UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE
Institut d'Etudes Politiques de Grenoble
Eric FARGES
LES ETATS FACE AUX DROGUES
Analyse de la transition des politiques publiques en
matière de toxicomanie au modèle de la réduction des
risques. Etude comparative entre la France et l'Italie.
Année universitaire 2001-2002
Recherche sous la direction de M. Bouillaud
« Il arrive quelquefois que la
personnalité disparaisse et que l'objectivité, qui est le propre
des poètes panthéistes, se développe en vous si
anormalement, que la contemplation des objets extérieurs vous fait
oublier votre propre existence, que vous vous confondez bientôt avec eux.
Votre oeil se fixe sur un arbre harmonieux, courbé par le vent, dans
quelques secondes ce qui ne serait que dans le cerveau d'un poète,
qu'une comparaison fort naturelle deviendra dans le votre une
réalité. Vous prêtez d'abord à l'arbre vos passions,
votre désir ou mélancolie ; ses gémissements et ses
oscillations deviennent les vôtres ; et bientôt vous
êtes l'arbre. De même l'oiseau qui plane au fond de l'azur
représente d'abord l'immortelle envie de planer au-dessus des choses
humaines ; mais déjà vous et l'oiseau lui-même. Je
vous suppose assis et fumant. Votre attention se reposera un peu trop longtemps
sur les nuages bleuâtres qui s'exhalent de votre pipe. L'idée
d'une évaporation lente, successive, éternelle s'emparera de
votre esprit et vous appliquerez bientôt cette idée à vos
propres pensées, à votre matière
pensante »
Baudelaire, Les Paradis artificiels
Je tiens à remercier Marcello Guerra sans qui mon
stage et l'écriture de cette recherche n'auraient pas été
possibles. Je tiens également à remercier Eve pour son travail de
recherche qui m'a été précieux. Je remercie tous ceux qui
m'ont soutenu moralement et tout particuliérement Cristina pour sa
grande patience. Je tiens à remercier ma mère, et mes
« camarades » romains. Je souhaite remercier mon directeur
de stage, M. Bouillaud pour ses conseils avisés. Enfin, j'exprime ma
gratitude vis-à-vis des intervenants et des toxicomanes de Villa Maraini
et notamment son directeur, Massimo Barra, à qui ce travail est
dédié. S'il suscite des réflexions, des critiques alors
son objectif sera en partie rempli.
UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE
Institut d'Etudes Politiques de Grenoble
Eric FARGES
LES ETATS FACE AUX DROGUES
Analyse de la transition des politiques publiques en
matière de toxicomanie au modèle de la réduction des
risques. Etude comparative entre la France et l'Italie.
Année universitaire 2001-2002
Recherche sous la direction de M. Bouillaud
SOMMAIRE
Introduction
6
PARTIE 1: DROGUES, TOXICOMANIE ET ACTION DES
POUVOIRS PUBLICS
1 Les paradigmes de compréhension
de la toxicomanie: de la drogue au consommateur
15
2 Les
Etats face à la toxicomanie
64
PARTIE 2: LES POLITIQUES PUBLIQUES A L'EPREUVE DE LA
REDUCTION DES RISQUES
1 Un nouveau modèle d'action
publique
99
2 La mise en place de la
réduction des risques : dispositif, résultats et limites
152
PARTIE 3: SOIGNER ET PREVENIR LA
TOXICOMANIE
1 Pluralité et renouveau des
conceptions du soin et de la prévention de la toxicomanie
227
2 Les réseaux
thérapeutiques
312
Conclusion
373
Bibliographie
384
INTRODUCTION
R
ome, gare de Termini. Il est 23h30 et le camper du
centre Villa Maraini effectue sa permanence quotidienne devant le plus
important point de passage de Rome. A cette heure tardive, de nombreuses
personnes s'affairent sur la piazza del Cinquecento de façon
frénétique. Peu de passants remarquent la présence du
camion situé en face de la gare, beaucoup en ignorent la fonction,
notamment les touristes. Les toxicomanes de Rome le connaissent en revanche
très bien. Ils sont nombreux à s'y rendre chaque jour afin de
pouvoir échanger des seringues ou tout simplement afin de discuter un
peu avec un operatore de l'équipe de prévention. Ceux-ci
appartiennent à la Fondazione Villa Maraini qui fut
créée en 1976 par Massimo Barra. Elle fut conçue à
l'origine comme une structure de soin pour toxicomanes selon le modèle
des communautés thérapeutiques qui sont très
répandues en Italie. Il s'agissait alors de porter jusqu'à
l'état de sevrage les nombreux héroïnomanes qui
fréquentent la capitale. Villa Maraini n'effectuait pas
à l'époque des missions de prévention comme celle qui a
lieu chaque soir devant Termini. Le bouleversement sanitaire
lié à l'apparition de l'épidémie de VIH/Sida a
cependant contraint Massimo Barra à envisager de nouveaux modes
d'intervention. Il s'agissait de répondre alors aux nombreuses
infections à VIH qui risquaient de décimer la population
toxicomane de Rome. Les pouvoirs publics semblaient alors demeurer inertes et
c'est par le biais des acteurs privés que le problème fut pris en
charge. Cette transformation des pratiques n'est pas spécifique à
Rome, ni à l'Italie, mais elle traduit un bouleversement du monde de la
toxicomanie qui a progressivement eu lieu en Europe : le passage à
la réduction des risques.
Les Etats face aux drogues et à la toxicomanie
L'attitude des Etats face aux drogues et à la
toxicomanie est le résultat d'une longue histoire ponctuée de
nombreux changements. La définition qui a été
attribuée aux drogues témoigne de ce changement de
représentations. En 1967, l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) en donne une définition qui est encore en usage
actuellement1(*) : une
drogue est une substance naturelle ou artificielle en mesure de modifier la
psychologie et l'activité mentale des êtres humains. Ces effets
sont appelés « psychoactifs », d'où le nom de
substances psychoactives. Cette définition assez sommaire a le
mérite de mettre l'accent sur un même dénominateur commun
à toutes les drogues : la capacité d'altérer les
états de consciences et le système nerveux. Les textes
législatifs se réfèrent en revanche au terme de
« stupéfiants »2(*), en tant que produits ayant des
effets de modification sur la conscience, et réserve le mot drogue
à l'usage de matières premières végétales
utilisées dans un but de plaisir ou thérapeutique3(*). Les stupéfiants ne
regroupent cependant pas toutes les substances psychoactives : la nicotine
ou l'alcool ne sont pas considérés par les Etats comme des
stupéfiants bien que l'OMS les classifie comme drogues. La loi ne
présente donc pas une définition précise des substances
stupéfiantes ou psychotropes mais elle les identifie par une liste
officielle des autorités administratives. Les premières
politiques publiques furent construites sur l'idée d'endiguer les
drogues, entendues comme stupéfiants, sans qu'une distinction soit
opérée entre elles.
Le terme de drogues ne se résume cependant pas à
celui de substances psychoactives, il inclut une notion plus spécifique.
En témoigne par exemple le fait que le café n'est pas
classifié comme une drogue bien que la caféine ait des effets
psychoactifs. Les drogues, telles qu'elles sont décrites dans le domaine
de la toxicomanie et plus généralement médical, sont de
façon plus spécifique « toutes les substances
psychoactives prêtant à une consommation abusive et pouvant
entraîner des manifestations de dépendance »4(*). La notion de
dépendance est fondamentale, elle a permit d'apporter
au cours des années soixante-dix une définition de la
toxicomanie. Le « drogué » ou toxicomane est celui
qui présente une dépendance aux substances psychoactives. Les
politiques publiques ont pour objectif, dans cette perspective, de limiter les
drogues les plus potentiellement addictives, telle que l'héroïne.
Les dimensions sociales et politiques de la
toxicomanie
La définition de la toxicomanie comme état de
dépendance est aujourd'hui remise en cause. Certains auteurs soutiennent
l'idée d'une construction sociale de la toxicomanie.
Bulow en Allemagne pose ainsi l'hypothèse que les préjugés
des personnes engagés dans la toxicomanie, semblables à ceux de
l'opinion commune, ont contribué à produire des toxicomanes et a
fait obstacle à la formation d'une culture de la consommation
régulée des drogues5(*).
Cette dernière observation permet de souligner un fait
jusque là ignoré : les drogues et la toxicomanie sont
empreintes d'une forte dimension sociale. L'usage, mais plus encore l'abus, de
drogues font l'objet d'une sévère condamnation de l'ensemble du
corps social. Le drogué, comme le note Grazia Zuffa, défit un
fondement de la culture occidentale : celui de la primauté de
l'esprit sur le corps6(*).
« L'être soi », le self-control, la
propriété de soi sont constitutives de l'affirmation et de la
reconnaissance de l'homme en groupe. Aller contre ces principes
anthropologiques fondamentaux implique la mise au ban de la
société. La toxicomanie apparaît dès lors davantage
comme un mode de déviance social que comme un comportement pathologique
de l'individu en soi.
La répression des drogues peut-être entendue
comme la forme politique de la condamnation morale qu'effectue la
société en regard des usagers de drogues. Les politiques
publiques en matière de toxicomanie ne sont pas dénuées
d'enjeux politiques à l'échelle aussi bien locale, nationale,
voire internationale comme le prouve l'appui des pouvoirs publics italiens
à la politique anti-drogues américaine notamment par la loi
Jervolino-Vassali en 1990, annoncée par le Président du Conseil
Craxi en voyage aux Etats-Unis7(*).
La remise en cause du modèle
prohibitionniste
Les politiques adoptées par les Etats face aux drogues
sont demeurées pendant très longtemps uniquement fondées
sur le principe du prohibitionnisme, c'est-à-dire de l'interdiction
totale de tous les stupéfiants, du cannabis jusqu'à
l'héroïne. La répression de l'usage et du trafic ont
été des objectifs jugés beaucoup plus important que la
prise en charge des usagers de drogues. Si les Etats ont accordé de
nombreux crédits aux politiques publiques en matière de drogues
au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix8(*), c'est presque uniquement en
faveur de la répression. Pierre Kopp note dans ce sens que les pouvoirs
publics français consacraient en 1997 4,5 milliards de francs à
la répression contre seulement 0,7 milliards de francs au dispositif de
prévention et de soins9(*).
Ce modèle de politiques publiques va cependant
être fortement ébranlé au cours des années
quatre-vingt-dix. Alors qu'elles ont longtemps été sous-tendues
pas le paradigme prohibitionniste et des représentations sociales
associant la marginalité, l'héroïne et l'exclusion, les
questions de drogues semblent s'inscrire aujourd'hui dans un paysage
renouvelé dans les principaux pays européens10(*). La cause de cette
transformation, c'est avant tout l'épidémie de VIH/Sida qui a eu
lieu dès le début des années quatre-vingt et qui a
considérablement affecté la population des toxicomanes par voie
intraveineuse. Comme le note Monika Steffen, « pour les
système de santé [et plus encore les dispositifs de prise en
charge des toxicomanes] l'épidémie de Sida présentait un
problème « mal structuré », ne
correspondant pas aux modes d'intervention, cadres cognitifs et
découpages institutionnels forgés antérieurement et
appelant, de ce fait, des réajustements » 11(*). Un passage a alors eu lieu
entre un modèle de politiques ciblées sur la
« réduction de la demande », c'est-à-dire la
pénalisation et la criminalisation de l'usage de substances, à un
modèle de « réduction des risques ».
La réduction des risques : une norme sanitaire
ou socioculturelle ?
La réduction des risques est aujourd'hui un principe
reconnu de façon mondiale. Il s'agit cependant de s'interroger sur la
définition qui en est donnée. Le premier objectif de cette
politique était de limiter les risques d'infection à VIH encourus
par les usagers de drogues par voie intraveineuse, mais le terme a cependant
rapidement englobé l'idée d'une prise en charge sanitaire
globale. La prévention se fonde alors sur une stratégie visant
à réduire les risques sanitaires liés à la
consommation. La méthode comporte deux volets12(*). Le premier consiste à
éliminer la source directe de transmission virale : le partage de
seringues, en fournissant aux toxicomanes des équipements d'injection
sûrs. Le deuxième volet vise à substituer les prises de
drogues par injection intraveineuse en administrant des médicaments sous
contrôle médical. Ces traitements dits de
« substitution » contournent ainsi les risques encourus par
les toxicomanes. La réduction des risques peut alors être
définie comme « une politique de santé publique visant
à minimiser les effets néfastes que l'usage de drogues peut
entraîner chez le consommateur »13(*).
La mise en oeuvre de ces stratégies se heurte cependant
aux politiques inspirées par la volonté d'éradiquer la
toxicomanie. Les politiques répressives poussent les toxicomanes
à se réfugier dans la clandestinité, où il est
difficile pour les responsables des programmes de prévention, de les
atteindre dans leurs interventions et de les prendre en charge
médicalement. La politique de réduction des risques
présente un double défi pour les pouvoirs publics et les
intervenants de la toxicomanie14(*) : accepter, d'une part, l'usage des drogues
illicites comme un fait social avec lequel il faut désormais compter et
réserver, d'autre part, la répression aux acteurs du commerce
illicite. Il s'agit de confirmer cette réorientation des
priorités au sein même des politiques gouvernementales, à
défaut de quoi il s'avère presque impossible pour les acteurs de
terrain d'effectuer leur mission de prévention. Le principe de
réduction des risques n'est dès lors plus assimilable à sa
seule dimension sanitaire. Il est fortement empreint d'une dimension sociale.
Il s'agirait de faire accepter l'usage de drogues comme un comportement non
répréhensible. L'analyse des politiques publiques en
matière de toxicomanie ne peut pas faire l'économie d'une
réflexion sur la signification du principe de la réduction des
risques.
Quelle transition à la réduction des
risques ?
La mise en place d'une politique de réduction des
risques a confronté les systèmes sanitaires à plusieurs
défis structurels. Le plus significatif est peut-être la mise
à l'épreuve de la gouvernance dans le secteur de la santé.
L'efficacité des politiques de prévention dépendait
étroitement de la capacité de coordination entre les acteurs
professionnels, administratifs et professionnels, au delà des
frontières sectorielles. Elles dépendaient par conséquent
de l'existence d'un « groupe porteur d'un référentiel
de santé publique »15(*) pouvant imposer une conception homogène aux
différents interlocuteurs. Le rôle des pouvoirs publics, mais
aussi l'attitude des professionnels de la toxicomanie, ont été
déterminantes dans la mise en place des politiques de prévention
des risques. Il s'agit selon une approche comparative de rendre compte de
l'inégalité d'application d'un même principe en fonction
des pays considérés. Les résultats des politiques
menées ont été très
hétérogènes en Europe : tandis qu'en 1999, la part
des toxicomanes intraveineux parmi les cas de Sida déclarés
était de 6,5% au Royaume-Uni et de 14,2% en Allemagne, elle atteignait
23,5% en France et 61,8% en Italie16(*). Ces écarts renvoient aux
spécificités de chaque configuration nationale.
Le passage des politiques publiques en matière de
toxicomanie au principe de la réduction des risques doit être
analysé selon une double problématique. Il s'agit de
s'interroger, d'une part, sur la signification du principe de réduction
des risques afin de déterminer quel sens en ont adopté les
différents pays. La réduction des risques a t-elle
été assimilée à un principe de
sécurité sanitaire ou a t-elle été perçue
comme une nouvelle considération socioculturelle de la place des drogues
dans nos sociétés contemporaines ? Il est
nécessaire, d'autre part, de confronter les applications qui ont
été faites du principe de la réduction des risques et de
délimiter les limites qui en résultent. Selon quels
facteurs peut-on rendre compte des inégalités de mise en place de
la réduction des risques ? Ces deux problèmes ne
seront pas traités séparément puisqu'il s'agit de se
questionner sur le lien possible entre la définition adoptée de
la réduction des risques et les résultats qui en ont
découlés. Il s'agit en définitive de
déterminer si les écarts rencontrés dans les
résultats de la réduction des risques ne renvoient pas aux
différentes définitions qui peuvent en être
données.
La prépondérance de l'approche
comparative
Pour pouvoir répondre à cette
problématique, il sera nécessaire d'adopter une approche
comparative entre les différents pays européens. Les cas du
Royaume-Uni, de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Suisse seront
envisagés dans leur transition au principe de la réduction des
risques. Deux pays feront en revanche, l'objet d'une attention
particulière : la France et l'Italie. Outre une meilleure
connaissance socio-institutionnelle17(*), cette comparaison se justifie par un ensemble de
motifs. Tout d'abord, la France et l'Italie ont connu de fortes
résistances au passage à la réduction des risques. La loi
italienne de 1990 s'inscrivait à l'encontre de l'évolution
générale en Europe en accordant une forte place à la
répression des usages de drogues et à cette même date aucun
programme d'échanges de seringues n'existaient en France, tandis que les
Pays-Bas ont initié dès 1984 ces programmes et qu'en 1991 on
recense plus de cents centres d'échange de seringues au Royaume-Uni. Les
résistances des cas français et italien sont
particulièrement flagrantes en ce qui concerne la mise en place des
programmes de substitution qui ne seront développés qu'en 1993 en
Italie et en 1995 en France. Ces oppositions sont par ailleurs à mettre
en lien avec la catastrophe sanitaire, causée par
l'épidémie de VIH/Sida, qui a eu lieu en France et en Italie,
pays qui figurent parmi les pays les plus touchés d'Europe. Il s'agit
par conséquent de rendre compte des difficultés à mettre
en place le principe de la réduction des risques.
Il est important à cet égard de souligner les
lignes de clivages qui distinguent très nettement le modèle
français et le modèle italien. Le dispositif français de
prise en charge de la toxicomane se caractérise, comme il sera
établi par la suite, par une forte autonomie vis-à-vis des
pouvoirs publiques. Un système spécialisé se forme
progressivement au cours des années soixante-dix et permet d'assurer une
forte homogénéité des pratiques thérapeutiques
mises en oeuvre. A l'inverse, le dispositif italien est fortement
fragmenté et se caractérise par une pluralité d'acteurs
publics et privés qui ne partagent aucune culture commune. Le
système est, en outre, fortement décentralisé et l'Etat
italien est réduit à une fonction de distributeur de
crédits. C'est dans ce cadre commun et avec les
spécificités annoncées de chaque pays que va être
mise en place la stratégie de réduction des risques. Cette
transition sera étudiée en trois temps :
Il s'agira tout d'abord de porter une réflexion
préliminaire sur la notion de drogue et de toxicomanie, d'un point de
vue socio-historique mais également sociologique et
épidémiologique, après quoi on étudiera comment les
Etats européens ont fait face au problème jusqu'aux années
quatre-vingt.
Dans un second temps, on explicitera le concept de
réduction des risques et ses implications théoriques et
pratiques. Cette réflexion permettra ensuite de mettre en
évidence comment la réduction des risques a été
introduite dans les différents pays et quelles ont été ses
conséquences et ses limites.
Enfin, on adoptera le point de vue plus spécifique de
la prise en charge de la toxicomanie pour souligner dans quelle mesure les
instruments de la prévention et du soin ont été
révolutionnés ces dernières années sous le poids de
la réduction des risques.
Partie 1 Drogues, toxicomanie et action des pouvoirs
publics
1
Les paradigmes de compréhension de la toxicomanie: de la drogue au
consommateur
La compréhension de l'action publique en matière
de toxicomanies rend tout d'abord nécessaire un retour historique sur la
notion de toxicomanie et sur la place que les drogues ont occupé au sein
des sociétés. D'autant plus que l'usage de substances a toujours
été dans l'histoire de l'humanité une préoccupation
quotidienne. Leur statut a en revanche considérablement varié
puisqu'elles désignaient auparavant des remèdes médicinaux
ou bien des épices et des arômes. Le mot
« drogue » avait jusqu'aux années cinquante une
connotation assez positive18(*). Comment expliquer ce passage d'une
société « libertaire » à une
société « liberticide » ?
1.1 La naissance de la
toxicomanie
« Expansion de la conscience est le mot-clef.
L'amélioration de la vie matérielle et les espoirs de
mobilité sociale ouvrent l'espace des possibles. Levons donc toutes les
barrières, y compris mentales ! Disciplines, hiérarchies,
interdits qui encadrent l'individualité sont ébranlés.
L'usage de drogues symbolise par la négative cet
ébranlement » Alain Ehrenberg19(*)
1.1.1 Le développement
historique des drogues
1.1.1.1 Des premières civilisations à l'Europe
moderne
La notion de drogue, entendue ici dans son acceptation la plus
large, c'est-à-dire comme « substance pouvant altérer
les états de conscience de l'homme », semble remonter aux
premières civilisations humaines20(*). C'est ce dont témoignent, les
premières références à l'utilisation
d'opiacés qui remontent aux époques sumérienne et
babylonienne (3000 avant J.C). L'usage d'opium, extrait du pavot, était
très diffusé dans le bassin méditerranéen. Les
Egyptiens l'utilisaient à la fois comme médicament et comme
poison. Il est ensuite importé en Chine vers l'an 1000 où l'on
avait recours dès le deuxième siècle à une poudre
minérale composée d'un mélange de souffre, de quartz et
d'améthyste. L'opium se développe en Europe durant le
Moyen-âge, notamment comme médicament, sous l'influence de
l'alchimiste Paralcese. L'usage de substances n'est pas un
phénomène récent. Toutefois, ce n'est qu'au cours du
19ème siècle, consacré comme « le siècle
des stupéfiants »21(*), qu'est apparu un usage hédonique de la
drogue. Les conduites toxicomaniaques renvoient dès lors à une
recherche de plaisir personnel et à un démarquage social22(*).
La première cause de ce changement est le
développement économique des subsances qui acquièrent le
statut de marchandise. Les gouvernements européens sont à
l'époque largement favorables, pour des motifs économiques, au
commerce et à la diffusion des substances, et notamment de
l'opium23(*). Au XIXe
siècle une guerre s'engage entre l'Angleterre et la France face à
la Chine dans le but d'imposer à l'Empire du Milieu son ouverture au
commerce occidental et son importation de quantités croissantes d'opium
produit et commercialisé par les européens. Les autorités
chinoises en avaient prohibé la vente et l'usage pour protéger la
population de plus en plus touchée par l'opiomanie. La
« guerre de l'opium » contraint la Chine à ouvrir
plusieurs ports francs au commerce européen. La France tirait, elle
aussi, de substantiels bénéfices du commerce d'opium en
Indochine. Le monopole du commerce était détenu par une
Régie générale instituée en 1897. Ce commerce
perdure près d'un demi-siècle. Les autorités
réglementent en 1889 le commerce d'opium en Cochinchine, au Tonkin et en
Annam. Le ministre des colonies interdit la vente d'opium le 3 octobre 1908, ce
qui entraîne la quasi-disparition des fumeries.
Mais le développement des stupéfiants passe
avant tout par la découverte au cours du 19ème siècle des
alcaloïdes, substances actives contenues dans les principaux
stupéfiants naturels, simultanément à
l'accélération rapide des progrès réalisés
en chimie organique24(*).
Certains chercheurs tentent de purifier l'opium dès le 18ème
siècle. En 1803, un pharmacien parisien, Louis Charles Dersone isole un
sel composé de morphine et de narcotine. Armand Seguin, chimiste des
armées napoléoniennes esquisse une description de la morphine en
1804. La découverte officielle en revient pourtant à Friedrich
William Sertürner, un jeune pharmacien de Westaphalie, qui identifie en
1805 le premier alcaloïde de l'opium, baptisé morphium
(qui a pour origine étymologique la divinité grecque du sommeil,
Morphée) en référence aux puissantes
propriétés calmantes et analgésiques de la substance.
Celle-ci n'a aucun effet par voie orale, mais elle est en revanche
utilisée comme anesthésiant pendant la guerre de 1870 ou encore
durant la guerre de Sécession américaine. Elle est alors
injectée à l'aide de la seringue hypodermique mise au point en
1850 par le chirurgien lyonnais Charles-Gabriel Pravaz. Les médecins
s'enthousiasment de façon exagérée pour ce
médicament qui supprime instantanément la douleur25(*).
Le chimiste Allemand Dreser synthétise une nouvelle
substance encore plus puissante, l'héroïne, qui est mise sur le
marché en tant que médicament en 1898. L'industrie
pharmaceutique, à la recherche de nouveaux produits à
commercialiser, soutient ces recherches. La compagnie Bayer, dont
l'héroïne est une marque déposée, lance une compagne
publicitaire en 1898 pour l'héroïne qui est présentée
comme une médication « héroïque » de la
tuberculose, « dépourvue de propriétés
d'accoutumance, d'une manipulation très aisée, et par dessus
tout, la seule capable de guérir les morphinomanes »26(*). La
généralisation de sa prescription dans un grand nombre
d'indications peu ou pas adaptées à ses propriétés
pharmacologiques banalise son usage au début du vingtième
siècle et fut à l'origine d'innombrables cas de toxicomanies.
La cocaïne apparaît en Europe à la
même époque. Elle est découverte par le chimiste allemand
Albert Niemann en 1859 à partir des feuilles de coca rapportées
du Pérou. Elle est décrite chimiquement par Wilhelm Lossen en
1862. La cocaïne est tout comme la morphine accueillie par le monde
médical avec beaucoup d'enthousiasme. Elle est administrée comme
traitement d'un grand nombre d'infections, comme désintoxiquant contre
l'alcoolisme ou encore comme tonique (elle entre dans la formule du Coca-Cola).
Freud préconise la cocaïne, dans un texte publié en 1884,
dans les troubles les plus variés tels que l'indigestion, la cachexie et
l'impuissance, mais surtout le morphinisme et l'alcoolisme27(*).
Les médecins contribuèrent fortement à
l'introduction et au développement des substances psychoactives en
Europe. Celles ci sont perçues comme des remèdes miracles et sont
prescrites comme traitement dans une multitude de pathologies. Au 19ème,
l'opium constitue l'essentiel de la pharmacopée. Le Laudanum, mis au
point par l'anglais Sydenham en 1660, est décrit par le docteur
Bouchardat en 1849 comme le « médicament le plus
employé en matière médicale » en France. Les
utilisations qui en sont données semblent illimitées :
« A petites doses, il produit un état de calme qui porte au
sommeil ; à plus fortes doses, il agit d'abord comme un stimulant,
en exaltant les fonctions intellectuelles [...] c'est l'agent le plus utile
contre les névralgies [...] C'est aussi un très bon auxiliaire
des antisyhilitiques [...] Il rend de grands services contre la bronchite et il
est d'une incontestable utilité contre plusieurs maladies de l'appareil
digestif »28(*).
La considération sociale des drogues est
dominée, du début du 19ème siècle jusqu'aux
années 1840, par la règle du
« désintérêt
général »29(*). L'usage de drogues n'est pas stigmatisé et
n'est pas encore perçu comme un fléau. L'attitude favorable du
corps médical, qui prescrivait volontiers mais faisait également
un usage privé des drogues, a fortement contribué à ce
phénomène30(*). Parallèlement à l'utilisation
médicale, un usage hédoniste des drogues apparaît.
L'opiomanie se développe de façon importante à partir du
19ème siècle31(*). De nombreuses fumeries semi-clandestines se
multiplient en France notamment après la colonisation de l'Indochine.
L'opiophilie se développe dans les cercles artistiques et intellectuels,
sous forme de la consommation d'opium fumable, et dans le milieu
médical, sous forme d'opium ingéré. Lorsque la
médecine généralisa le recours à la morphine par
voie injectable, l'opophagie diminua, mais en rapport avec les conquêtes
coloniales françaises et une certaine fascination pour
l'Extrême-Orient, l'usage d'opium fumé se banalisa dans les
milieux militaires et artistiques. La drogue est alors définie comme un
moyen d'exploration de la conscience32(*). Plusieurs intellectuels mettent en avant
l'importance des substances psychotropes en faveur de la
créativité. On peut par exemple citer Les confessions d'un
mangeur d'opium anglais, ouvrage de Thomas de Quincey traduit en
français par Alfred de Musset33(*).
Jaques Moreau, dit Moreau de Tours, éminent psychiatre,
prescrivait à partir de 1842 du haschich à ses patients34(*). Il soutient dans l'ouvrage
Du Haschich et de l'aliénation mentale. Etudes psychologiques
publié en 1845 que, outre ses effets proprement thérapeutiques,
le chanvre permet une « exploration en matière de
pathologie mentale ». Moreau fréquenta le « club des
haschichins », fondé par Théophile Gautier sur
l'île Saint-Louis à Paris. Ce cercle d'initiés fut le
rendez-vous du monde littéraire et artistique parisien durant la seconde
moitié du 19ème siècle : Alexandre Dumas, Charles
Baudelaire, Eugène Delacroix, Victor Hugo ou encore Gérard de
Nerval figurèrent parmi ses habitués. Il s'agit pour eux
d'ouvrir, à l'aide de l'usage de psychotropes, la porte de l'inconscient
qui offre l'accès aux « paradis artificiels ». Les
prises de haschich ou d'opium deviennent des stimulants qui permettent une
initiation au voyage, un accroissement de conscience. L'usage hédoniste
encore très restreint va cependant rapidement se développer et
donner place à la toxicomanie.
1.1.1.2 De l'hédonisme à la toxicomanie
A partir du milieu du 19ème siècle, l'usage de
la morphine se généralise et dépasse les classes sociales
aisées. Elle se répand dans les couches les plus
défavorisées de la société. C'est à cette
époque que le terme de « stupéfiant »
intègre les dictionnaires et les encyclopédies35(*). Le constat des complications
engendrées par une consommation régulière commença
à préoccuper une partie de la population et du corps
médical36(*). En
1874, la « société pour la suppression du commerce de
l'opium » voit le jour en Angleterre. En France, des ouvrages qui
dénoncent les dangers des substances psychoactives sont publiés
(Levinstein en 1877, Guimbail en 189137(*)). De nombreux romans critiquent la
déchéance du drogué. Un phénomène nouveau
apparaît dont la désignation emprunte autant à la
médecine qu'à la morale : morphinisme, morphinomanie,
cocaïnomanie, cocaïnisme, etc. Le terme de toxicomane est introduit
en 1885 par Regnard. Les médecins spécialisés commencent
alors à débattre des modalités de traitement :
sevrage brusque, rapide ou lent avec le recours ou non à d'autres
substances psychoactives telle que la codéine ou l'alcool.
Une nouvelle explication du développement des
substances émerge au début du vingtième siècle : il
s'agirait d'une épidémie menaçant l'ensemble de la
société38(*). Le toxicomane est décrit alors par un
médecin comme un « malade dangereusement contagieux, contre
lequel les mesures les plus sévères doivent être prises,
aussi bien dans son propre intérêt que dans celui de la
société »39(*). Certains médecins prônent une loi
répressive afin d'endiguer les
« toxiendémies » qui menacent la civilisation. Les
hygiénistes décrivent trois épidémies d'abus de
drogues qui ont eu lieu en France40(*) : la morphinomanie de 1880 à 1900,
l'opiomanie à partir du début du 20ème siècle puis
la cocaïnomanie qui se développe considérablement au
début du vingtième siècle et qui supplante la morphine et
l'héroïne en France juste avant la guerre de 1914. La cocaïne
symbolise l'arrivée massive de la drogue dans le monde de la rue.
La seconde moitié du 20ème siècle
représente la diffusion massive de substances psychoactives. Le passage
des années 50, ou très peu ont recours aux
« stupéfiants » à une période à
laquelle beaucoup auront recours aux drogues correspond à une
période de bien être social et à un mode de production et
de consommation élevée. La première apparition des
substances a cependant eu lieu à travers le biais légal. En
Italie, en Suède, en Grande Bretagne et en France la consommation de
substances psychoactives est liée au développement des
médicaments comme les tranquillisants, les amphétamines, les
analgisants qui venaient régulièrement prescrites et
distribuées dans les pharmacies. Il s'agissait de substances
légales dotées d'un fort pouvoir de dépendance. Les
amphétamines étaient déjà utilisées durant
la Seconde guerre mondiale, tandis que Albert Hoffman décrit en 1943 les
effets de l'acide lysergique, connu sous le nom de LSD.
Certaines dépendances induites par ces
médicaments ont été d'autant plus fortes par exemple que
les amphétamines (dont le commerce a été interdit en 1944
en Suède, en 1972 en Italie) étaient fréquemment
injectées par voie veineuse. Luigi Cancrini note que ceci a probablement
contribué à constituer un premier groupe de personnes
« dépendantes », qui, une fois fermée la
porte des amphétamines, se sont dirigées d'autant plus facilement
vers les substances « dures » intraveineuses41(*). Il ne s'agit pas ici de
critiquer les substances appelées communément
antidépresseurs, qui constituent une grande découverte
médicale, mais de souligner les erreurs qui ont accompagné leur
usage42(*). La
première consiste dans la très forte prescription de ces nouveaux
médicaments et ce dans de nombreuses circonstances (sommeil,
anxiété, régimes amincissants, etc.). La seconde a
été la très forte pression des industries pharmaceutiques
face à la faiblesse des institutions politiques.
La diffusion des drogues est également à mettre
en lien avec un phénomène culturel43(*). Au cours des années
soixante, Timothy Leary, un jeune docteur en psychologie de l'université
de Harvard, travaille sur les effets du LSD 25 et publie
L'expérience psychédélique qui connaît un
succès foudroyant. Les premières communautés hippies
s'installent en 1966 sur les hauteurs de San Francisco et les Etats-Unis
connaissent dès 1967, une extension rapide de l'usage de drogue.
Celle-ci atteint rapidement les couches sociales les plus pauvres, telles que
les communautés portoricaines et les afro-américaines.
Les pays européens (Grande Bretagne, Pays Bas, France,
Allemagne, Italie), où l'usage de substances psychoactives était
avant tout le fait de quelques élites, de petits cercles restreints, pas
nécessairement jeunes, bien que moins touchés que les Etats-Unis,
connaissent les retombées de ce phénomène44(*). Le mouvement hippie
accélère l'élargissement des drogues grâce à
l'installation de communautés qui pratiquent un usage important des
drogues. Les jeunes appartenant à la contre-culture
underground, qui s'est développée durant les
années soixante dans de nombreux pays européens, a
été une des principales cibles des substances45(*). Ces groupes deviennent plus
visibles au début des années soixante-dix, à travers
certaines publications tel que « Re nudo » en Italie
reprenant à son compte le message contestataire américain.
L'orientation favorable en faveur des drogues s'explique par le besoin de
prendre des distances avec une réalité sociale et culturelle trop
rigide. « L'élévation de l'esprit » est
fréquemment invoquée comme motif au sein de ces
communautés. Leur consommation se tourne uniquement vers des drogues
plus « douces » tels que la marijuana, le haschich et le
Lsd et laissera à part l'héroïne. La drogue s'élargit
progressivement aux populations en difficulté et ne se limite plus
dès lors à certaines classes sociales. Le « temps des
fleurs » prend cependant très rapidement fin et le cannabis
cède la place aux drogues dures telles que la cocaïne ou encore
l'héroïne. Ainsi, de 1969 à 1971, le nombre
d'interpellations pour usage ou trafic d'héroïne passe en France de
210 à 98246(*).
« Au sein des structures et des centres de
récupération on rencontre encore parfois quelques
représentants de cette génération de jeunes, dont beaucoup
sont heureusement sortis de la drogue et dont d'autres sont morts : des
toxicomanes historiques, ou militants ou alternatifs, avec parfois vingt ou
vingt cinq années de dépendance derrière eux, qui sont
passés, entre temps, des hallucinogènes aux opiacés et
à la cocaïne . Ils sont reconnaissables par les mots avec
lesquels ils justifient l'origine de leur rapport avec les substances
(« c'était un mode de refuser le système, parfois
violent », « alors nous avions des
idées »), ils souffrent de dépression, ils manifestent
un comportement tout à la fois détaché et pugnace, bien
différent de celui des toxicomanes de la phase
successive »47(*)
Luigi Cancrini a mis en évidence que l'arrivée
massive d'opiacées (morphine puis héroïne) au début
des années soixante-dix constituent une étape décisive
dans la diffusion des substances psychoactives en Italie. Celle-ci a lieu
légèrement plus tard qu'en France. La première mort par
overdose est signalée en 1973. Les drogues légères sont
alors progressivement remplacées par l'héroïne. Le
développement d'une clientèle se fit à partir de
1973/1974. C'est seulement ensuite que des structures organisées comme
la mafia vont s'emparer des réseaux de distribution tout en continuant
à avoir recours aux petits revendeurs. La période 1976-1977
marque la fin de la distinction entre les groupes alternatifs et les jeunes de
banlieue. Le phénomène se développe et le groupe des
consommateurs s'étend en direction des périphéries.
Les années quatre-vingt ne présentent, mis
à part une forte croissance des personnes usant de substances, qu'une
seule nouveauté : l'augmentation de la consommation de la
cocaïne qui semble pendant un temps devancer l'usage
d'héroïne. La cause de cette préférence est
simple : après la découverte du syndrome
d'immunodéficience, le Sida, et de son virus, le VIH, transmis à
travers les rapports sexuels ou par voie sanguine. Les consommateurs
s'éloignent de l'héroïne, injectée par voie intra
veineuse, et optent pour une substance qui puisse être absorbée
par voie nasale. Toutefois ce changement reste limité aux consommateurs
les plus aisés en raison du prix plus élevé de la
cocaïne.
Un autre facteur de l'évolution des consommations, et
de la diminution de l'héroïne, est selon Pascal Courty48(*) la situation économique
des ménages qui va considérablement se détériorer
au cours des années quatre-vingt tandis que les substances sont
dotées d'une très forte rigidité des prix (le prix moyen
de l'héroïne revient à 1000 francs le gramme qui correspond
à la dose journalière moyenne). L'alcool fait ainsi son
apparition au début des années quatre-vingt comme substitut aux
substances. De nombreux médicaments vont également être
détournés de leur utilisation tels que les sirops antitussifs ou
les tranquillisants comme les benzodiazépines. Les années
quatre-vingt-dix se caractérisent enfin par l'apparition de nouveaux
modes de consommation des drogues synthétiques (LSD,
amphétamines, etc.) et par le développement du cannabis qui a
fortement contribué à aggraver la consommation de substances des
plus jeunes.
L'extension des drogues en Europe peut se résumer en un
plan linéaire en 4 phases, similaire à celui que Ravenna
utilise pour analyser le développement de la drogue en Italie49(*): une première phase de
diffusion des années 60 aux années 70, une seconde marquée
par la diffusion d'héroïne des années 70 aux années
80, puis une phase d'expansion du marché de la cocaïne des
années 80 aux années 90, et enfin l'apparition des drogues
synthétiques des années 90 jusqu'à aujourd'hui. Chaque
phase serait caractérisée, selon Ravenna, non seulement par la
prédominance d'une substance mais, surtout, par un nouveau mode de
consommation qui viendrait se rajouter aux précédents.
L'usage de substances psychoactives, appelées drogues,
est un phénomène concomitant aux sociétés humaines.
En revanche, l'image du toxicomane est un concept social puisqu'elle
caractérise une étape spécifique de l'histoire des drogues
qui a profondément évoluée au cours de l'histoire. Cette
distinction entre l'usage de substances et le toxicomane révèle
l'impossibilité de rendre conte du concept de toxicomane uniquement
à partir des substances psychoactives. Ainsi, comme le rappelle Simone
Piccone Stella : « L'histoire des toxicomanies ne saurait se
résumer à celle des drogues. Il faut dès lors s'interroger
sur la construction sociale de la « maladie »50(*). L'analyse de cette
construction sociale suppose de considérer quelles ont été
les représentations sociales du consommateur de drogues et selon quels
processus celui ci est devenu toxicomane.
1.1.2 La construction sociale de la
toxicomanie
1.1.2.1 Une évolution socio-historique
Les substances psychoactives, comme il a été
établit, ont toujours été consommées au sein des
sociétés humaines. Ce constat permet d'affirmer que le premier
usage des drogues est probablement de permettre à l'homme d'atteindre un
changement de son état psychique51(*). Toutefois, outre cet aspect
psycho-métaphysique, l'usage de substances est doté d'une forte
dimension sociale qui a varié au cours de l'histoire. Chaque type de
société a développé un usage culturel
spécifique des drogues. Les premières civilisations leur
donnaient par exemple une dimension religieuse et spirituelle52(*). Pour les Assyriens, la
consommation de chanvre faisait partie de la liturgie du dieu Assur. De
même en Egypte, le chanvre était utilisé sous l'injection
des grands prêtres afin de se rapprocher des dieux. Les substances
n'étaient alors pas dotées d'une valeur matérielle :
la cocaïne n'était pas une marchandise dans le Pérou des
Incas, de même que ne l'était pas non plus le haschich dans les
fumeries de l'Empire Ottoman. Le rapport des populations avec la drogue
était par ailleurs un rapport harmonieux, équilibré et
marqué par une consommation modérée.
La drogue a en revanche pris dans les sociétés
occidentales un rapport plus commercial et a perdu certains aspects
socioculturels qui en permettaient le contrôle. Le point de rupture entre
sociétés traditionnelles et sociétés
« modernes » ou capitalistes se situerait donc dans la
commercialisation des drogues53(*). Selon P. Arlacchi le trafic est une invention
moderne qui a défait les substances de leurs racines socioculturelles et
qui en a fait un pur objet de consommation. Les substances ont désormais
perdu leurs fonctions naturelles ou rituelles qu'elles avaient auparavant. Les
spécificités culturelles de consommation propres à chaque
pays ont progressivement disparues et la figure universelle du toxicomane est
apparue dans chacun de ces endroits.
Cette « marchandisation » des drogues a
été accentuée par l'usage qu'en a fait la
société occidentale moderne. Alain Ehrenberg distingue ainsi deux
phases historiques ou deux âges de la toxicomanie moderne54(*). La première, les
« évangiles de l'épanouissement personnel »
(1960 -1970), correspond à la découverte de nouvelles
possibilités insoupçonnées. La drogue y est conçue
comme un nouveau moyen d'émancipation. A cette période
succède à partir des années 80 celle des
« tables de l 'initiative individuelle » où
l'autonomie devient la nouvelle règle sociale : elle fait de l'agent
individuel le seul responsable de son action. L'usage toxicomaniaque ou l'abus
de substances naît du moment où la distinction entre
finalités thérapeutiques et finalités de « confort
» ou de « performances » ne fait plus sens. Se droguer et se
soigner se confondent. Comme le note Ehrenberg le mot dopage enregistre cet
état de fait : ni soin ni « défonce », mais une
démultiplication de soi dans une société où la
mesure de la personne est l'initiative. L'usage de drogues est désormais
conçu comme un « dépassement permanent » de
l'individu.
La compréhension de la drogue relève d'une
approche anthropologique, aussi bien pour interpréter les aspects
religieux, spirituels et érotiques que les drogues ont eu auparavant
dans les civilisations précédentes que pour appréhender
aujourd'hui leur rôle dans les sociétés modernes. Marco
Orsenigo rappelle que la drogue est désormais une « pratique
clandestine qui oppose le sujet à l'organisation sociale dans laquelle
il est inséré »55(*). Avec les nouveaux usages de la drogue, un type de
déviance a émergé : la figure du toxicomane. Le mot
toxicomane ne renvoie donc pas tant à une pathologie (toxicologique ou
psychiatrique) qu'à une forme de déviance sociale56(*). Les déviances sont le
fruit de luttes entre cultures minoritaires (par exemple la drogue) face
à des cultures majoritaires (comme l'alcool) qui sont engagées
dans une lutte pour la légitimité57(*).
Le terme de « toxicomane » est apparu dans
les années 1880, alors que la société commençait
tout juste à réprimer les usages de drogues. Viel en donne une
définition en 1900 : « Le mot toxicomane désigne,
d'une façon aussi commode qu'exacte, toute cette catégorie de
gens qui par habitude s'intoxiquent avec des produits divers afin de se
procurer des sensations agréables dont la forme et l'intensité
varient suivant la nature et la qualité du toxique employé,
sensations qui peuvent aller de l'atténuation ou de la cessation d'une
douleur physique, de la simple euphorie, de l'excitation agréable,
jusqu'aux rêves, aux hallucinations, aux jouissances, aux voluptés
mystérieuses des « paradis
artificiels » »58(*). La définition du toxicomane synthétise
les diverses conduites d'addiction et constitue un fort geste de
réprobation morale à leur égard. La
« toxicomanie » est avant tout une construction sociale,
c'est pourquoi sa signification va fortement évoluer au cours du
20ème siècle. Les multiples statuts dont a
bénéficié la toxicomanie sont liés aux disciplines
qui lui ont servi de modèle interprétatif. Ainsi chaque
discipline (médicale, sociologique, etc.) a constitué un point de
vue spécifique sur l'usage de substances. La compréhension de la
drogue et du toxicomane requiert par conséquent l'analyse des paradigmes
qui ont servi à l'appréhender.
1.1.2.2 Les paradigmes explicatifs en matière d'usage de
drogues
Il est possible de distinguer au moins cinq modes de
compréhension de l'usage de substance59(*). Le premier correspond aux civilisations
passées, il s'agit du paradigme religieux ou
moral dans lequel l'usage des drogues était avant tout
religieux, semblable à un rituel. C'est également de là
qu'est né la première prohibition : l'usage profane hors de
l'acte sacré est interdit. La médecine a
constitué un second modèle de compréhension de l'usage de
substances. Le premier modèle de « maladie d'une
addiction » fut démontré par le médecin
américain Benjamin Rush en 1785 au sujet de l'effet des spiritueux sur
le corps. Les « pathologies de la dépendance » font
ainsi leur apparition. La conception médicale n'a toutefois pas
été une compréhension physiologique comme celle que nous
connaissons dans la médecine moderne. La médecine classique
était fortement empreinte de superstition et de morale. Ainsi le
modèle « bivarié »
décrit par Louise Nadeau correspond à l'alliance de la
médecine et de la morale à travers la figure du médecin
hygiéniste décrit par Howard Becker comme un
« entrepreneur de morale ».
La psychiatrie sera influencée jusqu'au début du
20ème siècle par la théorie des
dégénérescences proposée par Morel en 1857, qui
constitue la théorie la plus significative du modèle
bivarié60(*).
Celle-ci considère que certains individus sont plus faibles que
d'autres, tout à la fois sur les plans physique, intellectuel et
moral61(*). Cette
faiblesse est transmise par hérédité et aggravée
par des maladies telles que l'alcoolisme62(*). Les travaux sur la morphinomanie s'appuient alors
sur cette théorie63(*). Le « vice morphinique » est
interprété comme la conséquence d'une tare
antérieure64(*). La
toxicomanie, et particulièrement l'alcoolisme, sera ainsi perçue
comme une « maladie sociale » qui au mal de la substance
ajoute la prédisposition naturelle de certaines personnes65(*). Le modèle
« bivarié » place au centre de la dépendance
aussi bien l'individu que la substance. Il donnera lieu à la
constitution des Alcooliques Anonymes aux Etats-Unis en 1934. Ceux ci
considèrent l'alcoolisme comme une maladie incurable semblable à
une allergie qui ne concerne que les individus prédisposés. Les
Narcotiques Anonymes développeront successivement une
théorie similaire pour les stupéfiants66(*).
L'évolution conceptuelle de la médecine et sa
rationalisation ont permis la prépondérance du modèle
médical « monovarié » qui
considère le toxicomane comme une personne malade devant être
soignée67(*). Les
racines de cette dépendance sont attribuées à une
caractéristique intrinsèque des substances. Cette idée
donne lieu aux politiques prohibitionnistes qui visent à
éradiquer la dépendance en ôtant la substance, c'est le cas
par exemple de l'alcool qui est interdit aux Etats-Unis en 1919. Cette
conception a cependant rendu possible une véritable reconnaissance de la
toxicomanie comme maladie. Aussi paradoxal que cela puisse paraître la
définition de la toxicomanie comme « maladie » a
permis de faire évoluer la gestion sociale du problème. En effet,
s'il s'agit d'une maladie elle peut alors être soignée comme une
autre maladie et il devient alors impossible d'en donner une définition
purement morale. Désormais, l'opprobre laisse place à la
compassion et à la punition se substitue le traitement. Un
quatrième modèle s'est développé au cours du
20ème siècle : le paradigme psychologique
et parallèlement à celui ci le paradigme psychanalytique. Ces
approches ont pour point commun de placer principalement le sujet au centre du
problème pour lequel la dépendance aux substances
illégales constituerait une forme d'auto thérapie de ses
pathologies psychiques68(*).
Le modèle médical monovarié, qui assimile
la toxicomanie à la substance elle-même, et le modèle
psychologique furent toutefois remis en cause au début des années
soixante par plusieurs observations : la prise en compte de consommateurs
modérés et contrôlés, l'usage thérapeutique
de l'héroïne notamment sur les soldats américains de la
guerre du Viêt-Nam, l'importance du milieu culturel et du système
axiologique attribué à la substance. Certaines études de
toxicomanie comme « carrières » telle que celle de
Howard Becker sur les fumeurs de marijuana permirent de modifier le paradigme
médical qui régissait la compréhension du
phénomène69(*). L'approche sociologique et ethnologique de la
toxicomanie vont s'imposer enfin avec l'apparition des mouvements
contre-culturels (Mai 68 par exemple) où l'usage de substances ne peut
pas être interprété comme une maladie mais comme un
phénomène culturel.
D'où un cinquième modèle, dit
« modèle trivarié », qui
combine l'approche psychologique, pharmacologique et socio-ethnographique ou
encore selon les mots de Claude Olivienstein « la rencontre d'une
personnalité, d'un produit et d'un moment
socioculturel »70(*). De façon similaire Massimo Campedelli
distingue trois cadres de lecture spécifiques de la toxicomanie:
l'approche qui prend en compte les caractéristiques du sujet (paradigme
de l'ôte), celle qui considère les caractéristiques
pharmacologiques des substances (paradigme de l'agent) et celle enfin qui
évalue les données environnementales aussi bien macro que micro
(paradigme de l'environnement)71(*). La compréhension de la toxicomanie est
progressivement passée d'un modèle unilatérale (religieux,
moral, médical) à une approche multilatérale ou globale.
Enfin, il est possible d'ajouter à ces
différents modèles un dernier paradigme de compréhension
de la drogue, plus social que scientifique, qui est l'approche
répressive. Entendue initialement comme une
désapprobation morale du corps social face au consommateur de
substances, elle s'est progressivement transformée durant la seconde
moitié du 20ème siècle en condamnation judiciaire et en
contrôle policier72(*). L'approche répressive s'accompagne d'une
dévalorisation sociale qui est facilement perceptible par les
enquêtes d'opinion qui sont réalisées périodiquement
auprès de la population73(*). Elle conditionne fortement notre rapport aux
substances aussi bien dans la recherche scientifique (par exemple lors de la
manipulation des résultats concernant la marijuana par le National
Institute Drug Abuse (NIDA) situé aux Etats-Unis74(*)) que dans l'action du
législateur. C'est le cas par exemple de la loi italienne sur la
toxicomanie n°162 de 1990, dite Jervolino-Vassali, qui semble davantage
répondre à l'alarme sociale liée à la drogue
plutôt que de traiter véritablement le problème75(*).
La construction sociale de la toxicomanie est un
phénomène complexe. Elle se situe à la croisée des
chemins de différents acteurs et de différentes logiques. Elle
résulte tout d'abord d'un processus culturel qui a vu l'usage de drogues
passer d'un cadre religieux à un usage tourné vers la recherche
du plaisir, comme durant la fin des années soixante. A cet
hédonisme s'est ajouté un fort individualisme qui
caractérise les modes de consommation actuels. La compréhension
de la toxicomanie est également le fruit des conceptions
médicales qui, d'une considération morale (la toxicomanie comme
dégénérescence), sont passées à une
théorie centrée sur la substance elle-même qui a
contribué à médicaliser la toxicomanie. Enfin, la
toxicomanie est née des tentatives de contrôle et de
répression qu'ont multiplié les pouvoirs publics vis-à-vis
des usagers de drogue. C'est pourquoi on peut affirmer :« Telle
que nous la connaissons aujourd'hui, la toxicomanie est à la fois
l'avatar d'une entreprise culturelle, le fruit des recherches médicales
et l'objet des tentatives de contrôle et
d'interdictions »76(*). Les substances, les consommateurs et les politiques
de contrôle de la toxicomanie doivent par conséquent faire l'objet
d'une réflexion spécifique afin de comprendre comment a
évolué la représentation du toxicomane.
1.2 Pharmacologie et épidémiologie des
substances : un état des lieux des drogues aujourd'hui
La toxicomanie apparaît moins comme un simple usage de
substances que comme un mode de déviance. Le toxicomane
précéderait, selon certains, la consommation de drogues, qui
n'est alors que le mode d'expression d'une pathologie antérieure.
Peut-on toutefois aller jusqu'à affirmer que c'est le
« toxicomane qui fait la drogue » ? Le premier acte de
définition d'une toxicomanie est resté pendant longtemps la
consommation de substances psychoactives illicites. Ces substances comportent
des effets pharmacobiologiques réels qu'il s'agit d'examiner.
1.1.2 La connaissance des
substances : drogues, usages et toxicomanies
1.1.2.1 Une classification
des substances selon le critère de la dangerosité
Les substances psychoactives présentent tout d'abord
pour trait commun le fait d'induire des effets (hédonistes, stimulants,
euphorisants) éprouvés lors de la prise d'une substance. Ceux-ci
s'expliquent par certains processus neuro-biologiques qui ont lieu dans le
cerveau, et notamment dans des zones appelées récepteurs de
substances endogènes naturelles et d'y activer des processus
physico-chimiques de plaisir77(*). Par delà cette similitude, il ne s'agit pas
d'amalgamer tous les produits dans un ensemble unique comme celui des
« substances psychoactives ». Il existe des
différences d'effets et de dangerosité pharmacologiques qu'il
s'agit de souligner. Une classification des substances a été
élaborée par les psychologues travaillant sur la toxicomanie.
Elle prend pour critère les effets de la substances sur le
système nerveux central (Snc). Voilà cette classification telle
que la propose Augusto Polmonari78(*) :
n Les substances modifiant la
perception : A ce premier groupe de substances appartiennent le
cannabis et le haschich. Leur usage provoque un sentiment de relaxation, de
somnolence. Elles comportent de très faibles risques de
dépendance. Toutefois ces substances ne favorisent pas la concentration,
affaiblissent la mémoire et ralentissent le mécanisme
cérébral. On compte dans cette même catégorie les
hallucinogènes de synthèse dont le plus connu est le Lsd. De
même que le cannabis, le Lsd ne provoque que très rarement une
dépendance physique.
n Les substances qui réduisent la sensation
de douleur : Ces substances correspondent
à la catégorie des opiacés, et de l'opium (opiacée
naturel), la morphine, l'héroïne et le méthadone
(opiacé synthétique). Ces substances provoquent tour à
tour un sentiment d'euphorie et de tranquillité. Ces substances sont
celles qui présentent le plus fort risque de dépendance.
n Les substances qui stimulent le système
nerveux central : On compte parmi celles-ci aussi bien des
substances d'usage quotidien telle que la caféine ou la nicotine que des
substances illégales comme la cocaïne et les amphétamines.
Ces substances ont des effets très directs sur le fonctionnement
physiologique : perte des sensations de faim et de fatigue, besoin de
dormir et de se reposer, augmentation de l'énergie. Elles augmentent
également les opérations mentales et les processus cognitifs.
L'ecstasy est répertorié parmi les amphétamines bien que
sa composante chimique, Mdma
(méthylène-diossi-méthylamphétamine) incorpore un
élément hallucinogène.
n Les substances ayant une action dépressive
sur le système nerveux : Toutes les boissons
alcoolisés rentrent dans cette catégorie, ainsi que les
barbituriques et les sédatifs. Toutefois presque chaque substance
comporte un effet dépressif. Ainsi, l'alcool peut être aussi bien
responsable d'un comportement festif que d'un replis symptomatique de la
dépression. Cette double essence des substances est à relier aux
particularités individuelles du consommateur.
Chaque substance engendre des effets spécifiques sur le
cerveau. La dangerosité d'une substance dépendra de ces effets.
Elle ne peut donc pas se réduire à sa seule
toxicité79(*) : une
substance faiblement neurotoxique comme l'héroïne, par exemple,
peut entraîner rapidement des situations de dépendance, et donc
être néanmoins très dangereuse. Alain Morel propose la
définition d'un profil de dangerosité pharmacologique
fondé sur quatre critères80(*). Tout d'abord, le risque d'intoxication ou
potentiel intoxique, c'est à dire la possibilité
de provoquer un dysfonctionnement voire la lésion d'un organe (le MDMA,
molécule de l'ecstasy, peut avoir de graves conséquences sur le
SNC ; le tabac est doté d'un fort pouvoir
cancérigène). Chaque substance doit être définie en
rapport à son potentiel addictif (second
critère), c'est à dire le risque de susciter une
dépendance. Ce potentiel est particulièrement important pour les
opiacés, et notamment l'héroïne, et pour la nicotine. Il est
en revanche faible pour le cannabis et le MDMA. Le troisième
critère est le potentiel psychodysleptique qui regroupe
les risques liés à la transformation des perceptions internes et
externes, tels que l'apparition de troubles mentaux ou l'affaiblissement de
certaines capacités intellectuelles. Enfin, le quatrième
critère de dangerosité est le potentiel
agressogène, c'est-à-dire la propriété de
favoriser la désinhibition comportementale et générer de
l'agressivité. Cette propriété constitue un risque de
dangerosité sociale, notamment dans la conduite automobile.
Les législations en matière de drogue ont
apporté une classification des substances psychoactives en fonction de
leur dangerosité pour l'organisme. C'est le cas par exemple de la
législation française 81(*). La nomenclature issue de la législation sur
les substances vénéneuses date de 1845 et a été
incorporée au Code de Santé publique dès 1953. Elle
comprend trois tableaux : A - produits toxiques pouvant entraîner la mort
; B - produits stupéfiants susceptibles d'engendrer une toxicomanie ; C
- produits dangereux susceptibles d'entraîner de graves troubles. La
dangerosité des substances n'est cependant pas réductible
à leur toxicité. Les substances psychoactives peuvent engendrer
une multiplicité d'effets. Il existe plusieurs variables qu'il est
nécessaire de prendre en compte dans la détermination de ces
effets82(*). La
toxicité varie bien sûr en fonction du dosage et la
fréquence de prise et de la nature de la substance consommée. Les
effets obtenus ont également un rapport direct avec le mode de
consommation des substances. En effet, les médecins expliquent que les
drogues prises par voie orale rejoignent le cerveau par le biais des voies
gastriques et intestinales tandis qu'une substance par voie veineuse agit de
façon beaucoup plus immédiate. Plus le passage est rapide et plus
le risque de neurotixicité est important. Le mode de consommation
(centré sur l'individu) est donc une donnée fondamentale dans la
détermination des prises de risques. L'usage d'une substance
psychoactive ne signifie pas pour autant un état de dépendance.
Il existe entre les deux une longue série de nuances qui se rapportent
aux comportements humains.
1.1.2.2 Les usages et
mésusages des substances: de la toxicomanie à la
dépendance
Les termes de toxicomanie et de dépendance recouvrent
une pluralité de sens. Il est possible d'en donner de nombreuses
définitions selon l'angle de vue adopté. Ils ont
été pendant longtemps assimilés l'un à l'autre.
L'approche médicale, aussi bien somatique que psychiatrique, peut
constituer un point de départ utile dans leur définition et leur
distinction. Deux classifications internationales, qui sont très
similaires, ont été établies afin d'apporter une
homogénéisation dans la définition de ces termes : le
manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) proposé
par l'Association Américaine de Psychiatrie (APA) et le CIM
élaboré par l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS)83(*). L'OMS a
abandonné en 1964 l'idée de toxicomanie pour lui
préférer celle de
« pharmacodépendance » qu'elle définissait
ainsi en 1969 :
« Un état psychique et quelques fois
également physique, résultant de l'interaction entre un organisme
vivant et une drogue, se caractérisant par des modifications de
comportement et par d'autres réactions, qui comprennent toujours une
pulsion à prendre le produit de façon continue ou
périodique afin de le retrouver des effets psychiques et quelquefois
d'éviter le malaise de la privation. Cet état peut s'accompagner
ou non de tolérance. Un même individu peut être
dépendant de un ou plusieurs produits »
Cette définition souligne, comme le note Florent
Farges, aussi bien la dépendance physique, que la dépendance
psychique ou encore le processus de tolérance. La
dépendance psychique, auparavant appelée
accoutumance, est « un état mental caractérisé
par une impulsion qui requiert l'usage périodique ou continu d'une
drogue dans le but de créer un plaisir ou d'annuler une
tension » 84(*).
La dépendance physique correspond à
« une exigence de l'organisme nécessitant, pour conserver son
équilibre, l'apport régulier d'une substance chimique
exogène. Cette dépendance se manifeste à travers les
symptômes physiques survenant lors du sevrage et de la tolérance
» 85(*).
Quelle que soit la définition adoptée, la
tolérance constitue l'idée majeure de la notion de
dépendance, il s'agit d'un dénominateur commun à toutes
les drogues. Florent Farges définit la tolérance comme
« le processus d'adaptation d'un organisme à une substance,
qui se traduit par l'affaiblissement progressif des effets de celle-ci et
entraîne la nécessité d'augmenter la dose pour obtenir les
mêmes effets »86(*). La tolérance est à l'origine de la
pulsion qui amène le consommateur à revenir vers la substance, le
craving87(*). Le
craving est une impulsion à rechercher le produit et à
le consommer de façon compulsive. Il s'agit d'une sensation de
très forte intensité, comparable à la soif ou à la
faim. Ce désir similaire aux besoins naturels est une construction
psycho-comportementale.
L'introduction du concept de pharmacodépendance en 1964
a permis de mieux cerner le champ de la toxicomanie en distinguant certaines
pratiques culturelles ou sociologiques d'avec les consommations pathologiques
d'une substance (d'où une distinction entre la dépendance et
l'usage), mais aussi en délimitant un trait commun aussi bien aux
substances illicites que licites. Les critères diagnostiques de la
dépendance, communs à l'ensemble des substances psychoactives,
établis au sein des classifications internationales ont provoqué
une évolution sensible dans ce domaine. Le manuel DSM IV établi
par l'APA en 1994 et la CIM 10 établie en 1992 par l'OMS ne
requièrent pas la présence nécessaire des items de sevrage
ou de dépendance physique pour porter le diagnostic de dépendance
à une substance. C'est le mode d'utilisation compulsive de la substance
qui caractérise désormais la dépendance88(*). La définition de la
dépendance semble dès lors reposer aussi bien sur le sujet que
vers l'objet c'est à dire la substance. L'approche toxicologique
amène donc à porter une réflexion sur les substances.
1.1.2 Epidémiologie des
substances et des consommateurs
La connaissance quantitative et qualitative des usages de
substances psychoactives constitue un point de départ logique à
l'action publique en matière de toxicomanie. Pourtant l'action
précède le plus souvent la connaissance. On se trouve
confronté en matière de toxicomanie à un
« déficit de savoirs »89(*). La production de savoirs
épidémiologiques en matière de toxicomanie est ainsi
demeurée très faible en France jusqu'à la fin des
années quatre-vingt90(*). Les enquêtes qui se sont multipliées au
cours des années soixante-dix offraient peu de données sur le
nombre de consommateurs, l'évolution des consommations et les
dispositifs d'intervention. L'approche épidémiologique de la
toxicomanie est restée longtemps à l'état
léthargique en raison de nombreux obstacles : la conception de la
toxicomanie comme un phénomène ponctuel et de court terme, les
résistances des intervenants de la toxicomanie, la peur de dramatiser
l'épidémie de toxicomanie au sein de l'opinion publique91(*).
Henry Bergeron considère que l'absence d'un institut
d'analyse spécialisé et indépendant a constitué un
manque précieux à l'épidémiologie française
des toxicomanies92(*). Le
besoin d'une telle structure fut pourtant exprimé par les
autorités responsables des plantes de lutte contre la toxicomanie. Ce
n'est qu'en 1993 que naît l'Observatoire national des drogues et des
toxicomanies qui ne fonctionnera effectivement qu'à partir de 1995
après être devenu l'Observatoire français des drogues et
des toxicomanies (OFDT)93(*). De même, Nizzoli note le manque de
données précises qui existe en Italie en matière de
toxicomanie. Le recueil des données est effectué par le
Ministero della Sanità directement auprès des
unités sanitaires spécialisées en toxicomanie, toutefois
seuls 500 des 556 services spécialisés ont répondu
à la précédente enquête de données ce
contribue à fausser les résultats d'un dixième94(*).
L'épidémiologie en matière de toxicomanie
n'a été perçue que très récemment comme une
priorité de l'action publique. Les politiques présentent donc
déjà un premier handicap initial du fait d'une mauvaise
comptabilisation et compréhension du phénomène. La
présentation des substances, de leurs usages et de leurs consommateurs
constitue une étape d'autant plus importante dans cette
réflexion.
1.2.2.1 Les substances et
leur usage
Les substances sont généralement
regroupées en trois groupes95(*) : les psycholeptiques ou dépresseurs de
l'humeur (cannabis, barbituriques, opiacés, etc.), les
psychoanaleptiques ou psychostimulants (cocaïne, amphétamines,
ecstasy, etc.) et enfin les psychodysleptiques ou hallucinogènes (LSD,
kétamine ou encore les champignons hallucinogènes, etc.).
L'épidémiologie a toujours mis en avant la
nécessité de ne pas distinguer l'étude des substances
licites et illicites à partir du simple fait qu'elles reposent toutes
sur des mécanismes neurobiologiques identiques.
L'alcool est une substance fortement hédonique et
socialisante, ce qui explique probablement qu'elle soit l'une des substances
psychoactives les plus consommées96(*) (la seconde dans le monde après le
café) et les plus acceptées socialement97(*). Elle est fréquemment
présentée comme étant inoffensive car liée à
un contexte de convivialité. Le rapport Roques publié en 1998
constitua un pavé dans la mare en affirmant que l'alcool serait une
drogue « dure », au sens de « à risque
élevé »98(*). Elle comporte un mécanisme de
dépendance beaucoup plus diffus et progressif que celui des
morphiniques. L'alcool comporte enfin une forte toxicité organique
à des doses facilement atteintes. La consommation d'alcool peut
provoquer de nombreuses pathologies : cancers, maladies du foie et du
pancréas, troubles cardiovasculaires, nerveux ou encore psychiques. En
France, en 1995, on recensait 27 000 décès directement
liés à l'alcool dont 23 700 de maladies (le reste étant
dû aux accidents de la route, aux accidents domestiques et aux
suicides)99(*).
Le tabac est le troisième produit psychoactif le plus
consommé après le café et l'alcool. La proportion de
fumeurs dépendants dépasse de loin celle des buveurs, le tabac
tend à devenir un produit quotidien tandis que l'alcool reste plus
généralement occasionnel. En France, on compte 10 millions de
fumeurs dépendants. Le tabac est doté d'une forte toxicité
en raison de la nicotine où des additifs qui sont à l'origine de
nouveaux composants (monoxyde de carbone, goudrons). En France, on estimait en
1999 que 60 000 décès étaient liés à la
consommation de tabac, dont 95% chez les hommes. Cette mortalité est due
au cancer (31 500), aux maladies cardiovasculaires (13 700) et aux maladies
respiratoires (11 000)100(*).
Les médicaments psychotropes constituent le dernier
type de substances psychoactives licites. Leurs effets varient en fonction de
la catégorie à laquelle ils appartiennent (les tranquillisants ou
les anxiolytiques, les somnifères ou les hypnotiques, les neuroleptiques
ou les antipsychotiques, les antidépresseurs). La consommation de
médicaments psychotropes est très importante. En France, elle
représentait en 1991 un adulte sur dix pendant au moins six mois dans
l'année101(*).
Leur usage continue fortement de progresser : entre 1991 et 1997, les
ventes d'antidépresseurs ont augmenté de 40%102(*). Les médicaments
psychotiques peuvent présenter de nombreux risques. On peut par exemple
citer le flunitrazépan commercialisé en France sous le nom de
Rohypnol, qui est un efficace somnifère104(*). Il possède un
potentiel hédonique fort qui incite à l'abus et à
l'autoadministration. Ces consommations abusives sont à l'origine d'une
haute toxicité organique (dépression respiratoire, coma et
décès). Le flunitrazépan est pour ces raisons
considéré comme une drogue « dure » par
certains spécialistes qui demandent son retrait du marché
médical.
Le cannabis est fréquemment la drogue illicite la plus
consommée. Elle représente en France 21,6%
d'expérimentateurs et 2,2 millions de consommateurs
occasionnels105(*). Le
cannabis peut se présenter sous diverses formes : l'herbe ou
marijuana qui se présente sous la forme de feuilles
séchées qui se fument mélangées le plus souvent
à du tabac ; le haschich ou shit, est une résine obtenue
à partir de la fleur ; elle apparaît sous forme de plaques et
se fume également en compagnie de tabac ; l'huile est une
préparation plus concentrée en principe actif dont l'usage est
peu répandu. Le cannabis est l'une des substances psychoactives
illicites qui porte le plus à polémiques. Le rapport Roques
publié en 1998 sur la dangerosité des drogues aboutit à la
conclusion que le cannabis, dont le principe actif est le THC, a un profil de
dangerosité nettement moins marqué que l'alcool106(*). Des risques de
toxicité à long terme ne sont pas exclus, ses principaux dommages
restent cependant les effets dysleptiques liés à une consommation
quotidienne (problèmes de mémoire et de concentration, baisse de
motivation et de la capacité à choisir, etc.)107(*). Le cannabis possède
enfin de fortes vertus hédoniques et socialisantes qui ont
contribué à le démystifier en tant que
« stupéfiant ». Les personnes dépendantes au
cannabis représentaient en France 10% des prises en charge en
1997108(*).
L'héroïne appartient à la famille des
opiacés qui sont des molécules d'origine naturelle (le latex
recueilli du pavot appelé opium) ou synthétique qui se comportent
comme des agonistes vis-à-vis des récepteurs à
endorphine109(*). De
nombreux opiacés existent : outre l'opium, la morphine et
l'héroïne, on trouve la codéine, le naltrexone, la
méthadone, la buprénorphine qui font notamment l'objet d'usages
thérapeutique. L'héroïne est le plus puissant des
opiacés110(*).
Elle se présente comme une poudre blanche et cristalline mais contient
rarement plus de 2% de produit pur. Le mode d'utilisation le plus courant, bien
qu'elle puisse être snifée ou fumée, reste l'injection
intraveineuse qui présente de nombreux risques mais qui apporte un
violent effet de flash recherché par les usagers. L'effet
immédiat est alors de type « orgasmique », il est
suivi d'une sensation d'euphorie puis fréquemment de somnolence voire de
nausées et de vertiges. Les doses utilisées excèdent
rarement un gramme par jour. L'héroïne est l'un des produits au
pouvoir hédonique le plus important111(*). Elle possède en revanche un pouvoir addictif
considérable qui est accru par la voie injectable. L'usage
hédonique qui impose de fortes doses et une consommation
répétée n'est donc que très difficilement
contrôlable. A de faibles doses, l'héroïne -comme toutes les
molécules de la famille des morphiniques- est douée de
propriétés antalgiques remarquables tout en étant
dénuée de toxicité organique. Le principal risque
présenté par l'usage d'héroïne reste l'overdose ou la
surdose qui peut provoquer une insuffisance respiratoire entraînant une
perte de connaissance et éventuellement la mort112(*). Le nombre de surdoses
mortelles reste cependant relativement faible. Ce chiffre est passé en
France entre 1994 et 1998 de 564 à 143 dont 92 liées à
l'héroïne (les autres décès étant liés
à l'association de plusieurs produits)113(*).
La cocaïne est une substance psychoactive extraite des
feuilles de cocaïer114(*). Elle se présente le plus fréquemment
sous forme de sels (poudre blanche) qui sont sniffés à l'aide
d'une paille (la ligne ou le rail). L'administration intraveineuse s'est
particulièrement développée notamment chez les
polyconsommateurs. La cocaïne peut également être
fumée sous forme de pâte de coca. Le crack est un
dérivé de la cocaïne, destiné à être
fumé. C'est un mélange de cocaïne, de bicarbonates de soude
et d'ammoniaque présenté sous forme de petits cailloux. Il
provoque des effets plus intenses que ceux de la cocaïne : le produit
arrive plus rapidement au cerveau, la durée de son effet est plus
brève. Sa consommation régulière crée rapidement
une forte dépendance psychique et une neurotoxicité très
forte. Le crack pose un problème majeur de santé publique aux
Etats-Unis par exemple où son faible prix le rend attractif notamment
vis-à-vis des adolescents. La consommation de cocaïne reste en
revanche marginale dans les pays européens. Le nombre de consommations
déclarées (au moins une fois dans la vie) est par exemple en
France inférieur à 2% de la population115(*). La cocaïne est
à l'origine de 2% des demandes de prise en charge en premier produit,
elle est revanche fréquemment associée puisqu'elle est
citée comme second produit dans 11% des demandes de traitement.
La principale innovation du point de vue des substances est
sans nul doute le développement des nouvelles drogues
synthétiques (ecstasy, LSD, amphétamines, poppers, Gamma 0H ou le
GHB, Protoxyde d'azote ou gaz hilarant). Les quatre principaux produits de
synthèse utilisés en France selon une enquête
réalisée en 1998 seraient l'ecstasy, le LSD, les
amphétamines et la kétamine. Cependant, l'ecstasy serait la seule
vraie nouvelle drogue puisque le LSD et les amphétamines circulaient
déjà depuis un certain temps. La molécule active de
l'ecstasy, le MDMA, a été synthétisée par les
laboratoires Merck en 1912 dans un but militaire116(*). Elle a fait l'objet
d'usages ponctuels en psychiatrie en Californie dans les années 1970.
Mais l'ecstasy fur surtout employée à partir des années
soixante-dix et plus récemment en Europe dans un cadre
récréatif lors de soirées
« tecnho ».
En quoi consiste la nouveauté de ces drogues
synthétiques? Elles marquent avant tout un renouveau de l'usage des
substances117(*). En
effet, elles présentent la particularité d'attirer beaucoup de
jeunes dans un cadre culturel spécifique (en fin de semaine dans les
discothèques ou les rave parties, dans les stades et les occasions de
divertissement collectif). Elles attirent par leur mode de consommation plus
sûr. Ainsi comme le rappelle Simonetta Piccone Stella « une
gélule qu'il suffit d'avaler, sans aucune préparation, à
n'importe quel moment, est une consommation facile, propre, apparemment
innocente, non contagieuse. Très différent du rite complexe de
l'héroïne et très loin des risques liés à
l'usage d'une seringue intraveineuse »118(*). Ces drogues sont
également appréciées pour leur faculté à
favoriser un état proche de la transe, qui multiplie l'effet des rythmes
et des décibels et qui empêche de ressentir la fatigue. Les
défenseurs de la culture techno et de l'usage d'ecstasy ont
tenté, sous l'égide du mouvement « Safer
Dancing » né en Grande-Bretagne à la fin des
années quatre-vingt, de légitimer leur consommation en
l'associant à un phénomène festif, doté de
mécanismes de régulations comparables à ceux de
l'alcool119(*). L'usager
des drogues de synthèse appartient par conséquent à un
nouveau type de consommateur qui refuse d'être reconnu comme
« drogué » mais qui décrit son comportement
comme un usage récréatif.
« L'usage des drogues dans les clubs n'est pas
un phénomène de dépendance, c'est un
phénomène récréatif. C'est une activité de
loisirs. Il importe de ne pas confondre, et de bien voir la différence
fondamentale entre l'usage récréatif d'une drogue- la
fièvre du samedi soir si vous préférez - et la
dépendance »120(*)121(*)
Les risques encourus par les consommateurs semblent nettement
moins élevés que pour les autres drogues. Il n'y a pour l'instant
aucun cas de dépendance aux nouvelles substances, ni un cas de mort par
overdose, attribuables exclusivement à ces drogues qui n'aient
été relevés. La dangerosité des drogues
synthétiques peut sembler au premier regard bien faible en comparaison
des drogues « dures » comme l'héroïne122(*). On doit toutefois souligner
que le manque de données à cet égard est notable. De
même si les drogues de synthèse, massivement diffusées,
représentent en France une part minime à l'origine des prise en
charge (2% en 1998), ceci est davantage à mettre en lien avec l'attitude
des usagers de drogues de synthèse et leur non-reconnaissance du statut
de toxicomane qu'avec la non-dangerosité de ces drogues123(*).
Les substances se sont considérablement
multipliées au cours des vingt dernières années. Leurs
usages ont connu de nombreuses variations aussi bien en raison de l'attente des
consommateurs, que de l'offre de drogues mise sur le marché124(*). La description des
substances licites et illicites ne doit néanmoins pas amener à
penser qu'il existerait une distinction nette entre les consommateurs d'alcool,
de tabac d'une part et les consommateurs de cannabis et d'héroïne
de l'autre, et encore moins entre les consommateurs de cannabis ou ceux de
cocaïne et d'ecstasy. L'épidémiologie a, au contraire, mis
en évidence que l'abus d'une substance favorise le recours aux
autres : en d'autres termes « un abus peut en cacher un
autre »125(*)126(*). A contrario, la
monoconsommation d'un produit illicite constitue un phénomène
rare. La multiplication des usages a fait apparaître les termes de
« polytoxicomanies »,
« polyconsommations » ou
« polyexpérimentations ». Mais quelle
réalité recouvre ce changement sémantique ? L'usage
de ces termes ne traduirait, selon Pascal Courty, que « la
reconnaissance d'un phénomène ancien puisque déjà
évoqué dans le Rapport Pelletier en 1978 ». La
multiplication des enquêtes épidémiologiques ne ferait que
« lui conférer une réalité
statistique ». Cette « re-découverte »
aurait pour origine une meilleure prise en considération des substances
licites (alcool, tabac, médicaments) en tant que substances addictives.
Il est possible de distinguer, comme le fait Pascal Courty127(*), trois types de
polyconsommations :
n Les polyconsommations
d'entraînement : « Ce sont des sujets qui sont
dépendants des opiacés au départ avec toujours de
façon occasionnelle ou exclusive de l'héroïne. Par la suite,
et à cause du prix relativement élevé de cette substance,
se mettent en place des stratégies d'auto-substitution ». Ce
type de patients témoignent, selon Pascal Courty, de la
nécessité d'user des thérapies à partir de produits
de substitution telle que la méthadone.
n Les polyconsommateurs d'ennui ou
d'oubli : « Elles sont le fait de jeunes qui ont connu
des ruptures familiales et sociales nombreuses [...] Ils semblent avoir
été repérés par le système mais n'avoir
jamais été réellement pris en compte [...] Leur
consommation est anarchique et elle concerne tous les produits. Leur mode de
consommation est impulsif avec tout ce qui leur tombe sous la main. Le but
ultime est de « ne plus penser ». On peut les qualifier de
zonards, jeunes en errance, SDF ou marginaux sans bien toujours savoir à
quoi renvoient ces termes »127(*). Cette catégorie met en évidence les
difficultés de prise en charge que le système socio-sanitaire
rencontre.
n Les polyconsommations actuelles ignorées ou
déniées : « Pour nous c'est l'aspect le
plus préoccupant car il y a peu de consultations spontanées de la
part des consommateurs [...] Lorsque nous avons la chance de les rencontrer,
ils ne reconnaissent pas de dépendance à un ou plusieurs produits
malgré une consommation quotidienne. [...] Ce sont le plus souvent des
lycéens ou des étudiants avec une bonne insertion
économique de façade [...] Ils revendiquent très souvent
une situation professionnel stable des parents et un train de vie confortable
[...] Nous les qualifierons plutôt de
« polyexpériementateurs ». Ils se
présentent toujours en disant qu'ils font des expériences de leur
consommation et ils gardent, comme nos anciens patients toxicomanes, longtemps
l'impression du contrôle des doses et des effets ». Ce dernier
cas correspond le plus souvent aux consommateurs de drogues de synthèse.
La polyconsommation est ainsi très fréquente lors des
soirées techno où elle correspond à une recherche d'effets
spécifiques. L'association la plus courante au cours de ces
soirées reste l'alcool, le cannabis et les produits de synthèse.
Le phénomène de la polyconsommation a mis fin
à de nombreux clichés sociologiques sur les toxicomanes. Ainsi
l'image du cocaïnomane riche et nettement distingué socialement du
consommateur d'héroïne est en train de s'affaiblir. Il est
désormais nécessaire d'utiliser l'expression de
« poly/toxicomanies » du fait que la personne
dépendante passe souvent de sa drogue « primaire »
à d'autres substances. L'idée de polyconsommation est toutefois
trompeuse selon Alain Morel : elle sert avant tout à masquer le
fait que la présence d'une telle conduite va de pair très souvent
avec la présence d'autres troubles (scolaires, judiciaires,
etc.)128(*)129(*). Ces
phénomènes constituent autant d'indicateurs de risque des
populations toxicomanes. Les différences entre usage, abus et
dépendance ne reposent que partiellement sur les substances
consommées. Elles tiennent pour beaucoup au contexte individuel et
social dans lequel s'inscrit cet usage.
1.2.2 Sociologie des
toxicomanes : les « profils à risque »
La connaissance et l'évaluation des usagers de drogues
est un phénomène difficilement chiffrable et descriptible. Le
recueil de données épidémiologiques en matière de
toxicomanie s'oppose, outre la réticence des pouvoirs publics et/ou des
professionnels du secteur, à de nombreux obstacles
méthodologiques. Il est tout d'abord fortement influencé par le
statut légal des dogues en cause130(*)131(*).
Le caractère clandestin de l'usage des drogues illicites rend, d'autant
plus si le contexte est très répressif, une partie du
phénomène non apparente. En revanche, lorsqu'il s'agit de
produits légaux (alcool, tabac, médicaments), les chiffres de
vente rapportés à l'ensemble de la population constituent de bons
indicateurs de consommation. En l'absence d'un recensement de la population
toxicomane, les sujets étant par définition dans une situation
illégale, diverses enquêtes sont organisées pour donner des
indications utiles aux prises de décision en matière de
santé publique. Il est nécessaire de multiplier et de croiser les
sources de données. Les principaux éléments
recherchées sont la prévalence de l'usage d'une drogue (le
pourcentage de personnes concernées dans une population) et son
incidence (les nouveaux cas apparus par exemple au cours d'une
année).
Les enquêtes en population générale
constituent le premier moyen utilisé. Il peut s'agir d'enquêtes
élaborées autour de la consommation d'une ou plusieurs
substances, auprès d'un échantillon représentatif de la
population. Les questions sur les psychotropes sont cependant souvent inclues
dans des enquêtes plus vastes sur les consommations ou les modes de vie
afin d'obtenir un échantillon suffisamment large. Les services de police
ou judiciaires sont une source importante de données en matière
de consommation de substances illicites. Les chiffres d'interpellations,
d'incarcérations ou des saisies de drogues peuvent fournir autant
d'indicateurs sur les tendances en cours. Toutefois, il reste difficile, comme
le précise Marc Valleur, de faire la part entre les modifications de
prévalence ou l'incidence d'une problématique d'usage, et les
modifications de l'activité policière elle-même132(*).
Les services spécialisés en matière de
toxicomanie (centres de soins, points d'accueil, etc.) constituent l'un des
moyens les plus efficaces pour estimer les variations, notamment en terme
d'abus et de dépendance. Les données recueillies permettent de
dresser le profil sociologique des personnes dépendantes, ainsi que leur
état de santé, les morbidités et la mortalité
reliées aux addictions. En France, un système de recueil de
données fut mis en place dès 1986 par l'Inserm (Institut national
de la santé et de la recherche médicale) à partir des
centres de soins spécialisés en toxicomanie133(*)134(*). Les enquêtes épidémiologiques
nationales visent à souligner la socio-démographie, l'histoire de
la toxicomanie, le recours aux soins, le parcours dans les structures et les
pathologies associées. L'état de santé des toxicomanes,
notamment au point de vue des maladies infectieuses, fait l'objet
d'études spécifiques : ministère de la Santé,
enquêtes hospitalières, travaux de l'Inserm auprès des
antennes prisons.
Il existe par conséquent trois modes afin de tenter de
sortir de l'obscurité le phénomène de la drogue135(*) : lorsqu'une personne
en difficulté s'adresse à un service de soin, l'arrestation, le
secours lors d'une overdose. Ces modes d'évaluation sont suffisamment
adaptées aux drogues classiques, telle que l'héroïne, mais
se révèlent très lacunaires en ce qui concerne les
nouvelles tendances en matière de toxicomanie, c'est à dire les
drogues de synthèse ou encore la forte augmentation du cannabis. En
effet, les cas d'overdoses sont plus facilement vérifiables à
partir d'une prise d'héroïne que de LSD, de plus les services de
soins aux toxicomanes ont été orientés depuis ces vingt
dernières années afin de lutter principalement contre la
dépendance aux opiacés. Et ceci constitue une chose bien connue
des toxicomanes, lesquels se dirigent très peu, lorsqu'ils sont
dépendants d'autres substances, vers les services d'aide existants et
finissent par ne pas être comptabilisés comme toxicomane. Il est
donc difficile de connaître le nombre d'usagers de substances non
opiacées (cocaïne, amphétamines, etc.) en tant que simples
consommateurs ou en tant que toxicomanes. Les seules sources existantes pouvant
nous renseigner sur l'évolution des substances proviennent par
conséquent de corps antidrogue policiers ou d'enquêtes
menées pour trafic.
Un ensemble d'enquêtes spécifiques de nature
sociologiques ou ethnologiques permettent néanmoins de mettre en
évidence les consommations les plus marginales. Des observations
participantes peuvent par exemple éclairer des pratiques
sous-culturelles, comme l'usage d'ecstasy durant les rave-parties, ou encore
l'usage de crack dans certains quartiers. Un autre moyen d'évaluation
épidémiologique des consommateurs similaire est constitué
du « travail de proximité » (unità di
strada, outreach-work) qui apportent des services d'aide aux
consommateurs de façon directe sur leur lieu de consommation
(discothèques, gares, périphéries, etc.)136(*).
Ces études ont pour point commun de se dérouler
à l'échelle locale (de la ville, voire du quartier). Elles
développent une épidémiologie sur les populations
minoritaires à partir de groupes spécifiques. Une image globale
de la population est alors reconstituée à partir de divers
procédés (capture-recapture, « boule de
neige »). La méthode « boule de neige ».
(snowballing ou snow ball sampling en anglais,
campionamento a valanga en italien) est un procédé
d'échantillonnage utilisé dans les cas d'études où
il est difficile d'établir avec précision un échantillon
représentatif, comme c'est souvent le cas pour la toxicomanie. Il s'agit
alors de recueillir des informations auprès de toxicomanes
rencontrés sporadiquement (dans la rue, boites de nuit, etc.). De cette
façon on élargit le groupe de référence en partant
d'un échantillon limité137(*). C'est à partir de telles études,
qu'il a été possible de mettre en évidence les
caractéristiques épidémiologiques des toxicomanes qui se
sont considérablement transformées au cours des années
quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
Parmi les facteurs socio-épidémiologiques, le
sexe est la caractéristique la plus tranchée : les
toxicomanes sont en grande majorité des hommes. Ils représentent
les trois quarts des personnes prises en charge par les services de soin
français138(*).
De même en Italie, où en 1997 sur 117.131 toxicomanes
recensés dans les services de soin privés et publics, on
dénombrait 99.575 hommes, tandis qu'on comptabilisait 17.556 femmes. Le
rapport homme/femme au niveau national est donc de 5,6 hommes pour une
femme139(*). Cette
différence est cependant encore plus nette au niveau des interpellations
(90% d'hommes) en France et peut laisser entendre que les femmes sont moins
nombreuses parmi les toxicomanes mais qu'elles ont une plus forte propension
à avoir recours au système de soin140(*). Il est intéressant
d'examiner à cet égard la répartition géographique
des sexes en Italie. La proportion homme/femme est de 4/1 dans deux
régions septentrionales (Lombardie et Emilie-Romagne) et descend
même jusqu'à 3/1 dans certaines villes du Nord (Milan, Turin),
tandis que ce rapport augmente jusqu'à 10-12/1 dans deux régions
du Sud, la Sicile et la Campanie. Piccone Stella déduit de ces
observations que « l'écart entre hommes et femmes est notable,
mais tend visiblement à se réduire dans les zones plus
prospères et plus égalitaires, là où la
liberté de mouvement, de comportement et de consommation des femmes est
plus importante »141(*).
L'âge est une caractéristique délicate du
fait que les personnes rencontrées dans les services
spécialisés sont très souvent plus anciennes que
l'ensemble des consommateurs. L'âge moyen de ceux qui ont recours aux
services de soin est de 30 ans, quel que soit le sexe, aussi bien en France
qu'en Italie142(*). Il
s'agit là d'un âge tardif lorsqu'on prend en considération
le fait qu'il s'agit le plus souvent de personnes qui ont commencé
à user de substances, bien souvent, au cours de l'adolescence. Le temps
de maturation avant qu'un toxicomane ait recourt à un service d'aide est
le plus souvent entre quatre et sept ans. Ce chiffre peut être
nuancé pour la France en fonction des établissements
étudiés. L'âge moyen des toxicomanes est plus
élevé dans les centres spécialisés (28,9 ans) et
les hôpitaux (29,7) que dans les centres sociaux (24,4)143(*). Ces chiffres renvoient aux
représentations culturelles qui sont rattachées à chaque
institution mais elles traduisent aussi les inégalités
d'accès aux populations toxicomanes144(*).
Les études actuelles témoignent d'un
vieillissement de la population rencontrée dans les services pour
toxicomanes. En France, l'âge moyen s'est accru de trois ans, notamment
dans les centres spécialisés où il est passé de
25,9 ans en 1987 à 28,9 en 1995 et dans les hôpitaux où il
a diminué de 27,2 en 1987 à 29,7 en 1995145(*). Des observations similaires
peuvent être réalisées en Italie où la tranche des
plus jeunes se rétracte légèrement en passant de 4,72% des
toxicomanes en 1991 à 3,2% en 1997, tandis que la tranche des 20-24 ans
s'est rétracté de façon notable en passant de 28,60 % en
1991 à 17,9% en 1997. En revanche les plus anciens ont augmenté
puisque les 30-34 ans sont passés de 20,13% à 26,6% et les 35-39
ans ont plus que doublé en passant de 6,55% à 13,4%146(*)147(*). Il est nécessaire de rappeler, comme le fait
Piccone Stella que ces statistiques portent sur les centres de soin où
sont fortement prévalant les héroïnomanes et que ce recul
des jeunes traduit avant tout une diminution de la consommation des substances
les plus dangereuses en faveur d'autres substances, telles que les drogues
synthétiques.
La population toxicomane globale se marginalise de
façon croissante, en demeurant le plus souvent sans formation et sans
emploi. Ainsi une enquête du SESI (Service de statistiques, des
études et des systèmes d'information, ministère de la
Santé) réalisée en 1994 établit que 70% des
toxicomanes ayant recours au système sanitaire et social n'ont pas
d'activités professionnelles148(*). Ces données sont confirmées par les
statistiques du ministère de l'Intérieur qui établissent
que 66% des personnes interpellées pour usage et pour usage-revente en
1995 sont sans activité professionnelle déclarée149(*). Les toxicomanes se situent
le plus souvent dans une situation de forte précarité : 23
à 26% perçoivent le RMI tandis que 6 à 7% n'ont pas de
couverture sociale150(*).
Quelques instruments d'évaluation ont été
mis en place en Europe, comme dans le cas des exemples français ou
italien. Leur validité est toutefois réduite du fait que les
critères restent centrés sur des contextes locaux. Au cours des
dernières années, on a assisté à un
intérêt croissant des chercheurs dans la mise au point
d'instruments d'évaluation standardisés à des fins
d'évaluation clinique ou de comparaison entre les pays151(*). L'ASI, Addiction
Severity Index ou indice de gravité de la toxicomanie, est un
instrument d'évaluation des comportements de dépendance mis en
place en 1980 par une équipe américaine dirigée par Mc
Lellan. Son objectif était de reconstituer pour chaque patient le
contexte ayant abouti à l'usage de substances et d'établir un
profil de gravité et de toxicomanie afin de renforcer
les mécanismes de prévention. Ce modèle fut discuté
pour la première fois en Europe au cours d'un colloque sur
l'épidémiologie clinique organisé en 1993. Un projet
européen, l'EuropASI, a été initié en le 15 juin
1995 à l'occasion d'une collaboration entre les Pays-Bas, la
Grèce, l'Italie, l'Allemagne, la Suisse et la France. Certains items du
modèle américain qui ne paraissaient pas pertinents ont
été reformulés, tandis que d'autres ont été
ajoutés. Cette adaptation européenne de l'ASI rencontre de
nombreuses difficultés et les réticences françaises
à son application illustre les limites des outils standardisés
dans l'étude des conduites de dépendance.
Une recherche comparative menée entre la France et le
Québec a permis de souligner certains facteurs de fragilité ou de
vulnérabilité152(*)153(*) en
délimitant les « profils de gravité ». Il est
possible de citer quelques données épidémiologiques sur
les facteurs à risque en matière de consommation de
drogue154(*). Outre les
facteurs génétiques qui sont encore peu connus, l'âge de la
vie apparaît comme un facteur déterminant dans les comportements
toxicomaniaques. Les études montrent que l'âge des
premières utilisations de drogue se situe entre 14 et 20 ans et la
consommation de tabac et d'alcool précède très souvent
celle de drogues illicites. L'adolescence est une période de remise en
cause des repères précédents marquée par les
oppositions entre parents et enfants durant laquelle ont souvent lieu les
premières consommations de substances licites puis rapidement illicites.
D'autres facteurs ont été mis en évidence
tel que le contexte familial. Les problèmes familiaux constituent un
trait commun important dans les profils de gravité mis en
évidence dans l'enquête France/Quebec155(*). Les troubles psychologiques
(manque de confiance en soi, anxiété, etc.), le manque de
ressources et l'absence d'emploi sont apparus comme d'autres composantes de ce
même modèle. Mary Jansen156(*) évoque enfin la mauvaise intégration
des normes sociales, l'attitude comportementale (plus ou moins grande
permissivité envers les comportements marginaux) et enfin le milieu dans
lequel évolue la personne (influence et plus ou moins grande
accessibilité aux substances). Les comportements addictifs sont enfin
corrélés de façon très forte aux troubles
psychiatriques.
L'analyse des substances et de leurs effets a permis
d'apporter des premiers éléments de réponse à la
définition de la toxicomanie. Celles-ci sont toutefois plus pertinentes
dans la définition de la dépendance, ou
pharmacodépendance, que de la toxicomanie elle-même. La
toxicomanie semble davantage se rapporter au sujet, et à ses
caractéristiques sociales et individuelles, qu'à l'objet de sa
consommation.
1.3 De
la substance à l'acteur
La première
définition du toxicomane fut apportée par le législateur.
Celui-ci n'explicita pas directement qui était le toxicomane mais
l'établissement d'une norme et d'un clivage entre le licite et
l'illicite permit de déterminer la ligne de démarcation entre
toxicomanie et usage de substances. La première définition du
toxicomane fut construite à partir d'une considération des
substances. La distinction entre le légal et l'illégal n'est
toutefois pas immuable et fut remise en cause dès les années
quatre-vingt sur la base de l'étude de la dangerosité
pharmacologique des drogues, mais surtout à partir des usages qui en
sont fait.
1.3.1 Le
législateur face aux drogues : entre jugements normatifs et
considérations pragmatiques
1.3.1.1 Le clivage légal/illégal
La consommation de drogues apparaît d'emblée
comme un phénomène privé, relevant uniquement de la
sphère personnelle. Se droguer, c'est un choix. Le
législateur a pourtant été rapidement amené
à réguler l'usage de substances au sein de la
société. Pourquoi un régime de prohibition pour les
substances psychoactives?
Cette intervention trouve sa justification dans la
finalité protectrice dont est mandaté le législateur face
à l'ensemble du corps social. La modification des états de
conscience et de l'activité mentale est une entrave, outre les risques
sanitaires encourus, pour le plein contrôle du comportement individuel.
La répétition de ces comportements et la recherche de ces
états de conscience comme fin en soi, l'instauration d'un lien organique
entre l'individu et la substance, que l'on appelle communément
« dépendance » entendue comme une réduction
de la liberté de choix, constitue une menace non seulement pour
l'individu mais pour le corps social dans son ensemble. L'intervention du
législateur dans la sphère individuelle se justifie donc par les
risques qu'un comportement singulier entraîne sur l'ensemble de ses
concitoyens. Ces risques sont de nature aussi bien sécuritaires que
sanitaires157(*).
Il a paru par conséquent nécessaire
d'établir des règles encadrant l'usage et la circulation des
drogues. La première attitude adoptée par les autorités
publiques face aux substances psychoactives fut de réglementer leur
usage selon les catégories normatives licite/illicite en opérant
une distinction entre drogues illégales et drogues légales. Cette
distinction varie selon les législations nationales, elle reste
néanmoins très similaire. La majorité des pays occidentaux
considèrent comme des drogues légales l'alcool, le tabac et les
anti-dépresseurs. Parmi les drogues illégales figurent le
cannabis (marijuana étant le nom mexicain), les opiacées, la
cocaïne, les amphétamines et les hallucinogènes. Le
critère de distinction retenu entre les deux groupes est celui de la
toxicité, c'est à dire la capacité de la substance
à induire une dépendance psychophysique. Cette distinction
juridique a servi pendant longtemps de principe fondamental à la
considération de l'usage de drogues. Les actions répressives des
services policiers étaient ainsi tournées jusqu'à la fin
des années quatre-vingt vers toutes les drogues illicites sans qu'il
soit établi une distinction entre cannabis et
héroïne158(*)159(*).
Mais la distinction licite/illicite correspond t-elle aux
risques réels encourus par les consommateurs de substances ? Comme
le rappelle Simonetta Piccone Stella, on doit reconnaître d'un point de
vue épidémiologique (c'est à dire l'étude de
l'évolution des maladies et de leurs conséquences
spatio-temporelles) que les dégâts à l'organisme et le
risque de maladies potentiellement liées à l'alcool et au tabac
sont plus élevés que ceux dérivants du cannabis et
même des opiacées160(*). La représentation sociale constitue le
véritable frein à une juste distinction entre les drogues :
aux yeux de l'opinion publique un buveur de bière est une personne
normale, c'est-à-dire un simple usager, tandis qu'un fumeur de marijuana
est automatiquement un toxicomane161(*).
C'est pour beaucoup, en fonction de la menace qu'elle associe
à une drogue que la collectivité énonce de façon
explicite (par des règles tangibles) ou induit de façon implicite
(par ses représentations culturelles) l'idée que les membres
doivent s'en faire. Celle-ci n'est pas immuable et varie en fonction des
époques. On peut prendre l'exemple du tabac envers qui les
représentation sociales ont connu de nombreux bouleversements162(*). Le tabac était ainsi
un objet de condamnation dès le début du 17ème
siècle. Les premiers écrits de médecine en
dénonçaient les effets au début du 20ème
siècle163(*). Le
tabac ne fut cependant pas pris dans la tourmente prohibitionniste
contrairement à l'alcool en raison de ses effets moins flagrants. Les
premières mesures de restriction remontent aux années
soixante-dix. L'Oms considère aujourd'hui le tabac comme une drogue en
raison de son pouvoir cancérigène et de son potentiel addictif.
L'alcool est encore plus emblématique de
l'évolution des opinions sur la dangerosité d'une
substance164(*). Il fut
perçu comme un fléau sanitaire dès 1851, date à
laquelle Magnus Huss lui donne le nom d'alcoolisme. La dangerosité de
l'alcool est perçue très tôt à travers ses
conséquences sociales et notamment sur la famille. Le second argument,
qui justifiera l'interdiction de l'absinthe en France en 1916, est
l'affaiblissement des énergies combattantes en temps de guerre. La
France ne met cependant pas en place une politique restrictive. Ce
phénomène est à mettre en lien, selon Alain Morel, avec le
statut dont le vin bénéficie depuis la révolution
française du statut de « boisson égalitaire
républicaine et patriotique » puis de « boisson
nationale ». Des mesures de prévention sont néanmoins
mises en place au cours des années cinquante. C'est la loi Evin,
votée en 1991, qui statut une restriction sur la publicité de
l'alcool. Ces deux exemples du tabac et de l'alcool montrent que la notion de
dangerosité relève avant tout d'une construction. La distinction
entre substances légales et illégales est très fragile. Un
nouveau clivage plus représentatif de la dangerosité des drogues
est alors venu s'ajouter au précédent.
1.3.1.2 Drogues douces/dures : une distinction
empirique
Le législateur a introduit à la fin des
années quatre-vingt une distinction entre les drogues
considérées comme « douces » et les drogues
dites « dures »165(*). Cette différenciation est née tout
d'abord en Hollande pour répondre de façon pragmatique au
problème de l'élargissement des consommateurs de cannabis qui
étaient toujours plus nombreux et qui rendait inadéquate la
distinction entre les substances licites et illicites. Cette distinction s'est
progressivement élargie au cours des années quatre-vingt-dix
à l'ensemble de l'Europe. Il s'agissait d'opérer une distinction
au sein même des drogues illicites, afin d'éviter un amalgame
entre le cannabis et l'héroïne. Cette distinction a amené
les législations nationales à opérer une classification
graduelle du niveau de dangerosité attribué. Le classement des
substances illégales se fait en Italie en fonction d'un chiffre
représentant cette dangerosité comprise entre 1 (le plus faible)
et 6 (le plus fort). Le cannabis est ainsi considéré dans les
substances de la seconde classe juste après l'opium et la cocaïne.
Certains estiment que ce jugement est exagéré et soutiennent
qu'il ne s'agit pas plus d'une drogue que le tabac ou l'alcool
Cette distinction a ouvert la voie à de nombreuses
polémiques. Elle constitue le principal argument des partisans de la
légalisation du cannabis. L'usage social qui est fait du
cannabis c'est à dire la possibilité de consommer cette
substance de façon occasionnelle constitue, selon les
anti-prohibitionnistes, la meilleure preuve afin de légaliser le
cannabis. De plus, on observe fréquemment une distinction entre les
fumeurs de marijuana ou haschich et les consommateurs d'héroïne.
Cette observation contredit l'idée d'un continuum progressif allant des
drogues douces aux drogues légères. Il semble que les logiques
qui sous-tendent leur consommation soient diverses. Ce second argument pourrait
toutefois être contredit par le fait que la quasi-totalité des
toxicomanes ont commencé leur rapport aux substances par le biais de la
marijuana166(*).
Certains pays ont utilisé cette distinction comme point
de départ pour la légalisation du cannabis. C'est le cas par
exemple de la Hollande, où comme le rappelle Grazia Zuffa la distinction
entre les drogues douces et les drogues dures a rendu possible la vente de
modestes quantités de cannabis dans les coffee shops sans pour
autant renoncer à la persécution pénale des autres
substances jugées plus dangereuses167(*). D'autres pays toutefois, comme la France ou
l'Italie, ont utilisé cette distinction afin d'adapter les mesures
judiciaires en fonction de la dangerosité de la substance et afin de
réorienter les politiques publiques (notamment en matière de
traitement) en direction des drogues caractérisées comme
étant « dures ».
Le terme de drogue douce a également permis de
rapprocher les drogues légales (alcool, tabac, etc.) avec les substances
comme le cannabis qui tout en présentant des caractères
similaires sont prohibées. La frontière entre le légal et
l'illégal, mais aussi entre celle qui distingue les drogues douces
illicites et les drogues légales, semblent ainsi de moins en moins
pertinentes au regard des modes de consommation. Le rapport Roques
réalisé à la demande de Bernard Kouchner a remis en cause
le classement des stupéfiants en relativisant les risques du cannabis
(relativement au tabac) et en classant l'alcool parmi les drogues les plus
dangereuses168(*).
La distinction entre le licite et l'illicite constitue une
première ligne de démarcation entre toxicomane et non-toxicomane.
La catégorisation des substances opérée par le
législateur est cependant le fait de considérations sociales. Le
clivage drogues dures/drogues douces a profondément remis en cause les
législations nationales. L'observation clinique a toutefois
limité la portée de cette dernière distinction. Il existe
par exemple certains consommateurs qui réalisent un usage toxicomaniaque
du cannabis. Piccone Stella remarque dès lors que « l'adjectif
doux ou dur connote de façon plus adéquate les consommateurs que
les substances elles-mêmes »169(*). Le point de référence et de
distinction entre toxicomanie et non toxicomanie ne semble plus être la
substance elle-même mais l'usage qu'il en est fait.
1.3.2
L'approche comportementaliste ou la prépondérance de l'usage
1.3.2.1 Usage récréatif et usage nocif
En matière de consommation de drogues illicites, il
n'existait naguère que l'abstinence et la toxicomanie170(*). La mise en évidence
d'une pluralité de pratiques de consommation a ébranlé
cette catégorie binaire. L'approche comportementaliste effectue une
nouvelle translation de la substance vers l'usager en considérant non
plus la seule nocivité pharmacologique de la drogue mais l'usage qui en
est fait et le rapport que le consommateur entretient avec elle. A coté
de la toxicomanie a été créé un concept
intermédiaire permettant de traduire les problèmes
somatiques/sociaux occasionnés par des usages trop forts (sans qu'il y
ait dépendance). Il s'agit de l'idée
« d'abus » pour le DSM et « d'utilisation nocive
pour la santé » pour le CIM171(*). Cette catégorie n'inclut pas la
tolérance, le sevrage ou le mode compulsif d'utilisation, mais seulement
les conséquences néfastes de consommations
répétées. Cet état caractérise
particulièrement les consommateurs récents mais il existe un
continuum de l'abus à la dépendance, notamment pour
l'héroïne.
La catégorie de l'usage, qualifié le plus
souvent d'occasionnel, récréatif ou simple, est progressivement
apparue, bien qu'elle ne soit pas reconnue par les classifications
internationales172(*).
L'usage regroupe les formes de consommation qui n'entraînent pas de
complications somatiques ou psychiques et qui ne relèvent pas d'une
problématique psychologique. Il s'agit de consommations
considérées comme contrôlées, et qui sont le plus
souvent socialement régulées173(*). On considère qu'il correspond à
chaque substance (licite ou illicite) des usages toxicomaniaques et d'autres
non toxicomaniaques. Simone Piccone Stella retrace le
raisonnement effectué permettant d'arriver à cette
affirmation : les substances légales sont le plus souvent
très bien acceptées pat les populations des pays occidentaux, en
revanche on en réprime l'abus qui signifie bien souvent des
dégâts à la santé ou encore une perte de
crédibilité sociale de la personne. C'est ainsi que
l'alcoolémie est perçue comme un fléau social demandant
une réponse sanitaire adéquate. Piccone Stella effectue un
raisonnement analogue pour les substances illégales en supposant qu'il
existe un mode de consommer du cannabis ou de l'héroïne de
façon non toxicomaniaque.
Les substances psychoactives sont porteuses d'une
dangerosité intrinsèque. Toutefois, les risques d'une
consommation de substance ne peuvent être analysés que dans les
circonstances dans lesquelles a lieu cette consommation. C'est avant tout
l'usage, ou plutôt le mésusage, qui constitue le principal facteur
de risque174(*). Il est
important d'introduire la notion de conduites, de
pratiques ou encore d'usages à
risques. Cette idée implique que des produits de consommation
courante puissent présenter des risques, s'ils sont utilisés en
dehors de certaines règles. C'est par exemple le cas des tranquillisants
ou encore des solvants. Ce second exemple est encore plus significatif du
mésusage d'une substance. Il indique que « le potentiel de
dangerosité d'une substance psychoactive se révèle lorsque
la pratique de sa consommation sort des systèmes de régulation
qui en limitent une grande part des risques »175(*)176(*). Il existe par conséquent des systèmes
de régulation des conduites de consommation qui prennent le plus souvent
la forme d'un contrôle social informel. Les modes de consommations
renvoient avant tout à des représentations culturelles qui ne
sont pas immuables.
Les risques encourus dépendent de la relation
qu'entretient l'usager avec la substance. On ne peut pas en déduire pour
autant qu'il est urgent de légaliser une substance comme
l'héroïne qui reste très dangereuse. On ne peut pas non plus
souhaiter que l'alcool et/ou le tabac soient relégué dans les
substances illicites. Mais il est important de réaliser que tandis qu'on
distingue un buveur ou un fumeur modéré d'un buveur/fumeur
excessif, aucunes modalités et styles de consommation ne sont
distingués pour les substances illégales qui se retrouvent toutes
confondues dans une seule et unique partie. Il est certain que les
préjugés et les façons de pensé sont autant de
limites au fait d'établir une comparaison entre drogues licites et
illicites ou comme le résume Piccone Stella « nous refusons
de croire que la substance alcool et la substance héroïne ont
quelque chose en commun, une parenté, une affinité, étant,
par exemple, également nocives, tant nous sommes habitués
à penser que la première peut être usée avec
modération ».
« Le point fondamental est qu'il n'existe pas de
barrière entre les consommateurs de tabac, bière et alcools forts
d'une part et les consommateurs de haschich ou d'héroïne, d'autre
part. Il y a bien au contraire un continuum, une très longue et
inégale ligne de goûts et d'habitudes, de peurs et de plaisirs,
d'auto-contrôle et de consommation effrénée, de risques
plus ou moins responsables, le long de laquelle les ressemblances et les
différences sont examinées sans que aucun de nous soit
extérieur au problème »177(*)
Il est possible dès lors de distinguer, comme le fait
Pascal Courty, trois façons de se rapporter aux substances :
l'absence d'usage, l'usage récréatif et occasionnel exposant au
risque judiciaire et l'usage nocif correspondant à un abus de
drogues178(*).
L'idée d'un usage récréatif implique le fait que la
consommation de drogues puisse résulter d'un acte libre et volontaire
provenant d'un individu qui puisse concilier l'usage de substances avec un mode
de vie normal. L'approche comportementaliste aboutit à l'idée
d'un consommateur non marginalisé mais qui reste un sujet autonome.
1.3.2.2 Le consommateur
intégré : mythe ou réalité ?
« Il n'existe qu'un seul délit que l'on
puisse commettre contre les autorités, l'autocontrôle, et il
n'existe qu'une seule façon de lui obéir, se soumettre au
contrôle de l'autorité » T.S Szazs, Il
mito della droga
L'idée de consommateur intégré renvoit
à une double considération : d'une part qu'un usager de
substances puisse être intégré au corps social et d'autre
part que celui-ci soit en mesure d'intégrer la substance à son
mode de vie. Cela nécessite tout d'abord de souligner que la
consommation de drogues ne concerne pas seulement les populations les plus
marginalisées mais également les classes moyennes ou
supérieures. On dispose de peu d'éléments sur la
distribution sociale des consommations mais l'on connaît l'existence
d'une « toxicomanie des hautes classes », décrite
par Robert Castel179(*)180(*), qui est le fait de ceux qui
sont dotés en capitaux (social, culturel, économique) et une
« toxicomanie des classes basses » de ceux qui
« n'ont rien à perdre ou très peu »181(*). Les motivations des
« hautes classes » sont bien sûr distinctes de celles
des autres consommateurs. Elles sont souvent, comme Ehrenberg l'a
décrit, poussées par les logiques sociales et cherchent à
travers l'usage de drogues un « dépassement
permanent »182(*).
Tom Decorte a réalisé une étude
qualitative, de janvier 1996 à décembre 1998, sur la consommation
de cocaïne et de crack dans la ville d'Anvers (Belgique)183(*). Cette recherche a
été menée, contrairement au paradigme moraliste et
médicale qui prône l'abstinence comme seule solution possible,
à partir du paradigme du self-control c'est à
dire l'idée que « le consommateur de drogue ne perd jamais
totalement le contrôle de sa consommation, même lorsqu'il est
dépendant ». Cette hypothèse est construite
elle-même sur l'idée « que les drogues sont
consommées par des gens qui ont des raisons pour le faire, qui les
apprécient, et qui ne voient pas pourquoi ils devraient s'en
passer »184(*). L'usager de drogues est considéré
comme un consommateur rationnel.
L'étude a mis en évidence l'existence de
nombreux consommateurs de cocaïne capables de contrôler leur
consommation à long terme. Les auteurs en donnent l'explication
suivante : « C'est l'environnement social, à travers le
développement de prescriptions et de rituels (c'est-à-dire de
mécanismes de contrôle informels) qui met la consommation de
drogues illégales sous contrôle [...] La consommation de
cocaïne (et sans doute de n'importe quelle drogue) implique à la
fois des valeurs et des règles de conduite qui définissent quand
et comment la drogue doit être prise (prescriptions sociales) et qui
dessinent des modes de comportements obligatoires et stylisés autour de
la consommation de drogue (rituels sociaux) »185(*). Ainsi de nombreux
consommateurs reconnaissent des règles de consommation par rapport
à leur environnement, ils ont de même une théorie personnel
de l'usage de drogue « toujours quand on se sent bien, jamais quand
on se sent mal »). Les pratiques toxicomaniaques sont dès lors
porteuses d'une certaine rationalité.
Les mécanismes d'autocontrôle servent ainsi
à délimiter la distinction entre l'usage et l'abus. Le
contrôle informel des substances légales comme le tabac et
l'alcool est rendu possible par une socialisation familiale et un apprentissage
des règles de contrôle de sa propre consommation. Ces processus de
socialisation ne sont bien sûr pas envisageables en ce qui concerne les
stupéfiants. Les mécanismes de contrôle naissent en
matière de drogues illicites, comme l'a mis en évidence Howard
Becker, des enseignements tirés du groupe de pairs auquel appartient le
consommateur. Le groupe, au lieu d'être perçu comme un
élément corrupteur, peut ainsi être intégré
dans le champ de la prévention186(*). Maria Caiata a analysé les stratégies
de préservation de soi développées consciemment par les
consommateurs intégrés187(*). Elles sont de quatre ordres : les
stratégies de gestion du corps (régulation de sa consommation),
la gestion de l'argent, la gestion du stigmate (intégration sociale,
éloignement du milieu des toxicomanes) et la gestion du stress
(planification de la consommation).
Une nouvelle définition du toxicomane peut être
déduite à partir de l'usage non toxicomaniaque des substances
illégales : le toxicomane est selon Robert Castel celui qui
organise toute son existence autour de la recherche et de la consommation de
drogue, ou encore comme l'écrit Albert Ogien celui qui fait de la drogue
la seule ligne biographique de son existence188(*). Le consommateur intégré
réussit, à l'inverse, à faire cohabiter différentes
lignes biographiques (travail, famille) avec sa consommation de drogue qui ne
constitue donc pas l'intégralité de son mode de vie. La
catégorie de l'usage simple ou récréatif permet ainsi de
ne pas faire de chaque consommateur de drogues un toxicomane189(*).
Le mérite de l'approche comportementaliste est d'avoir
mis en évidence la rationalité dont est empreinte la consommation
de drogues. L'usage de drogue se justifie, du point de vue du consommateur
intégré, en référence à un ensemble de
valeurs socialement reconnues : le soin de soi, le bien-être, le
divertissement, la performance ou encore la convivialité. La personne
perçoit sa consommation comme ordinaire du fait qu'elle soit en
adéquation avec les valeurs communes. Le consommateur normalise ainsi sa
propre consommation par un recours aux valeurs collectives190(*). La consommation ne
répond pas dès lors à une simple pulsion de manque (qui
caractérise la toxicomane) mais elle s'inscrit dans tout un cadre
précis (par exemple le soir chez soi en écoutant son disque
préféré). La consommation devient donc, aux yeux du
consommateur, un acte doté de sens et par-là même de
légitimité.
Plusieurs étapes ont été
nécessaires pour aboutir à une définition de la
toxicomanie. Partant d'une définition physiologique, et après
avoir passé en revue les principales substances d'un point de vue
toxicologique, il a été mis en évidence que la toxicomanie
ne se réduit pas à la simple dépendance, quelle soit de
nature psychique ou physique. L'angle juridique opère une distinction
entre le licite et l'illicite, celle-ci fut toutefois remise en question par la
séparation opérée entre les drogues dures et les drogues
douces. Ces catégories sont apparues très inadéquates afin
de rendre compte de la multiplicité des modes de consommation. La
toxicomanie ne peut pas se résumer à l'usage d'une substance
quelle soit décrite comme illicite ou « dure ».
L'approche socio-ethnographique a permis de souligner l'importance de la
relation et du comportement de l'usager avec la substance. Elle a rendu
possible une distinction entre l'usage récréatif (ou usage
simple) et l'abus (ou usage nocif ou usage toxicomaniaque). La
définition de la toxicomanie se situe par conséquent au
croisement de différentes variables. Elle ne peut pas se résumer
au simple consommateur de substances psychoactives. La toxicomanie est la
conjonction de trois variables : le consommateur, la substance et la
relation qui les relie.
La compréhension de la toxicomanie permet dès
lors d'envisager l'analyse des politiques publiques en ce domaine. Les
éléments précédents permettront d'adopter une
approche critique sur l'action des pouvoirs publics en matière de
toxicomanie. En effet, quel est le référent ou le groupe de
« ressortissants » des politiques publiques en ce
domaine191(*)192(*) ? Visent-elles une
définition du toxicomane entendu comme le consommateur de substances
illicites ou englobe t-elle une approche plus large de la consommation en
interrogeant les modes d'usage des substances ?
2 Les Etats face à la
toxicomanie
2.1 Une réponse
uniforme : l'alliance répression/soin
Face au développement du trafic de
stupéfiants, les Etats ont très rapidement ressenti le besoin de
normes internationales régissant le commerce et la vente des substances
psychoactives. Contrairement à la démarche habituelle, les Etats
ont par conséquent commencé à légiférer sur
les drogues d'abord sur le plan international avant d'aborder le
problème sur le plan interne193(*). En effet, en matière de drogue le danger
vient avant tout de l'extérieur, c'est à dire des pays
producteurs dont il s'agit de se protéger. Un ensemble de normes
régule ainsi la toxicomanie au niveau international, notamment sous
l'aspect du trafic de stupéfiants. La création de l'Union
Européenne a permis de poursuivre la réglementation des drogues
aux niveaux européens, mais surtout d'accentuer les efforts de
coopération entre Etats.
2.1.1 De la
répression à la coopération entre Etats
2.1.1.1 Un droit
international répressif
Le droit international sur les stupéfiants est
né d'un ensemble de traités internationaux et de conventions
ratifiées par les pays signataires. En l'absence d'une
législation internationale, les conventions fournissent l'esprit des
normes que les Etats retranscrivent à l'échelle nationale sous
formes de lois ; elles lient les Etats signataires à certains
principes qu'ils se voient contraints de respecter. Les accords internationaux
ont été pendant longtemps dominés par les
préoccupations liées au narcotrafic tout en ignorant les
problèmes sanitaires. Ils se sont caractérisés par une
longue prédominance des intérêts
prohibitionnistes194(*).
La première conférence internationale sur les
drogues a lieu sur l'initiative des Etats-Unis afin d'enrayer la consommation
d'opium en Chine dans un but commercial195(*). La conférence a lieu en février 1909
à Shanghai où se sont réunis treize pays. Le traité
auquel aboutissent les négociateurs condamne la consommation d'opium
à des fins non médicales et marque le premier texte du mouvement
prohibitionniste. En janvier 1912, la première Convention dotée
d'effets juridiques est adoptée. Elle porte sur l'ensemble des drogues
connues et dispose d'une portée mondiale. Elle aura toutefois peu de
retombées du fait que les Etats, comme la France ou l'Angleterre, qui
tirent des bénéfices du commerce de stupéfiants sont
majoritaires au sein de la conférence196(*).
Le rythme des conférences internationales sur les
stupéfiants s'intensifie après la première guerre
mondiale. Une conférence de la SDN en 1925 donne le jour à deux
nouvelles Conventions internationales. Le premier texte, « la
Convention du 11 février 1925 relative à la suppression du
commerce et l'usage de l'opium préparé », connaît
un semi-échec puisque le texte autorise la France et l'Angleterre
à mettre en place un système de production et de distribution
contrôlé par l'Etat. Cette convention n'est d'ailleurs pas
appprouvée par les Etats-Unis, ni la Chine, favorables à une
prohibition totale. Le second texte, « la convention internationale
sur l'opium » du 19 février 1925, s'applique aux trois grandes
drogues naturelles, l'opium, la coca et le cannabis, ainsi qu'à leurs
principaux dérivés, l'héroïne, la cocaïne et le
haschich. La convention impose aux signataires de fournir une évaluation
de leurs besoins en stupéfiants à des fins médicales et
organise un système d'importation et d'exportation sous le
contrôle d'un Comité central permanent qui délivre les
certificats et centralise les informations recueillies.
Trois textes sont adoptés durant l'entre-deux guerre.
Les Conventions de Genève et de Bangkok de 1931 instaurent une
classification des stupéfiants et un système de quotas
commerciaux en fonction des besoins pharmaceutiques des pays importateurs. La
Convention de Genève de 1936 accroît les dispositions
répressives à l'encontre du trafic. La politique prohibitionniste
des Etats-Unis ne se développe cependant qu'après la Seconde
guerre mondiale. Cet essor s'explique tout d'abord par la fin des
réticences françaises, dont le commerce de stupéfiants
cesse d'être rentable. Le retrait progressif de la France et de
l'Angleterre est bien sûr lié au processus de
décolonisation qui a lieu durant l'après-guerre. La Régie
générale française est d'ailleurs supprimée en
1946. Le second motif de cet élan prohibitionniste est la
création de l'Organisation des Nations Unies qui va servir de support
à la politique américaine. Trois protocoles sont
adoptés : Lake-sucess en 1946, Paris en 1948 et New-York en 1953
qui instaure un contrôle extrêmement rigoureux envers sept pays
producteurs (Bulgarie, Grèce, Inde, Iran, Turquie, URSS et Yougoslavie).
Le droit international relatif aux produits stupéfiants
procède actuellement essentiellement de trois conventions
internationales signées sous l'égide de l'O.N.U.197(*) : la convention unique
sur les stupéfiants de 1961, la convention de 1971 sur les substances
psychotropes et la convention de Vienne de 1988 contre le trafic illicite de
stupéfiants. La principale pièce de la législation
internationale en matière de stupéfiants est signée
à New-York le 30 mars 1961 par soixante-dix-sept
délégations ; elle est aujourd'hui ratifiée par 149
Etats et s'applique à cent vingt plantes et substances naturelles ou
synthétiques répertoriées en quatre catégories.
Cette convention unique remplace les conventions antérieures. Elle
réglemente l'ensemble des stupéfiants, de la production à
la consommation, en passant par la distribution internationale. Elle
énonce la limitation de « la production, la fabrication,
l'exportation, l'importation, la distribution, le commerce, l'emploi et la
détention de stupéfiants » à des fins «
exclusivement médicales et scientifiques» (art. 4). En
matière de traitement des toxicomanes, la convention précise que
des services adéquats ne sont imposés aux Etats que si leurs
ressources le leur permettent ; la prise en charge est donc laissée
à la discrétion des politiques nationales.
La Convention unique est complétée par
« la Convention de Vienne sur les substances psychotropes »
de 1971 qui opère la classification de 111 substances d'origine
industrielle ou synthétique en quatre catégories
(hallucinogènes, amphétamines, barbituriques, tranquillisants).
Le protocole de Genève de 1972 renforce les mesures prohibitionnistes
sur la production et le trafic de stupéfiants sous les pressions
américaines. Enfin, la « Convention de Vienne contre le trafic
illicite de stupéfiants et de psychotropes » de 1988,
ratifiée aujourd'hui par 142 Etats, constitue la dernière pierre
de l'ordre répressif et prohibitionniste en contraignant chaque Etat
signataire à se doter d'un dispositif pénal concernant l'achat et
la détention de stupéfiants. L'article 3, paragraphe 2 contraint
les Etats signataires à conférer le caractère d'infraction
pénale « à la détention et à l'achat de
stupéfiants destinés à la consommation personnelle ».
Cette convention renforce enfin de façon considérable la
coopération judiciaire et policière entre les Etats, notamment en
matière de lutte contre le blanchiment d'argent.
Il est important d'apporter certaines précisions en
matière de normes juridiques198(*)199(*).
Tout d'abord, dés lors que ces conventions ont été
régulièrement ratifiées par un pays, elles ont en droit
interne une autorité supérieure à celle des lois. Ce
principe est affirmé en France au sein de l'article 55 de la
Constitution de 1958. Cela implique que chaque nouvelle loi en matière
de stupéfiants doit être conforme à l'ensemble de ces
conventions internationales. Toutefois, il convient de noter que les
conventions internationales sus-visées ne sont pas
d'applicabilité directe en droit interne (contrairement par exemple
à la Convention européenne des droits de l'homme). Cela signifie
que les dispositions de ces traités ne sont pas directement applicables
aux particuliers des Etats membres mais nécessitent pour cela une
transposition par les autorités de chaque Etat. C'est pourquoi ces
conventions rappellent que leurs dispositions pénales « ne
sauraient porter atteinte à la compétence exclusive des Etats en
matière répressive » ( art. 36 de la Convention Unique, art.
22.5 de la Convention de 1971 et art. 3.11 de la Convention de Vienne de
1988).
Diverses organisations internationales sont compétentes
en matière de drogue et de toxicomanie200(*). L'évaluation du trafic de drogue au niveau
mondial s'effectue par le biais de l'OICS (Organisation internationale de
contrôle des stupéfiants. ONU) qui dresse chaque année un
état du trafic à l'aide des rapports nationaux communiqués
par les gouvernements. D'autre part, le PNUCID (Programme des Nations unies
pour le contrôle international des drogues), crée en 1971 et
basé à Vienne, réalise également depuis 1997 son
propre rapport. L'évaluation du trafic s'effectue principalement
à partir des saisies effectuées par les services de douane ou de
répression du trafic de stupéfiants, bien qu'elles soient
très insuffisantes. Enfin l'OMS prend en charge les aspects
épidémiologiques tandis que l'UNICRIME a pour fonction les
politiques de sécurité et de répression du crime.
