise » semble plus pertinente.
Ils représentent 3,9% des adhérents nationaux et 3% des lecteurs
du Monde diplomatique. Ils sont également absents de
l'échantillon de l'enquête « Toulouse ». Ils
sont relativement sous-représentés en comparaison de la P.A
nationale (6,5%). On peut expliquer cette sous-représentation, de
façon un peu schématique, en supposant que les registres de
militantisme auxquels se réfère Attac sont trop distincts de
cette catégorie.
Enfin, la troisième catégorie active absente de
la composition de l'association est celle des « Ouvriers ».
Tandis qu'ils représentent 27,4% de la P.A nationale, ils ne figurent
pas parmi les adhérents d'Attac369(*). Ils ne représentent d'ailleurs que 3% des
lecteurs du Monde diplomatique. On peut supposer que ce
différentiel extrêmement important est lié au niveau
culturel requis par la lecture du mensuel. Comme nous l'avions observé,
certains enquêtés reconnaissent éprouver beaucoup de
difficultés à comprendre les articles qui y sont publiés.
Ce niveau culturel élevé est peut-être, nous en faisons
l'hypothèse, ce qui rend compte de la faible place des
« Ouvriers » au sein de l'association. Cette explication
relève de la sociologie de la domination symbolique de Bourdieu.
Deux autres catégories, qui ne sont pas
comptabilisées dans la population active, sont
sous-représentés. Il s'agit, tout d'abord, des
« Etudiants et lycéens » (6,3% des adhérents
nationaux). Ce constat se vérifie également dans l'enquête
menée par Thomas Marty où les « Etudiants et
lycéens » représentent 6% de l'échantillon.
Cette sous-représentation est toutefois surprenante. Elle semble aller
à l'inverse de la représentation initiale de l'association. Attac
apparaît, au sein des médias et des publications officielles,
comme un vecteur de renouveau de l'engagement des plus jeunes. Des
comités sont d'ailleurs apparus au sein des universités comme
c'est le cas à Grenoble370(*). Afin de vérifier cette observation, il
semble nécessaire de porter notre attention aux tranches d'âge des
adhérents. Enfin, la catégorie des chômeurs est
également sous-représentée puisqu'elle occupe 5,7% de
l'ensemble des adhésions.
Parmi les adhérents de l'association, deux PCS sont
largement sur-représentées. Les « Cadres, professions
intellectuelles supérieures » (cpis), tout d'abord,
apparaissent comme étant la catégorie la plus présente
(49,7%). On peut y distinguer, comme le fait la direction nationale d'Attac,
les cadres et professions libérales (16,8%), les enseignants et les
chercheurs (15,7%), les professions intellectuelles supérieures (9,1%)
et les artistes (7,3%)371(*). Cette observation correspond également
à l'enquête « Toulouse » (58,7%). Parmi les
enquêtés, deux personnes appartiennent à cette
catégorie. François, qui est professeur de piano, est
rattaché aux « Professions de l'information des arts et des
spectacles », tandis que Fabien, qui exerce l'activité de
professeur d'université, est affilié aux « Professeurs,
professions scientifiques » (cpis 34). Par ailleurs, Luc, avant
d'être à la retraite, appartenait également à la
catégorie cpis puisqu'il bénéficiait du statut
d'ingénieur. Cette valeur est d'autant plus notable que la
catégorie cpis représente 12,3% de la P.A nationale.
D'autre part, la catégorie des « Professions
intermédiaires », est également
sur-représentée. 29,7% des adhérents sont rattachés
à cette PCS. On retrouve également cette importance dans
l'échantillon de l'enquête « Toulouse »
(34,8%). Quatre interviewés sont rattachés à cette
catégorie : Lionel (psychologue dans une association) et
Cécile (assistante sociale) appartiennent
aux « Professions intermédiaires de la santé et du
travail social » (pi 43). Laurent qui est instituteur est
affilié aux « Instituteurs et assimilés » (pi
42).
Ce que l'on ne peut manquer d'apercevoir, c'est que l'addition
des deux catégories précédentes avec celle des
« Employés » (représentés à
15,26% au sein de l'ensemble des adhérents) forme ce que l'on appelle
les « classes moyennes ». Cette représentation
figure comme l'une des principales problématiques de la sociologie. Elle
constituerait un paradigme explicatif permettant de rendre compte de
l'engagement politique depuis la fin des années cinquante372(*). Le terme de
« classes moyennes » illustre la tentative d'agréger
sous une même unité un ensemble d'acteurs distincts373(*). Malgré les
polémiques qui existent sur la validité de ce concept, la somme
de ces trois catégories socioprofessionnelles représente une
donnée suffisamment importante (94,66% au niveau des adhérents
nationaux, 65%de l'échantillon de l'enquête
« Toulouse », les deux tiers des enquêtés)
pour qu'on ne puisse l'occulter. Que représente cette
sur-représentation des classes moyennes au sein d'Attac ?
Document 1: Structures
socioprofessionnelles comparées
Tableau 1 : Comparaison par PCS
PCS (1)
|
Ag
|
Acce
|
Cpis
|
Pi
|
Emp
|
Ouv
|
Total
|
EchantillonAttac
|
0
|
0
|
58.7 %
|
34.8 %
|
0 %
|
6.5 %
|
100
|
Attac. nat
|
1,4%
|
3,9 %
|
49,7%
|
29,7%
|
15,26%
|
?
|
100
|
P.A (1998) nationale(2)
|
2,7 %
|
6.5 %
|
12.3 %
|
20 %
|
29.8 %
|
27.4 %
|
100
|
P.A (1990) nationale(3)
|
4%
|
7.2 %
|
10.7 %
|
18.6 %
|
27.4 %
|
30.1 %
|
100
|
P.A (1999)
>200.000 hbts(4)
|
0.14 %
|
5.5 %
|
16.8 %
|
23.7 %
|
30.9 %
|
22.2 %
|
100
|
Lecteurs Monde diplo (5)
|
0.5 %
|
3 %
|
40 %
|
18.5 %
|
9 %
|
3 %
|
100
|
Remarque : P.A = population active.
1 : les PCS (Professions et catégories
socioprofessionnelles ) sont agrégées en 6 postes principaux dont
les 6 abréviations signifient : Ag (Agriculteurs), Acce (Artisans,
commerçants et chefs d'entreprise), Cpis (Cadres et professions
intellectuelles supérieures), Pi (professions intermédiaires),
Emp (Employés), Ouv (Ouvriers).
2 : Insee, Données sociales 1999, Insee
statistique publique, 1999, p. 148 (à partir de l'enquête emploi
de 1998).
3 : Serge, Stratification et transformations
sociales (La société française en mutation), Nathan,
Paris, 1993, p. 68 (à partir du recensement de 1990).
4 : Insee Résultats n°662/663 série
Emploi-Revenus n°153/154, Juillet 1999, Enquête sur l'emploi de
Janvier 1999 (Résultats détaillés), p. 134.
5 : « Qui sont les lecteurs du Monde
diplomatique », Le Monde Diplomatique n°535, Octobre
1998, pp. 14/15.
Tableau 2 :
Variations quantitatives des PCS dans le temps et dans l'espace
|
Ag
|
Acce
|
Cpis
|
Pi
|
Emp
|
Ouv
|
Variations P.A 98/90 (1)
|
- 32.5%
|
- 9.7%
|
+ 15%
|
+ 7.5%
|
+ 8.8%
|
- 9%
|
Variations P.A >200000hbts/ P.A 98. (2)
|
- 94.8%
|
- 15.4%
|
+ 36.6%
|
+18.5%
|
+ 3.7%
|
- 19%
|
1 : Variation dans le temps en % de chaque PCS entre la
population active de 1990 et celle de 1998.
2 : Variation dans l'espace en % de chaque PCS entre la
population active nationale de 1998 et la population active des unités
urbaines de plus de 200000 habitants.
Source : Marty (Thomas),
Sociologie de l'association Attac Toulouse : Des positions sociales aux
prises de position cognitives. Etude sociologique par questionnaire et
observation directe, mémoire pour le diplôme de l'IEP de
Toulouse, Conte (Claire) sous la responsabilité de, 1999/2000, p. 53.
2.1.1.2 La
prédominance des classes moyennes
Alain Touraine est le sociologue qui a placé
la classe moyenne, en tant qu'acteur, au centre du processus
de changement social374(*). La notion de conflit, comme nous l'avons vu, est
essentielle à sa sociologie. Toutefois, l'objet de ce conflit n'est pas
l'accaparement des moyens de production, contrairement à la perspective
marxiste, mais l'historicité. Tel est l'enjeu des rapports de
classes375(*). La
société industrielle se fondait sur le rôle occupé
par la classe ouvrière. L'avènement de la société
post-industrielle a engendré une toute autre configuration. En effet,
l'émergence de catégories moyennes mieux diplômées,
mieux représentées a bouleversé les conflits sociaux. Les
valeurs défendues par les mouvements sociaux ne sont plus celles qui
étaient défendues par le mouvement ouvrier, à savoir
l'élévation du niveau de vie. A ces valeurs se sont
substituée la défense de la nature, la recherche de
l'épanouissement personnel, l'accès au savoir, et plus
récemment, l'affirmation de nouveaux droits sociaux. La
modernité, selon Touraine, se caractériserait par la
séparation des ordres économiques, politiques, social et
culturel. Dès lors, la participation aux conflits sociaux
s'effectuerait, avant tout, au sein des catégories sociales moyennes
tandis que les catégories sociales les plus menacées en seraient
exclues. Le clivage ne se situerait plus entre le « haut »
et le « bas » de la société, mais entre ceux
du « dedans » et ceux du
« dehors »376(*).
Cette théorie possède une forte valeur
heuristique afin d'expliciter l'engagement au sein d'Attac. Tout d'abord,
l'absence d'ouvriers ne s'expliquerait pas seulement par un déficit de
capital culturel et scolaire, comme nous l'avons postuler dans la perspective
de Bourdieu, mais également par la dissemblance entre les valeurs
représentées par Attac et celles auxquelles s'identifient les
catégories issues de la période industrielle. Le décalage
entre les revendications portées par l'association et les valeurs
« industrielles » rendrait impossible la participation de
certains acteurs. Un mouvement tel qu'Attac rendrait visible cette coupure dont
parle Touraine, entre les in et les out. De plus, la
sur-représentation des « Cadres, professions intellectuelles
supérieures » et des « Professions
intermédiaires » traduirait une meilleure
représentation des valeurs des classes moyennes au sein de
l'association.
En revanche, Martine Barthélémy rend compte de
la sur-représentation des classes moyennes au sein des associations
à l'aide de la notion de mobilité sociale. Par
exemple, selon elle, les professions intermédiaires qui sont en
situation de mobilité sociale ascendante377(*), c'est-à-dire qui
proviennent d'une catégorie sociale considérée comme
inférieure, témoignent d'un « désir de
reconnaissance social » qui se traduit par un engagement
politique378(*). Louis
Chauvel considère que « l'aspiration vers le haut »
est un concept clef dans l'analyse des évolutions de la structure
sociale en France »379(*).
La notion de mobilité sociale rendrait également
compte du faible engagement politique des employés. Les employés
sont d'ailleurs très sous-représentés au sein des
adhérents d'Attac. Alors qu'ils représentent 15,26% des
adhérents nationaux et 9% des lecteurs du Monde diplomatique,
ils représentent 27,4% de la P.A nationale. La catégorie des
employés a connu une forte progression depuis les années
cinquante. Toutefois, leur place dans la P.A s'est stabilisée depuis le
début des années quatre-vingts380(*). A l'inverse, la progression des autres composantes
des classes moyennes s'est faite de façon plus linéaire. Louis
Chauvel émet alors l'hypothèse que la progression
proportionnellement moins forte des employés traduit leur
déclassement social. Celui ci serait du à une
élévation des niveaux de formation requis381(*). Le déclassement
social rapprocherait, de plus en plus, les employés des ouvriers rompant
ainsi avec « l'hypothèse selon laquelle la tertiarisation
implique mécaniquement une mobilité ascendante382(*).
L'homogénéité avec les autres catégories composant
les classes moyennes n'est donc que relative. Les similitudes de capital
économique ne signifient pas, comme le rappelle Thomas Marty, une
équivalence de capital culturel383(*).
2.1.2 Les catégories
socio-démographiques
2.1.2.1 Le genre et
l'âge des Attacants
En premier lieu, on peut constater une forte présence
des hommes au sein d'Attac (60%). La sociologie politique a déjà
montré que le sexe est une variable lourde dans la compréhension
de la participation politique. Toutefois, comme le rappelle Matéi Dogane
et Jacques Narbonne, on ne peut pas pour autant parler de comportement
politique qui serait spécifique aux femmes ou aux hommes384(*). C'est davantage le contexte
psycho-social propre à chaque sexe qui intervient. La différence
de statut social, la place inégale dans le rapport au travail, et la
division sexuelle des tâches au sein de l'espace social rendent compte de
cette différence385(*).
Toutefois, il semblerait au premier abord que cette
différence ne s'observe pas au sein des militants isérois. Il a
été possible de remarquer lors des réunions publiques que
le nombre de femmes et le nombre d'hommes étaient souvent
équivalents. Il était même assez fréquent que les
femmes soient mieux représentées que les hommes. La
« parité » est également respectée au
sein du C.A puisque neuf hommes et dix femmes sont présents. Cela
témoigne d'une volonté des militants isérois de respecter
l'équilibre. La parité constitue un objectif revendiqué
par les militants. En revanche, parmi les 33 responsables de groupes
thématiques, les femmes sont sous-représentées avec
seulement douze postes. Cela traduit plus réellement la division
sexuelle des tâches au sein du comité isérois.
L'égale présence des femmes et des hommes lors des
réunions ne traduit pas pour autant une égalité de la
participation. En effet, plus des trois quarts des prises de parole sont
effectuées par des hommes. De plus, deux types de prise de parole
semblent pouvoir être distingués. Les prises de parole
effectuées par les hommes semblent être dotées d'une
propriété beaucoup plus décisionnelle que celles qui sont
effectuées par les femmes. Ces observations restent bien sûr au
rang d'hypothèses car elles demanderaient à être
confirmées par un plus grand nombre d'observations. La distribution
hommes/femmes nous a semblé suffisamment inégale pour qu'il soit
important d'en parler.
La répartition des militants en terme de classe
d'âge apparaît en revanche très homogène386(*). Les plus de soixante ans
représentent 15% des adhérents nationaux387(*). Ce chiffre traduit une
bonne représentation de cette classe d'âge qui occupe 26,9% de la
population active mais dont la participation politique militante est
ordinairement faible. Les observations qu'il a été possible de
réaliser à l'occasion de l'A.G de St Brieuc en octobre 2000,
où les plus de soixante ans étaient très présents,
permet de supposer que la participation à la vie associative leur permet
d'établir un lien social388(*). Il est difficile, en raison des statistiques
à notre disposition, d'évaluer précisément la
représentation des jeunes au sein d'Attac389(*). Les 18-30 ans
représentent 60% des adhérents nationaux. Ils représentent
également 19,4% de l'échantillon de l'enquête
« Toulouse ».
La classe d'âge la mieux représentée au
sein des adhérents nationaux est celle des 30-60 ans (69%). Parmi
ceux-ci, il semblerait selon l'étude réalisée par Thomas
Marty que les 30-40 ans (36,3% de l'échantillon Toulouse) soient
légèrement sous-représentés par rapport à la
population active nationale (43%). En revanche le groupe des 40-60 (56,2% de
l'échantillon « Toulouse ») serait
sur-représenté en comparaison avec l'ensemble de la PA nationale
(49,9%). Afin de rendre compte de cette observation, il est possible
d'invoquer, comme le fait Thomas Marty, la notion de cohorte qui se
définit comme « l'ensemble des individus [qui] rencontrent
à la même époque un événement
donné »390(*). Nous lui préférerons le terme de
« génération » qui relève plus d'une
approche historique que démographique. Cette démarche a le
mérite de mettre l'accent sur l'influence d'un événement
sur une classe d'âge déterminée391(*).
2.1.2.2 Une
génération 68 ?
Parmi les principaux événements structurant la
vie politique française, mai 68 semble particulièrement pertinent
pour comprendre l'engagement au sein d'Attac. Plusieurs analogies semblent
témoigner d'une proximité entre les deux
« évènements ». Tout d'abord, comme le
rappelle Jean-Pierre Le Goff, mai 68 était avant tout l'oeuvre des
classes moyennes392(*).
Or comme on l'a déjà noté, les classes moyennes
bénéficient également d'une forte représentation au
sein de l'associati&on. D'autre part, dans Attac, la
référence au thème de l'utopie semble renvoyer à
mai 68393(*). Ainsi,
certains slogans d'Attac proches de ceux de mai 68394(*) témoigne d'une
« philosophie » semblable. Enfin, suite à mai 68, le
courant de l'écologie politique s'est développé avec
lequel Attac semble avoir plusieurs points communs395(*). Thomas Marty a d'ailleurs
remarqué que beaucoup de militants du comité Toulouse se
déclarent proche de l'écologie politique396(*).
Il semblerait que certaines correspondances existent entre
Attac et mai 68. Peut-on en conclure pour autant que l'engagement au sein
d'Attac soit lié à la participation à mai 68 ? Selon
l'étude de Thomas Marty, il est possible de noter la présence de
nombreux « soixante-huitards » parmi les militants du
comité Toulouse. 39,4% des personnes interrogées déclarent
y avoir participé397(*). De plus, parmi les personnes ayant assistées
aux événements de mai 68, 72,5% déclarent y avoir
participé de façon « active ». Toutefois, au
delà de cette correspondance générationnelle, est-il
possible d'en déduire un lien de cause à effet entre l'engagement
au sein d'Attac et la participation à mai 68 ?
Pour cela, il est possible d'analyser les
représentations que les enquêtés ont de mai 68. Parmi les
cinq enquêtés qui ont « vécu » mai 68,
quatre ont participé directement aux événements398(*). Pour Luc et Julie, mai 68
semble avoir représenté un événement assez
important. Julie qualifie mai 68 de « réveil » qui
l'a amené à « descendre dans la rue ». Cet
événement a d'ailleurs eu plusieurs répercussions dans la
vie de Julie, puisque suite à mai 68 Julie a fait le choix de militer
dans des comités de quartiers et dans une « organisation
progressiste » catholique. D'autre part, la remise en cause des modes
éducatifs traditionnels l'a incité à inscrire ses enfants
dans des écoles « alternatives » fondées sur
la méthode « Freinet »399(*). On peut par ailleurs noter
que la représentation de mai 68 de Julie semble s'accorder avec son
engagement à Attac. En effet, elle évoque au sujet de l'AMI un
« déclic » qui l'a amené à
militer400(*). Mai 68
semble également représenter un événement important
pour Luc. Sa participation à mai 68 s'est essentiellement située
au niveau de son entreprise. Il s'agissait, selon lui, d'une réflexion
sur la réorganisation du travail et sur la place du salarié dans
l'entreprise. Enfin, Luc évoque avec nostalgie un « respect
humaniste » qui existait alors au sein des entreprises. En revanche,
il semblerait que mai 68 n'ait pas représenté quelque chose de
fondamental pour Fabien. Il qualifie cet événement de
« bouffée d'oxygène ». Il adopte d'ailleurs
une position assez critique vis-à-vis des manifestants. Toutefois, il
apparaît que cette représentation coïncide avec celle de son
engagement au sein d'Attac. Fabien définit son adhésion comme une
« sympathie » pour l'association qui lui procure
également une « bouffée d'oxygène ».
Cette similitude des termes employés par Fabien pour qualifier d'une
part sa participation à mai 68 et d'autre part son adhésion
à Attac traduit peut-être l'existence d'un lien entre les deux
faits. Il est probable qu'il existe une relation entre l'engagement des
enquêtés et leur participation à mai 68. Toutefois, il est
difficile d'évaluer son importance. Un échantillon plus large
permettrait d'analyser précisément la nature de ce rapport.
Julie : J'ai participé à mai 68, enfin
disons que mai 68 a été... J'avais déjà trois
enfants et je me suis réveillé en me disant le monde ne doit pas
bouger sans moi je suis descendue dans la rue. Mai 68 a sûrement eu un
impact important sur ce que nous étions, je dis bien ce que nous
étions mon mari et moi et nos enfants puisque nous les avons mis
à l'école nouvelle, c'est-à-dire tout ce qui
étaient les grandes idées en mai 68. C'était
l'éducation un petit peu particulière et elle remettait au
goût du jour tout ce qui était Freinet... Avec soi-disant une
prise en compte très importante de la personnalité de chaque
enfant. À la fois il y ait eu des efforts mais ceci dit nos enfants ont
fait le primaire et après ils se sont retrouvés dans le
secondaire très traditionnel et ça a été
très dur, et c'est pour ça que je dis soi-disant car comme il n'y
avait pas de continuité dans le secondaire, il y a eu une confrontation
assez forte avec une pédagogie très ouverte et puis tout ce qui
est traditionnel. Ça été très difficile. Alors pour
mai 68 on a manifesté, mon mari et moi on a été
très parti prenante et ça nous amener à militer... Enfin
militer, c'est beaucoup dire, on faisait partie de groupes de quartiers et puis
nous étions des militants catholiques chrétiens et ça nous
a amené à militer dans certaines organisations progressistes et
ça nous a amené à rompre complètement avec
l'église et maintenant nous sommes sans religion, athées [...]
J'ai eu l'impression que le monde bougeait sans moi et ça c'était
insupportable ! Il y avait quelque chose de phénoménal qui se
passait et je n'allais pas rater ça !
Luc : Moi en 1968, j'ai fait des piquets de grève,
sans être syndiqué. La CFDT m'a plus ou moins demandé, dans
la mesure où ils sentaient que j'étais partie prenante d'un
certain nombre de choses, j'ai été très bien vu à
la CFDT mais je n'ai pas adhéré, je travaillais à Paris
chez Marcel Dassault. Il devait y avoir la CFDT et la CGT. Reste la
grève en 1968 et à la fin Dassault a donné une prime
à tout monde, on a pas eu à se battre pour nos salaires. Il a
donné une prime supplémentaire. Parce que c'était une
période qui n'était pas la période de maintenant. C'est
une période riche et il ne voulait pas se mettre les syndicats à
dos. En mai 68 on avait des réunions pour dire comment on peut
travailler, on avait des réunions avec la direction pour dire ce qui ne
va pas, comment on peut améliorer les choses. Il y avait le respect
humaniste dans les entreprises à l'époque, les patrons
étaient des patrons humanistes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui
[...]
F.E : Et mai 68, qu'est-ce que ça
représentait pour vous ?
Luc : Ça représentait une frustration de ne pas
pouvoir s'exprimer, d'être pieds et poing liés entre les mains de
plein de gens qui décidaient de plein de choses pour nous, avec lesquels
on n'était pas forcément d'accord et avec lesquels on ne pouvait
pas discuter.
Fabien : En 1968 j'étais à Grenoble et des
événements de mai 68 étaient beaucoup plus
intéressant à l'Institut d'Études Politique, que dans les
facultés de droit ou de sciences économiques. J'ai regardé
là où ça me paraissait le plus intéressant et je
suis venu suivre ça ici [l'Institut d'Études Politique de
Grenoble]. J'ai participé à une manifestation [...] Au
début j'étais assez favorable à certain nombre de choses,
car on avait quand même un besoin d'un peu d'oxygène. Et puis
ensuite j'ai trouvé que ça prenait des proportions un peu
languissantes. Je suis resté au niveau des troupes, des fantassins qu'on
ne pouvait pas envoyer non plus à n'importe quel combat
immédiatement. J'ai dû participer à deux manifestations
[...] Il y avait un petit aspect psychodramatique qui m'agaçait, mais
d'un autre côté je trouvais que c'était pas mal d'essayer
de remettre en cause un certain nombre de choses et de torpeur. De ce point de
vue, c'était un mouvement qui m'était relativement sympathique
[...] Les slogans étaient beaucoup plus farfelus que ceux d'Attac [...]
Moi j'ai pris ça comme une bouffée d'oxygène, ça
été un mouvement d'espoir. On a cru pendant un moment, qu'on
pourrait se révolter contre une certaine médiocrité. On
est toujours un peu entouré de médiocrité. Vous n'avez pas
cette impression-là, de temps en temps ? Vous n'avez pas l'impression
d'étouffer parfois ? [...] Ça a été l'occasion de
manifester... Je ne dirais pas un certain mécontentement mais
plutôt dire qu'on existe [...] Il y avait un plaisir pas malsain mais un
petit peu espiègle. Le plaisir de s'apercevoir qu'on pouvait faire
bouger l'ordre établi. Je me rappelle il y en avait qui disaient «
La bourgeoisie tremblotante ! », il y en avait qui aimaient faire
peur. Il y a des gens qui avaient peur. Il y avait un sentiment de peur, et les
jeunes dans la mesure où ils sentaient qu'ils propageaient un certain
mouvement de peur, il y avait un certain aspect ludique [...] Après dans
toutes les sphères où il y avait du mécontentement, les
gens se sont exprimés [...] C'était un peu la mode d'être
mécontent. Alors qu'auparavant on le supportait plus ou moins. Il est
devenu normal d'exprimer son mécontentement. J'ai vu tout ça
comme une manière de s'exprimer.
F.E : Et pourquoi avoir décidé
d'adhérer à Attac après tant d'années de "sommeil"
militant ?
Fabien : Pour moi, ça a été une
bouffée d'oxygène ! Il y a quand même une pensée
unique assez forte, même en économie. Même si elle est moins
forte qu'il y a quelques années. Il y a également un certain
fatalisme. Et avec Attac, j'ai trouvé quelque chose d'un peu
rafraîchissant et puis aussi, parce que comme vous l'avez dit tout
à l'heure, un autre monde est possible. En tous cas, une autre vision du
monde, une autre conception du monde est possible. Il ne faut pas
exagérer, ce n'est pas dire qu'on va changer la vie, et encore moins
l'homme. Mais s'affranchir un tout petit peu d'une certaine forme de tyrannie
économique.
F.E : C'est étrange, à propos de mai 68,
vous avez utilisé la même expression qu'à propos d'Attac,
vous avez parlé d'une bouffée d'oxygène...
Fabien : [...] Ce que j'appelle bouffées
d'oxygène, ce sont certains modes de pensées qui sont un peu
nouveaux. Quelque chose d'un peu innovateur au niveau de la pensée,
cette contestation m'a paru plus raisonnable, plus réfléchie et
plus conforme à ce que je pense. Le plan Juppé je ne peux pas le
mettre là-dedans car je ne suis pas d'accord. Mais les contestations
comme celle du parti communiste, ce n'est pas quelque chose qui me branche
beaucoup. Je pense qu'il y a beaucoup d'automatismes, beaucoup de
réflexes conditionnés. Au point de vue d'Attac, je pense que
c'est un peu nouveau. J'utilise le terme « oxygène », quand je
vois quelque chose qui est à contre-courant. À contre-courant...
J'allais dire au bon sens du terme... À contre-courant mais de
manière réfléchie, pas de manière
épidermique.
Document 2: Structures
générationnelles comparées
Tableau 3 :
Structures générationnelles comparées avec la population
nationale dans son ensemble
Tranche d'âge
|
20/25 ans
|
25/60 ans
|
+ de 60 ans
|
Total (%)
|
Echantillon Attac
|
6 %
|
76 %
|
17.9 %
|
100
|
Attac Nat
|
16% (18-30 ans)
|
69% (30-60 ans)
|
15%
|
100
|
Population nationale
|
11 % (1)
|
62 %
|
26,9 %
|
100
|
1 : Afin de pouvoir différencier la
catégorie 20/25 (qui mélange les - de 25 ans (a) et les - de 20
ans (b) ) nous avons utiliser deux sources distinctes pour recouper les deux
tranches d'âge :
-a : Insee, La France et des régions,
édition 1997, Insee publication, 1998.
-b : Insee, Données sociales 1999, Insee
statistique publique, 1999.
Le reste des données provient exclusivement de
l'édition 99 des « Données sociales ».
Nous avons soustrait de ces données les informations relatives aux - de
20 ans. La population nationale en question s'entend donc comme étant
exclusivement comprise entre 20 et 60 ans et +.
Tableau 4 : Structures
générationnelles comparées avec la population active
nationale
Tranche d'âge
|
20/25 ans
|
25/40 ans
|
40/50 ans
|
50/60 ans
|
Total
|
Echantillon Attac (1)
|
7.3 %
|
36,3 %
|
38.2 %
|
18.2 %
|
100
|
Population active nationale (2)
|
7 %
|
43 %
|
30,1 %
|
19,8 %
|
100
|
1 : Nous avons soustrait de notre échantillon les
plus de 60 ans afin d'avoir des données plus cohérentes avec
celles de l'Insee (Cf., note 2). Nous avons donc recalculer les
fréquences en conséquence.
2 : Insee Résultats n° 662/663, Série
Emploi -Revenus n°153/154 Juillet 1999, Enquête sur l'emploi de
janvier 1999 ( Résultats détaillés ), p. 57. Dans cette
nomenclature des âges de la population active, l'Insee inclut les + de 60
ans. Cependant, cette catégorie étant faiblement
représentée (2,3%), nous l'avons exclue afin d'obtenir un
système de variables plus cohérent. Les calculs de
proportionnalités ont été effectués en
conséquence.
Source : Marty (Thomas),
Sociologie de l'association Attac Toulouse : Des positions sociales aux
prises de position cognitives. Etude sociologique par questionnaire et
observation directe, mémoire pour le diplôme de l'IEP de
Toulouse, Conte (Claire) sous la responsabilité de, 1999/2000, p. 53.
L'approche sociographique a été mise à
profit afin de tracer les grandes lignes des déterminants sociaux qui
qualifient les militants. Elle a mis en évidence que l'engagement
politique répond à certaines logiques sociales structurelles.
D'autre part, l'étude des structures générationnelles a
permis de comprendre les raisons d'une homogénéité entre
militants, au sein du comité Attac Isère, et la coupure avec le
groupe « campus ». Toutefois, selon Eric Agrikoliansky, une
telle approche ne permet pas d'expliquer les raisons de cet
engagement401(*). Elle
ne parle en rien des logiques qui permettent de comprendre que les
investissements militants aient lieu dans telle organisation plutôt que
dans telle autre. Elle ne dévoile pas non plus les facteurs qui
expliqueraient que parmi les individus partageant des caractéristiques
communes, certains s'engagent alors que d'autres restent inactifs. La
principale limite du paradigme holiste serait la négation de l'individu
dont il prétend expliquer le comportement. Le principe individualiste
semble donc nécessaire. La compréhension des comportements
collectifs passe nécessairement par la prise en compte de l'engagement
individuel. L'individualisme méthodologique402(*), qui consiste à
réfuter l'autonomie des organisations, n'équivaut pas, selon
François Chazel, à un réductionnisme
psychologique403(*).
Dès lors, il n'est plus incompatible avec les approches structurelles et
holistes.
Afin de ne pas se limiter aux causes et de pouvoir rendre
intelligible les raisons du militantisme, il est nécessaire d'en
comprendre les ressorts individuels. Pour cela, le discours des militants peut
servir de point de départ. Martine Barthélémy remarque que
les mots utilisés par les militants sont des
« représentations symboliques » qui ont un impact
sur l'engagement404(*).
Toutefois, il faudra dépasser cette présentation de soi pour
tenter d'y voir ce qu'elle recouvre.
2.1.2 La nature de
l'engagement
« Une fois
parvenu à cette vérité, je découvre facilement la
source des vertus humaines; je vois que, sans la sensibilité à la
douleur et au plaisir physique, les hommes, sans désirs sans passions,
également indifférents à tout, n'eussent point connu
d'intérêt personne ; que sans intérêt personnel,
ils ne se fussent point rassemblés en société, n'eussent
point fait entre eux de conventions; qu'il n'y eût point eu
d'intérêt général, par conséquent point
d'actions justes ou injustes; et qu'ainsi la sensibilité physique et
l'intérêt personnel ont été les auteurs de toute
justice »
Helvétius, De
l'Esprit, Livre III
2.1.2.1 La
référence à la citoyenneté
La rhétorique de l'engagement au sein d'Attac est, tout
d'abord, celle de la citoyenneté. L'association se présente
à travers son nom comme un mouvement tourné vers «l'aide aux
citoyens ». Les dirigeants de l'association réutilisent
régulièrement ce terme au sein de leurs discours. Il est
nécessaire de relativiser la place qu'accordent les
enquêtés à ce thème. Le terme de citoyenneté
apparaît peu fréquemment. Toutefois, la répétition
du terme n'est pas présente de façon égale entre les
entretiens405(*). Un
critère de distinction entre eux serait arbitraire. Parmi ceux qui s'y
réfèrent le plus souvent figure un militant
« professionnel » tel que Bernard, ou encore une personne
non engagée comme Laurent. En revanche, parmi les représentations
liées à l'idée de citoyenneté, il est possible de
distinguer deux acceptions. En premier lieu, l'idée de
citoyenneté est utilisée par les enquêtés, au sujet
de l'économie. Ils opposent une économie
« marchande » à une économie
« citoyenne », qualifiée de plus humaine406(*). Mais surtout les
enquêtés se réfèrent à l'idée de
citoyenneté pour qualifier leur engagement. Par exemple, Laurent et Luc
désignent par ce terme un engagement politique non partisan,
c'est-à-dire qui se situerait en dehors du fonctionnement des partis
politiques. Thomas oppose également le discours politique à la
parole citoyenne. Enfin Julie emploie le terme de citoyenneté dans
l'idée de ré-appropriation.
Les enquêtés excluent de leur
représentation de la citoyenneté l'exercice des droits
politiques. Thomas est le seul enquêté à rattacher le vote
à la citoyenneté. Sophie Duchesne, au cours d'une enquête
sur la représentation de la citoyenneté, a pu observer que les
enquêtés « font très peu de place à la
politique au sens institutionnalisé [...] Pour la plupart des personnes
interrogées, tout se passe comme si l'engagement politique
n'était pas un acte de citoyen, comme si la politique était
presque illégitime dans le champ de la citoyenneté
»407(*). La
citoyenneté à laquelle se référent les
enquêtés aurait une signification spécifique. Martine
Barthélémy, qualifie cette représentation par le terme de
« citoyenneté associative » qu'elle distingue de la
« citoyenneté politique » 408(*). Tandis que la
citoyenneté politique au sens premier du terme serait en crise, la
citoyenneté associative ou encore la « citoyenneté
active » désignerait un ensemble de valeurs attribuées,
comme nous l'avons vu, au mouvement associatif409(*).
Laurent : Du coup tout en ayant une sorte de
volonté de m'impliquer en tant que citoyen, je ne l'ai jamais vraiment
fait car je n'ai pas envie de m'enfermer. Et là le mouvement Attac,
c'est cela avec quoi je suis rentré le plus en accord pour engager dans
une action. C'est un mouvement citoyen qui est porteur d'une perspective sur la
société et qui a des revendications pratiques, il ne cherche pas
non plus à prendre le pouvoir. C'est un mouvement d'influence, ce n'est
pas un lobby, c'est un mouvement d'idées et d'influence qui est assez
large [...] C'est une perspective [les mouvements citoyens] pour laquelle j'ai
de la sympathie, c'est un sentiment de s'investir en politique sans faire de la
politique au sens propre [...] La citoyenneté c'est quelque chose de
politique, Attac c'est un engagement de citoyen, de personne responsable.
Participer à la chose publique c'est faire de la politique. Pour moi
aussi de la politique au sens antique mais aussi moderne. Ce n'est pas un
mouvement politique au sens où il ne cherche pas à
conquérir le pouvoir mais c'est quand même de la politique, c'est
un mouvement qui a une perspective politique, c'est quelque chose de certain.
C'est une implication et un engagement politique.
Luc : Parce que, je pense que c'est mon avis et il est
partagé par les adhérents de Grenoble et j'en suis sûr,
c'est qu'Attac ne peut être qu'un mouvement de citoyens, je suis contre
l'adhésion des partis politiques.
Thomas : Il y a Vallini. On l'a jamais vu venir en nous
disant voilà je voudrais prendre la parole ou en disant, j'aimerais
qu'on mette à l'ordre du jour les questions à l'Assemblée
nationale. Pas besoin de faire des discours mais il suffit de se comporter en
simple citoyen et qu'il livre son information tel qu'il l'a reçu.
Julie : Pour moi ce qui intéressant c'est que
ça fait appel à chaque citoyen, je ne pense pas que ce soit le
propre d'Attac et au niveau d'Attac, il y a déjà des
phénomènes de pouvoir, de garder le pouvoir. On peut leur donner
le droit de parole mais c'est difficile au niveau d'Attac de jouer son
rôle de citoyen parce que je crois que c'est toujours difficile pour des
gens qui sont à la tête de quelque chose de conserver la
tête froide et de donner la place à chacun, c'est-à-dire
que c'est difficile de tenir du national un certain nombre de choses [...] La
place de l'individu et du citoyen qui veut aussi se re-approprier aussi au sein
de sa propre association une forme de pouvoir, puisque c'est quand même
l'objectif d'Attac, se réapproprier en tant que citoyen une forme de
pouvoir [...] ça m'intéresse beaucoup de voir comment elle
évolue et de voir ce qui se passe, comment elle va évoluer et
comment chacun des militants qui sont àAttac et qui sont venus Attac,
parce que c'était justement l'aboutissement d'un appel à
réveiller le citoyen qui est en chacun de nous, comment il va se
débrouiller et comment va faire vivre ça au sein de l'association
qui se réclame de cet objectif [...] Cette association est passée
par un biais particulier, elle a abordé le problème de la
mondialisation sous l'aspect du monde de la finance et l'autre aspect qui moi
me paraît primordiale c'est qu'elle a fait appel à la
ré-appropriation du monde par le citoyen et je pense que c'est quelque
chose d'important.
Thomas : En 95 j'ai du voter pour Arlette Laguiller et je
m'étais abstenu au deuxième tour. Enfin j'avais voté
blanc, moi je vais toujours voter blanc... Je vote... Je ne m'abstiens pas, je
vote... Mais je vote blanc. Parce que c'est un geste citoyen de voter blanc, tu
te déplaces mais simplement ça veut dire que ce que l'on peut
propose ne te satisfait pas et il y a une autre possibilité.
L'engagement associatif se distingue de la participation
citoyenne au sens de l'exercice des droits et devoirs conférés
à l'individu par la communauté politique. Le modèle auquel
se rattache l'Attacant ne serait il pas alors celui du militant humanitaire,
comme le Ligueur ou le militant ou d'Amnesty international, dont l'action
serait dépourvue d'intérêts. L'altruisme serait le principe
explicatif qui préside à l'engament du militant. Peut on,
dés lors, affirmer qu'Attac, tout comme les ONG humanitaires,
constituerait une entreprise morale ?
2.1.2.2 Une entreprise
morale ?
« Qu'est ce qui fait courir les
militants ? ». Plusieurs auteurs ont répondu à
cette question en affirmant que le militantisme serait, avant tout, une
« entreprise morale »410(*). Caroline Guillot a pu remarquer, au cours d'une
étude consacrée à la Ligue des Droits de l'Homme, que
c'était le cas pour le militantisme humanitaire411(*). Stanislas Varennes rend
également compte de l'engagement associatif, par la présence
d'une exigence morale412(*). Les militants seraient motivés par la
défense d'une cause à laquelle ils se consacreraient. Qu'en
est-il au sein d'Attac ? On peut à priori faire
crédit aux militants de cette même exigence morale. L'engagement
des adhérents semble être situé au plus loin de leurs
préoccupations personnelles. La lutte contre les
inégalités économiques, la revendication du plein emploi,
la lutte contre les désastres écologiques liés aux
intérêts financiers, le refus d'une marchandisation de
l'éducation; toutes ces revendications semblent manifester une
même exigence morale. La revendication de l'annulation de la dette des
pays du tiers-monde est emblématique de la dimension morale, si ce n'est
humanitaire, sur laquelle est fondée l'association413(*).
