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Approche communicationnelle des films de fiction


par Alexandre Chirouze
Université Montpellier 3 - Doctorat 2006
  

Disponible en mode multipage

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Introduction

Un film met en relation un groupe d'individus qui ont contribué collectivement à sa fabrication, groupe souvent unifié sous le terme de cinéaste, et des spectateurs. Or, la relation interactive, circulaire, est trop peu analysée dans les approches les plus fréquentes qu'elles soient sémiologiques, sociologiques, artistiques ou psychologiques, qui raisonnent encore plutôt en termes de causalité linéaire.

Les interactions entre les cinéastes et les spectateurs ont, en revanche, intéressé la pragmatique de la communication qui étudie les effets de l'utilisation des signes sur les utilisateurs avec comme principe que chaque acte, chaque décision d'un utilisateur,

« interacteur », influe en retour sur l'autre (Watzlawick, 1983).

C'est dans cette optique que nous allons nous situer. Nous étudierons les interactions observables entre la conception des films et « la situation de réception » du point de vue du spectateur. Notre objectif est de mieux comprendre le fonctionnement de la communication filmique afin, notamment, de contribuer à l'amélioration des méthodes de fabrication de films de fiction.

L'approche « pragmatique » du cinéma, bien que récente, n'est pas nouvelle. Elle fut développée par Roger Odin (1982) dans une thèse de doctorat sous la direction du linguiste-sémiologue Christian Metz. Comme l'écrit Alex Mucchielli (2001, p.45), cette approche « rejoint l'approche communicationnelle typique des sciences info-com ».

En nous fondant sur l'un des paradigmes de l'approche communicationnelle, spécifique aux Sciences de l'Information et de la Communication, l'approche compréhensive, nous tenterons de répondre à des questions dont l'intérêt pratique est évident :

Le langage cinématographique est-il une affaire de spécialistes : cinéastes, analystes, théoriciens du cinéma, critiques ? Est-il compris par les spectateurs ? Peut-on parler d'une compréhension mutuelle, partagée, identique que l'on soit cinéaste ou spectateur ? Est-ce un langage partagé par tous les métiers du cinéma ou, au contraire, un langage différencié selon les métiers exercés, différent selon que l'on est monteur, cadreur, scénariste ou réalisateur, etc. ? Comment les différents codes filmiques sont-ils perçus par les spectateurs ? Y en a-t-il de plus connus que d'autres, de plus importants que d'autres ?

Notre réflexion ne concernera que les films de fiction, c'est-à-dire les films qui racontent une histoire dans laquelle les événements et/ou les personnages sont tirés de l'imagination du cinéaste, même si ce dernier s'inspire de faits historiques.

Cette limitation de notre champ de recherche était nécessaire tant les autres catégories de films - les films industriels, les films pédagogiques, les films expérimentaux, les films pornographiques et les films de famille - ont leurs propres spécificités. Elle se justifie aussi par le fait que pour la plupart des spectateurs « le seul cinéma qui compte, le cinéma tout court, c'est le film de fiction » (Odin, 1995, p.5-6). Film de fiction dont la formule de base fut donnée par Christian Metz : « une grande unité qui nous conte une histoire ».

Nous n'étudierons pas, en conséquence, les documentaires1(*), les films de poésie ou les films abstraits, etc. Nous chercherons à comprendre comment à partir du visionnage d'un film de fiction, construit par les cinéastes, les spectateurs construisent une histoire ? Comme l'écrit Marie-Thérèse Journot (2004, p.50-51) : « le discours fictionnel met en scène des personnages et des actions qui n'ont pas de référent dans l'ordre de la réalité, et n'existent que dans l'imaginaire de l'auteur et par la suite du lecteur-spectateur ». Toutefois, même si les événements et/ou les personnages sont imaginaires dans les films de fiction, ils ne doivent pas pour autant être irréels, absurdes, incohérents ; la fiction ne fonctionnerait sans doute pas, le spectateur ne pouvant pas adhérer à ce qui est décrit. La fiction doit donc créer une impression de réel : l'individu à qui la fiction s'adresse doit pouvoir croire, au moins pendant la durée du film, que ces faits sont possibles.

Nous partirons donc de la conception de la fiction élaborée par la sémio-pragmatique (Odin, 1990) selon laquelle le cinéaste et le spectateur sont chacun à l'origine de la production du sens d'un film et « que ce contrat tacite se traduit en indices permettant au récepteur (pour notre part, nous dirons plutôt spectateur) d'adopter un mode de lecture, documentarisant ou fictionnalisant2(*) selon la compétence que lui a apportée son expérience des autres textes (films) » (Journot, 2004, p.51).

Toutes ces questions, et d'autres sous-jacentes, se fédèrent dans notre problématique d'ensemble :

« Quels sont les mécanismes de construction de sens d'un film de fiction ? »

Cette problématique relève des SIC puisqu'elle pose, à la fois, d'une part le problème de la puissance du cinéma et du langage cinématographique, d'autre part celui de la maîtrise de ce médium et de son langage par les cinéastes et par les spectateurs.

La perception des éléments filmiques par les spectateurs est-elle ce qu'en disent les théoriciens du cinéma ? Les interprètent-ils correctement, c'est-à-dire comme le prévoit le cinéaste. Leur compréhension évolue-t-elle avec leurs connaissances, leur culture cinématographique ? Les réactions des spectateurs à la diffusion d'un film peuvent-elles modifier la création filmique ?

Les réponses à ces questions seront utiles aux cinéastes qui - selon que les éléments filmiques sont connus, perçus, compris et appréciés par les spectateurs ou non - auront tendance à les utiliser pour créer du sens ou seulement pour se conformer à des conventions partagées par les professionnels du cinéma, règles qu'il faut respecter pour appartenir à la grande famille du cinéma ou les rejeter pour faire preuve de créativité et/ou imposer son style. Aussi, notre étude s'inscrit dans un cadre de recherche qui peut faire avancer les procédures de fabrication des films de fiction.

Etant conscient de la difficulté de notre problématique, nous avons cherché parmi les différentes théories celles qui pouvaient nous permettre de la traiter au mieux. Ceci explique les emprunts que nous avons faits à la sémiologie, notamment à la sémiologie de l'image et à celle du cinéma, à la sémio-linguistique du cinéma, et aux sciences de l'information et de la communication.

Les différents emprunts à des domaines différents des sciences humaines ne vont pas à l'encontre de l'approche compréhensive que nous avons décidé d'adopter puisque cette dernière a vocation à intégrer des apports de différents horizons et à présenter une synthèse originale des théories homogènes centrées sur les phénomènes d'échange, de conduite et d'émergence de sens (Mucchielli, 2001).

L'approche compréhensive s'inscrivant dans l'histoire des théories et méthodes d'études des communications, nous présenterons une synthèse de leurs apports respectifs dans le domaine cinématographique. Nous étudierons les processus de création cinématographique et les codes filmiques essentiellement grâce à une revue de la littérature, classique (soviétique et hollywoodienne), filmologique3(*) et sémiologique, etc. ainsi qu'en analysant les écrits et des interviews de professionnels du cinéma.

L'approche communicationnelle qui est la nôtre nous a conduit à adopter une approche à la fois compréhensive et pragmatique du phénomène filmique. Aussi, nous nous sommes intéressé aux perceptions, sensations et sentiments des spectateurs à l'égard d'un film.

Cette optique nous a poussé, dans un premier temps, à réfléchir à ce qu'est un spectateur. Faut-il distinguer le spectateur de l'analyste, du critique ?

De nombreux auteurs opposent, en effet, le spectateur normal au spectateur-analyste. Ils avancent que le premier cherche avant tout à se faire plaisir tandis que le second a pour but de comprendre le film ou l'extrait d'un film afin de produire un document d'analyse. « Analyste et spectateur normal ne recevraient pas le film de la même manière puisque le premier cherche précisément à se distinguer du second, à ne plus se laisser dominer comme lui par le film » (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.12-13)

Spectateur normal

Spectateur-analyste

- Passif, ou plutôt, moins actif que l'analyste, ou plus exactement encore, actif de façon instinctive, irraisonnée.

- Il perçoit, voit et entend le film, sans visée particulière.

- Il est soumis au film, se laisse guider par lui.

- Processus d'identification

- Pour lui, le film appartient à l'univers des loisirs.

- Actif, consciemment actif, actif de façon raisonnée, structurée.

- Il regarde, écoute, observe, visionne le film, guette, cherche des indices.

- Il soumet le film à ses instruments

d'analyse, à ses hypothèses.

- Processus de distanciation

- Pour lui, le film appartient au domaine de la réflexion, de la production intellectuelle.

Plaisir

Travail

(Vanoye et Goliot-Lété, op cit, p.13)

Alors que le spectateur (normal) se laissera prendre par le film, le spectateur-analyste devra faire un effort sur lui-même. Comme l'écrit Raymond Bellour (1989, p.26-27), « l'analyse du film est une opération coûteuse. Il y a d'abord ce coût psychique de l'arrêt sur image qui a longtemps marqué un seuil et constitue la condition préliminaire de toute analyse (...) Il faut accepter d'interrompre le défilement, le fantasme si fort qui s'y attache, accepter de ne se situer ni du côté de la mouvance ni du côté de la fixité, mais entre les deux ».