L'internationalisation du problème de la toxicomanie a eu lieu
rapidement et a donné naissance à une multitude d'organisations.
Ce mouvement de collaboration internationale va contribuer à inciter la
mise en place d'une politique européenne.
2.1.1.2 Les politiques
européennes en matière de drogues : entre répression
et coopération
La collaboration en matière de drogue et de toxicomanie
a été renforcée au niveau européen par certains
accords au sein de l'Union Européenne201(*) qui ont donné lieu successivement à
une ébauche de collaboration entre Etats et à un effort
d'homogénéisation des législations et des politiques
nationales.
Un premier plan d'action européen de lutte contre la
drogue a été adopté en 1990 lors du Conseil
européen de Rome bien que la toxicomanie ne rentrait alors pas dans les
prérogatives institutionnelles de l'U.E. La Convention de Schengen de
1990 (entrée en vigueur en 1993) a tenté de répondre
à la crainte que la suppression des contrôles aux
frontières prévue par l'acte unique de 1986 ne se traduise par
une augmentation corrélative du trafic de drogues. Ainsi cette
Convention autorise chaque Etat à conserver des contrôles
frontaliers lorsque « l'ordre public ou la sécurité
nationale l'exigent ». De même, elle invite les parties signataires
à prendre « toute mesure nécessaire à la
prévention et à la répression du trafic illicite de
stupéfiants, y compris le cannabis ». En revanche, l'article 75 de
cette Convention autorise le transport de stupéfiants par les
résidents d'un Etat vers un autre Etat « à des fins
médicales ».
En 1993, le Traité de Maastricht sur l'Union
européenne a, pour la première fois, inclus les drogues dans un
accord de l'U.E. Le Traité précise, en son article 129, que
l'action communautaire porte « sur la prévention des grands
fléaux [...] y compris la toxicomanie ». Il détermine les
objectifs spécifiques et les instruments de lutte contre la drogue sous
les titres de : Santé publique, Politique étrangère et de
sécurité commune, Coopération dans le domaine de la
justice et des affaires intérieures. Cependant, en pratique, cette
disposition n'a pas de valeur contraignante au plan juridique et n'implique
d'action commune qu'en matière de prévention. L'objectif de
coopération en matière policière et judiciaire en
matière de lutte contre le trafic de drogues a été
renforcé par le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997. Mais
l'harmonisation des politiques pénales des Etats membres en la
matière n'a pas encore été prévue. Les drogues
semblent néanmoins faire l'objet d'un effort financier important puisque
en 1996 le budget total qui leur était alloué était de 61
millions d'euros (environ 400 millions de francs202(*).
La politique de l'Union européenne en matière de
lutte contre la drogue, inspirée des conventions internationales, se
caractérise jusqu'à présent par une orientation nettement
plus répressive que sanitaire. Elle a connu toutefois un timide
changement de cap à l'occasion de la Stratégie de l'Union
européenne adoptée à Helsinki en décembre
1999203(*). Les
objectifs affirmés à l'occasion sont la défense des droits
des toxicomanes et une approche équilibrée entre soutien aux
consommateurs et réduction de la demande. Le problème de la
toxicomanie est désormais perçu sous l'angle du cannabis et des
nouvelles drogues, de la délinquance urbaine, des problèmes
liées à la consommation de substances en matière de
santé collective, de sociabilité, de criminalité et de
justice. Enfin la priorité est donnée à la
prévention du Sida chez les toxicomanes par une connaissance
précise du problème (harmonisation des indicateurs
épidémiologiques) et une mise en place et une évaluation
des programmes entrepris.
Afin de pouvoir adopter une réelle perspective commune
du problème, l'Union Européenne s'est dotée d'un appareil
de surveillance et d'analyse des phénomènes liés aux
drogues, l'Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT).
L'Observatoire est né d'une proposition faite en octobre 1989 par
l'ancien président français, François Mitterrand.
Le 8 février 1993, le règlement européen (CEE) n°
302/93 adopté à Bruxelles, créait officiellement l'OEDT
qui est devenu opérationnel au début de 1995. Il est
chargé de développer des programmes de recherche sur
l'épidémiologie, la prévention et la réduction de
la demande204(*). En
outre l'OEDT, installé à Lisbonne, coordonne un réseau de
15 centres d'information, ou Points focaux nationaux, situés dans chacun
des États membres. Avec le Point focal de la Commission
européenne, ces centres constituent le REITOX,
Réseau Européen
d'Information sur les Drogues et les
Toxicomanies.
La communauté internationale a réagit dés
le début du 20ème siècle au problème de la
toxicomanie, essentiellement de façon répressive. Les normes
internationales définies au sein des conventions et des traités
ont fortement orienté les politiques publiques des Etats en
matière de toxicomanie. Ainsi, même en l'absence d'une
réelle coopération, les pouvoirs publics nationaux ont
adopté des lignes directrices relativement homogènes.
2.1.2
L'homogénéité des politiques publiques nationales
La législation sur les stupéfiants et le
traitement de la toxicomanie ont pendant longtemps correspondu à un
modèle similaire au sein des pays industrialisés. Les Etats ont
d'une part adopté des mesures très restrictives et
prohibitionnistes en matière de législation sur les
stupéfiants qui ont conduit à une forte criminalisation du
problème. Ils ont d'autre part privilégié, en terme de
traitement de la toxicomanie, une approche médicalisé visant
l'abstinence au détriment des conditions de vie des usagers de drogue.
Les politiques publiques ont tenté de concilier deux approches
contradictoires. Elles ont contribué ainsi à faire émerger
la représentation sociale du « malade-
délinquant » qui fut prédominante jusqu'aux
années quatre-vingt.
2.1.2.1 De la prohibition
à la criminalisation
La première réaction de la communauté
internationale fut d'adopter un ensemble de mesures fortement prohibitionnistes
visant à réprimer le trafic de drogues. Cette orientation s'est
accompagnée d'un durcissement des législations nationales en
matière de trafic mais surtout de consommation de drogues. Au niveau
international, comme le note Piccone Stella, les Etats-Unis jouent un
rôle fondamental dans la voie prohibitionniste, c'est à dire dans
la volonté de durcir les sanctions pénales et administratives
face à la drogue. La stratégie adoptée par les Etats Unis
a bénéficié d'une extraordinaire continuité :
du début du vingtième siècle jusqu'à Georges Bush
ou Bill Clinton. Elle repose principalement sur l'idée de mener une
« guerre face à la drogue » (war on drugs).
De nombreux pays ont adopté suivant les recommandations
internationales dictées par les Etats-Unis un système
législatif fortement répressif. C'est le cas de la France par
exemple ou encore de l'Allemagne. La mise en place de telles
législations ont aboutit à une criminalisation du toxicomane
perçu dorénavant comme un criminel, une menace pour la
société205(*). Cette criminalisation de la toxicomanie est un
phénomène qui a parcouru l'essentiel des politiques publiques en
matière de toxicomanie en Europe206(*). Celle-ci est observable par le nombre
d`arrestations pour des infractions liées à la drogue qui
augmente régulièrement depuis le milieu des années
quatre-vingt dans l'UE : il a doublé au Danemark, en Italie, au
Luxembourg et en Suède, et a été multiplié par plus
de six en Belgique, en Grèce, en Espagne, au Portugal et en
Finlande207(*). Cette
tendance s'est accélérée ces dernières
années en Italie et aux Pays-Bas. Elle peut cependant être mise en
évidence de façon plus spécifique pour le cas
français.
La législation française est l'une des plus
sévères d'Europe208(*). En matière de trafic, elle punit le
délit simple (vente de stupéfiants pour la consommation) par 5
ans de réclusion maximale et 500 000 d'amende. Le délit de trafic
aggravé (acquisition, détention, transport, importation,
exportation, blanchiment d'argent issu du trafic) est soumis à une peine
maximale de 10 ans et de 1 MF à 50 MF d'amende. Enfin, la direction ou
l'organisation de groupements est passible de la perpétuité et de
50 MF d'amende tandis que la production et la diffusion de drogues en bande
organisée fait l'objet de 30 ans de réclusion et de 50 MF
d'amende. Mais surtout la loi française réprime l'usage simple de
stupéfiants (consommation individuelle d'une substance classée
comme stupéfiant par la commission nationale des stupéfiants) par
une peine allant de 2 mois à un an et de 500 F à 15000 F d'amende
(art. L 628 Code de la santé publique).
La politique française de prohibition et de
criminalisation de la toxicomanie n'est pas seulement observable à
travers la législation en cours. Elle peut également se
vérifier par l'analyse de l'indicateur des infractions à la
législation sur les stupéfiants (ILS)209(*)209(*). Ce critère est d'autant plus valable que le
relevé ILS retrace davantage l'activité des services
chargés de veiller au respect de la loi et de dresser les
procès-verbaux des infractions constatées que l'évolution
réelle des consommations. Quatre types d'infractions sont
enregistrés sous le terme d'ILS : le trafic, l'usage-revente, l'usage
simple, et les autres ILS. La création de la catégorie «
usage-revente » en 1988 a contribué à modifier la
répartition des différentes infractions, au détriment du
trafic. On s'intéressera plus particulièrement ici aux
infractions impliquant l'usage, ce qui n'exclut pas que leurs auteurs puissent
être à l'origine d'autres infractions210(*).
En tendance, depuis les premières années
d'enregistrement des délits, deux constats peuvent être
dressés : d'une part, si la proportion des ILS reste marginale par
rapport à l'ensemble des crimes et délits constatés en
France, la part des personnes mises en cause pour ILS n'a cessé de
progresser par rapport à l'ensemble des individus verbalisés ;
d'autre part les statistiques de l'OCRTIS (Office central de répression
du trafic illicite de stupéfiants) disponibles dès avant la loi,
à partir de l'année 1968, indiquent jusqu'en 1996 un taux de
croissance annuel moyen de 18% du nombre des ILS. Les infractions à la
législation sur les stupéfiants sont par conséquent en
constante augmentation depuis 1970. Elles visent avant tout les usagers de
substances. Les 100 000 interpellations conduites en 2000 concernaient
principalement des usagers (95 000 interpellations pour usage ou usage-revente,
soit 93,5% du total).
Il est nécessaire de distinguer la part des infractions
d' « usage simple » (infraction
uniquement constituée par la consommation de stupéfiants) de
celle des infractions pour «usage-revente» (souvent
considéré comme la manifestation des ramifications nombreuses du
trafic à l'échelon local). Pour l'usage simple de drogues, le
nombre d'ILS a été multiplié par 10 entre 1971 et 1985, et
par deux entre 1986 et 1996 (nouveau classement). Depuis 1993, le nombre des
procès-verbaux dressés pour « usage simple » augmente
beaucoup plus rapidement que pour « usage-revente ». Concernant les
premiers, 38 189 faits avaient été constatés en 1993, 74
633 en 1998, ce qui représente un quasi-doublement (+ 95,4%). Pour les
années les plus récentes, on observe une augmentation annuelle de
6% entre 1997 et 1998, et de 7,2% entre 1998 et 1999 (80 037 infractions
rapportées). En 1999, la part des infractions d'usage simple dans
l'ensemble des ILS est de 82% tandis que les ILS pour usage-revente
représentaient un peu plus de 11% (10 367 soit diminution des effectifs
de 4,5%). Concernant l'usage-revente, 7 017 faits étaient
constatés en 1993 contre 10 874 en 1998, ce qui signifie que le nombre
des ILS considérées s'est accrû de 55%. Les années
récentes indiquent toutefois un net retournement de tendance : entre
1997 et 1998, le nombre a diminué de 11%, et de 4,5% entre 1998 et 1999.
Ces chiffres permettent de supposer qu'au niveau de l'action locale, les
services répressifs concentrent leur activité sur la simple
consommation au détriment du trafic. Ils témoignent d'une
répression accrue de l'usage de substances.
La composition des interpellations en fonction des
substances souligne une large priorité accordée
à la lutte contre le cannabis au détriment de
l'héroïne et de la cocaïne. La proportion des ILS pour usage
et revente de cannabis a fortement augmenté entre 1993 et 1998, leur
nombre a ainsi été multiplié par 2,4 et elles ont
quadruplé depuis 1990 en atteignant plus de 90 000 en 2000, soit plus de
90% des interpellations. Les interpellations pour usage, usage-revente ou
trafic d'héroïne ne cessent de diminuer depuis le début des
années quatre-vingt dix. Elles ont été divisées par
trois entre 1995 et 2000 (plus de 17 000 à moins de 6 000 soit moins de
7% des interpellations), stabilisées au même chiffre qu'en 1999.
Les interpellations pour usage de cocaïne, beaucoup moins nombreuses en
valeur absolue, ont augmenté de 70% (environ 3 000 en 2000), elles
représentent toutefois moins de 3% du total des
interpellations211(*).
Les poursuites judiciaires sont en revanche
nettement moins répressives. Les services judiciaires opèrent une
sélection des usagers qui les conduit à ne poursuivre au titre
d'usage de stupéfiants qu'une faible part des contrevenants ayant fait
l'objet d'une interpellation pour ILS, avec de très grandes variations
dans l'attitude des différentes juridictions. Le nombre des
condamnations pour usage, stable depuis plusieurs années, reste
relativement faible : pour 90 000 interpellations d'usagers en 1999, 6
700 condamnations pour usage en infraction principale ont
été prononcées, dont 1 500 font l'objet d`une peine
d`emprisonnement ferme et moins de 400 incarcérations effectives en
2000. Il faut là aussi distinguer l'usage « simple » où
la personne mise à disposition de la Justice voit en
général son sort réglé promptement : le classement
sans suite pour les faits les moins importants, le classement avec rappel
à la loi par un officier de police judiciaire, voire la comparution
immédiate, constituent la règle. Des sources récentes
indiquent un taux de poursuite des usagers interpellés de 8,4% en 1999.
Pour les usagers-revendeurs, le passé judiciaire et la disposition
individuelle à se plier aux demandes formulées lors de
l'enquête peuvent être des éléments
déterminants.
Mais c'est surtout le type d'affaire dans laquelle l'usager
est mis en cause qui motive les poursuites et la peine requise. De multiples
formes de classement ou d'alternatives contribuent à faire de l'usage de
drogues illicites l'infraction pour laquelle l'abandon de poursuites est le
plus fréquent, et les peines de prison les plus rares. Néanmoins,
l'incarcération demeure possible pour un certain nombre d'usagers de
drogues même en l'absence d'autres comportements délictueux. Le
nombres de personnes incarcérées pour infraction principale
d'usage a sensiblement baissé au cours des années 90 en passant
de 1.213 en 1993 à 471 en 1995 puis a légèrement
augmenté pour atteindre 577 en 1999 avant de redescendre à moins
de 400 incarcérations effectives en 2000.
La législation adoptée par les pays
européens n'est toutefois pas uniquement fondée sur le
prohibitionnisme212(*).
Plusieurs états (Suisse, Angleterre, Hollande, Espagne) en dépit
des principes affirmés au sein des conventions internationales, ont
adopté une attitude moins répressive et ont admis l'idée
que certaines substance puissent sortirent des drogues illégales (les
drogues douces) et que l'usage thérapeutique des opiacées
(morphine, héroïne) puisse se monter opportun dans des
circonstances déterminées. Par exemple, des médecins
suisses ont déjà expérimenté l'administration
contrôlée d'héroïne213(*).
Une ligne de clivage s'est progressivement constituée
au regard de l'acceptation sociale des drogues entre les prohibitionnistes et
les antiprohibitionnistes, c'est à dire les partisans de la
légalisation (legalizers). Cette fracture idéologique a
parcouru l'essentiel des débats en matière de toxicomanie. On
assiste toutefois depuis une dizaine d'années à une remise en
cause du clivage prohibitionniste/antiprohibitionniste qui aurait
occulté les problèmes posés par la toxicomanie (en terme
de santé publique par exemple) en le réduisant à une lutte
idéologique. Le magistrat Livio Pepino observe que dans la pratique les
frontières entre les positions prohibitionnistes et
anti-prohibitionnistes se sont estompées et sont devenues
perméables, elles témoignent dans l'usage d'une attention
particulière aux toxicomanes plutôt qu'aux substances :
« Il n'est pas fondamental d'interdire ou de ne pas interdire en
abstrait : ce qui est fondamental c'est ce que font et comment sont les
personnes »214(*). Le soin de la toxicomanie a ainsi été
pendant très longtemps négligé en raison d'une prise de
position morale et idéologique contre l'usage de drogues215(*). Le refus de la drogue a
conduit inévitablement à une conception du traitement de la
toxicomanie comme éradication de la maladie.
Document n°1 : Résumé des
réponses de l'Union Européenne aux délits mineurs
liés aux drogues
2.1.2.2 Soigner en
réprimant : la représentation du
« malade-délinquant »
Le traitement de la toxicomanie, fortement influencé
par la politique prohibitionniste internationale, s'est assimilé pendant
longtemps dans de nombreux pays avec la suppression de la dépendance.
Celle ci était obtenue soit par les cures de sevrage, drug
free, soit par le biais de traitements de substitution comme dans
l'exemple américain qui sont finalisés à l'abstinence du
patient. Le toxicomane était perçu comme un malade
vis-à-vis duquel la communauté nationale avait un devoir de soin.
Cette exigence était justifiée en raison de la menace sociale que
représentait le toxicomane. Le soin et la répression
participaient dés lors d'une seule et même logique. Les politiques
publiques en matière de toxicomanie ont ainsi allié des approches
et des priorités contradictoires : celle de vouloir réprimer
la toxicomanie (modèle prohibitionniste) et de vouloir soigner l'usager
de drogues (modèle médical)216(*)216(*).
La prise en charge des usagers de drogues s'est ainsi fondée sur une
association étroite entre santé publique (l'objectif essentiel
étant de soigner la toxicomanie) et ordre public (en réprimant la
demande de stupéfiants, l'objectif est de contenir l'offre
supposée elle-même entretenir la demande).
L'approche exclusive du « malade-délinquant »
a contribué à cristalliser la contradiction de fond entre deux
registres d'action publique. Le contexte de la prise en charge
médico-sociale a probablement contribué à éloigner
les soignants d'une attitude plus attachée aux soins des usagers qu'au
traitement de la « toxicomanie » en tant que telle. Il est
aujourd'hui admis que tous ces aspects ont entretenu une confusion des logiques
répressives et médico-sociales qui structuraient la prise en
charge des usagers de drogues : à la « guerre à la
drogue » des premières répondait l'impératif
d'abstinence des secondes. Les deux membres de ce couple suivaient un objectif
d'éradication, formulé dans des champs a priori
étrangers l'un a l'autre. Les Etats-Unis constituent un exemple
très significatif du modèle
« médical/répressif »217(*). La politique de
médicalisation de la toxicomanie, où l'usager de drogues est
perçu comme un malade pouvant être soigné par le biais de
traitements aux opiacés puis sous méthadone, s'est ajoutée
à une forte prohibition des substances. L'usager de drogues était
perçu aussi bien comme un malade que comme un criminel rendant
impossible une véritable prise en charge par le système
sanitaire.
La prescription de drogue de maintien eu lieu aux Etats-Unis
dés le début du vingtième siècle avec les
premières lois du régime prohibitionniste. Ce fut tout d'abord
l'Harrisson Act de 1914, puis l'ouverture des narcotic
clinics qui proposent aux patients des doses d'opiacées soit
à long terme soit dans un but d'abstinence. Ce système est
vivement critiqué durant le prohibitionnisme et la dernière
narcotic clinic ferma en 1925. La prescription de maintien fut
réouverte durant les années soixante mais uniquement pour la
méthadone. Les recherches qui avaient alors lieu sur cette nouvelle
substance permirent de convaincre les autorités publiques: la
méthadone peut abolir le « désordre
métabolique » causé par la dépendance et bloquer
le craving afin d'immuniser l'individu des effets euphorisants. La
toxicomanie est perçue de nouveau comme un problème
médical dont la méthadone constitue une solution miraculeuse. La
dépendance passe du statut de « comportement
immoral » à celui de « maladie ». Les
Etats-Unis ont dès lors développé de nombreuses
thérapies médicalisées reposant uniquement sur les
traitements de substitution de méthadone au détriment d'un
véritable suivi psycho-social218(*)218(*).
Le modèle de politiques publiques qui tentent de
concilier soin et répression de la toxicomanie, à l'image du
dispositif américain, s'est développé dans de nombreux
pays européens au cours des années soixante-dix. La France est un
exemple frappant d'une telle politique. La loi du 31 décembre 1970, sur
laquelle repose encore actuellement, au moins en partie, le système
français de soin de la toxicomanie, en symbolise l'essence.
«La loi de 1970 tente de concilier un objectif de
répression (la drogue est inacceptable socialement) et un objectif de
prévention secondaire avec l'ouverture d'une démarche de soins
alternative aux sanctions pénales, en appliquant les principes de
l'anonymat et de la gratuité des soins. Elle place ainsi l'usager de
drogues dans un statut contradictoire de malade et de délinquant :
tout en l'obligeant à se soigner, elle le maintient dans une
clandestinité paradoxale »219(*)
Tous les pays européens n'ont bien sûr pas
adopté des politiques sanitaires fondées sur le modèle
médical. Le traitement de la toxicomanie est l'objet d'un clivage entre
d'une part les partisans du modèle
« médical » qui implique dans une approche
individuelle de « soigner » le
« patient » afin de le mener jusqu'à l'état
d'abstinence et d'autre part le modèle du Public
Health qui privilégie les conditions
générales de vie et les relations sociales des consommateurs,
où le concept de santé est substitué par celui de
bien-être220(*)220(*). Le Public Health
part de considérations pratiques c'est à dire des conditions de
vie effectives des toxicomanes. Cette conception fut par exemple à la
base du système de soin de la toxicomanie adopté en Angleterre ou
encore aux Pays-Bas. Ce modèle est très proche de la
réduction des risques telle qu'elle est apparue à la fin des
années quatre-vingt.
Les politiques publiques en matière de toxicomanie
présentent, malgré leurs diversités qui sont liées
aux spécificités de chaque Etat, de nombreux traits communs. Deux
clivages semblent émerger : d'une part la distinction entre
prohibitionnisme et anti-prohibitionnisme, en ce qui concerne la
législation sur les drogues et leur acceptation sociale, et d'autre part
une opposition entre le modèle médical et le modèle du
Public Health en matière de traitement de la
toxicomanie221(*). Un
groupe de chercheurs a établit une nomenclature constituée de
trois modèles222(*) : le modèle prohibitionniste qui
considère l'usage de drogues comme étant immoral et qui aboutit
à une guerre à la drogue (war on drugs) comme dans
l'exemple américain, le modèle anti-prohibitionniste qui
établit que la source du problème réside dans la
criminalisation de consommateurs et le modèle médical qui voit le
toxicomane avant tout comme un malade. Tandis que le modèle
prohibitionniste ne prend en considération que l'aspect moral et
transforme le toxicomane en criminel, l'antiprohibitionnisme ne voit que
l'aspect légal et ignore les dangers possibles d'un développement
des drogues, le modèle médical ne considère que l'aspect
physiologique de la drogue sans en voir l'aspect social. Le modèle de
politique publique le plus adapté semble alors être celui du
Public Health qui reste le plus pragmatique et le moins
idéologique.
Les politiques publiques sanitaires adoptées par les
pays européens présentent de nombreuses similitudes223(*). En effet, presque tous les
pays européens ont adhéré aux principales conventions
internationales et ont tenté de réprimer le trafic et la
consommation de substances stupéfiantes. Pourtant au delà de ces
similitudes, les réponses nationales face à la drogue se sont
exprimées de façon très singulières. Ainsi, comme
le note Monika Steffen, les systèmes législatifs nationaux sont
très hétérogènes en ce qui concerne le traitement
de la toxicomanie224(*)224(*). Ces différenciations
nationales renvoient aux cultures d'action publique mais aussi aux cultures
professionnelles dominantes. Ainsi Monika Steffen rappelle que
« l'esprit des lois et leur application sont intimement liés
aux philosophies professionnelles qui dominent le secteur dans chaque
pays »225(*).
Il s'agit dès lors de voir comment la France et l'Italie ont
répondu de façon spécifique au problème de la
toxicomanie.
2.2 La mise en place du
modèle « soin/répression » dans des contextes
spécifiques : la France et l'Italie
Les pays industrialisés adoptèrent dès
le début du vingtième siècle des politiques publiques
très similaires. Celles-ci reposaient d'une part sur une
stratégie prohibitionniste visant à interdire la production et
circulation de stupéfiants afin d'en limiter le trafic. Il s'agissait
d'autre part de réprimer l'usage de substances afin de criminaliser les
consommateurs. Cette politique fut cependant mise en place selon des
modalités très distinctes entre la France et l'Italie. Tandis que
le système français a bénéficié d'un champ
professionnel de la toxicomanie très homogène et d'un mouvement
de répression uniforme durant les années soixante-dix, le
dispositif italien a connu plusieurs retournements politiques qui ont
empêché l'élaboration d'une réflexion sur le long
terme.
2.3.1 Un modèle
répressif français uniforme
Les politiques françaises en matière de
toxicomanie reposent principalement sur une logique de contrôle social.
Il s'agit avant tout pour le législateur de protéger l'ensemble
du corps social face à la menace que représente le toxicomane.
Celui ci est ainsi perçu comme un
« malade-délinquant » qui doit être
soigné. La référence idéologique à la
défense de la nation parcourt l'ensemble de l'histoire des politiques
publiques françaises. Elle justifia par exemple l'idéal
d'abstinence qui présida aux soins de la toxicomanie après la loi
de 1970. Cet idéal doit être mis en relation, selon Alain
Ehrenberg, avec la prégnance de la culture républicaine
française selon laquelle l'Etat reste le défenseur du lien
social. Une stratégie qui vise l'abstinence est légitimée
du fait que le toxicomane représente un danger vis-à-vis de
l'ordre social, il a besoin par conséquent d'être
rééduqué et réinséré au sein du corps
social226(*)226(*). La logique
socio-répressive va par conséquent orienter la logique
médicale, qui n'est que seconde.
2.3.1.1 La
prépondérance d'une logique répressive
Comprendre l'évolution des politiques publiques en
matière de toxicomanie exige de procéder à un retour sur
l'évolution historique des drogues en France227(*). Un usage hédoniste
des substances psychotropes se développe au début du 19ème
siècle au sein des milieux littéraires. A partir du milieu du
19ème siècle, l'usage de la morphine se
démocratise et se répand dans les couches les plus
défavorisées. La morphine se développe de 1880 à
1890 puis l'opium au début du 20ème siècle et enfin la
cocaïne s'accroît des années 1900 jusqu'aux années
1920.
Les médecins sont les principaux acteurs de la
modification sociale de l'usage des drogues puisque c'est eux qui sont dans un
premier temps le vecteur d'utilisation de celles ci avant d'en relever
ultérieurement les effets négatifs. Chaque substance
connaît donc une première phase d'utilisation avant d'être
considérée comme un danger. Après observation des effets
d'accoutumance sur l'organisme, les concepts d'éthérisme ou de
morphinisme sont mis en place sur le modèle de l'alcoolisme
établi par Magnus Huss en 1849. Une nouvelle explication fondée
sur la folie (manie en grec) est apportée dans les années 1880 et
une série de nouveaux termes font leur apparition afin de qualifier les
phénomènes liées aux substances psychoactives :
éthéromanie, cocaïnomanie, toxicomanie228(*).
L'inquiétude du corps médical face aux conduites
addictives s'amplifie à partir de 1923. Un système de
contrôle des stupéfiants intervient en 1948 sous l'impulsion d'un
groupe de médecins de Fontainebleau. Le dispositif repose alors sur des
carnets à souches d'ordonnance qui permettent une prescription
limitée et non renouvelable. Ce dispositif échoue en raison de
lourdeurs administratives mais surtout de l'indépendance du corps
médical229(*).
Malgré l'échec de ce dispositif, il est important de noter la
tentative des médecins afin de conserver le contrôle sur l'usage
et la distribution des drogues, en particulier celles découvertes par le
corps médical. Ainsi, comme le notent Markos Zafiropoulos et Patrice
Pinell, le seul mode d'usage légitimement reconnu par la
société devient l'usage thérapeutique230(*)230(*). Les médecins favorisent les
stratégies de « disqualification » des groupes
sociaux qui utilisent ces drogues à des fins non
médicales231(*).
Le problème du traitement des toxicomanes
apparaît alors dans ce contexte. Déjà les
spécialistes s'affrontent entre les tenants d'un arrêt brusque et
les partisans d'un arrêt progressif avec utilisation de substances de
substitution232(*).
Toutefois, l'idée d'une impossibilité à traiter
médicalement les toxicomanes semble l'emporter, c'est le triomphe du
scepticisme thérapeutique233(*). L'idéologie prohibitionniste va alors
influencer les priorités sanitaires : sous le poids des pressions
internationales les préoccupations de santé publique qui avaient
motivé les premières réglementations vont céder la
place aux intérêts politiques prohibitionnistes. La
législation française en matière de toxicomanie est, selon
l'expression de Henry Bergeron, « le fruit d'un long glissement de
préoccupations sanitaires vars des préoccupations
politiques ».
La première réglementation française est
une ordonnance royale du 19 juillet 1845 qui vise à contrôler le
commerce des substances vénéneuses (morphine et arsenic) afin de
prévenir les empoisonnements volontaires et accidentels. Cette mesure
reste toutefois insuffisante à enrayer la morphinomanie et sous les
pressions du corps médical, qui décrit la toxicomanie comme une
cause de dégénérescence humaine et un danger social, le
Comité Consultatif de l'Hygiène Publique propose des
réformes réglementaires de contrôle des officines
pharmaceutiques afin de limiter l'approvisionnement des substances. L'opium
s'introduit au début du vingtième siècle par le biais des
fonctionnaires, des administrateurs et des marins français travaillant
en Indochine. Alors que le morphinomane était une victime, le toxicomane
devient avec l'opium responsable de son état. Un décret est
adopté le 1er octobre 1908 afin de réglementer la
« vente, l'achat et l'emploi de l'opium ou de ses
extraits ».
Trois propositions de loi sont déposées à
la Chambre des Députés peu avant la première guerre
mondiale234(*)234(*). Les deux premières
tendent à réprimer la vente, la consommation et le transport de
l'opium et de la cocaïne tandis que la troisième vise à
« réglementer la vente des toxiques : morphine, opium,
éther, cocaïne, haschich » mais elle présente
surtout la particularité de soumettre les usagers à une
obligation thérapeutique dans le cadre d'asiles créés
à cet effet. La première guerre mondiale contribue à
diaboliser les substances en présentant la cocaïne comme une arme
allemande utilisée afin d'« affaiblir la race
française ». Une loi relative à
l'« importation, le commerce, la détention et l'usage de
substances vénéneuses, notamment l'opium, la morphine et la
cocaïne » est votée à l'unanimité par les
parlementaires et promulguée le 12 juillet 1916. C'est dans la
perspective d'une protection du corps national contre les dangers du trafic
qu'est adoptée cette loi. Dans l'esprit du législateur, il s'agit
avant tout de combattre « l'usage en société »,
pratiqué dans les fumeries d'opium mais plus souvent encore dans des
appartements privés235(*). La législation soumet les stupéfiants
à un régime extrêmement sévère et introduit
le délit de leur usage en société (opium, morphine,
cocaïne, haschich). Aucune distinction n'est établie entre l'usager
et le trafiquant qui sont punis des mêmes peines (trois mois à
deux ans d'emprisonnement et 1000 à 10000 francs d'amende).
Une Commission interministérielle des
stupéfiants, qui deviendra la Commission des stupéfiants et des
psychotropes, est instituée en 1930 en application de la Convention de
Genève de 1925. Son rôle était alors de réglementer
les conditions dans lesquelles devaient être stockés et
utilisés les stupéfiants par les industries pharmaceutiques. La
période 1916-1939 est marquée par la diffusion de nouveaux usages
et pratiques illégales dans la distribution d'opiacés, et par un
rajeunissement des consommateurs. La loi offre alors toujours aussi peu de
réponses à la situation médicale d'individus qui
échappent au système de soins (il n'existe pas encore de prise en
charge spécialisée), mais qui sont très rarement
condamnés par les tribunaux. Le glissement vers la figure d'un «
toxicomane-délinquant » s'opère dès lors, entre les
deux Guerres mondiales, et consacre la double prise en charge de l'usager par
les institutions pénales et médicales.
La première loi globale en matière de
stupéfiants est adoptée le 24 février 1953 sous les
pressions de l'ordre médical et des instances internationales. Elle
comporte un axe répressif qui aggrave les peines encourues en cas de
trafic et institue l'Office central de répression du trafic illicite de
stupéfiants (OCRTIS), un organe policier chargé de centraliser
les informations et de coordonner les opérations de répression du
trafic. Néanmoins, pour la première fois, la loi comprend un
volet sanitaire puisqu'elle énonce l'idée d'une prise en charge
spécifique des toxicomanes. La loi du 24 décembre 1953 ne sera
toutefois jamais mise en vigueur, le règlement d'administration publique
prévu pour son application n'ayant jamais vu le jour ; le traitement de
la dépendance reste assuré par les institutions psychiatriques.
Malgré cette première disposition sanitaire, le problème
de la drogue n'est pas perçu jusqu'à la fin des années
1960 en France comme un problème de toxicomanie ou de santé
publique mais uniquement sous l'angle du trafic international236(*)236(*). Ainsi, bien avant 1970, les principes
élémentaires de la législation actuelle sur les
stupéfiants sont établis. La loi du 31 décembre 1970
« relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et
à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances
vénéneuses »237(*) marque une étape décisive dans
l'élaboration du système français en matière de
stupéfiants et de toxicomanies. Elle constitue l'aboutissement d'une
logique répressive initiée au début du
siècle238(*).
2.3.1.2 La loi du 31
décembre 1970 ou l'aboutissement du modèle
répressif
« La loi de 1970 est, sans aucun doute, l'acte
fondateur d'une philosophie politique d'action qui place au coeur de sa
démarche, la guerre contre la drogue, contre ceux qui l'importent et qui
la vendent, et qui fait du simple consommateur un
hors-la-loi »
Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une
singularité française
La loi de 1970 intervient dans un contexte social
particulier : la France assiste durant la fin des années soixante
à une modification des habitudes de consommation par un rajeunissement
des usagers de substances qui revendiquent le prise de drogue comme mode de
vie239(*)239(*). A travers la loi de
décembre 1970 c'est une vaste opération de
«re-moralisation» de la société qui est entreprise par
la classe politique française en réponse à Mai
1968240(*).
Le texte du 31 décembre 1970 délimite, ensemble
au décret du 29 décembre 1988, le régime français
applicable aux stupéfiants qui est fixé par les articles L.627
à L.630-3 et R.5171 à R.5182 du Code de la santé publique.
Il comporte, en premier lieu, un volet répressif qui sanctionne le
trafic, l'usage et la détention de stupéfiants ; le
législateur prévoit des mesures, comme c'est le cas pour le
délai de garde à vue ou encore pour les perquisitions, relevant
du droit d'exception c'est à dire hors du droit commun. Le trafic de
stupéfiants est passible d'une peine de 20 d'emprisonnement et d'une
amende de 50 millions de francs241(*).
La particularité de la loi de 1970 est d'instituer la
pénalisation de l'usage. Elle considère l'usager
de stupéfiants comme un sujet de droit pénal. Ainsi
« ceux qui auront, de manière illicite, fait usage de l'une
des substances ou plantes classées comme stupéfiants »
sont passibles de deux mois à un an d'emprisonnement et de 500 francs
à 1500 francs d'amende ». La loi n'opère aucune
distinction de nature entre les substances consommées, pas plus qu'elle
ne prend en compte le degré de dépendance de l'usager à la
substance. Cette loi s'inspire directement d'une conception prohibitionniste et
répressive des drogues.
Le second objectif du législateur était de
réprimer toute publicité en faveur de la
consommation de stupéfiants. La présentation sous un
jour favorable d'un stupéfiant (qui est perçue comme une
incitation à la consommation) est en effet passible de 5 ans de
réclusion et de 500.000 FF d'amende au titre de l'article L630 de la loi
du 31 décembre 1970242(*). Outre le volet répressif de la loi de 1970,
le législateur ouvre un volet sanitaire en affirmant
comme principe que « toute personne usant des produits classés
comme stupéfiants est placée sous la surveillance de
l'autorité sanitaire »243(*)243(*).
La loi institue notamment le principe de l'injonction thérapeutique qui
offre une alternative au toxicomane entre les poursuites judiciaires et le
commencement d'un programme thérapeutique244(*).
La loi de 1970 constitue un exemple du modèle des
politiques publiques qui tentent de concilier la criminalisation et le soin des
toxicomanes. Elle est avant tout le résultat d'un compromis entre des
aspirations antagonistes : « la loi du 31 décembre 1970
cherche à établir, en ce qui concerne l'usage de
stupéfiants, un compromis entre pénalisation et traitement, en
associant l'injonction thérapeutique et une sanction
pénale ».245(*) L'un des points faibles de la loi de 1970 est
toutefois son manque de cohérence et de clarté. Elle ne
définit pas par exemple le terme de toxicomane auquel elle se
réfère pourtant dans le titre de la loi246(*). Ces ambiguïtés
se sont traduites par un nombre excessif de circulaires émises par les
ministères de la Justice, de la Santé et de
l'Intérieur : en 30 ans d'application, près de 500
circulaires ont été recensées. Elles illustrent les
difficultés d'application qu'a rencontrées la loi247(*).
D'autres lois font suite à celle de 1970 et accentuent
la lutte contre le trafic et contre la consommation. La loi du 17 janvier 1987
crée la catégorie de l'« usager revendeur »
qui ne sera pris en compte dans les statistiques criminelles de l'OCRTIS
qu'à partir de 1996. La loi de décembre 1987 renforce la lutte
contre le grand trafic, la procédure est alignée en 1994 à
celle qui est appliquée contre le terrorisme. La loi de 1996 fait de
l'incitation des mineurs à la consommation un délit et permet aux
associations de se constituer partie civile. Enfin, la législation des
stupéfiants est rattachée en 1994 au nouveau Code pénal,
à l'exception des délits d'usage qui relèvent du Code de
la santé publique.
La politique française en matière de toxicomanie
se caractérise en définitive par une forte continuité. La
logique sociale répressive qui vise à protéger le corps
social des toxicomanes, perçus comme des délinquants, reste
prédominante sur la logique médicale. Mieux encore, c'est cette
même logique sociale qui est à l'origine de la prise en charge
sanitaire des toxicomanes, conçue comme un endiguement. La politique
italienne se fonde sur la même considération
sociale-répressive de la toxicomanie. Elle ne bénéficie
pas en revanche de la même permanence en raison du modèle de
politique publique qui s'est développé en Italie.
2.3.2 L'inconstance des
politiques italiennes en matière de toxicomanie
La compréhension de la politique qui a
été mis en place en Italie rend nécessaire une
réflexion sur le modèle de politique publique italien. Il est
difficile, comme le rappelle Bruno Dente, de parler d'un style particulier
(policy style) correspondant aux politiques publiques
italiennes248(*)248(*). Elles se singularisent en
revanche par deux traits importants. Le premier est le caractère
consensuel des interactions entre les différents acteurs, du fait que
les institutions politico-administratives ne sont pas en mesure d'imposer des
normes aux groupes d'intérêts organisés. Dario Rei explique
cet affaiblissement de la figure de l'Etat par une légitimation sociale
insuffisante et un sociétarisme-associationnisme qui s'exprime à
travers une méfiance vis-à-vis des institutions et des acteurs de
la politique étatique. Cette observation serait d'autant plus valable
pour les politiques sanitaires italiennes qui correspondent, selon Elena
Granaglia, à l'archétype de la policy community ou de
l'issue network249(*). Ce modèle se caractérise par la
recherche d'un consensus impossible du fait de fortes divergences entre les
intérêts exprimés par les acteurs.
La seconde caractéristique est l'orientation vers la
nature réactive des décisions à l'inverse d'un
modèle de l'anticipation. Rei Dario estime que « la
capacité d'anticiper les problèmes est absente de presque toutes
les politiques envisagées »250(*). Les décisions publiques italiennes sont
souvent dotées d'un fort caractère d'urgence, voire de
dramatisation. Cette difficulté est liée, selon Bruno Dente,
à l'absence d'une forte bureaucratie organisée, incapable de
mettre à l'ordre du jour de l'agenda public les priorités
nationales251(*). C'est
dans ce cadre de l'action publique que vont prendre place les politiques
italiennes en matière de toxicomanie.
2.3.2.1 Une
législation progressiste motivée par une exigence de
contrôle social
La prise en charge de la toxicomanie en Italie doit être
replacée dans le contexte de la social-démocratie qui se
caractérise par des valeurs solidaristes mais aussi par la tendance au
contrôle social de la personne à travers le cadre
délimité par les institutions. Ces deux principes servent de
fondement au traitement répressif de la toxicomanie. On peut par exemple
remarquer que les défenseurs d'une politique punitive se
référent de façon paradoxale à l'idée de
solidarité vis-à-vis du toxicomane. Comment passe t-on de la
représentation du toxicomane comme criminel à celle de la
solidarité ?
Grazia Zuffa rend compte de ce glissement sémantique
par l'idée du toxicomane comme personne « dangereuse pour soi
même »252(*). A l'image du drogué criminel se superpose
celle du malade mental dénué de l'exercice de ses droits. Ce
« solidarisme autoritaire », comme l'appelle Grazia Zuffa
n'est pas seulement l'apanage des conservateurs catholiques mais
représente également l'état d'esprit d'une gauche qui se
souhaite plus proche du centre253(*). Le toxicomane, comme le rappelle Orsenigo,
représentait dans l'Italie des années soixante-dix la
catégorie déviante par excellence qui était
résumée à une simple question sanitaire254(*). La médicalisation de
la toxicomanie était avant tout un instrument de contrôle social,
que décrivent Scannagatta et Noventa :
« Médicaliser la déviance et
certains de ses aspects particuliers peut devenir un excellent moyen afin de
généraliser le problème à une intervention de
contrôle étendue et simultanément à une tentative de
classification d'une série de sujets sociaux qui provoquent de la
délinquance du fait qu'ils sont malades [...] A travers cette
modification du modèle de contrôle social il est possible de
rejoindre plusieurs objectifs avec une seule manoeuvre : on substitue les
systèmes de référence du concept de peine avec celui de
soin, on élargit la catégorie des possibles
« malades », on multiplie l'intervention médicale au
sein de la société, on élargit le contrôle social en
rejoignant l'idéologie, fausse, des soins et du bien- être social.
C'est pour cette raison qu'il est nécessaire de reconsidérer la
drogue et les situations voisines en terme de transformation d'un
système de contrôle »255(*)255(*)
La création d'un service de soin spécifique
à la toxicomanie répondait ainsi plus au besoin de classifier et
contrôler que d'apporter réellement un soin. Les médecins
et psychologues ont été restreint à un rôle de
contrôle social (Orsenigo parle de « fonction
gestionnaire »)256(*). Le personnel des services sanitaires a d'ailleurs
toujours bénéficié d'une faible formation et d'une moindre
motivation en matière de toxicomanie. Une absence de culture
spécifique au traitement de la toxicomanie a encouragé à
reproduire les préjugés sociétaux. Le soin des toxicomanes
a été délégué au « privé
social » à travers le financement de structures
privées, telles que les communautés thérapeutiques, au
détriment des services sanitaires. Le traitement de la toxicomanie en
Italie a correspondu pendant longtemps à une forte
délégation au secteur privé et non
professionnalisé.
La législation italienne en matière de
toxicomanie fut nettement avant-gardiste en comparaison des autres
législations européennes257(*). En 1975 est approuvée la loi 685
(« Disciplina degli stupefacenti e sulla prevenzione, cura e
riabilitazione dei relativi stati di tossicodipendenze »), qui
présente de nombreuses innovations, en substitution de celle de 1954 qui
était totalement prohibitionniste. Ce texte était
inséré d'une part dans un processus général de
réformes institutionnelles (pénitentiaire, sanitaire,
psychiatrique, décentralisation administrative, etc.) des années
soixante-dix, et d'autre part dans un mouvement de modernisation de la
société qui inscrit dans la loi la libéralisation des
moeurs, l'émancipation des femmes, le droit au divorce et à
l'avortement. La L.685 soustrait le toxicomane du droit pénal en le
considérant aussi bien comme une victime qu'un malade nécessitant
d'être soigné. Le toxicomane passa du statut de déviant
à celui de malade. Toutefois, cette loi mit en avant une excessive
médicalisation du toxicomane en négligeant ainsi les
interventions à caractère socio-réhabilitatif258(*).
Le texte de 1975 présente de nombreuses innovations
juridiques en faveur des toxicomanes259(*)259(*).
Il introduit une distinction entre vente et consommation, entre drogues douces
et drogues dures, et entre petits vendeurs et trafiquants. La possession de
drogues en « quantités modestes » enclenche des
sanctions administratives, les personnes arrêtées sont
signalées aux centres de soins spécialisés qui leur
proposent un programme de désintoxication. Les « petits
vendeurs » sont passibles d'une peine d'emprisonnement à
laquelle peut se substituer un traitement en centre d'accueil.
Le législateur prévoit également le
développement des actions préventives par le biais des
Comitati Regionali per la Prevenzione delle Tossicodipendenze, des
Regioni et des Enti locali ou Structures locales. La loi de
1975 ne détermine pas en revanche l'organisation des structures
thérapeutiques qui aura lieu en 1978 lors de la réforme
générale du système de santé. Par la suite, la loi
689 de 1981 («Modifications du système pénal») poursuit
la perspective anti-prohibitionniste. Elle introduit une
dépénalisation en limitant les sanctions administratives
pécuniaires et prohibitives et établit des peines de substitution
aux périodes de détention de courte durée260(*). Cette législation
présente à l'époque de nombreuses nouveautés en
comparaison avec les pays voisins (Allemagne, France, Espagne). Elle va
toutefois faire l'objet d'une remise en cause à la fin des années
quatre-vingt dans la situation d'urgence sanitaire que l'épidémie
de Sida impose.
2.3.2.2 Le retournement
prohibitionniste de 1990 : la loi
« Jervolino-Vassali »
A la fin des années quatre-vingt, comme le note Grazia
Zuffa, alors même que plusieurs pays européens sont en passe de
reconsidérer les précédentes politiques prohibitionnistes
adoptées jusque là, l'Italie est à l'inverse en pleine
crise de la drogue avec une augmentation du nombre de toxicomanes
d'héroïne et du nombre d'infections à VIH. Le
mécontentement populaire est tel que les législateurs italiens
décident alors de mettre en place un changement de cap en faveur du
prohibitionnisme et d'aller ainsi à l'encontre des évolutions
européennes261(*). La loi répressive de 1990 ne constitue
cependant pas un geste isolé ; elle participe à une
période plus ample (1987-1992) caractérisée par une forte
instabilité politique et marquée par la mise sur l'agenda des
interventions socio-sanitaires « d'urgence » notamment dans
le secteur de l'immigration (loi 28 février 1990, n.°39) et de la
toxicomanie (loi 26 juin 1990, n°162).
Le retournement italien s'amorce à la fin des
années quatre-vingt lorsque Bertino Craxi, président du Conseil,
proclame en automne 1988, au retour d'un voyage effectué aux Etats-Unis,
la fin de la « permissivité » sur les drogues. Il
se réfère alors à la loi 685 de 1975 qui prévoyait
la non-punibilité de la consommation personnelle. La ministre de la
Santé démocrate-chrétienne de l'époque, Rosa Russo,
se rallie à la directive de son parti après avoir donné
quelques déclarations à contre courants. Le gouvernement
prévoit un texte en 1989 qui est envoyé en discussion au
Sénat. Il prévoit d'interdire explicitement la consommation de
substances en la condamnant d'une sanction pénale tout en aggravant les
peines pour trafic et recel. La nouvelle loi poursuit un double objectif :
celui tout d'abord de combler les lacunes de la loi 685, et d'apporter d'autre
part une punition envers le toxicomane qui soit suffisamment forte pour
l'amener à entreprendre une thérapie262(*)262(*).
Au court des débats la précédente loi 685
est fortement critiquée. Elle est mise en cause dans la progression du
Sida263(*). C'est
surtout l'article 80 de cette loi, qui prévoit la
« non-punibilité » d'une personne détenant
une substance en quantité « modique », qui est
attaqué. Les deux rapporteurs au Sénat, Condorelli et Casoli,
soutiennent qu'elle « a contribué culturellement et
psychologiquement à faire considérer l'usage de substances comme
accepté, licite et même comme la manifestation d'un droit à
la liberté, plutôt qu'une contre valeur et un comportement
socialement et juridiquement réprouvable »264(*). La défense du
projet de loi gouvernemental repose sur la menace que représente chaque
toxicomane. Les arguments employés alors rappellent directement, comme
le note Grazia Zuffa, ceux utilisés lors de la loi sur la folie de 1904,
selon laquelle l'internement des malades se justifiait en raison du danger
social qu'ils représentaient. Les rapporteurs décrivent ainsi au
cours de leur argumentaire le toxicomane comme un individu dangereux pour
lui-même et le reste de la société.
«Créer des remèdes contre le danger
que l'habituel consommateur de drogues exprime envers lui-même et envers
les autres. Celui ci est un sujet à risques, étant une
personne négligeant de sa propre santé physique et psychique et
de sa propre sécurité, mais aussi socialement dangereux et pas
uniquement d'un point de vue sanitaire. Il est un potentiel revendeur et un
potentiel incitateur à la consommation [...] Il est en outre sujet
à des pulsions criminelles [...] qui l'incitent, afin de pouvoir se
droguer, à commettre des délits et à offrir des
opportunités dangereuses »265(*)265(*)
Les débats parlementaires soulèvent d'amples
critiques. Le parti radical y voit une ingérence américaine sur
la politique intérieure. Le syndicat des magistrats invoque
l'anti-constitutionnalité de la loi du fait qu'elle prive les
toxicomanes intraveineux des soins nécessaires que la constitution
garantit en droit à tous. Plusieurs sénateurs et
députés (il s'agit avant tout de la Gauche Indépendante,
Sinistra Indipendente) rejettent le texte gouvernemental au nom du
refus d'un « Etat éthique [et d'une] conception de la loi
comme instrument de la morale ». A l'Etat éthique totalitaire,
à la base de la philosophie du projet gouvernemental, est opposé
l'« Etat de droit social qui a le devoir de soutenir les citoyens et
les citoyennes dans l'exercice de leur liberté ». Un mouvement
d'opposition fait également jour en Italie face au projet de loi. Un
document intitulé « Eduquer et non pas punir » est
publié par un ensemble d'associations catholiques (ACLI, Azione
cattolica, Coordinamento delle Communità di Accoglienza) est
significatif de ce mouvement.
La loi votée en 1990 (n°162), dite loi
Vassali-Jervolino en raison du nom des ministres qui en ont fait la
proposition, énumère un ensemble de mesures restrictives et
prohibitionnistes : elle précise les « doses
journalières », aggrave les peines pour le
« petit » vendeur, notion définie de manière
très restrictive. La loi de plus introduit la prison ferme pour les
consommateurs récidivistes et renforce la surveillance des patients en
traitement sous peine alternative. La décision de la peine alternative
revient désormais au préfet, nouvel acteur des politiques
publiques de toxicomanie, au détriment des magistrats. L'article le plus
« innovant » reste toutefois l'article 72 qui instaure
l'interdiction d'user, pour soi et personnellement, n'importe quelle drogue
illégale en le rendant passible sur le plan pénal. Cette
décision, qui constituait un recul au regard de la loi de 1975,
était intimement liée aux pressions exercées par la
politique prohibitionniste américaine.
Les thérapies sont également revues à
l'aune des nouveaux critères introduits par la loi : sont ainsi
admis les seuls traitements drug free selon le modèle des
communautés gérées essentiellement par des volontaires (le
plus souvent catholiques) qui s'était développé au cours
des années quatre-vingt266(*). La nouvelle législation limite
sévèrement l'usage de la méthadone en la réservant
aux seuls toxicomanes malades du Sida, refusant ainsi les thérapies
autres que celles de sevrage. Carlo Casini déclarait dans ce sens :
« De l'expérience assez riche des communautés
thérapeutiques il émerge qu'il n'existe pas un programme
réhabilitatif sérieux qui ait quelque espoir de succès qui
ne parte pas de l'affirmation d'une règle, c'est à dire qu'il est
nécessaire d'arrêter toute drogue
immédiatement »267(*). La réforme insiste en revanche sur les
thérapies psychologique et sur le rôle de l'insertion sociale et
familiale des toxicomanes. La professionnalisation des opérateurs enfin
est également rejetée tandis que le volontariat est
présenté comme une des seules voies d'issue possibles.
Cette loi, qui n'a pas été rédigée
dans un esprit seulement punitif, inaugure certaines mesures
non-prohibitives : elle encourage la distribution et l'échange de
seringues par exemple268(*). Elle statut également sur le droit au
travail des toxicomanes. Ainsi, un toxicomane souhaitant commencer un
traitement thérapeutique a la possibilité de conserver son
travail pendant une période de trois ans.
La réforme fait rapidement l'objet de nombreuses
critiques et un référendum a lieu en avril 1993. Il met fin
aux « innovations » de la loi Jervolino-Vassali et
procède à un retour à la législation
précédente. Il dépénalise la détention de
substances qui est dés lors considérée comme un
délit passible d'une sanction administrative (art.75)269(*). La peine administrative
relève en général des préfets, la sanction la plus
courante étant le retrait du permis de conduire à la personne
convoquée qui est considérée comme étant sujette
à des altérations psychiques. Le référendum a
également permis d'éliminer la « dose moyenne
journalière », établie par l'Instituto Superiore
della Sanità, qui permettait d'établir la limite entre les
personnes détenant une dose à usage personnel et les personnes
soupçonnées de recel. L'intention du référendum
était de tracer une distinction nette entre l'usage personnel d'une
substance et les autres utilisations qui en sont faites. Les
conséquences immédiates ont été jugées
décevantes par certains puisque l'issue du référendum
s'est accompagnée de la libération de 153 personnes qui
étaient emprisonnées pour usage personnel. En revanche les
personnes incarcérées pour un autre motif lié à la
drogue étaient de 15.000 en 1997, soit 29% de l'ensemble des
détenus. Ils en représentaient 28% en 1990 et 32,8% en 1991,
chiffre qui a progressivement diminué à partir de 1993270(*)270(*).
Deux points de cette loi sont actuellement
controversés : le premier concerne la sanction administrative
encourue par une personne faisant un usage personnel de substances. La dose
quotidienne a été supprimée lors du
référendum de 1993 mais certains problèmes subsistent.
D'une part, la sanction administration est liée à la
liberté de jugement avec laquelle la police peut évaluer la
quantité de drogue trouvée en possession d'une personne. La
charge de la preuve se fait le plus souvent en défaveur du toxicomane
qui doit justifier son mode de consommation, si l'explication n'apparaît
pas suffisante il est alors accusé de recel. La seconde critique
concerne le fait que cette loi n'établisse pas une distinction entre de
nombreuses substances en leur accordant un niveau similaire de danger. Il
s'agirait pour certains d'extraire le cannabis de cette législation en
tant que drogue douce.
Document n°2 : Sanctions pénales et
administratives en matière de toxicomanie selon la législation
italienne en vigueur (DPR n. 309/90)
Production et trafic illicite de substances
stupéfiantes et psychotropes
|
Drogues
|
Amendes
|
Sanctions pénales
|
Drogues dures
|
de 5 a 50 millions L.
|
1 - 6 ans
|
Drogues douces
|
de 2 a 20 millions L.
|
6 mois - 4 ans
|
Usage personnel de substances stupéfiantes.
Sanctions administratives
|
Drogues dures
|
Suspension du permis, passeport, port d'arme, permis de
séjour
|
Drogues douces
|
Invitation formelle à ne plus faire usage de
substances
|
5 jours après la verbalisation, la personne est
convoquée par le préfet et peut choisir entre deux options
|
Option A
|
La personne décide d'elle-même d'entreprendre un
programme thérapeutique et socio-réhabilitatif. Le préfet
peut alors mettre fin aux sanctions administratives. Toutefois dans le cas
où le toxicomane ne se présenterait pas ou n'achève pas
son programme de nouvelles mesures administratives peuvent être prises
par le préfet
|
Drogues dures
|
Interdiction de s'éloigner de son lieu de
résidence et obligation de se présenter au poste de police pour
des contrôles, suspension du permis, passeport, port d'arme, permis de
séjour, obligation de fournir des prestations non
rétribuées auprès d'organismes publics et privés,
séquestre du véhicule, prise en charge par les services
sociaux
|
Drogues douces
|
Comme pour les drogues dures
|
Option B
|
Le toxicomane ne formule pas la demande d'un programme
thérapeutique et les sanctions administratives sont appliquées
|
Association au trafic illicite de
stupéfiants
|
Association de trois personnes au plus pour la vente, la
distribution, le commerce, l'importation, l'exportation de substances
|
Peine non inférieure à 20 ans de
réclusion
|
Qui participe à l'association décrite au
dessus
|
Peine non inférieure à 10 ans de
réclusion
|
Association aux armes et matériel explosif
|
Peine non inférieure à 24 ans de
réclusion
|
Les cas français et italien présentent,
malgré qu'ils puissent tous les deux être assimilés au
modèle « répression/soin de la toxicomanie »,
de nombreuses différences. Tandis qu'il est possible de parler pour le
cas français d'une politique publique en matière
de toxicomanie, voire d'un modèle, du fait de sa continuité et de
sa forte homogénéité, il est nécessaire de se
référer à l'idée de politiques italiennes, voire de
législations. Les pouvoirs publics italiens se caractérisent par
une absence de planification, mais surtout par l'incapacité de pouvoir
imposer une direction et une conception singulière à l'ensemble
des acteurs en question (professionnels, associations et communautés de
volontaires, opinion publique). Les mesures adoptées en Italie pour
répondre au problème de la toxicomanie répondent davantage
à une logique d'urgence, comme c'est le cas pour la loi
Jervolino-Vassali de 1990 qu'à de réelles préoccupations
de santé publique. La France et l'Italie ont en revanche pour point
commun d'être doté au début des années
quatre-vingt-dix d'un système essentiellement répressif au sein
duquel la logique sociale prévaut sur la logique sanitaire. Le soin de
la toxicomanie est conditionné à un endiguement des menaces que
celle-ci représente pour le reste du corps social. Il n'existe pas, dans
les deux configurations française et italienne, un réel souci de
l'état de santé de la population toxicomane qui ne
bénéficie d'aucun statut et encore moins d'un droit de parole.
C'est dans ce contexte, que la France et l'Italie vont se
trouver confronter à l'épidémie de Sida à laquelle
les dispositifs en place ne seront pas préparés. Ces deux pays
vont ainsi être particulièrement concernés par l'infection
à VIH des toxicomanes. En 1993, alors que le taux d'incidence des cas de
Sida déclarés chez les toxicomanes intraveineux (par million
d'habitants) est de 2,6% au Royaume-Uni et de 3,2% en Allemagne, il atteint
25,1% en France et 53% en Italie271(*). Ces chiffres traduisent le très fort
handicap du dispositif français et italien vis-à-vis du reste de
l'Europe en terme de prévention des risques de contamination. Ce retard
est bien sûr imputable aux politiques adoptées jusqu'alors qui
refusaient de considérer l'état de santé des toxicomanes
comme une priorité de santé publique.
La France et l'Italie vont être contraintes,
malgré leur orientation fortement prohibitionniste, à revoir leur
politique. Le principe de la réduction des risques qui est apparu en
Angleterre et aux Pays-Bas au cours des années quatre-vingt va s'imposer
comme un paradigme incontournable en matière de toxicomanie. Son
application va toutefois ouvrir la voie à de nombreux
débats : en quoi consiste la réduction des risques ?
Peut-on la réduire à un ensemble de mesures sanitaires
(échange de seringues, méthadone, etc.) ? N'a t-elle pas une
dimension socioculturelle ? Ne conduit-elle pas à une acceptation
de la drogue dans nos sociétés ? Il est nécessaire
pour répondre à ces questions d'analyser quelle a
été la réalisation et la mise en place de politiques
publiques répondant au principe de réduction des risques.
Partie 2 Les politiques publiques à
l'épreuve du paradigme de la réduction des risques
1. Un nouveau modèle d'action publique
La réduction des risques est actuellement une
expression fréquemment utilisée en matière de toxicomanie.
De telle sorte qu'elle dispose aujourd'hui d'une pluralité de
significations. Pour revenir au sens originel du terme il est nécessaire
de se reporter au contexte qui l'a vu naître : la réduction
des risques constitue la réponse à une situation d'urgence
sanitaire et social. Pat O'Hare souligne les deux urgences auxquelles il
s'agissait d'apporter une solution : « la diffusion de
l'infection à VIH parmi les consommateurs d'héroïne par voie
veineuse et le soupçon que les stratégies [...] adoptées
alors pour faire face à la consommation de drogues avaient
aggravé le problème plutôt que de le
connaître »272(*).
Ce double constat a contraint la plupart des pays
européens à adopter entre le milieu des années
quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix un nouveau
type de politique publique en matière de toxicomanie appelée
«réduction des risques». Le terme de
« réduction des risques» est une traduction approximative
de l'expression anglaise «harm reduction»273(*). Il est cependant
nécessaire de distinguer, comme le précise Monika Steffen, deux
conceptions apparues au Royaume-Uni274(*). D'une part, la harm reduction, ou
« réduction des dommages », développée
par les acteurs des sociétés bénévoles
intéressés par la réduction des conséquences
sociales néfastes de la drogue. C'est de l'application de cette notion
à la prévention du Sida qu'est né, d'autre part, le
concept de risk reduction dont le sens littéral serait
«réduction des effets nuisibles sur la santé, sous-entendu
«causés par l'usage de drogues» »275(*). La même distinction
est présente dans la littérature italienne par l'expression
riduzione dei danni (réduction des dommages) et
riduzione dei rischi. La première est cependant beaucoup
plus fréquente, contrairement aux cas anglais et
français276(*).
Le terme de réduction des risques, apparu initialement
comme la réponse pragmatique à un problème sanitaire, est
aujourd'hui doté d'une forte charge idéologique en raison des
débats qui ont lieu. L'analyse du concept réclame de
procéder dans un premier temps à un retour historique sur la
naissance et le développement de ce nouveau paradigme des politiques
publiques, puis, dans un second temps, de discerner les moyens, les
résultats et les limites qui caractérisent la réduction
des risques.
1.1 L'émergence d'un
nouveau paradigme
Les politiques publiques en matière de toxicomanie
reposaient auparavant essentiellement sur le principe du prohibitionnisme.
Elles visaient davantage à éradiquer la toxicomanie,
perçue comme un fléau et une menace sociale, qu'à proposer
un véritable traitement des personnes considérées comme
malades. Ces politiques enfin se désintéressaient des conditions
de santé et de vie des toxicomanes. La pandémie de VIH/Sida
apparue aux Etats-Unis puis rapidement présente en Europe va
considérablement modifier l'état des choses277(*). Elle va amener à
reconsidérer les précédents objectifs (éradication
de la toxicomanie) et à la reconnaissance d'enjeux plus pragmatiques (la
limitation des dommages sanitaires). Le Sida ne va pas seulement provoquer la
contestation des politiques publiques qui étaient alors mises en place,
elle va surtout mettre à mal le paradigme prohibitionniste qui avait
régné jusque là.
1.1.1 L'ébranlement du
modèle prohibitionniste
1.1.1.1 Répondre
à une urgence sanitaire: la pandémie de Sida
Les politiques publiques en matière de toxicomanie ont
été fortement bouleversées au début des
années quatre-vingt lors de l'apparition du virus de
l'immunodéficience (VIH). Les toxicomanes par voie intraveineuse et
notamment les consommateurs d'héroïne furent extrêmement
touchés par la contamination. A la différence des autres drogues,
l'héroïne est le plus souvent injectée par voie
intraveineuse, favorisant ainsi la transmission directe de tout agent
pathogène transmissible par le sang. Les consommateurs
d'héroïne avaient l'habitude de s'échanger les seringues. Le
virus provoqua alors un renversement des modes de consommation des substances
en exposant les toxicomanes à de nombreux risques.
Afin d'avoir une représentation de l'ampleur du
phénomène, il est possible de comparer la prévalence des
cas de Sida déclarés au sein de la population des usagers de
drogues par voie intraveineuse (UDVI)278(*). On peut distinguer deux types de trajectoires
nationales distinctes. D'une part, les pays où le nombre de cas de Sida
chez les toxicomanes intraveineux a augmenté de façon
exponentielle entre 1986 et 1993, en passant pour l'Italie de 4,8 à 53
par million d'habitants et pour la France de 2,7 à 25,1. D'autre part,
les pays comme l'Allemagne et le Royaume-Uni pour lesquels le nombre de cas de
Sida chez les toxicomanes intraveineux est resté stable jusqu'à
aujourd'hui. On peut, en outre, observer une très forte disparité
entre l'Italie, qui fut le pays le plus touché d'Europe, et les autres
pays (inférieur à 5 par million d'habitants). L'Italie a connu
une importante contamination de sa population toxicomane en raison, comme le
rappelle Umberto Nizzoli, d'une importante prévalence de consommateurs
de drogues par voie intraveineuse279(*). Bien que le Sida constituait la principale menace,
l'épidémie de VIH a joué le rôle de
révélateur d'autres contaminations qui étaient jusqu'alors
ignorées par les services de santé. Il s'agit de
l'hépatite B et C. Ainsi comme le rappelle Monika Steffen, c'est
grâce « au suivi médical étroit des toxicomanes,
introduit pour le Sida, que le ravage épidémiologique des
hépatites est devenu visible »280(*).
Certains services de traitement de la toxicomanie mirent en
place dès le début des années quatre-vingt des mesures
afin de répondre à l'épidémie de VIH qui initiait.
Ce fut le cas par exemple des villes de Liverpool et de Manchester en
Grande-Bretagne281(*).
Ces premières expériences, sans qu'elles puisent être
qualifiées de politique de réduction des risques, ont largement
inspiré les politiques publiques qui vont être mises en place
à la fin des années quatre-vingt. Les politiques qui
étaient menées alors par l'Italie, la France et d'autres pays
d'Europe étaient encore radicalement prohibitionnistes. Le passage
à un nouveau paradigme de politique sanitaire nécessitait
l'élaboration et la diffusion du principe de réduction des
risques mais surtout la reconnaissance des toxicomanes comme population
à risques.
Les toxicomanes furent particulièrement touchés
par l'épidémie de VIH/Sida. Ils n'ont cependant pas
bénéficié du statut de population à risques. Ce
phénomène est à mettre en lien avec l'origine de la
maladie282(*)282(*). Le Sida est apparu
initialement comme un problème « spécifique »
à l'homosexualité. Certains évoquaient alors l'idée
d'un « gay cancer » comme origine du mal. Les organisations
homosexuelles, notamment américaines, se sont fortement
mobilisées. Il s'agissait dans un premier temps d'obtenir une
reconnaissance des pouvoirs publics comme groupe à risques. C'est le cas
de l'ARCIGAY en Italie qui développa ses activités dès
1985 ou encore de l'association anglaise Terrence Higgins Trust (THT)
dès 1982. Le mouvement s'inverse cependant rapidement. Les associations
militent alors pour une universalisation du problème, l'objectif
étant de « déhomosexualiser » le Sida.
L'association française AIDES milite dès 1985 pour que la notion
de « groupes à risques » soit remplacée par
celle de « comportements à risques ». En Allemagne,
les homosexuels participent fortement aux réseaux où
s'élaborent la politique de lutte contre le Sida, selon une
stratégie qui vise à « investit les
institutions ». Ils sont à l'origine de la Deutche Aids
Hilfe (DAH), association d'aide aux victimes du Sida, qui devient un
partenaire des pouvoirs publics et représente les victimes de
l'épidémie, de façon non catégorielle.
La reconnaissance de l'état d'urgence du VIH parmi les
consommateurs de stupéfiants par la communauté internationale
constitua un facteur décisif. Elle remonte, comme le rappelle Vittorio
Agnoletto, à 1986, date à laquelle le Groupe de consultation sur
le Sida et la toxicomanie de l'OMS publie un document qui reconnaît la
priorité accordée à l'endiguement du VIH. Il affirme ainsi
que « dans chaque pays la plus forte priorité est
donnée à la prévention du VIH parmi les personnes abusant
de stupéfiants [...] Les politiques finalisées à l'usage
de drogue ne peuvent pas se permettre d'ignorer les mesures à prendre
contre ces risques »283(*). L'Advisory Council on the Misure of Drugs
du gouvernement britannique adopte une position similaire dans un rapport
«Sida et drogues» de 1988 284(*) en faisant de la prévention du VIH une
priorité de santé publique. Ces décisions reposent alors
davantage sur la volonté de protéger le reste de la population de
l'infection à VIH que sur une préoccupation véritable pour
l'état de santé des toxicomanes. A cette époque, des
études mettent en évidence qu'une population fréquemment
exposée au risque de contamination à VIH peut devenir un
« vecteur » d'infection pour le reste de la population, en
particulier pour le cas de Sida par le biais des relations sexuelles. La
reconnaissance des risques encourus par les toxicomanes est désormais
effective.
Un renouvellement des débats sur les stratégies
à adopter a lieu à la fin des années
quatre-vingt285(*)285(*). Les promoteurs de ce
changement construisent leur argumentaire à partir d'un triple
constat : l'inefficacité des dispositifs d'intervention
fondés sur le prohibitionnisme, l'effet contraire sur le trafic et
l'accroissement des maladies sexuellement transmissibles. Leur principale
critique à l'ancien système était le fait que toutes les
substances soient assimilées les unes aux autres, sans qu'il existe une
distinction de dangerosité entre elles. La réduction des risques
apparut alors comme une alternative nécessaire aux politiques de
répression des drogues.
1.1.1.2 Du Public Health
à la réduction des risques
Le principe de la réduction des risques est apparu au
cours des années quatre-vingt à partir de quelques
expériences de prévention des risques sanitaires
développées en Angleterre. Ces expérimentations sont elles
mêmes apparues dans le cadre d'un modèle de politiques publiques
spécifique : le paradigme du Public Health. L'histoire nous
offre de nombreux exemples du modèle du Public Health comme le
British System qui s'est établit au Royaume-Uni, où
dés la fin des années soixante et le début des
années soixante-dix plusieurs cliniques de Londres enseignaient des
techniques d'injection plus sûres aux toxicomanes et mettaient à
disposition des fixing rooms où il était possible de se
procurer de la drogue sans aucune menace. De même, toujours en Grande
Bretagne, l'Institute for the Study of Drug Dependance dispensait
durant les années soixante-dix des cours de prévention au sein
des écoles afin de prévenir les dangers liés à
l'usage de solvants. Enfin en Italie, une campagne de vente de seringues en
supermarché fut mise en place durant les années soixante-dix afin
de prévenir l'épidémie d'hépatite B.
L'application du concept de Public Health ou de
« santé publique » à la toxicomanie, selon
Drucker, cesse d'en faire un problème individuel pour souligner son
aspect collectif en tant que phénomène ayant une forte incidence
sur la vie sociale286(*)286(*). Le concept de Public
Health, comme le précise Grazia Zuffa, ne se résume
toutefois pas à la notion de santé publique mais renvoie à
une tradition des pays Nord européens287(*).
C'est dans le cadre du Public Health, que les
services sanitaires du Merseyside288(*), une région de l'Angleterre septentrionale,
ont expérimenté certains dispositifs de prévention contre
le VIH au début des années quatre-vingt. Deux objectifs ont
été privilégiés : réduire la propagation de
la séropositivité et améliorer les conditions de
santé des toxicomanes. Les instruments de réduction des risques
sont nombreux : distribution de seringues stériles aux
consommateurs d'héroïne, distribution de préservatifs et de
façon plus générale n'importe quel service pouvant
améliorer les conditions de vie des toxicomanes. Ces mesures
n'étaient alors pas le résultat d'une politique publique
conçue au niveau national mais elles s'apparentaient plus à des
expériences singulières. L'idée était de
réduire au minimum les risques d'infection pouvant atteindre les
consommateurs de substance et, dans un même temps, protéger la
société du fléau du Sida. Il s'agissait d'une part d'aider
ceux qui étaient hors de tout centre de soins et, d'autre part, de
limiter l'extension des maladies les plus graves au sein même des centres
thérapeutiques.
Un premier bilan fut dressé, à la fin des
années quatre-vingt, sur les conséquences de l'introduction de
ces politiques : elles s'étaient développées
rapidement dans les zones précédemment à risques et
avaient été remarquablement assimilées. Ses promoteurs en
donnèrent alors une explication très pragmatique à partir
de la configuration du système anglais qui présentait en effet la
particularité d'être suffisamment souple pour permettre une
définition des politiques au niveau local et accordait une très
grande autonomie aux centres de soins. Le succès de l'opération
trouvait également son origine dans la culture underground qui
s'était développée au cours des années soixante et
soixante-dix : l'échange d'information entre toxicomanes a offert
une meilleure orientation et a permis ainsi d'éviter les infections ou
les mauvais trips.
La réduction des risques est un modèle de
politiques publiques en matière de toxicomanie qui s'est
développé de façon pragmatique pour répondre
à l'épidémie de VIH. Il est toutefois né de
l'héritage du modèle du Public Health qui s'était
développé au cours du vingtième siècle face au
refus du modèle médical qui considérait le toxicomane
comme étant un « criminel-malade ». La politique de
réduction des risques est apparue dans le cadre d'une situation
d'urgence sanitaire auquel elle a constitué une solution. La
réduction des risques c'est la reconnaissance du Sida comme
problème de santé publique, c'est à dire comme
« pathologie demandant l'intervention programmée des
pouvoirs publics »289(*)289(*). Il s'agissait avant tout de limiter les
risques sanitaires encourus par les toxicomanes mais aussi, et surtout, par la
population dans son ensemble. Peut-on toutefois réduire la
réduction des risques à un ensemble de précautions
sanitaires ? La distribution de seringues aux consommateurs
d'héroïne ne traduit-elle pas un bouleversement d'ordre social,
voire culturel ?
1.1.2 Un paradigme de nature
sanitaire ou socioculturelle ?
1.1.2.1 Prévenir les
risques sanitaires et sociaux
La première finalité de la réduction des
risques telle qu'elle a été initiée à Liverpool
était de prévenir les risques d'infection encourus par les
consommateurs d'héroïne. Il est ainsi possible de définir de
façon préliminaire la réduction des risques comme une
« politique privilégiant, avant toute autre
considération, des stratégies de soin et de prévention
visant à limiter au maximum les risques sanitaires
(infections, etc.) liés à l'usage de psychotropes et,
particulièrement, des drogues illicites »290(*).
La mesure la plus symbolique de la réduction des
risques a été, et reste, l'accès garantit à un
matériel d'injection stérile, essentiellement par
l'échange de seringues. La distribution de ce matériel a rendu
nécessaire un travail de terrain et une présence des travailleurs
sociaux au plus près des lieux de vie des toxicomanes. Ces contacts
répétés ont rapidement permis l'établissement d'un
rapport privilégié avec certaines franges des populations les
plus marginalisées. Ce système a eu pour avantage de créer
« un contact direct avec le toxicomane, un moment
privilégié où une éducation sanitaire peut lui
être délivrée, de façon individualisée et
régulière »291(*). Le rapport sanitaire devient un rapport
social du moment qu'il se manifeste par un rapport humain. La
réduction des risques s'est dotée d'une double dimension de
politiques de santé et de politique sociale par le soutien d'un lien
social fondé sur des interventions de proximité292(*)292(*).
Un autre outil de la réduction des risques fut
également la mise en place de structures d'accueil et d'informations
proches des lieux de vie des toxicomanes ayant des horaires souples et
disponibles. Ces lieux ont offert l'occasion d'établir un contact
durable avec les populations toxicomanes. Le rapport qui s'instaure entre
l'opérateur social permet d'établir une prise en charge
globale qui implique un service d'aide social et un programme
thérapeutique. Pascal Courty résume cet objectif au sein du
Centre de soins pour toxicomanes qu'il dirige à Clermont-Ferrand :
« La réduction des risques, c'est
toujours une occasion de dialoguer, d'informer et d'échanger sur des
pratiques. L'avantage que nous avons au Centre de Soins
Spécialisés pour Toxicomanes est de pouvoir proposer autre chose
que l'échange de seringues. Notre démarche s'inscrit dans une
prise en charge globale de l'usager, qui peut, s'il le désire,
être orienté vers les différents services sociaux,
intégrer un programme de substitution ou tant de choses
encore »293(*)
La réduction des risques partait d'une
nécessité de protéger le toxicomane de ses pratiques
addictives mais également des risques qu'il représente pour le
reste de la société (en terme sanitaire mais aussi social ou
criminel)294(*). La
réduction des risques implique par conséquent tout un ensemble de
questions : « Comment est-il possible de réduire les
risques que les consommateurs de drogue encourent par les infections comme le
VIH, l'hépatite B ou C, la tuberculose ? De quelle façon
pouvons-nous réduire la probabilité que les toxicomanes aient
recours à des activités criminelles ? Mais, plus
généralement, comment garantir que les mesures répressives
adoptées en faveur du contrôle de la drogue ne provoquent pas au
consommateur et à la société plus de dommages que la
consommation de drogue elle-même ? »295(*)295(*). Il s'agit donc en premier lieu d'éviter un
risque sanitaire pour le toxicomane et pour la communauté mais
également de limiter le risque social pour celui qui se drogue
(marginalité, inadaptation sociale, déviance) et pour l'ensemble
de la société (criminalité).
Le rapport d'aide social nécessite de prendre en compte
tout un ensemble de « besoins » que
requiert le toxicomane. Diverses conceptions de ce terme peuvent être
adoptées. La notion la plus restrictive implique le maintient de
l'état sanitaire et social du toxicomane296(*). D'autres définitions
incluent en revanche de nombreuses prestations. Stöver et Herving Lempp
ont par exemple identifié une série très ample de besoins
que doivent satisfaire les toxicomanes afin de pouvoir réguler et
contrôler leurs choix297(*). Le premier type de besoins est constitué
d'un ensemble de fonctions primaires nécessaires à la survie de
l'individu : la santé, l'habitation et l'alimentation. Une seconde
catégorie de besoins correspond à des fonctions
sociales nécessaires à l'intégration : le
travail, le revenu, les relations sociales. Enfin les dernières
fonctions, de nature psychique, permettent l'accès à l'autonomie
et à la responsabilité : la valorisation de soi,
l'équilibre psychique. Toute intervention doit, selon Stöver et
Lempp, se donner comme objectif de ne pas aggraver la situation des toxicomanes
au regard de ces trois critères. Mieux encore, chaque intervention se
légitime en ce qu'elle permet l'amélioration des conditions
d'existence des toxicomanes.
Le principe sur lequel repose l'intervention de la
réduction des risques serait l'amélioration des
conditions d'existence des toxicomanes. Cela implique de prendre en
compte le bien être physique, mais aussi le bien être psychique et
le bien être relationnel et économique des toxicomanes. Il ne
s'agit plus seulement de limiter les risques que le toxicomane fait encourir
à lui même et au reste de la population mais de permettre une
amélioration de ses conditions de vie et de santé afin qu'il
puisse bénéficier d'une meilleure intégration sociale.
Ainsi, selon Simonetta Piccone Stella, « réduire les
risques dans le domaine de la toxicomanie signifie améliorer directement
les conditions de vie et de santé d'une personne qui fait un usage
régulier de substances et intervenir sur les dégâts les
plus visibles afin d'empêcher leur
détérioration »298(*)298(*).
L'un des objectifs de la réduction des risques est de promouvoir la
réalisation du toxicomane en tant que personne. Une nouvelle
définition dès lors peut être :
« Par réduction des risques on entend la
protection, le maintient et l'amélioration de la qualité de vie
(QDV) de la personne toxicomane -indépendamment de la capacité et
de l'intention de celle ci à interrompre l'usage de substances - ainsi
que la reconnaissance, le maintient et le renforcement des ressources, des
compétences et des habilités de la personne elle-même,
finalisées à la promotion et à l'expression de
comportements de protection envers soi et envers les autres. La
réduction des risques concerne tous les comportements liés
à l'usage de substances et à la condition de la
toxicomanie »299(*)
La seconde implication de la réduction des risques,
outre l'accompagnement social de la toxicomanie, est un renouvellement des
traitements. L'aide apportée au toxicomane n'est plus
conditionnée, comme elle l'était auparavant, à
l'arrêt immédiat de l'usage de substances psychoactives. La
réduction des risques inaugure et rend nécessaire un soutien
direct et inconditionné au toxicomane. Thamm évoque à ce
sujet la fin du « tabou » des politiques de
toxicomanie300(*). Il
entend par là qu'aucune action thérapeutique ne pouvait
précédemment être exercée sans qu'il y ait
auparavant une interruption de la consommation. L'abstinence était une
condition nécessaire de tout programme thérapeutique. La
guérison était alors un processus linéaire partant de
l'abstinence pour arriver jusqu'à la réinsertion sociale du
toxicomane. La principale critique adressée à ce modèle
était sa trop grande simplification du phénomène de la
toxicomanie en refusant de considérer qu'il puisse exister plusieurs
types distincts de toxicomanies301(*). Il n'existerait dès lors pas un seul mode de
désintoxication mais une pluralité. De nouvelles formes
d'intervention ont ainsi pu apparaître au début des années
quatre-vingt-dix au sein desquelles l'abstinence n'est plus une condition
indispensable.
D'autre part, la conception selon laquelle la motivation
à la désintoxication est fonction des effets négatifs que
subit le toxicomane dans sa vie quotidienne (il s'agit en peu de mots de
l'idée que celui qui souhaite « sortir » ou
« remonter » de la toxicomanie doive auparavant en
« toucher le fonds ») est remplacée par
l'idée que c'est seulement si le sujet est en bonnes conditions
psychologiques et physiques qu'il pourra réaliser l'interruption de sa
consommation. L'objectif n'est pas la thérapie en elle-même mais
l'accompagnement du toxicomane jusqu'au moment propice où il choisira
d'entreprendre un parcours thérapeutique302(*)302(*). C'est dans ce sens que Vittorio Agnoletto
décrit la réduction des risques comme une
« propédeutique » à la
thérapie303(*).
Le soin du toxicomane n'est plus conditionné au soin de sa toxicomanie.
Comme le résume Leopoldo Grosso, les interventions de réduction
des risques partent de l'idée que :
« qui ne réussit pas encore
à rejoindre l'émancipation de la dépendance ne doit pas
être abandonné, que qui ne veut pas se désintoxiquer, ou ne
réussit pas encore à accepter la rigueur d'un chemin
thérapeutique, ne doit pas être laissé à son
problème, sans protections [...] Entre les interventions d'aide
(réduction des risques) et les interventions de changement (sortie de la
dépendance) il est difficile de regrouper les oppositions et les
discontinuités, de même qu'entre intégration et
discontinuité. La première stratégie sert de retenue
à la seconde : là où elle n'est pas praticable et
où échoue un projet drug-free, est présent, au moins en
partie, une attention à la réduction des risques. C'est, pour les
Anglo-saxons, une intégration entre « to
cure » et « to care », entre
« soigner » et « prendre soin de »,
avoir attention pour quelque chose »304(*)
Une dernière conséquence directe de ce
changement de paradigme est le renouvellement des pratiques
thérapeutiques qui ne sont plus uniquement centrées sur une
approche psychologique. La réduction des risques ouvre la voie à
une médicalisation de la prise en charge de la toxicomanie notamment par
le biais des traitements substitutifs sous méthadone, Subutex
ou autres produits305(*)305(*).
La réduction des risques se fonde par conséquent
sur deux principes : une approche du toxicomane sur son milieu de vie et
une aide médicale directe. Mais la réduction des risques ne
constitue pas uniquement une réponse médicale au problème
de la drogue, elle est à l'inverse avant tout sociale. Le toxicomane
bénéficie ainsi de tout un ensemble de prestations sociales qui
s'ajoutent à l'aide sanitaire. Cette préoccupation, d'un genre
nouveau, ne traduirait-elle pas un changement
socioculturel ? La toxicomanie, mais également la drogue,
ne serait-elle pas en train d'acquérir une représentation sociale
diverse ? La réduction des risques présente le défi,
comme l'affirme Monika Steffen, d'accepter l'usage de drogue comme
« un fait social » dont la politique aurait pour charge de
limiter les conséquences sanitaires. Mieux encore ne s'agit-il pas d'une
« reconnaissance publique du problème [qui] passe par la
restauration de la parole sociale pour les
toxicomanes »306(*). L'usage de drogues n'est-il pas dès lors en
voie de « normalisation » ?
1.1.2.2 Une
« normalisation » de la consommation de drogues ?
Les politiques prohibitionnistes partaient d'une
considération morale qui rejetaient l'usage de substances psychoactives.
La stratégie de la réduction des risques prend le contre-pied des
politiques de tolérance zéro dans le rapport entretenu par le
toxicomane avec l'ensemble du tissu social. Tandis que la seconde
considère que le toxicomane est un individu déviant qui doit
être éloigné de la société, la
réduction des risques affirme que le principal danger est avant tout la
dérive sociale du toxicomane. La réduction des risques oppose
ainsi à la logique morale des politiques prohibitionnistes une logique
sociale pragmatique qui vise à limiter les dommages causés par
l'usage de drogue307(*).
La réduction des risques modifie la
représentation sociale de la consommation de drogue qui n'est plus
perçue comme un comportement déviant mais comme un fait
avéré de nos sociétés. La réduction des
risques, comme le rappelle Grazia Zuffa, tente d'apporter une approche
« neutre » de la consommation et du consommateur. Il s'agit
de considérer que l'usage de drogues « n'est pas
intrinsèquement immoral ou criminel ou déviant en relation
à la norme biologique définit par la médecine. La
consommation de drogues n'est que l'un des comportements possibles des
individus qui va de la simple expérimentation de substances à des
formes problématiques avec les mêmes
substances »308(*)308(*).
L'objectif d'une société libérée
des drogues est considéré comme étant inatteignable et
utopique « puisque la consommation de drogues se montre
profondément enraciné dans chaque culture et dans chaque
époque ». Le point de vue de la réduction des risques
est par conséquent profondément réaliste. La perception
des drogues dures est alors semblable à celle que l'on a des drogues
douces : l'attention se place sur les usages
« problématiques » de la substance. La consommation
en soi est perçue comme un mal inévitable dont il s'agit de
prévenir les dangers les plus immédiats. L'idéal
d'élimination des drogues se voit remplacer par l'objectif de limitation
et de contrôle309(*).
Les premières politiques mises en place selon les
principes de la réduction des risques, sont apparues dans les
années soixante et soixante-dix en Angleterre et en Hollande. Elles se
caractérisaient avant tout par le fait qu'elles ne mettaient pas en
avant la punition afin d'inciter les toxicomanes à modifier leur
comportement. L'idée principale est celle de
« normalisation » des consommateurs afin de les
réintégrer dans le tissu social dont ils ont été le
plus souvent éloignés. L'idée de normalisation de
l'usage de substances psychoactives va à l'encontre de la plupart des
politiques socio-sanitaires en Europe. En effet, elle implique que le
traitement des toxicomanes n'ait plus lieu au sein de structures
spécifiques et spécialisées séparées du
circuit socio-sanitaire traditionnel. Par exemple, en Italie, où la
considération de la toxicomanie reste très répressive,
très peu de toxicomanes sont en traitement auprès de
médecins de famille comme c'est le cas en Hollande310(*).
Le principal aspect de la réduction des risques est
d'ordre culturel : il s'agit de décriminaliser et
dé-marginaliser, en normalisant, la représentation sociale du
toxicomane. C'est ainsi que Peter Cohen décrit la relation entre le
statut social du drogué et la réduction des risques :
« Dans un système de traitement qui se
fonde sur une culture de l'exécration de l'usage d'opiacés,
socialement représenté comme un comportement extrêmement
déviant, la thérapie de méthadone et d'héroïne
à maintien est destinée à ne pas avoir lieu. Le
consommateur d'opiacés souffrira à l'extrême des
conséquences du choix d'utiliser des drogues illégales, et si
celles-ci sont la mort, l'overdose, les maladies et les nombreuses
incarcérations en prison, elles confirment les raisons pour lesquelles
la drogue est exécrée de cette culture. Il s'agit d'une culture
du risque qui s'auto-alimente et s'auto-vérifie [...] A l'opposé,
il existe une culture des services qui est consciente que certains risques de
la consommation de drogues sont une construction de leur statut social. Si la
consommation de drogue a un statut social très bas et est
réprimée par une forte désapprobation sociale et par
l'action de la police, les consommateurs de drogues assument rapidement
l'identité de déviant, conformément à la
répression [...] La réduction des risques pratique une politique
des traitements qui cherche à neutraliser au maximum les effets
négatifs de la répression »311(*)311(*)
La réduction des risques serait donc avant tout un
renouvellement de nos catégories mentales et de la construction sociale
de toxicomanie qui d'une forme de déviance devient un comportement
socialement réglé et accepté. Elle traduit un processus de
normalisation des toxicomanes. Mais jusqu'à quel point l'usage de drogue
peut-il être normaliser, c'est à dire accepté socialement?
Peut on aller jusqu'à affirmer, comme le fait Wolfgang Schneider, que la
substitution de la philosophie de l'abstinence avec celle des politiques de
réduction des risques se fonde sur l'idée que la consommation de
drogues est un comportement pleinement compatible avec l'idée moderne de
citoyenneté et qu'elle témoigne de l'aboutissement des
libertés individuelles, définies comme le bien maximal que les
institutions doivent garantir et poursuivre312(*) ?
Fazzi précise que l'idée de
« Normaliser pour responsabiliser » est sans doute
très séduisante car elle reflète la conception moderne
d'un individu responsable313(*). La réduction des risques serait donc avant
tout un renouvellement de nos catégories mentales et de la construction
sociale de toxicomanie qui d'une forme de déviance devient un
comportement socialement réglé. Cela risque toutefois, ajoute
t-il, de nous ramener à une conception du sujet toxicomane comme un
décideur rationnel. Or, la dépendance est difficilement
concevable comme un choix314(*)314(*).
La réduction des risques ne constitue pas, selon Fazzi et Scaglia, une
solution adéquate au problème de la toxicomanie315(*). Elle ne représente
au mieux qu'une réponse temporaire apportée au problème de
l'aggravation des conditions de vie et de santé des usagers de drogue.
Il est nécessaire de repenser les politiques en matière de
toxicomanie en raison du constat que le problème de la drogue ne peut
être résolu qu'à partir des seules politiques de
réduction des risques ce qui reviendrait à considérer la
toxicomanie comme une maladie incurable à l'image de la maladie
psychiatrique.
Une seconde difficulté soulevée par la
réduction des risques est le rapport qu'elle entretient avec le
paradigme de la légalisation. Celui-ci présente comme solution
aux problèmes de la toxicomanie la légalisation de toutes les
substances psychoactives dont les drogues dures telles que
l'héroïne ou la cocaïne. Les mots de réduction des
risques et de légalisation sont fréquemment associés. Ces
deux conceptions ont pour point commun d'accorder une primauté aux
conditions d'existence des usagers de drogues par rapport aux
considérations législatives. L'argument principal des
défenseurs de la légalisation est que la consommation de drogue
ne constitue pas en soi un mal pour l'individu, mais le devient lorsque la
consommation est déclarée illégale et que les personnes
sont contraintes à franchir la loi pour se procurer de la drogue. Fazzi
résume cette idée en affirmant que « La
légalisation est considérée comme un moyen pour reporter
la consommation sur le plan de la normalité, évitant ainsi
l'apparition de phénomènes liés à l'achat de
substances illégales, tels que le prix exorbitant du produit, la
mauvaise qualité de la drogue, la criminalité, la prostitution et
plus généralement les phénomènes se trouvant
impliqués par l'achat illégal de drogue »316(*).
Certains auteurs soutiennent cependant que les concepts de
réduction des risques et de légalisation des drogues ne sont pas
obligatoirement liés entre eux317(*)317(*).
La présence de l'un n'implique pas nécessairement l'autre.
Réduction des risques et légalisation ou anti-prohibition sont
d'ailleurs trop souvent amalgamés. C'est le cas par exemple de la
Hollande qui est le plus souvent représentée (comme c'est le cas
en Italie ou en France) comme étant un exemple d'anti-prohibitionnisme
c'est à dire de délibéralisation des drogues douces mais
qui constitue suivant Drucker un modèle de politique de réduction
des risques318(*).
La réduction des risques n'est pas un concept qui vient
s'ajouter aux anciens clivages mais qui est venu s'interposer dans le clivage
prohibitionniste/anti-prohibitionniste. Cette distinction a, selon Drucker,
empêché pendant trop longtemps d'adopter une approche plus
pragmatique fondée sur la mise en place de programmes socio-sanitaires.
La politique de réduction des risques est ainsi à la
croisée des différentes approches. Elle ne vise pas à
s'opposer à la logique de pénalisation : « Bien
que la réduction des risques soit située aux antipodes des
politiques principalement basées sur les sanctions pénales, sa
nature pragmatique fait que certaines mesures soient tolérées,
acceptées et parfois incorporées par les institutions sans
complètement démanteler les politiques punitives
contre-productives »319(*). La réduction des risques présente
pour avantage d'échapper à toute classification et
d'éviter ainsi le piége d'une approche unilatérale.
Nadelman considère ainsi que la politique de réduction des
risques constitue un terrain d'entente possible entre les prohibitionnistes
modérés et les anti-prohibitionnistes
modérés320(*).
La réduction des risques est, comme nous l'avons
établi, une notion qui adopté une pluralité de sens selon
de l'angle de vue adopté. Elle est apparue initialement comme un
ensemble de considérations pragmatiques rendues nécessaires par
l'aggravation rapide de l'état de santé et d'existence des
toxicomanes. Elle a toutefois vu sa portée s'élargir
considérablement. Elle a, par exemple, servi de fondement à
l'accompagnement social des toxicomanes ou encore à la mise en place de
programmes thérapeutiques non finalisés à l'abstinence. La
réduction des risques n'est pas un simple dispositif sanitaire et social
d'accompagnement de la toxicomanie. Elle consiste en une véritable
philosophie c'est à dire «une façon d'interpréter le
problème de la consommation de drogues»321(*).
Cette notion est l'objet de nombreux débats
idéologiques. On peut toutefois en donner les principes fondateurs qui
ne font pas l'objet d'une remise en question. La politique de réduction
des risques se situe en rupture avec les politiques sanitaires (qui ont toutes
pour objectif final l'abstinence) en ce qu'elle repose avant tout sur
l'affirmation d'un droit à la santé
inaliénable. Elle réintègre ainsi dans le
système de santé de droit commun les toxicomanes les plus
marginalisés. Ce principe fondateur repose lui même sur trois
principes clefs qui seraient selon Nadelman322(*) :
è La « reconnaissance que les drogues sont
parmi nous et qu'il n'y a pas d'autres choix possibles que d'apprendre à
coexister de sorte qu'elles causent le moins de dommages possible »,
è Elle « ne se fonde pas sur les peurs, les
préjugés et l'ignorance [...] mais sur le sens commun, sur la
science, sur les préoccupations de santé publique, sur les droits
humains »,
è Elle « ne se focalise pas sur la
réduction de consommation en soi, mais sur les conséquences
criminelles et les souffrances causées aussi bien par l'abus de drogues
que par les politiques prohibitionnistes »
La réduction des risques est apparue au cours des
années quatre-vingt et notamment en Europe du Nord. En Hollande, la
réforme de 1981 s'inspirait déjà de la réduction
des risques et les premiers programmes d'échange de seringues sont
introduits dés 1981 à Rotterdam et en 1984 à Amsterdam
afin de prévenir les épidémies d'hépatite et de
VIH. En Angleterre le terme est employé dés 1984, et les premiers
programmes d'échange de seringues ont lieu dés 1986. Depuis, la
réduction des risques s'est considérablement
élargi323(*). En
1990 un réseau de villes européennes a été
créé qui ont souscrit la « résolution de
Francfort » où le principe de la réduction des risques
est affirmé comme étant un nouvel objectif. La même
année, la première conférence mondiale sur les
stratégies de réduction des risques a eu lieu à Liverpool.
La réduction des risques est aujourd'hui reconnue par l'ensemble des
pays industrialisés comme la principale priorité en
matière de toxicomanie.
L'affirmation de la réduction des risques ne fut
cependant pas immédiate. Il a fallu en revanche plus de quinze ans pour
qu'elle s'étende à l'ensemble de l'Europe. L'implantation des
programmes d'échange de seringues ou des programmes de substitution
à base de méthadone est représentative de ce
retard324(*)324(*). La méthadone s'est
ainsi développée en Europe du Nord puis s'est progressivement
étendue à l'Europe du Sud de façon très
inégale : 1984 en Hollande, 1986 au Danemark, en Grande Bretagne et
en Allemagne, 1990 en Italie, 1992 en France puis 1995 en Grèce. Il est
difficile de rendre compte d'emblée de tels écarts. La
compréhension des situations singulières nous rapporte à
l'analyse des contextes institutionnels et politiques à travers lesquels
ont eu lieu l'implantation des politiques en matière de toxicomanie
1.2 L'Europe face au
Sida
L'analyse de l'application du principe de la réduction
des risques requiert de confronter différents systèmes nationaux.
L'approche comparative présente l'avantage de souligner aussi bien les
tendances structurelles communes à une majorité de cas, que les
spécificités nationales. L'étude a été
partagée selon une triple division. D'une part entre l'exemple anglais
et l'exemple allemand. D'autre part entre la Suisse et les Pays-Bas. Enfin,
entre la France et l'Italie. Ces couples présentent suffisamment de
similitudes afin d'être associés.
Les cas anglais et allemand méritent d'être
confrontés à plusieurs titres. Tout d'abord, ils ont
été tous les deux relativement épargnés de
l'épidémie de Sida au sein de la population toxicomane. La
prévalence de l'infection à VIH parmi les toxicomanes par voie
intraveineuse (TVI) était en 1995 de 1,4% au Royaume-Uni et de 4,5% en
Allemagne contre 19% en Italie et 18% en France325(*). La Grande-Bretagne et
l'Allemagne représentent par conséquent des modèles dans
l'application de la réduction des risques. Celle ci ne fut toutefois pas
tant la conséquence d'un effort des autorités publiques au niveau
national pour prendre en compte la nécessité d'endiguer le Sida,
du mois dans un premier temps, que la préoccupation d'un ensemble
d'associations et de professionnels de la toxicomanie qui opéraient au
niveau local. Cette politique « par le bas » constitue le
second point commun des modèles allemand et anglais. Ils se
caractérisent tous les deux par un système sanitaire suffisamment
décentralisé pour permettre l'expression et la prise en compte
d'intérêts divergents, contrairement au système
français fortement hiérarchisé et contraignant.
Le couple Anglo-allemand présente, cependant, la
particularité d'avoir comme point de départ deux cultures et deux
conceptions de la toxicomanie radicalement différentes326(*)326(*). En effet, la culture médicale dominante en
Allemagne, la Leidenstheorie (théorie de la souffrance),
affirmait que la souffrance physique devait inciter les toxicomanes à
abandonner les drogues. Elle légitimait traditionnellement l'usage du
sevrage et rendait impossible la prescription de produits de substitution. La
politique sanitaire allemande s'est donc toujours caractérisée
par une forte opposition du corps médical aux produits de substitution
et une préférence pour les cures de désintoxication. Il
existait, en revanche, en Grande-Bretagne une tradition plus pragmatique se
fondant sur le constat selon lequel il n'était pas réaliste de
vouloir éradiquer la toxicomanie et qu'il valait mieux en limiter les
conséquences négatives. Le système de soin de la
toxicomanie était ainsi largement fondé sur la
préservation des conditions de santé du patient. La nouvelle
donne des années quatre-vingt-dix a toutefois opéré un
rapprochement des politiques anglaises et allemandes à travers le
développement de la réduction des risques qui est apparue
à partir d'expériences locales.
1.2.1 Le couple
anglo-allemand : le succès de la réduction des risques
1.1.2.1 L'Allemagne :
les Länder face à la résistance des pouvoirs publics
Les politiques sanitaires allemandes sont fortement
marquées par l'idéologie médicale et prohibitionniste,
similaire aux Etats-Unis327(*). La loi allemande de 1972 visait ainsi l'abstinence
et rendait illégal et sujet à des poursuites pénales tout
usage de substances, y compris la consommation privée et la
détention d'une seringue. L'Allemagne modifie sa législation par
le biais du Betäubungsmittel-Gesetz de 1982 qui renforce la lutte
contre le trafic mais élargit le champ d'action des opérateurs
sociaux en relation avec les toxicomanes. La loi de 1982 alourdit
également les peines visant les consommateurs et la possession de
petites quantités de drogue. En revanche, contrairement à la loi
de 1972, elle donne le libre choix au toxicomane de transformer une peine en
traitement. L'application de cette disposition restera toutefois limitée
puisque 20% seulement des toxicomanes choisiront cette solution.
L'épidémie de Sida va considérablement
modifier les priorités des programmes publics allemand. La diffusion du
Sida parmi les toxicomanes intraveineux est officiellement reconnue en
Allemagne en 1984328(*).
Les différentes enquêtes ont permis de relever une
prévalence de séropositivité à VIH de 10% en 1983,
17% en 1984, puis de 24% en 1985. Le débat né du Sida vient
s'ajouter au problème de l'hépatite et conduit le gouvernement
à faire de la fourniture de seringues aux toxicomanes une
priorité de santé publique en 1983. De nouveaux services proches
des milieux de vie des toxicomanes sont alors progressivement installés.
C'est seulement en 1987 que les distributions de seringues vont
bénéficier d'un soutien national. La décision
adoptée lors de la Conférence des ministres de la Santé en
mars 1987 se traduit dans le Modellprogramm « Betreuung und
Beratung Hiev-infizierter Drogenhängiger », programme
destiné aux toxicomanes sidéens.
En revanche, contrairement à l'échange de
seringue, le gouvernement et les institutions fédérales
allemandes restent très prudentes sur la question de la
méthadone, en raison de l'opposition du corps médical. Rappelons
que la Leidenstheorie rendait impossible la prescription de produits
de substitution. La commission nationale compétente, le
Ständiger Arbeitskreis der Drogenbeauftragten des Bundes und der
Länder, composée de représentants des médecins
et des administrations des Länder et du niveau fédéral,
avait toujours refusé l'expérimentation d'un véritable
programme de traitement substitutif pour toxicomanes.
Les mêmes indications thérapeutiques restent
inchangées après les colloques de Berlin de 1984 et la commission
nationale de 1986. Le conseil des ministres de la Santé de 1987 admet
l'usage de la méthadone « dans des cas
individuels », lorsque les tentatives de désintoxication et
les efforts d'éducation préventive échouent ou lorsque
leur état physique l'exige. C'est ainsi comme le note Monika Steffen
« par la notion de « souffrance physique » que la
méthadone devient acceptable, réservée dans un premier
temps aux toxicomanes malades du Sida ».
Les premiers programmes massifs de substitution, à
« bas seuil », sont réalisés par les
Länder dés la fin des années quatre-vingt.
Toutefois la répartition géographique est très
inégale en fonction des Länder. En 1993 tous les Länder
gouvernés par les sociaux démocrates expérimentaient au
moins un programme, à l'exception de la Bavière, du
Bade-Wurtemberg et de la Rhénanie-Palatinat. Les attitudes
professionnelles des opérateurs de terrain vis-à-vis de la
méthadone évoluent d'ailleurs, comme le note Monika Steffen, en
fonction des choix politiques mis en oeuvre au niveau de chaque Länder.
Le plan gouvernemental suscite de nombreuses critiques puisque
la méthadone reste réservée aux « cas
individuels couplés avec une prise en charge
thérapeutique ». L'année suivante, sous l'égide
du nouveau ministre de la santé, l'état de dépendance des
toxicomanes est officiellement requalifié comme étant une
« maladie » pouvant ainsi d'être traité par
tous les médicaments nécessaires. La Leidenstheorie
(théorie de la souffrance) a par conséquent été
progressivement délaissée au cours des années
quatre-vingt-dix tandis que les prescriptions de programme de substitution se
sont amplifiés. La politique gouvernementale reste en revanche
très empreinte de prohibitionnisme puisque le plan de lutte nationale de
1990 prévoit de renforcer les structures d'accueil tout en aggravant les
sanctions pour les petits dealers et créant un délit
spécifique « d'incitation à la toxicomanie ».
L'Allemagne a réussi à mettre en place avec
succès le modèle de la réduction des risques au cours des
années quatre-vingt. Celle-ci a rencontré deux obstacles. D'une
part, elle a été le fait d'acteurs politiques et sanitaires
locaux qui ont affronté plusieurs résistances au niveau
fédéral. La culture thérapeutique, d'autre part, a
constitué un frein important à l'introduction des programmes de
substitution. La réussite de la réduction des risques est ainsi
d'autant plus remarquable que l'Allemagne ne bénéficiait pas d'un
contexte culturel propice. Le système sanitaire britannique va en
revanche être mieux préparé face à
l'épidémie de VIH/Sida chez les toxicomanes. Le British
System est, contrairement au modèle allemand, basé sur le
principe du Public Health. Cela signifie que la principale
priorité du système sanitaire a été depuis
longtemps le soin des toxicomanes, entendu non pas comme la mise en place de
sevrages forcés visant à l'abstinence mais comme la prescription
d'opiacés dans le cadre de programmes de substitution ou de
maintenance.
1.1.2.2 Le British System ou
la culture du Public Health
La particularité britannique vient du fait que le corps
médical a toujours établi, mis à part une brève
période de prohibition (1920-1926)329(*), un contrôle sur l'usage des drogues, qui
étaient accessibles sur prescription médicale330(*). Pour comprendre l'origine
de cette mesure, il est nécessaire de remonter aux années 20
durant lesquelles divers pays, sous la houlette des Etats-Unis,
considéraient les problèmes de toxicomanie comme des
problèmes de criminalité. La prise de position de l'Angleterre
fut alors sans équivoques : la toxicomanie était
considérée comme une maladie et il était, par
conséquent, nécessaire d'en attribuer le traitement aux services
médicaux. Un accord fut signé entre la corporation
médicale et l'Etat anglais en 1926. Il ne faut pas oublier en effet que
ce fut la classe médicale qui fit pression dés le
dix-neuvième siècle afin que soit reconnu leur rôle dans la
prescription et la vente des substances. Aux intérêts
économiques et professionnels (essentiellement des pharmaciens) se
superposait une réelle préoccupation de l'environnement dans
lequel a lieu la prise de drogues.
Le nouveau système rendait possible le traitement du
problème des substances lorsqu'il se limitait à un groupe
restreint d'individu331(*). La consommation d'opium, de morphine,
d'héroïne et de cocaïne était soumise à une
prescription desservie par les médecins. Il suffisait alors qu'un
médecin prescrive à un toxicomane les doses nécessaires
sous sa responsabilité et sous son contrôle.
L'élément clef de ce système était le concept de
«cible», c'est l'idée que la prescription
d'héroïne a pour conséquence de capturer le patient dans un
filet thérapeutique et sanitaire. La relation entre le toxicomane et le
médecin devait permettre à long terme, d'avoir une meilleure
connaissance du phénomène, plus personnalisée et moins
statistique, et d'amener ainsi le toxicomane à abandonner peu à
peu sa dépendance332(*).
L'ambition de ce système était de permettre une
meilleure intégration des toxicomanes et de protéger ainsi
l'ensemble du corps social. La philosophie de la politique du Public
Health était alors d'éviter toue implication des toxicomanes
dans les activités illégales ; même si l'abstinence
restait un objectif, elle cédait le pas devant la stabilisation du
toxicomane qui était privilégiée car jugée plus
réalisable. Comme le résume Berridge, qui a étudié
la politique de prévention anglaise, « le traitement (d'un
point de vue strictement médical) était de moindre importance en
rapport avec la « minimisation » du risque
social »333(*). Il répondait plus à une
priorité utilitariste qu'humaniste334(*).
Toutefois ce système devient inefficace lorsque,
à la fin des années soixante, le nombre de consommateurs
s'élargit considérablement. Tandis qu'on recense 57 cas de
consommation d'héroïne en 1954, on en compte 2 240 en
1968335(*). Le
mécanisme de prescription du British System avait
été conçu pour répondre à de faibles
proportions d'usagers. La liberté de prescription a alors
été limitée afin d'enrayer les prescriptions des
médecins jugées excessives. Le problème est alors d'autant
plus important que la toxicomanie concerne un public de plus en plus
spécifique. A l'inverse du consommateur intégré, la figure
du junkie, jeune marginal impliqué la plus souvent dans des
affaires illégales, apparaît comme le stéréotype de
l'héroïnomane.
En 1968, on réserve le droit de prescription de
l'héroïne et de la cocaïne aux seules drug clinics.
Les services hospitaliers, qui auparavant proposaient des programmes de drogue
« illimitée », privilégient progressivement
des cures de sevrage à courte durée soutenues par la
méthadone. Le nombre de toxicomane réclamant un traitement chuta
alors de façon importante (de plus de 50% au début des
années soixante-six à 25% à la moitié des
années quatre-vingt) incitant ainsi de nombreux toxicomanes à
rejoindre la rue et la marginalité. Les cliniques continuèrent
à prescrire de l'héroïne jusqu'à la moitié des
années soixante-dix, puis lui substituèrent la méthadone,
d'abord par voie veineuse puis par voie orale, qui avait fait son apparition au
début des années soixante-dix. L'objectif redevient alors
progressivement celui de l'abstinence avec une réduction des doses de
méthadone. Le paradigme du Public Health cède alors le
pas, comme le note Grazia Zuffa, au paradigme médical336(*).
La dépendance change de considération au cours
des années soixante-dix. Elle « n'est plus perçue comme
une pathologie spécifique susceptible d'une intervention médicale
spécialisée mais comme un problème personnel lié
aux conditions psychologiques et sociales de l'existence ». Le
système de prise en charge des toxicomanes se caractérise par un
retrait des structures publiques, en raison notamment de la politique
tatchérienne de diminution des dépenses, au profit d'oeuvres
sociales et des associations de bénévoles337(*). En témoigne, le
déclin du domaine médical et l'essor de travailleurs sociaux, de
volontaires et de psychologues.
En Grande-Bretagne, John Strang dénonce dès 1981
le système de soin de la toxicomanie qu'il considère
inadapté. Il défend une approche différenciée des
toxicomanes, population particulièrement
hétérogène. Un rapport édité en 1984
rappelle que la prévention ne doit pas être seulement à un
niveau « primaire », c'est à dire empêcher
l'apparition de comportements à risques, mais qu'elle doit
également viser la prévention des risques liés à
l'usage de drogues338(*). Mais, c'est en 1985 que le problème
Sida-toxicomanie est apparu en Angleterre par la découverte d'une
prévalence de séropositivité à VIH très
élevée parmi les toxicomanes d'Edimbourg339(*). Dés 1986 ont lieu
les premières expériences d'échange de seringues. Mais
c'est avant tout au niveau local que vont se développer les programmes
de réduction des risques, Liverpool et Manchester vont ainsi
bénéficier d'une avance sur Edimbourg qui retarda pour des motifs
politiques la mise en oeuvre de ces programmes. En 1996, la prévalence
de la séropositivité à VIH chez les toxicomanes est
estimée à 40% à Edimbourg, contre seulement 1% à
Manchester et 0,2 à Liverpool. On a recensé en 1990 dans le
district du Merseyside seulement 20 séropositivités parmi les 15
000 toxicomanes que comptait le district340(*). Aujourd'hui le Merseyside a, en outre, le
pourcentage le plus élevé de consommateurs par voie intraveineuse
d'Angleterre et constitue la seconde région pour le plus bas nombre de
séropositifs parmi les toxicomanes.
Les autorités nationales restent dans un premier temps
en retrait face à l'épidémie de Sida et
délèguent les mesures sanitaires de soin de la toxicomanie aux
professionnels de la santé341(*). Le développement de la stratégie de
réduction des risques a tout d'abord eu lieu au cours des années
soixante-dix par le biais des associations privées de
bénévoles342(*). Celles-ci se dotèrent en 1986 d'un organisme
national de coordination qui a permis d'établir un dialogue avec les
autorités nationales. L'Advisory Council on the Misure of Drugs
(ACMD), lieu au sein duquel s'élaborent les politiques nationales visant
les toxicomanes, entérina la stratégie de la réduction des
risques sous la pression des associations dans un rapport publié en
1987, dans lequel est exigé la vente et l'échange de seringues et
la prescription médicale des produits de substitution. Le premier plan
gouvernemental d'envergure national n'interviendra qu'en 1988. En 1991, on
recense en Grande Bretagne plus de cent centres d'échange de seringues.
En 1987-1988, la pratique d'échange de seringues concernait 62% des
toxicomanes intraveineux, autant qu'en Allemagne ou en Italie. Le paradigme de
la réduction des risques est désormais appliqué.
Pouvons-nous affirmer, comme le fait Monika Steffen, que
« le cas britannique constitue un exemple d'une réussite en
matière de réduction des risques, un modèle de
référence dans la littérature spécialisée
internationale »343(*) ? Il est vrai que le British System a
permis une moindre marginalisation des toxicomanes et que le principe du
safer use (dont l'objectif peut se résumer en quelques
mots : « agir contre le risque lié à
l'injection », c'est à dire l'usage à moindre risque) a
permis de limiter considérablement la catastrophe sanitaire.
Il est toutefois possible d'apporter deux limites. Tout
d'abord, ces résultats ne sont imputables qu'en partie aux pouvoirs
publics qui sont restés largement en retrait vis-à-vis des
acteurs associatifs ou sanitaires locaux. La réduction des risques est
née comme un ensemble de pratiques venant « du bas »
et s'est progressivement transformé en politique nationale sous la
pression d'un ensemble d'acteurs, fondamentalement
non-institutionnels344(*). Cette absence de coordination au niveau national a
limité l'application de la réduction des risques, d'une part, en
provoquant de fortes disparités et, d'autre part, en prévenant la
formation d'une culture de services de la réduction des risques à
l'échelle nationale. En outre, et ceci constitue une seconde limite au
modèle anglais, le paradigme médical semble avoir pris le pas sur
l'idée du Public Health comme le note Grazia Zuffa, il s'agit
désormais de conduire les toxicomanes vers l'abstinence qui est redevenu
une priorité des politiques publiques345(*). La réduction des risques a toutefois
limité ce changement de paradigme en s'interposant entre les deux
modèles.
L'Allemagne et la Grande-Bretagne constituent deux exemples
réussis de la mise en place de la réduction des risques bien que
celle ci s'accomplisse dans deux contextes fortement distincts. Les
résultats les plus évidents sont, comme nous l'avons vu, les
retombées sanitaires positives des programmes qui ont été
mis en place. Toutefois, la réduction des risques prend en Allemagne et
au Royaume-Uni une signification essentiellement sanitaire. Il ne s'agit pas
tant de modifier la perception de la toxicomanie ou de l'usage de drogue que
d'en limiter les effets pervers sur la santé publique. La
réduction des risques ne s'accompagne pas d'un renouveau conceptuel des
façons de penser la place du toxicomane dans la société
qui reste un personnage déviant. L'application de la réduction
des risques prend en revanche un sens très différent aux Pays-Bas
et en Suisse. Elle ne se résume pas seulement à un choix
pragmatique face à la situation d'urgence sanitaire mais elle adopte une
dimension culturelle. La réduction des risques participe à une
« normalisation » de la place du toxicomane et de l'usager
de drogue au sein du corps social.
1.2.2 Les modèles
culturels du nouveau paradigme
1.2.2.1 La culture
hollandaise de la réduction des risques
Les Pays-Bas ont été amenés à
développer une politique publique originale du fait qu'ils ont
été particulièrement touchés par le problème
des drogues, d'une manière plus dramatique et plus précoce que
les autres pays européens. Le cannabis commence à se diffuser
parmi les jeunes aux cours des années 60, mais l'introduction massive de
drogue aux Pays-Bas remonte, comme l'explique Grazia Zuffa, à 1974, date
de l'indépendance de la colonie du Surinam dont les habitants purent
alors choisirent leur citoyenneté : 40% optèrent pour la
nationalité hollandaise346(*)346(*). Cette population connût de nombreuses
difficultés d'intégration et l'usage de l'héroïne se
développa massivement parmi celle-ci. L'héroïne s'est
ensuite rapidement élargie à la population blanche la plus
marginalisée qui était déjà concernée par
les problèmes d'alcoolisme. La progression des héroïnomanes
s'effectua alors de manière continue : Amsterdam compte 500
héroïnomanes en 1974, le quadruple en 1976, 6 000 en 1979 et entre
12 000 et 14 000 en 1983.
Le phénomène hollandais est le résultat
d'une conjonction entre les facteurs « immigration »,
« marginalité » et
« toxicomanie ». L'Etat hollandais a toutefois su
réagir de façon adaptée à la situation en prenant
en compte chacun des facteurs cités. Actuellement, le nombre
d'héroïnomanes est redescendu à 6 000 dont 85% entretiennent
une relation régulière avec les services sanitaires. Un tel
résultat s'explique, selon Grazia Zuffa, par les politiques mises en
place par les pouvoirs publics, dont notamment une politique de
prévention dirigée vers la population la plus à risque,
qui prît le nom de « Nouvelles perspectives pour les jeunes
marginaux »347(*). Elle s'est traduite par exemple par la
création d'opportunités d'instruction et de travail qui sont
considérées comme la meilleure forme de prévention contre
les substances.
La principale mesure adoptée par les Pays Bas reste
cependant la distinction opérée entre les drogues douces et les
drogues dures348(*).
Parmi les premières a été classé essentiellement le
cannabis, tandis que parmi les secondes figurent l'ecstasy,
l'héroïne et la cocaïne. La distinction remonte aux travaux
remis par deux commissions instituées en 1968 afin de mettre à
jour les causes de l'usage de drogues et les réponses à y
apporter. Le premier rapport, dit Hulsman du nom de son président,
affirme : « L'aspect principal est le fait que les drogues ne
soient pas considérées uniquement sous l'aspect
pharmacologique, puisque celui ci ne peut pas rendre compte de la
complexité du rapport des individus et des groupes avec les
substances ». Les risques ne sont ainsi pas uniquement
évalués en rapport avec la substance mais avec les
différents types de consommation, selon le modèle
relationnel/comportemental qui a été décrit
précédemment.
La commission établit que les drogues présentent
un risque lors du passage d'un usage modéré à un usage
intensif caractérisé par la dépendance. Le rapport Hulsman
considère également qu'il est possible de réaliser un
usage contrôlé des drogues illicites qui ne soit un dommage
ni pour l'individu ni pour la société : cette affirmation
constitue encore aujourd'hui, comme le note Grazia Zuffa, un principe clef dans
la politique de réduction des risques349(*)349(*).
L'idée qu'il puisse exister des modèles de consommation
(intégrés à des sous-cultures) dans lesquels l'usage de
drogue, contrôlé aussi bien dans la quantité que la
qualité, constitue un moment récréatif, est reconnue pour
la première fois en Europe.
C'est de là que Hulsman développe sa principale
idée : si les substances sont considérées comme
étant également dangereuses, il se créé alors un
risque que les types de consommateurs (et à fortiori les
sous-cultures) tendent à se rapprocher. Comme le résume Grazia
Zuffa, « l'idée est qu'un type de consommateur (par exemple
d'héroïne) peut influencer un autre type de consommateur (par
exemple de cannabis) si les deux types de consommation sont
« assimilés» de manière forcée dans une
seule et unique sous culture marginalisée, lorsque les marchés
des deux drogues coexistent dans la même zone criminelle ». Un
rapport de 1997 qui prend acte que les substances « sont parmi nous
et y resteront » rend également compte du passage des drogues
douces aux drogues dures par le marché des substances : c'est la
proximité du vendeur et du consommateur qui incite à changer de
substances. Ces considérations ont servi de fondement à la
séparation des marchés entre les drogues douces et les drogues
dures. Le gouvernement a donc souhaité séparer les deux
marchés en légalisant celui des drogues douces.
Cette distinction a conduit à l'ouverture de lieux
réglementés, les coffe shops, dans lesquels il est
possible d'acquérir du cannabis350(*). Les conditions des coffe shops ont
été codifiées de sorte à ce qu'ils soient ouverts
aux personnes de plus de 18 ans et répondent à un ensemble de
critères formulés sous le sigle Ahoy-g : la
première lettre symbolise le no advertising, pas de
publicité, la seconde indique que les drogues dures sont interdites
(hard), le O (obstruction) met en garde contre le désordre
publique, le Y (young) rappelle la limite d'âge, le G (great
quantities) signale que ce ne sont jamais de Grandes quantités mais
seulement de petites doses de cannabis qui peuvent être vendues, 5
grammes exactement. Chaque coffe shop ne peut pas détenir une
quantité destinée à la revente supérieure à
500 grammes. On dénombre entre 1200 et 1500 de ces locaux dans le pays.
L'argument d'une séparation des marchés
apparaît trop simpliste à Grazia Zuffa pour justifier la vente de
cannabis dans les coffee shop : les consommateurs seraient ainsi mis
à l'abris d'un éventuel passage aux drogues dures qui sont
souvent associées aux drogues douces au sein des marchés
illégaux351(*).
« L'originalité de la proposition de Hulsman n'est pas tant
dans l'idée de séparation des marchés que dans la mise en
évidence des risques de la réponse pénale vers la
marginalisation des sous-cultures des drogues : si les consommateurs sont
poussés vers des modes de vie marginaux, le développement d'une
structure de vie socialement intégrée facilite la
prévention des modèles de consommation
« durs ». La commission conclut que la seule réponse
possible au problème des substances passe par la
« décriminalisation totale ».
L'autre rapport publié en 1968 et présidé
par Pieter Baan aboutit à des conclusions similaires. Il introduit
également le concept de drogues à « risques
acceptables » (comme le cannabis) et de drogues à
« risques inacceptables » (comme l'héroïne)
pour lesquelles il est recommandé de suspendre les poursuites
pénales mais de continuer la répression du trafic. Ces deux
rapports ont apporté, comme le souligne Grazia Zuffa, une
« base de théorie sociologique à la politique de
décriminalisation de la drogue utilisée par la plus grande
majorité des consommateurs (le cannabis) ». Il s'agissait de
réintégrer les sous-cultures juvéniles liées
à la consommation de cannabis dans la légalité.
L'Opium law de 1976, s'inspirant des commissions Huslman et Baan,
visait ainsi à éviter tant que possible que les consommateurs de
cannabis puissent être incarcérés. D'autres mesures furent
adoptées par le gouvernement hollandais dans le cadre de la
prévention des risques telle que l'introduction de la méthadone
en 1981 ou encore les programmes d'échange de seringues entrepris en
1984 afin de prévenir l'hépatite puis le Sida. Les centres
d'échange de seringues ont ainsi contribué à la politique
de prévention. Le centre De Regenboog figure parmi l'un des
plus importants à Amsterdam, il a permis en 1995 d'échanger 50
000 seringues en une année352(*). En outre, 90% des seringues distribuées sont
récupérées après usage évitant ainsi
qu'elles puissent se répandre sur la voie publique.
La politique hollandaise, estime Grazia Zuffa, est un des
meilleurs exemples de politique de réduction des risques. Elle ne s'est
pas, en effet, contentée d'adopter un ensemble de mesures afin d'assurer
l'amélioration des conditions sanitaires sociales des toxicomanes. Elle
a su adapter sa législation aux évolutions requises par la
réduction des risques. Le traitement social et sanitaire de la
toxicomanie a été lié à une considération
non-prohibitionniste de l'usage de drogues, à l'inverse du modèle
du « toxicomane/malade/délinquant ». La politique
hollandaise vise à traiter la toxicomanie avant tout par des mesures
sociales en évitant une pénalisation et une
criminalisation/marginalisation du phénomène.
Les Pays-Bas constituent sans nul doute un pays
précurseur de la réduction des risques. Celle-ci a
bénéficié de conditions favorables qui rendent compte de
son succès. En effet, la législation hollandaise ne
présentait pas un long passé prohibitionniste à l'exemple
du reste de l'Europe. La Suisse a, en revanche, adopté une politique
répressive sur le modèle prohibitionniste jusqu'à la fin
des années quatre-vingt. Face à l'inefficacité des
précédentes mesures, l'adoption de la réduction des
risques s'est alors rapidement imposée comme une transformation
nécessaire. Celle-ci fut mise en place avec succès et
représente un modèle pour l'ensemble des gouvernements
européens.
1.2.2.2 L'expérience
helvétique des « 4 piliers »
Zurich est la première ville suisse à
développer une politique de réduction des risques à la fin
des années quatre-vingt devant l'urgence du Sida. C'est ainsi
qu'apparaissent les programmes d'échange de seringues mais aussi un
ensemble de services sociaux tels que des programmes de logement et de
réinsertion. Zurich a également mît en place une des
expériences des plus osées qui soit353(*)353(*). Dans un espace délimité une zone
était accessible aux toxicomanes où ils pouvaient en toute
liberté, n'ayant pas à craindre d'arrestation, consommer de
l'héroïne354(*). Le jardin public central de la ville, le
Parkspitz, devient le lieu de rencontre des toxicomanes de Zurich.