Pourtant dans l'analyse du discours des
enquêtés, le vocabulaire lié à
« l'humanitaire » apparaît très rarement. Peu
d'enquêtés évoquent, dans les motifs de leur engagement, un
but altruiste. François et Thomas sont les deux à se
référer durant l'entretien à certains buts
« humanitaires ». Les revendications portées par
Attac relèveraient selon Thomas de la « survie de
l'humanité ». Il met en avant la sincérité et le
désintéressement de son engagement. Toutefois ces deux
enquêtés sont caractérisés par deux
spécificités communes par rapport à l'ensemble des
interviewés. Tout d'abord, il s'agit de deux militants professionnels
qui ont déjà adhéré à la LCR414(*). Mais surtout, Thomas et
François ont des parcours biographiques spécifiques qui les ont
amenés à faire face à de fortes inégalités
économiques et sociales. Thomas est d'origine italienne. Ses parents
issus d'un milieu populaire, son père était tapissier peintre et
sa mère femme au foyer, ont immigré en France en 1959. Thomas a
poursuivi des études techniques en cours du soit jusqu'en 1978, date
à laquelle il a été embauché à l'usine
Nerpick où il travaille encore actuellement. François est
iranien, il a immigré en France avec ses parents en 1984.
François n'a pas connu personnellement la misère puisque son
père était professeur. Toutefois, il évoque le souvenir
d'un bidonville qui jouxtait son habitation. Ces deux enquêtés ont
été confrontés à une situation sociale plus
difficile, ils sont par conséquent plus sensibles aux problèmes
d'exclusion ou de pauvreté, ce qui pourrait expliquer leur discours
« humanitaire ».
Isabelle considère également que son engagement
à Attac relève de l'humanitaire. Selon elle, la
revendication de l'annulation de la dette des pays pauvres indique que
l'association participe au champ humanitaire. Toutefois, Lionel n'a pas la
même perception de son engagement. Son soutien à cette
revendication ne témoigne pas, selon lui, d'un
« altruisme » et il ne relève pas d'une
« dimension morale ». Il explique qu'il s'agit avant tout
pour lui de lutter contre l' « hypocrisie
environnante », qu'il attribue, selon nous, aux dirigeants politiques
mais aussi à l'ensemble de la société. Les autres
enquêtés n'évoquent pas au sujet de leur engagement
l'annulation de la dette. On peut supposer que cette revendication ne rencontre
pas chez eux un très grand écho. Cette hypothèse serait
confirmée par l'étude menée par Thomas Marty sur les
militants toulousains puisque parmi les « thèmes de
réflexion prioritaires d'Attac »,
l' « annulation de la dette des pays pauvres »
n'apparaît qu'en neuvième position (5,8%)415(*).
Comment rendre compte de cette disproportion entre
l'importance qu'accorde la direction nationale416(*) à cette revendication
et le faible rôle qu'elle occupe au niveau des adhérents ? On
peut se demander, comme le fait Stanislas Varennes au sujet du discours
humaniste des militants417(*), si les militants ont adhéré à
l'association parce qu'elle défendait cette revendication ou s'ils ont
intégré cette idée après avoir adhéré
à Attac ? On peut supposer que si cette idée est
défendue par l'association, c'est avant tout par une volonté des
dirigeants de l'inscrire comme une priorité du mouvement. En soutenant
l'annulation de la dette, dès la création d'Attac, les fondateurs
souhaitaient peut-être élargir la portée de l'association.
Snow a mis en évidence les processus par lesquels une organisation
développe une idéologie mobilisatrice. Selon
lui, une organisation peut chercher à étendre ses soutiens en
agrégeant à ses revendications des thèmes qu'elle
s'efforce alors de relier idéologiquement à sa
préoccupation initiale418(*). Le rattachement de l'annulation de la dette
à la revendication initiale d'Attac (la lutte contre les marchés
financiers) aurait permis de produire de nouvelles sympathies vis-à-vis
de l'association. L'adhésion à Attac ne relèverait donc
peut-être que faiblement d'un engagement moral. Cette conclusion
amène donc à s'interroger sur la nature des revendications
défendues par les militants. Les revendications peuvent-elles
s'identifier à la promotion de certaines valeurs, dans la continuation
des nouveaux mouvements sociaux ou, à l'inverse, se
résument-elles à la défense d'un ensemble
d'intérêts matériels et catégoriels ?
François : J'ai commencé par les
inégalités sociales par ces deux raisons, quand même,
fortes. C'est-à-dire aider des gens de l'humanité, du monde, qui
est autre, mais vraiment autre de ce qu'on vit au quotidien. Et je pense que je
retrouve ça dans mon engagement depuis dix ans, c'est un fil conducteur
[...] À côté de chez nous, il y avait un terrain vague et
ces terrains se sont transformés en bidonville et c'est ma
première expérience avec les inégalités sociales...
Ma première rencontre forte et au fur et à mesure ces
choses-là ont rejaillit plus tard... Vers mes quinze-seize ans,
ça commençait à me titiller un peu quand même...
Non, effectivement... Ce sont des images fortes... Devoir jouer au foot avec
des enfants qui n'ont même pas de souliers et leur écraser les
pieds. Ça commence comme ça... Avoir un voisin qui remplit la
piscine et celui d'à côté qui n'a pas d'eau potable...
C'est ça, les bidonville à côté d'un quartier
résidentiel. Donc ça, ça marque.
Thomas : Il y a des tas de gens qu'il faut...si Attac se
débrouillent bien... Il faut que ces gens-là se positionnent par
rapport à tous ces thèmes là et après le terrain
politique sera clarifié par rapport à toutes ces questions qui
sont des questions de l'ordre de la survie de l'humanité. On ne peut pas
aujourd'hui plaisanter avec les OGM, plaisanter avec le réchauffement de
la planète, plaisanter avec l'endettement du tiers-monde et ainsi de
suite... C'est... C'est vraiment de l'ordre de la survie de l'humanité
ou d'une partie de l'humanité [...] Moi mon combat il est ailleurs, je
n'en ai rien à foutre de devenir célèbre à
l'intérieur d'Attac. J'étais sincère et tout ça,
ça les a complètement désarçonnés parce
qu'ils avaient affaire à quel qu'un qui était
complètement... Je ne devais pas dire altruiste, il ne faut pas
déconner... Mais qui le fait pour faire avancer les choses, qui est pour
que l'humanité demain puisse voir de l'eau potable, respirer de l'air
respirable, se soigner et ainsi de suite. Moi c'est pour ça, je fais ce
que j'ai à faire.
Isabelle : Il y a le domaine humanitaire qui
m'intéressait un petit peu, j'ai fait des actions ponctuelles mais je
n'ai pas adhéré sur le long terme. J'ai fais un stage à
Handicap International, j'ai un peu été là-dedans,
ça m'a permis de voir comment ça fonctionnait. Mais je ne suis
pas encore très engagé. Attac ça m'a paru un bon
équilibre entre tout ce qui peut exister, car ça touche à
la fois au domaine économique et à la fois au domaine
humanitaire, parce que malgré tout le but aussi au départ
c'était d'annuler la dette des pays pauvres.
Lionel : Il y a des associations que je pourrais trouver
intéressantes comme Amnesty International ou la Ligue des Droits de
l'Homme mais jamais ça ne me serait venu à l'idée d'y
adhérer. Il y a un aspect humaniste et sentimental qui m'est
relativement étranger. La souffrance humaine bien sûr peut
m'émouvoir mais la souffrance humaine seule ne m'amènera pas
à militer parce que je pense qu'elle sera toujours là. On peut la
dénoncer et c'est important [...] Pour moi si je fais ça je ne
peux pas parler d'altruisme, effectivement il y a la dette du tiers-monde que
j'ai découvert à Attac. C'est l'aspect de la justice et de
l'hypocrisie sociale qui provoquent une révolte, c'est-à-dire le
fait de tenir un autre type de discours que le discours officiel, un autre
regard. Ce regard peut être considéré comme altruiste, pour
moi il n'y a pas de dimension morale. Il s'agit de dire les choses au plus
près de ce que je peux percevoir, en tous cas essayer de se
débarrasser d'une hypocrisie environnante qui m'insupporte. Oui je pense
que c'est l'hypocrisie surtout contre laquelle je lutte.
2.1.2.3 Des valeurs
post-matérialistes aux intérêts
catégoriels
Les nouveaux mouvements sociaux, selon Alain Touraine,
seraient des mouvements culturels. Ainsi, l'enjeu du conflit social ne se
situerait désormais plus dans la revendication de biens
matériels419(*).
Cette hypothèse se rapproche des positions formulées en 1977 par
Ronald Inglehart, spécialiste de l'analyse des changements culturels et
des valeurs, dans The silent Revolution420(*). Inglehart montre qu'une
fois ses besoins matériels immédiats satisfaits, l'homme tourne
ses préférences vers des besoins non matériels de nature
intellectuelle ou esthétique, nommées valeurs
post-matérialistes421(*). Cette évolution des valeurs, serait par
ailleurs renforcée par la modification des conditions d'existence
(hausse du niveau d'instruction, développement de la communication de
masse, absence de guerre dans le monde occidental depuis plus de trente ans,
passage d'une société de classe à une stratification
complexe, etc.). Il en résulterait une demande accrue de participation
aux processus de décision, une modification des enjeux « qui
proviennent plus de différences entre les styles de vie que de besoins
économiques »422(*) et enfin un refus des médiations classiques
avec le pouvoir (syndicats et partis politiques). Une analyse empirique lui a
permis en 1999 de confirmer sa thèse d'une évolution
axiologique423(*). Il
observe, tout d'abord, un passage des valeurs traditionnelles liées
à la religion aux valeurs rationnelles-légales et
séculières. Puis, il démontre un second passage des
valeurs de pénurie et de nécessité aux valeurs
d'auto-réalisation, d'expression et de bien-être.
L'idée d'une modification des valeurs rend compte de
plusieurs phénomènes dans l'engagement des enquêtés.
La valorisation de la participation associative et la dévalorisation des
formes d'engagement traditionnelles s'expliqueraient, selon la théorie
d'Inglehart, par l'accroissement de la population détenant une
compétence politique424(*). Qu'en est-il pour les
revendications défendues par les militants ?
Les enquêtés présentent leur engagement
comme la défense de certaines valeurs. Leur adhésion correspond,
comme l'explique François, à un refus du libéralisme
économique. La défense d'une économie plus humaine est
opposée à la logique libérale qui reposerait uniquement
sur l'accumulation de richesses et la recherche du profit. Cette
« nouvelle économie » nécessiterait un
renforcement du rôle qui est accordé au service publique.
Cécile affirme d'ailleurs que « Nous en tant qu'Attac, nous
défendons le service public ! ». Les enquêtés
légitiment cette promotion du service publique par l'attachement
à certaines valeurs telle que la solidarité. Ce constat est en
accord avec l'hypothèse d'Inglehart, selon laquelle les valeurs
post-matérialistes seraient devenues primordiales. Toutefois, il s'agit
de distinguer la « phraséologie » des militants,
pour paraphraser Marx425(*), de leurs intérêts véritables.
Peut-on rendre compte de l'engagement des enquêtés par leurs
seules préférences axiologiques ?
La défense du service public représente la
valorisation de certaines valeurs. Toutefois elle peut être
motivée par la défense d'intérêts matériels.
Le service public, c'est avant tout un ensemble de services matériels
qui sont fournis aux individus. Le caractère catégoriel de
l'engagement au sein d'Attac doit alors être souligné. La
sur-représentation des salariés de la fonction publique, et
notamment du corps enseignant, le lien entre les conflits de 1995 et la
création d'Attac peut laisser supposer que les revendications soutenues
par les militants s'apparentent à des intérêts de groupes
sociaux. La référence aux valeurs ne serait, dès lors,
qu'une rhétorique permettant de légitimer la défense
d'intérêts catégoriels. Cette hypothèse reste
fragile. En revanche, il est probable que l'engagement des
enquêtés soit lié à un ensemble de revendications
matérielles. Par exemple, la participation de l'association aux conflits
d'entreprise, la revendication en faveur du revenu d'existence expriment la
persistance de conflits sociaux déterminés par la recherche de
biens matériels. Le paradigme du post-matérialisme ne suffit pas
à rendre compte de cela.
François : Il faut replacer les images et voir ce
que ça implique, et on se rend compte que c'est assez grave ce qu'on
nous impose et que là où on veut nous mener, c'est une
régression de la civilisation, on pourrait dire. Ce que les gens
appellent le libéralisme, l'ultralibéralisme, tous ces termes qui
veulent dire à peu près la même chose. Bon, je pense qu'il
faudrait être peu plus rigoureux que ça, mais je pense que c'est
la face actuelle du capitalisme, c'est le même système qui
fonctionne comme ça aujourd'hui et c'est sa forme depuis les
années 70, donc... Voilà, c'est... C'est, cette
société là qu'on veut nous imposer.
Cécile : On arrive à tous les
problèmes de la négociation avec l'Organisation Mondiale du
Commerce qui a pour objectif la libéralisation complète de tout
ce qui peut se vendre et en particulier des services et les services c'est
l'éducation, c'est la santé, c'est l'eau et c'est
déjà bien entamé, l'électricité et c'est
déjà bien privatisé et ça n'est pas encore
complètement fait et donc on a l'impression d'être dans un service
public et bientôt il n'y aura plus de service public, c'est-à-dire
l'accès de tous à des services vitaux [...] Nous en tant
qu'Attac, nous défendons le service public. Il y a des services publics
qui ont besoin d'être réformé mais c'est cette notion que
c'est à minima donner à tous l'accès à des services
essentiels et que sa vie n'est pas question que ce soit privatisé.
Laurent : Et je pense qu'Attac est dans cette perspective
de refondation, mais il ne faut pas l'entendre au sens d'une révolution
[...] C'est une refondation à la fois économique et politique car
[...] il me semble qu'il y a une opposition forte en ce moment entre la
perspective libérale classique et la perspective européenne ou
social-démocrate, elles s'affrontent [...] Je pense que les services
publics sont très attaqués et en même temps ils ont besoin
d'être défendu mais ils ont aussi besoin d'être
refondé, on a tendance à dire qu'une fonction
libéralisée est plus efficace et ça c'est une perspective
typiquement de droite. C'était un discours très dominant. C'est
cette logique qui a présidé à la définition des
règles de l'économie qui existent ce moment, et l'Europe a
souvent été mise en minorité par rapport aux institutions
comme l'OMC. Il me semble que la perception européenne, qu'elle n'est
pas dominante, elle est minoritaire. Et même dans les pays
européens avait été remis en cause et l'Etat a
reculé, ce n'est pas forcément un mal. Je pense qu'Attac c'est
dans cette perspective qu'ils avancent, contre la perspective anglo-saxonne. La
logique libérale qui ne veut pas de contraintes et tout ce qui est
imposition est refusée. Bush a refusé les contraintes
environnementales qui visaient à renforcer le contrôle de l'Etat.
Il y a des lignes de fracture, le capitalisme contre le communisme, avant
c'était le fascisme contre la démocratie et en ce moment c'est
ça qui est à l'ordre du jour [...] Il y a des investissements
à long terme qui doivent être fait et il n'y a que l'Etat et les
structures publiques qui peuvent le faire [...] La plupart des revendications
qu'Attac défend ça s'inscrit dans cette perspective de plus de
régulation, plus d'État je ne suis pas sûr, je ne connais
pas assez mais il me semble que revendiquer une taxe sur les capitaux ça
va dans le sens de plus d'intervention publique. Même ceux qui sont dans
un discours ultra gauche sont pour l'intervention publique. Donc globalement
c'est un mouvement qui va dans ce sens-là, vers plus d'intervention
publique [...] Il me semble que la logique de fonds qui est en amont de la taxe
Tobin c'est la perspective du service public et de la régulation des
marchés. Une économie toujours libérale et toujours
capitaliste mais avec une option sociale-démocrate. C'est plus qu'un
ensemble de revendications c'est aussi une perspective qui va dans le sens de
plus d'intervention publique et après ça passe
nécessairement par les réformes très pragmatiques et
très concrètes.
Du
militantisme humanitaire « gratuit » à la
défense d'intérêts catégoriels, l'éventail
des motifs d'engagement est vaste. Il est important de rappeler qu'il est
impossible de comprendre la participation des Attacants seulement à
partir de l'un de ces deux modèles; les logiques qui président
à leurs engagements se situent dans un entre-deux. Toutefois, la mise en
évidence d'intérêts matériels nous conduit à
s'interroger sur les gratifications concrètes que reçoivent les
Attacants en retour de leur militance. Quelles sont ces rétributions qui
justifieraient, en partie, la participation et l'engagement des
militants ?
2.1.3 Les rétributions
du militantisme
La nature de l'engagement est complexe car elle se compose de
plusieurs éléments. La compréhension de l'engagement passe
par un ensemble de références qui sont partagées par la
majorité des militants (l'idée de citoyenneté, valeurs de
solidarité, d'équité). Toutefois, on ne peut
réduire l'engagement à sa rhétorique. Les motivations de
l'engagement se situent plus essentiellement dans les bénéfices
qu'en attendent les militants. Des intérêts matériels
découlent directement de la satisfaction des revendications. Toutefois,
ceux ci ne rendent pas compte de la distinction entre les adhérents et
les militants.
Ce problème fut formulé en 1966 par Mancur
Olson. Celui ci, en partant du postulat de la rationalité de l'acteur, a
mis en évidence les obstacles logiques à l'action
collective426(*). Tandis
que l'action collective présuppose la participation d'un maximum
d'individus, il est dans l'intérêt de chaque individu de ne pas
s'associer à celle ci et d'adopter la stratégie du free
rider (« le ticket gratuit »), c'est à
dire de compter sur l'action des autres membres du groupe pour
bénéficier des retombées collectives. Dès lors on
ne peut confondre « rationalité individuelle et
rationalité collective »427(*). Mieux encore, les rationalités
individuelles semblent aller à l'encontre de la rationalité
collective. Olson ajoute cependant qu'il existe des incitations
sélectives, positives (récompenses) ou négatives
(sanctions), à l'action. Daniel Gaxie, dans la même perspective, a
mis en évidence la présence de rétributions
(matérielles, intellectuelles, symboliques) qui sont les seules a
pouvoir rendre compte du militantisme428(*). « Il est douteux, selon Daniel Gaxie, que
l'activité partisane s'explique uniquement par la volonté de
défendre une cause ou plus exactement, que cette volonté suffise
à la soutenir, sans que le militantisme ne fournisse en même temps
des gratifications à ceux qui s'y adonnent »429(*). Gaxie propose la notion de
« bénéfices non-collectifs » qui seraient
propres à l'individu. Aux valeurs idéologiques se superposeraient
certaines rétributions430(*). Toutefois, si les enquêtés mettent en
avant ces « causes », c'est parce qu'ils ne
« peuvent s'avouer, ni avouer les rétributions qu'ils retirent
de leur participation à la vie de l'organisation »431(*). Quels
bénéfices les militants retirent-ils de leur
participation ?
2.1.3.1 Une formation
orientée vers l'action
En premier lieu, les enquêtés affirment attendre
de leur militantisme une formation intellectuelle. On peut rattacher cette
expectative au rôle d'éducation populaire que Attac souhaite
occuper. Les militants déclarent vouloir acquérir au sein de
l'association une culture économique qui, comme le rappelle Lionel, leur
fait souvent défaut. Par exemple, Isabelle explique que ce qui a
motivé son engagement, c'est avant tout, le désir de mieux
comprendre les mécanismes financiers. François attendait de son
militantisme une formation économique. Il ne souhaitait pas apprendre
des théories abstraites comme celles de Marx mais des arguments
économiques concrets. Les militants semblent donc être demandeurs
d'une réflexion et d'une formation économique qui soit
tournée vers l'action.
Toutefois, la recherche d'un cadre de réflexion et
d'action ne suffit pas à rendre compte de l'investissement que certains
enquêtés accordent à leur militantisme432(*). Quelles rétributions
attendent-ils de leur implication ?
Lionel : Je pense qu'elle [l'éducation populaire]
est tournée vers deux groupes. Tout d'abord vers nous parce que nous
avons besoin d'une formation comme par exemple en économie. Très
peu de personnes dans l'association ont une formation économique.
François : Et le fait d'être à Attac
ça me donne des arguments, parce que souvent les militants du PS nous
opposent des arguments, du réalisme économique, de grandes
théories et Attac, justement ce qui est intéressant c'est que
ça forme par rapport à ça, non pas à la
théorie marxiste parce que je pourrais très bien réciter
le Capital, la théorie de la plus-value mais ils s'en foutent, ils vont
me traiter d'utopiste, non ! En repartant sur des bases claires et en repartant
sur des mécanismes de l'économie aujourd'hui par rapport à
la taxe Tobin par exemple et leur démontrer que c'est possible et leur
dire que là s'il n'y a pas de volonté politique c'est quelque
chose de voulu de leur part, c'est la volonté politique qui va faire que
la taxe Tobin va s'installer ce n'est pas les mécanismes.
Isabelle : Pour moi, c'est avant tout faire des
réunions sur des thèmes afin que les gens parlent, disent ce
qu'ils ont envie de dire, puissent être écoutés et puis
apprennent des choses, tout simplement ! Car il y en a certain qui ont des
connaissances, par exemple il y a plusieurs étudiants en biologie dans
Attac campus et ils sont plus aptes, du point de vue biologique, à nous
parler des Organismes génétiquement modifiés, ceux qui
connaissent plus l'aspect politique peuvent nous en parler aussi... Et puis
comme ça, on peut se tenir informé et débattre des
idées. C'est sûr que moi, j'attends plus ça et je pense
qu'Attac c'est plus ça [...] Ils [les gens] attendent [...] de mieux
comprendre comment ça fonctionne. Attac ça part un peu de
ça au départ, on est dans un système de marché et
comment on peut se réapproprier, comment ça fonctionne. Se
réapproprier un peu ces mouvements de capitaux économiques et le
fonctionnement de l'économie aujourd'hui. C'est nous permettre de mieux
comprendre, parce que c'est vrai qu'on ne se rend pas compte. Chacun vit sa
petite vie et à côté de ça, il y a des sommes
énormes qui passent d'un côté à l'autre du monde et
il y a des gens qui ne se rendent pas compte de l'emprise que les capitaux ont,
mêmes sur les Etats. Principalement c'est ce qui a motivé mon
adhésion.
2.1.3.2 L'investissement
personnel
L'implication personnelle est un processus de valorisation de
l'individu. Le militantisme associatif, comme l'a mis en évidence Eric
Agrilolansky, contribue à l'estime de soi433(*). Ce phénomène
est plus prégnant dans le militantisme humanitaire dans lequel
l'individu s'efface derrière la cause qu'il défend. Ce
bénéfice est moins visible au sein d'Attac. En effet, la cause au
nom de laquelle ils justifient leur engagement n'est pas reconnue comme
légitime par tous les acteurs de la société. A l'inverse,
l'idéologie mobilisatrice des ONG réalise un consensus au sein de
la population. Parmi les enquêtés, le discours du
désintéressement est assez peu présent. En revanche, Eric
Agriloanski note également que le militant acquiert par son
investissement une « bonne conscience » envers
lui-même. Plusieurs enquêtés évoquent ce
bénéfice qu'il est possible de retirer du militantisme. Toutefois
chaque interviewé ne l'utilise pas à propos de soi mais à
propos des autres.
Lionel reconnaît qu'il existe une « dimension
affective » dans le militantisme qui s'exprime par « une
volonté de s'investir pour se sentir bien ». Toutefois, il
ajoute que cela ne s'applique pas à lui. De même, Isabelle
explique que l'investissement personnel « est une forme de
déculpabilisation »434(*). Laurent, en revanche, estime, après avoir
expliqué que l'investissement répond à un besoin
personnel, que son engagement obéit à la même logique. De
plus, il met en comparaison son engagement au sein d'Attac avec la contribution
qu'il apporte à un centre d'accueil pour SDF. Il décrit la
culpabilité qu'il éprouve face à la misère de ceux
qu'il rencontre. Le fait d'apporter son appui lui permet de rendre
« plus acceptable » cette misère. Il explique que sa
participation à Attac relève, entre autres, du même
raisonnement. En militant dans Attac, Laurent estime qu'il contribue à
ce que « les gens vivent mieux », on peut alors supposer
que son engagement rende « plus acceptable » les
inégalités économiques contre lesquelles il lutte.
L'investissement personnel permet ainsi de valoriser
l'individu par l'image qu'il lui procure et qu'il diffuse à
l'extérieur de l'association. Toutefois, des processus de valorisation
existent également au sein de l'association. Daniel Gaxie a
remarqué par exemple que l'existence d'une hiérarchie au sein des
partis politiques constituait une « rémunération
symbolique » de l'investissement militant435(*). Il n'existe pas au sein
d'Attac une hiérarchie aussi développée que dans les
organisations partisanes. Toutefois, d'autres processus de valorisation de la
personne sont présents. Par exemple, Julie évoque la très
grande qualité d'écoute dont témoignent les militants au
cours des réunions. Il n'est pas rare qu'un individu ayant
préparé un document de travail soit félicité par
l'ensemble des militants436(*). Les prises de parole publiques à l'occasion
des actions tenues par l'association sont autant d'occasions d'être
reconnu et valorisé437(*). Ces processus internes mettent en évidence
le fait que les associations sont avant tous des lieux de sociabilité
auxquels prennent part les militants.
Lionel : Mais ça c'est dans toutes associations ou
il y a une dimension affective, il y a beaucoup de gens qui militent parce que
ça remplit aussi leur existence, ce n'est pas tout le temps pour la
dimension intellectuelle, c'est aussi pour la dimension affective. C'est
toujours de l'affectif mais parfois c'est plus une volonté de s'investir
pour se sentir bien. Moi je ne peux pas dire ça. Je comprends que je
trouve ça intéressant car c'est la vie sociale !
Isabelle : S'investir, c'est bien sûr quelque chose
de bien, mais je ne pense pas que ce soit essentiel. C'est essentiel, si la
personne en a le besoin, alors pourquoi pas ? C'est une démarche
très personnelle. Je pense que c'est relatif au vécu de la
personne. Je ne pense pas qu'il faille se contenter d'un engagement
intellectuel, mais c'est déjà pas mal ! C'est bien de
s'investir. Un engagement intellectuel, c'est aussi un premier pas...
Après je dis aussi les gens qui ont le temps et qui ont besoin ils le
font, ils s'investissent. Après quand on est étudiant, c'est vrai
qu'on a aussi d'autres choses à vivre, simplement le fait
d'adhérer... Je pense que c'est un premier pas. Il y en a, c'est quelque
chose qui leur apporte personnellement en termes de bien-être, en termes
aussi de déculpabilisation, vis-à-vis des
événements extérieurs, c'est une forme de
déculpabilisation.
Laurent : Mais de toute façon je crois que les
gens qui s'investissent ne se posent pas la question de l'utilité, je
pense que le ressort de l'implication dans un mouvement comme ça ils
sont plus intérieurs ils relèvent de la personnalité et le
fait d'efficacité je ne crois pas que ce soit une vraie
réalité qui soit présente chez eux, il ne me semble pas.
Si les gens ils s'investissent c'est qu'ils ont besoin de le faire, et que ce
soit efficace ou pas ils le font. Peut-être que certains disent que c'est
efficace mais au fond de ce n'est pas ce qui leur importe, c'est avant tout un
engagement individuel. Moi je crois que les gens ils se motivent
eux-mêmes et c'est plutôt eux qui prennent quelque chose et qui ont
une satisfaction. C'est comme le fait du don chez l'Abbé Pierre ou
mère Teresa, c'est une satisfaction propre et d'eux même et c'est
pour ça ils le font, ils le font parce qu'ils y trouvent quelque chose.
Et les ressorts de l'engagement politique au niveau comme du mien, pas comme
d'autres qui ont peut-être de perspectives de carrière, mais pour
les militants de base, il ne s'agit pas de carrière et peut-être
que les ressorts de l'investissement ne sont pas au niveau de
l'efficacité mais juste le besoin de s'engager [...]Je suis sûr en
sociologie le profil des militants a dû être étudié
et que c'est des gens qui s'épanouissent à travers le fait
d'entraîner des autres et Thomas c'est vrai que c'est quel qu'un qui est
bien pour ça car il est entraînant [...] Et puis j'ai le plaisir
de m'investir [...] Disons, je pense qu'on se réalise au fur et à
mesure qu'on agit en tant que personne et en tant qu'individu. On se
réalise dans l'action et le fait de s'investir ça m'apporte une
satisfaction.
Laurent : La misère des autres ça me
gêne beaucoup [...] car quand je rencontre un SDF dans la rue ça
me rend malade. J'interviens à Point d'Eau, c'est un centre d'accueil
pour les SDF, on propose des services d'immédiateté,
c'est-à-dire des douches, les gens peuvent laisser les bagages et
peuvent y prendre des affaires, on leur propose le téléphone, la
machine à laver et un service de petite infirmerie et d'orientation.
L'équipe que je rencontre là-bas ce n'est pas pour les aider car
je pense que je n'en suis pas capable, ce que je fais ce que j'essaye de les
rencontrer car c'est une réalité qui est tellement
éloignée de saveurs qu'on peut connaître. Et là
c'est pareil, c'est comme pour les pauvres en Afrique, ça me
dérange beaucoup. Moi ça m'apporte quelque chose... Ça me
permet d'être moins malade quand je vois un SDF car pour moi ce ne sont
plus des étrangers, je les reconnais en tant qu'individus. Le fait de
les croiser sur un lieu précis où il y a une
réalité concrète et une action, c'est une aide très
pragmatique mais au-delà de ça je ne peux pas les aider [...] Ils
n'en sortent pas et ce n'est pas moi qui vais les aider à en sortir,
j'ai une aide très précise sur eux, ça leur permet
d'être présentables. Mais ils sont quand même dans la merde
[...] Cette misère-là elle me gêne aussi beaucoup. Tu vois
quand je disais que quand on adhère il y a des ressorts
intérieurs, c'est au-delà de l'idée même, c'est le
besoin de s'impliquer pour que ce soit acceptable. Car si jamais je ne
m'implique pas, à la limite, je ne peux pas me regarder dans une glace.
Ça me dérange et je me sens responsable. Je pense que ça
rentre en compte dans mon adhésion dans Attac parce que le but ultime
c'est de faire en sorte que les gens vivent mieux et qu'on trouve un
système plus efficace.
Julie : C'est peut-être complètement
utopique mais je me dis que l'avantage d'Attac c'est que c'est quelque chose
qui débute et qui se construit au jour le jour avec des choses super
sympa, une qualité par exemple au niveau d'Attac Isère dans les
groupes de travail, une qualité d'écoute que je trouve
très impressionnante, une reconnaissance...
F.E : Cette reconnaissance au sein des commissions
ça vous a étonné ?
Julie : Etonnée, je ne sais pas... Oui, en tous cas
elle m'a plu.
2.1.3.3 L'inscription dans
un réseau de sociabilité
La constitution de groupements humains, comme le rappelle
Georges Simmel, s'explique par une communauté d'intérêts,
en revanche les individus en retirent un bénéfice par la
socialisation dont ils bénéficient438(*). Cette rétribution
est d'autant plus importante que les intérêts des militants sont
moindres. Les partis politiques, où les mobilisations s'effectuent
principalement en faveur d'une minorité de professionnels, ont
d'ailleurs toujours constitué des cadres de sociabilité
importants439(*). Les
clubs politiques, comme le note Loïc Blondiaux, ont exercé ce
rôle au début du 20éme siècle. Ils constituaient des
lieux de « sociabilités organisées »
où la rencontre constituait une valeur en soi.440(*) Toutefois, les partis
politiques remplissent cette fonction de façon moindre depuis le
début des années quatre-vingts441(*). Les associations se sont ainsi substituées
à eux.
Le comité local isérois constitue, comme tout
groupement humain, un cadre de sociabilité. Pour Laurent, la
possibilité de rencontrer de nouvelles personnes a participé
à son engagement. Il voit les échanges qu'il entretient avec les
autres militants comme des expériences enrichissantes. Il évoque,
par exemple, la journée du 1er mai au cours de laquelle les
militants d'Attac avaient tenu un stand. L'ambiance lui avait paru conviviale,
ce qui l'a motivé dans son engagement442(*). Le même phénomène a
également lieu dans le groupe « campus ». Isabelle
reconnaît que beaucoup de jeunes assistent aux réunions afin de
faire connaissance avec d'autres étudiants.
Toutefois cette sociabilité n'est pas seulement
« spontanée ». Elle se déroule
également à l'occasion de manifestations organisées par le
comité. Par exemple, un week-end « d'éducation
populaire » avait eu lieu à l'Heure Bleue en septembre 2000.
En sus des conférences, des moments de convivialité avaient
été organisés, tels qu'un repas ou encore des
représentations théâtrales et musicales. La buvette avait
également été le lieu de nombreuses discussions. Cette
manifestation, comme l'explique Lionel, a connu un succès
inespéré auprès des militants qui ont décidé
de reconduire l'événement en 2001. De même, à
l'occasion de l'Assemblée plénière qui aura lieu le
6octobre 2001, le C.A a décidé d'organiser une soirée en
montagne (Gresses en Vercors, Isère). Ces moments de convivialité
s'effectuent également lors des mobilisations militantes. Ce fut le cas
par exemple, comme le décrit Lionel, à l'occasion du sommet de
Genève en juin 2000. Les mobilisations de Nice ou Gênes ont
également permis aux militants de partager certaines expériences
communes. Chacun de ces événements, même les plus infimes,
participe à l'élaboration d'une mémoire associative
commune. Celle ci constitue le socle des mobilisations futures. Comme le note
Daniel Gaxie, la participation à l'association croit avec le sentiment
d'intégration au groupement militant. A l'inverse l'exclusion de ce
réseau de sociabilité permet de rendre compte du retrait de
l'association. La défection correspondrait alors à un manque de
gratifications symboliques.
Laurent : Ce n'est pas l'efficacité qu'on prend en
compte mais c'est le besoin d'essayer de diffuser sa perception et conception,
et puis il y a le plaisir de la rencontre du dialogue, de la
convivialité, de la sociabilité et tout ce qui fait que dans un
mouvement les gens se retrouvent [...] Le militantisme c'est vraiment de la
rigolade, moi quand j'y vais ça m'amuse beaucoup, c'est marrant. Moi
j'ai une perspective très romanesque car je n'ai jamais vu ça et
je ne connais pas et je découvre et c'est très marrant de voir
ces gens qui s'organisent, quand on a fait des tracts, on était une
dizaine. C'était très convivial, c'était sympathique.
Ça rigole, ça dit des blagues. Quand on vendait des
gâteaux, c'était marrant aussi [...] Je rencontre des gens qui
sont intéressants et que je n'aurais pas rencontrer ailleurs. Donc
déjà c'est le fait de la rencontre. Il y a toujours un
enrichissement et un échange. C'est ça qui me plaît. Et
quand ça ne m'apportera plus rien, je partirais [...]ça me
plaît de croiser des gens, de discuter avec eux, il y ait une ambiance
contrairement à ce qu'on pourrait penser beaucoup moins centrée
sur Attac et pour l'instant ça me plaît en termes de rapports
humains.
Isabelle : Et le fait qu'il y ait une antenne campus,
ça permet d'être plus attractif pour d'autres jeunes. Parce qu'il
y en a qui viennent pour les idées et puis il y en a qui sont là
pour rencontrer des gens, comme dans tout mouvement, pour rencontrer des gens
différents, qui font d'autres études... C'est toujours
intéressant !
F.E : Vous pouvez me parler de L'Heure
Bleue...
Lionel : Oui, c'était un moment de
convivialité très réussie ! Pendant deux jours non-stop
ça a tourné à plein régime avec des chants, du
théâtre, un orgue de barbarie afin d'exprimer notre contestation
sur un autre registre. Il y avait un repas le soir également qui
était organisé. Comme beaucoup de gens ne viennent pas souvent
à l'association, c'est un moment très chaleureux et très
fédérateur. D'ailleurs ils ont décidé d'en
organiser un autre en 2001 alors que ce n'était pas prévu au
départ [...] Je me suis rendu en juin dernier à Genève,
c'était à l'occasion du forum social de l'Organisation mondiale
du commerce après Seattle. Il y en a un tous les dix ans. Ça
durait une journée et ce n'était pas trop loin. Il y a deux bus
qui avaient été loués avec la Confédération
paysanne et d'autres associations. J'avais trouvé ça c'est
sympathique, il y en avait même qui avaient amené le vin et le
saucisson. Ça m'avait beaucoup touché !
Le comité Attac Isère témoignerait donc
d'une importante sociabilité interne. Pourtant ce constat semble aller
à l'inverse de l'évolution des rapports entre la vie
privée et la vie militante qu'observe Jacques Ion443(*). Le
« nous » auquel se réfèrent les militants et
qui constituent leur identité serait de plus en plus affaibli suite aux
changements de modalité de la participation associative.
L'autonomisation de l'individu entraînerait le redéfinition de
l'engagement. L'appartenance communautaire à l'association tendrait
à se réduire tandis que l'engagement serait de plus en plus
« distancié »444(*). Les observations faites par Jacques Ion rendent
compte de plusieurs caractéristiques du comité local. Tout
d'abord, la valorisation de l'individu, concomitante de l'affaiblissement du
« nous » implique une valorisation des ressources (capital
social, professionnel) personnelles. On peut observer qu'au sein du
comité les compétences de chaque militant sont mises à
profit445(*). Par
exemple, Alda, qui est professeur d'économie se charge de la formation
des militants, Odette, qui est comptable, gère la trésorerie de
l'association. Enfin, Christelle qui est semi-professionnelle de
théâtre s'est occupée des animations de l'Heure Bleue. Les
relations de chaque individu sont également mises à profit pour
la location de salle ou le tirage de tracts. De plus, la plupart des
enquêtés (Fabien, Julie, Laurent, Lionel, Isabelle) se situent
dans un engagement distancié grâce auquel ils conservent leur
liberté d'action. Par exemple, il semblerait que Lionel refuse de
s'impliquer dans son engagement afin de pouvoir s'en dégager lorsqu'il
le souhaite. Alors que le mode d'engagement au sein du comité semble
correspondre aux hypothèses de Jacques Ion (une valorisation de
l'individu qui adopte un engagement distancié), le
« nous » reste une entité forte dans l'association.
Comment expliquer ce paradoxe ?
Jacques Ion explique que la présence d'un
« nous » fortement structuré au sein d'une
association dans laquelle l'engagement apparaît plus souple et moins
contraignant traduit la résurgence de « niches
identitaires »446(*). Ces niches sont des petits groupements dotés
d'une forte cohésion où une partie des membres tentent de
perpétuer un fonctionnement traditionnel. Les militants y
préserveraient une sociabilité interne forte (un « nous
privé ») dont seraient exclus les adhérents les moins
impliqués. Il semblerait, qu'un tel groupement existe au sein du
comité isérois. Un petit nombre de militants formeraient une
« niche identitaire »447(*). Ces militants entretiennent des relations
personnelles qui dépassent le cadre de l'association. De plus, ils
occupent l'essentiel des fonctions de représentation et de direction au
sein du comité. Enfin, ils présentent de fortes similitudes
générationnelles. Ce « nous privé »
exclue bien évidemment le reste des adhérents du comité.
