Cette partie est consacrée au résumé des
principaux résultats de l'étude, à leurs comparaisons puis
discussions mais aussi à la formulation des recommandations.
Concrètement, il s'agira de donner le sens des différents
résultats obtenus conformément aux hypothèses de recherche
; puis statuer sur la validation ou non de ces dernières.
50
2.1. Discussion des résultats
Deux hypothèses ont été émises
à l'entame de ce travail : le premier était formulé dans
le sens où « plus de la moitié de la population togolaise a
accès aux soins de santé relativement à l'état de
base de l'offre de soins » alors que le second stipulait que « les
résultats des projections sur la demande et l'offre de soins au Togo ne
permettent pas au pays d'atteindre une couverture sanitaire totale à
horizon 2030 ».
Partant de ces hypothèses, les résultats issus
des différents traitements de la base de données ont
été présenté en analysant l'offre et la demande de
soins en deux temps : l'analyse à la base c'est-à-dire en 2015
puis l'analyse prévisionnelle sur 2030.
2.1.1. Discussion des résultats de la situation
de base de 2015
A la base, le Togo dispose de 1273 FS reparties de
manière inégale à travers l'ensemble des régions
sanitaires. Ces FS sont de types publics, privées et/ou communautaires
ou confessionnelles. Toutefois, il est à remarquer que l'offre de soins
au Togo, est fournie en majeure partie par le secteur public (58,9%). Les FS
privées sont en majeure partie localisées dans le grand
Lomé ou réside la plus grande portion de la population togolaise
disposant d'un pouvoir d'achat plus élevé pouvant permettre aux
FS privées de se faire des bénéfices. En dehors de ce
premier aspect lié à l'offre de soins, on constate
également que la répartition des FS au départ était
faite en tenant compte des critères liés à la superficie
et à la taille de la population. Mais en évoluant en
années, ces critères sont devenus obsolètes entrainant des
disparités, d'où la naissance d'une inadéquation entre
l'emplacement des FS et les populations couvertes (cf. figure 4, annexe 1).
Avec les données de 2015, les calculs sur la
population couverte des FS ont été faits en divisant le nombre de
FS par la population de chaque région sur une base de 10.000 habitants.
Ainsi, les résultats ont montré qu'en 2015, le Togo compte en
moyenne 1,83 établissements de soins pour 10 000 habitants (cf. figure
5) (contre la valeur cible de 2 FS pour 10 000 habitants selon les normes
sanitaires nationales). Cependant, deux régions, la région
maritime et particulièrement la région des Savanes ont des taux
de couverture moins élevés comparés aux autres
régions. En se basant sur la valeur cible, on pourrait admettre qu'en
2015, le Togo était à 91,5 % de réalisation de ce norme
sanitaire. Ainsi, l'offre couvre au-délà de la moitié de
la population tel émis dans notre première hypothèse
spécifique. La carte en annexe 2 établie par la DivPCIS de 2015
donne plus de détails sur la couverture en établissement de
santé selon les pôles démographiques du pays. En prenant en
compte la dimension « demande de soins » évaluée
à
travers le nombre de consultations issues de la population,
les analyses ont révélé qu'environ 3 568 613 consultations
ont été comptabilisées en 2015 avec la plus grande partie
recensée dans les régions Lomé-commune, Maritime et
plateaux. Le constat qui se pose est que lorsqu'on quitte la capitale vers les
zones septentrionales du pays, le nombre de consultations décline. Ceci
se justifie par le manque de FS de référence et de personnel
qualifié dans ces régions, obligeant ses populations à se
déplacer vers la capitale pour avoir accès à des soins
adéquats. Un exemple, celui de la Thailande nous montre que seule la
présence de personnel qualifié dans les zones
défavorisés permet d'atteindre la CSU : « Le
développement de l'ensemble du système de santé, en
particulier un effectif de santé élargi, a abouti à un
système de soins de santé primaires qui fonctionne
».15
En combinant les résultats de l'analyse de base de
l'offre à celle de la demande, L'hypothèse spécifique 1 se
trouve validée.