Malgré les tentatives de la municipalité de déplacer ce
point de rencontre, celui-ci devient de plus en plus important et se trouve
rapidement transformé en ghetto. Il contribua, en dépit de sa
spontanéité, comme l'explique Grazia Zuffa, à la politique
de réduction des risques du fait que les toxicomanes purent trouver un
lieu de répit où la police ne pénétrait pas et
où certains services sanitaires et sociaux étaient
disponibles355(*)355(*). La réputation de ce
parc incita à la création d'un tourisme la drogue puisque 70% des
2 000 usagers quotidien du parc n'étaient pas de Zurich. La
présence de nombreux revendeurs et la violence qui s'en suivait
entraîna la fermeture du lieu en 1992356(*).
La politique suisse en matière de toxicomanie,
appelée « politique des 4 piliers », n'est lancée
qu'à la fin de 1990 et est devenue le modèle de la Suisse en
1994357(*). Le
gouvernement suisse bénéficie par ailleurs d'un fort soutien de
la part de l'opinion publique. Une spécificité de la politique
suisse est également le fait d'avoir été
élaborée à partir d'une véritable stratégie
au plan fédéral. Tandis que la réduction des risques
était apparue au plan local par le biais d'expérimentations
isolées (comme le cas du Merseyside en Angleterre, de Francfort en
Allemagne ou encore, dans une moindre mesure, d'expériences associatives
hollandaises) la Suisse va tenter d'apporter une cohérence au plan
national tout en conservant l'autonomie des cantons. La politique des
« 4 piliers » part d'une constatation :
« l'expérience avec les drogues légales comme l'alcool
et la nicotine démontre qu'il est possible de gérer des
substances qui engendrent une dépendance en les tenant sous
contrôle et par conséquent en mode responsable. De récentes
études scientifiques sur les drogues illégales montrent qu'il est
également possible de gérer de façon
contrôlée des drogues comme la cocaïne et
l'héroïne en s'attenant pourtant, comme pour l'alcool à
déterminer des règles de consommation».
La stratégie helvétique intègre la
réduction des risques comme l'une de ses composantes principales
(Prévention, thérapie, réduction des risques,
répression). L'ordre des priorités est inversé en
comparaison de l'ordre international où la répression occupe la
première place. La politique suisse prend de la sorte ses distances avec
la politique répressive appliquée jusque là :
« Les données statistiques montrent qu'en Suisse,
malgré les importantes mesures de répression qui ont
été adoptées, l'importation, le commerce et la
consommation de drogues n'ont pas diminué [...] et la répression
mise en acte par la police ne dissuade pratiquement personne au moment de
commencer à consommer des drogues et n'a pas amené à en
arrêter la consommation ». La politique suisse est ainsi
à l'origine d'un « principe d'opportunité »
qui incite ainsi à ne pas appliquer la loi lorsqu'elle peut être
à la cause de troubles sociaux importants, comme la
non-intégration sociale du consommateur de drogues.
Le premier des principes défendus, la
prévention, se justifie par la volonté d'éviter le passage
à des modes de consommation incontrôlés, c'est à
dire l'abus de substances. Le second et le troisième pilier
(thérapie et réduction des risques) se réfèrent
à la priorité de la « stabilisation » du
sujet dépendant. Il s'agit, comme le note Grazia Zuffa, d'un concept
complexe qui inclut aussi bien une dimension physique, que psychique et sociale
et qui s'oppose à l'idée qui voudrait que le toxicomane doive
toucher le fond (intolérance, exclusion sociale) afin d'être
porté à l'abstinence358(*)358(*).
C'est dans ce cadre que s'est développé l'usage
thérapeutique de l'héroïne mais aussi de la
méthadone.
La considération de l'usage de drogues a
été considérablement discutée. Elle a fait l'objet
d'un référendum en septembre 1997 à l'occasion d'une loi
d'initiative populaire (« promotion d'une « jeunesse sans
drogues ») qui tentait d'éradiquer la stratégie de
réduction des risques entreprise par la politique des quatre piliers en
instaurant la pénalisation de la détention personnelle de
substances359(*). Le
référendum s'est conclu par un « non » massif
avec 70,6% des voix. La politique des quatre piliers semble réaliser un
large consensus au sein de la population. La Suisse a poursuivi sa politique en
réalisant une expérimentation sur l'usage thérapeutique de
l'héroïne, qui a été élargie en 1999 à
10% des toxicomanes360(*). Enfin, en août 1999, des travaux
préparatifs ont été initiés afin de réformer
la loi fédérale sur les stupéfiants de 1951.
La réduction est risques est apparue en Suisse et aux
Pays-Bas dans des contextes très distincts. Alors que les Pays-Bas
étaient fortement imprégnés d'une culture du Public
Health visant à protéger les conditions d'existence des
toxicomanes, la politique helvétique était auparavant
principalement prohibitionniste. Les deux pays ont toutefois adopté une
politique de réduction des risques très similaire qui se fonde,
d'une part, sur un traitement social (et non pas simplement sanitaire) de la
toxicomanie et, d'autre part, sur une transformation de leur législation
sur les drogues (dépénalisation de l'usage en Suisse et
légalisation du cannabis aux Pays-Bas). Le passage à la
réduction des risques fut en revanche très différent en
France et en Italie. Ces deux pays ont tout d'abord pour point commun d'avoir
privilégié une approche thérapeutique/répressive de
la toxicomanie au détriment d'une approche sociale. Il s'agissait avant
tout de soigner les toxicomanes, perçus comme des malades. Cette prise
en charge s'effectuait en revanche selon des modalités distinctes.
Tandis que la France privilégiait le traitement psychologique, les
politiques italiennes reposaient sur l'approche
« communautaire » qui vise à rééduquer
les toxicomanes.
1.3 France-Italie : les
résistances à la réduction des risques
Face à l'épidémie de Sida, tous les
gouvernements semblent s'aligner au début des années
quatre-vingt-dix sur le modèle de la réduction des risques. La
France semble en revanche plus réfractaire puisque les pouvoirs publics
n'intègrent le principe de la réduction des risques au sein des
politiques en matière de toxicomanie qu'en 1995361(*)361(*). Le système français se
caractérisait à cette période par un dispositif de
traitement de la toxicomanie essentiellement fondé sur la
répression. Les modifications des politiques de traitement de la
toxicomanie s'implantent alors difficilement en France car elles vont à
l'encontre de la représentation sociale des comportements
toxicomaniaques. La distribution de seringues implique par exemple
l'idée d'accepter, dans une certaine mesure, l'usage de drogues. La mise
en place de politiques de prévention adéquates face au Sida va
également être rendue difficile par le refus des professionnels de
prendre en compte la gravité du problème. Il s'agit de rendre
compte de ce retard dans l'application de la réduction des risques,
responsable d'une catastrophe sanitaire sans précédent, que Henry
Bergeron qualifie de « singularité
française »362(*).
1.3. 1 La réduction des
risques en France
1.3.1.1 Le champ
professionnel autonome de la toxicomanie
Pour comprendre l'inertie du système et des pouvoirs
publics français face à la menace de l'épidémie de
Sida, il est nécessaire de se reporter à la culture propre au
champ institutionnel et professionnel de la toxicomanie tel qu'il s'est
développé en France. Il se caractérise avant tout par une
forte autonomie et un important pouvoir décisionnel. Henry Bergeron a
mis en évidence dans l'ouvrage L'Etat et la toxicomanie. Histoire
d'une singularité française comment un groupe professionnel
spécialisé homogène s'est progressivement institué
à partir des années soixante-dix puis s'est progressivement
transformé en système autonome au cours des années
quatre-vingt363(*)363(*).
Le champ institutionnel de la toxicomanie est autonome en
raison d'une pluralité de facteurs : centralisation de l'expertise
et des décisions entre les mains d'acteurs autonomes et aux
considérations homogènes, objectifs de la politique de soins
uniquement définis en terme d'abstinence, refus stratégique des
hommes politiques à s'investir sur ce dossier délicat, exclusion
des élus locaux des capacités d'innovation, faiblesse de
l'activité de coordination tant au niveau national qu'au niveau
départemental. Les politiques publiques françaises en
matière de toxicomanie sont caractérisées par un abandon
de la classe politique qui s'en remet volontiers à l'avis des experts et
des professionnels du secteur. Cette remarque s'applique d'ailleurs, comme le
montre Jobert, à l'ensemble des politiques sanitaires françaises
qui « reflète[ent] plus les valeurs et la structure de la
profession que celles des gouvernements »364(*).
Les tentatives des pouvoirs publics pour instaurer un
contrôle du milieu professionnel de la toxicomanie se soldent par des
échecs répétés. La loi de décentralisation
et la rationalisation des services de toxicomanie impose par exemple une
évaluation systématique des centres spécialisés.
Anne Coppel écrit d'ailleurs à ce sujet : « Avec
l'arrivée de la gauche au pouvoir, les services entrent dans
l'ère de l'évaluation »365(*). La compétition
incite toutefois les centres à maquiller leurs chiffres qui restent
difficilement comparables en l'absence d'un organe central d'évaluation.
Les tentatives de coordination interministérielle comme la
création de la Mission interministérielle à la lutte
contre la toxicomanie (MILT) en 1982 sont restées également sans
réels résultats. La MILT se trouve ainsi réduit à
un rôle de « distributeur de crédits non
affectés »366(*).
L'ordre établi par les intervenants de la toxicomanie
ne sera remis en cause que par Albin Chalandon, Garde des Sceaux, qui tente de
s'opposer au système en vigueur entre 1986 et 1988 en développant
un dispositif de communautés spécifiques pour l'injonction
thérapeutique. Celles-ci sont perçues par les professionnels
comme des « prisons pour toxicomane »367(*). Le projet n'aboutira pas en
raison d'un mouvement de protestation des spécialistes de la toxicomanie
et du changement de majorité présidentielle en 1988 mais cet
évènement a constitué l'unique tentative de
déstabilisation du milieu thérapeutique.
Les professionnels de la toxicomanie exerçaient un
contrôle total sur leur discipline et étaient réfractaires
à l'idée d'une évaluation provenant d'un organe
extérieur à leur champ institutionnel. C'est pourquoi l'action
publique française en matière de toxicomanie est restée
pendant très longtemps étrangère à l'idée
d'une évaluation. Il s'agit d'ailleurs d'un phénomène
récent puisque ce n'est qu'en 1992 qu'une commission d'évaluation
se met en place sous la direction de René Padieu. Les
précédentes études (Pelletier en 1978368(*), Trautman en 1990369(*)) analysaient certains
éléments des politiques publiques sans remettre en cause les
finalités et les valeurs qui y sont rattachées. Henri Bergeron
évoque à ce sujet une « évaluation
neutralisée »370(*). Les spécialistes sont ainsi convaincus que
le système de soin en matière de toxicomanie est absolument
adapté au problème et aucune remise en cause n'est envisageable.
Comme le rappelle Francis Curtet en 1992, alors même que les conditions
de vie et de santé des toxicomanes français se dégradent
de façon catastrophique, la France est le « pays [...] qui a
le mieux limité la toxicomanie » grâce « à
l'efficacité du réseau de soins français » et il
conclue en affirmant : « la vraie intelligence est d'oser
reconnaître notre efficacité pour en convaincre nos partenaires
européens »371(*).
Alors que l'épidémie de Sida s'étend
parmi la population toxicomane et que de nouveaux moyens de prévention
font leur apparition, la prise en charge de la toxicomanie reste fondée
sur les principes du sevrage et de l'abstinence. Aucune évaluation des
pratiques thérapeutiques ou d'approche comparative des
différentes thérapies possibles ne sont réalisées.
Le dispositif français rejette vivement les innovations
thérapeutiques. La première évaluation scientifique de
synthèse réalisée en 1989 aboutit à la conclusion
qu'il n'existe pas de différences de résultats entre les
différents techniques de prise en charge372(*). Cette absence
d'évaluation a ainsi maintenu en l'état la
légitimité des choix opérés par les professionnels
de la toxicomanie et a entravé sa possible remise en cause :
« Dans le cadre d'un débat non
tranché « scientifiquement » concernant
l'efficacité des solutions thérapeutiques disponibles, profitant
d'un consensus général sur les objectifs de la politique, la
modèle français est maintenu et se maintient solidement sur ses
bases, sans être plus amplement
questionné »373(*).
Dans ce cadre, la méthadone n'est pas envisagée
par les spécialistes français. Alain Morel, président de
l'Association nationale des intervenants en toxicomanie (ANIT), ajoute dans ce
sens : « Les médecins ne doivent pas être aux
ordres des toxicomanes pour renoncer à leur mission première qui
est de soigner. Envisagerait-on, dans cette même logique, de prescrire de
l'alcool aux alcooliques ou d'inciter à la violence les psychopathes
dangereux ? »374(*). Pascal Courty critique, en tant que directeur d'un
centre de soins pour toxicomanes, au même moment et de façon
sévère, le manque d'instruments à sa disposition :
« Nous sommes en 1993. La prise en charge des
usagers de drogue est à la croisée des chemins. En effet, depuis
le décret de juillet 1992375(*), les centres de soins ont enfin un statut [...]
Qu'avons nous à cette époque à proposer aux usagers de
drogue ? Le sevrage, le sevrage et encore le sevrage. La prise en charge
hospitalière se résume à une pratique dont on sait bien
qu'elle est un échec la plupart du temps »376(*)376(*)
Ce refus de mettre en oeuvre de nouveaux outils
thérapeutiques, comprenant entre autres l'échange des seringues
ou l'usage de la méthadone, est lié comme l'explique Monika
Steffen à la préférence, que cultivent les professionnels,
pour l'approche psychanalytique au détriment de l'approche
médicale377(*).
Elle rend compte de ce comportement par la défense
d'intérêts catégoriels propres aux
psychothérapeutes : « Ils craignent [les
thérapeutes] que le Sida ne conduise à remédicaliser la
prise en charge des toxicomanes et à remettre ainsi leur secteur
d'activité sous l'autorité des institutions médicales,
dont la loi de 1970 les avait affranchies »378(*). Il existe à
l'époque un fort cloisonnement des milieux professionnels : d'une
part les médecins hospitaliers prenant en charge les toxicomanes malades
du Sida, généralement en état d'urgence, et d'autre part
les intervenants en toxicomanie. Cette séparation empêche
d'envisager un traitement commun du problème
« Sida-toxicomanie ». Elle rend compte du manque
d'intérêt des professionnels du secteur de la toxicomanie qui sont
pourtant confrontés au problème dès 1985. En 1990, lors de
la journée nationale de l'ANIT organisée sur le thème du
Sida « Toxicomanie(s) au temps du Sida », figure la
question suivante : « Sommes-nous
concernés ? »379(*).
Le refus de traiter conjointement toxicomanie et Sida est
également présent dans l'administration et la classe politique
française. Ainsi en 1986, le directeur général de la
Santé rappelle que la prise en charge budgétaire des soins
liés au Sida ne peut être faite sur les crédits de la
toxicomanie. Il justifie cette prise de position ainsi :
« La lutte contre le Sida et la lutte contre la
toxicomanie sont deux objectifs de santé publique bien
différenciés même si les populations qu'elles concernent se
regroupent aujourd'hui fortement, et le Sida ne peut en aucun cas être
considéré comme une maladie secondaire de la toxicomanie dont les
traitements s'intégrerait dans le traitement de
celle-ci »380(*)380(*)
Le rapport Trautmann aboutit à des conclusions
similaires en 1990381(*). Enfin en 1993, lorsqu'un journaliste demande
à Edouard Balladur la place du Sida dans le plan de lutte contre la
toxicomanie rendu public le 23 septembre 1993 il s'exclame d'un air
étonné : « Toxicomanie/Sida : quel est le
rapport ? »382(*). Le système français de prise en
charge de la toxicomanie est fortement autonome à la fin des
années quatre-vingt. Il refuse une médicalisation en faveur d'une
psychologisation du problème. C'est dans ce contexte que
l'épidémie de VIH/Sida va faire irruption, provoquant une
catastrophe sanitaire mais aussi un bouleversement de la toxicomanie.
1.3.1.2 La reconnaissance de
la réduction des risques
Les premiers cas de contamination à VIH de toxicomanes
américains sont connus en France dès 1982, ils sont toutefois
interprétés à l'époque comme « le mal qui
frappe la communauté homosexuelle »383(*). Les toxicomanes ne sont pas
alors reconnus à travers la presse comme un groupe à risques
spécifique contrairement aux homosexuels. Une première sonnette
d'alarme est amorcée par les gardiens de prisons qui demandent des
« équipements spéciaux » face à la
prépondérance des toxicomanes contaminés par le virus qui
sont incarcérés. Les données statistiques pourtant
disponibles ne sont pas publiées384(*). Les journaux nationaux comme Le Monde ou
Libération ne font presque aucune allusion au système de
soins des toxicomanes jusqu'en 1992385(*). Les programmes gouvernementaux contre la drogue
restent inadaptés au problème. Alors même que les
toxicomanes sont reconnus en 1991 comme étant le premier groupe de
victimes du Sida en Europe, la DGLDT (Délégation
générale à la lutte contre la drogue) lance une campagne
nationale de prévention des toxicomanies sans même se
référer au Sida386(*)386(*).
Les premiers cas de Sida chez les toxicomanes sont
diagnostiqués en France en juin 1984387(*) et sont répertoriés dans le bulletin
hebdomadaire épidémiologique début 1985388(*). Au 1er janvier
1987, 107 cas de Sida sont recensés. La part des toxicomanes parmi les
cas de Sida déclarés augmente de façon
ininterrompue : elle est de 7,4% en 1985, 15,1% en 1987, 20,8% en 1988,
24,7% en 1990, 26% en 1992389(*). Le système de traitement de la toxicomanie
est alors totalement inadapté pour répondre avec
efficacité au problème. En 1992, le système de soins
français accueillait 35 000 toxicomanes dont 60% étaient
principalement héroïnomanes tandis que la population de toxicomanes
dépendants était estimée à 150 000. Les centres
spécialisés n'atteignaient donc que 14% d'entre eux. Enfin, comme
le rappelle Henri Bergeron, les toxicomanes fréquentant les centres sont
le plus souvent ceux qui se situent dans une position plus favorable390(*).
En raison de l'hermétisme des professionnels et des
pouvoirs publics, c'est à l'extérieur du domaine de la
toxicomanie que vont naître les premières tentatives de prise en
compte du problème du Sida pour les toxicomanes. L'association
AIDS organise la première campagne de prévention en
matière de seringues en décembre 1985 et janvier 1986
(« Une seringue, ça ne se partage pas ») alors que
la même année la France est le seul pays européen à
interdire la vente libre des seringues391(*). Médecins du monde organise en 1989
une permanence pratiquant l'échange de seringues et met en place un
premier bus itinérant avec l'aide financière de la Direction
générale de la santé (DGS). Les médecins des
hôpitaux commencent également à cette époque
à prescrire des thérapies de substitution par méthadone.
Les spécialistes de la toxicomanie prennent alors
conscience du fait qu'ils ne sont plus les seuls interlocuteurs des toxicomanes
et que des acteurs concurrents (associations de lutte contre le Sida,
médecins généralistes, praticiens hospitaliers,
pharmaciens, etc.) s'immiscent dans un champ qui leur était jusque
là réservé392(*)392(*).
Tandis que le premier cas de Sida lié à la toxicomanie est
notifié en avril 1984, il faut attendre 1986 pour voir le
problème se poser au sein de l'ANIT (Association Nationale des
Intervenants en Toxicomanie ) et 1990 pour qu'un groupe de travail se
constitue. Les professionnels du secteur spécialisé font
connaître lors des Rencontres nationales sur l'abus de drogues et la
toxicomanie (1997) leur adhésion à une politique de
réduction des risques et même à une
dépénalisation de l'usage des drogues illicites393(*).
Mais le facteur qui déclencha la remise en cause de la
politique française fut le scandale du « sang
contaminé » en 1993. Dés lors les stratégies qui
visent à limiter les risques encourus deviennent légitimes.
Tandis que le plan de lutte contre la drogue de la DGLDT de 1990 « ne
comprenait aucune disposition sur la « réduction des
risques » »394(*), le nouveau plan du 23 septembre 1993 intègre
le Sida comme une priorité majeure. Le plan de 1993 prévoit ainsi
l'extension des programmes d'échanges de seringues et le
« développement maîtrisé d'un programme de
substitution », à condition que
« l'évaluation en cours en confirme
l'intérêt »395(*).
La Commission de réflexion sur la drogue et la
toxicomanie présidée par Roger Henrion établit en 1995 un
rapport, commandé par le ministère des Affaires sociales, de la
Santé et de la Ville, qui dresse un bilan très critique des
trente années de lutte contre la toxicomanie menée depuis la loi
du 31 décembre 1970396(*). Il est, en outre, appuyé par une
série d'autorités morales reconnues tel que le Comité
consultatif national d'éthique, la Commission sociale de
l'épiscopat et la Ligue des Droits de l'homme contribuant ainsi à
médiatiser et à amplifier sa portée. Les conclusions du
rapport sont tranchées :
« La politique de lutte contre la toxicomanie,
fondée sur l'idée selon laquelle il ne faut rien faire pour
faciliter la vie des toxicomanes, a provoqué des catastrophes sanitaires
et sociales. Il est urgent de rompre avec cette logique de l'exclusion [...] La
recherche d'une telle solution visant à « éradiquer la
drogue » n'était pas réaliste et [...] elle ne pouvait
servir de guide à l'action publique [...] Le véritable enjeu de
la politique en la matière est de tenter de « vivre
avec » au moindre coût en termes sanitaires et
sociaux »397(*)397(*)
La mise en place de la réduction des risques
apparaît désormais comme une priorité des pouvoirs publics.
Certaines dispositions avaient néanmoins été
adoptées dès la fin des années quatre-vingt. La
première mesure significative en terme de réduction des risques a
lieu en 1987 lorsque Michèle Charaz, alors Secrétaire d'Etat
à la Santé, annonce la suspension du décret de 1972
rendant obligatoire la production d'une pièce d'identité pour
l'achat d'une seringue en pharmacie398(*). Anne Coppel va jusqu'à considérer que
la mise en vente libre des seringues, désormais vendues sans
ordonnances, inaugure la politique de réduction des risques en
France399(*).
Il faut cependant attendre le début des années
quatre-vingt-dix pour qu'une série de mesures significatives soient
prises par les pouvoirs publics : en 1992 la DGS étend les
programmes d'échange de seringues (PES) à l'ensemble des centres
de soins pour toxicomanes400(*) ; en 1994, une meilleure coordination des
structures existantes a lieu et la capacité d'hébergement des
structures d'accueil est presque doublée401(*) ; le décret du 7
mars 1995 permet aux associations de lutte contre la toxicomanie et de
prévention du Sida de pouvoir distribuer librement du matériel
stérile402(*) ; l'accès à la méthadone,
introduite en 1993, est élargi en 1995 puis 1996 ; la libre
prescription du Subutex en 1996 permet aux médecins
généralistes de renforcer leur rôle dans la prise en charge
des toxicomanes. Le dernier plan triennal de lutte contre les toxicomanies
(MILDT, 1999) confirme l'importance accordée à la
réduction des risques. Il reconnaît, en outre, la difficile
conciliation entre répression et soins et souligne l'orientation trop
spécifique du système de soins en faveur des
héroïnomanes403(*)403(*).
L'adoption et la généralisation des traitements
de substitution par méthadone marquent le triomphe de la
réduction des risques404(*). Un nouveau paradigme des politiques
françaises en matière de toxicomanie semble s'affirmer. Le bilan
français est toutefois accablant : à la fin des
années quatre-vingt-dix, on compte 100 à 200 000
séropositifs, 6 000 nouveaux sidéens chaque année, deux
à trois cent mille toxicomanes intraveineux dont 1/3 de
séropositifs et beaucoup infectés par des hépatites B
ou/et C405(*).
Comment comprendre que le modèle français n'ait
pas adopté une politique de réduction des risques avant 1995
(extension de la distribution de méthadone) alors que la majorité
des pays européens, confrontés à des problèmes
similaires, avaient mis en place des PES et avaient intégré la
méthadone comme outil thérapeutique, soit dans les années
80 (Pays-Bas et Grande Bretagne), soit au tout début des années
90 (Allemagne, Italie, Suisse, Espagne) ? L'exception française, comme
le résume Eve Dussausaye, s'explique à la fois par la tradition
culturelle, les programmes thérapeutiques nécessairement
finalisés à l'abstinence, et par une résistance au
changement des différentes catégories de
décideurs (professionnels de la toxicomanie dont notamment les
psychologues, administration en charge du secteur de la toxicomanie, classe
politique)406(*).
L'affirmation de la réduction des risques doit
toutefois être relativisée. Son acceptation a fait l'objet, aussi
bien par de la part des professionnels que des administrations en charge de la
toxicomanie, de nombreuses réticences. Elle a été
adoptée dans un contexte de catastrophe sanitaire auquel il s'agissait
d'apporter une solution. Elle ne s'est ainsi pas accompagnée d'une
nouvelle conception du rapport thérapeutique qui reste encore
finalisé à l'état d'abstinence. « La
réduction des risques a donc été présentée
comme une solution inévitable, faute de mieux, pour gérer le
risque VIH, sans qu'elle soit intégrée à une politique
globale de la drogue impliquant une offre thérapeutique
diversifiée »407(*). Le fait que l'épidémie de Sida semble
aujourd'hui contrôlée parmi la population toxicomane laisserait
alors entendre une réduction de l'importance accordée à la
toxicomanie, c'est à dire un retour à l'état
précédent.
« Ce que moi, je peux regretter,
fondamentalement [...] c'est que les changements des politiques publiques n'ont
pas été le fruit d'une réflexion sur la toxicomanie. C'est
le Sida qui a provoqué ça. D'ailleurs comme le Sida ça
c'est un peu calmé, même si ça n'est pas une affaire
réglée, on voit actuellement le budget de certains centres non
publics diminuer [...] Et on leur retire des moyens sous prétexte que le
problème du Sida est pris en charge autrement. Et cela est tout à
fait dommageable à la prise en charge des toxicomanes dans les
soins » Un médecin psychiatre à l'unité
de substitution du CHU de Grenoble407(*)
On peut douter, en outre, que le contexte dans lequel soit
apparue la réduction des risques en France ait favorisé une
réelle intégration comme dans le cas suisse ou hollandais.
L'adoption de la réduction des risques ne semble pas s'être
accompagnée d'un renversement culturel de la place du toxicomane ou de
l'usage de drogues. Le débat sur la dépénalisation de
l'usage de drogues semble difficilement s'étendre au sein des instances
politiques ou administratives409(*).
Le retard français s'explique par un double constat. Le
système français de la toxicomanie s'est pendant longtemps
caractérisé par une forte autonomie du champ professionnel qui a
pu maintenir en place une idéologie inconciliable avec la
réduction des risques410(*). Cette prépondérance du secteur
spécialisé dans la définition des politiques a eu lieu au
détriment des institutions publiques. Aucune institution
indépendante de définition ou d'évaluation en
matière de toxicomanie n'est arrivée à s'imposer avant le
début des années quatre-vingt-dix. Les pouvoirs politiques ont
tenté de mettre en place une commission interministérielle au
début des années 80, qui a par la suite donnée naissance
successivement à la DGLDT puis à la MILDT411(*). Ces organes politiques sont
cependant restés paralysés, comme le rappelle Monika Steffen,
dans leur fonctionnement par la divergence de point de vue des
différents ministères qui y sont
représentés412(*). Ils n'étaient pas en mesure de
développer une capacité d'expertise autonome et ont pendant
longtemps repris à leur compte le consensus qui régnait dans le
secteur spécialisé de la toxicomanie. L'évaluation des
politiques publiques en matière de toxicomanie relève en revanche
d'une multiplicité d'organismes soit de façon directe (DGS, la
DHOS et la DGAS relayées par les ARH, les DRASS et les DASS) soit de
façon indirecte413(*). Cette pluralité constitue à certains
égards un handicap en matière d'évaluation, d'autant plus
que les recommandations formulées ont été rarement
suivies.
L'acceptation du principe de la réduction des risques
en France a rencontré de nombreux obstacles, culturels et
professionnels. Celui-ci a toutefois pu s'imposer comme une réforme
nécessaire face à la catastrophe sanitaire
représentée par l'épidémie de Sida chez les
toxicomanes intraveineux. Sa mise en place s'est cependant
caractérisée par des modalités très diverses en
comparaison des autres pays européens. L'application de la
réduction des risques a en effet consisté essentiellement en un
ensemble de mesures sanitaires adoptées à court terme et elle ne
témoigne pas d'un nouveau mode de concevoir la place du toxicomane.
La réduction des risques s'est implanté en
Italie dans un contexte différent : une importante prise en charge
par le social privé, notamment par les communautés
thérapeutiques, une très forte divergence de points de vue entre
les professionnels, une faiblesse des pouvoirs publics en la matière et
une forte charge polémique du thème de la toxicomanie. Sa mise en
place a toutefois rencontré une difficulté identique. Le
principal frein à l'application de la réduction des risques en
Italie fut l'idée de l'abstinence absolue selon laquelle aucune drogue
ne peut être tolérée et qu'aucun médicament ne peut
rentrer au sein d'un programme thérapeutique415(*). La réduction des
risques a dès lors été imposée par certains
professionnels comme une réponse nécessaire à l'urgence
sanitaire.
1.3.2 La conciliation italienne
entre répression et prévention
1.3.2.1 La
« rupture en continuité » des politiques sanitaires
italiennes
Il fallut attendre pour voir se développer la
stratégie de réduction des risques en Italie les années
quatre-vingt-dix. Des premières expériences ont cependant eu lieu
au cours des années quatre-vingt. Celles ci ont été
réalisées le plus souvent à partir d'initiatives purement
privées ; les premiers financements publics italiens à la
réduction des risques datent de 1994. Les pouvoirs publics italiens
s'étaient engagés en 1990 dans une direction fortement
prohibitionniste, allant ainsi à l'encontre du retournement qui avait
alors lieu en Europe en faveur de la réduction des risques.
L'élément de rupture fut représenté par le
succès du référendum de 1993 qui avait abrogé les
sanctions pénales pour la consommation personnelle de drogue introduites
dans la législation de 1990 connue sous le nom de Jervolino-Vassali.
L'issue du référendum, qui allait à l'encontre de la
politique adoptée jusqu'à présent, a sans nul doute permis
de déclencher les premières initiatives.
Le référendum fut suivi de la première
Conférence gouvernementale sur les toxicomanies, qui s'ouvra à
Palerme en 1993, durant laquelle le terme de réduction des risques est
introduit en Italie pour la première fois416(*)416(*). C'est la ministre Fernanda Contri qui dans son
introduction à la conférence se référa à la
réduction des risques dans une redéfinition du rôle des
Sert :
« Ils doivent, affirme t-elle, devenir des
structures complexes, bien intégrés au sein du système
socio-sanitaire [...] en mesure d'adapter leurs propres interventions aux
besoins qu'ils éprouvent, d'adapter la réponse avec les
différentes typologies de toxicomanies, gérant et coordonnant les
stratégies de réduction des risques, et par conséquent de
la réduction de transmission du VIH, gérant de plus les projets
de prévention et de récupération d'un commun accord avec
le système privé pour donner un sens concret au concept de
« initiatives en réseau » et définissant avec
les médecins de bas les projets thérapeutiques au sein desquels
doit être prévu l'administration de médicaments de
substitution »417(*)
La réduction des risques n'est toutefois pas
présentée par les pouvoirs publics comme une rupture dans
l'action politique en matière de toxicomanie. Les représentants
ministériels essayent au contraire de mettre en évidence la
continuité entre la législation de 1990 et la nouvelle politique.
« La réduction des risques ne constitue pas un nouveau point
de vue et d'intervention sur les drogues et la toxicomanie, de même que
le référendum abrogatif n'inaugure pas une nouvelle vie
politique. La tentative est d'introduire et de légitimer cette
stratégie en soulignant les aspects de continuité, plus que
d'innovation et de rupture, avec les anciennes politiques »418(*)418(*). Il s'agit pour les autorités publiques
de trouver un dénominateur commun entre les différentes
conceptions qui s'affrontent ; une solution qui permette la prise en
compte (rendue nécessaire) de la réduction des risques tout en
évitant une stratégie distincte semblable à celle du
public health qui fait prévaloir la santé comme un
bien-être psychosocial des individus.
La réduction des risques fait, au cours de la
conférence, l'objet de nombreux débats afin de distinguer les
différentes voies possibles. Une commission spéciale est mise en
place où se confrontent pour la première fois les tentatives
expérimentales de prévention tournées vers les
toxicomanes. Des associations comme Villa Maraini ou la Lilas
(Lega Italiana per la lotta all'Aids), présidée par
Vittorio Agnoletto, font valoir leur expérience. Giuliano Amato, un
leader du centre-gauche, propose à l'occasion de la Conférence
que soit adopté en Italie les pratiques développées dans
le Nord de l'Europe, notamment dans les villes qui ont souscrit la
déclaration de Francfort419(*). Il est également fait
référence durant les débats à l'expérience
suisse de l'usage thérapeutique de l'héroïne qui se
positionne en totale opposition avec l'esprit de la loi
Jervolino-Vassalli420(*). La réduction des risques a pour objectif,
comme l'a déclaré Carlo Perucci en conclusion du groupe
spécifique sur la réduction des risques, de « permettre
aux toxicomanes de survivre jusqu'au moment où elles pourront sortir de
la drogue »421(*). L'idée principale qui justifie cette
stratégie est qu'il est « impossible de
récupérer un toxicomane décédé ».
Perucci prend, en revanche, des distances avec la question de la
légalisation des drogues qui « n'a rien à voir avec la
réduction des risques ».
Au moment même où la Conférence se
déroule, des responsables de communauté, dont Don Picchi et Don
Mazzi, tiennent une conférence de presse contre la réduction des
risques. La renonciation à punir le drogué y est
décrit comme un désintérêt. Comme le résume
Vincenzo Muccioli, fondateur de la plus importante communauté italienne,
San Patrignano : « Si nous donnons au toxicomane sa
drogue, nous acceptons sa dégradation ». Les interventions de
prévention du Sida ou les traitements de méthadone sont
perçus comme une stratégie de médicalisation du
problème qui rend impossible un soutien psychologique et une
réinsertion sociale du drogué.
La Conférence de Palerme conclut à une
légitimation de la réduction des risques en tant que
propédeutique médicale censée permettre une intervention
sociale422(*)422(*). Deux modes distincts de
concevoir la réduction des risques sont délimités. Il
s'agit, pour certains, d'une stratégie d'insertion sociale des
consommateurs de drogue visant à contenir les risques répressifs
et prohibitionnistes. Mais la réduction des risques constitue, selon
d'autres, une simple série d'interventions avant tout sanitaires qui
peuvent s'accompagner d'un contexte socioculturel
d'« intolérance » vis-à-vis des consommateurs
de drogues.
Un premier progetto obiettivo
« Aids », programme de lutte contre le Sida, est
voté à la suite de la Conférence de Palerme pour la
période de 1994-1996423(*). Il affirme la priorité de la
réduction des risques pour les toxicomanes. Le plan préconise
d'une part le recours massif au traitement substitutif, en régime de
maintenance, dans le but de prévenir la transmission du Sida et afin
d'attirer le plus grand nombre possible de toxicomanes vers les centres de
prise en charge ; d'autre part le programme encourage le
développement d'unités de proximité intervenant dans la
rue.
La réduction des risques est apparue suite à la
Conférence de Palerme dans son acception sanitaire la plus stricte.
L'objectif est avant tout de répondre à l'urgence sanitaire de
l'épidémie de Sida chez les toxicomanes intraveineux dont
l'Italie constitue l'une des principales cibles. La stratégie italienne
n'a pas, en revanche, pris une direction socioculturelle à l'image des
Pays-Bas ou de la Suisse. Il existe en effet de nombreuses divergences entre
les différents acteurs du champ de la toxicomanie comme en
témoigne la prise de position des responsables de communautés
thérapeutiques. Le paradigme de la réduction des risques va
continuer à s'affirmer au cours de la seconde moitié des
années quatre-vingt-dix sans pour autant que soit remise en question les
anciennes politiques.
1.3.2.1 Un bilan en
demi-teinte
Le changement de politique publique adoptée par
l'Italie en matière de toxicomanie va apparaître en réponse
au projet commun de plusieurs communes (Turin, Venise, Bologne et Florence) qui
aboutit à la proposition d'un plan de cinq mesures lors de la
Conférence de Naples qui a lieu en 1997424(*)424(*). Ces propositions sont : la
dépénalisation de la consommation personnelle déjà
initiée par le référendum de 1993, la légalisation
des drogues douces, le renforcement des actions socio-sanitaires de
réduction des risques, l'expérimentation des thérapies
fondées sur l'héroïne, une plus grande autonomie
accordée aux politiques municipales de toxicomanie. La réduction
des risques est développée au cours de la Seconde
Conférence Nationale de Naples où le noyau de la réduction
des risques est affirmé comme étant les
« soins », c'est à dire la « prise en
charge » des toxicomanes. Livia Turco, ministre pour la
Solidarietà Nazionale déclare à l'occasion :
« il y a une requête éthique à la base de la
réduction des risques : celle de l'accueil de tous les toxicomanes,
tout particulièrement les plus marginaux »425(*).
Il ne faut toutefois pas penser pour autant que l'esprit
prohibitionniste ait cessé d'être, ainsi la déclaration
d'un groupe de travail reste ambiguë : « Elle [la
réduction des risques] naît de l'amour de l'être humain
au-delà du refus de sa conduite auto et hétéro
destructive »426(*). Le paradigme de la réduction des risques se
heurte au même obstacle que précédemment : le refus de
rompre avec l'idéologie qui considère l'abstinence comme la
finalité conditionnelle de la prise en charge du toxicomane. Cela
illustre bien la condamnation morale qui pèse encore sur la consommation
de drogues illégales. Ce jugement s'accompagne de la déclaration
ferme de l'objectif de toute thérapie qui reste l'abstinence :
« Soutenir la réduction des risques ne signifie pas diminuer
l'importance des stratégies vouées au dépassement total de
la toxicomanie, qui doit rester dans tous les cas l'objectif ultime de toutes
les interventions ».
Certains intervenants, tels que Leopoldo Grosso, vont tenter
de souligner que loin d'être opposés les deux paradigmes se
présentent comme un continuum d'offres thérapeutiques et
sociales. Ainsi, en s'appuyant sur la distinction entre to cure
(soigner, c'est à dire éliminer la maladie) et to care
(prendre soin du malade), Grosso affirme : « La première
stratégie (la réduction des risques) sert de substitut à
la seconde (les interventions de « soins »,
finalisées à l'abstinence) : là où le projet
drug free n'est pas praticable ou échoue, une attention
à la réduction des risques est requise »427(*)427(*).
Les défenseurs du concept de « réseau
intégré de services », « rete integrata
di servizi » et les partisans de la réduction des risques
comme soin et accueil pour les plus marginaux trouvent un terrain d'entente. Il
s'agit toutefois de deux stratégies distinctes comme le note Grazia
Zuffa. Par la stratégie de réduction des risques, « il
s'agit d'offrir une multiplicité d'opportunités sociales et de
traitements différenciés et l'on présume que l'arbitre de
ce choix reste le consommateur lui-même où au moins on
présume qu'il détient un rôle actif et déterminant
dans l'alliance thérapeutique avec l'opérateur »
428(*). A l'inverse, dans la
conception du réseau intégré de services « le
système de services délimite un parcours
prédéfini : la réduction des risques est
réduite à un instrument
d' « accrochage » du consommateur
« réticent à l'abstinence », un pas
préliminaire afin de l'orienter successivement vers
le recupero (la récupération) ». De plus
cette conception de la réduction des risques ne traduit pas la
volonté de modifier la culture collective, en renversant la construction
sociale de la consommation de drogues comme déviance. Elle part au
contraire du présupposé qu'il s'agit d'un comportement à
corriger et dont la responsabilité individuelle est imputable au
toxicomane lui-même.
Le titre de la seconde conférence
gouvernementale : « Contro le droghe, cura la
vita ! », « Contre les drogues, soigner
la vie !», résume la ligne de conciliation entre la
« lutte contre la drogue » et la réduction des
risques, ou encore entre la « réduction de la
demande » (les stratégies qui tendent à éliminer
la consommation) et la réduction des risques429(*). Les instruments de la
réduction des risques sont jugés en fonction de l'objectif
recherché qui n'est pas, contrairement aux pays nord européens,
de permettre une réinsertion sociale du consommateur et à
fortiori de rendre compatible son comportement avec le reste de la
société mais qui reste la
« réhabilitation » du drogué qui est
identifiée comme l'abstinence. Les conséquences de cette
conciliation sont le rejet de la légalisation, ou tout au moins de la
tolérance de certaines drogues comme le cannabis, et par
conséquent le refus de distinction entre les drogues douces et dures.
La réduction des risques, à l'occasion de la
Troisième conférence gouvernementale sur les drogues, est
centrée essentiellement sur les consommateurs d'héroïne dont
la consommation est en cours de stabilisation en Italie comme dans le reste de
l'Europe. Les « nouvelles drogues » ne sont pas
perçues comme une priorité de l'action publique alors même
qu'elles occasionnent des dégâts de plus en plus importants.
Un second programme de réduction des risques en
matière de toxicomanie est voté à la suite de la
Conférence de Naples pour la période de 1998-2000430(*)430(*) qui poursuit les mesures du premier plan sans
introduire de véritables changements. Il maintient l'usage de la
méthadone et encourage la distribution de préservatifs et de
seringues parmi les toxicomanes qui se prostituent. La nouvelle politique
italienne s'appuie également sur le renforcement du réseau
thérapeutique public, les Serts. Le programme 1998-2000 en
accroît l'efficacité et conforte leur rôle de
prévention. Une nouvelle loi (L.45) en 1999 rectifie la
précédente loi Jervolino-Vassali. La répartition du fonds
national antidrogue est effectuée selon le principe de la
décentralisation, comme cela avait été souhaité
lors de la Conférence de Naples, puisque 75% des financements vont du
gouvernement aux régions. Il s'agit de la première
référence dans un texte de loi à la stratégie de la
réduction des risques. Une dernière conférence s'est
déroulée du 28 au 30 novembre 2000 à Gênes431(*). Le prohibitionnisme fut
à cette occasion rejetée avec vigueur par le ministre de la
santé Umberto Veronesi, qui a déclaré «le
prohibitionnisme, comme il a été historiquement
démontré, ne paie pas. Il n'évite pas les dangers pour
lesquels il a été choisi et en créé d'autres bien
pires»432(*).
La réduction des risques semble reconnue et mise en
place en Italie, à la fin des années quatre-vingt-dix. Les
mesures adoptées par les pouvoirs publics permettent de contrôler
l'épidémie de Sida chez les toxicomanes, évitant ainsi la
catastrophe sanitaire. Les nouvelles infections à VIH concernent 7% des
toxicomanes intraveineux par an à Milan durant la période
1987-1989, taux ramené à 3% par an après 1990. A Rome, le
taux d'incidence passe de 9% en 1985-1987, à 5% en 1987-1989 puis
à 4% en 1990-1996. Naples connaît des taux
légèrement plus bas à ceux de Rome.
La mise en place de la réduction des risques en Italie
comporte toutefois de nombreuses limites et demande à être
relativisée. La politique actuelle du gouvernement Berlusconi semble
s'orienter en sens contraire à la réduction des risques.
Berlusconi déclara à plusieurs reprises qu'il « est
nécessaire d'opérer en matière de drogues une inversion de
tendances »433(*). Il confirma son soutient aux communautés
thérapeutiques d'origine catholique et notamment celle de San
patrignano434(*).
La politique de la réduction des risques fut qualifiée par
Gianfranco Fini, vice-président du Conseil, de « donner de la
drogue aux drogués avec l'aide de l'Etat »435(*). Les actions de
prévention et d'information comme les opuscules fournis par la Lila
(Lega italiana lotta all'aids) au sein des écoles furent
fortement critiquées. Gianfranco Fini annonça d'ailleurs la
constitution d'une structure nationale répressive anti-drogue mise sous
la direction de la présidence du conseil. Le gouvernement italien semble
donc aller à l'encontre du principe de réduction des risques en
faisant le choix du modèle curatif fondé sur les
communauté thérapeutiques.
La réduction des risques connaît en outre de
nombreuses limites d'application en Italie. Elle a été mise en
avant au cours des Conférences nationales sur la toxicomanie en terme de
«prise en charge», d'aide aux plus marginaux. Leopoldo
Grosso436(*) remarque
toutefois une importante différence avec les politiques
appliquées dans les pays nord européens du fait que ceux ci
bénéficient de politiques du Welfare globales, de type
universalistes, qui incluent un système d'allocation chômage et
d'offres de logement pour les personnes les plus marginales. En l'absence d'un
semblable réseau social, les politiques de réduction des risques
de type nord-européenne sont rendues pour cela difficilement applicables
en Italie. La priorité des pouvoirs publics devrait dès lors
consister en l'établissement d'interventions sociales qui ne soient pas
spécifiques à un groupe défini de population (toxicomanes,
immigrés, etc.).
En outre, Leopoldo Grosso rappelle que la réduction des
risques souffre en Italie d'une profonde discontinuité qui en
pénalise l'application437(*). De nombreuses villes ont mis en place des services
à bas seuil ou des unités de rue en ayant recours aux
financements du fonds public pour les projets expérimentaux, il n'existe
pas en revanche un cadre normatif pour les insérer dans le réseau
sanitaire national. Les mesures les plus significatives de réduction des
risques restent donc à l'état embryonnaire et expérimental
faute d'une répercussion nationale suffisante. Le même
problème de discontinuité se pose également pour la
méthadone qui n'est pas acceptée pareillement par tous les
opérateurs créant ainsi un ensemble de discontinuités
territoriales. Ces inégalités donnent lieu à d'importants
contrastes des taux de contamination à VIH. Ainsi, selon Galli et Rezza,
en 1997 40% des toxicomanes des régions de Ligurie (Gênes) et
Emilie-Romagne (Bologne) étaient Hiv-séropositifs, 30% dans le
Latium (Rome) et 10% en Campanie (Naples)438(*)438(*).
Au terme de cette réflexion, il apparaît que la
réduction des risques n'est pas une stratégie univoque. Elle peut
représenter une véritable politique de réforme visant
à transformer les normes culturelles sur les drogues afin de permettre
une meilleure intégration des consommateurs. Elle peut, en revanche, se
limiter à un ensemble de mesures sanitaires d'urgence retenues valides
pour contenir l`épidémie de Sida sans pour autant s'accompagner
d'une remise en cause des modèles précédents, comme c'est
le cas pour l'Italie.
On peut déduire de cette diversité d'approche,
une pluralité d'application de la réduction des risques. C'est
à partir du même principe que les Etats vont adopter un ensemble
de mesures très hétérogènes : celles ci vont
de la distribution de seringues à la mise en place de programmes
à base d'héroïne, avec une longue série de nuances.
L'application de la réduction des risques s'est suivie par
conséquent de résultats très
hétérogènes en fonction de la définition
adoptée au préalable. Ces limites sont cependant, comme en
témoignent les exemples anglais, allemand, suisse et hollandais,
davantage liées aux diverses conceptions en jeu qu'à une
limitation intrinsèque du concept de réduction des risques. Il
s'agit d'analyser comment les outils de la réduction des risques se
sont implantés au sein de chaque configuration nationale et quels en ont
été les effets.
2
La mise en place de la réduction des risques : dispositif,
résultats et limites
2.1 Les instruments de la
réduction des risques
La première réponse significative à
l'épidémie de Sida chez les toxicomanes en Europe fut la
création de programmes sanitaires d'urgence d'aide aux toxicomanes
destinés à réduire les risques d'infection. Ce fut le cas
en Italie par exemple où se développèrent des
unità di strada (littéralement « unités
de rue ») dont le premier projet naquit durant l'hiver 1991 à
San Giuliano Milanese, dans une proche banlieue de Milan439(*)439(*). Cette expérience fut la première de
nombreuses autres qui présentent certains points communs : une
formation des équipes sur les aspects cliniques
épidémiologiques et les implications psychologiques liées
à la population toxicomane, une phase de connaissance du terrain
d'action et des populations fréquentées, une approche non
discriminante et un ensemble d'actions sanitaires (distribution de seringues,
tampons et préservatifs) afin d'assurer une diminution des comportements
à risque et enfin un accompagnement en direction des services
socio-sanitaires.
Une expérience comme celle de San Giuliano Milanese
s'est construite à partir de deux éléments qui
demandent à être analysés. Le premier principe est celui de
la mise en place de programmes d'échange de seringues
(PES) auprès de la population toxicomane. Ceux-ci ont constitué
l'un des éléments les plus symboliques de la réduction des
risques. Le second principe est celui d'un travail de
proximité avec les toxicomanes qui est né dans le cadre
de l'application des PES. Il ne se réduit cependant plus aujourd'hui
à la distribution de matériel sanitaire mais il est devenu
progressivement un outil majeur dans la prévention de la toxicomanie.
2.1.1 De la prévention
des risques sanitaires à la prévention de la toxicomanie
2.1.1.1 Les Programmes
d'Echange de Seringues en France
La mise en place des PES fut particulièrement longue en
France ; elle symbolisa la première mesure de réduction des
risques. La vente libre des seringues fait l'objet d'une décision
ministérielle en 1987 et les programmes d'échange de seringue se
développent au sein des Centres spécialisés à
partir de 1994. Le mode de transmission du VIH lié au partage de
seringues souillées a pourtant été mis en évidence
en 1981440(*)440(*). La prise en compte du
risque de transmission de l'infection à VIH chez les toxicomanes
intraveineux a nécessité près de quinze ans en France
tandis que l'échange de seringue a eu lieu dès 1986 au
Royaume-Uni ou encore 1987 en Allemagne. Comment rendre compte de cette
« exception française » ?
Depuis 1972 un décret réglemente en France la
vente des seringues afin de dissuader les toxicomanes d'utiliser des drogues
injectables (héroïne, cocaïne, amphétamines)441(*). Ce décret
édicte un monopole de la vente des seringues au profit des pharmacies et
des établissements spécialisés dans le commerce
médico-chirurgical et soumet leur délivrance à des
conditions drastiques442(*). Les seringues ne peuvent être
cédées au public que sur ordonnance et aux personnes majeures
pouvant justifier leur identité. Face à ces mesures dissuasives,
les toxicomanes ont alors pris l'habitude de s'échanger les seringues en
leur possession.
Claude Olievenstein est l'un des premiers spécialistes
à envisager la vente libre des seringues. Il propose une réforme
le 1er avril 1985 qu'il défend à travers la
presse443(*). Il obtient
une certaine écoute de la classe politique française qui ne
s'ensuit toutefois pas de conséquences notables. Le président de
la Commission sur les stupéfiants écrit en octobre 1986 dans une
note qu'il n'est pas « en mesure d'avancer un avis sur le
plan scientifique et technique » et qu'il apparaît que
« la solution est une décision d'opportunité
politique »444(*).
Le milieu professionnel de la toxicomanie est globalement
hostile à la mise en vente des seringues, elle est perçue comme
une fausse solution voire comme une incitation à l'usage de
stupéfiants445(*)445(*). En 1987, Michèle
Barzach, ministre de la Santé, décide de libéraliser la
vente de seringues dans les pharmacies446(*). Le décret ne sera signé par le
ministère de l'Intérieur et le ministère des Finances
qu'après l'intervention de Michèle Barzach auprès du
Premier ministre447(*).
L'année 1987 inaugure, selon Anne Coppel, par la mise en vente libre des
seringues, la politique de réduction des risques en France448(*).
Le décret de mise en vente libre des seringues n'est
tout d'abord adopté qu'à titre provisoire pour une durée
de un an. La mesure est prolongée en 1988449(*) puis
pérennisée en 1989450(*). L'INSERM (Institut national de la santé et
de la recherche médicale) et l'IREP (Institut de recherche en
épidémiologie de la pharmacodépendance) soulignent
l'efficacité de la mesure ce qui permet son adoption définitive.
Le taux de contamination à VIH s'est sensiblement modifié :
au sein des centres spécialisés, 33,8% des toxicomanes s'ayant
injecté de la drogue pour la première fois en 1983 étaient
séropositifs contre seulement 1,3% pour ceux dont la première
injection est postérieure à 1992451(*).
Le retard français de mise à disposition des
seringues a toutefois été à l'origine d'une
première catastrophe sanitaire. Entre le 1er avril 1985, date
à laquelle Claude Olivienstein demande au gouvernement l'abrogation du
décret de 1972 en raison des risques de propagation du VIH qu'il
implique, et le 13 mai 1987, date du « décret
Barzach », le partage des seringues aurait causé la
contamination directe de 16 800 personnes452(*). Pour répondre aux responsabilités
politiques, deux associations (l'Association Auto-support et
prévention du VIH parmi les usagers de drogue (ASUD) et le
Mouvement de la légalisation contrôlée (MLC) et
quatre toxicomanes contaminés pendant cette période saisissent en
1995 la Cour de justice de la République d'une « plainte sans
constitution de partie civile pour coups et blessures
involontaires » contre sept ministres453(*)453(*). Les plaignants reprochent aux dirigeants politiques
leur retard ou leur refus à signer le décret rendant les
seringues accessibles. La plainte est cependant classée sans
suites454(*) et le
recours devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) est
rejeté455(*).
En 1990, la DGS charge deux centres et Médecins du
Monde (MDM) d'expérimenter des programmes d'échange de
seringues (PES), et elle décide en 1992 de l'étendre à
l'ensemble des centres456(*). Pourtant les PES ne se développent au sein
des centres spécialisés, qui présentent de nombreuses
réticences, qu'à partir de 1994. Les professionnels des lieux
spécialisés refusent, dans la peur d'une ambiguïté de
leur rôle, d'introduire les seringues au sein des structures de
toxicomanie. Le témoignage d'une éducatrice
spécialisée de la ville de Grenoble illustre les
résistances du milieu professionnel :
« C'est pour cela qu'à l'époque,
en 1985-1986, quand il y a eu l'apparition du Sida et des hépatites puis
que l'on a mis les programmes d'échange de seringues, nous on
début, on s'est un petit peu « attrapé » avec
AIDS : eux voulaient que nous, nous distribuions des seringues et nous, on
ne peut pas ; nous sommes ici pour que les gens mettent de la distance
avec leur produit. Alors qu'il y ait des lieux qui échangent des
seringues, c'est tant mieux. Mais nous, on ne peut pas, en tant que centre de
soins, distribuer des seringues » Une éducatrice
spécialisée au centre Hauquelin, Grenoble457(*).
Cette difficulté d'application des PES est accrue du
fait que le simple port d'une seringue constitue une présomption d'usage
au regard du droit français. Anne Coppel souligne ce paradoxe :
« Il est incohérent de mettre les seringues en vente libre et
de criminaliser les toxicomanes qui les ont sur eux pour présomption
d'usage »458(*).
Une série de mesures vont renforcer la
prévention des infections au cours des années quatre-vingt-dix.
décret adopté en 1995458(*) permet aux associations à but non lucratif,
ainsi qu'à toute personne physique menant une action de
prévention des risques, de délivrer gratuitement des seringues
stériles. Un travail de prévention et de sensibilisation se met
également en place au sein des pharmacies ; c'est le cas par
exemple de l'association Apothicom qui met en vente au prix de 5
francs, une trousse de soins, baptisée
« Stéribox » composée d'un
préservatif, de deux seringues, de tampons d'alcool, d'un étui
pour les seringues utilisées, de l'eau pour les préparations
injectables et d'un message de prévention. En 1995, plus de deux
millions de Stéribox ont été vendu tandis que les
PES ont permis de distribuer 916 000 seringues460(*).
Enfin des actions sont menées autour de l'utilisation
de l'eau de Javel, qui selon des recherches américaines dispose d'une
forte efficacité dans la prévention du Sida chez les
toxicomanes461(*). Une
étude menée par l'IREP en France en 1992 démontre la forte
capacité des toxicomanes à modifier leurs comportements à
risques grâce à la distribution de fioles d'eau de Javel.
Néanmoins une lettre de la DGS précise aux associations que
« le nettoyage à l'eau de Javel ne doit être
utilisé qu'en cas de dernier recours. Il permet de réduire, mais
pas d'éliminer, les risques de contamination pour les usagers qui
réutilisent une seringue, et à fortiori pour ceux qui
persistent à partager une seringue »462(*).
La France a témoigné de nombreuses
résistances à la mise en place de programmes d'échange de
seringue et à la prévention du risque de l'infection à VIH
chez les toxicomanes à voie intraveineuse. Au terme d'une lutte longue
de quinze ans, les pressions exercées par les associations et certains
professionnels de la toxicomanie a conduit à la mise en place de toute
une série de mesures d'actions publiques. Par exemple, en 1999, plus de
18 millions de seringues auraient été distribuées aux
usagers de drogues par voie intraveineuse en France463(*)463(*). Ce chiffre suffit à rendre compte d'un
retournement des politiques publiques françaises.
La prise en compte du risque d'infection à VIH encouru
par les toxicomanes de drogues par voie intraveineuse a constitué une
mesure clef du dispositif de la réduction des risques. La distribution
de matériel sanitaire a permis de réduire les risques d'infection
de façon drastique. Ces distributions ont eu lieu dans plusieurs
contextes, elles ont permis de souligner le problème de l'accès
aux toxicomanes. La réduction des risques n'a ainsi pas seulement rendu
possible la prévention des risques d'infection chez les toxicomanes,
elle a également renouvelé les modes d'approche des toxicomanes.
En effet, le risque d'infection était particulièrement
élevé chez les toxicomanes les plus marginalisés, ceux qui
n'entretenaient aucun contact avec une structure de soin. Les PES ont contraint
à aller à l'encontre des héroïnomanes sur leur lieu
de vie, là où ont effectivement lieu les pratiques à
risque. C'est ainsi qu'un travail de proximité a été
développé et mis en place dés le début des
années quatre-vingt en Europe. Il s'est progressivement élargi,
en raison de ses résultats, à l'ensemble des dispositifs en
matière de drogues jusqu'à constituer un modèle de
prévention de la toxicomanie.
2.1.1.2 Une culture de
l'outreach work : vers une prévention globale de la toxicomanie
Le « travail de
proximité »464(*) est une traduction approximative du terme anglais
outreach work (qui signifie littéralement « travail
au-dehors pour atteindre ») mais que les intervenants eux-mêmes
appellent « travail de rue » ou « à bas
seuil d'exigence »465(*). Les programmes «outreach»
désignent ainsi dans une définition étymologique et
stricte du terme l'ensemble des activités destinées à
atteindre les individus difficiles à rejoindre tels que les toxicomanes.
Hartnoll décrit ce terme avec plus de précision comme
« une activité orientée vers la communauté, qui
vise à entrer en contact avec des personnes ou des groupes issus de
populations particulièrement ciblées, qui ne sont pas
efficacement contactés ou atteints par les services existants ou par les
circuits traditionnels d'éducation pour la
santé »466(*).
Cette définition met en évidence le fait que le
travail de proximité n'est pas spécifique au domaine de la
toxicomanie. En effet, ce type d'intervention a été remis
à l'ordre du jour avec l'épidémie de Sida mais il
s'inscrit dans une histoire bien antérieure qui remonte au 19ème
siècle durant lequel il a été expérimenté
auprès des populations en situation de précarité. Le
travail de proximité a été utilisé après
cela durant l'après Seconde Guerre mondiale pour atteindre les jeunes
considérés comme déviants (pauvres, jeunes, usagers de
drogue), puis il a été ciblé à la fin des
années soixante sur les jeunes consommateurs de drogue. Les services
d'assistance décentrés qui se sont développés dans
le secteur de la toxicomanie ont été fortement influencé
par les travaux de l'école de Chicago467(*). Ces services se sont mis en place de
manières très diverses entre les pays européens selon
leurs cultures. Ainsi, ils se sont développés rapidement au
Danemark sous l'action d'associations et de groupes d'auto-support tandis
qu'ils sont apparus de façon tardive en France au sein des institutions
médicales. Ces activités ont enfin connu une forte
accélération au cours des années quatre-vingt sous le
fléau du Sida puis se sont élargis durant les années
quatre-vingt-dix aux consommateurs des « nouvelles
drogues »468(*).
Les projets de travail de proximité partent tous de la
conviction qu'il est préférable d'améliorer les conditions
de vie d'un toxicomane plutôt que d'attendre la dégradation de son
état de santé qui constituera un handicap, et non pas un
avantage, à la réalisation d'un programme
thérapeutique469(*)469(*).
Ces interventions à bas seuil ont pour but de colmater l'espace qui
existe entre les traitements thérapeutiques ambulatoires et
communautaires et la rue où se trouvent tous ceux qui n'ont pas encore
intégré ces programmes.
Les objectifs des unités de proximité sont
généralement les suivants : distribution de matériel
(seringues, préservatifs et fioles d'eau distillée),
interventions d'urgence à partir du Narcan (médicament
utilisé dans la prévention des overdoses), distribution
d'information (prévention des overdoses, le « trou
propre »), suivi de la situation épidémiologique des
lieux d'agrégation, de vente et de consommation de substances
narcotiques, contact avec les toxicomanes hors de tout réseau
thérapeutique et accompagnement vers un service. Certains services ont
cependant des objectifs particuliers. C'est le cas par exemple des
unités de proximité développées en Grèce,
aux Pays-Bas et en Norvège qui visent à évaluer la
perception qu'ont les toxicomanes des services de soin afin de renforcer
l'efficacité de leur travail.
La portée du travail de proximité a aujourd'hui
considérément évolué. Il ne s'agit plus seulement
de répondre à une situation sanitaire d'urgence et d'exercer
un rôle de prévention des pratiques dangereuses. Le travail de
proximité est désormais considéré comme un
élément à part entière de la prévention et
du soin de la toxicomanie. Il existe différents types de travail de
proximité. Une monographie publiée en 1999 par l'OEDT470(*) (connue sous l'acronyme
Emccda en anglais) en distingue 4 modèles471(*) : le travail de rue
auprès des jeunes délinquants, la recherche de clients (qui a
pour objectif d'inciter les toxicomanes à entreprendre une cure de
réhabilitation), l'auto-support et enfin le modèle de
Santé publique (réduction des risques).
Le premier modèle, le Youth Work Model ou
« travail auprès des jeunes », s'est
développé en Europe au cours des années soixante et vise
en particulier les plus jeunes. Les interventions ne sont pas tournées
spécifiquement vers les consommateurs de drogue mais vers une cible
potentielle. Les programmes consistent en un ensemble d'activités
éducatives et de temps libre et sont organisés le plus souvent
par des animateurs pour jeunes. Ce type de prévention est
essentiellement diffusé en Allemagne, Autriche et en France472(*)472(*).
Le second modèle, le Catching Clients Model,
c'est à dire la « recherche de clients », s'est
diffusé à partir des années soixante-dix et repose sur un
programme d'abstinence qui a lieu le plus souvent au sein d'une
communauté. On trouve ce type de prévention dans les Pays
scandinaves, en Italie, au Royaume-Uni et en moindre mesure en Grèce.
Le troisième modèle, le Self-Help Model
ou « auto support », s'est développé depuis
la fin des années soixante-dix et au cours des années
quatre-vingt ; il vise l'amélioration des conditions de vie des
toxicomanes par des programmes d'éducation à la santé. La
Hollande constitue l'exemple même de cette prévention473(*).
Enfin le quatrième modèle, le Public Health
Model c'est à dire le « modèle de santé
publique » est apparu à la fin des années quatre-vingt
et vise la réduction des risques encourus par les toxicomanes par le
biais de programmes de distribution de seringues, de préservatifs et
d'informations. La principale distinction avec le troisième
modèle vient du fait qu'il est l'oeuvre de professionnels de la
santé ou d'opérateurs de rue tandis que le troisième est
réalisé par d'anciens toxicomanes et des opérateurs de
communauté.
La France a particulièrement développé ce
type de travail de proximité à partir de 1995 en multipliant les
actions de distribution de matériel sanitaire. Le Conseil national du
Sida (CNS) remarque ainsi dans une évaluation réalisée en
juin 2001474(*) que les
missions de « première ligne», définies comme
« l'ensemble des actions mettant les intervenants directement au
contact avec les usagers de drogues », ont fait l'objet d'un
considérable effort financier des pouvoirs publics. Le budget des
actions de proximité contribuant à la réduction des
risques chez les UDVI est passé de 24,6 millions de francs en 1994
à 102 millions de francs en 1999. Les crédits ont donc plus que
quadruplé. Ces efforts ont donné lieu à un ensemble de
résultats concrets475(*)475(*):
il existait en 1999 en France deux sleep-in (lieux
d'hébergement de nuit), 88 PES (dont quelques structures mobiles, et
auxquels il faut ajouter 148 distributeurs de matériel stérile),
et 34 boutiques de proximité. Ces chiffres reflètent cependant
mal l'insuffisance de la couverture territoriale. Paris offre de loin la gamme
et la densité de lieux d'accueil les plus importantes, tandis qu'en
1999, plus de la moitié des villes de plus de 70.000 habitants ne
disposaient d'aucun programme.
Les centres d'agrégation polyvalents, destinés
aussi bien à des personnes sous traitement qu'à des personnes
souhaitant obtenir des informations, doivent également être
considérés comme des lieux de travail de proximité,
basés sur le Youth Work Model, bien qu'ils ne répondent
pas au schéma classique de l'échange de seringues. Leurs
principales fonctions sont : informer les toxicomanes sur les risques
encourus et comment les éviter en promouvant ainsi l'éducation
sanitaire, informer et orienter sur les possibles traitements
thérapeutiques et de substitution, informer les toxicomanes et notamment
les immigrés sur les questions de travail et de droits sociaux, proposer
un lieu de discussion et de rencontre entre toxicomanes et enfin offrir un lieu
de loisir à l'aide d'un ensemble d'activités (cours
d'informatique, de guitare, etc.). Les activités d'animation ne sont pas
une fin en elles-mêmes476(*), pas plus que ne l'est l'échange de
seringues. Le dénominateur commun entre les PES et les centres
d'agrégation est la volonté d'établir une relation sociale
entre le réseau thérapeutique et les toxicomanes.
« Le travail de proximité permet une
intervention de contact direct avec les personnes toxicomanes pour mettre en
acte les stratégies de réduction des risques et offrir une
relation d'aide également à ceux qui n'ont pas en ce moment
l'intention de se désintoxiquer pour divers motifs (manque
d'informations sur les opportunités thérapeutiques, manque de
motivation, etc.). Le but ultime étant de se présenter comme un
lien entre une possible demande d'aide de la personne et les services pour
toxicomanes qui opèrent sur le territoire »477(*)477(*)
La définition la plus juste du travail de
proximité en matière de toxicomanie pourrait
être celle qu'en donne Mougin Chantal: « Le travail de
proximité dans le domaine des drogues est une méthode active
employée par des professionnels, des bénévoles ou des
pairs, pour renter en contact avec des usagers de drogue. Ses
objectifs sont de les informer sur les risques associés à la
consommation de drogue, les aider à réduire ou éliminer
ces risques et/ou à améliorer leur condition physique ou
psychosociale par des moyens individuels ou collectifs »478(*).
Le Bus « Echange
Prévention »
Nous souhaitons proposer ici la présentation d'un
projet de « travail de proximité » à partir
de la description que fait Pascal Courty d'un « Bus
Echange-Prévention » (BEP) basé sur le Youth Work
Model479(*). Le BEP
est né d'une première initiative de l'Association nationale
d'aide aux toxicomanes (ANAT) qui, grâce à un financement du
ministère de la Jeunesse et des Sports, a assuré une mission de
prévention auprès de festivals comme le Printemps de Bourges ou
encore les Francofolies de la Rochelle. Le BEP effectue également des
actions de prévention autour de la ville de Clermont-Ferrand. Le
principal objectif est la création d'un lien social durable entre
l'équipe et les jeunes. Le BEP accueille chaque année entre 400
et 600 personnes dont 60% de moins de 18 ans. Le BEP est désormais
l'oeuvre d'une collaboration avec le CSST de Clermont-Ferrand qui met à
disposition une équipe composée d'un chauffeur-animateur, de deux
à trois éducateurs spécialisés dans l'intervention
auprès du public toxicomane et d'un psychiatre.
Pascal Courty résume les questions auxquelles
l'unité mobile était censée répondre :
« Comment attendre les jeunes sans qu'ils se sentent
agressés ? Comment les apprivoiser pour faire passer des
informations ? [...] Comment faire passer de l'information continue et
variée alors que l'habitude veut plutôt que l'on fasse des actions
coup de poing et uniques ? Comment faire venir dans un lieu des jeunes qui
se sentent perdus dans des structures inertes, reçus derrière un
bureau ». La création d'une unité mobile de
prévention avait donc pour premier objectif d'atteindre les plus jeunes.
Cette unité mobile répondait aux même règles que
celles pratiquées dans le centre de soins de Clermont-Ferrand, à
savoir : le libre accès, le respect de l'anonymat, l'interdiction
de substances licites et illicites et de tout usage de violence.
La structure offre trois types de services : un espace
d'accueil pouvant recevoir jusqu'à 8 personnes facilitant les
discussions informelles autour d'une boisson, une salle d'accueil afin d'avoir
une discussion plus spécialisée et un cabinet médical pour
un problème particulier. Les sujets abordés, précise
Pascal Courty dépassent bien sûr largement le cadre de la
toxicomanie qui n'est jamais abordée d'emblée à l'inverse
de sujets beaucoup plus vastes comme la sexualité, la contraception, le
Sida et les maladies sexuellement transmissibles, la violence ou encore
l'école. Le BEP est d'avantage un moyen d'information que
d'échange de seringues, les jeunes ne souhaitant pas être
identifiés à des toxicomanes dans leur quartier.
Le BEP est également utilisé lors de festivals
musicaux et théâtraux comme outil de prévention. Il s'agit
à cette occasion d'appliquer la réduction des risques à
deux niveaux : en limitant les risques infectieux (VIH, hépatites)
et les risques toxiques liés aux substances elles-mêmes. Cela se
traduit par la distribution et l'échange de seringues, d'eau pour
préparation injectable, de tampons alcoolisés et de
Stéricups, c'est à dire une coupelle stérile
permettant d'effectuer le mélange d'eau et de poudre
(héroïne, cocaïne) avant l'injection permettant ainsi de
limiter les risques de propagation de l'hépatite C. Il s'agit de
souligner les risques de chaque drogue prise individuellement mais aussi des
associations de substances entre elles ou avec des médicaments, dont les
produits de substitution. Le travail effectué permet également de
retracer les évolutions des modes de consommation qui ont lieu lors des
regroupements festifs.
Les principes de fonctionnement sont simples, il s'agit tout
d'abord de marquer la visibilité et la permanence du BEP et de
l'équipe soignante afin d'établir un rapport de confiance avec
les toxicomanes. Toute distribution de matérielle repose sur une
démarche individuelle du toxicomane qui doit pénétrer dans
le bus de sa propre initiative. A ces règles élémentaires,
deux autres principes s'ajoutent : la discontinuité de la
présence et le refus d'associer des soins d'urgence. Le BEP tout d'abord
n'assure pas une présence 24h/24h et privilégie une
présence discontinue afin d'inciter à une
« responsabilisation du consommateur de substances
psychoactives ». Il s'agit de l'inciter à autoréguler
sa consommation de seringues, éviter un type d'assistanat et favoriser
ainsi un premier acte de réinsertion sociale. Pascal Courty écrit
dans ce sens que « c'est un moyen comme un autre de les aider
à se projeter dans un avenir même proche, qui est la base de toute
reconstruction identitaire ». Le second principe est le refus
d'assurer des soins somatiques ou d'urgence. En cas de problème
médical les secours d'urgence sont appelés. Ce principe
répond au refus de médicaliser l'intervention du BEP qui
correspond avant tout à une intervention sociale. On peut d'ailleurs
remarquer la prépondérance des opérateurs sociaux sur le
personnel médical au sein de l'équipe.
Pascal Courty pose enfin une dernière limite à
la fonction du BEP : l'accueil proposé doit rester volontairement
« précaire », sans quoi le risque d'un effet pervers
peut faire irruption. Il témoigne ici de sa crainte de voir les
unités mobiles comme le BEP se transformer en refuge pour
toxicomanes480(*)480(*).
La mise en place de programmes de distribution de
matériel sanitaire a constitué une mesure clef de la
réduction des risques. Elle visait avant tout à répondre
à la situation d'urgence que constituait l'épidémie de
VIH. Elle a toutefois permis, comme nous l'avons établi, de mettre en
place une modification durable de la culture d'intervention en matière
de toxicomanie. Des unités de « travail de
proximité » se sont en effet mis en place pour répondre
à la nécessité de distribuer le matériel sanitaire.
Ces unités se sont cependant fortement
diversifiées afin de répondre à une pluralité de
situation, l'objectif n'étant alors plus seulement la distribution mais
l'établissement d'un lien social avec les populations toxicomanes
marginalisées481(*). Mieux encore, la distribution de matériel
est devenue un prétexte au rapport établi entre
l'opérateur et le toxicomane. On est ainsi passé progressivement
d'une prévention des risques à une prévention de la
toxicomanie. L'objectif du travail de proximité est d'établir un
contact qui puisse permettre ultérieurement l'orientation vers un
programme thérapeutique. Il s'agit d'assurer les conditions de
santé du toxicomane et de l'« accompagner » jusqu'au
traitement. Cette modification a contraint à adapter les instruments de
la thérapie. Les programmes fondés sur l'abstinence semblaient
alors trop rigides pour répondre aux besoins des toxicomanes. La
diffusion du VIH a rendu nécessaire, en outre, la possibilité de
substituer l'héroïne par une substance pouvant être
utilisée sans risques d'infection, c'est à dire par voie orale.
Les programmes de substitution sous méthadone sont apparus comme la
solution à ces problèmes.
2.1.2 Substituer
l'héroïne : vers un usage thérapeutique des drogues
2.1.2.1 Un principe reconnu
universellement mais inégalement appliqué
La méthadone s'est imposée comme le produit de
substitution le plus utilisé dans le monde. Bien que la méthadone
fut connue dès les années 70 en Europe, (en 68 à Londres
et à Amsterdam), son développement a suivi des mouvements
très différents d'un pays à l'autre, dans des contextes de
politiques sanitaires variés. Elle est aujourd'hui utilisée dans
certains pays en voie de développement comme le Népal et se
trouve mise en discussion dans d'autres pays réputés pour leur
conservatisme idéologique comme la Turquie et le Bengladesh. Le nombre
de personnes en traitement sous méthadone dans le monde serait
estimé à près de 250.000 selon Fazzi et Scaglia482(*)483(*). Didier Touzeau Jacques Bouchez comptabilisent en
revanche plus de 300 000 patients en traitement en Europe, 180 000 aux
États-Unis et 20 000 en Australie484(*).
La méthadone est apparue en Europe dans le cadre de
l'application de la politique de réduction des risques et de la lutte
contre l'épidémie de Sida485(*). Les pays européens n'ont toutefois pas tous
accordé la même importance aux traitements de méthadone, en
fonction notamment de leur culture thérapeutique. La mise en place
inégale des programmes s'est ainsi répercutée par
d'importants écarts de prise en charge entre les différents pays
européens486(*).
La France s'est pendant longtemps caractérisée par un important
retard en confrontation de ses voisins. En février 1994, le dispositif
de soins aux toxicomanes français ne comprend que 77 places pour les
traitements de substitution de méthadone pour une population
d'héroïnomanes pris en charge estimée entre 13 000 et 18 000
individus487(*). A la
même date on compte 9 500 traitements en Espagne, 17 000 en Grande
Bretagne (soit 10% de la population héroïnomane), 15 650 en Italie,
10 300 en Suisse (soit 35%), 8 400 aux Pays-Bas (soit 35 à
40%)488(*)488(*). En septembre 1993, seules
six institutions de soins spécialisés françaises
possèdent un programme de substitution, tandis qu'on en recense à
la même époque 250 en Grande-Bretagne.
La méthadone constitue la principale substance
utilisée dans les programmes de substitution et il est par
conséquent important d'en retracer l'histoire489(*). La méthadone est un
médicament analgésique narcotique à longue durée
d'action, synthétisé en Allemagne à la fin des
années 1930. Il a été utilisé en tant
qu'opiacé de synthèse durant la seconde Guerre mondiale pour
calmer les douleurs des blessés. Son utilisation thérapeutique a
été abandonnée durant l'après-guerre, mis à
part quelques médecins américains qui l'utilisaient pour sevrer
les consommateurs d'opium ou d'héroïne. Puis la méthadone a
connu un regain d'intérêt au début des années 60.
Son utilité a alors été démontrée dans le
traitement des dépendances aux opiacés par les Docteurs Dole et
Nyswander de l'Université Rockfeller de New York. L'équipe de
Vincent Dole, spécialisé dans les maladies métaboliques,
avait reçu en 1962 la responsabilité du Health Research
Council de New York d'étudier les possibilités de traitement
de la toxicomanie.
Dole et Nyswander partent de l'idée que les toxicomanes
pourraient stabiliser leur mode de vie si la prescription d'un agoniste
opiacé leur permettait de ne plus ressentir ce besoin renouvelé
de drogues. Parmi les substances étudiées (héroïne,
morphine, codéine et d'autres opiacés à courte
durée d'action) la méthadone fut la substance qui s'est
révélée la plus apte à normaliser le comportement
du patient sans qu'il présente des symptômes
d'anxiété liés au désir de drogue
(craving)490(*). Dole notait également que le dosage de
méthadone présentait la particularité de bloquer les
effets des autres opiacés. En outre, le seuil de tolérance
restait identique permettant ainsi un traitement indéfini. La
méthadone gardait enfin son efficacité en étant
ingéré par voie orale, permettant ainsi de réduire les
risques d'infection par voie intraveineuse.
C'est en 1963 qu'un chercheur canadien, le Docteur Robert
Halliday, mit en place le premier programme de traitement par la
méthadone en Colombie britannique. Ce traitement se révéla
très efficace et il bénéficia d'un fort
développement aux Etats-Unis où les pouvoirs publics en
reconnaissent le principe et en étendent l'usage. Les programmes de
substitution de méthadone s'amplifièrent alors très
rapidement dès les années 60 jusqu'au début des
années soixante-dix491(*)491(*).
Les toxicomanes sous traitement étaient 1 000 en 1968 mais plus de
25.000 en 1971.
L'approche thérapeutique américaine à
partir de la méthadone est toutefois très similaire à
celle opérée à partir de l'héroïne : il
s'agissait d'une approche uniquement médicale et individuelle qui ne
tenait pas compte du contexte social dans lequel avait lieu la consommation de
substances. L'approche sociale a été négligée au
profit d'une simple distribution de méthadone. La méthadone a
alors été vendue au marché noir et de nombreux effets
pervers sont apparus (création d'un trafic, overdoses) chez des
consommateurs qui n'étaient auparavant pas dépendants aux
opiacés.
Le président Nixon déclare l'état
d'urgence national en 1972, date à partir de laquelle vont
proliférer un ensemble de traitement divers, des communautés
thérapeutiques aux centres de désintoxication. La principale
critique adressée à la méthadone était de
considérer cette substance comme une drogue ce qui revenait ainsi
à « substituer une drogue par une autre ». La
nouvelle moralité lancée par Reagan durant les années
quatre-vingt et la réduction du budget des programmes sociaux vont
mettre fin à l'expérience de la méthadone. Ainsi de 1976
à 1987 les fonds publics pour la méthadone de substitution
subissent une baisse de 30% entre 1976 et 1987.
Dans les années 80, les évaluations sont aussi
nombreuses, que contradictoires. Toutefois, c'est aux études de Ball et
Ross492(*) que l'on doit
d'avoir mis à jour les différences de résultats obtenus
par les centres, essentiellement liés à la qualité des
programmes et non en priorité à l'évolution de la
toxicomanie sous traitement de substitution. En analysant les facteurs
prédictifs de réussite des programmes dans cinq centres (villes
de New York, Baltimore et Philadelphie), ils ont pu mettre en évidence
que la durée de rétention était liée à la
qualité de l'accompagnement psychosocial, aux actions de
réinsertion menées, aux orientations thérapeutiques prises
et nécessitaient des cures de long terme et des dosages de
méthadone suffisants (pas moins de 60 mg par jour) ainsi qu'une
équipe compétente, stable et connaissant les produits.
Le développement de la méthadone n'a pas suivi
un schéma régulier en Italie493(*). Elle est apparue en Italie dés le
début des années quatre-vingt et a fait l'objet d'une forte
utilisation (1ère phase), les pouvoirs publics ont alors
préféré limiter son développement dans la seconde
moitié des années quatre-vingt (2nd phase),
après quoi ils ont été contraints de ré-envisager
les traitements de méthadone face à l'épidémie de
VIH au début des années quatre-vingt -dix (3ème
phase).
La méthadone a été utilisée de
façon très forte dans toute l'Italie au début des
années 80 suite aux « Décrets Aniasi » qui en
définissaient les modalités d'applications. Elle
représentait alors pour les toxicomanes et leurs familles un
« droit pour trouver la voie du salut ». Puis les
communautés furent jugées comme la seconde « solution
magique » à la sortie de l'état de toxicomanie. La
création des Sert a contribué à reléguer la
méthadone au second plan en développant l'idée de
« traitement multidisciplinaire » et en reléguant
les médecins dans un rôle secondaire en faveur d'une approche
psychosociale démédicalisée. Le fait de ne pas recourir
à la méthadone constituait au milieu des années 80 une
fierté de certains services, tandis que les traitements
médicamenteux étaient limités pendant plusieurs
années au seul traitement des symptômes physiques.
A la fin des années 80, l'épidémie de VIH
a contraint à substituer massivement l'héroïne par la
méthadone tandis que certains critiquaient les Services de
« bar metadonici » c'est à dire de
« café de la méthadone ». Le ministère
de la Santé italien rappelait en 1994 qu'un traitement de substitution
à partir de méthadone est indispensable pour les cas de
dépendance aux opiacés stabilisés494(*). Ils sont cependant
décrits comme des programmes socio-réhabilitatifs dont l'objectif
principal reste le dépassement de toute forme de dépendance aux
substances dont le médicament substitutif.
La mise en place des programmes de substitution s'est
heurtée en Italie à une culture professionnelle qui
privilégie l'approche communautaire ou sociale. L'usage de la
méthadone reste encore souvent lié à la perspective de
l'abstinence, et par conséquent au sens étroit de la
réduction des risques. Ces réticences du milieu professionnel ne
sont pas sans conséquences sur les traitements eux-même. Marc
Orsenigo accuse certains opérateurs spécialisés publics de
sous-doser volontairement la méthadone pour condamner par avance les
thérapies entreprises495(*)495(*).
L'application de la réduction des risques connaît donc un bilan
très mitigé en Italie au point de vue des traitements de
substitution.
L'acceptation de la politique de réduction des risques
par la France a rencontré, comme nous l'avons établi, de nombreux
obstacles. Toutefois alors que la mise en vente libre des seringues est
confirmée par les pouvoirs publics en 1987 et que les Programmes
d'Echange de Seringues sont assurés par la DGS dés 1992,
l'introduction de la méthadone n'aura pas lieu avant 1995. Comment
rendre compte de ce décalage et plus généralement de cette
« exception française » ?
2.1.2.2 La bataille
française du méthadone
La méthadone est reconnue par le milieu médical
à l'échelle internationale comme un instrument utile dans le soin
de la toxicomanie entre les années soixante-dix et les années
quatre-vingt. Les premières manifestations d'intérêt pour
la méthadone en France datent de cette époque496(*). Devant les résultats
apparemment positifs des essais développés depuis quelques
années aux États-Unis et dans certains pays européens, un
cadre expérimental d'utilisation de la méthadone fut conçu
et proposé par l'INSERM en 1973 à la demande des pouvoirs
publics. Mais cette ouverture resta très limitée. Sur les quatre
structures agréées pour mener cette expérimentation sur le
territoire national, seuls deux centres parisiens le mirent effectivement en
oeuvre (l'hôpital Fernand Widal et l'hôpital Sainte Anne) dans des
conditions très restreintes qui réduisaient la portée de
l'expérience497(*).
L'opinion générale des acteurs de cette
époque - intervenants spécialisés, administrations,
responsables politiques - était en effet réticente voire
opposée à la diffusion des traitements de substitution498(*). La lecture de la
toxicomanie demeure à l'époque essentiellement sociale ou
psychologique. Les craintes que soulèvent les techniques substitutives
sont alors celles du «contrôle social pharmacologique » et de
la perte du sens de l'intervention thérapeutique si l'on « donne de
la drogue » et si l'on rend « le patient dépendant »
dépendant d'un traitement médicamenteux. Les spécialistes
du secteur de la toxicomanie s'affrontent entre 1986 et 1988 sur les
différentes options thérapeutiques à adopter sans que
toutefois cela remette en cause la finalité du dispositif
spécialisé qui reste l'abstinence. Le consensus anti-substitution
a maintenu pendant une vingtaine d'années la méthadone dans un
statut expérimental et extrêmement marginal.
Il faut ajouter que, depuis la fin des années 70, la
France a connu une très forte consommation de médicaments
codéinés (sirops anti-tussifs, Néocodion®,
Nétux®, codéthyline, etc.) dont 80 % étaient
utilisés en auto-substitution par des personnes
héroïno-dépendantes499(*). La codéine est en effet disponible sans
prescription médicale, une exception par rapport aux autres pays
européens, ce qui la rend très facilement accessible. De nombreux
toxicomanes se sont alors détournés de l'héroïne
(pour une question de coût monétaire) en privilégiant les
codéinés comme les sirops antitussifs dont le prix les rendait
attractifs. En 1994, on estimait à 50 000 le nombre de personnes qui
faisaient un usage quotidien de la codéine en auto-substitution en
France, et les ventes de Néocodion® atteignaient 1 million
de boîtes par mois. Ces produits ont entraîné une forte
dépendance, parfois supérieure à celle due à
l'héroïne. Cette «soupape » non officielle et quelque peu
hypocrite a contribué à maintenir la croyance en la
possibilité de se passer de traitements de substitution prescrits. Les
toxicomanes ont également recourt aux benzodiazépines. Ceux-ci
vont toutefois contribuer, du fait de leur fort pouvoir amnésique,
à détériorer la représentation sociale des
toxicomanes poussant les toxicomanes vers le « manque » ou
l'« agitation ». La prescription de ces produits, et
notamment du Néocodion® ont largement diminué
après la mise sur le marché des traitements de substitution
légaux, comme le souligne le graphique.
Document 3 : Courbe des ventes de
Néocodion® de 1990 à 2001
Source : Graphique extrait de Augé-Caumon M-J.,
Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la
méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport
réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre
Délégué à la Santé, p.36.
Au tournant des années 90, de nombreux professionnels
de la santé (médecins, praticiens hospitaliers) et des
associations, réclament une meilleure prise en compte des
problèmes posés par le VIH chez les toxicomanes500(*)500(*). La question de la méthadone revient ainsi
à l'ordre du jour, d'autant plus que l'OMS et l'Union Européenne
exercent des pressions depuis 1988-1989 pour que la méthadone soit
développée en France. Léon Schwarzenberg, alors ministre
délégué à la Santé, avait proposé une
extension des programmes méthadone en 1988 et avait été
évincé du gouvernement la même année.
Une circulaire de la DGS501(*) propose l'introduction de la méthadone dans
les centres spécialisés mais elle définit de façon
stricte les critères d'accès à de tels programmes :
les toxicomanes doivent être volontaires, dépendants majeurs
depuis au moins cinq ans d'un opiacé, avoir entrepris plusieurs cures de
sevrage infructueuses et témoigner d'une réelle
motivation502(*). La
substitution n'est, en outre, utilisée que dans un objectif
d'abstinence. Entre 1990 et 1993, seules deux candidatures seront transmises
à la DGS par les centres spécialisés. Les intervenants de
la toxicomanie refusent de considérer la méthadone comme un outil
thérapeutique503(*). Le système de soins français est
alors confronté à un dilemme que résume Michel
Setbon : « Faut-il comme le réclament certains,
abandonner l'objectif qualifié d'utopique d'une
« guérison de la dépendance » et concentrer
l'action publique sur des objectifs plus accessibles, changement que traduit le
concept de réduction des risques liés à l'usage de
drogues ?»504(*).
Le 9 novembre 1993, des professionnels se prononcent à
l'Académie nationale de médecine en faveur de l'introduction de
la méthadone au sein de programmes qui doivent « se
développer dans des structures spécialisées en
toxicomanie, où ils représenteraient un élément
parmi les autres possibilités
thérapeutiques »505(*). L'ANIT se prononce en faveur de l'utilisation de la
méthadone au sein d'un rapport intitulé « Pour une
politique française de lutte contre les toxicomanies. Changer de
cap » et publié en 1994505(*). Alain Morel, président de l'ANIT,
précise toutefois la même année que « les
programmes utilisant de la méthadone (ou toute autre substitution)
apportent une aide thérapeutique à condition qu'ils soient
menés par des professionnels expérimentés dans le domaine
de la toxicomanie, capables d'accompagner les usagers et de tenir le cadre de
soins »507(*).
L'arrivée de Bernard Kouchner, fervent défenseur
de la méthadone et proche de l'ONG Médecins du Monde
(MDM), au ministère de la Santé au début de l'année
1992 marque un tournant dans la politique de soin508(*). Il affirme, à
l'occasion de la présentation de son budget à l'Assemblée
nationale en octobre 1992 que l'héroïne n'a pas un caractère
irréversible à l'inverse de l'infection à VIH, et qu'il
est par conséquent nécessaire de redéfinir une
hiérarchie des priorités de santé publique. Bernard
Kouchner demande ainsi à quintupler les places de méthadones qui
avaient été créées à titre
expérimental en 1973. Son projet rencontre une violente hostilité
politique notamment de Geogina Dufoix, présidente de la DGLDT
(Délégation générale à la lutte contre la
drogue), du ministre de l'Intérieur et de Jaques Chirac509(*). Sa proposition
reçoit néanmoins le soutien des médecins
généralistes (REPSUD), des praticiens hospitaliers s`occupant de
sidéens, des associations de lutte contre le Sida et des associations
d'usagers de drogue qui amorcent une campagne collective. Plusieurs
conférences scientifiques ont lieu en 1993 en faveur de l'introduction
de la méthadone511(*).
Toutefois, l'exemple de la ville de New York,
fréquemment cité par les spécialistes français,
amène à limiter le rôle de la méthadone512(*). Alors que les programmes de
méthadone ont été développés très
tôt à New York (1965), le taux de toxicomanes séropositifs
est l'un des plus élevés au monde (39%). C'est ainsi que Alain
Morel déclare qu'il « est dangereux d'établir un lien
entre méthadone et prévention du Sida. La dernière mode
dans notre pays est de considérer que le problème de la drogue
pourrait être changé si l'on envisageait sous l'angle de la
substitution. C'est une manière d'occulter le reste des
problèmes ». Les professionnels de la toxicomanie soutiennent
que les programmes de substitution n'ont d'effets significatifs concernant la
transmission du Sida que pour les toxicomanes qui sont prêts à
arrêter leur consommation. Ils rejettent ainsi la mise en place de
programmes à bas seuil d'exigences513(*).
Simone Veil décide la formation d'une commission de
réflexion sur la méthadone présidée par le
professeur Roger Henrion. Certaines instances politiques restent
réticentes telles que le ministère de l'Intérieur de
Charles Pasqua, dont le conseiller de lutte contre la toxicomanie, le
professeur Jean-Paul Séguéla, qui annonça comme
conséquence la conversion des médecins en « dealers en
blouse blanche »514(*). Sur le terrain, la clinique Liberté
s'ouvre en 1993 à l'initiative de Anne Coppel et Didier Touzeau, deux
« anciens » du dispositif spécialisé qui se
sont « convertis ». Le protocole d'admission est strict,
conformément à la circulaire de 1992. Un projet
déposé par Médecins du Monde est tout d'abord
rejeté par la Commission ministérielle des traitements de
substitution en raison d'un manque de perspective
thérapeutique515(*). Néanmoins le dossier est accepté
notamment grâce à l'appui de Bernard Kouchner.
Le ministère de la Santé renouvelle en 1993 un
appel à candidature pour les programmes de méthadone ;
celui-ci ne pose plus comme condition thérapeutique nécessaire le
principe de l'abstinence516(*). Une seconde circulaire publiée la même
année délègue 4 MF pour que soient mis en place «
dans les grandes villes françaises des unités de prise en charge
bénéficiant de la possibilité de prescrire de la
méthadone »517(*). Le soutien des autorités sanitaires locales
(DDASS) rend alors possible la création de centres
méthadone518(*).
Entre 1993 et 1995, la France est passée de 3 centres méthadone
pour 52 places à 45 centres pour plus de 1 600 places. Le processus de
diffusion de la méthadone semble alors lancé.
La politique française en matière de toxicomanie
confirme le choix de la substitution avec une circulaire adoptée en
1995519(*). Celle ci
stipule que tous les centres sont « autorisés à prescrire et
délivrer de la méthadone » sans avoir à demander un
agrément. Les toxicomanes n'ont, en outre, plus besoin d'être
dépendants depuis au moins 5 ans et d'avoir connu au préalable
des échecs de sevrage pour bénéficier d'un programme de
substitution. Une seconde circulaire réaffirme ce choix en
considérant la prescription de médicaments de substitution
constitue un volet essentiel de la politique de santé publique519(*). Devant le succès
clinique rencontré, les centres méthadone se développent
passant de 1 645 patients en 1995 à 6 000 en 2000 avec une dose moyenne
de 60 mg520(*).
Dès lors, « la vision utopique fondée sur l'abstinence
est remplacée par une vision pragmatique fondée sur la
maintenance et la stabilisation »522(*).
L'acceptation de la méthadone par la classe politique
et le milieu professionnel de la toxicomanie français fut
l'aboutissement d'un long combat idéologique et politique. La diffusion
des programmes de substitution constitue un symbole de la victoire de la
réduction des risques, c'est à dire la reconnaissance (implicite)
de l'échec des politiques d'abstinence passées. Il est
nécessaire de replacer cette transformation dans le cadre global de la
santé qui passe d'un modèle curatif, dans lequel il s'agissait
d'éradiquer la maladie, à un modèle préventif, qui
consiste en la préservation de la santé523(*). La prévention
devient aussi légitime que la guérison. Ainsi, « on
passe lentement d'un modèle public de santé à un
modèle de santé publique »524(*).
L'introduction de la méthadone représente enfin
une révolution culturelle en matière de toxicomanie. Elle
témoigne de l'affirmation d'une nouvelle politique (celle de la
réduction des risques) et avec elle de l'adoption de nouvelles valeurs
professionnelles et socioculturelles524(*)524(*).
Le toxicomane n'est plus considéré comme un
« malade-délinquant » qui doit être
libéré de la drogue. La toxicomanie est dès lors en voie
de normalisation. La méthadone marque la remise en cause de la structure
des relations de pouvoir qui s'étaient stabilisées au sein du
champ de la toxicomanie française. Le patient est désormais
reconnu comme l'élément central de la thérapie.
« Pour les récalcitrants, le choc
était double. Ils considéraient le passage à la
méthadone comme un abandon tant de nos croyances anciennes que de nos
patients, que nous renoncions désormais à libérer de la
dépendance. En outre, cette nouvelle orientation impliquait pour eux la
perte d'un pouvoir supplémentaire. C'était
particulièrement vrai pour les psychologues, qui avaient animé
jusque-là le rôle de pointe. C'était eux qui avaient
accès au coeur du problème - l'âme des patients - et
c'était eux en conséquence qui posaient les diagnostics et
décidaient des traitements au cours d'évaluations d'entrée
auxquelles étaient soumis tous les toxicomanes se présentant
à la consultation [...] Avec la méthadone, nous allions tenir
compte de la première demande des patients et négocier avec eux
les projets du traitement. La psychothérapie en ferait toujours partie,
mais elle cesserait d'en être le centre pour en devenir un
élément parmi d'autres » 526(*)
La mise en place du principe de la réduction s'est
traduit par l'apparition de nouveaux instruments de soin et de
prévention qui ont révolutionné les pratiques
antérieures. C'est ainsi, que des programmes de distribution de
matériel sanitaire se sont développés en matière de
prévention des risques infectieux. Ceux-ci ont ouvert la voie à
de nouveaux modes d'intervention, tel que le travail de proximité, et
ont permis d'élargir l'accès aux populations les plus marginales.
Des outils spécifiques de traitement de la toxicomanie ont
été mis en place, tels que les programmes de substitution de
méthadone. Ces derniers ont rendu possible non seulement un
renouvellement des pratiques thérapeutiques mais, surtout, la remise en
cause des idéologies dominantes au sein des professionnels de la
toxicomanie qui étaient le plus souvent hostiles à l'idée
de la substitution.
L'application de la réduction des risques a cependant
été accomplie de manière très inégale selon
les pays. Elle a ainsi engendré des effets très divers selon les
configurations nationales condidérées. La portée de la
réduction des risques est, comme il a été établi
auparavant, de double nature : elle permet d'une part de limiter les
risques sanitaires encourus par les toxicomane, particulièrement ceux
liés à l'épidémie de VIH, mais elle contribue
d'autre part à renouveler les représentations sociales du
toxicomane et de l'usager de drogues par un processus de
« normalisation »
2.2 Un bilan sanitaire
primordial : éviter la catastrophe
L'épidémie de VIH s'est répandue sur tous
les continents de manière phénoménale. La principale voie
de transmission dans le monde reste la sexualité. La toxicomanie
intraveineuse a en revanche constitué un important vecteur de
transmission du virus en Europe occidentale et, depuis peu, en Europe centrale
et orientale. Les rapports de l'OMS et de l'ONUSIDA527(*)527(*) (Programme commun des Nations-Unies pour la lutte
contre le Sida) décrivent l'« explosion » de
l'épidémie qui a lieu dans le reste de l'Europe actuellement. En
décembre 2000, ONUSIDA répertoriait en Europe de l'Est 700 000
personnes vivant avec le VIH/Sida, soit 0,35% de la population adulte (15
à 49 ans). Ce chiffre reste inférieur à la plupart des
autres continents. En revanche, le nombre de nouvelles infections
répertoriées en 2000 (250 000) laisse présager une
catastrophe sanitaire imminente. Il y a eu autant de nouvelles infections en
2000 que durant toutes les années antérieures en Russie, en
Ukraine en Biélorussie et dans les républiques de l'Asie
Centrale.
Les pays de l'Europe de l'Ouest528(*) ont en revanche
réussi à contrôler l'épidémie de VIH. Ainsi,
en décembre 2000, ONUSIDA répertoriait 540 000 personnes vivant
avec le VIH/Sida soit 0,24% de la population adulte. En revanche, le nombre de
nouvelles contaminations était seulement de 30 000, soit le plus bas
dans le monde (après l'Australie/Nouvelle Zélande). La France et
l'Espagne, les deux pays les plus atteints de l'UE, comptent moins de personnes
touchées que la ville de New York. La spécificité
européenne se situe aussi bien dans la présence d'un
Etat-providence fortement interventionniste que dans la mise en place de
politiques publiques de prévention adaptées au
problème529(*).
Le paradigme de la réduction des risques a fortement contribué au
contrôle de l'épidémie de VIH/Sida, notamment auprès
de la population toxicomane. La réduction des risques a cependant fait
l'objet d'une mise en place très inégale selon les Etats. Tandis
que le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas ou encore la Suisse ont
particulièrement bien intégré ce principe au coeur de
l'action publique, la France et l'Italie ont présenté de
nombreuses réticences et la réduction des risques a conduit
à un semi-échec.
2.2.1 Le bilan sanitaire dans
l'application du principe de réduction des risques :
résultats, limites et nouveaux risques
2.2.1.1 Eviter la
catastrophe : un bilan positif mais inégal
Même si globalement la mortalité liée aux
drogues diminue530(*),
il est établi que les décès par cause indirecte sont
beaucoup plus nombreux que les décès par cause directe531(*). Les maladies d'origine
virale (hépatites et Sida) y contribuent largement. Celles-ci
représentent le premier risque pour la santé encouru par les
toxicomanes. En effet, les maladies infectieuses peuvent se transmettre par le
biais de rapports sexuels mais l'on sait que c'est avant tout par
l'échange de seringues. La mortalité des usagers de drogues
infectés par le VIH (sans que le Sida soit nécessairement la
cause directe des décès) est en Europe, encore aujourd'hui, six
fois plus élevée que celle des usagers non
infectés532(*).
En France néanmoins, la baisse de la mortalité des usagers de
drogues imputable au Sida reflète une nette amélioration de la
prise en charge médicale et des résultats thérapeutiques,
puisque depuis 1998, parmi les groupes de transmission, les UDVI constituent la
seule catégorie pour laquelle le nombre de décès a
continué à diminuer à un rythme soutenu après
1998533(*).
La réduction des risques est apparue initialement comme
réponse à la menace du Sida. Le Portugal, l'Espagne, l'Italie et
la France ont constitué les pays les touchés d'Europe par
l'épidémie. Le nombre de cas de Sida déclarés,
cumulés, au 31 décembre 1999 était de 56 491 en Espagne,
51 641 en France et 45 605 en Italie tandis qu'il était de 18 524 en
Allemagne et de 16 813 au Royaume-Uni534(*). Le même écart se retrouve
également entre les pays dotés d'un fort taux d'infection
à VIH parmi les consommateurs de drogue intraveineuses entre 1996 et
1999 (32% pour l'Espagne, 27,4% pour le Portugal, 16,4% pour la France suivie
de l'Italie avec 16,2%) et les pays peu affectés c'est-à-dire
l'Allemagne (3,8%), la Suisse (2,6%) et l'Angleterre (1%)535(*).
On peut remarquer par ailleurs que les pays les plus
touchées par l'épidémie de Sida se caractérisent
par une forte prévalence du mode de transmission « Toxicomanie
par voie intraveineuse ». L'Italie a par exemple été
particulièrement touchée par l'épidémie du virus du
Sida en raison d'une importante prévalence de consommateurs de drogues
par voie intraveineuse536(*). Le pourcentage attribué aux toxicomanes sur
le total des nouveaux cas de Sida déclarés atteint un pic durant
la période 1982-1992 avec un taux de 67,4%537(*). Celui-ci est resté
stable jusqu'en 1995 (60,7%). Il a alors diminué jusqu'à
atteindre 43,4% en 1999, chiffre qui reste important. L'Istituto per la
Sanità remarque cependant une légère tendance
à la hausse depuis 1999. En effet, la toxicomanie intraveineuse
représentait 63,3% des cas de Sida déclarés et
cumulés (depuis le début de l'épidémie) au
31/12/2000 contre 61,8% au 31/12/1999538(*). La seconde voie de transmission est
constituée des rapports hétérosexuels avec respectivement
16,4% parmi les cas déclarés de Sida en 1999539(*).
La France semble nettement moins affectée par le mode
de transmission de la toxicomanie intraveineuse. Celle-ci ne
représentait que de 23,4% des cas de Sida déclarés tandis
que la voie homosexuelle atteignait 44,6% des cas de Sida (document n°6 et
n°7). Ce phénomène s'explique tout d'abord par le fait que
la France semble avoir réussi à limiter, en partie, le nombre
d'infections grâce à une mise en place efficace de la
réduction des risques, mais surtout par un nombre de toxicomanes
intraveineux moins important. L'Italie est en revanche fortement
concernée par le mode de transmission de la toxicomanie intraveineuse.
Ces deux hypothèses sont confirmées par le document
n°10. Celui-ci témoigne d'une forte diminution de
l'incidence du mode de transmission « toxicomanie
intraveineuse » chez les cas de Sida déclarés. Ce taux
d'incidence (par millions d'habitants) reste en France supérieur
à 20 entre 1991 et 1995 puis chute à partir de 1996 pour
atteindre 5,4 en 1998. Le cas italien suit une évolution similaire bien
que moins accentuée. Le taux d'incidence reste supérieur à
50 entre 1993 et 1996 puis chute à partir de 1997 pour atteindre 15,5 en
1999.
Les indicateurs liés à la prévalence des
toxicomanes au sein des cas de Sida déclarés doivent cependant
être maniés avec précaution du fait que les
trithérapies, mises en place dès 1995, provoquent une chute
générale des taux observés. C'est pourquoi la
prévalence de l'infection à VIH doit également être
considérée avec attention (document n°5 et
n°6)540(*). Les
chiffres attestent, dans le cas français, que la prévalence de
l'infection à VIH suit une pente décroissante depuis les
premières mesures de réduction des risques décidées
en 1987, pour se stabiliser depuis 1996 à un niveau encore trop
élevé : évaluée à environ 1/3 d'UDVI
infectés au début des années 90, elle serait aujourd'hui
de l'ordre de 15 à 20%541(*). La contribution spécifique des mesures de
réduction des risques liés à l'usage de drogues est
délicate à évaluer avec précision : si la baisse
observée est concomitante avec le début de libéralisation
de l'accès aux seringues à la fin des années 1980, un
certain nombre d'autres facteurs peuvent intervenir. En Italie, la part de
toxicomanes séropositifs est passé de 30,8% en 1990 à 16%
en 1997, date depuis laquelle elle semble s'être stabilisée (15,7%
en 1999)542(*). Cette
amélioration est due à une diminution des comportements à
risque, transformation intimement liée à la politique de
réduction des risques.
L'épidémie de VIH/Sida semble donc avoir
été endiguée sur l'ensemble de l'Europe grâce, en
partie, à une mise en place efficace de la politique de réduction
des risques. Cette observation doit toutefois être relativisée en
raison d'inégalités géographiques très fortes. Par
exemple, le taux d'incidence des cas de Sida en Italie varie
énormément selon la zone géographique. Les plus
touchées sont la Lombardie (Milan), la Ligurie (Gênes), l'Emilie
Romagne (Bologne) tandis que les régions du Sud ont un taux plus faible
de même que le Val d'Aoste (Aoste) et le Frioul (Trieste)543(*). Le Conseil national du Sida
français note également que la diminution de la transmission du
VIH au sein des usagers de drogues en France masque le fait qu'il existe en
réalité plusieurs épidémies localisées sur
le territoire. Ainsi, on relève une prévalence inférieure
à 4% en Alsace, mais comprise entre 20 et 30% en Ile-de-France, Provence
- Alpes - Côte - d'Azur et Corse544(*).
Les pays ayant un faible nombre de cas de Sida
déclarés, comme c'est le cas pour l'Allemagne, le Royaume-Uni, se
caractérisent par un faible taux de cas de Sida chez les toxicomanes par
voie intraveineuse (documents n°7 et n°8). C'est ainsi que seulement
6,5% des cas de Sida déclarés, adultes, cumulés au 31
décembre 1999 avaient eu pour mode de transmission la toxicomanie
intraveineuse en Royaume-Uni et 14,2 % en Allemagne545(*). Ces pays ont connu une
évolution très distincte de la France ou l'Italie. Le Royaume-Uni
a par exemple toujours maintenu un taux d'incidence des cas de Sida
déclarés (par millions d'habitants) liés à
l'utilisation de drogue inférieur à 3. En Allemagne, ce taux a
presque atteint 8 en 1993 mais est aujourd'hui redescendu à 3. Ces
chiffres sont confirmés par la prévalence de l'infection à
VIH parmi les toxicomanes intraveineux entre 1996 et 1999 qui reste très
faible au Royaume-Uni et en Allemagne, avec respectivement 1% et 3,8%
(documents n°5 et n°6).
Les Pays-Bas, très critiqués pour leur politique
de libéralisation des drogues douces, semblent également avoir
mis en place un dispositif de réduction des risques efficace puisqu'elle
n'a jamais dépassé un taux d'incidence des cas de Sida
déclarés (par millions d'habitants) liés à
l'utilisation de drogue supérieur à 5 (1995)546(*). Cette observation doit
être relativisée par un autre chiffre : une enquête de
l'OEDT établit un taux moyen d'infection à VIH des toxicomanes
entre 1996 et 1999 aux Pays-Bas de 11% alors que celui du Royaume-Uni atteint
pour la même période 1%. Ce même taux avait atteint
près de 14% en 1999. Il faut noter que la prévalence d'infection
par le VIH est très variable selon un indicateur géographique. En
1999, ce taux variait entre 2 et 26% (document n°6). Ce fait peut
être mis en lien avec la présence de grandes métropoles
(Amsterdam et Rotterdam) internationales qui comportent une forte population
à risques vis-à-vis du VIH ce qui tend à
déséquilibrer la moyenne nationale547(*).
Il apparaît néanmoins que les pays
européens ayant facilité très tôt l'accès aux
seringues connaissent aujourd'hui une prévalence de l'infection à
VIH bien inférieure à celle rencontrée chez les
toxicomanes qui n'ont pu bénéficier de programmes
d'échange de seringues que plus tard (France, Italie, Espagne). Dans
tous les cas, si les mesures de prévention décidées par
les pouvoirs publics ont pu participer à la diminution des nouvelles
contaminations, elles n'ont pas eu le même impact sur les autres
affections virales.
La réduction des risques fut mise en place initialement
afin de répondre à la menace de l'épidémie de Sida.
L'infection à VIH ne constitue cependant pas la seule menace sanitaire
à laquelle sont exposés les toxicomanes. La mise en place de
programmes de dépistage des maladies infectieuses ont permis de
révéler une forte présence des hépatites parmi la
population toxicomane (document n°11). Les pays européens sont
davantage touchés de façon générale par
l'hépatite C que l'hépatite B. La France semble
particulièrement préservée avec un taux de
prévalence de l'hépatite B entre 15 et 30%. L'hépatite B
est en revanche plus importante en Italie bien qu'elle tende à diminuer.
En 1991, 50,9% des patients des Serts étaient atteints de
l'hépatite B, ce taux était de 43,8% en 1997, et de 40% en
1999548(*). Les taux de
prévalence de l'hépatite C sont beaucoup plus
élevés que pour le VIH549(*). La prévalence de l'hépatite C parmi
les utilisateurs de drogues intraveineuses est considérablement
élevée en Europe puisqu'elle s'élevait entre 1994 et 1999
à 83% en Espagne, 78% aux Pays-Bas, 74% au Portugal ou encore 68% en
Italie et 66% en France550(*). L'Allemagne est également très
touchée avec une prévalence de 66% en 1994 (qui passe à
79% en 1999) pour l'hépatite C et 62% (1999) pour l'hépatite B.
Le Royaume-Uni fait figure d'exception en Europe avec un taux de 38% pour
l'hépatite C (1999) et 19% pour l'hépatite B. La diversité
des taux d'infection mais surtout la diversité des cas (certains pays
comme la France ne semblent concerner que par l'hépatite C, d'autres par
les deux comme la Grèce ou l'Espagne, tandis que d'autres pays
relativement épargnés de l'épidémie de VIH semblent
fortement concernés par le problème des hépatites, comme
l'Allemagne) rend difficile la mise à jour du facteur discriminant en
matière d'hépatites.
Il est nécessaire de rappeler que l'hépatite C
est un élément important dans la prise en charge des UDVI
atteints par le VIH. La co-infection par le VIH et le VHC peut ainsi atteindre
des proportions alarmantes et entraîner de nombreuses complications dans
le traitement des patients551(*). Davantage encore que le VIH, le VHC est un
élément infectieux perçu comme un «stigmate ordinaire
» lié à l'image stéréotypée de l'usager
de drogues. Ce phénomène a sans doute gêné
l'apparition de pratiques préventives. Ainsi alors que des pratiques de
protection efficaces vis-à-vis du VIH ont été rapidement
diffusées auprès des consommateurs, les moyens pour
réduire les risques de transmission des virus des hépatites et
leur mise en oeuvre demeurent très lacunaires en Europe.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que, outre les
maladies infectieuses, les toxicomanes sont sujets à d'autres
problèmes sanitaires552(*). Ainsi, un certain nombre de pathologies somatiques
graves sont couramment diagnostiquées chez les usagers injecteurs, qui
concourent à la dégradation de l'état de santé,
notamment quand il s'agit de personnes séropositives : phlébites,
gangrènes, abcès, septicémies, candidoses, endocardites.
Parfois moins graves mais plus fréquentes, d'autres affections
participent à la souffrance corporelle des usagers : problèmes
pulmonaires (tuberculose notamment), cutanés, digestifs, dentaires.
Elles sont souvent le fait d'un manque général d'attention
portée au corps et au maintien de la santé. De nombreux usagers
révèlent également, au cours de la prise en charge
médicale, des problèmes de fragilité psychologique, de
santé psychique ou mentale, bien souvent masqués par les
consommations de psychotropes. Ces problèmes ne font malheureusement pas
toujours l'objet de l'attention des services spécialisés qui
concentrent leurs efforts sur la prise en charge de la dépendance
toxicomaniaque au détriment de l'état de santé
général du patient. Il est possible, comme il avait
été fait auparavant, de réaliser une distinction entre une
définition de la réduction des risques comme la prévention
des maladies infectieuses et une définition plus large qui vise
l'amélioration des conditions d'existence du toxicomane.
La politique de réduction des risques semble avoir
réussit son objectif en limitant, voire en évitant, la
catastrophe sanitaire de l'épidémie de Sida. Cependant, plusieurs
indicateurs semblent confirmer la persistance de pratiques à risques,
telles que le partage de seringues ou de matériel d'injection ou les
rapports sexuels non protégés553(*). Ces usages font craindre non seulement une reprise
de l'épidémie de VIH au sein de certaines populations d'usagers
de drogues, mais aussi le développement d'autres affections. Pour ceux
d'entre eux déjà infectés par le VIH, les infections par
les virus des hépatites représentent les risques les plus connus
et probablement les plus répandus.
Tableaux et graphiques épidémiologiques
Document n°4 : Evolution du nombre de
décès liés à la drogue dans l'UE entre 1991 et
1997
Source : OEDT « Rapport annuel sur
l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union
Européenne », Lisbonne, 1999, 38p.
Document n°5 : Prévalence de l'infection
à VIH parmi les toxicomanes intraveineux entre 1996 et 1999
Pays
|
Allemagne
|
Danemark
|
Espagne
|
France
|
Italie
|
Pays-Bas
|
Royaume-Uni
|
Suisse
|
Taux
|
3,8
|
1,5
|
32
|
16,4
|
16,2
|
11
|
1
|
2,6
|
Source : Emccda, Statistical Tables for 2000
Annual Report, 2000. Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione
dell'Aids in Europa», art.cit.
Document n°6 : Prévalence de l'infection
à VIH chez les consommateurs de drogues par voie intraveineuse dans l'UE
en 1999
Source : OEDT « Rapport annuel sur
l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union
Europénne », Lisbonne, 1999, p.21.
Document n°7 : Voies de transmission (en %) des cas
de Sida déclarés, adultes, cumulés au 31 décembre
1999
|
Homosexuelle
|
Toxicomanie intraveineuse
|
Homosex.
et tox.
|
Hétéro-sexuelle
|
Produits sanguins
|
Autres et inconnues
|
France
|
44,6
|
23,4
|
1,2
|
20,6
|
4,6
|
5,6
|
Royaume-Uni
|
67,5
|
6,5
|
1,8
|
18,6
|
4,6
|
1,0
|
Allemagne
|
64,9
|
14,2
|
1,0
|
8,8
|
4,4
|
6,7
|
Italie
|
15,6
|
61,8
|
2,0
|
16,4
|
1,6
|
2,6
|
Espagne
|
15,6
|
65,1
|
1,6
|
12,7
|
1,8
|
4,7
|
Sources: Centre européen pour la surveillance
épidémiologique du Sida, Paris. Pour la France : Bulletin
Epidémiologique hebdomadaire, n°38, 2000. Cité
in Steffen, M., Les Etats face au Sida en Europe,
op.cit.,p.58.
Document n°8 : Incidence du Sida chez les
consommateurs de drogues par voie intraveineuse dans l'UE au 31 décembre
1998
Source : OEDT « Rapport annuel sur
l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union
Europénne », Lisbonne, 1999, p.23.
Document n°9 : Prévalence des toxicomanes sur
le total des cas de Sida chez les adultes En Italie
Année
|
1982-1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
Total
|
Hommes
|
Femmes
|
%
|
67,4
|
64,1
|
62,5
|
60,7
|
59,2
|
53,7
|
46,9
|
43,4
|
61,8
|
62,6
|
58,7
|
Source : 31 décembre 1999, Centro operativo
Aids (Coa) de l'Istituto superiore della sanità. Extrait de
Agnoletto V., La società dell'Aids, op.cit,
pp.180-181.
Document n°10 : Incidence des cas de Sida liés
à l'utilisation de drogue entre 1985 et 1999. Cas de Sida
déclarés par millions d'habitants.
Année
|
France
|
Italie
|
Espagne
|
Royaume-Uni
|
Hollande
|
1985
|
0,8
|
1,7
|
2,4
|
0
|
0,1
|
1986
|
2,7
|
4,8
|
7,1
|
0,1
|
0,4
|
1987
|
6,0
|
12
|
17,1
|
0,3
|
1,1
|
1988
|
11,1
|
21,3
|
38,8
|
0,5
|
2,3
|
1989
|
15,7
|
29,0
|
52,1
|
1,1
|
2,3
|
1990
|
18,5
|
36,1
|
64,7
|
1,4
|
2,7
|
1991
|
20,8
|
43,3
|
73,4
|
1,5
|
2,9
|
1992
|
22,8
|
48,3
|
79,2
|
1,4
|
3,7
|
1993
|
25,2
|
52,7
|
86,0
|
2,6
|
3,9
|
1994
|
23,1
|
58,7
|
120,5
|
2,3
|
4,0
|
1995
|
22,00
|
58,1
|
113,0
|
2,5
|
5,0
|
1996
|
15,9
|
50,0
|
103,2
|
2,0
|
3,1
|
1997
|
7,0
|
30,8
|
73,2
|
1,3
|
2,7
|
1998
|
5,4
|
19,5
|
52,4
|
0,8
|
1,7
|
1999
|
?
|
15,5
|
45
|
0,9
|
0,6
|
Nombre de cas de Sida déclarés au
31/12/1999554(*)
|
|
11 750
|
27 748
|
?
|
1 065
|
?
|
Source : European Centre for Epidemiological
Monitoring of Aids, Paris. Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione
dell'Aids in Europa: alcune piste di riflessione», art.cit,
p.111.
Document n°11 : Prévalence de l'infection de
l'hépatite B et de l'hépatite C chez les consommateurs de drogues
par voie intraveineuse dans l'UE en 1999
Source : OEDT « Rapport annuel sur
l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union
Européenne », Lisbonne, 1999, p.23.
2.2.1.2 La persistance de
pratiques à risques
Plusieurs enquêtes statistiques témoignent de la
présence de pratiques à risques, notamment chez les toxicomanes
par voie intraveineuse. Une étude portant sur les modes de consommation
des toxicomanes réalisée auprès de 529 toxicomanes de
l'Emilie Romagne (pris en charge au sein des Serts et des communautés
thérapeutiques) a permis de mettre en évidence la persistance de
pratiques à risques chez les toxicomanes italiens555(*). Le mode de consommation
principal des opiacés reste l'injection : 91% des consommateurs
d'héroïne et 63% des consommateurs de cocaïne déclarent
recourir à l'injection. L'échange de seringues semble rester
inchangé puisqu'en 1996, 26,5 % des sondés déclaraient
échanger les seringues de « façon
occasionnelle » tandis qu'ils étaient entre 23 et 29% en 1993.
Les personnes déclarant « ne jamais s'échanger
les seringues » étaient en revanche 73,2%, ce qui traduit une
assez bonne connaissance des risques encourus en cas d'échange. En
revanche les risques liés à l'échange des instruments
utilisés pour se « trouer » restent moins
perçus puisque 52,5% déclaraient en 1996 s'échanger
occasionnellement les instruments utilisés tendaient que 12,6%
déclaraient le faire systématiquement. .
Les toxicomanes présentent en outre des
difficultés à adopter des relations sexuelles moins
risquées. 52,9% des patients déclaraient avoir eu des relations
sexuelles avec un partenaire au cours des six derniers mois tandis que 21,2%
déclaraient avoir eu entre deux et cinq partenaires. L'usage du
préservatif reste une pratique encore fragile puisque le pourcentage de
patients déclarant ne jamais utiliser le préservatif était
de 40,2% lors d'un rapport vaginal et de 58,9% pour un rapport anal.
On observe également la persistance, voire la
résurgence, de pratiques à risques en France. Il semblerait que
depuis 1996 une part, certes minoritaire mais non négligeable,
d'injecteurs continue à partager les seringues556(*). Cette proportion constitue
entre 13%557(*) et
20%558(*) du nombre
total d'UDVI, avec d'importantes variations géographiques. Une
étude française menée par un groupe de
chercheurs558(*)
soulignent un certain nombre de données statistiques importantes
caractérisant 421 usagers de drogues séropositifs pour le VIH.
45% des répondants au questionnaire déclarent n'avoir pas fait
usage de préservatifs systématiquement dans les six derniers
mois, alors que moins d'un quart (23,5%) déclarent avoir partagé
une seringue dans le même temps. 64,3% des usagers déclarant un
partage de seringues ne se protègent pas systématiquement lors
d'un rapport sexuel (contre 32,4%), 60% de ceux dont le partenaire
régulier est usager de drogues ou ex-usager contre un tiers de ceux dont
le partenaire n'a pas d'expérience d'usager, et 2/3 de ceux dont le
partenaire est séropositif contre 1/3 de ceux dont il est
séronégatif.
On peut noter enfin l'apparition d'un usage à risque de
la buprénorphine, opiacé utilisé comme substitut de la
méthadone au sein des traitement de substitution. Ce produit peut faire,
contrairement à la méthadone l'objet d'une injection par voie
intraveineuse, reportant ainsi les risques d'infection. Les enquêtes
réalisées pour apprécier le problème de l'injection
de buprénorphine démontrent que ce phénomène est
réel, il varie de 10 à 20% pour des personnes suivies en centre
ou en ville, jusqu'à 70% pour des populations très
marginalisées rencontrées sur les lieux d'échange de
seringues560(*). Les
injections de sulfates de morphine semblent plus importantes mais aucune
étude n'a encore été réalisée sur le
sujet.
Les études témoignent ainsi de la
présence de pratiques à risques aussi bien chez les toxicomanes
pris en charge (étude italienne) que chez les toxicomanes
séropositifs (étude française). Ces chiffres laissent
entendre que le message de prévention de la réduction des risques
n'est pas perçu par l'ensemble des toxicomanes. Les recherches en
prévention mettent en évidence que certaines typologies de
toxicomanes sont plus réfractaires à la prévention des
comportements à risques en matière d'infection à VIH.
Plusieurs variables rentrent alors en jeu. Il est possible d'en distinguer
quatre : la variable socio-culturelle met en évidence la
fragilité des plus marginaux, le facteur clinico-démographique
souligne les risques encourus par les plus jeunes, le critère
toxicologique selon lequel les polyconsommateurs présentent
des risques d'infection majeurs, enfin la manifestation de troubles
psychopathologiques est un facteur particulièrement néfaste aux
tentatives de prévention des comportements à risques561(*)561(*). Il est possible de développer les trois
premiers critères cités.
Selon une variable socioculturelle, les
toxicomanes les plus marginaux et les moins insérés socialement
sont moins sensibles aux actions de prévention et présentent plus
de fragilité face aux maladies infectieuses. C'est ce qui ressort d'une
recherche effectuée du 01/01/1999 au 31/08/1999 auprès de Centre
nocturne de la Fondation Villa Maraini auprès de 99 patients
dont 80,8% d'hommes et une moyenne d'âge de 33 ans562(*). D'un point de vue
sanitaire, 41,4% étaient positifs au test de l'hépatite B et
60,6% étaient positifs au test de l'hépatite C. Ces taux sont
globalement équivalents aux moyennes nationales. En revanche, 30,3%
étaient positifs au test du VIH tandis que la prévalence moyenne
de cette infection parmi les toxicomanes intraveineux entre 1996 et 1999 en
Italie était de 16,2%. La prévalence de l'échantillon est
donc particulièrement élevée (le double de la moyenne
nationale). Enfin, parmi ceux ci, 16,1% des toxicomanes cumulaient
l'hépatite B et C ainsi que le VIH. En outre, 24% des personnes
reçues durant cette période n'avait jamais effectué de
test ou l'avait effectué il y a plus d'un an. Les conditions de
marginalité des occupants du centre nocturne se vérifient puisque
61,9% des enquêtés se déclaraient chômeurs et 61,5%
avaient un niveau inférieur au baccalauréat (licenzia media
inferiore).
Une véritable politique de réduction des risques
doit par conséquent nécessairement tenir compte de la
précarisation sociale des usagers de drogue. Certains facteurs doivent
être pris en considération comme, par exemple, l'interpellation
policière, le non-accès à des moyens de
désinfection adéquats ou à une source d'eau propre dans
l'espace public pour la préparation des substances injectées, le
dérangement voire l'agression au moment des injections dans la rue,
l'absence de ressources financières suffisantes pour se procurer les
drogues recherchées, la perte du logement, des solidarités
familiales, etc. Autant de facteurs à risques qui se conditionnent
mutuellement et favorisent l'exposition aux affections virales et infectieuses.