Cela explique, selon l'idée de Daniel Gaxie, la défection de
certains adhérents. La participation au comité est rendue
d'autant plus malaisée pour ceux situés à
l'extérieur du groupement448(*). Par exemple, Cécile explique qu'il difficile
de militer au sein du comité sans participer à un des groupes de
réflexion.
Lionel : Je suis prudent dans mon engagement. Avant il y
avait quatre groupes essentiels, un groupe sur les questions
économiques, un groupe d'interpellation des élus, un groupe
d'animation des activités et un groupe d'information et de diffusion.
Même le groupe économie était souvent orienté vers
l'action. C'est vrai que maintenant, c'est plus séduisant la
façon dont c'est organisé. Ça ne me demande pas une
implication sur le long terme. Faire partie d'un groupe ça voulait dire
devoir participer au moins pendant une année. Parce que pour moi
l'engagement c'est un risque et si moi je m'engage c'est quelque chose
d'important. C'est pour ça que je ne donne que ce que je me sens de
pouvoir donner [...] Nous parlons peu de notre vie personnelle ou
professionnelle entre nous. Très peu. À part avec quelques
personnes à la longue. Mais ce n'est pas ce qui nous rassemble, ce qui
nous rassemble c'est tout à fait autre chose et donc il n'y a pas lieu
de se demander ça [...] je connais peu les gens et je ne les
fréquente pas en dehors des réunions. Il y a parfois des pots qui
sont organisés après les réunions mais je ne reste pas
longtemps et je m'éclipse souvent, une fois que le boulot est
terminé... Mais il y en a qui se voient en dehors des réunions.
Je ne laisse pas d'opportunités à cela et si on me le proposait,
je dirais non !
Lionel : Il y a ceux qui se connaissent mieux, ceux qui
font partie du groupe, par exemple dans le groupe économie de temps en
temps ils se rencontrent chez l'un ou chez l'autre. Donc il y a une
connaissance plus personnelle.
Cécile : C'est très difficile de militer
quand tu n'es pas affilié à un groupe ou que tu n'as pas un moyen
d'avoir une activité un peu régulière, c'est très
difficile d'être simple adhérent, de venir aux réunions et
d'arriver à faire des choses concrètes. Dans les réunions,
il y a énormément de personnes, alors les débats de fond
ne peuvent pas avoir lieu et l'activité est menée par les membres
du C.A. et par les gens qui sont dans les groupes (exemple : le groupe info, le
groupe économie). Les groupes sont intégrés à
l'activité d'Attac.
La compréhension de l'engagement des militants
isérois est complexe. D'une part, il s'apparente à un engagement
traditionnel dont les formes sont connues (une sur-représentation des
classes moyennes et des salariés de la fonction publique, une forte
homogénéité générationnelle, la
défense d'intérêts matériels et catégoriels
et enfin une forte sociabilité interne). D'autre part, il
présente de nombreux points communs avec les mouvements sociaux qui ont
eu lieu récemment (référence à la
citoyenneté, défense de valeurs post-matérialistes,
valorisation des individus au sein de l'engagement). L'engagement des
militants d'Attac Isère semble donc se situer entre deux
âges. Cette contradiction apparaît d'autant plus forte
chez les militants (ils reproduisent par exemple des processus d'organisation
qui relèvent des anciennes structures syndicales et politiques) que chez
les adhérents. Doit-on en conclure pour autant que le militantisme au
sein du comité isérois relève du passé ? A
quel militantisme se rattachent les formes de mobilisation qui sont à
l'oeuvre au sein d'Attac ?
2.2
Un militantisme « par le bas » ?
« Informer, former, agir, construire avec
Attac »449(*) : ce slogan traduit la volonté des
dirigeants de situer l'action de l'association à plusieurs niveaux. Tout
d'abord, il s'agit de faciliter l'information des non adhérents et de
permettre la formation intellectuelle des militants. C'est ce qu'Attac
désigne par le terme de « travail d'éducation
populaire »450(*). D'autre part, le second aspect est l'action
militante proprement dite, c'est-à-dire l'ensemble des mobilisations
collectives. Les dirigeants établissent entre ces deux pôles, la
réflexion et l'action, un fil directeur logique en définissant
Attac comme un « mouvement d'éducation populaire tourné
vers l'action ». La figure du militant et celle de l'intellectuel
seraient ainsi réconciliées. Mieux, la distinction entre la
tête et les bras aurait cessé d'être. Le militantisme
s'effectuerait désormais « par le bas ».
2.2.1 Le travail
d'éducation populaire
2.2.1.1 Informer et
comprendre
2.2.1.1.1 L'information
économique
L'éducation populaire consiste tout d'abord
à informer le public sur les revendications portées par
l'association. Cette diffusion a été facilitée par la
publication de nombreux ouvrages de vulgarisation économiques. Ces
livres sont édités dans une collection petit format (Mille et une
nuits) et leur nombre de page reste faible (entre 100 et 150 pages). Chaque
livre est consacré à un thème ce qui permet la
multiplication des ouvrages (présentation de l'association, Taxe Tobin,
paradis fiscaux, l'OMC, la place des multinationales, le plein emploi). Les
ventes de ces ouvrages sont considérables ce qui porte certains à
percevoir la contestation anti-mondialiste comme un marché
potentiel451(*).
L'information est également relayée dans chaque
ville par les comités locaux. Par exemple, le comité
isérois organise parfois des diffusions de tracts dans le centre ville
de Grenoble ou à l'occasion de divers événements452(*). Les distributions de tracts
sont toutefois assez rares453(*). François précise d'ailleurs que le
nombre d'interventions lui semble insuffisant. Le C.A a d'ailleurs
décidé d'organiser, sur la proposition de François, une
diffusion chaque mois à partir de la rentrée 2001. La
distribution de tracts représente avant tout pour l'association un moyen
d'attirer de nouveaux adhérents. Ce rôle de publicisation
détermine le choix des thèmes d'information. Tandis que les
premiers tracts portaient essentiellement sur la taxe Tobin, qui
représentait l'étendard de l'association, les dirigeants
accordent désormais une place prépondérante aux sujets
d' « actualité ». Par exemple, les OGM ou le
boycott de Danone ont représenté autant d'opportunités
afin de promouvoir l'association. C'est ainsi que les gens associent, selon
Thomas, de moins en moins Attac à la taxe Tobin. En revanche, le
comité effectue assez peu d'informations sur l'annulation de la dette.
Thomas explique qu'il s'agit d'un sujet délicat car les gens y sont peu
réceptifs.
Cette information n'a bien sûr pas seulement pour but
d'informer mais d' « éduquer » le public,
c'est-à-dire « élever, former
quelqu'un »454(*). L'association aurait à jouer un rôle
de « conscientisation citoyenne » qui vise à faire
prendre conscience de l'emprise de la finance. Certains militants estiment
toutefois que cette conception est dangereuse car elle aboutit à
reproduire une distinction entre le « haut » (les
adhérents)et le « bas » (les non
adhérents)455(*).
Thomas : Les plus grosses diffusions qu'on fait c'est rue
Félix Poulat parce que j'ai toujours dit qu'il fallait qu'on intervienne
au moins une fois par mois là-bas. Qu'on y soit en permanence et qu'on
ait l'habitude qu'on nous voit, d'être présent. J'aimerais bien
que ça se passe dans d'autres villes comme ça, comme à
Voiron ou Bourgoin parce qu'il y a des comités locaux là-bas.
Gresivaudan, ils le font régulièrement. J'aimerais qu'on puisse
intervenir plus régulièrement parce que je pense que c'est un
travail de fond sur l'éducation populaire qu'on ne fait pas.
Hélas, c'est pas la priorité dans Attac Isère. Elle se
situe plutôt à suivre les événements internationaux,
ce qui est bien ! Mais on pourrait en profiter pour transformer ça par
une intervention autour de ces thèmes. La rue Félix Poulat parce
que c'est un lieu très passant, en une heure tu distribues plus de 1000
tracts le mercredi après-midi s'il fait beau et puis il y a beaucoup de
jeunesse et beaucoup d'étudiants.
Lionel : En fait les gens qui viennent, viennent
très peu, voire pas du tout, pour les idées d'Attac. En principe
les gens pensent déjà être informés, c'est beaucoup
plus par rapport au groupe de l'Isère. En revanche, ils connaissent
très peu la taxe Tobin, quand ils la connaissent c'est
déjà qu'ils sont bien renseignés sur Attac. C'est beaucoup
plus par rapport à d'autres problèmes comme par rapport aux
Organismes génétiquement modifiés, on a eu beaucoup de
monde qui est venu après la conférence organisée avec
José Bové et la confédération paysanne. Ils
entendent parler d'Attac dans la presse, les journaux, la
télévision et très peu dans les tracts diffusés sur
l'Isère.
Thomas : Non plus maintenant, ce n'est plus la taxe Tobin.
Parce qu'on est intervenu sur des tas de terrain, notamment les OGM et donc
plus maintenant. Avant oui pendant la première année
c'était la taxe Tobin. On leur disait Attac vous connaissez ? Il disait
« Ah oui ! C'est la taxe Tobin ». Pendant un an, un an
et demi ça a été ça et maintenant ça a
changé, depuis Seattle, depuis Davos c'est vraiment une association
anti-mondialisation.
Thomas : Les thèmes qu'on essaie d'informer le plus
c'est bien entendu la taxe Tobin, les paradis fiscaux et la finance
internationale, le problème des retraites aussi et de la capitalisation
et les fonds de pension parce que ça touche beaucoup de gens et le
problème de l'AGCS et de l'OMC et aussi le problème des OGM en
liaison avec la Confédération paysanne. Voilà en gros les
quatre thèmes, la dette c'est un problème qui est plus difficile
et qu'on peut moins mettre en avant pour des histoires de mentalités,
c'est toujours le même problème. C'est moins compris le fait
que... Il y a un préjugé par rapport au tiers-monde [...] Les
gens ils comprennent plus facilement, ils prennent plus facilement un dossier
qui va leur expliquer que la remise en cause des retraites par
répartition, ça veut dire que demain il y a des gens qui vont
pouvoir financer leur retraite et d'autres qui ne pourront pas, plutôt
que de dire, il faut annuler la dette des pays du tiers-monde parce que leur
premier réflexe c'est de dire «Attendez, moi quand j'ai une dette
je la paye ! ». Le fait de dire dette ils répondent « Moi
je rembourse ma dette » et puis ils nous disent c'est tous des
feignants... Tu vois ce que je veux dire...Ils veulent vivre au-dessus de leurs
moyens et ainsi de suite.
2.2.1.1.2 Une formation
militante
Le second aspect de l'éducation populaire concerne les
militants. L'objectif serait, selon les dirigeants de l'association de
répondre à une demande des militants qui seraient « en
attente » d'une information mais également d'une formation.
Celle ci est présentée comme une
« réappropiation » de l'information456(*). Ainsi chaque militant
serait en mesure « même sans connaissances
économiques et financières préalables, [de] se doter de
l'expertise financière suffisante pour évaluer le sens et la
portée d'une mesure, comprendre ce qui est en jeu et se donnent les
instruments intellectuels de l'action »457(*).
Les universités d'été d'Attac sont
destinées à remplir en partie cette formation des
adhérents. Leur but est d' « initier aux rouages de
l'économie et de la finance à partir de quelques grands enjeux du
moment et dans une perspective d'action citoyenne »458(*). Leur organisation est
effectuée par le bureau national. Les premières
universités d'été ont été organisées
à la Ciotat459(*)
du 23 au 26 Août 2000, elles ont rassemblé 700 personnes460(*). Cette université
d'été, intitulée « Pour une économie au
service de l'homme », était constituée d'une
série de modules d'une durée de trois heures consacrés
à des thèmes de réflexion461(*). De plus, des ateliers
furent consacrés à des thèmes plus pratiques462(*). Parmi les
enquêtés, seule Julie et Luc ont assisté à
l'université d'été de La Ciotat. C'est d'ailleurs à
cette occasion que certains comités locaux se regroupèrent en vue
de l'AG de St Brieuc.
2.2.1.2 Les limites de
l'éducation populaire
2.2.1.2.1 La vulgarisation
des revendications
Le travail d'éducation populaire vise à rendre
accessible des questions jugées complexes. Toutefois, les thèmes
abordés par Attac comportent une certaine part
« technique » qu'il est difficile d'occulter. Comment
s'effectue cette information ? La taxe Tobin, dont on a pu voir la
complexité des mécanismes, est par exemple un sujet qui est
à priori peu abordable. Il est d'ailleurs possible de douter,
comme le fait Fabien, que cette revendication soit suffisamment vulgarisable
pour être compréhensible par la majorité des individus.
Julie considère qu'il est possible d'argumenter de façon simple
en faveur de la taxe Tobin du fait qu'il s'agisse d'un impôt et que
l' « on paye tous des impôts ». La description
de la taxe qui est faite dans les destinés aux non-adhérents est
souvent très brève, elle se déroule en trois
étapes463(*).
Etape n°1 : Il s'agit tout d'abord de
démontrer l'ampleur de la spéculation et son inutilité.
« Chaque jour ce sont plus de 1500 milliards de
dollars qui circulent sur ce marché des monnaies (soit 9000 milliards de
francs !). Cette immense masse d'argent ne sert, quasiment, qu'à la
spéculation financière. Autrement dit cet argent sert à
faire de l'argent et à enrichir les plus riches »
Etape n°2 : La présentation de la
taxe Tobin et de son utilité.
« Cette taxe internationale est proposée
à un taux faible (0,1%) non pas pour bloquer le commerce mais pour
freiner, ou mieux, empêcher, la spéculation financière. Si
elle avait été appliquée, la taxe aurait rapporté
la somme de 228 milliards de dollars en 1998...de quoi éradiquer la
misère sur toute la planète. Une partie des fonds irait aux Etats
qui adopteraient la taxe (un cinquième de la somme globale par exemple),
l'autre partie irait directement vers les pays les plus nécessiteux
»
Etape n°3 : L'argumentaire finit par
présenter la mise en place de cette taxe.
« Il reste à faire appliquer cette taxe...et aussi
à collecter l'organisme qui collectera les sommes (un organisme
contrôlé démocratiquement bien sûr) »
La présentation qui est faite de la taxe Tobin ne
rentre pas dans les détails, elle n'expose pas non plus les contre
arguments qui lui sont opposés464(*), à savoir : un prélèvement
similaire à celui de la taxe serait déjà effectué
sur les transactions financières sans que cela ait empêché
les crises financières, le taux de la taxe serait trop faible pour
dissuader les spéculateurs, une telle taxation serait très
difficile à appliquer et à redistribuer. Il est
compréhensible qu'une présentation sommaire de la taxe ne puisse
inclure toutes ces questions. Elles obtiennent, par ailleurs, des
réponses plus précises au sein des documents établis par
le Conseil scientifique465(*). En revanche les débats au sein du
comité ne donnent pas lieu à de telles interrogations.
Par exemple, lors de la réunion publique du 24/04/2001,
à laquelle une soixantaine de personnes ont assisté une
présentation a été faite par Alda qui est professeur
d'économie (et militante du comité isérois). Sa
présentation de la taxe n'a pas abordé les questions que nous
avons évoquées ci-dessus. Elle constituait une version plus
développée de celle qui est faite habituellement. Peu
d'intervenants ont réagi suite à l'exposé de Alda. Un
militant (Laurent) est alors intervenu pour constater que certaines questions
posaient problèmes dans l'application de la taxe Tobin. Les
réactions à son intervention ont été très
vives.
Un militant (Bernard) a alors pris la parole pour affirmer que
« la taxe Tobin c'est une bataille politique [...] C'est une
situation de courage. Dire que nous ne voulons pas de cette
logique »466(*). Son voisin (Raymond) a alors ajouté :
« Il ne faut pas se laisser attirer sur un plan technique car on
perdra. Il s'agit d'un choix idéologique. On m'a raconté que
certains modèles mathématiques allaient à l'encontre de la
taxe Tobin mais les équations mathématiques ne changent rien dans
le fond ». Laurent a alors répondu aux deux intervenants
précédents : « Il me semble que les arguments
qu'on nous oppose ont leur crédibilité et qu'il faut leur
répondre. Il faut étayer techniquement la taxe Tobin car sinon
cela revient à nous décrédibiliser ». La
polémique s'est alors amplifiée entre ceux qui estimaient que la
taxe Tobin a pour but de mettre fin à la spéculation et ceux (peu
nombreux) qui soutenaient, comme Laurent, que « le libéralisme
a en partie réussi ». La personne dirigeant la séance a
alors décidé de clore le débat (le temps qui lui avait
été consacré initialement avait été
dépassé) et de le reporter à une réunion
ultérieure.
Le déroulement de ce débat est riche
d'informations. Il illustre tout d'abord la façon dont les militants
soutiennent les revendications. Leur argumentaire se fonde davantage sur
l'idée de volonté politique que sur un dispositif technique
précis. Cela renvoie d'ailleurs aux prises de position des dirigeants
selon qui « ce qui est en cause, ce n'est pas la faisabilité
technique- déjà démontrée, car toute transaction
laisse une trace informatique- mais bel et bien la volonté
politique »467(*).
D'autre part, ce débat démontre, que les
échanges, au sein du comité portent assez peu sur des
débats de fonds468(*). Plusieurs enquêtés (Cécile,
François, Isabelle) regrettent d'ailleurs qu'il n'y ait pas plus de
véritables réflexions au sein du comité. Isabelle qui
espérait de son adhésion une information sur les
mécanismes économiques déclare être très
déçue par les réunions auxquelles elle a assisté.
Enfin, cette réunion sur la taxe Tobin illustre les
divergences qui existent entre les militants. La taxe Tobin, comme on a pu le
voir, est suffisamment large dans sa formulation pour permettre une multitude
d'interprétations. Des débats d'idées, comme celui sur la
taxe Tobin, risquent ainsi d'aboutir à de très fortes
polémiques, ce qui peut constituer un élément de
fragilisation du groupe. Dès lors, on peut supposer que si de tels
débats ont rarement lieu au sein du comité c'est avant tout par
les conséquences qui pourraient en résulter. Une polémique
trop violente pourrait aboutir, ce fut déjà le cas, à une
opposition très marquée entre les militants. L'exacerbation des
divergences entre militants aurait alors peut être des
conséquences défavorables au fonctionnement du comité
(défection de certains militants, affaiblissement de la cohésion
du groupe et perte de motivation).
Fabien : Donc j'espère qu'elle verra le jour
prochainement mais bon... Je peux paraître un peu résigné
et un peu fataliste [...] Mais peut-on mobiliser l'opinion publique sur un
projet comme celui-ci, ça me paraît peu probable car c'est
déjà un petit peu compliqué, c'est un peu
mystérieux pour beaucoup de gens. Moi je comprends quand même de
quoi il s'agit, sur la place publique ça me semble difficile à
vulgariser. On peut y arriver mais c'est pas complètement
évident.
Julie : Il y a quand même des choses qui peuvent
être certainement compréhensibles dans la taxe Tobin, la
spéculation on connaît tous, on paye tous des impôts et la
spéculation ne connaît pas d'impôt, et instaurer la taxe
Tobin dans l'objectif est de limiter la spéculation mais c'est aussi que
toute action financière doit être contrôlée et donc
avoir un impôt aussi, avec l'objectif effectivement que cet impôt
soit suffisamment important pour à un moment donné arrêter
cette spéculation, cette spéculation qui ne sert pas du tout, pas
du tout à l'économie réelle et aux états. Il y a
des choses relativement simples qui peuvent peut-être passer.
Isabelle : On fait le journal parce qu'il y avait la
manifestation à Montpellier... Et du même coup on parle des
manifestations, c'était la fête, on a arraché les OGM dans
les champs... C'est sympa, mais c'est très concret, c'est marrant, mais
à côté de ça je n'ai pas eu l'impression de mieux
comprendre comment fonctionnent les multinationales, ni quoi que ce soit. Alors
qu'au départ, c'est ce que j'attendais de mon engagement. Je n'ai pas eu
l'impression de plus évoluer dans ce sens. J'avais plus l'impression
d'être au courant, l'année dernière, en assistant à
des cours d'économie. Cette année je n'en ai plus, et finalement
je m'attendais un peu à une continuité pour pouvoir continuer
à être au courant des choses et en fait non. J'attendais beaucoup
de ça, une sorte de formation parce qu'en plus il y a des
économistes, il y a des gens très cultivés, très
intéressants qui pourraient plus transmettre leur savoir et ça ne
se fait pas réellement. J'ai l'impression qu'il y en a qui sont dans le
même cas, ça fait peut-être deux ans qu'ils sont dans Attac,
ils ont appris quelques trucs mais c'est encore quelque chose qui ne va pas
très bien.
Laurent : À la réunion à laquelle tu
as assisté, il y avait une sorte d'exposé sur l'économie
et moi personnellement déjà je le trouvais au raz des
pâquerettes. Moi il me semble qu'elle maîtrisait pas son sujet et
elle aurait mieux fait de se taire. Il y a des choses qui étaient
intéressantes mais ce n'était pas assez précis,
c'était trop au niveau des idées générales voir des
idées préconçues, ça n'était pas une vraie
réflexion. Et puis à un moment elle nous a dit au sujet de la
taxe Tobin qu'un pays tout seul pouvait le mettre en place, mais elle n'avait
pas d'arguments elle disait simplement on peut le faire, alors que quand
même ça se discute. Et puis il y eut d'autres réflexions de
personnes qui ont dit de toute façon on n'a pas à rentrer dans le
débat, ça n'est pas notre problème c'est une question
philosophique et je ne suis absolument pas d'accord car il ne me semble pas que
ce soit probant cette manière de réfléchir. C'est pour
ça que je suis intervenu pour dire qu'au contraire pour défendre
une revendication il faut essayer de la crédibiliser et de la porter de
manière pragmatique, en l'argumentant. Au contraire il ne fallait pas
avoir peur de rentrer dans les débats. Bon ça c'est clair que
ça n'est pas au niveau des adhérents parce qu'il faut s'y
connaître et même la personne qui est intervenue n'y connaissait
rien, ça nous dépasse, il faut en être conscient mais le
mouvement général a plutôt intérêt à
argumenter précisément et à faire valoir ce qu'il y a de
positif dans cette taxe [...] Je ne sais pas quel est son métier mais
à un moment quelqu'un a posé une question et ça se voyait
qu'elle le savait pas, alors moi je trouve ça très lâche
car elle répondait « c'est compliqué », c'est
vrai que c'est compliqué mais si elle se met en position d'expliquer les
choses elle avoue qu'elle ne peut pas. Elle était censée
connaître mais c'est clair que c'est un mensonge et qu'elle ne savait
rien. Je ne l'ai pas dit car il faut quand même se méfier un petit
peu. Ça m'a énervé quant à la dit un pays seul peut
le faire, c'est-à-dire mettre en place la taxe Tobin. Pourquoi ? Parce
que c'est possible. Ça c'est vraiment léger parce qu'il ne faut
pas quand même... Ça a des implications économiques et des
conséquences, je ne les connais pas mais je sais que ce n'est pas anodin
de taxer les capitaux.
2.2.1.2.2 Des modes de
formation peu attractifs
La seconde limite à l'éducation populaire et
à la formation des militants réside dans la forme des actions qui
sont proposées par le comité. Les réunions ne conviennent
pas à certains enquêtés qui pensaient y trouver une
réflexion plus dense. Le groupe « campus » semble
mieux se prêter à ces débats. En effet, comme l'explique
Cécile, le fonctionnement plus souple (il n'y a pas d'ordre du jour
contrairement aux réunions publiques) et la taille plus réduite
(une dizaine de militants par réunion) du groupe
« campus » facilitent les débats d'idées. De
plus, lors des réunions publiques, la participation est souvent
monopolisée par les militants les plus investis. Isabelle explique que
la participation à un groupe de réflexion est indispensable pour
prendre part aux discussions, sous peine d' « être mis
à l'écart ».
Les publications du Conseil scientifique constituent le
principal moyen d'information469(*). Toutefois, elles ne semblent pas convenir à
une approche pédagogique. Julie, qui participe au groupe
« information», reconnaît d'ailleurs que le contenu de ces
brochures reste difficilement accessible. Elle précise qu'un travail de
simplification serait nécessaire à opérer. Isabelle
regrette, qu'à l'occasion de la première réunion du
comité à laquelle elle a assistée, une « grosse
pile de documents » lui ait été remise sans aucunes
explications. Elle avoue d'ailleurs ne les avoir jamais lus. La forme des
documents d'information ne semble donc pas adaptée. Il existerait un
décalage entre les attentes des militants et les opportunités qui
leur sont proposées. Cécile considère qu'il existe une
distance trop importante entre les militants et leurs outils de travail. Le
fait que les militants ne participent pas à l'élaboration des
documents serait, selon elle, à l'origine de ce problème. Elle
suggère, par ailleurs, que les militants
« retravaillent » les documents afin de se les
réapproprier. Cette idée, qui a déjà
été évoquée plusieurs fois, a pour l'instant
été appliquée très rarement470(*). Les militants ne
contribuent donc pas à l'élaboration de l'information qui
provient du Conseil scientifique. Comment rendre compte de cette division du
travail ?
Isabelle : En fait, ce qui me déçoit un peu
avec Attac, c'est que je m'attendais à ce qu'on ait des débats de
fond et surtout qu'on soit informé sur ce qu'on connaît moins.
Alors que là, c'est ou tu connais ton thème et tu peux un peu
t'insérer dedans, apporter des idées ou si tu ne connais pas tu
te sens vite un peu mis à l'écart.
Julie : Il y a un autre versant c'est de faire au niveau
local des choses qui permettent d'interpeller les gens et qui permettent de
pousser à la réflexion, de faire une forme d'information sur ce
qui ce passe, qui soit suffisamment...et c'est là le
problème...qui soit suffisamment simple et tonique pour que ça
accroche les gens et là on a beaucoup de progrès à faire
parce qu'on ne sait pas encore bien faire. Je pense qu'il faut trouver des
formes d'interpellation des gens que ce soit dans la rue ou que ce soit dans
les manifestations, qui poussent à la réflexion. Et quand on
prend par exemple nos petits documents, pour l'instant il faut se prendre la
tête pour comprendre. Il y a un travail à faire de
simplification... Enfin une simplification qui dit quand même quelque
chose, qui soit abordable et qui accroche
Isabelle : Après ils nous ont filé de la
documentation, la première fois une dame nous a donné un petit
paquet de documents... Fort intéressant ! [Rires]
[...] Il y a un énorme problème de communication
et de vulgarisation de l'information. Ils m'ont filé une grosse pile de
documents, tu les regardes et tu les mets dans un coin ! Je ne les ai pas lus.
Je les ai pris et j'en ai lu un ou deux. Mais c'est illisible, il faut se dire
« je m'y plonge et j'y passe trois heures ». C'est dur
à digérer mais courage ! Il faut vraiment se motiver, il faut
faire un sacré effort ! Après, sans vouloir faire vraiment un
effort, il n'y a rien qui est fait de façon attractive. Dans le journal
d'Attac campus, il y en a qui sont un peu plus accessibles mais même au
niveau d'Attac campus j'ai l'impression qu'il y a encore un problème.
Ils sont déjà plus clairs mais je ne pense pas que ce soit
accessible à tout le monde. Des gens qui n'ont pas fait
l'économie, je suis désolé, il y a certaines choses qu'ils
ne comprennent pas. C'est un peu compliqué. Mais je pense que les gens
ne se rendent pas forcément compte, car dans Attac campus il y en a pas
mal qui sont en sciences politiques et ils ont des cours d'économie.
Mais ceux qui n'en ont jamais fait, ce n'est pas évident. Même moi
qui ait fait deux ans d'éco, tu lis les articles, il y a certain trucs
tu es là : oui d'accord... mais encore... Il y a des choses qui ne sont
pas évidentes à comprendre.
Cécile : Travailler un tract, en fait tu
t'appropries un tract en le retravaillant. Si tu veux distribuer un tract qui
vient du groupe info, cela te donne des gens qui travaillent tous les documents
cela donne des gens qui vont distribuer des tracts et qui ne les lisent pas. Il
y a un certain nombre de militants d'Attac Isère qui ont très peu
participer à des débats politiques, car il y a peu de
débat politique Attac Isère [...] C'est vrai, que les
adhérents d'Attac Isère gagneraient à se faire position
personnelle [...]
Julie : Le niveau technique je crois que ce n'est pas trop de
notre... Bon il y a des gens qui se sont penchés dessus, alors au niveau
du conseil scientifique d'Attac et au niveau national, mais notre groupe ne
s'est pas penché sur le technique, on a répondu à un
moment donné à un questionnaire de travail sur la taxe Tobin :
à quoi ça servait ? Qui pourrait gérer cela ? On a fait un
travail dessus mais je crois qu'au niveau de notre groupe, les questions
techniques ne sont pas la priorité. Parce que notre priorité est
davantage à pousser les députés.
2.2.1.3 Un militantisme
« passif »
2.2.1.3.1 Quelle
« réappropriation » des idées ?
Le travail de formation vise à rendre les militants
aptes à agir sur des thèmes à propos desquels ils
étaient auparavant incompétents. Il s'agit de se
« réappropier » des questions qui étaient
auparavant déléguées aux seuls spécialistes en les
rendant accessibles à tous (d'où le nom d'éducation
populaire). Par leur militantisme, les adhérents devraient donc
se sentir de plus en plus aptes à comprendre les problèmes
économiques. Toutefois, trois phénomènes semblent prouver
le contraire. En premier lieu, les enquêtés expriment à
plusieurs occasions, au cours des entretiens, un sentiment
d'incompétence. Ils ont tendance, lorsqu'il est question des
modalités de la taxe Tobin par exemple, à se mettre en retrait.
Ils se réfèrent souvent au Conseil scientifique d'Attac pour
légitimer leurs propos.
D'autre part, ce sentiment d'incompétence explique que
les militants du comité effectuent peu de diffusions de tracts. S'ils
réalisent peu d'interventions publiques sur Grenoble, ce ne serait pas
seulement par manque de temps mais, avant tout, parce qu'ils ne se sentent pas
suffisamment compétents pour le faire. Par exemple, Cécile
évoque la réaction d'un militant qui, au cours d'une
réunion, expliqua qu'il n'était pas en mesure d'argumenter les
revendications de l'association. François suppose également qu'il
existe une importante différence entre les arguments utilisés
dans les documents nationaux et la prise en compte qui en est faite au niveau
local. Selon lui, les questions techniques, telles que le problème des
retraites, ne sont pas maîtrisées par les militants du
comité.
Enfin, la manifestation la plus pertinente de ce sentiment
d'incompétence serait la relation que les militants locaux entretiennent
avec les membres du Conseil scientifique. Les universités
d'été de l'association'ont pris la forme de cours
magistraux471(*). C'est
également sur ce mode qu'a eu lieu le week-end
d'éducation populaire de l'Heure Bleue en Isère. Cécile
regrette que les militants viennent y chercher de l'information sans se
permettre pour autant d'intervenir à la fin des conférences. Les
exposés/conférences qui ont lieu lors de certaines
réunions publiques empêchent également, selon elle, un
véritable échange472(*).Elle explique d'ailleurs que c'est pour cette raison
qu'elle a préféré que les militants du groupe
« campus » organisent par eux-mêmes les débats
techniques. Le recours à un intervenant extérieur risque, selon
elle, de ne pas permettre d'engager un réel débat.
Il semblerait donc que les militants manifestent un certain
sentiment d'incompétence qui s'exprime dans leur rapport à
l'information. Tandis que les militants s'inscrivent dans une démarche
de réappropriation, ils entretiennent une relation de
pure extériorité avec l'information. Leur
rapport à l'économie est comparable à la relation
symbolique qui existe entre le sacré et le profane473(*). Le sacré est une
qualité que le profane accorde aux choses et qui détermine les
relations qu'il entretient avec elles. Ainsi, comme le note Roger Caillois,
l'homme témoigne vis-à-vis du sacré un respect fait de
terreur et de confiance. Son usage est régulé par un ensemble de
rites initiatiques; il est réservé à une minorité
d'individus. Les militants témoignent d'une relation similaire avec le
savoir économique. Ils n'en sont que les vecteurs de transmission (de
même que l'homme n'est que le porteur de la « bonne
parole », image du sacré). L'usage du savoir est le fait de
quelques membres éminents du Conseil scientifique qui jouissent d'un
prestige considérable au sein de l'association. La relation entre les
militants et les « savants » s'apparente à une
relation inégalitaire, à une relation de domination.
Julie : Ce qui me semble le plus important c'est la
finalité, car c'est du domaine politique, c'est du domaine d'un choix et
après on peut réfléchir comment y arriver et on se rend
compte que ce n'est pas si difficile que ça à mettre en place car
apparemment toutes les banques le font, tout est enregistré... Bon ce
n'est pas mon domaine mais ce n'est pas là où se situent les plus
gros problèmes,
Cécile : Moi il y a beaucoup de sujets sur
lesquels je n'ai pas de position. Il y a des thèmes sur lesquels je
reprends l'argumentaire d'Attac sans forcément chercher des informations
[...] Je pense qu'il y a beaucoup de gens d'Attac qui sont comme ça. On
avait eu une réunion au Conseil d'administration au sujet d'aller voir
des gens et distribuer des tracts et moi j'étais pour, et il y a un type
qui a été militant syndical pendant des années, qui doit
savoir dix fois plus ou choses que moi, qui disait qu'il n'avait pas
forcément envie d'aller distribuer un tract ou d'aller voir les gens
parce qu'il n'avait pas l'argumentaire et qu'il n'en savait pas suffisamment.
On retrouve beaucoup ce thème chez les gens, cette peur de ne pas
savoir, même s'ils ne veulent pas trop le dire parce que c'est
fondé sur quelque chose comme la volonté de se
réapproprier et de comprendre les mécanismes économiques.
Et lui il se sentait mal à l'aise à aller distribuer un tract. Ce
n'est pas une honte à aller dire à quelqu'un qui pose des
questions que là-dessus je n'en sais rien et je n'ai pas d'opinion.
C'est une culture de domination par le savoir, je pense.
François : Je pense de toute façon qu'il n'y a
pas d'action efficace sans réflexion politique au sens large. Il n'y a
pas aussi de réflexions politiques qui ne soient nourries d'action et
c'est la vie sociale [...] Maintenant est ce que le va-et-vient existe ?
C'est-à-dire est-ce que les structures de base se nourrissant du Conseil
scientifique ? Je pense qu'à travers les ouvrages de vulgarisation,
ça doit exister mais je ne pense pas que tout le réseau s'en
saisisse. Je ne parle pas de tous les militants et de tous les adhérents
mais je parle de toutes les structures. C'est une des difficultés qui
n'est pas propre à Attac, c'est très dur de faire redescendre le
travail d'élaboration qui est fait par les sphères
intellectuelles d'une association ou d'un syndicat. [...] Pour Attac c'est
pareil, il y a des positions sur les fonds de pension et je ne suis pas
sûr que tout le monde maîtrise ce débat là
aujourd'hui. Je pense que les revendications nationales sont justes et sont
bien travaillées, il y a de la réflexion qui est solide. Mais sur
le plan local les gens n'ont pas l'argumentaire, les militants d'Attac n'ont
pas d'arguments en main, ils peuvent l'avoir sur papier quelque part mais il
n'est pas acquis intellectuellement, ils ne s'en serviront pas dans une
discussion. Attac il y a un problème dans la structure, c'est qu'il y a
des cadres intellectuels comme un Conseil scientifique qui produit des choses
mais qui est un peu coupé de la base militante.
Cécile : Par exemple quand on a des
réunions sur des thèmes à Attac campus, on a fait le choix
de ne pas faire venir à chaque fois un économiste ou un prof
d'Attac pour nous faire un exposé. On fait l'exposé tous seuls,
c'est-à-dire qu'il y a une personne ou deux qui travaillent un
exposé et qui le présentent aux autres, qui arrivent à le
présenter d'une façon un peu plus intelligible que le ferait un
économiste ou un prof et du coup il y a un débat qui s'instaure
qui est relativement égalitaire, parce qu'on est tous étudiants,
donc la personne qui aura fait l'exposé, aura peut-être dit des
paroles qui seront rectifiées par les autres. Là tu peux vraiment
avoir un débat et te positionner. Et je trouve que c'est ce qui manque
à Attac Isère [...] Dans Attac Isère et il n'y a pas ce
débat là. J'avais été aux réunions de
L'Heure Bleue et c'est vrai que ce sont des spécialistes [...] Dans
Attac tu as quand même ce côté éducation populaire
qui fait que même les membres du Conseil d'administration se
perçoivent parfois comme les récepteurs de l'information et ils
la transmettent à d'autres et ils ne pensent pas qu'avec leur
positionnement ils peuvent peser dans cette information. Et L'Heure Bleue
c'était un peu ça, c'était un peu on vient chercher de
l'information et de l'analyse mais dans le débat on ne se sentira pas
trop d'intervenir et en plus c'était un peu la forme du débat qui
voulait ça parce que quand tu es dans une salle avec 200 personnes, tu
ne vas pas intervenir en disant que tu n'es pas d'accord ou donner ta position.
Pour l'instant les gens se forment pour pouvoir intervenir et peser sur les
idées politiques.
F.E : Sinon est-ce que tu penses que la
réflexion se fait au niveau d'Attac Isère, comme elle se fait au
niveau national dans le Conseil scientifique ?
François : [...] Je pense qu'il y aurait une
réflexion à avoir un sur le type d'action menée par les
collectifs locaux et l'interaction que sa peut avoir avec le Conseil
scientifique. Je pense que tout n'est pas de la faute de la base, je pense que
c'est un mode de fonctionnement qui a des limites car il y a la tête et
la base qui essaye de s'en saisir un peu mais qui sont cantonnés
à des tâches pratiques. Ce sont un peu les bras.
2.2.1.3.2 La domination
symbolique
La sociologie de Pierre Bourdieu s'est attachée
à dévoiler les rapports de domination qui existent entre les
hommes474(*). Les
mécanismes de domination ne s'effectuent pas seulement, selon lui,
à partir d'inégalités matérielles ou physiques mais
sur la base de dotations en biens symboliques475(*). Ce rapport d'inégalité s'exprime par
des violences (symboliques) dont certains acteurs, d'ordre institutionnels ou
organisationnels, se font le relais (l'école, la presse). La
participation au champ politique s'effectue à partir du sentiment de
compétence de chaque acteur. Les dominés, qui ont tendance
à se sentir incompétents vont s'auto-exclure en
déléguant leur pouvoir de décision. Toutefois, les
dominés sont inconscients de ces mécanismes. La relation de
domination, qui n'est pas perçue comme telle, passe alors pour une
relation de charisme476(*).
Ce processus rend compte du sentiment d'incompétence
dont témoignent les militants. La différence de dotation de
capital culturel « économique » entre les militants
et les savants induit un rapport de domination symbolique par le
savoir477(*). Les
« savants » de l'association, du fait de leur connaissance,
jouissent d'une reconnaissance auprès des militants. Leur
légitimité intellectuelle devient alors une
légitimité charismatique478(*). Le savoir détenu par une minorité
accentuerait ainsi le sentiment d'incompétence des militants. Le travail
d'éducation populaire, tel qu'il s'effectue au sein d'Attac, ne
conduirait donc pas à une ré-appropriation479(*). Celle ci se manifesterait
par l'accroissement du sentiment de compétence des militants. Tandis que
les dirigeants d'Attac se réfèrent au thème
récurent de la démocratie « par le bas », ils
reproduiraient au sein de l'association un système de relations
inégalitaires. Cette hiérarchie statutaire ne serait pas
institutionnalisée, contrairement aux partis politiques. Elle
relèverait d'un ordre symbolique. La formation intellectuelle, tout
comme la prise de décision, s'effectue essentiellement du haut vers le
bas. C'est pourquoi nous qualifierons le militantisme qui s'effectue dans Attac
de « militantisme passif ».