Aussi, le spectateur ne procède-t-il pas à une véritable analyse, quel qu'en soit le type. Dans le meilleur des cas, il peut échanger un avis avec d'autres spectateurs normaux. Cet échange de points de vue qui débouche, éventuellement, sur la formulation de critiques n'a que peu à voir avec une analyse filmique. D'où la boutade de François Truffaut : « chaque spectateur a deux métiers, le sien et celui de critique de cinéma ».

Les préoccupations de l'analyste sont donc bien loin de celles du spectateur. Ce dernier profite du film dans son entier, sans tenir compte spécifiquement de ces différentes composantes, tandis que l'analyste, confronté à la variété des instruments, à la diversité des objets d'analyse et des voies d'approche d'un film, se doit de choisir un objet d'analyse (extrait, plan, etc.) et sa méthode d'analyse. Pour chaque film qu'il souhaite analyser, l'analyste est, en conséquence, confronté à des choix et prend donc des risques. Selon Aumont et Marie (p.66), « ce qui guette l'analyse de films, c'est donc entre autres la dispersion (quant à l'objet) et l'incertitude (quant à la méthode).

Bien que nous nous intéressions plus aux spectateurs qu'aux analystes, nous ne pouvions pas exclure de notre étude les différentes méthodes d'analyse. Mais, plus que les méthodes en elles-mêmes, notre intérêt s'est, toutefois, focalisé sur leur utilité pour la réalisation d'un film, autrement dit aux éventuels usages qu'en font les cinéastes.

En quoi les méthodes de l'analyse filmique peuvent-elles être utiles aux cinéastes ? L'analyse est-elle un moyen de formation et de progrès personnel ? Nous verrons que les grands réalisateurs d'aujourd'hui sont, en effet, très partagés sur l'intérêt d'analyser les films pour apprendre la mise en scène4(*).

Après avoir présenté, dans une première partie, les apports conceptuels et théoriques nécessaires à la compréhension du sujet ainsi que les différents codes cinématographiques, notre approche compréhensive nous a poussé à collecter des données qualitatives et, dans cette perspective, à suivre une méthodologie de recherche qualitative. C'est pourquoi, après avoir étudié les différents codes utilisés spécifiquement ou non au cinéma, nous avons souhaité interviewer des spectateurs de 18 à 25 ans après la diffusion d'un très court métrage de fiction que nous avons réalisé en cinq versions différentes. Les analyses longitudinales et transversales que nous avons réalisées à partir de 15 interviews de groupe nous ont permis d'une part de mieux comprendre les mécanismes de construction de sens d'un film de fiction, tant du point de vue du réalisateur que de celui du spectateur, d'autre part de proposer des mesures concrètes à destination des réalisateurs.

SOMMAIRE

Première partie : le cadre conceptuel et théorique des mécanismes de construction de sens

Chapitre 1 : Les apports théoriques successifs à la connaissance

du cinéma

Chapitre 2 : Une approche historique et théorique des effets sur

les spectateurs

Chapitre 3 : Le langage cinématographique et sa grammaire

Chapitre 4 : L'approche narratologique

Chapitre 5 : Les éléments et les codes de la bande image

Chapitre 6 : Les codes de la bande son

Chapitre 7 : Les genres cinématographiques 

Deuxième partie : L'étude qualitative des mécanismes de construction de sens

Chapitre 1 : Réflexion et choix méthodologique

Chapitre 2 : La réalisation d'un film en plusieurs versions

Chapitre 3- L'organisation de chaque interview et le guide

d'entretien

Chapitre 4 : L'analyse longitudinale des cinq versions

Chapitre 5 : L'analyse transversale des cinq versions

Première partie : le cadre conceptuel et théorique des mécanismes de construction de sens

Définir ce qu'est le cinéma peut sembler de prime abord trivial et inutile ; pourtant ce terme, abréviation de cinématographe, présente plusieurs sens.

Du grec kinêma, kinêmitos « mouvement » et -graphe, le cinématographe désigne l'appareil capable de reproduire le mouvement par une suite de photographies. Depuis plus d'un siècle, sous l'effet conjugué des évolutions techniques, artistiques, commerciales et industrielles, la définition du cinéma ne peut plus se réduire à une projection visuelle et sonore en mouvement. Comme l'écrit Journot (2004) : « le terme très polysémique désigne à la fois le procédé technique, la réalisation de films (faire du cinéma), leur projection (séance de cinéma), la salle elle-même (aller au cinéma)), l'ensemble des activités de ce domaine (l'histoire du cinéma) et l'ensemble des oeuvres filmées classées par secteurs : le cinéma américain, le cinéma muet, le cinéma de fiction, le cinéma commercial...»

A cela, certains auteurs ajoutent que le cinéma est un art. Ainsi, l'expression Septième art fut utilisée, dès 1912, par Ricciotto Canudo5(*) pour désigner l'art cinématographique. Nous verrons que le cinéma est également défini comme un langage, voire comme un langage d'art.

Chapitre 1 : Les apports théoriques successifs à la connaissance du cinéma

Le cinéma n'est pas une langue contrairement à ce que certains ont prétendu, notamment plusieurs théoriciens de l'époque du muet et du cinéma soviétique, dont les deux plus cités et interprétés, avec plus ou moins de bonheur, sont Dziga Vertov6(*) qui définit, en 1921, son principe du Kinoglaz (ou ciné-oeil) et Koulechov qui donna son nom à l'effet qui est souvent utilisé pour démontrer l'existence d'une ciné-langue.

Claire Ropars-Wuilleumier (1970, p.14) montre que les recherches, expériences et écrits de ces deux auteurs ont été mal compris : « Les recherches de Dziga Vertov (...) ont été utilisées pour faire de chaque plan l'équivalent d'un mot, de chaque séquence celui d'une phrase : alors que ses théories impliquent en réalité la reconnaissance du cinéma comme langage autonome, fondé sur l'organisation rythmique des matériaux visuels et sonores. (...) Elles ont souvent été réduites aux formules les plus spectaculaires sur la ciné-langue, l'esperanto visuel, les ciné-phrases et les mots-thèmes ; et c'est en méconnaissant la fonction proprement créatrice qu'y tient le montage ».

Quant à la fameuse expérience de Koulechov, elle peut, selon Mitry (2001), Metz (1971) et bien d'autres, « se retourner contre cela même qu'on prétendait lui faire faire prouver (...) Si un plan est susceptible de recevoir des significations opposées, c'est que ce plan n'a pas, par lui-même, de signification propre déterminée par sa morphologie » (Ropars-Wuilleumier (1970, pp.15-16).

Il est maintenant admis que le plan n'est pas l'équivalent d'un mot et la séquence n'est pas celui d'une phrase. Metz (2003, p.118) fut l'un des premiers à critiquer cette analogie. Il mit en évidence les différences principales entre le plan filmique et le mot linguistique (voir tableau ci-dessous) et affirma que le plan ressemblait davantage à un énoncé qu'à un mot. Un avis partagé par un certain nombre de théoriciens et cinéastes : « Des sémiologues comme Umberto Eco se sont abondamment penchés sur la nature du signe cinématographique pour savoir s'il était comparable aux mots liés en phrase et obéissant à une grammaire (...). On est contraint de conclure après un cheminement plus ou moins pénible que le cinéma n'est pas une langue et que son signe « minimal », le plan d'une seconde, n'est pas aussi arbitraire que le mot (...) Le cinéma se trouve susceptible d'avoir des sens symboliques nombreux». (Bessière, 2000, p.3)

Les cinq différences principales entre le plan filmique et le mot linguistique

Selon Christian Metz (2003, p.118)

1ère différence

Les plans sont en nombre infini, contrairement aux mots d'une langue, mais pareillement aux énoncés formulables dans une langue

2ème différence

Les plans sont des interventions du cinéaste, contrairement aux mots (qui préexistent dans un lexique), mais pareillement aux énoncés (qui sont en principe des inventions du locuteur)

3ème différence

Le plan livre au récepteur une quantité d'information indéfinie, contrairement au mot. De ce point de vue, le plan n'équivaut même pas à une phrase, mais à un énoncé complexe de longueur indéfinie (Exemple : comment décrire complètement un plan de film à l'aide d'une langue naturelle ?)

4ème différence

Le plan est une unité actualisée, une unité de discours, une assertion, contrairement au mot (qui est une unité de lexique) mais pareillement à l'énoncé. L'image d'une maison ne signifie pas « maison » mais « voici une maison ». L'image intègre en elle-même comme une sorte d'actualisation.