2.1.2. Discussion des résultats de projection sur
2030
Les tests de corrélation ont
révélé une forte liaison entre les différentes
variables de l'étude à savoir la taille de la population, le
nombre de consultation, et le nombre de FS. Ainsi, l'augmentation du nombre de
la population dans les conditions normales sur les prochaines années
entraine une augmentation du nombre de consultations et par conséquent
une augmentation du nombre de FS. Cette condition étant posée, le
passage de la population de 6,9 millions d'habitants en 2015 à 9,4
millions d'habitants en 2030 (cf. Figure 10), a entrainé une
augmentation rationnelle du nombre de consultations, par conséquent. Ce
dernier par projection est estimé évoluer à 4 426 204 en
2030 (cf. Figure 9), soit par effet d'une augmentation de 0,013% sur la base de
la progression captée sur les années antérieures (traduit
par calcul de CAGR). Utilisant les mêmes techniques de projections, le
nombre de FS est censé évolué en théorie, pour
atteindre les 1365 FS selon un premier scénario. Un deuxième
scénario qui prend en compte l'actuel projet du Gouvernement à
vocation d'implémentation de 200 FS, estime à 1515, le nombre
total de FS dont disposera le Togo en 2030. Ces chiffres étant
considérés, les calculs de prévisions fixent à
1,425 ? (scénario 1) ou à 1,582 ? (scénario 2), le taux de
couverture en FS contre une norme de 2 ?. En conclusion, malgré les
scénarios posés, le pays n'arrivera pas à trouver une
adéquation entre l'offre de soins qu'il fournit et la demande croissante
en soins de santé. De ce fait, le Togo n'atteindra pas la couverture
optimale en soins de santé, vu le nombre insuffisant de FS dont il
disposerait en 2030 contre une population en continuelle croissance. Par
ailleurs, ces FS selon la configuration actuelle resteront mal
répartis
51
15 https ://
doi.org/10.2471/BLT.13.120774
sur l'ensemble du territoire avec une concentration plus
accrue dans les zones urbaines au détriment des populations rurales, si
des mesures d'optimisation de leurs emplacements ne sont pas prises en compte.
Tout ceci vient donc confirmer notre seconde hypothèse spécifique
selon laquelle l'évolution de la demande de soins au Togo comparé
à l'offre ne permet pas au pays d'atteindre une totale16
couverture sanitaire à horizon 2030.
Ainsi, pour atteindre une couverture sanitaire plus optimale
en lien avec les normes retenus, il serait judicieux de prévoir dans
l'immédiat un ou des programmes d'urgence qui consisterait à
mobiliser des ressources exceptionnelles pour construire des
établissements sanitaires publics dans les régions surtout
Maritime et Savanes, puis faciliter et inciter l'installation des FS
privées dans le Grand-Lomé et autres régions. Le
renforcement des ressources humaines de qualité devrait être
également prévu en amont. Toutefois, la construction de nouveaux
FS passe par une mobilisation de ressources financières et le vrai
défi pour les ressources humaines est celle de les motiver à
aller travailler dans les lieux défavorisés et de retenir la main
d'oeuvre compétente dans ces milieux défavorisés. Ceci
étant, des stratégies de mobilisation des ressources humaines sur
exemple des best-pratices d'autres pays (Rwanda, Ghana, Sénégal
par exemple) peuvent être élaborées puis mises en oeuvre de
façon parallèle aux éléments avancés plus
haut.
Un dernier aspect pouvant oeuvrer pour une meilleure
couverture sanitaire est l'augmentation du niveau d'intégration du
secteur privé dans la mise en oeuvre des actions sanitaires. En effet,
au Togo, le secteur privé administre une part non négligeable des
prestations médicales si l'on se base sur les chiffres contenus dans le
tableau 8. Toutefois, en optimisant l'intervention du secteur privé dans
les prestations sanitaires au niveau national, une couverture sanitaire plus
élargie serait obtenu. Ainsi, les instances publiques de gouvernance
doivent prioriser le secteur privé dans la prise des décisions
touchant le secteur sanitaire en particulier. En effet, la contribution du
secteur privé soutient mieux de bons résultats dans les domaines
où les utilisateurs sont riches et en bonne santé
informés, en particulier dans les villes, où les patients peuvent
exiger des services de meilleure qualité et choisir de n'utiliser que
les services qu'ils jugent de haute qualité. En conséquence, les
services sont plus susceptibles d'être fournis par qualification les
fournisseurs privés qui passent plus de temps avec chaque patient, avec
une amélioration de la qualité, de l'équité et de
l'efficacité, en particulier pour les maladies plus complexes (Morgan,
R. et al, 2016). Dans les zones développées, les instances de
gouvernance
52
16 « totale couverture sanitaire » : est compris
comme étant le nombre de FS nécessaires pour couvrir la
population théorique estimée en 2030 par l'INSEED sur une base de
5000 habitants pour 1 FS.
53
du Togo, devraient faciliter l'installation de ces structures
privées et prioriser leurs ressources vers les milieux
défavorisés. Car, bien que le secteur privé soit un
fournisseur en partie marginalisé de soins de santé dans de
nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, son rôle
dans la progression vers la couverture sanitaire universelle est
indéniable (McPake B & Hanson K., 2016).
2.2. Recommandations
Au regard des discussions portées sur les
résultats, nous formulons des recommandations à l'endroit du
MDAUS et du MSHPAUS essentiellement sur deux (02) plans à savoir
stratégique et opérationnel.