Ces remarques semblent aller à l'encontre des
évolutions du travail militant que Jacques Ion a pu observer au sein des
organisations480(*). Il
existait précédemment une répartition des tâches
très stricte entre la direction nationale et les militants :
« le schéma classique d'action alternait en
réalité exposition de la puissance et négociation ;
sommairement dit : les troupes défilaient, puis la direction
discutait, s'appuyant sur la démonstration de force et menaçant
d'une entrée en scène plus virulente de la base en cas
d'échec »481(*). A cette division s'en ajoutait une seconde entre
les intellectuels et la base. Désormais la distinction entre le haut et
le bas du groupement serait de moins en moins nette. La négociation ne
serait plus le propre de la direction, de même, que la protestation
collective ne serait plus le propre du militant. De plus, la figure du militant
et de l'intellectuel se rapprocheraient. Cette observation ne s'applique, selon
nous, pas à Attac. L'intellectuel, loin d'être obsolète,
recouvre au sein de l'association une nouvelle légitimité. En
revanche, qu'en est-il de l'activité protestataire et
revendicative ?
2.2.2 Les formes des
mobilisations
Les formes des mobilisations collectives ne sont pas
invariantes. Charles Tilly s'est attaché à rendre compte des
évolutions des formes de la protestation collective. Il a tenté
d'en faire une histoire482(*). Sa démonstration repose sur
l'hypothèse que les individus n'utilisent pas indifféremment une
forme d'action collective plutôt qu'une autre mais choisissent au sein de
« répertoires » existants, lesquels varient selon
les époques et les lieux, la population concernée, les avantages
que présente l'habitude, mais aussi en fonction de l'attitude
adoptée par les autorités et les organisations visées
vis-à-vis des formes consacrées de l'action collective483(*). Chaque mouvement de
protestation est confronté, selon lui, à un répertoire
d'actions précis déjà testées auparavant par
d'autres acteurs sociaux. Tilly privilégie, dans ses analyses
socio-historiques, une perspective dynamique dans laquelle les
répertoires d'actions sont renouvelés. Ces évolutions ont
lieu selon trois processus : l'innovation ou l'adoption de nouvelles
formes d'action, l'adaptation à des formes d'action déjà
disponibles, l'abandon des formes d'actions qui paraissent peu
appropriées, inefficaces ou dangereuses485(*).
Le répertoire d'action d'Attac est issu de la
conjonction entre des modes de protestation déjà existants,
anciens comme la grève ou issus des mouvements associatifs
protestataires tels que l'usage symbolique des médias, et d'un ensemble
de valeurs et d'attentes qui caractérisent les militants. Le
répertoire de protestation utilisé par l'association constitue
donc un indicateur des valeurs qui caractérisent l'engagement des
militants.
Parmi les modes d'action auxquelles ont recours les
militants, il est possible de distinguer trois caractéristiques :
le recours aux actions symboliques, l'importance de la convivialité et
la légitimité par le nombre.
2.2.2.1 Le renouveau du
répertoire d'actions collectives
2.2.2.1.1 La
prééminence du symbolique
La symbolique occupe une très grande place au sein des
actions qui sont menées par l'association au niveau national. Par
exemple, lors de la manifestation du 6 décembre 2000 qui avait eu lieue
à Nice pour le sommet de l'Union européenne, les dirigeants
d'Attac avait organisé une action « baignade » qui a
bénéficié de très fortes retombées
médiatiques486(*). Le lendemain, les militants d'Attac
« gardent la vedette » en se rendant à la
frontière monégasque où ils érigent un
« mur de l'argent » avec des cartons frappés aux
devises européennes. Là encore la présence
médiatique est considérable487(*). La journée d'action contre les paradis
fiscaux du 9 juin 2001 fut également l'occasion de recourir à des
actions symboliques. Les militants d'Attac annoncèrent par voie de
presse leur « débarquement » sur l'île de
Jersey pour protester leur mécontentement. La police locale se mit sur
le pied de guerre et des officiers spécialisés dans les
techniques anti-émeutes de Gaslgow furent appelés en renfort.
Toutefois, comme le précise un journaliste du Monde,
« cette atmosphère de veillée d'armes cadre mal avec le
programme : pique-nique, distribution de tracts par groupe de six
(priés de ne laisser « aucun relief sur les
lieux »), entretien accordé à une
délégation d'Attac »488(*). Le mode de mobilisation de l'association
apparaît profondément marqué par les évolutions qu'a
connu le répertoire d'action collective depuis la fin des années
soixante et qui se sont amplifiés au cours des années
quatre-vingt-dix.
Toutefois, les mobilisations des militants du comité
isérois ne relèvent pas du même répertoire d'actions
collectives. Les formes de protestation restent ancrées dans un
répertoire moins renouvelé et plus traditionnel. Par exemple, la
journée d'action contre les paradis fiscaux qui avait pris une forme
« originale » au niveau national s'est traduite par une
simple distribution de tracts et d'affichage devant les banques du centre-ville
de Grenoble. A l'occasion du congrès du Parti socialiste (24, 25, 26
novembre), les militants isérois avaient organisé
« l'accueil » des congressistes à la gare par des
« hommes sandwiches » distribuant des tracts. Des
diffusions avaient également été réalisées
devant le palais des congrès de Grenoble (Alpexpo). Les actions
menées par le comité isérois s'effectuent sur une forme
très distincte de celle qui est adoptée par la direction
nationale d'Attac. C'est peut être ce qui explique, entre autres, la
faible médiatisation du comité local tandis que l'association
nationale bénéficie d'une large couverture médiatique.
Comment rendre compte de cette importante différence entre le
répertoire d'action local et le répertoire d'action
national ?
2.2.2.1.2 Un mode d'action
festif
Les mobilisations de l'association se caractérisent
par la place qui est accordée à la dimension festive. Cette
festivité est, tout d'abord, présente lors des
événements de la vie interne de l'association. Les rendez-vous
nationaux (Assemblées générales, universités
d'été) se présentent, malgré le nombre de
participants, comme des moments de convivialité entre militants. Des
soirées «Attac » sont organisées par la direction
nationale : projections de films, spectacles humoristiques, soirées
dansantes, etc. Au sein du comité local, des regroupements de
convivialité ont également lieu. Ces manifestations participent
à l'élaboration, comme nous l'avons noté, d'une
sociabilité organisée destinée à
fédérer les militants de l'association. Elles semblent
correspondre, selon l'enquête menée par Thomas Marty, à une
certaine attente des militants489(*).
Toutefois, cette festivité est également
présente lors des mobilisations externes de l'association. Par exemple,
à l'occasion du 1er mai, un
« réveillon » est organisé chaque
année devant le palais de la bourse à Paris. Il s'agit de
protester contre la « financiarisation » et les profits
spéculatifs d'une manière joyeuse et conviviale. Le groupe
« campus » a également mené un
« jeu de loi alternatif » sur le thème de la
spéculation. Ces formes d'action apparaissent, peut-être, comme un
nouveau mode de protestation. Elles relèveraient, selon nous, de la
conjonction entre une convivialité présente dans les
organisations traditionnelles et l'attente de nouveau modes d'actions qui
s'expriment depuis le début des années quatre-vingt-dix. Alors
que les mouvements associatifs protestataires avaient exclu, en réaction
aux organisations traditionnelles, la festivité comme mode d'action,
Attac en ferait une composante majeure de son répertoire d'action
collectif. Peut-on pour autant en conclure que le mode de protestation de
l'association soit nouveau ?
Cécile : Notre première action était un
jeu, sur le campus : comment devenir un gros porc spéculateur !
C'était un jeu de l'oie, super rigolo; on l'avait fait au terminus du
tram, c'était vers mars.
F.E : C'était vous qui aviez lancé cette
action ? Et cela avait bien marché ?
Cécile : Moyen, car les étudiants étaient
venus jouer, mais on les connaissait déjà... (rires)
F.E : Et les personnes qui étaient devant le tram
?
Cécile : Oui, c'est marrant, parce qu'il y avait
quelques personnes qui voulaient jouer mais qui ne regardaient pas
forcément ce qu'il y avait écrit sur les cases. Il y a des gens
qui disaient : « Oh je joue, c'est rigolo ! » Mais finalement ils
n'avaient pas compris. Mais à la fin, il y a quand même quelques
personnes qui nous ont demandé : « Mais c'est quoi Attac ? ».
Mais nous, on s'attendait à ce que cela soit plus dynamique, on disait
qu'il faut promouvoir davantage le militantisme, pour essayer de renouveler
toutes ces actions. C'est bien de faire une action avec des formes rigolotes,
mais comme c'est la première apparition, les gens ne connaissent pas
encore Attac et c'était normal que cela ne marche pas du premier
coup.
2.2.2.1.3 La
légitimité par le nombre
La nouvelle forme de participation associative décrite
précédemment a provoqué un renouveau du répertoire
d'action collective des organisations. Jacques Ion observe que le nombre
(d'individus) n'est plus le seul réfèrent du groupe. Ainsi, la
légitimité ne s'acquiert plus, uniquement, à partir du
nombre d'adhérents490(*). Le militant s'individualise et confère
à l'organisation, par sa spécificité, une nouvelle
légitimité. Les modes de protestation collective en sont
affectés. Tandis que les précédents répertoires
d'action collectif privilégiaient les « manifestations de
force », les nouveau modes de protestation accordent moins
d'importance au nombre et le rapport de force se symbolise par
l'intermédiaire des médias491(*).
Les mobilisations au sein d'Attac accordent une large place
à la dimension symbolique. Toutefois, l'instance de légitimation
des revendications apparaît être avant tout le nombre. Selon les
enquêtés la prise en compte des revendications de l'association
doit s'effectuer, avant tout, par le nombre. L'importance qui est
accordée à la progression des adhésions au sein d'Attac a
d'ailleurs été mise en évidence. Le répertoire
d'action collective est bien sûr lié à cette
représentation de la légitimité. Par exemple, la
principale action menée par Attac en faveur de la taxe Tobin fut le
lancement d'une pétition. Celle ci a mobilisé l'association de
décembre 1998 à octobre 1999, date à laquelle une
délégation Attac remis cette pétition (de 110 000
signatures) à Laurent Fabius, alors président de
l'Assemblée nationale492(*). Une pétition européenne avait
également été lancée en avril 1999 en
prévision des élections européennes du
13/06/1999493(*).
En revanche, on peut objecter que l'association n'a pour
l'instant jamais organisé de manifestations « de
masse ». La première manifestation nationale Attac aura lieu
au mois de janvier 2001. François reconnaît, d'ailleurs, qu'il
espère que près de 50 000 manifestants seront présents.
Cette manifestation s'apparente donc bien à une mobilisation de
masse494(*). On suppose
que l'absence, jusqu'à présent, de telles manifestations traduit
l'attachement au nombre plutôt qu'elle ne le contredit. En effet, c'est
avant tout parce que l'association n'était pas en mesure de pouvoir
rassembler les effectifs nécessaires, qu'aucune mobilisation de masse
n'avait été organisée jusqu'à aujourd'hui. Cette
hypothèse est confirmée par la situation du comité local.
Aucune manifestation spécifique à Attac n'a pour l'instant eu
lieu sur Grenoble. Les enquêtés expliquent qu'une mobilisation
n'est pas envisageable pour l'instant car elle ne rassemblerait pas
suffisamment de militants pour être représentative et
crédible. Les enquêtés semblent donc fonder la
légitimité à partir du nombre.
Le répertoire d'action collective de l'association
manifeste certaines contradictions. La place accordée aux actions
symbolique témoigne de la prise en compte du renouveau associatif. En
revanche, la place accordée à la convivialité et
l'affiliation de la légitimité au nombre traduisent le poids des
modes d'actions traditionnels. Attac se situerait à la rencontre du neuf
et de l'ancien. Cette ambiguïté ne peut se résoudre que par
la recherche d'un mode de protestation qui soit spécifique à
l'association.
Thomas : Le 24 novembre c'est la date de la grande manif
nationale à Paris. On va essayer de ramener le maximum de gens et moi
j'aimerais bien qu'on soit autour de 50 000 personnes et c'est possible.
C'est une manif d'Attac sur les grands thèmes comme la taxe Tobin et
l'annulation de la dette du tiers-monde, la pollution. C'est la première
manif Attac, bien sûr il va y avoir beaucoup d'autres qui vont s'y
associer, tous les membres fondateurs vont ramener des cars mais c'est Attac
qui organise.
F.E : Est ce que vous avez déjà fait sur
Grenoble une manifestation ou une action spécifiquement sur la taxe
Tobin ?
Julie : [...] Une seule manifestation sur la taxe Tobin
non ! Car pour l'instant ça nous a pas semblé suffisamment
fédérateur pour qu'on soit suffisamment nombreux. On est 800
adhérents mais ça ne veut pas dire qu'on sera 800 personnes
à manifester. Il faut quand même qu'il y ai un minimum de gens
pour que ce soit crédible et pour que ce soit visible.
2.2.2.2 La recherche d'un
mode de protestation légitime
« Tous les
efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité et ne
servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la
vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font
que l'irriter encore plus »
Pascal, Les provinciales,
12éme lettre
2.2.2.2.1 Répondre
à la violence
Les conflits sociaux internationaux tels que Seattle ou
Gênes ont contraint les militants d'Attac à rechercher un mode
d'action spécifique. En effet, ils furent confrontés au cours de
ces mobilisations à des groupes qui incluent la violence dans leurs
répertoires d'actions. L'action violente est une donnée qui a
souvent été occulté, à tort, de l'analyse des
mobilisations495(*).
Charles Tilly est un des premiers auteurs a avoir intégré la
violence dans sa réflexion, non pas en tant que fait spécifique
mais en tant que modalité de la protestation collective496(*). La prise en compte de la
violence apparaît essentielle, au sein d'Attac, dans la
compréhension des formes de l'action militante.
Lors des contre sommets, une grande diversité d'acteurs
politiques est représentée. Outre les acteurs traditionnels
(associations, ONG, partis politiques, syndicats), des groupes anarchistes ont
pris part à ces mobilisations. Tandis que les premiers s'inscrivent dans
une perspective légaliste, les seconds sont, souvent, partisans d'un
mode d'action plus violent. Par exemple, les mouvements autonomes qui se
réclament du black bloc sont reconnus comme étant les
plus violents lors des contre-sommets497(*). D'autres groupes, qui se réclament comme non
violents, développent des stratégies d'action plus protestataires
(blocage des voies d'accès, interposition directe face aux policiers)
tels que Reclaim the streets, les Tutte bianche ou Ya
basta. Au fil des contre-sommets, la violence fut de plus en plus
présente de part et d'autre. D'importants dispositifs de
sécurité furent installés dans les villes servant de lieux
de réunion aux instances internationales. Par exemple, à
l'occasion du sommet du G8 de juillet 2001, la ville de Gênes se
transforma en un quasi-blockhaus498(*). Toutefois, les violences se multiplièrent.
Après ces événements, les responsables de
l'association adoptèrent une position face à la violence. En
réponse au sommet de Göteborg, le Bureau d'Attac publia un
communiqué de presse par lequel ils se désolidarisa
« totalement des groupes de provocateurs qui ont saccagé le
centre-ville de Göteborg pendant le contre-sommet » et affirma
la volonté d'Attac « à agir de manière non
violente »499(*). Toutefois les positions des dirigeants de
l'association sont plus ambiguës que ne pourrait le laisser penser ce
discours « langue de bois ». On peut distinguer,
vis-à-vis de la violence deux tendances contraires au sein d'Attac. Tout
d'abord, Susan Georges pris position de façon très nette contre
la violence et les groupes qui la pratiquent500(*). A l'inverse, certains, tel que Christophe Aguiton,
tendent à accorder une place à la violence au sein des
mobilisations sans pour autant la légitimer de façon
claire501(*). Ce refus
de condamner la violence suscita de vives polémiques au sein de
l'association, d'autant plus que Christophe Aguiton dispose, selon certains,
d'un passé militant «paramilitaire »502(*). Son organisation politique
(la LCR) fut également accusée d'inciter les militants à
la violence503(*). Suite
au contre-sommet de Gênes, certains représentants d'Attac, tel que
Ricardo Petrella, président d'Attac Italie et journaliste du Monde
Diplomatique, considérèrent ces violences comme une
réponse « inévitable » aux provocations
policières504(*),
ce qui revient à les légitimer.
Le comité isérois fut déjà
confronté au problème de la violence. Par exemple, la
mobilisation de Nice en décembre 2000 fut très mal vécue
par certains militants. D'ordinaire, l'organisation des contre-sommets se fait
par la direction nationale de l'association, tandis que les comités
locaux constituent les troupes des mobilisations. Toutefois, à
l'occasion du contre sommet de Nice la direction nationale n'appela pas
à participer à l'encerclement du palais des congrès. Des
comités Attac, dont celui de l'Isère, s'étaient
mobilisés mais aucune organisation n'encadrait leur action. Les
comités se dispersèrent parmi les manifestants et des militants
de retrouvèrent mêlés à des groupes d'anarchistes.
Cécile explique que la manifestation fut très violente et que
beaucoup de militants d'Attac venus manifester pacifiquement furent très
surpris du déroulement des événements.
Au sein du comité isérois, Luc nous
précise, qu'il est possible de trouver cette divergence d'opinions parmi
les militants. Suite aux violences de Nice, certains militants avaient
refusé que le Conseil d'administration du comité appelle à
manifester pour le contre-sommet de Gênes. A l'inverse, d'autres
militants étaient partisans d'une action plus violente destinée
à forcer la zone de démarcation. La position des
enquêtés relève de la même ambiguïté que
les propos de Christophe Aguiton. Ils refusent de soutenir la violence et se
désolidarisent des casseurs mais ils ne les condamnent pas pour autant.
Ils se positionnent dans une stratégie de démarcation
vis-à-vis de la violence505(*). Les militants du comité refusent
d'être amalgamés avec les groupes jugés plus radicaux.
L'expression de Lionel (« Pas pour moi !») résume cette
prise de distance. On peut peut-être expliquer cette réaction, de
même que celle de Susan Georges, par la prise en compte de l'image du
mouvement qui pourrait pâtir de la confusion.
Cécile : Je n'avais jamais vu une manifestation
aussi violente. Les gens d'Attac qui étaient venus pour voir,
s'attendaient à une manif fun, cool, genre carnaval, ils ont
été surpris, mais sont restés. Mais je ne suis pas
sûre, que les gens d'Attac se réinvestiraient dans une manif de ce
genre surtout celle contre le G. 8, en juillet, qui s'annonce aussi violente
[...] Mais surtout sur cette manif, c'est qu'il n'y avait pas eu de
préparation collective de la part d'Attac Isère. Dans d'autres
villes, il y avait eu une préparation, en disant ce qu'il fallait faire
si on était arrêté, on pouvait appeler tel numéro
d'avocat; que faut-il faire si on se trouve dans un poste de police ? [...] Je
suis très critique sur Attac Isère ! On a du mal à
organiser des réunions collectives et à donner des directives
pour que les choses fonctionnent. Par exemple, pour Nice on n'a pas pu
organiser de car; comme la réunion se déroulait sur trois jours,
on a donné la possibilité aux gens de venir quand il voulait, le
matin ou le soir. On avait organisé des covoiturages, on se donnait des
rendez-vous sur le parking de Grand-Place à Grenoble à une heure
matin. On ne savait même pas si on trouverait des voitures pour
transporter les gens. On ne sait pas combien sont venus et les gens
n'étaient même pas au courant, pour entrer dans Nice et où
était la réunion..
Luc : La fois d'avant, par rapport à Gênes,
on n'avait aucune information sur la manière dont ça allait se
passer. Il y avait une peur d'intervenir à Gênes, parce qu'il y a
eu l'expérience de Götegerg avec un mort, il y a eu
l'expérience de Nice où on a tous étés relativement
mal à l'aise parce qu'il n'y avait pas d'organisation et il n'y avait
pas de moteurs. On n'avait pas envie que ça se reproduise. Donc dans le
Conseil d'administration on a pu retrouver les deux tendances, la tendance
Aguiton et la tendance Susan Georges, il y avait une tendance qui disait il
faut aller démolir le mur autour de Gênes, une tendance
extrême, il y avait tendance qui disait, compte tenu des problèmes
de violence et des risques par rapport à la presse, il surtout ne pas
Aller à Gênes, et puis une troisième tendance dont je
faisais partie, qui disait « attendons d'avoir plus d'informations !
». Pour moi en devait décider quand on n'avait plus information. On
a passé huit heures là-dessus.. Alors on a attendu d'en savoir
plus pour se décider à organiser quelque chose pour y aller.
Parce que quelqu'un disait est-ce qu'on prend la responsabilité
d'organiser quelque chose par rapport aux gens qui vont y aller ?
Julie : Peut-être qu'on aura une révolution,
peut-être qu'il faut passer par là, il y a des soulèvements
de plus en plus important, il faut voir ce que l'on veut, est-ce qu'on veut un
soulèvement où on met des bombes partout où est-ce qu'on
cherche à réagir et se mobiliser et réfléchir
ensemble ? Je ne me vois pas aller poser des bombes et donc il faut bien faire
autrement.
Lionel : Je n'avais pas été à Nice
car c'était surtout sur l'Europe et je voyais ça moins important,
c'est moins le rôle d'Attac. C'est un peu plus le rôle des
syndicats. Il y avait eu pas mal de violence avec les Italiens et les
Espagnols. Ma position est assez mitigée par rapport à la
violence à savoir s'il faut l'utiliser ou pas. Je la comprends mais je
dis « Pas pour moi !» Ça me renvoie un peu à mon
passé.
F.E : Pourquoi votre passé ?
Lionel : Je n'avais pas participé à mai 68
mais au début des années 70 j'avais participé à des
manifestations qui étaient dans la lignée de mai 68.
C'était un peu une revanche sur mai 68 qu'on a pris là.
2.2.2.2.2 Quel mode de
protestation ?
Les militants isérois ne surent pas comment
réagir lors du sommet de Nice. Thomas explique qu'il n'a pas su quelle
réaction adopter lorsque des anarchistes infiltrèrent le
cortège Attac. Les difficultés rencontrées par le
comité isérois lors du contre-sommet de Nice traduisent selon
Cécile et François le manque d'organisation des militants.
Cécile regrette que personne n'ait eu le réflexe de donner
certains conseils de sécurité aux personnes qui sont venues
manifester. Ceci s'explique, selon elle, par le manque d'expérience des
militants. Les personnes les plus engagées au sein du comité
disposent essentiellement d'une expérience syndicale. Parmi les
enquêtés qui occupent des responsabilités dans
l'association, Thomas est le seul à disposer d'un passé
politique. Il bénéficie d'une expérience de l'action
collective dont ne disposent pas les autres militants506(*). François souligne
également que ce qui fait défaut aux militants isérois,
c'est essentiellement une expérience et une réflexion concernant
le problème de la violence. Il déclare disposer au sein de son
parti politique (la LCR) d'une telle pratique qui lui permet d'adopter des
réactions appropriées face à la violence.
Cécile : Tandis qu'Attac a réussi à
faire venir des gens qui n'étaient pas militants, qui n'ont jamais
été militant. Et ceci c'est dans tous les groupes locaux. Du coup
tu te retrouves avec des trucs où les gens n'ont pas les réflexes
militants. Moi j'étais énervé et pourtant je me suis quand
même pas vieille, donc c'est un peu grave. J'étais
énervé sur des trucs parce que moi j'avais déjà un
réflexe militant. Je n'ai pas d'exemple en tête. Mais sur une
action, les réflexes militants sont importants, sinon ça veut
dire que tu reproduis et quelquefois tu ne te poses plus de questions.
Ça permet d'avoir une certaine efficacité sur certains trucs
aussi. Par exemple sur Nice, j'avais été à une
réunion de préparation ; sur la question de la
sécurité, j'étais intervenu pour dire qu'il fallait
prévenir toutes les personnes qui venaient à Nice, et comment
allait se passer la sécurité. Cela n'a pas été
fait, mais j'étais intervenu là-dessus. Tu vois c'est des trucs
qui ne venaient à l'esprit, parce que j'avais déjà
vécu des situations comme cela et qui ne venaient pas forcément
à l'esprit des gens alors que pour moi c'était évident.
François : On a une place en tant qu'organisation
politique qui n'est pas contestable. On a une capacité de mobilisation
qu'Attac n'a pas. Attaque peut faire quelque chose et faire venir une
marée humaine mais c'est justement quand la marée est un peu
incontrôlable que ça part dans tous les sens. C'est bien d'avoir
une organisation politique qui a des traditions de réflexion sur la
violence. On n'est pas violent quand on est dans une situation et qu'on a eu
des réflexions on ne s'assoira pas parterre par exemple. On organisera
un repli plus facilement. Organiser un repli de militants c'est le travail
d'une association ou d'un parti qui a eu une tradition et un passé de
service d'ordre et des discussions sur comment se protéger. C'est
organiser sa propre protection [...] Le cortège de la Ligue n'a jamais
explosé à Nice. Il y avait des drapeauxAttac dans tous les
cortèges parce que leur cortège à la première
charge s'est éparpillé dans tous les sens. Alors c'est facile que
nous attaquer là-dessus et de nous traiter de paramilitaires !
Luc : Et le lendemain, il y a eu l'encerclement du sommet
européen, on s'est retrouvé devant les flics partant un peu
partout, on ne savait pas où aller, avec notre drapeau Attac et
qu'est-ce qu'on fait devant les flics ? Qu'est-ce qu'on fait ? On attend. Il y
avait des extrémistes avec leur drapeau rouge et ça créait
une certaine tension, parce que sur leur drapeau c'était non seulement
la faucille et le marteau, ce qui ne me choque pas trop en soi, bien que je
trouve que c'est un peu désuet. Mais en plus il y avait la mitraillette
sur le drapeau. Ils venaient au milieu de nous avec leurs drapeaux et ils les
agitaient sous le nez des flics. Moi j'appelle ça de la provocation. De
plus, on était mal à l'aise parce qu'on ne savait pas quoi faire.
On n'était pas avec le groupe Attac mais on était avec des gens
d'Attac qui étaient là. Il y avait plusieurs groupes Attac qui se
baladaient un peu partout, parce qu'il n'y avait pas d'organisation. Il n'y
avait rien d'organisé par le national, alors si c'était pour se
retrouver dans les mêmes conditions à se retrouver devant le mur
et à attendre ça ne vaut pas le coup.
Ce qui nous semble être en cause dans le
déroulement des contre-sommets, ce n'est pas tant le manque
d'organisation des militants que l'inadaptation du répertoire d'action
des manifestants à la situation. Le déroulement d'une
mobilisation peut servir d'illustration. Il s'agit de la manifestation qui a eu
lieu le 20 juillet 2001507(*) à Gênes lors du G8.
Manifester à
Gênes
La direction nationale d'Attac avait souhaité prendre
en charge l'organisation du contre-sommet de Gênes. Un lieu de
rendez-vous a servi de QG à l'association508(*). C'est là où
les militants isérois ont pu à leur arrivée recevoir des
informations sur les mobilisations prévues et sur les modalités
d'hébergement. Les actions furent organisées par la direction
d'Attac France et d'Attac Italie. Un briefing a eu lieu avant chaque
action. Le déroulement des manifestations était expliqué
aux militants509(*).
Certaines consignes de sécurité ont été
également indiquées (gaz lacrymogènes, réactions
à adopter en cas de violences). Enfin des formations à la
non-violence ont été proposées aux militants qui
étaient volontaires. Un service d'ordre, composé de militants de
l'association, avait été organisé afin de s'interposer
entre les manifestants et les carabiniers. Il prit la forme d'une longue
chaîne humaine qui entourait le cortège Attac durant les
manifestations510(*).
Attac faisait partie des organisations qui ne souhaitaient pas
pénétrer dans la zone rouge. C'est pourquoi les actions
organisées par l'association pendant le contre-sommet relevaient
essentiellement d'une dimension symbolique. Par exemple, il fut
décidé de préparer un franchissement du mur d'enceinte de
la zone à l'aide d'un lâcher de ballon511(*). La seconde
« action » des militants fut de se « faire
entendre » au sein de la ville. Il s'agissait de produire un maximum
de bruit à l'aide d'objets divers (clés, bouteilles, etc.) face
au mur grillagé. Toutefois, au bout d'un certain temps, les militants se
découragèrent. Un sentiment d'impuissance s'empara des
manifestants512(*).
C'est alors que certains optèrent pour des modes d'action plus
« violents ». Des militants d'Attac tentèrent de
démonter les grilles. Des membres du service d'ordre se sont
interposés pour les en empêcher. Des projectiles ont ensuite
été lancés par-dessus les grilles pour atteindre les
carabiniers. Il s'agissait pour l'essentiel de bouteilles en plastiques,
toutefois certains militants cagoulés lancèrent des projectiles
enflammés (Ces militants ne sont probablement pas ceux d'Attac). Les
forces de l'ordre ont alors répliqué en envoyant quelques gaz
lacrymogènes et en aspergeant les militants à l'aide de canons
à eau. Les altercations entre militants et carabiniers se sont alors
progressivement espacés et le calme a été rétabli.
Les militants se sont alors rapprochés vers la voie de sortie513(*). Des manifestants
cagoulés profitèrent du mouvement de foule pour lancer des
projectiles (peut-être des produits explosifs). Les policiers
répliquèrent. Un mouvement de panique a alors eu lieu. La rue
(qui était la seule issue de secours) était trop étroite
pour que tous les manifestants puissent passer et des gens commencèrent
à se bousculer.
Plusieurs remarques peuvent êtres faites à
partir de ce récit. Tout d'abord, il existe au sein des militants
certaines divergences d'appréciation. Par exemple, Christelle qui est
membre du C.A isérois, a refusé de manifester au sein du
cortège Attac. Elle a préféré accompagner les
Tutte bianche dont elle juge les méthodes plus radicales et
plus efficaces. Ces divergences sont d'ailleurs réapparues au cours
d'une réunion qui a suivi la manifestation puis lors de
l'université d'Arles514(*). Des militants souhaitaient de la part d'Attac un
mode d'action plus revendicatif et moins symbolique.
En revanche, la majorité des militants isérois
qui étaient présents à Gênes ont choisi une
stratégie de non-violence. Ils ont participé aux manifestations
et aux actions symboliques organisées par l'association et se sont
comportés de façon légaliste. Suite à ces
événements, les militants ont considéré qu'ils
allaient être de plus en plus amenés à faire face au
problème de la violence. Afin de pouvoir y faire face, ils envisagent de
suivre une formation aux techniques de non-violence515(*).
Le répertoire d'action des militants ne paraît
pas approprié aux mobilisations internationales. En effet, ceux ci ont
recours à un mode de protestation traditionnel (fondé sur le
nombre et la manifestation). Toutefois, il semblerait qu'il soit peu efficace
lors des contre-sommets. Les militants qui refusent de recourir à la
violence se retrouvent désemparés lors des
manifestations516(*). Il
existe un décalage entre le mode de protestation utilisé et la
configuration des mobilisations internationales. Ce que traduit cette
situation, c'est, selon nous, l'absence d'un répertoire d'action qui
soit spécifique aux militants d'Attac. L'originalité et la
nouveauté des mobilisations comme celles de Gênes rendent
peut-être indispensable un renouveau des modes d'action.
CONCLUSION
« Le singulier acquiert une valeur scientifique
quand il cesse d'être tenu pour une variété spectaculaire
et qu'il accède au statut de variation exemplaire »
Canguilhem (Georges), « Du singulier et de la
singularité en épistémologie biologique »,
in Etudes d'histoires et de philosophie des sciences
A
u terme de cette réflexion, il est possible de remettre
en question le renouveau de la participation dont Attac témoignerait.
Toutefois, avant toutes choses, il est nécessaire de rappeler que cette
enquête concerne spécifiquement le comité Attac
Isère. Les conclusions apportées ici n'ont pas la
prétention d'être valables en tous lieux. Certaines
spécificités du comité local ont d'ailleurs
été mises en évidence (une forte opposition à la
direction nationale, un réseau local associatif relativement faible, une
prise de position distinctive concernant le rôle des personnes morales
dans Attac). En revanche, certaines observations qui ont été
faites peuvent être élargies à l'ensemble de l'association;
pour deux motifs.
D'une part, le comité Attac Isère reflète
certains caractères qui sont communs à l'ensemble de
l'association (les revendications soutenues, la place de l'éducation
populaire, etc.). D'autre part, les spécificités du comité
ont permis de s'interroger sur certains aspects qui auraient pu passer
inaperçus. Par exemple, les militants isérois sont très
attachés au thème de la démocratie interne. Sans la prise
en compte de ce problème, la compréhension des relations entre le
local et le national n'aurait pas été possible. En bref,
l'idée défendue est que l'individuel reste pertinent pour rendre
compte de phénomènes sociaux de plus grande ampleur. Les
spécificités dont l'individuel est porteur ne sont donc pas des
obstacles à la connaissance mais ils en définissent les
conditions de possibilité. Dés lors, on peut tenter
d'établir certains traits distinctifs de l'engagement des militants
à partir de nos observations; on pourra alors proposer une
interprétation permettant d'en rendre compte. Celle ci nécessite
bien sûr plusieurs confirmations avant de pouvoir être
validée517(*).
Dans un premier temps, il est nécessaire de rappeler
les principales évolutions qui caractérisent les formes actuelles
de l'engagement. Celles-ci nous serviront de modèle pour qualifier
l'engagement des Attacants518(*).
Jacques Ion a pu observer un renouveau de l'engagement
à travers la participation des individus aux réseaux519(*). L'existence des
réseaux n'est pas récente. Le Parti communiste disposait
déjà d'une constellation d'unités associatives et
syndicales qui lui étaient subordonnées. Toutefois, les
réseaux ont connu de profondes transformations. Désormais les
réseaux sont davantage fondés sur une communauté
d'intérêts que sur une allégeance idéologique. Les
réseaux hétéromorphes supposaient une organisation
centrale qui puisse servir de référent aux différents
groupements (il s'agissait le plus souvent d'un parti politique)520(*). A l'inverse, les
réseaux isomorphes se constituent à partir d'organisations
autonomes les unes vis-à-vis des autres. Celles ci ne sont pas issues du
réseau, comme c'était le cas précédemment, mais
elles lui préexistent. Ces évolutions rendent possible la prise
en compte des spécificités de chaque organisation et de chaque
adhérent. L'appartenance à un réseau n'apparaît plus
comme une contrainte pour ses membres. Cette évolution traduit
d'ailleurs la nouvelle place du militant au sein de son organisation.
Jacques Ion a également noté un renversement des
valeurs militantes521(*). La liberté, le pluralisme, l'autonomie se
sont substitués aux pratiques d' « appareil »
qui caractérisaient les modes traditionnels d'organisation.
Désormais, le fonctionnement exclut la centralisation des
décisions ; la participation collective est mise en exergue. L'abandon
d'une hiérarchie trop rigide, le refus de la centralisation vont de pair
avec l'affirmation du militant en tant qu'acteur. En fait, ces deux
évolutions structurelles (les nouveaux réseaux et la nouvelle
place du militant au sein de l'organisation) témoignent de
l'émergence d'une nouvelle modalité de la participation
associative.
Tandis que le militant était précédemment
celui qui « adhérait » à son organisation,
c'est-à-dire qui coexistait à elle, les nouveaux militants se
distinguent aujourd'hui par leur autonomie. La constitution des organisations
s'effectue désormais à partir de regroupements ponctuels sur des
revendications spécifiques. Cette évolution traduit
l'émergence d'une thématique de l'agir « ici et
maintenant »522(*). On passerait ainsi, selon l'expression d'Hannertz,
d'une saisie des individus en termes d'atomes anonymes à une saisie en
termes d'acteurs en mouvements. Le modèle de la participation n'est
désormais plus celui de l'engagement militant, qui exigeait le sacrifice
de soi au profit de la « cause », mais d'un engagement
distancié523(*).
L'individu n'est plus seulement l'objet de son organisation, il en devient
l'acteur. Sa personnalité singulière se trouve désormais
valorisée.
L'engagement distancié et la figure du militant qui lui
est liée (moins adhérent et davantage acteur qu'objet de son
organisation) traduisent l'avènement d'un nouvel âge de la
participation. Plusieurs observations nous amènent à
penser qu'Attac se distingue de ce modèle.
Attac est né du rassemblement d'un ensemble de
syndicats, d'associations et de publications. Les premiers adhérents
étaient d'ailleurs des personnes morales. C'est ainsi qu'il a
été possible de fédérer plusieurs mouvements au
sein d'un réseau. Toutefois, ce mode d'organisation présente
certaines limites. La participation des membres fondateurs a été
décisive pour la structuration et le lancement de l'association
nationale. Sans ce réseau Attac n'aurait probablement jamais
existé. Toutefois, il se révèle beaucoup moins
prégnant au niveau local. Il semblerait que le comité
isérois soit relativement « clos » vis-à-vis
de l'ensemble du réseau grenoblois. Bien sûr des appels unitaires
sont constitués régulièrement, des liens existent avec
certaines organisations (Confédération paysanne). On est
toutefois très loin d'un réseau similaire à celui qui a
lancé l'association. Très peu d'actions sont véritablement
menées de façon collective. Les liens qui existent entre les
organisations ne se situent pas entre les militants mais entre les dirigeants.
En effet, et c'est là la seconde limite de ce réseau, la
transitivité des adhésions apparaît très faible. Les
enquêtés ne semblent pas correspondre au modèle
décrit par Jacques Ion. En effet, les militants ne cumulent pas
différentes adhésions comme cela est le cas au sein des nouveaux
réseaux524(*). Il
semblerait que ce cloisonnement entre le comité local et le
réseau associatif grenoblois s'explique par une volonté de
démarcation des militants et par la peur d'être assimilé
aux autres organisations. Le réseau associatif est donc davantage
présent sur le plan national que sur le plan local. Son rôle a
été avant tout de « lancer » l'association.
Le fonctionnement interne de l'association trahit
également les observations formulées par Jacques Ion. Il
s'avère que les enquêtés attachent beaucoup d'importance au
thème de la démocratie interne. Leur engagement semble d'ailleurs
être lié aux vertus qu'incarne le mode associatif. Toutefois, ce
discours semble devoir être remis en question au regard des pratiques
effectives des militants. Le fonctionnement de l'association, tant au niveau
national que local, se situe à contre courant des évolutions que
connaissent les organisations. La personnalisation des dirigeants, le manque de
décisions collectives, le peu de place accordée aux militants, le
blocage des statuts sont autant de signes manifestes de ce paradoxe. Ces
dernières remarques nous incitent à s'interroger sur la relation
qui existe entre le local et le national.
Il s'avère que la coupure entre les militants et la
direction nationale est flagrante. Roberto Michels avait déjà pu
observer que toute organisation est vouée à adopter un mode de
fonctionnement oligarchique c'est à dire dans lequel une minorité
s'approprie la direction525(*). La « tête » s'autonomise
progressivement de la « masse » jusqu'à en
être définitivement coupée. La recherche de Michels avec
notre sujet est d'ailleurs frappante. Michels s'était interrogé
sur le fait qu'un parti (le parti social-démocrate allemand du
début du 20ème siècle) qui souhaitait exprimer
les intérêts de ceux « d'en bas » puisse
aboutir à une organisation très hiérarchisée. Il en
serait peut-être de même pour Attac. Malgré la remise en
cause des organisations traditionnelles, on assiste à une reproduction
des pratiques d'appareil. Le mode de fonctionnement d'Attac s'apparente
à certains égard aux partis de masse décrits par Maurice
Duverger526(*). Le
fondement de ces partis réside essentiellement sur le nombre
d'adhérents. Ils se caractérisent par une forte centralisation
des décisions, par une valorisation de l'adhésion formelle et
enfin par la place qui est accordée aux cotisations. Ces
éléments ont été mis en évidence au sein du
comité isérois.