Selon un facteur
clinico-démographique, les jeunes toxicomanes
sont, quelle que soit la substance, moins susceptibles de modifier leurs
comportements. Des données datant de 1998563(*)563(*) indiquent un taux de partage élevé des
seringues chez les usagers les plus jeunes (20%). On peut alors s'interroger,
comme le fait le Conseil National du Sida563(*) sur la pertinence des affirmations relatives
à la modification positive des comportements à risque dans la
durée, et sur les progrès de la prévention chez les jeunes
usagers de drogue. Cette forte présence de pratiques à risque
pourrait s'expliquer par la pression subie par leur entourage. En effet comme
le note Friedman « le meilleur facteur prédictif de la
consommation de comportements protecteurs serait la fréquentation d'amis
qui pratiquent des comportements protecteurs »563(*).
Du point de vue du critère
toxicologique, les polyconsommateurs
présentent une plus forte résistance aux messages de
prévention. Il est nécessaire de rappeler que la fin des
années quatre-vingt-dix a été marquée par une
diminution de la prévalence de l'usage d'héroïne chez les
consommateurs d'opiacés, et l'augmentation de la prévalence de
l'usage, jusqu'alors inexistant ou minoritaire, de certaines substances par
voie intraveineuse. Parallèlement, on a identifié et
documenté une multiplication de polyconsommations de drogues licites
(tabac et alcool) et illicites, de médicaments psychoactifs et de
médicaments de substitution parfois détournés de leur
finalité. Un enjeu à ce jour trop timidement exploré
concerne la modification des pratiques de prise de risques liées
à ces changements de consommation.
De nouvelles associations apparaissent qui introduisent de
nombreux risques sanitaires et sociaux. Ces polyconsommations, dont le
caractère inédit repose avant tout dans l'agencement des
substances et des effets recherchés, sont massivement le fait d'usagers
en situation d'extrême vulnérabilité sociale, voire
marginalisés. Tout semble indiquer que cette « recomposition »
des profils de consommation dépend en grande partie de la
précarisation, matérielle et sociale, d'un grand nombre d'UDVI au
cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, notamment de ceux
n'ayant plus accès aux opiacés pour des raisons de coût
(ils sont devenus trop chers) et de qualité (jugée trop
mauvaise).
La réduction des risques a permis de limiter les
infections par voie intraveineuse et par voie sexuelle chez les toxicomanes. Un
ensemble de pratiques à risques paraît pourtant résister
aux mesures adoptées par les Etats. Ces pratiques sont à mettre
en lien avec une modification des comportements et des usages des substances
(setting) auxquels les politiques de réduction des risques ne
répondent pas de façon adéquate. Ainsi, l'ensemble des
structures s'adressent à des usagers socialement
précarisés, sans répondre précisément aux
besoins des plus marginalisés, pour lesquels des dispositifs plus
souples ont été proposés dans d'autres pays (lieux
d'injection, distribution d'héroïne sous contrôle
médical...). Le Conseil National du Sida remarquait dans son rapport
publié en juin 2001 la nécessité de prendre en compte
certaines innovations qui furent entrepris en Suisse ou aux Pays-Bas afin de
répondre aux nouvelles pratiques.
« Ces expériences ne doivent pas
être systématiquement considérées comme des
modèles. Néanmoins, là où elles ont
été évaluées, elles s'avèrent proposer des
réponses adaptées aux besoins d'une frange d'usagers
particulièrement désocialisés, refusant les contacts avec
le système de soins, insensibles parfois aux messages de
prévention parce que mobilisés par la consommation de drogues.
Pour ces usagers, la prise en charge doit se faire au plus près des
lieux et des gestes de consommation ; c'est une condition de leur engagement
individuel progressif dans des démarches de soins, et de l'adoption
d'attitudes de prévention de la contamination des infections
virales »566(*)
Le principal obstacle au traitement des toxicomanes fut, comme
il a été établi, l'absence de reconnaissance sociale dont
ils bénéficiaient. Le corps social considérait le
toxicomane comme un être déviant qui, du fait de son attitude,
perdait le droit à disposer de soin. La réintégration du
toxicomane dans le système de soin de droit commun n'a pu avoir lieu que
grâce à la situation d'urgence sanitaire causée par
l'épidémie de Sida qui a joué un rôle de
révélateur. Si l'obstacle au soin des toxicomanes et à la
réduction des risques fut un problème de reconnaissance sociale
et de droits, il est alors possible de se demander quelle a été
la situation des toxicomanes en prison. La prison est en effet le lieu par
excellence de la non-considération de la personne qui est traitée
comme un individu déviant et dangereux pour le corps social. Quelle
prévention des risques a dès lors pu s'appliquer dans le milieu
carcéral ?
2.2.2 Quelle réduction
des risques en milieu carcéral ?
Les prisons ne constituent pas, contrairement à ce que
l'on pourrait croire, des lieux protégés de la drogue.
L'exposition à l'introduction de drogues de la prison est en grande
partie imputable au fait qu'elle est un lieu de passage : pour les
détenus bénéficiant de mesures de liberté
partielle, les familles, les visiteurs et professionnels extérieurs, et
pour les personnels pénitentiaires. Les mesures de réduction des
risques ne sont en revanche souvent pas adaptées à cet
état de fait. Ainsi, comme l'explique Vittorio Agnoletto, tandis que
l'héroïne circule de façon plus ou moins cachée au
sein des prisons, les seringues ne sont pas pour autant disponibles ce qui
amène les détenus toxicomanes à partager à 10, 15
ou 20 la même seringue567(*). Tout indique non seulement la présence de
pratiques à hauts risques en prison (injections avec partage de
seringues, rinçage à l'eau, premières injections), mais
aussi le renforcement des facteurs de vulnérabilité
déjà présents à l'extérieur,
particulièrement pour les femmes : pauvreté, violence, contact
avec les réseaux criminels, difficulté de contrôle de la
qualité des produits. Enfin, les pratiques sexuelles non
protégées sont une réalité en prison et constituent
un autre vecteur de transmission des infections.
Face aux risques de contamination, la gamme des actions
envisageables pouvant théoriquement contribuer à la
réduction des risques de contamination par le VIH et autres infections
est similaire en milieu carcéral à celle offerte à la
population générale des usagers de drogues : l'Allemagne, la
Suisse et l'Espagne étant à ce jour les pays ayant mis en oeuvre
le plus large éventail de mesures568(*). Les dispositifs d'échanges de seringues en
prison ont fait l'objet de nombreuses expérimentations. Il existe
actuellement 14 programmes en Europe : en Suisse, en Allemagne et en Espagne et
au Portugal depuis peu. La France et l'Italie disposent toutefois d'un
très faible système de prévention, de dépistage et
de prise en charge de l'épidémie de VIH chez les utilisateurs de
drogue par voie intraveineuse (UDVI) incarcérés.
En premier lieu, les problèmes de nature sanitaire des
toxicomanes incarcérés que connaissent la France et l'Italie sont
à mettre en lien avec une forte surpopulation des prisons. En 1995,
tandis que les normes italiennes en vigueur auraient du limiter la
capacité d'accueil des prisons à 29 500 unités, on
dénombrait 54 000 détenus569(*). Les effectifs ont connu une forte progression au
début des années quatre-vingt-dix en raison d'un durcissement de
la politique judiciaire italienne, notamment par le biais de la loi
Jervolino-Vassali570(*).
L'effectif national des prisons est ainsi passé de 25 573 détenus
en 1990 à 54 000 en 1995. Cette augmentation est également
observable dans la région du Lazio (Rome) où on
dénombre 2 444 détenus en 1991 et près de 6 000 en 1995
dont 1 964 toxicomanes déclarés.
On peut remarquer que la part des toxicomanes au sein des
prisons italiennes reste très importante571(*). Celle-ci représente
près de 30% de l'ensemble des détenus, chiffre resté
stable depuis 1990. Ce taux dépasse cependant, comme le précise
Bruno Bertelli, plus de 40% dans certaines régions (Ligurie, Val
d'Aoste, Sardaigne, Trentin). Bruno Bertelli note également la part
croissante des immigrés au sein de la population toxicomanes
incarcérée. Ceux-ci représentaient 14% des toxicomanes
écroués en 1992 ; ce chiffre est passé à 23,4%
en 1996 puis 31,5% en 1998572(*). L'augmentation de l'effectif global du milieu
carcéral est fortement liée à la hausse du nombre de
toxicomanes incarcérés. Celle-ci s'explique en partie par le
décret de 1993 qui a identifié la dose de consommation
journalière avec le délit de « revendeur ».
Dans le semestre suivant l'entrée en vigueur du décret, on a pu
observer une augmentation de toxicomanes incarcérés de 13% puis
de 32% en 1995.
Les prisons françaises comportent de même une
forte présence de toxicomanes. On comptait sur l'ensemble de la
population carcérale française entre 20 et 65 % d'usagers de
drogues (licites et illicites), dont au moins 15 à 20% d'usagers de
drogues par voie intraveineuse dépendants. Les ILS comptent parmi les
premiers motifs d'incarcération (21% des détenus à
Fleury-Mérogis en 1996, et 15% à l'entrée en
détention ). Sur le plan pénal, presque la moitié des
usagers de drogues illicites sont détenus en l'attente de leur jugement,
ce qui rend hypothétique leur maintien dans la maison d'arrêt et a
bien entendu un impact sur les formes du suivi médical, psychologique et
social dont ils peuvent bénéficier. En 1996, la majorité
des usagers de drogues reçus dans les « antennes-toxicomanies
»573(*)
étaient incarcérés pour d'autres motifs qu'une ILS (52%).
Ils se caractérisent en outre par une très forte
précarité socio-économique574(*).
Les prisons italiennes et françaises sont
confrontées de manière très forte aux problèmes des
drogues. Elles furent par conséquent pleinement concernées par
l'épidémie de VIH/Sida au début des années
quatre-vingt-dix. Quelles ont été dans ce contexte, les
politiques cacérales de réduction des risques adoptées par
la France et l'Italie?
2.2.2.1 Les prisons
italiennes face à au VIH/Sida : une politique de réduction des
risques en trompe-l'oeil
Le traitement des toxicomanes incarcérés n'a
été perçu que très récemment en Italie comme
un enjeu de santé publique575(*). Outre l'inertie législative, le milieu
carcéral présenta de nombreuses réticences à mettre
en place les réformes. La loi 685 de 1975 établissait par exemple
un traitement spécifique des toxicomanes à travers des
départements à « garde
atténuée » qui ne virent pas le jour. La réforme
pénitentiaire de 1975 (L.354) prévoyait également une
assistance au sein des prisons effectuée de manière
individualisée ainsi que l'intervention de nouvelles figures
professionnelles tels que les éducateurs, sans que cela s'accompagne de
résultats notables576(*).
La principale réglementation va être
établie par le Testo Unico n 309 de 1990, apparu suite
à la loi Jervolino-Vassali, qui a confié au monde carcéral
de nouvelles responsabilités en matière de traitement des
toxicomanes (art.90 à 96). L'article 30 de la loi 162/90 prévoit
la création de structures thérapeutiques spécifiques pour
toxicomanes au sein des prisons. Elle attribue à l'administration
pénitentiaire le traitement socio-sanitaire et de réhabilitation
de la toxicomanie en milieu carcéral, de même que la
prévention des infections. La loi prévoit également une
coopération entre l'institution pénitentiaire et les services
sanitaires publics. Les Sert sont désormais tenus de façon
explicite par la loi à prendre en charge les toxicomanes détenus
ou condamnés577(*). Des équipes
médico-psycho-pédagogique des Sert doivent collaborer avec les
équipes sanitaires pénitentiaires.
L'application de cette mesure est toutefois restée
très faible et la présence des opérateurs de toxicomanie
demeure ponctuelle dans le milieu carcéral. Luigi Culla explique que
l'administration pénitentiaire a le plus souvent refusé de voir
intervenir des équipes extérieures à l'environnement
carcéral. La méfiance d'une institution spécialisée
à voir un intervenant extérieur s'immiscer dans son domaine, sur
lequel elle bénéficie d'un monopole, constitue une
première limite au traitement sanitaire des toxicomanes
incarcérés.
Ce phénomène s'explique également selon
Fernanda Spella, par les réticences du monde thérapeutique
à participer à un processus de contrôle social et de
sanction. Un président de tribunal de surveillance écrit
ainsi : « Les interventions des opérateurs USL au sein
des Instituts sont actuellement largement insuffisantes, qualitativement et
quantitativement, en regard avec les exigences réelles [...] il
manque ainsi une « culture du pénitentiaire » aux
opérateurs USL, qui voit dans la prison non pas un ennemi mais un lieux
de choix dans la lutte contre la toxicomanie [...] pour donner à la
prison (même si cela est difficile et ingrat) un contenu
récupérateur ou, au moins, orienteur de façon à
éviter non seulement sa mort mais aussi les effets
contre-productifs »577(*).
Malgré les dispositifs de traitement de la toxicomanie
en prison que prévoit la réforme de 1990, les résultats
restent décevants. En août 1993, par exemple, près de 90
instituts pénitentiaires n'assuraient pas les interventions
socio-sanitaires fondamentaux tel que le soutien psychologique579(*). Le niveau de prise en
charge en milieu carcéral est très insuffisant. Les toxicomanes
incarcérés étaient 2,4% à effectuer un traitement
pharmacologique substitutif en 1992, tandis qu'à la même
époque les toxicomanes en lien avec les services publics étaient
près de 25% à en effectuer un580(*). En l'absence d'un véritable système
de prise en charge des toxicomanes incarcérés, certaines
associations, telle que la L.I.L.A.S (Lega Italiana per la Lotta contro
l'Aids), proposent des cours de sensibilisation et de formation, aussi
bien aux détenus qu'aux agents carcéraux, sur les thèmes
de la santé et de la toxicomanie et du Sida en particulier581(*).
Le principal problème est celui de la part des
détenus séropositifs qui constituent un fort risque d'infection
et de propagation du VIH582(*). Ceux ci étaient 2 378 au 31/12/1993 puis 6
500 au 31/12/1993. Les pouvoirs publics italiens ont tenté de
répondre en partie à ce problème de deux façons
détournées. Il s'agissait, d'une part, de multiplier les mesures
de peines alternatives qui permettent de confier le toxicomane auprès
d'un centre de soin, notamment les communautés
thérapeutiques583(*). Il s'agit là d'une
« délégation » des toxicomanes auprès
des structures non carcérales. Le nombre de bénéficiaires
de ces mesures est passé de 2 386 en 1992 à 5 656 en
1996584(*). Le
législateur met en place, d'autre part, des dispositions
particulières permettant la désincarcération des personnes
infectées. La loi n.222 du 14 juillet 1993 et le décret-loi
n°139 qui l'accompagne et qui fixent les conditions dans lesquelles le
juge peut déclarer l'impossibilité de l'état de
santé d'une personne atteinte du Sida et de
l'incarcération585(*). En 1995, la Cour constitutionnelle annule ces
dispositions jugées anticonstitutionnelles en raison de
l'inégalité qu'elles introduisent vis-à-vis d'autres
prisonniers malades586(*). Ce n'est qu'en 1999, dans le cadre de deux
décrets, l'un réorganisant les services médicaux
pénitentiaires, l'autre précisant les mesures
particulières pour les sidéens, que les modalités
pratiques de la prise en charge sont définitivement
arrêtées. Le nombre de détenus infectés à VIH
est redescendu à 1 860 au 31/12/1996. Les porteurs de Sida
incarcérés sont restés très peu nombreux du fait
qu'ils ont bénéficié d'une meilleure application de la
L.222. Le nombre de cas de Sida déclarés est passé de 39
en 1990, à 80 en fin juin 1992, 120 le 20 octobre 1992 puis 74 au
31/12/1996587(*).
Peu d'enquêtes ont été
réalisées sur les risques d'infection réels encourus par
les toxicomanes incarcérés. Une étude remise à la
Commission européenne par le Réseau européen sur la
prévention du VIH/Sida et de l'hépatite en prison, dont les
chiffres sont résumés dans le tableau ci-dessous, laisse
cependant entendre que ces risques restent faibles588(*). En 1998, 16,1% des UDVI
incarcérés étaient positifs au VIH, contre 15,% pour la
moyenne nationale. La prévalence de l'infection à VHC semble
même plus faible en prison (64,2%) que dans l'ensemble de la moyenne
nationale (67%). Bruno Bertelli évoque aujourd'hui des chiffres
nettement plus bas589(*). Depuis 1999, la part de séropositifs serait
inférieure à 4% des détenus. Parmi ceux-ci figurent
cependant 90% de toxicomanes. Enfin, la prévalence de l'infection
à VIH de la population toxicomane incarcérée serait de
10%, soit nettement inférieure à celle de la moyenne nationale
qui était de 16,2% entre 1996 et 1998590(*). Le rapport de l'OEDT affirme d'ailleurs que
« de nombreuses études chez les TVI révèlent une
prévalence plus élevée de maladie infectieuse chez ceux
qui n'ont jamais été détenus »591(*).
Document 12 : VIH hépatite C et comportement
à risque chez les consommateurs de drogues par voie intraveineuse en
prison (%)
Source : OEDT « Rapport annuel sur
l'évolution du phénomène de la drogue dans l'Union
Europénne », Lisbonne, 1999, p.22.
D'autres indicateurs semblent toutefois contrebalancer ces
conclusions optimistes : la même recherche effectuée par le
« Réseau européen » affirme que 25%
des TVI s'injectent en prison. Ce chiffre laisse deviner l'ampleur des
conséquences sanitaires qui peuvent en découler du fait qu'aucun
matériel d'injection n'est mis a disposition des détenus. Les
risques d'infection sont d'autant plus importants que 32% des TVI affirmaient
avoir échangé du matériel lors de la dernière
injection hors de la prison dans les quatre semaines précédentes.
Enfin, 6% déclarent avoir commencé a s'injecter en prison.
Affirmer que les risques d'infection ne sont pas
supérieurs en prison que dans le reste de la société,
mieux encore qu'ils sont moindres en milieu carcéral, malgré
l'absence d'une réelle prise en charge comporte un risque
socio-sécuritaire réel (enfermer pour mieux protéger)
qu'il s'agit de ne pas négliger. Il faut cependant remarquer que
l'étude citée précédemment n'a été
effectuée que dans trois prisons italiennes, ce qui limite
considérablement la pertinence des résultats obtenus. Or, en
l'absence de directives nationales claires (mais surtout d'un contrôle
effectif des pouvoirs publics) la prévention des risques a lieu en
milieu carcéral de façon très inégale. D'autres
enquêtes à plus grande échelle seraient nécessaires
pour évaluer avec pertinence les risques réels encourus par les
usagers de drogues intraveineux.
Document n°13 : récapitulatif du nombre de
détenus en Italie de 1990 à 1997592(*)
Date
|
Détenus présents
|
Détenus toxicomanes
|
Détenus atteints du Hiv
|
|
Unités
|
Unités
|
Part en %
|
Unités
|
Part en %
|
31/12/1990
|
25 573
|
7 299
|
28,54
|
2 378
|
9,29
|
31/12/1991
|
35 172
|
11 540
|
32,81
|
?
|
?
|
31/12/1992
|
47 062
|
14 818
|
31,55
|
3 731 (au 31/06/1992)
|
?
|
31/12/1993
|
49 980
|
15 135
|
30,28
|
6 500
|
13,00
|
30/06/1994
|
54 098
|
14 742
|
29,06
|
?
|
?
|
30/06/1995
|
46 526
|
13 488
|
28,99
|
?
|
?
|
31/12/1996
|
47 381
|
13 859
|
29,25
|
1 860
|
3,9
|
31/12/1997
|
48 215
|
14 074
|
29,19
|
?
|
?
|
31/12/1998
|
47 553
|
13 567
|
28,53
|
?
|
3-4
|
Peut-on affirmer comme le fait Monika Steffen que
« la politique de réduction des risques s'applique
désormais également et effectivement au sein des prisons
italiennes »593(*) ? Il est vrai que la part de toxicomanes
séropositifs et sidéens a été
considérablement réduite par le biais des mesures alternatives et
des statuts spéciaux affirmés par le législateur. Cette
diminution n'est cependant pas le résultat d'une véritable
politique de réduction des risques dont les principaux outils n'ont
toujours pas été introduits (échange de seringues,
traitements de substitution, distribution de préservatifs). Les risques
d'infection semblent réels bien que difficilement repérables au
sein des prisons italiennes. Aucune stratégie de réduction des
risques n'a jusqu'à présent été appliquée
par les autorités publiques en milieu carcéral. La
présence des services spécialisés est une étape
nécessaire au changement, celle-ci reste cependant très marginale
et la situation des prisons italiennes est encore le fait d'une situation au
cas par cas.
La réduction des risques en prison reste encore faible
en Italie. Les principales mesures sont plus destinées aux prisonniers
déjà porteurs de l'infection à VIH, voire des malades du
Sida déclaré plutôt qu'aux toxicomanes
non-contaminés. Le système français se caractérise
par une plus grande prise en compte de ces derniers. On peut noter à ce
titre le rôle joué par le Conseil national du Sida (C.N.S) dont
les évaluations critiques du système carcéral
français ont incité les pouvoirs publics à réagir
au problème594(*). Les manques du système italien s'expliquent
en partie par le manque d'une autorité morale indépendante
similaire qui puisse mettre à profit sa capacité d'expertise afin
de renouveler le cadre de l'action publique. Quelle réduction des
risques fut alors mise en place au sein des prisons françaises?
2.2.2.2 Les prisons
françaises: une prise en charge des séropositifs sans
véritable réduction des risques
Le problème des risques encourus par les toxicomanes
incarcérés ne fut reconnu que très tardivement par les
pouvoirs publics français. Les premières mesures de
prévention des infections apparaissent au sein des prisons
françaises au milieu des années quatre-vingt-dix595(*). La circulaire du 5
décembre 1996, qui prévoyait l'initialisation des traitements de
méthadone dans le cadre de la lutte contre l'infection à VIH a
permis la généralisation de la distribution périodique
d'eau de javel, en quantité et en concentration
déterminées, à tous les détenus. Les pratiques de
mise à disposition de préservatifs sont quant à elles
très aléatoires. Le contexte réglementaire joue un
rôle dans cette inégalité de traitement : les relations
sexuelles en prison, notamment entre détenus, sont interdites par les
règlements intérieurs. L'administration pénitentiaire qui
refuse de reconnaître l'existence de telles pratiques à
risque délègue la distribution de préservatifs au
personnel soignant.
En outre, les autorités françaises ont
officialisé le refus de l'installation de programmes de seringues depuis
1997, sans que soit même expérimenté ce type de
dispositif596(*).
Plusieurs argumentaires fondent en général une telle position :
la seringue est susceptible d'être utilisée comme une arme,
l'accessibilité du matériel d'injection constituerait une
incitation à la consommation de drogues par voie intraveineuse, et
surtout, l'usage de drogues étant pénalisé, il serait
impossible de le considérer comme une pratique acceptable an milieu
carcéral. Là aussi l'argument juridico-culturel reste le plus
hostile à l'application de la réduction des risques.
Concernant l'accès aux traitements
spécifiques de la dépendance aux opiacés, la
circulaire du 8 décembre 1994 a prévu de garantir la
qualité et la continuité des soins à l'intérieur du
milieu pénitentiaire, conformément aux recommandations
internationales (notamment OMS et ONUSIDA). Une circulaire d'avril
1996597(*) a
autorisé la poursuite des traitements de substitution à la
méthadone et au Subutex598(*) ainsi que la prescription initiale du
Subutex ?et une circulaire publiée en décembre
1996599(*) a
défini les cadres et les modalités de la prescription initiale de
méthadone durant l'incarcération, par un médecin du Centre
de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST). Dans les
établissements pénitentiaires exclusivement gérés
par le service public, deux types de structures de soins interviennent: les
UCSA600(*) et les CSST.
Les taux de prise en charge des toxicomanes incarcérés restent
très bas malgré l'arsenal législatif qui fut
adopté. Ainsi, seulement 3,3% des détenus
bénéficiaient en 1999 de traitements de substitution, soit 1 653
usagers ; cette part est plus faible encore que celle des personnes entrant
avec un traitement de substitution en cours (5,8%)601(*). Enfin, 21% des centres ne
pratiquaient pas de traitements de substitution selon cette même
enquête en 1999.
Le système de dépistage du VIH
dans les prisons françaises s'inspire largement des pratiques ayant
cours à l'extérieur : proposé à l'entrée, il
est volontaire et gratuit. Les principes de volontariat et de gratuité,
conformes aux soucis de facilitation de l'accès aux soins, de
prévention et de respect de la liberté de choix des
détenus en la matière, rendent impossible le relevé de
chiffres précis et généraux sur la
séroprévalence du VIH en prison. Si officiellement, la part des
personnes incarcérées séropositives est de 1,6%, les
différentes enquêtes situent plutôt cette
séroprévalence entre 2 et 6%. En 1995, celles menées par
l'ORS-PACA602(*)
indiquaient une séropositivité 10 fois plus élevée
chez les UDVI incarcérés que dans la population
générale, et 6 fois supérieure en 1992 pour les usagers de
drogues déjà incarcérés que pour ceux qui ne
l'avaient jamais été. L'enquête
« Réseau européen » citée
précédemment (document 12) évoque une prévalence
des TVI en prison de 13,3% en 1998, tandis que la moyenne nationale
était évaluée à la même époque entre
15,5 et 18,3%. De même qu'en Italie, le taux d'infection à VHC
chez les TVI serait plus bas en prison (avec 34% en 1998) par rapport au reste
de la société (entre 62 et 70% en 1998).
Les séroconversions au VIH durant
l'incarcération, n'ayant jamais pu être documentées en
France, sont toutefois envisageables dès lors que subsistent des
pratiques à risques de transmission sanguine ou sexuelle. Des
expériences de contamination par les virus des hépatites sont
connues ; elles ont révélé des taux de partage de
seringues pouvant concerner jusqu'à 66% des injecteurs. Le rapport de la
Commission européenne évoque un taux de 34% de TVI ayant
échange du matériel lors de la dernière injection hors de
la prison dans les quatre semaines précédentes, tandis que 37%
des TVI déclarent s'injecter en prison. Les risques d'infection sont par
conséquent réels.
Enfin en matière de prise en charge et
d'accès aux soins des personnes séropositives
incarcérées la réforme instituée par la loi du 18
janvier 1994, sur l'équivalence de la prise en charge sanitaire des
personnes incarcérées à l'intérieur et au dehors du
milieu pénitentiaire, a permis des améliorations
considérables. Les centres de détention ont également
avancé sur la voie d'un accès plus adapté et élargi
aux soins en matière de traitements concernant le VIH et
particulièrement en faveur des traitements antrirétroviraux. En
1998, 68% des détenus séropositifs au VIH étaient
traités par antrirétroviraux ; 62% recevaient une
trithérapie.
Les problèmes de toxicomanie et de Sida en milieu
carcéral constituent en France et en Italie un problème sanitaire
crucial en raison de la mauvaise prévention des risques mise en place
par les autorités publiques. L'univers carcéral devrait en
principe offrir des opportunités pour la prévention, le
dépistage et la prise en charge de l'épidémie de VIH chez
les UDVI. Les mesures sont toutefois insuffisantes et leur application donne
lieu à de nombreuses inégalités de traitement entre
prisonniers603(*)603(*).
Le manque de résultats des efforts entrepris par les
pouvoirs publics italiens et français depuis 1995 laisse entendre que le
problème est autant de nature législatif que culturel et
institutionnel. Le milieu carcéral est réfractaire à toute
intervention extérieure de peur d'être lésé d'une
partie de son autonomie décisionnelle. Les valeurs incarnées par
l'institution pénitentiaire semblent en outre s'opposer à celles
de la réduction des risques. Le personnel de justice employé dans
les structures carcérales a pour mission de veiller à
l'administration de la peine dans le respect de la loi. Reconnaître la
nécessité de l'échange de seringues suppose par exemple de
prendre acte de l'existence de l'injection de drogues dont la présence
est illégale en prison. Il y a un paradoxe à exiger des
surveillants de collaborer à une action répressive contre les
usagers, tout en veillant au bon fonctionnement de l'échange de
seringues. En outre, quand bien même leur implication dans cet
échange serait inexistante, son existence même peut être
vécue comme la conséquence d'un échec professionnel. Le
principal obstacle au traitement de la toxicomanie en prison serait ainsi
d'ordre culturel.
« L'échec le plus évident de
telles tentatives d'effectuer des interventions qualifiées dans une
institution totale, se réfère à deux
considérations : d'une part la « croyance »
qu'il soit vraiment possible de rééduquer là où les
conditions minimales pour le faire ne sont pas remplies [...] comment peut-on
penser conduire un sujet à être compétent afin de faire des
choix de vie dans un environnement dans lequel il est interdit de penser de
façon contraire à la règle ? D'autre part, le fait de
minimiser voire d'ignorer l'impact entre deux mondes et deux mentalités
(le monde pénitentiaire et le monde externe) fondées sur des
cultures profondément différentes par leurs habitudes, le
vécu quotidien, niveau de scolarisation, etc. »604(*)604(*)
L'impact de la réduction des risques a
été dans un premier temps d'avoir limité la diffusion de
l'épidémie de VIH/Sida en réduisant les risques sanitaires
encourus par les toxicomanes par voie intraveineuse. Ceux-ci n'ont cependant
pas disparu et demeurent réels du fait de l'existence de pratiques
à risques néfastes à la prévention, mais aussi
d'endroits, tel que le milieu carcéral, où la réduction
des risques demeure fragile. Les obstacles à son application sont aussi
bien culturels que législatifs. Ces difficultés de mise en
application traduisent l'affrontement entre deux modèles, les soins
d'une part, entendus notamment au sens de « prendre soin de
» (to care), et la répression d'autre part. Ce
phénomène traduit la portée de la réduction des
risques qui ne se réduit pas à un ensemble de mesures sanitaires
mais qui comporte une forte dimension socioculturelle.
2.3 Les conséquences
sociales et culturelles
2.3.1 Vers une normalisation de
l'usage de drogues ?
2.3.1.1 Quand
l'héroïne soigne
La Suisse est particulièrement intéressante pour
son expérimentation réalisée au cours des années
quatre-vingt-dix sur les traitements socio-sanitaires réalisés
à partir de l'administration d'héroïne605(*)605(*). Cette expérimentation traduit, selon Grazia
Zuffa, l'aboutissement de la stratégie de la réduction des
risques. L'idée d'un usage thérapeutique des substances n'est pas
nouvelle comme nous l'avons vu avec l'exemple du British System.
Toutefois la prescription d'héroïne restait dans
l'expérience anglaise limitée à un petit nombre de
personnes bien intégrées et le système rentra en crise
lorsque le phénomène de la toxicomanie s'élargit à
des strates sociales plus marginalisées. L'expérimentation suisse
prenait justement pour cible les populations les plus marginales.
Le PROVE (Projekt ärztlichen Verschreibung von
Betäubungmitteln) a été inauguré par un
décret du gouvernement suisse le 21 octobre 1992. Il s'agit d'une
recherche scientifique à partir de l'expérimentation, sous
contrôle médical, de substances stupéfiantes :
héroïne, morphine, méthadone par injection ou voie
orale606(*). La
recherche fut conduite pendant trois ans (du 1er janvier 1994 au 31
décembre 1996) sur un ensemble de 847 personnes (sur les 1 146
participants initiaux, 353 ont abandonné en cours de route607(*)) se déclarant
volontaires pour l'expérimentation et pour une durée de
traitement de 18 mois. Les critères de sélection imposaient un
âge minimum de 20 ans, une dépendance de deux ans, l'absence de
thérapie ayant été menée jusqu'à son terme,
et la présence d'handicaps sociaux liés à la toxicomanie.
L'âge moyen des personnes constituant l'échantillon était
de 31 ans. Parmi eux, on retrouvait 62% d'hommes et 38% de femmes. Ces
personnes avaient un rapport particulièrement difficile avec les
substances mais, de surcroît, étaient très largement
marginalisées au point de vue social puisque plus de la moitié
était sans abris, 80% étaient au chômage. Au point de vue
pénal, 80% avaient reçut au moins une condamnation pénale
et la moitié avait connu une période en prison, en revanche
l'échantillon comportait peu de personnes séropositives.
Les sujets de cette expérience ont été
affiliés à des centres et à des cliniques des divers
cantons et ont ainsi pu bénéficier d'un suivi médical. La
substance distribuée n'était pas gratuite mais venait
administrée pour une somme journalière de 15 frs suisse (300 frs
par mois) alors que la somme mensuelle dépensée par un
consommateur moyen sur le marché illégal était
calculée à 1.800 frs suisse. Enfin, de nombreuses propositions de
réinsertion sociale (logement, travail) ont été inclues
aux thérapies proposées.
L'étude portait d'une part sur l'usage
thérapeutique des substances et d'autre part sur les toxicomanes
eux-mêmes à travers diverses enquêtes effectuées
à partir de cette expérimentation (modification du comportement
criminel, effets secondaires des substances prescrites). L'objectif principal
n'était toutefois pas tant d'étudier les substances (que les
participants utilisent depuis des années) mais le nouveau mode de
consommation (setting) à travers l'expérimentation d'un
modèle « médicalisé ».
Il a été démontré, en ce qui
concerne les substances, que l'héroïne se révèle
être la plus adaptée à un usage thérapeutique en
raison de ses moindres effets secondaires, en comparaison avec la
méthadone et la morphine. Elle présente avant tout l'avantage de
proposer le meilleur taux de « résistance » c'est
à dire de respect du programme et des prescriptions effectuées.
Mais les résultats essentiels portent sur les
toxicomanes eux-mêmes. Les évaluations menées en Suisse, en
particulier à la demande et sous le contrôle de l'OMS, ont fait
état de résultats physiologiques spectaculaires par rapport
à la situation antérieure. Il résulte, au terme de
l'expérimentation, une amélioration générale de
l'état de santé des participants notamment en matière
d'alimentation et de maladies cutanées généralement
liées aux modes d'injections peu hygiéniques (amélioration
de l'état somatique pour 65% des patients). De nombreux progrès
ont également été constatés au point de vue
psychologique (amélioration dans 66% des cas). Enfin l'état de
santé des personnes séropositives s'est sensiblement
amélioré. Le taux de mortalité pendant les trois
années fut de 1% (36 morts dont 50% causés par le Sida) soit
largement inférieur au taux normalement observable chez des
consommateurs d'héroïne et il ne comprend en outre aucun cas de
mort par overdose.
D'un point de vue social, le nombre de personnes disposant
d'un emploi stable a plus que doublé (de 14% à 32%) tandis que le
nombre de chômeurs s'est réduit de moitié (de 44% à
20%). 30% des personnes qui bénéficiaient d'aides sociales au
début du programme s'en sont progressivement détachées. A
l'inverse, d'autres personnes sorties de la marginalité sont venues
s'ajouter aux demandeurs d'aides sociales.
Une étude sociologique a été
réalisée par trois chercheurs de l'Institut de criminologie de
Lausanne (Martin Killias, Marcelo Aebi, Denis Ribeaud) sur l'impact du
programme sur la vie des toxicomanes du point de vue des activités
illégales608(*)608(*). Il s'agissait pour ces
auteurs de démontrer si le rapport entre taux de criminalité et
taux de dépendance est contingent, et la criminalité ne serait
alors que l'expression du contexte social de la dépendance
(rejetée dans le domaine de l'illégalité), ou si à
l'inverse comme l'affirment certains auteurs les toxicomanes seraient
généralement portés au crime de façon
antérieur à leur dépendance. Les résultats
confirment amplement l'hypothèse du rapport contingent entre crime
et toxicomanie puisque la part du revenu provenant de vols est passé
entre le début et la fin de l'expérience de 69% à
10%609(*). La
consommation de cocaïne et d'héroïne en provenance du
marché illégal a considérablement diminué. On note
ainsi un arrêt ou diminution des consommations parallèles pour 74%
des patients. On observe donc une stabilisation comportementale des personnes
inclues dans le traitement.
Suite aux résultats de cette expérimentation, le
conseil fédéral a proposé au parlement en février
1998 un projet de décret fédéral sur la prescription
médicale d'héroïne qui fut approuvé 9 octobre
1998610(*).
L'utilisation de l'héroïne est ainsi devenue accessible dans un
cadre médical à une partie de la population toxicomane
estimée à 10%. L'expérience suisse fut
considérée comme un succès et a permis d'ouvrir un
débat sur l'éventuelle utilisation thérapeutique de
l'héroïne.
2.3.1.1 Une
légalisation... à usage thérapeutique
L'expérience suisse, qui reste encore actuellement
inédite, a été particulièrement débattue en
Europe. Deux expériences similaires ont été
réalisées à une échelle plus réduite aux
Pays-Bas en 1998 impliquant prés de 700 personnes et une seconde en
juillet 2000. Plusieurs arguments semblent en faveur d'un usage
thérapeutique de l'héroïne. Les résultats de
l'expérimentation ont souligné le fait que l'héroïne
n'est pas une substance comme l'alcool qui nuit physiquement et chimiquement
à l'organisme du fait de sa composition. L'héroïne nuit soit
parce qu'elle est coupée à d'autres substances nocives, soit
parce qu'elle produit une très forte dépendance611(*)611(*). Son utilisation présente surtout de
nombreuses conséquences positives en terme de qualité de vie,
aussi bien pour le toxicomane (reprise d'un emploi, meilleure insertion
sociale), que pour le reste de la société (diminution des
nuisances et de la délinquance).
Les opposants à l'usage thérapeutique de
l'héroïne soutiennent, outre l'aspect moral (« donner de
la drogue aux drogués »), que le but d'un tel dispositif ne
serait pas tant le bien être mais le contrôle des toxicomanes.
Grazia Zuffa répond à cette accusation en rappelant que les
politiques prohibitionnistes de contrôle pénal sont le plus
souvent défendues par les adversaires de l'usage médical de
l'héroïne. Un autre argument apporté par Lucca Fazzi
à l'encontre de l'expérience suisse est le risque de
normalisation de la toxicomanie et de la perte du rapport thérapeutique.
Ce rapport repose, selon Piazzi, sur la relation entre le soignant et le
toxicomane. C'est uniquement cette relation qui permet au toxicomane de
s'attribuer une valeur en tant que tel612(*). C'est par exemple le fait que l'opérateur
attende un changement de la part du toxicomane qu'un rapport de
responsabilisation se construira. En revanche, si l'opérateur se
contente de fournir la substance au toxicomane, celui ci ne percevra aucune
autre attente de changement. Les bases d'un changement se situent donc avant
tout dans l'auto-représenation du toxicomane. La prescription
contrôlée d'héroïne occupe dés lors un
rôle dans le renforcement de la dépendance des sujets.
Lucca Fazzi ajoute que le changement du mode de vie
dépend du réseau relationnel dans lequel évolue le
toxicomane, il est par conséquent peu probable qu'il puisse
s'émanciper du milieu de la drogue en fréquentant quotidiennement
des personnes semblables à lui. L'expérimentation suisse n'a de
valeur selon Lucca Fazzi à la seule condition qu'elle soit
orientée vers une sortie de la dépendance : « La
stabilisation comportementale a une signification seulement si elle sert
à former une base sur laquelle il est possible de travailler afin
d'opérer un changement. On doit alors se demander quel changement est
envisageable pour des toxicomanes qui reçoivent de l'héroïne
trois fois par jour pour un prix dérisoire »613(*)613(*). Un groupe de chercheurs argumente, dans le
même sens, que l'usage thérapeutique d'héroïne comme
il a été réalisé dans l'expérimentation
helvétique présente le risque de normaliser le comportement
plutôt que d'inciter au changement :
« La stabilisation comportementale liée
à la consommation régulière d'héroïne risque
d'être porteuse d'un énorme paradoxe qui fait de la normalisation
du comportement un obstacle indépassable pour la réhabilitation
sociale, aussi bien relative qu'absolue, plutôt qu'une base de
changement. Le travail comme principale facteur d'intégration
sociale »614(*)
L'introduction d'un usage thérapeutique fut
particulièrement débattue en Italie à la fin des
années quatre-vingt-dix à partir de l'exemple suisse. Les
déclarations de plusieurs parlementaires durant le débat de la
loi 1999 L.45 sur la toxicomanie rendent compte du refus de la classe politique
italienne : « La réduction des risques comme phase
intermédiaire n'est pas et n'entend pas être l'antichambre de
certains projets qui sont avancés comme par ceux qui pensent que
l'administration d'héroïne peut être considérée
comme faisant partie de la réduction des risques. Le maintien de
l'état de toxicomanie n'entre pas pour nous [...] dans les services
capables de réduire les risques »615(*).
L'usage thérapeutique d'héroïne a fait
l'objet de deux refus précédents, l'un en 1997 avec la motion
parlementaire de Buttiglione et en 1999 avec la loi Lumia616(*). Les projets de traitement
à partir de substances stupéfiantes (et par conséquent les
expérimentations faites à partir de l'héroïne mais
aussi le cannabis) sont formellement écartés par le Parlement
lors du vote de la loi L.45/1999. L'expérimentation
d'héroïne a également été proposée au
cours de la Conférence de Gênes. Celle-ci a été
rejetée de façon catégorique aussi bien par la
majorité des communautés que par les pouvoirs publics italiens.
L'administration thérapeutique d'héroïne était
perçue au cours des débats comme une légalisation de la
substance et une incitation à la consommation. Le but du gouvernement ne
serait alors pas tant de définir un cadre légal pour
expérimenter de nouvelles thérapies contre la toxicomanie mais de
« donner un signal » de désapprobation aux
thérapies reposant sur la consommation de substances617(*). On peut cependant noter la
proposition de Ferdinando Galli Fonseca, procureur général de
Cour de cassation, qui déclarait en ouverture de l'année
judiciaire 1998 que la « délinquance des toxicomanes, qui
préoccupe tant la population, est plus la conséquence du
régime prohibitif que des effets psychiques produits par la consommation
de stupéfiants », après quoi il a proposé de
« considérer avec une grande attention les nouveaux
systèmes criminels et thérapeutiques conduits dans certains pays,
initiatives non pas de libéralisation du commerce, mais
d'administration contrôlée des drogues sur la base de
prescriptions médicales »618(*).
Une nouvelle objection, plus spécifique à
l'Italie, peut toutefois être formulée à l'encontre de
l'introduction de l'utilisation thérapeutique de l'héroïne.
Le dispositif de traitement de la toxicomanie, mais aussi le système de
protection social, n'offrent pas suffisamment d'aides sociales conjointement
aux programmes de méthadone. Un projet similaire à celui qui a
été expérimenté en Suisse apparaît ainsi
difficilement réalisable en Italie, comme le note Grazia Zuffa, en
raison d'un manque d'investissement dans les structures sociales
adressées aux toxicomanes. On voit apparaître ici la limite du
modèle suisse que l'Organisation Mondiale de la Santé a
relevé dans un rapport dont les conclusions semblent limiter la
pertinence de l'expérimentation.
« Les études suisses ont
enquêté sur la prescription médicale de narcotiques dans
des conditions très particulières. Celles ci incluent un haut
niveau de contrôle et la mise à disposition de services sociaux
globaux et psychologiques. De plus ces études ont été
conduites dans un pays riche doté d'un système sanitaire bien
développé, qui inclut une série de services pour les
personnes dépendantes. Nous ignorons si les mêmes résultats
auraient pu être atteints en l'absence de conditions similaires. Ainsi
même si le projet PROVE témoigne de la faisabilité d'un
usage thérapeutique des substances, les conditions dans lesquelles il a
é réalisé limite la pertinence de ses conclusions qu'on
peut en tirer »619(*)619(*)
L'usage thérapeutique de l'héroïne n'a pas
fait l'objet d'un tel débat en France, peut être en raison d'une
large opposition des professionnels de la toxicomanie. On peut cependant
remarquer avec intérêt la recommandation adoptée par le
Conseil National du Sida, à l'occasion d'une évaluation
publiée en juin 2001 sur les risques liés aux usages de
drogues. Celui-ci se déclare favorable à une
expérimentation de l'usage thérapeutique de l'héroïne
similaire à celle qui a eu lieu en Suisse.
« Le Conseil national du Sida recommande une
mise en oeuvre rapide, à titre expérimental, d'un ou plusieurs
programmes de remise d'héroïne dans un cadre médical, afin
qu'il puisse être procédé aux évaluations
nécessaires et à la diffusion éventuelle de cette
expérience si elle s'avère positive. Conçue comme un outil
favorisant les soins et comme moyen de réduire les risques de
consommation de rue, la distribution contrôlée de ce
stupéfiant doit permettre de favoriser l'entrée en contact avec
les usagers de drogues opiacées les plus
marginalisés »620(*)
L'utilisation thérapeutique de l'héroïne
effectuée par la Suisse dans le cadre de sa politique de
réduction des risques a introduit un bouleversement dans la
considération des drogues « dures ». Celles-ci sont
passées, au moins partiellement, du statut de poison à celui de
médicament. La substance qui était auparavant
considérée comme l'origine du mal devient désormais un
outil de la thérapie. Cette transformation renvoie à l'essence
même des drogues qui est avant tout d'ordre culturel. Elle a permis de
réenvisager au sein de nos sociétés modernes l'idée
même d'usage de substances. Celui-ci n'est plus renvoyé à
la perversité ou au vice de l'homme (l'image du drogué
s'injectant un poison) mais devient un acte de consommation similaire à
d'autres substances (alcool, tabac, etc.). C'est dans ce cadre que va
être débattue l'idée d'une dépénalisation des
drogues « douces ».
2.3.2 Une révolution
culturelle en matière de toxicomanie ?
2.3.2.1 Accepter
l'intolérable : la dépénalisation de l'usage de
drogue
La réduction des risques a transformé la
conception de l'usage de drogue. L'image de l'héroïnomane
s'injectant sa substance par voie intraveineuse semble être passé
du champ de la morale à celui de la médecine. La réduction
des risques semble avoir « normalisé » l'usage
de drogues. Un phénomène singulier témoigne de ce
changement : les zones
« décriminalisées ».
Les zones
« décriminalisées », (ou zones
« franches ») sont ces zones à l'intérieur
desquelles la consommation d'héroïne est permise et n'est pas
poursuivie dans le but de stabiliser le comportement social des usagers et de
favoriser leur contrôle. Les deux premières expériences
réalisées en la matière se sont déroulées
à Amsterdam en 1971 et 1974, appelées respectivement UHK
et Het Princenhof. Comme le précise Lucca Fazzi,
« pour ces deux projets, l'objectif déclaré
n'était pas l'abstinence mais une stabilisation du comportement entendue
comme un présupposé à l'amélioration de la
qualité de vie des sujets toxicomanes et, dans un second temps, et comme
une tentative de réintégration au sein de la
société »621(*)621(*).
Il s'agissait ainsi d'apporter un soutien, des conseils afin de répondre
aux besoins relatifs au logement, à la justice, au travail et à
la santé. Les usagers du centre n'étaient contraints à
aucun changement de leur style de vie et la philosophie du centre reste le
principe de volontariat.
L'un des objectifs était le contrôle des
conditions sanitaires dans lesquelles les toxicomanes assumaient des
substances : par exemple, un distributeur de seringues mono-usage
était installé dans le local afin de limiter
l'épidémie d'hépatite. De plus, étant ouvert aussi
bien le jour que la nuit, ces centres occupaient un rôle important pour
les sans domiciles fixes. Cette expérience se conclut toutefois par un
échec. En effet, ces zones
« décriminalisées » n'étaient pas sans
présenter certains désavantages comme le relate Lew622(*). Tout d'abord la confusion
entre le service d'accueil et d'aide d'urgence et les services de conseil
empêchaient de tirer pleinement profit des secondes possibilités
en privilégiant une utilisation trop forte de l'aide d'urgence.
En second lieu, ces centres devinrent des pôles
d'attraction non seulement pour les toxicomanes souhaitant entreprendre une
thérapie mais aussi pour des toxicomanes de longue durée qui ont
connu de nombreux échecs thérapeutiques, les
« Altfixer », en allant ainsi à l'encontre
de certains principes fondamentaux qui voient le changement à travers
les conditions environnementales du toxicomane et qui préconisent par
conséquent la séparation des consommateurs occasionnels d'avec
les toxicomanes plus problématiques.
Enfin l'image publique des centres se détériora
et ils furent assimilés à des
« Junkie-Ghettos ». La municipalité de Amsterdam
décida ainsi de mettre fin à l'activité de ces deux
centres en 1981 en arguant que leurs fonctions étaient plus de
répondre aux besoins des toxicomanes que de leur permettre une
véritable responsabilisation623(*)623(*).
Les centres continuèrent un certain nombre d'année leur
activité puis furent périodiquement remplacés par d'autres
structures à financement public.
Un problème resta irrésolu : alors que ces
centres se sont développés, le taux de mortalité
lié à la drogue n'a pas cessé d'augmenter en Hollande,
contribuant à détériorer l'image de la politique de
« décriminalisation ». Il est difficile de savoir si
cette augmentation peut être rapportée à l'augmentation du
nombre global de toxicomanes ou si elle traduit l'échec des
« zones franches ». Le seul projet de « zone
franche » qui ne soit pas lié à une augmentation du
nombre de décès est celui qui a eu lieu à Berne dans les
années 80 sur l'initiative d'une fondation privée, la
Stiftung Contact624(*). L'esprit était semblable à celui des
expérimentations hollandaises, à savoir apporter aux toxicomanes
un lieu de consommation d'héroïne où il était
possible de trouver des services de conseil et d'orientation
thérapeutique. Toutefois à l'inverse de l'UHK et du
Het Princenhof, la vente de substances n'était pas
tolérée.Les résultats positifs en matière de
mortalité ont incité d'autres cantons à financer des
projets similaires. On peut signaler qu'une autre expérience
particulière fut celle du Pasteur Visser à Rotterdam qui à
partir de 1990 offrait aux toxicomanes un espace réservé à
la consommation au sein de son église625(*).
Ces zones
« décriminalisées » se sont aujourd'hui
implantées dans différents pays d'Europe (Pays-Bas, Suisse,
Allemagne, Royaume-Uni) et semblent constituer une réponse pragmatique
et efficace au problème des conditions de santé des
toxicomanes.
Grazia Zuffa nous apporte la description d'une zone
décriminalisée située à Hanovre (Allemagne) qui
semble rencontrer un large succès. Le Fixpunket
(littéralement « le repère des toxicomanes) est
gérée par la STEP, une association laïque qui
opère depuis les années soixante-dix dans le domaine de la
toxicomanie626(*)626(*). Toutefois l'esprit du
centre a beaucoup évolué. Comme le décrit son directeur,
Gregor Biohart, la STEP n'avait initialement pour fonction que
d'orienter les toxicomanes vers les centres de désintoxication et
pratiquer une intervention strictement de drug free. Depuis le
début des années quatre-vingt-dix un nouveau terme est venu
remplacer l'état d'esprit du centre : l'acceptation :
« Accepter la toxicomanie et accepter les toxicomanes, prendre soin
de leur santé et leur offrir un soutien social ». La
transformation s'est paradoxalement opérée à partir du
semi-échec du premier service à bas seuil de Hanovre qui a
été créé en 1995, en proximité de la gare,
afin de distribuer des seringues propres. Très rapidement plus de 300
drogués s'y sont retrouvés chaque jour et l'opinion publique
s'est insurgée. Le Fixpunket est ouvert du lundi au samedi et
reçoit antre 100 et 120 personnes chaque jour dont 20% de femmes. Dans
le centre se situe l'injecting room où les consommateurs
peuvent se droguer proprement. Les places sont rares puisque seul neuf
consommateurs sont acceptés à la fois dans la salle pour une
durée maximale d'une demi-heure. Les substances sont très
variées puisque 90% des consommateurs ont recours à plusieurs
drogues outre l'héroïne comme la cocaïne ou la
benzodiazépine. Peu de règles régissent le centre :
la prohibition de la violence et la revente de drogue. Un travail de
coopération avec les forces de police fut nécessaire afin
d'obtenir que les usagers ne soient pas contrôlés à leur
arrivée au centre.
Les zones
« décriminalisées », qui s'inscrivent dans le
cadre d'une politique de réduction des risques, semblent constituer une
réponse originale au problème de la détérioration
des conditions d'existence des toxicomanes. Elle aboutit en partant d'une
considération sanitaire et sociale à une acceptation, au moins
à moyen terme, de l'usage de substances psychoactives. Ces
expériences mettent en évidence les effets négatifs que
peuvent avoir des mesures législatives trop fortement
prohibitionnistes.
Serfaty a étudié le lien entre la
réduction des risques et les systèmes législatifs en
vigueur. Il a ainsi comparé les délais d'élaboration des
mesures d'accessibilité au matériel d'injection, dans une
perspective de prévention du Sida chez les usagers de drogue, entre les
Etats de l'Union européenne627(*)627(*).
Ces délais ont été mis en parallèle avec la
législation des pays considérés, concernant la
répression de l'usage de drogues. L'étude révèle
que plus la législation est répressive, plus les mesures
facilitant l'accès aux seringues sont difficiles à mettre en
place. Il existe donc un lien entre la réduction des risques et la
législation en vigueur ou exactement une tension dynamique qui adapte
l'un à l'autre : « Si l'objectif premier de la politique
de réduction des risques n'est pas la modification de la
législation sur l'usage de stupéfiants, c'est bien le
nécessaire développement de cette politique », et il
conclue en ajoutant à propos du cas français, « qui,
pour beaucoup, rend aujourd'hui inacceptable la législation
française jugé trop répressive ».
La réduction des risques, qui passe par une
« normalisation » de l'usage de drogue entendue avant tout
comme une « régulation », se heurte à la
répression et à la pénalisation des comportements
toxicomaniaques. La réduction des risques semble ainsi appeler à
terme une adaptation des législations trop répressives qui
apparaissent inadéquates. La dépénalisation de l'usage
simple (consommation personnelle) semble à cet égard la mesure la
plus symbolique. C'est l'avis par exemple de Roger Henrion qui voit dans la
politique de réduction des risques « une amorce de
dépénalisation de l'usage, voire une dépénalisation
de fait » qui réclame que « l'on harmonise la
législation et la pratique »628(*).
Sidney Hercule définit la dépénalisation
de l'usage de drogues comme « la suppression de l'incrimination
pénale (et donc de la sanction) pour les consommateurs de
drogues »629(*). C'est une solution préconisée par les
abolitionnistes et notamment le professeur Hulsman, criminologue hollandais,
qui conteste l'opportunité de la peine en général et
notamment en matière de drogue630(*). Il propose ainsi de décriminaliser l'usage
des drogues, de façon progressive en commençant par le cannabis,
sans en criminaliser le trafic.
La pénalisation de l'usage de drogues, personnel et en
privé, pose en outre un problème de hiérarchie des normes
puisqu'elle s'oppose au principe de la liberté individuelle
affirmée dans plusieurs textes de Droits fondamentaux. La loi du 31
décembre 1970 a été perçue par beaucoup comme une
atteinte exceptionnelle aux articles 4 et 5 de la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, figurant au
préambule de la Constitution française et protégeant les
libertés individuelles631(*)631(*).
Le Conseil constitutionnel était seul compétent pour juger de la
compatibilité de l'incrimination de l'usage avec ces dispositions, mais
n'a pas été saisi avant publication de la loi. En revanche,
celle-ci a été jugée conforme avec la Convention
Européenne des Droits de l'Homme (dont la valeur normative est
inférieure au précédent texte) qui prévoit aux
termes de l'article 5 que « Nul ne peut être privé de sa
liberté sauf dans les cas suivants [...] s'il s'agit d'un toxicomane
».
Certains pays de l'Union européenne ont adopté,
au cours des vingt dernières années, une politique de
dépénalisation qui décriminalise l'usage et la
détention de petites quantités de stupéfiants
destinées à l'usage personnel632(*). C'est le cas de l'Espagne depuis 1983, l'Allemagne
depuis 1994 pour le cannabis. La pénalisation a été
supprimée depuis très longtemps en Italie. Abolie dans la loi de
1975, elle fut réintroduite en 1990 puis abrogée par le
référendum de 1993. Les débats qui sont en cours
actuellement en Italie portent sur la légalisation des drogues
« douces »633(*). La France et le Portugal constituent les deux seuls
pays à conserver une pénalisation pour usage simple de
stupéfiants, la Belgique ne réprimant que l'usage collectif.
La législation française de 1970 fait
actuellement l'objet de nombreuses critiques aussi bien par les professionnels
que par certains juristes qui parlent de « bricolage
normatif » et de l'« inefficacité du cadre
légal actuel, voire de ses effets
contre-productifs »634(*)634(*).
Pourtant de nombreux obstacles semblent s'opposer à sa transformation.
Le rapport Trautmann, publié en 1990, évaluait en annexe les
arguments en faveur d'une dépénalisation de l'usage de drogue
mais se positionnait radicalement contre une dépénalisation
: « La drogue en toute liberté, ce serait partout la
délinquance, la violence, la destruction des familles, la remise en
cause du niveau de santé général, l'expression des
maladies mentales, la multiplication des décès, la
dégénérescence de la population et un péril mortel
pour notre culture et notre civilisation »635(*).
La commission de réflexion présidée par
Roger Henrion en 1995 se divise en deux camps636(*). Après la remise du rapport Henrion, Simone
Veil déclara qu'il est impossible de prendre une décision en
raison du manque d'informations637(*). La publication de l'étude de la commission
Roques en juin 1998 a modifié les termes du débat puisque
celui-ci ôte tout fondement scientifique à la politique
prohibitionniste en établissant une nouvelle division des drogues qui ne
coïncide pas avec l'actuelle législation entre drogue licites et
drogues illicites. Il tend ainsi à rapprocher la dangerosité de
l'alcool de celle de l'héroïne et considère le cannabis
comme une substance plus dangereuse que le tabac638(*).
Un mouvement semble être engagé à la fin
des années quatre-vingt-dix, période depuis laquelle plusieurs
avis favorables à une dépénalisation de l'usage de drogue
ont été exprimé. La révision de la loi
française est par exemple apparue comme une priorité lors des
rencontres nationales sur l'abus de drogue et la toxicomanie du 12 et 13
décembre 1997 organisées sur l'initiative de Bernard Kouchner. On
peut enfin souligner la position adoptée par le Conseil national du Sida
(CNS) dans son rapport de juin 2001. Celui ci a pris position en faveur du
retrait de la législation française de la disposition
pénale sur la présentation de l'usage de drogues « sous un
jour favorable »639(*)639(*).
Le CNS a enfin proposé parmi les recommandations faites au
législateur, la levée de l'interdiction pénale de
l' « usage personnel de stupéfiants dans un
cadre privé »640(*) ainsi que de l'« acquisition et la
détention de stupéfiants à des fins de consommation
personnelle ».
« Le Conseil national du Sida considère
que l'incrimination de la consommation de drogue et de ses actes
préparatoires, sans référence à la situation
personnelle des usagers ni aux caractéristiques de leurs comportements,
est susceptible d'exercer une influence négative sur la
préservation de la santé des individus lorsqu'elle donne lieu
à confrontation avec les forces de l'ordre ou à sanction
pénale, ce qui est encore le cas pour une grande partie des usagers. La
prise en charge sanitaire de ces usagers de drogues ne peut s'opérer de
façon satisfaisante dans l'illégalité. Plus encore, en ne
ciblant pas les situations à risques, l'incrimination de l'usage de
stupéfiants est susceptible de compromettre partiellement les efforts de
santé publique en orientant les attitudes des
individus »641(*)
Le Conseil national du Sida français relativise
toutefois, dans le même rapport, la portée d'un changement de
législation. Les normes édictées par le législateur
ne réglementent qu'une faible partie du champ de la toxicomanie qui
reste régulé par un ensemble de représentations sociales.
C'est pourquoi, « il ne suffit pas d'agir sur le cadre légal
pour modifier les pratiques »642(*). Le rapport du CNS conclue que du fait que
« les risques infectieux sont irréductibles à de
simples gestes de consommation », car ils renvoient le plus souvent
à des phases de précarisation sociale, la prévention des
risques ne peut se limiter à la mise en place d'un dispositif sanitaire
sûr mais doit en revanche favoriser l'émergence d'une nouvelle
culture professionnelle de la toxicomanie.
2.3.2.2 Vers une culture de
la réduction des risques
Les intervenants du champ de la toxicomanie sont
caractérisés par des cultures spécifiques très
divergentes. Celles ci ont profondément influencé, comme il a
été établi précédemment, la reconnaissance
et la mise en place du principe de la réduction des risques. Ces
conflits professionnels ont constitué dans certains pays un obstacle au
changement.
Marco Orsenigo décrit les oppositions entre
professionnels de la toxicomanie en Italie643(*)643(*).
Un premier conflit catégoriel oppose d'une part les médecins,
selon lesquels la toxicomanie serait une maladie organique (altération
de la transmission des neurotransmetteurs) qui doit être résolu
par une thérapie pharmacologique, et d'autre part les psychologues, qui
privilégient la psychothérapie. Les opérateurs et les
psychologues ont ainsi longtemps considéré que les
médicaments de substitution comme la méthadone couvraient le
conflit lié à la substance et empêcher ainsi la
guérison. A l'inverse, le corps médical auquel se rattache Marco
Orsenigo, considère que « l'utilisation de méthadone
libère le toxicomane non seulement du besoin d'héroïne mais
aussi de la dynamique de la toxicomanie et il permet ainsi de gagner de
l'espace afin de mentaliser les conflits »644(*). Les intervenants des
communautés thérapeutiques s'opposent également de
façon virulente aux méthodes de substitution644(*). Ils considèrent
qu'il est nécessaire d'utiliser la souffrance comme outil
thérapeutique. Le toxicomane doit ainsi « toucher le
fond » afin d'accepter l'idée d'un changement de mode de vie.
Cette méthode thérapeutique découle de la
considération du toxicomane comme un être irresponsable et
hédoniste.
Face aux divergences de point de vue, Lucca Fazzi
défend l'idée de la création d'une culture professionnelle
commune construite à partir du principe de la réduction des
risques646(*). Les
interventions de réduction des risques, selon lui, doivent être
conçues comme des instruments pour réaliser un changement du mode
de vie du toxicomane par le biais de projets de réhabilitation
individualisés. Ces interventions doivent unir les différents
acteurs pouvant influencer le toxicomane et multiplier ainsi les points de vue
et d'action ; c'est à ce titre que les secteurs sanitaires et
sociaux doivent opérer de façon conjointe. C'est pourquoi le
personnel travaillant auprès des toxicomanes doit
bénéficier d'une formation complète permettant de
dépasser le savoir lié à sa culture professionnelle
d'appartenance (sanitaire, thérapeutique, sociale).
Afin de favoriser l'émergence d'une « culture
commune », le Conseil national du Sida formule une recommandation
similaire aux pouvoirs publics français647(*)647(*). Il propose d'accroître les efforts visant
à doter les professionnels des compétences nécessaires en
matière de réduction des risques, en privilégiant en ce
domaine la formation initiale des professionnels concernés (policiers,
magistrats, pharmaciens, médecins, travailleurs sociaux,
enseignants...). L'objectif étant de « dépasser les
cloisonnements entre les services, de susciter des logiques de fonctionnement
transversales, à tous les niveaux hiérarchiques ».
La constitution d'une culture transversale et commune aux
corps professionnels intervenant en matière de toxicomanie permettrait
de joindre les efforts des acteurs individuels et d'entreprendre un
véritable travail en réseau. La formation d'une
culture de la réduction des risques impose cependant de réaliser
une clarification du concept de « réduction des
risques » qui recouvre une pluralité de définition.
Les politiques de réduction des risques peuvent
poursuivre deux objectifs : elle peut viser la reconnaissance que
l'interruption du rapport aux substances relève de la seule
décision du toxicomane, la désintoxication est alors
considérée comme un objectif secondaire en comparaison avec la
limitation des risques. La réduction des risques consiste dès
lors à « mettre à la disposition des usagers de drogues
tous les moyens disponibles (produits de substitution, seringues, etc.) pour
réduire les accidents les plus graves (overdoses, infections par le VIH,
suicides), préserver l'insertion sociale ou la rétablir et, pour
la plupart, de sortir de la toxicomanie sans que l'avenir soit
irrémédiablement compromis, sans faire de l'arrêt une
condition préalable »648(*).
Simone Piccone Stella remarque que le parcours
thérapeutique se trouve dans ce second cas inversé puisque
désormais le toxicomane est accepté pour ce qu'il est, sans qu'on
lui impose de changer de comportement649(*)649(*).
Le toxicomane peut alors, après une longue réflexion personnelle
et qui peut durer des années, choisir de lui-même d'entreprendre
une cure thérapeutique. La stratégie de la réduction des
risques vise la survie du toxicomane. L'aspect pragmatique de
cette idée est sans cesse mis en évidence par les
opérateurs du secteur de la toxicomanie « il est possible
d'aider un toxicomane vivant, mais nous ne pouvons aider un toxicomane
mort ».
La réduction des risques peut également avoir
comme objectif la désintoxication du toxicomane en privilégiant,
plutôt que la voie classique de l'abstinence (intégration
sociale, réhabilitation par le travail) celle de l'intégration
sociale, stabilisation sanitaire, réhabilitation par le travail
jusqu'à l'abstinence, il s'agit alors de reconnaître la
multiplicité des voies pouvant mener à la désintoxication
tout en affirmant qu'elle reste la finalité thérapeutique
première. Les politiques de réduction des risques sont alors
une forme d'intervention qui ont pour objectif d'agir sur un plan que les
stratégies classiques centrées sur l'abstinence ne
réussissent pas à rejoindre. La méthadone est
utilisée comme un soutien au sein d'un programme de
réhabilitation et dont l'objectif principal et premier doit toujours
resté la « récupération » du
toxicomane650(*). La
réduction des risques reste un principe second, limité à
l'objectif d'abstinence.
« La limitation des risques est toutefois un
concept dangereux puisque, pris en soi, il exclut toute obligation
professionnelle, éthique et morale, à encourager, promouvoir et
accompagner le changement d'un état de dépendance vers un
état de réelle conscience et autonomie [...] Les politiques
de réduction des risques peuvent avoir une signification seulement si
elles ont une fonction de soutien et/ou renfort vérifiable à des
processus de réhabilitation, aussi bien absolue que relative, ou bien si
elles deviennent un élément fonctionnel d'un système
complexe de stratégies et de services qui ont pour objectif
l'amélioration de la condition de dépendance des sujets
toxicomanes »651(*)
La réduction des risques est menacée dans ce
second cas de prendre un aspect sécuritaire que souligne Umberto
Nizzoli : « Mais avec les années l'idéologie
du mouvement pour la réduction des risques a radicalement changé.
On est passé de la défense des intérêts individuels
- réduire les risques pour le consommateur de drogue - à la
défense de l'environnement social, en réduisant les
dommages »652(*)652(*).
La réduction des risques s'entend alors non plus comme la
prévention des risques encourus par les toxicomanes mais avant tout
comme la limitation des risques que le toxicomane fait encourir au corps social
du fait de son comportement. Bot illustre cette dérive par l'exemple du
« dilemme hollandais » qui confond l'approche de
santé publique en terme de réduction des risques pour la
collectivité et l'approche judiciaire qui vise à réduire
les conditions d'insécurité liées à la
toxicomanie653(*).
Certains prohibitionnistes convaincus sont dès lors devenus les
défenseurs de la réduction des risque en raison des
opportunités de « contrôle social » qu'elle
offre654(*).
Il apparaît nécessaire de se demander quel
objectif attribuer à la politique de réduction des
risques655(*) :
celui d'aboutir à une consommation socialement et sanitairement
inoffensive ou rejoindre un état définitif d'abstinence ? La
réduction des risques est née comme un ensemble de mesures
sanitaires et sociales pour répondre de façon pragmatique
à l'épidémie de Sida. Elle est cependant devenue
aujourd'hui une philosophie et un principe de l'action publique en
matière de toxicomanie et n'est pas, par conséquent, un concept
neutre. Les termes sont à l'inverse chargés de significations qui
renvoient à des conceptions distinctes et inconciliables de la
toxicomanie.
Il apparaît dès lors nécessaire
d'établir le sens attribué au principe de la
« réduction des risques ». Ce n'est qu'au terme d'un
effort de clarification et de définition que la création d'une
culture commune d'intervention pourra être établie. Il faut que
celle-ci puisse dépasser les divergences qui opposent les
catégories professionnelles entre elles. C'est pourquoi, cette
tâche ne peut relever que du législateur qui, ensemble aux acteurs
intervenant en matière de toxicomanie, a pour charge d'inscrire dans les
termes de la loi, les objectifs et les moyens attribués à la
réduction des risques656(*). Cette culture commune ne doit pas seulement
être entendue au plan national mais pourrait être favorisée
par des coopérations établies entre les pays
européens657(*).
Enfin, la réflexion peut également être portée au
niveau international par le rôle de l'ONU et de ses agences (ONUSIDA par
exemple). L'émergence d'une culture européenne de la
réduction des risques permettrait de décloisonner les milieux
professionnels du soin et la prévention de la toxicomanie qui se
caractérisent par des modèles thérapeutiques
spécifiques.
Partie 3 Soigner et prévenir la
toxicomanie
1.
Pluralité et renouveau des conceptions du soin et de la
prévention de la toxicomanie
Le soin de la toxicomanie était auparavant fortement
assimilé à l'éradication de la dépendance et se
limitait par conséquent aux traitements de sevrage. Ce modèle fut
rarement remis en cause jusqu'aux années quatre-vingt-dix, comme en
témoignent la France et l'Italie, malgré le peu de
résultats obtenus. Les précédentes conceptions
réduisaient la toxicomanie à ses seules pathologies. Cette
équivalence a impliqué trois
conséquences négatives658(*)658(*).
Tout d'abord, le rapport entre la structure thérapeutique et l'usager
s'est transformé en un rapport de
« clientélisation », c'est à dire
l'introduction de critère de sélection au point de vue diagnostic
qui conditionnaient ainsi l'efficacité de l'intervention. Les services
choisissaient leurs propres clients en fonction de critères
pathologiques laissant ainsi tout un ensemble de toxicomanes hors de
porté du système sanitaire. De plus, la focalisation sur les
aspects pathologiques a entraîné une sous estimation des facteurs
relationnels et sociaux. Le troisième défaut est une
spécialisation thérapeutique de la toxicomanie et une perte de
vision d'ensemble du phénomène en isolant le seul aspect
physiologique.
La réduction des risques a entraîné une
rupture radicale dans la conception des soins de la toxicomanie659(*). Elle a permis un triple
bouleversement : une prise en compte des consommateurs de drogue
non-toxicomaniaques, une prise en charge globale des patients et une
perspective de non-criminalisation et de normalisation des
comportements660(*).
Tout d'abord, la préoccupation sanitaire et sociale,
rendue nécessaire par l'épidémie de VIH/Sida, a permis de
renverser l'ordre des étapes de la prise en charge. Il
ne s'agit plus de « guérir » (to cure) la
dépendance pour « soigner » (to care)
l'état de santé du toxicomane mais au contraire
d'améliorer les conditions de vie pour mener par la suite au
dépassement de la dépendance. Les consommations de drogues sont
devenues une priorité des interventions thérapeutiques qui ne
peuvent se limiter aux seuls comportements de dépendance ou d'abus. La
cible des interventions est davantage les comportements à risques que
les comportements d'abus, c'est-à-dire toxicomaniaques.
D'où une seconde conséquence, au point de vue de
la prise en charge de la toxicomanie : l'objectif des interventions est
désormais le bien-être de la personne qui va au-delà du
dépassement de la dépendance. Les traitements qui reposaient
auparavant sur le seul principe des cas pathologiques ne considéraient
pas les origines et les causes du processus de consommation et ne rendaient pas
possible, outre la prestation clinique, une relation d'aide dans toute sa
dimension sociale. On est passé d'une prise en charge sanitaire
à une prise en charge globale de la toxicomanie.
Enfin, le renouveau du champ de la toxicomanie a permis de
repenser les politiques en matière de toxicomanie en englobant la
consommation de drogue et la toxicomanie comme un processus complexe et
multidimensionnel. Les interventions fondées sur la réduction des
risques se situent dans une perspective de normalisation de la
consommation qui doit être recontextualisé socialement.
La prise en charge de la toxicomanie peut être
définie selon le paradigme de la réduction des risques comme
« une série de modalités, de stratégies et
d'activités en mesure de rejoindre et d'approcher une cible
particulière avec un comportement non discriminatoire, non normatif et
dépourvue de jugement, dans le but de transmettre les informations et
les messages relatifs à la prévention (du VIH, mais pas
seulement), à l'éducation sanitaire et au soin de
soin »661(*).
Les pratiques thérapeutiques existantes et plus
généralement les systèmes de prise en charge de la
toxicomanie ont été profondément remis en cause. La
réduction des risques a permis un bouleversement des modes
d'intervention en matière de toxicomanie.
1.1 Les
inégalités des systèmes de prise en charge de la
toxicomanie
Le système de prise en charge de la toxicomanie a
été profondément bouleversé au début des
années quatre-vingt-dix par la forte épidémie de VIH/Sida.
Les programmes thérapeutiques, largement guidés
précédemment par le sevrage et la cure de désintoxication
du toxicomane, se sont progressivement orientés vers de nouveaux outils
tels que les traitements de substitution. La prise en charge de la toxicomanie
ne répondait plus dès lors à la seule idée de
« guérison » mais avant tout au principe de
réduction des risques. Ce changement de paradigme a toutefois
été très lent dans certains pays comme la France où
de nombreux obstacles ont freiné sa mise en place. Ces
résistances étaient liées à un refus des
autorités politiques de prendre en considération
l'épidémie de Sida parmi les toxicomanes, mais surtout, à
la formation d'un consensus au sein du champ professionnel de la toxicomanie
hostile à la réduction des risques. A l'inverse, certains pays
tel que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas ont bénéficié d'une
longueur d'avance vis-à-vis du reste de l'Europe. La réduction
des risques s'est implantée avec plus de facilité dans ces pays
en raison d'un ensemble de considérations et de pratiques
professionnelles favorables à la prise en compte du toxicomane. Le
facteur qui différencie les pays dans la mise en place de la
réduction des risques ne serait alors pas tant la réaction des
autorités politiques à prendre en charge le problème que
le champ professionnel plus ou moins favorable.
« Ni la loi, ni l'opposition politique
n'expliquent à elles seules la capacité différente des
pays à mettre en oeuvre une politique de réduction des risques
sanitaires. Leur capacité inégale trouve son origine dans le
système des acteurs, notamment au niveau de l'attitude des
professionnels et de leur insertion institutionnelle »662(*).
Les politiques publiques en matière de soin et de
prévention de la toxicomanie ne répondent pas seulement à
une logique gouvernementale. Elles incluent une multiplicité de points
de vue qui témoignent des intervenants en matière de toxicomanie.
Jacques Chevallier souligne la pluralité des acteurs qui rentrent en jeu
dans l'élaboration d'une politique publique qu'on ne peut résumer
aux seules décisions de l'Etat. Il définit une politique publique
comme une « grappe de décisions » qui
« fait intervenir une multitude d'acteurs diversifiés, qui
participent d'une manière ou d'une autre au processus
décisionnel »663(*)663(*).
L'analyse des politiques publiques en matière de
toxicomanie nécessite, dès lors, de prendre en compte cet
ensemble d'acteurs. Celui-ci peut être, selon les cas, restreint et
homogène, comme par exemple dans le cas français, ou à
l'inverse très diversifié et fragmenté, comme par exemple
dans le cas italien. Chaque système professionnel a
développé et diffusé une conception spécifique du
soin de la toxicomanie, une « culture thérapeutique
». Le terme de « soin » n'est en effet pas neutre mais
il comporte une série de sous-entendus et de présupposés
de nature idéologique.
1.1.1 Soigner la toxicomanie
1.1.1.1 Quel soin de la
toxicomanie ?
La toxicomanie se soigne t-elle ? Pour parler de soin de
la toxicomanie, il est nécessaire de savoir si la toxicomanie est une
pathologie.664(*) La
toxicomanie est généralement associée à la
psychopathie qui est, paradoxalement, le fait de transposer un conflit
intérieur vers l'extérieur de façon à faire
souffrir autrui. Certains expliquent la toxicomanie, dans un sens
opposé, comme une tentative d'auto-thérapie à des
problèmes personnels665(*). D'autres y voient un état de
régression et l'atteinte d'un plaisir primaire, d'autres encore un
comportement déviant.
L'opinion commune associe souvent la guérison du
toxicomane avec la désintoxication. On parle même de
« nettoyage du sang » comme s'il s'agissait d'un acte
cathartique destiné à purifier le drogué. La
méthode la plus connue est celle du sevrage qui consiste à
retirer au toxicomane l'objet de son malaise. Le sevrage fait violence au
toxicomane en le renvoyant brutalement au manque et à sa finitude. La
substitution, à l'inverse, donne plus de temps au toxicomane. On peut
distinguer deux modèles de sevrage666(*). Le premier type est celui qu'effectue de nombreux
toxicomanes de façon autonome, il s'agit du sevrage sec ou
« cold turkey » qui fonctionne dans moins de 5%
des cas. Le deuxième sevrage, traitement symptomatique, vise à
calmer les douleurs et les anxiétés avec des antalgiques et des
tranquillisants : neuroleptiques, benzodiazépines, la clonidine
(molécule découverte dans les années 80 dans le traitement
de l'hypertension artérielle).
Le sevrage peut être organisé de façon
ambulatoire ou bien en milieu hospitalier en fonction de la situation
personnelle et familiale du toxicomane. De nombreux opérateurs et
toxicomanes considèrent que l'hôpital serait le lieu le plus
adéquat666(*).
Celui ci constitue un endroit protégé ouvert jour et nuit, il est
équipé de façon à pouvoir opérer le suivi du
toxicomane quelque soit la pathologie secondaire, il répond, en outre,
à l'image d'une pathologie organique similaire aux autres pathologies,
et il constitue un endroit permettant d'éloigner le toxicomane de son
lieu de vie quotidien.
Le terme « sevrage » fut ainsi pendant
longtemps le monopole du « toxicothérapeute » qui en
imputait l'échec à la « perversion » du
drogué. Ils avaient lieu le plus souvent dans un service hospitalier
comme le service psychiatrique. Il s'agissait d'occuper le toxicomane par un
ensemble d'activités, ergothérapie, gymnastique, ou par certaines
substances comme les neuroleptiques, afin de lui faire oublier la pulsion qui
l'attire vers la substance. Courty note en revanche que l'idée du
sevrage hospitalier va être progressivement abandonné au profit
d'un sevrage ambulatoire qui va mieux répondre aux attentes du
toxicomane668(*).
« On vous apprenait et on vous apprend encore en
vous enfermant à être libre. Bien sûr, on ne vous laisse pas
seul. Il faut accepter le contrat [...] En fait, tout est mis en oeuvre pour
que l'usager s'occupe l'esprit et plus prosaïquement ne pense plus. Or, ne
plus penser quand vous êtes usager d'héroïne vous savez
déjà ce que c'est [...] Au nom de la liberté
retrouvée, la méthode totalitaire était couramment
utilisée. A cette époque, on aurait été capable de
faire creuser des trous aux usagers pour, avec la terre extraite, boucher
d'autres trous [...] Pour les usagers de drogue qui n'ont connu pratiquement
que des échecs dans leur vie, se confronter sans cesse à
l'échec pouvait-il être un moyen thérapeutique ? En
effet, les sevrages, les usagers de drogue connaissent. Chaque fois que le
manque les prend, et ils en ont font l'expérience quotidienne, ils font
l'expérience du nez qui coule, des bâillements, des frissons, des
douleurs. Eux-mêmes, à bout de course, ont souvent envisagé
cette thérapeutique en solitaire »669(*)669(*)
Fazzi et Scaglia regrettent que la désintoxication se
réduise encore aujourd'hui fréquemment à un traitement
médical669(*). Les auteurs évoquent la
possibilité d'accompagner différemment la désintoxication
des patients en ayant recours par exemple aux techniques d'hypnose, de
relaxation ou de libre association. Celles ci sont pourtant rarement
appliquées. Les figures professionnelles non médicales semblent
le plus souvent privées du droit d'intervenir au sein dans le secteur de
la toxicomanie comme si leur action n'était opportune qu'à partir
du moment que le toxicomane a dépassé l'intoxication.
La désintoxication n'est toutefois pas toujours
conçue comme le point d'arrivée de la thérapie du
toxicomane, mais à l'inverse comme un point de départ. La
législation part du même présupposé que
l'arrêt de la consommation de substances marque l'entrée dans un
programme thérapeutique et n'en constitue pas l'issue. Les services
spécialisés, mais aussi les communautés
thérapeutiques, présentent souvent au toxicomane la condition
qu'il ait renoncé au symptôme fondamental de sa pathologie.
« Il existe donc un décalage de temps
dans la conception de cet événement [la désintoxication]
qui différencie les patients des thérapeutes. Les premiers ont
tendance à concevoir la désintoxication comme le premier acte
nécessaire mais aussi unique et suffisant pour réaliser une
thérapie. Les seconds, à l'inverse, considèrent
l'abstention de drogue comme un fait éventuellement conséquent
à un parcours thérapeutique et la désintoxication comme un
outil de travail afin de sevrer les symptômes »671(*)
Roberto Gatti souligne que le traitement sanitaire de la
toxicomanie ne doit jamais se résumer au traitement de la seule
intoxication672(*). Il
s'agit malheureusement souvent du comportement de certains médecins
ayant toujours évolués en milieu hospitalier. Le traitement
pharmacologique ne doit être qu'un prétexte afin d'établir
un rapport entre l'équipe médicale et le toxicomane et d'aboutir
à une prise en charge globale de son état de santé.
L'idée que la toxicomanie se « guérit »
lorsqu'il y a désintoxication empêche de voir, comme le remarque
Gatti, que la thérapie est un processus de changement personnel beaucoup
plus important c'est à dire le fait de réussir à vivre
sans une dépendance à une substance. La désintoxication
est considérée non pas comme un point de départ, ce qui
revient à demander au toxicomane d'être
« guéri » avant même d'avoir reçu des
soins, ni comme un point d'arrivée mais comme une étape
intermédiaire de la thérapie.
« Il est en réalité très
difficile qu'un toxicomane réussisse à
« arrêter » avant que les conditions psychologiques
et environnementales soient réunies de façon à favoriser
et accompagner le changement. Toutefois, ces conditions sont souvent
considérées comme étant déjà réunies
(par le patient, par l'opérateur voire par les deux !) au moment
où le toxicomane se présente au Service. L'histoire passée
est généralement peu considérée et l'échec
répété des précédentes tentatives de
dépassement d'abus de substances est exclu »672(*)672(*)
L'ensemble des intervenants s'accordent à
reconnaître certains principes qui doivent être respectés et
guidés la thérapie : le volontariat, la gratuité et
l'anonymat673(*). Le
principe sur lequel repose l'ensemble de l'intervention thérapeutique
est le volontariat, c'est à dire la démarche et l'initiative
personnelle du toxicomane. Valleur et Jérôme considèrent
à cet égard qu'il existe un ensemble d'obligations qui se
dressent autour du toxicomane (famille, police, justice, etc.) qu'il est
important de prendre en compte675(*). Il existe toutefois différentes
façons d'entendre ce principe. Certains intervenants, comme par exemple
les communautés thérapeutiques, considèrent que
l'acceptation initiale du toxicomane doit reposer sur une démarche
volontaire. En revanche, une fois le programme initié, celui ci doit se
plier aux contraintes prévues (séances de psychothérapie
individuelle ou de groupe, contrôle des urines) et la marge de
flexibilité est très faible. En cas de refus d'effectuer une
partie de la thérapie, le toxicomane est alors écarté du
traitement. D'autres intervenants considèrent, en revanche, qu'un
programme thérapeutique n'implique pas une participation continue mais
offre la possibilité de s'adapter aux besoins et aux demandes du
toxicomane.
« La question de la psychothérapie
« obligatoire » est souvent abordée. Nous avons
choisi délibérément de ne rien imposer à nos
patients. Il n'y a pas de périodicité de rendez-vous avec le
médecin, le psychiatre, le psychologue, l'infirmier, l'assistant social
ou l'éducateur spécialisé pour des entretiens à
visée exclusivement psychothérapeutique. C'est au moment
jugé opportun que nous proposons au fil de l'accompagnement les
différents services disponibles [...] En fonction des besoins ressentis,
il [l'usager] peut faire appel à celui ou celle qui sera le mieux
à même de donner une réponse à sa demande, ce qui
apparaît alors plus authentique. Progressivement, autour de lui, se
substituera au réseau de l'usage de drogues
« imposé », un réseau de soignants
« choisi » selon ses potentialités
d'aide »676(*)676(*)
Dans le second cas, la relation de soin est alors
transformée. La stricte hiérarchie des rôles qui
séparait auparavant le patient et le thérapeute prend fin. Tandis
que précédemment, le thérapeute était
considéré comme celui qui détenait une formule unique
à appliquer sur chaque toxicomane, il doit désormais se plier
à un rôle d'écoute face au toxicomane qui devient un
patient en tant que tel. De plus, ce dernier n'est plus perçu comme un
être passif demandant à être sauvé de son
« mal » mais il participe pleinement au processus
thérapeutique.
« Peu importe s'il n'y a pas d'entretien
psychothérapeutique structuré deux fois par mois. Il nous semble
beaucoup plus intéressant que le patient vienne nous voir et nous
dise : « J'ai besoin de parler à quelqu'un d'autre
chose » [...] « Maintenant il me faut un
psychothérapeute pour essayer de m'en sortir ». Cette
démarche nous paraît particulièrement importante car elle
permet de matérialiser le franchissement d'une nouvelle étape
[...] Le respect de ces choix est la garantie de la réappropriation par
le sujet de son existence »677(*)
On peut distinguer schématiquement deux grands types
d'institutions spécialisées dans la prise en charge de la
toxicomanie qui se fondent sur deux concepts opposés678(*)678(*) : le premier correspond à l'idée
d'un traitement non standardisé et se présente par
conséquent comme un lieu de prestations de services tandis que le second
propose un programme thérapeutique unique et bien défini. La
prise en charge du toxicomane va cependant rarement relever d'une seule et
unique institution. La « sortie » de la dépendance
s'apparente le plus souvent à un parcours durant lequel participe une
pluralité d'acteurs. Ceux ci présentent parfois des logiques
d'interventions diverses, voire antagonistes, ce qui pénalise d'autant
plus la thérapie du toxicomane. La similitude, ou plutôt la
concordance, des pratiques thérapeutiques peut, en revanche, constituer
un atout stratégique grâce la constitution d'un réseau
thérapeutique autour de l'usager de drogues.
1.1.1.2 Chaîne et
réseau thérapeutique : prise en charge sectorielle et
réseau de toxicomanie
La chaîne thérapeutique est l'ensemble des
étapes du parcours que doit traverser le toxicomane durant la
thérapie. Elle implique l'idée que le soin ne peut pas se limiter
à la désintoxication, comme il a été établit
précédemment. L'accueil est la première étape de la
chaîne thérapeutique680(*). Son rôle est de fournir une première
écoute mais aussi certaines réponses à des questions
difficilement formulables. Il s'agit surtout d'accompagner le toxicomane vers
une première aide, constituant ainsi un rôle
d'intermédiaire avec le reste de la chaîne thérapeutique.
L'accueil permet d'introduire un tiers institutionnel vers lequel le toxicomane
ne se dirige pas d'emblée (souvent par volonté de ne pas
être reconnu comme toxicomane). L'utilisation du
« on » est alors importante pour traduire la
présence institutionnelle, le rapport entre l'usager et la structure
thérapeutique. L'accueil constitue ainsi une frontière entre la
rue et la zone de soin.
Une fois un premier contact établi et la confiance
gagnée du toxicomane, les premières démarches à
entamer sont souvent d'ordre administratif, il s'agit de réajourner les
documents du toxicomane qui bien souvent s'en est
désintéressé depuis des années. Il s'agit avant
tout d'un processus d'« accompagnement qui ne s'apparente en rien,
selon Pascal Courty, à de l'assistanat mais qui se limite à une
« éducation et une prise en compte des difficultés
singulières de personnes qui ont toujours refusé ou n'ont jamais
pu se confronter à la réalité
administrative ».681(*)682(*)
Roberto Gatti insiste sur les différentes étapes
du processus thérapeutique. Il s'agit tout d'abord, selon lui,
d'éviter toute précipitation et d'établir un diagnostic du
toxicomane. Ce dernier a pour but d'éviter toute
«urgence » dans laquelle ont parfois lieu les interventions
thérapeutiques, telles que les cures de désintoxication. A
l'inverse, certains centres thérapeutiques refusent de prendre en charge
tout toxicomane qui se trouve en immédiate situation de malaise afin de
se prémunir contre les urgences médicales.
Il est important de souligner que certaines conditions rendent
toutefois nécessaire un traitement d'urgence682(*) : un état de
santé précaire c'est à dire caractérisé par
de fortes pathologies, la présence de symptômes psychiatriques
graves, les possibles répercussions de l'état de santé du
toxicomane sur des personnes tiers. Les premiers entretiens ont donc pour but
de repérer ces « indicateurs d'urgence » afin de
juger de l'opportunité d'une thérapie.
« Les premiers entretiens, à
l'intérieur d'un Service, devraient avoir un unique objectif
fondamental, celui de comprendre et de permettre ainsi un processus
diagnostique qui, sur la base d'hypothèses probables, permette de
structurer une intervention appropriée »683(*)683(*)
L'étape successive, l'acceptation au sein du programme,
est le fait d'une sélection des toxicomanes684(*). Elle caractérise
surtout les communautés qui énumèrent des conditions et
des règles précises devant être acceptées pour
renter en traitement. Des règles similaires existent au sein des
services spécialisés mais elles sont toutefois moins formelles et
moins explicites.
La prise en charge d'un toxicomane s'effectue essentiellement
en fonction de son état ou « seuil » de
dépendance684(*).
Afin d'intégrer un nouveau patient, une communauté ou un service
se base sur deux modalités essentielles : « seuil
bas » (bassa soglia) ou « seuil haut »
(alta soglia). Le « seuil » correspond au niveau
de critères requis au sein de la structure. Beaucoup de structures
adoptaient, essentiellement auparavant, un « seuil haut »
de critères à respecter. En revanche, le fait d'accepter
n'importe qui, sans conditions et à n'importe quel moment, correspond
à un fonctionnement de « seuil bas ». La
détermination du « seuil », comme le remarque
Simonetta Piccone Stella est fonction de l'objectif thérapeutique
désiré. En effet, si le but d'une thérapie est de porter
le toxicomane jusqu'à un état de drug free (c'est
à dire de complète abstinence) alors l'objectif visé
requiert un « seuil haut » de critères. Ce fut
l'objectif le plus fréquemment rencontré jusqu'aux années
quatre-vingt-dix. Depuis quelques années, des centres à
« seuil bas » se sont multipliés afin de limiter les
dommages individuels et sociaux de la toxicomanie.
En cas d'acceptation du toxicomane, trois types de
thérapie peuvent être envisagés : la thérapie
pharmacologique, psychothérapeutique et/ou socio-réhabilitative
comme dans le cas par exemple des traitements résidentiels. Ces derniers
doivent être considérés comme des instruments et rien
n'interdit de les multiplier au sein d'un même programme
thérapeutique. Il n`est pas rare par exemple qu'une communauté
ait recours à l'usage de la méthadone et aux thérapies
psychothérapeutiques. Gallimberti souligne d'ailleurs la
nécessité de multiplier les outils de soin entre eux afin d'une
part d'attirer plus de patients mais aussi d'adapter le traitement au
patient685(*). Ce
dernier point mérite d'être souligné, il est important
d'envisager que la toxicomanie ne répond pas à une seule et
même logique et qu'il existe par conséquent différentes
voies de sortie possibles.
Le point de dispute entre les intervenants de la toxicomanie
ne se situe pas tant à propos du choix des instruments
thérapeutiques qu'au sujet de l'environnement dans lequel doit se
dérouler la thérapie687(*). Le débat se partage entre deux positions.
Les partisans des « communautés
résidentielles » considèrent qu'un patient voulant
sortir de son état de toxicomanie doit absolument quitter son milieu
quotidien et doit s'implanter dans un nouveau cadre de vie. Cet
éloignement de l'ensemble des relations, des habitudes et des
connaissances qui ont un rapport plus ou moins éloigné à
la drogue doit permettre d'interrompre ainsi le rapport qu'entretient le
toxicomane avec les substances. A l'inverse, les défenseurs des
« communautés ouvertes » estiment que le toxicomane
ne doit pas rompre toutes les relations avec son milieu d'origine puisqu'une
véritable réflexion sur soi même et sur son rapport aux
substances ne peut être entreprise uniquement au sein du monde dans
lequel il vit.
Un argument joue en faveur des « communautés
ouvertes » : de nombreux toxicomanes qui acquièrent un
équilibre dans l'atmosphère close de la communauté
résidentielle s'adaptent difficilement à la liberté et
à la responsabilité dont ils jouissent de nouveau en
réintégrant leur environnement quotidien. Toutefois, il est vrai
qu'une personne exposée aux influences d'un quartier
dégradé, d'une famille en crise peut rencontrer plus de
difficultés à élaborer un parcours individuel menant
à l'autonomie. Simonetta Piccone Stella résume ce dilemme
apparent à la formule suivante: « Celui qui reste
enfermé se déshabitue de la société, celui qui
reste dans la société se distrait et se
perd »688(*).
Tidone a effectué, à partir de recherches
américaines du NIDA et du DARP, une évaluation comparative des
différentes méthodes thérapeutiques existantes (programmes
de substitution par méthadone, communautés, psychothérapie
sans soutien pharmacologique690(*)) en confrontant chacun des cas avec un groupe qui
n'a pas réalisé de thérapie691(*). L'évaluation
démontre qu'il n'existe pas de différences significatives entre
les différents types de thérapie : quel que soit le
traitement, un tiers des patients maintient un état sans substance dans
une durée de un à huit an après la conclusion de la
thérapie. Mais le second fait frappant c'est que groupe de
référence qui n'a pas effectué de thérapie obtient
le même pourcentage.
Un groupe de chercheurs italiens conclue, après avoir
effectué une recherche similaire et après avoir obtenu des
résultats identiques, que l'observation de Tidone ne signifie pas pour
autant que la thérapie est indifférente mais simplement que
claque traitement a sa validité et doit être adapté au
sujet en fonction de son environnement692(*). Luigi Cancrini, un spécialiste de la
toxicomanie en Italie, déclarait : « Si les parcours pour
arriver à la drogue sont divers, divers parcours existent pour en
sortir »693(*)693(*).
Les intervenants en toxicomanie ont désormais recours
de façon fréquente au « contrat
thérapeutique » dans lequel sont inscrits les principaux
objectifs, déterminés conjointement par le thérapeute et
le toxicomane. De plus, les moyens pour atteindre ces objectifs y sont
rapportés. Ceux-ci deviennent, par ailleurs, les principes auxquels
devra se plier le toxicomane durant le programme. Le contrat
thérapeutique est parfois devenu, comme le notent Jérôme et
Valleur, un moyen pour les institutions et les intervenants de se
protéger plutôt que de respecter le patient694(*). Le contrat est un moyen de
reconnaître la responsabilité du toxicomane sans pour autant le
faire abdiquer de son libre arbitre à arrêter par exemple le
traitement thérapeutique à n'importe quel instant.
Il apparaît que la logique à laquelle
répondent les soins en matière de toxicomanie est
spécifique. Le schéma linéaire idyllique et idéal
de la thérapie classique (examen- diagnostic- prescription-
thérapie- guérison), qui se trouve même remis en question
en médecine générale, est impropre à rendre compte
du travail des équipes soignantes opérant dans le secteur de la
toxicomanie. En effet, le toxicomane est très souvent sorti du
schéma classique du système de santé et ne
bénéficie pas d'un accès aux soins qui soit comparable.
Une prise de rendez-vous avec un spécialiste est une première
étape qui peut par exemple prendre des mois. L'ordonnance peut de
même être perdue ou rester inutilisée pendant des semaines.
C'est pourquoi le parcours thérapeutique qu'effectue un toxicomane est
ponctué de plusieurs ruptures695(*). Celles-ci ne traduisent cependant pas
systématiquement un échec, du moment qu'elles participent d'un
seul et même parcours. Le changement est un processus lent qui demande de
respecter de nombreuses étapes696(*).
« Les exemples du logement et du suivi des
maladies infectieuses [montrent] que les ruptures et les rechutes ne sont pas
forcément synonymes de l'aggravation de l'état du patient mais
plutôt de moments de changement qu'il faut savoir accompagner une fois de
plus. L'existence d'un réseau de partenaires avec lesquels on peut
travailler va se constituer autour de l'usager de façon
bénéfique se substituant au réseau autrefois centré
sur la drogue. C'est ce passage d'un réseau où le produit est roi
à un réseau bénéfique où l'individu a sa
place qui permet le changement progressif de la
personne »697(*)
Simonetta Piccone Stella observe dans le même sens que
l'opinion commune interprète généralement une rechute ou
la fin prématurée d'une thérapie en terme d'échec,
pensant que tout est à recommencer et que cela n'a servi à
rien698(*). A l'inverse,
les responsables de centres thérapeutiques ont une vision moins
« totalisante » et plus pragmatique. Ils conçoivent
une cure thérapeutique comme un parcours au cours duquel chaque centre
peut représenter une étape individuelle sans être pour
autant conclusif. L'idée de « chaîne
thérapeutique » avancée par Luigi Cancrini sous-entend
que les meilleurs centres de soins sont ceux qui ne prétendent pas
fournir à eux seuls une réponse immédiate aux
problèmes du toxicomane.
La place accordée à chaque acteur au sein du
processus de thérapie individuel laisse entendre l'émergence d'un
réseau de la toxicomanie. Celui-ci est entendu avant
tout comme un processus d'homogénéisation des normes
régissant chaque groupe professionnel autonome. Il s'agit de
décentrer l'attention qui était précédemment
orienté sur le fonctionnement interne de chaque service et de chaque
institution vers le toxicomane lui-même en tant que destinataire du
système de soin.
« Le réseau est la méthode de
travail retenue comme la plus efficace et adéquate, évaluation
qui naît de l'exigence d'un travail de norme intégré et
multidisciplinaire ; évidemment, chaque discipline, chaque
professionnel et chaque service doivent cesser
l'autoréférentialité pour en obtenir le résultat
attendu [...] Par système de soin, on entend la mise en
réseau de tous les acteurs qui ont un rôle dans la prise en charge
des situations de souffrance et de maladie définie. Dans le cas des
toxicomanies ou de la séropositivité cela concerne les services
publics ou privés, le volontariat, les communes puisqu'elles s'occupent
de logement, de soutien économique et d'insertion sociale (aspects
importants dans les déterminants de la santé ou de la maladie),
les Départements (Province) qui ont le devoir d'insertion dans le monde
du travail et tous les autres organismes qui influencent la toxicomanie et
l'état de vie des séropositifs »699(*)699(*)
Les conceptions du traitement de la toxicomanie sont
multiples, elles ont donné lieu à l'apparition d'une
pluralité de structures qui ont chacune des objectifs et des moyens
distincts. La réduction des risques a toutefois opéré une
remise en cause des cultures dominantes du soin qui étaient auparavant
orientées uniquement vers le sevrage. Elle a ouvert la voie à de
nouveaux instruments thérapeutiques tels que les traitements de
substitution. Elle a déstabilisé les équilibres qui
étaient auparavant en place dans la définition de la prise en
charge de la toxicomanie. Les systèmes professionnels autonomes, comme
dans le cas français, ont alors été contestés.
1.1.2 Un champ institutionnel
français autonome
1.1.2.1 Les années
70 : la formation d'un champ spécialisé
La prise en charge de la toxicomanie en France a davantage
relevé jusqu'à la fin des années soixante-dix du
système répressif que du système sanitaire. La loi de 1970
introduit pourtant un volet sanitaire en prévoyant certaines mesures
dans le soin de la toxicomanie700(*). Le secteur psychiatrique français va rester
très réticent à incorporer les toxicomanes au sein de
leurs services. Cette méfiance est également partagée par
les toxicomanes qui refusent d'être considérés comme
« fous ». Certains professionnels du milieu psychiatrique,
tel que Claude Olievenstein assistant en psychiatrie à l'hôpital
de Villejuif, s'engagent en faveur de la création d'un dispositif
sanitaire adapté au problème de la toxicomanie. Toutefois
l'idée d'une spécialisation du traitement de la toxicomanie se
heurte aux défenseurs d'une psychiatrie polyvalente et à ceux qui
refusent une médicalisation de la toxicomanie au motif qu'il n'y
existerait pas de lien entre psychiatrie et toxicomanie701(*)701(*).
En ouvrant la première structure de soins
spécialisés pour toxicomanes en juillet 1971, Marmottan en
région parisienne, Claude Olievenstein contribue à amorcer la
spécialisation du champ de la toxicomanie. « Il devient
progressivement, en ce début des années soixante-dix, le
médiateur à la charge duquel incombe, en partie, la construction
du référentiel sectoriel de la politique publique de soins aux
toxicomanes »702(*). Une circulaire adoptée en 1972 par Robert
Boulin, ministre de la Santé, reconnaît l'importance des centres
spécialisés sans qu'ils constituent toutefois une entrave au
secteur de la psychiatrie703(*).
La seconde personnalité ayant influencé
l'élaboration des politiques publiques en matière de toxicomanie
fut Maria-Rosa Mamelet qui est nommée en 1972 à la tête de
la sous-direction du ministère de la Santé et qui se voit
chargée de l'élaboration des soins aux toxicomanes. Dans une
circulaire elle déclare que « la toxicomanie n'est qu'un
symptôme parmi tant d'autres d'un certain malaise de la
jeunesse »704(*). Elle encourage par conséquent le lancement
de nombreuses initiatives privées de type associatif afin de renforcer
et compléter le dispositif de soin public. De nombreuses structures vont
voir le jour au cours des années soixante-dix tels que l'association
« L'Abbaye » de Claude Orsel, l'espace Murger
(hôpital Ferdinand-Widal) et le centre Didro, le « village
Albert-Schweitzer », le centre « Lumière et
liberté » d'inspiration mystique orientale. Ces initiatives
sont financées le plus souvent entièrement par les pouvoirs
publics qui agissent, selon Henri Bergeron, dans une logique de
médiatisation de l'action étatique afin de rassurer l'opinion
publique.
Au lendemain de mai 1968, l'influence de l'antipsychiatrie
prime chez les premiers intervenants en toxicomanie. Ceux-ci rejettent la
psychiatrie traditionnelle au motif qu'elle exerce une fonction de
contrôle social et de normalisation des comportements déviants.
Les premiers intervenants en matière de toxicomanie s'instituent alors
en défenseurs de cette population souffrante et stigmatisée par
la société. Des techniques innovantes sont introduites, elles se
basent sur l'accueil, le dialogue et visent à entretenir des relations
presque intimes entre le toxicomane et son thérapeute : ces
démarches vont dans le sens d'une
« désinstitutionnalisation de
l'institution »704(*)704(*).
Une base idéologique commune lie les membres des premières
équipes soignantes (médecins, psychiatres, éducateurs
spécialisés, assistantes sociales, volontaires) dans lesquelles
les relations hiérarchiques sont développées au minimum.
Il ne s'agit pas tant d'une doctrine thérapeutique que d'espoirs
idéologiques et politiques communs.
« Les précurseurs qui constituent leurs
lieux d'accueil un peu partout en France avancent dans le plus complet
pragmatisme pour ne pas dire le noir le plus total. C'est, plutôt, une
certaine éthique de l'intervention et de la relation (qui puise sa
source dans les références politiques de l'antipsychiatrie) qui
constitue l'âme fondatrice d'un dispositif qui n'a pas encore conscience
de cette unité de vue »706(*)
Ces organisations alternatives sont la réaction
à une loi jugée trop répressive par une frange du milieu
médical et social qui souhaite assurer au toxicomane l'anonymat et la
gratuité des soins. Toutefois, ces structures étaient davantage
des lieux orientés vers l'élaboration d'un lien social à
travers la rencontre et l'écoute que vers de véritables
programmes thérapeutiques. L'offre de soins reste ainsi limitée
aux besoins de première nécessité (soins d'urgence,
service d'aide juridique, soutien moral, etc.). L'intervention en terme de
toxicomanie est encore ponctuelle et ne fait pas l'objet d'une
élaboration conceptuelle qui rendrait possible la mise en place d'une
pratique soignante spécifique. Les pratiques thérapeutiques en
matière de toxicomanie sont encore à leurs balbutiements.
Toutefois, dés 1972 et 1973 les équipes
thérapeutiques sont confrontées à une population
toxicomane plus nombreuse et plus dégradée sous le poids de
l'héroïne. Le sevrage se présente alors comme l'outil
thérapeutique principal. Le système sanitaire va ériger la
cure de désintoxication comme un « pilier
thérapeutique ». Cependant peu de structures disposent d'une
unité d'hospitalisation et la prise en charge ambulatoire du sevrage, de
courte durée, va se révéler insuffisante.
L'idée d'isoler le toxicomane de son environnement
quotidien, qui le ramène inexorablement vers la drogue, va alors donner
naissance aux postcures qui sont créées entre 1973 et
1974707(*). Ces
institutions sont dominées par un consensus sur le traitement de la
toxicomanie qui va naître chez les professionnels du secteur sanitaire
autour du refus du traitement de masse (« la méthadone
à l'américaine ») et le refus de la normalisation de la
contrainte symbolisée par les communautés thérapeutiques.
Ces institutions sont sous l'influence des valeurs contre-sociétales de
l'époque et prônent le retour à la nature afin de rompre
avec la civilisation assimilée rapidement à un milieu toxique.
Les toxicomanes sont hébergés dans ces centres pour une
durée variable entre trois et six mois, après avoir
effectué une cure de désintoxication. L'idéologie des
communautés va se développer à travers des
thérapies fondées sur l'occupation (travail agricole, artisanat,
activités sportives) et la rupture du mode de vie quotidien.
Le libéralisme des premières années prend
fin alors que les thérapeutes éprouvent le besoin de socialiser
et de stabiliser le toxicomane. « L'outil thérapeutique
emblème » est la mise en place d'un contrat moral entre
l'équipe soignante et le toxicomane qui s'engage à respecter un
ensemble de règles au sein de la structure (pas de drogues, pas
d'alcool, pas de recours à la violence) »708(*). A partir de 1975, les
méthodes thérapeutiques sont renouvelées de façon
considérable par une « psychologisation » de
l'approche clinique de la toxicomanie. La nécessité de distance
entre le soignant et le toxicomane est affirmée comme un principe.
La méthadone est en revanche très rapidement
écartée du dispositif thérapeutique pour deux raisons
principales : d'une part elle équivaut à placer le
toxicomane en état de dépendance légal, et d'autre part
elle est assimilée à la médicalisation et au
contrôle social de la toxicomanie : « La méthadone
est assimilée à une pratique médicale au service du
contrôle social, évacuant alors une réflexion critique des
liens du sujet à l'ordre
psychothérapeutique »708(*). Claude Olievenstein qui exerce une influence
massive à cette époque rejette l'utilisation de la
méthadone710(*).
Toutefois, Robert Boulin accepte que soit expérimentée la
méthadone à travers quatre centres hospitaliers. Les
expérimentations ne connaissent toutefois pas de suite et l'utilisation
de la méthadone reste une pratique marginale. En 1978, une cinquantaine
de place est totalisée en France711(*)711(*).
En 1977, les principaux intervenants rejettent de façon
unanime le modèle des communautés thérapeutiques
d'Amérique du Nord. Le modèle américain est décrit
comme un système coercitif qui repose sur des « techniques
comportementalistes avilissantes » qui visent à
« rectifier et normaliser les comportements de [...] brebis
égarées » auxquelles les thérapeutes
français opposent le libre arbitre et la dignité du
patient712(*). La seule
tentative d'expérimentation de « communauté
thérapeutique » est rejetée en 1978 par Simone Veil,
alors ministre de la Santé et de la Sécurité Sociale, sous
la pression des intervenants en toxicomanie. Henri Bergeron y voit
« l'emblème du triomphe d'une vision plus sanitaire que
sociale de ce que doit être le dispositif spécialisé de
soins »713(*). Le travail socio-éducatif est
affirmé comme le complément de l'intervention psychologique qui
est la condition nécessaire de l'efficacité des soins.
A la fin des années 70, les grandes lignes du
système de prise en charge de la toxicomanie français semblent
arrêtées, comme l'illustre le rapport Pelletier commandé
par Valéry Giscard d'Estaing, alors Président de la
République, en juin 1977. Il constitue la première
évaluation des politiques publiques en matière de toxicomanie. Le
rapport prend acte tout d'abord des modifications de la toxicomanie qui
« n'apparaît plus comme une flambée subite et
peut-être passagère, mais comme une donnée permanente avec
laquelle il a fallu apprendre à vivre »714(*). Une première
distinction est opérée entre les toxicomanes,
généralement usagers de drogue dures par voie intraveineuse, et
les consommateurs occasionnels qui forment la grande majorité des
utilisateurs de substances illicites. Le critère de la distinction n'est
donc plus le produit, contrairement à la loi de 1970, mais le
comportement. Le rapport Pelletier contribue ainsi à identifier le
public-cible des centres spécialisés. Enfin, le rapport
reconnaît la psychothérapie comme étant la technique
thérapeutique par excellence. La toxicomanie y est d'ailleurs
définie comme une « « faille » dans
l'organisation psychique »715(*)715(*).
Le rapport Pelletier légitime le système français de prise
en charge de la toxicomanie tel qu'il apparaît au début des
années quatre-vingt et il constitue en cela « la
matérialisation politique la plus achevée d'un certain
référentiel concernant le soin de la toxicomanie (à
l'époque) »716(*).
1.1.2.2 L'autonomisation du
système autour de la référence de la psychanalyse
Les années quatre-vingt marquent la rationalisation des
pratiques thérapeutiques en matière de toxicomanie. Les
cliniciens tentent de théoriser un savoir acquis par l'expérience
au contact de la population toxicomane. Tandis que Claude Olievenstein tente de
démontrer qu'il existe une structure psychique spécifique au
toxicomane et distincte des autres structures psychiques (névrose,
psychose, perversion), un consensus s'établit au sein du corps
médical autour de Bergeret, responsable du Centre national de
documentation sur les toxicomanies (CNDT), qui réfute l'existence d'une
structure psychique propre à la toxicomanie. La toxicomanie est entendue
dès lors comme un symptôme d'une souffrance psychique remontant
à l'enfance qui est l'objet de la thérapie. La
psychothérapie individuelle qui avait été envisagée
dans les années 1975 et 1976 se généralise au début
des années quatre-vingt jusqu'à devenir le principal outil
thérapeutique. Ainsi, l'on peut affirmer selon le mot d'une
psychanalyste, Hugo Fréda, que « c'est le toxicomane qui fait
la drogue » et non l'inverse. Cela revient à dire que
« c'est dans l'intériorité du sujet que se trouvent les
réponses au pourquoi une substance devient l'objet unique de
satisfaction, le substitut à tous les manques
originels »717(*). Le sujet est reconnu désormais comme
pleinement responsable de son comportement. C'est ce qui explique en partie le
fait que le dispositif thérapeutique mis en place soit très
sélectif. La prise en charge des toxicomanes repose sur la
« demande authentique du sujet » et vise uniquement
à l'abstinence. En effet, tandis que les éducateurs de rue
travaillaient auparavant à partir de la rencontre des toxicomanes,
l'accès aux toxicomanes ne figure plus parmi les priorités des
centres de soins spécialisés.
Le dispositif institutionnel de la toxicomanie, qui
s'était auparavant fondé sur une mise en équivalence des
identités professionnelles, va alors se spécifier sous
l'émergence de la psychanalyse. La création de l'Association
nationale des intervenants en toxicomanie (ANIT) en 1980 est
révélatrice de l'émergence d'une identité
professionnelle commune aux thérapeutes. De façon
simultanée, les lieux de documentation et d'information vont se
multiplier participant ainsi à la scientificité et à la
crédibilisation des intervenants en toxicomanie. Les psychologues et les
psychiatres jouent désormais le principal rôle
thérapeutique au sein des centres spécialisés. Les
éducateurs spécialisés et les assistantes sociales sont
relégués à un travail de soutien ponctuel tandis que les
psychothérapeutes établissent une thérapie sur le long
terme. En 1991, 76% des structures spécialisées comptaient au
moins un psychologue, 69% un éducateur spécialisé et 46%
une assistante sociale718(*)718(*).
Enfin, 63% des centres comportaient un médecin psychiatre contre
seulement 22% pour un médecin généraliste.
On assiste parallèlement à une forte
centralisation du dispositif de soin. La gestion et le financement du
dispositif de soins en matière de toxicomanie avaient auparavant lieu au
niveau local (Conseils généraux) ce qui entraînait de
fortes disparités géographiques en termes de dotation des
ressources. La loi de décentralisation de 1982 permit l'inauguration
d'une véritable politique nationale de toxicomanie et d'une meilleure
réparation des ressources. L'allocation des ressources fut
désormais assurée par le ministère de la Santé par
le biais des DDASS. La diminution du budget alloué aux centres
spécialisés (250 millions de francs en 1984, dont 170 millions au
secteur spécialisé, chiffre qui augmente à 435 millions en
1990719(*)) amène
les institutions à être en compétition entre elles au sein
d'un même département. Henri Bergeron écrit, à ce
propose, que « cette centralisation a une conséquence
remarquable ; sous son effet, la dynamique d'établissement et de
gestion de l'ensemble institutionnel répond à une autre
logique : on passe de l'inflation expérimentale
départementalisée à la centralisation rationalisatrice
économe »720(*)720(*).
La gestion du dispositif institutionnel est répartie
entre la Direction Générale Sanitaire (DGS) et la Direction de
l'action sociale (DDAS). Mais une concurrence a lieu entre les deux
institutions et, dans un objectif de rationalisation, la DGS devient le
principal acteur décisionnel notamment en matière de
stratégie financière. Les relations s'effectuent alors de plus en
plus directement entre les centres spécialisés et la DGS,
où siègent des intervenants de la toxicomanie, sans avoir recours
aux DDASS qui se trouvent « court-circuitées » du
dispositif et deviennent des acteurs secondaires de la toxicomanie. La
politique publique en matière de toxicomanie se trouve alors
réduite à l'intervention d'une petite équipe de
fonctionnaires siégeant à la DGS. Henri Bergeron parle d'un
couple autonome DGS/intervenants en toxicomanie qui impose une autorité
administrative et professionnelle.
Ce couple « a pu s'enfermer ensemble dans une
définition restrictive de la réalité toxicomaniaque et de
ce que devait être, en conséquence, la politique publique de soins
aux toxicomanes : un paradigme aux origines composites (psychanalyse,
idées soixante-huitardes et contre-asilaires) va s'installer comme socle
théorique référentiel dont vont s'alimenter
progressivement la plupart de ces acteurs pour développer une expertise
- comprise au sens d'un ensemble de règles, normes, pratiques de travail
et positions déontologiques- face aux problèmes posés par
la toxicomanie »721(*)
On assiste à une homogénéisation des
normes qui régissent le dispositif de la toxicomanie et
« l'Etat est donc, dans cette dynamique qui l'unit aux structures
spécialisées, l'agent d'une « normalisation »
des projets »722(*). Les projets non conformes aux normes reconnues par
le couple DGS/professionnels sont systématiquement refusés. C'est
le cas par exemple d'un projet de Médecins du monde (MDM) qui fait, en
1988, une demande d'ouverture de centre de méthadone et qui se voit
opposer un refus. Le fonctionnement du système de toxicomanie rend
impossible toute innovation et encore moins l'intervention d'acteurs
extérieurs au secteur, notamment des collectivités locales.
« Quand se construit un consensus entre ceux qui
ont la charge technique de mettre en oeuvre cette politique et ceux qui la
financent et l'évaluent, il y a de fortes chances que ces mêmes
acteurs persévèrent, chaque jour davantage, dans la voie qu'ils
se sont tracée [...] le système ainsi constitué devient
progressivement autonome »723(*)723(*).
Un champ spécialisé autonome s'est
progressivement formé en France en matière de toxicomanie. Ce
processus initié à partir du début des années
soixante-dix, s'est théorisé au tournant des années
quatre-vingt autour de la psychanalyse qui est devenue le principe explicatif
de la toxicomanie et la toile de fond du système de soin. Les
années quatre-vingt ont marqué l'autonomisation et la
rationalisation des pratiques et du dispositif de soin. La définition
des politiques en matière de toxicomanie ont ainsi davantage
reflété l'idéologie et les croyances du milieu
professionnel que les préoccupations d'ordre sanitaire et social.
L'épidémie de VIH/Sida remet en cause, à
la fin des années quatre-vingt, les positions prédominantes dans
le secteur de la toxicomanie. Le système français oppose
toutefois des résistances, par peur d'être
déstabilisé. Les linéaments d'une véritable
politique publique apparaît en matière de toxicomanie au cours des
années quatre-vingt-dix. Une évaluation des politiques publiques
en matière de toxicomanie se met en place dès 1992, alors qu'elle
avait été presque inexistante jusqu'alors.
Le consensus sur lequel reposait la domination des
professionnels est mis à mal avec l'introduction de la réduction
des risques. Celle ci va à l'encontre des principaux dogmes qui
réglait le soin des toxicomanes. Les conceptions françaises vont
désormais être l'objet de virulents débats, à mesure
que s'élargit la palette de l'offre thérapeutique, auparavant
très restreinte. Le système italien se caractérise,
à l'inverse du dispositif français, par une très forte
hétérogénéité des conceptions et des
structures thérapeutiques. Les politiques publiques italiennes
aboutissent, en l'absence d'un consensus entre les acteurs, à
déléguer la mise en place du soin aux structures locales et
notamment au « privé-social ».
1.1.3 La recherche du consensus
italien
1.1.3.1 Le Servizio
Sanitario Nazionale (SSN) italien : conflictualité et absence de
perspective
Le système de protection social italien, qui inclut le
Service sanitaire national, s'est construit autour de trois fractures qui ont
façonné l'Etat italien724(*) : une séparation entre Etat national et
l'Eglise catholique, une coupure entre l'Etat central et les autorités
locales marquée par une forte centralisation administrative (notamment
lors du fascisme) qui a permis de développer des institutions
d'assistance nationales spécifiques à chaque groupe social. Enfin
une troisième coupure a eu lieu entre les Institutions étatiques
et la société civile. Ces trois fractures historiques ont
délimité un modèle d'Etat-providence (Welfare
State) très centralisé. La Constitution italienne s'inspire
profondément du modèle de d'Etat-providence britannique. Elle
délimite une philosophie de l'Etat social et de la citoyenneté
fondée sur le travail.
Les politiques publiques italiennes sont restées
très centralisées jusqu'au début des années
soixante, avec une faible articulation entre le niveau central et local. Les
services sanitaires étaient en revanche très extérieurs
à la sphère publique725(*). Au début des années soixante, le boom
économique d'après guerre qui avaient permis une forte
redistribution de la croissance toucha à sa fin. Une nouvelle
programmation économique se mit en place afin d'orienter le
développement vers des objectifs sociaux, en favorisant les biens
collectifs. Il s'agissait de mettre la croissance au service des classes les
plus économiquement et socialement défavorisées.
De fortes mobilisations sociales (syndicale, ouvrière,
étudiante) ont eu lieu entre 1968-1969 puis 1972-1973. Elles ont conduit
à la formulation de nombreuses revendications sur le plan social,
exprimées en terme de droits (« aux études »,
« à la santé ») exprimées dans le
cadre d'un modèle de prévention collectif des risques.
Parallèlement, une plus forte décentralisation des politiques
publiques était également réclamé726(*). Un vaste mouvement de
décentralisation a eu lieu entre 1970 et 1979 notamment par le bais de
la création des Régions, dotées de nombreuses
compétences d'ordre sanitaire et sociale.
La réorganisation de l'ensemble du Servizio
sanitario nazionale (SSN) eu lieu par la loi n.833 du 23 décembre
1978 qui présentait de vastes ambitions. La réforme sanitaire
affirme l'accès de tous les citoyens aux Services sur la base de la
citoyenneté, le financement des Services par le biais de la contribution
sociale, la planification et la programmation du SSN726(*)727(*). Elle confirme également le rôle
déterminant attribué aux Régions, supprime la gestion
autonome des hôpitaux et leur intégration aux Unità
sanitarie locali (USL), et défend la valorisation des services
sanitaires extra-hospitaliers. La loi 833/1978 prévoyait
également une répartition des tâches décisionnelles
entre le niveau national (programmation et attribution des ressources et du
personnel), régional (allocation des ressources aux USL et
contrôle de la qualité) et local (gestion des services USL). L'USL
se fonde sur une unité territoriale mineure censée
représentée la « communauté de base »
virtuelle des usagers.
Mais la réalisation de la loi 833/1978 fut un
échec pour plusieurs raisons: l'insuffisance des instruments de
programmation sanitaire, une difficulté à établir un
découpage des USL homogène (celle du Val d'Aoste était
régionale tandis que d'autres étaient mono communales), la
politisation des administrateurs des USL du fait d'un fort lien avec les
conseillers municipaux (dominés principalement par la Democrazia
Cristiana, DC, du Partito Socialista Italiano, PSI, et du
Partito Communista Italiano, PCI)728(*). La politique sanitaire italienne demeure durant les
années quatre-vingt très fragmentée.
Le manque de planification du système italien fut
accentué par l'impossibilité d'établir un plan de
programmation des finances sanitaires depuis le début la fin des
années soixante-dix, favorisant ainsi une logique d'urgence de
l'intervention étatique, qui reste d'ailleurs davantage politique que
sanitaire. L'article 53 de la loi de réforme sanitaire (loi n.833 de
décembre 1978) confie au Piano Sanitario Nazionale (PSN) la
direction du Servizio Sanitario Nazionale (SSN)729(*). Le Plan a pour mission de
définir les « lignes générales de direction et
les modalités du déroulement des activités
institutionnelles du SSN, dans la reconnaissance de l'exigence de
dépasser les conditions d'équipement socio-sanitaire qui existent
dans le pays, notamment dans les régions
méridionales ». Le PSN a deux buts : un premier de
régulation (critères socio-sanitaires de qualité à
respecter) et un second redistributif. Les acteurs institutionnels qui
contribuent à l'élaboration du plan sont, outre le
Minsitère della Sanità et au Servizio Centrale di
Programmazione Sanitaria, le Consiglio Sanitario Nazionale (CSN),
les Régions, le Gouvernement et notamment le Ministero del
Tesoro, les Commissions Sanità du parlement, les deux
chambres réunies en session plénière ainsi que
l'Istituto Superiore della Sanità d'un point de vue
scientifique.
De nombreuses propositions de plans ont été
élaborées depuis 1979 mais aucune n'a été
adoptée. Le premier PSN de 1979 (pour la période 1980-1982) est
reporté en raison d'une crise gouvernementale. Le plan est
approuvé par le gouvernement en octobre puis par le Sénat en
novembre 1979. Les différents projets vont alors être
systématiquement renvoyés en raison des multiples crises
gouvernementales qui vont se succéder. Le second obstacle au Plan
sanitaire sont les nombreuses critiques qui lui sont à chaque fois
opposées. Les médecins refusent un surcroît de
contrôle étatique tandis que certains condamnent la part
prépondérante accordée aux instances privées et que
d'autres regrettent le manque d'autonomie accordée aux régions et
la trop forte centralisation du système sanitaire. Ces critiques
(centralisation, place du privé) sont récurrentes et ont
jusqu'à présent empêché une planification sanitaire
pourtant nécessaire. Le système sanitaire national italien est
resté incapable de mettre en place des politiques visant à
apporter une véritable réponse aux problèmes sanitaires et
sociaux. Cette immobilité des politiques sanitaires s`explique selon
Elena Granaglia aussi bien par des facteurs internes à la loi n.833 que
par une culture politique-et administrative spécifique.
« Fruit des plus grands et des plus
emblématiques rêves de planification économiques, la loi
n.833 se fonde sur l'idée d'une correspondance automatique entre les
intérêts des divers acteurs et ceux généraux, dans
une sous-évaluation totale des pré-requis organisationnels et
institutionnels nécessaires afin de rejoindre les finalités du
SSN. Dans le but d'établir une procédure de planification
complexe, hautement représentative, et visant la recherche du consensus
le plus grand. Une telle procédure, qui peut être adaptée
à un monde idéal, harmonieux et unitaire, s'est
démontrée assez inadéquat dans un monde réel comme
celui du secteur sanitaire, peuplé d'intérêts divergents,
souvent conflictuels, et doté de coûts de transaction
élevés »731(*)
Les années 1987-1992 ont été
marquées par la mise à l'agenda des interventions
socio-sanitaires « d'urgence » notamment dans le secteur de
l'immigration (loi 28 février 1990, n.39) et de la toxicomanie (loi 26
juin 1990, n.162). Ces réformes établissaient un important
recours aux services privés dont les organisations à but non
lucratif (Organizzazione non lucrativa di utilità
sociale, ONLUS), ce qui modifia considérablement
le paysage socio-sanitaire des années quatre-vingt-dix. Les agences
engagées en faveur des « urgences sociales »
(toxicomanie, Sida, alcoolisme) se sont multipliées. Elles se
caractérisent par de petites structures souples
spécialisées dans l'accueil, l`écoute et les
premières interventions. Leur financement vient avant tout des
organismes publics ou encore d'organisations ecclésiastiques732(*). Le SSN est passé de
1978 à 1993 d'un système territorial horizontal à une
sorte d'Agence nationale, gérant d'importantes ressources, se
démarquant des services dans sa logique gestionnaire et
organisationnelle734(*).
Le nouveau système se caractérise par un mouvement vers le haut
en renforçant les prérogatives du ministère de la
Santé et en réduisant l'autonomie des USL.