2.2.1. Sur le plan stratégique :
La carte sanitaire utilisée dans le cadre de cette
recherche est une base de données contenant des informations
collectées, consultables et actualisables pouvant donner de nombreux
détails sur la situation sanitaire au Togo. Vu son importance, il est
nécessaire de procéder fréquemment à sa mise
à jour, tout en y intégrant des variables supplémentaires
permettant d'apprécier les aspects de la CSU (avec une
possibilité de simulation de projections).
Aussi est-il important :
- d'élaborer une politique sectorielle
définissant clairement les objectifs ainsi que les résultats
attendus dans la mise en oeuvre de la CSU au Togo pour l'horizon 2030 ;
- d'impliquer les autres ministères notamment celui de
l'action sociale dans son élaboration ; puis
- de vulgariser cette politique auprès du personnel de
santé pour des actions conjointes orientés dans l'atteinte de la
CSU à court terme ;
- de veiller à ce que les plans nationaux de
développement sanitaire prennent en compte les orientations
opérationnelles de la CSU, en particulier les liens doivent être
établis entre les objectifs de la santé et la carte sanitaire
afin d'atteindre les objectifs d'amélioration de l'état de
santé et de réduction des iniquités dans l'accès
aux services de santé ;
- d'améliorer le cadre de suivi-évaluation des
actions sanitaires en y prenant en compte les objectifs visés par la
CSU.
2.2.2. Sur le plan opérationnel : A ce
niveau, il est impératif :
54
- d'optimiser le processus d'implémentation des
prochaines FS afin de pouvoir couvrir la quasi-totalité des populations.
Ainsi, les données de la carte sanitaire doivent être prises en
compte à priori, notamment les aspects concernant la densité de
la population, le bassin démographique, les scores d'ISL, le personnel
de santé etc. A titre d'exemple, les hôpitaux de
spécialisation peuvent être construit proche des zones à
haut risque de prolifération, plutôt qu'en tenant du
critère urbain ou rural ;
- de conduire des études sociologiques afin de
déterminer les principaux facteurs inhérents à la demande
de soins auprès de l'ensemble des populations ;
- d'établir des politiques d'incitation et de
mobilisation du personnel médical à opérer dans les zones
à faible couverture de soins ou déclaré comme non couverte
;
- d'accroitre le degré d'intégration des
structures privées dans les prestations de soins publiques : la
collaboration entre le privé et l'Etat dans le cadre du PNAFE en est un
exemple.
2.3. Limites de l'étude et
perspectives
Le présent travail aussi modeste qu'il soit
présente quelques limites qu'il convient de relever selon les principes
scientifiques.
En effet dans cette étude, seuls les indicateurs
portant sur le « nombre de FS » et le « nombre de personnel de
santé » ont été prises en compte pour évaluer
l'offre de soins pendant que la demande de soins a été
approché par « le nombre de consultations » et « la
taille de la population ». Or, en matière de CSU plusieurs autres
indicateurs qualifiés de « traceurs » par l'OMS interviennent
dont entre autres le taux de mortalité mère-enfant, le taux de
couverture vaccinal, le taux d'accès à l'hôpital, le taux
de sécurité sanitaire, et les dépenses sanitaires (OMS,
2018).
Toutefois, ne disposant que de ressources limitées en
temps et en moyens (financier, logistique), le présent travail s'est
focalisé sur les indicateurs précités pour produire une
analyse pertinente. De ce fait, il est important de signaler que ce travail est
un précurseur de travaux complémentaires nécessaires pour
tirer une conclusion définitive sur la capacité du Togo à
atteindre ou non la CSU à l'horizon 2030. Il a quand même le
mérite de préciser que cet objectif ne saurait être atteint
sans des plans d'urgence pour renforcer les structures hospitalières et
les ressources humaines existantes.
Dans les prochaines études, il est souhaitable de
disposer d'une base de données actualisée et de les croiser avec
différents outils statistiques. L'indicateur nombre de FS par exemple
est un
55
chiffre brut qui ne rend pas compte de la capacité
d'hospitalisation ; la conformité de l'implantation des infrastructures
de santé au regard du bassin démographique ; la
fonctionnalité des infrastructures sanitaires existantes
(adéquation des locaux et équipements essentiels,
adéquation des ressources humaines) et l'accès aux paquets
essentiels des services. La taille évolutive de la population pour sa
part, a été estimé depuis 2015, date à laquelle
aucune autre étude de projection n'a été produite par
l'INSEED. Pourtant, il serait intéressant d'avoir des données
actualisées en ce sens tenant compte des divers phénomènes
démographiques (taux d'accroissement, flux migratoire...) survenues au
cours de ces dernières années. Ces différents aspects pour
ne citer que ceux-là doivent être explorés dans les travaux
futurs.
Aussi, avons-nous en perspective de mener plus loin dans nos
études notamment en thèse, une recherche plus exhaustive couvrant
tous les aspects de la thématique, le présent travail
n'étant qu'une première avancée dans l'atteinte de cet
objectif.