5ème différence

Un plan ne prend son sens que dans une faible mesure par opposition paradigmatique avec les autres plans qui auraient pu apparaître au même point de la chaîne (puisque ces derniers sont en nombre indéfini) alors qu'un mot fait toujours partie d'un ou de plusieurs champs sémantiques plus ou moins organisés.

I- Le cinéma : un langage d'art

Le cinéma n'est plus considéré, par qui que ce soit, comme une langue mais, pour la plupart des auteurs, il est devenu un langage qui dispose de moyens expressifs de plus en plus nombreux et complexes. Alexandre Astruc a développé, dès 1948, une théorie de l'écriture cinématographique, dite de la caméra-stylo, dans laquelle il considère le cinéma comme un langage qui a les mêmes possibilités expressives que l'écriture littéraire : «Le cinéma devient peu à peu un langage. Un langage, c'est-à-dire une forme dans laquelle et par laquelle un artiste peut exprimer sa pensée, aussi abstraite soit-elle, ou traduire ses obsessions exactement comme il en est aujourd'hui de l'essai ou du roman. C'est pourquoi j'appelle ce nouvel âge celui de la caméra-stylo »7(*). Astruc considère également que le réalisateur est un artiste qui se sert de sa caméra pour s'exprimer comme le fait l'écrivain avec des mots. Sa valorisation du cinéaste lui doit d'être considérée par certains comme étant à l'origine de la notion d'auteur.

Langage sans langue8(*), le cinéma se caractérise pour de nombreux auteurs par la combinaison de plusieurs langages et arts. Selon Metz, « le cinéma (...) marie durablement des arts et des langages consentants en une union où les pouvoirs de chacun tendent à devenir interchangeables » et de cette union résulte l'ambivalence du cinéma : le cinéma est capable de donner une impression de réalité mais aussi de créer « le merveilleux », parfois dans un esprit manipulateur pour faire passer un message.

Pour étudier ce langage d'art (Metz, 2003, p.70), certains chercheurs ont choisi une approche linguistique et sémiotique.

La raison généralement avancée est que les films sont des combinaisons, selon des formules infiniment variées, d'un très grand nombre d'éléments signifiants : des images (fixes ou mouvantes, en noir et blanc ou en couleurs, etc.), des mots (parlés de différentes manières ou écrits de différentes façons), des sons (musique ou bruits), etc. Le sens d'un film fait « intervenir plusieurs matières signifiantes correspondant, du point de vue sémiotique, à des modes de signification très différents, et du point de vue psychologique, à des attitudes et à des processus cognitifs également très différents, sinon franchement opposés. Et ces modes de signification, ces attitudes, ces processus ne s'additionnent pas simplement : ils se composent et interagissent. Du côté relationnel, la complexité est tout aussi évidente. » (Meunier et Peraya, 1993, p.25)

Aussi, pour appréhender cette complexité, l'une des toutes premières approches employées fut celle de la sémiologie structurale. « Lorsque les choses apparaissent comme compliquées, la tentation est grande de recourir d'emblée à un modèle relativement simple qui puisse projeter sur elles une certaine clarté, quitte quelquefois à en déformer certains aspects. La sémiologie structurale a succombé à cette tentation. Elle a projeté sur les signes complexes et leurs différents composants - on pense surtout, ici, à l'image - les notions simples et claires de la linguistique saussurienne : signe, code, syntagme, paradigme. Mais le résultat de cette projection, on le sait aujourd'hui, est discutable. » (Meunier et Peraya, 1993, p.13) Ainsi, la sémiologie structurale a délaissé les phénomènes projectifs et affectifs liés à l'image, sa « polysémie », sa capacité à faire rêver, etc.

L'une des premières tâches de la sémiologie est de décrire son objet et d'élaborer une taxonomie. C'est un objectif que se fixe la sémiologie quel que soit l'objet de son étude, qu'il s'agisse de cinéma ou d'un autre domaine. Nous invitons le lecteur intéressé par un rappel des apports de la sémiologie et de la sémiotique à consulter l'annexe II.

II- Les premiers apports de la sémiologie du cinéma

Pour certains auteurs (Albéra, 1996), les prémices de la sémiologie du cinéma se trouvent dans l'ouvrage collectif coordonné par Boris Eikhenbaum et publié en 1927 par les formalistes russes9(*). Il fallut toutefois attendre les années soixante (1960-) pour que la sémiologie du cinéma développe ses principales thèses, dont les principales sont fondées sur des concepts et des méthodes de la sémiologie et de la linguistique (code, message, sous-code, énoncé, syntagme, paradigme, signifiant, signifié, articulation, etc.), et devienne une discipline à part entière sous l'impulsion de celui qui est souvent considéré comme son « fondateur » : Christian Metz10(*).

Dès le milieu des années soixante, Christian Metz s'est interrogé sur la question de savoir si le cinéma possède une véritable langue, avec « un répertoire codifié de symboles, de figures ou de formules auxquels faire référence de manière constante ou s'il n'est pas au contraire un fait de langage, c'est-à-dire un discours en grande partie spontané et autogéré » (Casetti, 2000, p.150). Comme Casetti 11(*)et bien d'autres, Metz conclura que le cinéma n'était pas une langue. « Le cinéma n'est pas une langue parce qu'elle contrevient à trois caractères importants du fait linguistique : une langue est un système de signes destiné à l'inter-communication. Or, le cinéma, comme les arts et parce qu'il en est un, est une communication à sens unique ; c'est en fait un moyen d'expression beaucoup plus que de communication. Il n'emploie que fort peu de signes véritables. Certaines images du cinéma, qu'un long usage préalable en fonction de parole a fini par figer en un sens conventionnel et stable, deviennent des sortes de signes. Mais le cinéma vivant les contourne et demeure compris : c'est donc que le nerf du mécanisme sémiologique est ailleurs ». (Metz, 2003, p. 79)

Dans un premier temps, donc, Metz semble considérer que le cinéma ne possédant « pas les caractéristiques d'une langue, la sémiotique doit donc le laisser de côté » (Casetti, 2000, p.151). Pourtant, vers la fin des années soixante, il adoucit sa position et suggère de « faire la sémiologie du cinéma ».

Toutefois, il persiste à croire que les notions de la linguistique ne peuvent être appliquées à la sémiologie du cinéma qu'avec la plus extrême prudence (Metz, 2003, p 109). Metz et d'autres théoriciens du cinéma font en sorte « qu'à une étude du fondement linguistique du film se substitue l'étude des traits linguistiques du film, composantes particulières d'un phénomène plus large, et à une approche essentialiste, ontologique (« le cinéma est par nature.. ») se substitue une approche méthodique, disciplinaire (« pris sous cet angle le cinéma apparaît comme.... » (Casetti, 2000, p.61-62). Une fois admis que le cinéma signifie et communique, il s'agit de comprendre pourquoi et comment il le fait sachant que le cinéma, selon les sémiologues, naît d'une combinaison de moyens divers, pour les uns d'origines figurative, théâtrale, narrative, etc. pour les autres propres au film. Que c'est dans cette combinaison, cette synthèse de multiples composantes, propres et empruntées, que le langage filmique trouve sa spécificité et son autonomie.

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Questions que se pose la sémiologie du cinéma

selon Casetti (2000)

- Quels moyens d'expression utilise le cinéma ?

- Quel rôle jouent les éléments comme le jeu des acteurs, la scénographie, la musique ?

- Comment opèrent-ils individuellement et comment se fondent-ils pour créer un ensemble ?

- Quels types de rapports s'établissent entre le cinéma et d'autres domaines comme les arts figuratifs ou la littérature ?

- Qu'est-ce qui les unit et qu'est-ce qui les sépare ?

- Quels traits caractérisent l'image, signe filmique par excellence ?

- Quelles règles le cinéma suit-il pour mettre en scène une réalité et pour raconter une histoire ?

- Existe-t-il une grammaire filmique et de quel type ?

- Sur quoi se base la capacité à signifier et à communiquer du cinéma ?

- Comment passe-t-on de l'exhibition du monde à la mise au point d'un signifié ?

- Quelles relations s'instaurent entre le fait de montrer et celui de donner du sens ?

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Quel que soit son objet d'étude, l'image ou le cinéma par exemple, l'une des premières tâches de la sémiologie, dans les années 60-70, fut de recenser et de classer les différents codes utilisés ; un code étant un ensemble de conventions déterminant la valeur des signes. Le modèle du code qui s'en dégagea fonde la compréhension mutuelle sur le partage du code, les interlocuteurs associant à des signifiants donnés les mêmes signifiés.

Son utilisation pratique, notamment celle qu'en font les publicitaires, conduit à construire un message comme une combinaison de signes qui produisent du sens. Dans cet esprit, « Coder, c'est trouver les signes adéquats (on dit aussi « les signifiants ») qui vont être décryptés dans le sens voulu par l'émetteur. L'émetteur code, le récepteur décode, plus ou moins bien ». Aussi est-il indispensable « pour que la relation signifiant signifié fonctionne bien, qu'elle soit construite sur une communauté de savoirs et de cultures entre l'émetteur et le récepteur » (Lendrevie et de Baynast, 2004, p.14).