Le Servizio sanitario nazionale italien
présente trois caractéristiques: une forte coupure entre les
structures publiques et privées auxquelles l'Etat a largement recours
pour les interventions sanitaires d'urgence (toxicomanie, immigration,
prostitution, etc.), un manque de planification et de programmation à
long terme qui empêche d'adopter une considération globale des
problèmes sur le long terme et enfin l'impossibilité des pouvoirs
publics d'établir un consensus parmi les acteurs impliqués dans
les politiques sanitaires et sociales. C'est dans ce contexte que va se
développer le dispositif de prise en charge de la toxicomanie.
1.1.3.2 Un dispositif de
prise en charge de la toxicomanie diversifié mais fragmenté
La mise en place des politiques publiques en matière de
toxicomanie relève du Comitato Nazionale di lotta alle
tossicodipendenze qui est rattaché directement au président
du Conseil qui en assure la présidence, le comité regroupe
l'ensemble des ministres concernés par le problème de la
toxicomanie734(*)734(*). La définition des
politiques se réalise donc à un niveau très
centralisé.
La prise en charge des toxicomanes par le Servizio
Sanitario Nazionale italien est réglementé par le Test
Unique de loi en matière de stupéfiants et substances
psychotropes, prévention, soin et réhabilitation des
différents états de toxicomanie (D.PR 309/90), né de la
loi Jervolino-Vassali et partiellement modifié par la loi n.45 du 18
février 1999. La législation prévoit une augmentation des
ressources financières accordées aux projets de lutte contre la
drogue qui s'élève à prés de 150 milliards de
lires/ 750 millions d'euro par an735(*). Il est établit que 25% de ce fond est
attribué aux établissements publics afin de réaliser des
projets expérimentaux qui sont coordonnés par le
Département des Affaires Sociales tandis que les 75% restant
sont attribués aux Régions pour financer des projets triennaux
centrés sur la prévention, la récupération et la
réinsertion sociale de personnes atteintes de problèmes de
toxicomanie ou d'alcoolisme. On observe d'une part une forte
décentralisation des projets (qui doivent toutefois répondre aux
normes édictées au niveau national) et une rationalisation de la
gestion des centres de toxicomanie. Il s'agit d'apporter des prestations et des
services efficaces de façon à répondre aux objectifs.
La nouvelle législation italienne apporte un second
changement considérable. Elle ne considère plus la toxicomanie
comme un problème exclusivement pathologique mais de tutelle de la
santé en général736(*). Le problème de la toxicomanie est
replacé dans le contexte d'une crise du welfare c'est à
dire du système de protection social et de l'ensemble des prestations
destinées à enlever les causes du malaise et à construire
les conditions normales du bien-être. Le bien-être exige un
ensemble de relations sociales, un sentiment d'appartenance à une
communauté, la reconnaissance d'une identité spécifique.
Ces principes sont d'autant plus valables pour la réhabilitation des
toxicomanes. Ainsi, sans une intégration sociale, de relations
quotidiennes, la reconnaissance d'une identité socialement
acceptée, une relation de responsabilisation, il est très
difficile d'envisager un processus de prévention ou de traitement de la
toxicomanie.
Le dispositif de soin de la toxicomanie est
particulièrement développé en Italie. Il se
caractérise avant tout par une grande diversité d'acteurs :
communautés thérapeutiques privées, services publics
spécialisés, etc. On dénombre en Italie en 1997 un total
de 1.900 services pour 117 000 patients pour un potentiel évalué
entre 150 000 et 200 000 toxicomanes737(*)737(*).
Le niveau de prise en charge générale a cependant fortement
évolué738(*). Au 31 mars 1993, on comptabilisait 560 Sert, 1195
structures privées dont 649 communautés (auxquelles on ajoute 318
centres de premier accueil, 228 centres de réinsertion)739(*). Comme le remarque,
Simonetta Piccone Stella, l'ensemble des moyens mis à disposition pour
lutter contre la toxicomanie est remarquable s'il est mis en comparaison avec
le budget alloué à d'autres services sociaux tels que les
handicapés mentaux ou les « sans domicile fixe ». En
revanche la dotation territoriale des infrastructures compétentes en
matière de toxicomanie est assez inégale. Alors que les services
publics sont répartis de façon équilibrée au sein
du territoire italien, les structures de réhabilitation,
résidentielles ou d'accueil sont principalement concentrés dans
le Nord740(*).
Simonetta Piccone Stella rend compte d'une telle
diversité de services par le manque d'intervention des pouvoirs
publics italiens qui sont demeurés pendant longtemps en
retrait741(*). Les
initiatives privées ont largement précédé les
politiques sociales mises en place par l'Etat en faveur de la prévention
de la toxicomanie. Ce champ social est resté vide pendant de nombreuses
années de toutes initiatives publiques coordonnées ou encore du
moindre financement. Le corps médical, et encore moins l'Etat, n'ont pas
pris en considération la question de la toxicomanie. Alors que la
consommation de substances a explosé durant les années
soixante-dix, aucun service d'aide, aucune plan de prévention n'ont
été mis en place. Le phénomène malgré sa
visibilité (morts par overdoses, familles en détresse, banlieues
très touchées) est resté sans conséquences. Les
premiers toxicomanes furent alors pris en charge par des religieux et des
volontaires catholiques en tant que « nouveaux pauvres ».
Les Sert, les Servizi d'assistenza ai
tossicodipendenti, services publics spécialisés sont
rattachés aux Unità sanitarie locale (USL) ou parfois
à des services hospitaliers. Ils disposent d'une autonomie relativement
grande et jouent le rôle de coordinateur local. La prise en charge
effectuée au sein des Sert est en revanche très spécifique
puisqu'elle correspond presque uniquement aux utilisateurs de drogues
dures742(*). En 1997,
86,7% des personnes fréquentant les Sert étaient des
consommateurs d'héroïne, contre 91,9% en 1990. D'où une trop
grande orientation des services de prise en charge des toxicomanes qui
s'avèrent inadaptés aux autres types de consommation.
Parallèlement aux structures publiques, on assiste au
développement des structures privées, et notamment des
communautés résidentielles thérapeutiques, qui ont pour
ambition d'offrir l'opportunité d'un « véritable milieu
de vie et une réinsertion sociale et
professionnelle »743(*). Celles ci connaissent un essor considérable
durant les années quatre-vingt744(*). Leur progression a été relancé
au début des années quatre-vingt-dix par la loi Jervolino-Vassali
qui leur accorde une large priorité745(*). La progression des communautés est ainsi
quasi-ininterrompue. On en compte 361 à la fin des années
quatre-vingt, dont les deux tiers étaient liées aux organisations
catholiques, puis 649 au 31 mars 1993. Enfin, on dénombrait 822
communautés en 1997. Bien que la plupart soient privées et
à but non lucratif, on dénombre 50 communautés
résidentielles publiques. La dotation en terme de structures entre le
secteur privé et public est relativement équilibrée. En
revanche le nombre de toxicomanes pris en charge est inégal, au
détriment des communautés thérapeutiques. En 1997, sur les
117 000 toxicomanes pris en charge au niveau national, 94.955 étaient
sous traitement au sein des services publics, (soit 81,7%), tandis que 22.176
se trouvaient en communautés privées (19%)746(*).
Le niveau d'efficacité thérapeutique entre le
système privé et public présente selon les enquêtes
peu de différences puisque dans les deux cas un tiers des toxicomanes
mènent leur traitement à terme. La coupure du dispositif italien
de prise en charge de la toxicomanie se traduit en revanche par la
différence des méthodes utilisées. Les centres
privés refusent le plus souvent le recours à la méthadone,
bien qu'elle soit autorisée par la loi de 1975, au profit d'une
thérapie de type « environnementale »747(*). A l'inverse, les centres
publics ont recours massivement à la méthadone mais s'en
détournent vers le milieu des années 80 en faveur d'une approche
psyho-sociale démédicalisée.
La composition des équipes thérapeutiques
reflète de façon significative ces différences
méthodologiques : tandis que le personnel des structures publiques
est avant tout médical (médecins, épidémiologiste,
toxicologistes, psychiatres, etc.), celui des communautés renvoie
essentiellement au monde social (animateurs, éducateurs, assistants
sociaux, etc.). Riccardo Gatti remarque toutefois que les psychiatres sont
très peu nombreux au sein des services publics italiens de traitement de
la toxicomanie748(*). Il
explique cet état de fait par un désintérêt des
spécialistes pour la toxicomanie mais surtout par l'idéologie de
la « non-médicalisation » et de la
« non-psychiatrisation » de la toxicomanie. La loi 162/90 a
néanmoins provoqué un changement en introduisant la psychiatrie
comme l'une des spécialités pour l'accès aux postes de
dirigeants de Sert749(*).
Les communautés thérapeutiques
résidentielles ne sont pas nées au sein d'un plan
coordonné d'action publique mais au dehors de tout cadre normatif et
financier institué par l'Etat. Il a découlé de cette
origine, une séparation entre les organismes publics et les
communautés thérapeutiques qui s'est manifestée dans une
faible coopération et la naissance de cultures thérapeutiques et
d'intervention distinctes750(*). Les différences idéologiques qui
opposent les services publics et les structures privées posent en effet,
comme le rappellent Umberto Nizzoli, un problème de coordination entre
les deux pôles751(*). Les pouvoirs publics ont tenté d'y
remédier par la loi Jervolino-Vassali en facilitant la collaboration
entre les deux secteurs752(*). On peut noter, la solution originale adoptée
par la Région de l'Emilie Romagne afin de résoudre ce
problème. Elle a institué dans chaque Azienda sanitaria
un Coordinamento tecnico territoriale (Ctt) composé des
responsables des Sert, des communautés conventionnées, des
communes et des volontaires. Celui ci est présidé par le
responsable du Dipartimento per le dipendenze pathologiche (Ddp).
L'analyse des politiques et des dispositifs en matière
de soin et de prévention de la toxicomanie rend nécessaire la
connaissance des milieux professionnels. Les outils thérapeutiques
naissent au sein de conflits et de débats qui opposent les intervenants
de la toxicomanie. Le système italien se caractérise par une
forte opposition entre les intervenants publics et privés. Le
système français, à l'inverse, reposait sur un consensus
établi entre les professionnels qui a été mis en
brèche par le principe de la réduction des risques. C'est dans ce
cadre que vont se développer les instruments de prévention de la
toxicomanie.
1.2 Prévenir les
drogues ou prévenir les risques ?
La prévention, comme le rappelle Bellini Marco, c'est
avant tout le fait d'« agir avant l'avènement d'un
phénomène »753(*). Ce constat permet d'expliquer pourquoi la
prévention en matière de toxicomanie a longtemps
été assimilée au fait d'empêcher le
développement des usages de substances. Il existe pourtant une
pluralité de préventions. Roberto Gatti apporte une
définition générale de la prévention comme
« tout ce qui est fait pour contenir, contrôler, réduire
la phénomène d'abus de substances »754(*). Il note également la
pluralité des objectifs (une meilleure connaissance des effets nocifs
des substances, le changement de mode de penser en rapport aux substances
d'abus, la modification des comportements face à ces mêmes
substances et enfin retarder le plus possible l'éventuel commencement
d'un abus de substances) mais aussi des publics (les individus singuliers, les
familles, les groupes sociaux semblables, l'environnement scolaire, la
communautés sociale dans son sens le plus large) qui peuvent être
attribués à la prévention.
1.2.1 Une prévention
des usages de drogues
1.2.1.1 Une
prévention à triple niveau
Il est possible de distinguer de manière
générale trois types de prévention755(*) : la prévention
primaire qui cherche à empêcher l'apparition du problème
(l'accès à la drogue par exemple), la prévention
secondaire s'occupe de ceux qui ont déjà un problème en
essayant de le stabiliser (contrôler la consommation des personnes qui
font déjà usage de substances par exemple) et la
prévention tertiaire pose comme objectif de limiter la
ré-émergence d'un problème résolu (éviter
que ceux qui ont arrêté de consommer des substances recommencent
par exemple).
La prévention primaire se situe au
niveau des conditions d'émergence de la toxicomanie. Ce fut le type de
prévention le plus appliqué jusqu'au début des
années quatre-vingt-dix. Elle part de la condamnation de l'usage de
drogues, indistinctement de la substance, qui est considéré comme
un interdit sociétal. Il existe toutefois plusieurs catégories
d'intervention en prévention primaire. Elles peuvent être
classifiées selon six catégories756(*) : l'exhortation
alarmiste qui consiste en une information destinée à créer
une peur voire une panique face au problème afin d'en éloigner le
public ; l'information déléguée consiste à
transmettre un message d'ordre scientifique sur les risques encourus par
l'usage de substances stupéfiantes par le biais du corps
scientifique ; l'information par le biais des éducateurs consiste
à transmettre un message plus large que le simple usage de substances
par le biais de l'école ; l'information méthodologiquement
renouvelée cherche à établir un nouveau rapport plus
direct entre l'enseignant et l'étudiant ; la « drug
education » ne vise pas à prévenir l'usage de
substances mais les abus ; l'éducation sanitaire enfin s'entend
comme une promotion globale de la santé, ce type de prévention
s'apparente le plus à une formation plutôt qu'une information.
Tandis que l'exhortation alarmiste est essentiellement
l'oeuvre des médias, l'information est l'objet d'une pluralité
d'acteurs. L'école, plus ouverte et mieux perçue, est apparue
dès la fin des années soixante-dix comme l'institution la plus
à même de mettre en place la prévention primaire. La
prévention peut alors se réduire à la transmission d'un
ensemble d'information sur le mode individuel. Cependant, les projets qui ont
lieu dans l'environnement scolaire s'adressent rarement aux seuls individus car
ils cherchent le plus souvent à impliquer aussi bien l'institution
scolaire, que les élèves ou les parents757(*). Les parents
bénéficient d'une information complète sur les substances
et sur le phénomène de la toxicomanie, on les invite
également à rester en contact avec un centre et à ne pas
hésiter à s'y adresser en cas de doutes. Le personnel de
l'école est lui aussi informé.
Les projets de préventions primaire les plus efficaces
sont d'ailleurs ceux qui ne reposent pas uniquement sur un seul acteur mais qui
tentent d'établir un réseau de prévention autour de
l'individu. On peut par exemple citer un projet de prévention italien
baptisé Progetto Insieme Scuofam (scuola-famiglia) qui
place au centre de la prévention primaire le rôle de la famille et
de l'école en exerçant une triple action sur les familles, les
élèves et le monde enseignant758(*).
Un second rôle de la prévention primaire fut
accordé au dialogue. L'exemple français des points
« écoute et prévention » semble
particulièrement significatif à cet égard759(*). Un plan d'action
gouvernemental de 1992 demande d'une part aux centres spécialisés
d'arrêter leurs activités de prévention et d'autre part
d'instaurer des lieux d'écoute et de prévention des toxicomanies.
Une circulaire signée par Jacques Barrot élargit ces points de
prévention aux jeunes et supprime la référence à la
consommation de produits toxiques (14 juin 1996). Une seconde circulaire
datée du 10 avril 1997 et signée par Jean Claude Gaudin inscrit
cette initiative dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre les
toxicomanies. Elle incite à la mise en place de Points-écoute
dans le but de promouvoir la « prévention de la toxicomanie et
de la marginalisation ». Cette initiative s'inscrit dans un cadre
plus large qui accorde la priorité au dialogue comme un moyen de
restaurer une relation sociale perturbée, notamment entre
générations.
Un débat important est de déterminer le type de
message contenu dans la prévention. Celui-ci doit il être
spécifique, c'est à dire être centré sur la menace
représentée par les drogues, ou au contraire, doit-on favoriser
un contenu général sur le malaise social (dont la consommation de
drogues ne serait qu'une manifestation) ? Marco Orsenigo remarque qu'en
Italie les intervenants du secteur de la toxicomanie jugent très souvent
comme étant plus utiles les plans de prévention
indéterminés que les programmes déterminés. Ceux-ci
estiment que « avertir une population à risque sur les dangers
et sur les dommages possibles liés à l'usage de substance ne
diminue pas (dans cette population) la conséquence des
phénomènes d'abus. Ils ont tendance à privilégier
les initiatives d'éducation à la santé qui insèrent
le discours de la drogue à l'intérieur de programmes plus amples
comme par exemple l'éducation sanitaire en général. Ils
recherchent contemporainement des modalités d'intervention sur le
malaise et la marginalité juvéniles qui permettent de
prévenir la déviance (dont la drogue serait un
symptôme) »760(*). Cette particularité du système de
prévention est à mettre en lien direct avec la conception de la
toxicomanie qui prédomine depuis la fin des années soixante-dix
en Italie et qui considère que la toxicomanie n'est que l'expression
d'un malaise social plus général.
Le fait d'inclure la toxicomanie dans une formation
générale au bien être et à la santé comporte
cependant le défaut de ne pas suffisamment soulever le problème
de la spécificité de la drogue au risque de la laisser engloutir
avec d'autres généralités transmises par les
médias761(*). La
prévention indéterminée présente le risque de ne
pas impliquer les personnes et d'empêcher ainsi une véritable
discussion critique et réflexion personnelle sur les drogues762(*).
Le meilleur choix reste peut-être de multiplier les
angles d'approche comme c'est le cas dans l'exemple du projet des
« Points-écoute » développés en
France.763(*) Leur
objectif est d'opérer une prévention qui soit à la fois
spécifique (afin d'éviter les préventions trop
généralistes sur la base d'un modèle de diffusion de
masse) sans pour autant être trop ciblés sur les consommations
abusives déjà prises en charge par le système
spécialisé en toxicomanie. Il s'agit ainsi de faire coexister une
prévention globale sur la problématique des adolescents (dont la
consommation de produits psychoactifs est perçue comme une
résultante), une prévention centrée sur la
problématique des liens sociaux (approche communautaire en lien avec les
familles, les écoles, les associations) et une prévention
spécifique centrée sur les consommations de psychotropes (pour
élargir ensuite à l'ensemble des pratiques à risques) et
enfin en passant d'une prévention secondaire des toxicomanes à
une prévention primaire globale.
La prévention primaire vise un changement
général de comportement et par conséquent culturel. La
drogue étant conçue comme un phénomène avant tout
culturel, il constituerait selon certains le modèle le plus
adapté à la prévention de la toxicomanie764(*). La
prévention secondaire est, en revanche,
constituée d'interventions rapides afin de remédier aux personnes
exposées momentanément à un risque d'usage de substances.
Elle ne semble pas viser un changement durable des conceptions. La principale
difficulté est en revanche d'adapter un discours auquel les toxicomanes
puissent se reconnaître comme par exemple le manuel de prévention
de « Freak » Antoni765(*). La prévention secondaire demande une
connaissance très précise non seulement du problème contre
lequel il s'agit de lutter mais aussi des spécificités
socioculturelles de l'environnement dans lequel à lieu l'action de
prévention766(*).
Certains auteurs ont tenté d'élaborer des
modèles de prévention permettant ainsi une meilleur efficience.
Pascal Courty propose par exemple de créer un parallèle entre les
niveaux d'usage (non-usage ; usage récréatif ;
abus ; dépendance) et les niveaux de prévention
codifiés par l'OMS767(*). Concernant le non-usage et l'usage
récréatif, il s'agit d'effectuer une prévention
« primaire » reposant sur l'information et la
sensibilisation afin d'éviter l'initiation de l'usage ou
d'empêcher le passage de l'usage récréatif à l'abus.
L'usage nocif requiert une prévention « secondaire »
afin de dépister les personnes concernées et de les accompagner.
Il s'agit par exemple d'ouvrir des lieux d'accueil facilement accessibles aux
toxicomanes où ils puissent obtenir une information suffisante. Le
dernier niveau de prévention, « tertiaire »,
s'applique aux personnes présentant une dépendance aux
substances. Il s'agit d'éviter, dans le cadre d'une prise en charge de
substitution, une association avec d'autres toxiques ou encore, après
acquisition de l'abstinence, d'éviter une rechute. Il est toutefois
difficile comme le note Yves Gervais dans La prévention des
toxicomanie chez les adolescents768(*), de dissocier ces trois niveaux d'intervention
et la plupart des interventions sont considérés soit comme
relevant d'un niveau primo-secondaire soit d'un niveau secondo-tertiaire.
Il est enfin nécessaire de distinguer deux niveaux
d'intervention : un premier plus collectif (interventions en classes, lors
de soirées, etc.) et un autre plus centré sur l'individu et plus
proche de l'accompagnement. Selon Stimon, les activités de
prévention ne doivent plus seulement être orientées en
direction des individus singuliers mais des entières communautés
et des réseaux d'individus, il s'agit de développer l'idée
« d'activités à ample rayon de
communautés »769(*). La prévention des comportements individuels
n'est pas suffisante et requiert un changement des normes du groupe et une
nouvelle dynamique sociale. Le concept d'« interventions de
communauté à ample rayon » s'oppose à
l'idée de services et d'activités qui reposent sur le rapport
d'individu à individu770(*). Cette seconde méthodologie comporte en effet
la limite de ne pouvoir atteindre une population que sur une base
arithmétique. A l'inverse le concept de communauté (community
approache) permet de diffuser les messages et les comportements de
prévention de façon pyramidale à travers le biais de
réseaux d'individus. C'est dans cette logique d'intervention
communautaire que Wiebel a pu observer un premier réseau similaire
à Chicago771(*).
L'objectif des interventions étaient alors davantage le changement des
normes et des croyances que d'intervenir sur les individus eux mêmes.
Le bus « Echange prévention »,
décrit précédemment, serait selon Pascal Courty un exemple
d'outil qui concilie approche collective et individuelle772(*). Il permet en effet d'une
part d'assurer une sensibilisation des groupes au cours de discussions
où les avis peuvent se confronter à propos des substances mais
aussi d'autres sujets : les maladies sexuellement transmissibles, la
violence ou le respect de l'autre tout en permettant le dépistage
précoce d'usages abusifs, voire de début de dépendance, et
l'accompagnement d'adolescents en difficulté.
La définition des stratégies d'intervention peut
également se situer à deux niveaux distincts : local et
national. La prévention au niveau local répond au besoin
d'être au plus proche des problèmes et d'y apporter des
réponses adaptées773(*). Cette prévention par le local exige
certaines conditions qui semblent difficiles à remplir et qui
constituent par conséquent autant d'obstacles : elle
nécessiterait l'idée d'un territoire
« délimitable », non pas géographiquement
mais culturellement, or la drogue est un phénomène qui
dépasse amplement un cadre strict. Une prévention par le local
nécessite une coopération entre les différentes
institutions locales (centres sanitaires, communes, écoles, etc.). Elle
requiert également que les administrations locales acceptent
d'intervenir à long terme et non plus à court terme, c'est
à dire dans une logique moins électorale mais plus productive en
terme de prévention. Une politique de prévention par le local
demande également de nombreux moyens de prévision dont ne
disposent pas toujours les services sanitaires au niveau local. Enfin la
durée de vie des administrations locales rend difficile la conception de
projet à très long terme afin qu'ils soient suffisamment
efficaces.
Les politiques de prévention nationales ou globales (au
niveau européen par exemple) n'en restent pas moins indispensables.
Elles permettent de définir des objectifs et des moyens de façon
centralisée afin d'assurer l'homogénéité des
actions. La prévention ne peut pas se limiter à une suite
d'actions sporadiques mais doit être effectuée selon les principes
de continuité et de cohérence. On peut rappeler que la
réduction des risques a été introduite au niveau local
(par exemple, le Merseyside au Royaume-Uni) mais a été inscrite
dans des politiques nationales pour réellement bénéficier
d'une efficacité et dépasser le stade expérimental. Il est
donc préférable, comme le propose Gatti, de concevoir une
articulation du local et du global. Il existe une dynamique entre les deux
instances dans la définition et la mise en place des politiques
publiques. Les pratiques réalisées de façon
expérimentale (local) requièrent, pour intégrer les
nouvelles politiques, une action des pouvoirs publics (national). Ceux-ci
déterminent alors les priorités d'action (national) qui doivent
être appliquées en tenant compte des spécificités de
chaque (local).
« Certains experts du secteur soutiennent qu'il
est impossible de prévoir à un « niveau
centralisé » une réelle prévention des
toxicomanies du fait que chaque territoire et chaque réalité
locale devraient être en mesure d'individualiser des facteurs à
risque spécifiques et intervenir de façon ciblée sur
ceux-ci. Si ce discours est en partie vrai, il risque d'autre part d'être
extrêmement « provincial » et démagogique en
enfermant le problème de la toxicomanie dans d'improbables facteurs
locaux sur un phénomène qui a une dimension internationale et
transculturelle »774(*)
1.2.1.2 Les modèles
de prévention : l'information, l'éducation et la promotion
Quatre modes de prévention se sont
succédés dans les politiques publiques : l'information et
l'éducation qui malgré leurs changements sont restés les
basiques de la prévention, la promotion qui s'est affirmée peu
à peu et la réduction des risques depuis peu775(*).
L'information a été, et
continue parfois à être, le mode privilégié de
prévention. Il peut être utilisé dans le cadre d'une
prévention primaire. Il s'agit de mettre en garde les non-consommateurs
des effets nocifs des substances sur les dangers encourus par l'usage de
drogues illicites. Ce mode de prévention a toutefois été
très fortement remis en cause ces dix dernières années
notamment par les intervenants du secteur de la toxicomanie. Ceux-ci
considèrent que l'information ne serait pas un type de prévention
adéquat, d'une part car il n'a pas un rapport causal direct avec
l'action, et d'autre parce que l'information peut avoir des effets
contre-productifs comme par exemple en apportant à quelqu'un des
informations qui lui étaient jusqu'alors inconnues776(*). Une recherche du
département de Psychologie de l'Université de Cagliari (Italie) a
mis en évidence que 89,7% des consommateurs de drogues connaissaient au
moment de leur héroïnomanie les effets de cette drogue777(*). Il est dans ses conditions
difficile d'imputer le comportement d'un toxicomane à son manque
d'information sur les substances.
« L'information ne change pas
nécessairement (et ni fréquemment) les orientations axiologiques,
les motivations de l'action individuelle, les attentes, les observations des
risques et des dangers, et lorsqu'il les change, la direction du changement est
complètement imprévisible [...] C'est pour cela que l'information
est toujours et nécessairement une stratégie inefficace de
prévention, utilisable seulement lorsqu'il n'est pas possible de faire
autrement, ou lorsqu'on note, dans des conditions de manques graves de
connaissance, qu'il soit avantageux de la diffuser, malgré les
risques d'effets contre-productifs »778(*)
L'éducation, second mode de
prévention, est considérée dans nos sociétés
comme un moyen idéal afin d'orienter les individus et d'en faire des
personnes responsables, d'où l'idée qu'une bonne éducation
serait un moyen adéquat pour prévenir l'usage de drogues.
L'éducation ne détermine pas l'action individuelle mais elle peut
entraîner des effets contre-productifs en raison de la pression
supplémentaire quelle fait peser sur la personne :
« L'éducation est plus exigeante, stressante,
coercitive : par conséquence, il est plus probable qu'elle soit
refusée ou utilisée de façon imprévue par les
éducateurs [...] l'éducation en fait catalyse la déviance,
puisqu'elle met en évidence sur le plan social l'intention
d'indiquer une valeur contre une autre »779(*).
La promotion est un modèle de
prévention qui fut introduit à la fin des années
quatre-vingt et qui tend à se développer dès lors dans le
secteur de la prévention primaire780(*). Le premier avantage de la promotion est de mettre
en avant les capacités individuelles. C'est l'idée d'une
amplification et d'un renforcement des capacités individuelles, entendu
comme un développement cognitif, afin de prévenir l'usage de
drogues. Cette version de la promotion est restée à l'état
d'ébauche en Italie. En revanche un autre mode de promotion s'est
développé, il s'agit de la promotion de la communication, c'est
à dire le développement d'une communication plus adaptée
à son public et qui positive et par conséquent utile. La
promotion passe alors par l'information et l'éducation et s'expose aux
mêmes problèmes cités auparavant. La troisième
promotion possible est une promotion de la communication entendue non pas comme
une éducation mais comme l'appui dans la construction de structures
sociales autonomes.
Le modèle de la promotion « est fondée
sur le présupposé que le changement d'un système (qu'il
s'agisse d'un individu ou d'un système social) ne peut pas être
causé ou créé de l'extérieur. Un
système est autonome et ne peut pas être déterminé,
guidé ou contrôlé : l'intervention peut seulement
produire des « perturbations » dont le système
construit la signification, en s'auto-évoluant ou en choisissant de ne
pas changer »781(*). La prévention entendue comme promotion est
alors un mode de développement de l'autonomie des individus. Elle n'a
pas pour but de s'attaquer directement aux problèmes (comme les
drogues). La promotion est un processus global qui s'oriente vers le
problème général du malaise et qui constitue en cela une
prévention indirecte de la toxicomanie. Toutes les interventions de
promotion exercent un effet indirect de prévention par le fait de
responsabiliser les personnes. En revanche, seules certaines interventions
peuvent avoir des conséquences directes sur la prévention de
l'usage de drogues, comme par exemple la promotion de groupes de
jeunes782(*).
On peut citer comme exemple de politique de prévention
fondée sur la promotion, le plan espagnol de lutte contre la drogue,
Plan Nacional sobre Drogas (PNSD), approuvé le 17
décembre 1999783(*). Celui ci a été élaboré
par une délégation gouvernementale sur la base d'un travail
d'expertise approfondi afin de mieux connaître la situation de la
consommation de drogue et d'identifier les facteurs de risque. Le PNSD espagnol
repose avant tout sur la promotion de la prévention, entendue comme
l'éducation de valeurs, de compétences et d'habilités
sociales à travers l'instance de la famille et de l'école.
L'école s'est ainsi vue attribuée un rôle spécifique
par la création d'un cours intitulé « éducation
à la santé », mis en place depuis 1990, qui a pour but
d'informer et de limiter la consommation de substances illégales mais
aussi légales comme l'alcool et le tabac. La famille a été
impliquée également dans la prévention des drogues par
plusieurs campagnes nationales fondées sur le thème de la
communication en famille et ayant pour but de faciliter les rapports
intergénérationnels.
Les stratégies de prévention
développées en Espagne reposent plus sur la formation que sur
l'information784(*).
Cela se traduit par un travail effectué en compagnie d'éducateurs
sur certaines capacités telles que la prise de décision, les
capacités communicationnelles, l'autonomie, l'estime de soi, la
responsabilité, les valeurs. Le PNSD prévoit également la
création d'un large éventail de matériel éducatif
et de prévention mis à la disposition des écoles. Le plan
envisage des actions de prévention au sein des entreprises et des usines
notamment en matière de drogues licites tel que le tabac et l'alcool.
Enfin, autre nouveauté, le PNSD propose une formation et une information
des médias afin d'obtenir un traitement plus objectif et adapté
du sujet. Le plan de prévention espagnol ne se contente pas d'affirmer
les points précédents comme des priorités d'action
publique, il détaille également un certain nombre de buts
concrets à atteindre dans une période
déterminée785(*).
Les instruments de la prévention sont multiples. Les
actions de prévention primaire tournées vers la réduction
de la consommation de drogues restent cependant largement prioritaires en
comparaison de la prévention secondaire, c'est-à-dire la
limitation des risques encourus par les usagers de drogues.
L'épidémie de VIH/Sida va souligner l'absence de
prévention effectuée dans ce second secteur. La nouvelle
stratégie adoptée progressivement par les Etats va permettre de
réévaluer et de mettre à jour les outils de la
prévention à l'aune des nouveaux objectifs. La réduction
des risques va ainsi permettre d'inaugurer un nouveau mode de
prévention.
1.2.2 Un renouvellement des
politiques de prévention
1.2.2.1 De la
prévention de la toxicomanie à la prévention des
risques
Les politiques de prévention ont pris pour point de
départ, comme le rappelle Emiliano Martin Gonzales, le constat d'un
bouleversement du phénomène de la drogue, de sa conceptualisation
et des politiques publiques adoptées au cours de ces dernières
années786(*).
Après la période des années quatre-vingt
désignée comme « l'étape de
l'héroïnomanie » les années quatre-vingt-dix sont
consacrées comme le règne des « drogues
récréatives » ou encore dites de synthèse. Les
mécanismes de prévention et de lutte semblent inefficaces face
à cette nouvelle vague de drogue. De même que les
conséquences sanitaires et sociales dramatiques de l'héroïne
ont imposé l'adoption de nouvelles mesures baptisées
réduction des risques, les nouveaux phénomènes
requièrent un changement de stratégie. Les politiques italiennes
et françaises de prévention vont tenter de répondre
à ce double défi.
Les dispositif français de prévention a connu de
nombreuses évolutions en se réorientant en faveur de la
réduction des risques. Les profondes modifications qu'ont connu les
campagnes nationales de prévention françaises au cours des
années quatre-vingt-dix traduisent cette évolution787(*). Les slogans utilisés
au début des années quatre-vingt-dix donnait une image largement
dévalorisée de la drogue : « Aidons les à
trouver la force de dire non » (1990-1992), « La drogue
c'est de la merde » (1996). Les slogans correspondent depuis la
moitié des années quatre-vingt-dix à une prévention
entendue comme une réduction des risques ainsi qu'en
témoigne le slogan suivant: « la drogue parlons en avant
qu'elle ne nous parle » (1996-1997) mais surtout « Savoir
plus, risquer moins » (2000-2002).
En France, la MILDT (Mission interministérielle de
lutte contre la drogue et la toxicomanie) a fortement contribué à
l'élaboration d'une nouvelle politique de prévention en reprenant
les conclusions du rapport du professeur Parquet remis en 1997788(*). Le dernier ouvrage
publié par la MILDT en matière de prévention est
exemplaire de ce changement de paradigme. Elle part du constat de l'existence
des drogues comme un fait de société donné. L'acte de
prévention n'est plus destiné à la consommation de drogues
mais à la prévention des pratiques à risques789(*). Le guide distingue l'usage
simple790(*) et l'usage
nocif791(*) qui se
caractérise par un ensemble de risques sanitaires et sociaux. L'objet de
la prévention est dorénavant d'éviter le passage de l'un
à l'autre. Un second changement est introduit par ce bouleversement de
conception. La prévention des usages à risques ne peut dés
lors plus être limitée aux seules substances illicites. Il existe
des usages nocifs des substances licites, tels que l'alcool ou les
tranquillisants qu'il s'agit de prévenir792(*). Enfin, de nombreuses
brochures ont été également publiées, avec le
soutien financier de la MILDT, sur les risques d'infection encourus et les
moyens de s'en prémunir793(*).
Le système italien en matière de toxicomanie
était fondé au début des années soixante-dix sur le
principe de la répression794(*). La loi 685 de 1975, apparaît toutefois
innovante. Les Structures locales devinrent les principaux protagonistes en
matière de prévention. Au modèle répressif est
substitué celui de la pédagogie/éducation qui reposait
fondamentalement sur l'information des risques encourus par l'usage de
substances et adressé aux écoles, aux familles, aux prisons ou
aux associations et sur la formation, tout particulièrement des jeunes.
Il s'agissait donc d'une double démarche complémentaire
d'éducation sanitaire et de transmission de valeurs qui entendait agir
sur la formation de l'individu, afin d'écarter toute approche des jeunes
vers la drogue. Cette prévention s'apparentait par conséquent au
premier type de prévention.
La toxicomanie a alors été
considérée non plus comme une déviance, ni comme une
maladie, mais avant tout comme les conséquences d'une
société au fonctionnement inadéquat. L'idée fut
alors de proposer des nouveaux modes de vie drug free venant se
substituer aux styles de vie marginaux précédents. Ce fut
l'apparition de l'idée que l'objet de la prévention n'est plus
simplement d'éviter la consommation de substances mais le
disagio sociale, c'est à dire le malaise social, dont
elle n'est qu'une des conséquences. L'école a dès lors
retrouvé une place fondamentale dans la promotion d'une
prévention globale. Une coordination entre les différentes
instances de socialisation (école, famille, associations, groupes de
jeunes) s'est alors mise en place. Ces politiques se sont traduites par la
tenue de conférences d'information et de débats au sein des
écoles, une éducation sanitaire à base d'animations, des
programmes d'information dans les casernes et les usines, une meilleure
orientation scolaire, la promotion du travail des jeunes.
Au modèle pédagogie/éducation, est venu
s'ajouter, durant des années quatre-vingt, le concept de
« promotion » qui témoigne le besoin de
dépasser le concept traditionnel de prévention qui connotait
négativement les utilisateurs potentiels795(*). Il s'agit désormais
non plus d'éloigner les facteurs à risques du malaise mais de
promouvoir et stimuler les ressources des plus jeunes. Deux modèles de
prévention ont ainsi cohabité durant les années
quatre-vingt : d'une part le modèle
pédagogique/éducatif centré sur la lutte des pratiques
à risques, et d'autre part le modèle promotionnel centré
sur le soutien et le développement des ressources et des
capacités des jeunes. Des Progetti Giovani sont mis en place
dans les secteurs du temps libre et de la culture afin de développer le
sens de la responsabilité et l'autonomie personnelle.
Les grandes campagnes d'information conduites avec un ton
alarmiste, dissuasif ou autoritaire ont été remises en cause et
le principal résultat de ces politiques fut le développement de
nombreuses structures pour jeunes. Les interventions étaient
caractérisées par des campagnes informatives visant à
responsabiliser les jeunes plutôt que de les terroriser, des campagnes
d'information/ promotion de la santé dans les écoles
réalisées de façon moins directive, des actions
éducatives de rue pour rejoindre les jeunes sur leurs lieux de vie et de
temps libre, la création de Centres d'informations pour jeunes et de
Centres de formation pour les parents, pour les enseignants et pour les
opérateurs d'associations afin de développer un réseau de
sensibilisation autour des jeunes, et enfin, la mise en place de programmes
d'information et de prévention auprès des usines, casernes et des
instituts pénitentiaires. Est apparue alors peu à peu
l'idée d'une trop forte répression des substances ainsi que
l'hypothèse qu'une possible libéralisation des substances (comme
le cannabis voire l'héroïne) puisse permettre une moindre
déviance et un meilleur contrôle.
La loi n. Jervolino-Vassali de 1990 institue un fonds
monétaire pour la prévention en confiant à une commission
nationale le devoir de sélectionner les projets pouvant
bénéficier des financements. Toutefois, « en l'absence
d'une vision claire de la signification de la prévention des
toxicomanies, les fonds ont été utilisés au niveau local
sans aucune forme réelle de contrôle et
d'évaluation ».796(*) En comparaison avec les années
précédentes, la culture de la promotion de la santé et du
bien être, l'abandon du modèle pédagogique et la promotion
d'un modèle relationnel et communicationnel, la distinction entre les
interventions réalisées dans un milieu scolaire ou informel, ont
été généralisé. Les interventions se
caractérisèrent par le développement de campagnes
informative centrées sur la promotion (« Fatti furbo, non
farti male », « Sois rusé, ne te fais pas
mal ») , la mise en place d'un numéro vert national informatif
(Drogatel) à partir de 1993, des projets éducatifs
diversifiés (école maternelle, élémentaire,
primaire, secondaire, supérieur), la création de Centres
d'Information et de Consultation au sein des écoles (Centri di
Informazione e Consulenza, CIC), le renforcement des structures existantes
de Centres pour Jeunes ou des Centres pour parents et enseignants et des
programmes d'information et de prévention destinés aux usines,
casernes et instituts pénitentiaires.
La seconde moitié des années quatre-vingt-dix
fut marquée par un bouleversement des modes des prévention, avec
notamment l'introduction massive de la prévention secondaire. Le facteur
de ce changement fut avant tout la diffusion de la pandémie de Sida
parmi les héroïnomanes et le changement des formes de consommation
(drogues synthétiques) qui ont amené les pouvoirs publics
à privilégier de nouveaux modes de prévention plus proches
des populations à risque. L'introduction de la réduction des
risques fut l'élément le plus notable de ces nouvelles
politiques. Les nouveaux objectifs de la prévention sont devenus
dès lors la réduction des cas d'infections de VIH, le
contrôle des morts par overdose, l'approche et le soutien aux
toxicomanes, en faveur non seulement de l'individu mais aussi de toute la
communauté.
Deux nouveautés sont également apparues dans le
champ de la prévention primaire : d'une part, le
développement des lieux d'information plus informels et proches des
jeunes, comme les discothèques liées aux substances
synthétiques, et l'accent mis sur le travail en matière de
communication. La rencontre de ces deux vecteurs s'est traduit par le
succès des unità di strada et du travail de
proximité. Mais on a surtout assisté à l'apparition d'une
nouvelle représentation sociale de la consommation de substances qui
n'est plus seulement rattachée à la marginalité, mais
aussi de la « toxicomanie » qui était auparavant
lié à l'héroïne. Ces notions deviennent
progressivement synonyme de « divertissement » sous le
poids des « nouvelles drogues »797(*). Celles-ci ne sont pas
véritablement nouvelles mais elles sont associées à de
nouveaux lieux et à de nouveaux modes de consommation. L'effet pervers
de ce retournement fut la mise au banc de l'héroïne des
priorités des politiques publiques de prévention. Les
médias mais aussi les projets de financements des collectivités
locales sont désormais centrés sur les drogues
synthétiques.
La réduction des risques a bouleversé les
objectifs attribués au rôle de la prévention. La
priorité n'est plus tant la prévention des consommations de
drogue que la prévention des pratiques à risques. Elle part du
constat d'un usage de substances avéré et tente dès lors
d'en limiter les dommages. Ce changement correspond cependant, selon Baraldi et
Rossi, à un aveu d'impuissance : « Puisqu'on ne peut
résoudre le problème, il est nécessaire de limiter les
dommages causés par lui »798(*). La réduction des risques est
présentée comme une position qui souhaite être dans un
même temps réaliste, tolérante et
« solidariste ». Pourtant on « ne peut plus
parler de prévention d'abus de drogues : la prévention
concerne désormais exclusivement les éventuels dommages
dérivés de la consommation ». Les auteurs en
déduisent deux risques majeurs: tout d'abord, « on peut
observer le risque élevé de faire passer un message opposé
à celui voulu », mais surtout, « la
conséquence la plus importante de la réduction des risques est
l'abolition de fait de la prévention [...] le concept de
prévention secondaire masque le fait que parler de prévention n'a
en réalité plus aucun sens »799(*).
Peut-on considérer que la réduction des risques
est contradictoire avec la prévention ? Il est tout d'abord
possible d'objecter que le développement de la prévention
secondaire n'empêche pas un travail en amont sur la prévention
primaire. Les deux types de prévention ne s'adressent pas au même
public et il est préférable d'adopter des interventions
spécifiques. Mais surtout la prévention des risques
présente le mérite de reconnaître l'usage de drogues comme
un fait sociétal inévitable (chaque individu est
considéré comme un consommateur de drogues en puissance, non pas
en fait). La normalisation de l'usage de substances permet dès lors de
réintégrer le toxicomane dans le réseau de la
prévention dont il devient un acteur à part entière.
1.2.2.2 Un nouvel acteur de
la prévention : le toxicomane. Autocontrôle, peer education
et counselling.
Le toxicomane était représenté auparavant
comme un être doté de pulsions suicidaires qui ne se
préoccupait pas de sa santé et il était de ce fait exclu
de la définition des politiques publiques. Le discours adopté par
les militants de la réduction des risques à la fin des
années quatre-vingt considère l'usager de drogues comme une
personne responsable, autonome et citoyenne. Ceux-ci tentent de mettre en
évidence la capacité du toxicomane à adopter des
stratégies rationnelles de préservation de soi et des
mécanismes d'autocontrôle de sa consommation800(*).
Tom Decorte a établi que de nombreux consommateurs
reconnaissent des règles de consommation par rapport à leur
environnement, ils ont de même une théorie personnel de l'usage de
drogue « toujours quand on se sent bien, jamais quand on se sent
mal »)801(*).
Les éléments d'autocontrôle dont disposent ces
consommateurs ont pour origine ni la famille, ni l'école, ni les
médias mais le groupe auquel appartiennent les consommateurs
(appelé groupe des pairs). Howard Becker a mis en évidence le
processus d'apprentissage (apprendre la technique appropriée par
observation et imitation/apprendre à discerner les effets/apprendre
à les apprécier) au terme duquel le consommateur est en mesure
d'exercer un contrôle sur sa consommation. Le groupe des pairs, au lieu
d'être perçu comme un élément corrupteur, peut ainsi
être intégré dans le champ de la
prévention802(*).
Un premier modèle de prévention est né
à partir de ces observations : la peer education, ou
éducation par les pairs803(*). Celle-ci obéit à une logique simple :
l'impact des messages de prévention repose sur les conditions dans
lesquelles ceux-ci sont perçus, et en particulier sur la capacité
des individus ciblés à les assimiler progressivement dans un
ensemble de comportements et de représentations qui se transforment. Si
le message ou son contexte de formulation paraissent disjoints de ces
éléments, ils perdent une grande partie de leur pertinence. La
peer education s'est alors confrontée au modèle de
prévention fondé sur la community approach,
déjà évoqué auparavant. Celui-ci
avait dans l'optique d'une prévention traditionnelle de prendre la
communauté comme interlocuteur, plutôt que l'individu. Il
s'agissait de diffuser au sein du groupe un message de prévention venant
de l'extérieur.
Anna Loi et Franca Taranti soulignent le nouveau mode de
prévention que permet le principe de la réduction des risques.
L'objectif de chaque intervention est comme précédemment de
constituer une culture de la prévention804(*). Toutefois, il s'agit non
plus de prendre pour cible la communauté mais de la rendre acteur
à part entière du processus de prévention :
« Dans cette logique les ressources et les destinataires des
actions de prévention se confondent ». Le processus de
prévention n'est plus uniquement entendu comme une diminution des
pratiques à risques mais comme promotion et développement des
ressources de cette communauté. Ces deux modes de prévention
renvoient directement aux deux définitions qui avaient étaient
données auparavant de la réduction des risques : une
définition stricte qui se résume à un ensemble de
considérations sanitaires et une seconde définition conçue
comme le développement et l'amélioration des conditions
d'existence du toxicomane. La communauté doit permettre à terme
de favoriser l'idée d'un auto-contrôle et d'une responsabilisation
individuelle des usagers de drogues.
« Si on réussit en revanche à
déplacer l'attention d'un modèle de prévention qui vise la
communauté à un projet qui voit la communauté comme un
protagoniste [...] On passe ainsi d'une optique fondée sur le
contrôle des facteurs à risque à une optique
orientée vers le renforcement des facteurs de protection de la
communauté. La communauté devient ainsi compétente dans
l'utilisation de ses ressources afin de résoudre les problèmes de
ses membres. Il faut donc promouvoir le concept que les comportements de
désadaptation ne résident pas seulement dans l'individu mais ils
peuvent représenter des modalités d'adaptation et que tous sont
responsables, dans leur propre situation, de la santé et du bien
être individuel et collectif. Il relève de la
responsabilité commune d'activer les ressources, de proposer des
solutions de façon continue, homogène et
intégrée » 805(*)
Les politiques n'ont jusqu'à présent jamais
reposées sur un mode de prévention similaire. A l'inverse, la
représentation sociale du toxicomane a empêché le
développement d'une culture de l'autocontrôle. La prohibition a
contribué à stigmatiser la toxicomanie et à la maintenir
dans un état de clandestinité. Le discours institutionnel
relayé par les médias tend à écarter tout dialogue
entre les consommateurs et les non-consommateurs ce qui rend ainsi impossible
toute transmission du savoir accumulé par les consommateurs sur leurs
propres expériences.
« Dans ces conditions, les consommateurs sont
voués à méconnaître ou à manquer une partie
du savoir sur les dangers de la drogue et sur les moyens de les éviter
ou de les réduire. Ce qu'apprend une génération de
consommateur, elle a du mal à le transmettre à la suivante. Quand
la transmission sociale du savoir est ainsi entravée, les
tragédies ont tendance à se
répéter »806(*)
La réduction des risques a contribué à
mettre en évidence le rôle pouvant être joué par les
toxicomanes dans la prévention de leurs propres pratiques. L'exemple le
plus fréquemment cité est celui de l'échange de seringues
qui a permis de réduire de façon considérable le partage
des seringues en raison d'une préoccupation des toxicomanes pour leur
propre état de santé. Le CNS remarquait récemment que la
mise en vente libre des seringues en pharmacie, en 1987, avait favorisé
cette évolution807(*). Bien informés des possibilités de
transmission par voie intraveineuse, les usagers se sont massivement
tournés vers les officines pharmaceutiques. Aujourd'hui encore, la vente
en officine demeure la première source d'approvisionnement, ce qui
indique que l'utilisation d'un matériel d'injection « propre »
est bien le fruit d'une démarche volontaire et non d'une simple
réception du matériel dans services médico-sociaux et les
associations disposant d'un programme.
La part des usagers faisant état d'un partage des
seringues a du même coup fortement diminué. Les études
menées par l'Institut de Recherche et épidémiologie de la
pharmacodépendance (IREP) entre 1988 et 1996 témoignent d'une
baisse des pratiques à risque. 52% des usagers rencontrés
disaient en 1988 n'utiliser que des seringues personnelles qu'ils achetaient en
pharmacie. Le taux de partage des seringues est passé de 48% en 1988
à 33% en 1991 et 13% en 1996808(*). Ces données remettent en cause l'image du
toxicomane comme être irresponsable809(*). Les recherches en prévention ont abouti
à un nouveau mode de prévention, appelé
l'« intervention par entretien de motivation »,
fondée sur l'idée selon laquelle l'idée d'un
contrôle personnel constituerait une prévention utile contre les
états de dépendance810(*).
Les concept de responsabilisation et d'autocontrôle sont
apparus face à l'épidémie de VIH/Sida. Il s'agissait de
responsabiliser les toxicomanes séronégatifs afin d'éviter
leur contamination mais aussi les toxicomanes séropositifs et
sidéens afin d'éviter qu'ils ne puissent transmettre le virus
dont ils étaient porteurs. C'est ainsi qu'est apparu le
counselling, notamment à partir du modèle de l'entretien
de motivation. Le counselling est un terme qui désigne
« la pratique, permanente et systématique, de conseils
auprès des individus avant et après le test de dépistage,
au début de la maladie et tout au long de son évolution. Le
counselling vise à renforcer la personne touchée par le
VIH/Sida, pour qu'elle puisse faire face à l'épreuve, et l'amener
à se comporter de façon à ne pas mettre en danger la
santé d'autrui par un comportement à risque »811(*). A partir de 1985, lorsque
des tests sérologiques ont été disponibles pour
individualiser les anticorps VIH, le Center for Disease Control et
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ont encouragé
à effectuer un important travail de prévention par le biais du
counselling qui est devenu un instrument tout aussi important que le
test lui-même812(*). Le counselling consiste à
« instaurer un dialogue et un rapport entre le patient et l'expert
dans le but d'aider l`individu à prendre des décisions en ce qui
concerne sa vie, dans le but de prévenir la transmission de l'infection
à VIH et de fournir un soutien psychosocial à qui a
été déjà contaminé »813(*).
Le counselling marque avant tout la reprise d'un
dialogue que rend difficile la maladie. Celui-ci fournit l'opportunité
de communiquer au toxicomane les principales informations scientifiques en
matière de Sida de façon simplifiée. Le
counselling est cependant beaucoup plus qu'un simple entretien comme
le précise Serpelloni814(*). Le principal objectif est d'arriver à
faire accepter au malade son infection. Il est établi par exemple que
l'acceptation de sa propre infection s'accompagne fréquemment de la
décision d'interrompre l'usage de substances. Le sens de la
responsabilité et d'attention envers soi et autrui s'en trouvent accrus.
L'objectif final est par conséquent l'amélioration du
comportement dans un sens de responsabilisation.
L'échec des politiques de prévention s'explique
en premier lieu par le fait que le débat général soit
resté centré sur le problème des soins au détriment
de la prévention815(*). Les soins bénéficient de
résultats beaucoup plus immédiats et spectaculaires que les
campagnes de prévention qui nécessitent de concevoir une
stratégie à long, voire à très long terme. Les
évaluations tombent parfois dans un piége similaire c'est
à dire la prééminence des effets directs et observables
sur les mutations plus imperceptibles et à plus long terme. Le
problème de la drogue est souvent perçu comme une urgence sociale
et est soulevé périodiquement par les médias. L`opinion
publique requiert alors des réponses rapides qui empêchent
d'établir à long terme une véritable politique en
matière de prévention. Celle-ci se réduit alors à
une myriade d'interventions réalisées au niveau local sans
qu'elles fassent l'objet d'une coordination au niveau national. L'Italie
dispose, comme le rappelle Orsenigo, d'une très faible culture de la
prévention du fait d'un ensemble de choix politiques qui ont toujours
privilégié l'intervention thérapeutique depuis les
années cinquante816(*).
Les politiques de prévention ne se réduisent
cependant pas à un ensemble d'interventions de
prévention817(*).
La politique « crée des décisions pour la
collectivité », tandis que l'intervention « affronte
les problèmes personnels des individus sur la base de ces
décisions », il s'agit de « chaque opération
qui cherche à protéger les individus de l'apparition des
problèmes ». La prévention se constitue d'une politique
et de sa réalisation sous la forme d'interventions directes. Seule
l'analyse des interventions de prévention permet de mesurer
l'effectivité de la prévention et d'affronter le problème
de son efficacité. Le bénéfice d'une politique de
prévention est de pouvoir établir une
homogénéité des interventions sur le long terme. Cette
continuité rend possible la formation d'une culture commune
de la prévention. Riccardo Gatti note qu'en Italie,
« au niveau de la prévention, les programmes mis en acte sont
absolument insuffisants ou seulement sporadiques et occasionnels et ne sont pas
liés à une stratégie »818(*).
La prise en compte de la nouvelle configuration de la
toxicomanie (multiplication des risques, précarisation sociale, nouveaux
usages, drogues de synthèse, etc.) a permis de révolutionner les
conceptions existantes en matière de prévention des drogues.
Celle-ci est progressivement passée d'une politique de réduction
des usages de substances (prévention primaire) à une
stratégie de réduction des risques (prévention
secondaire), sans toutefois que la première ne disparaisse totalement.
De nouveaux instruments de prévention, jusqu'alors inutilisés,
ont fait leur apparition. C'est ainsi que les toxicomanes ont été
reconnu comme des acteurs à part entière des opérations de
prévention, soit par le bais de l'individu (et du counselling
par exemple), soit à travers leur groupe d'appartenance (autosupport,
community approaches). L'accès aux toxicomanes rencontra
toutefois certaines limites. D'une part, en raison d'une faiblesse du
dispositif de traitement de la toxicomanie qui était alors uniquement
orienté vers le sevrage. Les services spécialisés
présentaient, en outre, des conditions d'admission très strictes
ce qui avait tendance à éloigner les toxicomanes des services
spécialisés et à empêcher la stabilisation de leur
comportement. D'autre part, le système de traitement de la toxicomanie
demeurait essentiellement dominé par l'approche répressive des
usages de drogues. Celle-ci contribuait à marginaliser les toxicomanes
et était néfaste à une véritable
préoccupation pour leur état de santé et leurs conditions
de vie. Dès lors, une réforme du système de prise en
charge des toxicomanes apparaissait incontournable.
1.3 Le renouveau de la
prise en charge des toxicomanes
Le traitement de la toxicomanie se réduisait auparavant
au sevrage qui était effectué le plus souvent sur la
requête du toxicomane lui-même. L'épidémie de
VIH/Sida a rendu nécessaire le développement de nouveaux
instruments de soin. Les traitements de substitution sous méthadone se
sont développés à partir des années quatre-vingt
dans toute l'Europe. Leur mise en place s'est toutefois réalisé
dans des contextes spécifiques. Ainsi, bien que les traitements de
substitution soient reconnus de façon universelle, ils se
présentent de façon très inégale. La culture
professionnelle, la disposition des pouvoirs publics ont fortement
influencé sur leur application qui varie d'un pays à l'autre.
1.3.1 Les traitements de
substitution
1.3.1.1 Quelles
substitutions ?
Les programmes de substitution sont reconnus comme
étant des traitements très adaptés de la toxicomanie. Ils
offrent au soignant une pluralité d'avantages thérapeutique.
L'administration de médicaments antagonistes ou agonistes de
l'héroïne constitue par exemple le principal moyen de stabilisation
comportementale819(*).
Les différents effets (sanitaires et sociaux) attendus de
l'administration de méthadone sont : la réduction de la
consommation d'héroïne, l'amélioration de l'état de
santé du sujet, la réduction de la mortalité, la
stabilisation des maladies sexuellement transmissibles, la réduction des
comportements criminels liés à la drogue et l'amélioration
générale de la position sociale du toxicomane. Il existe
cependant plusieurs substances de substitution qu'il s'agit de
distinguer820(*).
· Le chlorhydrate de buprénorphine est un
morphinique utilisé dans de nombreux pays pour soulager la douleur. La
France est l'un des seuls pays à l'utiliser dans le monde comme produit
de substitution à grande échelle.
· Les sulfates de morphine sont des stupéfiants
analgésiques opioïdes qui suivent la « règle des 28
jours ». Ils ont été prescrits depuis la fin des
années 1980 en France (Le Moscontin® et le Skénan®)
bien qu'ils n'aient jamais obtenu l'Autorisation de mise sur le marché
(AMM) pour cette indication. Du fait de leur bonne acceptabilité par les
patients et de leur volume de prescription, ils ont été
autorisés, en concertation avec le médecin conseil des caisses
primaires d'assurance maladie, en cas d'échec des autres
médicaments de substitution ou pour certaines femmes enceintes .
· Les dérivés codéinés se
présentent sous forme de comprimés, gouttes et sirops
antitussifs. Ils furent longtemps utilisés en France
(Néocodion®, Nétux®, Dicodin®) pour réduire
« l'effet de manque ». Ces médicaments, sous ces formes et en
auto-substitution sauvage, ne remplissaient pas les caractéristiques de
sécurité et de biodisponibilité des molécules de
substitution actuelles. Ils ont pourtant joué le rôle, selon une
expression consacrée, de «soupape en vente libre ».
· Le naltrexone est un médicament apparu à
la fin des années quatre-vingt821(*) (1988 en Italie) qui empêche de ressentir les
effets d'une consommation d'héroïne en se liant aux
récepteurs spécifiques aux opiacés jusqu'à un
certain niveau de substance, une fois ce seuil franchi il existe alors une
forte probabilité de mort. L'autocontrôle du patient est alors
nécessaire. C'est pour cela que les utilisateurs de naltrexone sont
souvent plus jeunes et disposent d'un emploi stable.
· Enfin, le chlorhydrate de méthadone est un
agoniste morphinique pur, opioïde synthétique, bien absorbé
par le système gastro-intestinal, avec une excellente
biodisponibilité. Ses propriétés pharmacologiques en font
un médicament de substitution efficace, puisqu'elles permettent une
administration orale, une prise quotidienne unique sans syndrome de sevrage aux
opiacés dans l'intervalle d'une dose d'un jour. La méthadone est
rapidement devenue le produit de substitution le plus utilisé dans le
monde.
De nombreux programmes de substitution se sont
développés, notamment au sein des services
spécialisés en matière de toxicomanie. L'admission au sein
d'un traitement de substitution n'est bien sûr pas automatique. Elle
comporte un certain nombre de critères plus ou moins stricts selon les
législations adoptées. Certains systèmes, comme par
exemple aux Etats-Unis, prévoient des critères d'urgence, offrant
une admission immédiate au sein d'un programme de substitution :
les femmes en ceinte, les femmes de toxicomanes actifs, les personnes positives
à VIH et affectées d'autres pathologies médicales, les
patients connus pour avoir déjà réalisé dans le
passé un traitement avec succès et qui requièrent un
nouveau traitement.
Les critères adoptés en Europe sont
généralement similaires822(*). Ils reposent le plus souvent sur : l'état
actuel de toxicomanie (un test clinique est à cet effet
réalisé sur le toxicomane qui doit présenter des
symptômes d'abstinence) qui doit avoir une durée minimale (au
moins un an en Italie, sauf si le toxicomane a moins de 18 ans, il doit
présenter un état de toxicomanie d'au moins deux ans) et un
nombre de traitements ayant échoués (au moins deux en Italie).
Les différents systèmes de critères nationaux peuvent
être ramenées à la distinction entre programme à
« bas seuil » et à « haut
seuil ».
Le réseau EuroMethwork823(*) a réalisé une
synthèse des données actuelles en matière de traitement
par méthadone et a proposé, à destination des praticiens
des différents pays européens, une définition des
programmes à bas seuil et à haut seuil d'exigence824(*). Les programmes à bas
seuil sont d'accès facile et orientés vers la réduction
des risques, ont pour objectif principal de soulager les symptômes de
manque et le désir compulsif et permettre d'améliorer la
qualité de vie des patients, ils proposent enfin différentes
options de traitement. Les programmes à haut seuil d'exigence ?sont plus
difficile d'accès (critères d'admission sélectifs), sont
orientés vers l'abstinence (y compris l'abstinence de méthadone),
ils n'ont pas d'option de traitements flexibles, ?procèdent à des
contrôles réguliers (d'urine), ils ?mènent une politique
d'exclusion rigide (consommation d'opiacés illégaux interdite) et
?soumettent les patients à un accompagnement psychologique ou une
psychothérapie obligatoire. Cette distinction, telle qu'elle vient
d'être décrite, apparaît toutefois caricaturale à
certains intervenants de la toxicomanie, qui estiment qu'il apparaît
avant tout nécessaire de définir le programme
thérapeutique en fonction des caractéristiques singulières
du toxicomane.
« Cette schématisation nous paraît
caricaturale et dangereuse. Elle témoigne peut-être de pratiques
extrêmes, dans un sens ou dans l'autre et dans certains pays [...] il est
souhaitable de mener des analyses méthodologiques concernant
l'accessibilité des structures, la définition des objectifs
médicaux sociaux et psychologiques, les résultats obtenus en
terme de poursuite du traitement, d'analyses urinaires mais aussi de
qualité de vie des patients. Ces études permettront de
définir les types de programmes les mieux adaptés aux
caractéristiques des diverses populations concernées. L'objectif
général étant, non plus d'opposer un système
«laxiste » à un système « coercitif », mais
bien plus de créer une gamme de réponses sanitaires en harmonie
avec le besoin individuel du patient »825(*)
La place de la méthadone dans la thérapie fait
l'objet de nombreuses polémiques. Chacun lui attribue une place
spécifique. De nombreux chercheurs ont ainsi insisté sur le
rôle du service psychosocial qui constitue un facteur discriminant entre
échec et réussite des programmes thérapeutiques826(*). A l'inverse, d'autres ont
affirmé l'importance de l'administration en soi de méthadone,
soit comme un nouveau type de rapport entre l'opérateur et le
toxicomane827(*), soit
comme la possibilité offerte au toxicomane de réduire sa
consommation d'héroïne et d'entamer une cure thérapeutique
plus complète.
Une position semble cependant opérer un consensus parmi
les opérateurs : le refus d'assimiler la méthadone à
l'ensemble de la thérapie. De nombreux auteurs s'accordent pour dire que
la méthadone ne peut constituer qu'une partie de celle-ci, plus ou moins
grande selon les points de vue828(*). Ce courant de pensé s'est fortement
développé en réaction à l'usage qu'il est fait de
la méthadone aux Etats-Unis. Roberto Gatti est partisan de cette
conception « non-réductionniste » de la
thérapie. Il refuse l'assimilation de la toxicomanie à la simple
consommation de substances, parfois affirmée au détriment de
l'aspect socio-psychologique, et soutient une thérapie
« globale » c'est à dire fondée sur d'autres
outils thérapeutiques que la substitution. Celle-ci est avant tout un
moyen pour éviter les risques liés à l'injection
d'héroïne et pour accorder un délais supplémentaire
dans la thérapie.
« Substituer l'héroïne de la rue par la
méthadone n'est pas, à mon avis, une thérapie de la
toxicomanie [...] mais une substitution de la substance. Lorsque
l'héroïnomane est traitée sous méthadone il reste un
toxicomane. C'est pourquoi il ne me semble pas correct de comparer les
traitements qui visent le drug-free avec ceux qui substituent la
substance [...] Malgré cela le traitement substitutif, bien
qu'il ne soit pas une vraie et réelle thérapie, doit conserver
une dignité particulière non seulement parce qu'il permet de
réduire les risques dus à la consommation de drogues de rues mais
aussi parce qu'il donne la possibilité au clinicien d'avoir plus de
temps pour diagnostiquer et intervenir [...] Dans une
désintoxication le détachement de la substance vient en
très peu de temps mais la possibilité de rechute est imminente
[...] Le traitement avec méthadone laisse plus de temps pour
connaître le patient, pour proposer, évaluer, analyser, choisir,
intervenir... à condition que ce temps soit utilisé et que l'on
sache faire de la « clinique » de façon correcte
»829(*)
La thérapie ajoute au traitement médical par
substitution, un accompagnement psychosocial. Ce point est un sujet de
controverse. Depuis les études de Ball et Ross, on connaît
l'importance des facteurs liés à la qualité des programmes
eux-mêmes sur l'évolution des prises de produits830(*). Pourtant, on ne dispose
d'aucune définition précise de ce suivi et de ce soutient dans le
cadre du traitement méthadone. Certains assimilent l'accompagnement
psychosocial aux psychothérapies. Les psychothérapies ont
d'ailleurs fait la preuve de leur efficacité sur l'évolution des
patients traités avec la méthadone. Orsenigo rappelle que des
études américaines mettent en valeur le peu de résultats
attendus d'une psychothérapie sur un comportement toxicomaniaque alors
qu'en revanche l'association d'une psychothérapie et d'un traitement de
substitution présente de nombreux avantages
thérapeutiques831(*). Toutefois, les psychothérapies ont une
entité thérapeutique en soi et sont sujettes à
controverses et contestations. Les activités psychosociales doivent
être distinguées des psychothérapies :
« L'accompagnement psychosocial n'est pas une psychothérapie.
Les psychothérapies ne sont pas un accompagnement
psychosocial »832(*) Les activités psychosociales sont un
accompagnement de la thérapie. Il s'agit d'un ensemble
d'activités et de services qui proposent rencontres informelles, suivis
sociaux, psychothérapies individuelles, rencontres de groupe,
rendez-vous individuels, démarches accompagnées sur
l'extérieur, hébergements, accès à des
facilités sanitaires (douche, lave linge) ou plus physiologiques (repas,
temps de repos).
Une étude dirigée par McLellan a permis de
vérifier les différentes combinaisons thérapeutiques
possibles833(*). Parmi
un ensemble de toxicomanes soumis à une thérapie de
méthadone, un tiers furent uniquement sous substitution, un autre tiers
recevait un service de conseil tandis qu'un autre tiers recevait outre la
méthadone et le service de conseil, un support psychologique et un
service d'aide social. Des tests de contrôle à la morphine se sont
révélés positifs dans 70% des cas dans le premier groupe,
40% des cas dans le second groupe et 20% des cas dans le dernier groupe. Cette
étude relève la faiblesse des traitements uniquement
centrés sur l'administration de méthadone et met en avant
l'efficacité des traitements complémentaires comme il fut
administré au troisième groupe.
Il existe une pluralité de conceptions distinctes sur
le rôle thérapeutique des traitements de substitution. Celles-ci
s'apparentent le plus souvent à des positions idéologiques voire
des croyances qui empêchent de prendre en compte la réalité
du patient. A la rigidité des positions adoptées par les
professionnelles, Roberto Gatti, oppose une « vraie clinique des
toxicomanies » qui soit en mesure de prendre en considération
les attentes et les spécificités de chaque patient et qui soit
à même de proposer une solution adaptée. Le traitement de
substitution ne peut être entendu que dans une conception globale
de la thérapie. La réduction des risques ne peut pas,
selon Gatti, se résumer à une « Substitution de la
substance » mais doit signifier « Possibilité de
choix de l'intervention qui a le plus de probabilité d'apporter une
réponse aux problèmes du patient auquel nous avons affaire, en
limitant de la meilleure façon possible les risques qu'il pourrait
encourir de sa situation de toxicomane et/ou et de notre choix d'interventions
peu appropriés ou proposées selon des modalités ou des
temps inadéquats »834(*).
« Il advient que certains opérateurs et
Services refusent la substance substitutive par principe comme si elle avait,
en soi, le pouvoir magique de transformer une situation traitable en situation
intraitable. D'autres font des catégories de patient, divisant ceux sur
lesquels il est possible d'intervenir (désintoxiquer et travailler au
niveau psychologique) et ceux sur lesquels on ne peut rien faire (qui sont mis
en méthadone). D'autres encore pensent que la
« réduction des risques » se résume à
la « substitution de la substance » et construisent des
Services autour de l'administration du méthadone qui devient l'unique
intervention possible [...] Ces comportements sont [...]
l'antithèse de ce que devrait être une vraie clinique des
toxicomanies. Un comportement clinique présume outre une thérapie
un diagnostic et un pronostic. Souvent le diagnostic et le pronostic demandent
du temps pour être faits de façon globale mais ceci ne constitue
pas un motif pour ne pas intervenir aussi avec des solutions partielles,
temporaires et non résolutives lorsqu'il y en a la
nécessité mais également l'opportunité, ou aussi
lorsqu'il n'est pas possible d'entreprendre des parcours meilleurs.
L'héroïnomane sous traitement de méthadone n'est pas en
train de soigner sa toxicomanie mais il est possible, entre temps, de
contrôler son état de santé général,
d'intervenir sur les pathologies collatérales et surtout de comprendre
ce qu'il a [...] Cela ne signifie surtout pas que n'importe quel sujet qui se
présente à notre attention est apte à assumer une
thérapie de substitution mais qu'un régime clinique correct doit
être en mesure d'évaluer de façon opportune qui est capable
de s'éloigner de l'héroïne dans de brefs délais et
qui a besoin de substituer la substance pour une certaine
période »835(*)
Le système italien de prise en charge de la toxicomanie
a eu recours aux traitements de substitution dès 1975. Ceux ci ont fait
l'objet, après avoir été marginalisés, d'une
priorité des pouvoirs publics à partir de 1993. Les traitements
de substitution sont définis par les directives sanitaires italiennes
comme des programmes socio-réhabilitatifs dont l'objectif principal
reste le dépassement de toute forme de dépendance aux substances,
dont le médicament substitutif836(*). Le traitement doit s'accompagner d'un traitement
psycho-thérapeutique en vue d'une réinsertion dans le monde du
travail et dans la vie sociale. L'évaluation du traitement doit par
conséquent être effectuée au regard de la consommation
éventuelle d'opiacés mais aussi aux modifications
générales du mode de vie837(*).
Les traitements de substitution sont le plus souvent prescris
au sein des Sert, bien que chaque médecin puisse légalement
prescrire de la méthadone pour une thérapie de huit
jours838(*). Le
toxicomane après avoir été informé doit donner son
consentement au traitement de méthadone (consenso informato al
trattamento con metadone). Celui-ci stipule entre autre que
« l'objectif d'un traitement à base de méthadone est la
totale réhabilitation du patient. L'abstinence à l'usage de
toutes les drogues (méthadone incluse) est un objectif approprié
[...] Pour certains patients, le traitement à la méthadone peut
continuer pour des périodes relativement longues mais [...] la
possibilité d'une conclusion du traitement sera considérée
périodiquement »839(*). Des contrôles sont fréquemment
effectués et en cas de test positif des urines diverses solutions sont
alors envisageables840(*) : l'augmentation de la dose de
méthadone, une intensification de la psychothérapie,
l'évaluation et le traitement des aspects psychiatriques ou la
suspension du traitement de substitution après plusieurs
récidives.
De nombreux intervenants ont cependant critiqué le mode
à partir duquel, les Sert prescrivaient la méthadone. Orsenigo
accuse les Sert d'avoir distribué la méthadone de façon
incorrecte (doses insuffisantes, traitements de faible durée) en raison
d'un désaccord de fond avec les choix de la politique sanitaire. Gatti
reproche aux services spécialisés italiens de privilégier
l'approche sociale sur l'approche thérapeutique. L'usage de la
méthadone répondrait davantage à une préoccupation
socio-sécuritaire qu'à un réel souci pour les
toxicomanes : « Il y a toujours ceux qui souhaitent utiliser la
médecine afin d'exercer un contrôle social. Le Sert a une
« mission » thérapeutico-réhabilitative. Son
but n'est pas de méthadoniser à fort dosage le nombre maximal
d'héroïnomanes pour réduire la
micro-criminalité. »842(*).
Les traitements de substitution se sont mis en place au sein
des dispositifs nationaux de prise en charge de la toxicomanie selon des
modalités distinctes. En Italie, où le traitement des toxicomanes
était fortement démédicalisé au profit d'une
approche psychosociale, la méthadone fut imposée aux
opérateurs du service public malgré leurs réticences. Ceci
a impliqué des vices de prescription mais a surtout
détourné l'usage de la méthadone en lui donnant une
finalité sécuritaire plutôt que thérapeutique. Le
système de soin français se caractérisait, encore plus que
le système italien, par un refus des traitements de substitution. Ce
refus était par ailleurs l'objet d'un très large consensus au
sein des professionnels de la toxicomanie. La nécessité de
réduire les risques sanitaires et de s'homogénéiser aux
autres pays européens a imposé le principe de la substitution.
Pourtant, là aussi, l'« exception française »
persiste. La substitution va être mise en place en France selon des
modalités très spécifiques.
1.3.1.2 La substitution
à la française : Subutex® Versus Méthadone
Il existe de nombreuses substances pouvant servir à un
traitement de substitution. Parmi toutes celles connues, quatre sont titulaires
en France d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans
l'indication de la substitution et deux se partagent l'essentiel des
ventes842(*) : la
méthadone (mars 1995) et la buprénorphine haut dosage (BHD,
février 1996)842(*). Pourtant en 1998, alors que la méthadone est
disponible depuis 1995 et le Subutex® depuis 1996, sur près de 65
000 toxicomanes en traitement de substitution, seulement 7 400 étaient
en traitement sous méthadone contre 57 000 pour le
Subutex®844(*).
Comment rendre compte de cet écart ? Traduit-il une capacité
thérapeutique inégale ? Pourquoi la France fait-elle figure
d'exception avec le reste de l'Europe qui a massivement développé
la méthadone ?
Découverte dans le début des années
soixante-dix, la buprénorphine est une molécule de
synthèse dérivée de la thébaïne, un des
alcaloïdes de l'opium845(*). En tant qu'agoniste partiel des récepteurs,
elle produit des effets antalgiques et une tolérance croisée avec
les autres opiacés846(*). C'est pourquoi, à la fin des années
soixante-dix, à un moment où, outre-atlantique, on
commençait à s'interroger sur les risques et les limites d'une
prescription massive de méthadone, la buprénorphine est apparue
comme une alternative possible à quelques chercheurs qui ont
initié des essais cliniques. Le Docteur Jasinski a été le
tout premier à faire part d'un essai montrant que la
buprénorphine possédait un potentiel thérapeutique
réel pour les héroïnomanes, alors que son potentiel d'abus
semblait réduit par rapport aux agonistes comme la
méthadone847(*).
Dans le numéro du 8 février 1980, la revue Science
publie un article de l'équipe du département de psychiatrie de
Harvard conduite par Nancy K. Mello et J.H. Mendelson dont le titre annonce des
conclusions très enthousiastes848(*). Les auteurs affirment au terme de leur
recherche :
« La buprénorphine est plus sûre que la
méthadone sur deux points : elle n'induit pas de dépendance
physique significative et le risque d'overdose est écarté du fait
de ses propriétés antagonistes des opiacés. [...] nos
résultats basés sur la mesure directe de l'usage
d'héroïne chez des dépendants nous permettent de croire que
la buprénorphine est un instrument pharmacothérapique sûr
et de grande efficacité »
Faute d'approbation de la buprénorphine par la Food
and Drug Administration dans une indication de substitution, les
premières prescriptions « sur le terrain » ne vont pas se
faire aux Etats-Unis mais en Australie et surtout en Europe où le
premier article relatant ce type d'expérience sera publié en 1985
par un psychiatre belge, Marc Reisinger849(*). Quelques médecins commencèrent
à prescrire des traitements de BHD. Il faut noter qu'il s'agissait alors
de prescriptions « sauvages » : le médicament mis sur le
marché (le Temgésic) n'avait d'autre indication que le
traitement de la douleur et le laboratoire Reckitt & Colmann
craignait beaucoup de voir sa molécule déconsidérée
si elle devenait un produit « de toxicomane », sans parler de
l'hostilité des milieux de spécialistes850(*). Au début des
années quatre-vingt-dix, alors que la communauté médicale
internationale est hésitante pour pousser au développement de la
prescription de buprénorphine dans une visée substitutive des
opiacés, c'est en France que la décision administrative et
politique va être prise de lancer une présentation à haut
dosage.
Un ensemble de médecins et pharmaciens ont
commencé à s'organiser depuis le début des années
quatre-vingt-dix au sein de réseaux de soins. Ces pratiques,
démontrant la faisabilité et l'intérêt de ces
traitements en médecine de ville, ont été à
l'origine de la demande de l'État au laboratoire
Shering-Plough. Les autorités publiques font alors pression sur
le laboratoire pharmaceutique détenteur de la molécule en Europe
afin qu'il produise une buprénorphine hautement dosée
destinée aux toxicomanes. Cela donnera naissance au Subutex®, dont
le cadre légal d'utilisation est conçu en 1995. La mise effective
sur le marché du Subutex® a lieu en février 1996, quelques
mois après qu'une circulaire ministérielle ait mis en place les
cadres réglementaires de prescription et de dispensation de la
méthadone et de la buprénorphine haut dosage (BHD)851(*). La naissance du
Subutex® s'est réalisée dans un temps record.
Ce choix est la résultante de deux facteurs : d'une
part la mise en cause des pouvoirs publics dans la politique menée
contre le Sida et, d'autre part, la réticence générale des
spécialistes en toxicomanie envers les pharmacothérapies de
substitution851(*).
Considéré comme plus sûr que la méthadone (il n'est
d'ailleurs pas classé comme stupéfiant), le Subutex® va
être mis à disposition de tous les médecins de façon
très souple, alors que la méthadone sera réservée,
tout au moins pour la phase initiale du traitement, aux centres
spécialisés. Comment rendre compte de ce choix des pouvoirs
publics français qui va à l'encontre de la direction
adoptée par le reste des pays européens ? Il est
nécessaire pour résoudre cette question, d'analyser les
caractéristiques de chacune des deux substances.
La méthadone est un antalgique qui reproduit les
effets des opiacés ; elle est présentée sous la forme
d'un sirop non-injectable. L'usage prolongée de méthadone
entraîne un état de dépendance avec l'apparition d'un
syndrome de sevrage sévère et les tentatives de réduction
doivent se faire de façon très progressive. La méthadone
est particulièrement utilisée pour les femmes enceinte du fait
qu'elle comporte une moindre toxicité foetale et périnatale par
rapport à l'héroïne. La méthadone présente de
nombreux avantages thérapeutiques853(*) : une dose suffisante empêche
l'apparition d'un syndrome de manque et bloque l'effet de l'héroïne
consommée parallèlement ; en prise régulière,
l'effet euphorisant de la méthadone est quasi-inexistant et
n'entraîne pas de modification de la conscience ou des capacités
intellectuelles ; sa prise unique journalière compte tenu de sa
demi-vie longue (de 24 à 36 heures en moyenne avec pourtant des
variations individuelles importantes) est compatible avec une vie sociale et
professionnelle normale. Elle est dépourvue enfin de
phénomène de tolérance entraînant une augmentation
des posologies au cours d'un traitement durable. Elle entraîne,
néanmoins, une dépendance de même type que les autres
opiacés. La prescription de méthadone est
beaucoup plus stricte que celle de Subutex® (buprénorphine)
puisqu'elle est réservée aux médecins exerçant en
centre spécialisé de soins aux toxicomanes, pour une durée
de 7 jours. Les médecins généralistes sont
également réintroduits dans le dispositif
spécialisé car ils peuvent suivre des toxicomanes sous
méthadone après que ces derniers aient expérimenté
le produit pendant quelques mois dans un centre
spécialisé854(*).
Le Subutex®, à l'inverse, peut être prescrit
par les généralistes en premier traitement pour une durée
maximale de vingt-huit jours. La prescription doit se faire sur carnet à
souches pour une durée maximale de 28 jours (alors que cette
durée était alors de 7 jours pour la méthadone). La
posologie recommandée est de 4 à 8 mg par jour (pour la
méthadone, la recommandation est de ne pas dépasser 100 mg). La
délivrance doit se faire par un pharmacien de ville de façon
possiblement fractionnée. Les pouvoirs publics décident en 1999
de supprimer les carnets à souche afin de « banaliser » ces
traitements. À l'inverse, devant l'accroissement des cas signalés
de détournement du Subutex® et les accidents qui y sont
liés, les mêmes pouvoirs publics décideront un peu plus
tard, début 2000, de rendre la délivrance en pharmacie
obligatoirement hebdomadaire, sauf mention express du médecin sur son
ordonnance.
Les ventes de Subutex® en pharmacie depuis sa mise sur le
marché ont connu « une croissance rapide et soutenue » ainsi
que l'indique l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies
(OFDT). Les estimations seraient de 33 750 personnes sous traitement un an
après le début de sa commercialisation, 49 000 deux ans
après et près de 60 000, moins de trois après, en
décembre 1998855(*). Des estimations plus récentes, de Août
2000856(*),
évaluent le nombre de traitements à 157 213. La méthadone
va en revanche connaître une évolution beaucoup plus lente, comme
on peut l'observer sur le schéma ci-dessous, et l'écart entre les
deux traitements va s'accroître : on compte aujourd'hui huit
traitements par buprénorphine haut dosage pour un traitement par
méthadone857(*).
Sur le plan économique, on peut mentionner l'enquête
réalisée par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie qui montre
que, en 1999, le Subutex® se situait au 14ème rang des 200 produits
les plus prescrits et remboursés en France858(*).
Document n°13 : Schéma des ventes des
produits de substitution en pharmacie entre 1990 et 2001859(*)
Les retombées économiques des ventes furent
énormes pour le laboratoire producteur. Avec un chiffre d'affaires
généré par le seul Subutex®, d'un demi-milliard de
Francs par an, le laboratoire Shering Plough est devenu un acteur
économique puissant dont dépendent de plus en plus d'initiatives
dans tous les domaines des toxicomanies (recherches, formations, revues,
colloques, actions d'insertion, et même toutes les études
évaluatives nationales sur le Subutex®, etc.). Cette concentration
pose évidemment le problème du poids, dans la mise en oeuvre
d'actions de santé publique en matière de consommation de
substances psychoactives, d'intérêts commerciaux de
sociétés qui proposent d'autres substances, de surcroît
génératrices elles aussi de dépendance. Il est alors
légitime de mettre en question les raisons du succès du
Subutex® : efficacité thérapeutique ou
phénomène économico-politique ? Une enquête,
réalisée à la demande de Bernard Kouchner Ministre
Délégué à la Santé, révèle les
raisons du succès du Subutex®.860(*) Plus que les particularités pharmacologiques,
c'est le cadre d'utilisation et l'image du médicament lui-même qui
semble influencer fortement le choix des patients et des prescripteurs.
Les deux médicaments sont tout d'abord dotés
d'une symbolique très différente861(*). Pour les patients comme
pour un certain nombre de médecins, la méthadone est
assimilée à une image de lourdeur institutionnelle, une
symbolique de gravité. Ainsi, la méthadone parait avoir eu
d'emblée, en France, l'image d'un médicament « de la
dernière chance » pour les cas « les plus lourds », les
plus « désespérés ». Au contraire, le
Subutex® est plutôt perçu dans les milieux d'usagers et parmi
les soignants comme le traitement de première intention, plus simple,
plus souple, donc destiné a priori à des cas « moins graves
». Les raisons de cette croyance sont multiples et non exhaustives : la
méthadone est un opiacé, une classe de médicament qui a
longtemps subit des pratiques restrictives dans le traitement de la douleur,
stigmates du débat franco-français du début des
années 1990 sur les traitements de substitution, focalisés sur la
méthadone ; en outre il existait en France une faible «
culture méthadone », à l'inverse des Etats-Unis.
De plus, la méthadone est apparue, et est
restée, aux yeux de la plupart des médecins
généralistes un "médicament de spécialiste" et une
marque de défiance à leur égard. Les propos d'un
omnipraticien de la région parisienne illustrent bien ce sentiment :
« la méthadone c'est pas pour les généralistes,
c'est pour l'hôpital. Pourquoi voulez-vous que je prescrive un
médicament que je ne dois pas connaître ? »862(*). La méthadone est
associée aux centres spécialisés. Le Subutex® semble
en revanche plus adapté au cadre du médecin
généraliste863(*). Le mode d'emploi des deux produits semblent
également être une donnée non négligeable de cette
croyance. Le traitement par méthadone implique plusieurs prises
journalières. Le Subutex® se présente en revanche
dorénavant sous la forme d'un simple cachet, qu'il suffit de prendre une
fois par jour864(*).
Enfin les deux substances ont bénéficié
de moyens de promotion et de formation bien différents. La
méthadone est un enfant de l'Assistance publique ou presque (Pharmacie
centrale des Hôpitaux) adoptée successivement par les laboratoires
Mayoli-Spindler puis Bouchara-Recordati. La BHD, elle, est
diffusée par le très dynamique groupe pharmaceutique
Schering-Plough. Les auteurs du rapport sur
« L'accès à la méthadone en
France » ajoutent alors : « Faut-il, dans ce cas,
insister sur la différence des moyens, en hommes et en dollars
? Faut-il insister sur la différence de puissance de promotion et
de marketing? ». Le traitement par BHD connaît une
sponsorisation auprès des universitaires et des professionnels de la
toxicomanie qui lui permet de bénéficier d'un large
crédit865(*)865(*). Le combat entre le
Subutex® et la méthadone semble alors très inégal,
comme le décrivent les auteurs du rapport, non sans ironie :
« Dans le coin gauche, « Iron
Méthadone », champion du monde des lourds, short américain
vieux de 30 ans, chaussettes françaises toutes neuves, des centaines de
milliers de victoire sur les rings professionnels du monde entier, quelques
centaines de défaites avant la limite et par KO. Soigneurs : pharmacie
centrale des hôpitaux, dit P.C.Hash pour les initiés,
assisté de Jo Bouchara, également manager du petit Léo
Codion, invaincu pendant 20 ans en hors catégories. Sponsor d'exception
depuis 1971 : l'état français. Dans le coin droit, Subutex®
dit «Subu l'accessible », tenue élégante sublinguale,
plaquette poids plume, jeune espoir mondial faisant ses premiers pas
exclusivement pour nous en France, nombreuses victoires chez les amateurs, en
poids mouche, sous le nom de Temgésic®. Pas de défaite
connue à ce jour (1996), entraîné par le Cher dit « le
PLOUG » et une flopée de sparring-partners. Sponsorisé par
la sécurité sociale. Déjà promis au top ten des
remboursements de médicaments en France »866(*)
Le Subutex® n'est pourtant pas sans présenter
d'inconvénients867(*). Il présente tout d'abord une
contre-indication d'association qui n'a été mise à jour
qu'un an après sa mise sur la marché. Les 6 premiers cas de
décès sont publiés en 1997868(*). Leur étude a
d'emblée mis en évidence les risques liés à la
polyconsommation. La buprénorphine peut être mortelle en
association de certains benzodiazépines (le Tranxène et
le Rohypnol fréquemment utilisés des toxicomanes) et
avec l'alcool869(*).
Suite aux premiers cas d'overdose certains journaux ont publié des
articles au ton alarmiste qui ont alerté l'opinion publique et une
partie du milieu professionnel : « Alerte au Subutex®,
médicament mortel, produit de substitution, il a
déjà faits 20 morts »870(*).
En outre, certains ont mentionné ou
dénoncé les détournements d'usage de la
buprénorphine. L'usage par la voie nasale, bien que remarqué de
plus en plus fréquemment en clinique, est encore mal
évalué. L'utilisation du Subutex® par des personnes
non-héroïnomanes est constatée par différents
auteurs, et semble être le fait de jeunes poly-consommateurs
(médicaments, alcool, cannabis) rencontrés par les intervenants
de rue ou lors de soirées. Le Subutex®, destiné à une
absorption sublinguale, est également très fréquemment
utilisé par voie parentérale. Il faut rappeler que la
buprénorphine n'est accessible jusqu'en 1990 que sous forme injectable,
puis sous une forme sublinguale hydrosoluble et facilement injectable, aussi
nombre de cliniciens constatent à cette époque l'accroissement
des cas de détournements et de toxicomanies graves par injection de ce
produit.871(*) Les
estimations de départ faisaient état d'un détournement par
voie injectable de 12 à 20% environ. Ainsi, l'enquête « PES
» avance une part de 44,6% d'injecteurs quotidiens du Subutex® ?parmi
ses consommateurs, 78,7% admettant l'injecter « de temps en temps
»872(*). Or il
apparaît que le Subutex® ?cause une dégradation très
rapide du réseau veineux lorsqu'il est injecté, du fait des
additifs à la buprénorphine dans la forme disponible. Cet usage
intraveineux semble favoriser les polyconsommations intraveineuses873(*)873(*). Enfin, on peut noter qu'il existe un marché
noir du Subutex®, notamment en région parisienne, alimenté
par les prescriptions multiples ou falsifiées, le troc de substances ou
leur revente, le non-respect des posologies indiquées.
Ces dérives s'expliquent avant tout par un manque
d'information à la disposition des professionnels sur cette substance
lors de sa mise sur le marché. Il n'existe donc aucune étude
approfondie, rigoureuse et exhaustive sur ces traitements ni sur leurs
résultats tant en termes cliniques que de santé publique. Il est
saisissant de voir que, dans la littérature scientifique internationale
(anglophone), le nombre d'articles sur la BHD émanant d'auteurs
français - les seuls à avoir une expérience clinique
in situ de grande échelle - sont infiniment moins nombreux que
ceux publiés par des équipes américaines ou anglo-saxonnes
en situation expérimentale.
Il existe pourtant des études de suivi des traitements
de la substitution, telles que les études SPESUB et SUBTARES, qui
établissent l'efficacité du Subutex® ?: près de 69%
des patients étaient toujours suivis pour le traitement, 53% par le
même médecin un an après le début de leur
traitement874(*). Il est
cependant nécessaire de souligner que les quelques études
menées au niveau national ont toutes été lancées et
financées par le laboratoire qui commercialise le Subutex®
(étude SPESUB, étude SUBTARES, étude APPROPOS, etc.).
Alain Morel remarque d'ailleurs qu'il est difficile d'avoir accès
à la méthodologie et aux résultats en dehors des
présentations faites par la société Schering
Plough dans ses actions marketing.
La situation française en matière de traitements
de substitution est en définitive, comme l'a établi un rapport de
l'INSERM, particulièrement originale et possède trois
caractéristiques874(*) : une ouverture brutale de l'offre de substitution
au milieu des années quatre-vingt-dix, une modalité dominante
attribuée à la buprénorphine haut dosage plutôt
qu'à la méthadone, un rôle majeur soudainement
attribué aux médecins généralistes et pharmaciens.
En six années, le système de prise en charge des usagers de
drogues en France a montré sa capacité à soigner plus de
100 000 personnes avec des médicaments de substitution, soit environ 60
% de la population opio-dépendante estimée875(*)875(*). Cela est d'autant plus remarquable que la France ne
disposait pas d'une culture de substitution876(*). Cette évolution a été possible
grâce à la collaboration des professionnels de santé avec
le système spécialisé, en particulier des médecins
généralistes et des pharmaciens . Elle a donné des
résultats spectaculaires sur les plans sanitaire, social et
économique.
Il apparaît cependant que le choix d'une diffusion
massive de la buprénorphine à haut dosage ne répond pas
tant à un impératif thérapeutique qu'à un ensemble
de facteurs externes qui ont avantagé cette substance par rapport
à la méthadone. La propagation du Subutex® est en outre
apparue dans un contexte d'urgence pour répondre aux manques du
dispositif thérapeutique français en matière de
toxicomanie. Les pouvoirs publics ont alors privilégié l'urgence
au détriment des mesures de sécurité qui ne furent pas
respectées. Le Subutex® ne limite qu'imparfaitement les
comportements à risque en raison d'un ensemble d'usages qui mettent en
péril la santé du consommateur (associations, usages par
injection intraveineuse, etc.) .
Il est aujourd'hui nécessaire, comme le recommande le
rapport sur « L'accès à la méthadone en
France » de relancer la place de la méthadone au sein du
système thérapeutique français. On peut noter à cet
égard l'importance d'une circulaire adoptée en janvier 2002 par
les pouvoirs publics877(*). Celle ci ouvre la possibilité à tout
médecin exerçant en établissement de santé
d'initialiser un traitement par la méthadone. Cette disposition,
attendue depuis près de deux ans, créé une situation
nouvelle et ouvre une deuxième « porte d'entrée » pour
accéder à un traitement méthadone par
l'intermédiaire des établissements de santé879(*)879(*). La seconde recommandation du groupe d'étude
sur les traitements de substitution est la création d'un cadre
légal pour d'autres traitements de substitution : sulfates de morphine,
dérivés codéinés et opiacés injectables qui
ont été trop rapidement écartés de l'arsenal
thérapeutique.
Les programmes de substitution ont ouvert une brèche
dans le dispositif de traitement des toxicomanes qui se limitait auparavant,
d'un point de vue médical, au seul sevrage. Ils témoignent
également d'une nouvelle considération de la toxicomanie qui
émerge progressivement. La substitution a pendant longtemps
été perçue comme le fait de « donner de la drogue aux
drogués ». Ce changement est d'autant plus considérable
que la substitution n'est pas toujours orientée vers le sevrage, elle
peut avoir pour seul objectif de stabiliser le comportement de l'usager de
drogues. Aujourd'hui, certains évoquent même la possibilité
d'entreprendre des programmes de substitution à vie. La réduction
des risques opère un passage d'une logique de répression à
une logique de soin. L'introduction, mais surtout le renouveau, des mesures
alternatives symbolisent en partie ce passage.
1.3.2 Les mesures
alternatives : entre soin et répression
La prise en charge de la toxicomanie a souvent alterné
entre la volonté de réprimer les usages de substance (principe
répressif) et la nécessité, souvent sécuritaire
puis sanitaire, de prendre en charge les toxicomanes (principe médical).
La répression et le soin de la toxicomanie sont pourtant deux principes
qui semblent inconciliables880(*). Certains pays, guidés par ce double
principe, ont mis en place un système de mesures alternatives aux
poursuites judiciaires. Celles-ci permettent l'annulation du recours en justice
à condition que le toxicomane soit intégré au sein d'un
programme thérapeutique. En Europe, rien ne permet d'affirmer que les
mesures alternatives sanitaires gagnent du terrain par rapport aux sanctions
pénales ou administratives. On observe à l'inverse dans certains
pays considérés comme « libéraux » sur le plan
pénal (Espagne, Pays-Bas) un durcissement des sanctions pour usage
simple alors que l'arsenal juridique intègre les mesures alternatives.
Cette tendance apparaît paradoxale alors que les politiques nationales
s'orientent de plus en plus vers une approche sanitaire globale,
multidimensionnelle et intégrée des usagers de drogues.
La France et l'Italie ont néanmoins accordé
très tôt une grande importance au principe des mesures
alternatives (au moins en apparence). Ce système a pris le nom en Italie
d'affidamento et il constitue depuis 1975 une des principales mesures
du dispositif italien de prise en charge des toxicomanes. Il s'opère
essentiellement au bénéfice des communautés. Le
système français, connu sous le nom « d'injection
thérapeutique », resta en revanche l'objet de multiples
contradictions et son application présente encore aujourd'hui de
nombreux défauts.
1.3.2.1 L'affidamento
à l'italienne : une délégation des pouvoirs publics
en faveur du secteur privé
Jusqu'aux années soixante-dix, la solution italienne au
problème de la drogue était de type
répressive-ségrégative881(*). La prison était conçue comme une
réponse indifférenciée aux usagers de drogues et aux
trafiquants, tandis que les toxicomanes faisaient l'objet de mesures
d'internement en hôpitaux psychiatriques. Les premières mesures de
peines alternatives à la détention carcérale sont
introduites par la loi de réforme pénitentiaire L.354 de 1975.
Cette mesure était d'autant plus innovante en 1975, date à
laquelle la majorité des pays européens adoptaient des politiques
strictement répressives. Il s'agit comme le note Bruno Bertelli d'une
première révolution culturelle qui a lieu au sein du milieu
carcéral : « Au niveau du système
pénitentiaire [...] la loi 354 de 1975 marque la fin de
l'unidimensionalité et de l'uniformité de la réponse
pénitentiaire. La prison n'est désormais plus conçue comme
un conteneur indifférencié de toutes les diverses fautes
criminelles, mais comme une forme, parmi tant d'autres, du système
sanctionnaire pénal [...] La dichotomie entre le dedans et
l'extérieur (prison ou mesures de clémence de type suspensif) est
dépassée par la reconnaissance d'institutions et de parcours
alternatifs à forte valeur thérapeutique »882(*).
Même si le principe a été établit,
l'application reste encore faible en raison d'un manque de directives. La cadre
d'application de la loi n'apparaît qu'en 1984, d'abord pour les
incarcérations préventives puis pour les peines allant
jusqu'à deux ans et demi (1985) puis jusqu'à trois ans (loi 663
de 1986 connue comme loi Gozzini). C'est surtout le texte unique de 1990
(D.P.R. 9 octobre 1990, n.309 T.U) qui donne une importance cruciale au
processus de mesures alternatives. Le législateur décrit alors le
toxicomane comme un malade devant être soigné et poussé par
tous les moyens (même coercitifs) afin d'entreprendre un programme
thérapeutique883(*). Les institutions publiques (prisons, tribunaux,
services sociaux) ont la possibilité d'envoyer le toxicomane in
affidamento, c'est à dire en mise en tutelle, à un service
social comme mesure alternative à la réclusion (art.94). Ce
régime est applicable pour les peines inférieures à quatre
ans et ne peut être utilisé que deux fois pour une même
personne. Le toxicomane s'engage à entreprendre et à mener
à terme un programme thérapeutique. Cette attribution temporaire
aux services sociaux s'accompagne de la suspension provisoire de 5 ans (art.90)
de l'exécution de la peine (d'une durée maximale de quatre ans).
Celle-ci est classée en cas de réussite du programme
thérapeutique entrepris. L'étendue de ces mesures est bien
sûr décidée en considération de la gravité
des faits imputés au toxicomane. Bruno Bertelli affirme qu'il s'agit
d'une « mesure juridique de type clémentiel à travers
laquelle apparaît de manière évidente la soumission du
principe pénal face à l'objectif
thérapeutique »884(*).
Le recours aux mesures alternatives a été massif
à partir de 1990. Le nombre de toxicomanes bénéficiant de
telles mesures est passé de 2 386 en 1992 (soit 41,9% de l'ensemble des
mesures prononcées) à 4 541 en 1994 (soit 38,4%) puis à 5
985 en 1997 (34,2%), ce chiffre est redescendu à 3 746 en 1999
(25,1)885(*). Le nombre
de mesures alternatives en faveur des toxicomanes a augmenté rapidement
dans la première moitié des années quatre-vingt-dix mais a
chuté brusquement en 1997. En revanche, la part des toxicomanes a
diminué de façon progressive, ce qui témoigne d `une
part que les mesures alternatives constituent un phénomène
général au système judiciaire italien, et d'autre part que
les toxicomanes ne sont pas les principaux bénéficiaires de ces
mesures.
Document 13 : Toxicomanes et alcoolodépendants en
mesures alternatives de détention
Source : Ministero della Giutizia- Dipartimento
Amministrazione penitenziaria. Extrait de Bertelli Bruno, « Le
politiche penintenziarie », in Tossicodipendenze e
politiche sociali in Italia, op.cit., p.152.
La procédure d'affidamento a permis de
déléguer un nombre considérable de toxicomanes aux
structures de soin leur permettant d'éviter ainsi la prison, facteur de
précarisation accrue comme il a été établi
auparavant. Plusieurs questions méritent cependant d'être
soulevées. Simonetta Piccone Stella remarque par exemple que le
toxicomane et la structure thérapeutique se voient tous deux
amputés du choix de la décision886(*). L'affidamento prive, selon elle, les
toxicomanes de la liberté de se soigner. On peut s'interroger dès
lors sur les conséquences du programme thérapeutique entrepris.
Aucune étude n'a été réalisée jusqu'à
présent pour évaluer les conséquences des mesures
alternatives qui restent néanmoins un des principes clef de la prise en
charge des toxicomanes en Italie887(*).
Les mesures alternatives à l'incarcération ont
pour finalité première d'empêcher une trop forte
criminalisation à l'égard des usagers de drogues et de favoriser
ainsi leur prise en charge par le système sanitaire. Il a
été établi auparavant en quoi le processus
répressif est contradictoire avec l'approche sanitaire. On peut pourtant
remarquer que face à la multiplication des mesures italiennes de peines
alternatives, le nombre de toxicomanes incarcérés est
demeuré considérablement élevé. Le flux
d'entrée de toxicomanes en prison reste stable depuis 1991 avoisinant 30
000 personnes par an, soit un tiers des entrées totales888(*). Bruno Bertelli note que
parmi ceux-ci la part des immigrés a augmenté de façon
drastique. Celle-ci est passée de 14% en 1991 à 31,5% en 1998. Il
est par conséquent légitime de s'interroger sur les objectifs
poursuivis par le système d'affidamento : contrôle
social thérapeutique ou décriminalisation de la
toxicomanie ? Monika Steffen remarque d'ailleurs que le système de
peines alternatives bénéficie essentiellement aux
communautés thérapeutiques. Il s'agit pour l'Etat italien de
déléguer ainsi une partie de sa fonction de contrôle social
aux acteurs de la société civile. Les communautés
thérapeutiques et les centres d'accueil privés obtiennent
d'ailleurs à ce titre une partie de leur financement du ministère
de la Justice et des Sert.
Le système des peines alternatives a été
utilisé en Italie comme une des principales réponses face
à l'augmentation du nombre de toxicomanes qui a eu lieu à la fin
des années quatre-vingt et face aux risques sanitaires encourus.
L'affidamento a permis d'ouvrir un nouveau mode de prise en charge. Il
s'agit avant tout d'un intermédiaire entre la prison et le dispositif de
soin, entre la prohibition et la réduction des risques. Monika Steffen y
voit l'élaboration d'une politique d'intégration dont
« l'élément stratégique réside dans la
construction d'un champ intermédiaire qui n'est ni punitif, ni un simple
accès individuel et volontaire aux traitements, mais une modalité
d'intervention systématique entre répression et
soin »889(*).
La validité de cette politique est cependant questionnée d'une
part au regard de ses objectifs puisque un tiers des personnes
incarcérées sont encore toxicomanes, et d'autre part, en vue du
manque de certitudes sur l'efficacité thérapeutique de
l'affidamento. L'injection thérapeutique française va
répondre à une logique similaire au dispositif italien : il
s'agit d'apporter une réponse thérapeutico-répressive au
problème de la toxicomanie. Elle sera l'objet d'une utilisation massive
au cours des années quatre-vingt-dix à la suite de quoi elle est
progressivement remise en question.
1.3.2.2 L'injection
thérapeutique française en question
L'idée générale d'une surveillance
médicale forcée n'est pas nouvelle en droit français
puisque la loi du 30 juin 1838 avait institué le placement
psychiatrique890(*) et
la loi de 1954 avait mis en place la surveillance sanitaire des alcooliques
dangereux pour autrui891(*). Dans tous ces cas, le soin peut être
imposé contre la volonté du sujet ou en dehors de la
manifestation de sa volonté. L'« injonction
thérapeutique » fut affirmée au sein de la loi du 31
décembre 1970. L'expression ne figure cependant pas dans les termes de
le loi. L'article L. 628-1 dispose que le procureur de la République
pourra enjoindre aux personnes ayant fait un usage illicite de
stupéfiants de subir une cure de désintoxication ou de se placer
sous « surveillance médicale ». L'expression
n'apparaît en elle-même que dans une circulaire du Garde des Sceaux
du 17 septembre 1984.
Les conditions du vote de la loi de 1970 ont été
analysées dans l'ouvrage de J. Bernat de Celis « Drogues :
Consommation interdite. La genèse de la loi de 1970 sur les
stupéfiants »892(*): le ministère de la Justice est favorable
à la répression de l'usage, les pratiques montrent que les
usagers sont de fait déjà déférés à
la justice sous les qualifications de détention de stupéfiants,
le ministère de la Santé demande une surveillance sanitaire
obligatoire. Dans l'esprit de ce dernier la surveillance était
conçue comme visant tous les usagers. Or, le texte adopté
finalement, en laissant l'obligation de soins à l'appréciation du
magistrat, ne poursuivra pas cet objectif de santé publique et de fait
un faible nombre d'usagers seront signalés à l'autorité
sanitaire. « L'idée générale qui a
présidé à l'élaboration de ces différents
textes est que le toxicomane doit avant tout être considéré
comme un malade et l'usager de substances vénéneuses qui n'est
pas encore un drogué, comme un vrai sujet en péril, auquel il
faut apporter une protection appropriée »893(*).
La loi de 1970 distingue trois moments du processus
pénal où une obligation de soins pourra être imposée
à l'usager de stupéfiants, de sorte qu'à chaque stade de
la procédure pénale correspond un double traitement judiciaire et
sanitaire de l'usager de drogues. Tout d'abord, en amont de la
procédure, le Procureur de la république peut choisir de
suspendre les poursuites si l'usager accepte de subir « une cure de
désintoxication ou de se placer sous surveillance
médicale » sous la tutelle de la Direction
Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS)894(*)894(*). Il s'agit ici de l'injonction
thérapeutique.
En cours de procédure judiciaire, le juge d'instruction
ou le juge pour enfants peut assortir le contrôle judiciaire d'une
obligation de soins894(*). Dans ce cas, les poursuites pénales sont
engagées et le fait que l'usager se soit soumis à cette
obligation ne pourra avoir que des conséquences sur le degré de
la peine, par exemple en la réduisant voire en le dispensant de peine.
Dans tous les cas, une inscription au casier judiciaire existera.
Enfin, ?lors du prononcé du jugement, la peine peut
également être accompagnée d'une obligation de
soins895(*), soit
parce que l'usager l'a refusée auparavant, soit au contraire pour la
prolonger si elle a démarré au titre de l'article
précédent. Dans chaque cas, le choix de la mesure reste à
la discrétion du magistrat tandis que l'intéressé peut
refuser cette alternative, soit à la poursuite, soit à la
détention, soit à l'emprisonnement. Depuis l'entrée en
vigueur du nouveau code pénal, la juridiction peut également
prononcer un ajournement de la décision avec une obligation
particulière896(*). Le Juge de l'Application des Peines peut
également ordonner des mesures particulières, dont une obligation
de soins, lors d'une libération conditionnelle (art.729 s., CPP).
La loi française de 1970 tente de concilier
l'orientation politique sécuritaire avec la volonté d'exercer un
contrôle sanitaire sur les toxicomanes897(*). L'injonction thérapeutique est
significative du compromis entre les enjeux sanitaires et l'aspect
répressif de la loi. Elle présuppose une coopération des
autorités judiciaires et sanitaire (DDASS) à qui il incombe de
déterminer si l'état de la personne nécessite une cure de
désintoxication, une simple surveillance par un médecin ou un
suivi dans un centre spécialisé. C'est également
l'autorité sanitaire qui effectue le contrôle du traitement.
Mais la position du corps professionnel médical, qui
considère que seul un patient venu de sa propre volonté peut
suivre un traitement médical ou psychothérapeutique, condamne
à l'échec le principe de l'injonction thérapeutique,
pierre angulaire de la réglementation des toxicomanies de 1970. Les
psychiatres refusent de devenir le bras droit de la justice899(*). Le rapport Pelletier
établit que les médecins « ne souhaitent pas se faire,
de près ou de loin, les auxiliaires d'un appareil judiciaire qu'ils
jugent inadapté au traitement de la toxicomanie »900(*).
On peut distinguer deux phases pour suivre les
décisions d'injonction thérapeutiques901(*). La première phase
d'application indique un faible recours de 1971 à 1983, qui permettait
au début de la période de prendre en charge 352 patients, contre
2 893 en fin de période. Cet effectif est resté assez faible dans
les années quatre-vingt ; les financements ont été
perçus comme insuffisants pour augmenter l'offre de cures.
Document n° 14 : Cures
ordonnées par le parquet 1971-1983
Années
|
1971
|
1972
|
1973
|
1974
|
1975
|
1976
|
1977
|
1978
|
1979
|
1980
|
1981
|
1982
|
1983
|
Effectifs
|
352
|
532
|
598
|
732
|
815
|
847
|
1318
|
952
|
1187
|
1388
|
2075
|
3229
|
2893
|
Sources : 1971-1978 : circulaire 69F389 du 15
février 1980 et rapport Pelletier (1978) ;1979-1981 : Gortais J.,
Perez-Diaz C. (1983) ; 1982 et 1983 : cadres du parquet.
L'injonction thérapeutique est ainsi très peu
utilisée entre 1970 et 1986. Le système est en proie à de
nombreuses contradictions politiques. Jusqu'à 1985, les circulaires
invitent les juges à ne pas privilégier l'injonction
thérapeutique, c'est seulement à la fin des années 80 que
les autorités publiques incitent à sa mise en application. Deux
questions ramènent sur le devant de la scène la question de
l'alternative sanitaire en matière d'usage de stupéfiants : le
Sida et les hépatites qui affectent la population toxicomane, et la
question de l'exclusion sociale et de l'accès aux soins des plus
démunis. Un argument va jouer dès lors en faveur de l'IT, repris
dans toutes les circulaires postérieures : l'injonction
thérapeutique représente la possibilité d'une
première mise en relation du toxicomane avec un service sanitaire et par
conséquent un moyen d'accès aux soins. Une évaluation a
été réalisée en 1991 et a montré que, en
moyenne sur les 61 départements ayant répondu à la
question, pour 59 % des personnes ayant bénéficié d'une
mesure d'injonction, celle-ci a été l'occasion d'un premier
recours aux soins902(*)902(*).
Les pouvoirs publics incitent dès la fin des
années quatre-vingt les autorités sanitaires et judiciaires
à collaborer en faveur de l'injection thérapeutique. Deux
circulaires du ministère de la justice de 1987 rappellent ainsi tout
à la fois les grandes directives de la mise en oeuvre de la loi et la
nécessaire coopération entre les différents
services903(*).
L'injonction thérapeutique connaît un essor à partir de
1987 par le biais de la circulaire du 12 mai 1987 qui apporte, pour la
première fois, une définition précise du candidat à
l'injonction thérapeutique : « L'usager d'habitude
présentant des signes d'intoxication ou reconnaissant se livrer
régulièrement à la consommation de
stupéfiants »904(*).
L'injonction thérapeutique est réaffirmée
au cours des années quatre-vingt-dix par le plan gouvernemental de lutte
contre la drogue du 21 septembre 1993 ou encore par une circulaire
adressée en 1995 aux préfets et aux procureurs de la
République qui préconise l'usage de l'injonction
thérapeutique pour les usagers d'héroïne ou de cocaïne
et les gros consommateurs de cannabis en cas de consommation mixte avec
d'autres produits (médicaments, alcools, etc.). Le recours à
l'injection thérapeutique se développe ainsi beaucoup plus
conséquemment905(*)905(*)
: de 4 935 en 1992, le nombre d'injonctions thérapeutiques est
passé à plus de 8 000 mesures à la fin de la
décennie. L'augmentation est donc significative, même si
l'effectif des individus ayant bénéficié de cette mesure
stagne depuis 1996. De plus, les usagers de cannabis représentaient, en
1997, 60% des injonctions contre 36% pour les usagers
d'héroïne906(*).
Document n° 15 : mesures d'injonctions
thérapeutiques prononcées par les juridictions
Année
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1997
|
Effectif
|
4935
|
6149
|
7678
|
8630
|
8052
|
Source : ministère de la Justice, Annuaire
statistique.
Pourtant de nombreuses voix continuent de s'élever en
faveur d'un changement législatif. Certains considèrent que le
choix entre poursuite de l'usage et injonction thérapeutique reste
ambigu : « la formule génère la confusion des genres et
le malaise de chacun : le prévenu toxicomane n'est pas un prévenu
comme les autres, le magistrat devient un prescripteur médical et le
médecin l'exécutant d'une sentence »907(*).
En outre, de fortes disparités régionales
persistent bien que masquées par les statistiques globales908(*). En 1994, sur 175
tribunaux de grande instance, 38 % n'ont prononcé aucune mesure, 23 % en
ont prononcé de 1 à 10, 29 % de 11 à 99 et 10 % plus de
100. La concentration des mesures dans quelques juridictions est donc
très forte et s'accentue : les tribunaux ayant prononcé plus de
100 injonctions chacun totalisent 74 % des mesures en 1994 contre 69 % en 1993.
On trouve ainsi, par ordre décroissant : Bobigny 1.110 injonctions
thérapeutiques (14,7 % du total national), Paris 640 (8,5 %),
Créteil 520 (6,9 %), Meaux 427 (5,6 %). Les trois quarts des IT
prononcées sur le territoire national en 1994 ont été
décidées dans 18 juridictions seulement. En 1994, 38% des
tribunaux de grande instance (TGI) n'avaient prononcé aucune mesure de
ce type.
Finalement, la déperdition des usagers est telle que
l'ampleur des moyens dégagés (12 millions de francs en 1997) pour
la mise en oeuvre de l'injonction thérapeutique pourrait sembler
disproportionnée au regard de son effectivité909(*). Derrière le
chiffre global de 70% d'usagers sous le coup d'une mesure d'IT entrant en
contact avec le système de soins, une évaluation menée en
1994 auprès de 25 TGI montre des résultats beaucoup plus
modestes. En 1994, moins d'un tiers des usagers interpellés ont
bénéficié d'une décision d'injonction
thérapeutique et dont un quart seulement ont entamé un
traitement910(*). Ce
ne sont en fait que 5,5% des usagers de drogues injecteurs interpellés
qui ont été pris en charge par les soignants et suivis par les
DDASS911(*). Cela ne
préjuge en rien des résultats de ces prises en charge, ni
même ne garantit qu'elles ont été menées à
terme.
Enfin, l'augmentation parcourue au cours des années
quatre-vingt-dix a été en grande partie motivée par
l'application, en dépit des instructions données par voie de
circulaire, de mesures d'injonction thérapeutique à des usagers
de cannabis (ce qui tendrait à l'assimiler à une mesure de
contrôle de la délinquance en milieu ouvert). En 1997, 36%
seulement des injonctions thérapeutiques prononcées concernaient
des usagers d'héroïne. En outre, l'élévation
quantitative suit la tendance des interpellations, à un rythme toutefois
plus soutenu. La relance de l'I.T demeure critiquée et le choix d'une
dépénalisation de l'usage est préféré par
beaucoup.
L'irruption du paradigme de la réduction des risques a
amené les pouvoirs publics français à
réévaluer et à modifier en conséquence leur
dispositif de soin de la toxicomanie. Celui-ci n'était en effet pas en
mesure de répondre aux nouveaux objectifs qui s'imposaient
d'eux-mêmes : réduire les risques de transmission des
maladies infectieuses parmi les toxicomanes intraveineux. Il s'agissait d'une
part de revoir l'outil thérapeutique qui avait régné
jusque là, le sevrage, et de le substituer par un nouveau
procédé permettant d'obtenir une stabilisation comportementale
des usagers de drogue (reconnue comme un des meilleurs facteurs de
prévention). Il était nécessaire, d'autre part, de
modifier le régime de la prise en charge qui demeurait trop
répressif et était néfaste à la réduction
des risques. C'est dans ce cadre que les pouvoirs publics français et
italiens accordèrent une large priorité à l'application
des mesures alternatives, telle que l'injection thérapeutique
française. Ces mécanismes de prise en charge du toxicomane font
cependant l'objet de nombreuses limites.
Il est apparu que le principal obstacle aussi bien en
matière de prévention que de prise en charge de la toxicomanie
n'est pas le manque d'instruments mais leur application. La méthadone
est très significative de cette difficulté. Il existe
peut-être autant de manières de mettre en place un programme de
substitution qu'il y a de centres thérapeutiques prescripteurs.
L'efficacité de ce traitement n'est d'ailleurs pas liée
qu'à la seule substance mais elle dépend d'une pluralité
de facteurs (accompagnement psychosocial, opportunités sociales et en
matière de travail, etc.). Le rôle d'arbitre des pouvoirs publics
apparaît une fois de plus crucial. Dans un secteur dominé par la
pluralité des acteurs, notamment en Italie, il est décisif qu'un
seul et même principe puisse régir l'ensemble des interventions.
Certains, cependant, refusent cette homogénéisation au nom d'une
plus grande diversité de l'offre thérapeutique. Il existe ainsi
une multitude d'acteurs intervenant dans le secteur de la toxicomanie qui
offrent des solutions singulières.
2. Les réseaux thérapeutiques
Les réseaux thérapeutiques sont fortement
diversifiés, bien que de façon très inégale entre
la France et l'Italie. Le réseau français se caractérise
par trois modes de prise en charge : d'une part les centres
spécialisés qui regroupent encore l'essentiel des toxicomanes
sous traitement, et d'autre part le milieu hospitalier et le réseau de
médecine de ville qui demeurent très marginalisés,
malgré une récente progression. Une culture commune en
matière de toxicomanie est progressivement apparue au sein du secteur
spécialisé et a permis de garantir une forte
homogénéité des pratiques thérapeutiques. Celle-ci
fut cependant remise en cause au cours des années quatre-vingt-dix ce
qui a provoqué de nombreuses modifications du système de soin
français.
Le réseau thérapeutique italien est en revanche
nettement plus fragmenté. Il se caractérise par une coupure entre
le secteur privé et le secteur public qui se traduit par une forte
inégalité en terme de capacités de prise en charge ainsi
que par un ensemble de pratiques et d'idéologies, en matière de
soin de la toxicomanie, radicalement diverses. Le secteur public a fait l'objet
d'un désinvestissement massif de la part des pouvoirs publics, au cours
des années quatre-vingt, au profit du « privé
social ». Cette répartition fut cependant en partie remise en
cause au cours des années quatre-vingt-dix. Mais surtout, le paradigme
de la réduction des risques a provoqué un bouleversement du
système de soin italien en homogénéisant les pratiques
thérapeutiques des différents acteurs. Les années
quatre-vingt-dix ont ainsi été qualifiées comme le
« désenchantement » des communautés
thérapeutiques qui ont été fortement remises en
question.
2.1 Entre ville et
société : les communautés thérapeutiques
2.1.1 Dispositif
thérapeutique ou groupuscules idéologiques ?
Les communautés ont pour point de départ
l'idée que le groupe constitue une référence indispensable
dans le processus thérapeutique de l'individu. Il existe
néanmoins une pluralité de communautés qui se
caractérisent par des objectifs et des dispositifs distincts. Il est
possible de distinguer trois types de communauté
thérapeutique912(*) : les communautés
résidentielles, les communautés
semi-résidentielles ou diurnes et les centres d'accueil ou
« communautés ouvertes ». Les premières
correspondent à l'archétype de la communauté dans laquelle
les patients partagent leur quotidien nuit et jour ; les
communautés semi-résidentielles sont plus
restreintes puisque le temps quotidien partagé varie de 10 à 12
heures par jour, soit la quasi-totalité de la journée
« active », après quoi les patients rentrent dormir
chez eux. Enfin, « les communautés
ouvertes » ne sont appelées communautés que
improprement en comparaison avec les premières. Elles n'hébergent
pas de patients mais leur permettent d'entrer et de sortir, proposant des
rendez-vous. Toutefois, elles offrent également des traitement à
long terme qui s'étalent sur 3 ans. On recense 279 centres d'accueil en
Italie (public et privé confondues) et ils sont le plus
généralement gratuits. Les communautés
thérapeutiques présentent une grande diversité de formes.
Elles partent cependant toutes d'un même ensemble de principes qui ont
été formalisés durant la seconde moitié du
20ème siècle.
2.1.1.1 Un modèle
thérapeutique socio-comportementaliste
Les premières expériences de communauté
thérapeutique remonte à l'après Seconde guerre
mondiale913(*). Le
terme de communauté thérapeutique est utilisé en 1946 au
sujet de l'hôpital psychiatrique de Northfield et en 1950 pour
le service de Maxwells Jones. Les principaux éléments de
définition en sont les suivants : «le rôle fondamental
accordé à la responsabilisation dans la gestion de la structure,
à la communication et à la démocratisation des rapports,
à une réelle atmosphère et vie de communauté,
interchangeabilité de rôles, la confrontation quotidienne,
l'apprentissage de nouvelles formes de rapport avec
autrui »914(*).
Synanon fut la première
structure résidentielle de soin et de réinsertion pour
toxicomanes créée aux Etats-Unis ; elle a eu une influence
majeure sur le mouvement des communautés thérapeutiques.
Synanon a été fondée en 1958 en Californie par
Chuck Dederich, un ancien entrepreneur membre des Alcooliques
Anonymes. Le modèle des Alcooliques Anonymes s'est
développé en 1935 et se fonde sur le renforcement
réciproque et l'entraide (self-help), la conscience de ne
pouvoir guérir seul, la présence
d'« anciens » parmi les opérateurs. Dederich modifia
les réunions qui se tenaient chez lui, en des séances qu'il nomma
"Game", consistant en un travail sur l'émotionnel par des confrontations
verbales des membres entre eux. Suivi par plusieurs membres, Dederich se
sépara des Alcooliques Anonymes et fonda une communauté
qu'il voulait en rupture avec la société. Leur objectif
était de créer une société idéale et donc de
vivre le plus possible en autarcie. Synanon fut une expérience
sociale marquante : pas de propriété privée, pas d'argent,
travail de 7 jours, suivi de 7 jours de temps libre, "game" dès qu'un
conflit se présentait. Se réinsérer dans la
société était considéré comme une trahison.
D'autres influences que celles des Alcooliques Anonymes sous-tendent
la démarche de cette communauté comme celle de la
contre-société (hostilité au pouvoir médical et
psychiatrique et aux institutions traditionnelles), le béhaviorisme et
l'approche de C. Rogers. L'expérience, à l'époque
était révolutionnaire du fait même qu'elle était
organisée et dirigée par d'anciens toxicomanes sans le recours
aux spécialistes.
Dans les années 60, cette institution se
développa considérablement mais dégénéra par
la suite en secte hostile au monde extérieur : son leader C. Dederich en
vint à pratiquer des mariages forcés, à imposer des
stérilisations, et les fugitifs étaient rattrapés. La
seconde communauté, Daytop, a été
créée en 1963 à New York par D. Deitch, un ex-toxicomane
de Synanon. Elle propose des séjours s'étalant de 18
mois à 2 ans. Une de ses particularités est de n'admettre que des
gens très motivés et d'insister sur la réinsertion sociale
(les communautés thérapeutiques italiennes s'en sont largement
inspirées). D'autres communautés ont suivi à la fin des
années soixante, Phoenix House, ouverte en 1967 à New
York, Satori, communauté résidentielle
californienne créée en 1970 par un psychiatre, V. Zarcone.
Portage, installée au Québec fut
créée par un ancien de Daytop, J. J. Devlin. En 1991,
plus de 350 communautés existaient aux Etats-Unis avec presque toutes
les variétés de communautés conçues
spécialement pour les groupes ethniques, les enfants délinquants,
les adolescents, les criminels, les chômeurs, les personnes atteintes du
VIH/Sida, les mères toxicomanes915(*).
La génération actuelle de communautés
thérapeutiques en Europe prend ses racines dans deux modèles
différents, l'un en Europe (théorisé par M. Jones) dites
communautés thérapeutiques démocratiques et l'autre aux
Etats-Unis avec les communautés thérapeutiques du type
Synanon et Daytop dites hiérarchiques ou
programmatiques916(*).
Maxwell Jones a été, dans l'Angleterre des années 40 et
50, à l'origine de communautés thérapeutiques
organisées à l'intérieur des institutions psychiatriques
comme solutions alternatives à l'hospitalisation pour les malades
mentaux. Il s'agissait d'ouvrir des espaces démocratiques dans le milieu
fermé et hiérarchisé de l'hôpital psychiatrique.
Ainsi deux types de communautés se
juxtaposent917(*) : le modèle américain et
européen. Les deux modèles, malgré leurs points communs
essentiels (l'apprentissage de l'autonomie par le self help et la vie
de groupe), ont des caractéristiques qui différent. Le premier
est constitué d'une structure hiérarchique basée sur un
système autoritaire et fondée sur une règle
principale : la reconnaissance de son échec personnel et de sa
responsabilité dont il se décharge en faveur de la
communauté. La source de l'autorité est représentée
par l'ancien toxicomane tandis qu'un contrôle social s'effectue par
l'ensemble des patients. Il existe au sein des communautés
américaines des aspects de discipline quasi-pénitentiaire (port
de la salopette pour tous, cheveux rasés, systèmes de punitions
et privilèges). Dans le modèle européen, appelé
aussi modèle démocratique, l'encadrement est uniquement
professionnel mais il laisse les patients être les protagonistes de la
gestion de la thérapie et de la communauté elle-même, le
système de contrôle se réalise sous la forme d'une
démocratie décisionnelle à travers une forte communication
entre le personnel et les patients.