Les partis de masse se caractérisent par une forte
concentration du pouvoir au profit d'une minorité. Cette coupure entre
le haut et le bas des partis politiques témoigne selon Bourdieu d'une
domination entre les dirigeants et les militants527(*). Celle ci est de nature
symbolique. La légitimité dont bénéficient les
mandants est une légitimité charismatique qui se fonde sur des
dotations en capital culturel inégales. Cette relation de domination
entre dirigeants et dirigés est selon nous présente au sein
d'Attac. Contrairement à la thématique de la
réappropriation qui constitue un objectif de l'association, on a pu
observer que l'éducation populaire n'aboutit pas à un sentiment
de compétence accru. Il semblerait même, que la relation de
domination symbolique s'en trouve renforcée. Cette remarque peut
être mise en rapport avec les partis de masse qui se caractérisent
également, selon Duverger, par la tentative de fournir à ses
militants une éducation politique et d'apprendre « le moyen
d'intervenir dans l'Etat »528(*). L'éducation politique qui était prise
en charge par les partis de masse peut être rapprochée de
l'éducation populaire. Il apparaît donc difficile d'affirmer
qu'Attac représente un renouveau des formes d'organisation. Sa structure
s'apparente même à des modes très anciens de l'organisation
partisane.
Les pratiques militantes témoignent des mêmes
ambiguïtés que la forme de l'association. Les actions menées
par les militants isérois relèvent de deux répertoires
d'actions distincts. D'une part, elles témoignent d'un renouveau des
modes d'action qui n'est pas propre à Attac mais qui a
déjà été inauguré par d'autres mouvements
tels que le DAL ou la Confédération paysanne. La symbolique
occupe une place prépondérante dans ces mobilisations. D'autre
part, les actions du comité isérois restent attachés
à un répertoire d'action plus traditionnel. Par exemple le nombre
(de manifestants, d'adhérents) reste le facteur de
légitimité de la cause défendue. Les mobilisations de
masse (pétitions, manifestations) constituent un mode d'action important
au sein de l'association.
Les modes d'action appartiennent donc à deux registres
distincts. Cette ambivalence est apparue lors des mobilisations
internationales. A cette occasion, les militants se trouvent confrontés
à des situations dans lesquelles les modes de protestation traditionnels
(manifestation) paraissent inadéquats. Certains groupes ont fait le
choix de la violence. Les militants d'Attac qui sont légalistes refusent
de recourir à ce mode d'action. Toutefois, ils se trouvent face à
un dilemme : renouveler leur mode d'action sans aller à l'encontre
des valeurs auxquelles ils sont attachés.
A la question l'engagement au sein d'Attac
témoigne t-il d'un nouvel âge de la participation associative
? Nous répondrons ceci : l'engagement et les pratiques des
militants attestent d'un mode de participation qui se situe entre deux
âges.
Attac s'inscrit dans des conflits sociaux contemporains. Le
fonctionnement en réseau de l'association, la place accordée
à la symbolique et aux médias mais aussi l'étendue des
revendications défendues lui confèrent une place importante dans
le renouveau de la participation. Toutefois, Attac se rattache à un mode
d'organisation et de protestation qui restent ancrés dans des formes
traditionnelles.
La singularité du mouvement ne réside donc pas
dans sa nouveauté mais dans cette double filiation. Celle ci
débouche parfois sur des contradictions auxquelles se trouvent
confrontés les militants. Toutefois, c'est par le dépassement de
ces contradictions qu'un renouveau de l'engagement peut survenir.
L'entrée dans un nouvel âge de la participation est à ce
prix.
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articles utilisés sont les suivants : Aguiton (Christophe),
« Pistes pour un renouveau syndical des mouvements
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« Militer » Le Monde de l'éducation, juin
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tome 1, Paris, Plon, Reed 1971, p. 219.
Table des
matières
INTRODUCTION
5
La figure du militant
5
Au départ, un éditorial
6
La présentation de soi
8
Une étude comparative
11
Un nouvel âge de la participation
associative ?
12
Un renouvellement des approches de l'engagement et de
la participation politique ?
13
L'enquête de terrain
15
La diversité des enquêtés
17
Les systèmes de représentation
18
La mise en question(s) des engagements
19
PARTIE 1 LE MODE ASSOCIATIF
1 Une forme associative renouvelée ?
23
1.1 La mise en scène du mouvement 23
1.1.1 L'« appel » du Monde Diplomatique
24
1.1.1.1 Une référence culturelle associative
24
1.1.1.2 La construction symbolique de l'origine
29
1.1.2 La présentation de soi
32
1.1.2.1 Le rattachement à l'éducation populaire
32
1.1.2.2 La construction d'une dynamique associative 35
1.1.2.3 La stratégie de médiatisation 38
1.2 Une dialectique entre le local et le
national ?
42
1.2.1 Les statuts et l'organisation d'Attac
42
1.2.1.1 La charte fondatrice
42
1.2.1.2 Les statuts de l'association
44
1.2.2 Le développement local d'Attac
47
1.2.2.1 La constitution des comités locaux
47
1.2.2.2 Le comité isérois
49
1.2.3 La reconnaissance des comités locaux
52
1.2.3.1 Une reconnaissance légitime ?
52
1.2.3.2 La modification des statuts
55
1.3 Une « démocratie interne »
contestée
59
1.3.1 La remise en cause du « directoire
national »
59
1.3.1.1 Un mode de fonctionnement collectif
59
1.3.1.2 Le refus d'une personnalisation du pouvoir
61
1.3.1.3 Les contradictions du comité isérois
64
1.3.2 Les relations entre Grenoble et Paris
69
1.3.2.1 Une relation d'opposition critiquée
69
1.3.2.2 Des relations sans ambiguïtés ?
70
2 La part associative de
l'engagement.................................................................
74
2.1 Les vertus associatives
75
2.1.1 Une liberté d'action supplémentaire
75
2.1.1.1 Le refus d'un fonctionnement hiérarchique et
centralisé
75
2.1.1.2 L'association : une organisation au
fonctionnement souple
77
2.1.2 Le respect du pluralisme
79
2.1.2.1 Le refus du conformisme
79
2.1.2.2 Un engagement plus parcellaire
82
2.1.3 Une liberté contestée............................................................................................
85
2.2 Un engagement précis mais global
91
2.2.1 Lutter contre la spéculation
91
2.2.1.1 La taxe formulée par James Tobin
91
2.2.1.2 La ré-appropriation de la taxe Tobin par Attac
93
2.2.2 L'élargissement des revendications
96
2.2.2.1 De la taxe Tobin au boycott de Danone
96
2.2.2.2 les logiques de ces
élargissements
99
2.2.3 Limites et unité
103
2.2.3.1 Des revendications illégitimes ?
103
2.2.3.2 Les limites aux revendications
108
2.2.3.2.1 L'unité d'Attac : la lutte contre les
marchés financiers
108
2.2.3.2.2 Le risque de confusion
109
PARTIE 2 PARTICIPER AUTREMENT
1 Les nouveaux conflits sociaux
115
1.1 Le réveil de la protestation collective
115
1.1.1 La nouvelle dynamique des mouvements sociaux
116
1.1.1.1 Déclin et renouveau des conflits sociaux
..........................................................
116
1.1.1.2 L'interprétation des conflits
sociaux.....................................................................
119
1.1.2 Quel renouveau de l'engagement ?
122
1.1.2.1 La participation des enquêtés
122
1.1.2.2 La mythification des mouvements sociaux
126
1.2 Les nouvelles formes de mobilisation
128
1.2.1 L'internationalisation des conflits
sociaux
129
1.2.1.1 La naissance des
« contre-sommets »
129
1.2.1.2 La constitution d'un réseau anti-mondialiste
132
1.2.2 Les formes de la participation associative
134
1.2.2.1 L'intégration de l'individu aux réseaux
verticaux
134
1.2.2.2 Un nouvel âge de la participation ?
136
1.3 La place d'Attac au sein du réseau anti-mondialiste
138
1.3.1 Un réseau associatif diversifié
138
1.3.1.1 Les associations protestataires
139
1.3.1.2 Le rôle des intellectuels dans les conflits
sociaux
140
1.3.2 L'influence des syndicats dans Attac
142
1.3. 2.1 La recomposition syndicale
142
1.3.2.2 Un réseau syndical isérois
peu dense
148
1.3.3 L'adhésion comme acte individuel
151
2. Des nouveaux militants ?
157
2.1 La compréhension de l'engagement
157
2.1.1 La figure des militants
159
2.1.1.1 Une forte catégorisation socioprofessionnelle
160
Document : Structures socioprofessionnelles comparées
164
2.1.1.2 La prédominance des classes moyennes
165
2.1.2 Les catégories socio-démographiques
167
2.1.2.1 Le genre et l'âge des Attacants
167
2.1.2.2 Une génération 68 ?
169
Document : Structures générationnelles
comparées
173
2.1.2 La nature de l'engagement
175
2.1.2.1 La référence à la
citoyenneté
175
2.1.2.2 Une entreprise morale ?
178
2.1.2.3 Des valeurs post-matérialistes aux
intérêts catégoriels
181
2.1.3 Les rétributions du militantisme
185
2.1.3.1 une formation orientée vers l'action
186
2.1.3.2 L'investissement personnel
187
2.1.3.3 L'inscription dans un réseau de
sociabilité
191
2.2 Un militantisme « par le
bas » ?
196
2.2.1 Le travail d'éducation populaire
196
2.2.1.1 Informer et comprendre
196
2.2.1.1.1 L'information économique
196
2.2.1.1.2 Une formation militante
199
2.2.1.2 Les limites de l'éducation populaire
200
2.2.1.2.1 La vulgarisation des revendications
200
2.2.1.2.2 Des modes de formation peu attractifs
206
2.2.1.3 Un militantisme « passif »
208
2.2.1.3.1 Quelle
« réappropriation » des
idées ?.............................................................
208
2.2.1.3.2 La domination
symbolique...........................................................................
211
2.2.2 Les formes des mobilisations
213
2.2.2.1 Le renouveau du répertoire d'actions
collectives
214
2.2.2.1.1 La prééminence du symbolique
214
2.2.2.1.2 Un mode d'action festif
215
2.2.2.1.3 La légitimité par le nombre
216
2.2.2.2 La recherche d'un mode de protestation légitime
219
2.2.2.2.1 Répondre à la violence
219
2.2.2.2.2 Quel mode de protestation ?
223
Manifester à Gênes
225
Index des sigles
AC ! : Agir ensemble contre le chômage
AGCS : Accord général sur le commerce des
services
Aitec : Association internationale de techniciens,
experts et chercheurs
AMI : Accord multilatéral sur l'investissement
AN : Assemblée nationale
Attac : Association pour la taxation des transactions
financières et pour l'aide aux citoyens.
C.ADTM : Comité pour l'Annulation de la Dette du
Tiers Monde
CCOMC : Coordination pour le contrôle citoyen de
l'OMC
CES : Confédération européenne des
syndicats
CFDT : Confédération Française
démocratique du travail
CGT : Confédération générale
du travail
CIIP : Centre d'information inter peuples
CML : Comité des mal logés
CNCL : Conférence nationale des comités
locaux
CP : Confédération paysanne
CRC : Coordonner, rassembler, construire
CS : Conseil scientifique
DAL : Droit au logement
FEN : Fédération de l'éducation
nationale
FFMJC : Fédération Française des
Maisons de Jeunes et de la Culture
FMI : Fonds monétaire international
FNSEA : Fédération nationale des syndicats
des exploitants agricoles
FO : Force ouvrière
FSGT : Fédération sportive et gymnique du
travail
FSU : Fédération syndicale unitaire
FRAKA : Festival de Résistance Anti-Kapitaliste
OGM : Organismes génétiquement
modifiés
OMC : Organisation mondiale du commerce
ONG : Organisation non gouvernementale
ONU : Organisation des Nations-unies
PARE : Plan d'aide au retour à l'emploi
PCF : Parti communiste français
JCR : Jeunesses communistes révolutionnaires
LCR : Ligue communiste révolutionnaire
LDH : Ligue des Droits de l'Homme
SE : Solidarité étudiante
Sud : Solidarité, Unité,
Démocratie
SNES : Syndicat National de l'Enseignement secondaire
SNI : Syndicat national des instituteurs
SNUI : Syndicat national unifié des
impôts
SNUIPP : Syndicat national unifié des instituteurs
et professeurs des écoles
UGICT-CGT : Union générale des
ingénieurs, cadres et techniciens CGT
Résumé : Tandis que la
crise de la participation est un leitmotiv, l'Association pour la taxation des
transactions financières et l'aide aux citoyens (Attac)
représenterait l'émergence d'un renouveau de l'engagement et du
militantisme. Toutefois, cette perception est davantage le résultat
d'une mise en scène du mouvement que d'un renouveau effectif. Attac ne
témoignerait pas d'un nouvel âge de la participation mais d'un
militantisme situé entre deux âges. L'enquête a
été réalisée à partir de neuf entretiens
approfondis au sein du comité Attac Isère.
Mots clefs : Association -Engagement-
Militantisme- Mise en scène -Mouvements sociaux- Mondialisation
* 1 Ce récit est
fondé sur un ensemble de faits réels. Seules quelques
modifications ont été apportées.
* 2 La présentation
qui est faite de l'association ici correspond
délibérément à la façon dont la
direction nationale en rend compte. Il s'agit dans un premier temps de
délimiter quelle « présentation de soi » est
faite par les dirigeants de l'association afin de pouvoir adopter peu à
peu au cours de notre recherche un regard plus critique. Cf., Cassen (Bernard)
sous la responsabilité de, Tout sur Attac, Paris, Mille et une
nuits, 2000, p.127.
* 3 Ramonet (Igniacio)
« Désarmer les marchés », Le Monde
Diplomatique, décembre 1997, p 1. Cf., annexe10, p.26.
* 4 Cf., Losson (Christophe),
« Les mouches du coche d'Attac »,
Libération, 27/08/2001, p. 9.
* 5 On peut d'ailleurs noter
dans le choix des villes qui servirent de lieu d'organisation des
Assemblées générales une volonté de
décentraliser celles ci. La direction nationale d'Attac souligne de
façon récurrente son souhait d'établir un équilibre
géographique entre Paris et les autres comités locaux.
* 6 En octobre 1999 soit
à peine un an et demi après la création d'Attac Michel
Gairaud dans Témoignage Chrétien écrit «
Attac, c'est aussi une cascade de chiffres : plus de 12 000
adhérents ; 890 associations, syndicats, entreprises,
municipalités, médias, affiliés au réseau. Cent
vingt et un comités locaux ; un comité à
l'Assemblée Nationale fort de 115 députés ; 18 groupes
Attac internationaux ; un site Internet traduit en sept langues,
consulté 350 000 fois en moyenne par mois de puis 80 pays ;
100 000 signatures pour une pétition en faveur de la taxe Tobin
remise la semaine dernière à Laurent Fabius... Et tout cela en
seulement 15 mois d'existence ! » in Michel Gairaud, « Le
plaidoyer d'Attac et la dictature des marchés »,
Témoignage Chrétien, numéro 2885, 21 octobre
1999, p. 16.
* 7 Cf. De Maillard
(Thibault), La Base Attac, De L'Air, mai/juin 2000, p. 39.
* 8 Propos tenus lors de l'AG
de St Brieuc.
* 9 Cassen (Beranard),
« Nous sommes tous des apprenants » in Attac,
Une économie au service de l'homme, Paris, Ed Mille et une nuits,
2001, p. 283.
* 10 « Lorsque
l'association s'est formellement constituée, le 3 juin 1998, par la
volonté d'une quarantaine de membres fondateurs [...] aucun de ces
derniers n'avait effectivement d'idées très précise de la
tournure que prendrait l'association [...] A l'époque, en effet,
personne ne se serait aventuré à raisonner en dizaines de
milliers [d'adhérents]... ». Ibid, p. 12.
* 11 « La
structuration de l'association [...] participe elle même de la logique
des réseaux électroniques. Association nationale - et non pas
fédération- elle permet à chaque adhérent de
participer et de contribuer à son développement avec la
même pertinence ». Cassen (Bernard) sous la
responsabilité de, Tout sur Attac, op.cit., p.19.
* 12 Au 1er
janvier 2001, l'association revendiquait, parmi 29830 membres, 1159 personnes
morales dont 575 syndicats, 362 associations, 61 sections locales de partis, 59
entreprises, 54 collectivités locales et territoriales, 26 publications,
9 fédérations d'association, 7 comités d'entreprise, 6
coopératives. Cf., Attac France, « Etat des lieux au
1er janvier 2001 ». Annexe n°12, p. 29.
* 13 Nicolas Weil,
journaliste au Monde écrit : « Ne serait-ce que par le
gonflement de ces effectifs Attac constitue, au terme de ces deux ans
d'existence un phénomène à contre-courant des grandes
tendances la vie politique [...] Le développement de l'association s'est
en effet imposé comme un contre-exemple au déclin
généralisé de militance traditionnelle [...] » in
Nicolas Weil, « Attac. Ni norme anglo-saxonne ni
modèle américain de contestation », Le Monde,
5/06/2000, p. 6.
* 14 Cf. Marion Rugieri,
« Engagez-vous ! Rengagez-vous ! : on n'avait pas du ça depuis
des années 70. À la ville comme sur les écrans,
l'engagement politique redevient une valeur », Elle, 10
avril 2000, p. 265.
* 15 « Au moment
où la politique et les partis souffrent d'un discrédit profond,
nourri de renoncement et alimenté par certaines conduites indignes, il
convient de ne pas confondre l'objet lui-même et la crise qui affecte, et
de savoir, aux pratiques politiciennes, opposer l'engagement citoyen. »,
in Conseil d'Administration d'Attac, «Attac et le
politique », 22 mars 2000.
* 16 Chantal Aumeran, Pierre
Tartakowsky, Rapport d'activité, Assemblée générale
d'Attac La Ciotat, 23 octobre 1999.
* 17 Ibid., p.
12.
* 18 Weil (Nicolas),
«Attac entre contre-expertise , action et
récupération », Le Monde, 26/10/1999, p.6.
* 19 Cf., Attac France,
Agir local, penser global, Paris, Mille et une nuits, 2000.
* 20 Ion (Jacques), La
fin des militants ?, Paris, Ed ouvrières, 1997, p. 28.
* 21 Martine
Barthélémy attribue un sens large à la participation
associative qu'elle définit comme étant « un processus
volontaire de mobilisation des individus dans un groupe constitué plus
ou moins durable et intervenant dans la sphère publique ».
Barthélémy (Martine), Associations : un nouvel âge
de la participation ?, Paris, Presse FNSP, 2000, p. 13.
* 22
Barthélémy (Martine), op.cit, p.120.
* 23 Ion (Jacques), p.
50.
* 24 Bernard Cassen
déclare que «l'idée du combat contre l'ennemi financier est
un thème très fédérateur », entretien avec
Bernard Cassen, in La gauche de la gauche, op cit., p. 96.
* 25 Nonna Mayer, Les
mutations du militantisme, p. 87.
* 26 Neveu (Erik),
Sociologie des mouvements sociaux, Paris, Ed La découverte, 2000,
pp. 52-65.
* 27 Nous donnons une
définition subjective de la mondialisation mais qui est en mesure de
rendre compte des critiques qui lui sont faites : « Le terme de
mondialisation désigne le processus généralisé de
dérégulation et de libéralisation de l'économie
planétaire, dont l'ambition est de soumettre tous les secteurs
d'activité humaine à la loi du libre-échange et du profit.
Les principaux acteurs non-gouvernementaux de ce mouvement, dont les
bénéficiaires sont en nombre restreints, sont les
multinationales, les institutions internationales telles l'OCDE, la Banque
mondiale, le FMI, l'OMC, les cercles de réflexion comme le forum de
Davos, etc. Les problématiques liées à la mondialisation
sont apparues dans les domaines agroalimentaires (semences et productions OGM,
accidents agro-industriels- vache folle, poulets à la dioxine, Coca-Cola
suspect...), financier (spéculation, privatisation...), sociale (dumping
social, délocalisations, dégradation des services publics,
absence de contrôle démocratique...), environnementale (pillage de
ressources) ». Pirot (Patrick), « Qu'est-ce que la
mondialisation ? », Politis, n°566, 16/09/1999.
* 28 « Les
réseaux sont des structures d'acteurs sociaux qui, pour des fins de mis
en commun dans l'environnement interne, propagent la transmission de ressources
en des structures fortement connexes » Lemieux (Vincent), Les
réseaux d'acteurs sociaux. Paris, Presses Universitaires de France,
1999, p.11.
* 29 Cf., George (Susan),
« Violences à Gênes : L'ordre libéral
à ses basses oeuvres », Le Monde diplomatique,
08/2001, p.1.
* 30 Bartélémy
(Martine), Les associations : un nouvel âge de la
participation, op.cit, p.75.
* 31 Flore Trautmann a
consacré ses recherches au rôle d'Internet au sein d'Attac.
D'autres travaux sont en cours dont un mémoire d'un étudiant de
l'IEP de Paris consacré aux militants d'Attac, un mémoire
à l'IEP de Lyon ainsi que deux thèses, l'une, consacrée
à la constitution d'une mémoire associative et l'autre au
rôle d'Internet au sein de l'association. Ces recherches n'ont pas pu
nous servir n'étant pas achevées ou étant trop
décalées vis-à-vis de notre sujet. Toutefois, nous avons
eu recours à l'étude de Thomas Marty consacré à la
sociologie des militants toulousains. Marty (Thomas), Sociologie de
l'association Attac Toulouse : Des positions sociales aux prises de
position cognitives. Etude sociologique par questionnaire et observation
directe, mémoire pour le diplôme de l'IEP de Toulouse, Conte
(Claire) sous la responsabilité de, 1999/2000, p.155.
* 32 Les trois principaux
journaux utilisés sont Le Monde Diplomatique, qui constitue un
support quasi officiel d'Attac, Le Monde, qui a été
choisi en raison de sa richesse d'informations, et Libération
qui a consacré de nombreux articles à l'association.
* 33 Pour un historique de
l'association nationale et du groupe local isérois, il est possible de
se référer à l'annexe n°1, p. 5.
* 34 Tout d'abord à
l'occasion d'un week-end organisé par Attac Isère en octobre 2000
à L'Heure Bleue (St Martin d'Héres-38), puis au cours des assises
nationales d'Attac à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor-22) les 27 et 28
octobre 2000 puis à trois réunions générales
d'Attac Isère, deux conseils d'administration ainsi que de nombreuses
réunions de commissions (groupes « info »,
« interpellation des élus », « paradis
fiscaux », « AGCS ») dans Attac Isère ou
encore à trois permanences tenues dans le café
« Notre-Dame » du centre-ville de Grenoble.
* 35 Nous avons ainsi pris
part à la distribution de tracts « Danone » devant
un centre commercial, à la journée d'action menée contre
les paradis fiscaux, le 9 juin 2000, ainsi qu'à la mobilisation de
Gênes qui a eu lieu en juillet 2001 à l'occasion du sommet du
G8.
* 36 Il s'agit d'un espace
de discussion dans lequel chaque adhérent reçoit entre 10 et 30
courriers électroniques par jour, envoyés le plus souvent par des
adhérents sur les thèmes de leur choix. Les thèmes des
discussions sont très larges, cela va des revendications d'Attac comme
la taxe Tobin ou les paradis fiscaux, aux actions menées par Attac comme
à l'occasion des manifestations de Nice ou de Gênes en passant par
des débats sur les perspectives d'avenir d'Attac ou les tentatives de
récupération politique.
* 37 Cf., annexe n°28,
p.61.
* 38 On déplore que
le mois de juin correspondait à une période d'intense
activité militante pour le groupe Attac Isère (actions sur les
paradis fiscaux, préparation de la Commission Nationale des
Comités Locaux (CNCL), préparation de la mobilisation de
Gênes), il fut ainsi difficile d'organiser des entretiens.
* 39 Pour une
présentation biographique plus détaillée des
entretiens : Cf., « La présentation biographique des
enquêtés », annexe n°25, p.53.
* 40 Cf.,
« Présentation du déroulement des
entretiens », annexe n°25, p. 52.
* 41 L'entretien n'a pas pu
être achevé puisque l'interviewée, étant malade,
souhaitait mettre fin à l'entretien. Elle l'a d'ailleurs demandé
à deux reprises, de plus elle a refusé de répondre
à plusieurs questions, soit de façon formelle, soit en
répondant succinctement à la question. Cette personne
n'était pas très motivée pour accepter l'entretien au
cours de son déroulement ; elle se situe par ailleurs en phase de
défection, ce qui explique en partie de son attitude.
* 42 Guy Michelat observe
que « chaque individu est porteur de la culture et des sous-cultures
auxquelles il appartient et qu'il en est représentatif ». Il
ajoute : « Nous entendons ici par cultures l'ensemble des
représentations, des valorisations effectives, des habitudes, des
règles sociales, des codes symboliques ». Michelat (Guy),
« Sur l'utilisation de l'entretien non-directif en
sociologie », Revue Française de Sociologie,
n°16, 1975, p. 232.
* 43 Cela ne signifie pas
qu'il faille s'en tenir au discours tenu par les militants. Il s'agira,
à l'inverse de le dépasser.
* 44 Stéphane Beaud
et Florence Weber notent que dans l'entretien, « le problème
n'est pas [...] d'obtenir de bonnes réponses. L'essentiel et de gagner
la confiance de l'enquêter, de parvenir à le comprendre à
demi-mot et à entre (temporairement) dans son univers
(mental) ». Beaud (Stéphane), Weber (Florence), Guide de
l'enquête de terrain, Paris, La découverte, 1998, p.328.
* 45 Sapir,
Anthropologie, Paris, Ed Minuit, 1967, T1, p. 90.
* 46 L'entretien avec Lionel
n'a pu être retranscrit qu'en partie en raison d'un dysfonctionnement du
magnétophone, après une heure d'enregistrement, la
retranscription de la suite de l'entretien a donc été
effectuée à la main à partir de prises de notes et des
souvenirs restant.
* 47 Cf., « Guide
d'entretien », annexe n°27, p. 57.
* 48 Le guide d'entretien a
toutefois été utilisé pour certains enquêtés
qui en faisaient le souhait. C'est le cas par exemple de Fabien, professeur
d'économie à l'université. Celui-ci craignait, n'ayant
jamais milité à Attac après son adhésion,
n'être pas en mesure de pouvoir nous aider. Nous l'avons
immédiatement rassuré en lui assurant que notre travail, avait
été préparé et que nous disposions un ensemble de
questions assez larges. Cela rejoint la remarque que dressent Stéphane
Beaud et Florence Weber quant à l'utilité des guides d'entretien.
Celle-ci varie beaucoup en fonction du milieu social de l'enquêté
: en présence de « personnes possédant du capital culturel
ou social, le guide entretien peut servir de caution scientifique », en
revanche, « avec des enquêtes en milieu populaire, le guide tend
à officialiser encore plus la situation d'enquête [...] et
à rendre plus difficile le travail de mis en confiance. » Beaud
(Stéphane), Weber (Florence), op.cit.
* 49 Par exemple Thomas,
ancien président d'Attac Isère, a été amené
à parler plus spécifiquement de la création du groupe
isérois à laquelle il a participé et des relations entre
le local et national. Laurent a surtout développé son sentiment
de distance et de décalage avec le positionnement d'autres militants du
groupe isérois, qu'il estime trop radical. Julie qui était moins
impliqué au cours de l'entretien, a développé les actions
conduites par le groupe isérois, ainsi que les relations avec le groupe
national. François insista sur l'aspect international des revendications
et a fait une lecture en termes de lutte de classes. Fabien qui n'a jamais
assisté à une réunion d'Attac, a tenté de justifier
son adhésion et son absence de participation.
* 50 Toutefois nous ne
manquerons pas de noter à plusieurs reprises les similitudes entre le
discours des militants et celui de l'association.
* 51 L'individuel n'est pas
négligeable en tant qu'il renvoie à un ensemble de
déterminants sociaux qui sont autant de contraintes structurelles sur le
comportement des individus.
* 52 F.E : Comment
est-ce que tu te représentes ton engagement au sein d'Attac ?
François : Mon engagement militant date
déjà un peu puisque, j'ai commencé à militer en
1992, donc ça va faire bientôt dix ans. Euh... Ce qui m'a
poussé essentiellement à militer c'est la justice sociale, les
inégalités sociales...
* 53 L'essor associatif est,
comme le rappelle Stanislas Varennes, très difficile à quantifier
de manière précise. On évalue toutefois le chiffre
d'associations en France entre 300.000 et 500.000. Varennes (Stanislas), Le
militantisme associatif : participer autrement, Mémoire pour le
DEA de l'IEP, Grenoble, Denni (Bruno) dirigé par, 1990, p. 12.
* 54 Parmi les membres du
C.A on peut citer Susan George, Gisèle Halimi, Bernard Cassen.
* 55 Cf., Eric Toussaint,
« Briser la spirale de la dette », Le Monde
Diplomatique, septembre 1999, p. 23.
* 56 Cf.,
Frédéric Clairmont, « Menaces sur l'économie
mondiale », Le Monde Diplomatique, mai 2001, p. 3.
* 57 Cf., Ricardo Petrella,
« Cinq pièges tendus à l'éducation »,
Le Monde Diplomatique, octobre, 2000, p. 5.
* 58 Cf.,
Frédéric Clairmont, « Ces firmes géantes qui se
jouent des Etats », Le Monde Diplomatique, décembre
1999, p.19.
* 59 Cf., Susan George,
« Comment l'OMC fut mise en échec », Le Monde
Diplomatique, janvier 2000, p. 4.
* 60 Adhérer signifie
« consentir », « accepter » mais aussi
« tenir », « coller »,
« appliquer », « souder »,
« attacher ».
* 61 Ion (Jacques), La
fin des militants, op.cit, p. 81.
* 62 Lavabre (Marie-Claire),
Le fil rouge. Sociologie de la mémoire communiste, Paris, Presses
de la FNSP, 1994, pp. 267-277.
* 63 Halbwachs (Maurice),
« Nécessite d'une communauté affective »,
in La mémoire collective, Paris, PUF, 1968, p. 204.
Cité dans Lavabre (Marie-Claire), op.cit, p. 269.
* 64 Par exemple, on peu
noter qu'aucun des interviewés n'est abonné au Monde
Diplomatique
* 65 Cette observation n'est
bien sûr pas un cas isolé mais est utilisée ici comme un
exemple afin de faciliter la démonstration du propos.
* 66 Il est possible de
mettre en parallèle cette remarque avec les observations de Marie-Claire
Lavabre. Selon elle, l'identité communiste est une construction qui
nécessite un ensemble de processus sans cesse renouvelés :
« L'identité communiste n'est pas donnée comme l'est
l'identité familiale ou nationale : on ne naît communiste que
par métaphore et nul n'est communiste avant d'avoir choisi de
l'être, nul ne le reste qui ne fait le choix renouvelé ou
transformé de persévérer en son être
communiste ». Lavabre (Marie-Claire), op.cit, p.264.
* 67 La notion de champ
appartient au registre spécifique de la sociologie de Pierre Bourdieu.
Nous adopterons pour l'instant une acception plus générale en le
définissant comme un ensemble de références communes
à un groupe.
* 68 « Ce
« nous » tout à la fois communautaire et
sociétaire, est garanti par un ensemble de rites d'entrée et de
confirmation de l'identité collective (cartes et timbres
d'adhésion, cérémonies annuelles de renouvellement de
l'adhésion, manifestations extérieures, insignes, etc...)
authentifiant la qualité spécifique des membres associés
par rapport aux « ils » non-associées de
l'extérieur du groupement [...] ». Ion (Jacques),
op.cit, p.29.
* 69 Idem.,
p.82.
* 70 Cf., Igniacio Ramonet
« Désarmer les marchés », Le Monde
Diplomatique, décembre 1997, p.1. Cf., annexe n°10, p.26.
* 71 Cf., « Attac,
c'est parti ! », Le Monde Diplomatique, juillet 1998,
p.2.
* 72 Cf., Attac,
« Au départ un éditorial », Tout sur
Attac, p.10.
* 73 On peut lire dans
le Monde un mois avant la création d'Attac :
« Toute seule, ou presque, la machine s'est emballée. Il a
suffit que, à la fin d'un éditorial du Monde
Diplomatique, Igniacio Ramonet évoque l'idée d'une
organisation non gouvernementale [...] pour que les lecteurs de ce mensuel en
pleine expansion [...] s'enthousiasment. Lettres par «
milliers », chèques substantiels, création de
comités locaux : la surprise est énorme, raconte le
directeur du Monde Diplomatique. » in Chemin
(Ariane), Mauduit (Laurent), « Les partisans d'une taxation des
transactions financières passent à
l' « Attac » », Le Monde,
8/05/1998, p.6.
* 74 Son texte est
doté d'une forte part symbolique qui fait de lui un «
appel ». Par exemple, le champ sémantique de la
démocratie et de la citoyenneté est très
présent dans le texte. Il oppose ainsi un lexique
dépréciatif évoquant la finance mondiale
(« l'insécurité
généralisée », la « jungle ou les
prédateurs feront la loi »,
« l'intolérable ») à un discours qui se
rattache à un ensemble de valeurs « morales »
(« l'exercice de la démocratie », les
« garants du bien commun », un « chantier civique
majeur », une « exigence démocratique
minimale », un « impôt mondial de
solidarité »).
* 75 Cette mythification de
l'origine de l'association est renforcée, comme nous le verrons, par le
fait que l'association a connu une progression très rapide de ses
adhérents.
* 76Cassen (Bernard),
« Attac : d'abord comprendre », Education
populaire : le retour de l'utopie, Politis, n°29,
02-03/2000, Hors série, p. 39.
* 77 Cf. Attac, Tout sur
Attac, op.cit, p. 26.
* 78 Ibid., p.
26.
* 79 Ibid, p. 9.
* 80 Ibid., p.
9.
* 81 Cette hypothèse
nécessiterait des développements plus conséquents qui ne
peuvent être faits ici. Toutefois, cette remarque amène a
s'interroger plus longuement sur les registres de militantisme qui sont
proposés aux adhérents.
* 82 Bernard Cassen indique
lors d'une conférence : « les adhérents, eux, se
retrouvèrent immédiatement dans la formule déjà
citée - un mouvement d'éducation populaire tourné vers
l'action- qui leur fur proposée en avril 1999 dans le premier
numéro de notre bulletin Ligne d'Attac ». Cassen
(Bernard), « Nous sommes tous des apprenants, art.cit., p.
10.
* 83 Cf., Tout sur
Attac, op.cit,. p. 26.
* 84 Témoignage
chrétien, qui est un membre fondateur d'Attac, publiait un article
consacré à Attac qui s'intitulait « Attac, le renouveau
de l'éducation populaire ». Ginisty (Bernard),
« Attac, le renouveau de l'éducation populaire »,
Témoignage chrétien, 24/06/1999.
* 85 Cassen (Bernard),
« Nous sommes tous des apprenants, art.cit, p. 10.
* 86 Cassen (Bernard),
« Pour des associations « citoyennes » en prise
sur le mouvement social », in Le Monde diplomatique,
06/1997, p. 20.
* 87 Les publications
d'Attac se réfèrent fréquemment à la Ligue de
l'enseignement qui est décrite, parmi les associations
d'éducation populaire, comme « la doyenne et
l'archétype ». La ligue de l'enseignement a été
créée en 1866 par Jean Macé. Elle est
présentée comme un défenseur de l'idée
républicaine puisqu'elle a soutenu les lois sur l'enseignement en 1882
et les lois laïques de 1901, 1904 et 1905. Cf, Tout sur Attac,
op.cit, p. 9.
* 88 « Ce qui
caractérise les mouvements éducatifs (et qu'ils se nomment
eux-mêmes de jeunesse ou « d'éducation
populaire » n'est pas indifférent), c'est la prise en compte
spécifiques des publics qu'ils tendent à convertir. Ce qui
distingue en effet la plupart des mouvements, c'est l'intérêt pour
le « bas »[...] » in Ion (Jacques),
La fin des militants, op.cit, p. 41.
* 89 Cf. « La
progression numérique des adhésions », annexe n°4,
p. 10.
* 90 Denis Pingaud, La
gauche de la gauche, Paris, Ed Seuil, 2000, p. 94.
* 91 Attac, Tout sur
Attac, op.cit, p. 7.
* 92 « Ne serait-ce que
par le gonflement de ces effectifs Attac constitue, au terme de ces deux ans
d'existence un phénomène à contre-courant des grandes
tendances de la vie politique [...] Le développement de l'association
s'est en effet imposé comme un contre-exemple au déclin
généralisé des militances traditionnelles [...] ».
Weil (Nicolas), « Attac. Ni norme anglo-saxonne ni modèle
américain de contestation », Le Monde, 5/06/2000, p.
6
* 93 Cf., Attac France,
Compte rendu de C.A, 6/09/1999.
* 94 Ibid.
* 95 Cf., Attac France,
Compte rendu de C.A, 02/09/2000.
* 96 Dély (Renaud),
Losson (Christophe), « Le PS débordé par la
déferlante Attac », Libération, 21/06/2000, p.
12.
* 97 F.K, « Attac,
cette gauche qui gêne la gauche », Express,
14/06/2001, p. 92.
* 98 Losson (Christophe),
« Les mouches du coche d'Attac »,
Libération, 27/08/2001, p. 9.
* 99 « Attac
s'organise », Le Monde Diplomatique, 08/1998, p. 2.
* 100
« Attac », Le Monde Diplomatique, 09/1998, p.
2.
* 101 « Attac
s'organise », art.cit, p. 2.
* 102 « On en
apprend tous les jours sur Attac : il suffit de consulter les nombreuses
coupures de la presse régionale qui nous parviennent quotidiennement et
qui rapportent les activités foisonnantes des comités locaux.
Sans parler des analyses que publient à un rythme
accéléré les médias nationaux et certaines revues
théoriques, auxquels il faut ajouter de premiers travaux universitaires.
C'est que le phénomène Attac intrigue et parfois même
déconcerte ». Attac, Tout sur Attac,
op.cit, p. 7.
* 103 Le philosophe
britannique Austin distingua dans sa théorie du langage deux types
d'énoncés : certains énoncés ont une fonction
constatative ou descriptive, tandis que les énoncés performatifs
correspondent à des actes de langage, c'est-à-dire qu'ils servent
à agir sur autrui. De cette distinction, Austin déduira que tout
acte d'énonciation est porteur d'un contenu locutoire
(interprété en terme de sens) et d'une valeur illocutoire d'actes
de discours. Austin définit cette dernière comme étant
« un acte effectué en disant quelque chose, par opposition
à'acte de dire quelque chose ». Austin (John), How to do
Things with words, Oxford U.P., 1962 ; trad. De G. Lane, Quand
dire, c'est faire, Paris, Seuil, 1970, pp. 122-113. Cité dans
Morichère (Bernard), Philosophes et
philosophies, Paris, Nathan, Tome 2, pp.
445-446.
* 104 On peut d'ailleurs
noter que ceci n'est pas le propre d'Attac, puisque les méthodes
utilisées sont proches de celle que José Bové avait mis en
oeuvre à l'occasion du démontage du McDonald's de Milleau.