Dans le domaine filmique, ce modèle est contesté implicitement par Christian Metz. Selon lui, les cinéastes à l'esprit manipulateur qui cherchent à faire passer un message partent de l'hypothèse qu'il existe un code au film et que le spectateur comprend le film à cause de sa syntaxe, « alors qu'on (le spectateur) comprend la syntaxe du film parce qu'on (il) a compris le film et seulement quand on (il) l'a compris ».

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Le modèle du « code »

[Schéma d'après Le Boeuf (2000, p.25)]

Emetteur Signes Récepteur

Signifiants

Code partagé

Signification Signification

pour l' pour le

Emetteur Récepteur

Signifiés

Compréhension mutuelle ?

Metz reconnaît, toutefois, que certains procédés de syntaxe utilisés par des cinéastes, interprétés a posteriori par les spectateurs, une fois qu'ils aient compris le film, étaient repris par d'autres cinéastes et sont « devenus en quelque mesure conventionnels ».

Aussi, comme dans ses autres objets d'étude, l'une des premières tâches de la sémiologie du cinéma fut de recenser et de classer les différents codes utilisés.

A partir des années 1960-1970, elle identifia et répertoria les différents codes cinématographiques en présence et tenta d'analyser leurs rapports et leur éventuelle hiérarchisation. Nous étudierons ces différents codes dans les chapitres suivants.

A- Les apports de la sémiologie de l'image

La sémiologie de l'image, notamment sous l'impulsion de Barthes, prit un temps le pas sur la sémiologie du cinéma, dont l'objet était plus vaste. Même la grande syntagmatique de Metz ne s'intéresse, en réalité, qu'à la bande-images (Odin, 1990, p.196). La sémiologie de l'image consiste à repérer les différents types de signes mis en jeu - l'image contient-elle des signes ? Si oui, quels sont-ils ? Et comment s'agencent-ils ? - et à en déduire, à partir de leur organisation propre, une interprétation globale acceptable par un groupe d'observateurs donné (Joly, 1994, p.91 et p.131).

La sémiologie de l'image s'applique donc en priorité à étudier les processus de production de sens, pour ensuite proposer des interprétations plausibles. Elle analyse les signes séparément (couleurs, éclairage, texture, forme, cadrage, pose du modèle, etc.) et part du principe saussurien d'un rapport signifiant/signifié. Le Groupe u, dans le Traité du signe visuel12(*), après avoir décrit les différents signes plastiques, tente de fournir une grammaire de signifiants et de montrer comment ses derniers s'associent à des signifiés. Mais au-delà de l'analyse de chacun des signes, la sémiologie de l'image s'intéresse à la combinatoire de tous ces différents signes.

« Pour ce faire, une méthode d'analyse possible consiste à passer en revue chaque catégorie de signes mise en oeuvre dans le message considéré, à en isoler les signes choisis, à les analyser au plan de l'expression et du contenu et à observer comment ils interagissent les uns avec les autres (+ rapports de congruence, d'opposition ou de prédominance) pour produire le message global » (Joly, 1994, p.132).

Cette méthode laisse penser à une certaine rationalité et pourrait cacher, si l'on n'y prend garde, le discours secret de l'image13(*) que Roland Barthes14(*) a tenté d'expliquer en distinguant deux niveaux de sens : le sens dénoté et le sens connoté.

Sur le premier niveau de signification, dénotatif ou descriptif ou référentiel, on trouve comme signifiants les photographies ou dessins des objets, signifiés dans la scène, autrement dit les objets dénotés.

Au deuxième niveau de signification, niveau de la connotation, les objets dénotés (signifiés du premier niveau) sont les signifiants (de deuxième niveau) et ont pour signifiés (de deuxième niveau) ce que ces objets suggèrent, ou ce à quoi ils sont associés.

Roland Barthes utilisera l'image publicitaire pour illustrer sa thèse : « parce qu'en publicité la signification est assurément intentionnelle » et que les signifiés doivent « être transmis aussi clairement que possible » à la cible visée. Par ailleurs, « l'image publicitaire est franche ou du moins empathique » pour qu'elle soit comprise vite, bien, au moindre coût et par le plus grand nombre. Le principe selon lequel un signe unit un signifiant à un signifié, signifiant signifié, sert à Barthes pour reconstruire, de l'aval à l'amont (donc en sens inverse de la production de sens), les liens entre les signifiés, c'est-à-dire les significations produites par le message, et les signifiants qui les ont générés.

Il utilisera sa méthode sur un message publicitaire en faveur des pâtes Panzani qu'il décrit lui-même ainsi : « paquets de pâtes, une boîte, un sachet, des tomates, des oignons, des poivrons, un champignon, le tout sortant d'un filet à demi-ouvert, dans des teintes jaunes et vertes sur fond rouge ». Le premier signifié qu'il met en évidence est celui d'italianité. Ce signifié serait la résultante de plusieurs éléments qui se renforceraient les uns les autres dans l'évocation du concept d'italianité : la consonance du nom « italien » de la marque Panzani ; l'annonce est aux couleurs de l'Italie, rouge, blanc, vert ; la présence de fruits et légumes méridionaux, tomates, poivrons, oignons ; le sachet de parmesan, fromage fabriqué aux environs de Parme (Italie), etc.

A la structure de connotation décrite par Roland Barthes15(*), signifiant signifié premier signifiant signifié second, il est possible d'ajouter d'autres structures de connotation possibles. Au cinéma, Roger Odin (1990) en voit au moins deux :

- lorsque le signifiant du signe de dénotation produit à lui seul une connotation. Par exemple, la sonorité d'une langue qui évoque un pays où on la parle,

- lorsque seul le signifié du signe dénotateur renvoie à une connotation. Par exemple, dans nos cultures, les connotations de malheur, de deuil sont liées au noir, celles de joie et de vitalité au jaune.

L'image publicitaire, bien qu'utilisant beaucoup la dimension connotative de l'image, n'est pas la seule à le faire. Tous les messages visuels sont connotatifs parce qu'ils mêlent plusieurs systèmes de signes, parce qu'ils sont composés de différents types de signifiants et donc de signes. Aussi, les messages audiovisuels, les films cinématographiques et les téléfilms sont plus connotatifs encore car ils multiplient les systèmes de signes, en plus des signes plastiques (éclairage, formes, cadrage, etc.) de l'image, ils sont composés de signes non plastiques (voix, musique, etc.), ce qui augmente considérablement les combinaisons de signes possibles.

L'image pouvant avoir de multiples significations, en plus d'avoir un potentiel connotatif, et pouvant se prêter à de nombreuses interprétations, en raison du grand nombre (poly) d'informations (sémies) qu'elle fournit, fut déclarée polysémique. Comme l'écrit Martine Joly (1994, p.81): « L'un des clichés les plus connus à propos de l'image a été de la déclarer polysémique. La polysémie de l'image a en effet été très vite considérée comme la spécificité de la communication par l'image, en particulier dans les domaines des sciences de l'éducation ou ceux de la publicité ».

A propos de Roland Barthes, et plus précisément de son étude sur Le Problème de la signification au cinéma, Jean Mitry (2001, p.70) n'hésite pas à écrire : « Quant à dire, comme il le fait, de la polysémie, c'est un truisme. Un signifiant peut exprimer non seulement, plusieurs mais une quantité de signifiés puisque l'image ne prend sa valeur de signe qu'à la faveur du contexte et des implications qu'il suppose ».  

Dire que l'image est polysémique est une chose, affirmer que la polysémie est une spécificité de l'image en est une autre. Selon Joly (1994, p.83), l'image est nécessairement polysémique dans la mesure où elle est un énoncé iconique complexe16(*) ; mais on ne peut pas faire de la polysémie sa spécificité dans la mesure où tout énoncé complexe (verbal ou non verbal) est polysémique.

Si l'interprétation d'une image est difficile, c'est que les éléments de l'image sont insuffisamment explicites, manquent de relief. De ce constat, Joly en conclut que ce que certains nomment polysémie est en réalité une absence de focalisation assertive ; la focalisation étant la mise en relief (en focus) d'un élément d'un énoncé par des moyens propres au code employé. Or, « les procédés qu'emploie l'image pour mettre en relief tel ou tel point d'un énoncé visuel sont souvent moins facilement perçus qu'une focalisation verbale, quoiqu'ils existent cependant (par l'intermédiaire de la couleur, de la composition, de l'éclairage, du choix des proportions, etc. » (Joly, 1994, p.83).

Ces raisons « techniques » et de production ne satisfont pas tous les auteurs. Certains voient plutôt des facteurs contextuels, d'autres encore, des raisons liées aux spectateurs eux-mêmes.

Mitry insiste d'une part sur le fait que la signification filmique ne dépend jamais - ou rarement - d'une image isolée mais d'une relation entre les images, d'autre part qu'elle varie selon le contexte. Une suite d'images représentant un cendrier dans lequel s'empilent des mégots peut suggérer le temps qui passe dans un certain contexte. « Dans un autre contexte, il pourrait signifier tout autre chose : l'énervement, l'attente, ou encore l'ennui... ». (Mitry, 2001, p.66).