Les communautés apparurent en Europe à partir du
début des années soixante-dix. Ian Christie
fonda Alpha House en 1970 à Portsmouth en Angleterre suivie
quelques mois plus tard par G. Edwards qui fonda Phoenix House
à Londres. Emiliehoeve fut fondée en 1972 à La
Hague aux Pays-Bas et Coolmine près de Dublin, en Irlande. Au
départ, le personnel encadrant n'était constitué que de
professionnels. Après plusieurs mois de fonctionnement, ou plutôt
de dysfonctionnement, ces communautés thérapeutiques
abandonnèrent le modèle démocratique pour adopter le
modèle hiérarchique. Les C.T. se multiplièrent en Europe
de l'ouest dans les années 70. Avec l'aide de Emiliehoeve,
furent créées les communautés de De Kiem à
La Hague, à Essenlaan et à Rotterdam puis De Sleutel en
Belgique. Des communautés s'implantèrent en Suède et en
Suisse (à Berne). A partir des années 80 des communautés
thérapeutiques furent fondées dans tous les pays, excepté
la France et le Danemark qui pour des raisons éthiques
s'opposèrent à cette modalité thérapeutique.
Le mouvement des communautés thérapeutiques
représente initialement un réseau de structures dont le
modèle de prise en charge repose sur une
dé-médicalisation918(*) et une dé-psychiatrisation919(*). La conception
sous-jacente à l'activité des communautés
thérapeutiques repose sur une inspiration éducative et vise
à modifier les comportements. Les C.T. considèrent les
toxicomanes comme des patients présentant des troubles de la
socialisation et donc nécessitant un traitement social. Les
communautés thérapeutiques présentent ainsi des
éléments thérapeutiques communs. La place centrale
accordée au groupe est une caractéristique de leur
fonctionnement920(*).
La communauté ne signifie pas systématiquement la négation
de l'individu mais la primauté du collectif sur le singulier. En
communauté, les représentations collectives prévalent sur
les représentations individuelles.
« La communauté sert justement à
cela : à faire comprendre, par le biais de la thérapie
environnementale, que personne n'est en mesure d'affronter seul ses propres
phantasmes et que la dimension du groupe est indispensable pour trouver, dans
et à travers le groupe, les vraies coordonnées de sa ligne
biographique, une ligne qui est unique, in-répétable,
incomparable, non relative [...] La thérapie environnementale
qui se déroule dans la communauté constitue en ceci : dans
la compréhension qu'il est possible de vivre sans confrontation,
comparaison et compétition et que l'on peut vivre sans narcissisme, dans
une dimension empathique qui réconcilie affect et
raison » 921(*)
Il est cependant difficile de remplir le temps d'un
toxicomane, comme le précise Piccone Stella, une fois qu'il est
privé de sa substance922(*). C'est pourquoi, dans tous les centres de soins une
activité de travail est proposée (et le plus souvent
imposée). Les responsables de centres sont unanimes, comme le rappelle
Stella Piccone, pour affirmer qu'il « ne peut pas ne pas y avoir une
occupation manuelle ». Ces activités peuvent être
fondées explicitement sur l'ergothérapie (dans l'artisanat, le
travail de laboratoires, dans la coopération agricole ou commerciale) ou
spécialisées dans les interventions psychothérapeutiques.
La notion de groupe est toutefois le dénominateur commun à toutes
ces activités.
L'aspect le plus délicat de la thérapie est
néanmoins la discipline. La discipline est présente dans chaque
communauté. Il s'agit en effet de réguler le comportement de
personnes en difficulté qui se regroupent dans un lieu inconnu et
parfois clos et qui se soumettent à une autorité
supérieure923(*). Il existe cependant, entre une institution
« humanitaire » et une institution
« totale », un ensemble de différenciations et de
nuances dans la mise en place et dans la pratique d'instruments qui peuvent
varier de la persuasion à la rigueur ou encore à la prison.
Les communautés sont des structures le plus souvent
totalement démédicalisées, où le recours à
n'importe quel type de substance légale ou illégale est interdit.
Il s'agit de soigner la toxicomanie sans le moindre recours à une
substance extérieure. La C.T repose sur l'idée que l'usage de
drogues est une conduite sociale particulière plus qu'une
psychopathologie singulière et les règles de vie sont
considérées comme étant thérapeutiques en
elles-mêmes. Il s'agit par conséquent d'une approche
« socio-comportementaliste »924(*).
« Dans la culture communautaire, le principe
selon lequel le médicament (y compris le recours à un
analgésique pour soulager un mal de dents) doit être absolument
évité naît de la considération que le recours
à un médicament représente la tentative, souvent
symbolique, de trouver une solution externe et magique à ses propres
souffrances [...] L'expérience de la douleur est
considérée comme un moyen pour favoriser un processus de
changement et renforcer l'estime de soi »925(*)
L'épidémie de VIH/Sida a cependant
profondément modifié le comportement des opérateurs de
communauté et a contraint à repenser les méthodes
d'intervention là où les aspects sanitaires ne pouvaient plus
être sous-évalués. Les conditions sanitaires et les
critères de qualité des communautés ont été
réévalués et le médicament est devenu une figure de
référence au sein de certaines communautés. De même,
comme le rappelle Paolo Stocco, la perception culturelle et idéologique
des opérateurs de communauté envers les produits de substitution
comme la méthadone se sont profondément modifiées.
« La méthadone n'est plus considérée comme un
remède étant pire que le mal mais est plus perçue comme un
instrument à disposition parmi tant d'autres »926(*).
Les communautés, comme le résument Guidicini et
Pieretti au terme de leur étude sur la communauté italienne de
San Patrignano, ont profondément modifié la perception
du thérapeute927(*). Il n'est plus l'être omnipotent qui sauve le
drogué mais redevient un homme faillible. La présence d'anciens
toxicomanes parmi les opérateurs est très significative à
cet égard puisqu'elle témoigne du fait que le toxicomane peut
à son tour devenir thérapeute. Il y a ainsi une perte des
rôles. On a assisté toutefois à une professionnalisation
des intervenants des communautés thérapeutiques depuis le
début des années quatre-vingt-dix, qui est allée de pair
avec une médicalisation des interventions. Ce phénomène
est particulièrement visible en Italie.
Les communautés se caractérisent, malgré
leurs traits communs, par des méthodologies d'intervention diverses.
Maria Stella Agnoli évoque à cet égard la notion de
stratégie thérapeutique c'est à dire
« d'une action orientée rationnellement vers un but, laquelle
procède par le biais d'objectifs intermédiaires, en mettant
à disposition des ressources et des instruments encadrés dans un
processus »928(*). Cette stratégie, ajoute t-elle, ne peut
être comprise qu'à la lumière de la « philosophie
de la communauté qui implique une idée, une prospective
interprétative, un « diagnostic » du
phénomène de la toxicomanie, élément indispensable
pour analyser la stratégie d'intervention adoptée en
conséquence ».
Il est possible de distinguer trois méthodologies
d'intervention des communautés résidentielles929(*). La stratégie de
type spécialisé se caractérise par le
recours à la psychothérapie de groupe et individualisée,
la supervision des activités par une équipe
spécialisée, le suivi de chaque patient par le biais d'une fiche
thérapeutique. La stratégie communautaire de
base se définit par un travail d'équipe au sein de la
communauté et un plan thérapeutique précis ; ce
modèle se caractérise également par la présence de
nombreux éducateurs qui sont fréquemment d'anciens toxicomanes.
Enfin, la stratégie éducative centrée sur
le travail se traduit par des activités de travail et par une forte
attention accordée à la réinsertion sociale des
toxicomanes.
Deux types de critiques sont généralement
formulées aux thérapies de type résidentiel930(*). Tout d'abord, on les
accuse fréquemment de constituer des « forteresses
imprenables », des groupes fermés sur eux-mêmes ou
encore des défenseurs de secrets et de formules qui ne sont pas
révélées au grand publique. La seconde critique repose sur
la non-connaissance des résultats obtenus par les communautés.
Très peu de chercheurs ont cherché à évaluer le
résultat thérapeutique des structures résidentielles,
c'est à dire les personnes qui ont réussi à achever un
programme de soins et à réguler leur relation avec les
substances. Cette difficulté est accrue du fait qu'on ignore
également l'« après », c'est à dire
quel type de vie quotidienne le patient a repris, ou encore ce que sont devenus
ceux qui n'ont pas achevé un programme et qui l'ont interrompu en cours
de route. Les communautés sont reconnues comme étant des lieux
d'intégration de normes et de valeur. Pourtant il est possible de
s'interroger, comme le fait Gianni Statera, si hors de la communauté ces
normes seront toujours respectées par le toxicomane931(*). Il est en effet rare que
les communautés accordent aux chercheurs d'avoir accès aux noms
des personnes ayant fini le programme thérapeutique, ce qui rend une
évaluation très difficile.
Une expérience d'évaluation a néanmoins
été tentée en Italie par le Département de
Sociologie de l'Université La Sapienza de Rome932(*). A partir des trois
idéaux-types des stratégies mis en oeuvre au sein des
communautés, décrites précédemment, trois
exemples/modèles de communautés ont été
étudiées933(*). La première se fonde sur une dynamique
thérapeutique (communauté Ceis), tandis que la seconde a
pour principe une dynamique relationnelle (Incontro) enfin le
troisième modèle (San Patrignano) se base sur une
logique éducative de resocialisation. L'efficacité des services
ont fait l'objet d'une évaluation selon trois critères : la
capacité à attirer des utilisateurs potentiels, la
capacité à retenir les toxicomanes au sein du service tout au
long de leur thérapie et enfin un critère de sortie du traitement
en terme de réussite sociale. D'une façon plus
générale l'efficacité a été définie
comme le rapport entre les résultats obtenus et les objectifs
fixés934(*).
Les auteurs ont remarqué que les toxicomanes se
présentant aux portes d'une communauté comportent le plus souvent
plusieurs expériences thérapeutiques qui ont
échoué. Checcucci et Lampronti décrivent ce
mécanisme comme celui de « la porta
girevole », « la porte tournante »935(*). Ils soutiennent que
« les toxicomanes, soit parce qu'ils sont contraints par leurs
familles, soit parce qu'ils sont fatigués de vivre avec la drogue,
pérégrinent d'une structure à l'autre, en partant
généralement de celles connues comme étant les
« plus faciles », en y entrant et en ressortant en
continuation ».
L'idée d'une maturation de la vie de toxicomane semble
être confortée par les résultats de l'enquête du
département de Sociologie de La Sapienza qui
révèlent que 59,5% des personnes interrogées au sein de la
communauté de San Patrignano déclarent avoir entrepris
un programme thérapeutique en raison de
« l'impossibilité de continuer à vivre la vie de
toxicomane ». En revanche, les personnes déclarant
entreprendre un programme par « peur des conséquences
physico-biologiques » sont seulement 9,1%. Ces chiffres
témoignent bien de la difficulté de motiver un toxicomane
à entreprendre un traitement par la seule menace des risques
encourus936(*).
Malgré l'ensemble de règles dont sont composées les
communautés comme celle de San Patrignano, les toxicomanes pris
en charge ne semblent pas présenter de nombreuses difficultés
d'adaptation. Le plus fort taux d'interruption du programme concerne les plus
jeunes toxicomanes ce qui conforte l'idée d'une maturation personnelle
dans la motivation à entreprendre un programme thérapeutique.
Il existe en matière de communautés
thérapeutiques une telle diversité de principes et de pratiques
thérapeutiques, qu'il semble nécessaire de parler des
communautés thérapeutiques au pluriel, malgré les traits
communs qui les rassemblent. Leur développement s'effectua de
manière très inégale entre les pays, le plus souvent en
fonction des cultures thérapeutiques prédominantes.
2.1.1.2 Un essor
inégal entre la France et l'Italie
Les communautés thérapeutiques ne se sont
presque pas développées en France. Les intervenants de la
toxicomanie étaient très réfractaires à l'approche
béhavioriste, c'est à dire à l'idée d'une
éducation (souvent coercitive) du comportement. Ainsi, comme le rappelle
Farges et Patel, « les communautés thérapeutiques ont,
en France, mauvaise presse. Elles évoquent les institutions coercitives
américaines et leurs dérives sectaires ainsi que l'association
Le Patriarche, si controversée »937(*).
Le Patriarche est la plus importante
communauté implantée en France, elle fut considérée
par beaucoup d'intervenants comme un anti-modèle de soin en
matière de toxicomanie. L'association du Patriarche, dont le
premier centre, La Boère, en Haute-Garonne, a ouvert en 1971,
s'est considérablement développée en marge des instances
officielles, et a implanté ses différentes structures dans de
nombreux pays. En Europe, notamment en Espagne (72 centres), au Portugal (17
centres), en Italie, mais aussi en Amérique : Nicaragua (12 centres),
Mexique, U.S.A. et Canada938(*). Avec 67 centres permettant d'accueillir 2 500
pensionnaires Le Patriarche constitue la plus grande institution
d'accueil de toxicomanes du territoire français (en comparaison le
nombre de places spécialisées, en post cure,
agréées par l'Etat français était de 1057 en
1995)939(*).
L'association s'efforce de vivre sur un mode autarcique, en auto-gestion.
Le Patriarche promeut une prise en charge fondée exclusivement
sur d'anciens toxicomanes. Dans ses fondements, ce modèle intègre
l'ex-toxicomane comme le seul personnel d'encadrement, tant en ce qui concerne
le sevrage que l'organisation de la vie quotidienne du groupe. Le
Patriarche est dominé par la figure de son fondateur et actuel
dirigeant, Lucien J Engelmajer. Véritable leader charismatique de la
communauté, il est vénéré par les membres. Il est
par ailleurs un opposant farouche aux programmes méthadone, à la
légalisation des drogues et aux échanges de seringues.
Il est demandé lors de l'entrée en
communauté une séparation physique et affective radicale du
toxicomane avec ses attaches antérieures pendant plusieurs semaines. Le
protocole est alors expliqué au sujet. On lui demande de signer un
contrat qui lie son admission à la durée du traitement (plusieurs
semaines). Le sujet n'a plus de possibilités de quitter le centre
où il est affecté en cours de sevrage, et il y est maintenu, si
besoin est, par la force. La cure consiste à découvrir un nouveau
rythme de vie et à se couler dans un système de normes
imposées et contrôlées par la communauté. L'un des
sujets sur lequel l'action du Patriarche est la plus
controversée est la question de la réinsertion de ses membres. En
effet, à long terme, l'objectif n'est pas la réinsertion sociale
dans la société, mais l'intégration à
l'intérieur même de l'association. Un sujet peut passer sa vie au
Patriarche s'il le désire. Aucun objectif ultime n'est
fixé à la cure, et aucune date limite de séjour dans les
centres. Il existe même une certaine pression morale de la part de la
communauté : tout départ est considéré comme un
lâchage.
Le développement du Patriarche est
considéré comme une illustration de ce à quoi peut
conduire l'exception au droit commun. L'association a
bénéficié jusqu'en 1996 de subventions de l'État et
d'une absence totale de contrôle, malgré de graves dérives
connues depuis longtemps. Le Patriarche a été
caractérisé comme secte par le rapport de la commission
d'enquête parlementaire sur le phénomène des sectes
(rapport Guyard publié en 1995). Un mandat international a
été lancé en 1998 contre son ancien « guide »,
accusé de détournements de fonds et de viol sur mineures. Il est
toujours en fuite. R. Castel, dans une étude réalisée pour
le compte du ministère des Affaires Sociales sur les « sorties
de la toxicomanie », critiquait le laxisme des pouvoirs publics face
aux abus du Patriarche.
« Tout se passe comme si, sans qu'on le
reconnaisse explicitement, l'existence du Patriarche permettait de
résoudre à un moindre coût - social, politique et
économique - les problèmes d'un certain nombre de
laissés-pour-compte dont la prise en charge par le système
médical classique exigerait des ressources considérables :
toxicomanes graves, malades du Sida, fins de droits, étrangers,
etc. »940(*)
La France a développé une modalité de
prise en charge particulière très proche des communautés
thérapeutiques. Il s'agit des structures de post-cure, appelés
aussi centres thérapeutiques résidentiels. Ce dispositif est
apparu au cours des années soixante, alors même que la toxicomanie
était considérée comme l'expression d'un malaise
général. Ces centres reposaient sur une idéologie
très novatrice qui visait à mettre fin au rapport
thérapeutique entre le toxicomane et le soignant. Ces lieux furent
cependant remis en cause au cours des années soixante-dix sous le poids
d'une spécialisation croissante du dispositif de traitement de la
toxicomanie. Les centres de post-cure ont alors subsisté comme une
étape secondaire de la chaîne thérapeutique.
Les centres de post-cure interviennent dans un second temps
après la première phase de sevrage941(*). Ils ont pour
finalité d'apporter un soutien social, psychologique et médical
afin que l'usager de drogues puisse retrouver son autonomie. Les toxicomanes
volontaires sont hébergés et nourris pour une durée
variable entre 3 mois et un an. Ils se fondent sur une thérapie de
rupture (changement radical du mode de vie) et d'occupation (travail, loisirs)
et une thérapie de communauté. Il n'existe pas de programme
thérapeutique mais il s'agit de couper le toxicomane de son
environnement quotidien afin de lui permettre de renouer avec d'autres valeurs
(échange, solidarité). Ces centres sont dépourvus d'une
hiérarchie entre thérapeutes et
« accueillis » et tous se soumettent aux règles de
vie communes. Les centres de post-cure constituent une adaptation
française de la CT. Ils demeurent cependant assez marginaux d'une part
en raison de la place qu'ils occupent au sein de la chaîne
thérapeutique, et d'autre part du fait de leur faible présence
puisqu'ils sont aujourd'hui au nombre de 46 pour 569 places.
Les communautés thérapeutiques n'ont jamais
connu en France un véritable essor. Le Patriarche a
constitué un contre-modèle de communauté et à
pendant longtemps confirmé la méfiance des intervenants de la
toxicomanie942(*).
Certaines personnalités telles que Olievenstein et G. Nahas regrettent
cependant leur absence en France943(*). Le rapport Henrion publié en mars 1995
recommande « qu'une place plus grande soit faite à cette
modalité thérapeutique dans le dispositif de soins aux
toxicomanes ». Enfin, une circulaire du ministère de la
Santé (11 janvier 1995) encourage la création de centres de soins
avec hébergement collectif axés sur la prise en charge par le
groupe et la recherche d'autonomie sociale.
Les communautés thérapeutiques ont en revanche
bénéficié en Italie d'une très forte promotion.
Elles représentent encore aujourd'hui la seconde famille
thérapeutique dans la prise en charge de la toxicomanie. Pour comprendre
les raisons de cet essor, il est nécessaire, comme le rappelle Paolo
Stocco de replacer la naissance des communautés italiennes dans leur
cadre historique944(*). Les premières expériences
réalisées aux Etats-Unis au cours des années quarante ont
marqué le passage d'une prise en charge médicale et psychiatrique
à la sphère sociale. Avec l'élargissement du
phénomène de la toxicomanie à l'ensemble de la
société au cours des années soixante-dix, l'opinion
publique fut soudain confrontée au problème de la toxicomanie
alors que les problèmes liés à l'usage de drogue
devenaient considérables. Le système socio-sanitaire italien paru
désorganisé face à l'explosion de la toxicomanie. Les
professionnels italiens furent alors confrontés à « un
manque de préparation du à une insuffisance de
références théoriques et cliniques pour la
prévention et le traitement des toxicomanies, tout comme à un
sentiment diffus d'inéluctabilité et
d'irrésolvabilité exprimé par les opérateurs
socio-sanitaires eux-mêmes ». C'est dans ce contexte que se
développèrent les communautés thérapeutiques.
« En quelques années deux grandes lignes
d'intervention apparurent en Italie : d'une part les services publics, qui
peu à peu se constituaient dans l'ensemble du pays à partir de
figures professionnelles diverses mais suivant la configuration médicale
classique de l'ambulatoire ; de l'autre les structures
résidentielles gérées par des volontaires, des
coopératives sociales et des associations à but non lucratif se
développèrent énormément »945(*)
Les communautés apparurent comme une solution possible
face à l'incapacité des pouvoirs publics à résoudre
le problème de la toxicomanie. Cette solution fut d'ailleurs largement
soutenue par les autorités religieuses, hostiles à tout
médicalisation de la prise en charge des toxicomanes. En 1976, le
Centro Italiano di Solidarietà (C.E.I.S), organisme religieux
dépendant du Vatican visita Emilihoeve, puis Daytop
à New-York946(*). Le CEIS est à l'origine de l'ampleur
considérable qu'ont prise les C.T. en Italie. Celles-ci reposent sur un
modèle largement imprégné d'une dimension religieuse, tant
par la prise en compte d'une demande spirituelle dans la cure, que par les
personnels d'encadrement qui sont souvent des membres du clergé
(prêtres, religieuses) ou des fidèles formés par la
communauté religieuse (composée essentiellement de parents
d'ex-usagers assurant des fonctions d'encadrement à titre
bénévole, ainsi que d'anciens toxicomanes convertis).
Les structures italiennes reposent sur le modèle du
self-help et l'encadrement par d'anciens toxicomanes comme dans le
modèle américain. Elles s'en distinguent néanmoins par
l'importante implication de la structure familiale et de l'église. Les
communautés italiennes doivent par exemple leur développement au
soutien du Vatican qui a cédé des propriétés de ses
diocèses pour leur installation et qui, de plus, a largement
contribué à leur financement. Le modèle italien s'est
implanté dans plusieurs continents comme l'Amérique du Sud
(Argentine, Colombie, Equateur, Bolivie) et dans le Sud-Est Asiatique. Les
communautés différent néanmoins les unes des autres par
leur statut (public ou privé), par les idéologies
présidant à leur création (religieuse ou non) ou encore
par leur fonctionnement (plus ou moins bénévole).
Les communautés ont connu une très forte
augmentation durant les années quatre-vingt, qui s'est prolongée
au début des années quatre-vingt-dix. Les structures
privées résidentielles et semi-résidentielles avaient
augmenté de 119,3% entre 1984 et 1988. On en compte 361 à la fin
des années quatre-vingt, dont les deux tiers étaient
liées aux organisations catholiques947(*). On dénombrait en 1993, 649
communautés, et 822 en 1997. La communauté thérapeutique
est le second outil de prise en charge des toxicomanes, comprenant 20 000 lits
sur tout le territoire italien. La population de toxicomanes pris en charge par
les CT a connu une forte augmentation au cours des années quatre-vingt,
parallèlement au retrait des structures publiques. Le nombre de patient
a quadruplé (+400%) de 1985 à 1993, en passant de 4 476 à
17 148948(*). Les
communautés thérapeutiques ont cependant été
remises en cause au cours des années quatre-vingt-dix,
simultanément à la reconnaissance du rôle joué par
les Sert. Le nombre de toxicomanes sous traitement a ainsi stagné :
il était de 24 561 en 1991 (soit 37,6% de l'ensemble des prises en
charge), de 22 339 en 1994 (soit 23,3%) et de 22 176 (soit 19%)949(*).
La plus importante communauté italienne reste celle de
San Patrignano qui symbolise l'idéal type de la
communauté résidentielle socio-réhabilitative950(*). La communauté
naît le 31 octobre 1979 par la constitution d'une coopérative de
la part de personnes qui n'avaient jamais eu de rapports avec la drogue. Elle
fut liée au leader charismatique de Vincenzo Muccioli951(*). La communauté de
San Patrignano s'apparente désormais à une ville, voire
une micro-société. Elle s'étend sur une superficie de 220
hectares sur laquelle se trouvent de nombreux édifices destinés
aussi bien à l'habitation qu'au travail. On y trouve des espaces
consacrés aux loisirs, aux concerts, au théâtre et aux
projections de films ainsi qu'un espace de repas (pouvant accueillir 1 000
personnes). Le programme de chaque journée s'effectue de manière
régulière avec les activités de travail le matin qui
s'achèvent entre 12h00 et 13h00. Les activités reprennent durant
l'après midi de 15h00 à 18h00, suivi du souper. La
communauté héberge plus de 2 000 personnes (2 100 en 1995). Elle
comprend 57 espaces de travail divisés entre les bureaux
dédiés aux activités administratives et commerciales,
l'élevage de chevaux, de bovins, d'ovins et de caprins, la viticulture,
le textile ou encore la jardinerie, la menuiserie, la boulangerie, les
électriciens, les étudiants, la rédaction du
périodique « San
Patrignano », etc.
Le programme thérapeutique mis en place à
San Patrignano s'appuie sur une « philosophie »
(entendue comme un ensemble de représentations axiologiques) de la place
de l'homme et du rôle de la société dont est à
l'origine Vincenzo Muccioli952(*). La toxicomanie est perçue comme un malaise
vécu par l'homme953(*). La société est un
élément corrupteur tourné vers la satisfaction
illimitée des plaisirs. L'homme qui est un être avant tout moral,
perd dans cette environnement néfaste sa
« dignité » et les repères moraux qui
guidaient sa vie auparavant. Muccioli condamne « une
société fondée sur la jouissance des droits, où les
individus ne possèdent pas le sens du devoir, une société
qui se corrompt, où chacun pense seulement à soi même et
poursuit le mirage d'une impossible satisfaction. Dans une telle
société certains utiliseraient la drogue pour diminuer leurs
peurs et exalter la jouissance, d'autres utiliseront des systèmes
différents, mais tous sont affectés du même
mal »954(*).
La cause du mal-être vécu par les toxicomanes est
résumée par « l'absence d'une culture de la
responsabilité, le manque d'une habitude à considérer ses
propres devoirs comme plus urgents et plus précieux que ses propres
droits et [par] l'ignorance de la nécessité de défendre sa
propre dignité. Et sans la dignité l'homme se vide de son bien le
plus précieux. Il reste seul avec son propre ego et sa propre
fierté et il se corrompt »955(*).
De cette « philosophie » de vie
générale, Muccioli en déduit une thérapie pour
sortir de la toxicomanie. Il s'agit de recréer les
éléments d'une société morale (la
communauté) qui faisaient auparavant défaut au toxicomane. Les
règles respectées à San Patrignano sont celles de
la communauté et celles de la religion chrétienne. Il s'agit donc
d'une approche comportementaliste qui vise à modifier à long
terme l'être du toxicomane par une modification de son environnement
extérieur.
« Dans une communauté comme la
nôtre, il est nécessaire de recréer ces
éléments de base [famille, école, etc.], sur lesquels
réédifier l'homme et avec lesquels l'accompagner dans son
parcours. C'est pourquoi la drogue ne doit pas être vue comme l'unique
problème à résoudre [...] C'est pour cela que nous
considérons la communauté comme une salle d'entraînement
dans laquelle nous nous aidons tous en échange selon les principes de
notre Constitution et les principes chrétiens »956(*)
La thérapie part du présupposé que le
caractère de chaque homme peut être consolidé par
l'acquisition d'un ensemble de valeurs. Cette acquisition s'effectue au terme
d'un parcours de formation portant à la responsabilisation de
l'individu.
« Chaque homme naît avec un
caractère potentiellement plus ou moins fort, mais ce caractère
ne peut se consolider positivement qu'à travers un parcours de formation
centré sur les responsabilités individuelles et sociales. Au
cours de ce processus de formation les valeurs qui constituent, en chacun, un
point de référence pour ne pas se perdre face aux
difficultés de la vie, doivent être acquises afin d'accomplir une
analyse de soi même, de chaque action, afin de réaliser les
projets qu'il s'est attribués, avec raison et équilibre
intérieur »957(*).
Guidicini Paolo et Pieretti Giovanni ont réalisé
une étude très détaillée sur le fonctionnement et
les principes de San Patrignano. Ils concluent dans leur ouvrage
« San Patrignano, tra Communità e
Società » (« San Patrignano, entre
communauté et société »), que San
Patrignano exerce non seulement un « effet
communauté » alternatif mais surtout un « effet de
société » qui vise à apporter de nouvelles
valeurs au toxicomane. La communauté transmet à ses hôtes
un schéma de références958(*), c'est à dire un ensemble de valeurs, qui
oriente la vie de la communauté et de chacun de ses membres. La CT offre
au toxicomane une représentation sociale qui lui faisait défaut.
Celle-ci est entendue comme « un ensemble de valeurs, de
connaissances, de pratiques ayant une double fonction : orienter les
sujets dans l'environnement dans lequel ils doivent vivre et former un tissu de
communication commun à tous les membres de la
communauté »959(*). La communauté de San Patrignano se
fonde sur un ensemble de principes moraux dualistes (bien/mal) qui serviront au
toxicomane pour orienter dorénavant sa vie.
« Une telle représentation sociale est
constituée avant tout d'une vision positivement orientée de la
réalité, de la croyance dans le respect d'autrui, de la
conviction que, en dernière instance, l'honnêteté
« paye », tandis que la déloyauté ne l'est
jamais, et enfin la prise de responsabilité comme « principe
premier » de la vie. La valeur centrale profonde, mais jamais
explicitée, sur laquelle se construit cette représentation
sociale est justement le respect de la vie en soi » 960(*)
L'entrée en communauté se précède
d'une longue attente afin de faire réaliser au toxicomane sa position de
demandeur d'aide et de tester ainsi sa motivation. San Patrignano
impose, à l'image de nombreuses communautés, comme condition
d'intégration dans la communauté le fait de reconnaître son
propre échec personnel et sa propre responsabilité961(*). La thérapie repose
sur le travail qui est considéré comme « un instrument
par lequel l'individu se garantit une identité et un statut à
travers la contribution qu'il donne à la société,
indépendamment de ce qu'il fait »962(*). Les
« événements » autour desquels a lieu le
parcours thérapeutique sont les nombreux rites religieux (Noël,
baptêmes, eucharistie) célébrés par le prêtre
de la communauté ou les événements liés aux saison
(récolte des vendanges, du foin). Le sport occupe également une
place centrale dans la vie de la communauté de San Patrignano
puisque des tournois sont fréquemment organisés.
La première phase de la thérapie est
caractérisée par la prise en charge du toxicomane par un ancien
du groupe après quoi le toxicomane prend lui-même en charge une
personne. Tandis que la première phase vise à faire assimiler au
nouvel arrivant les règles qui gèrent le lieu (le sapere
essere, savoir être) il s'agit ensuite pour le toxicomane
d'acquérir un ensemble de compétences qui pourront lui permettre
d'assurer sa réinsertion sociale (le sapere fare, savoir
faire)963(*). Cette
seconde phase ouvre également la possibilité de recevoir des
contacts extérieurs tandis que la première phase ne laisse place
qu'aux contacts épistolaires. Enfin la troisième phase se
caractérise par le retour progressif du patient dans son environnement
d'origine.
Le parcours thérapeutique repose aussi bien sur la
logique de solidarité et d'aide réciproque (dimension sociale du
sens de communauté) que sur les valeurs (voire l'idéologie) qui y
sont diffusées (dimension culturelle du sens de communauté).
L'évaluation de la thérapie est effectuée par les
opérateurs selon une opinion personnelle et sans aucun recours à
des outils de vérification (contrôle des urines, etc.). Cela pose
évidemment le problème d'une éventuelle
réintégration sociale et d'une confrontation avec le milieu
d'origine du toxicomane.
« Les procédures et les instruments
d'évaluation de l'hôte ne sont que très peu
développés. L'évaluation se fonde sur des
éléments fortement subjectifs et justifiés à partir
de la conviction que la cohabitation communautaire permettrait, à ce
moment, d'observer l'hôte et son niveau de maturité [...] il est
néanmoins certain que la possibilité d'évaluer
correctement l'efficacité d'un processus de formation doit passer
à travers la rencontre/affrontement avec la réalité
extérieure, très distincte du climat solidaire et non
compétitif qui caractérise la
Communauté »964(*).
La communauté se caractérise par un faible
degré d'articulation hiérarchique du système
décisionnel965(*). Il n'existe ainsi pas de figures
intermédiaires entre Muccioli et les toxicomanes. San
Patrignano renverrait, en tant que configuration organisationnelle, au
modèle « missionnaire » décrit par
Mintzberg966(*) qui se
caractérise par une standardisation des normes, un endoctrinement et une
idéologie. Ce type de structure se caractérise par le
regroupement d'individus autour d'un leader charismatique dont le but
«n'est pas tant d'imposer des règles rigides que la défense
et le renforcement de l'idéologie commune»967(*).
San Patrignano représente un exemple de
communauté qui est d'une part représentatif des principes qui
sont communs aux CT, mais qui est aussi spécifique d'un certain
modèle de communauté. Le refus des traitements de substitution,
une non-professionalisation des équipes thérapeutiques sont
autant de règles qui caractérisaient auparavant les
communautés. L'urgence sanitaire et la réduction des risques ont
cependant incité certaines CT à adopter de nouveaux principes.
C'est le cas de villa Maraini à Rome.
2.1.2 La mise en place de la
réduction des risques au sein des communautés
thérapeutiques : l'exemple de villa Maraini
2.1.2.1 Une
« philosophie » d'intervention comme point de
départ
Villa Maraini est aujourd'hui une Fondation
située à Rome qui regroupe un important nombre de structures
d'aide aux toxicomanes. Elle était cependant à l'origine une
communauté thérapeutique fondée par Massimo Barra,
volontaire de la Croix Rouge depuis l'âge de treize ans, et ancien
médecin auprès de structures publiques de la ville de
Rome968(*). Il
créa Villa Maraini le 1er septembre 1976 qui fut
transformée en Fondation en 1988. Le fonctionnement de Villa Maraini
est intimement lié à son fondateur. C'est dans un esprit
particulier qu'a été créée la communauté
thérapeutique et que celle-ci s'est développée. Il s'agit
de donner les principales lignes de la « philosophie » de
la toxicomanie telle qu'elle est conçue par Massimo Barra, et de
façon plus génale par les opérateurs de Villa
Maraini, et qui conditionne considérablement les interventions de
soin et de prévention qui sont mis en place par la Fondation.
La philosophie de Villa Maraini part d'un constat
simple : la drogue est parmi nous. Elle est liée à
l'histoire et à l'évolution de l'homme969(*). Massimo Barra y voit
l'expression d'une faute originelle semblable au pêché d'Adam et
Eve. La drogue est considérée davantage comme un problème
individuel que social970(*). L'homme est à la recherche, à
travers l'usage de substances et notamment d'héroïne, d'un plaisir
illimité. C'est pourquoi, la drogue est impondérable qu'il s'agit
de contrôler de la meilleure façon possible.
La toxicomanie est décrite par Massimo
Barra comme le rapport qu'entretient l'usager avec la substance. Il ne s'agit
pas d'assimiler, comme il a été établit auparavant, la
toxicomanie avec le seul usage de substances mais de souligner, comme dans le
cas du modèle trivarié, le rapport entre le toxicomane, la
substance et la société. Une définition spécifique
de la toxicomanie en est déduit : « Le toxicomane
n'est pas celui qui se drogue mais celui qui dans une phase de son existence
est incapable de survivre sans drogue »971(*). La relation entre le
toxicomane et la substance est décrite comme un « rapport
amoureux ». Celui-ci n'est pas immuable mais évolue en
fonction du temps. Massimo Barra distingue ainsi trois phases distinctes :
l'amour fou ou la lune de miel, l'amour-haine ou la phase ambivalente et la
haine franche ou la phase de détachement. Durant la première
phase le toxicomane est « possédé » d'un
sentiment d'omnipotence. Son rapport au monde est alors transformé et il
voit la substance comme un objet presque magique, comme la solution à
ses problèmes. Dans une seconde phase, le plaisir laisse place à
l'ennui, à la routine, à la fatigue et la relation entre la
substance entre le toxicomane et la drogue est un rapport d'amour-haine
à travers lequel le toxicomane commence à ressentir les effets
négatifs (sociaux, psychiques, physiologiques) de sa consommation dont
il reste néanmoins dépendant. Enfin dans un troisième
temps, le plaisir disparaît et cède la place à la douleur.
Massimo Barra déduit de cette conception de la
toxicomanie une idée de la thérapie. Celle-ci ne
peut pas se résumer à une intervention de courte durée tel
que le sevrage972(*).
La désintoxication ne conduit pas à la guérison,
même si elle peut en constituer une étape parmi tant d'autres. La
thérapie est entendue comme un « chemin » durant
lequel il s'agit d'accompagner le toxicomane dans son rapport à la
substance. Il n'est pas envisageable de proposer un véritable programme
thérapeutique à une personne qui se situe dans la première
phase, celle de « l'amour exclusif », car celle-ci n'est
pas en mesure d'effectuer un tel choix. La seule stratégie possible
constitue alors dans l'attente de conditions plus favorables. Il ne s'agit
toutefois pas d'abandonner le toxicomane à sa consommation mais de tout
faire pour réduire les risques dérivant de sa consommation. Il
s'agit alors, selon la formule de Massimo Barra, d'« éviter
l'irréparable »973(*). Massimo Barra rejette avec vigueur le
présupposé, déjà évoquée, que le
toxicomane doive « toucher le fonds » pour pouvoir
guérir de sa dépendance. L'écoulement du temps n'est
dès lors pas conçu comme ce qui rapproche le toxicomane de la
drogue mais au contraire comme ce qui l'en éloigne progressivement, il
s'agit du « meilleur allié du thérapeute ».
La thérapie est un processus. C'est pourquoi il est impensable de
« guérir » le toxicomane de façon
immédiate. Il s'agit en revanche d'apporter au toxicomane des
« alternatives » qui lui permettront progressivement de
sortir de l'état de dépendance.
« La thérapie ne doit pas avoir la
prétention d'apporter la résolution de la toxicomanie ni la
conviction d'obtenir tout de façon immédiate, reproduisant ainsi
les effets de la substance qui semble accorder tout et tout de suite [...] Par
thérapie, on entend au contraire un processus beaucoup plus complexe
pour atteindre un dépassement définitif de la dépendance,
un long parcours fait de hauts et de bas, un ensemble de stratégies qui
peuvent utilement être mises en acte. La thérapie est un long
chemin que le toxicomane doit parcourir ensemble à qui peu l'aider, soi
qu'il s'agisse d'un centre, d'un thérapeute, un proche , un ami, tous
ceux qui sont engagés d'une façon ou d'une autre dans
l'entreprise de l'aider à sortir de son rapport pervers avec la
substance »974(*)
La thérapie présente trois objectifs
principaux975(*). Le
premier objectif est la survie du toxicomane. La seconde priorité est
l'amélioration des qualités de vie du toxicomane. Il s'agit enfin
d'apporter de nouvelles alternatives de vie face à la drogue qui
permettent un investissement et une projection dans l`avenir. Il existe comme
il a été établi auparavant de nombreux outils de
thérapie de la toxicomanie. Ceux-ci peuvent être usés de
façon conjointe. Le premier type de traitement est médical.
Massimo Barra qualifie la toxicomanie de
« maladie » parce que les toxicomanes sont mal aux
points de vue psychique, physique et social »976(*). Le traitement de la
toxicomanie, comme pour toutes les maladies, passe de façon
quasi-nécessaire par l'administration de médicaments. Ceux-ci
peuvent être aussi bien aspécifiques, c'est-à-dire qui ne
sont pas apparus pour le soin de la toxicomanie, ou spécifiques telle
que la méthadone977(*). Massimo Barra décrit la méthadone
comme une « drogue à usage thérapeutique ».
C'est un médicament qui constitue « l'unique
possibilité réaliste de changer le mode de vie d'un toxicomane
d'un jour à l'autre [...] La qualité de vie d'un toxicomane
dépressive, avilie, détériorée peut changer
radicalement en un seul jour, rendant le sujet capable de survivre et de
réaliser ses activités quotidiennes sans être contraint
à satisfaire le besoin qui l'a conditionné pendant les jours, les
mois et les années précédentes »978(*). L'utilisation de la
méthadone a pour objectif dans cette optique la stabilisation du
comportement. Il s'agit de permettre au toxicomane d'adopter un mode de vie
« normal » dans l'attente d'entreprendre un traitement de
désintoxication.
Le second mode d'intervention principal est la thérapie
collective. La thérapie ne peut pas âtre entendue pour Massimo
Barra comme un processus uniquement individuel. Le troisième mode
d'intervention utilisé est la psychothérapie qui peut-être
entendue soit comme un suivi individuel soit au niveau du groupe. Il existe une
pluralité d'instruments dans le soin de la toxicomanie auxquels il est
possible de recourir. La règle principale à laquelle doit
obéir la thérapie est l'adaptation. Du fait que chaque toxicomane
se différencie d'un autre mais aussi de lui-même en fonction des
étapes de sa toxicomanie, il est nécessaire d'adopter une
approche personnalisée de la thérapie. Un toxicomane peut avoir
besoin de méthadone tandis que pour un autre la thérapie
collective sera plus utile. On peut souligner enfin un point important de la
thérapie telle qu'elle est envisagée à Villa
Maraini. Il s'agit du rôle thérapeutique important
accordé à l'ex-toxicomane. Celui-ci bénéficie d'une
légitimité égale à celle du psychologue au sein du
traitement de la toxicomanie979(*).
La « philosophie » de Massimo Barra et de
Villa Maraini en matière de toxicomanie peut-être
résumée en 5 points :
1) Il n'existe pas une méthode qui, toute seule, soit
capable de "guérir" un toxicomane.
2) Chaque toxicomane est divers d'un autre et demande une
attention particulière, spécifique et non standardisée.
3) Chaque toxicomane est différent de soi-même en
fonction du temps qui s'écoule et qui s'accompagne de modifications
profondes du rapport avec la substance.
4) Il faut privilégier l'intervention à
réseau, c'est à dire la création de toute une série
d'occasions thérapeutiques diversifiées.
5) Il faut éviter de concentrer tous les efforts
seulement en faveur des sujets bien disposés et motivés à
interrompre leur rapport avec la drogue et agir thérapeutiquement
même en faveur des cas apparemment sans solution, de ceux qui ont envie
de continuer à être toxicomanes, étant
l'intérêt de rejoindre en tout cas le plus grand nombre possible
d'usagers de drogues.
La Fondation a développé une
« philosophie » de la toxicomanie et de sa prise en charge.
Celle-ci repose beaucoup autour de la personne de Massimo Barra qui constitue
non seulement le fondateur de Villa Maraini mais aussi un leader dont
l'autorité charismatique, au sens wébérien du terme,
constitue le principal ressort. Villa Marini présente un
certain nombre de caractéristiques décrites auparavant dans le
modèle des communautés. Elle se distingue toutefois beaucoup de
ces premières, telle que San Patrignano, à travers sa
philosophie d'action. La communauté thérapeutique ne peut pas
être perçue comme un modèle homogène de prise en
charge de la toxicomanie. L'« esprit de Villa Marini »
traduit un véritable souci de prendre soin du toxicomane. Celui-ci est
cependant toujours conditionné à l'objectif de faire cesser la
consommation de substances. C'est à partir de cette conception qu'un
ensemble d'interventions vont être mises en place autour du
toxicomane.
2.1.2.2 Un réseau de
services intégrés centrés autour du toxicomane
Villa Maraini a été initialement
fondée comme une communauté thérapeutique. De nouvelles
structures sont cependant rapidement apparues pour répondre aux nouveaux
besoins jusqu'à constituer un véritable réseau ou
chaîne thérapeutique qui propose une pluralité
d'interventions980(*).
Celles-ci interviennent selon trois niveaux : un seuil d'exigences bas, un
seuil moyen et un seuil élevé. Parmi les structures
répondant aux critères de seuil bas, on peut citer le centre
nocturne qui accueille les personnes les plus marginalisées tels que les
sans-logis ou encore les toxicomanes immigrés
non-régularisés (qui représentent 18% des accueillis). Le
centre nocturne tente d'apporter une réponse d'urgence d'ordre sanitaire
et social et psychologique, notamment par le biais du counselling, et
de réorienter les toxicomanes vers des structures de prise en charge.
La principale structure à « bas
seuil » est toutefois l'unità di strada, dont il
était question dans les premières lignes de cette recherche. La
première unité de proximité a été mise en
place auprès de la gare de Termini le 25 mars 1992. Il s'agissait alors
de répondre d'une part au constat que de nombreux toxicomanes ne sont
pas pris en charge par le système sanitaire et « sont
abandonnés à eux-mêmes et courent de graves
risquent », et d'autre part à l'épidémie de
VIH/Sida qui décimait alors les toxicomanes de Rome en apportant les
besoins nécessaires à la survie. Les objectifs de
l'unità di strada sont de quatre ordres :
réduire le nombre de morts par overdose, approcher et aider les
toxicomanes qui n'ont aucun contact avec les structures de prise en charge,
diminuer le risque de transmission des maladies infectieuses, orienter les
toxicomanes qui en font la demande vers des programmes thérapeutiques.
La présence du camper est assurée de façon
quotidienne de 18h30 à minuit. Une seconde équipe est venue
s'ajouter à Tor Bella Monaca, une banlieue proche de Rome qui comporte
une forte précarisation sociale et un taux très
élevé de toxicomanes par voie intraveineuse. Au terme de dix ans
d'activité, le bilan de l'unité de proximité de Villa
Maraini est très positif comme en témoigne une
étude981(*). Le
total du nombre d'interventions s'élève à 408 942. On peut
citer quelques chiffres qui témoignent des efforts de
prévention : 147 352 préservatifs, 380 787 seringues, 186
293 fioles d'eau distillée, 6 240 doses de Narcan distribués.
Mais l'activité de l'unité de proximité ne se limite pas
à cela, c'est ainsi que 128 764 opérations d'information sur le
VIH/Sida et 16 802 interventions de counselling ont été
réalisées. Enfin, 1453 personnes ont été
dirigées vers des Sert. L'activité de proximité de Villa
Maraini s'intègre pleinement au sein d'une politique de réduction
des risques. Cette activité a connu cependant dès son lancement
de fortes oppositions municipales ou encore de la part des habitants locaux.
Villa Maraini s'est également dotée pour
répondre à l'épidémie de VIH/Sida d'une
unité de soin et de prévention polyvalente. Celle-ci remplit
plusieurs missions : informations, counselling, activités
sanitaires ambulatoires, consultations téléphoniques, analyses
sérologiques et projets de prévention. Des activités
d'entraide entre pairs ont également été initiées.
Un centre de premier accueil a été ouvert dès 1992. il ne
présente aucune condition d'accès. Il s'agit là aussi
d'opérer des missions de prévention, de conseil, de soins
ponctuels et d'orientation aux toxicomanes. Les activités
prodiguées par le centre sont adaptées en fonction des demandes
de chaque toxicomane. La multiplication des structures à bas seuil ne
doit pas être perçue comme un manque d'organisation des services
mais comme la volonté d'offrir une multiplicité
d'opportunités autour du toxicomane.
Les activités de Villa Maraini ne se réduisent
aux structures à bas seuil qui ne représentent qu'une
première phase dans la chaîne thérapeutique. C'est ainsi
qu'un service d'orientation permet un suivi plus particularisé des
toxicomanes982(*). Il
s'agit d'un centre qui occupe la fonction de communauté
intermédiaire. Les toxicomanes pris en charge par Villa Maraini
suivent un parcours thérapeutique divisé en trois
étapes : après un premier contact avec le centre d'accueil
et une première stabilisation comportementale, obtenue le plus souvent
sous méthadone, il s'agit d'effectuer un séjour en centre
d'orientation. Certaines interventions d'ordre psychothérapeutique y
sont effectuées, notamment à travers le groupe. Au terme de cette
étape, certains toxicomanes sont alors habilités à
intégrer la communauté thérapeutique qui constitue la
troisième étape du programme. On peut d'ailleurs remarqué
que la structure initiale est devenue la phase finale de la thérapie.
La communauté thérapeutique de Villa Maraini
est apparue en 1976. Elle est de type semi-résidentielle,
c'est-à-dire que les toxicomanes y passent la journée (de 9h du
matin à 18h00) à la suite de quoi ils rentrent dormir chez eux.
La communauté repose sur un ensemble de mécanismes complexes dont
il est possible de donner les grandes lignes983(*). La première fonction de la CT est
d' « occuper » la journée du toxicomane en ne
limitant pas le traitement à une série d'interventions
sporadiques. La journée repose ainsi sur un ensemble de
« temps » qui sont consacrés aux travaux (de
rénovation, de nettoyage, de jardinerie, de bricolage, etc.). Ceux ci
participent pleinement à la thérapie puisqu'il s'agit de
responsabiliser le toxicomane par son action. Les autres activités sont
d'ordre ludique, sportive et enfin thérapeutique. Ces dernières
sont de nature psychologiques, elles comprennent d'une part des entretiens
réguliers avec des psychologues et d'autre part un important travail de
groupe. La prise en charge du toxicomane est « globale »
puisqu'il s'agit également d'entretenir un rapport avec sa famille
à qui il s'agit de reconnaître un réel rôle au sein
de la thérapie. Enfin, un troisième aspect est celui de la prise
en charge sociale et de la réinsertion du toxicomane qui est
préparée notamment par l'acquisition de nouvelles
compétences professionnelles. La CT répond, contrairement aux
précédentes structures, à un ensemble de règles
strictes auxquelles le toxicomane ne peut déroger sous peine
d'exclusion.
Le programme thérapeutique du toxicomane est
conçu à Villa Maraini comme un parcours marqué
par de nombreuses étapes. La durée du parcours n'est jamais
fixée par avance mais change d'un toxicomane à un autre, le temps
moyen étant de deux-troix ans. Ce parcours ne doit pas en outre
être perçu comme une ligne homogène mais il se constitue de
nombreuses ruptures, d'échecs et de succès qui amènent peu
à peu le toxicomane à sortir de la dépendance. Parmi les
activité de Villa Maraini, on peut citer l'existence de groupes
de discussion qui ont lieu au sein des prisons de Rome depuis 1979984(*). Il s'agit d'apporter aux
toxicomanes incarcérés une première écoute et de
prévenir les comportements à risque. Une assistance d'ordre
administrative est également fournie.
Villa Maraini a développé
également un ensemble de programmes de prévention. On peut par
exemple citer le « telefono in aiuto » qui fut
créé en 1986. Il s'agissait initialement d'un groupe de 15
volontaires composé de psychologues, de médecins et d'anciens
toxicomanes. L'objectif est de permettre la mise en relation des
différentes structures intervenant dans le domaine de la toxicomanie
(hôpitaux, services publics, communautés, etc.). Il s'agit avant
tout d'orienter les personnes vers les centres les plus accessibles et de
diffuser l'information nécessaire. Une brochure préventive a
également été conçue, la
« Toxicard » qui a été mise en place en mars
1999 pour répondre aux overdoses croissantes dans la capitale
italienne985(*). Il
s'agit d'un dépliant qui apporte toutes les informations sur la
réaction à adopter en cas d'overdose (premiers gestes à
adopter, utilisation du Narcan, numéros de secours). Plus de
10.000 Toxicard ont été imprimées et distribuées.
Les activités de la Fondation sont particulièrement
orientées vers la population héroïnomane de Rome. Villa
Maraini a néanmoins tenté de s'adapter aux évolutions
de consommations en ouvrant par exemple une unité d'alcoologie depuis
juin 1997 pour répondre notamment aux problèmes de
polyconsommation.. On peut noter une carence d'activités dans le domaine
des drogues synthétiques et des nouveaux modes de consommation en raison
d'une spécialisation en matière de toxicomanie
« classique ».
La Fondation Villa Maraini a connu une histoire
mouvementée depuis sa création. Elle a
bénéficié du soutient de la Croix Rouge Italienne
(CRI)986(*). Le
fonctionnement de la structure a notamment été possible
grâce au soutien financier de la CRI. Villa Maraini
bénéficie en outre de subventions étatiques ou
municipales. Elle a cependant du affronter de nombreuses oppositions
politiques. Une particularité de Villa Maraini est sa
déclaration d'indépendance politique et son refus de se rallier
à la droite comme à la gauche Italienne. Cette prise de position
correspond a l'un des sept principes fondamentaux du Mouvement International de
la Croix-Rouge. Les intervenants de la Fondation ont d'ailleurs
déclenché plusieurs mouvement de protestation face aux retards de
paiements987(*). Les
financements d'abord promis dans un premier temps ont souvent été
refusés à la Fondation, comme c'était le cas pour le
projet du « Telefono in Aiuto »988(*). L'Usl à laquelle
est rattachée Villa Maraini a par ailleurs refusé
à plusieurs reprises d'accorder son soutien à la
Fondation989(*). La
structure a fréquemment été menacée de fermeture et
sa situation demeure précaire malgré ses vingt-cinq années
d'activité990(*).
Ces difficultés s'expliquent en partie par le
rôle « politique » qu'occupe Villa Maraini
dans le champ de la toxicomanie romaine. Même si Massimo Barra refuse de
prendre position pour un parti, celui-ci a effectué à de
nombreuses reprises des critiques ou des « appels » au sein
de la sphère publique locale ou nationale. Villa Maraini a par
exemple plaidé à de nombreuses reprises en faveur de
l'intervention et de l'administration de méthadone au sein des prisons
italiennes en critiquant sévèrement la position des pouvoirs
publics991(*). Massimo
Barra a également pris position contre la loi Jervolino-Vassali en
critiquant la place donnée aux communautés thérapeutiques
dans la prise en charge des toxicomanes au détriment du service
public992(*). Massimo
Barra a d'ailleurs bénéficié d'une position politique qui
lui a permis de développer ses principes sur l'ensemble de la ville de
Rome. Il fut nommé en avril 1991 Assesseur aux politiques de
Solidarité auprès de la municipalité. Massimo Barra a
ainsi critiqué le manque de ressources attribuées par la commune
aux malades du Sida993(*). Constatant que la méthadone n'était
pas disponible dans la plupart des pharmacies de Rome et 5 villes de la
province du Lazio, Massimo Barra a critiqué le boycottage de la
méthadone opéré par les pharmaciens994(*). A la suite de cet appel,
il a établi un accord avec 200 pharmacies qui s'engagèrent
à mettre à disposition la méthadone et à fournir
des conseils sanitaires à tous les toxicomanes qui en font la
demande995(*). Il
s'agissait de transformer à réintégrer les pharmacies dans
le réseau de prise en charge de la toxicomanie. Enfin, Massimo Barra a
constitué un plan de réforme des services publics italiens
compétents en matière de toxicomanie, les Serts, situés
à Rome dans le sens d'une prise en charge plus homogène996(*).
Les exemples de San Patrignano et de Villa Marini
sont significatifs de la diversité des communautés
thérapeutiques. Tandis que la première demeure centrée sur
un modèle classique de « soin de la toxicomanie »,
la seconde a progressivement développé un ensemble de services
fondés sur le besoin de « prendre soin » du
toxicomane sans pour autant abandonner les activités
thérapeutiques initiales. Les services de Villa Maraini
traduisent la constitution d'un réseau de services
intégrés au sein d'un réseau qui visent à former
une chaîne ou « filet » thérapeutique autour
du toxicomane. Le soin n'est d'ailleurs plus perçu comme un processus
homogène mais comme une opération qui s'adapte aux
spécificités de l'individu pris en charge. C'est en cela que
Villa Maraini est très représentative du passage
à la réduction des risques au sein des communautés
thérapeutiques.
Les communautés thérapeutiques ont
bénéficié en Italie d'un fort développement. Elles
constituent souvent une alternative reconnue des services
spécialisés publics, les Sert, comme c'est le cas à Rome.
Les communautés ont ainsi toujours bénéficié d'une
bonne réputation auprès de l'opinion publique. Elles ont souvent
fait de l'ombre au système sanitaire public qui a toujours
été assez mal considéré. Un sondage effectué
en 1996 auprès de la population italienne (enquête sur un
échantillon de 5.108 personnes) est très significatif de la
préférence qui existe en faveur des communautés
thérapeutiques997(*). En cas de problème de toxicomanie, 75,1%
des sondés déclarent qu'ils se tourneraient de
préférence vers les communautés contre 16% pour les
services publiques (hôpitaux, Sert). De plus, 62,1% des sondés
estimaient que le meilleur mode pour aider un toxicomane était de
l'accueillir dans une communauté. En France, en revanche, les services
de soin spécialisés bénéficient d'un très
fort dynamisme. C'est dans ces contextes que se développèrent les
services de soin spécialisés pour toxicomanes.
2.2 Le dispositif de soin
spécialisé
La constitution d'un dispositif de prise en charge de la
toxicomanie spécialisé est un trait commun à la plupart
des pays européens. Ce phénomène correspond à la
reconnaissance au cours des années soixante-dix d'un problème
spécifique ne pouvant plus être traité au sein du
système sanitaire de droit commun. Le processus d'autonomisation et de
spécialisation du champ de la toxicomanie a d'ailleurs été
mis en évidence pour le cas français. Les services de soin
spécialisé répondent à certains principes
similaires. Ils se sont développés cependant de façons
très distinctes, notamment au point de vue de leurs objectifs, en
fonction des cultures thérapeutiques propres à chaque pays.
2.2.1 La diversité des
services de soin spécialisé
2.2.1.1 Nature et fonction
des services spécialisés
Les services spécialisés en soin de la
toxicomanie se caractérisent avant tout par la présence d'une
équipe thérapeutique fortement organisée. L'équipe
thérapeutique est constituée d'une pluralité de membres
auxquels est confié un ensemble de tâches à
accomplir : le médecin, l'assistant social, l'éducateur,
l'assistant sanitaire et l'infirmière professionnelle998(*).
n Le médecin est chargé de l'éducation
sanitaire, du bilan de santé, des thérapies pharmacologiques de
substitution et de désintoxication et des contacts avec les
médecins de famille et les service hospitaliers. Il est de façon
générale impliqué dans le soin du patient mais aussi dans
le rapport humain qui est établi avec celui-ci. Enfin, et surtout, le
médecin est le seul responsable dans la certification de l'état
de toxicomanie du patient.
n L'assistant social effectue les visites à domicile,
le recueil de données personnelles sur le milieu social du
toxicomane ; il maintient les relations avec les communautés
thérapeutiques et les toxicomanes en prison. L'assistant social est
chargé en outre de proposer des offres de travail et toutes les
possibilités d'amélioration des conditions d'existence des
patients pris en charge, afin notamment de faciliter leur réinsertion
sociale.
n L'éducateur gère les activités de
groupe avec les patients, l'accompagnement hospitalier, les activités
sportives et culturelles. Il est également compétent en
matière d'innovation et d'expérimentation de nouvelles
activités pouvant faciliter la thérapie.
n L'assistant sanitaire est responsable de l'aide en ce qui
concerne les pathologies liées à la toxicomanie, assiste le
médecin au cours des désintoxications ambulatoires et à
domicile, effectue des entretiens d'éducation sanitaire. L'assistant
sanitaire est compétent en matière de protection de la
santé, notamment en matière de maladies secondaires.
n L'infirmière professionnelle assiste le
médecin dans ses compétences, participe aux activités
d'assistance domiciliaire, de désintoxication et d'éducation
sanitaire. L'infirmière a un rôle relationnel et de
médiation au cours des activités thérapeutiques, elle est
l'occasion d'effectuer un lien entre les différentes activités du
service.
L'équipe thérapeutique est composée d'une
pluralité d'acteurs. Elle se présente toutefois au toxicomane
comme un seul et même interlocuteur. C'est pourquoi, le facteur
d'efficience de d'une intervention reste la cohérence de l'équipe
thérapeutique. Chaque groupe professionnel se caractérise par un
savoir mais également par un ensemble de valeurs spécifiques. Ces
valeurs orientent les choix thérapeutiques de l'équipe dans le
soin de la toxicomanie. La psychologisation du soin de la toxicomanie en
France, par exemple, a rendu difficile l'usage des traitements de substitution.
Nizzoli décrit l'équipe thérapeutique comme une «
machine orientée psychothérapeutiquement » qui
nécessite un projet unitaire partagé par tous les membres de
l'équipe. Cette condition est parfois, selon Orsenigo, difficilement
réalisable au sein des services spécialisés, notamment les
Sert en Italie999(*).
Tandis que la diversité des professions représentées au
sein des services spécialisés constitue un avantage
précieux de leur travail, elle rend difficile l'élaboration d'une
considération commune de l'intervention thérapeutique. Celle-ci
est pourtant la condition nécessaire à un soin efficace.
Outre les fonctions thérapeutiques et celles d'ordre
purement interne, d'autres services doivent être accomplis au sein
même d'une structure thérapeutique1000(*). Un travail de relations
publiques est indispensable à plusieurs titres. Tout d'abord parce qu'un
centre de thérapie des toxicomanies est en relation directe avec les
habitants de la commune/quartier où il se situe, tout
particulièrement les Sert italiens qui correspondent à une zone
géographique délimitée. Ainsi une mauvaise image du centre
peut avoir des retombées négatives sur le fonctionnement de
celui-ci, comme par exemple le fait d'avoir moins de patients
intéressés par les services offerts. C'est pourquoi il est
nécessaire de développer des contacts aussi bien auprès
des associations locales qu'auprès des médias. De plus les
relations institutionnelles sont de première importance. Les centres ont
des relations quotidiennes avec les municipalités, la Région, la
magistrature, la Préfecture, mais aussi les écoles ou les
prisons. Ces liens entretenus avec les autorités publiques
présupposent non seulement une connaissance de leur fonctionnement mais
aussi un rapport individualisé par le biais d'un ou plusieurs
opérateurs servant de référents institutionnels.
Enfin les interventions de prévention constituent
fréquemment l'une des activités potentielles des services
spécialisés. Celles-ci sont en pratique très souvent
négligées des professionnels de la toxicomanie qui ont des
formations plus centrées sur la thérapie. Le soin de la
toxicomanie est perçu comme une priorité de l'intervention. Ce
manque d'implication des spécialistes a empêché pendant
longtemps de développer une culture de la prévention. C'est le
cas par exemple de la France où la distribution de seringues a
été considérée initialement comme contraire
à la mission de soin des centres spécialisés, ce qui a
retardé sa mise en application.
« Nous estimons que les centres de soins
spécialisés pour toxicomanes ne doivent pas se cantonner à
la prise en charge des seules personnes dépendantes. Ils doivent
également être un lieu d'information, d'accueil et d'orientation
des adolescents et des familles confrontés aux usages naissants et
parfois à risque de substances psychoactives »1001(*)
En Italie, Roberto Gatti remarque que cette activité de
prévention se heurte à plusieurs obstacles1002(*). Les Sert ne sont tout
d'abord pas contraints par la loi de s'occuper de prévention. Mais
surtout, ils ne présentent pas les caractéristiques suffisantes
pour opérer dans le champ de la prévention. Les Sert comportent
un ensemble de points faibles qui rendent difficilement réalisable une
activité de prévention : ils ne sont pas dotés de
fonds suffisants afin de réaliser des programmes de communication
publique, le personnel est tout juste assez important pour mener à bien
les programmes thérapeutiques, la formation des opérateurs est
plus orientée vers la thérapie que la prévention.
Les services spécialisés ne sont par
conséquent pas suffisamment adaptés et consolidés afin de
réaliser une véritable action de prévention. En revanche,
Roberto Gatti observe qu'ils peuvent participer à la prévention
de façon indirecte : le bon fonctionnement d'un service et son
image peuvent avoir des retombées positives au niveau de la
prévention. Il est nécessaire pour cela de faire connaître
l'activité du service à la population locale à travers des
assemblées publiques, et le rôle des élus ou des
média locaux. La prévention requiert également de
s'efforcer à connaître la réalité locale de
l'école, d'entretenir des relations avec les associations et groupes de
volontaires locaux, d'organiser des expériences de découverte et
d'information des activités du centre à de petits groupes
spécifiques (parents, cercles culturels, élèves d'une
classe), ce type d'expérience pouvant être
répété et développé à une plus grande
échelle comme par le biais de séminaire de formation. Il existe
une pluralité de moyens à la disposition des services
spécialisés pouvant contribuer utilement au travail de
prévention. Les activités de prévention et de soin de la
toxicomanie ne peuvent ainsi pas être séparées.
Les services spécialisés possèdent en
matière de toxicomanie une pluralité de fonctions plus ou moins
grandes selon les dispositifs nationaux. Les services spécialisés
français ont bénéficié d'un monopole en
matière de soin de la toxicomanie. L'ancien dispositif de prise en
charge hospitalier a cédé la place aux centres
spécialisés pour toxicomanes qui ont été
créés suite à la loi du 30 décembre 19701003(*). Le législateur a,
de fait, instauré un système d'exception qui a contribué
à entretenir l'idée que seuls des spécialistes et des
structures hors du droit commun pouvaient aider les « drogués
»1004(*). Ce
dispositif se caractérisait par une forte prévalence de
l'approche psychothérapeutique et par une très faible
médicalisation. La méthadone resta inutilisée
jusqu'à la moitié des années quatre-vingt -dix. Les
Centres de Soins Spécialisés de la Toxicomanie vont cependant
marquer une tentative d'inverser cette tendance.
2.2.1.2 Les Centres de
Soins Spécialisés de la Toxicomanie : un effort de
médicalisation de la prise en charge
Les Centres de Soins Spécialisés de la
Toxicomanie (CSST) ont été créés pour
répondre aux pressions exercées par certains professionnels en
faveur d'une médicalisation du soin de la toxicomanie. C'est ainsi que
Pascal Courty a fondé un Centre de Soins Spécialisés pour
Toxicomanes géré par l' Association nationale d'aide aux
toxicomanes (ANAT), association créée en 1979 à
l'initiative de médecins hospitaliers de Clermont Ferrand s'occupant de
toxicomanie1005(*). Le
Centre est constitué de personnels hospitaliers impliqués dans la
prise en charge des usagers de drogue et de bénévoles. L'ANAT a
par ailleurs passé une convention en 1994 avec les pouvoirs publics qui
constituent le principal financeur conformément au décret du 29
juin 19921006(*).
L'originalité de la structure vient du fait que le médecin
responsable du centre, Pascal Courty, est également médecin
hospitalier « ce qui permet de favoriser le lien entre le pôle
de référence hospitalier et le pôle de
référence associatif ». Les liens entre les deux
structures sont d'autant plus forts que deux médecins prescripteurs de
l'unité Méthadone du CHU de Clermont-Ferrand sont salariés
du centre de soins.
Trois règles sont à respecter à
l'intérieur du centre : pas d'alcool, pas de produits addictifs,
pas de violence. La priorité est accordée à l'accueil des
toxicomanes : « Le premier travail d'un soignant c'est l'accueil.
L'accueil, c'est ouvrir la porte quand on sonne ». Les objectifs
affichés restent la convivialité et
la non-hiérarchie: « La règle [...] c'est que
l'usager est reçu par celui qui ouvre la porte, quelle que soit sa
fonction dans l'équipe (médecin, éducateur ou assistante
sociale) ». Enfin, les intervenants du Centre privilégient au
rendez-vous médical une rencontre plus informelle reposant sur une
certaine convivialité qui permet de développer entre
l'équipe thérapeutique et le toxicomane un rapport plus confiant.
Les CSST français remplissent une pluralité
d'objectifs, ceux ci étaient néanmoins auparavant davantage
d'ordre rééducatif que médical. Le décret du 29
juin 1992, qui leur a donné une existence administrative, attribuait
à ces structures pour mission d'assurer « la prise en charge
médico-psychologique » et/ou « une prise en charge sociale et
éducative »1007(*). Les prestations assurées par les centres de
soins en ambulatoire sont très diverses : ils proposent des
consultations, des suivis psychologiques, des accompagnements
socio-éducatifs, ils prennent en charge les sevrages ambulatoires et ils
ont développé ces dernières années des
possibilités de traitements de substitution.
Ces attributions traduisent bien l'état de la question
de la toxicomanie il y a dix ans : la prise en charge globale comprenant la
dimension médicale n'était pas réellement définie,
et le conventionnement était tout à fait possible pour une
structure qui ne faisait que de l'accompagnement socio-éducatif. Les
missions des centres spécialisés, missions définies avant
le début du développement des traitements de substitution,
restaient par conséquent ambiguës et elles ne permettaient pas de
fixer clairement leurs responsabilités et leurs obligations en la
matière. Le fait que des structures aient été
conventionnées en tant que centres de soins alors qu'elles
étaient nombreuses à être dépourvues de tout soin
médical traduit bien cette ambiguïté.
La multiplication des CSST ne signifie dès lors pas une
multiplication des centres de prescription de la méthadone. Ainsi sur
198 CSST existant1008(*), 143 prescrivent et dispensent de la
méthadone, soit 72 %. Cela signifie également que 20 % des
départements n'ont aucun lieu de primo-prescription, 8
départements n'ont aucun CSST ambulatoire1009(*) et 11 départements
ont des CSST non prescripteurs1010(*). Les demandes de traitement dans les CSST ont
concerné environ 30 000 personnes en 1999.
Les CSST sont à présent ouverts en grande
majorité à la prise en charge de patients sous traitements de
substitution1011(*).
Mais leur place effective au sein des réseaux est variable : parfois
déterminante, parfois très marginale. Enfin, on doit noter que la
procédure d'accréditation des CSST a été
modifiée par la nouvelle loi médico-sociale du 2/01/2002. Ceux ci
sont dorénavant considérés comme des centres
d'accompagnement, de soin et de prévention en addictologie. La
prévention est désormais rentrée de plein droit dans leur
champ d'intervention.
Les services de soin spécialisés
répondent, comme il a été établi, à une
pluralité d'objectifs, qui sont fonction des orientations
adoptées par les dispositifs de prise en charge de la toxicomanie. Le
système français a accordé pendant longtemps la
priorité à une approche démédicalisée qui
reposait fortement sur la psychothérapie. La réduction des
risques a cependant permis de renouveler le dispositif en imposant les
traitements de substitution comme un instrument de soin nécessaire. Le
système de soin spécialisé italien va connaître une
évolution similaire. Le manque d'investissement des pouvoirs publics va
cependant engendrer de nombreuses inégalités.
2.2.2 Les Services
spécialisés italiens, les Sert : une abscence de culture
thérapeutique homogène
2.2.2.1 Un système
de soin spécialisé trop inégal
Les premiers centres de soins nés sous initiative
étatique furent créés en 19781012(*). Ils se développent
progressivement jusqu'à former un réseau national en 1984. Le
système des Sert était toutefois, comme le rappelle Piccone
Stella, nettement désorganisé et sous-équipé. Le
législateur italien a procédé à un renouveau du
système de traitement de la toxicomanie au début des
années quatre-vingt-dix. Les Sert, institués officiellement par
la loi 162 de 1990 représentent le principal système mis en place
par l'Etat afin de prévenir et traiter la toxicomanie. Il s'agit de
services de toxicomanie dépendant directement du ministère de la
Santé. Ils sont par conséquents publics et gratuits. Le
réseau est réparti sur le territoire de façon relativement
homogène. On dénombrait en fin 1997, 552 Serts en
activité1013(*). Ils sont presque les seuls établissements
à distribuer la méthadone comme substitut à
l'héroïne. En effet, bien que la loi autorise également les
médecins privés à prescrire la méthadone, ils n'y
ont que très rarement recours. Le nombre de toxicomanes en traitement
auprès des Sert est resté faible jusqu'au début des
années quatre-vingt-dix, période à laquelle il connu une
forte augmentation au détriment des communautés
thérapeutiques. Le nombre de toxicomanes pris en charge au sein des
structures publiques est ainsi passé de 20 747 en 1984 (soit 82% de
l'ensemble national, chiffre qui est descendu à 50% à la fin des
années quatre-vingt) à 73 866 en 1991 (soit 66,7%), 95 674 en
1994 (soit 76,6%) pour atteindre 116 131 patients en 1997 (soit
81,7%)1014(*).
Les Sert disposent par rapport à l'ensemble du
système sanitaire italien d'une très forte autonomie ce qui n'est
pas sans poser des problèmes d'homogénéisation des
procédures1015(*). Riccardo Gatti regrette par exemple que les
règles du service public ne soient pas égales pour toutes les
unités de service1016(*). Chaque Sert a ses principes et les applique au
moment de l'acceptation et durant les premiers entretiens. Ces
règles sont présentées au toxicomane comme la
« procédure » de prise en charge. Cette
diversification reflète les différences de potentialité ou
de configuration des centres. Après acceptation au sein d'un Sert, il
est alors possible de proposer au toxicomane un choix entre trois
options : un simple traitement médical de désaccoutumance et
une vérification de l'état de santé, un traitement
médical accompagné d'un soutien psychologique ou social, ou enfin
une consultation plus approfondie d'un médecin, d'un psychologue et d'un
assistant social. Cette approche présente l'avantage de responsabiliser
le toxicomane et de développer une relation moins hostile et plus
basée sur la confiance. La composition des équipes est
également inégale en fonction des Serts. Elles sont ainsi
diversement composées de psychologues, d'éducateurs, d'assistants
sociaux et de médecins qui sont généralement plus nombreux
et qui sont souvent en charge de la direction du Sert. Riccardo Gatti
recommande que l'évaluation du toxicomane se fasse par une équipe
multiple composée par exemple d'un médecin, d'un psychologue et
d'un assistant social1017(*).
Gatti critique, en outre, le manque de formation des
opérateurs travaillant sur le thème de la toxicomanie1018(*). Quand bien même
ceux-ci ont reçu une formation théorique suffisante, ils
présentent un réel manque d'expérience qui les
amène à utiliser un schéma de travail du type
« expérimentation, erreur, correction de l'erreur »
qui peut avoir des conséquences dramatiques sur les toxicomanes. De
plus, de nombreux opérateurs des Sert travaillent dans le domaine de la
toxicomanie non par choix mais par contrainte professionnelle. Enfin, la
dernière carence des intervenants des centres spécialisés
italiens reste l'incapacité à travailler en équipe. Ainsi,
même un bon opérateur individuel peut être un mauvais
thérapeute s'il n'agit pas de concert avec ses collègues ce qui
requiert de fortes capacités de communication et de mise en
relation1019(*). Cette
incapacité est en relation étroite avec l'absence d'une culture
professionnelle et d'intervention qui soit commune aux opérateurs
publics de la toxicomanie. Les services spécialisés italiens
présentent ainsi de fortes disparités selon les équipes
spécialisées qui y opèrent. La capacité des Sert
à prendre en charge de façon personnalisée les toxicomanes
est très variable suivant la répartition géographique.
Riccardo Gatti regrette que l'attribution des toxicomanes était
effectuée pendant longtemps selon un découpage
géographique et qu'il n'était possible de s'adresser qu'à
son Sert de référence. L'idée d'un libre choix du centre
thérapeutique a été pendant longtemps repoussée.
« Un Sert peut donner la même impression
qu'une entreprise privée : il peut être un lieu vaste,
ouvert, accueillant : une structure qui propose des objectifs à
atteindre, contrôle le rendement de ses propres opérateurs,
s'enrichit de collaborations extérieures (en travaillant avec les
familles, en s'occupant de la réinsertion des patients, en suivant les
cas les plus difficiles) et conduire ainsi d'excellentes recherches. Ou alors
un Sert peut également adopter une conduite bureaucratique, travaillant
dans un esprit paternaliste et d'assistanat [...] on ne peut nier que les Sert
du premier type se rencontre plus fréquemment dans le Nord, et dans le
Centre, plutôt que dans le Sud »1020(*)
Les Sert n'on pas réussi à obtenir une
reconnaissance suffisante au niveau national et leur dotation budgétaire
reste faible1021(*).
Enfin, le système italien n'est pas doté d'une stratégie
à long terme qui empêche un véritable changement de
mentalité. Les services spécialisés italiens ont cependant
fait l'objet d'une forte priorité au cours des années
quatre-vingt dix de la part des pouvoirs publics. Ceux-ci, encouragés
par un certains nombre d'acteurs professionnels ou associatifs, ont
réintroduit les programmes de substitution par méthadone qui
avaient été introduits dès 1975 mais qui avaient
été progressivement écartés du dispositif de prise
en charge des toxicomanes en faveur d'une approche
« psychosociale ». Les contraintes liées à
l'épidémie de VIH/Sida vont réactualiser l'utilisation de
la méthadone. Celle-ci va toutefois faire l'objet d'un débat
entre les partisans d'une approche strictement médicale et ceux qui
soutiennent l'idée d'une prise en charge globale.
2.2.2.2
« Méthadonisation » ou prise en charge
globale ? La logique thérapeutique face aux exigences
sécuritaires
Les Sert sont assimilés en Italie à
l'utilisation de la méthadone. Ils en sont en effet les quasi-seuls
prescripteurs. Cette conception est pourtant loin de faire l'unanimité.
Les représentants des communautés thérapeutiques
critiquent le recours à la méthadone comme une solution de
facilité et appellent à la fermeture des « bar
metadonici » (littéralement les « bars
méthadoniques). Ce préjugé repose, selon Simonetta Piccone
Stella, sur la méconnaissance de ce médicament. Mais elle traduit
avant tout la peur de voir la méthadone constituer « un
échappatoire, une excuse pour limiter l'offre thérapeutique
à un seul geste- l'administration d'un médicament une fois par
jour, au compte goutte- renonçant à toute l'attention, au temps
et aux soins que les demandes des patients portent avec
eux »1022(*). Cette critique se fonde en partie sur l'exemple
réel de certains Serts qui privilégient les traitements de
substitution au détriment de l'accompagnement psycho-social du
toxicomane, à l'image des programmes thérapeutiques
américains. Les usagers eux-même constatent cette carence du
dispositif italien de soin de la toxicomanie.
« La méthadone est un formidable
médicament mais les services devraient avoir un objectif plus
ambitieux : nous aider à rester dans la société. Une
fois sorti de prison, je ne suis pas arrivé à trouvé un
emploi. Peu de temps après tu commences à ne plus croire en toi
et la solitude est totale. Tu cherches à rester loin de la rue, mais tu
ne sais pas commet passer le temps. C'est pour cela que nous demandons un lieu
pour nous rencontrer et un laboratoire pouvant élaborer des projets de
formation/emploi »1023(*) Piero, un ancien toxicomane
Riccardo Gatti regrette que la méthadone soit
perçue comme un traitement en soi de la toxicomanie. La substitution ne
représente qu'un moyen de désintoxiquer l'usager de drogues, un
processus qui n'est qu'une étape parmi tant d'autres dans le processus
thérapeutique.
« L'utilisation de méthadone sur un
toxicomane par héroïne n'est pas en soi une thérapie de la
toxicomanie mais la substitution d'une substance consommée dans une
préparation et une situation peu sûre avec une autre substance et
une autre situation (le contrôle sanitaire) qui comportent de moindres
risques pour la personne »1024(*)
En outre, l'approche adoptée par le secteur public se
focalise sur les sujets démontrant des signes pathologiques issus de
leur toxicomanie. Le soin de la toxicomanie est avant tout destiné aux
consommateurs les plus flagrants au détriment des simples usagers. De
même, les consommateurs de substances « dures » telle
que l'héroïne, sont privilégiés au détriment
des consommateurs de substances
« légères »1025(*). Riccardo Gatti regrette
la trop forte orientation du dispositif public vers les
héroïnomanes au détriment des autres formes de
toxicomanie1026(*).
Les services italiens ne proposent aujourd'hui presque que des programmes de
substitution. Or, les personnes qui ont besoin de méthadone sont souvent
héroïnomanes depuis de nombreuses années. Une personne qui
n'est pas un héroïnomane chronique peut se sentir
éloignée d'un Sert qui s'occupe principalement de personnes avec
des problèmes divers des siens. Le fait que la majorité des
usagers des services socio-sanitaires présentent des problèmes
liés à l'usage d'héroïne (89,5% du total ) atteste
que les services de prise en charge des toxicomanes sont avant tout
destinés aux héroïnomanes, la substance la plus
pathologique1027(*) au
détriment des autres substances (cocaïne, THC, LSD,
amphétamines, ecstasy, benzodiazépines, alcool). On peut
affirmer, comme Roberto Gatti, à l'encontre de cet état de
fait : « Un Sert s'occupe de toxicomanies et pas uniquement de
toxicomanie pas héroïne »1028(*)
« Quand un Service [...] utilise des
médicaments de substitution, il exerce une sélection des
utilisateurs. Les personnes qui ont besoin de méthadone sont, souvent,
des héroïnomanes depuis de nombreuses années. Une personne
qui n'est pas un héroïnomane chronique peut se sentir
éloigné d'un Sert qui s'occupe, principalement, de personnes avec
des problèmes divers des siens. Si on accorde un espace aux traitements
de substitution il faut également donner un espace à ceux qui
souhaitent atteindre un état « libre de drogues »
(drug-free) »1029(*)
Cette forte spécialisation du système de soin
italien se traduit par une forte inadéquation des services
proposés face à la situation actuelle. On peut remarquer par
exemple que la population fréquentant les Set vieillit
considérablement tandis que les populations d'usagers de drogues sont de
plus en plus jeunes1030(*). Les phénomènes des drogues
synthétiques, de même que les polyconsommations, restent hors de
portée des intervenants spécialisés en
toxicomanie1031(*).
Cette incapacité s'explique en partie par les stratégies
appliquées par les Regioni, qui consistent à
opérer une division professionnelle entre les centres de traitement de
l'alcoolémie, de toxicomane et les patients affectés de troubles
mentaux. Cette séparation empêche de traiter adéquatement
les sujets qui abusent simultanément d'alcool, de psychotropes et de
stupéfiants.
« Les opérateurs de la toxicomanie ont le
bagage technique pour s'occuper des nouveaux abus de drogue mais ils
travaillent dans un système structurel, normatif et culturel
construit pour des types de problématiques différentes. Ils
risquent de rester prisonniers dans un système où ils sont
habituer à contenir et à contrôler une situation
(l'héroïnomanie) désormais stéréotypiquement
définie comme une souffrance dans laquelle le patient accepte (et est
poussé à accepter) le rôle de malade, pour se soustraire
à celui de criminel. Il s'agit d'un jeu où les parties en
questions utilisent les termes de purification (se nettoyer le sang), de
rédemption (la sortie du tunnel), de croissance (parcours de croissance,
un chemin d'espérance) et de réhabilitation qui ne sont pas ceux
des nouveaux toxicomanes »1032(*)
Cette priorité accordée essentiellement aux
consommations toxicomaniaques, c'est-à-dire les plus pathologiques,
témoigne de la nature du système de soin de la toxicomanie qui
constitue plus une politique de traitement des symptômes que de promotion
du bien être social1033(*). Fazzi note une forte ambiguïté des
Serts qui se trouvent engagés dans une démarche ambiguë
située entre une exigence de soin et une logique de contrôle
social. D'où la distinction entre un modèle de politique publique
orienté sur les symptômes qui a pour but de garantir l'ordre
social et un second ciblé sur la promotion sociale qui vise
l'intégration et l'émancipation des individus1034(*).
« Il y a toujours ceux qui souhaitent utiliser
la médecine afin d'exercer un contrôle social. Le Sert a une
« mission » thérapeutico-réhabilitative. Son
but n'est pas de méthadoniser à fort dosage le nombre maximal
d'héroïnomanes pour réduire la
micro-criminalité »1035(*)
« Si nous continuons à vouloir utiliser
le système d'intervention sur les toxicomanies comme un instrument de
contrôle et d'assistance sociale nous ne serons plus en mesure de faire
front aux nouveaux phénomènes émergents qui sont en train
de concerner des personnes qui ne sont pas marginalisées et qui ne
souhaitent pas être contenues et contrôlées en
échange de la reconnaissance d'un statut de « personnes
à délivrer et à sauver » (qu'elle ne
reconnaissent pas) »1036(*)
Les changements actuels rendent par conséquent
nécessaire une réorganisation des services
spécialisés italiens en faveur d'une prise en compte des
nouvelles consommations et des nouveaux consommateurs. Il s'agit
également de favoriser une véritable professionnalisation des
services par le biais notamment de l'établissement d'une culture
thérapeutique commune qui ne peut se réduire aux seuls
traitements de substitution. Gatti affirme d'ailleurs que le rôle de
concurrence du secteur privé amène nécessairement à
une restructuration des services spécialisés italiens :
« Les opérateurs publics de la toxicomanie devront
eux aussi se confronter à un « marché » de la
santé toujours plus préparé et agressif dans lequel il y
aura toujours moins de place pour l'approximation »1037(*).
Le système spécialisé s'est imposé
aussi bien en France, qu'en Italie comme un acteur essentiel du traitement des
toxicomanes. Il a fortement contribué à l'utilisation des
traitements de substitution. Ceux-ci ont parfois été mis en place
au détriment d'une prise en charge globale du patient. Les carences du
système spécialisé s'expliquent en partie par l'absence
d'une culture commune favorable à la considération des usagers de
drogues. La priorité accordée aux formes les plus marginales et
pathologiques de la toxicomanie (souvent réduite à
l'héroïnomanie) est à mettre en lien avec la logique
sécuritaire qui a présidé à l'organisation des
services spécialisés. Il s'agissait davantage d'exercer un
contrôle social et d'assurer une diminution des risques sociaux encourus
par la population que de prendre véritablement en charge les usagers de
drogues.
La prise en charge de la toxicomanie s'est pendant longtemps
résumé soit au seul système de soin
spécialisé dans le cas français, soit à un
système mixte dispositif spécialisé/communautés
thérapeutiques en Italie. Il existe pourtant une pluralité
d'autres acteurs impliqués directement dans le champ de la toxicomanie.
Ceux-ci vont cependant être marginalisés en raison de logiques
professionnelles monopolistiques. Le nouveau contexte des années
quatre-vingt-dix et le nouveau paradigme régissant la prise en charge de
la toxicomanie (la réduction des risques) vont alors remettre en
question la situation préalablement établie. Le système de
soin spécialisé va dès lors être contesté par
les acteurs du dispositif sanitaire de droit commun, qui vont progressivement
s'imposer.
2.3 Les acteurs
marginalisés du champ de la toxicomanie
2.3.1 L'émergence du
dispositif de droit commun
Les systèmes législatifs italien et
français prévoient un ensemble de dispositions spécifiques
concernant l'obligation de soins aux « toxicomanes ». Elle
établissant un statut d'exception de la prise en charge médicale.
Le système socio-sanitaire de droit commun (les établissements
hospitaliers, les établissements pénitentiaires et la
médecine de ville) fut pendant longtemps écarté du
dispositif de soin de la toxicomanie1038(*). Aujourd'hui, la situation a grandement
changé, et ce dispositif participe de plus en plus à la prise en
charge des addictions, notamment pour ce qui concerne les
héroïnomanies. L'épidémie de Sida et le
développement des traitements de substitution sont les principaux
moteurs de ce changement.
2.3.1.1 Les carences du
système hospitalier et pénitentiaire
L'hôpital est apparu très tôt comme le lieu
idéal du soin de la toxicomanie. En effet, la cure de sevrage permettant
la désintoxication peut prendre place au sein du milieu hospitalier qui
présente de nombreux avantages. Toutefois la relation entre le
toxicomane et la structure hospitalière est une relation de rejet
réciproque1039(*). Les toxicomanes sont très
réfractaires à une institution qui est souvent trop rigide pour
leur fournir une écoute suffisante. De même, les toxicomanes ont
un comportement trop déviant et réfractaires aux normes et sont
trop peu disposés à entamer une relation thérapeutique
suivie. Ces blocages se traduisent par une faible place de la structure
hospitalière dans la prise en charge des toxicomanies.
Le dispositif de soin français est très
significatif de cette sous-médicalisation du traitement des toxicomanes.
Les médecins hospitaliers se sont désengagés face à
la toxicomanie estimant que cela ne relevait pas de leur compétence mais
d'institutions spécialisées Ceci aussi bien dans le
système de médecine générale que pour la
psychiatrie. La présence d'un toxicomane en service hospitalier
s'accompagne le plus souvent soit d'une absence de considération, soit
d'un sevrage sec forcé, soit d'un traitement de substitution de courte
durée. Dans les trois cas, le traitement du toxicomane ne s'apparente
pas à une prise en charge globale du patient à long terme. Les
toxicomanes sont souvent contraints à abandonner le programme
thérapeutique face à la rigidité du contrat de soin.
Il apparaît ainsi très difficile d'entreprendre
un programme thérapeutique de longue durée au sein d'un service
hospitalier1040(*).
Une solution envisagée afin de ne pas concentrer tous les toxicomanes
dans un même service, que ce soit somatique ou psychiatrique, fut de
créer des « équipes de coordination et d'intervention
auprès des malades usagers de drogue » (ECIMUD)
composées d'un médecin, d'un psychologue, d'un assistant social
et d'un infirmier et qui se déplacent d'un patient à un autre
dans le suivi de programmes de substitution par exemple. Ces équipes de
liaison en toxicomanie ont été conçues à la suite
de la circulaire du 3/04/96, qui destinait une enveloppe de 47 MF pour les
nouveaux projets hospitaliers1041(*). Fin 1999, il en existait 69 sur le territoire
national. En 2000, une enveloppe supplémentaire de 38 MF a
été mise à disposition pour la création ou le
renforcement de ces équipes de liaison intra-hospitalières.
La création de réseaux
« Ville-Hôpital-Toxicomanie » date également
de 1996. Il s'agit de structures en charge d'assurer le liaison et la
continuité des soins entre les différents acteurs de la prise en
charge : services psychiatriques, services hospitaliers somatiques,
médecins généralistes, pharmaciens, centres
spécialisés en toxicomanie et services sociaux. Ces
réseaux instaurent des stratégies destinées à
substituer aux logiques d'intervention parallèles et parfois
contradictoires, une logique de partenariat. Leur nombre est aujourd'hui de 67,
répartis sur l'ensemble du territoire national. Désormais, une
collaboration efficace s'est instaurée entre les centres de soins
spécialisés et les services hospitaliers qui permette des prises
en charge plus cohérentes et complètes1042(*).
Les pouvoirs publics semblent privilégier depuis peu le
rôle de l'hôpital dans la prise en charge de la
toxicomanie1043(*). Le
milieu hospitalier présente en effet de nombreux avantages qui ne
doivent pas être sous-estimés. L'hôpital ne doit pas
être considéré comme un lieu clos mais doit participer
à l'élaboration d'un réseau de soin de la toxicomanie. Ce
réseau de prise en charge passe de façon nécessaire par
l'institution pénitentiaire1044(*). On a pu remarquer l'importance de la part des
toxicomanes parmi les personnes incarcérées, notamment en Italie
où elle atteint1/3 de l'ensemble des détenus1045(*). Les dispositifs
sanitaires et carcéraux italiens et français ont ignoré
jusqu'à la fin des années quatre-vingt le soin des toxicomanes.
Le problème était résolu par le biais des peines
alternatives telle que l'affidamento ou l'injection
thérapeutique qui permettait de déléguer la prise en
charge de certains toxicomanes au système de soin
spécialisé (cas français) ou aux communautés
thérapeutiques (cas italien). Les risques sanitaires ont imposé
un recours massif à ces mesures au cours des années
quatre-vingt-dix. En 1997, 5 985 toxicomanes italiens
bénéficiaient d'une mesure alternative tandis qu'à la
même date 8 052 toxicomanes français étaient sous le
régime de l'injection thérapeutique1046(*). Le besoin d'une prise en
charge sanitaire au sein des prison est cependant apparu comme
nécessaire.
La prise en charge des conduites addictives des personnes
détenues a longtemps reposé dans le milieu carcéral
français sur l'équipe de secteur psychiatrique qui intervient
dans l'établissement pénitentiaire (les Services
Médico-psychologiques Régionaux ou SMPR)1047(*). A ce service est venue
s'ajouter une unité hospitalière implantée dans
l'établissement et dépendant de l'hôpital le plus
proche : les Unités de consultations et de soins ambulatoires
(UCSA). La France s'est toutefois dotée d'un système
spécifique dès la fin des années quatre-vingt1048(*). Des «
antennes-toxicomanies », devenus « centres de soins
spécialisés en toxicomanie » en 1992, ont
été mis en place en 1987. Celles-ci sont rattachées aux
SMPR et prennent en charge les personnes toxicomanes dans chaque
établissement. Elles sont actuellement au nombre de 16. Les antennes
toxicomanies comportent de nombreux instruments thérapeutiques à
leur disposition. La prise en charge varie considérablement d'une prison
ou d'un service à un autre. Celle-ci va de l'accompagnement individuel
aux groupes de parole à la relaxation. L'accès aux traitements de
substitution s'est développé depuis quelques années de
manière considérable. Enfin, des « unités pour
sortants » ont été mises en place pour favoriser la
réinsertion sociale des toxicomanes. Les auteurs du rapport
ministériel sur « L'accès à la
méthadone en France » s'inquiètent cependant des
pratiques thérapeutiques observées au sein des prisons
françaises qui ne répondent pas toujours aux normes
professionnelles.
« On constate que, dans de nombreuses maisons
d'arrêt et dans de nombreuses maisons de détention, de trop
nombreux médecins demeurent hostiles à toute méthode de
traitement de la dépendance autre que le sevrage, pour des raisons
fondées sur un parti-pris idéologique, plutôt que sur
l'observation clinique et scientifique. C'est ainsi que, selon le lieu
d'hébergement carcéral, d'une prison à l'autre ou d'un
bâtiment à l'autre au sein de la même prison, les
traitements appliqués sont très divers. Souvent encore, on voit
imposer un sevrage de la méthadone ou de la B.H.D., médicaments
ramenés par certains médecins au rang de d'une drogue identique
à l'héroïne. Niant tout intérêt
thérapeutique aux médicaments de substitution, on sèvre de
tout opiacé des personnes dépendantes des opiacés, et on
fait encore dramatiquement appel à des doses historiques de
benzodiazépines, en détournant ainsi ces médicaments hors
des indications retenues dans leurs AMM »1049(*)
Le dispositif de traitement des usagers de drogues
incarcérés a considérablement évolué au
cours des dernières années. Il demeure cependant trop
centré sur le monde de la prison et requiert une majeure ouverture en
faveur des autres acteurs du système de santé. C'est dans ce sens
que le Conseil national du sida recommandait au législateur dans son
rapport remis en juin 2001 que soit mis en place « une disposition
visant à permettre le recours à un praticien extérieur,
notamment pour la prise en charge au moyen de médicaments de
substitution, pour tout usager incarcéré à qui des soins
seraient refusés ou confronté à la rupture des traitements
qu'il suit »1050(*).
Le législateur italien a fait le choix de requalifier
le personnel de l'administration pénitentiaire en 1990 (loi 162/90,
art.36)1051(*) afin de
mieux répondre aux exigences de prévention et de soin. Une prise
en charge globale a été mise en place. Elle repose, d'une part,
sur l'intervention des Sert en milieu carcéral qui demeure toutefois
assez faible, comme il a été établi auparavant, en raison
d'un ensemble de réticences aussi bien de l'institution carcérale
que des opérateurs du service public. Le législateur a, d'autre
part, prévu la création « d'institution à garde
atténuée pour le traitement des toxicomanes » et de
services de toxicomanies au sein de certaines prisons1052(*). Ce processus
répond à une logique de « circuits
différenciés » afin de reconnaître les besoins
spécifiques de la population toxicomane. La réalisation de ces
structures est cependant très insuffisante1053(*). Les interventions
demeurent fortement marquées d'une dimension répressive et
« paralysante ».
Les systèmes carcéraux français et
italiens ont développé un double circuit de prise en charge. Ils
reposent, d'une part, sur l'intervention d'acteurs extérieurs au domaine
carcéral qui effectuent un suivi des toxicomanes selon le modèle
du réseau de santé. Leur présence reste cependant faible
pour des raisons culturelles. Les prisons ont mis en place, d'autre part, des
structures de soin internes qui effectuent une prise en charge médicale
(traitements de substitution) des toxicomanes incarcérés. Une
question apparaît dès lors : quelle valeur
thérapeutique peut-on attribuer à l`institution
carcérale ? Celle-ci part d'un principe contraire à la
logique de soin. La prison c'est avant tout le lieu d'expiation de la
faute1054(*). Le
principal obstacle au rôle thérapeutique de la prison est d'ordre
culturel. Comme le rappelle Massimo Barra : « L'esprit d'un
service est donné par ceux qui le gèrent. Il ne suffit pas de
mettre en place des intervenants conventionnés pour modifier une culture
et une routine qui a de façon traditionnelle d'autres
priorités »1055(*). La prison n'est pas en soi une institution
thérapeutique. En revanche, elle a un rôle important, comme
l'affirme Bruno Bertelli, dans l'établissement d'un réseau et
d'une chaîne thérapeutique. Encore faut-il pour cela que la prison
ouvre ses portes à d'autres intervenants mais, surtout, à une
véritable culture de la réduction des risques.
« Elle [la prison] peut, en revanche, devenir le
lieu dans lequel, conjointement au condamné, est développé
un projet et vient préparé un parcours thérapeutique et,
de façon plus générale, sont jetées les bases, ou
tout du moins les stimulants et les opportunités, pour entreprendre un
parcours de réhabilitation sociale. Il est par conséquent
nécessaire d'investir ce lieu, soi par le renforcement des professions,
soi par le renforcement des contenus, soi encore dans l'implication de
nouvelles ressources (internes, externes, de service, relationnelles,
financières, etc.) [...] Il est impensable qu'il soit suffisant de
contenir les pathologies par des actions de contrôle social ou de
réduire le « risque social » produit du délit
par des actions d'endiguement et de gardé
temporaire »1056(*).
2.3.1.2 Le dispositif de
médecine de ville
Les système de médecine de ville a pendant
longtemps été exclu du soin de la toxicomanie. La
« pathologie toxicomaniaque » a conduit à la
constitution d'un ensemble de structures spécialisées aussi bien
en France, qu'en Italie. Les médecins généralistes ont
été exclus de la prise en charge de la toxicomanie à
l'inverse du système anglais qui prévoyait une libre prescription
d'héroïne puis de méthadone par les médecins de
famille. Le système italien a pourtant ouvert la possibilité d'un
traitement de substitution par méthadone suivi par les médecins
généralistes. Celui-ci fut toutefois très peu
utilisé et la majeure partie des traitements de substitution ont lieu au
sein des services spécialisés. Le système français
prévoyait une première substitution par Subutex pour les
généralistes, tandis que la méthadone est longtemps
restée l'exclusivité des centres spécialisés et du
milieu hospitalier. Là aussi les médecins
généralistes eurent très faiblement recours aux
traitements de substitution qu'ils réservaient aux professionnels de la
toxicomanie.
Les médecins généralistes, aussi bien en
France, qu'en Italie, paraissent faiblement mobilisés en matière
de toxicomanie. Les études françaises (Cf.
EVAL1999-20011057(*))
situent généralement la part de médecins prenant en charge
des toxicomanes entre 15 et 30%, mais seulement 2 à 5% ont recours aux
traitements de substitution1058(*). Le mouvement semble présenter des
difficultés à s'étendre au-delà d'une
minorité de militants et de convaincus. La propension des
médecins à travailler en réseau semble également
très limitée. Au total, 15% seulement des patients
interrogés disent avoir reçu la proposition par un médecin
d'une aide apportée par un autre intervenant. Le pharmacien se trouve en
revanche plus engagé au sein du dispositif de prise en charge. En 1998,
l'enquête IMR a confirmé le haut niveau d'implication des
pharmaciens d'officine puisque près de 60% déclaraient
délivrer des traitements de substitution. Le niveau d'implication
général reste cependant très inégal1059(*). D'après le bilan
(décembre 2001) des comités de suivi de l'exercice 1999, 14% des
médecins sont impliqués, de 2 à 46% selon les
départements, 30% des pharmaciens avec des écarts de 2 à
100%.
La place des médecins généralistes dans
la prise en charge des toxicomanes est pourtant décisive. La diffusion
actuelle de la toxicomanie appelle des réponses de
proximité1060(*). La moitié des usagers de
drogue ne prennent pas contact ou trop tardivement avec le dispositif
spécialisé. Les généralistes, par leurs
permanences, stabilité et disponibilité, leur diffusion
géographique, les possibilités administratives de remboursement
de soins, leur caractère non spécialisé, leur connaissance
du milieu familial et leurs réseaux de partenaires (pharmaciens,
spécialistes, hôpitaux...), ont une base structurelle pouvant
compléter utilement le dispositif spécialisé.
Surmontant ces réticences et ces difficultés un
petit nombre de généralistes a développé puis
formalisé une pratique coordonnée au sein de la profession et
auprès du dispositif spécialisé en prenant une structure
de réseau ; ils ont ainsi renforcé mais également ouvert
de nouvelles possibilités de prises en charge1061(*). Ces travaux communs ont
mieux permis d'aborder les sevrages ambulatoires. En effet,
ils ont par exemple montré récemment que beaucoup de situations
sont tout à fait compatibles avec un sevrage au domicile. En ce domaine,
d'autres voies sont explorées actuellement. Par exemple, la vente des
seringues ou du Néocodion° à un toxicomane devrait
être l'occasion d'une orientation ou d'une articulation entre le
pharmacien et le médecin de proximité. Comment
dès lors rendre compte des réticences témoignées
par le réseau de médecine de ville ?
Une forte contrainte restreignant l'accueil des usagers tient
à la violence fréquente développée au cours de la
prise en charge, et à la complexité de leurs relations avec les
praticiens1062(*). La
relation entre médecin et usager de drogue, même sans conflit,
s'engage en outre bien souvent sur une série de quiproquos relatifs aux
motivations du patient, induits notamment par les difficultés sanitaires
et sociales auxquelles ces derniers sont soumis. La nature même des soins
à apporter est sujette à une réévaluation constante
et à des négociations. Enfin, certains praticiens, pour des
raisons morales, éthiques ou par anticipation d'un mauvais suivi des
prescriptions de la part des usagers de drogue en général,
refusent tout simplement les prises en charge ou se bornent à
répondre à une demande de substitution sans envisager l'ensemble
des problèmes somatiques rencontrés (en particulier liés
au VIH). Les rares médecins prescripteurs rencontrent également
de nombreux obstacles posées par la législation qui constitue un
obstacle à leur libre exercice.
Un exemple récent est particulièrement
significatif. Il s'agit de la mise en cause d'un médecin prescripteur de
médicaments de substitution dans le cadre d'une affaire d'infraction
à la législation sur les stupéfiants fondée sur ses
pratiques médicales1063(*). Médecin généraliste, cette
femme, très engagée dans les soins aux usagers de drogues et dans
la prise en charge du VIH, a été mise en examen pour «
facilitation d'usage de stupéfiants » au motif d'une prescription
jugée abusive de Subutex, dont le principe actif (la
buprénorphine) ne figure pas au tableau des stupéfiants.
Placée sous contrôle judiciaire par le tribunal de Nemours, elle a
été temporairement interdite de toute pratique de prise en charge
impliquant des médicaments de substitution ou autres produits
psychoactifs (tranquillisants, somnifères, antidépresseurs). Les
dossiers médicaux de ses patients ont été saisis. Si les
poursuites et l'interdiction partielle d'exercer ont depuis été
annulées, ces derniers sont restés pour un temps
injustifié dans les mains de la justice compromettant ainsi les
principes d'anonymat et de secret professionnel1064(*).
Une telle initiative n'est pas isolée ; plus
récemment, un médecin parisien prescripteur de Subutex a lui
aussi été mis en examen par un juge d'instruction pour «
incitation à l'usage de stupéfiants et mise en danger de la vie
d'autrui » et sa pratique professionnelle a été soumise au
même type de contrôle judiciaire. Touchant ici les médecins
prescripteurs, ces difficultés sont également rencontrées
par certains pharmaciens, puisqu'ils remplissent une fonction de «gardiens
des toxiques », et se trouvent pris entre les usagers, les médecins
et la loi, au coeur d'injonctions parfois paradoxales. Des procédures
judiciaires à leur encontre, pour des faits de délivrance de
médicaments de substitution, sont également
régulièrement entamées.
Le problème réside enfin selon Pascal Coutry
dans le manque de formation des médecins généralistes qui
sont habilités à prescrire des traitements de substitution et
notamment le Subutex « sans avoir reçu au préalable une
formation ou sans être inscrit dans une pratique de
réseau »1065(*). Les médecins ne perçoivent souvent
pas le rôle dont ils sont porteurs et attribuent la prescription de
traitements de substitution aux spécialistes de la toxicomanie.
« Le peu d'intérêt porté aux
soins du toxicomane par l'université fait que beaucoup de praticiens
n'ont aucune connaissance de la prise en charge des usagers de drogue. C'est
certainement une des raisons principales du détournement de ce produit.
Mal connu des prescripteurs, mal prescrit, non accompagné par un suivi
socio-éducatif, le Subutex devient l'objet de détournement et de
mésusage »1066(*)
De nombreux rapports mettent en avant l'importance du
réseau de médecine de ville dans la prise en charge des
toxicomanes, notamment par le biais des traitements de substitution1067(*). Le médecin
généraliste est en mesure d'une part de préciser la
situation du patient au regard de sa toxicomanie (type de produit,
ancienneté de la consommation, niveau d'addiction) et d'évaluer
d'autre part son état de santé, notamment les problèmes
infectieux1068(*). Le
pharmacien assure également une place dans la constitution de ce que
Pascal Courty appelle un « réseau de
substitution »1069(*). La prise en charge du toxicomane ne peut
être conçue que dans le cadre d'une collaboration entre le
médecin généraliste, le pharmacien et le secteur
spécialisé. Gagnon affirme ainsi que « la qualité du
triangle relationnel patient-médecin-pharmacien » constitue une
condition à la bonne prise en charge du patient »1070(*)1070(*) .
« Pour notre part, nous indiquons toujours sur
l'ordonnance le nom du pharmacien de référence qui assurera la
distribution du produit [de substitution]. Ce pharmacien est toujours
désigné par le patient. Cela permet de former autour de l'usager
un véritable réseau que nous pourrions appeler un réseau
de substitution, car il se substitue effectivement au réseau de dealers
et d'autres usagers antérieurement constitué ». Il
ajoute que « outre le dialogue entre l'usager et son, prescripteur,
il est capital qu'il y est des liens fréquent entre le médecin et
le pharmacien qui s'occupe du même patient » 1071(*).
On peut remarquer que de nombreux progrès ont
été réalisés dans cette direction récemment.
La circulaire du 30 janvier 20021072(*) a ouvert la possibilité à tout
médecin exerçant en établissement de santé
d'engager un traitement par la méthadone. Cette disposition, attendue
depuis près de deux ans, créé une situation nouvelle et
ouvre une deuxième « porte d'entrée » pour
accéder à un traitement de méthadone par
l'intermédiaire des établissements de santé. Cette
décision laisse présager une amélioration du réseau
de prise en charge. Le Conseil national du Sida prend acte dans son rapport de
juin 2001 des améliorations réalisées en la
matière. Il établit également la nécessité
de mettre fin au régime d'exception de la prise en charge de la
toxicomanie, et notamment de l'injonction thérapeutique. Il s'agit de
réinscrire la toxicomanie dans le système de santé de
droit commun et de réaffirmer le rôle joué par le
dispositif de médecine de ville.
« Aujourd'hui, la situation a grandement
changé, et nombreuses sont les personnes qui s'adressent à la
médecine de ville ou à la médecine hospitalière
pour le traitement de leur addiction. Le développement des traitements
de substitution est un des principaux moteurs de ce changement. Cette
évolution est incontestablement favorable à l'amélioration
des soins des usagers de substances psychoactives, ne serait-ce que par la
pluralité des aides et par la diminution des attitudes discriminatoires
qu'elle rend possible. Pour continuer dans ce sens, il apparaît
nécessaire de décloisonner encore les divers secteurs et
dispositifs concernés. Cette évolution passe par l'actualisation
des modes d'organisation et de réglementation en vigueur. Elle
nécessite la révision de la législation d'exception que
constitue la loi de 1970 »1073(*)
« Cette initiative doit conduire à la
refonte des livres 3 (« alcoolisme ») et 4 (« toxicomanie
») de la troisième partie du Code de la santé publique
(« Lutte contre les maladies et les dépendances »).
L'organisation légale de la prise en charge sanitaire a vocation
à être énoncée dans les mêmes termes pour
l'ensemble des dépendances aux drogues, quelle que soit leur statut
légal, dans la mesure où il s'agit ici clairement de
problèmes de santé similaires. Il n'appartient pas à
l'autorité judiciaire d'intervenir sur l'aspect médical de la
prise en charge de la dépendance considérée d'un
individu »1074(*)
Le réseau de santé de droit commun a pendant
été longtemps marginalisé de la prise en charge des
toxicomanes, aussi bien en raison des réticences
présentées par les praticiens que par une orientation favorable
à la constitution d'un système spécialisé. La
multiplication des risques sanitaires encourus par les toxicomanes a cependant
rendu nécessaire un rééquilibrage au profit du
système hospitalier et du dispositif de médecine de ville. A la
logique de concurrence entre acteurs s'est substituée, notamment en
France mais de façon bien moindre en Italie, une logique de partenariat.
Il s'agit désormais d'établir un réseau afin de faciliter
une prise en charge globale du patient. Le milieu carcéral reste
toutefois une exception dans le système de prise en charge des
toxicomanes en raison d'un ensemble de réticences d'ordre
idéologiques et culturelles.
Le dispositif de soin de la toxicomanie est progressivement
passé d'un système clos, dans lequel seuls les acteurs les plus
spécialisés étaient légitimes, à un
réseau ouvert dans lequel interviennent une pluralité d'acteurs
divers dans une logique de partenariat. Les critères de
légitimité d'intervention dans le champ de la toxicomanie ont
été réévalués à l'aune de la nouvelle
configuration. Des ressources et des modes d'expertise innovants ont
été développé afin de mieux répondre aux
urgences sanitaires et sociales vis-à-vis desquelles le dispositif
spécialisé demeurait impuissant. C'est par ce biais que de
nouveaux protagonistes, auparavant inexistants ou presque, ont progressivement
émergé au cours des années quatre-vingt-dix.
2.3.2 L'émergence de nouveaux protagonistes
2.3.2.1 La reconnaissance
du rôle de la famille
Le concept de famille, comme le rappelle Sylvie Angel, s'est
pendant très longtemps réduit en matière de toxicomanie au
couple parental1075(*). La mère était assimilée de
façon réductionniste à l'image de la castratrice, tandis
que le père était perçu comme un être passif et
détaché de la famille. Ces conclusions s'appuyaient sur un
ensemble de points communs aux familles des toxicomanes (absence de la figure
du père, forte possessivité de la mère), qui ne sont pas
par ailleurs dénués de véracité1076(*). L'attitude des
intervenants était alors durant les années soixante-dix celle de
la stigmatisation de la famille. L'idée de travailler avec la famille
était « quelque chose qui avait une fonction normative,
socialement péjorative »1077(*). Deux types de courant de pensée refusent de
considérer la famille comme une ressource potentielle dans la
prévention et la thérapie du toxicomane. D'une part le
modèle permissif qui considère l'usage de substances comme
étant un choix individuel et qui établit que seul
l'usager lui-même peut mettre fin à sa consommation. La famille
n'a dès lors pas de rôle à jouer dans ce choix1078(*). D'autre part les
politiques répressives refusent également un rôle à
la famille.
L'image de la famille s'est progressivement transformée
au cours des années quatre-vingt par l'étude du schéma
familial et du rôle de la famille joué dans la
toxicomanie1079(*).
Des études ont mis en évidence l'importance des troubles d'ordre
familiaux dans les conduites déviantes. Donati évoque à ce
propos la présence de « difficultés relationnelles qui
provoquent un vide lors de la construction de l'adolescent1080(*). Khanzian envisage alors
l'usage de substances stupéfiantes comme une
« automédication » pour compenser les
mécanismes de défense du soi1081(*). Dans un autre registre, les modèles
parentaux de comportement influencent les consommations de substances
psychoactives en déterminant l'acquisition des habitus1082(*)1082(*). Le rapport à
l'alcool (principalement pour le père) ou aux médicaments
psychotropes (essentiellement chez la mère) semblent avoir une valeur
prédictive sur la consommation de substances psychoactives chez
l'adolescent. Les opinions des parents, plus ou moins laxistes ou restrictifs,
semblent également participer aux facteurs prédictifs. Il est
toutefois nécessaire de rappeler qu'il s'agit là de
phénomènes complexes qui ne s'apparentent pas à des causes
unilatérales mais plutôt à des facteurs à
risque1083(*).
Ces analyses ont toutefois permis de réévaluer
la place de la famille dans les processus de prévention et de soin de la
toxicomanie. La conception qui analyse l'état de toxicomanie comme un
conflit non résolu permet en effet de comprendre que le
dépassement de la dépendance ne peut pas se limiter à un
état d'abstinence. Le rôle accordé à la famille en
matière de toxicomanie est triple1084(*) : tout d'abord en terme de prévention
de l'usage de substance (prévention primaire), puis dans la
thérapie elle-même c'est-à-dire le dépassement de
l'état de dépendance, et enfin dans la réinsertion
sociale. La famille exerce une fonction essentielle dans la prévention
primaire. De nombreux projets prennent dorénavant en compte ce
protagoniste indispensable. Il existe toutefois différentes
façons d'impliquer la famille1085(*). La prévention peut se réduire
à la transmission d'un message plus ou moins alarmiste qui vise à
renforcer le rôle coercitif joué par la famille. Les parents sont
d'ailleurs très perméables à ce type d'information car ils
y trouvent la légitimation de leurs propres peurs. Ces messages de
prévention sont très fréquents aux Etats-Unis. Leur
objectif est avant tout de sensibiliser les familles aux problèmes de
l'adolescence afin d'améliorer le contrôle parental exercé
sur les adolescents. Cette idée d'un contrôle social comme
prévention de la toxicomanie est très forte aux
Etats-Unis1086(*).
Une autre démarche, plus constructive, est celle de
réintroduire les parents dans les démarches de prévention.
La médiation est l'une de ces nouvelles formes de
prévention qui vise à retisser du lien social au sein de la
famille et qui implique la légitimation de nouvelles figures
professionnelles. Les actions menées depuis une dizaine d'années
en Europe en terme de prévention participent, selon Faugeron et
Kokoreff, à l'élaboration de nouveaux référentiels,
comme la famille1087(*)1087(*). Il s'agit, comme le résume Maria Pia Lai
Guaita, d'établir un rapport non plus d'opposition mais de
référence par la modification de la relation
fils/parent1088(*). On
peut remarquer que la brochure éditée récemment en France
par la MILDT reconnaît l'importance d'établir d'un dialogue entre
les jeunes et la famille1089(*).
La prévention implique également une meilleure
information des parents afin d'aller à l'encontre des
propos alarmistes. Une enquête qualitative réalisée au
Canada sur la perception des parents à l'égard des usages de
drogues révélait que ceux-ci ont le sentiment d'être mal
informés sur les drogues1090(*). Il existe un large fossé entre la
perception des parents et celles des enfants. Il s'agit de renforcer les
capacités individuelles des parents afin de mieux affronter les
problématiques liées aux substances. Ceux-ci ne savent souvent
pas quelle réaction adopter face aux problèmes de
substances1091(*). Il
existe dans les dispositifs de prévention de la toxicomanie un manque de
structures adaptées à de tels cas. Les parents n'osent pas en
effet se tourner vers les structures de soin spécialisées qui
sont orientées vers les consommations de drogues dures. C'est le cas par
exemple du système italien où les Serts présentent une
trop forte spécialisation vers ce type de drogue.
Le second niveau d'implication de la famille, tout aussi
essentiel, est la thérapie du toxicomane. Ce rôle
fut développé dès les années quatre-vingt en France
à travers les « thérapies familiales »
1092(*) qui se sont
imposées comme un instrument important de la chaîne
thérapeutique. La famille peut occuper une pluralité de
rôle dans le traitement, l'important est que ce rôle soit
accepté et reconnu au sein de l'équipe thérapeutique.
« En réalité les familles peuvent
aussi entrer dans le système de soin [...] Les familles entrent souvent
parmi les facteurs qui ont favorisé ou au moins n'ont pas fait obstacle
à l'installation de la pathologie [...] Toutefois, si l'on arrive
à transformer la famille d'adversaire à patient et de patient
à aide, les effets du traitement en seront favorisés. La famille
peut être aidée et formée à comprendre quels sont
les déterminants et les facteurs à risque pour les affronter et
reconnaître les facteurs protecteurs [...] On peut ainsi prévoir
différentes formes d'implication, comme la participation aux cycles de
traitement ou des moments spécifiques de formation et la participation
à des groupes d'entraide. La coopération entre les familles qui
vivent des conditions similaires de souffrance et de malaise et entre les
services peut donner vie à des ressources significatives
»1093(*)1093(*)
La famille était entendue jusque là comme la
famille d'appartenance du toxicomane. Certains intervenants ont mis en place
une modalité thérapeutique, plus spécifique à la
France, fondée sur la famille au sens générique. Il s'agit
de la famille d'accueil. Une famille se propose ainsi d'héberger un
toxicomane afin de le faire bénéficier de l'harmonie d'une vie
familiale et de le conduire vers la réinsertion. Ces familles sont en
lien continu avec des centres de soins ambulatoires. Cette méthode
représente environs 150 places en France1094(*).
Les parents ont également retrouvé un nouveau
sens dans le secteur de la toxicomanie à travers les groupes
d'entraide (auto-aiuto)1095(*). Il s'agit de groupes constitués de parents
de toxicomanes qui visent à s'échanger des informations,
expériences permettant ainsi d'adopter une pluralité d'approches
et de points de vue sur les problèmes auxquels ils sont
confrontés quotidiennement en temps que parent de toxicomane. Les
groupes de parents promeuvent fréquemment des programmes de
prévention adressés aux familles. Ce type de groupes existent
toutefois très peu en Italie comme le note Riccardo Gatti1096(*). L'association
«Genitori ed Amici «Insieme contro la Droga»» (Parents et
amis «Ensemble contre la drogue») témoigne de ce nouveau
rôle de la famille1097(*)1097(*). Cette association a été
créée en 1987 auprès de la fondation Villa
Maraini. Son motif premier était celui de se poser en groupe de
pression auprès de l'administration communale de la ville de Rome face
au refus de la municipalité de prendre en compte les difficultés
financières de la Fondation. L'association a été
également l'occasion pour les parents de confronter leurs
expériences « personnelles » de la toxicomanie.
La famille constitue un acteur qui a pendant longtemps
été marginalisé. Cela s'explique aussi bien par les
réticences de la famille elle-même à reconnaître son
implication que celles des intervenants de la toxicomanie à accepter
qu'un acteur extérieur puisse contribuer au travail de prévention
et de thérapie qui leur incombe. Les ressources familiales sont
cependant cruciales et ne peuvent pas être négligées que ce
soit en terme de prévention ou de soin de la toxicomanie. La famille a
longtemps été écartée du dispositif avant tout
parce qu'elle était considérée comme fautive du
comportement toxicomaniaque. Les toxicomanes, considérés soi
comme les principaux responsables de leur toxicomanie, soi à l'inverse
comme totalement irresponsables, sont restés les objets du
système de soin sans qu'on leur accorde un droit d'entrée dans le
champ clos de la toxicomanie.
2.3.2.2 Les toxicomanes
comme acteurs du champ de la toxicomanie : la naissance des groupes
d'autosupport
Les groupes d'autosupport constituent un
phénomène significatif de l'intervention des
toxicomanes1098(*).
Ces groupes ont en commun un type de compétence légitimée
non par un diplôme mais par une expérience vécue.
L'intervention des toxicomanes au sein du champ de la toxicomanie s'effectue
désormais de façon distincte, il s'agit avant tout de militants
qui prétendent occuper un rôle spécifique au nom de leur
compétence personnelle. Les groupes d'autosupport ont connu un important
développement en France au début des années
quatre-vingt-dix. L`épidémie de VIH/Sida a donné naissance
à plusieurs associations face à l'inefficacité des
pouvoirs publics1099(*). Les groupes d'autosupport ont
bénéficié dès lors d'une forte reconnaissance des
autorités publiques1100(*)1100(*). Les groupes de toxicomanes d'autosupport sont en
revanche très peu diffusés en Italie1101(*). Deux types de groupe
d'auto-support sont apparus en France, l'un est semblable au modèle
anglo-saxon de « self-help » (groupes d'entraide),
représenté par les Narcotiques Anonymes, et l'autre
correspond au modèle hollandais (Rotterdam Junkie Bond) de
« l'interest group » (groupe
d'intérêt), représenté par l'association
Auto-Support des Usagers de Drogue (ASUD)1102(*).
Les groupes d'entraide existent pour de nombreuses
pathologies1103(*)
(épilepsie, diabète, alcoolisme, etc.) et présentent un
double objectif : un échange d'information sur le sujet et une
amélioration des capacités individuelles à vivre le
problème grâce au partage d'expériences extérieures.
Les groupes de pairs sont pourtant peu développés dans le secteur
de la toxicomanie aux opiacés, ils correspondent surtout au tabagisme ou
à l'alcoolisme. Ce processus rentre dans le cadre d'une
prévention tertiaire, c'est à dire dans le but de prévenir
la rechute d'anciens consommateurs de substances1104(*). Ce modèle
calqué sur le mouvement des Alcooliques Anonymes,
présente de fortes parentés avec les communautés
thérapeutiques1105(*) : traitement prenant le comportement pathologique
comme objet, soutien par le groupe des pairs. Mais alors que les
communautés thérapeutiques s'appuient sur les ressources de
l'espace clos et de la rupture avec la vie ordinaire, c'est dans la cité
que les Narcotiques Anonymes déploient leur réseau
d'autosupport.
Les Narcotic Anonimous ont été
fondés en 1953 à Los Angeles en Californie1106(*). L'idée se fonde
sur l'expérience des Alcoolistes Anonymes effectuée
à New York durant les années trente. Quelques toxicomanes ayant
trouvé de l'aide chez les Alcooliques Anonymes
décidèrent d'adapter ce programme à leurs besoins
spécifiques. Pendant plusieurs années, l'association s'est
développée lentement, touchant les autres grandes villes
américaines, puis l'Australie dans les années 1970. Elle a pris
son plein essor à partir des années 1980, plusieurs milliers de
groupe fonctionnant aujourd'hui dans le monde (Brésil, Colombie,
Allemagne, Inde, Irlande, Japon, Nouvelle-Zélande, Angleterre...). En
France, la première réunion des Narcotiques Anonymes
s'est tenue à Paris en 1984. L'association s'est
développée au cours des années quatre-vingt à Paris
mais aussi à Nice, Lille ou encore Marseille. Actuellement, en 1996
chaque semaine, quarante et une réunions se déroulent dans la
région parisienne, dont quatre en langue anglaise Elles sont
fréquentées selon les estimations par 500 à 600
personnes.
Les Narcotiques Anonymes considèrent la
toxicomanie comme une maladie de la dépendance1107(*)1107(*). La dépendance est envisagée comme
une maladie physique (incapacité de s'arrêter après avoir
commencé), mentale (désir insurmontable de consommer, même
si cela détruit l'existence) et spirituelle (égocentrisme ou
impression de pouvoir s'arrêter en dépit de l'évidence du
contraire). C'est une maladie incurable (comme le diabète), sa
progression peut être arrêtée, le rétablissement est
possible, mais non la guérison. Une personne ayant été
toxicomane ne peut pas établir un rapport équilibré avec
la substance. L'unique solution serait alors d'intégrer
l'identité de « malade chronique » et ne plus avoir
de rapports avec la substance. C'est, par exemple, ce que l'on peut voir chez
les anciens alcooliques. Les Narcotiques Anonymes encouragent donc ses
membres à observer une abstinence complète de toute drogue,
alcool inclus. La thérapie consiste également à retrouver
une nouvelle conception de soi-même mais aussi un nouveau rapport
à autrui1108(*). Le but est de promouvoir certaines valeurs
fondamentales telles que l'honnêteté, l'ouverture d'esprit et la
bonne volonté.
Les membres de NA refusent l'utilisation de toute substance
dont les programmes de substitution. La notion d'expertise technique est peu
présente au sein de NA, il ne s'agit pas de participer à la
définition et l'orientation des politiques publiques en matière
de toxicomanie. Les compétences apportées par NA relève de
l'ordre thérapeutique : « La valeur thérapeutique
de l'aide apportée par un dépendant à un autre est sans
égale. Un dépendant est la personne la mieux placée pour
comprendre et aider un autre »1109(*)1109(*). Le groupe fonctionne à partir du principe
d'identification, il s'agit de voir dans l'autre usager un
modèle1110(*).
Les groupes d'autosupport fondent et légitiment également leur
compétence sur une expérience de vie. Il s'agit de faire
reconnaître la légitimité des usagers de drogue à
intervenir dans leur propre sphère. Ces groupes de toxicomanes
autogérés sont d'ailleurs souvent apparus, comme c'est le cas en
Italie, à partir d'une critique des intervenants de la toxicomanie.
« L'autosupport peut être définie
comme une volonté des patients de mettre l'accent sur leur
expérience et leur autonomie pour se soigner, s'aider ou défendre
leurs droits. L'autosupport part du principe que les besoins des patients ne
sont pas suffisamment, ou mal, pris en compte par les institutions et les
professionnels : le soutien entre pairs leur apparaît comme une
manière de pallier ces déficiences »1111(*)
Dans la lignée de NA, l'association Auto Support
des Usagers de Drogue (ASUD) s'est constituée en France en 1992,
par la publication d'un Manifeste dans lequel est dressé un
constat catastrophique de la situation sanitaire et sociale des usagers de
drogue en France1111(*). ASUD se distingue néanmoins radicalement de
NA du fait qu'elle ne souhaite pas simplement avoir un rôle
thérapeutique mais aussi politique en affirmant les droits des
toxicomanes. L'éditorial du premier numéro de ASUD
journal affirmait : « Des usagers de drogue qui
s'organisent pour prendre, ou pour reprendre, la parole...pour
témoigner, pour se faire l'écho de nos premiers pas d'usagers
citoyens responsables à part entière...Nos
priorités : d'une part la prévention des risques sanitaires
qui nous menacent (à commencer par le Sida) et d'autre part le respect
des droits de l'homme. Que ce journal soit comme un pavé blanc dans la
mare des préjugés et des
indifférences... »1113(*).
