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L'action des ong internationales dans les camps de refugies de Gore au Tchad


par Auriol DJEKODOUM NADJI
Institut des relations internationales du Cameroun/Université de Padoue - Master II en Relations Internationales Option« Coopération Internationale et Action Humanitaire  2019
  

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SECTION I : LES FONDEMENTS DE L'ACTION DES ONG INTERNATIONALES

AU TCHAD

Les ONG incarnent l'esprit de solidarité entre les hommes. Pour aller à leur source, il faut rechercher dans le temps les traces de la manifestation de cette solidarité. Elles apparaissent dans le domaine religieux ; elles sont présentes sur les champs de bataille ; elles viennent de la philosophie, elles s'observent dans le renforcement du sentiment de coopération observé après les guerres et qui donne naissance aux organisations internationales gouvernementales. Ensuite, sociologiquement, face aux malheurs que sont les catastrophes naturelles et les guerres, l'aide s'exerçait avant tout dans le cadre familial, patriarcal ou professionnel53. Cette aide primordiale est instituée dès l'organisation des premières sociétés et a progressivement évolué vers d'autres formes d'assistance plus visibles, car plus organisées et

53Gregor STANGHERLIN, « Les organisations non gouvernementales de coopération au développement », Paris, Courier hebdomadaire du Centre de recherche et d'information sociopolitique, 2001, p.5 à 59

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institutionnalisées. Partant de ces considérations nous parlerons dans le premier paragraphe des fondements historiques et sociologiques des ONG, puis dans le second des instruments juridiques et les mécanismes institutionnels régulant l'action des ONG au Tchad.

Paragraphe I : Les fondements historiques et sociologiques de l'action des ONG

internationales

Les prémices des ONG sont fondées sur les dogmes religieux dominants et la philosophie (A), ainsi que les valeurs morales de nos sociétés à savoir l'obligation d'assistance aux personnes nécessiteuses (B).

A- Les fondements historiques

Sur le plan historique, si l'on voit les catastrophes naturelles ou les guerres, l'aide a commencé dans le cadre familial avant de s'étendre sur une échelle allant de la religion (A) à la sociologie (B).

1- Bases religieuses

Dans les religions traditionnelles africaines se retrouvent aussi la notion de partage. C'est donc avec le concept de la charité, présent sous des appellations différentes mais similaires dans le principe pour les grandes dénominations religieuses, que les premières actions humanitaires de développement ont été créées. En plus d'être une vertu recommandée aux adeptes des différentes religions, la charité a été pratiquée par les institutions qui les gouvernaient. Aussi les églises assumaient la charge de nombreuses activités telles que l'éducation mais aussi le soin aux malades dans des dispensaires, les orphelinats. Elles aidaient les nécessiteux, venaient au secours des victimes des catastrophes. Cependant, les religions dominantes qui ont contribué aux fondements des ONG sont les trois plus grandes religions54 à savoir le christianisme, l'islam et le judaïsme. Le christianisme s'appuie sur le concept de charité ; l'apôtre Paul en déclame la vertu comme étant le fondement de l'être : « Si je n'ai pas la charité, je ne suis rien », alors que l'Islam avec ses préceptes de zakat et sadaqa (une des cinq obligations religieuses musulmanes) définit le principe du don aux pauvres. Le judaïsme quant à lui prône la tsedaka à l'égard du pauvre, de la veuve, de l'orphelin et de l'étranger.

54Paul POUPARD, Les religions, Paris, PUF, 2007, p.128

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2- L'apport de la philosophie

