Les paradis fiscauxpar Aude Rousselot et Samuel Sciences Po - 2003 |
B. Fonctionnement et utilisation des paradis fiscaux- Les principales utilisations des paradis fiscauxParmi les principaux modes d'emploi des paradis fiscaux pour les particuliers, on retiendra17(*) : Ø « le transfert de résidence fiscale dans un paradis fiscal. Un tel transfert peut être effectué en toute légalité s'il est réel, ce qui ne sera bien entendu pas le cas pour des personnes physiques ayant conservé des liens substantiels avec leur pays d'origine ou pour des entreprises qui restent dirigées depuis leur Etat de résidence » Ø « la "mise à l'abri" en général frauduleuse de revenus, en rattachant ceux-ci à une société écran établie dans le paradis fiscal. Prenons par exemple le cas d'une société française percevant des redevances de brevets : elle créera une société établie dans un paradis fiscal et lui apportera ses brevets. Les redevances de brevets seront alors soumises à une fiscalité nulle ou très faible dans le paradis fiscal ; la société écran distribuera ensuite ses revenus sous forme de dividendes. Ceux-ci ne seront pas soumis à l'impôt en France en application du régime dit des sociétés mères et filiales (par lequel, de façon simplifiée, les dividendes en provenance des filiales françaises ou étrangères détenues à plus de 10 % sont exonérés). Il s'agit là d'un mécanismes de transformation de redevances normalement taxées (si elles étaient perçues directement par la société française) en dividendes exonérés. » Pour les entreprises, les schémas sont plus nombreux et souvent plus complexes. Le Forum de Stabilité Financière, dans un rapport d'avril 2000 publié par le groupe de travail sur les centres financiers offshore, cite notamment : Ø Utilisation des licences bancaires offshore par des entreprises multinationales ayant des besoins de change ou de financement de joint-ventures. Les banques onshore peuvent également avoir recours à des filiales offshore pour des raisons fiscales ou de moindre régulation Ø Utilisation du cadre des IBCs (International Business Corporations) : ces structures financières ad hoc à responsabilité limitée peuvent servir à toute opération de haut de bilan (émissions de titres, émissions obligataires) tout en conservant une structure minimale : la nomination d'un directeur suffit... Dans certains cas l'enregistrement des actionnaires n'est pas indispensable : ceux-ci ne disposent que de titres au porteur. Les IBCs sont utilisés notamment par les fonds d'investissement. Ø Utilisation des régulations actuariales et fiscales favorables dans le secteur des assurances : l'emploi de filiales offshore permet par exemple aux assureurs de limiter leurs obligations de réserves et de réduire les niveaux de taxation. Ø Utilisation de SPVs (Special Purpose Vehicles) : Ces structures financières ad hoc sont utilisées par exemple pour des émissions obligataires gagées sur des actifs placés dans la structure par des entreprises onshore classiques. Le cadre fiscal et le moindre niveau de régulation prudentielle justifie l'attractivité de ce type d'opérations. Ø Optimisation fiscale : via la création de filiales offshore et le choix de prix de transferts favorables, parfois avec la complicité des Etats, les multinationales peuvent réduire sensiblement leur taxation. Exemple d'emploi de ce type de technique : le World Tax Planner , système informatique développé par le cabinet d'audit et de conseil Deloitte & Touche. Sur la base d'un ordinateur stockant les conventions fiscales de tous les pays, le système est capable de tracer les itinéraires les plus intéressants pour la remontée des dividendes, des intérêts et des redevances. Ainsi une entreprise française qui concède à sa filiale espagnole l'exploitation d'un brevet contre des royalties aura intérêt à faire transiter ces royalties par la Norvège puis par un paradis fiscal adapté ! Ø Evasion fiscale et blanchiment (cf seconde partie) Ø Gestion d'actifs et protection : les particuliers et entreprises actifs dans des Etats au système politique ou financier fragiles peuvent avoir intérêt à conserver leurs fonds dans un centre financier offshore pour éviter les krachs locaux. La confidentialité joue alors bien sûr un rôle clé. Ces utilisations sont possibles grâce à un contexte souvent favorable: services financiers développés ; secret bancaire pénalement protégé ; absence de contrôle des changes ; droit de passer toute forme de contrat ; droit de constituer toute forme de société, y compris fictive, avec anonymat garanti des porteurs de parts ; exonération fiscale ou taxation forfaitaire symbolique ; équipement et logistique performants; sécurité et stabilité politique ; répression de la criminalité financière faible ou inexistante; coopération internationale nulle. * 17 Source : Site du Cabinet « Audit et Révision Internationale » |
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