D'où une première distinction entre les deux
associations : tandis que NA vise à endiguer les conduites d'usage
de drogues, ASUD a pour objectif de prévenir les comportements à
risques. Les revendications d'ASUD portent aussi sur l'extérieur c'est
à dire envers la société elle-même (suppression de
l'injonction thérapeutique, accès facilité aux seringues,
mise en place de programmes de méthadone, etc). ASUD Journal,
conçu pour et par des toxicomanes, sert de support au
développement de l'association. L'intérêt de la
participation des toxicomanes aux actions de réduction des risques se
fonde sur l'hypothèse suivante : « Pour que l'information
soit entendue, comprise, et surtout produise un changement de comportement,
elle doit pouvoir s'intégrer aux comportements habituels d'un groupe
social donné. Autrement dit, un groupe social ne peut s'approprier un
nouveau comportement si un changement n'apprait pas justifié par les
normes et les valeurs du groupe. Ces normes et ces valeurs sont difficilement
maîtrisables de l'extérieur »1114(*)1114(*).
La principale revendication (au delà de la mise en
place des programmes de substitution) d'ASUD est le partage de l'expertise afin
qu'elle ne soit plus réservée aux professionnels de la
toxicomanie. Il s'agit de faire reconnaître la légitimité
des usagers de drogue à intervenir dans leur propre sphère. Cette
reconnaissance a été facilitée du fait de l'existence
préalable de groupe d'autosupport dans le champ du Sida qui ont promu la
figure du « patient réformateur »1115(*). L'association publie
diverses brochures informatives (souvent en collaboration avec les pouvoirs
publics) qui font passer un message de prévention
« accessible » dans le but de faire profiter aux usagers de
drogue de l'expérience accumulée par la communauté. ASUD a
mis également à la disposition des intervenants en toxicomanie un
ensemble d'usagers de drogue aptes à collaborer à des dispositifs
de réduction des risques (bus d'échange de seringues, boutiques,
etc.). Ils jouent alors un rôle de médiateur entre les usagers et
les institutions aussi bien dans la prévention que dans le soin de la
toxicomanie1116(*).
Les deux modèles de ASUD et NA présentent de
nombreuses distinctions. ASUD se présente avant tout comme un groupe de
pression qui cherche à faire reconnaître son expertise
auprès des autorités publiques afin d'exercer un droit de parole
dans la définition des politiques de la toxicomanie. Pour le groupe NA,
en revanche, il ne s'agit pas de mener une lutte sociale mais d'affronter la
substance elle même. NA n'exerce aucune action directe au sein de
l'espace publique, il s'agit avant tout d'un groupe de parole1117(*). Pourtant les deux cas
traduisent un même phénomène : la reconnaissance et
l'affirmation du toxicomane comme acteur. Les groupes d'auto-support
constituent le moyen de réintégrer le toxicomane non seulement au
sein du dispositif sanitaire (comme par le biais des Narcotiques
Anonymes) mais également au coeur de la définition des
politiques publiques (comme par exemple avec ASUD). Le toxicomane est
passé du rôle de « malade/ délinquant/
victime » à celui de protagoniste.
Conclusion
L
e principe de la réduction des risques a
été reconnu et affirmé au cours des années
quatre-vingt-dix par l'ensemble des politiques européennes en
matière de toxicomanie. Ce phénomène a permis de
réduire de façon drastique les risques liés à
l'infection de VIH/Sida et d'éviter de ce fait une catastrophe
sanitaire. Son application a cependant donné lieu a des situations
profondément hétérogènes. C'est ainsi que certains
pays ont bénéficié d'une longueur d'avance (Royaume-Uni,
Pays-Bas), d'autres ont réussi à mettre en place une
réduction des risques de façon tardive mais avec succès
(Suisse, Allemagne) tandis que d'autres pays enfin, comme la France et
l'Italie, ont fait preuve de nombreuses résistances au changement de
politique dont le bilan reste très contrasté. Les raisons de
cette transition difficile méritent d'être
résumées.
Les études comparatives posent de façon
systématique la question de l'ordre des facteurs explicatifs entre le
général et le particulier. Dans leur ouvrage visant les
succès et les échecs des politiques publiques, M.Bovens, P.'t
Hart et G. Peters ont tenté d'isoler et de hiérarchiser ces
facteurs1118(*). Ils
en concluent au rôle déterminant des facteurs institutionnels, en
premier lieu ceux liés aux traditions et à l'organisation des
secteurs. Ils isolent en outre deux principes discriminatoires au niveau du
contexte national et politique : d'une part, le style consensuel ou
conflictuel adopté dans la conception et la conduite des
politiques ; d'autre part, le type de rapports établis entre les
intervenants gouvernementaux et ceux de la société civile. Monika
Steffen déduit à partir de ces facteurs un principe :
« Lorsqu'il s'agit de traiter un problème nouveau, encore mal
défini et en évolution rapide, la chance de courir à
l'échec est d'autant plus grande que l'empreinte du passé est
forte et que les réseaux sont fermés »1119(*). Ces principes fournissent
des clefs d'analyse utiles à la compréhension des cas
français et italien.
L'exception française s'explique à la fois par
la tradition culturelle et par une résistance au changement des
différentes catégories d'acteurs1120(*). Le système
français de prise en charge de la toxicomanie s'est progressivement
constitué au cours des années soixante-dix autour d'une culture
thérapeutique spécifique et homogène : dans le cadre
d'un objectif d'abstinence, lui-même lié à un modèle
de santé curative, les professionnels de la toxicomanie retenaient la
psychothérapie comme seul outil thérapeutique valable et
rejetaient de ce fait une médicalisation du traitement. Le dispositif de
la toxicomanie est devenu progressivement autonome au cours des années
quatre-vingt au détriment des pouvoirs publics qui sont demeurés
pendant longtemps des dispensateurs de crédits n'osant pas remettre en
cause le consensus établi par les spécialistes.
L'épidémie de VIH/Sida a fortement
contribué à déstabiliser l'équilibre
précédemment établi en remettant en cause les
finalités du système. Ce processus n'a cependant pas
été immédiat. L'amalgame Sida/toxicomanie a
été pendant longtemps refusé aussi bien par les
professionnels de la toxicomanie que par la classe dirigeante française.
La lutte contre la toxicomanie et la lutte contre le Sida étaient
considérées comme deux politiques distinctes, ce qui a
retardé la prise en charge du problème. Le principal vecteur de
transformation fut la contestation qui eu lieu de la part des intervenants
extérieurs au dispositif spécialisé, et notamment des
médecins généralistes libéraux et des praticiens du
domaine hospitalier. Dès lors une première brèche
était créée au sein du champ hermétique de la
toxicomanie. Ce n'est toutefois que suite à l'affaire du sang
contaminé que les pouvoirs publics mirent en place une politique de
réduction des risques de façon soudaine. Les programmes de
substitution se multiplièrent et ceux qui auparavant critiquaient avec
vigueur le principe de la réduction des risques en devinrent les plus
valeureux défenseurs.
La transition italienne à la réduction des
risques fut tout aussi difficile qu'en France bien que moins spectaculaire. La
politique italienne est marquée par de nombreuses ruptures et une
absence de continuité sur le long terme. Celle-ci s'explique par le
caractère fortement consensuel des politiques publiques italiennes et
par l'impossibilité des pouvoirs publics à réaliser un
accord entre les parties1121(*). C'est ainsi que les traitements de substitution
développés dès la fin des années soixante-dix ont
fait l'objet d'un retrait en réponse à l'émergence d'une
nouvelle conception de la toxicomanie comme malaise social. Un consensus s'est
alors formé au cours des années quatre-vingt entre les acteurs du
privé social, et notamment les communautés thérapeutiques
qui reposent sur une approche comportementaliste, et les services
spécialisés qui furent délaissés par les pouvoirs
publics. La législation sur les stupéfiants, auparavant
progressiste, fut l'objet d'un retournement prohibitionniste en 1990 sous le
poids des intérêts électoraux. Le soutien aux
communautés fut réinscrit comme une priorité de l'action
publique tandis que la réduction des risques commençait à
être timidement reconnue. C'est surtout après le
référendum de 1993 et les conférences nationales de
Palerme (1993) mais surtout de Naples (1997) que la réduction des
risques devint un enjeu de santé publique.
Le passage à la réduction des risques a permis
d'obtenir en Europe de larges retombées sanitaires. La menace de
l'épidémie de VIH/Sida fut contenue : la prévalence
de l'infection à VIH chez les consommateurs de drogues par voie
intraveineuse est restée faible en Allemagne (3,8% entre 1996 et
19991122(*)) et au
Royaume-Uni (1%, 1996-1999), elle a fortement diminué en Italie (16,2
entre 1996 et 1999 contre 30,8% en 19901123(*)) et en France (environ 16,4 entre 1996 et 1999
contre plus de 30% en 1990). La part des toxicomanes dans les cas de Sida
déclarés a également chuté de façon
générale depuis 1995. Ces résultats doivent cependant
être modérés par l'existence de pratiques à risques
qui limitent les effets des interventions de prévention. Certains lieux
demeurent globalement réfractaires à la prévention des
risques, telles que les prisons françaises et italiennes où
l'échange de seringues n'a pas encore lieu de façon
systématique et où les traitements de substitution restent
marginaux.
La prévention des risques connaît
également de fortes inégalités d'application
territoriales. Bien qu'elle soit apparue initialement grâce à
l'initiative de quelques acteurs associatifs ou de santé locaux,
notamment au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas, la politique de
réduction des risques requiert une action centralisée des
pouvoirs publics afin de garantir son application sur l'ensemble du territoire.
Les pouvoirs publics italiens restent cependant très hésitants et
la trop forte décentralisation, voire délégation, aux
structures publiques et privées empêche
l'homogénéisation des pratiques. L'efficacité de la
réduction des risques dépend de la capacité des
différents acteurs à intervenir de façon concertée.
C'est pourquoi son application passe par l'élaboration d'une
culture de la réduction des risques. Celle-ci n'est
apparue que très partiellement au Royaume-Uni ou en Allemagne et fait
encore plus fortement défaut à la France ou l'Italie.
La réduction des risques ne se limite pas à un
ensemble de dispositions sanitaires. Certains pays comme la Suisse ou encore
les Pays-Bas ont cherché à apporter aux toxicomanes une
amélioration de leurs conditions de vie, notamment par le biais d'une
série de mesures sociales. Celles-ci avaient pour objectif de permettre
à terme une stabilisation comportementale des usagers de drogues. La
France et l'Italie ont en revanche adopté une vision plus restrictive de
la réduction des risques qui se limite à l'aspect sanitaire. Il
existe pourtant une seconde définition qui se caractérise par une
prise en charge globale du toxicomane. La réduction des risques n'est
pas, comme le rappelle Grazia Zuffa, une stratégie univoque1124(*). Elle peut se
réduire à une série d'intervention d'urgence visant
à contenir les risques infectieux, ou bien au contraire, elle peut
s'apparenter à une nouvelle forme de politique sociale :
« A partir de cette approche [la réduction des risques] a
pris la défense des droits des toxicomanes. Seul l'exercice des droits
rattachés à la citoyenneté peut protéger de
l'exclusion sociale ». Le nouveau principe des politiques publiques
de toxicomanie doit conduire à une mise en réseau des acteurs
notamment des secteurs sanitaires (spécialisés et de droit
commun) et sociaux dont le toxicomane serait le centre1125(*).
La politique de réduction des risques a remis en cause
les relations de pouvoir qui s'étaient établies entre le
système de prise en charge spécialisé et le toxicomane.
Celui-ci était auparavant considéré comme l'objet des
interventions, de prévention ou de soin, dont il restait
fondamentalement extérieur. Les spécialistes justifiaient la
soumission du toxicomane aussi bien sur la base de considérations
scientifiques (détenteurs d'un savoir) que de principes moraux
(l'échec et la faute personnel). Le passage à la réduction
des risques a constitué une révolution copernicienne en
matière de toxicomanie en plaçant le consommateur de drogues au
centre de l'attention. Les usagers, mais aussi le groupe et la
communauté, sont porteurs de pratiques qui constituent un message
participant au processus de prévention. Le toxicomane est perçu
comme le détenteur d'une praxis, un savoir-faire, qui participe
aux interventions de prévention. L'usager de drogues devient un acteur
à part entière du champ de la toxicomanie. Des associations
d'auto-support ont par exemple pris place au cours des années
quatre-vingt-dix en Europe, comme il a été établi pour le
cas français, au domaine autrefois réservé aux seuls
spécialistes, notamment en matière d'entraide et de groupes de
revendications politiques. La réduction des risques rend la parole
sociale aux toxicomanes1126(*).
La réduction des risques comporte, outre l'aspect
sanitaire et la dimension sociale, une forte symbolique culturelle. Les
précédents modèles de prise en charge des toxicomanes
étaient focalisés sur les modes de consommation qui
génèrent un état pathologique. Les consommateurs de
substances n'étant pas l'objet d'états pathologiques ne
bénéficiaient pas d'une prise en charge par les services
sanitaires1127(*). La
toxicomanie était au centre du dispositif sanitaire au détriment
des usagers de substances (non-toxicomaniaques). Cette approche empêchait
la mise en évidence des processus sociaux qui sont à l'origine de
l'état de toxicomanie. La réduction des risques a
contribué à inverser l'ordre des priorités :
l'abstinence n'est plus perçue comme un objectif fondamental mais la
prévention des risques (sanitaires et sociaux) liés à
l'usage devient fondamentale. Le rejet social (déviance) et la
pénalisation des drogues sont décrits comme des causes de
fragilisation des usagers qui facilitent le passage à la toxicomanie. La
répression des comportements laisse désormais place à
l'idée d'un auto-contrôle. On assiste à l'émergence
de nouvelles problématiques, catégories et pratiques qui
participent à la remise en cause de l'idéal normatif d'une
société sans drogues1128(*). L'usage de substances est dès lors en voie
de normalisation.
Il est important au terme de cette réflexion d'apporter
une réponse à la problématique envisagée
initialement : quel lien existe-il entre la signification de la
réduction des risques et son application ? La
réduction des risques est un principe qui passe non seulement par une
prise en charge globale, sanitaire et sociale, des usagers de substances, mais
aussi par un renouveau conceptuel des cadres socioculturels de la
compréhension des drogues, la réduction des risques est un
nouveau paradigme de l'interprétation des drogues. Les politiques
strictement sanitaires (France, Italie) ou encore celles qui refusent
l'idée d'une « normalisation » (Royaume-Uni,
Allemagne) des comportements demeurent prisonnières du paradigme
prohibitionniste, elles se situent entre deux âges de la
toxicomanie : celui de la réduction de la demande et celui de la
réduction des risques.
Il est important d'évoquer la notion d'«
apprentissage » qu'introduit Monika Steffen au sujet des
politiques en matière de Sida. Il s'agit des évolutions
structurelles qui ont été rendu possible par la gestion du
problème. La transition au principe de la réduction des risques a
permis de façon générale en Europe deux évolutions
majeures. Cette évolution a tout d'abord eu lieu à travers un
processus spécifique qui a favorisé l'émergence d'un
nouveau concept : une culture de la santé
publique. Fassin remarque que l'argument de la santé publique
est très récurrent dans la défense de la réduction
des risques. Il s'agit de légitimer cette politique en faisant exister
le problème comme une question de santé publique. Ce processus a
lieu non seulement sous l'action des pouvoirs publics mais aussi grâce
à l'intervention des acteurs locaux1129(*). Un discours de la santé publique semble
émerger : « Ce qui est remarquable [...] c'est la
manière dont les problèmes sociaux trouvent, non leur solution,
mais leur expression, la plus autorisée dans le langage de la
santé publique »1130(*).
On peut remarquer avec Monika Steffen que ce
phénomène est général aux politiques en
matière de Sida1131(*). Cette culture de la santé publique est
cependant nettement plus visible en France, pour qui le degré
d'apprentissage a été le plus élevé, qu'en Italie.
Cette différence s'explique par le mode de transition. La France a
connu, à travers le passage à la réduction de risques mais
de façon plus générale par le biais de la politique
sanitaire en matière de Sida, une rupture soudaine qui a remis en cause
l'ensemble des relations de pouvoir et des conceptions établies jusque
là. Le niveau d'apprentissage a été très
élevé : « Aux réformes visant le dispositif
de santé publique s'ajoutent les changements favorisant la coodination
gouvernementale et un style désormais plus consensuel dans la conduite
des politiques de santé publique. La profondeur du changement
français répond à un véritable rattrapage
historique sous la pression d'une crise »1132(*). L'Italie a en revanche
effectué une transition « plus douce », ceci
s'explique par la non remise en cause de la politique prohibitionniste qui a
d'ailleurs tenté d'établir une continuation entre la loi
Jervolino-Vassali de 1990 et la politique de réduction des risques, deux
modèles qui restent pourtant inconciliables. Les autorités
publiques n'ont pas fait, en outre, l'objet d'une contestation sociale
très forte.
Le second enseignement né du passage à la
réduction des risques est la formation d'une culture de
l'évaluation. Le principal obstacle à la
réduction des risques a été, notamment en France, le
manque d'évaluation des pratiques thérapeutiques qui ont permis
de maintenir en l'état les rapports de force établis. La
réduction des risques inaugure au contraire l'ère de
l'évaluation. Celle-ci doit être entendue d'une part comme une
évaluation des structures et des pratiques thérapeutiques, comme
il a été fait par exemple pour la méthadone et le
Subutex. Il s'agit d'autre part d'évaluer les statégies
de prevention1133(*).
L'évaluation ne doit pas seulement être une phase d'un programme
mais doit devenir un processus continu mis en place quotidiennement par les
opérateurs de toxicomanie. C'est pour cela, comme le rappelle Nizzoli,
qu'« il est nécessaire de diffuser une culture de
l'évaluation parmi les intervenants »1134(*). Là aussi,
l'inégalité d'apprentissage entre la France et l'Italie est
flagrante. L'utilisation de la méthadone qui a lieu au sein des Sert
italiens ne donne lieu à aucune évaluation. En revanche, le
rapport remis à Bernard Kouchner sur la méthadone1135(*) ou encore celui
établi récemment par le Conseil national du sida1136(*), cité à de
nombreuses reprises, illustrent la capacité française à
mettre en place un processus d'évaluation. Reste à savoir de quel
suivi politique bénéficiera cet effort
d'évaluation ?
La reconnaissance du principe de la réduction des
risques est quasi-unanime en Europe. cela ne doit cependant pas faire croire
que le prohibitionnisme a cessé d'être. Alors même qu'on
assiste à une transformation des politiques nationales en matière
de toxicomanie, les normes internationales, notamment celles de l'ONU, restent
ciblées vers une répression et une criminalisation des usages de
stupéfiants1137(*). Les Etats européens, comme le rappelle
Grazia Zuffa, sont d'ailleurs tous signataires des conventions internationales
qui restent les principales garantes des mesures répressives.
L'assemblée générale des Nations-Unies déclarait
dans une session spéciale consacrée à la drogue en juin
1998 : « A drug free world, we can do
it » ou « Un monde sans drogues est
possible »1138(*). Les programmes de réduction des risques ne
doivent par conséquent pas masquer que la priorité de chaque pays
demeure la répression. Le dernier plan anglais de lutte contre la
toxicomanie allouait par exemple 75% des ressources en faveur de la
répression et de la justice pénale. La Suisse lui attribue quant
à elle 50% des crédits.
Certains évoquent, comme c'est le cas notamment de
Grazia Zuffa, une perspective « répressive » de la
réduction des risques1139(*). Celle-ci serait conçue comme un moyen de
prolonger le contrôle social, exercé auparavant par la loi, par le
moyen d'instruments médicaux. Les nouveaux enjeux de santé
publique justifieraient l'exercice d'un pouvoir normalisateur1140(*). Il s'agirait d'une
médicalisation du contrôle social qui traduirait, selon l'analyse
initiée par Foucault, l'émergence d'un biopouvoir ou d'une
bio-politique1141(*).
Cette réponse peut sembler exagérée, elle a toutefois le
mérite de souligner les écarts d'interprétation dont fait
l'objet la réduction des risques. La réduction des risques part
de considérations pratiques, auxquelles elle tente d'apporter une
réponse réaliste. Elle marque le passage d'une politique de
lutte contre les drogues à une politique de contrôle.
« Les politiques de l'Occident sont prises dans
un curieux mouvement de balancier. Les politiciens tour à tour
s'inquiètent et se rassurent, glissent de la répression à
la compréhension, passent de la brutalité au laxisme. Il est
temps, désormais, d'arrêter un pendule qui fait osciller les
drogues entre la maladie et le crime. Il faut se résigner : il
n'est pas de solution finale, ni douce, ni violente. Après la grande
épidémie des années soixante, on sait qu'il s'illusionne
celui qui s'acharne à rayer les vertigineux poisons de notre vie. Il ne
faut jamais que traiter, de façon précaire, un problème
appelé à renaître sans cesse, sous des visages nouveaux.
Exiger « un monde sans drogue », pour reprendre un slogan
qui eut son heure de gloire, c'est proférer une aberration. Le dragon
renaîtra toujours de ses cendres. Plutôt que d'espérer
l'anéantir, mieux vaut le dresser »1142(*).
Index des
abréviations et des sigles
AMM : Autorisation de mise sur le marché
ANAT : Association nationale d'aide aux toxicomanes
ANIT : Association nationale des intervenants en
toxicomanie
APA : Association américaine de psychiatrie
ASI : Addiction severity index
ASUD : Association auto-support et prévention du
VIH parmi les usagers de drogue
BHD : Buprénophine à haut dosage
CAL 70 : Collectif pour l'abrogation de la loi de 70
CCNE : Comité consultatif national
d'éthique
CFES : Comité français d'éducation
à la santé
C.E.I.S : Centro italiano di solidarietà
CIRC : Collectif d'informations et de recherches
cannabiques
CNDT : Centre national de documentation sur les
toxicomanies
CNS : Conseil national du sida
CSN : Consiglio sanitario nazionale
CSST : Centre de soins spécialisés pour
toxicomanes
CT : Communautés thérapeutiques
CTT: Coordinamento tecnico territoriale
DDASS : Direction départementale des affaires
sanitaires et sociales
DDP : Dipartimento per le dipendenze pathologiche .
DGLDT : Délégation générale
à la lutte contre la drogue
DGS : Direction générale de la santé
EMCCDA: European monitoring centre for drug addiction
ILS : Infractions à la législation sur les
stupéfiants
INSERM : Institut national de la santé et de la
recherche médicale
INVS : Institut national de veille sanitaire (ex RNSP)
IREP: Institut de recherche en épidémiologie de
la pharmacodépendance
MDM : Médecins du monde
MILDT : Mission interministérielle de lutte contre
la drogue et la toxicomanie
MLC : Mouvement de la légalisation
contrôlé
NA : Narcotiques anonymes
OCRTIS :Office central de répression du trafic illicite
de stupéfiants
OEDT : Observatoire européen des drogues et des
toxicomanies
OFDT : Observatoire français des drogues et des
toxicomanies
ONLUS : Organizzazione non lucrativa di
utilità sociale
ONUSIDA : Programme commun des Nations-Unies pour la
lutte contre le sida
l'OMS : Organisation mondiale pour la santé
PNSD : Plan nacional sobre drogas
PSN : Piano sanitario nazionale
REITOX : Réseau européen d'information sur
les drogues et les toxicomanies
SERT : Servizi d'assistenza ai tossicodipendenti
SESI :Service de statistiques, des études et des
systèmes d'information, ministère de la Santé
SSN : Servizio sanitario nazionale
TGI : tribunaux de grande instance
TIV : Toxicomanes intraveineux
USL : Unità sanitaria locale
VIH : Virus de l'immunodéficience
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Table des matières
Introduction
6
PARTIE 1: DROGUES, TOXICOMANIE ET ACTION DES
POUVOIRS PUBLICS
1 Les paradigmes de compréhension
de la toxicomanie: de la drogue au consommateur
16
1.1 La naissance de la toxicomanie
15
1.1.1 Le développement historique des
drogues
15
1.1.1.1 Des premières civilisations à
l'Europe moderne
15
1.1.1.2 De l'hédonisme à la
toxicomanie
20
1.1.2 La construction sociale de la toxicomanie
24
1.1.2.1 Une évolution socio-historique
24
1.1.2.2 Les paradigmes explicatifs en matière
d'usage de drogues
27
1.2 Pharmacologie et
épidémiologie des substances
30
1.1.2 La connaissance des substances : drogues,
usages et toxicomanies
31
1.1.2.1 Une classification des substances selon le
critère de la dangerosité
31
1.1.2.2 Les usages et mésusages des
substances: de la toxicomanie à la dépendance
34
1.2.2 Epidémiologie des substances et des
consommateurs
36
1.2.2.1 Les substances et leur usage
38
1.2.2 Sociologie des toxicomanes : les
« profils à risque »
45
1.3 De la substance à l'acteur
52
1.3.1 Le législateur face aux drogues :
entre jugements normatifs et considérations pragmatiques
52
1.3.1.1 Le clivage légal/illégal
52
1.3.1.2 Drogues douces/dures : une distinction
empirique
55
1.3.2 L'approche comportementaliste ou la
prépondérance de l'usage
57
1.3.2.1 Usage récréatif et usage
nocif
57
1.3.2.2 Le consommateur intégré :
mythe ou réalité ?
60
2 Les
Etats face à la toxicomanie
64
2.1 Une réponse uniforme :
l'alliance répression/soin
64
2.1.1 De la répression à la
coopération entre Etats
64
2.1.1.1 Un droit international répressif
64
2.1.1.2 Les politiques européennes en
matière de drogues : entre répression et
coopération
68
2.1.2 L'homogénéité des
politiques publiques nationales
70
2.1.2.1 De la prohibition à la
criminalisation
70
2.1.2.2 Soigner en réprimant : la
représentation du « malade-délinquant »
77
2.2 La mise en place du modèle
« soin/répression » dans des contextes
spécifiques : la France et l'Italie
80
2.3.1 Un modèle répressif français
uniforme
80
2.3.1.1 La prépondérance d'une logique
répressive
81
2.3.1.2 La loi du 31 décembre 1970 ou
l'aboutissement du modèle répressif
84
2.3.2 L'inconstance des politiques italiennes en
matière de toxicomanie
87
2.3.2.1 Une législation progressiste
motivée par une exigence de contrôle social
88
2.3.2.2 Le retournement prohibitionniste de
1990 : la loi « Jervolino-Vassali »
90
PARTIE 2: LES POLITIQUES PUBLIQUES A L'EPREUVE DE LA
REDUCTION DES RISQUES
1 Un nouveau modèle d'action
publique
99
1.1 L'émergence d'un nouveau
paradigme
100
1.1.1 L'ébranlement du modèle
prohibitionniste
100
1.1.1.1 Répondre à une urgence
sanitaire: la pandémie de Sida
100
1.1.1.2 Du Public Health à la
réduction des risques
103
1.1.2 Un paradigme de nature sanitaire ou
socioculturelle ?
105
1.1.2.1 Prévenir les risques sanitaires et
sociaux
105
1.1.2.2 Une « normalisation » de
la consommation de drogues ?
110
1.2 L'Europe face au Sida
116
1.2.1 Le couple anglo-allemand : le
succès de la réduction des risques
117
1.1.2.1 L'Allemagne : les Länder
face à la résistance des pouvoirs publics
117
1.1.2.2 Le British System ou la culture du
Public Health
120
1.2.2 Les modèles culturels du nouveau
paradigme
124
1.2.2.1 La culture hollandaise de la
réduction des risques
124
1.2.2.2 L'expérience helvétique des
« 4 piliers »
128
1.3 France-Italie : les
résistances à la réduction des risques
131
1.3. 1 La réduction des risques en France
132
1.3.1.1 Le champ professionnel autonome de la
toxicomanie
132
1.3.1.2 La reconnaissance de la réduction des
risques
136
1.3.2 La conciliation italienne entre
répression et prévention
142
1.3.2.1 La « rupture en
continuité » des politiques sanitaires italiennes
143
1.3.2.1 Un bilan en demi-teinte
145
2 La mise en place de la
réduction des risques : dispositif, résultats et limites
151
2.1 Les instruments de la réduction
des risques
151
2.1.1 De la prévention des risques sanitaires
à la prévention de la toxicomanie
151
2.1.1.1 Les Programmes d'Echange de Seringues en
France
151
2.1.1.2 Une culture de l'outreach work :
vers une prévention globale de la toxicomanie
156
2.1.2 Substituer l'héroïne : vers
un usage thérapeutique des drogues
164
2.1.2.1 Un principe reconnu universellement mais
inégalement appliqué
164
2.1.2.2 La bataille française du
méthadone
168
2.2 Un bilan sanitaire primordial :
éviter la catastrophe
176
2.2.1 Le bilan sanitaire dans l'application du
principe de réduction des risques : résultats, limites et
nouveaux risques
177
2.2.1.1 Eviter la catastrophe : un bilan
positif mais inégal
177
2.2.1.2 La persistance de pratiques à
risques
189
2.2.2 Quelle réduction des risques en milieu
carcéral ?
193
2.2.2.1 Les prisons italiennes face à au
VIH/Sida : une politique de réduction des risques en trompe-l'oeil
196
2.2.2.2 Les prisons françaises: une prise en
charge des séropositifs sans véritable réduction des
risques
202
2.3 Les conséquences sociales et
culturelles
206
2.3.1 Vers une normalisation de l'usage de
drogues ?
206
2.3.1.1 Quand l'héroïne soigne
206
2.3.1.1 Une légalisation... à usage
thérapeutique
209
2.3.2 Une révolution culturelle en
matière de toxicomanie ?
213
2.3.2.1 Accepter l'intolérable : la
dépénalisation de l'usage de drogue
213
2.3.2.2 Vers une culture de la réduction des
risques
220
PARTIE 3: SOIGNER ET PREVENIR LA
TOXICOMANIE
1 Pluralité et renouveau des
conceptions du soin et de la prévention de la toxicomanie
226
1.1 Les inégalités des
systèmes de prise en charge de la toxicomanie
228
1.1.1 Soigner la toxicomanie
229
1.1.1.1 Quel soin de la toxicomanie ?
229
1.1.1.2 Chaîne et réseau
thérapeutique : prise en charge sectorielle et réseau de
toxicomanie
234
1.1.2 Un champ institutionnel français
autonome
240
1.1.2.1 Les années 70 : la formation
d'un champ spécialisé
240
1.1.2.2 L'autonomisation du système autour de
la référence de la psychanalyse
245
1.1.3 La recherche du consensus italien
249
1.1.3.1 Le Servizio Sanitario Nazionale
(SSN) italien : conflictualité et absence de perspective
249
1.1.3.2 Un dispositif de prise en charge de la
toxicomanie diversifié mais fragmenté
252
1.2 Prévenir les drogues ou
prévenir les risques ?
258
1.2.1 Une prévention des usages de
drogues
259
1.2.1.1 Une prévention à triple
niveau
259
1.2.1.2 Les modèles de
prévention : l'information, l'éducation et la promotion
265
1.2.2 Un renouvellement des politiques de
prévention
269
1.2.2.1 De la prévention de la toxicomanie
à la prévention des risques
269
1.2.2.2 Un nouvel acteur de la
prévention : le toxicomane. Autocontrôle, peer
education et counselling.
274
1.3 Le renouveau de la prise en charge des
toxicomanes
280
1.3.1 Les traitements de substitution
280
1.3.1.1 Quelles substitutions ?
280
1.3.1.2 La substitution à la
française : Subutex® Versus Méthadone
288
1.3.2 Les mesures alternatives : entre soin et
répression
299
1.3.2.1 L'affidamento à
l'italienne : une délégation des pouvoirs publics en faveur
du secteur privé
300
1.3.2.2 L'injection thérapeutique
française en question
304
2. Les réseaux
thérapeutiques
311
2.1 Entre ville et
société : les communautés thérapeutiques
311
2.1.1 Dispositif thérapeutique ou
groupuscules idéologiques ?
311
2.1.1.1 Un modèle thérapeutique
socio-comportementaliste
312
2.1.1.2 Un essor inégal entre la France et
l'Italie
319
2.1.2 La mise en place de la réduction des
risques au sein des communautés thérapeutiques : l'exemple de
villa Maraini
328
2.1.2.1 Une « philosophie »
d'intervention comme point de départ
328
2.1.2.2 Un réseau de services
intégrés centrés autour du toxicomane
333
2.2 Le dispositif de soin
spécialisé
338
2.2.1 La diversité des services de soin
spécialisés
339
2.2.1.1 Nature et fonction des services
spécialisés
339
2.2.1.2 Les Centres de Soins
Spécialisés de la Toxicomanie : un effort de
médicalisation de la prise en charge
342
2.2.2 Les Services spécialisés
italiens, les Sert : une abscence de culture thérapeutique
homogène
344
2.2.2.1 Un système de soin
spécialisé trop inégal
344
2.2.2.2
« Méthadonisation » ou prise en charge
globale ? La logique thérapeutique face aux exigences
sécuritaires
347
2.3 Les acteurs marginalisés du champ
de la toxicomanie
351
2.3.1 L'émergence du dispositif de droit
commun
351
2.3.1.1 Les carences du système hospitalier
et pénitentiaire
351
2.3.1.2 Le dispositif de médecine de
ville
356
2.3.2.1 La reconnaissance du rôle de la
famille
362
2.3.2.2 Les toxicomanes comme acteurs du champ de la
toxicomanie : la naissance des groupes d'autosupport
366
Conclusion
372
Index des abréviations et des
sigles
381
Bibliographie
383
Résumé : Les politiques
publiques en matière de toxicomanie ont connu un profond bouleversement
au cours des années quatre-vingt-dix marqué par le passage au
modèle de la réduction des risques. Celui-ci est un paradigme
d'ordre sanitaire, social et culturel qui traduit une
« normalisation » de l'usage de drogues dans nos
sociétés. Les politiques italiennes et françaises ont en
revanche adopté une définition très restrictive de la
réduction des risques. Ils se situent entre deux modèles de
politique ce qui est à mettre en lien avec les limites qu'ont connu leur
application.
Mots clefs : Toxicomanie, drogues,
politiques publiques, réduction des risques
* 1 Piccone Stella Simonetta,
Droghe e tossicodipendenza, Il Mulino, Bologne, 1999, p.7
* 2 La définition
juridique de drogue telle qu'elle a été formulée au niveau
international au sein de l'Organisation des Nations Unies est double. Un
premier groupe de substances correspond aux stupéfiants qui sont soumis
à la Convention unique de 1961 et qui sont hiérarchisés en
quatre groupe selon leur dangerosité et leur intérêt
médical tandis qu'un second ensemble de drogue est constitué par
les psychotropes médicamenteux, soumis à la Convention de Vienne
de 1971. Dussausaye Eve, Politiques publiques de soins en matière de
toxicomanie. Une spécificité française, Grenoble, IEP
de Grenoble, Mémoire sous la direction de Martine Kaluszynski et
Jean-Charles Froment, p.6.
* 3 Campedelli Massimo,
Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, op.cit,
p.63.
* 4 Denis Richard, Jean-Louis
Sénon, Dictionnaire des drogues, des toxicomanies et des
dépendances, Paris, Larousse, Coll. « Les
référents », 1999, p.161.
* 5 A. Bulow,
« Kontrolliter Heroingenuss. Eine bishker kaum bekannte
Konsumvariante«, in Kriminolosche Journal, XXI, n.2, 1989,
p.20.
* 6 Zuffa G., I drogati e
gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit., p.19.
* 7 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p.167
* 8 Une recherche a
tenté de comparer les coûts des politiques publiques de trois pays
(France, Etats-Unis et Pays-Bas) qui sont assez distinct : le coût
public serait de 73 milliard de francs aux Etats-Unis (soit 1,3% du budget de
l'Etat), 1,7 milliard aux Pays-Bas (0,32%) et 4,5 milliard en France (0,3%).
ARMI (Association de recherche sur les marchés informels), Kopp P.,
Palle C., Vers l'analyse du coût des drogues illégales,
Paris, OFDT, 1998, 80p.
* 9 Pierre Kopp,
L'économie de la drogue, Paris, La Découverte, 1997.
* 10 Faugeron Claude,
Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans
drogues » : Un processus de normalisation ?, in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, Editions Erès, Ramonville Saint-Agne, 2002, pp.7-31.
* 11 Steffen Monika, Les
Etats face au Sida en Europe, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble,
2001, p.30.
* 12 Steffen Monika, Les
Etats face au Sida en Europe, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble,
2001, p.93.
* 13 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, Rapport, avis et recommandations du Conseil national du
sida, adoptés lors de la séance plénière du 21 juin
2001, responsable de la commission :Alain Molla, 163p.
* 14 Steffen Monika, Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.94.
* 15 Ibid.,
p.32.
* 16 Cas de Sida
déclarés, adultes, au 31 décembre 1999. Source :
Centre européen pour la surveillance épidémiologique du
Sida, Paris.
* 17 Ce travail de recherche
est rédigé comme conclusion d'un stage d'un an
réalisé au sein d'une communauté thérapeutique
italienne, Villa Maraini, dont il sera question par la suite.
* 18 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.7.
* 19 Ehrenberg A.,
« Dépassement permanent », in Ehrenberg A.,
Mignon P., Drogues, politique et société, Paris, Ed.
Descartes-Le Monde Editions, 1992.
* 20 Christian Bachmann et
Anne Coppel, La drogue dans le monde, hier et aujourd'hui, Paris, Albin
Michel, coll. « Points actuels », 666.p
* 21 Yann Bision,
« l'évolution du contrôle de l'usage de
stupéfiants »,in Usage de stupéfiants.
Politiques européennes, Maria-Luisa Cesoni (dir.), Genève,
Georg éditeur, 1996, pp.19-36.
* 22 Morel, Alain. (dir).,
Prévenir les toxicomanies, Paris : Dunod, 2000, Thérapie ;
2000, p.319.
* 23 Morel, Alain. (dir).,
ibid., p.9
* 24 Richard D., Pirot S.,
Senon J.L., « Les principales drogues » in
Toxicomanies, Paris, Masson, 2000, pp.79-132.
* 25 Kane critique
dès 1880 l'usage incontrôlé de morphine: « Il n'y
a pas de procédé en médecine, pas de méthode qui
soulage plus rapidement et plus durablement la douleur, pas de programme
thérapeutique qui ait été utilisé avec si peu de
précautions, pas de découverte thérapeutique qui ait
causé à l'humanité de dommages plus durables que
l'injection de morphine ». Kane H., The hypodromic Injection of
Morphia, New York, C.L. Birmingham, 1880. Cf. Morel, Alain. (dir).,
Prévenir les toxicomanies, op.cit.
* 26 Yann Bisiou,
« l'évolution du contrôle de l'usage de
stupéfiants », op.cit., p.22.
* 27 Richard D., Senon J-L.,
Dictionnaire des drogues, des toxicomanies et des dépendances,
Paris, Larousse, 1999, p.96.
* 28 Bouchardat A.,
Nouveau Formulaire Magistral,1849, in Bachmann C., Coppel A.,
op.cit., p.40.
* 29 Expression de Blum
R.H., Society and drugs, Jossey Bass Publishers, San Francisco,
Washington, Londres, 1974, cité in Bachmann C., Coppel A.,
op.cit., p.28.
* 30 Un médecin de
l'époque écrit alors : « Dans nos observations,
nous avons trouvé des détails qui montrent combien est grande, en
certains cas, la négligence de certains confrères. De recherches
consciencieuses faites à ce sujet, il est résulté la
conviction que les cas de morphinisme médical sont bien plus
fréquents que les autres [...] Sur 55 morphinomanes de tous
degrés, 37 ont eu pour origine de leur maladie, l'origine
thérapeutique. Nos conclusions ont même été plus
précises : sur ces 37 cas, l'origine thérapeutique a
été 34 fois médicale, c'est-à-dire que la morphine
a été ordonnée par le médecin 34 fois, et que son
emploi a été absolmuent négligé et confié au
malade lui-même, ce qui est une grande faute [...] Donc dans plus de
trois-cinquièmes des cas, on doit incriminer l'action du
médecin » Pichon G., Le Morphinisme, Paris, Douin,
1889.
* 31 Richard D., Pirot S.,
Senon J.L., « Les principales drogues », art.cit.,
p.92.
* 32 Angel P, Angel S.,
Valleur M., « Contexte, Drogues et Société »,
art.cit., p.12.
* 33 Thomas de Quincey,
Les confessions d'un mangeur d'opium anglais, Paris, Gallimard, 1990
(1 ère édition 1822).
* 34 Angel P., Richard D.,
Valleur., « Contexte, Drogues et Société »,
in Toxicomanies, Paris, Masson, 2000, pp.9-55.
* 35 Charras Igor.,
« L'Etat et les « stupéfiants » :
archéologie d'une politique publique répressive »,
Les cahiers de la sécurité intérieure, n°32,
2ème trimestre 1998, p.8.
* 36 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.10
* 37 Guimabail H., Les
morphinomanes, Paris, Baillière et fils en 1891
* 38 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.15
* 39 Maier H.W., La
cocaïne, Paris, Payot, 1928.
* 40 Coppel A.,
«Epidémies de drogues et lutte contre la toxicomanie. Approche
historique», in. Guffens Jean-Marie, Toxicomanie,
Hépatites, Sida, Synthélabo, coll. « Les
empêcheurs de tourner en rond », 1994, pp.39-46.
* 41 Cancrini L. Quei
temerari sulle macchine volanti. Studio sulle terapie dei tossicomani, NIS,
Rome, 1982.
* 42 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.23.
* 43 Cf., Angel P., Richard
D., Valleur M, « Contexte, Drogues et
Société », in Angel P., Richard D.,Valleur.M,
Toxicomanies, op.cit, p.12.
* 44 Courty Pascal, Le
travail avec les usagers des drogues. Pour une approche humaine des soins,
Ed. ASH, Paris 2001, 138.p.
* 45 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.25.
* 46 Cf., Angel P., Richard
D., Valleur M, « Contexte, Drogues et
Société », in Angel P., Richard D.,Valleur.M,
Toxicomanies, op.cit, p.13.
* 47 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.26.
* 48 Courty P., Le
travail avec les usagers des drogues, op.cit.,.22.
* 49 Ravenna M.,
Psicologia delle tossicodipendenze, Il Mulino, Bologna, 1997.
* 50 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.25.
* 51 « Mais la
présence ininterrompue de la drogue dans l'histoire sert [...] à
comprendre un autre aspect : la régularité et la
fréquence avec laquelle le besoin humain de dépasser ses
états de consciences, de multiplier ses capacités sensorielles,
ou d'enlever la douleur et d'atteindre un état de catharsis, se
manifeste en cherchant des solutions dans des directions diverses ».
Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.
11.
* 52 Angel P., Richard D.,
Valleur M, « Contexte, Drogues et Société »,
in Angel P., Richard D.,Valleur.M, Toxicomanies,
op.cit, p.8.
* 53
« L'économie, la production, le marché, la
société de masse ont radicalement transformé
l'échelle des consommations et des comportements sociaux ».
Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit.
* 54 Ehrenberg A.,
L'individu incertain, Paris, Calman-Lévy, 1995, pp.10-16 ;
Ehrenberg A., « Dépassement permanent », in
Ehrenberg A., Mignon P., Drogues, politique et société,
Paris, Ed. Descartes-Le Monde Editions, 1992.
* 55 Marco Orsenigo, Tra
clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, FrancoAngeli, 1996, Milan, p.8
* 56 Cf., Szasz T., Il
mito della droga, Feltrinelli, Milano, 1977.
* 57 Marco Orsenigo,
op.cit., pp.82-93.
* 58 Viel L., « La
toxicomanie », la presse médicale, Paris, 1900, cité
par Vigallero G., « Entre peurs et excès, l'alcoolisme et la
toxicomanie en France au XIXème siècle »,
op.cit.,p.292.
* 59 Cette classification
repose en partie sur le travail de Louise Nadeau. Cf., Louise Nadeau,
« La crise paradigmatique dans le champ de l'alcoolisme »,
in Brisson P., L'usage des drogues et de la toxicomanie,
Montréal, Morin, 1988.
* 60 Morel B.,
Traité des dégénérescences physiques,
intellectuelles et morales de l'espèce humaine, Paris,
Baillière, 1857.
* 61 Angel P., Richard D.,
Valleur M, « Contexte, Drogues et Société »,
in Angel P., Richard D.,Valleur.M, Toxicomanies,
op.cit, p.14.
* 62 Un médecin
écrit alors : « Les morphinomanes ont une
hérédité morbide, souvent chargée. Ils
appartiennent presque tous à la grande famille névropathique.
Fils de morphinomanes, d'alcooliques, enfants d'aliénés, de
névrosés, hérédosyphilitiques, produits d'unions
consanguines, ils seront des dégénérés, des
demi-fous ou des hystériques ». Lefevre R., Contribution
à l'étude des morphinomanies, thèse pour le doctorat
en médecine, Paris, 1905.
* 63 Cf., Guimbail H.,
Les morphinomanes, Paris, Baillière et fils en 1891
* 64 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.13.
* 65 Angel P., Richard D.,
Valleur., « Contexte, Drogues et Société »,
in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.13
* 66 Les Narcotiques
Anonymes feront l'objet d'une réflexion spécifique par la
suite.
* 67 Angel P., Richard D.,
Valleur., « Contexte, Drogues et Société »,
in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit,
p.15.
* 68 Campedelli Massimo,
Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, Angeli, Milan,
1994, pp.35-37
* 69 Becker H.S.,
Outsiders: Studies in the Sociology of Deviance, New York, MacMilan,
1963.
* 70 Angel P., Richard D.,
Valleur., « Contexte, Drogues et Société »,
in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies,
op.cit, p.15
* 71 Campedelli Massimo,
Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, op.cit,
p.31
* 72 Marco Orsenigo, Tra
clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit.
* 73 Les résultats
d'une enquête d'opinion récente - EROPP 99, menée au sein
de l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies - donnent la
mesure des peurs liées aux représentations de la consommation de
drogues (licites et illicites) et des jugements relatifs aux usagers, en
particulier d'héroïne : 74% des personnes interrogées
ont exprimé leur accord avec l'affirmation selon laquelle les usagers
d'héroïne sont « dangereux pour leur entourage », 64%
avec l'idée qu'ils « cherchent à entraîner les jeunes
». Cf., Conseil national du Sida, Les risques liés aux usages de
drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une
reformulation du cadre législatif, Rapport, avis et recommandations
du Conseil national du Sida, adoptés lors de la séance
plénière du 21 juin 2001, responsable de la commission :Alain
Molla, 163p.
* 74 Cf. S. Canali,
« Marijuana negli USA : quando i pregiudizi condizionano la
ricerca » , in Medicina delle
tossicodipendenze.
* 75 Cf. T. Bandini, A.
Fancia, M. Ragazzi, «Considerazioni criminologiche sugli aspetti
terapeutici e sanzionatori previsti dalla nuova normativa italiana in tema di
stupefacenti», in Rassegna italiana di criminologia, III, n.2-3,
1992
* 76 Angel P., Richard D.,
Valleur., « Contexte, Drogues et Société »,
in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit,
p.10
* 77 A l'intérieur du
cerveau, les informations circulent sous forme d'activité
électrique, appelée influx nerveux. Pour passer d'un neurone
à l'autre, l'influx nerveux se transforme en messages chimiques qui
prennent la forme d'une substance sécrétée par le neurone,
le neuromédiateur. Les différents neuromédiateurs, dont
les principaux sont la dopamine et la sérotonine, se lient à des
récepteurs spécifiques. Les neuromédiateurs traversent
l'espace situé entre deux neurones, la synapse, en assurant ainsi la
continuité de l'influx nerveux. C'est sur ces processus qu'agissent les
substances psychoactives. Trois modes d'action sur les neurotransmetteurs
existent selon les substances. Dans le premier modèle, les substances
psychoactives imitent les neuromédiateurs naturels et se substitue
à eux dans les récepteurs spécifiques. La morphine, par
exemple, s'installe dans les récepteurs à endorphine, et la
nicotine dans les récepteurs à acétylcholine. D'autres
substances augmentent la sécrétion d'un neuromédiateur
naturel, empêchent ainsi sa « recapture » et
augmentent sa présence au niveau de la synapse : la cocaïne, par
exemple, augmente la sécrétion de dopamine dans la synapse, et
l'ecstasy, celle de la sérotonine et de la dopamine. Enfin d'autres
substances psychoactives bloquent un neuromédiateur naturel :
l'alcool, par exemple, bloque les récepteurs nommés NMDA. Tous
ces processus contribuent à activer les « systèmes de
récompense », appelés aussi « système
hédonique » dont la fonction est de favoriser les fonctions
vitales. Il s'agit de processus qui ont lieu dans le cerveau (système
limbique) dont le rôle est de récompenser les fonctions vitales
(nutrition, reproduction, etc.) par une sensation agréable ou de
plaisir. Les substances psychoactives sollicitent anormalement ce circuit
naturel et engendrent à terme la possibilité de son
déséquilibre permanent. Cf. CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus.
Risquer moins. Drogues et dépendances, le livre d'information,
Vanves, CFES, nouvelle édition avril 2000, pp.18-24 ;
Richard D., Pirot S., Senon J.-L., « Les drogues et leur mode
d'action», in Angel P., Richard D., Valleur. M,
Toxicomanies, op.cit, pp. 57-77.
* 78 Polmonari A. in
Ministero della salute, Medicina delle tossicodipendenze.
Cité dans Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza,
op.cit, p.49.
* 79 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.10.
* 80 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.117-119.
* 81 Cf., Froment
(Blandine), « L'esprit des lois, L'esprit des drogues - la
dépendance hors la loi ? », Paris, Autrement -
Mutations, n° 106, avril 1989.
* 82 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.116.
* 83 Farges F.,
« Dépendance, abus, usage »in Angel P., Richard D.,
Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.16-22.
* 84 Idem, p17.
* 85 Idem, p17.
* 86 Idem, p17.
* 87 Marco Orsenigo
définit le craving comme « un état
d'âme caractérisé par un intense désir de la
substance ou du comportement objet de la dépendance, distincte du
phénomène de l'abstinence, qui désigne à l'inverse
les symptômes produits par l'accoutumance aux substances comme l'alcool
ou les opiacés. Le craving apparaît indépendamment
du type de substance et exprime la contrainte de la conscience produite par la
dépendance psychologique et par la dynamique toxicomaniaque ».
Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei
servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.154
* 88 Le DSM IV
définit la dépendance à une substance comme « le
mode d'utilisation inadapté d'une substance conduisant à une
altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement
significative ». Le DSM IV présente sept critères dont
trois au moins doivent être réunis, le CIM 10 apporte six
critères de définition du syndrome de dépendance. Farges
F., « Dépendance, abus, usage », in Angel
P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, pp.18-19.
* 89 Faugeron Claude,
Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans
drogues » : Un processus de normalisation ?, in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, op.cit, pp.7-31
*
90 L'épidémiologie est un mode de
raisonnement statistique et probabiliste au niveau des populations (ou de
groupes de sujets) introduit en médecine depuis fort longtemps pour
l'étude des maladies transmissibles. L'étude des comportements
entraîne des adaptations de la méthode et s'apparente à
l'épidémiologie clinique, peu développée en France,
contrairement à d'autres pays, tel que le Canada où par exemple
Jenick a contribué à établir les bases scientifiques de
cette approche nécessitant une coopération multidisciplinaire.
Facy F., « Outils de mesure spécifiques pour l'approche des
toxicomanes », in Angel P., Richard D., Valleur. M,
Toxicomanies, op.cit., p.2
* 9
91 Anne Copel écrit : « Le
refus de la dramatisation est également constitutif de la position des
professionnels du soin dans le débat public sur la drogue [...]
Dénoncer la gravité de l'épidémie, c'est alimenter
la peur et la demande de contrôle social ». Anne Copel,
« Les intervenants en toxicomanie, le Sida et la réduction des
risques », art.cit., p.86
* .92 Henri Bergeron,
L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité
française, op.cit., p.205
* .
93 Outre la nécessité nationale, la
mise en place de l'OFDT est sans nul doute fortement corrélée
à la création de l'Observatoire européen qui s'appuie dans
chaque pays sur un organisme relais
* .
94 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con
Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids.
Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), Eric
kson, Trento, 2001, pp.13-48.
* k95 Senon J.-L.,
« Les principales drogues », in Angel P., Richard
D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.80
* .96 L'alcool
représente le psychotrope le plus répandu en France avec 44
millions de consommateurs occasionnels et 3 millions de consommateurs à
problème. « Savoir plus, risquer moins »,
op.cit., p.80.
* 97 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.124
* .
98 Roques (Pr. Bernard), Problèmes
posés par la dangerosité des « drogues ». Rapport du
Professeur Bernard Roques au Secrétaire d'Etat à la
Santé, 1998. 197p.
* 99 Cf. CFES/MILDT,
Drogues. Savoir plus. Risquer moins., op.cit., p.71
* . Valleur M. ;
« Eléments épidémiologiques »,
in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies,
op.cit, pp.22-28.100 OFDT, Drogues et toxicomanies.
Indicateurs et tendances, Paris, 1999
* .
101
* .102 Valleur M. ;
« Eléments épidémiologiques »,
in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies,
op.cit, p.26. 103 Morel A.(dir.), Prévenir les
toxicomanies, op.cit., p.142
* .
104 Ibid., p.125
* .
105 CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus, risquer
moins., op.cit., p.34
* .
106 Roques (Pr. Bernard), Problèmes
posés par la dangerosité des « drogues ». Rapport du
Professeur Bernard Roques au Secrétaire d'Etat à la
Santé, op.cit.
* 107 CFES/MILDT,
Drogues. Savoir plus. Risquer moins., p.125
* .
108 Ibid., p.34
* .
109 Un agoniste est une molécule qui mime
l'action du neurotransmetteur vis-à-vis de son récepteur. Un
agoniste se caractérise par son affinité, c'est-à-dire la
force avec laquelle il se lie au récepteur. Richard D., Pirot S., Senon
J.-L., « Les drogues et leur mode d'action», in Angel
P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.66
* .
110 Richard D., Pirot S., Senon J.-L.,
« Les principales drogues », in Angel P., Richard
D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.92
* .
111 Morel A.(dir.), Prévenir les
toxicomanies, op.cit
* ., p.124. 112
L'overdose advient lorsqu'un usager d'héroïne utilise une dose trop
forte par rapport à celle que son organisme a l'habitude de supporter.
Ces accidents interviennent le plus souvent soit lorsque l'usager utilise la
même dose qu'un autre, à laquelle il n'est pas habitué,
soit lorsqu'il utilise sans le savoir un produit insuffisamment dilué ou
coupé avec d'autres substances qui augmentent les risques, soit enfin
lorsqu'il associe sa consommation avec d'autres substances. Les risques de
surdose interviennent notamment après un arrêt prolongé de
la consommation, alors que l'organisme n'est plus accoutumé au dosage
habituel. CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer moins.,
op.ci
* t., p.143.
113 CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer
moins., op.cit., p.62
* .114 Richard D., Pirot
S., Senon J.-L., « Les principales drogues », in
Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.c
* it.
115 CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer
moins., op.cit., p.143.
* 116 Richard D., Pirot S.,
Senon J.-L., « Les principales drogues », in Angel
P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.110
* .
117 Une seconde particularité des drogues
de synthèse drogues consiste dans le fait qu'elles sont produites,
contrairement aux drogues d'origine naturelle cultivées dans
l'hémisphère Sud, au Nord, notamment en Europe (Pays-Bas,
Espagne, Tchéquie, Pologne). Elles relèvent le plus souvent d'un
mode de fabrication très artisanal
* .
118 Pascal Courty rappelle en outre que l'injection
constitue l'un des tabous de notre société, elle est
fréquemment présentée comme une agression de notre corps.
Cet interdit constituera d'ailleurs l'un des obstacles à la mise en
vente libre et à la distribution des seringues aux toxicomanes. Courty
P, Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.55.
* 119 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit
* . , p.133.
120
* 121 Gilman M.,
« Discours inaugural de la First International Conference on Safer
Dancing », Manchester, mars 1995, in Saunders N., E comme
Ecstasy, MDMA, raves et cultures techno, Paris, Ed. du Lézard,
pp.218-221
* .
122 « Tandis qu'une injection
d'héroïne peut tuer une personne en quelques secondes sur un banc
des jardins publics ou dans les toilettes dans bars, l'ensemble des
circonstances qui peuvent induire la mort par ecstasy est beaucoup plus
complexe
* ». Piccone Stella S., Droghe
e tossicodipendenza, op.cit.
123 Tellier S., Palle C., Les usagers de drogue
suivis dans le système médico-social en novembre 1997, DREES,
Etudes et Résultats
* .
124 La consommation de substances doit
également être lié à l'offre qui est proposée
sur le marché et qui influe sur la variation du cours des prix. On
observe de façon générale une baisse des prix des drogues
illicites notamment des drogues de synthèse (le LSD est passé de
100 FF en 1988 à 50 FF en 1998) mais aussi de la cocaïne (le gramme
de cocaïne est passé de 1000 FF en 1988 à 500 FF en 1998).
Le gramme d'héroïne est passé de 1000FF à près
de 400 FF. Selon enquêtes CIRED/ OFDT, 1993-1995-1998, cité dans
Colombié Thierry, Lalam Nacer, « L'évolution des
filières d'ecstasy en France au cours des années 1990. De
l'approvisionnement direct à l'intervention des milieux criminels dans
le marché », in . Colombié T., Lalam N.,
Sciray M, Drogues et techno. Les trafiquants de rave, Par
* is, Stock, 2000, p.208.
125
* 126 Des études
mettent par exemple en évidence que 50% des toxicomanes
présenteraient un abus ou une dépendance à l'alcool. Morel
A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.144
* .
* 127 Courty P, Le
travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.44.
* y
128
*
129 Morel A.(dir.), Prévenir les
toxicomanies, op.cit., p.146
* .
130
* 131 Valleur M.,
« Eléments épidémiologiques »,
in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies,
op.cit, p.2
* 3
132
* idem., p.24.
133
* 134 Facy F.,
« Outils de mesure spécifiques pour l'approche des
toxicomanes », in Angel P., Richard D., Valleur. M,
Toxicomanies, op.cit., p.30
* .
135 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.,pp.31-32.
* 136 Le travail de
proximité sera approfondi par la suite.
* 137 Roger Lewis,
« Attività ad ampio raggio : ricerca attiva e prevenzione
dell'Hiv tra i consumatori di droghe iniettive»,La cura delle persone
con Aids. Interventi e contesti culturali, Nizzoli Umberto, Oberto Bosi
(dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.95-103
* .
138 Valleur M. ; « Eléments
épidémiologiques », in Angel P., Richard D.,
Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, p.26
* .
139 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit, p.35.
* 140 Valleur M. ;
« Eléments épidémiologiques »,
in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies,
op.cit, p.26.
* 141 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit.,p.36.
* 142 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit
* ., p.57; Valleur M. ;
« Eléments épidémiologiques »,
art.cit.
143 Ces chiffres sont extraits de l'enquête
SESI 1995, cités in Facy F., « Outils de mesure
spécifiques pour l'approche des toxicomanes », in
Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit.,
p.31
* .
144 Les personnes rencontrées sont le plus
souvent des toxicomanes de plus longue date, plus motivés à
mettre fin à leur toxicomanie. Les personnes rencontrées au sein
des centres sociaux, plus proches des milieux de vie et des consommations
toxicomaniaques, reflètent en revanche de façon plus exacte la
configuration des toxicomanes.
* 145 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit
* , p.32.
146
* 147 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.c
* it. 148 Cf. D.
Antoine et D. Viguier, « La prise en charge des toxicomanes dans les
structures sanitaires et sociales en novembre 1994 », documents
statistiques
* du SESI, n°258, juillet 1996,
81p.
149 Ministère de l'Intérieur- OCTRIS,
Usage et trafic de stupéfiants en France, les statistiques de
l'année 1995, Paris, OCTRIS, 1996, 105
* p
150 Facy F., « Outils de mesure
spécifiques pour l'approche des toxicomanes », in
Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit., p.32.
* 151 Id
* em., p.35.
152
* 153 Alain Morel
définit les facteurs de vulnérabilité comme
«l'ensemble des déterminants propres à l'individu qui
favorisent les dommages liés à l'usage d'une ou plusieurs
substances psychoactives ». Morel A.(dir.), Prévenir les
toxicomanies, op.cit., p.152.
* 154 Jansen Mary,
« Ricerca preventiva : lezioni apprese e indicazioni
future », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione
delle tossicodipendenze, op.cit, p.163 ; Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.152-169.
* 155 Facy F.,
« Outils de mesure spécifiques pour l'approche des
toxicomanes », in Angel P., Richard D., Valleur. M,
Toxicomanies, op.cit., p.39.
* 156 Jansen Mary,
« Ricerca preventiva : lezioni apprese e indicazioni
future », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione
delle tossicodipendenze, op.cit.
* 157 Il s'agit dans ce
second cas de l'émergence d'une notion de « Santé
publique » entendue comme les conditions de vie et de maladie
auxquelles est exposé l'ensemble du corps social.
L'épidémie de Sida a par ailleurs fortement contribué
à intégrer les préoccupations de santé publique
dans la prise en charge de la toxicomanie.
Albert Ogien qui définit la notion de santé
publique comme une modalité d'intervention (publique) dans le domaine de
la santé souligne ce passage du caractère privé au
caractère d'intérêt général d'un
problème sanitaire. « Autrement dit, le
phénomène crucial dans la définition d'un problème
de santé publique est l'opération au terme de laquelle une
préoccupation à caractère sanitaire est
élevée au rang de question d'intérêt
général et provoque l'intervention des pouvoirs
publics » Ce passage constitue le fondement mais également la
limite intrinsèque des politiques publiques sanitaires. Ainsi,
« la première limite des politiques de santé publique
est l'existence d'une limite entre liberté individuelle et
défense du bien collectif. Cette limite se trouve à
l'intersection de deux conceptions concurrentes de la santé : une
première conception individuelle qui considère la santé
comme un bien privé, et une seconde conception collective de la
santé ». Ogien Albert, « Qu'est ce qu'un
problème de santé publique ? », in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, op.cit, pp.225-244
* i
158
* 159 Piccone Stella relate
la trace de quelques interventions policières assez fortes en Italie
durant les années quatre-vingt, suivies de nombreuses arrestations,
durant lesquelles la substance la plus rencontrée était le
haschich mais où aucune distinction n'étant opérée
parmi les drogues. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza,
op.cit., p.25.
* 160 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.1
* 3
161 Ibid., p.17
* .
162 Morel A.(dir.), Prévenir les
toxicomanies, op.cit., pp.106-107
* 163 Les dangers de
l'abus du tabac par le docteur Delobel en 1900 et Les dangers du
tabac par le docteur Petit en 1903.
* 164 Ibid.,
pp.108-109.
* 165 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., pp.98-99.
* 166 Près de 98%
des consommateurs d'héroïne selon une étude citée par
Simonetta Piccone Stella. Cet antécédent de consommation explique
par ailleurs les fortes réticences des professionnels de la toxicomanie
à légaliser le cannabis. Cf. Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.100.
* 167 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, p.40
* .
168 Cf., Roques (Pr. Bernard), Problèmes
posés par la dangerosité des « drogues ». Rapport du
Professeur Bernard Roques au Secrétaire d'Etat à la
Santé, op.cit. Simon Théo, Drogues. Contre la
criminalisation de l'usage ?, Paris, Editions du Monde Libertaire,
2002, p.134
* .
169 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p 47
* .
170 Morel A.(dir.), Prévenir les
toxicomanies, op.cit., p.135.
* 171 Le DSM IV
définit l'abus comme le « mode d'utilisation inadéquat
d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou
à une souffrance cliniquement significative ». Le CIM 10
définit l'utilisation nocive pour la santé comme « le
mode de consommation d'une substance psychoactive qui est préjudiciable
à la santé. Les complications peuvent être physiques (par
exemple hépatite consécutive à des injections) ou
psychiques (par exemple épisodes dépressifs secondaires à
une forte consommation d'alcool) ». Farges F.,
« Dépendance, abus, usage »in Angel P., Richard D.,
Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.21.
* 172 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.136-137
* .
173 L'usage simple, il est important de le noter,
n'est cependant pas dénué de risques. Certaines circonstances de
consommation peuvent entraîner des conséquences dramatiques. C'est
le cas par exemple d'une prise d'ecstasy qui peut, dans un milieu
confiné et en l'absence d'hydratation, favoriser des accidents
hyperthermiques.
* 174 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.130
* .
175
* 176 Ibid.,
p.131
* .
177 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.
* 178 Courty P., Le
travail avec les usagers des drogues, op.cit, p.10
* 8.
179
* 180 Castel R., Les
sorties de la toxicomanie. Types, trajectoires, tonalités, GRASS,
MIRE, Paris, 1998, 303 p
* .
181 Le manque de recherche dans le premier secteur
s'explique aussi bien par les difficultés méthodologiques
posées dans l'analyse de personnes qui, du fait de leur dotation en
capital, arrivent à gérer leur consommation et qui sont donc
par-là même « intégrés » au
corps social, que par une tradition de recherche qui remonte à la fin
des années soixante et qui a privilégié l'étude des
marginalités populaires. Cf. Kokoreff Michel, « Il n'y a pas
de société sans drogues » :Un processus de
normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M., Société
avec drogues. Enjeux et limites, op.cit, p.2
* 4
182 « Les consommations de drogue
apparaissent de plus en plus comme une nébuleuse fonctionnelle qui se
distribue entre les deux pôles du confort ou du bien-être
psychologique et de la stimulation des performances individuelles sur le
modèle du dopage en sport, c'est à dire l'usage de substances
permettant de mieux résister psychologiquement et physiquement à
des contraintes sociales lourdes » Alain Ehrenberg, Penser la
drogue, penser les drogues, Descartes, 1992, p.69.
* 183 Decorte T.,
« Mécanismes d'autorégulation chez les consommateurs de
drogues illégales », in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit,
pp.35-62.
* 184 Idem, p.3
* 6.
185 Idem.
* 186 Idem,
p.49
* 187 Caiata Maria,
« Le consommateur intégré : entre adaptation
à la réalité et production de la
réalité », in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit,
pp.63-77.
* 188 Cf., Ogien A.,
Sociologie de la déviance, Paris, Armand Colin, 1995
* . Castel R., Les sorties de la
toxicomanie. Types, trajectoires, tonalités, op.cit.
189 On peut noter que cette catégorie
d'usage ne figure pas dans les classifications internationales du fait qu'elle
n'est pas considérée comme pathologique mais aussi parce que son
utilisation est très critiquée au sujet du cannabis et plus
encore de l'héroïn
* e.
190 Caiata Maria, « Le consommateur
intégré : entre adaptation à la réalité
et production de la réalité », in Faugeron C.,
Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites,
op.cit, p7
* 3.
191
* 192 Le terme de
« ressortissants » des politiques publiques désigne
communément les individus, les groupes socioprofessionnels et les
institutions à qui les politiques sont destinées ».
Warin P. « Les « ressortissants » dans les
analyses des politiques publiques », Revue française de
science politique, vol.49, n°1, février, p.103-121, 1999.
* 193 Dussausaye E.,
Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie,
op.cit., p.24
* .
194 «Prohibition est le terme
générique qui caractérise une politique du
« tout interdit », depuis la production de substances
jusqu'à son usage (à l'exception, pour certaines, de l'usage
médical). Elle touche actuellement une catégorie de substances
définies par convention internationale : les
« stupéfiants » ». Morel A.(dir.),
Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.76.
* 195 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.92 ; Rouault T.,
« Politiques internationales», in Angel P., Richard D.,
Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.50-55
* .
196 Cf. Butel P., L'opium, histoire d'une
fascination, Paris, Perrin, 1995.
* 197 Conseil national du
Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit
* .
198
* 199 Cf., Conseil national
du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit.
* 200 Rouault T.,
« Trafic de stupéfiants : perspectives
géopolitiques et économiques », in Angel P.,
Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp. in Angel P.,
Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, p.4
* 3
201 Rouault T., « Politiques
internationales», art.cit., p.53 ; Conseil national du Sida,
Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé
publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif,
op.cit..
* 202 Rouault T.,
« Politiques internationales», art.cit., p.54.
* 203 Nizzoli Umberto,
«Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura
delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto,
Oberto Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.13-48.
* 204 On peut remarquer que
la mise en place de l'OEDT constitue une formidable opportunité afin
d'encourager l'homogénéisation des études
épidémiologiques au niveau européen et de favoriser ainsi
le développement des études comparatives.
* 205 « La
criminalisation recouvre deux sens. D'une part l'attribution du statut de crime
à certains actes. Cela, en France, conduit leurs auteurs devant une cour
d'assises où sont jugés devant un jury populaire les infraction
les plus graves aux yeux de la société [...] D'autre part, dans
sa seconde acception, le terme de criminalisation s'applique au processus qui
fait entrer une population ou un individu dans le milieu de la
délinquance, en l'occurrence ici dans celui du trafic clandestin et des
délits dits « annexes » à
l'usage ». Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies,
op.cit., p.74.
* 206 Les présentes
observations sont valides pour de nombreux pays européens. Nous
choisissons toutefois de prendre l'exemple du cas français du fait qu'il
soit très significatif du phénomène de criminalisation de
la toxicomanie mais aussi en raison d'une meilleure connaissance des
spécificités françaises.
*
207 OFDT, Drogues et toxicomanies : indicateurs
et tendances, op.cit., p.22.
* 208 Rouault T.,
« Cadre législatif : la loi de 1970 et l'injonction
thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur.,
Toxicomanies, op.c
* it, p.40-44
* 209 Pour plus de plus
amples informations sur les infractions à la législation sur les
stupéfiants : Conseil national du Sida, Les risques liés
aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour
une reformulation du cadre législatif, op.cit., 163p.
Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A.,
L'accès à la méthadone en France. Bilan et
recommandations, Rapport réalisé à la demande de
Bernard Kouchner Ministre Délégué à la
Santé, 87p. Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas
de société sans drogues » : Un processus de
normalisation ?, op.cit, p.9. Pour les données du
ministère de l'Intérieur on peut se reporter à Usage et
trafic de stupéfiants : statistiques 1998, OCTRIS,
ministère de l'Intérieur, 1999 ;Usage et trafic de
stupéfiants. Statistiques 1999, OCTRIS, ministère de
l'Intérieur, 2000
* .
210 Il existe trois voies d'entrée dans les
services de police ou de gendarmerie, correspondant à l'organisation des
services et à l'origine de traitements différenciés des
usagers. La très grande majorité des délits d'usage ou
d'usage-revente résulte d'opérations de routine (le «
ramassage »), dévolues à un personnel relativement peu
qualifié. La seconde voie est celle du flagrant délit,
réalisé plus fréquemment par un personnel qualifié
: brigades anti-criminalité ou de répression du trafic illicite
de stupéfiants. La troisième est celle de l'affaire de trafic.
L'usager est alors appréhendé au terme d'une procédure
plus large, souvent initiée par la police judiciaire. Il doit pouvoir
servir de témoin, durant l'examen des faits en procès, pour
réunir des éléments de preuve.
* 211 Les statistiques
criminelles révèlent toutefois que l'usage de cocaïne semble
supplanter celui de l'héroïne au niveau national. Cela traduit
peut-être un tassement de la consommation d'héroïne dont
rendrait compte également la forte diminution des ILS concernant le
trafic d'héroïne. C'est le point de vue défendu par le
rapport de l'OCTRIS de l'année 2000, qui insiste sur la
désaffection dont l'héroïne fait globalement l'objet au
profit de nouvelle formes de consommations et surtout, sous l'effet du
développement de la substitution aux opiacés depuis 1996.
* 212 Pour de plus amples
détails sur les dipositifs législatifs nationaux européens
en matière de délits mineurs liés aux drogues on peut se
reporter au schéma suivant extrait de OFDT, Drogues et toxicomanies :
indicateurs et tendances, op.cit, p.14.
* 213 L'expérience
suisse de la prescription d'héroïne fera par la suite l'objet d'une
réflexion spécifique.
* 214 Livio Pepino,
« riduzzione dela danno e caso italiano », in
O'Hare P, Newacombe R., Matthews A., Buning E. C, Drucker E., La
riduzione del danno, Gruppo Abele, Turin, 1994 ; Livio Pepino, «I
sentieri interrotti della riforma», in Fuoriluogo, nuova
seria, anno 2, n.6, juin, 2000.
* 215 Le rapport de la
commission Henrion de 1994 souligne la contradiction entre répression et
soin de la toxicomanie. Il en déduit la nécessité de ne
pas renter dans une application stricte de la législation en
matière de stupéfiants, ainsi il « est difficile
d'entrer en relation avec le toxicomane si on ne ferme pas les yeux sur
l'infraction pénale que constitue l'usage, du moins à
proximité des structures d'accueil ». Simon Téo
explique que la prohibition constitue un frein à la politique de soin du
fait que le soin est avant tout relationnel. Simon Théo, Drogues.
Contre la criminalisation de l'usage ?, op.cit., p.97.
*
* 216 Cf., Conseil national
du Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., 163p
* .
217 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, Sellerio Editore, Palermo, 2000,
p. 5
* 6.
* .
218 Les programmes de substitution feront par la
suite l'objet d'une réflexion spécifique.
* 219 Rouault T.,
« Cadre législatif : la loi de 1970 et l'injonction
thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur.,
Toxicomanies, op.cit, pp. in Angel P., Richard D., Valleur.,
Toxicomanies, op.cit, p.40-44
* .
* 220 Zuffa Grazia, I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
pp.50-51.
* 221 Ces indicateurs
doivent être maniés avec prudence, ils ne constituent que des
lignes directrices qui ont plus ou moins orientées les politiques
publiques sur les drogues. L'approche comparative adoptée ne permet pas
systématiquement la prise en compte des spécificités
nationales. Les configurations singulières feront cependant l'objet
d'une réflexion par la suite.
* 222 Erickson P.G., Riley
D.M., Cheung Y.W, O'Hare P. «The search for harm reduction»
in Harm Reduction: a new direction for drug policies and
programs, 1997, pp.3-1
* 1
223 Nous entendons par pays européens les
pays de l'Union européenne ainsi que la Suisse et la Norvège
* .
* 224 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.10
* 1
225 Ibid., p.101
* .
* 226 Alain Ehrenberg,
L'individu incertain, op.ci
* t
227 Dussausaye E., Politiques publiques de soins
en matière de toxicomanie, op.cit., p.20
* .
228 Jean Dugarin, Patrice, Nominé,
« La marche des idées », art.cit., p.11
* .
229 François -Xavier Colle,
« Historique des institutions spécialisées en
toxicomanie en France », in Usage de stupéfiants.
Politiques européennes,
* Maria-Luisa Cesoni (dir.),
op.cit., p.42.
* 230 Markos Zafiropulos,
Patrice Pinell, « Drogues, déclassements et stratégies
de disqualification », Actes de la recherche en sciences
sociales, n°42, avril 1982, pp.71-73
* .
231 On peut noter que cette
« monopolisation » de l'usage légitime de substances
psychoactives est similaire à la tentative opérée par les
médecins anglais afin de délégitimer tout usage non
thérapeutique des drogues
* . Celui ci sera explicité par
la suite.
232 Anne Coppel, « Peut on soigner les
toxicomanes ? Les enseignements de l'histoire », in
Toxicomanies, Hépatites, SIDA, Jean-Marie Gruffens (dir.),
pp.43-47
* .
233 Jean De Munck, « La consommation de
drogues dans le conflit des normes », in
Communications, n°62, 1996, p.31
* .
* 234 Simmat-Durand
Laurence, Rouault Thomas, Injonction thérapeutique et autres
obligations de soins, 28p et Dussausaye E., Politiques publiques de
soins en matière de toxicomanie, op.cit., p.32
* .
235 Cf., Conseil national du Sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une reformulation du cadre législatif,
op.cit
* .
* 236 Simmat-Durand
Laurence, Rouault Thomas, Injonction thérapeutique et autres
obligations de soins, op.cit.
* .
237 Loi n°70.1320 du 31 décembre 1970,
JO du 2 janvier 1971
* .
238 La commission Henrion de 1995 a qualifié
cette loi de « pièce maîtresse dans l'effort
d'endiguement dans [...] la dissolution des moeurs et [du] danger
social »
* .
* Henrion Roger, Rapport de la
Commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie, Paris,
ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville,
La Documentation française, 1995, 156p.
239 L'élément déclencheur du
sursaut législatif serait selon Henri Bergeron le « drame de
Bandol » : une adolescente est trouvée morte par overdose
au cours de l'été 1969. Le fait divers se transforme en
tragédie nationale sous l'influence des médias et un sentiment de
panique s'empare aussi bien de l'opinion publique que de la classe politique.
Cf, Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une
singularité française, op.cit., p.2
* 4
240 Ainsi, à cette même époque
une série de lois vient renforcer l'arsenal législatif
répressif. On peut citer la loi du 4 juillet 1970, dite loi
« anticasseurs », qui permet de faire condamner les
organisateurs de rassemblements interdits ayant donné lieu à des
actes de violence, la loi sur les libertés individuelles du 17 juillet
1970 qui renforce le principe de la garde à vue et de la
détention préventive et qui permet aux juges de soumettre un
prévenu au contrôle judiciaire pour une durée de 4 mois, ou
encore la loi de juin 1971 qui restreint la loi de 1901 sur le droit
d'association. Cf., Dussausaye E., Politiques publiques de soins en
matière de toxicomanie, op.cit., p.36
* .
241 Art. 222-35 du Nouveau Code Péna
* l
242 On peut noter que certaines associations telle
que CIRC (Collectif d'Informations et de Recherches Cannabiques) ont fait
l'objet de plusieurs condamnations à ce titre. L'association CAL 70
(Collectif pour l'Abrogation de la Loi de 70), en outre, a été
constituée pour abroger l'article L. 630 et constitue plus
généralement une critique de toute la loi de 1970. Simon
Théo, Drogues. Contre la criminalisation de l'usage ?,
op.cit., p.120
* .
* 243 Art.355 du Code de
la Santé publiqu
* e
244 L'injonction thérapeutique a
constitué l'un des éléments clef de la politique
française en matière de toxicomanie. Elle fera par la suite
l'objet d'une réflexion particulière.
*
245 Bisiou Yann, « Le cadre légal
français », in La demande sociale de drogues,
Albert Ogien, Patrick Mignon, op.cit., p.183
* .
246 Eve Dussausaye insiste sur l'importance de la
définition du problème en matière de politiques
publiques : « Une part importante de la dynamique des politiques
publiques se joue au moment de la définition du problème qui
nécessite une intervention des autorités publiques.
Définir le problème, c'est déjà en cerner les
contours, en saisir les enjeux et, par la même, peser sur les
réponses qui y seront apportées » Dussausaye E.,
Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie,
op.cit., p.4
* 1
247 Dussausaye E., Politiques publiques de soins
en matière de toxicomanie, op.cit., p.4
* 2.
* 248 Dente Bruno,
« Le politiche pubbliche in Italia. Introduzione »,
in Dente Bruno, Le politiche pubbliche in Italia, Bologna, Il
Mulino, 1990, pp.3-49.
* 249 Granaglia Elena,
« La politica sanitaria », in Dente Bruno, Le
politiche pubbliche in Italia, Bologna, Il Mulino, 1990, pp.367-381.
* 250 Rei Dario, Servizi
Sociali e politiche pubbliche, Nuova Italia Scientifica, 1994, p.187.
* 251 Dente Bruno,
« Le politiche pubbliche in Italia. Introduzione »,
art.cit.
* 252 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.10
* 0.
253 Il est nécessaire de rappeler que le
système politique italien d'après-guerre a été
fortement bipolarisé entre le Partito communista italiano (PCI)
et une coalition centriste regroupée autour de la Democrazia
Cristiana (DC). Celle-ci s'est maintenue au pouvoir de façon
quasi-ininterrompue jusqu'au début des années
quatre-vingt-dix.
* 254 Marco Orsenigo,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit., p.15
* 8.
* 255 S. Scannagatta, A.
Noventa, Droga e controllo sociale. Aspetti sociologici e documentazione
legislativa, Liviana Università, Padova, 1986, p.66
* .
256 Orsenigo Marco, Tra clinica e controllo
sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti,
op.cit., p.47.
* 257 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.c
* it., p.68.
258 Baraldi C., Rossi.E, « Les politiques
de prévention », art.cit., p.8
* 5.
* 259 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.122
* .
260 Campedelli Massimo, Tossicodipendenza :
punire un'allusione ?, op.cit, p.87-88
* 261 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.90
* .
* 262 On peut noter
à cet égard les similitudes entre la loi italienne
Jervolino-Vassali et la loi française sur les stupéfiants du 31
décembre 1970.
* 263 Grazia Zuffa soutient
que l'échec de la loi 685 serait imputable aux carences du
système socio-sanitaire et non pas à une défaillance du
dispositif législatif. Zuffa G., ibid.
* 264 Condorelli, Casoli,
123/III, p.11. Cité in Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit, p.92
* .
* 265 Ibid.
* .
266La question des communautés
thérapeutiques, notamment en Italie, sera par la suite l'objet d'une
réflexion spécifique.
* 267 Condorelli, Casoli.,
ibid., p.38. Cité in Zuffa G., I drogati e gli
altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit, p.93
* .
268 Il faut prendre garde à bien distinguer
la pratique à risque - le partage de seringues entre les usagers lors de
la consommation - de l'action visant à la limiter - l'échange de
seringues usagées contre des seringues stériles
* .
269 Simone Piccone Stella remarque que le
référendum de 1993 sur la loi 162 de 1990 a annulé la
norme qui prévoyait de punir pénalement le simple usage personnel
de substances définies comme illicites, les rapprochant de ce point de
vue de celles qui sont licites. La loi repose sur le fait que les individus
sont considérés comme responsables de leurs actes, toutefois cet
accroissement de liberté ne s'accompagne pas pour autant d'un
complément d'information, comme c'est le cas pour la nicotine, par
exemple. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza,
op.cit.,p.7
* 0.
* .
270 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.,p. 96.
* 271 A titre indicatif, le
nombre d'usagers réguliers des « drogues dures » est
estimé à 280 000 en France, entre 120 et 260 000 en Allemagne,
180 000 en Grande-Bretagne et jusqu'à 350 000 en Italie. Steffen M.,
Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.97
* .
272 O'Hare P., «Note sul concetto di riduzione
del danno», in La riduzione del danno, op.cit.,
p.
* 1
273 L'expression de réduction des risques
est apparue dans les régions les plus sensibles aux problèmes de
toxicomanie. Elle fut utilisée pour la première fois à la
fin des années quatre-vingt à Liverpool et dans la province du
Merseyside, en Angleterre par des responsables de centres de soins. La
région du Merseyside accueillait alors, de même que la
région d'Edimbourg en Ecosse, une forte proportion de toxicomanes
* .
274 Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.110O
* 275 Sylvie Wievorka,
«La réduction des risques», Toxibase, n°3,
3ème trimestre 1996, p.
* 1
276 Cette dernière remarque peut laisser
entendre une approche de la réduction des risque italienne d'origine
« sociale », dans le sens de la préservation du
corps social, que véritablement sanitaire, c'est-à-dire en raison
d'une véritable préoccupation de l'état de santé
des toxicomanes. Cette observation sera confirmée par la suite.
* 277 Le premier cas de
Sida, inconnu comme tel alors, fut indiqué aux Etats-Unis dans le
numéro du 5 juin 1981 du Morbidity and Mortality Weekly Report
(MMWR). A la même date, un premier cas européen fut
identifié dans un hôpital parisien. La maladie fut définie
en 1983 comme le Syndrome d'une immunodéficience acquise, le Sida,
causé par le Virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Cf.,
Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.7.
* 278 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.97
* .
279 Nizzoli Umberto, «Assistere persone con
Aids, tossicodipendenti e no», La cura delle persone con Aids.
Interventi e contesti culturali , op.cit., pp.1
* 4
280 Steffen M., ibid
* .
281 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.105
* .
* 282 Pour une analyse
détaillée des processus nationaux de mise à l'agenda de
l'épidèmie de VIH/Sida on peut se reporter avec profit à
l'ouvrage suivant : Steffen Monika, Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit., pp.36-57.
* 283 Agnoletto V., La
società dell'Aids, op.cit, p.17
* 9
284 Ce rapport affirme : «Nous n'avons
aucune hésitation à conclure que la diffusion du VIH constitue
pour la santé individuelle et collective un danger supérieur
à celui de l'abus de drogue. Par conséquent, les services qui
utilisent tous les moyens disponibles pour combattre les comportements qui
comportent des risques d'infection à VIH devront être
privilégiés ». Cité in Agnoletto V.,
La società dell'Aids, ibid
* .
* 285 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.102
* .
* 286 Drucker E.,
«Harm reduction : A Public Health Strategy», in Current
Issues in Public Health, 1, 1995, p.64.
*
287 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit., p. 5
* 0
288 Cf., O'Hare P., «Note sul concetto di
riduzione del danno», in La riduzione del danno,
op.cit ; Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza,
op.cit., p.105
* .
* 289 Michel Setbon,
Pouvoirs contre le Sida. De la transfusion sanguine au
dépistage : décisions et pratiques en France,
Grande-Bretagne et Suède, Paris, Seuil, coll.
« Sociologie », 1993, p.27
* .
290 Bertrand Lebeau, in Dictionnaire
des drogues, des toxicomanies et des dépendances, Denis Richard,
Jean-Louis Senon, op.cit., p.352
* .
291 Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.103
* .
* 292 France Lert,
« La mise en oeuvre des nouvelles modalités de prise en charge
et de prévention dans le contexte d'une stratégie de
réduction des risques », in Les drogues en France.
Politiques, marchés, usages, Claude Faugeron, Genève, Georg
éditeur, 1999, pp.234-248
* .
293 Courty P., Le travail avec les usagers des
drogues, op.cit., p.62
* .
294 Cette conception implique une autre
définition de la réduction des risques qui pourrait être
résumée ainsi « Si un usager de drogues ne peut ou ne
veut pas renoncer à l'usage de drogue, on doit l'aider à
réduire les risques qu'il cause à lui-même et aux
autres ». E.Buning, G Van Brussel, « The effects of harm
reduction in Amsterdam », Europ.Addict.Res., n°1, 1995,
pp.92-98, cité in Nathalie Frydman, Hélène
Martineau, La drogue : où en sommes-nous ? Bilan des
connaissances en France en matières de drogue et de toxicomanie,
Paris, IHESI, coll. « La sécurité
aujourd'hui », La documentation française, 1998, p.19.
* 0
* 295 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.40
* .
296 C'est par exemple l'acception qu'adopte Grazia
Zuffa lorsqu'elle définit la réduction des risques comme
étant « la politique sanitaire et sociale qui
privilégie comme but la réduction des effets négatifs de
la consommation de drogues ». Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit., p.39
* .
297 Cf. Fazzi L., « Les politiques de
réduction des risques » , art.cit, p.23
* 5.
* 298 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.104
* .
299 Bellini Marco L., «Valutazione e
qualità degli interventi di prevenzione delle tossicodipendenze: un
esperienza con le Unità di strada», in Lai Guaita Maria
Pia (dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit,
p.5
* 8
300 Thamm, « Drogenpolitik darf kein
Tabuthema sein », in U. Adams (hg.), Drogenpolitik,
Lambertus, Freiburg, 1989
* .
301 Glatt propose par exemple trois paradigmes
d'explication de la toxicomanie qui doivent être pris en compte lors
de la thérapie : l'hôte, selon lequel les caractéristiques
personnels du toxicomane sont pertinentes dans une thérapie ;
l'agent qui met en avant les caractéristiques pharmacologiques des
substances consommées et l'environnement (micro et macro) dans lequel
évolue le toxicomane. Cf., Glatt M.M, I fenomeni della dipendenza.
Guida alla conoscenza e al trattamento, Feltrinelli, Milano, 1979
* .
* 302 Le fait que la
réduction des risques doive être conditionnée ou non
à une thérapie constitue l'un des thèmes de divergence et
de désaccords de la réduction des risques. Ce point sera
traité par la suite dans les limites de la réduction des
risques
* .
303 « De telles stratégies [de
réduction des risques] n'excluent bien sûr pas le passage à
des programmes thérapeutiques et/ou de réhabilitation
véritables, mais ils cherchent au moins à en constituer une
propédeutique, ils affrontent les problèmes avec un ordre de
priorité correct : des risques plus graves et immédiats
(VIH, hépatites et pathologies corrélées) à celles
qui sont plus difficiles et longues à affronter (l'abandon de la
dépendance), sans les confondre, dans l'obstiné et tenace
tentative d'être présent au moment ou s'effectuent des choix
importants, pour ne jamais dire « il n'y a plus
d'espoir » ; conscient du fait que seul celui qui reste en vie
peut sortir de l'héroïne » Agnoletto V., La
società dell'Aids, op.cit, pp.180-181
*
304 Leopoldo Grosso, «Postfazione»,
in O'Hare P, Newacombe R., Matthews A., Buning E. C, Drucker E., La
riduzione del danno, Gruppo Abele, Turin, 1994
* .
* 305 Fazzi
L.,« Les politiques de réduction des risques » ,
art.cit, p.11
* 3
306 Souligné par l'auteur. Steffen M.,
Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.94
* .
307 Grazia Zuffa résume ainsi cette
opposition de principe entre modèle prohibitionniste et politique de
réduction des risques : « Dans la première philosophie
[tolérance zéro] l'approche morale est centrale [...]
l'intervention se concentrant uniquement sur la suppression du rapport entre le
sujet et la substance. A l'inverse, dans la philosophie de la réduction
des risques l'approche sociale est prédominante : le comportement
de consommation de drogues, qui n'est bien sûr pas souhaitable, peut
être contrôlé, aussi bien individuellement que socialement,
en cherchant d'en réduire les risques » Zuffa G., I drogati
e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.48.
*
* 308 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.42
* .
309 Grazia Zuffa affirme : « Il est
en revanche plus réaliste d'appliquer aux drogues illégales les
mêmes principes de limitation des risques que l'on applique aux drogues
douces : en cherchant de distinguer l'usage de l'abus (comme cela est fait
pour l'alcool dans nos sociétés) entre drogues à hauts et
à bas risques, entre les modalités d'usage plus risquées
et d'autres moins dangereuses » Idem.,p.47
* .
310 Idem.,p.43
* .
* 311 C'est dans cette
idée de culture que se trouvent les racines de l'idée de
légalisation des substances douces. Cohen P., « Shifting the
main purposes of drug control : from suppression to regulation of use.
Reduction of risks as the new focus for drug policy », in
The International Journal of Drug Policy, 10, 1999, p .3.
* s
312 Wolfgang Schneider, « Quo Vadis
Dogenhilfe ? », in Neue Praxis, 2, 1998.
*
313 Fazzi L.,« Les politiques de
réduction des risques », art.cit, p.127
* .
* 314 « Si on
considère la liberté comme une valeur fondamentale pour
l'individu, il est donc nécessaire d'abandonner la rhétorique de
la drogue comme étant un choix et oeuvrer à l'inverse de
façon à réduire et/ou enlever les conditions de la
dépendance en s'attachant à utiliser dans ce but la
pluralité d'instruments et de méthodologies qui peuvent aller
dans ce sens ». Fazzi L., ibid., p.130
* .
315 Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze e
politiche sociali in Italia, p.24
* .
316Idem.,p.1
* 6.
* 317 Nadelman E.,
« Progressive Legalizers, Progressive Prohibitionists and the
Reduction of Drug related Harm », in Heather N., Wodack A.,
Nadelman E, O'Hare P., Psychoactive Drugs and Harm Reduction: From Faith to
Science, Whurr Publishers, London, 1993. Drucker E., Forward to Harm
reduction: a new direction for drug policies and programs, Erickson P.G.,
Riley.D.M., Cheung Y.W., University of Toronto Press, Toronto, 1997.
*
318 L'exemple de la Suisse, qui sera
développé par la suite, est encore plus significatif. Ce pays a
mis en place une importante politique de réduction des risques sans pour
autant exclure le principe de la répression des drogues, notamment du
trafic. La Suisse n'a pas libéralisé les drogues mais elle a en
revanche dépénalisé l'usage simple de drogues.
* 319 Drucker E.,
op.cit., p.9
* .
320 Nadelamnn E., «Progressive Legalizers,
Progressive Prohibitionists and the Reduction of Drug related Harm»,
in Psychoactive Drugs and Harm Reduction: From Faith to
Science, op.cit.
* 321 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.19
* .
322 Nadelman, E., «Commonsense Drug
Policy» in Foreign Affairs, Vol.77, n.1,
Janvier/février, 1998, p.112.
* 323 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.89.
*
* 324 Fazzi L., Scaglia A.,
Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit.,
p.15.
* 325 OFDT, Drogues et
toxicomanies. Indicateurs et tendances, Paris, OFDT, 1997
* .
* 326 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.101.
* 327 Cette analyse repose
sur l'ouvrage de Monika Steffen, Les Etats face au Sida en Europe,
op.cit., pp.111-119
* .
328 Steffen M., ibid., p.113.
* 329 Après la
conférence de l'Aja de 1912, la communauté internationale
établit que la production et le commerce d'opium et de coca doivent
être mis sous le contrôle des gouvernements. Le prohibitionnisme
commence alors à se développer et c'est dans cet esprit que le
Royaume Uni adopte en 1920 le Dangerous Drug Act qui interdit la
prescription de drogues. Cette orientation politique est alors plus
guidée par la situation des équilibres internationaux
d'après-guerre (les Etats Unis sont en pleine expansion) que par la
gravité de la situation épidémiologique. Cette
interdiction prendra fin en 1926.
* n
330 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, p.114
* .
331 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit.
* 332 On peut noter que le
paradigme de la réduction des risques repose en partie sur un
raisonnement similaire. Le rapport sanitaire est conçu comme une
occasion afin d'entamer un rapport social pouvant déboucher à
terme sur un programme thérapeutique.
* 333 Berridge V.,
«Harm Minimisation and Public Health: an Historical Perspective»,
in Heather N., Wodack A., Nadelmann E., O'Hare P., Psychoactive
Drugs and Harm Reduction: From Faith to Science, Whurr Publishers, Londres,
1993
* .
334 Le rapport Rolleston, du nom du
président dirigeant la commission constituée en 1926 et à
l'origine d'un rapport gouvernemental sur les dépendances,
établit que « lorsque ont été
réalisé tous les efforts possibles [...] pour conduire le patient
en une condition d'affranchissement de la dépendance de la drogue, et
quand ces tentatives se sont révélées infructueuses, la
prescription d'une dose minimale nécessaire de substance peut être
justifiée dans certains cas afin que le patient soit maintenu dans une
condition lui permettant de conduire une vie utile ». La
politique du Public Health anglaise correspondait à une
idéologie utilitariste et avait donc une justification avant tout
économique, c'est l'utilité sociale de chaque individu qui
justifiait son traitement. Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di
riduzione del danno, op.cit., p. 5
* 2
335 Ibid., p.53.
* 336 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.55
* .
337 Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit.,p.112.
* 338 Anni Mino,
« Evolution de la politique de soins en matière de
toxicomanies : la réduction des risques »,
op.c
* it, p.133.
339Une étude menée par Robertson en
1986 établit que dans la ville d'Edimbourg, alors que les seringues ne
sont pas en vente libre, le taux de séroprévalence du Sida est de
l'ordre de 45 à 55%. Dans la ville de Glasgow où, à
l'inverse, les seringues sont vendues en pharmacie, ce taux de
prévalence descend à moins de 10%.
J. R. Roberston, A. B. V. Bucknall, « Epidemic of
AIDS Related Virus (HTV/LIII/LAV) Infection among Intravenous Drug
Abusers », British Journal of Addiction, n°192, 1986,
p.527, in Anne Copel, « Les intervenants en toxicomanie, le
Sida et la réduction des risques en France »,
art.cit., p.7
* 6.
340 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.43.
* 341 Le
Controlled Drug Penality Act britannique de 1985 se concentre
sur la lutte contre la criminalité liée à la drogue tout
en laissant les modalités de prise en charge et les traitements
médicaux à l'appréciation des professionnels de la
santé
* .
342 Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, p 11
* 0
343 Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.10
* 6
344 Monika Steffen décrit le processus qui a
conduit à l'adoption gouvernementale de la réduction des risques:
«L'adoption de la politique de réduction des risques sanitaires
résulte d'un processus de mobilisation ascendante, allant de la base
vers le sommet. L'adoption au sommet se fait sous la pression conjointe des
responsables de la santé publique, des commissions parlementaires et des
associations de bénévoles ». Steffen M., Les Etats
face au Sida en Europe, op.cit., p.11
* 1
345 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.55
* .
* 346 Ibid.,
p.63.
* 347 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.64
* .
348 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, p.110
* .
* 349 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.65.
* 350 Cependant, les
coffee shops n'étaient pas exemptes de contradiction comme le
note lors d'un entretien un brigadier hollandais : « Le
problème est l'approvisionnement des gérants [des coffee
shops] sur le marché clandestin. Le propriétaire du magasin
peut détenir le cannabis dans le local, mais si nous l'attrapons alors
qu'il achète ou revend les fameux 500 grammes dans le coffe
shop, il est paradoxalement dans une situation illégale »
avant d'ajouter « la légalisation est nécessaire si nous
voulons que les coffee shops n'aient plus aucun rapport avec les
trafiquants et pour éviter que les gérants réinvestissent
leurs profits dans le marché noir ». L'approvisionnement
légal des coffee shop a été résolu par une
motion du parlement hollandais adressée au gouvernement en juin 2000.
* 351 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.60.
* 352 Ce centre propose
aussi d'autres services tels que des douches ou des laveries automatiques, une
assistance nocturne en période de grand froid (les températures
peuvent atteindre moins 20° en hiver) et une unité mobile de
proximité. Cf., Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di
riduzione del danno, op.cit.,p.64
* .
* 353 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.73.
* 354 Il est
nécessaire de préciser que l'expérience du parc de Zurich
ne fut pas à l'origine de la municipalité. Le regroupement de
toxicomanes était à l'origine spontané. Ce n'est que dans
un second temps que la ville de Zurich a organisé un ensemble de
prestations sanitaires et sociales aux usagers de drogue qui
fréquentaient le parc
* .
* 355 L'expérience
suisse fut perçue en Italie, comme le rappelle Grazia Zuffa, comme une
forme de contrôle social pouvant créer un ghetto de
marginalité. Il s'agirait, selon elle, à l'inverse
d'« une première reconnaissance des droits de
citoyenneté pour les consommateurs : un lieu de la ville a au moins
été rendu à ces personnes » Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.75
* .
356 Grazia Zuffa remarque que l'exemple de Zurich
témoigne des limites de la politique de la réduction des
risques : elle ne peut être appliqué qu'à une plus
grande échelle, qui soit au minimum nationale.Idem., p.74
* .
357 Les quatre piliers de la politique
helvétique sont les suivants : prévention, thérapie,
réduction des risques, répression. Idem., p.75
* .
* 358 Ibid.,
p.78.
* 359 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.86
* .
360 Cette décision a été
entérinée après un second référendum, le 13
juin 1999, qui portait sur la prescription médicale
d'héroïne et qui a été marquée par une
victoire du « Oui » avec 54,5%. Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, p.115. L'expérimentation suisse de
l'héroïne sera, par ailleurs
* , analysée
ultérieurement.
* 361 Il est difficile de
caractériser avec précision la date à laquelle la France
applique le modèle de la réduction des risques. La date,
arbitraire, de 1995 marque l'élargissement des programmes de
substitution et la remise en cause du paradigme de l'abstinence. D'autres
mesures fondées sur le principe de la réduction des risques
avaient toutefois précédé cette mesure
* .
362 Bergeron H, l'Etat et la toxicomanie.
Histoire d'une singularité française, op.cit., p.
* 9.
* .
363 Bergeron (H.), L'Etat et la toxicomanie,
histoire d'une singularité française, Paris, Presses
Universitaires de France, 1999, 370 p.
* 364 B. Jobert,
« Les politiques sociales et sanitaires », in
Madeleine Grawitz et Jean Lecas (dir.), Traité de science
politique, tome 4, Paris, PUF, 1985, p.324
* .365 Coppel A.,
« Les intervenants en toxicomanie, le sida et la réduction des
risques en France », Communications, 1996, (62), p.8
* 7
366 Un rapport établi par la Cour des
Comptes en 1998 établi qu'en raison « d'une
instabilité chronique résultat de remaniements successifs, de
rattachements fluctuants et de la succession rapide de ses
responsables », l'instance ministérielle « n'est pas
parvenue à dépasser un rôle de distributeur de
crédits non affectés et à animer une véritable
politique interministérielle sur des thèmes tels que la
prévention, la communication, la formation ou la recherche ».
Cour des Comptes, Le dispositif de lutte contre la toxicomanie. Rapport
public particulier, Paris, Les éditions du Journal Officiel, 1998,
p.43
* .
367 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoire d'une singularité française, op.cit.,
p.8
* 1
368 Pelletier Monique, Rapport de la mission
d'étude sur l'ensemble des problèmes de la drogue, Paris, La
Documentation française, 1978, 284p
* .
369 Trautmann Catherine, Lutte contre la
toxicomanie et le trafic de stupéfiants : rapport au Premier
ministre, Paris, La Documentation française, collection des rapports
officiels, 1990, 266p
* .
370 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoire d'une singularité française, op.cit.,
p.19
* 8
371 Francis Curtet, Libération, 30
novembre 1992
* .
372 « Aucune différence majeure
n'a, par ailleurs, pu être décelée entre les trois grandes
modalités thérapeutiques que sont les traitements ambulatoires,
les programmes de maintenance à la méthadone et les
communautés thérapeutiques. Il n'existe donc pas d'argument
d'efficacité pour privilégier ou écarter l'un ou l'autre
de ces types de traitement ». Lert et Fombonne, La toxicomanie,
vers une évaluation de ses traitements, La Documentation
française, Paris, coll. « Analyses et
prospectives », 1989, 144p
* .
373 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoire d'une singularité française, op.cit.,
p.23
* 2.
374 Alain Morel, Le Nouvel Observateur,
dossier « Drogue et Sida », 26 novembre -2 décembre
199
* 2.
375 Décret n°92-590 du 29 juin 1992
relatif aux centres spécialisés de soins aux toxicomanes.
Ministère de la Santé et de l'Action humanitaire,
Ministère de la Justice, Ministère du Budget, Journal officiel du
2 juillet 199
* 2.
* .
376 Courty P., Le travail avec les usagers des
drogues, op.cit., p.9.
* 377 Cette thèse
peut être illustrée par l'extrait d'un entretien conduit en 1996
par Monika Steffen lors de sa recherche auprès d'un médecin
hospitalier soignant des toxicomanes sidéens : « Les
thérapeutes privilégient le travail sur la problématique
personnelle du toxicomane, sur son passé affectif et psychologique. Leur
objectif est le sevrage par une restructuration de la personnalité. La
prévention d'une maladie physique leur est
étrangère » Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, op..cit., p.13
* 3
378 Idem, p.133
* .
379 Dussausaye E., Politiques publiques de soins
en matière de toxicomanie, op.cit., p.89
* .
* 380 Circulaire DGS/750/2D
du 5 août 1986 relative aux dépenses de dépistage et du
traitement du Sida chez les toxicomanes
* .
381 « La lutte contre le Sida ne passe
pas par une révision de la lutte contre la toxicomanie (...) La lutte
contre le Sida chez les toxicomanes ne passe pas non plus par la mise en place
de structures spécifiques pour toxicomanes sidéens (...) Le
dispositif de soins pour toxicomanes doit pouvoir s'adapter dans sa logique
propre que le Sida vient perturber mais non invalider ». Catherine
Trautmann, Lutte contre la toxicomanie et le trafic de
stupéfiants : rapport au Premier ministre, op.cit.,
pp.173-174
* .
382 Dussausaye E., Politiques publiques de soins
en matière de toxicomanie, op.cit., p.9
* 0
383 Anne Coppel, « Les intervenants en
toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France »,
art.cit, p.78
* .
384 Le taux de contamination des toxicomanes
détenus était de 70% à Nice en 1984, 61% à Fresnes
en 1985, 54% à Bordeaux en 1985-1986. Anne Coppel, « Les
intervenants en toxicomanie, le sida et la réduction des risques en
France », art.cit, p.80
* .
385 Pour plus de précisions sur le
traitement journalistique du rapport entre Sida et toxicomanie, Cf. Dussausaye
E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie,
op.cit., p.8
* 8.
* 386 J-M Faucher,
« Campagne nationale de lutte contre la toxicomanie. A chacun son
fléau », Le journal du Sida, n°24, janvier 1991,
cité par Anne Coppel, « Les intervenants en toxicomanie, le
Sida et la réduction des risques en France »,
art.cit, p.81
* .
387 Sidney Hercule, Nouvelles orientations en
matière de lutte contre la toxicomanie : 1993-1995,
op.cit., p.70
* .
388 Wievorka Sylvie, «La réduction des
risques», op.cit., p.6
* .
389 Montagnier Luc, Le Sida et la
Société française : rapport au premier ministre,
Paris, La Documentation française, collection des rapports officiels,
1994, 324p
* .
390 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoire d'une singularité française, op.cit.,
p.259
* .
391 Coppel A., « Les intervenants en
toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France »,
op.cit., p.79
* .
* 392
François-Rodolphe Ingold, « Les toxicomanes ont-ils une
santé ? Brève histoire des traitements en
France », op.cit, p.323
* .
393 Cf le rapport de l'ANIT de mai 1993 qui
proposait une dépénalisation de l'usage des drogues illicites.
ANIT, Pour un plan d'urgence et une politique cohérente, mai
1993
* .
394 Cour des Comptes, Le dispositif de lutte
contre la toxicomanie, Rapport public particulier, op.cit.,
p.36
* .
395 Plan de lutte contre la drogue de la DGLDT du
23 septembre 1993, cité in Henri Bergeron, L'Etat et la
toxicomanie. Histoire d'une singularité française,
op.cit., p.294
* .
396 Henrion Roger, Rapport de la Commission de
réflexion sur la drogue et la toxicomanie, Paris, Ministère
des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, La Documentation
française, 1995, 156p
* .
* 397 Roger Henrion,
Rapport de la Commission de réflexion sur la drogue et la
toxicomanie, op.cit, p.34
* .
398 Toutefois, la mise à disposition de
préservatifs n'apparut pas alors nécessaire et ne se fera qu'en
1993. Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de
société sans drogues » :Un processus de
normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit,
pp.7-3
* 1
399 Coppel A., « Les intervenants en
toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France »,
op.cit., p.99
* .
400 Circulaire DGS/311/sida du 5 mai 1992
* .
401 Dans le précédent plan de la
DLGT, le budget alloué aux « boutiques » ne
représentait que 5 millions de francs sur les 50 millions alloués
aux lieux d'hébergement des toxicomanes
* .
402 Décret n°95-255 du 7 mars 1995
modifiant le décret 72-200 du 13 mars 1972 réglementant le
commerce et l'importation des seringues et des aiguilles destinées aux
injections parentérales, en vue de lutter contre l'extension de la
toxicomanie, ministère des Affaires sociales, de la Santé et de
la Ville, ministère de l'intérieur et de l'Aménagement du
territoire, ministère du Budget, Journal officiel du 9 mars
1995. Cité in Courty P., Le travail avec les usagers des
drogues, op.cit.,p.6
* 0.
* 403 Faugeron Claude,
Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans
drogues » : Un processus de normalisation ?, in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, op.cit, pp.7-31
* .
404 La longue et difficile acceptation des
traitements de substitution par les professionnels de la toxicomanie
français sera l'objet d'une analyse ultérieure.
*
405 B. Chritoforov, « Le colloque de
Saint-Tropez, Toxicomanies -Hépatites- Sida, le
« Tournant », in Toxicomanie, Hépatite,
Sida, Jean-Marie Guffens (dir.), op.cit., p.36
* .
406 Dussausaye E., Politiques publiques de soins
en matière de toxicomanie, op.ci
* t., p.119
* e407 Dussausaye
E., Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie,
op.cit., p.108.
408 Entretien extrait de Dussausaye E.,
ibidem., p.108
* .
409 Le sujet de la dépénalisation de
l'usage des drogues sera traité ultérieurement dans une le cadre
d'une approche comparative.
*
410 L'autonomisation du champ institutionnel
français en matière de toxicomanie sera par la suite l'objet
d'une analyse plus détaillée.
*
411 De nombreux ministères sont
impliqués dans la lutte contre les toxicomanies et le soin des personnes
dépendantes : ministère de l`Emploi et de la Solidarité,
ministère de l'Intérieur, ministère de la Justice,
ministère de l'Education nationale, ministère de la Recherche,
ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, minist
* ère de la Jeunesse et des
Sports.
412 Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.132
* . 413 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.132.
414 On peut citer parmi les organismes les plus
importants : l'Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies
(OFDT), l'Agence Française de Sécurité Sanitaire et des
Produits de Santé (AFSSAPS), l'Institut National de Veille Sanitaire
(INVS ex RNSP), le Comité Français d'Education à la
Santé (CFES), Les Centres d'Évaluation et d'Information sur la
Pharmacodépendance (CEIP), le Haut Comité de la Santé
Publique (HCSP), le Comité consultatif national d'éthique (CCNE),
le Conseil National du sida (CNS),l'Agence Nationale de Recherche sur le sida
(ANRS), l'Office Central de Répression du Trafic et d'Infraction
à la législation sur les Stupéfiants (OCRTIS)
* .
415 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.,p.10
* 7.
* .
416 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.8
* 9
417 Atti della I Conferenza nazionale sulla
droga , Palermo, 06/1993, Presidenza del Consiglio dei Ministri,
p.21
* .
* 418 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.10
* 7
419 En 1990, un réseau de villes
européennes a été crée qui ont souscrit la
« résolution de Francfort » où le principe de
la réduction des risques est affirmé comme étant un nouvel
objectif
* .
420 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.10
* 6
421 Atti della I Conferenza nazionale sulla
droga , Palermo, 06/1993, Presidenza del Consiglio dei Ministri,
p.78
* 7.
* 422 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.108
* .
423 Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit.,p.12
* 6.
* 424 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.110
* .
425 « Contro le droghe, cura la
vita ! », Seconda conferenza nazionale sui problemi connessi con
la diffusione delle sostanze stupefacenti e psicotrope e
sull'alcooldipendenza », Documenti elaborati dai gruppi di
lavoro ; Napoli, 13-14-15 marzo 1997, Presidenza del Consiglio dei
Ministri,p.2
* 5
426 « Contro le droghe, cura la
vita ! », ibid., p.18
* 3.
* 427 Grosso Leopoldo,
« Riduzione del danno e liberazione dalla droga : un'alleanza
possibile », art.cit., p.26
* 8
428 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
politiche di riduzione del danno, op.cit.,p.11
* 7
429Idem.,pp.120-121
* .
* 430 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.12
* 6.
431 « Droghe: parte la conferenza pronta
la "controconferenza», La Repubblica, 27 novembre
2000.
* 432 Carlo Chianura,
«Veronesi: "Fallito il proibizionismo"», La Repubblica, 28
novembre 2000.
* 433 « Droga,
Berlusconi a Muccioli "Bisogna cambiare"», La Repubblica, 27
octobre 2001.
* 434 San
Patrignano et une communauté traditionnelle très
emblématique des communautés italiennes. Elle sera
analysée par la suite.
* 435 Jenner Meletti,
«Droga, la svolta di Fini, parola d'ordine: reprimere», La
Repubblica, 27 ottobre 2001.
* 436 Grosso Leopoldo,
« Riduzione del danno e liberazione dalla droga : un'alleanza
possibile », in La riduzione del danno,
op.cit., p.272
* .
437 Carlaminhi R. (dir.), « Le nuove
frontiere della riduzione del danno. Intervista a Leopoldo Grosso », in
Animazione sociale, A.XXX, NR.140, février 2000, p.3 et suiv.
*
* 438 Galli M et Rezza G,
« L'Aids in Italia », Le scienze, n°231,
septembre 199
* 8.
* 439 Agnoletto V., La
società dell'Aids, op.cit, pp.181-18
* 2.
* 440 Nathalie Frydman,
Hélène Martineau, La drogue : où en
sommes-nous ? Bilan des connaissances en France en matières de
drogue et de toxicomanie, op.cit.,30
* 1
441 Caballero Francis, Bisiou Yann, Droit de la
drogue, Paris, Dalloz, 2 ème édition 2000, p.595
* .
442 Pascal Courty rend compte d ce décret,
et plus généralement des réticences du monde
médical à mettre en place l'échange de seringues, par la
considération de l'injection elle-même. La seringue est, selon
lui, un objet qui mérite une réflexion à part
entière dans l'histoire de la toxicomanie. Le problème de
l'injection a longtemps constitué en médecine un tabou. Ce n'est
qu'à partir de la réduction des risques qu'elle fut
envisagée comme acceptable dans certaines circonstances. « Ce
n'est qu'à partir du moment où l'on a mis en place des programmes
d'échange/récupération de seringues que celui-ci [le
thème de l'injection] est apparu. Cependant, il ne s'agissait pas
d'évoquer l`injection comme une modalité de prendre un produit
mais plutôt d'en faire un outil de la réduction des
risques ». Courty P., Le travail avec les usagers des drogues,
op.cit., p.57.
* 443
Libération, 3-4 août 1985 et Le Quotidien du
médecin, 8-9 septembre 1985, Bergeron Henri, p.7
* 9
444 Laurence Folléa, « La
chronologie du décret de 1987 sur la mise en vente libre des seringues
est précisée », Le Monde, 25 février
* .
* 445 Le docteur Dugarin
écrit « Penser qu'une simple législation sur les
seringues va changer les risques encourus par les toxicomanes est un
délire de la part du monde médical et journalistique »,
Docteur Dugarin, Libération, 22 Août 1985
* .
446 Décret du ministère de la
santé n°87-328 du 13 mai 1987
* .
447 Michèle Barzach déclara
d'ailleurs : « Ce que le dossier Sida-toxicomanie aura
révélé, ce sont les dysfonctionnements de l'Etat, la
lenteur de prise de décision, la lourdeur du temps
administratif » Michèle Barzach, Vérité et
tabous, Paris, Seuil, 1994, 212p., cité in Sidney Hercule,
Nouvelles orientations en matière de lutte contre la
toxicomanie : 1993-1995, op.cit., p.93
* .
448 Coppel A., « Les intervenants en
toxicomanie, le sida et la réduction des risques en France »,
op.cit., p.99
* .
449 Décret n°88-894 du 24 août
1988 relatif à la prolongation de la suspension pour un an du
décret de 1972 sur les seringues
* .
450 Décret n°89-560 du 11 août
1989 qui établit durablement la mise en vente des seringues libres
* .
451 Roger Henrion, « Révision de
la loi : entre passion et raison », op.cit., p.28
* .
452 Costat, Gliola, Valleron,
« Prévalence de l'infection au VIH en France avant
l'introduction du traitement précoce : estimation par
rétrocalcul » in Revue
épidémiologique et santé publique, n°41, 1993,
p.437, chiffres repris in Droits de la drogue, Francis
Caballero, Yann Bisiou, op.cit., p.593
* .
* 453 Messieurs Chirac,
Fabius, respectivement Premiers ministres et Messieurs Pasqua, Seguin, Balladur
et Hervé, ministres, et Madame Dufoix, ministre de la Santé. Cf.
« SIDA : quatre toxicomanes infectés par le virus du Sida
ont porté plainte contre sept ministres », Le Monde, 5
avril 1995 ; Libération, 4 avril 1995
* .
454 Commission des requêtes de la Cour de
justice de la République, classement sans suite du 28 septembre 1995
* .
455 Commission européenne des Droits de
l'Homme, 2ème Chambre, décision du 4 mars 1998,
Itard contre France, requête n°31102/96
* .
456 Circulaire DGS/311/Sida du 5 mai 1992 qui
présente les résultats estimés positifs de trois projets
pilotes d'échange de seringues et de prévention de VIH mis e
place entre 1989-1990. Rapport remis à la Divion Sida en septembre 1991
par Françoise Facy, chercheur à l'INSERM.
*
457 Extrait d'un entretien r
* éalisé et cité
par Dussausaye E., Politiques publiques de soins en matière de
toxicomanie, op.cit., pp.94-95.
* 458 Coppel A.,
« Drogue : réduire les risques »,
Libération, 9 mars 1993.
459 Décret n°95
* -255 du 7 mars 1995, JO du 9 mars
1995, p.3685.
460 Sylvie Wievor
* ka, « La réduction
des risques », art.cit, p.7.
461 Cf. Wiebel et E. Senay, « Changer les
comportements à haut risque chez les usagers de drogue par voie
intraveineuse dans les rues de Chicago », Rétrovirus,
n°4, 1991, pp.35-37, cité in Sylvie Wievor
* ka, « La réduction
des risques », art.cit, p.9.
462 Lettre aux associations menant des programmes
de prévention du Sida et des hépatites auprès d
* es usagers de drogue, 11 juin 1996,
DS2-449/96.
* 463 Les données
présentées ici sont extraites du
* rapport suivant : MILDT,
Plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des
dépendances 1999 - 2000 - 2001, op.cit., p. 85.
464 Le terme employé en Italie pour designer
l'outreach work est celui de « unità di
strada » (littéralement « unité de
rue ») qui nous semble plus restrictif que la définition
française. Le travail de proximité peut se dérouler dans
la rue, au sein des institutions (prisons, hôpitaux, écoles) ou
encore, bien que moins fréquemment au domicile des personnes comme
Danemark ou en Grande-Bretagne. L'élément commun des
différents types de travail de proximité est le milieu dans
lequel il s'effectue
* : dans l'environnement
« naturel » des usagers.
465 L'analyse qui suit de la notion de travail de
proximité a été construite à partir de l'analyse
des ouvrages et des articles suivants auxquels il est possible de se
conférer pour de plus amples informations : Mougin Chantal,
« Le travail de proximité auprès des usagers de drogues
en Europe. Concepts, pratiques et terminologie », in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, op.cit, pp.129-146 ; Faugeron Claude, Kokoreff Michel,
« Il n'y a pas de société sans
drogues » : Un processus de normalisation ?, in Faugeron
C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et limites,
op.cit, p.28 ; Roger Lewis, « Attività ad ampio
raggio : ricerca attiva e prevenzione dell'Hiv tra i consumatori di droghe
iniettive»,La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti
culturali, Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001,
pp.95-103; Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione dell'Aids in
Europa: alcune piste di riflessione», La cura delle persone con Aids.
Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.),
op.cit, pp.105-115 ; Salarais Maristella, « Riduzione del
danno : unità educativa di strada », La cura delle
persone con Aids. Interventi e contesti culturali, Nizzoli Umberto, Oberto
Bosi (dir.), op.cit, pp.301-310 ; Bellini Marco L., «Valutazione
e qualità degli interventi di prevenzione delle tossicodipendenze: un
esperienza con le Unità di strada», in Lai Guaita Maria
Pia (dir.), La pre
* venzione delle
tossicodipendenze, op.cit, p.57.
466 Hartnoll R.L., et al., A survey of Hiv
outreach intervention in the United Kingdom, London, B
* irkbeck College, Drug Indicators
Project, 1990.
467 Wiebel J., « Positive effects on Hiv
seroconversion of street outreach interventions with IDUs in Chicago
1988-1992 », Ameri
* can Journal of Public Health,
n.24, pp.315-332.
468 Il est nécessaire de constater que le
travail de proximité est une activité davantage destinée
à atteindre les consommateurs de drogues classiques (héroïne
et cocaïne) que les consommateurs de drogues de synthèse. Le manque
de projet dans ce second secteur est probablement lié au contexte dans
lequel a été développé le travail de proxi
* mité : répondre
à l'urgence sanitaire du sida.
* 469 Maristella Salarais
qui a participé à la constitution du projet
«unità di strada» de l'Usl de Rimini né en
1994 en résume la philosophie : «La position de ceux qui
soutiennent que le toxicomane doive «toucher le fonds» pour pouvoir
remonter nous semble cynique et même parfois perverse. Si cela est vrai
pour certains, toucher le fonds signifie pour d'autres mourir d'overdoses,
s'infecter au virus VIH ou adopter des conditions de vie quasi
dishumaines » et elle ajoute « La période de la vie
marquée par un état de toxicomanie représente un moment de
l'existence dans lequel il est possible d'intervenir, fournissant les
instruments qui peuvent favoriser un pas en avant vers une qualité de
vie plus satisfaisante, le meilleur bien être possible en ce moment, en
partant de certaines conditions hygiénico-sanitaires »
Salarais Maristella, « Riduzione del danno
* nsumatori di droghe
iniettive», in La cura delle persone con Aids. Interventi e
contesti culturali , op.cit., p.96.
470 Emccda, Outreach
* Work Drug Users in Europe,
«Insight», 2, 1990.
471 Montanari Linda, «Valutazione e
prevenzione dell'Aids in Europa: al
* cune piste di riflessione»,
in La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti
culturali., pp.112-113.
* 472 Pour un exemple
concret de travail de proximité auprès des jeunes on peu se
reporter au document, présenté par la suite, « Le Bus
Echange Prévention » qui décrit un projet de
prévention dév
* eloppé par le CSTT de
Clermont-Ferrand.
473 Les activités d'auto-support seront
décrites plus amplement par la suite.
* 474 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
lé
* g islatif,
op.cit.
* 475 Les données
présentées ici sont extr
* aites du rapport suivant :
MILDT, Plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des
dépendances 1999 - 2000 - 2001 , op.cit., p. 85.
476 « Toutes les activités
d'animation ne sont jamais une fin en elles-mêmes mais elles ont une
fonction de support à l'action éducative, créatrice de
liens interpersonnels. Les activités sont donc à voir comme
étant une occasion efficace pour se rencontrer et créer des liens
entre personnes qui, ayant le même problème, tentent de
rétablir soit des intérêts non liés à la
drogue, soit des types de relations qui ont été compromises par
l'usage de la drogue. Il s'agit donc d'activités qui tentent de
reconfigurer ou de redonner sens à des intérêts qui
étaient auparavant vifs mais que la toxicomanie a mis de
coté ». Salarais Maristella, « Riduzione del dann
* o: unità educativa di
strada », art.cit, p.306
* 477 Salarais Maristella,
« Riduzione del dan
* no : unità educativa di
strada », op.cit, p.307
478 C'est nous qui soulignons. Mougin Chantal,
« Le travail de proximité auprès des usagers de drogues
en Europe. Concepts,
* pratiques et
terminologie », in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit,
p.132.
479 Courty P., Le travail a
* vec les usagers des drogues,
op.cit., pp.71-77.
* 480 « Il
apparaît que le couple aire d'accueil précaire-structures de
réduction des risques est un modèle qui reste
opérant. Il faut cependant être vigilant et ne pas contribuer
à augmenter les phénomènes d'errance estivale et
l'initiation à la prise de toxiques. Pour ce faire, le maintien de
conditions d'accueil frustres doit être assuré. Les
dernières expériences tendraient vers un confort qui pourrait
pe
* rvertir la fonction première
de ces accueils ».
481 Marco Bellini note toutefois que face à
la multiplication des actions, il apparaît nécessaire de soumettre
le travail de proximité à des normes de qualité objectives
comme celles du système UNI EN ISO 9004 (gestion de la qualité et
élément d'un système de qualité). Cet engagement en
faveur de la qualité des services de prévention se
concrétise par l'engagement du responsable du service dont dépend
l'unité de proximité. Celui devrait ainsi remettre un document
appelé « politique de la qualité » dans
lequel il indique les objectifs à atteindre et les moyens mis en oeuvre
dans ce sens. Dans ce document les principes généraux
d'intervention devraient être mentionnés :
équité, accessibilité, ajustement des ressources humaines
et matérielles, compétence, efficacité, etc. Les objectifs
poursuivis par l'unité de route doivent figurer de manière
compréhensible. Cf., Bellini Marco L., «Valutazione e
qualità degli interventi di prevenzione delle tossicodipendenze: un
esperienza con le Unità di strada», in Lai Guaita Maria
Pia (dir.), La pr
* evenzione delle
tossicodipendenze, op.cit, p.57
482
* 483 Fazzi L., Scaglia A.,
«Introduzione», in Tossicodipendenze
* e politiche sociali in
Italia, op.cit., p.15.
484 Touzeau Didie
* r, Bouchez Jacques, La
Méthadone, op.cit., 12p.
485 Le développement de la méthadone
est fortement associé à une diminution des risques de
transmission VIH ou d'hépatites. Il a été établit
que la prévalence des infections par le VIH parmi les patients recevant
de la méthadone est généralement inversement
proportionnelle à la durée du traitement. Alors que 50% environ
des toxicomanes qui injectent sont actuellement séropositifs à
New York, parmi ceux qui ont débuté leur traitement depuis 1978,
les prévalences sont quasi-nulles. Touzeau Didie
* r, Bouchez Jacques, La
Méthadone, op.cit., 12p.
486 Dans des villes où la méthadone
est facilement accessible comme à Amsterdam ou à Genève,
jusqu'à 70% des sujets dépendants de l'héroïne
peuvent être admis dans des programmes de traitement. Des pays comme la
Finlande ou la Grèce ont moins de 5% de patients dépendants
bénéficiant de traitements méthadone. Touzeau Didie
* r, Bouchez Jacques, La
Méthadone, op.cit., 12p.
487 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicoma
* nie. Histoire d'une
singularité française,op.cit., p.8.
* 488 Zecchini Laurent,
« Drogués en Europe : aider ou sévir. Des
policiers pragmatiques en Grande-Bretagne », Le Monde, 6
janvier 1994.
*
489 Richard D., Pirot S., Senon J.L.,
« Les principales drogues », art.cit.,
pp.97-98 ; Touzeau Didier, Bouchez Jacques, La
Méthadone, op.cit.