En outre, un film n'est qu'exceptionnellement composé que d'une bande image. C'est une combinaison d'un très grand nombre d'éléments signifiants : des images (fixes ou mouvantes, en noir et blanc ou en couleurs, etc.), des mots (parlés et écrits), des sons (musiques et bruits), etc. La question de la cohabitation du verbal et de l'iconique qui a fait l'objet de recherches en publicité se pose donc dans le domaine filmique. Les images pouvant générer un malaise en raison de l'indécision du sens à donner parmi tous les sens possibles, les mots serviraient-ils de guide au spectateur, auraient-ils une fonction d'ancrage, autrement dit fixeraient-ils le sens ? Auraient-ils une deuxième fonction, celle de relais, en fournissant aux spectateurs des informations complémentaires que ne peut véhiculer la bande image ?

De nombreux auteurs, dont Barthes, considèrent que les mots éclairent ou complètent l'image, ce qui est vrai pour une légende de photographie de presse. Mais est-ce vrai pour les images filmiques et la bande son ? Laurence Bardin 17(*) s'est interrogée sur les fonctions d'ancrage et de relais dans les messages publicitaires et en a conclu qu'elles devaient être dédoublées : « Qu'est-ce qui prouve, dans le rapport texte/image que c'est toujours le texte qui joue le rôle de mode d'emploi ? ». Elle en arrive à considérer que le texte n'est pas moins polysémique que l'image : « les mots, eux aussi, ont eu dans l'histoire, et ont encore dans bien des cas, un statut sacré et un aspect affectif et émotionnel ».

Dans le domaine filmique, les fonctions d'ancrage et de relais peuvent être remplies, selon la volonté du réalisateur, indifféremment par la bande image ou par la bande son. Une suite d'images peut-être plus explicite qu'un dialogue confus ou mystérieux entre deux acteurs. Sans reprendre la classification des messages publicitaires, en quatre catégories, fondée sur la dénotation et la connotation du code iconique et du code linguistique proposée par Bardin18(*), nous devons admettre que le réalisateur d'un film travaille avec beaucoup de soin le rapport entre la bande image et la bande son, qu'il nuance pour chacune d'elles le degré du dénotatif (rationnel, fonctionnel, précis, monosémique) et du connotatif (symbolique, poétique, ambigu, polysémique) de manière à ce que de l'interrelation (mots-images) surgisse un sens.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que, selon Bardin, les sens connotés sont « des sens supplémentaires, plus marginaux, diffus, instables, qui se greffent sur le premier (dénoté), le complètent ou le déforment et qui retentissent de manière variable chez les individus selon leur expérience et leur culture (...) Chaque récepteur interprète, quantitativement et qualitativement, un message fortement connoté en fonction de son background individuel et social (histoire personnel, groupe culturel d'appartenance ou de référence, maîtrise des symboles et mythes susceptibles d'être rencontrés dans un message et nécessitant un apprentissage antérieur pour être identifiés »19(*). Elle se situe ainsi dans un courant de pensée qui est loin d'être minoritaire, notamment dans le domaine cinématographique.

De nombreux auteurs considèrent, en effet, que l'interprétation varie surtout en fonction du spectateur, d'où la formule de Christian Metz, « ce n'est pas l'image qui est polysémique, mais le spectateur ». Meunier et Peraya illustrent cette idée à l'aide d'une petite expérimentation. Une photographie de Paul Almasy montrant le dessous d'une table avec les jambes de deux personnes assises des deux côtés de la table. A la vue de cette photographie, les personnes interrogées l'interprètent différemment : pour les uns, il s'agit d'une « partie de cartes, pour d'autres « un ouvrier qui se fait molester par son patron », pour d'autres encore « un dessous de table » illicite, etc. En réalité, la même image est perçue et interprétée de façons différentes, selon la manière avec laquelle le spectateur entre en relation avec les personnages et les objets de la photographie20(*).

Cette expérience met en valeur que la polysémie de l'image est en réalité une variabilité du sens construit par le spectateur, en fonction de facteurs qui lui sont propres. On peut trouver un rapprochement à cette idée dans la phénoménologie et la philosophie de la perception de Merleau-Ponty (1942, 1977). Ce dernier écrit, en effet : « La couleur rouge de l'objet que je regarde est et restera toujours connue de moi seul. Je n'ai aucun moyen de savoir si l'impression colorée qu'il donne à d'autres est identique à la mienne (...) Je puis m'assurer qu'un autre spectateur emploie le même mot que moi pour désigner la couleur de cet objet (...) Il se pourrait que la gamme des couleurs qu'il perçoit fût en toute différente de la mienne (...) Il résulte de là que la perception, comme connaissances des choses existantes, est une conscience individuelle. » (Merleau-Ponty, 1977, p.228)

En plus de cette interprétation propre à chacun des spectateurs, Meunier et Peraya y voient une variabilité intra-individuelle, sans laquelle il n'y aurait pas vraiment de polysémie : « je peux en tant que spectateur, sentir la diversité des sens dont peut se remplir l'image. Si sur la photo d'Almasy, je perçois un patron, et que mon voisin perçoit un joueur de cartes, cela ne me surprend pas ; ce sens de l'image m'apparaît tout aussi plausible et du reste, je peux le faire surgir moi-même par une variation d'accommodation ».

Que les raisons soient techniques, culturelles ou autres, il n'en reste pas moins qu'une image et plus encore un plan et une séquence peuvent être interprétés de différentes façons par des spectateurs, voire par le même spectateur selon le moment et le lieu où il visionne un film. Celui-ci face à l'incertitude d'un signifiant à plusieurs signifiés ou, ce qui est fréquent dans un film, aux contradictions (de plusieurs signifiants à plusieurs signifiés), devra procéder à un arbitrage dans son interprétation globale, arbitrage qui se fera en fonction du contexte.

C'est pourquoi les recherches sur la communication et, plus précisément, celles sur les situations de communication, le cadrage et la contextualisation sont d'un grand intérêt.

B- Les autres fondements théoriques et pratiques de la sémiologie du cinéma

La sémiologie du cinéma a tiré profit des principes et méthodes de la sémiologie de l'image21(*). Toutefois, le langage cinématographique est une entité plus complexe encore que l'image visuelle fixe, une entité dans laquelle interagissent et s'entremêlent le langage verbal, le paraverbal (intonation, jeu vocal), le mouvement, l'image, le son (la musique et le bruitage), le récit, etc.

D'une manière générale, les premières principales avancées de la sémiologie du cinéma découlent de différentes réflexions, dont certaines non pas de lien direct avec l'objet filmique, sur le cadre méthodologique (Barthes, 1964-a), l'analyse des codes iconiques et des messages visuels (Eco, 1970)22(*), l'analyse des codes publicitaires23(*) (Barthes, 1964-b24(*) ; Peninou 197025(*) et 197226(*)), l'analyse des codes cinématographiques (Metz), l'analyse du récit et la théorie des actants (Bremond, 1964, Greimas, 1970), etc.

La durée des films longs métrages augmentant la difficulté, l'analyse des formes filmiques courtes (d'une durée d'environ 15 secondes à 30 minutes) tels que les courts métrages documentaires, poétiques ou de fiction et les spots publicitaires fit progresser les connaissances et les méthodes d'analyse.

Ainsi, les courts métrages de fiction « exhibent de manière plus évidente que les longs métrages leurs dispositifs (narratifs ou discursifs), leur structure dramatique et rythmique, la forme-sens qui produit leur impact, ceci sans doute parce que l'appréhension de ces éléments n'a pas le temps d'être diluée dans les méandres d'une histoire ou distraite par l'identification à des personnages ou par des émotions » (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.96-97).

Quant aux spots publicitaires, ils furent à l'origine de nombreuses recherches pour plusieurs raisons : la première est l'intention claire du réalisateur d'influencer les spectateurs (et téléspectateurs), la deuxième est la très courte durée du film, la troisième est l'exploitation maximale de la possibilité « de combiner les matières de l'expression du cinéma (et de la vidéo) : sons (paroles, bruits, musiques), images (fixes, animées, photographiques ou graphiques), écriture (intertitres, surtitres et sous-titres, toutes mentions écrites). » Selon Vanoye et Goliot-Lété (2001, p.90-91), le résultat est « un bombardement d'images et de sons, d'impressions, de sensations et de significations ». Il est donc essentiel de « défaire ce que le montage et mixage ont agencé pour observer la production du sens et des effets du spot ».

En résumé : quelques apports de la sémiologie du cinéma

- Le cinéma n'est pas une langue parce qu'il est multicodique. Et cela même si les théories montagistes du cinéma (voir dans le chapitre sur les codes de la bande image) furent élaborées sur le modèle d'une syntaxe cinématographique comme d'ailleurs de nombreux autres codes de la bande image : mouvements d'appareil, etc..