* 105 On pourrait citer,
par exemple, un ensemble d'articles de presse consacrés à des
manifestations unitaires où le nom d'Attac est, très souvent, un
des seuls qui apparaît.
* 106 Ces propos nous ont
été relatés par une militante du comité
isérois qui a participé à cette manifestation, puis ils
ont été confirmés par un autre militant parisien
rencontré à Gênes. N'ayant pas participé
personnellement à cette manifestation, nous tenons à prendre
certaines réserves sur ces informations qui demanderaient à
être recoupées par d'autres sources.
* 107 Nous avons pu
également observer le mécontentement de plusieurs militants
durant le sommet de Gênes, pour qui le but recherché par la
direction nationale d'Attac serait avant tout, d'obtenir un certain
succès médiatique, plutôt que de faire aboutir
réellement les revendications dont est porteur le mouvement.
* 108 J-P-F,
« Sous le soleil ? Pas exactement... », Le
Dauphiné Libéré, 2/05/2001.
* 109 Prés de
300.000 francs ont ainsi été collectés. Cf. Denis Pingaud,
La gauche de la gauche, op.cit, p. 97.
* 110 Bernard Cassen est
également un universitaire. Il fut agrégé d'anglais en
1961. Il a participé à la création de la faculté
libre de Vincennes en mai 68, avec Hélénes Cixous et Pierre
Domergues, qui a été pendant plusieurs années une
plate-forme et une vitrine de l'extrême gauche. Il entama une
collaboration avec le Monde Diplomatique. En 1981, au lendemain de la
victoire de François Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement lui
confia la direction de la Mission d'information industrielle, scientifique et
technique (MIDIST). Puis il décida de se consacrer exclusivement au
mensuel. Par ailleurs, il occupe une chaire européenne Jean Monnet
à l'université Paris VIII. Ibid., p. 99.
* 111 Cf,.
« Charte de l'association Attac. Texte adopté le 3 juin
1998 », annexe n°7, p. 19.
* 112 Cf.
« Statuts de l'association Attac adoptés par
l'Assemblée constitutive du 3 juin 1998 », annexe n°8, p.
20.
* 113 Cf. Ibid.,
article n°4.
* 114 Ibid.,
article 7-3. Par ailleurs on peut noter que depuis le lancement de
l'association vingt réunions du C.A ont eu lieu.
* 115 Ibid.,
article 7-1.
* 116 Trautmann (Flore),
« Révoltés Enthousiastes. Venu des quatre coins de
France, les militants ont longuement débattu de l'identité de
leur mouvement », L'Humanité, 25/10/1999.
* 117 On peut noter que
malgré son nom le Collège des fondateurs comprend certaines
personnes qui n'ont pas participé à la fondation d'Attac. En
effet, les statuts de l'association prévoient que peuvent participer au
Collège, « les personnes physiques et morales qui ont
créé l'Association et celles qu'elles désigneront,
à la majorité des deux tiers, pour les compléter ou les
remplacer ». Cf. annexe n°8, article 11. C'est ainsi,
qu'à l'occasion du C.A du 29/03/1999, six personnes morales ont
été adoptées à l'unanimité comme membres
fondateurs : l'APEIS (Association pour l'emploi l'information et la
solidarité), AGIR ICI, l'UFAL (Union des Familles Laïques), la
CNAFAL (Confédération Nationale des Familles Laïques), la
FFMJC (Fédération Française des Maisons de Jeunes et de la
Culture) et la Ligue de l'enseignement. Cf. Attac France, « Compte
rendu du C.A du 29/03/1999 ».
* 118 Nous
détaillerons certaines de ces organisations ultérieurement. Cf.
« Structures de l'association », annexe n°9, p. 24.
* 119 Annexe n°8,
article 12.
* 120
« Situé au coeur du dispositif d'Attac, le CS a pour objectif
de produire de l'information déclinée de manière à
être abordable par tous, sous toutes les formes, sur les aspects de la
sphère financière internationale, et de la communiquer, notamment
aux comités locaux et adhérents de l'association. Le conseil se
fixe en outre la tâche de formuler des propositions concrètes qui
pourront servir de base à des campagnes d'actions publiques. »
Passet, (René), « Un bilan à la fin
2000 ».
* 121 Annexe n°8,
article 12.
* 122 Lignes
d'Attac est un 4 pages édité de façon mensuelle par
la direction nationale. On peut y trouver les positions officielles de
l'association. Le premier numéro date d'avril 1999.
* 123 Cf. René
Passet, « Un bilan à la fin 2000 »,
op.cit.
* 124 Cf. Tout sur
Attac, p. 19.
* 125 Cf. annexe n°8,
article 11.
* 126 Ibid.,
article 7-4.
* 127 Le Monde
diplomatique parle d'un « choix symbolique par le souci de
décentralisation de l'association et de sa volonté d'être
particulièrement présente dans une région [...] où
les logiques financières ont provoqué le plus de ravages».
« Attac », Le Monde diplomatique, 09/1998, p.
2.
* 128 « On notera une
absence dans les statuts : celle des comités locaux, qui se sont
pourtant affirmés comme des lieux privilégiés de l'action
militante. A vrai dire, aucun des fondateurs n'avaient prévu qu'ils
connaîtraient un tel développement. Cet oubli a été
largement réparé par une charte régissant leurs rapports
avec la direction nationale d'Attac, et par l'adoption de statuts types pour
ceux d'entre eux souhaitant se doter d'une personnalité juridique en se
constituant en association ». Attac, Tout sur Attac, op.cit,
p. 107.
* 129 « Les
groupes locaux qui le souhaitent pourront se constituer en association (Loi
1901), la personnalité juridique leur permettant d'ouvrir un compte
bancaire, de demander des subventions, de réserver des salles
municipales, etc. De même ils pourraient recueillir eux-mêmes les
adhésions. Ils en conserveraient le quart (soit 50 F sur 200 F pour le
tarif « actifs ») et reverseraient les 3/4 à Attac
national ». Cf., Attac France, « Compte-rendu du C.A du
18/11/1998 ».
* 130 Cf.,
« Statuts Types des comités locaux « loi
1901 » », article 8-4.
* 131 Cf., Attac France,
Tout sur Attac, op.cit.. et Cf. « Attac et
Bercy », Le Monde diplomatique, 11/1998, p. 6.
*
132 Cf., Attac France,
« Attac, mode d'emploi », Paris, été 1998.
* 133 Cf., Statuts Types
des comités locaux « loi 1901 », op.cit,
article 4.
* 134 Bazri (Nadia),
« A Grenoble Attac s'organise... », art.cit.
* 135 Cf., Attac
Isère, Rapport moral, 01/2000.
* 136 Attac Isère,
Lettre aux adhérents, 05/2001.
* 137 Cf.,
« Statuts de l'association », annexe n°14, p. 31.
* 138« La
participation de la moitié au moins des membres du Conseil
d'administration est nécessaire pour la validité des
délibérations ». Annexe n°14, article n°9.
« L'Assemblée générale se compose de tous les
membres à jour de leur cotisation. Elle se réunit chaque
année. Pour être valide elle doit réunir un tiers au moins
de ses membres. » Ibid., article 10.
* 139 Nous parlons
uniquement des membres les plus militants du comité (J.K, T.I, P.O, qui
sont par ailleurs membres du C.A).
* 140 Ginisty (Bernard),
Rapport financier pour 1999.
* 141 « Tout
membre peut demander l'inscription à l'ordre du jour de toute question
qu'il désire voir traitée. Il adresse, à cet effet, une
lettre recommandée avec accusé de réception au
président avant la réunion du Conseil qui précède
la convocation de l'Assemblée générale. Le Conseil statue
sur cette demande ». Cf., annexe n°8, article 10-3, p. 22.
* 142 Attac Isère,
« Position d'Attac Isère sur l'adhésion des partis et
collectivités », 10.01.2000. annexe
n°17, p. 35.
* 143 Attac Isère,
« Demande d'inscription à l'ordre du jour de l'AG 2000
d'Attac », 20.07.00, annexe n° 21, p. 41.
* 144 Lignes
d'Attac avait publié les noms des huit candidats qui avaient
été « investis » par leur circonscription
« afin d'éclairer le vote des membres d'Attac, puisque nul ne
peut connaître individuellement chacun des candidats ». Il
était ajouté : « Il va de soi, que quel que soit
le degré de représentativité de chacune de ces
candidatures, elles sont toutes salutairement légitimes et égales
en droit. Elles apparaissent donc par ordre alphabétique, sur le
bulletin de vote, sans mention d' « investiture » par
une « circonscription » ou par un ou plusieurs
comités ». On peut noter que sur les huit candidats
présentés de façon collective, tous ont été
élus au C.A. Attac France, « Tout sur les assises de la
Ciotat. Elections : mode d'emploi ». Lignes d'Attac,
Paris, n°3, 09/1999.
* 145 Cf.,
« Organigramme du processus de réforme des
statuts », annexe n°3, p. 9.
* 146 Cf., annexe n°8,
Article 10-9, p. 22.
* 147 Ibid.,
article 10-7, p. 22.
* 148 Ibid., p.
22.
* 149 « Il
[Bernard Cassen] signale, par ailleurs, les difficultés à
surmonter pour une modification éventuelle des statuts, en raison des
quorums très élevés requis à chaque étape.
Avec les effectifs actuels, par exemple, il faudrait que plus de 14 000 membres
votent sur première convocation, et plus de 11 000, sur la seconde
convocation. Or à St-Brieuc, ils n'ont été que 4200
à voter... ». Attac France, « Rapport du Conseil
d'administration », 11/11/2000, p. 3.
* 150 Par ailleurs, il faut
rappeler que ce sont les membres fondateurs qui ont initialement écrit
les statuts de l'association. Ils sont donc à la fois juges et
parties.
* 151 Une publication de la
direction nationale précise que « Cette disposition [la
composition du C.A] a été prévue pour assurer la
pérennité et le pluralisme d'Attac, en décourageant par
avance toute tentative d'entrisme par une minorité organisée. Les
membres fondateurs, dont la très grande majorité sont des
personnes « morales », constituent la garantie utile du
pluralisme d'Attac ». Attac Franc, « Tout sur les assises
de la Ciotat. Elections : mode d'emploi », Lignes
d'Attac. Paris, n°3, 09/1999, p. 3.
* 152 Les comités
locaux du Var, de Rennes et de Paris ont critiqué, lors de l'AG, le mode
de fonctionnement de l'association eu égard au manque de
démocratie. Cf. Forcari (Christophe), « Attac en pleine crise
de croissance », Libération, 30 octobre 2000.
* 153 Attac France,
« Rapport du Conseil d'administration du 11/11/2000 », p.
3.
* 154 Les travaux de cette
commission semblent pour l'instant s'orienter sur l'idée qu'une
réforme des statuts n'est pas souhaitable.
* 155 On peut noter que les
enquêtés prennent, parfois, une certaine distance avec l'usage qui
en est fait. Julie précise qu'il s'agit pour elle d'un terme
« galvaudé », Lionel préfère parler de
« république représentative : « Je pense
que c'est un système antidémocratique, d'ailleurs nos sommes pas
dans une démocratie car il n'y a pas la participation de tous. Nous
sommes dans une république représentative. J'ai des
réticences aussi à utiliser le mot des citoyens, il est tellement
galvaudé qu'il ne signifie plus grand-chose ».
* 156 On peut observer que
la conception de la direction (qui est perçue comme une
« coordination ») développée par Luc et celle
des dirigeants nationaux est la même.
* 157 Un débat a eu
lieu lors du C.A du 18/03/2000, au cours duquel un membre actif a mis à
l'ordre du jour les problèmes de « démocratie
interne » au sein d'Attac. Le compte rendu du C.A note :
« Elle [le membre actif] constate le sentiment qu'elle investit son
temps à perte dans sa participation au C.A. Elle fonde ce sentiment sur
son étonnement renouvelé de ne pas être mieux
associée aux dernières actions (réunion des comités
européens, celle des acteurs culturels, participation au congrès
des partis politiques et espère - habitant le Vaucluse - être au
moins sollicitée pour la préparation de l'action au Festival
d'Avignon...). Elle pose la question du rôle des nouveaux élus au
C.A avec le but d'optimiser l'organisation pour une mise en commun des
idées et des savoir-faire et éviter qu'un petit nombre s'arroge
du pouvoir ». Cf., Attac France, « Compte rendu du C.A du
18/03/2000 ».
* 158 Jacques Ion
énumère les trois qualités qui étaient
précédemment attribuées à la langue de bois :
« D'abord, l'unicité : la langue de bois est une, et ne
tolère aucun discours divergent; elle suppose un corps uni, dans une
logique de combat où la moindre discordance pourrait donner prise
à l'adversaire. Ensuite, l'opacité : ce qui est
exprimé au collectif peut être le produit de discussions internes,
mais rien de cette élaboration ne doit transparaître; en quelque
sorte, la décision échappe à ces énonciateur
individuels pour acquérir, à l'image de la loi, un statut
quasi-intemporel [...] D'où sa troisième qualité :
sinon la fixité, du moins la permanence relative. Autant de
caractéristiques aujourd'hui décriées : déni
des expressions individuelles, non-transparence, inadéquation avec le
réel, tels sont les reproches les plus couramment
formulés ». Ion (Jacques), La fin des militants,
op.cit, p. 70.
* 159 Ibid., p.
70.
* 160 Le
précédent C.A comportait neuf élus. Il est
précisé dans le rapport d'activité que « cinq
[sont] présents effectivement aux réunions ». C'est
pourquoi, le nouveau C.A élu le 24 février 2001 comporte
désormais 18 membres. Attac Isère, Rapport
d'activité, 2001.
* 161 Pour répondre
aux critiques formulées lors de l'Assemblée
générale du 24 février 2001, une motion
présentée par le C.A fut adoptée en vue de la
préparation d'une Assemblée générale
extraordinaire : « L'AG d'Attac-Isère réunie ce 24
février 2001constatant les difficultés rencontrées en 2000
pour mandater les représentants à l'Assemblée
générale d'Attac-national sur une position reconnue par la
majorité des adhérents, demande la convocation d'une
Assemblée générale extraordinaire dans le mois qui
précédera l'Assemblée générale nationale,
afin d'élaborer une position majoritaire. Cette Assemblée
générale extraordinaire, se transformera en Assemblée
ordinaire pour les exercices suivants ». Attac Isère, Lettre
aux adhérents, 05/2001.
* 162 Denni (Bernard),
« L'engagement politique », in Grawitz
(Madelaine), Leca (Jean), Traité de science politique, Paris,
PUF, Tome III, 1985, p. 361.
* 163 Cf., Tableau
« Présentation biographique des
enquêtés ».
* 164 Cécile est
membre du C.A. Toutefois, elle reconnaît y participer très
rarement.
* 165 Ion (Jacques),
op.cit, p. 71.
* 166 Ibid., p.
71.
* 167 A l'occasion de l'AG
de St Brieuc, une lettre destinée aux adhérents exprimait les
positions du C.A isérois vis-à-vis de la direction nationale.
Elle se concluait par un appel aux adhérents : « En
conséquence, nous avons décidé de voter contre le rapport
d'activité, afin de sanctionner ce déficit démocratique et
monter notre volonté d'obtenir une AG extraordinaire pour modifier les
statuts. Nous appelons tous les adhérents qui rejoignent notre analyse
à faire de même ». Cf.,
« Lettre aux adhérents, « Appel en
vue de l'Assemblée générale de Saint-Brieuc »,
5/10/2000, annexe n° 22, p. 43.
* 168 On peut noter que
Lionel, qui exerce l'activité de psychologue, pose le problème
dans des termes psychanalytiques. Il s'agirait, selon lui, d'un besoin pour les
militants isérois d'obtenir une reconnaissance de la part du
« père ». (« On est un peu dans la
dialectique difficile du fils qui reproche à son père et qui
cherche à être reconnu »). Par ailleurs, on peut
rapprocher cette analyse des propos de Luc, selon qui « À
Attac comme ailleurs, il y en a qui ne veulent pas être parricide et le
père c'est Cassen dans l'affaire ! ».
* 169 Le comité
isérois a fait parvenir un premier courrier en novembre 1999 à
Bernard Cassen, au sujet du statut des députés qui sont
adhérents d'Attac. Cf., Guillot (Nicole), Reinisch (Raymond),
« A l'attention de Bernard Cassen », 11/1999, annexe
n°15, p. 33. Un second courrier, voté au sein du C.A, a
été adressé à Cassen en février 2000 pour
exprimer le désaccord du comité avec l'appel de Morsang et
l'adhésion des collectivités territoriales. Cf., C.A d'Attac
Isère, « A l'attention de Bernard Cassen », 02/2000,
annexe n°18, p. 37. De plus, un dossier, qui résumait les
débats et les prises de position au sein du comité, avait
été envoyé en juin 2000. Enfin, une proposition
« d'ouverture d'un débat » a été
envoyée à Casse, par le C.A isérois pour demander une
réflexion sur le fonctionnement interne de l'association. Cf., C.A
d'Attac Isère, « Demande d'ouverture d'un
débat », 20/07/2000, annexe n°20, p. 39. Les quatre
courriers sont restés sans réponses.
* 170
L' « Heure Bleue » est une salle de spectacle
située sur la commune de St Martin d'Hères. Le terme
désigne au sein de l'association un week-end de conférences qui
avait été organisé par le comité le 30/09 et le
1/10/2000.
* 171
« Dévalorisée au centre du système politique,
dont les partis et les institutions en constituent le moteur, l'action
légitime se réfugie dans les marges : à la
périphérie et dans les mouvements
spécialisés ». Lancelot (Alain), « SOS
politique », Express, 10/11/1989, p. 11. Cité dans
Varennes (Stanislas), Le militantisme associatif : participer
autrement, op.cit.
* 172 Mehl (Dominique),
« Culture et association », Sociologie du travail,
n°1, 01/1982, p. 27. Cité dans Varennes (Stanislas), Le
militantisme associatif : participer autrement, op.cit.
* 173 Ramonet (Igniacio ),
« Désarmer les marchés », art.cit, annexe
n°10, p. 26
* 174 Un article paru dans
le Monde Diplomatique résume les conclusions de cette
rencontre : « La réunion a mis en évidence le
très fort intérêt pour la création de cette ONG
internationale répondant aux objectifs proposés par Igniacio
Ramonet dans son éditorial du mois de décembre 1997 ».
« Attac », Le Monde diplomatique, 04/1998, p.
2.
* 175
« Attac », Le Monde diplomatique, 05/1998, p.
14.
* 176 Cf., Attac France,
Compte rendu du C.A du 17/02/1999.
* 177Cf., Chantal Aumeran,
, Pierre Tartakowsky, Rapport d'activité, Assemblée
générale d'Attac La Ciotat, 23 octobre 1999.
* 178
Barthélémy (Martine), Les associations : un nouvel
âge de la participation, op.cit, p. 222.
* 179 Ibid., p.
222.
* 180 Jacques Ion
désigne ces critiques par le terme de dénonciation des
« pratiques d'appareils ». Il remarque, d'ailleurs, qu'un
changement sémantique du terme « appareil » a eu
lieu. Il est doté aujourd'hui d'une connotation péjorative. Il
s'apparenterait à ce qui relève du « superficiel et du
rigide ». Ion (Jacques), La fin des militants,
op.cit, p. 67.
* 181Pallard (Jacques),
« Rapports sociaux, stratégies politiques et vie
associative », Sociologie du travail, n°3, 07-09/1981,
p. 323. Cité dans Varennes (Stanislas), Le militantisme
associatif : participer autrement, op.cit.
* 182 Philippe Theyr note
que l'une des vertus principale de telles organisations [associations] serait
d'être fortement mobilisatrices, tout en étant faiblement
hiérarchisées et contraignantes » in Theyr (Philippe),
« Réflexions sur le développement
associatif », Revue d'économie sociale, 04-06/1985,
p.130. Cité dans Varennes (Stanislas), op.cit.
* 183 On peut observer que
les dirigeants décrivent Attac comme une structure souple. En effet,
l'autonomie des comités locaux est souvent mis en avant au sein des
brochures officielles ou encore dans la presse. « Ce foisonnement,
cette diversité provient aussi de la structure même de
l'association. Un mot le résume : souplesse. Les comités
travaillent en toute autonomie ce qui facilite la prise en charge d'initiatives
les plus originales les unes que les autres ». « Attac, une
idée qui marche », L'Humanité hebdo,
23-24/10/1999, p. 12.
* 184 Il s'agit d'un groupe
d'économistes qui a été fondé suite à
l' « Appel contre la pensée unique ».
* 185
« L'engagement ne suppose plus une démarche globale
d'adhésion, mais un « accord
parcellaire » ». Reynaud (Emmanuelle), in Mendras
(Henri), La sagesse et le désordre, Paris, Ed Gallimard, 1980,
pp. 271-286.
* 186 Ibid., p.
279.
* 187 Le déroulement
des réunions publiques s'effectue au sein du comité selon un
processus strictement réglementaire. Un ordre du jour a
été précédemment établi par le C.A. Les
prises de parole ont lieu à tour de rôle et il est interdit de
couper la parole à l'intervenant en cours. De plus, en vue de respecter
un planning horaire, chaque intervention est délimitée
dans le temps.
* 188 Ion (Jacques),
op.cit, p. 68.
* 189 Ibid, p.
69.
* 190 Cf., Attac
Isère, « Compte rendu de l'Assemblée
générale d'Attac Isère-38 », Grenoble,
24/02/2001.
* 191 Peut-être
est-il possible d'expliquer ce paradoxe, comme nous l'avons déjà
fait précédemment, par le fait que les militants isérois
souhaitent la reconnaissance du comité dans les statuts nationaux. La
démarche vis-à-vis du national (le respect des statuts) implique
que les militants adoptent la même position au sein du comité
isérois. Toutefois, il s'agirait davantage d'un attachement formel que
d'une réelle conviction.
* 192 Cf., Denni (Bernard),
Lecomte (Patrick), Sociologie du politique, 1990, p. 159.
* 193 A l'occasion d'un
séminaire international consacré à la Taxe Tobin, il fut
convenu à propos des crises économiques de 1997
que « le régime de finance globalisée, né
de la libéralisation et de la déréglementation des flux de
capitaux, porte une responsabilité écrasante dans
l'avènement de cet état de choses ». Attac France,
« Pourquoi la taxe Tobin », texte adopté par le
séminaire international d'économistes réunis par Attac,
qui s'est tenu à la maison de l'Amérique Latine à Paris,
25/01/1999 in Tout sur Attac, p. 73.
* 194 Ramonet (Igniacio),
«Désarmer les marchés », op.cit, annexe
n°10, p. 26.
* 195 On peut
préciser que contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce
n'est pas pour sa proposition de taxe que James Tobin a reçut le prix
Nobel d'économie en 1981 mais pour ses travaux sur la composition des
porte feuilles des fonds spéculatifs. Le fait que Tobin soit Nobel
d'économie est présent lors de chaque présentation de la
taxe que publie l'association. Cela témoigne, selon nous, d'une
tentative de crédibiliser l'idée de la taxe par la
réputation de son auteur. Cf., Sahuc (Michel), « La taxe
Tobin : soin palliatif du capitalisme », Le Monde
libertaire, 17/-23/12/1998.
* 196 François
Chesnais note d'ailleurs que la proposition de Tobin est très largement
inspirée d'une idée formulée par Keynes en 1936 à
propos des marchés boursiers : « La création d'une
lourde taxe d'Etat frappant toutes les transactions se révélerait
peut-être la plus salutaire des mesures permettant d'atténuer aux
Etats-Unis la prédominance de la spéculation sur
l'entreprise. » Keynes, La théorie générale
de l'emploi, de l'intérêt, de la monnaie, Chapitre 12
in François Chesnais, Tobin or not Tobin. Une taxe
internationale sur le capital, Paris, Esprit frappeur, 1998, p. 59.
* 197 Une conférence
internationale s'est tenue aux Etats-Unis, à Bretton Woods en 1944 dans
laquelle les participants se sont mis d'accord sur la création d'un
système monétaire dont l'objectif était de surmonter
l'instabilité monétaire et financière chronique des
années 1920 et 1930. La pierre angulaire de ce système
était la convertibilité du dollar en or à un taux fixe, le
taux de change des autres monnaies se déterminant à leur tour par
référence au dollar. Ce système a pris fin au début
des années 70. Le déficit croissant du budget américain
provoqua une forte poussée spéculative sur l'or en 1971,
contraignant les autorités fédérales américaines
à mettre fin à la convertibilité du dollar en or. La
stabilité monétaire pris fin et les principaux pays
industrialisés firent « flotter » leur monnaie. Le
taux de change vis-à-vis des autres monnaies fut désormais
fixé par le jeu de l'offre et de la demande. Les taux se mirent à
varier les uns par rapport aux autres de façon importante et il devint
possible de spéculer en effectuant des transactions dans un court laps
de temps. Ibid, p. 19.
* 198 Nicolas Kaldor,
disciple direct de Keynes, a défini la spéculation comme une
« opération non liée à l'avantage tenant à
l'usage d'un bien ou d'une transformation quelconque. »
Ibid, p. 25
* 199 Tobin souligne que
« ce qu'il faut préciser pour un pays, c'est la
possibilité d'avoir un minimum de politique monétaire nationale
indépendante. Voilà ce qui m'intéresse ». Le
Monde, 17/11/1998.
* 200 Cf.,
Chesnais (François), op.cit, p. 25.
* 201 François
Chesnais, membre du Conseil scientifique d'Attac, observe que « Lorsqu'il
a formulé sa proposition en 1972, James Tobin voulait préserver
l' « économie réelle » de
l'interférence de la finance et préserver l'autonomie des
gouvernements en matière de politique macro-économique [...] Le
souci de Tobin était d'éviter que les marchés de devises
deviennent l'une des arènes de la spéculation ». Faujas
(Alain), « Les avatars de la taxe Tobin ou comment calmer la
spéculation financière ? », Le Monde,
Supplément Le Monde Economie, 1/09/1998, p. 6.
* 202 Lors d'une interview,
il a déclaré : « A vrai dire, en Europe, on s'est
souvent trompé sur le sens de ma taxe. On pensait que je voulais taxer
les mouvements de capitaux pour dégager des ressources qui iraient
à un organisme international comme l'ONU, qui les mettrait au service du
développement ou de l `environnement. Ce n'était aucunement
ma priorité ». Le Monde, 17/11/1998.
* 203 En 1970, le volume
mondial des transactions quotidiennes sur le marché des changes
s'élevait à 10 milliards de dollars. Il est passé à
75 milliards en 1980, à 500 milliards en 1990 et à 1 800
milliards en 1997. Seulement 7 ou 8% de ces transactions correspondraient
à des règlements commerciaux. Cf., Chesnais
(François), op.cit, p. 52.
* 204 Sahuc (Michel),
« La taxe Tobin : soin palliatif du capitalisme »,
op.cit.
* 205 Fabre (Clarisse),
« Le comité Attac de l'Assemblée nationale
prépare son offensive », Le Monde, 23/09/1999.
* 206 La charte fondatrice
d'Attac note que « Même fixée à un taux
particulièrement bas de 0,05%, la taxe Tobin rapporterait près de
100 milliards de dollars par an. Collectée, pour l'essentiel, par les
pays industrialisés où sont localisées les grandes places
financières, cette somme pourrait être reversée aux
organisations internationales pour des actions de lutte contre les
inégalités, pour la promotion de l'éducation et de la
santé publique dans les pays pauvres, pour la sécurité
alimentaire et le développement durable », Cf. annexe n°7, p.
19.
* 207 Ramonet
(Igniacio), « Désarmer les
marchés », op.cit, annexe n°10, p.26
* 208 « Il reste
du devoir de chaque Etat national de mener des politiques de protection sociale
et de solidarité, d'éducation, de santé publique, et de
protection de l'environnement, et de prévoir les budgets
nécessaires. » Conseil scientifique d'Attac, « Dix
questions sur la taxe Tobin ».
* 209 Un adhérent
d'Attac a écrit dans ce sens sur Internet : « Par contre
il y a une erreur sur les intentions de Tobin lorsqu'il a proposé sa
taxe, pour lui l'argent récolté il s'en fichait [...] En fait
Attac a fait de Tobin un économiste à visées humanistes
alors que le but de sa taxe est d'ordre purement technique et clairement
réformiste. » Acounis (Henri), « Extrait du
quotidien Le Devoir du 6 mai 2001 »,
http://www.attac-talkg.org.
8/05/2001.
* 210 Cf., Chemin Ariane,
Laurent Mauduit, « Le ministère des finances juge irréaliste
une taxation des mouvements de capitaux », Le Monde, 2/10/1998,
p. 7.
* 211 On peut d'ailleurs
noter que le sens que donnent les fondateurs d'Attac à la taxe Tobin
n'est guère différent que celui que Tobin lui-même lui
accordait, à savoir rendre aux Etats une part de leur autonomie et de
leur marge d'action.
* 212 Cf., Attac France,
« Pourquoi la taxe Tobin » in Tout sur
Attac, op.cit, p. 72.
* 213 Ibid., p.
66.
* 214 Les transactions
financières comportent trois dimensions : les transactions
monétaires, les obligations et les actions.
* 215
« Très rapidement, nous avons pris conscience que cet
objectif, si important qu'il soit, restait limitatif, car l'imposition des
opérations spéculatives [...] n'est nullement la seule mesure
envisageable pour maîtriser quelque peu les ravages du capital en
folie. » Cassen, ( Bernard), Comprendre et agir avec Attac,
op.cit.
* 216 Les
enquêtés semblent attacher assez peu d'importance à cet
élargissement. Seule Julie qui a adhéré dés le
début de l'association l'a évoqué. Elle est, par ailleurs,
l'une des responsables du groupe « économie » ce qui
explique peut être son attachement à cette idée
Julie : « D'ailleurs le nom d'Attac, c'est
la taxation des transactions financières et c'est beaucoup plus large
que la taxe Tobin. La taxe Tobin joue sur les marchés monétaires
et sur le changement de monnaie, la taxation des transactions
financières c'est ça, mais c'est aussi les actions, les fonds de
pension, c'est-à-dire ces flux financiers qui n'obéissent
à aucune loi [...] Il y a eu beaucoup de discussion au début, la
proposition de Ramonet c'était une taxation centrée sur la taxe
Tobin mais lors de sa création il y a eu une réflexion au niveau
national entre les membres fondateurs et on a décidé une taxation
des transactions financières. Et c'était déjà
beaucoup plus large que la taxe Tobin, c'était une remise en cause de la
manière dont circule argent de façon libre et sans
contrôle. »
* 217 Cf., Attac France,
«Plate-forme du mouvement international
« Attac » », 11-12/12/1998.
* 218 « Certains
pensent que la taxe Tobin serait inefficace, car les opérateurs
financiers pourraient la contourner. Mais c'est le propre de tous les
impôts que d'être confrontés à l'évasion
fiscale [...] La mise en oeuvre de cette taxe exige que l'on s'attaque aux
paradis fiscaux. ». Conseil scientique d'Attac France,
« Pourquoi la taxe Tobin », in Tout sur
Attac, op.cit, p. 71.
* 219 Chesnais
(François), op.cit, p. 43.
* 220 Ibid., p.
45.
* 221 Ibid., p.
12.
* 222 On peut noter qu'il
s'agit là uniquement des revendications soutenues par le siège
d'Attac. Il sera question des revendications propres aux comités locaux
par la suite.
* 223 Conseil scientifique,
«Empêcher le hold up des transnationales sur le
vivant », 06/1999. In Tout sur Attac,
op.cit, p. 96.
* 224 Déclaration du
bureau d'Attac, «Sanctionner la grande criminalité
écologique et instaurer la responsabilité pénale
personnelle des P-DG », 4/01/2000, in Tout sur Attac,
op.cit, p. 53.
* 225 Lettre du bureau aux
animateurs des comités locaux, « Contre la spéculation
boursière à l'école », 8/03/00, in
Tout sur Attac, op.cit, p. 62.
* 226 « Le bureau
national d'Attac a décidé de s'associer à l'appel des
quatre organisations de chômeurs - AC !, APEIS , CGT chômeurs et
MNCP contre le Plan d'aide au retour à l'emploi (PARE) signé par
le Mouvement des entreprises de France (Medef) et deux
confédérations syndicales minoritaires, et il demande au
gouvernement de refuser d'avaliser un tel projet ». Attac France,
Communiqué, Paris, 03/07/2000. Le bureau a signé la
pétition contre le projet PARE proposée par des mouvements de
chômeurs.
* 227 « Attac ne
peut que dénoncer l'attitude de Danone, multinationale française
en pleine santé, qui détruit la vie de ceux qui ont
participé aux profits records annoncés en 2000 [...] Attac a
décidé de s'associer à l'appel au boycott des produits
Danone lancé par les salariés des entreprises de Calais et de
Ris-Orangis et incite tous ses comités et groupes locaux et
adhérents à se mobiliser et à sensibiliser nos concitoyens
sur les lieux de vente ». Attac France, Communiqué, Paris,
04/01/2001.
http://www.attac.org.html
* 228 Il est important de
rappeler que les comités locaux sont autonomes et ils sont libres de
prendre n'importe quelle position à condition que celle ci respecte la
charte de l'association.
* 229 La commission
Publicité, Image, Pouvoir, site internet comité local Attac
Strasbourg, connecté le 13/06/2001.
http://www.local.attac.org/strasbourg/commissions/comp1p.html
http://www.local.attac.org/strasbourg/commissions/comp1p.html
* 230 On peut noter qu'il
n'a pas encore commencé à fonctionner véritablement et
qu'aucune réunion n'a eu lieu faute d'une prise en charge suffisante.
* 231 « La taxe
Tobin apparaît comme une "porte d'entrée" pédagogique,
accessible et sérieuse sur les enjeux de la crise financière et
de l'ordre financier international; en se fixant l'objectif de réduire
les inégalités et les marges de manoeuvre des logiques dont elles
procèdent, elle dessine la possibilité d'un "autre
monde" ». Aumeran (Chantal), Tartakowsky (Pierre),
« Rapport d'activité », Assemblée
générale d'Attac, La Ciotat, 23 octobre 1999.
* 232 Sa
vocation « n'est pas de réunir seulement les femmes d'Attac
14ème ni de créer un pôle qui fonctionne de façon
périphérique et marginale dispensant ainsi la totalité des
militants de la réflexion sur le sujet. Le but est au contraire de
porter à l'intérieur du comité Attac, pour tous les sujets
abordés, la dimension des femmes, en montrant qu'une analyse
sexuée pourrait être faite sur des thèmes comme les
rapports économiques, la violence ou la santé. » In
Groupe « femmes et mondialisation » d'Attac 14ème,
http://www.local.attac.org/attac14groupe01.htm
http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm07.htm
consulté le 30/07/2001.
* 233Cf., Attac
14éme, Pour un Attac pluriel et mixte,
http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm07.htm
femmes.paris14@attac.org
consulté le 30/07/2001.
* 234 « Le
thème « Femmes et Mondialisation » a mobilisé
plusieurs membres d'Attac dans un groupe de réflexion national dont
l'ambition est de convaincre de la nécessité d'intégrer le
genre dans toutes les analyses. L'analyse de genre est une dimension
transversale à tous les terrains occupés par Attac, et non pas un
domaine d'action adjacent. » In Problématique du groupe
thématique 'Femmes et mondialisation' d'Attac, exposée au Conseil
scientifique, juin 2000,
http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm17.htm
http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm17.htm
consulté le 30/07/2001.
* 235 Nous savions que
certains adhérents (par le biais du site internet Attac talk)
réprouvaient la participation d'Attac au boycott, le plus souvent en
raison du risque d'amalgame avec le rôle des syndicats.
* 236 On peut remarquer que
Laurent au cours de l'entretien exprime à plusieurs occasions son refus
des réactions trop « épidermiques » et trop «
brutales ». Il semblerait qu'il inclue le boycott dans celles ci.
* 237 Ces trois
adhérents sont ceux que nous avons considérés en
introduction comme les moins impliqués dans le comité
isérois. On peut supposer que l'assimilation des revendications
progresserait de façon croissante avec l'intégration des
individus à l'association. L'implication des adhérents rendrait
alors compte de la différence des points de vue.
* 238 Ras l'Front, se
définit comme un « Réseau de lutte antifasciste »
qui a été fondé en 1996 par un texte d'appel écrit
par Gilles Perrault intitulé « l'Appel des 250 ». Le
réseau rassemble plus de cent collectifs en France autour d'une charte,
dans laquelle figure l'objectif commun à défendre :
« Présents sur tous les terrains où se développe
l'idéologie des droites extrêmes, ces comités,
réseaux ou simples équipes militantes ont choisi de lutter [pour]
analyser les raisons de cette montée en puissance du Front
national ». Le mouvement ne se limite pas au Front National et s'est
élargi à d'autres revendications telles que la lutte contre les
lois Pasqua, la lutte contre toute politique ou acte raciste, la défense
des droits des femmes, notamment le droit à l'avortement, la lutte
contre le chômage, considéré comme le «fumier sur
lequel prospèrent les idées du Front national ». Les
enquêtés insistent sur le fait que l'organisation de Ras l'Front
est beaucoup plus « lâche » que celle qui régit
Attac puisque l'ensemble des actions se décident entre les collectifs et
que le national y occupe une place beaucoup plus réduite. De même,
selon eux, les relations y sont beaucoup plus informelles
* 239 Cf., Charte, annexe
n°7, p.19.
* 240 Le comité
local isérois entretient des relations avec de nombreuses associations,
le MRAP pour la question du racisme, la confédération paysanne
pour le problème de l'écologie, le Centre d'Annulation de la
Dette du Tiers Monde (C.ADTM). Nous préciserons ces relations dans la
suite de notre travail.
* 241 Un des
enquêtés (Thomas) a spontanément abordé le
problème de la « marchandisation de la culture » en cours
d'entretien afin de monter en quoi il s'agit d'un problème sur lequel
Attac a un droit de parole : « Il y a un groupe culture à
Attac qui s'est mis en place et ça bouge [...] On veut une culture pour
tout monde et on refuse la marchandisation des oeuvres d'art que ce soient les
peintures, sculptures, oeuvres musicales. Je pense que cela peut avoir son
importance dans la périphérie des problèmes
économiques, c'est-à-dire que l'individu est aussi, c'est un
individu qui a des besoins vitaux, des besoins fondamentaux [et]des besoins de
création. C'est un créateur et à tous les niveaux [...] Il
faut passer à ce moment-là par des écoles, même s'il
faut un apprentissage à un certain niveau, aujourd'hui cet apprentissage
est destiné à des élites et pour qu'elle soit rentable. Je
pense qu'Attac à quelque chose à dire parce que ça fait
partie des droits fondamentaux ».
* 242 Attac avait
été conçu initialement par Ramonet comme une ONG.
* 243 Julien Freund
définit le conflit comme « la mise en cause d'un rapport de
forces ou d'une relation inégalitaire entre les acteurs sociaux, ou
encore comme l'affrontement entre deux êtres ou groupes qui manifestent
une intention hostile à propos d'un droit ». Freund (Julien),
Sociologie du conflit, Paris, PUF, 1983, p. 240.
* 244 Cf. Didier
Lapeyronnie, « Le renouveau des conflits sociaux »,
Sciences Humaines, Hors-série n°26, 09/10/1999, pp.
50-54.
* 245 Ibid, p.
52.
* 246 Ibid., p.
51.
* 247 Le taux de
syndicalisation était en 1968 de 16%, en 1978 de 17,6% et en 1988 de
9,6%. Cf. Mouriaux (René) « Les syndicats sous la Ve
République » in Chagnollaud (Dominique) dirigé
par, La vie politique en France. Paris, Ed du Seuil, 1993, pp.