* 490 D'où, en 1967,
l'hypothèse que la toxicomanie bouleverse profondément le
métabolisme créant ce besoin «physiologique »
d'opiacés, rendant difficile (pour ne pas dire impossible) l'objectif
d'abstinence à court terme. L'héroïnomane, en «
déficience » métabolique avait, dans cette hypothèse,
besoin de ses opiacés, comme un diabétique
insulino-dépendant de son insuline. Depuis, cette façon
d'appréhender les rechutes et de proposer une nouvelle approche
thérapeutique est
* devenue un modèle repris
dans le monde entier.
* 491 Le système
américain de traitement de la toxicomanie disposait déjà
d'une première expérience en terme de substitution. Les pouvoirs
publics américains avaient en effet mis en place au début du
20e siècle un système de traitement de la toxicomanie
fondée sur la prescription d'opiacés avec l'ouverture des
narcotic clinics. Il avait toutefois été vivement
critiqué
* durant le prohibitionnisme et
s'était achevé en 1925.
492 Cf., Ball J.C., Ross A., The effectiveness
of Methadone Maintenance Treatment, Springer, New York, 1991.
* 493 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servi
* zio pubblico,
op.cit.
494 Ministero della Sanità,
« Linee guida per il trattamento della dipendenza da oppiacei con
farmaci sostitutivi », Circolare 30.9.1994, n.20, Gazzetta
ufficiale de
* lla Rep. italiana,
14.10.1994, serie gen., n.4.
* 495 Orsenigo Marco,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit.
* 496 L'analyse qui suit du
cas français a été construite à partir des ouvrages
suivants auxquels on peut se rapporter pour de plus amples informations.
Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A.,
L'accès à la méthadone en France. Bilan et
recommandations, Rapport réalisé à la demande de
Bernard Kouchner Ministre Délégué à la
Santé, 87p ; Courty P., Le travail avec les usagers des
drogues, op.cit., p.37. ; Touzeau Didier, Bouchez Jacques,
La Méthadone, 12p ; Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizi
* o pubblico, Franco Angeli,
Milan, 1996, p.49.
497 Jusqu'en 1992, le nombre de personnes en
bénéficiant resta très marginal (50 personnes). De plus il
était impossible de prescrire des doses supérieures à 60
mg, qui constitue la dose minimale définie par Ball et Ross. Un certain
nombre de critères d'inclusion étaient définis de
façon restrictive: le patient devait avoir plus de 18 ans, avoir
effectué deux sevrages sans succès en service hospitalier et
avo
* ir plus de cinq années
d'utilisation d'héroïne.
498 Outre le statut très péjoratif de
« stupéfiant » auquel ont été soumis tous les
morphiniques et la diabolisation de leur usage médical, d'autres raisons
sont à l'origine de cette opposition : en particulier, la très
faible médicalisation des structures spécialisées dans la
« lutte contre les toxicomanies », leur peu d'intérêt
pour la dimension organique et biologiq
* ue, et pour le développement
des neurosciences.
499 La codéine a une action
analgésique de courte durée (trois heures) et est utilisée
par les héroïnomanes afin de réduire les effets d'un
syndrome de sevrage.
*
* 500 Ramon Neira,
« Pour un changement de cap des politiques socio-sanitaires de
prévention et de traitement. Poin
* t de vue d'un clinicien »,
op.cit., pp.441-442.
501 Circulaire DGS-DAS/405/2D-FE2 du 15 mai 1990
* 502 D. Coester, M.A.
Laborde et M.Thévenin, Analyse d'une décision :
l'extension des programmes de traitement des toxicomanes par la
méthadone, Mémoire IEP Paris, sous la responsabi
* lité de Madame Legendre, IEP
Paris, 1994, p.21.
503 En 1993 Simone Veil évoque la
« difficulté à trouver des équipes
médicales pour encadrer ces programmes » Laurence
Folléa, « La délivrance de méthadone à
des toxicomanes devrait être développée dans de structu
* res
spécialisées », Le Monde, 13 novembre 1993.
504 Michel Setbon, L'injonction
thérapeutique : évaluation du dispositif légal de
prise en charge de
* s usagers de drogue
interpell
* és, Paris,
éditions du CNRS, Groupe d'analyse des politiques publiques, 1998, p.9.
505 Le Monde, 11 novembre 1993
506 Une « véritable politique de
santé publique » est ainsi définie par « un
accès sans obstacle aux seringues stériles et aux
préservatifs » mais aussi par l'introduction de la
méthadone qui devient un outil de prise en charge mais « ni
plus ni moins que d'autres outils comme l'hébergement
thérapeutique, le sevrage avec accompagnement social [...] La
substitution n'est pas une solution miracle [...] mais un des moyens de recours
aux soins que l'on ne saurait rejeter. La réduction des risques ne doit
pas conduire à la réduction des soins ». Alain Morel,
« Avancer. Les intervenants en toxicomanie, la substitution et le
déba
* t public »,
Intervention, n°43, 1994, pp.34-37.
507 ANIT, Rapport moral. Assemblée
générale du 26 mai, Stratsbourg, 1994, p.4, cité in
Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi
* re d'une singularité
française, op.cit., p.292.
508 Alain
* E509 Alain Ehrenberg,
L'individu incertain, op.cit, p.111.
510 Jaques Chirac déclara à
l'occasion que « la généralisation des
expériences de substitution de la méthadone aux drogues
paraît être la porte ouverte à la libéralisation de
la consommation de drogue » Jacques Chirac, Le Nouvel
Observateur, « dossier
* Drogue et Sida », 26
novembre-2 décembre 1992.
511 En janvier 1993, les partisans de la
réduction des risques organise un colloque intitulé
« Tri-ville ». A cette occasion de nombreux
spécialistes internationaux de la toxicomanie viennent rendre compte des
programmes de méthadone développés à
l'étranger. Les succès thérapeutiques de la
méthadone, l'amélioration de conditions d'existence des
individus, la diminution de la délinquance sont présentés
comme autant de résultats liés à l'usage de la
méthadone. Un autre colloque est
* organisé sur l'initiative de
MDM en mars 1993.
512 Alain Morel, président de l'ANIT,
déclara que « l'exemple de New York prouve que la
méthadone n'est pas une solution radicale. Dans une ville où de
30 000 à 80 000 personnes utilisent ce produit chaque année, on
trouve une séroprévalence de 60% dans les populations
traitées, soit deux fois plus que chez nous ». V. de Vezins,
« Le veto des homm
* es de terrain », Le
Figaro, 19-20 février 1994.513 On distingue
généralement les programmes de substitution à bas seuil,
qui comportent peu de conditions d'admission, et les programmes à haut
seuil, qui nécessitent de nombreux réquisits. Ce point sera par
ailleurs développée par la suite.
* 514 Jean-Paul
Séguéla déclara : « La distribution aux
seuls héroïnomanes lourds, sur prescription médicale,
d'héroïne ou de méthadone, produits toxicogènes
classées comme stupéfiants par les conventions internationales,
serait un encouragement à la toxicomanie, contraire à
l'éthique des médecins. Cette prescription, rappelons le,
cautionne l'usage de produits sans aucune valeur thérapeutique. Elle est
dommageable pour la santé. Il n'est pas tolérable que les
médecins deviennent « des dealers en blouse
blanche » et participent à l'entretien de la toxicomanie. Ne
serait-ce pas là une sorte d'euthanasie ? [...] Le combat contre la
drogue est pour nos citoyens la grande priorité, avant le chômage,
le risque nucléaire, l'éclatement de la famille et le
Sida » Jean-Paul Séguéla, in Laurence
Folléa, « Drogués en Europe : aider e
* t sévir. La
France », Le Monde, 4 janvier 1994.
515 « Ce projet d'ouverture de cinquante
places de méthadone sur Paris introduit une rupture radicale par rapport
à l'esprit du protocole en place. En effet, ce projet ne se situe plus
dans un objectif thérapeutique par rapport aux problèmes de la
dépendance mais vise de manière quasi-exclusive la
prévention du VIH et l'accès aux soins des toxicomanes vivants
avec le VIH ». Compte rendu de la réunion de la Commission
méthadone du 18 mai 1993 concernant le projet de MDM, cité
in Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi
* re d'une singularité
française, op.cit., p.286.
516 La Circulaire de la DGS précise que
« ces programmes sont mis en place pour participer à la
réduction des risques et pour favoriser l'adoption par les toxicomanes
de comportement de prévention. L'objectif des programmes de substitution
est généralement de viser une meilleure insertion sociale, une
régulation, voire une interruption à terme de prise de tout
opiacé ». Circulaire DGS/45/ Division Sida-SP 3 du 17 juin
1993 relative au renforcement des actions de l'Etat d
* ans le domaine de lutte contre
l'infection VIH.
517 Cette circulaire réaffirme l'importance
de la réduction des risques mais ajoute que les programmes de
méthadone doivent viser « une interruption à terme de
toute prise d'opiacé
* s ». Circulaire DGS/72/SP
3 du 9 novembre 1993.518 La DDASS lance alors un appel d'offre en
direction des centres de soins spécialisés pour augmenter le
nombre de traitement de méthadone [Circulaire DGS/DH n°14 du 7 mars
1994 relative au cadre d'utilisation de la Méthadone dans la prise en
charge des toxicomanes, ministère des Affaires sociales, de la
Santé et de la Ville, non parue] Toutefois comme le rappelle Pascal
Courty l'autorisation officielle était plus facile que la mise en place
effective en raison des réticences des équipes
hospitalières qui restaient orientées uniquement vers le sevrage
des usagers. « Il fut impossible de trouver à
l'intérieur des services du centre hospitalier un(e) infirmier(e) qui
désirait travailler dans cette perspective. Personne à
l'époque ne voulait être complice de la défonce
supposée des usagers. Comme on disait alors, on ne veut pas
« donner de la drogue aux drogués » ».
Courty P., Le trava
* il avec les usagers des
drogues, op.cit., p.3
* 9.
519 Circulaire DGS/04/SP 3 du 11 janvier
* 1995.
520 Circulaire DGS/SP3/95 n°29 du 31/03/95
521 Pascal Courty souligne cependant le
problème de l'inégalité d'accès aux soins puisque
prés de 80 structures sur 2
* 20 refusent encore de prescrire la
méthadone.
522 Francis Caballero, Ya
* nn Bisou, Le droit de la
drogue, op.cit, p.109.
523 Robert Castel, « Une
préoccupation en inflammation », Informations sociales, 1993,
n°26, p.87-96, d'après Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoi
* re d'une singul
* arité
française, op.cit., p.247.
* 524 Ibid,
p.248.
525 «Tour à tour, la
méthadone est devenue drogue légale ou médicament miracle,
son prescripteur un dealer en blouse blanche. Elle servait à une
normalisation et un contrôle social ou permettait une stabilisation pour
réorienter son existence. Elle bousculait les pratiques professionnelles
des juges, des magistrats habitués à voir des toxicomanes en
manque ou des intervenants sanitaires qui exigeaient un sevrage avant toute
prise en charge. Elle s'inscrivait dans une politique sanitaire et sociale,
prenant en compte des risques infectieux et sociaux». Touzeau Didi
* er, Bouchez Jacques, La
Méthadone, op.cit.,12p.
526 S. Arsever, A. Mino, J'accuse les mensonges
qui tuent les drogués, Paris, Calman-Lévy, 1996, cité
par Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie., op.cit.
* '
* 527 Les statistiques
citées ici sont extraites de Global Hiv/Aids et STD surveillance.
Report on the global Hiv/Aids epidemic, Unaids, Genève, avril
2001. Cité in Steffen M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit.,p.19.
* 528 Les statistiques
internationales entendent par « Europe de l'Ouest » les
pays de l'Union européenne, ainsi que la Suisse, la Norvège,
l'Islande, mais aussi Malte, Israël, Albanie, Macédoine,
Slovénie, et Yougoslavie. Nous excluons de notre analyse ces derniers
pays.
* 529 Pour une analyse
détaillée des politiques publiques européennes
développées face à l'épidémie de VIH/Sida,
on peut de reporter avec profit à l'ouvrage suivant : Steffen M.,
Les Etats face au Sida en Europe, op.cit.
* 530 La recherche de
l'OEDT sur l'évolution du nombre décès liés
à la drogue en UE rend compte d'une diminution générale
notamment en France, en Finlande, au Luxembourg et en Belgique. On observe en
revanche une augmentation en Irlande, en Grèce et en Autriche. OFDT,
Drogues et toxicomanies : indicateurs et tendances, op.cit.,
p.21. Cf. Document n°4.
* 531 La
quasi-totalité des chiffres cités içi sont repoduits dans
les documents situés en fin de chapitre qui seront fréquemment
cités.
* 532 OFDT, Drogues et
toxicomanies : indicateurs et tendances, op.cit.
* 533 Conseil national du
Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit.
* 534 Source : Centre
européen pour la surveillance épidémiologique du Sida,
Paris. Cité in Steffen, M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit.,p.19.
* 535 Source :
documents n°5 et n°6.
* 536 Selon le Centro
operativo Aids de l'Istituto Superiore della sanità, les
cas de sida sont répertoriés à 46 534 le 30/06/2000 dont
45 846 adultes. Avanzi Maurizio, Bontà Flavio, « Il
counselling per l'Hiv nei sert », La cura delle persone con Aids.
Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.),
op.cit, p.174.
* 537 Document n°7 et
n°8 et n°9.
* 538 Nizzoli Umberto,
«Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura
delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto,
Oberto Bosi (dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.14.
* 539 Une enquête
épidémiologique locale effectuée de 1985 à 1992
auprès de la Division des Maladies infectieuses de l'hôpital
Santa Maria delle Croci (Ravenne, Italie), a confirmé cette
diminution de la présence des toxicomanes parmi les patients positifs au
VIH au détriment de la population hétérosexuelle. Ainsi la
part des toxicomanes est passée de 90,9% (01/1985-12/1986) à
83,40 (01/1987-12/1988) puis à 70,40% (01/1989-12/1990) pour enfin
atteindre la taux de 46,60% (01/1991-31/12/1992). La présence des
hétérosexuels parmi les personnes positives au VIH est
restée stable de 1985 à 1990 en passant de 2,2% (01/1985-12/1986)
à 5,40% (01/1987-12/1988) pour ensuite atteindre 13,6 %
(01/1989-12/1990) après quoi elle a connu une forte augmentation au
début des années quatre-vingt-dix en atteignant le taux de 33,90%
(01/1991-31/12/1992). Cf., Ranieri S., Bassi P., «Considerazioni
epidemiologiche e profilattiche sull'infezione da HIV», in Serra
Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di uscirne?, Editions
Kappa, Roma, 1995, pp.66-68.
* 540 Les comparaisons
entre les voies de transmission du sida et de prévalence de l'infection
à VIH chez les toxicomanes restent limitées du fait que le virus
de l'immunodéficience (VIH) précède dans le temps les
symptômes de la maladie de plusieurs années (jusqu'à 10 ou
12 ans).
* 541 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.18.
* 542 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit
* 543 Istituto superiore
sanità, Centro operativo AIDS, « Aggiornamento dei casi di
Aids conclamato notificati in Italia al 31 marzo 1994 », in
Bolletino, XVII, n.1, 1994.
* 544 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit.
* 545 On peut par ailleurs
noter que le mode de transmission le plus important dans ces deux pays reste
l'homosexualité.
* 546 Ces évolutions
sont matérialisées dans le graphique situé dans les
documents n°7 et n°8.
* 547 Steffen, M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.222.
* 548 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit
* 549 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.19.
* 550 OEDT, Statistical
Tables for 2000 Annual Report. Cité in Montanari Linda,
«Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa: alcune piste di
riflessione», art.cit, p.111.
* 551 Le CNS élabore
un ensemble de remarques dans on évaluation de 2001 sur le
problème « VIH et VIC ».Tout d'abord, la part des
personnes présentant une sérologie positive au VHC au sein des
personnes infectées par le VIH à la suite d'usage de drogues par
voie intraveineuse au second trimestre 1999 était de 73,5%. Or, la
co-infection par le VIH et par une hépatite a des répercussions
importantes sur le plan de la prise en charge : difficulté accrue de
l'observance thérapeutique, lourdeur des traitements, accroissement des
difficultés psychologiques, complexité du suivi, etc. Pour les
personnes concernées, elle rend les perspectives de survie
aléatoires : les traitements peuvent entrer en contradiction, le
pronostic est incertain et susceptible d'évoluer rapidement,
l'accès aux greffes de foie reste à ce jour impossible en cas de
détérioration grave des fonctions organiques, et les effets
secondaires des traitements peuvent être potentialisés par
l'association des molécules. Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une reformulation du cadre législatif,
op.cit., p.19.
* 552 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.20.
* 553 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législati
* f, op.cit..
554 Chiffres de l'Observatoire européen des
drogues et des
*
555 Montanari L., Bassi R., Bosi R., «Indagine
sui comportamenti sessuali e tossicomanici dei tossicodipendenti dai Sert e
dalle comunità terapeutiche dell'Emilia Romagna», La cura delle
persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli U
* mberto, Oberto Bosi (dir.),
op.cit, pp.289-300.
556 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions po
* ur une reformulation du cadre
législatif, op.cit.
557 Ingold François-Rodolphe (sous la
direction de), Etude multicentrique sur les attitudes et les comportements
des toxicomanes face au risque de contamination par le VIH et les virus de
l'hépatite, Institut de Recherche en Epidémiologie de la
Pharmacodépendance,
19
* 96.
* 558 Lert F., Candiller
C., Imbert E., Belforte B., « Pratiques de protection des usagers de
drogues et exposition au risque de transmission du VIH »,
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n°50, 11
décembre 1995.
559 Bouhnik, Rey, Escaffre, Gastaut, Cassu
* to, Gallais, Moreau, Obadia et MANIF
2000, 1999
560 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé
J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone
en Franc
* e. Bilan et recommandations,
op.cit.
* 561 Avanzi Maurizio,
Bontà Flavio, « Il counselling per l'Hiv nei Sert »,
La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali ,
Nizzoli U
* mberto, Oberto Bosi (dir.),
op.cit, pp.173-190.
562 Carminati Paolo, « Avvio
all'assistenza sanitaria per Hiv/Aids di tossicodipendenti emarginati e senza
fissa dimora », La cura delle persone con Aids. Interventi e
contesti culturali , Nizzoli U
* m
* b
* e
* rto, Oberto Bosi (dir.),
op.cit, pp.329-350.563 Ibid.
564 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une reformulation du cadre législatif,
op.cit., p.23
565 Friedman S.R. et autres, « Aids and
self-organization among intravenous drug users », The
internationa
* l journal of the Addictions,
n.22, 1987, p.183.
566 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une reformulation du cadre législatif,
op.ci
* t.e567 Agnoletto
Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e carcere »,
in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di
uscirne?, op.cit.
* 568 Pour des
études sur les risques d'infection à VIH en prison dans le monde
on peut consulter : Emmanuelli Julien, Usage de drogues,
sexualité transmission des virus VIH, hépatites B et C et
réduction des risques en prison à travers le monde : état
des lieux et mise en perspective. Revue de littérature, Paris, RNSP,
1997 [document dactylographié] ; Rotily (Michel), Weilandt (Caren),
« Risk behaviour and HIV infection in European prisons », AIDS in
Europe. New challenges for the social
* sciences, London, Routlege,
2000, pp. 149-164.
569 Les chiffres cités ici sont
catalogués dans un tableau reproduits en fin de section
* 570 Agnoletto Vittorio,
« Aids, tossicodipendenza e carcere », in Serra
Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di
* uscirne?, Editions Kappa,
Roma, 1995, pp.45-55
571 Le calcul du nombre de toxicomanes
incarcérés n'est pas une opération facile. On peut prendre
pour point de départ les détenus incarcérés pour un
délit lié à la loi sur les stupéfiants. Ceux-ci
représentaient 36,2% du système carcéral italien en 1998.
Parmi ceux-ci 21,9% n'étaient cependant pas toxicomanes mais
incarcérés pour un délit lié à la revente ou
au trafic. En outre, 50% des toxicomanes en prison sont
incarcérés pour un délit non lié à la loi
sur les stupéfiants. Chiffres de Ministero Giustizia, Dipartimento
Amministrazione Penitenziaria. Cité dans Bertelli Bruno, « Le
politiche penitenziarie », in Tossicodipendenze e
politiche sociali in Italia, Luca Fazzi, Antonio Scaglia, FrancoAngeli,
Milan, 2001, p.161.
* 572 Bertelli Bruno,
« Le politiche penitenziarie », art.cit.,
p.151.
* 573 Ancienne appellation
des services de prise
* en charge spécialisée
en milieu pénitentiaire.
574 L'incarcération est une
expérience connue pour la plupart des toxicomanes vivant en prison, 45%
ayant déjà été détenus avant l'âge de
20 ans. Sur le plan socio-démographique, il s'agit d'hommes pour les
9/10èmes, âgés en moyenne de 28 ans; 17% sont
bénéficiaires du RMI, 40% ne sont peu ou pas qualifiés, la
grande majorité n'a pas d'activité professionnelle, 25% sont de
nationalité étrangère. Il s'agit donc là d'une
population qui est massivement fragilisée et cumule les handicaps
sociaux et judiciaires. Cf., Facy (Françoise), Chevry (Pascale), Verron
(Michèle), « Toxicomanes incarcérés vus dans les
antennes-toxicomanies », Psychotropes, vol. 3, n° 4,
décembre 1997, pp. 49-63 ; Bouhnik (Patricia), Jacob (Elisabeth),
Maillard (Isabelle), Touzé (Sylviane),L'amplification des
risques chez les usagers de drogues précarisés. Prison -
polyconsommations - substitution. Les années « cachet
* », rapport DGS/DAP,
RESSCOM, juin 1999. 155 p.
575 L'analyse du cas italien a été
construite à partir des articles et des ouvrages suivants, auxquels il
est possible de se reporter pour de plus amples informations. Cf., Agnoletto
Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e carcere »,
in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di
uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.45-55; Culla Luigi,
«L'istituzione penitenziaria e il problema dei tossicodipendenti
detenuti», in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha
paura di uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, pp.29-34 ; Orsenigo Marco,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, FrancoAngeli, 1996, Milan, p.158 ; Spella Fernanda,
« Fattori di rischi per i tossicodipendenti nelle carceri
italiane », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti
culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit,
pp.213-227; Campedelli Massimo, Tossicodipendenza : punire
un'allusione ?, op.cit, p.82. Cocco Nicola, «Contributo ad
un interpretazione economicistica del proibizionismo», in Serra
Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi ha paura di uscirne?, Editions
Kappa, Roma, 1995, pp.75-106 ; Ciolli Edvige, « I reparti
« a custodia attenuata » per detenuti tossicodipendenti nel
vigente ordinamento, in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi
ha paura di us
* cirne?, Editions Kappa, Roma,
1995, pp.125-129.
576 Campedelli Massimo, Tossicod
* ipendenza : punire u
* n'allusione ?,
op.cit, p.82
577 Art.96 DPR 309/90
578 G.C Zappa, « I problemi della
magistratura di sorveglianza sul fronte del controllo penale dalla
tossicodipendenza », in BION. Bollettino informativo
dell'osservatorio nazionale, Mi
* nistero di grazia e giustizia, n.1,
1993, p.62.
579 Agnoletto Vittorio, « Aids,
tossicodipendenza e carcere », in Serra Carlo, Macchia
Patrizia (dir.), Chi ha paura di
* uscirne?, Editions Kappa,
Roma, 1995, pp.45-55.
580 « Conferenza Nazio
* nale Palermo », Presidenza del
Consiglio, p.48.
581 Lesmo Chiara, «Interventi di formazione e
informazione in carcere», in Serra Carlo, Macchia Patrizia
(dir.), Chi ha paura di us
* cirne?, Editions Kappa, Roma,
1995, pp.119-121.
582 Les données sur le nombre de cas de
séropositifs et cas de Sida déclarés sont extraits des
ouvrages suivants : Agnoletto Vittorio, « Aids, tossicodipendenza e
carcere », in Serra Carlo, Macchia Patrizia (dir.), Chi
ha paura di uscirne?, Editions Kappa, Roma, 1995, p.50 ; Spella
Fernanda, « Fattori di rischi per i tossicodipendenti nelle carceri
italiane », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti
culturali , Nizz
* oli Umberto, Oberto Bosi (dir.),
op.cit, pp.213-227
583 Bertelli Bruno, « Le politiche
penitenziarie », in Tossicodipendenze e politiche sociali
in Italia, op.cit., p.152.
* 584 La question des
mesures alternatives sera traitée de façon plus spécifique
par la suite. Il s'agit ici d'en donner une idée en perspective de
réduction des risques.
* 585 Bertelli Bruno,
« Le politiche penitenziarie », art.cit.,
p.155.
* 586 Steffen, M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit.,p.127.
* 587 Agnoletto Vittorio,
« Aids, tossicodipendenza e carcere », art.cit.
* 588 Réseau
européen sur la prévention du VIH/Sida et de l'hépatite en
prison, Rapport annuel de la Commission européenne, mai 1998. Les
chiffres de cette enquête sont extraits de OFDT, Drogues et
toxicomanies :indicateurs et tendances, op.cit., p.22.
* 589 Bertelli Bruno,
« Le politiche penitenziarie », art.cit.,
p.155.
* 590 Chiffre extrait de
Montanari Linda, «Valutazione e prevenzione dell'Aids in Europa: alcune
piste di riflessione», op.cit., p.109.
* 591 OFDT, Drogues et
toxicomanies : indicateurs et tendances, op.cit., p.22.
* 592 Les données
présentées de 1990 à 1993 sont extraites de «Hiv e
sindrome correlate in ambito penitenziario», Bion- Bolletino
Informativo dell'Osservatorio sul fenomeno della tossicodipendenza,
août 1993, n°2, p.46. Les autres données sont extraites de
Spella Fernanda, « Fattori di rischi per i tossicodipendenti nelle
carceri italiane », La cura delle persone con Aids. Interventi e
contesti culturali ; Bertelli Bruno, « Le politiche
penintenziarie », art.cit. ; Nizzoli
* Umberto, «Assistere persone con
Aids, tossicodipendenti e no», art.cit.
593 Steffen, M., Les Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.127.
* 594 On peut se
référer en particulier aux rapports suivants : Conseil
national du sida, Ethique, sida et société. Rapport
d'activité du conseil national du Sida 1989-1994, Paris, La
Documentation française, 1996. 491p ; Les traitements à
l'épreuve de l'interpellation. Le suivi des traitements en garde
à vue, en rétention et en détention, 18 novembre
1998 ; Conseil national du sida, Ethique, Sida et
société. Rapport d'activité du conseil national du sida
1997-1998, Paris, La Documentation française, 2000, 200 p. On peut
enfin citer le rapport 2001 sur lequel fut établi l'analyse du milieu
carcéral français : Conseil national du sida, Les
ri
* sques liés aux usages de
drogues comme enjeu de santé publique., op.cit.
595 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.,
op.cit.
* 596 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une re
* formulation du cadre
législatif, op.cit., p.47.
597 Circulaire n°96/239/DGS/DH du 3 avril 1996
relative aux orientations dans le domaine de la prise en charge des
toxicomanes.
* 598 Le Subutex
est un produit de substitution, de même que la méthadone,
particulièrement utilisé en France. Celui-ci sera traité
par la suite.
* 599 Circulaire DGS/DH/DAP
du 5 décembre 1996 relative à la lutte contre l'infection par le
VIH en milieu pénitentiaire.
* l600 Chaque
établissement pénitentiaire est jumelé avec un
établissement de santé de proximité responsable de la
prise en charge en milieu fermé, de l'accueil en milieu hospitalier, de
l'organisation du suivi médical après incarcération, et de
la coordination des actions de prévention. Pour répondre à
ces missions, il est créé une structures de soins, l'Unité
de Consultations et de Soins Ambulatoires (UCSA), placée sous
l'autorité d'un praticien hospitalier. La nomination et l'affe
* ctation du personnel repose sur le
volontariat.
601 Cf., Tortay (Isabelle), Morfini
(Hélène), Enquête sur les traitements de subs
* titution en milieu
pénitentiaire, novembre 1999, DGS/DHOS, 2000.
602 ORS-PACA (Observatoire Régional de
Santé Provence - Alpes - Côte-d'Azur.), Prévalence des
pratiques à risques en milieu carcéral : une étude pilote
à la maison d'arrêt des B
* aumettes, Marseille,
ANRS-CEE, juin 1997, 153 p
* 603 Il y a d'une part,
comme l'explique Spella Fernanda, les détenus les plus marginaux tels
que les immigrés qui ne peuvent jouir de mesures alternatives et qui
sont contenus grâce à l'administration de puissantes doses de
médicaments tandis que les toxicomanes les plus adaptés aux
règles du milieu carcéral bénéficient de programmes
thérapeutiques spécifiques comme par exemple au sein d'instituts
plus souples. Spella Fernanda, « Fattori di rischi per i
tossicodipendenti
* nelle carceri italiane »,
art.cit, pp.213-227.
* 604 Spella Fernanda,
« Fattori di rischi per i tossicodipendenti nelle carceri
italiane », art.cit.
*
* 605 Cette analyse de
l'expérimentation suisse de l'héroïne a été
construite notamment à partir des ouvrages suivants auxquels on peut se
reporter. Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del
danno, op.cit., pp.78-86 ; Piccon
* e Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, p.115.
606 La Suisse a également mis en place la
dernière expérience d' « administration
contrôlée d'héroïne », commencée en
1994, afin de soigner certains patients atteints de dépendance chronique
forte aux opiacées.
Comme le remarque Piccone Stella, l'appartenance de la Suisse
aux Conventions internationales sur la drogue a rendu la mise en place de cette
expérimentation plus difficile. En effet, la Suisse étant
signataire de la convention de Vienne de 1988, il a été
nécessaire de se conformer à l'interdiction des substances
psychoactives. Par conséquent, la Suisse a eu besoin de recourir
à une autorisation spéciale de l'Onu afin d'importer les
quantités nécessaires. Piccon
* e Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, p.115.
607 Sur les 353 personnes qui au cours des trois
années ont abandonné le programme, 57% ont recommencé une
nouvelle thérapie et 83 personnes ont choisi l'abstinence. Parmi les cas
d'abandon on peut toutefois noter l'importance du nombre de malades du Sida qui
ont
* arrêté le programme
après leur hospitalisation.
* 608 Killias M., Aebi M.,
Ribeaud D., Rabasa J., « Rapport final sur les effets de prescription
de stupéfiants sur la délinquance des toxicomanes »,
Institut de police scientifique et de crimi
* nologie, Université de
Lausanne, décembre 1999.
609 Le nombre de personnes effectuant du commerce
illégal (revente de drogues principalement) n'est en revanche
passé que de 97 à 87%. Cf., UchlengenA., Gutzwiller F.,
Dobler-Mikola A., Programme for a Medical Prescription of Narcotics: Final
Reports of the Research Representatives. Summary of the Synthesis Report,
Zürich, University of Zürich, 1997. Cité in Fazzi
L.,« Les p
* olitiques de réduction des
risques » , art.cit.
610 Cette décision a été
entérinée après un second référendum , le 13
Juin 1999, qui portait sur la prescription médicale
d'héroïne et qui a été marquée par une
victoire du « Oui » avec 54,5%. Piccon
* e Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, p.119
* 611 Simonetta Piccone
Stella affirme que « tandis qu'on ne peut conseiller d'offrir un
verre de vin à un alcoolique qui pourrait tomber dans une grave crise,
il est en revanche possible d'administrer une dose d'héroïne,
contrôlée, à un héroïnomane, sans pour autant
produire quelque dégât à son corps, ni non plus, provoquer
une overdose ». Picco
* ne Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, p.119
612 Cf., Piazzi G., Tossicodipendenze e
contraddizioni moral
* i, in
« Sociologia Urbana e Rurale », 30, 1989.
* 613 Fazzi
L.,« Les politiqu
* es de réduction des
risques » , art.cit, p.123
614 Quammou Lewis M., Tscan F., Tüller N.,
Seiler A., «Folgehandlung zum mit Methadon: läst sich der Eintritt in
eine Folgebehandlung zum Zeitpunkinder der Erstbehand
* lung voraussagen?«, in
Abhängigkeiten, 2, 1996.
615 Camera dei Deputai , Servizio Studi,
Dossier n.204/1, p 218, cité in Zuffa G., I drogati e gli
alt
* ri. Le politiche di riduzione del
danno, p.123.
616 « Eroina di Stato è scontro
aperto», La Repubblica, 25 décembre 2000.
* 617 La solution de
l'héroïne est clairement rejetée comme l'écrit Grazia
Zuffa, «non pas parce qu'elle ne peut atteindre l'objectif rendre plus
«normale» la vie du toxicomane mais justement parce que cette
normalisation est considérée comme inacceptable ».
Zuffa G., I drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,pp.122-123
* .S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.,p.123.
618 Zuffa G., I drogati e gli altri. Le
* politiche di riduzione del
danno, op.cit., p.83
* 619 Organisation Mondiale
de la Santé, Report of the External Panel on the Evaluation of
the Swiss Scientific Studies of Medi
* cally Prescribed Narcotics to
Drug Addicts, 1999, p.11.
620 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une ref
* ormulation du cadre
législatif, op.cit., p.102.
* 621 Fazzi
L.,« Les politiqu
* es de réduction des
risques » , art.cit, p.119.
622 Lew E., « Door schade en
schade ». De geschiedenis van drughupverlerming als sociaal beleid in
Amst
* erdam, in Tijdschrift
vor Crominoogie, 2, 1984.
* 623 Fazzi
L.,« Les politiqu
* es de réduction des
risques » , art.cit, p.120.
624 Fazzi L.,« Les politiqu
* es de réduction des
risques » , art.cit, p.121.
625 Mol R., Otter E., «Amsterdam und
Rotterdam: Drug-policy, Drug-related Nuisance and Social Spaces for Drug
Users», in Mol R., Otter E., Van Der Meer A., Drugs and Aids in the
Netherlands - The
* interest of Drug Users,
Amsterdam, MDHG, 1992.
* 626 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le polit
* iche di riduzione del danno,
op.cit., pp.28-31.
* 627 Serfaty A.,
« Répression des drogues et prévention du Sida dans
l'union européenne », in Agora, n°31, 1994,
pp.81-94, cité in « La réd
* uction des risques »,
Sylvie Wievorka, art.cit.
628 Roger Henrion, préface de l'ouvrage de
Lowenstein, Gourarier, Lebeau, Héfez, La méthadone et les
traitements de substitution, Doin, 1995, p.11.
*
629 Hercule S., Nouvelles orientations en
matière de luttte contre la toxicomanie : 1993-1995, Paris,
L.G.D.J, coll. « travaux et recherches Panthèon-Assas Paris
II. Droit. Economie. Sciences sociales », 1997, 198p.
* 630 Cf., Hulsman, de
Celis, Peines perdues, Le centurion, Paris, 1982 ; Hulsman, Van
Ransbeek, « Evaluation critique de la politique des drogu
* és »,
Déviance et société, Genève, 1983, p.271.
* 631 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour
* une reformulation du cadre
législatif, op.cit.
632 Leroy, L'Europe des douze face à la
demande de stupéfiants. Etude comparative des législations et des
pratiques judiciaires, Etudes CEE, 1991 ; Maria-Luisa Cesoni (dir.),
Usage de stupéfiants politiques européennes,
op.cit. ; Sandro Cattacin, Modèle de politiques en
matière de drogue : une comparai
* son de six réalités
européennes, op.cit., 255p.
633 Une loi d`initiative populaire a
déjà fait l'objet de deux dépôts, successivement en
1995 et 1996, par un groupe de parlementaires afin de légaliser les
drogues considérées comme « douces ». En
revanche, comme le note Stella Piccone, les opérateurs et les
travailleurs sociaux des centres thérapeutiques contre la toxicomanie,
aussi bien ceux publiques que privés, sont généralement
opposés à la légalisation du cannabis ou du haschich. Elle
explique cette prise de position par le fait qu'il s'agit de personnes
étant en contact avec des toxicomanes qui sont passés du cannabis
à l'héroïne. D'autres mettent en garde, comme c'est le cas
de Leopoldo Grosso du Gruppo Abele, qu'il existe « un usage
dur des drogues douces ». Il se réfère là aux
comptes rendus cliniques qui soulignent l'existence d'un usage passif et
solitaire du cannabis. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza,
op.cit.,p.102.
*
* 634 Charvet D.,
« La fonction du cadre légal », Les actes du
colloque de la Sorbonne. Première rencontre in
* terministérielle,
Paris, MILDT, 2000, pp.78-81.
635 Catherine Trautmann, Lutte contre la
toxicomanie et le trafic de stupéfiant
* s : rapport au Premier
ministre, op.cit, p.252.
636 Laurence Folléa, « La
dépénalisation de l'usage de drogues divise la
* Commission Henrion »,
Le Monde, 4 février 1995.
637 Laurence Folléa, « Simone Veil
écarte une dépénalisation de l'u
* sage des drogues », Le
Monde, 5-6 février 1995.
638 Jean-Yves Nau, Le Monde, « Un
rapport officiel rapproche la dangerosité de
* l'alcool à celle de
l'héroïne », 17 juin 1998.
* 639 « Dans la
perspective prioritaire d'une politique de prévention, le Conseil
national du sida [...] considère que si la lutte contre la provocation
à l'usage se justifie pleinement à la fois pour des raisons de
politique de santé et de sécurité publiques, les
dispositions actuelles relatives à la présentation de l'usage de
drogues « sous un jour favorable » ne sont pas opportunes, parce
qu'elles sont de nature à entraver les efforts en matière de
prévention de l'accroissement des risques auprès des jeunes
consommateurs. Il souhaite donc qu'elles soient retirées du cadre
législatif ». Proposition n°9 au législateur.
Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues
comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du
cadre législatif, op.cit., p.
* 93. Cf., Proposition n°9 au
législateur, p.130.
640 Proposition n°2. Conseil national du sida,
Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé
publique. Propositions pour une ref
* ormulation du cadre
législatif, op.cit., p.129.
641 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une ref
* ormulation du cadre
législatif, op.cit., p.105.
642 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une re
* formulation du cadre
législatif, op.cit., p.95.
* 643 Marco Orsenigo,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicod
* ipendenti, Fran
* coAngeli, 1996, Milan, pp.56-57.
644 Ibid., p.57.
645 P. Castrogiovanni, I. Maremmani, P. Sarteschi,
«Atteggiamento psicoterapico e rapporto con il tossicodipendente in
trattamento», in Bollettino delle f
* armacodipendenze e alcolismo,
X, n.1-2-3, 1987.
646 Fazzi L.,« Les politiqu
* es de réduction des
risques » , art.cit, p.132.
* 647 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une re
* formulation du cadre
législatif, op.cit., p.95.
648 France Lert, « La stratégie de
réduction des risques », Syanopsis, paris, n°10,
novembre 1993, p.2 in Nouvelles orientations en matière de lutte
contre la toxico
* manie : 1993-1995,
Sydney Hercule, op.cit, p.75
* 649 Piccone Stella
* S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.102.
650 Fazzi L.,« Les politiq
* ues de réduction des
risques » , art.cit, p.131
651 Fazzi L.,« Les politiq
* ues de réduction des
risques » , art.cit, p.134
* 652 Nizzoli Umberto,
«Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura
delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto,
Oberto
* Bosi (dir.), Erickson, Trento,
2001, pp.13-48.
653 Bot M., «Il dilemma olandese»,
in
* Personalità-
dipendenze, vol. 4, n. 2, pp.5-10.
654 « La réduction des risques,
conclut Nizzoli, semble être devenue le cheval de bataille de ceux qui
poussent vers une augmentation du contrôle sociale afin de rendre les
villes plus sûres. Une orientation semble s'affirmer, jusqu'à
présent, en Italie ». Nizzoli Umberto, «Assistere persone
co
* n Aids, tossicodipendenti e
no», art.cit., p.32
655 Fazzi L.,« Les politiq
* ues de réduction des
risques » , art.cit, p.12.
656 Cette démarche fait l'oeuvre d'une
recommandation du Conseil national du sida au législateur. Celui ci a
remarqué une contradiction entre la loi régissant la toxicomanie
(et notamment la loi du 31 décembre 1970) qui reste orientée vers
une politique répressive de la toxicomanie et les circulaires les plus
récentes qui privilégient l'approche de la réduction des
risques. Hors, en vertu du principe de hiérarchie des normes, tout
individu dépositaire de l'autorité publique, qu'il s'agisse d'un
magistrat, d'un policier ou d'un gendarme, fonde sa pratique sur la loi,
plutôt que sur les règlements ou instructions administratives.
Rien ne garantit donc que les services concernés par chacune des
circulaires soient tous à même d'en prendre la mesure et d'agir en
conséquence. En conséquence, « le Conseil national du
sida souhaite-t-il que cette volonté de réduction des risques
soit clairement l'objet d'une priorité inscrite dans la loi. Cela non
seulement parce que les textes ont vocation à garantir l'engagement
public dans la durée, mais aussi pour soumettre l'ensemble de l'action
publique à un principe d'opportunité explicite et
répété si nécessaire ». Conseil national
du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulati
* on du cadre
législatif, op.cit., p.52 et p.95.
657 Une expérience semble
intéressante au regard de la constitution d'une culture commune de la
réduction des risques. Il s'agit de l'ONG professionnelle Erit,
qui constitue la fédération européenne des associations
des opérateurs de toxicomanie. Plusieurs conférences
internationales ont eu lieu à Lièges (1993), Paris (1996) et
Bologne (1998). Cette dernière s'est conclue par la publication d'un
document intitulé « l'Appel de Bologne » dans lequel
est fréquemment cité la réduction des risques. Le texte
fait, en outre, référence à « possibilité
de prescrire de l'héroïne injectable seulement dans certains cas
particuliers ». Nizzoli rappelle que cette proposition fut un point
d'accords trouvés entre les partisans de la prescription
d'héroïne, majoritairement des opérateurs du nord Europe et
laïques, et entre ses opposants, généralement catholiques et
du sud de l'Europe. Nizzoli Umberto, «Assistere persone con Aids,
tossicodipendenti e no», art.cit.
* o
* 658 Fazzi L., Scaglia A.,
Fazzi L., Scaglia A., «Introduzione», in
Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit.,
pp.25-26.
* 659 Pour ces
différents points Cf. Fazzi L., Scaglia A., Tossicodipendenze e
politiche sociali in Italia, op.cit.,pp.26-28.
* 660 Il faut noter que ces
transformations sont avant tout d'ordre conceptuel, c'est-à-dire
qu'elles dérivent du paradigme de la réduction des risques tel
qu'il a été décrit précédemment. On entend
par là qu'elles ne sont pas toutes observables dans chacun des exemples.
Il s'agit d'ailleurs de juger de l'efficacité des réseaux actuels
de prise en charge de la toxicomanie selon ces trois critères.
* 661 Agnoletto V., La
società dell'Aids, op.cit, pp.180-181.
* 662 Steffen M.,
Les
* Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.139.
* 663 Jacques Chevallier,
Science administrative, Paris, PUF, co
* ll. « Thémis
Science Politique », 1994, p.453.
664 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manu
* ale per gli operatori del
servizio pubblico, Franco Angeli, Milan, 1996, p.30.
665 On peut évoquer à ce propos les
débats qui ont agité le champ de la toxicomanie, comme par
exemple en France, entre ceux qui soutiennent qu'il existe une structure
psychopathologique propre à la toxicomanie et ceux qui
considèrent que les pathologies psychiatriques ne sont que secondaires
et contingentes. En France, au cours des années quatre-vingt, tandis que
Claude Olievenstein tentait de démontrer qu'il existe une structure
psychique spécifique au toxicomane et distincte des autres structures
psychiques (névrose, psychose, perversion), un consensus s'est
établit au sein du corps médical autour de Bergeret, responsable
du Centre national de documentation sur les toxicomanies (CNDT), qui refusait
l'existence d'une structure psychique propre à la toxicomanie. La
toxicomanie a été entendue dès lors comme un
symptôme d'une souffrance psychique remontant à l'enfance qui est
l'objet de la thérapie. Dussausaye Eve., Politiques publiques de
soins en matière de toxicomanie. Une spécificité
français
* e
* , op.cit., p.64. 666
Courty P., Le travail avec les usagers de drogues, op.cit.,
p.30.667 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti.
Manuale per gli operatori del serviz
* io pubblico, op.cit.,
p.38. 668 « Les nouvelles façons de
consommer les produits vont changer peu à peu les attitudes
vis-à-vis du sevrage. L'échec quasi certain des sevrages
hospitaliers va nous amener à proposer des sevrages en ambulatoire [...]
Petit à petit, cette prise en charge rapprochée va mettre
l'accent sur la nécessité d'une continuité du soin
à travers des prescriptions plus adaptées. La
nécessité de la substitution va se faire sentir et modifier nos
pra
* tiques ». Courty P.,
Le travail avec les usagers de drogues, op.cit., p.29.
* iques ». Courty P., Le
travail avec les usagers de drogues, op.cit
* ., p.29.
669 Courty P., Le travail avec les usagers de
drogues, op.cit., p.30.
670 Fazzi L., Scaglia A.,
Tossicodipendenze
* e politiche sociali in
Italia, op.cit., p.42.
671 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pu
* bblico, op.cit, pp.
* 34-35.
* 672 Gatti R.,
ibid.
* , p.37.
673 Courty P., Le travail avec les usagers de
drogues, op.cit., p.22.
674 En France, Robert Boulin, ministre de la
Santé, exigea en 1970 que le triptyque, anonymat, confidentialité
et gratuité des soins soit inscrit au sein de la loi du 31
décembre 1970 afin d'inciter le toxicomane à s'engager dans une
cure de désintoxication. Deux circulaire, en 1971 et en 1974,
réaffirmeront l'importance du secret médical et l'anonymat des
toxicomanes pris en charge par le dispositif sanitaire. Circulaire DGS/1555/MS1
du 28 septembre 1971 et Circulaire DGS/597/MS1 du 20 mars 1974 citées
par Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi
* re d'une singularité
française, op.cit., p.28.
675 Jérôme E., Valleur M., «
Sevrage » in Angel P., Richard D
* . , Valleur.M, Toxicomanies,
op.cit, pp.183-190.
* 676 Courty P., Le
travail avec les usagers de drogues, op.cit.,pp.1
* 83-190.
677 Courty P., Le travail avec les usagers de
drogues, op.ci
* t.
* 678 Courty P., Le
travail avec les usagers de drogues, op.cit p.89
679 Jerome E., Valleur M., «
Sevrage » in Angel P., Ric
* hard D., Valleur.,
Toxicomanies, op.cit, p.185
680 Jérôme E., « Accueil et
consultation », in Angel P., Richard D., Valleur.,
Toxicomanies,
* op.cit, pp.17.
681Co
* u
* rty P., Le travail avec les
usagers de drogues, op.cit., p.18.
682 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti.
Manuale per gli o
* p
* 683 Gatti R.,
Operatori del servizio pubb
* lico, op.ci
* t ., p.23.
684 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.83.
* 685 Idem.,
p.22.
686 Idem., p
* .23
687 Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.84.
* 688 L. Gallimberti,
op.cit, p.76.
689 Piccone Stella
* S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.84.
690 Les méthodes fondées sur
l'analyse psychologique « classique », que peuvent s'offrir
des clients plus aisés, n'offre pas de meilleurs résultats.
Simonetta Piccone Stella explique cela par l'absence de synergie collective. De
plus la psycho-analyse contraint le patient à affronter de nombreuses
crises de sa personnalité auxquelles il n'est pas toujours prêt
à faire face. Piccone
* Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.
691 L. Tidone, « Valutazione quantitativa
e qualitativa nella terapia della tossicodipendenza », in
Marginalità e società, n.5, 1988. Cité in Marco
Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei
* servizi per
tossicodipendenti, op.cit., p.84.
692 P. Tombini, P. Fugazzola, L. Tidone,
«Follow-up da 2 a 8 anni dei trattamenti per le tossicodipendenze in un
servizio pubblico italiano», in Rassegna italiana delle
tossicodipendenze, X, n.7, 1993; cité in Marco Orsenigo,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei
* servizi per
tossicodipendenti, op.cit., p.85.
* 693 Cité
in Piccone Stel
* la S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.
694 Jerome E., Valleur M., «
Sevrage » in in Angel P., Ric
* hard D., Valleur.,
Toxicomanies, op.cit, p.185
695 Les travailleurs sociaux des centres de soins
ont pu remarquer que les toxicomanes changeaient de façon
fréquente de structure, en passant de l'une à l'autre. Cette
mobilité s'explique soit en raison d'un changement de rapport aux
substances, soit une modification des conditions de vie. Piccone
* Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit
696 Pascal Courty cite, outre le parcours
thérapeutique, la question du logement à laquelle se trouvent
confrontés de nombreux toxicomanes. Une personne ayant vécu des
années dans la rue ne peut pas subitement emménager dans un
appartement. Il est ainsi nécessaire de renouer un contact avec le lieu
d'habitation temporaire du toxicomane (squats, rue, etc.) afin de
l'insérer dans un centre d'hébergement d'urgence puis dans un
foyer collectif doté de chambres individuelles. Ainsi l'accession
à un logement individuel, symbole de l'autonomie, représente un
objectif à long terme pouvant être atteint après des
années de soutien socio-éducatif. Bien sûr chaque usager a
un temps qui lui est propre et le nombre d'étapes n'est jamais
déterminé par avance. Courty P., Le travai
* l avec les usagers des
drogues, op.cit., p.82.
697 Courty P., Le travai
* l avec les usagers des
drogues, op.cit., p.79.
698 Piccone
* Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.
* 699 Nizzoli Umberto,
«Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», in
La cura delle persone con Aids. In
* terventi e contesti culturali
, op.cit., p29.
700 Art.355 du Code de la Santé
publique.
* c
*
701 Claude Olievenstein, Il n'y a pas de
drogués heureux, Paris, Rob
* ert-Laffont, coll.
« Vécu », 1977, pp.233-234.
702 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoi
* re d'une singularité
française, op.cit, p.39.
703 Circulaire DGS/591/MS1 du 29 mars 1972
citée par Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histo
* ire d'une singularité
française, op.cit, p
* . 39.
* 704 Circulaire
DGS/591/MS1 du 29 mars 1972.
705 Michel Damade, « Sur quoi fonder
l'élaboration d'une pratique », in La demande sociale
de drogues,
* Albert Ogien, Patrick Mignon,
op.cit., p.138.
706 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoi
* re d'une singularité
française, op.cit, p.50.
707
* H
* enri Bergeron, ibid.,
p.57.
708 Henri Bergeron, ibid., p.62.
709 François-Xavier Colle,
Historique des institutions spécialis
* ées en toxicomanies en
France , op.cit., p.49.
710 Claude Olievenstein, I
* l n'y a pas de drogués
heureux, op.cit., p.72.
* 711 Henri Bergeron,
L'Etat et la toxicomanie. Histo
* ire d'une singularité
française, op.cit, p.70.
712 Michel Damade, « Quelques point
d'histoire concernant les postes-cures », in
Interventions, n°27, décembre 1990, cité par Anne
Coppel, « Les intervenants en toxicomanie, le sida et la
rédu
* ction des risques en
France », art.cit., p.89.
713 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Hist
* oire d'une singularité
française, op.cit, p.87
714 Monique Pelletier, Rapport de la mission
d'étude sur l'ensemble
* des problèmes liés
à la drogue, op.cit., p.75.
* 715 Ibid.,
p.25.
* i
716 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoi
* re d'une singularité
française, op.cit, p.93.
717 Alain Morel, Le système de soins
français et la p
* harmacothérapies. Histoire
et actualité, op.cit., p.43.
* 718 Institut
français de démoscopie, cité par Henri Bergeron, L'Etat
et la toxicomanie. Histoir
* e d'une singularité
française, op.cit, p.143.
719 Circulaire DGS/106/2D du 22 février
1984. Denis Richard, Jean Louis Sénon, Dictionnaire des drogues, des
tox
* icomanies, et des
dépendances, op.cit., p.239.
* 720 Henri Bergeron,
L'Etat et la toxicomanie. Hist
* oire d'une singularité
française, op.cit,.170.
721 Henri Bergeron, « Politiques
publiques et croyances collectives. Analyse socio-historique de la politique
française de soins aux toxicomanes de 1970 à 1995 »,
Déviance e
* t société,
vol.23, n°2, juin 1999, pp.131-147.
722 Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoire d'une singularité française, op.ci137.
*
* 723 Henri Bergeron,
* ibid., p.232
724 Rei Dario, Servizi S
* ociali e politiche pubbliche,
op.cit., p.84-85
725 Rei Dario,
*
* ibid., p.89
726
* 727 Rei Dario,
ibid.
* , p.90-91
728 Rei Dario, ibi
* d p.110-111
729 Rei Dario, ibid., p.112
730 Granaglia Elena, « La politica
sanitari
* a », art.cit.,
pp.367-381.
731 Granaglia Elena,
* ., p.96-97
732 Rei Dario, ibid., p.100
733 R
* ei Dario, ibid.
* , p.378
* 734 Steffen M.,
Les
* Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.120.
735 Fazzi L., Scaglia A., « Les
politiques de r
* éorganisation des
services », Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia,
Luca Fazzi, Antonio Scaglia, op.cit., p.206.
736 Ce changement est soutenu par de nombreux
acteurs associatifs, en revanche le personnel habitué à penser la
toxicomanie comme une pathologie est beaucoup moins disposé à
évoluer. C'est pourquoi le législateur a proposé aux
opérateurs une stabilisation de leur carrière professionnelle qui
n'étaient auparavant que très peu valorisées et promues,
en contrepartie d'un nouveau mode de penser et d'agir face à la
toxicomanie. La stabilisation des postes, les incitations économiques et
la possibilité de carrière auraient des effets de retour
significatifs en terme de disponibilité de la part des opérateurs
à accepter la responsabilité de penser et à agir de
façon multidimensionnelle sur le thème de la protection de la
santé dans le champ de la toxicomanie. Fazzi L., Scaglia A.,
« Les politiques de ré
* organisation des
services », art.cit., p.213
* 737 L'évaluation
du nombre effectif de toxicomanes, et pas uniquement ceux connus des services
de soin, donne lieu à de très larges approximations en raison du
statut d'illégalité des consommateurs. Monika Steffen donne par
exemple un chiffre d'héroïnomanes potentiel en Italie de 350 000.
Steffen M., Les Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.97.
* 738 Le nombre de
toxicomanes pris en charge a fortement augmenté depuis les années
quatre-vingt : ils étaient 25 223 en 1984, 73.866 en 1991, 95 674
en 1994 et 116 131 en 1997. Cette croissance exponentielle traduit aussi bien
les efforts de prise en charge effectués par les pouvoirs publics, que
l'inflations de la toxicomanie elle-même. Osservatorio permanente sul
fenomeno droga, 1993, cité in Agnoli Maria Stella,
« Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di
communità », art.cit., p.14.
* 739 Agnoli Maria Stella,
« Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di
communità », Sociologia e ricerca sociale, Anno XV,
n°45, 1994, p.13
* 740 Ce
déséquilibre en dotation d'infrastructures thérapeutiques
se répercute par ailleurs sur la répartition du nombre de
toxicomanes pris en charge. Le Nord de l'Italie est largement
sur-représentée avec les régions de la Lombardie (14,5%
des toxicomanes en traitement), l'Emilie Romagne (10,7%) et le Piémont
(10,3%) qui totalisent à elles seules 35,5% des toxicomanes sous
traitement. En revanche la région du Sud la plus concernée
regroupe seulement 7,6% des toxicomanes. Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.38.
* 741 Piccone Stell
* a S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit., p.85
742 Fazzi L., Scaglia A., « Les
politiques de r
* éorganisation des
services », art.cit., p.205.
743 Steffen M., Les
* Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.123.
744 En 1988, selon une étude de
l'Osservatorio permanente sul fenomeno droga pour le compte
du Ministero dell'interno, les structures publiques obtenaient une
représentation similaire (58%) aux structures privées (42%).
L'évolution est toutefois notable puisque tandis que les structures
publiques avaient augmenté de 24% depuis 1984, les structures
privées résidentielles et semi-résidentielles avaient
augmenté de 119,3% mais plus encore les structures privées
non-résidentielles (282,8%). Agnoli Maria Stella, « Il
programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di
communità », Sociologia e ricerca sociale, Anno XV,
n°45, 1994, p.13
* 745 A partir de 1990, des
plans de financements publics furent entrepris au bénéfice des
communautés privées par le biais du système sanitaire
national. Cette politique de «délégation » fut
appliquée alors que les services thérapeutiques publics ne
faisaient pas l'objet d'une aussi grande générosité de la
part de l'Etat. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza,
op.cit., p.89.
* 746 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.33.
* 747 Les
communautés reposent sur une thérapie sociale ou comportementale
qui prend place dans un cadre spécifique. Elles proposent ainsi un
hébergement, le plus souvent gratuit mais parfois payant. Le programme
thérapeutique peut varier entre 18 mois et trois ans. Toutefois
certaines communautés proposent également des thérapies de
un an voire de six mois. L'étude du fonctionnement des
communautés sera traité par la suite.
* 748 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli op
* eratori del servizio
pubblico, op.cit., p.118.
749 On peut souligner que la remarque de Gatti
n'est peut-être que partiellement exacte du fait de sa forte
subjectivité. Riccardo Gatti soutient en effet l'intégration des
psychiatres dans le traitement de la toxicomanie, mais surtout il exerce
lui-même cette fonction. Cela n'ôte toutefois pas toute
validité à son raisonnement. « Les
« drogues » sont des substances psychoactives et induisent
à cet effet des syndromes mentaux organiques ou des altérations
de l'état mental [...] Dans ce travail de connaissance de la personne
[le diagnostic] il est important de comprendre si l'altération de
l'état mental observable est en relation avec l'effet pharmacologique
des substances consommées ou s'il existe d'autres pathologies
psychiatriques (indépendantes des substances consommées) qui
interviennent sur le sujet et qui doivent être traitées. De plus
il faut diagnostiquer si l'altération de l'état mental que l'on
observe peut être du à des pathologies organiques secondaires
à la toxicomanie [...] Evidemment la thérapie de la toxicomanie
n'est pas seulement médicale [...] le médecin peut seulement
soigner l'effet organique des substances d'abus ou les pathologies
concomitantes et diminuer les syndromes de l'abstinence mais, si ce travail
n`est pas réalisé correctement, réussir à
intervenir sur un toxicomane devient très difficile. Le diagnostic et
l'observation psychiatrique du toxicomane sont indispensables et doivent
toujours être réalisées. L'intervention des autres
médecins spécialistes est en revanche liée à la
situation clinique de chaque sujet singulier et doit être
éventuellement adressé au médecin
généraliste ». Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli operato
* ri del servizio pubblico,
op.cit., pp.119-120.
750 Agnoli Maria Stella, « Il programma
delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità »,
art.cit, p.11.
* 751 Nizzoli Umberto,
«Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura
delle persone con Aids. In
* terventi e contesti culturali
, op.cit., p.45.
752 La loi 162 de 1990 établit une
convention afin de réguler les rapports entre services publics et
privées et établit la nécessité pour les structures
privées de communiquer « les résultats obtenus dans les
activités de prévention et de
récupération » (art.117). Agnoli Maria Stella,
« Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di
communità », art.cit, p.17
* 753 Bellini Marco L.,
«Valutazione e qualità degli interventi di prevenzione delle
tossicodipendenze: un esperienza con le Unità di strada»,
in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle
tossicodipendenze, op.cit, p.55
* 754 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.105.
* 755 Baraldi C., Rossi.E,
« Le politiche di prevenzione », in
Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, Luca Fazzi, Antonio
Scaglia, FrancoAngeli, Milan, 2001, p.84
* 756 Campedelli Massimo,
Tossicodipendenza : punire un'allusione ?, op.cit,
pp.73-76
* 757 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.109.
* 758 Lai Guaita Maria Pia,
«Prevenzione delle tossicodipendenze: un impegno per ciascuno di
noi», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle
tossicodipendenze, op.cit, p.46-47
* 759 Mougin Chantal,
« Le travail de proximité auprès des usagers de drogues
en Europe. Concepts, pratiques et terminologie », in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, op.cit, pp.149-150.
* 760 Marco Orsenigo,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit., p.116.
* 761 Marco Orsenigo,
bid., p.117
* 762 Comme le note Pier
Giorgio Testa la prévention primaire présente le
désavantage d'être de nature aspécifique c'est à
dire de ne pas prendre pour cible un individu mais un groupe social, plus ou
moins large. L'approche aspécifique peut présenter le
défaut d'élargir encore plus l'acte de prévention qui
risque de perdre son public d'origine. « Dans ces deux cas
[préventions secondaire et tertiaire] l'activité de
prévention est dirigée vers un interlocuteur
immédiat : les personnes qui font abus de substance. La
prévention primaire est en revanche différente du fait qu'il
n'existe pas un interlocuteur direct, une personne qui demande aide et qui
souhaite bénéficier de soins ; l'interlocuteur est alors un
groupe social entier, représenté par des catégories non
homogènes dont les « jeunes », les familles, les
écoles et autre » Pier Giorgio Testa, « Prevenzione
e repressione », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La
prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p. 181.
* 763 Mougin Chantal,
« Le travail de proximité auprès des usagers de drogues
en Europe. Concepts, pratiques et terminologie », art.cit,
pp.155-160.
* 764 «Dans
l'environnement de la toxicomanie, l'intervention idéale serait celle de
type primaire afin de modifier le terrain qui a permis jusqu'à
aujourd'hui le développement du phénomène et de la culture
de la drogue avec ses modèles et ses comportements ». Lai
Guaita Maria Pia, «Prevenzione delle tossicodipendenze: un impegno per
ciascuno di noi», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La
prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.37
* 765 R. Freak Antoni,
Per sopravvivere alla tossicodipendenza, Feltrinelli, Milano, 1994.
* 766 Marco Orsenigo
remarque par exemple que les programmes de prévention
développés par les Sert sont le plus souvent incapables de
répondre aux attentes des jeunes qui se tournent vers des ambiances de
contre-culture juvéniles (centres sociaux et associations
spontanées). Ces groupes constituent selon l'auteur « les plus
fortes alternatives au recrutement de toxicomanes de la part de la
criminalité et de fait la forme de prévention des toxicomanies
actuellement la plus efficace » et il ajoute « les centres
sociaux sont en revanche perçus socialement de façon
significative comme des réceptacles de revendeurs ou au moins
d'extrémistes à éradiquer à n'importe quel
prix» Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro
psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.122
* 767 Courty P., Le
travail avec les usagers des drogues, op.cit., pp.110-111.
* 768 Gervais Yves, La
prévention des toxicomanies chez les adolescents, Paris,
L'Harmattan, collection « Pratiques sociales », 1994,
* 769 Stimson V., Eaton G,
Rhodes T., Power R., «Potential development of community oriented Hiv
outreach among drug injectors in the UK», Addiction, n°89,
1994, pp.1601-1611.
* 770 Roger Lewis,
« Attività ad ampio raggio : ricerca attiva e prevenzione
dell'Hiv tra i consumatori di droghe iniettive », La cura delle persone
con Aids. Interventi e contesti culturali, Nizzoli Umberto, Oberto Bosi
(dir.), Erickson, Trento, 2001, pp.95-103.
* 771 Wiebel W.,
«Combining ethnographic and epidemiologic methods in targeted Aids
interventions: The Chicago Model». In Battjes R., Pickens.R
(dir.), Needle sharing among intravenous drug abusers, Washington, NIAD,
1988.
* 772 Courty P., Le
travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.116.
* 773 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.114
* 774 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.113
* 775 Baraldi C., Rossi.E,
« Le politiche di prevenzione », art.cit.,
p.89.
* 776 « La
connaissance des effets, par le biais de conférences et de films a,
selon une expérience clinique fameuse, plutôt qu'arrêter,
offert dans de nombreux cas une incitation vers une expérience attirante
puisque déjà connue du groupe des camarades
fréquentés ». Piccone Stella S., Droghe e
tossicodipendenza, op.cit.
* 777 Lai Guaita Maria Pia,
«Prevenzione delle tossicodipendenze: un impegno per ciascuno di
noi», in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La prevenzione delle
tossicodipendenze, op.cit, p.37
* 778 Baraldi C., Rossi.E,
« Les politiques de prévention », art.cit.,
p.104
* 779 Idem.,
p.105
* 780 Baraldi C., Rossi.E,
« Les politiques de prévention », art.cit.,
p.107
* 781 Ibid.,
p.108
* 782 Ibid.,
p.109
* 783 Martin Gonzales
Emiliano, « La Strategia nazionale sulle droghe : Spagna
2000-2008 », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La
prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.91
* 784 Sonia Moncada,
« La prevenzione della tossicodipendenza nella Strategia nazionale
sulle droghe 2000-2008 », in Lai Guaita Maria Pia
(dir.), La prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit,
p.111
* 785 La Stratégie
2000-2008 établit certains objectifs à rejoindre de façon
explicite : une formation des élèves à 80% dont 50%
en formation continue, que 40% des programmes communautaires soient
destinés aux parents en 2003 et que 50% des communautés de plus
de 20.000 aient adopté un Plan local de prévention notamment
tourné vers les familles.
* 786 Martin Gonzales
Emiliano, « La Strategia nazionale sulle droghe : Spagna
2000-2008 », in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La
prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.89.
* 787 Courty P., Le
travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.110.
* 788 Parquet Pr.
Philipe-Jean., Pour une politique de prévention en matière de
comportements de consommation de substances psychoactives, Vanves, CFES,
1997. 107p.
* 789« Il n'y a
pas de société sans drogue, il n'y en a jamais eu. Il n'y a pas
non plus de solution miracle, ni en France, ni dans aucun pays. En revanche, il
existe des réponses efficaces, afin d'éviter les consommations
dangereuses et de réduire tels risques lorsqu'il y a usage »
Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie
(MILDT), Savoir plus pour risquer moins, op.cit, p.9
* 790 « L'usage
est une consommation de substances psychoactives qui n'entraîne ni
complications pour la santé, ni troubles du comportement ayant des
conséquences nocives sur les autres » Il est ajouté
à cela que « l'usage n'entraîne pas d'escalade dans la
grande majorité des cas ». Mission Interministérielle
de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), Savoir plus pour
risquer moins, op.cit, p.12
* 791 « L'usage
nocif ou usage à problème est une consommation susceptible de
provoquer des dommages physiques, affectifs, psychologiques ou sociaux pour le
consommateur et pour son environnement proche ou lointain ».
Idem., p.12.
* 792 Le guide de
prévention de la MILDT ne traite pas uniquement des drogues illicites
mais également des substances licites tel que l'alcool ou encore des
médicaments psychoactifs (tranquillisants ou anxiolytiques,
somnifères, neuroleptiques, antidépresseurs). Mission
Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT),
Savoir plus pour risquer moins, op.cit.
* 793 L'association
ASUD a par exemple publié un Petit Manuel du shoot à
risque réduit financé par le ministère de la
Santé. L'association Techno Plus propose aux consommateurs
d'ecstasy dans le même état d'esprit un dépliant 10
conseils d'usage indiquant les principales précaution à respecter
en cas d'usage. Simon Théo, Drogues. Contre la criminalisation de
l'usage ?, op.cit.
* 794 Baraldi C., Rossi.E,
« Les politiques de prévention », art.cit.,
p.86.
* 795 Baraldi C., Rossi.E,
« Les politiques de prévention », art.cit.,
p.90.
* 796 Idem.,
p.92.
* 797 Baraldi C., Rossi.E,
« Les politiques de prévention », art.cit.,
p.97.
* 798 Baraldi C., Rossi.E,
« Les politiques de prévention », art.cit.,
p.105.
* 799 Idem.,
p.106.
* 800 Certains
éléments traités ici ont déjà fait l'objet
d'une réflexion auparavant, ils sont repris dans ce chapitre sous du
point de vue de la prévention.
* 801 Decorte T.,
« Mécanismes d'autorégulation chez les consommateurs de
drogues illégales », in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit,
p.49
* 802 Ibid,
p.39
* 803 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.84
* 804 « La
finalité sous-tendant à n'importe quel projet et à ses
objectifs devrait concerner nécessairement un changement dans la culture
sociale et sanitaire des communautés, les destinataires des
interventions sont les groupes, mais le but final est que chaque groupe auquel
on s'adresse puisse développer le processus de prévention
à l'intérieur de la communauté d'appartenance »
Loi Anna, Taranti Franca, « Le prevenzione : dai servizi alla
communità »,in Lai Guaita Maria Pia (dir.), La
prevenzione delle tossicodipendenze, op.cit, p.176.
* 805 Loi Anna, Taranti
Franca, « Le prevenzione : dai servizi alla
communità », art.cit., p.173.
* 806 Decorte T.,
« Mécanismes d'autorégulation chez les consommateurs de
drogues illégales », in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit,
p.61
* 807 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.22.
* 808 Institut de Recherche
et épidémiologie de la pharmacodépendance, Les effets
de la libéralisation de la vente des seringues. Rapport
d'évaluation, Paris, DGS, 1988. et IREP, Etude multicentrique sur
les attitudes et les comportements des toxicomanes face au risque de
contamination par le VIH et les virus de l'hépatite, 1996.
* 809 Ce changement de
statut est d'ailleurs manifeste à travers la modification de
terminologie puisqu'on parle désormais plus d'« usager de
drogue » ou encore de « client » »
voire d' « accueilli ». Jauffret-Routside Marie,
« Les groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mis en oeuvre de
nouvelles formes d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit,
p.167
* 810 Miller, W.R,
Motivational Interviewing. New York, London, Guilford Press,1991. Haynes P.,
Ayliffe G., «Locus of control of behavior: is high externally associated
with substance misuse«, 86 British Journal of Addiction 9,1991,
pp.1111-1117.
* 811 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit., p.31.
* 812 Center for Disease
Control, «Public health guidelines for counseling and antibody testing to
prevent Hiv infection and Aids», Morbidity and Mortality Weekly Report,
n.36, 1987, pp.509-515 et MMWR «Recommendations and Reports»,
Morbidity and Mortality Weekly Report, n.42, 1993, pp.RR-2. World Health
Organization, «Guidelines for Counseling about Hiv infection and
disease», Who Aids Series, n.8, 1990, World Health Organization,
Genève.
* 813 Avanzi Maurizio,
Bontà Flavio, « Il counselling per l'Hiv nei sert »,
La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali ,
Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, p.175.
* 814 Le
counselling « est un processus interactif entre deux
personnes dans l'environnement duquel se produit un échange
d'informations, mais aussi d'émotions, afin de tenter d'arriver ensemble
à des solutions qui arrivent à satisfaire les besoins
réels du sujets consultant » Serpelloni G., Galvan U.,
Morgante S., Zenari .R, « Il counseling pre-test nell'infezione
da Hiv », in Serpelloni G., Morgante S. (dir.), Hiv/Aids,
counseling e screening, Vérone, Leonard Edizioni Scientifiche,
p.175
* 815 Baraldi C., Rossi.E,
« Les politiques de prévention », art.cit.,
p.102.
* 816 Marco Orsenigo,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit., p.120
* 817 Baraldi C., Rossi.E,
« Les politiques de prévention », art.cit.,
p.83.
* 818 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.111
* 819 Mason P., The
Guidelines for Structured Methadone Maintenance Progra
* ms, The Center for Research
on Drugs and Health Behavior, London, 1995.
820 Touzeau, Jacques Bouchez, La
Méthadone, op.cit.,12p ; Alain Morel, Traitements
de substitution à la buprénorphine : l'expérience
française, op.cit.
* 821 L. Gallimberti
« Criteri di valutazione del modello multimodale di
trattamento : l'esperienza di Padova »
* , in Bolletino, XVII, n.2,
1994, cité in p.65.
822 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli o
* peratori del servizio
pubblico, op.cit., p.53.
823 Verster A. Buning E., Lignes directrices
pour le trait
* ement à la
méthadone, Juin 2000, EuroMethwork.
824 La description des programmes « bas
seuil » et « haut seuil » a déjà
été l'objet d'une réflexion, elle est cependant reprise
ici de façon plus spécifique pour les programmes de substitution.
On verra par la suite que cette distinction est nécessaire pour
comprendre les différents programmes, notamment entre la
méthadone et la Buprénophine à haut dosage (BHD).
* 825 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport
réalisé à la demande de Bern
* ard Kouchner Ministre
Délégué à la Santé, 87p.
826 Ball J.C, Ross A., The effectiveness of
Methadone Ma
* intenance Treatment,
Springer, New-York, 1991.
827 Cooper J., «20 Jhare Methadon-Behandlung
in USA- Um Bericht des National Institute on Drug Abuse«, in
Minister für Arbeit, Gesundheit und Soziales des Landes NW, (hg.),
Medikamentengestützte Rehabilitation bei Drogenabhängige
* n, Möglichkeiten und
Grenze, Düsseldorf, 1987.
828 Comme le rappelle Pascal Courty « le
suivi socio-éducatif doit également faire partie de la prise en
charge au risque de perdre de vue rapidement le patient ou de le voir verser
dans le mésusage de cette molécule. Rappelons le, encore une
fois, le produit n'est rien sans le nouvel environnement qui doit se
créer autour de l'usager ». Courty P., Le travail avec les
usagers des drogues, op.cit., p.44.
* 829 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit.
* p
830 Ball J.C, Ross A., The effectiveness of
Methadone Maintenance Treatment, Springer, New-York, 1991.
* 831 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico.,
* op.cit., p.51.
832 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo
sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti,
op.cit.,
* r p.59.
833 McLellan T.A., Arndt I.O., Metzger D.S., Woody
G.E., P'Brien C.P., The effects of Psychosocial Service in Su
* bstance Abuse Treatment,
in «JAMA», 269, 1993.
834 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli o
* peratori del servizio
pubblico, op.cit., p.52.
835 Ibid., p.52.
* 836 Ministero della
Sanità, « Linee guida per il trattamento della dipendenza da
oppiacei con farmaci sostitutivi », Circolare 30.9.1994, n.20,
Gazzetta ufficiale del
* la Rep. italiana, 14.10.1994,
serie gen., n.4.
837 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo
sociale. Il lavoro psicologico ne
* i servizi per
tossicodipendenti, op.cit., p.63
838 Riccardo Gatti explique ce choix par la
volonté de responsabiliser le toxicomane en l'impliquant comme un acteur
à part entière dans son traitement. Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli o
* peratori del servizio
pubblico, op.cit., p.66.
839 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli o
* peratori del servizio
pubblico, op.cit., p.55.
840 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo
sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti,
op.cit., p.48.
841 En outre de la méthadone et du Subutex,
deux autres produits disposent d'une AMM: le Skénan et le Moscontin.
e
* ,
*
* p.48.
842 Idem., p.46
843 Circulaire n° 4 du 11 janvier 1994 et
annexe à la circulaire n° 14 du 7 mars 1994, annexe à la
circulaire n° 29 du 31 mars 1995.
*
844 Farges F., Hautefeuille M., M., « Les
traitements de substitution», in Angel P., Richard D., Valleur.,
Toxicomanies, op.cit, pp.217-220.
* 845 Alain Morel,
Traitements de substitution à l
* a buprénorphine :
l'expérience française, op.cit. p.2.
846 Le phénomène de tolérance
croisé signifie qu'un héroïnomane auquel l'on administre des
doses de substitution suffisantes ne peut plus ressentir les effets
euphorisants de l'héroïne pour un certain nombre d'heures
(durée appelée la demi-durée de vie). Cette
propriété est commune aussi bien à la méthadone
qu'au Subutex ce qui justifient leur usage thérapeutique. Farges F.,
Hautefeuille M., M., « Les traitements de substitution»,
art.cit.
* 847 Jasinski D.R. &
Al., « Human pharmacology and abuse potential of the analgesic
buprenorphine », Archiv
* es of General Psychiatry,
1978, 35; pp.501-516.
848 Cf., Nancy Mello, « La
buprénorphine supprime l'usage d'héroïne chez les
héroïnodépendants », Revue Science, vol.207, 8
février 1980, cité in Catherine Pequart, « Traitements
de substitution par la buprénorphine : évaluations, risques
et résultats », in Traitements de substitut
* ion. Histoire, étude,
pratique, op.cit., p.80.
849 Reisinger M., « Buprenorphine as a new
treatment for heroin dependence
* », Drug Alcohol Dependence,
1985, 16, 257-262.
850 Reisinger M., « Quinze ans de traite
* ment à la
buprénorphine », THS La Revue, 1999.
* 851 Circulaire DGS/SP3/95
n°29 du 31 mars 1995.
852 Coppel A., « Les intervenants en
toxicomanie, le Sida et la réduction des risques en France »,
art.cit.,1996.
Morel A., « Histoire et changements des intervenants en
toxicomanies en France face aux pharmacothérapies », Lyon
méditerranée médic
* al, Médecine du
Sud-Est, 1998, n.34, pp.21-24.
853 Touze
* au, Jacques Bouchez, La
Méthadone, op.cit.,12p.
854 Cette disposition a fait l'objet
récemment d'une nouvelle circulaire qui sera abordée par la
suite.
* 855 OFDT, « Usages
de drogues et dispositifs publics -indicateurs
* et tendances », Tendances,
n°2 septembre 1999.
856 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé
J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone
en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à
la demande de Bern
* ard Kouchner Ministre
Délégué à la Santé, p.5.
857 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé
J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone
en France. Bilan et reco
* mmandations,
op.cit., 87p.
858 MEDICAM, « les médicaments
remboursés par le Régime Général d'Assurance
Maladie en 1999 », septemb
* re 2000, Caisse Nationale
d'Assurance Maladie.
859 Le schèma suivant est extrait de
Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A.,
L'accès à la méthadone en France. Bilan et
recommandations, op.cit., p.43.
* 860 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations,
* a op.cit., 87p.
861 Farges F., Hautefeuille M., M., « Les
traitements de substitution», art.cit.
* 862 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations,
* aop.cit, 87p.
863 La croyance est elle même liée
à la présentation des deux médicaments. La
méthadone accumule les handicaps de présentation et de
maniabilité : elle est proposée sous une forme de sirop, le sirop
est dans des petits flacons en verre (initialement gravé),
l'encombrement est maximum tant pour les pharmacies, que pour les centres et
pour les patients : les flacons en verre sont dans des boîtes en cartons
eux-mêmes rangés selon le dosage dans des cartons
différents.
* 864 Pascal Courty note
que ce mode de présentation du Subutex peut paradoxalement constituer un
obstacle à la thérapie. Pour des patients qui s'injectent
quatre à huit fois par jour de l'héroïne, il est
extrêmement difficile de faire comprendre qu'un seul comprimé va
vous calmer [...] En effet, les patients prennent souvent leurs
comprimés en plusieurs prises [...] Cette façon d'agir les
maintient dans un état de demi-manque qui n'est pas favorable à
leur guérison car ce manque revient les hanter ». Pascal
Courty remarque en revanche que du fait qu'il n'implique qu'une prise par jour,
le Subutex est plus souple que la méthadone et s'adapt
* e mieux avec un travail
régulier. Courty P., Le travail avec les usagers des drogues,
op.cit., pp.48-49.
* 865 « Les
organisations d'enseignements post-universitaires locaux, les organisations de
réunions régionales pour des médecins
généralistes, les pharmaciens d'officine et autres professionnels
de santé, les congrès nationaux et internationaux, la
création de plaquettes d'information, de guidelines ou lignes
directrices du traitement par BHD, le développement d'études
nationales initiées et (bien) organisées par le groupe
pharmaceutique, le soutien à certaines revues sur les addictions ou sur
les pathologies associées aux usages et abus de drogues
(hépatites par exemple, pathologies pour lesquelles le groupe
pharmaceutique a un des deux traitements antiviraux les plus prescrits) sont
des exemples, parmi d'autres, qui peuvent expliquer le
"déséquilib
* re", le retard d'un traitement sur
un autre ». Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F.,
Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en
France. Bilan et recommandations, op.cit.
866 Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé
J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone
en France. Bilan et recommandations, op.cit.
* a
867 Il faut ajouter qu'aux inconvénients
cités ici de nombreuses questions restent en suspens sur les
conséquences d'un traitement par Subutex qu'il est difficile
d'évaluer en raison de l'absence de recherche sérieuse sur le
sujet. Le Conseil national du sida remarque que tandis que les recherches
menées en France et à l'étranger ont
démontré, en 1998 et 1999, qu'une part importante des traitements
antirétroviraux ont une interaction, in vitro, avec la méthadone,
« la situation paraît beaucoup plus imprécise en ce qui
concerne le Subutex. Par ailleurs, le laboratoire commercialisant ce traitement
n'a pas, semble-t-il, mené les études appropriées ni
diffusé de résultats complets sur le sujet ». Conseil
national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu
de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.61.
* 868 Reynaud M. & al.,
« Utilisation détournée d'une association
buprénorphine-benzodiazépine : six d
* écès », La
Presse médicale, 1997, n.28, pp.1237-1238.
869 A. Traqui, « intoxications
aiguës par traitement substitutif à base de buprénorphine
haut dosage, 29 observations- 20 cas mortels », in La
Presse médicale, n°27, pp.557-561, étude citée
par Catherine Pequart, « Traitements de substitution par la
buprénorphine : évalu
* ations, risques et
résultats », op.cit., p.86.
870 France Soir, « Alerte au
Subutex® , médicament mortel », 28 avril 1998,
cité in Anne Copppel, « La réduction des
risques en France à l
* a recherche d'un
consensus », op.cit., p.270.
871 Hautefeuille M., « Le Temgésic :
nouveau produit, viei
* lle illusion »,
Interventions, 1991, pp.27-29.
872 France Lert, « Que penser du
Subutex® ? », in Villehôpital,
* le bulletin des
réseaux, n°18.
* 873 L'utilisation
intraveineuse de la buprénorphine semble s'accompagner d'une persistance
de consommation d'autres drogues intraveineuses. Ainsi dans une enquête
menée sur les patients du Centre de soins spécialisées
pour toxicomanes de Clermont Ferrand, 41% des patients traités sous
Subutex poursuivaient des consommations par injection (opiacés, BZD,
cocaïne, etc.). Courty P., Le travail avec les usagers des
drogues, op.cit., p.52.
* 874 Lert F. & al.,
Evaluer la mise à disposition du Subutex® pour la prise en
charge des usagers de drogues. Synthèse rapide de la littérature
et des données disponibles et propositions pour un programme de
recherche, R
* apport réalisé sous
l'égide de l'INSERM, 1998.
* 875 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations,
op.cit.
* r
876 Ce constat doit par ailleurs être
relativisé par les fortes inégalités territoriales qui
subsistent. En effet, si la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur
bénéficie d'un taux de distribution de la méthadone pour
10 000 habitants 2,4 fois plus élevé que la moyenne nationale, et
l'Ile-de-France 1,8 fois plus élevé, certaines régions
paraissent totalement oubliées. Les Pays de Loire, la Picardie, le
Centre, le Limousin sont encore particulièrement
défavorisés. Emmanuelli (Julien), Contribution à
l'évaluation de la politique de réduction des risques SIAMOIS.
Description, analyse et mise en perspective des données de ventes
officinales de seringues et de produits de substitution en France de 1996
à 1999. Tome 2 : « Approche détaillée à
l'usage des acteurs de terrain», pp. 18 et suivantes.
* 877 Lert F. & al.,
Evaluer la mise à disposition du Subutex® pour la prise en
charge des usagers de drogues, op.cit., p.23
878 C
* irculaire DGS/DHOS 2002/57 du 30
janvier 2002.
* 879 Les auteurs du
rapport sur « L'accès à la méthadone en
France » insistaient sur l'importance de nouvelles voies
d'accès au méthadone. Il s'agit, selon eux, de mettre en place un
accès garanti à la méthadone dans tous les
départements, avec le choix pour le patient entre trois portes
d'entrée : un « réseau ville » (primo-prescription,
dispensation et suivi en ville), un « réseau établissement
de santé » ou un « réseau centre
spécialisé» (prescription, dispensation et suivi en centre
spécialisé). Ces réseaux offriraient une
accessibilité, une diversité et une souplesse propices à
des passages de l'un à l'autre selon des modalités
adaptées aux besoins du patient. Cf., Augé-Caumon M-J.,
Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., op.cit.
* m
880 On a d'ailleurs souligné auparavant les
effets pervers induit par cette double orientation.
* 881 Bertelli Bruno,
« Le politiche penintenziarie », in
Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit.,
p.143.
* 882 Ibid.,
p.144.
* 883 Ibid.,
p.142.
* 884 Ibid.,
p.142.
* 885 Cf. Tableau
situé ci-dessous.
* 886 Piccone Stella,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit.
* 887 Bertelli Bruno,
« Le politiche penintenziarie », in
Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia,
op.cit.,p.157.
* 888 Ministero Giustizia.
Dipartimento Amministrazione Penitenziaria. Cité in Bertelli
Bruno, « Le politiche penintenziarie », art.cit.,
p.151.
* 889 Steffen M., Les
Etats face au Sida en Europe, op.cit, p.121.
* 890 Loi du 30 juin 1838
sur les aliénés, réformée par la loi n° 90-527
du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes
hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs cond
* itions d'hospitalisation (JO du 30
juin 1990).
891 Loi n° 54-439 du 15 avril 1954 sur le
tra
* itement des alcooliques dangereux
pour autrui.
892 Bernat De Celis J., Drogues : Consommation
interdite. La genèse de la loi de 1970 sur les
* stupéfiants, Paris,
l'Harmattan, 1996, 252 p.
893 Circulaire DGS/1555/MS1 du 28 septembre 1971,
cité in Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie.
Histoi
* re d'une singularité
française, op.cit., p.27.
* 7
894 Art. L628-1 du Code de la Santé
publiqu
* e.
895 . Art.L682-2 du Code de la Santé
publi
* que
896 Art. L682-3 du Code de la Santé p
* ublique
897 Art. 132-60 à 66, Nouveau Code
Pénal
898 « La loi du 31 décembre 1970
cherche à établir, en ce qui concerne l'usage de
stupéfiants, un compromis entre pénalisation et traitement, en
associant l'injonction thérapeutique et une sanction
pénale » Bisiou Yan, « Le cadre légal
français », in La demande sociale de
* drogues, Albert Ogien,
Patrick Mignon, op.cit., p.183.
899 L'injonction thérapeutique fut
très critiquée des psychiatres qui l'acceptèrent comme la
« moins mauvaise réponse » aux peurs collectives que
suscitait la drogue. Anne Coppel, « De la Clinique à la
santé publique : traitement et réduction des
risques », in La demande sociale de drogues,
* 900 Monique Pelletier,
Rapport de la mission d'étude sur l'ensemble des problèmes de
la drogue,
* aop.cit., p.109.
901 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une ref
* ormulation du cadre
législatif, op.cit., p.55.
* 902 Evalu
* ation de l'INSERM, U.302,
citée dans Dussausaye Eve, Politiques publiques de soins en
matière de toxicomanie. Une spécificité
française, op.cit., p.47
903 Circulaire CAB 87-02 du 12 mai 1987:
coopération entre les autorités judiciaires et les
autorités sanitaires et sociales pour l'application de la loi n°
70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte
contre la toxicomanie et à la répression du trafic et
* de l'usage illicite de substances
vénéneuses.
904 Michel Setbon, Pouvoirs contre sida. De la
transfusion sanguine au dépistage : décisions et pratiques
en France, Grande-Bretagne et Suède, op.cit., p.32.
* a
* 905 Conseil national du
Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif,
* op.cit., p.55.
906 DGLDT/CRIM/DGS n°20 C du 28 avril 1995.
* t
907 J. Chenu, « Résultats
décevants pour l'injonction thérapeutique
* »,
Interdépendances n° 27, 06-07, 1997, p.37.
908 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une reformulation du cadre législatif,
op.cit., p.56.
* 909 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une ref
* ormulation du cadre
législatif, op.cit., p.56.
910 Steffen M., Les
* Etats face au Sida en
Europe, op.cit., p.130.
911 Setbon Michel, Calan Jeannine de, CNRS/GAPP,
L'injonction thérapeutique. Evaluation du dispositif légal de
prise en charge sanitaire des usagers de drogues interpellés,
op.cit.
* o912 Piccone
Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.86.
* 913 Agnoli Maria Stella,
« Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di
communità », art.cit., pp.13-51.
* 914 Farges F., Patel.
P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes,
op.cit., 22p.
* 915 O'brien W.,
« Les communautés
thérapeutiques », in Dolentium Hominum, Eglise et
santé dans le monde, Actes 6ème Conf. Int. Vatican, 21-23 nov
1991, Drogue et alcoolisme contre la vie, 1992, n.19, pp.321-326. Gatti
R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del
servizio pubblico, op.cit, p.88
* 916 Jones M.,
« Pourquoi deux types de communautés
thérapeutiques? », Psychotropes, 1986, 3, 1, pp.
9-12.
* 917 Agnoli Maria Stella,
« Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di
communità », art.cit, p.23-24
* 918 Les
communautés, comme l'affirme Paolo Stocco, directeur de la
communauté Villa Renata (Lido di Venezia) « se sont
développées principalement comme des modèles alternatifs
d'intervention [...] en comparaison avec les canons classiques de
l'intervention sanitaire correspondant au secteur médical et à
l'organisation hospitalière et ambulatoire, où le sujet est
qualifié comme «patient» et la relation médecin-patient
fortement asymétrique» au contraire, «la fonction originaire
des communautés est dotée d'une forte valeur solidariste en
organisant des modalités d'approche à travers une auto/mutuelle
aide ». Stocco Paolo « La persona tossicodipendente e
sieropositiva in comunità terapeutica », La cura delle
persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto
Bosi (dir.), op.cit, p.230.
* 919 Farges F., Patel.
P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes,
op.cit., 22p.
* 920 « La
primauté du faire en rapport avec les autres façons de comprendre
le «temps de la vie» que les hôtes passent en
communauté. Communauté qui n'est donc pas perçue comme un
refuge temporaire, suspension des contraintes sociales, convalescence,
mais plutôt comme activité concrète, dans laquelle ce qui
est émerge est un faire ensemble. En communauté ce qui
est apprit, dont les règles de comportement, est apprit en faisant,
en vivant ensemble, en partageant la vie quotidienne » Guidicini
Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto
città, op.cit, p.37
* 921 Guidicini Paolo,
Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto
città, op.cit, p.695
* 922 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.82.
* 923 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.88.
* 924 Farges F.,
« Chaîne thérapeutique », in Angel
P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.175-178.
* 925 Stocco Paolo
« La persona tossicodipendente e sieropositiva in comunità
terapeutica », La cura delle persone con Aids. Interventi e
contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit,
p.232.
* 926 Stocco Paolo.,
ibid., p.234.
* 927 Guidicini Paolo,
Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto
città, op.cit, p.580
* 928 Agnoli Maria Stella,
« Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di
communità », art.cit, p.20.
* 929 Agnoli Maria Stella,
ibid., p.19
* 930 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.81.
* 931 Statera Gianni,
«Introduzione. L'efficacia del trattamento di comunità come
problema di indagine», Sociologia e ricerca sociale, Anno XV,
n°45, 1994, pp.6
* 932 Fasanella Antonio,
« Esperienza di comunità ed efficacia in trattamento del
processo riabilitativo », Sociologia e ricerca sociale, Anno
XV, n°45, 1994, pp.158-198.
* 933 Agnoli Maria Stella,
« Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di
communità », p.20.
* 934 Ibid.,
p.21.
* 935 Checcucci et
Lampronti, Quaderno di Stella popolare, 1991-1992, 6-7, p.12,
cité dans Fasanella Antonio, « Esperienza di communità
ed efficacia in trattamento del processo riabilitativo »,
art.cit., p.160
* 936 Fasanella Antonio,
« Esperienza di communità ed efficacia in trattamento del
processo riabilitativo », art.cit., p.174.
* 937 Farges F., Patel.
P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes,
op.cit., 22p.
* 938 Castel
R.(dir.), Les sorties de la toxicomanie. Types,
trajectoires, tonalités, GRASS, MIRE, Paris, 303 p.
* 939 Farges F., Patel.
P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes,
op.cit.
* 940 Castel
R.(dir.), Les sorties de la toxicomanie. Types,
trajectoires, tonalités, op.cit.
* 941 Farges F.,
« Chaîne thérapeutique », in Angel
P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.175-178
* 942 Les
résistances des professionnels de la toxicomanie à l'introduction
des communautés thérapeutiques en France s'expliquent
également par les principes même de la CT. Celle-ci repose en
effet, comme il a été établi, sur une
déprofessionnalisation du personnel. Chaque toxicomane est
considéré comme un potentiel thérapeute. Les
professionnels sont dès lors délégitimés de leur
monopole thérapeutique.
* 943 Farges F., Patel.
P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes,
op.cit.
* 944 Stocco Paolo
« La persona tossicodipendente e sieropositiva in comunità
terapeutica », La cura delle persone con Aids. Interventi e
contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit,
p.231
* 945 Ibid.,
p.232
* 946 Farges F., Patel.
P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes,
op.cit.
* 947 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.80.
* 948 Osservatorio
permanente sul fenomeno droga, 1993, cité in Agnoli Maria
Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie
di communità », art.cit., p.14.
* 949 Ces chiffres sont
tous datés du 31 décembre de chaque année. Piccone Stella
S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.33.
* 950 Parmi les
études de San Patrignano on peut citer celle de Paolo Guidicini
et Giovanni Pieretti qui reste la plus connue, mais surtout la recherche
effectuée par le Département de Sociologie de Bologne. Cf.,
Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed
effetto città. Studi sui percorsi di vita degli ospiti della
comunità, FrancoAngeli, Milano, 1996, p.790. Bruni Carmelo,
«Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia
d'intervento della comunità San Patrignano», in
«Strategie di comunità per tossicodipendenti, il caso di San
Patrignano», Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45,
1994, pp.52-95.
* 951 Bruni Carmelo,
«Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia
d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit.,
p.53.
* 952 Vincenzo Muccioli a
«théorisé» sa conception de l'existence, du monde et de
la communauté thérapeutique dans l'ouvrage suivant : Muccioli,
Vincenzo, La mia battaglia contro la droga, l'emarginazione e
l'egoismo.
* 953 Bruni Carmelo,
«Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia
d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit,
p.53.
* 954 Ibid.,
p.27.
* 955 Muccioli, Vincenzo,
La mia battaglia contro la droga, l'emarginazione e l'egoismo,
op.cit, p.27, cité in Bruni Carmelo, ibid.,
art.cit, p.65.
* 956 Muccioli, Vincenzo,
ibid., pp.106-107, cité in Bruni Carmelo, ibid.,
p.67.
* 957 Muccioli, Vincenzo,
ibid., pp.104-105, cité in Bruni Carmelo,
ibid., p.66.
* 958 Un schéma de
références, c'est « un ensemble de notions et de
valeurs qui servent initialement à s'orienter dans la vie communautaire,
jour après jour, et qui participe profondément de la
personnalité de chaque sujet ». Bruni Carmelo, «Struttura
socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della
comunità San Patrignano», art.cit, p.53.
* 959 Ibid.
* 960 Guidicini Paolo,
Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto
città, op.cit, p.39
* 961 Fasanella Antonio,
« Esperienza di communità ed efficacia in trattamento del
processo riabilitativo », in «Strategie di
comunità per tossicodipendenti, il caso di San Patrignano»,
Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, p.174
* 962 Bruni Carmelo,
«Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia
d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit,
p.71.
* 963 Bruni Carmelo,
ibid., p.80.
* 964 Bruni Carmelo,
«Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia
d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit,
p.91.
* 965 San
Patrignano présente la particularité, comme le
précisent Guidicini et Pieretti, de ne pas posséder un programme
thérapeutique établit à l'avance, ni une hiérarchie
stricte. « Un tel manque apparaît, au premier regard, en
contradiction totale avec le climat d'efficience et de précision
présente dans la Communauté, surtout en face de situations et
d'expériences d'autres communautés, italiennes et
étrangères, dans lesquelles il existe des programmes
thérapeutiques écrits extrêmement détaillés
(parfois presque militaires) qui prévoient des phases, des temps, des
situations et, surtout, qui décrivent des étapes
thérapeutiques comme des pré-requis pour le passages à des
niveaux successifs de l'expérience communautaire ». Guidicini
Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto
città, op.cit, p.26
* 966 Mintzberg, La
progettazione dell'organizzazione aziendale, 1983, p.431,
* 967 Mintzberg,
Management : mito e realtà, 1989, p.289, cité
in Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa,
«filosofia» e strategia d'intervento della comunità San
Patrignano», art.cit, p.93.
* 968 On peut donner
à titre indicatif quelques éléments biographiques à
propos de Massimo Barra. Né à Rome en 1947, il est entré
dès l'âge de 13 ans dans le groupe des Pionniers de la Croix Rouge
Italienne dont il devient le Président national en 1976. Il sera
élu à partir de 1979 Inspecteur National des Volontaires de la
Croix Rouge Italienne, charge à laquelle il sera réélu
jusqu'en janvier 2001. Il occupa également la charge de Président
du Comité Consultatif de la Jeunesse de la Fédération
Internationale de la Croix Rouge entre 1972 et 1979. Il accomplit des
étude de médecine et exerça sa profession auprès du
Centre des Maladies Sociales (C.M.S) de Rome dans le service de toxicomanie. Il
fonda la communauté Villa Maraini le 1er septembre
1976. Il créa enfin la Fondation Villa Maraini en 1988 dont il
est encore aujourd'hui le directeur. Massimo Barra a été le
responsable de nombreux cours de formation et de sensibilisation à la
toxicomanie aussi bien au sein de la Croix Rouge qu'après
d'universités et d'écoles spécialisées. Massimo
Barra a également exercé d'importantes responsabilités au
sein de groupes d'études et de recherches des politiques sanitaires sur
la toxicomanie pour le compte du gouvernement italien (Comités
interministériels Antidrogue de 1978 al 1985, Rapport auprès du
Ministère de la Santé sur les communautés
thérapeutiques en Italie en 1982) ou auprès de la commune de
Rome.
* 969 Barra, Massimo,
Lelli Vittorio, Droghe e drogati, Ed. Ianua, Rome, 1990, p. 16.
p.165.
* 970 Cette conception
rentre en contradiction avec la compréhension de la toxicomanie qui
s'est développée en Italie durant les années quatre-vingt
et qui y voit avant tout l'expression d'un malaise social.
* 971 Barra Massimo,
« Pragmatica dell'intervento terapeutico », in
Bellizzi A. (dir)., Lezioni dai corsi di Sensibilizzazione, Villa
Maraini, Roma, juin 2001, p.27. 81p. Cette idée renvoie par ailleurs de
façon directe à l'idée de «ligne de vie»
déjà évoquée précédemment par Robert
Castel et Albert Ogien.
* 972 Ibid,
p.27.
* 973 Ibid.,
p.28.
* 974 Définition de
la thérapie sur le site Internet de Villa Maraini : www.
villamaraini.it.
* 975 Barra Massimo,
« Pragmatica dell'intervento terapeutico », art.cit.,
p.29.
* 976 Ibid.,
p.29.
* 977 Ibid.,
p.30.
* 978 Barra Massimo,
Droga dalla A alla Z, I quaderni del pronto soccorso, Mc Graw-Hill,
Milano, 1997, 56p.
* 979 C'est dans ce sens
que Massimo Barra déclarait lors d'une conférence :
« L'ex-toxicomane devenu opérateur social est un
élément constant de plusieurs services anti-drogue dont on ne
peut faire à moins, soit pour l'attitude protectrice et paternelle que
plusieurs anciens toxicomanes, parvenus à la phase finale de leur
dépendance, assument à l'égard des plus jeunes, soit pour
le témoignage personnel de réussite et de victoire dans un
combat. pour dépasser définitivement la dépendance, qui
parfois peut paraître improbable sinon impossible. L'ancien toxicomane
démontre que "vouloir c'est pouvoir" et cela est pour lui un bon
système de se rendre utile à la Société, souvent
l'unique pour mettre à profit l'expérience négative de son
passé de drogué [...] Un ex-toxicomane thérapeute dans un
centre anti-drogue ou dans une communauté thérapeutique est un
symbole, un personnage important et de soutien tandis que dans n'importe quel
autre milieu il risque d'être un nombre ou un travailleur anonyme Pour
lui il est aussi important de continuer à fréquenter, même
avec un autre rôle, un milieu thérapeutique, surtout si de
celui-ci ou d'une de ses figures significatives il est resté d'une
façon ou de l'autre dépendant en tant qu'un des moyens qui lui a
permis de dépasser l'autre, plus néfaste dépendance, celle
de la drogue ». Massimo Barra, Tolleranza Dei Terapeuti E
Tossicodipendenti, II Encontro das Taipas Lisboa, février, 1989.
* 980 Fondazione Villa
Maraini, I nostri servizi, brochure d'information , 13p.
* 981 Villa
Maraini, «Ne abbiamo fatto di strada... Unità di strada»,
compte rendu d'activité, août 2001.
* 982 Fondazione Villa
Maraini, I nostri servizi, brochure d'information , p.10.
* 983 Barca Vincenzo
(dir)., «La comunità terapeutica semiresidenziale», Quaderni
della Fondazione Villa Maraini, juillet 1998, 31p.
* 984 Fondazione Villa
Maraini, I nostri servizi, brochure d'information , p.11.
* 985 « Toxicard
Salvavita », Corriere della Sera, 26 mars 1999.
* 986 La Fondation
Villa Maraini est considérée comme une structure de la
Croix Rouge Italienne bien qu'elle dispose d'un personnel essentiellement
composé de professionnels (psychologues, éducateurs,
ex-toxicomanes).
* 987 «Sciopera Villa
Maraini , Il Manifesto, 25 juillet 1993.
* 988 »I
finanziamenti dirottati» , Roma Circoscrizione XVI" marzo1992
* 989 «La Fondazione
potrebbe perdere medici e psicologi», Momento Sera, del 2 marzo
1995, Problemi in vista per Villa Maraini Lo a deciso la Usl Rm D;
« La Usl "contro" Villa Maraini », L'Unità,
del 2 marzo 1995.
* 990 «Il centro
antidroga funziona ma è a corto finanziamenti», Il Giornale,
9 février 2001.
* 991 « Cure
vietate per i tossicodipendenti detenuti nelle carceri romane. La denuncia
della Fondazione Villa Maraini», Il Giornale D'Italia, 7
décembre 1985.
* 992 Massimo Barra, "RES
- Risposte Esperienze Servizi" Agenzia di informazione sociale», Anno IV
- n.12 del 15 ottobre 1994.
* 993 «Sussidi ai
malati di Aids», Momento Sera, 18 novembre 1993.
* 994 «Farmacie.
Boicottata la vendita del metadone», L'Unità, 8 octobre
1993.
* 995 « Farmacie
contro la droga », L'Opinione, 13 aprile
1994.
* 996 «Parla
l'assessore Barra :"Le Usl smettano di fingere di non sapere"», Il
Tempo, 27 août 1993.
* 997 Osservatorio sulle
tossicodipendenze, I Quaderni di Datamedia, octobre 1996, Milan.
* 998 Marco Orsenigo,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit., pp.81-82.
* 999 Marco Orsenigo,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit., p.80.
* 1000 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.93.
* 1001 Courty P., Le
travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.117.
* 1002 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., pp.112-113.
* 1003 Les centres
spécialisés naissent d'une circulaire de 1972, signée par
Robert Boulin, minsitre de la Santé. Circulaire DGS/591/MS1 du 29 mars
1972 relative à l'organisation sanitaire de la toxicomanie. Bergeron H.,
L'Etat et la toxicomanie, histoire d'une singularité
française, op.cit., p.39.
* 1004 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations,
op.cit., 87p.
* 1005 Courty P., Le
travail avec les usagers des drogues, op.cit., pp.13-14.
* 1006 Décret
n°92-590 du 29 juin 1992 relatif aux centres spécialisés de
soins aux toxicomanes. Ministère de la Santé et de l'Action
humanitaire, Ministère de la Justice, Ministère du Budget,
Journal officiel du 2 juillet 1992.
* 1007 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport
réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre
Délégué à la Santé, 87p.
* 1008 Selon la MILDT, on
recensait en 1999, cent quatre-vingt-dix centres ambulatoires et cinquante-six
permanences d'accueil. MILDT, 1999, op.cit., p. 77.
* 1009 Ariège,
Cantal, Creuse, Gers, Haute Loire, Haute Marne, Nièvre, Hautes
Pyrénées.
* 1010 Aisne, Hautes
Alpes, Cher, Corrèze, Côtes d'Armor, Indre, Jura, Loir et Cher,
Manche, Orne, Territoire de Belfort.
* 1011 Lacoste M., «
Enquête nationale ANIT, Centres spécialisés de soins avec
hébergements et substitution : résultats »,
Interventions, 1999, 68 ; pp.38-45.
* 1012 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.
* 1013 Marco Orsenigo,
Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per
tossicodipendenti, op.cit., p.158
* 1014 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.33.
* 1015 Cf. G. Abbatecola,
« La lettura della tossicodipendenza e i sui
problemi », in Marginalità e società,
n.21, 1993.
* 1016 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.25.
* 1017 Ibid.,
p.26.
* 1018 Ibid.,
p.12.
* 1019 Ibid.,
p.14.
* 1020 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.90.
* 1021 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.175
* 1022 Piccone Stella S.,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.89.
* 1023 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.35.
* 1024 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit.
* 1025 Fazzi L., Scaglia
A., Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit.,
p.12.
* 1026 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, o
* p.cit.
1027 En 1994, les consommateurs
d'héroïne représentaient 90% des patients suivis par les
Sert en Italie. Ce chiffre est resté presque inchangé en 2000.
Ministère de la Santé, A. De Rose, N. Magliocchetti,
« Relazione sulle attività dei servizi pubblici per le
tossicodipendenze nell'anno 1994 », in Bolletino delle
farmacodipendenze e dell'alcolismo, XVIII, n.3, 1995.
* 1028 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.46.
* 1029 Ibid.,
p.175.
* 1030 Piccone Stella
remarque que l'âge moyen des consommateurs d'héroïne augmente
de façon générale en Europe tandis que les plus jeunes ont
recours à d'autres types de drogues (amphétamines, ecstasy, LSD,
etc.). L'âge des personnes pris en charge par les services de toxicomanie
augmente ainsi de façon importante. Entre1991 et 1997, tandis que la
classe des 20-24 ans est passée de 28,60 à 17,9% de l'ensemble
des patients, la classe des 35-39 ans a augmenté de 6,55 à 13,4%.
Piccone Stella Simonetta, Droghe e tossicodipendenza, op.cit,
p.37.
* 1031 Ibid.,
p.108
* 1032 Ibid.,
p.109.
* 1033 Fazzi L., Scaglia
A., Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit.,
p.12.
* 1034 Idem.,
p.12.
* 1035 Gatti R.C.,
Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio
pubblico, op.cit., p.46.
* 1036 Ibid.,
p.169.
* 1037 Ibid.,
p.10.
* 1038 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations,
op.cit., 87p.
* 1039 Farges F.,
Hautefeuille M., M., « Le toxicomane à
l'hôpital » in Angel P., Richard D., Valleur.,
Toxicomanies, op.cit, pp.191-194
* 1040 Ibid,
p.192
* 1041 ibid.,
pp.191-194
* 1042 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport
réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre
Délégué à la Santé, 87p.
* 1043 A ce propos, la
circulaire DHOS/02 - DGS/SDB 2000/460 du 8 septembre 2000 relative à
l'organisation des soins hospitaliers pour les personnes ayant des pratiques
addictives prévoit un effort budgétaire de 38 millions de
francs.
* 1044 Le milieu
carcéral a déjà fait auparavant l'objet d'une
réflexion notamment du point de vue de l'existence de pratiques à
risques. Il s'agit en revanche de questionner ici le rôle
thérapeutique de la prison.
* 1045 Bertelli Bruno,
« Le politiche penintenziarie », in
Tossicodipendenze e politiche sociali in Italia, op.cit.,
p.135.
* 1046 Bertelli Bruno,
« Le politiche penintenziarie », ibid.,
p.152 ; Conseil national du Sida, Les risques liés aux
usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une
reformulation du cadre législatif, op.cit.
* 1047 Conseil national du
Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit.
* 1048 Angel P.,
«Toxicomanes incarcérés», in
Toxicomanies, op.cit., pp.262-264.
* 1049 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport
réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre
Délégué à la Santé, 87p.
* 1050 Conseil national du
Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.93.
* 1051 Bertelli Bruno,
« Le politiche penitenziarie », ibid., p.155.
* 1052 Ibid.,
p.156.
* 1053 Leone B., Migliore
A., La comunità dentro il carcere, Angeli, Milano, 1999.
* 1054 Bertelli Bruno,
« Le politiche penitenziarie », ibid., p.162.
* 1055 Barra M., «Il
tossicodipendente, il carcere e le sue alternative», in
Bion, DAP, 163, 1997;
* 1056 Bertelli Bruno,
« Le politiche penintenziarie », ibid., p.163.
* 1057 Clauzet, Coqus,
Binder, « Médecins Généralistes et
Toxicomanies, qu'en attendre? », op.cit.,12p
* 1058 Seyer D. & al.,
« Traitement de substitution par buprénorphine haut-dosage : les
recommandations sont-elles suivies ? », Thérapie, 1998,
53 ; 349- 354.
* 1059 Clauzet, Coqus,
Binder, « Médecins Généralistes et
Toxicomanies, qu'en attendre? », op.cit , 12p
* 1060 Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.66.
* 1061 L'homme J.P.,
« Consultation du toxicomane en ville : le rôle du
médecin généraliste », in Angel P.,
Richard D.,Valleur., Toxicomanies, Paris, Masson, 2000, pp.221-223.
* 1062 Lalande (Aude),
Grelet (Stany), Pratiques de la substitution en ville. Suivi de patients
usagers de drogues en médecine générale, approche
qualitative, EPID 92 - ARES 92, 1999. 129 p.
Jauffret (Marie), « Les médecins
généralistes et la prise en charge des usagers de drogues »,
SWAPS, n° 11, février-mars 1999, pp. 7-8.
* 1063 Murat (Guillaume),
« L'affaire Labarre », Interdépendances, n° 35,
octobre-décembre.1999, pp. 6-10.
* 1064 Prieur
(Cécile), « Le traitement des héroïnomanes mis en cause
par une décision de justice », Le Monde,
* mardi 27 juillet 1999, p. 8.
1065 Courty
* P., Le travail avec les
usagers de drogues, op.cit., p.53
1066 Court
* y P., Le travail avec les
usagers de drogues, op.cit., p.50
1067 « Le Conseil national du sida
constate la persistance de résistances à l'accueil de l'usager de
drogues par un nombre important de médecins généralistes,
ce qui conduit à restreindre localement l'éventail de solutions
thérapeutiques offertes aux usagers pour minimiser les risques induits
par leur consommation ou pour y mettre fin » Conseil national du
sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé
publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, op.cit., p.69
* 1068 L'homme J.P.,
« Consultation du toxicomane en ville : le rôle du
médecin généraliste »
* , ar.cit.
1069 C
* ourty P., Le travail avec les
usagers de drogues, op.cit.,
* 1070 Gagnon A. et al.,
« Substitution des opiacés : place et rôle des
réseaux. Analyse d'une enquête auprès des médecins
généralistes », Rev. Prat. Médecins
Général
* istes,2000, 509,
pp.1627-1635
1071 C
* ourty P., Le travail avec les
usagers de drogues, op.cit.,
1072 circulaire DGS/DHOS 2002/57 du 30 janvier
2002
* 1073 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations,
op.cit.
* s
1074 Conseil national du sida, Les risques
liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique.
Propositions pour une reformulation du cadre législatif,
op.cit., p.105.
* 1075 Angel S., Angel P.,
«Famille, fratrie et toxicomanie de l'adolescent«, in
Toxicomanies, Angel P., Richar
* d D., Valleur M., pp.157-165.
1076 Scaglia A., « Le politiche
famigliari », in Tossicodipendenza e politiche sociali
* in Italia, op.cit.,
pp.65-82.
1077 Angel S., « L'approche familiale des
toxicomanes au centre Montceau », in Familles et
toxicomanies, rapport de
* recherches FIRST/OFDT, 1997.
1078 Bühringer G., Drogenabhä
* ngig, Herder, Freiburg,
1992.
1079 Scaglia A., « Le politiche
famigliari », in Tossicodipendenze e politiche sociali in
Italia, Luca Fazzi, Antonio Scaglia, FrancoAngeli, Milan, 2001, pp.65-82
* 1080 Donati P.,
«Denormalizzazione della famiglia e tossicodipendenza», in
Guidicini P., Pieretti G.,
* Droga, Angeli, Milano,
1990.
1081 Khantzian E., J., The Self-Medication
Hypothesis of Addictive Disorders: Focus on Heroin and Cocaine Dependence,
in «American Journa
* l of Psychiatry», 142,
1985.
* 1082 Morel A.(dir.),
Prévenir les toxico
* manies, op.cit.
1083 Scaglia A., « Le politiche
famigliari », in Tossicodipendenza e politiche soc
* iali in Italia,
op.cit., p.74
1084 Ibid., p.77.
* 1085 Morel A.(dir.),
Prévenir les
* toxicomanies, op.cit.,
p.239.
1086 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, Franco
Ang
* eli, Milan, 1996, pp.107-108.
* 1087 Faugeron Claude,
Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans
drogues » :Un processus de normalisation ?, in Faugeron C.,
Kokoreff M., Société avec drogues. Enj
* eux et limites,
op.cit, p.27.
1088 Lai Guaita Maria Pia, «Prevenzione delle
tossicodipendenze: un impegno per ciascuno di noi», in Lai Guaita
Maria Pia (dir.), La prevenzione delle to
* ssicodipendenze,
op.cit, p.42
1089 « Nous voulons également
qu'il [guide de prévention « Savoir plus, risquer
moins »] aide à ouvrir un dialogue utile entre les jeunes et
toutes les personnes qui les entourent, plus particulièrement les
parents. En effet, rien ne sert de conseiller aux parents de parler des drogues
avec leurs enfants s'ils ne disposent pas d'arguments et
d'éléments de connaissances nécessaires. C'est à
partir de cette connaissance qu'ils pourront être mieux à
l'écoute de leurs enfants, prendre conscience de leur
vulnérabilité et de la gravité éventuelle des
risques qu'ils prennent. Ils seront ainsi mieux à même de jouer
leur rôle éducatif sans nécessairement avoir besoin de
recourir à un spécialiste » Mission
Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT),
Savoir plus pou
* r risquer moins,
op.cit, p.8
1090 Cité in Minz., May., Action
contre les dogues: Drogue, pas besoin!, 35e congrès international
sur l'alcool et les toxicomanies
* , 5 aout 1988, Oslo,
Norvège.
1091 Scaglia A., « Le politiche
famigliari », in Tossicodipendenza e politiche soc
* iali in Italia,
op.cit., p.77
1092 Angel S., Angel P., «Famille, fratrie et
toxicomanie de l'adolescent«, in
* Toxicomanies, op.cit.,
p.157.
* 1093 Nizzoli Umberto,
«Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura
delle persone con Aids. Interventi e contes
* ti culturali ,
op.cit., p.30.
1094 Farges F., « Chaîne
thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur.,
Tox
* icomanies, op.cit,
pp.175-178
1095 Scaglia A., « Le politiche
famigliari », in Tossicodipendenza e politiche
soci
* ali in Italia,
op.cit., p.80.
1096 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, Franco
Ang
* eli, Milan, 1996, pp.107-108.
* 1097 Angeleri Marco e
Dischetti Tiziano, «La famiglia... «in aiuto» L'esperienza
dell'Associazione Genitori ed Amici «In
* sieme contro la Droga»,
document non imprimé disponible sur le site internet de Villa
Maraini p.39.
1098 Faugeron Claude, Kokoreff Michel,
« Il n'y a pas de société sans
drogues » : Un processus de normalisation ?, in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enj
* eux et limites,
op.cit, p.29.
1099 On peut par exemple citer la naissance du
collectif « Limiter la casse » en 1993, réuni autour
d'acteurs issus de la lutte contre le sida, de médecins
généralistes, quelques patriciens hospitaliers et des
professionnels de terrain, et enfin des usagers de drogue et leurs proches. A.
Coppel, E. Lamen, « Naissance d'un collectif d'association, Limiter
la casse »,
* Agora, n°27-28, automne
1993.
* 1100 On peut citer par
exemple la reconnaissance du rôle des groupes d'auto-support par le
Conseil national du sida dans son rapport au législateur publié
en juin 2001 : « Propices à garantir ces
évolutions, les « groupes d'auto-support » doivent être
considérés comme des structures indispensables à la
diffusion des messages de réduction des risques ». Conseil
national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu
de santé publique. Propositions pour une reformulation du ca
* dre législatif,
op.cit.,p.22.
1101 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico
* , op.cit., p.175
1102 Jauffret-Routside Marie, « Les
groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mise en oeuvre de nouvelles formes
d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et
* limites, op.cit,
pp.165-181.
1103 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo
sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per toss
* icodipendenti,
op.cit., p.20.
1104 Gatti R.C., Lavorare con i
tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico
* , op.cit., p.108.
1105 Farges F., Patel.,
* Les communautés
thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit., 22p.
1106 Farges F., Pat
* el., op.cit., 22p.
* 1107 Farges F., Patel.,
op.cit.,
* t 22p.
1108 Simon Théo, Drogues. Contre la
criminalisation de l'usage ?,
* op.cit.
* 1109 Narcotiques
Anonymes, Van Nuys
* , World Service Office,
1989.
1110 Jauffret-Routside Marie, « Les
groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mis en oeuvre de nouvelles formes
d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enj
* eux et limites,
op.cit, p.
* 177
1111 Jauffret-Routside Marie, ibid.,
p.166
1112 M. Bardoulat, « Les usagers de
drogues font de la prévention », Interdépendances,
n°23, 1996, pp.23-33, cité in Farges Florent,
« Approche communautaire des
* toxicomanes »,
op.cit, p.69.
1113 Simon Théo, Drogues. Contre la
criminalisation de l'usage ?, op.cit., p.117
*
* 1114 Anne Coppel,
« Stratégies collectives et prévention de l'infection
par le VIH chez les toxicomanes », in Sida,
toxicomanie : une lecture documentaire, CRIP
* S, Toxibase, 1993, pp.95-105.
1115 Defert D., « Le malade
réformateur », SIDA 89, Spécial Montréal, juin,
supplément au n°5, 1989, pp.14-17. Cité dans
Jauffret-Routside Marie, « Les groupes d'autosupport d'usagers de
drogue. Mis en oeuvre de nouvelles formes d'expertise », in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enj
* eux et limites,
op.cit, p.173
1116 On peut noter les limites apportées par
le Conseil national du sida au rôle de prévention joué par
les groupes d'auto-support : « Le Conseil national du sida
considère à ce propos que la participation d'usagers et
ex-usagers de drogues aux actions de prévention en direction d'un jeune
public doit être envisagée avec une extrême prudence : leur
statut au sein des équipes d'intervenants et la référence
à leurs parcours personnels posent de nombreuses questions d'ordre
éthique. En outre, l'impact de leur présence sur les
représentations des jeunes est excessivement difficile à
évaluer. En revanche, leur expérience peut s'avérer utile
à la définition du contenu des outils de prévention (en
particulier pour ce qui regarde la prévention secondaire), au suivi et
à l'évaluation des programmes dans un cadre plus
large ». Conseil national du sida, Les risques liés aux
usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une
reformulation du c
* adre législatif,
op.cit., p.90.
1117 Jauffret-Routside Marie, « Les
groupes d'autosupport d'usagers de drogue. Mis en oeuvre de nouvelles formes
d'expertise », in Faugeron C., Kokoreff M.,
op.cit.
* e
1118 Bovens M., `T Hart P., Peters G., (dir.),
Success and Failure in Public Governance: A comparative analysis,
London, Edward Elgar, 2001. Cité dans Steffen M., Les Etats face au
Sida, op.cit., p.206.
* 1119
Ibid.,p.206.
* 1120 Dussausaye Eve,
Politiques publiques de soins en matière de toxicomanie. Une
spécificité française, op.cit., p.119.
* 1121 Dente Bruno,
« Le politiche pubbliche in Italia. Introduzione », in
Dente Bruno, Le politiche pubbliche in Italia, Bologna, op.cit.,
p.5.
* 1122 Source: EODT,
cité dans Montanari L., «Valutazione e prevenzione dell'Aids
in Europa: alcune piste di riflessione», art.cit., p.111.
* 1123 Piccone Stella,
Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.75.
* 1124 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno, op.cit.,
p.133.
* 1125 « Il est
nécessaire de mettre en place un système d'intervention qui
dépasse l'optique de la spécialisation. Il s'agit ainsi de
développer un système qui promeut non seulement l'intervention
clinique mais surtout la prévention et qui soit en mesure de travailler
en concomitance avec les familles, les associations, les mouvements de
citoyenneté active, les groupements de volontaires. De plus, il est
nécessaire d'élargir l`intervention à de nouveaux horizons
en reliant l'intervention à d'autres champs d'action (politiques du
travail, du territoire, sociales). Il ne s'agit pas de substituer aux
réseaux de professionnels ceux de la société civile mais
de valoriser les réseaux sociaux afin de protéger les individus.
Subsidiarité et solidarité, mais aussi subsidiarité et
prestations spécialisées sont, par conséquent,
étroitement liées. Il s'agit donc de réécrire en
profondeur la philosophie qui anime les politiques en matière de drogues
qui doivent redevenir des politiques sociales au sens plein du terme en
dépassant l'actuel configuration des politiques de contrôle des
situations pathologiques ». Fazzi L., Scaglia A.,
«Introduzione», in Tossicodipendenze e politiche sociali
in Italia, op.cit., p.31
* 1126 Steffen M., Les
Etats face au Sida, op.cit.
* 1127 « Centrer
les politiques d'intervention sur les seules toxicomanies pathologiques,
signifie par conséquence privilégier une approche relative au
problème et non pas proactive, parce qu'agir en réaction au
malaise signifie décliner chaque responsabilité en raison d'une
compréhension des causes et des dynamiques du phénomène,
c'est à dire des facteurs et des processus qui expliquent les raisons de
la consommation, qui sont beaucoup plus complexes et
hétérogènes qu'une approche qui permet de mettre en
évidence les cas précis ». Fazzi L., Scaglia A.,
«Introduzione», in Tossicodipendenze e politiche sociali
in Italia, op.cit., p11.
* 1128 Faugeron Claude,
Kokoreff Michel, « Il n'y a pas de société sans
drogues » : Un processus de normalisation ?, in
Faugeron C., Kokoreff M., Société avec drogues. Enjeux et
limites, op.cit., p.7.
* 1129 « C'est
précisément dans l'observation fine des scènes locales que
l'on peut constater combien l'action de certains professionnels, de certaines
associations, de certains élus représente un véritable
travail d'invention de la santé publique ». Fassin D., (dir.),
Les figures urbaines de la santé publique. Enquête sur les
expériences locales, Paris, La découverte, 1998, p.16.
* 1130 Ibid.,
p.38.
* 1131 Monika Steffen
conclue dans son ouvrage à l'élaboration d'une politique
européenne de santé publqiue. Elle écrit par
ailleurs : « Les stratégies de réduction des
risques dans le domaine de la toxicomanie constituent une autre illustration du
caractère désormais prioritaire conféré aux
préoccupations de santé publique ». Steffen M., Les
Etats face au Sida, op.cit.,p.236.
* 1132 Steffen M., Les
Etats face au Sida, op.cit., p.215.
* 1133 Morel A.,
Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.234 et suiv.
* 1134 Nizzoli Umberto,
«Assistere persone con Aids, tossicodipendenti e no», La cura
delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , op.cit.,
p.41.
* 1135 Augé-Caumon
M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès
à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport
réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre
Délégué à la Santé, 87p.
* 1136 Conseil national du
Sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de
santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre
législatif, Rapport, avis et recommandations du Conseil national du
Sida, adoptés lors de la séance plénière du 21 juin
2001, responsable de la commission :Alain Molla, 163p.
* 1137 Zuffa G., I
drogati e gli altri. Le politiche di riduzione del danno,
op.cit.,p.133.
* 1138 Miriam Mafai
«Onu, vertice sulla droga si chiude tra le polemiche «, La
Repubblica, 11juin 1998.
* 1139 « Le
déplacement sémantique du terme de sécurité de
l'environnement social à celui de l'ordre public interroge directement
la réduction des risques. Come l'on a vu, les risques à limiter
sont ceux qui regardent chaque citoyen et pas uniquement les consommateurs.
Mais la sécurité collective est consentie à travers
l'inclusion des consommateurs : il s'agit en cela d'une politique
sécuritaire qui repose sur un contôle social en faveur de la
communauté collective [...] Dans ce cadre, le risque que la
réduction des risques soit « pliée » et
limitée par le paradigme traditionnel du prohibitionnisme est grand,
contribuant ainsi à en limiter la portée sociale ».
Ibid., p.135.
* 1140 C'est la question
posée par les auteurs. Faugeron Claude, Kokoreff Michel, « Il
n'y a pas de société sans drogues » : Un processus
de normalisation ?, in Faugeron C., Kokoreff M.,
Société avec drogues. Enjeux et limites, op.cit.,
p.31.
* 1141 Fassin, D.,
« Politique des corps et gouvernement des villes », in
Fassin D (dir.), Les figures urbaines de la santé publique.
Enquête sur les expériences locales, op.cit.,
p.38.
* 1142 Bachmann C., Coppel
A., La drogue dans le monde, hier et aujourd'hui, op.cit.,
p.608.
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