- L'ensemble de tout ce qui est dit dans tous les films, ainsi que toutes les organisations signifiantes qui entrent en jeu dans la compréhension d'un film entier (perceptives, imaginaires, intellectives, iconologiques, idéologiques...), autrement dit «le cinéma dans sa totalité» représente «un phénomène beaucoup plus vaste, à l'intérieur duquel le langage cinématographique ne constitue qu'une couche signifiante parmi d'autres» (Christian Metz).

- Le nombre d'images réalisables au cinéma est infini. Le plan n'est donc pas comparable au mot d'un lexique, mais plutôt à un énoncé. La paradigmatique du film ne peut donc être que partielle et fragmentaire; la syntagmatique, en revanche, est au centre de la dimension sémiologique du film : la narrativité filmique s'organise par la contrainte de grandes structures syntagmatiques (voir dans le chapitre sur les codes de la bande image : le code du montage et la grande syntagmatique de Metz).

III- Les apports de la sémio-linguistique du cinéma

Au sein même de la sémiologie du cinéma, la sémio-linguitisque du cinéma est une approche qui a également permis une amélioration de la connaissance de l'objet cinéma. Comme l'écrit Odin, dans son ouvrage 27(*)consacré à cette approche : « par sémio-linguistique du cinéma, on entend l'approche qui tente de faire pour le langage cinématographique, ce que fait la linguistique pour les langues naturelles28(*) : démonter les mécanismes de production de sens, comprendre comment le film est compris » (Odin, 1990, p.11).29(*)

L'analyse sémiologique des différents langages (photographie, peinture, musique, cinéma, etc.) a notamment mis en évidence, pour chaque langage, une distinction entre ses codes spécifiques et des codes généraux : les premiers permettant d'identifier un langage dans ses singularités alors que les seconds sont communs à d'autres langages. Ainsi, les codes photographiques qui régissent l'usage des grosseurs de plans se retrouvent aussi bien dans les images photographiques que dans celles du cinéma. Ce sont des codes généraux, non spécifiques à l'un ou l'autre de ces deux langages. En revanche, l'illusion du mouvement, créée par le défilement de 24 photogrammes à la seconde, n'appartient qu'au langage cinématographique.

Cette distinction entre les codes spécifiques et codes généraux fut reprise par la sémiologie du cinéma et, notamment, sous l'impulsion de Christian Metz, qui distingue les codes spécifiques, qu'il nomme les codes filmiques et cinématographiques, des codes généraux, donc non spécifiques, qu'il appelle les codes filmiques et non cinématographiques.

Cette distinction ne donne pas entière satisfaction dans la mesure où elle peut faire croire au recensement exhaustif des codes utilisés dans un langage. « Cette distinction a constitué longtemps un principe méthodologique ainsi qu'un axe de recherche, d'autant qu'en prétendant saisir exhaustivement son objet, elle offrait l'illusion d'une certaine scientificité. Et c'est sans doute aussi pour cette raison que l'institution scolaire et les enseignants se sont si facilement emparés des premiers résultats de ces travaux. » (Meunier et Peraya, 1993, p.63)

IV- Les apports de la sémio-pragmatique du cinéma

Certains auteurs ont reproché à cette approche sémio-linguistique du cinéma de ne s'intéresser qu'à la dimension langagière, et uniquement langagière, des faits filmiques. Elle délaisse donc les autres aspects des faits filmiques : sociologiques (le film comme reflet ou produit de la société), historiques (les films comme histoire d'un genre, celle d'un réalisateur, d'une période historique donnée, etc.), psychanalytiques (le film comme construction fantasmique), esthétiques (le film comme oeuvre d'art).

Cette critique est, somme toute, assez injuste puisque les chercheurs qui ont adopté cette approche limitaient leur champ de recherche volontairement et en toute connaissance de causes. « Approcher le cinéma en termes sémio-linguistiques signifie que l'on négligera délibérément toute une série de problèmes qui ont eux-mêmes une grande importance pour la compréhension globale de ce qui se passe dans le champ cinématographique, mais qui ne relèvent pas de la pertinence sémio-linguistique » (Odin, 1990,p.20).

Roger Odin cite alors parmi les sujets délaissés : les « problèmes économiques (le cinéma comme industrie), problèmes juridiques (le droit du cinéma), problèmes administratifs (comment fonctionnent les grands organismes qui s'occupent du cinéma, quelles sont les règles qui régissent la profession ?), problèmes technologiques (conception des caméras, des projecteurs, des pellicules), problèmes de la sociologie des publics (quelle est l'influence du cinéma sur les jeunes ou sur les adultes ? Qui va au cinéma ? etc. ».

Toutefois, ce constat que fit lui-même Roger Odin l'amena, très vraisemblablement, à proposer une autre approche, amorcée en conclusion de sa thèse30(*) de doctorat, qu'il appela l'approche sémio-pragmatique. « La sémio-pragmatique est un modèle de (non-) communication qui pose qu'il n'y a jamais transmission d'un texte d'un émetteur à un récepteur mais un double processus de production textuelle : l'un dans l'espace de la réalisation et l'autre dans l'espace de la lecture. Son objectif est de fournir un cadre théorique permettant de s'interroger sur la façon dont se construisent les textes et sur les effets de cette construction » (Odin, 2000, p.10). Cette définition montre l'influence de l'approche communicationnelle mais aussi de l'approche du positionnement institutionnel du spectateur dans la naissance de ce nouveau modèle comme Roger Odin le reconnaît dans la conclusion générale de sa thèse : « nous sommes allés de la sémio-linguistique (approche en termes d'isotopie31(*)) à la l'analyse en termes de codes et de systèmes32(*), de l'approche communicationnelle33(*) à l'approche en termes de positionnement psychologique (ouverture sur la psychanalyse) et institutionnel du spectateur.» (Odin, 1982, p.686). Il insiste également, dans un esprit systémique, sur le rôle joué par les différentes institutions cinématographiques. La conséquence majeure de cette approche en termes d'institutions est que « le fonctionnement filmique dominant (production de l'effet fiction, positionnement du Destinataire sur le mode de croyance) n'apparaît plus que comme un fonctionnement parmi bien d'autres. » (Odin, 1982, p.687)34(*).

Les grandes caractéristiques de l'approche sémio-pragmatique sont donc notamment le pragmatisme, le systémisme et la pluridisciplinarité.« La sémio-pragmatique sera pluri-disciplinaire ou ne sera pas » (Odin, 1982, p.689).

Plus que dans toutes les autres approches précédentes, la sémio-pragmatique s'est construite sur des apports multiples et notamment sur ceux des théories de la communication que nous développerons plus loin. Toutefois, rappelons que la pragmatique du cinéma s'intéresse aux rapports du spectateur et du cinéma. Elle étudie les diverses institutions cinématographiques et leur influence sur la façon dont les films sont perçus. Autrement dit, elle prend en compte le fait que « le spectateur n'arrive pas devant le film comme en terrain vierge : la publicité, le cadre de projection, la culture cinématographique du spectateur, sa connaissance du réalisateur, etc. » (Esquenazi, 1994, p.11). C'est pourquoi, Jean-Pierre Esquenazi distingue la pragmatique du cinéma de Roger Odin et la pragmatique du film.

V- Les apports de la pragmatique du film

La pragmatique du film étudie les relations, non pas entre le spectateur et le cinéma, mais entre le film et le spectateur et, notamment, ce qui se passe pendant la projection d'un film particulier et la façon dont ce dernier dirige la compréhension de son spectateur.

Esquenazi (1994) se place dans cette perspective lorsqu'il défend les quatre thèses suivantes :

- Les liens entre spectateur et film se nouent autour du mouvement. Le mouvement offre au spectateur une localisation dans le film, à lui de l'accepter ou non.

- Si le mouvement prend sens, c'est qu'il constitue des lieux de perception, appelés espaces-temps, qui sont construits par le film.

- Le spectateur participe au film de deux façons : il entre dans le film, le voit, et il se voit dans le film, le comprend à l'intérieur de son esprit.

- Le sens du film doit être envisagé comme la série des structures de sens qui apparaissent successivement au spectateur. Le film fonctionne comme une mémoire en formation, ce que Esquenazi appelle un individu mémoriel qui organise la série des interprétations et des attentes du spectateur vis-à-vis du film.

Dans son ouvrage, Film, Perception et Mémoire, Esquenazi étudie l'action effective du film sur le spectateur mais aussi, ce qui le rapproche de l'école de Palo Alto, de l'action effective du spectateur sur le film : « il nous semble que le film produit comme sens naît des associations effectuées par le spectateur pendant la projection, et que le film, comme discours cohérent, isolé de sa réception, n'existe pas » (Esquenazi, 1996, p. 12)

Nous retiendrons également que, selon lui, le problème de la perception-mémorisation-compréhension est essentiel lors du visionnage d'un film parce que le spectateur est sans cesse confronté à des images neuves et qu'il doit situer ces images vis-à-vis des anciennes.