344-364.
* 248 Cf., Aguiton
(Christophe), « Pistes pour un renouveau syndical des mouvements
sociaux », 01/1997. In Aguiton (Christophe), Bensaïd
(Daniel), Le retour de la question sociale, Ed Page Deux, Lausanne,
1997, p. 215.
* 249 René Mouriaux,
op.cit., p. 357.
* 250 On peut noter que ce
sont ces mêmes catégories de population qui vont constituer les
principaux acteurs des conflits sociaux des années 1990.
* 251 On peut citer comme
exemple de ce type de conflit, la coordination des infirmières qui eu
lieue en 1998. Cf. Lapeyronnie (Didier), art.cit, p. 51.
* 252 Cf. Lopez
(Veronique), « Les nouveaux contre-pouvoirs », in
Politis, 9/11/2000, pp. 26-31.
* 253 Pour une
présentation des associations qui sont membres fondateurs d'Attac,
cf., «Les réseaux d'Attacants», annexe n°6, p.
14.
* 254 La grève des
cheminots commença le 17 novembre et pris fin le 9 janvier. Cf.
Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), Le
mouvement social en France. Essai de sociologie politique, Ed La dispute,
Paris, 1998, Chronologie, p. 207.
* 255 Cf., Wievorka
(Michel), « Un nécessaire aggiornamento », in
Nouveaux regards, n°12, Hiver 2000.
* 256 Le 7 décembre
les syndicats participèrent à une journée d'action
nationale et interprofessionnelle.
* 257 Des manifestations
eurent lieu le 25 novembre à Paris, Bordeaux, Marseille et Toulon..
* 258 En décembre
1995, l'association Droits Devant ! ! lança
l' « appel des sans » lors de l'occupation du centre
Beaubourg à Paris.
* 259 La journée
nationale d'action du 12 décembre réunît 985 000 personnes
selon le ministère de l'intérieur et 2, 2 millions selon les
syndicats et celle du 16 décembre rassembla entre 585 000 personnes
selon le ministère de l'intérieur et deux millions selon les
syndicats.
* 260 D'après un
sondage, 57% des salariés du secteur public, 53% des salariés du
secteur privé et 58% des chômeurs approuvaient les grèves
de décembre 1995.
* 261 Cf., Duhancourt
(Pierre), « Travaux pratiques », in Nouveaux
regards, n°12, Hiver 2000, p. 7.
* 262 Ce mouvement s'est
déroulé en trois étapes. Tout d'abord, la
réclamation pat les chômeurs d'une prime de Noël, puis
l'occupation des Assedic au sujet du montant de l'allocation chômage, et
enfin une revendication au plein emploi adressée vers le patronat.
* 263 Daniel Bensaïd
note que « on a déjà beaucoup spéculé sur
la signification de cette explosion sociale. Nombre de journalistes veulent y
voir la dernière grève archaïque à une époque
qui s'achève. Et pourquoi pas la première grande grève
antilibérale du siècle qui vient ? ». Bensaïd
(Daniel), op.cit, p. 110.
* 264 Cf. Béroud
(Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p.
222.
* 265 « Ces
conflits ne peuvent être tenus pour des luttes de repli sur
l'entreprise : ils cristallisent les alliances sociales larges sur le
thème « nous ne voulons pas mourir » et
élargissent plutôt les espace de lutte pour l'emploi ».
Perret (Jean Marrie), « Deux années de luttes sociales dans le
privé », in Essai de repérage 96-97,
Cahiers de Ressy, N°1, mars 1998, p. 6. Cité dans Béroud
(Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p.
167.
* 266 Nous accepterons la
définition qu'en donne Sidney Tarrow qui a l'avantage de mettre l'accent
sur la forme d'un mouvement social et sur les affinités de ses
participants ainsi que sur les relations qu'ils entretiennent avec les acteurs
extérieurs à celui-ci. Il définit un mouvement social
comme « une contestation collective avec des objectifs communs et un
sentiment de solidarité dans une interaction prolongée avec des
élites, opposants et autorités». Sidney Tarrow, Power in
movement, social movements, collective action and politics, Cambridge
University Press, 1994, p. 3.
* 267 Ansart (Pierre),
Les sociologies contemporaines, Paris, Ed du Seuil, collect
« Points », 1990, p. 342.
* 268 Cf., Touraine
(Alain), « La voix et le regard », in
Sociologie des mouvements sociaux, Ed du Seuil, Paris, 1978, p. 48.
* 269 On peut noter que
cette critique est également celle que Wievorka porte aux grèves
de décembre 1995. Cf., Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel),
Le retour de la question sociale, op.cit, p. 64.
* 270 Wievorka (Michel),
« Un nécessaire aggiornamento », op.cit.
* 271 Cf. Touraine (Alain),
Le grand refus, Réflexions sur la grève de décembre
1995, Paris, Fayard, 1996, p. 320.
* 272 Béroud
(Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p.
46.
* 273 On peut citer
Christophe Aguiton, Daniel Bensaïd, Sophie Béroud, René
Mouriaux et Michel Vakaloulis.
* 274 « Au cours
de son développement les acteurs mobilisés font
l'expérience de leur propre force, réalisent qu'il est possible
de faire « autre chose », discutent sur des
problèmes réputés
« compliqués » tels que la protection sociale,
réservés ordinairement aux seuls spécialistes ».
Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel),
op.cit, p. 120.
* 275 « Le
« projet » du mouvement social ne précède pas
la mobilisation cognitive des acteurs en lutte, il la
présuppose ». Ibid., p. 125.
* 276 « Certains
objecteront sans doute avec bon sens, qu'à requérir autant de
critères, autant de conscience, à exiger de lui à un tel
niveau, à lui réclamer d'emblée un projet
« sociétal » alternatif, le « mouvement
social » risque fort bien de devenir un objet
« sociologiquement introuvable ». Il est rare en effet que
la conscience précède l'action, qu'un mouvement naisse d'un
modèle ou d'une idée, et non pas d'une lutte, d'un conflit
d'intérêt. La conscience vient en marchant ». Aguiton
(Christophe), Bensaïd (Daniel), op.cit, p. 9.
* 277 Béroud
(Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit , p.
110.
* 278
« L'élargissement de la grève à d'autres
salariés du secteur publique [...] renforce politiquement la
mobilisation du premier secteur et fait ressortir la puissance du mouvement
social dans sa dimension multi-sectorielle. Cette extension est la base
objective qui permet d'inscrire stratégiquement et
idéologiquement la lutte contre le plan Juppé dans la logique de
défense non seulement de la protection sociale mais du service publique
en tant que tel. L'objectif central reste le retrait de la réforme
gouvernementale. Mais il catalyse désormais une contestation politique
capitale, celle de la modernisation de l' « Etat
social » ». Idid, p. 114.
* 279Christophe Aguiton
note que « s'il doit rester une idée forte de ce renouveau
militant, c'est la conviction qu'il est possible d'agir, de changer les choses.
Contre tout fatalisme qui avant renvoyait les décision à
« ceux d'en haut », les mouvements de ces dernières
années ont manifesté une formidable aspiration à prendre
en mains les affaires de la cité et à construire consciemment son
propre avenir ! ». Aguiton (Christophe),
« Militer », Le monde de l'éducation, juin
1997. In Aguiton Christophe), Bensïd (Daniel), Le retour de la
question sociale, p. 205.
* 280 Isabelle
déclare regretter que suite aux événements de 1995, des
structures ne se soient pas mis en place pour accompagner cette
« demande d'action » et que le mouvement de contestation
soit « tombé à plat ». Cela rejoint
l'idée qu'Attac a repris à son compte la contestation qui
s'exprimait déjà en 1995.
* 281Wievorka (Michel),
op.cit.
* 282 Ibid.
* 283 « Un
mouvement social ne se définit pas seulement par la volonté de
ses acteurs de s'engager dans la vie de la cité et de s'y organiser pour
revendiquer leurs droits ou des droits nouveaux. Un mouvement social, c'est
surtout une histoire née de l'esprit à la fois des acteurs et des
spectateurs ». Guilhaumou (Jacques), La parole des sans. Les
mouvements actuels à l'épreuve de la révolution
française. Paris, ENS édition, 1998, p. 13.
* 284 Ibib., p.
107.
* 285 Aguiton (Chrsitophe),
, « Militer », op.cit, p. 198.
* 286 Malgré la
structure binaire de la démonstration, qui oppose
l' « ancien » mode de mobilisation, aux
« nouvelles » formes, qui a été
adoptée afin de rendre plus explicite le propos, la coupure visible
n'est pas aussi nette.
* 287 Ibid., p.
199.
* 288 Ibid., p.
199.
* 289 « Des
adhérents de Sud préféreront alors pendre leur
bannière syndical s'ils marchent contre le chômage, ou celle des
pétitionnaires s'ils manifestent contre la loi Debré ».
Ibid., p. 200.
* 290 Ibid., p.
200.
* 291 Ainsi Michel
Vakaloulis observe qu'au cours des conflits sociaux des années
quatre-vingt dix, « des réseaux se sont bien constitués
autour de la défense des « sans », constellation
effervescentes qui réunissent diverses associations aux pratiques
radicales (DAL, Droits Devant ! ! Comité des sans logis) des
groupes politiques d'extrême gauche et des syndicats engagés de
par leur opposition combative, leur situation d'opposition, leur
nécessité de sortir d'un isolement catégoriel ou bien de
par une réflexion sur les implications liées à leur
positionnement professionnel ». Béroud (Sophie), Mouriaux
(René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p. 183.
* 292 On peut citer les
sommets de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), de la Banque Mondiale
(BM), du Fonds Monétaire International (FMI) et de l'Organisme pour la
Coopération et le Développement en Europe (OCDE).
* 293 On peut citer par
exemple le G-8 qui regroupe chaque année les huit pays les plus
industrialisés de la planète ou encore le sommet de Davos qui
rassemble les personnalités économiques et les
décideurs.
* 294 Cf.,
« Porto Allegre-Davos : la guerre des mondes »,
Politis, 18/01/2001.
* 295Gus Masiah,
président de l'Association internationale de techniciens experts et
chercheurs (Aitec), déclarait que « [les manifestations
organisées à l'occasion des contre-sommets] ont marqué
l'entrée en scène des mouvements sociaux ; une alliance qui
a trouvé un point d'orgue lors des manifestations d'opposition à
la conférence de l'OMC à Seattle, fin 1999 : on a
assisté à une coalition de fait rassemblant des ONG, des
mouvements consuméristes écologistes, paysans, de défense
des droits des « sans », etc. On a vu la naissance d'un
mouvement social mondial ». Ibid.
* 296 Cf., Observatoire de
la mondialisation, Lumière sur l'AMI. Le test de Dracula, Paris,
L'Esprit frappeur, 1998, p. 83.
* 297 L'Observatoire de la
mondialisation précise que le projet de l'AMI comporte trois
volets : « Le premier consiste à accorder à
l'accord en négociation le statut juridique de traité, le plus
élevé dans la hiérarchie des sources de droit. Le second
crée, à côté des moyens de recours nationaux offerts
aux « investisseurs », un système juridictionnel
autonome interne à l'AMI, qui permet aux groupes industriels et
financiers effectuant des opérations transnationales de citer les Etats
devant les tribunaux d'arbitrage qui ne sont ni plus ni moins que des tribunaux
de commerce internationaux. Enfin, le projet de traité met en place un
dispositif très savant destiné à donner aux mesures de
déréglementation un caractère
d'irréversibilité et à faire évoluer le texte de
l'AMI dans le sens d'une libéralisation toujours plus
complète ». Ibid., p. 45.
* 298 On peut supposer que
la constitution de l'association ne serait pas sans rapports avec cet
événement. Le lancement de l'association qui était
peut-être en préparation aurait été
décidé en raison de l'actualité qui était favorable
au mouvement.
* 299Cf., « De
Seattle à Gênes», annexe n°7, p. 11.
* 300 Le sommet de
Genève devait servir à faire le bilan des progrès sociaux
accomplis dans le monde depuis le sommet de Copenhague en 1995. Lors de celui
ci la communauté internationale s'était fixé des objectifs
à atteindre en matière de réduction de la pauvreté
et des inégalités dans le monde. Après cinq années,
les objectifs affichés n'étaient pas atteints et la
conférence de Copenhague a été considérée
par le président de l'assemblée générale de l'ONU
(Théo Ben Gurirab) et par son secrétaire général
(Kofi Annan) comme un échec.
* 301« Concept
à géométrie variable, la participation associative est
définie ici comme un processus volontaire de mobilisation des individus
dans un groupe constitué plus ou moins durable et intervenant dans la
sphère publique ». Bathélémy (Martine),
op.cit, p. 12.
* 302Cf., Dumont (Louis),
Essais sur l'individualisme, Paris, Le Seuil, 1983.
* 303Ion (Jacques),
op.cit, p. 20.
* 304« Le fait
associatif se déploie à l'interface de la primarité
[registre dominant de la famille et la sociabilité de type traditionnel]
et de la secondarité [domaine propre de l'économie et de la
sphère politico-administrative], de la communauté organique et de
la société contractuelle ou, mieux, qu'il opère un
brassage et une transformation de logiques opposées, permettant
d'accomplir des tâches fonctionnelles [relevant du principe
sociétaire] sous la forme de la personnalisation [relevant du principe
communautaire] » Caillé (Alain), « Don, association
et solidarité » in Produire les
solidarités : la part des associations. Paris, Mire, 1998, p.
31. cité dans Bathélémy (Martine), op.cit.
* 305 Cf., Ion (Jacques),
op.cit, p. 26.
* 306 Ibid., p.
36.
* 307 Ibid., p.
37.
* 308 Ibid., p.
37.
* 309 L'observatoire du
changement social et culturel observa, à partir du début des
années soixante, le développement d'une vie associative
très intense. Cette phase se caractérisa par l'émergence
et la relance d'associations familiales (Association Populaire des Familles,
Confédération Syndicale du cadre de Vie, etc.), de promotion
culturelle ou encore d'éducation populaire (Fédération
françaises des Maisons de Jeunes et de la Culture, Léo
Lagrange).
* 310 Ibid., p.
43.
* 311
« L'évolution du statut des acteurs de l'action collective est
à rapprocher de l'avènement d'une nouvelle
phase « post-moderne » du processus
général d'individualisation à l'oeuvre depuis une
trentaine d `années dans les sociétés industrielles
et démocratiques ». Barthélémy (Martine),
op.cit, p.143.
* 312 Ibid., p.
77.
* 313 Ion (Jacques),
op.cit, p. 45.
* 314 Pour décrire
ce processus, Hannertz parle d'une considération
d' « atomes anonymes » à la prise en compte
d' « acteurs en mouvement ». Cf. Hannertz (Ulf),
Explorer la ville, trad.franç. Issac Joseph, Ed de Minuit, Paris,
1983, 420 p. Cité dans Ion (Jacques), op.cit, p. 50.
* 315 François de
Singly note que « l'individu contemporain souhaite l'invention d'un
modèle de lien [social] qui l'autorise à rester soi-même
(voire, mieux, à contribuer à devenir lui même) au sein
d'un groupe, d'une association ». De Singly (François),
Individualisme et lien social, p. 34. Cité dans
Barthélémy (Martine), op.cit, p. 145.
* 316 « On veut
désigner par là la possibilité, hier rarissime, qu'une
même personne puisse dépasser les limites de sa constellation
d'appartenance ». Ion (Jacques), op.cit, p. 49.
* 317 Ion (Jacques),
op.cit, p. 50.
* 318 « Aux
côtés des « militants » que leurs engagements
passés et leurs itinéraires définissent à
priori comme « politiques », des individus
interviennent dans l'espace public, d'abord à partir de leur
expérience personnelle, que ce soi celle du chômeur ou de l'usager
des transports, celle du séropositif ou du handicapé, celle du
sans-logis ou de l'étranger ». Barthélémy
(Martine), op.cit, p.156.
* 319 « A
l'insertion dans les conglomérats se substitue la possibilité de
pluri-appartenances structurellement indépendantes les unes des autres
et connectées seulement par le sujet lui-même. Le réseau
n'est donc plus une donnée initiale, il est le résultat de
l'action ». Ion (Jacques), op.cit, p. 80.
* 320 Denis Pingaud, dans
son ouvrage La gauche de la gauche, décrit les « tribus
de la gauche radicale ». L'auteur décrit ces tribus:
« Elles se proclament 100% à gauche mais n'aiment pas Lionel
Jospin [...] Leurs bases syndicales et associatives sont solides, leur
influence électorale s'affirme. Inventives et têtues elles
poursuivent sous d'autres formes les combats de la génération de
mai 68. Leur endurance contre les vents et marées du libéralisme
force le respect d'une partie du peuple de gauche. Ce sont les tribus de la
gauche radicale, autrement dit de la gauche de la gauche. » Il
distingue quatre groupes qui ont chacun un territoire respectif : les
associations qui sont apparues depuis 1990 et qui ont un mode d'action
protestataire et radical (les agitateurs), les syndicats dissidents qui sont
nés de la scission avec les centrales traditionnelles, les groupes de
réflexions qui occupent un rôle de contre-expertise dans les
mobilisations antilibérales (les savants) et les formations politiques
d'extrême gauche. Pingaud (Denis), op.cit, p. 9.
* 321 Le tableau en annexe
présente les principales organisations qui sont fondatrices d'Attac.
Nous avons privilégié les plus récentes, qui
témoignent, selon nous, de la radicalité sociale dont est issue
l'association. On privilégiera ici la place de ces organisations dans
Attac. Cf., annexe n°6, p. 14.
* 322 Dans une tribune
parue dans Le Monde, Bourdieu déclarait « Il [le
manifeste] marque le début d'un vaste travail collectif [...] visant
à définir les principes d'une véritable alternative
politique à la politique néo-libérale qui tend à
s'imposer dans tous les pays, parfois sous l'égide de la social
démocratie, et à inventer les moyens organisationnels et
institutionnels nécessaires pour en imposer la mise en oeuvre [...] Il
importe de rassembler, d'abord à l'échelle européenne, les
collectifs concernés, syndicats, associations et ONG de lutte pour les
droits fondamentaux, dans un réseau organisé, dont la forme est
à inventer, qui soit capable de cumuler les forces, d'orchestrer les
objectifs, et d'élaborer des projets communs ». Bourdieu
(Pierre), « Pour des Etats généraux du mouvement social
européen », Le Monde, avril 2000.
* 323 Julien Lusson, au
titre de l'Aitec, Richard Dethyre, pour l'Apeis et Vincent Espagne en tant que
représentant de Droits devants ! sont membres du C.A.
* 324 On peu noter que
parmi les membres du C.A figurent Jean-Pierre Beauvais au titre de la revue
Politis et Bernard Ginisty au titre de la revue Témoignage
chrétien.
* 325 René Passet,
le président du Conseil scientifique précise qu'il s'agit d'un
regroupement « de personnes venues d'horizons divers. Certains sont
keynésiens, d'autres marxistes, et d'autres encore nous on rejoint par
le biais de l'économie du développement ou des problèmes
mondiaux de l'environnement ». Faujas (Alain), « Les avatars de
la taxe Tobin ou comment calmer la spéculation financière
? », Le Monde, Supplément Le Monde Economie,
1/09/1998, p. 6.
* 326 « Plus que
d'un conseil - évoquant une structure fermée - c'est d'un
réseau - structure ramifiée, ouverte, non
hiérarchisée et susceptible de s'étendre en fonction des
besoins - qu'il convient de parler. » Passet (Renet), « Un
bilan à la fin 2000 »
* 327 Bensaïd
(Daniel), « Contre-réforme libérale et rébellion
populaire », in New left review, n°215, 01/02/1996.
Cité dans Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel), Le retour de
la question sociale, op.cit, pp. 104-122.
* 328 Aguiton (Christophe),
op.cit, p. 131.
* 329 Michel Caron,
secrétaire national de la CFDT, dévalorisa les associations
protestataires telles que le DAL ou Droits Devant ! :
« Sans rien proposer d'alternatif, les nouvelles associations ne
construisent rien. La CFDT coopère avec des associations d'invention
comme les Restos du Coeur à l'intervention concrète et efficace
sur le terrain ». Caron (Michel), « Nouveaux Mouvements
Sociaux, les hussards du ici et maintenant », in CFDT
Magazine, n°216, juin 1996.
* 330 Cf., Béroud
(Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p.
146.
* 331 Hervé
Alexandre est membre du C.A au titre de la FGTE-CFD
* 332 Jean-Christophe
Chaumeron, le représentant de la Fédération des finances
CGT, est membre du C.A d'Attac.
* 333 Tartakowsky a
été élevé dans une culture militante communiste.
Son père, journaliste à L'humanité, était
un des animateurs de la MOI, l'organisation du PCF pour l'immigration. Sa
mère, responsable CGT, a participé à la reconstruction de
la centrale à la libération. Il se fit connaître, comme
homme d'appareils, au début des années 80, par sa participation
à la reprise en main brutale d'Antoinette, le mensuel
féminin de la CGT, pour une partie de l'équipe avait
été licencié pour avoir a voulu appliquer la ligne
d'ouverture, décidée par Georges Séguy lors du 40e
congrès. Puis prenant ses distances avec l'orthodoxie sous Louis
Viannet, il a été considéré comme un contestataire
prônant la rénovation. Entretenant de meilleures relations avec
Bernard Thibault, il s'est rapproché de sa centrale syndicale. De plus,
il a quitté le PCF en août 1991, après le putsch
manqué contre Gorbatchev. Cf., Monnot (Caroline), « Un homme
d'appareil », Le Monde, 5/06/2000, p. 6.
* 334 « Notre
idée est que la dimension interprofessionnelle doit prendre une plus
grande place : le mouvement était interprofessionnel et de ce
renouveau syndical devait sortir des formes de rénovation. L'idée
est de constituer une forme d'organisation confédérale où
se retrouveraient les grandes fédérations ou les syndicats
nationaux ». Aguiton (Christophe), « Le point d'inflexion
de novembre-décembre 1995 » in Futur
Antérieur, n°33-34, 01/1996.In Aguiton (Christophe),
Bensaïd (Daniel), Le retour de la question sociale, p. 122.
* 335 Monnot (Caroline),
« La gauche « mouvementiste » soutient la
Confédération paysanne », Le Monde,
23/08/1999, p. 5.
* 336« Attac
solidaire de José Bové et des militants de la
Confédération paysanne », Lignes d'Attac,
n°8, 09/2000, p.3.
* 337 Des destructions ont
eu lieu fin août dans le département de la Drôme, les
militants d'Attac réunis à Arles pour l'université
d'été de l'association sont venus leur « prêter
main-forte ». Serafini (Tonino), « Dans la Drôme les
OGM s'arrachent à la pelle », Libération,
27/08/2001, p. 1.
* 338 On peut noter que la
situation des interviewés correspond aux résultats de
l'enquête quantitative menée par Thomas Marty. En effet, parmi les
militants toulousains de l'échantillon, le syndicat le mieux
représenté est la CFDT (64% des syndicalistes qui ont
été enquêtés sont adhérents à la
CFDT), suivi de la CGT et de Sud avec respectivement 21,4% et 14, 3%. Cf. Marty
(Thomas), op.cit, p. 100.
* 339 Gallin (Dan),
« Réinventer la politique du mouvement syndical » in
Attac, Contre la dictature des marchés, La dispute-Syllepses-Vo
éditions , 1999, pp. 103-121.
* 340 C'est
également le cas de Lionel qui a quitté F.O « en
très bon termes » quelques mois après son
adhésion à Attac.
* 341 Cf., Rapport
d'activité 2000
* 342 Cf., Attac
Isère, Lettre aux adhérents, 05/2000.
* 343 Attac Isère a
ainsi pu rassembler la somme de 8843 F. Cf., Attac Isère,
« Résultat prévisionnel 2000 »,
« Rapport d'activité 2000 ».
* 344 Cécile estime
que l'Unef-Id a récupéré
« politiquement » la section du campus de SOS-Racisme.
* 345 Nous rappelons,
qu'actuellement, parmi les membres du C.A d'Attac Isère, une seule
personne (Thomas) a participé à la création du
comité.
* 346 Attac Isère,
Position d'Attac Isère sur l'adhésion des partis et
collectivités. Cf., annexe n°17, p. 35.
* 347 Ces discussions ont
eu lors du C.A du 5 juin 2001d'Attac Isère.
* 348 « Le
Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde est un réseau
international qui milite pour [...] l'information, la sensibilisation du plus
large public possible sur la question des inégalités Nord-Sud
(ouvrages, revue, conférences-débats, formations, rencontres
internationales, etc.) [...] L'angle d'attaque du C.ADTM est la dette du Tiers
Monde, avec comme objectif d'annuler la dette extérieure publique du
Tiers Monde et d'ensuite briser la spirale infernale de l'endettement par
l'établissement de modèles de développement socialement
justes et écologiquement durables. Dans ce but, le C.ADTM milite pour la
constitution d'un fonds de développement démocratiquement
contrôlé par les populations locales et alimenté par
l'annulation de la dette extérieure publique du Tiers Monde; la
rétrocession des biens mal acquis; la taxation des transactions
financières (taxe de type Tobin); l'augmentation de l'Aide Publique au
Développement à 0,7% du PIB des pays riches;
l'établissement d'un impôt mondial exceptionnel sur les grosses
fortunes; la conversion des dépenses militaires mondiales en
dépenses sociales et culturelles. Enfin, le C.ADTM encourage
l'émancipation des femmes, la réforme agraire radicale et la
réduction généralisée du temps de
travail ». Site internet : http://users.skynet.be/cadtm/.
* 349 Parmi les
enquêtés, Cécile, François et Thomas cumulent des
appartenances politiques, associatives ou syndicales. Toutefois, Cécile
et François sont peu engagés dans le comité
isérois. Ils ne sont pas par ailleurs des « nouveaux
militants ». Ils n'apparaissent pas, selon nous,
représentatifs des militants isérois.
* 350 Perrineau (Pascal),
« Pour une histoire de l'engagement politique » in
Perrineau (Pascal) dir., L'engagement politique, Paris , Presse de la
FNSP, 1994, pp. 13-19.
* 351 Ibid, p.
15.
* 352 Cf., Dominique Memmi,
« L'engagement politique », op.cit, p.
310.
* 353 Samuel Barnes
définit la participation politique comme « des activités
volontaires de citoyen en tant qu'individu (individual citizens) qui
visent à influencer, soit directement, soit indirectement les choix
politiques aux différents niveaux du système politique », in
Barnes (Samuel), Kasse (Max), Political action, mass participation in five
western democraties, Beverly Hills, Sage, p. 42. Toutefois la
définition qu'en donne Alain Lancelot semble plus adéquate car
moins excluante; selon lui la participation s'élargit jusqu'à
toucher « l'intervention des citoyens dans le domaine
spécialisé des affaires publiques », in Lancelot (Alain),
Les attitudes politiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1974,
deuxième édition, 1ére édition 1965, p. 6.
* 354
« Après le premier âge métaphysique [de la
science politique] qui avait mis en exergue la nécessité du
citoyen actif et engagé, le 2ème âge positif
découvre la réalité du citoyen passif ». Perrineau
(Pascal), « Pour une histoire de l'engagement politique »,
op.cit, p. 15.
* 355
Barthélémy (Martine), op.cit, p. 196.
* 356 Nous reprenons ici
l'expression à Martine Barthélémy. Ibid,
p.197.
* 357 Cf., Bourdieu
(Pierre), « La représentation politique. Eléments pour
une théorie du champ politique », Actes de la recherche en
sciences sociales, 36-37, février-mars, 1981.
* 358 Philippe Corcuff
définit le champ comme « une sphère de la vie sociale qui
s'est progressivement autonomisée à travers l'histoire autour de
relations sociales, d'enjeux et de ressources propres, différents de
ceux des autres champs [...] Chaque champ est alors un champ de forces- il est
marqué par une distribution inégale des ressources et donc un
rapport de forces entre dominants et dominé- et un champ de luttes- les
agents sociaux s'y affrontent pour conserver ou transformer ce rapport de
forces ». Corcuff (Philippe), Les nouvelles sociologies,
Paris, Ed Nathan, 1995, p. 32.
* 359 Bourdieu (Pierre),
op.cit, p. 5.
* 360 Bourdieu
définit le champ politique comme étant « un microcosme,
c'est une sorte de monde séparé, de monde à part,
fermé sur lui même, en grande partie, pas complètement,
sinon la vie politique serait impossible, mais assez fermé sur lui
même et assez indépendant de ce qui se passe à
l'extérieur ». Bourdieu (Pierre), Propos sur le champ
politique, PUL, Lyon, 2000, p. 35.
* 361 Bourdieu observe que
le « constat de la capacité inégale d'accès au
champ politique est extrêmement important pour éviter de
naturaliser les inégalités politique ».
Ibid.., p. 53
* 362 Corcuff (Philippe),
op.cit, p. 36.
* 363 Agrikoliansky (Eric),
« Carrières militantes et vocations à la morale :
les militants de la Ligue des Droits de l'Homme dans les années
1980 », Devenirs militants, RFSP, vol 51, n°1-2,
02-04/2001, pp. 27-46.
* 364 Bourdieu (Pierre),
Le sens pratique, Paris, Ed Minuit, 1980, p. 88. Cité dans
Corcuff (Phillippe), op.cit., p. 32.
* 365
« Les différences primaires, celles qui distinguent
les grandes classes de conditions d'existence, trouvent leur principe dans le
volume global de capital, comme ensemble des ressources effectivement
utilisables, capital économique, capital culturel, et aussi capital
social... ». Bourdieu (Pierre), La Distinction.
Critique sociale du jugement, Paris, Ed Minuit, 1979, p. 128.
* 366 Des statistiques sur
la composition des adhérents nationaux nous ont été
fournies par la direction d'Attac France. En revanche, aucune donnée sur
la composition du comité local n'est disponible. C'est pourquoi nous
reporterons les tendances générales issues de l'analyse des
données nationales à l'échantillon du comité local.
De plus, nous aurons recours à deux autres sources distinctes qui nous
semblent pertinentes. Nous utiliserons avec profit les données fournies
par une enquête du mensuel Le Monde diplomatique sur le profil
sociologique de ses lecteurs. Cf., « Qui sont les lecteurs du Monde
diplomatique ? », Le Monde diplomatique, octobre 1998,
pp. 14-15. D'autre part, les données extraites de l'enquête de
Thomas Marty ont également été utilisées. En effet,
bien que la configuration spatio-temporelle de l'enquête quantitative
qu'il a réalisée ne soit pas la même que la nôtre,
elle peut nous permettre de corroborer certaines de nos observations. De plus,
l'implantation du comité Attac Toulouse n'est pas fondamentalement
distincte du comité isérois. En effet, les deux villes
présentent de nombreuses similitudes. Toulouse et Grenoble sont, tout
d'abord, deux agglomérations de plus de 400.000 habitants
(respectivement 608.000 et 400.100), d'autres part, elles ont connu un essor
économique comparable. Tandis que Toulouse a polarisé l'essentiel
de l'industrie aéronautique et spatial français (50% des emplois)
et a développé un important réseau de recherche
médicale, Grenoble a su allier l'industrie et la recherche dont elle
détient le second rang après Paris. Enfin, les deux villes
détiennent un pôle universitaire équivalent avec le
regroupement de trois universités pour chacune d'entre elles. Cf. Rey
(Alain) dirigé par, Le petit Robert des Noms Propres, Paris, Ed
Le Robert, 1996, p. 2259. Les données mentionnées ci-dessus sont
reproduites dans deux schémas, p. 157.
* 367 C'est à dire 6
postes principaux. Pour une description et une explication
générale Cf., Desrosières (Alain), Thévenot
(Laurent), « La nomenclature de 1982 : les professions et
catégories socioprofessionnelles », Les catégories
socioprofessionnelles, Paris, La découverte, 1988, pp. 67-88..
* 368 La catégorie
socioprofessionnelle est absente de notre échantillon
d'enquêtés. Cela s'explique par le fait que les
enquêtés ont tous été contactés au sein du
groupe Grenoble du comité isérois. Peut-être, aurait-il
été plus facile de rentrer en contact avec des agriculteurs dans
les groupes situés à Vienne ou Voiron.
* 369 La catégorie
des « Ouvriers » ne figure pas dans la composition
socioprofessionnelle qui nous a été fournie par le siége
d'Attac. On peut supposer qu'elle représente moins de 1% de l'ensemble
des adhérents et qu'il n'a pas été choisi, à ce
titre, de la faire figurer. Cette catégorie est en revanche
représentée à 6,5% dans l'échantillon de
l'enquête « Toulouse ».
* 370 Ce
phénomène peut être mis en lien avec le fait que
l'adhésion est, peut-être, moins répandue parmi les
comités « campus » que parmi le reste des
adhérents. Par exemple, sur Grenoble Cécile nous avoue que parmi
la douzaine de personnes qui militent sur le campus, plusieurs ne sont pas
adhérents. Les étudiants accorderaient, semble t-il, plus de
valeur au militantisme qu'à l'adhésion formelle au mouvement.
* 371 On peut remarquer que
ce découpage de la catégorie Cpis dans la présentation des
adhérents n'est peut-être pas anodin. D'autant plus, qu'il reste
très contestable. Pourquoi avoir distingué la catégorie
des enseignants chercheurs » de celle des « Professions
intellectuelles supérieures », tandis que la nomenclature de
l'INSEE de 1982 n'opère pas cette distinction et les regroupe sous
l'appellation de « Professeurs, professions scientifiques »
(cpis 34). Il semblerait, avant tout, que le fait de diviser cette
catégorie permette de la rendre moins visible.
* 372 « La
sociologie l'a amplement démontré : le fait associatif
appartient plutôt à une formation sociale
déterminée, celle des « nouvelles classes
moyennes » qui, à partir de la fin des années
cinquante, bouleversent les rapports numériques entre les groupes
sociaux, en même temps que le concept acquiert une reconnaissance
officielle et légitime scientifiquement ».
Barthélémy (Martine), op.cit, p. 70.
* 373 « Les
classes moyennes apparaissent comme un phénomène central des
sociétés capitalistes contemporaines bien qu'elles se
présentent davantage comme une nébuleuse que comme un ensemble
structuré; elles ne sont pas polarisés par un groupe
social : ni les cadres, ni les enseignants, ni les employés de
bureau, ni a fortiori les indépendants ne sont en mesure de
représenter à eux seuls cette vaste configuration ».
Bosc, « Le nouveau paysage des classes moyennes »
in Stratification et transformations sociales. la
société française en mutation, Paris, Nathan, 1993, p.
155.
* 374 Cf., Ansart (Pierre),
Les sociologies contemporaines, op.cit, pp. 121-128.
* 375 « Les
rapports de classe ne sont pas seulement liés à des forces de
production, à un état de l'activité économique et
de la division technique du travail; ils sont l'expression en termes d'acteurs
sociaux de l'action historique elle-même, de la capacité de la
société d'agir sur elle-même par
l'investissement » Touraine (Alain), Production de la
société, Paris, Ed Seuil, 1973, p.31. Cité dans Ansart
(Pierre), Les sociologies contemporaines, op.cit, p. 123.
* 376 « Nous
vivons en ce moment le passage d'une société verticale, que nous
avions pris l'habitude d'appeler une société de classes avec des
gens en haut et des gens en bas, à une société horizontale
où l'importance est de savoir si on est au centre ou à la
périphérie ». Ibid, p. 125.
* 377 Par exemple, on peut
noter qu'en 1993, 40% des hommes actifs occupés appartenant à la
PCS Professions intermédiaires avaient un père qui était
ouvrier. Cf., Enquête F.Q.P 1993. L'étude porte sur 6 022 000
hommes de 40 à 59 ans. Cf., Beitone (Alain), Dollo (Christine),
Gervasoni (Jacques), Le Masson (Emmanuel), Rodrigues (Christophe), Sciences
sociales, Paris, Ed Dalloz, 1997, p. 349.
* 378
Barthélémy (Martine), « Le militantisme
associatif », in Perrineau (Pascal) dir., L'engagement
politique, Paris , Presse de la FNSP, 1994, pp. 87-114.
* 379 Chauvel (Louis),
Le destin des générations. Structures sociale et cohortes en
France au 20éme siécle, Paris, PUF, 1998, p. 34.
* 380 De 1960à 1980,
la progression des employés passe de 18% à 26% de la P.A, tandis
qu'elle se stabilise à partir du début des années
quatre-vingts autour de 29%. Cf., Chauvel (Louis), op.cit, pp.
39-40.
* 381 « La
catégorie des employés s'inscrit donc, plus tardivement que celle
des ouvriers, dans un processus au travers duquel son poids au sein de chaque
grand secteur de l'emploi salarié tend à diminuer au profit de
catégories moins qualifiées ». Chenu (Alain),
L'archipel des employés, Paris, Insee Etudes, 1990, p. 41.
Cité dans Marty (Thomas), op.cit, p. 71.
* 382 Chauvel (Louis),
op.cit, p. 38.
* 383 On peut remarquer que
le seuil du nombre de bacheliers est très faible au sein des
employés. Alors que les professions intermédiaires comptent 41,5%
de bacheliers, les employés n'en comptent que 16,5%. Cf.
Desrosières (Alain), Thévenot (Laurent), op.cit, p.
84.
* 384 Dogan (Mattei),
Narbonne (Jacques), Les françaises face à la politique,
Paris, Ed A. Colin, 1955, p. 191.
* 385 Chagnollaud
(Dominique), Science politique, Paris, Dalloz, 1999, p. 161.
* 386 Cf., document
« Structures générationnelles
comparées », p. 167.
* 387 Cf., Etat des lieux,
annexe n°12, p. 29.
* 388 Plusieurs cars, en
provenance de la région parisienne notamment, étaient
constitués pour l'essentiel de personnes du 3éme âge. La
convivialité apparaissait très forte au sein de ces groupes.
* 389 Les statistiques
produites par la direction d'Attac ne sont en effet pas assez affinés
pour une explication détaillé. Trois classes d'âge sont
uniquement prises en compte : 18-30 ans, 30-60 ans, plus de 60 ans. On
peut légitimement se demander les raisons de ce découpage assez
flou.
* 390 Chauvel (Louis),
op.cit, p. 14.
* 391 Nous nous
référons à la définition que donne l'historien
March Bloch d'une génération. « Les hommes qui sont
nés dans une même ambiance sociale, à des dates voisines,
subissent nécessairement, en particulier dans leur période de
formation, des influences analogues. L'expérience prouve que leur
comportement présente, par rapport aux groupes sensiblement plus vieux
ou plus jeunes, des traits distinctifs ordinairement forts nets. Cela jusque
dans leurs désaccords qui peuvent être des plus aigus. Se
passionner pour un même débat, fût-ce en sens opposé,
c'est encore se ressembler. Cette communauté d'empreinte, venant d'une
communauté d'âge, s'appelle une
génération ». Bloch (Marc), Apologie pour
l'histoire, Paris, Ed A..Colin, 1974, p. 150.
* 392 « C'est
toute une génération de couches moyennes qui acquiert alors une
certaine vision du monde, un système de normes et de valeurs dont elle
restera imprégnées, malgré les évolutions diverses.
Cette nouvelle culture va être transmise plus ou moins consciemment aux
générations diverses ». Le Goff (Jean-Pierre), Mai
68, l'héritage impossible, Paris, Ed La découverte, 1998, p.
20.