Pendant la période des Lumières, au XVIIIe siècle, apparait la notion d'Humanité que Diderot voit comme étant « un noble et sublime enthousiasme se tourmente des peines des autres et du besoin de les soulager ; il voudrait parcourir l'univers pour abolir l'esclavage, la superstition, le vice et le malheur »55. Cette notion sort cette fois du cadre religieux pour atteindre une portée philosophique. La réflexion sur l'action humanitaire est désormais de plus en plus ancrée dans les mentalités et, en 1755, lors du tremblement de terre de Lisbonne56, la question de l'action de crise est réellement abordée. C'est en effet grâce à la gestion de crise reconnue comme excellente du premier ministre Sebastiaõ DEMELO que les secours ont pu être administrés rapidement à la population et que Lisbonne fut entièrement reconstruite en un an. Il faudra cependant attendre le XIXe siècle pour que l'engagement associatif prenne un réel essor et abandonne son aspect d'action individuelle pour devenir collective. C'est au début de ce siècle que vont apparaître les prémices du lobbying aux États-Unis. En 1812, la guerre civile d'indépendance entre Vénézuéliens et Espagnols fait rage à Caracas57. C'est en plein milieu de ce conflit armé qu'un tremblement de terre, suivi d'une série de raz de marée, ravagea la ville, tuant entre 15000 et 20000 personnes. Le lobbying associatif américain poussa le gouvernement fédéral à prêter secours aux habitants de Caracas. Face au poids grandissant de ces mouvements nouveaux, le gouvernement américain céda à ces pressions humanitaires et envoya des denrées alimentaires sur le lieu de la crise. Alexander VON HUMBOLDT58 écrira par la suite son témoignage personnel de l'après crise lors de son voyage à Caracas : « le congrès, assemblé à Washington, décréta unanimement l'envoi de cinq navires chargés de farines aux côtes de Venezuela, pour être distribués aux habitants les plus indigents ». Cette action humanitaire internationale, la première notoire, fut accueillie avec une forte reconnaissance et permit de palier les besoins alimentaires d'un peuple en péril et de surmonter cette situation de crise. Dès lors, le mouvement associatif américain et mondial prit une ampleur toute nouvelle, portée par le concept émergent de lobbying. En 1823, en Grande-Bretagne, est créée la « British and Foreign Anti-Slavery Society » qui est ce qu'on pourrait qualifier une ONG de nos jours et qui, comme son nom l'indique, avait pour vocation de lutter

55Denis DIDEROT, Pensées philosophiques, paris, princeps, 1746, p.200

56Jean-Paul POIRIER, Le tremblement de terre de Lisbonne, Odile Jacob, Paris, 2005, p.284

57Dominique Jean LARREY, Mémoires de chirurgie militaire et campagnes 1786-1840, Paris, Rémanences p.67 tome 5

58 Friedrich Karl, Wilhelm, Heinrich Alexander, baron Von Humboldt, plus connu sous le nom d'Alexander Von Humboldt ou Alexandre de Humboldt, est un naturaliste, géographe et explorateur allemand, né le 14 septembre 1769 à Berlin et mort le 6 mai 1859 à Potsdam

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contre l'esclavage en Grande-Bretagne. Cet engouement populaire est une fois de plus couronné de succès car l'association obtient l'abolition de l'esclavage en 1833, soit seulement 10 ans après sa création. Dès lors, nous voyons que l'action humanitaire n'est plus simplement un mouvement isolé, l'action de quelques hommes qui veulent faire progresser la société de leur côté. Il s'agit désormais d'un réel élan mondial dont les démocraties font office de terre fertile. De cette volonté humaine et individuelle de coupler la charité pour les plus démunis au soulagement des souffrances des blessés est née une volonté collective, qui a gagné en puissance, d'apporter un soutien aux peuples en péril. Ces fondements philosophiques sont concrétisés par les pratiques militaires. De ce fait, la pratique de l'action humanitaire urgentiste sur le terrain semble remonter au médecin militaire de la légion romaine, DIOSCORIDE D'ANAZARBA59, qui aurait créé une école de médecine. Là encore, la prise en compte sur le terrain d'une situation d'urgence (les blessés sur le champ de bataille) a amené une réponse qu'on pourrait qualifier d'« humanitaire ». En effet, le fait de prodiguer des soins gratuits aux personnes dont l'intégrité physique est en danger rejoint très clairement les buts des ONG urgentistes modernes. Au fil des années, philosophie et religions se mêlèrent afin d'imposer des normes en accord avec ces préceptes. On remarque notamment de grands progrès en temps de guerre où les prisonniers et parfois les civils blessés étaient désormais protégés par des règles de conduite sur le champ de bataille. On citera notamment l'aboutissement de ces procédures que représente la convention de Genève (première en 1864, complétée en 1949 et 1977) qui édicte les règles fondamentales du droit humanitaire international. Mais, bien que les prémices de l'activité humanitaire dite « de développement » soient apparues dans les premiers siècles de notre ère, il ne s'agit pas pour autant de l'action telle que nous la connaissons aujourd'hui. Ses apports en termes de médecine militaire ont permis de soigner de nombreux blessés, mais surtout d'insuffler une réelle volonté de soutien aux victimes dans un contexte où les guerres étaient particulièrement violentes et le soutien aux blessés quasiment inexistant.

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