Ce processus qui conduit le spectateur à la compréhension exige de lui qu'il mémorise les événements du film ainsi qu'une aisance et des efforts pour circuler entre les événements mémorisés.

Les deux pragmatiques, celle du cinéma d'Odin et celle du film d'Esquenazi, rejoignent l'approche communicationnelle typique en sciences de l'information et de la communication (Mucchielli, 2001).

VI- Les apports des recherches sur la communication

Nous ne reviendrons pas sur la théorie de l'information de Shannon et Weaver35(*), ni sur le schéma classique de Laswell36(*) dont les modèles sont qualifiés de mécanistes et ont suscité des réactions, donc des évolutions, comme celles de l'Ecole de Palo Alto aux Etats-Unis.

Nous ne présenterons que le modèle de Sol Worth qui a largement contribué à la naissance du modèle de la sémio-pragmatique de Roger Odin. Selon ce dernier : « le modèle de Sol Worth37(*) 38(*) 39(*) a pour point de départ une constatation : le film n'a pas de sens en lui-même. Un film n'acquiert de sens que dans sa relation à un Sujet percevant. » (Odin, 1982, p.137).

A- Le modèle de Sol Worth

Sol Worth distingue deux types de relation Sujet percevant-film : la relation attributive et la relation communicative.

La relation attributive s'instaure lorsque le sujet percevant attribue un sens au film en construisant ce sens à partir d'informations extérieures au film lui-même.

Pour illustrer cette relation et la procédure d'interprétation, Sol Worth cite l'exemple d'un test de lecture de film effectué auprès de jeunes enfants. La séquence projetée montrait un médecin passant à côté d'un blessé sans lui porter secours. Certains enfants déclarèrent qu'ils aimaient ce médecin parce que c'était quelqu'un de bon qui soignait le blessé. Mais, à la relance de l'enquêteur leur demandant de justifier leurs propos, ces enfants répondirent soit que le personnage présenté sur l'écran était quelqu'un de bon parce que c'était un médecin, soit qu'ils pensaient que le médecin soignait le blessé parce que c'est ce que font habituellement les médecins.

Cet exemple montre que la relation attributive se fonde sur des stéréotypes culturels, sur la connaissance du monde des spectateurs et qu'elle peut aboutir à des significations en contradiction totale avec les actions montrées à l'écran. L'attribution peut également se fonder sur les obsessions et les fantasmes personnels du Sujet percevant.

Odin en conclut que « le sujet qui aborde un film suivant cette stratégie peut « joyeusement extraire » de ce film n'importe quelle signification. » (Odin, 1982, p.138)

Schéma du fonctionnement de la stratégie attributive

(D'après Worth et Odin)

Film Sens Sujet percevant

Obsessions

Fantasmes personnels

Stéréotypes culturels

Connaissance du monde

La relation communicative s'instaure, quant à elle, lorsque le Sujet-percevant construit le sens du film à partir des informations qui lui sont fournies par les images projetées. Dans ce cas, la séquence de film projetée à un public de jeunes enfants pourrait être interprétée comme la représentation de ce qu'est un médecin inhumain. Et de fait, les remarques des enfants qui abordaient cette séquence, dans une perspective communicative, furent significatives à cet égard : « s'ils avaient voulu que je pense que le docteur lui venait en aide, ils auraient montré un plan du docteur avec un stéthoscope ou en train de l'aider. » La stratégie communicative implique que le spectateur construise à partir des éléments qu'il repère dans le film une structure susceptible de conduire à une signification. (Odin, 1982, p.140)

Schéma du fonctionnement de la stratégie communicative

(D'après Worth et Odin)

Modèle de réalité

Recherche et construction d'une structure

FILM Assumption of

Intention ou

Conviction du spectateur et

croyance en

l'existence d'une

signification dans

le film

Structure Signification Sujet percevant

Contexte socio-culturel

Dans le schéma idéal, donc en réalité exceptionnel : « processus d'encodage et processus de décodage sont symétriques : le spectateur perçoit les éléments du film, les transforme en signes, les articule en une structure homologue construit par le réalisateur et en infère une signification qui n'est autre que ce que l'auteur voulait communiquer. » (Odin, 1982, p.143).

Lorsque l'adéquation entre le réalisateur et le spectateur s'établit, la communication est dite réussie. Le schéma rappelle donc le modèle du code, que nous avons précédemment décrit, qui fonde la compréhension mutuelle sur le partage du code, les interlocuteurs associant à des signifiants donnés les mêmes signifiés. La compréhension est mutuelle, en effet, lorsque le film traduit bien l'intention du réalisateur et que l'interprétation du spectateur lui correspond, c'est-à-dire quand le réalisateur et le spectateur coconstruisent une même réalité à partir de signes. (Le Boeuf, 2000, p.44). Toutefois, pour Sol Worth40(*), cette parfaite adéquation ne saurait être qu'exceptionnelle, voire à exclure totalement.

Par ailleurs, comme le fait remarquer Roger Odin, il est plus que probable que plusieurs sujets percevants ont toutes les chances d'aboutir à la construction de sens différents. « L'un va voir dans Le Désert Rouge41(*) d'Antonioni l'histoire d'un cas de folie , l'autre l'exposé d'un problème social, un autre s'intéressera au travail de la couleur, ou au jeu de tel ou tel acteur. » (Odin, 1982, p.145)

Certains reprocheront au modèle de Worth d'être encore trop linéaire, de s'appuyer implicitement sur les couples Destinateur-Destinaire ou Emetteur-Récepteur et Production-Réception. Pour éviter cette critique, Odin suggérera, dans sa thèse, une nouvelle terminologie en proposant de parler d'espace de la réalisation et d'actant42(*) réalisateur, ainsi que d'espace de la lecture et d'actant lecteur, espérant ainsi faire comprendre que la production de sens est pas uniquement du côté du Destinateur et que le Destinataire ne se contente pas de recevoir un message déjà construit.

Il veut imposer ainsi la thèse selon laquelle la production de sens est « un calcul opérant par un va et vient incessant entre les déterminations externes (rôle des stéréotypes culturels, des modèles de réalité...) et les déterminations internes (ce qui apparaît sur l'écran, des contraintes issues du film lui-même) » (Odin, 1982, p.155). Toutefois, cette idée forte selon laquelle des va et vient, des échanges s'établissent entre les actants peut paraître abandonnée lorsqu'Odin décrit ce calcul comme une série élémentaire d'opérations dont la linéarité nous a surpris. 43(*) L'école de Palo Alto lève sur ce point toute ambiguïté.

B- Les apports de l'approche relationnelle de la communication

L'école de Palo Alto réfute la linéarité du processus de communication des modèles précédents. « Toute communication ne se borne pas à transmettre de l'information, mais induit en même temps un comportement » (Watzlawick, 1972, p.49). Elle défend l'idée que toute communication est un ensemble d'actions, de réactions, d'interactions, de rétroactions et qu'elle comporte, en plus d'un contenu (l'information transmise), une relation. « Tout comportement a la valeur d'un message, c'est-à-dire qu'il est une communication » (Watzlawick, 1972, p.47).

Cet intérêt pour l'aspect relationnel de la communication a poussé les chercheurs d'une part à définir précisément ce qu'est une situation de communication, d'autre part à prendre en considération les éléments extra-linguistiques, les manifestations non verbales : posture, mimique, gestuelle, intonation, qualité vocale, etc. Eléments qui dans un film sont souvent, parce que non cinématographiques, non spécifiques, peu pris en considération alors qu'ils ont une part importante dans la production du sens.

La situation de communication est le cadre dans lequel les signes construits par les individus en relation prennent sens. Elle est notamment définie par une dimension temporelle et une dimension spatiale. A un moment donné et dans un lieu précis, la situation de communication comprend des acteurs, des objets, des circonstances, etc. Elle est complexe parce qu'elle est composée « d'un tissu d'événements, actions, interactions, rétroactions, déterminations, aléas » (Morin, 1990, p.21).

Le Boeuf, Drouallière et Rivière (2000, p.54) donnent un exemple de complexité d'une situation de communication cinématographique : « Dans Vera Cruz44(*), R. Aldrich attire l'attention des spectateurs par la répétition formelle de certains effets : cadrage sous arche, personnage au second plan, présence ou absence de sons naturels. Il nous dit en quelque sorte : l'ensemble des images assemblées veut dire plus que la succession des plans que vous regardez (on retrouve ici le potentiel signifiant). Mais, ce qu'il ne peut pas maîtriser, c'est la dynamique du système : le film n'est qu'une partie du tout, il est diffusé dans un ciné-club ou dans un mégastore, le son est trop aigu ou trop faible, les spectateurs sont captivés ou consomment des corn-flakes, ils génèrent des interactions, etc. ». Ces auteurs en concluent qu'il existe une différence entre le sens du film préparé par le réalisateur et le sens construit par les récepteurs dans une situation de communication déterminée : « La complexité de la situation de communication tient au lieu et à l'heure , à la durée de la file d'attente, aux contacts avec les autres clients, à la présence distractive d'un funambule, à l'accueil de la caissière, aux échanges avec les voisins pendant la projection, aux manifestations collectives de la salle lors de certaines séquences, au confort des fauteuils, à l'odeur de la salle, aux films vus la semaine précédente, etc. » (Le Boeuf et al., 2000, p.54).