* 393 Un tract du
comité isérois, diffusé à l'occasion de la
conférence de Susan George qui a eu lieu sur Grenoble le 13/11/2000,
s'intitule « Utopie », on peut y lire :
« L'utopie ?, c'est rêver, penser, faire que cela se
réalise. Mais certains rêvent et appliquent un monde qui devient
un cauchemar pour l'immense majorité du monde. A nous de se le
réapproprier. Semez de l'utopie vous récolterez du
réel ! ». On peut également noter que plusieurs
articles du Monde diplomatique parus lors de la création
d'Attac se réfèrent explicitement au thème de l'utopie.
Cf., Halimi (Serge), « Notre utopie contre la leur »,
Le Monde diplomatique, mai 1998, p. 14. Igniacio Ramonet,
« Besoin d'utopie », Le Monde diplomatique.
* 394 Par exemple, un
slogan comme « Un autre monde est possible » nous semble
relever du même esprit que celui de mai 68.
* 395 En effet, les
mouvements se réclamant de l'écologie politique étaient
des groupes non-violents, fondés sur la convivialité et qui
visaient à une prise de conscience écologique à l'aide
d'un travail pédagogique d'explication. Le principal ressort de
l'engagement de ses groupes était la référence à la
citoyenneté. Les similitudes avec Attac sont très importantes
comme en témoigne ce tract de « Paris écolo »
publié en 1978 : « Les écolos sont des simples
citoyens que leur vie et leur avenir leur appartient. La politique est d'abord
affaire de citoyens ». Cité dans Le Goff (Jean-Pierre),
op.cit, p. 388.
* 396 Parmi les
différentes « sensibilités politiques »,
celle à laquelle les enquêtés toulousains se
réfèrent le plus est celle de l'écologie politique
(45,5%). Cf., Marty (Thomas), op.cit, annexes, p. 12.
* 397 Ibid, p.
9.
* 398 Lionel effectuait
à l'époque son service militaire en Lybie. A son retour, en 1970,
il a participé à des manifestations « qui
étaient dans la lignée de mai 68. C'était, ajoute t-il, un
peu une revanche sur mai 68 ».
* 399 Freinet (1896-1966)
était un instituteur français qui refusa de pratiquer une
pédagogie qu'il considérait comme trop autoritaire. Il
expérimenta une méthode éducative
« active » fondée sur la personnalité de
l'enfant et le travail en groupe. Il créa sa propre école qui
devint une école expérimentale et qui servit de modèle
à plusieurs réformes éducatives. Cf., Rey (Alain)
dirigé par, Le petit Robert des Noms Propres, op.cit, p.
783.
* 400 Julie :
« Je suis venu à Attac car un jour dans Marianne j'ai
vu un petit entrefilet sur l'accord de l'AMI. Cet article analysait cet accord
et là je me suis dit : « Ce n'est pas possible, ce n'est
pas possible qu'on laisse faire un truc pareil ! » Je crois que
ça été mon déclic. Un mois après il y avait
la création d'Attac et je me suis dit Attac c'est ce qu'il me faut [...]
Je me suis dit ce n'est pas possible que les gouvernements laissent faire
ça ».
* 401 Agrikoliansky (Eric),
op.cit.
* 402 L'individualisme
méthodologique, selon Wipper, consiste à « attribuer la
primauté analytique aux faits sociaux, et la primauté
théorique aux individus en tant qu'il prennent des
initiatives ». Wippler, « The structural-individualistic
approach in dutch sociology : toward an exploratory social
science », The Netherlands, Journal of sociology, n°14, 1978,
pp. 135-155. Cité dans « A quoi sert l'individualisme
méthodologique ». Chazel (François), Action
collective et mouvements sociaux
* 403 Chazel
(François), « A quoi sert l'individualisme
méthodologique en sociologie ? », Action collective et
mouvements sociaux.
* 404
Barthélémy (Martine), op.cit, p. 213.
* 405 Par exemple,
plusieurs enquêtés n'ont pas, ou quasiement pas, recours à
cette notion. Cécile et Isabelle ne l'utilisent pas (zéro
occurrence) et Luc s'y réfèrent très peu (trois
occurrences). D'autres, comme Fabien (3), Thomas (3) l'utilisent à
quelques reprises. Enfin, certains, Laurent (9), Julie (9) et Bernard (10) s'y
réfèrent assez fréquemment. Par ailleurs, Lionel critique
l'utilisation qui est faite du terme (« J'ai des réticences
aussi à utiliser le mot de citoyen, il est tellement galvaudé
qu'il ne signifie plus grand-chose »).
* 406 Cette
représentation qui est propre à Attac semble en lien direct avec
la présentation que l'association fait d'elle même. Elle nous
apparaît pas être en rapport direct avec l'adhésion des
enquêtés.
* 407 Sophie Duchesne,
Le paradoxe de la citoyenneté, in Pascal Perrineau,
L'engagement politique. Déclin ou mutation ?, Paris, Presse
de Sciences Po, 1994, pp. 185-214.
* 408 Comme le rappelle
Dominique Schnapper, le citoyen est, en premier lieu le « membre
d'une communauté politique », il se définit par
l'exercice de ses droits et de ses devoirs civiques et par sa participation aux
décisions de l'Etat, au nom de la volonté générale.
C
* 409 « L'usage
de la « citoyenneté associative » ou encore de la
citoyenneté active » par les associations renvoie très
directement à l'analyse du discours associatif, autonomie,
responsabilité et créativité des acteurs, nouvelles
pratiques politiques et changements « par le
bas » ». Barthélémy (Martine),
op.cit, p. 215.
* 410 Becker (Howard),
Outsiders. Etude sociologique de la déviance, Paris, Ed
Métaillé, 1985.
* 411Guillot (Caroline),
Le militantisme à la Ligue des Droits de l'Homme : une
entreprise morale et politique, Grenoble, Mémoire IEP , Ihl
(Olivier) sous la responsabilité de, 1998-1999.
* 412Cf., Varennes
(Stanislas), op.cit, p. 24.
* 413 Gustave Massiah,
membre du Conseil scientifique d'Attac, a tenu une conférence, à
l'occasion de la première université d'été d'Attac,
au sujet de l'annulation de la dette du tiers-monde : « La
question du partage ne concerne pas seulement les différents acteurs de
l'économie au sein de la nation. Elle s'applique au moins autant
à l'échelle de la planète ». Massiah (Gustave),
« De l'ajustement structurel au respect des droits
humains », Une économie au service de l'homme, Paris,
Ed Mille et une nuits, 2001, p.248.
* 414 L'engagement au sein
de la LCR ne correspond pas pour autant à un engagement humanitaire.
Toutefois, les problèmes internationaux occupent dans ce parti
politique, au moins dans leur discours, une place assez importante. Ceci
explique que les enquêtés ayant milité à la LCR se
référent plus régulièrement aux
préoccupations d'ordre « humanitaire ».
* 415 Marty (Thomas),
op.cit, annexes, p. 12.
* 416 L'annulation de la
dette des pays pauvres est un thème très récurrent au sein
des conférences organisées par Attac. Beaucoup de comités
disposent d'ailleurs d'un groupe de réflexion thématique qui est
dédié à cette revendication.
* 417 « En fait,
il ressort un certain humanisme, un certain altruisme du discours de ces
personnes; un discours dont il faut noter qu'il est très proche de celui
de leurs organisations. Reste à savoir, et cela est difficile, si elles
ont adhéré à l'association parce que celles ci
défendaient des valeurs auxquelles elles étaient très
attachées, ou si c'est l'association qui, une fois qu'elles y sont
rentrées, les a imprégnées de ces valeurs. En fait, il
semble que ces deux aspects soient complémentaires ». Varennes
(Stanislas), op.cit, p. 24.
* 418 Cf., Fillieule
(Olivier), Sociologie de la protestation, Paris, L'Harmattan, 1993, p.
44.
* 419 Cf., Fillieule
(Olivier), Péchu (Cécile), p. 149.
* 420 Inglehart (Ronald),
The silent revolution. Changing Values and Political Styles among Western
Publics, Princeton, Princeton University Presse, 1977.
* 421 Cf., Fillieule
(Olivier), Péchu (Cécile), p.123-128. Et Op.cit., Lafargue
(Jérôme), pp.49-50.
* 422 Verba. S & Nye.
N. H, Participation in America : Political democracy and Social
Equality, New York, Harper and Row, 1972. Cité dans op.cit.,
Fillieule (Olivier), Péchu (Cécile), p. 125.
* 423 L'Enquête
mondiale sur les valeurs (World Value Surveys, WVS) qu'utilise Inglehart porte
sur 61 pays répartis sur six continents. Cf., Inglehart (Ronald),
« Choc des civilisations ou modernisation culturelle du
monde ? », Le Débat, n°105, 1999, pp.
21-54.
* 424 Cette
hypothèse est d'ailleurs vérifiée, en partie, par le
niveau de diplôme qu'il est possible de constater parmi les
adhérents d'Attac. Selon l'étude réalisée par
Thomas Marty tandis que 11,1% de la P.A nationale est dotée d'un
diplôme supérieur au Bac+2, ce même taux
s'élève à 73,1 parmi les personnes de l'échantillon
du comité Attac Toulouse. Cf., Marty (Thomas), op.cit, p.
87.
* 425 Marx (Karl), Le 18
Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, 1851, Ed Sociales, 1969.
* 426 Cf., Neveu (Erik),
op.cit, p. 46.
* 427 Op.Cit.,
Fillieule (Oliveir), Péchu (Cécile), p. 82.
* 428 Gaxie (Daniel),
« Economie des partis et rétributions du
militantisme », Revue Française de Sciences
Politiques, vol 27, n°1, fev 1977, pp. 123-154.
* 429 Ibid, p.
126.
* 430 « Sans nier
que les mobiles idéologiques puissent être dans certains cas un
facteur de mobilisation politique, on peut s'attendre à ce que d'autres
incitations viennent les appuyer et les renforcer et que ceux qui consacrent
leur temps et leur énergie à un parti soient
rétribués d'une manière ou d'une autre ».
Ibid, p. 128.
* 431 Ibid, p.
129.
* 432 On peut par exemple
citer François, Julie ou encore Luc qui en tant que président
consacre la majeure partie de son temps à l'association.
* 433
« L'engagement représente une dimension déterminante de
l'image qu'ils [les militants] perçoivent d'eux même et qu'ils
renvoient à d'autres autres [ainsi] la participation, même
très indirecte, à une activité politique constitue une
pratique nécessaire à l'estime de soi » Agrilolansky
(Eric), La Ligue des droits de l'Homme (1947-1990). Pérennisation et
transformation d'une entreprise de défense des causes civiques,
thèse de sciences politiques pour doctorat, IEP Paris, Favre (Pierre),
1997.
* 434 Nous supposons que le
discours tenu par Isabelle visait à justifier le fait qu'elle ne soit
pas très impliquée dans l'association.
* 435 Op.cit.,
Gaxie (Daniel), pp. 131-132.
* 436 On peut
évoquer, par exemple, la présentation de la taxe Tobin qui a
été faite par une militante, qui par ailleurs est professeur
d'économie, lors de la réunion plénière du
22/05/2001, ou encore la présentation du mécanisme de l'AGCS par
un militant lors de la réunion du groupe de réflexion
consacré au « Service publique ».
* 437 Par exemple, lors du
C.A du 7/04/2001, Luc, le président d'Attac Isère, a
proposé de présenter la conférence faite par à
l'occasion du prochain salon du naturel qui aura lieu à l'Albenc en
septembre 2001. Thomas insistait pour que ce soit
« une dame » qui le fasse.
* 438 « Si des
êtres humains se réunissent en groupements économiques ou
en clans familiaux, en association ou en confraternité de sang, il faut
y voir là sûrement la conséquence de
nécessités et d'intérêts spéciaux. Pourtant,
par delà ces contenus particuliers, toutes ces socialisations
s'accompagnent du sentiment propre et de la satisfaction qu'il procure du fait
que l'on est justement socialisé, eu égard à la valeur de
la formation d'une société comme telle ». Simmel
(Georges), Sociologie et épistémologie, PUF, 1981, p. 124.
Cité dans Blondiaux (Loïc), « Les clubs
politiques », Politix, 02/1988, p. 42
* 439 Par exemple, Mosci
Ostrogorski qui a analysé l'évolution des organisations politique
anglaises durant le 19éme siècle, observe que suite à
l'élargissement du suffrage, le Caucus a étendu la propagande
politique aux classes populaires par le moyen de soirées et de
divertissements destinés à « créer une
association de sentiments entre ceux qui sont conviés à les
partager et les partis politiques ». Ostrogorski (Mosci), La
démocratie et les partis politiques , Ed Fayard, 1993,
2éme éd, 1912, p. 239.
* 440 Op.cit,
Blondiaux (Loïc), p. 39.
* 441 Mehl (Dominique),
« Culture et action associative » »,
Sociologie du travail, n°1, 01/1982, p. 26.
* 442 L'entretien avec
Laurent a eu lieu le 2/05/2001, soit le lendemain de la mobilisation à
laquelle il se réfère. Par ailleurs, il s'agissait de la
première action du comité à laquelle il participait.
* 443 Ion (Jacques),
op.cit, pp. 60-64.
* 444 « Dans
l'engagement distancié, c'est la personne singulière qui se
trouve impliquée, voire exhaussée. La mobilisation n'y signifie
pas renoncement à soi, bien au contraire. Mais cette implication
personnelle est toujours circonstanciée, et suppose donc constamment sa
suspension potentielle. Engagement de soi va toujours alors avec engagement
réversible ». Ibid, p. 83.
* 445 Le compte rendu de la
commission « Formation interne et externe » du
comité isérois notait parmi les propositions qui ont
été formulées à l'occasion de l'AG :
« Recenser toutes les compétences des adhérents et
faire appel à eux sur des thèmes précis ».Attac
Isère, Rapport d'activité 2001, p. 8.
* 446
« L'évolution n'est pas rectiligne et il n'y a pas
substitution d'un modèle à un autre. La figure du militant
traditionnel peut ainsi se retrouver au sein même de nouvelles formes
[...]C'est dire que le large mouvement d'affaiblissement du nous
repéré précédemment doit aussi être
mesuré à l'aune de ces résurgences fortes [...] C'est dire
également qu'on ne saurait lire l'évolution selon sur un axe
unique, définitivement orienté. Si nous sommes convaincus que la
perspective sociétaire est bien en train de prendre le pas sur la
perspective communautaire, on ne saurait pour autant éliminer de
l'analyse du fait associatif contemporain toute dimension de
sociabilité ». Ibid, p. 92.
* 447 Bien qu'il soit
délicat de déterminer précisément la taille de ce
groupement, il semblerait qu'il se compose d'une vingtaine d'individus.
Toutefois, il est possible de distinguer au sein de celui ci une seconde niche
dans laquelle la sociabilité interne serait encore plus marquée.
Ce second groupement serait constitué de cinq ou six individus.
* 448 Une adhérente
nous a expliqué les difficultés qu'elle rencontrait pour
s'intégrer au comité isérois.
* 449 Chantal Aumeran,
Pierre Tartakowsky, Rapport d'activité, Assemblée
générale d'Attac La Ciotat, 23 octobre 1999.
* 450 Cassen (Bernard),
« Nous sommes tous des apprenants » in Une
économie au service de l'homme, Paris, Mille et une nuits, 2001, pp.
9-16
* 451 L'ouvrage Tout sur
Attac avait été vendu à 35 000 exemplaires six mois
après son lancement. Les retombées commerciales des ventes ne
sont pas négligeables malgré le faible coût d'un ouvrage
(dix francs, mais dix-sept francs depuis peu) puisque la maison
d'édition Fayard (très critiquée au sein de l'association
en raison de son affiliation avec Lagardère Groupe) offre 10% de droits
d'auteurs à l'association. Cf., Ferrand (Christine), « La
contestation : un marché de poche », Livre
Hebdo, 01/12/2000.
* 452 Les militants du
comité local ont par exemple, durant l'année 2000, tenu un stand
à l'occasion de la journée de la Femme (8/03/2000), de la
journée du 1er mai, de la fête interculturelles de la
Villeneuve (24/06, Isère), de la foire « L'avenir au
naturel » de l'Albenc (2-3/09, Isère), de la marche mondiale
des femmes (14/10), des journées « Marché Solidaire et
commerce équitable » qui ont eu lieu à Vizille
(24-25/11, Isère), du salon Naturissima « La vie au
naturel » (2-5/12).
* 453 Durant l'année
2000, en sus des stands déjà cités, une distribution de
tracts a eu lieu sur la place Felix Poulat sur l'AGCS (2/12) et un stand a
été tenu sur la campus (13/11). Ibid., pp. 4-5. On peut
noter que ce manque d'investissement des militants dans la distribution de
tracts est confirmé par l'enquête de Thomas Marty selon laquelle
12,5% des enquêtés seraient prêts à participer
à la distribution de tracts. Marty (Thomas), op.cit, annexes,
p. 11.
* 454 Berthelot (Jacques),
Le dictionnaire de notre temps, Paris, Hachette, 1988, p. 476.
* 455Un militant d'Attac a
écrit dans ce sens sur internet : « J'en profite
également pour souhaiter que nous autres à Attac sachions nous
déprendre d'un certain complexe de supériorités de
« militants de gauche ». Je m'explique : nous sommes
tellement persuadés que nous avons un message important à
délivrer aux « masses » (la taxe Tobin, la
dénonciation critique de l'économie financiarisée, etc.),
que nous avons parfois tendance à sous estimer l'état réel
de conscientisation et d'éducation de la société civile
dans ces domaines [...] La société civile n'est pas si ignorante
et inerte qu'on le croit en ce qui concerne la taxe Tobin [...] ».
Douillard (Luc), « Cher Bernard Cassen », Attac talk,
26/03/2001.
* 456 « Mais,
très vite, il est apparu que les adhérents voulaient non
seulement qu'on leur communique une information « du tract au
livre », élaborée de manière rigoureuse, mais
ils entendaient aussi se l'approprier afin de mieux agir, ce qui impliquait une
démarche pédagogique. On passait de la diffusion
unidirectionnelle d'un émetteur vers un récepteur-
caractéristique de la presse- à un schéma plus interactif
et plus réactif, relevant, lui, de la formation ». Cassen
(Bernard), « Une économie au service de l'homme »,
op.cit, p. 13.
* 457 Ibid, p.
15.
* 458 Cf.,
Université d'été 2001, Présentation
générale, p. 1.
* 459 Cf.,
Université d'été 2000, Programme.
* 460 On peut noter que
dernières universités d'été d'Attac qui ont eu lieu
à Arles du 24 au 28 août 2001ont également rassemblé
700 personnes. Il est étonnant que malgré la progression de 10
000 adhérents proclamés par l'association, pas plus de militants
ne soient présents. Cela confirmerait peut-être la disproportion
entre la rapide ascension du nombre d'adhésions revendiquées et
la véritable représentativité du mouvement. Cf, Losson
(Christian), « Taxe Tobin : Attac continue le
combat. », Libération, 28/08/2000. Belleret (Robert),
« Les militants d'Attac ajustent leurs arguments contre la
mondialisation libérale », Le Monde, 28/08/2001, p.
5.
* 461 « Qu'est ce
que la monnaie ? Ses fonctions. La bourse. La spéculation.
L'emprise contemporaine de la finance. Pourquoi la taxe
Tobin ? », « A propos du chômage de masse et du
plein emploi. », « A propos des retraites et de
l'épargne salariale. », « A propos de
l'environnement », « A propos de l'annulation de la dette
extérieure ». Par ailleurs, les intervenants venaient pour
beaucoup du conseil scientifique d'Attac, comme René Passet, Bruno
Jetin, Jacques Nikonoff ou Michel Husson, d'autres intervenaient en tant que
membres fondateurs d'Attac, Philippe Frémeaux, rédacteur en chef
d'Alternatives économiques, Pierre Khalfa ou encore Susan George. Cf.,
Université d'été 2001, p. 2.
* 462 « Les
travailleurs sociaux ont à prendre conscience qu'ils sont les
agents premiers de la solidarité », « Electronique
citoyenne : comment maîtriser la machine, de sa prise en main
à son utilisation dans un cadre militant ? ».
Ibid, p. 3.
* 463 L'argumentaire qui a
été utilisé provient d'un tract du comité Attac
Dieppe qui a été récupéré au cours de l'AG
de St Brieuc. Il a été choisi en raison de sa forme didactique
qui facilite la démonstration. « A propos de la taxe
Tobin », Le Mascaret. Bulletin du comité Attac de
Dieppe, n°7, octobre 2000, p. 3. Il figure en page suivante.
* 464 Cf., Tobin :
la taxe pour les esprits faibles, Les dossiers de l'iFrap (Institut
Français pour la Recherche sur les Administrations Publiques),
n°64, septembre/octobre 1999, p. 3. Cet institut qui a édité
une brochure très critique sur Attac constitue probablement un groupe
d'opposants à l'association.
* 465 Cf., Conseil
scientifique d'Attac France, « La taxe Tobin : comment la
gérer et pour financer quoi ? », document disponible sur
le site :
http://attac.org/fra/asso/doc/doc.14.htm,
p. 4
* 466 Ces citations sont
extraites à partir de prises de notes effectuées lors de la
réunion.
* 467 Cassen (Bernard),
« Des libertés liberticides ».
* 468 Cette constatation
s'appuie sur la base de plusieurs réunions et ne porte pas uniquement
sur le débat auquel nous venons de nous référer.
* 469 Mis à part les
ouvrages qui semblent assez peu lu par les adhérents, le Conseil
scientifique publie des « 4 pages » consacrés
à certains thèmes de réflexion (AGCS, dette, taxe Tobin,
etc.). Elles sont largement diffusées au sein du comité.
* 470 Les documents
distribués par les militants lors de diffusions de tracts sont le plus
souvent ceux qui proviennent de la direction nationale d'Attac.
* 471 « Ils
étaient plus de 700, alignés dans la longue halle au bois des
anciens chantiers navals de la Ciotat, venus de toute la France, s'initier
à cette économie qui, pour la plupart d'entre eux, restait une
discipline mystérieuse. Pendant quatre jours, du 23 au 26 Août
2000, ils allaient supporter stoïquement huit heures d'enseignement
quotidiens dont six heures de cours magistraux et deux heures de travaux en
groupes, avec une soif intense d'apprendre et de comprendre. Il aurait fallu
bien plus pour les décourager que le bombardement pédagogique
auquel ils étaient soumis. Car cette première université
d'été- contrairement à ce qui se fait
généralement -était intégralement consacrée
à l'enseignement, non aux petites phrases des grands chefs ».
Passet (René), « une soif de comprendre » in
Attac, Une économie au service de l'homme, op.cit,
pp. 17-20.
* 472 On peut
également noter que lors de certaines réunions la présence
d'un expert, qui n'est pas toujours matériellement faisable, est
remplacée par la diffusion d'un documentaire (le comité Attac
Lyon a, par exemple, en monté une vidéo sur l'OMC) puisque le
comité isérois dispose d'une vidéothèque. Cf.,
Attac Isère, Rapport d'activité 2001, p. 2.
* 473 Cf., Caillois
(Roger), L'homme et le sacré, Paris, Reed Gallimard, 1988,
1er éd 1950, p. 247.
* 474 Cf., Cabin (Philipe),
« Dans les coulisses de la domination », Sciences
humaines, n°105, mai 2000, pp. 24-28.
* 475 « Le
capital symbolique est une propriété quelconque, force physique,
richesse, valeur guerrière, qui perçue par des agents sociaux
dotés des catégories de perception et d'appréciation
permettant de la percevoir, de la connaître et de la reconnaître,
devient efficiente symboliquement, telle une véritable force
magique : une propriété qui, parce qu'elle répond
à des attentes collectives, socialement constituées, à des
croyances, exerce une sorte d'action à distance, sans contact
physique ». Bourdieu (Pierre), Raison pratiques, Paris, Ed
Seuil, 1994, p. 245.
* 476 « Un des
effets de la violence symbolique est la transfiguration des relations de
domination et de soumission en relations affectives, la transformation du
pouvoir en charisme ou en charme propre à susciter un enchantement
affectif ». Ibid., p. 187.
* 477 La pertinence de la
métaphore de la domination reste toutefois limitée du fait qu'il
l ne s'agit au sens qu'en donne Weber, c'est-à-dire la
« chance pour des ordres spécifiques, de trouver
obéissance de la part d'un groupe déterminé
d'individus ». Weber (Max), Economie et société,
1920, tome 1, Paris, Plon, Reed 1971, p. 219.
* 478 Parmi trois types de
domination légitimes (rationnelle, traditionnelle et charismatique), Max
weber précise que la domination charismatique repose « sur la
soumission extraordinaire au caractère sacré, à la vertu
héroïque ou à la valeur exemplaire d'une personne, ou encore
d'ordres révélés ou émis par celle-ci (domination
charismatique) ». Ibid., p. 220.
* 479 Lors de l'AG 2000,
les conclusions de la commission « Formation interne et
externe » ont d'ailleurs formulé des propositions tenant
compte de cette limite. En effet, il était proposer
d' « organiser et favoriser les échanges entre les
« experts » économistes et les
adhérents », mais il était également
proposé d'« envisager une auto-formation des adhérents
qui le désirent par la constitution de groupes de travail par
thème de réflexion : échange des interrogations et
des compréhensions, travail à partir de documents d'Attac mais
aussi d'autres sources, appel à des « experts » en
fonction des interrogations et d'un travail élaboré entre nous
pour consolider les acquis et se les réapproprier avec nos
mots ».Attac Isère, « Rapport moral
2000 », op.cit, p. 8.
* 480 Ion (Jacques),
« Engagement associatif et espace public » in
Mouvements, n°3, 04/1999, p. 67.
* 481 Ion (Jacques),
op.cit, pp. 74-75.
* 482 Charles Tilly a mit
en évidence que progressivement les mobilisations locales fondées
sur les solidarités communautaires (1650-1850) ont cédé la
place à des mobilisations nationales et autonomes (1850-1980). Erik
Neveu suppose que l'avènement des mobilisations internationales apparu
au cours des années quatre-vingt-dix avec les mouvements
anti-mondialisation pourrait constituer une 3ème
génération de répertoire d'action. Cf., Tilly (Charles),
La France conteste. De 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986, pp.
544-545. Cf., Neveu (Erik), op.cit, p. 60.
* 483484 La notion de
« répertoire d'action collective » établit
« l'hypothèse d'un choix délibéré chez
ceux qui revendiquent, entre des modes d'action bien définis, les
possibilités de choix et les choix eux-mêmes changeant
essentiellement en fonction des chois précédents. Dans on
acception moyenne, l'idée de répertoire présente un
modèle où l'expérience accumulée d'acteurs
s'entrecroise avec les stratégies d(autorité, en rendant un
ensemble de moyens d'action plus pratique, plus attractif, et plus
fréquent que beaucoup d'autres moyens qui pourraient, en principe,
servir les mêmes intérêts ». Tilly (Charles),
« Les origines de l'action collective contemporaine en France et en
Grande-Bretagne », Xxe siècle, Revue d'Histoire,
n°4, 1984, p. 99
* 485 Cf., op.cit,
Lafargue (Jérôme), pp. 35-36.
* 486 « C'est le
moment que choisissent quelques dizaines de militants d'Attac pour
s'élancer en maillots de bain de la Promenade des Anglais sur la plage
Beaurivage. « Nous n'avons pas peur de nous mouiller pour
défendre les droits sociaux ! » clament ces
révoltés en se jetant dans l'eau fraîche, drapeaux rouges
et pancartes d'Attac à la main. Une véritable nuée de
téléobjectifs et de caméras se trouve opportunément
sur la plage pour immortaliser la scène. Du jamais vu, sauf lorsque les
plus grandes stars montent les marches du Palais des festivals, à
Cannes ». FK, Express, art.cit, p. 94.
* 487 Ibid, p.
95.
* 488 Weil (Nicolas),
«Attac débarque à Jersey pour dénoncer les paradis
fiscaux », Le Monde, 9/06/2001.
* 489 Parmi les
activités auxquelles les militants attachent le plus d'importance, la
« participation aux soirée festives » apparaît
comme la première réponse fournie par les enquêtés
avec 54,7%. Cf, Marty (Thomas), op.cit, annexes, p. 11.
* 490 « Si cette
légitimité par le nombre ne serait subitement disparaître,
elle n'est plus l'alpha et l'oméga » résumant par un
chiffre la puissance du groupement [...] Il faut convenir qu'une transformation
est en cours à travers laquelle l'idée de masse comme expression
de la puissance, caractéristique des groupements de même
appellation, n'a plus l'évidence qu'elle pouvait avoir ». Ion
(Jacques), op.cit, p. 73.
* 491 Ibid, pp.
74-75.
* 492Attac France, Tout
surAttac, op.cit, p. 12.
* 493 Ibid, p.
13.
* 494 La direction
nationale envisage également de louer la salle du palis des
congrès. Ce type de rassemblement de grande ampleur conforte notre
hypothèse.
* 495 « L'action
violente [...] est habituellement écartée des analyses de la
participation, soit qu'on la considère comme d'une autre nature, soit
que les indicateurs utilisés ne permettent pas sa prise en compte.
Pourtant, la violence constitue selon nous un recours, virtuel, présent
à l'état potentiel dan s l'action collective [...] La mesure de
la part tenue par l'action violente dans les modes de participation doit
être au centre de l'interrogation sur la nature du comportement
protestataire ». in « La manifestation comme
indicateur de changement politique », p. 114-139.
* 496 Cf., op.cit,
Lafargue (Jérôme), p. 35.
* 497 Le black
bloc n'est pas à proprement parler une organisation mais un mode
d'affrontement et de protestation. Les groupes autonomes désignés
par ce terme sont apparus en 1992 lors de violences dirigées vers la
Banque mondiale. Cf., Losson (Christian), « Des anti-mondialisation
dans la tactique de l'affrontement. Des mouvements anars radicalisent la
contestation », Libération, 18/06/2001, p. 3.
* 498 Un
périmètre de sécurité avait été
délimité au sein de la ville de Gênes. Un mur
grillagé en rendait l'accès impossible aux manifestants. Dubois
(Nathalie), « Pendant le G8, Gênes coupé du monde.
L'Italie a prévu de nombreuses mesures de sécurité pour
encadrer le sommet du 20 juillet », Libération,
18/06/2001, p. 4.
* 499 « Ce
comportement [de violence] est triple à rejeter. D'abord, il constitue
une violation des pratiques de concertation démocratique des
coordinations qui se mettent en place à l'occasion des grands
rassemblements contre les politiques néo-libérales des
institutions internationales et européennes. Ensuite, par l'attention
prioritaire que lui accordent les médias, il permet de passer sous
silence les enjeux et l'ampleur de ces mobilisations. Enfin, et plus grave
encore, il fournit opportunément des arguments à tous ceux [...]
qui, inquiets à juste titre du rejet populaire que suscitent leurs
politiques, croient y trouver une parade en tentant de criminaliser la
contestation d'un ordre social profondément injuste ». Attac
France, « Déclaration du Bureau d'Attac France :
après les incidents de Göteborg », 19/06/2001. Document
disponible sur le site http://www.attac.org/tra/asso/doc/doc.62.htm.
* 500 « C'est la
loi des rendements décroissants. Si les actions violentes se
répètent trop, notre travail en souffrira [...] Pour quelques
cons ingérables, on passe pour des anticapitalistes primaires,
anti-européens violents. Ces violences d'anars ou de casseurs son plus
antidémocratiques que les institutions qu'ils combattent soi
disant ». Cf., Losson (Christian), op.cit, p. 3.
* 501Cf., Losson
(Christian), « Christophe Aguiton, un des responsables d'Attac :
« On doit comprendre l'impatience et les frustrations des
militants », Libération, 18/06/2001, p. 4.
* 502
« Christophe Aguiton, secrétaire général d'Attac
et porte parole d'AC !, a une biographie bien remplie : militant LCR
depuis 28 ans (durant les années 1970, il a même été
responsable su service d'ordre( !) de la Ligue); expulsé de la CFDT
en 1988, il fonde Sud. Passionné de stratégie militaire, c'est un
vrai dur ». Cf., Lecaussin (Nicolas), « Taxe Tobin :
la taxe pour les esprits faibles », op.cit, p. 9.
* 503 Un militant d'Attac a
publié sur un internet un message dans lequel il accusait la LCR
d'entrisme : « En clair [...] la LCR disposerait d'un service
d'ordre clandestin, qui s'auto-institue pour encadrer les adhérents
d'Attac et les conduire dans des situations critiques, non discutées
collectivement et préalablement. On comprend mieux la
« compréhension » bienveillante d'Aguiton [...] pour
les violences à Göteborg. Ces violences font partie du spectacle
officiel. Elles sont prévues inévitables, voire
préméditées et souhaitées, par l'appareil
trotskiste, à l'insu des militants d'Attac ». Douillard (Luc),
« Attac jouet de la LCR ? », message diffusé
sur Attac-talk, 24/06/2001.
* 504 « En
revanche, depuis quelques années, les affrontements sont devenus une
sorte de rituel, apparemment inévitable, selon un scénario que
l'on décrirait à l'avance. Chaque fois, les forces de l'ordre des
villes où va se tenir le grand rendez-vous transforment les lieux de
passage et de travail des participants officiels en une zone de haute
sécurité, sous le contrôle de milliers de policiers
anti-émeutes, et, pratiquant une sorte de surenchère
préventive, prennent des mesures draconiennes d'interdiction
d'accès aux périmètres ainsi protégés, voire
aux villes elles-mêmes, comme ce fut le cas à Québec, et de
manière encore plus caricaturale, récemment à
Gênes ». Petrella (Ricardo), « Criminaliser la
contestation », Le Monde diplomatique, août 2001, p.
6.
* 505 Cette position est
d'ailleurs celle de plusieurs adhérents d'Attac qui soutiennent la
violence. Par exemple un militant déclarait sur internet :
« Je pense que les violences nous rendent plus visibles du grand
public, et poussent de plus en plus de gens à s'informer auprès
d'organisations comme Attac. De plus [...] s'il y a des violences on nous tends
le micro pour le déplorer, et s'il n'y en a pas on ne nous tend pas le
micro [...] Pourquoi ne pas demandez aux Black Blocs (et autres) de
revendiquer toutes leurs actions violentes [...] Cela permettrai de faire
clairement la part des choses, d'un côté ce qui est imputable
à des manifestants (dont on continuera à déplorer les
méthodes) et ce qui ne l'est pas [...] Et cela évitera des
amalgames malheureux... ». Goareguer (Pascal),
« Götebog suite, et un peu de politique », Attac talk,
06/07/2001.
* 506 On peut noter,
d'ailleurs, que les militants du comité se tournent fréquemment
vers Thomas pour résoudre les problèmes pratiques qui sont
rencontrés quotidiennement (la constitution d'un tract unitaire,
l'organisation de déplacements pour un contre-sommet).
* 507 Des photos servant de
support visuel sont situées en annexes. Nous nous y reporterons
régulièrement.
* 508 Cf., annexe
n°24, photo n°2.
* 509 Cf., annexe
n°24, photo n°3-4.
* 510 Cf., annexe
n°27, photo n°14.
* 511 Cf., annexe
n°26, photo n°5-6-7.
* 512 Cette remarque ne
repose pas sur une impression personnelle mais elle se fonde sur des
discussions avec des militants ultérieures aux
événements.
* 513 Il semblerait selon
les propos de Luc que des personnes aient annoncé que le service d'ordre
d'Attac organisait un replis des militants. Ceci s'avérait être
faux.
* 514 N'ayant pu assister
à l'université d'été 2001, ces propos nous ont
été relatés par des militants du comité
isérois.
* 515 Les militants du
comité isérois avaient déjà pris contact
précédemment avec la communauté de l'Arche qui propose des
formations aux techniques de non-violence.
* 516 La manifestation qui
a eu lieu le 21 juillet s'est finie par le déclenchement de mouvements
de panique. Le cortège Attac s'est alors disséminé. Le
groupe des militants isérois était également
divisé. Des altercations ont eu lieu entre des groupes anarchistes et
les carabiniers au milieu desquels se trouvaient pris certains manifestants
pacifistes. Les militants isérois n'ont pas su comment réagir;
ils ont alors tenté de retourner à leur campement. Leur mode de
protestation pacifique était en décalage avec les violences qui
ont eu lieu.
* 517 « Dans le
cadre d'une recherche qualitative, la preuve de la validité des
résultats est difficile à fournir de façon
immédiate : ce n'est pas le test de validation qui est jugé,
mais la fiabilité des modèles tirés de l'observation. Les
modèles sociaux demandent de nombreuses confrontations avec des
instances très diverses [...] Mais il existe des instruments [...] le
principal est la saturation des modèles. Ces derniers sont
dégagés progressivement de l'observation. Au début, ils
sont très flous et sans cesse remis en cause par de nouvelles
observations. Puis ils deviennent plus nets et se stabilisent, les faits
confirmant les grandes lignes, et précisant les points de
détails; jusqu'au moment où il est possible de considérer
qu'il y a saturation : les dernières données recueillies
n'apprennent plus rien ou presque. A ce stade le chercheur a
éprouvé lui même la validité des
résultats ». Kaufmann (Jean-Claude), L'entretien
compréhensif, Paris, Ed Nathan, 1996, p. 29.
* 518 Nous rappelons ici le
renouveau de l'engagement tel qu'il est décrit par Jacques Ion et
Martine Barthélémy. Cf., Ion (Jacques), La fin des
militants ?, op.cit. Bathélémy (Martine),
Associations : un nouvel âge de la participation,
op.cit
* 519 Cf., Ion (Jacques),
op.cit, pp. 35-50.
* 520 Ion (Jacques),
op.cit, p. 49.
* 521 Cf., ibid..
pp. 67-72.,
* 522 Mayer (Nonna),
« Les mutations du militantisme » in Hommes et
libertés, n°97, 1998, p. 88.
* 523 « Le
modèle distancié suppose quant à lui des individus
déliés de leurs appartenances, valorisant des ressources
personnelles, se mobilisant ponctuellement sur des objectifs limités
pour une durée déterminée, privilégiant l'action
directe et l'efficacité immédiate même
restreinte ». Ion (Jacques), op.cit, p. 100.
* 524 Il est question ici
exclusivement des « nouveaux » militants (dont il s'agit
d'interroger la nouveauté) pour lesquels Attac représentent un
réveil de la participation. On peut par ailleurs noter que parmi les
enquêtés, ceux qui cumulent plusieurs adhésions et que nous
avons décrit comme étant des militants professionnels, ne
correspondent pas non plus au modèle décrit par Jacques Ion. En
effet, malgré leurs différentes adhésions, les
enquêtés restent insérés dans un même
réseau idéologique. La remarque que fait Jacques Ion à
propos des anciens modes d'organisations semble s'appliquer à eux :
« Bien sûr, la pluri-appartenance associative était
déjà souvent la règle de fait mais elle se passait
à l'intérieur des conglomérats, la détention de
plusieurs cartes ne faisant alors que traduire les différentes
façons de manifester une appartenance socio-idéologique,
l'intensité de l'investissement dans tel ou tel groupement satellite
reflétant souvent une sorte de division du travail militant selon les
trajectoires socioprofessionnelles ou le sexe ». Ibid, p.
49.
* 525
« L'organisation est la source d'où naît la domination
des élus sur les électeurs, des mandataires sur les mandants, des
délégués sur ceux qui les délèguent. Qui dit
organisation dit oligarchie ». Michels (Roberto), Les partis
politiques, Paris, Flammarion, 1971.
* 526 Duverger (Maurice),
Les partis politiques, Paris, A. Collin, 1957, 1ère
éd. 1951, pp. 84-85.
* 527 Bourdieu (Pierre),
« La représentation politique. Eléments pour une
théorie du champ politique », art.cit, p. 6.
* 528 Duverger (Maurice),
op.cit, p. 85.
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