C- L'approche constructiviste du film

Cette complexité fut appréhendée par le constructivisme qui reconnaît que le monde est un construit social, que les acteurs en situation construisent le sens des choses et des événements par leurs propres représentations mentales et leurs interactions. Autrement dit, un spectateur va construire le sens d'un film, ou d'un extrait de film, en fonction de ses expériences. Le sens du film ne s'impose pas à lui. Il le construit.

Certains y verront, comme Bordwell et Thompson (2000, p.116) les apports de la psychologie gestaltiste : « Cette théorie a fait des tenants de la Gestalt (R.Arnheim, H. Münsterberg) les défenseurs de l'idée selon laquelle la forme filmique fait travailler le spectateur».

Ainsi, le spectateur ne se contente pas, pour donner du sens à un récit, d'interpréter les éléments que le réalisateur lui montre. Il recrée, par inférences, des faits, des événements qui ne lui sont pas présentés dans le film. Cette double activité spectatorielle repose sur la différence que font certains auteurs entre une histoire et un récit. L'histoire est la somme de tous les faits présentés explicitement dans le film ou déduits par le spectateur. Le récit désigne les éléments présentés de l'histoire et les éléments extradiégétiques (sons et images) qui vont influer sur la compréhension de l'histoire. Le récit peut, en effet, contrairement à l'histoire, contenir des éléments qui ne participent pas à la diégèse, ce pseudo monde raconté dans le film, par exemple une musique ou un commentaire venant d'une source extérieure à ce pseudo espace.

Différence entre Histoire et Récit45(*)

(D'après Bordwell et Thompson, 2000)

Evénements déduits

HISTOIRE

RECIT

Evénements représentés

Eléments extradiégétiques

« Du point de vue du sujet percevant (...) tout ce qui se présente à lui, c'est le récit, le film tel qu'il est lui donné à voir. Il crée l'histoire à partir des informations fournies par le récit. (...) » (Bordwell et Thompson, 2000, p.122).

Il est intéressant de noter que cette idée d'une « double création » fut décrite dans les années 20 par le formaliste russe Boris Eikhenbaum sous le nom de : processus de discours intérieur. Bien que parfois identifié à la pensée (Albéra, 1996, p.236), le discours intérieur renvoie à la notion d'effort spécifique (au cinéma) réalisé par le spectateur : « Le spectateur doit effectuer un effort cérébral complexe quasiment absent de la pratique courante. (...) Il doit continuellement composer la chaîne de ciné-phrases, faute de quoi il ne comprendrait strictement rien. Pour certains, cet effort cérébral est d'ailleurs difficile, fatiguant, inhabituel et déplaisant » (Eikhenbaum, Problèmes de ciné-stylistique, in Albéra, p.44-45).

Dans un précédent article intitulé « Littérature et cinéma », publié en 1926, Eikhenbaum46(*) insistait davantage encore sur le fait que la perception et la compréhension d'un film sont liées à la formation de ce discours intérieur qui relie entre eux les cadres isolés, autrement dit à un montage mental effectué par le spectateur à la vue des plans montés par le cinéaste : « Le spectateur ne se contente pas de regarder attentivement chaque nouveau cadre pris séparément, il le confronte avec le précédent et le suivant. Le sens de chaque cadre dépend en grande partie de son lien avec ses voisins. Un même cadre peut avoir différentes nuances de sens selon ses rapports avec les autres. A charge pour le spectateur de deviner ce sens selon ses rapports avec les autres»47(*).

Plusieurs décennies avant les modèles de Sol Worth, de Palo Alto et le constructivisme, Eikhenbaum concluait donc en l'importance d'une compréhension mutuelle passant par la connaissance réciproque des processus de construction de sens par le spectateur et le réalisateur : « Une des préoccupations essentielles du réalisateur est de faire en sorte que le cadre (au sens de plan et cadrage) « parvienne » au spectateur, c'est-à-dire qu'il devine le sens de l'épisode ou, en d'autres termes, qu'il le traduise dans le langage de son discours intérieur. Ce discours entre ainsi en ligne de compte dans la construction même du film ».

Il insistait sur ce double travail de montage et de construction : « A charge pour le spectateur de deviner le sens, de mettre en rapport les cadres, et pour le réalisateur de concevoir le montage de façon que ces rapports et les sens qu'ils engendrent (tantôt littéraux, tantôt métaphoriques) « passent ». (in Albéra, 1996, p.206)

Toutefois, il est possible d'aller plus loin encore grâce à l'approche semio-contextuelle en dépassant les aspects purement narratifs et montagistes, en s'intéressant non pas à un seul acteur, ni même à deux (le réalisateur et le spectateur) mais à tous les acteurs d'une situation de communication dont on peut faire varier le cadrage. Ainsi, le réalisateur mais aussi le propriétaire de la salle de cinéma, le diffuseur, etc. peuvent vouloir agir sur la situation de communication afin d'influencer le sens.

D- L'approche sémio-contextuelle

De nombreuses recherches ont montré l'importance de la contextualisation dans la genèse du sens des communications. Comme le rappellent Mucchielli, Corbalan et Ferrandez48(*) (1998, pp.15-16) : d'une part, « le sens d'une parole dépend des conditions dans lesquelles elle est prononcée », d'autre part « le sens n'est pas séparable des conditions de sa production ».

Autrement dit : « Le sens est un « construit », une émergence. Ce n'est pas un effet déterminé par des causes, c'est une résultante provisoire de significations prises par les « productions » faites dans des contextes. » (Corbalan, 2003).

Les recherches en sciences de la communication ont explicité les différents contextes d'une situation. Toute situation est constituée de sept contextes, tous ces concepts étant présents en même temps et enchevêtrés entre eux (Mucchielli, 2001, p.128).

Les contextes qu'il faut considérer sont :

- le contexte spatial (ce qui est dit prend un sens par rapport à la disposition du lieu et à ses contraintes s'imposant à tous) ;

- le contexte physique et sensoriel (ce qui est dit prend un sens par rapport à l'ensemble des éléments sensoriels qui arrivent aux différents sens : vue, ouïe, odorat, toucher, goût) ;

- le contexte temporel (ce qui est dit à tel moment prend un sens par rapport à ce qui s'est dit avant) ;

- le contexte des positions respectives des acteurs (ce qui est dit prend un sens par rapport aux positionnements des acteurs entre eux) ;

- le contexte relationnel social immédiat (ce qui est dit prend un sens par rapport à la qualité de la relation entre les acteurs et prend un sens dans l'ensemble du système interactionnel créé) ;

- le contexte culturel ou subculturel de référence aux normes et règles collectivement partagées (ce qui est dit prend un sens par rapport à ces normes appelées ou construites au cours des échanges) ;

- le contexte expressif des identités des acteurs (ce qui est dit prend un sens par rapport à ce que l'on sait ou à ce qui est affiché des intentions et des enjeux des acteurs en présence). »

Le sens global de l'action est une résultante de significations prises par l'action de communication faite dans ces contextes. Autrement dit, en intervenant sur ces différents contextes, les acteurs vont transformer les contextes et ainsi vont participer à la construction du sens. Ce travail sur un contexte, cette transformation qui ajoute de la valeur est appelé un processus. « La communication est alors un processus qui travaille ces différents contextes, c'est-à-dire qu'elle fait apparaître/disparaître des objets cognitifs dans ces contextes. En définitive, la situation change donc et des phénomènes émergents de sens apparaissent » (Mucchielli, 2001, p.129).

1. Les processus de contextualisation spatiale

Un travail ou une action sur le contexte spatial est un processus de contextualisation spatiale.

Il est particulièrement important dans le domaine cinématographique et peut s'effectuer à plusieurs niveaux, selon plusieurs cadrages, notamment : - à celui des spectateurs et de la salle de cinéma, par exemple, cette dernière est-elle en centre-ville ou dans un complexe multisalles dans un centre commercial ou encore dans un quartier très particulier (Pigalle, par exemple), la salle est-elle spécialisée dans tel ou tel genre de films ? La salle est-elle éloignée du domicile des spectateurs, d'une station de transport en commun, propose-t-elle à ses clients un parking gratuit ?, etc . ; - à celui du spectateur et des autres spectateurs, ainsi la taille de la salle, la disposition spatiale de la salle, la taille de l'écran, la distance entre l'écran et la première rangée de sièges, seront porteurs de sens, etc. ; - à celui du spectateur et le film lui-même, etc..

Louis Skorecki (2001, p.53-54) explique que les cinéphiles des années soixante se reconnaissaient non seulement par ce qu'ils fréquentaient les mêmes salles obscures49(*) mais aussi par le fait qu'ils occupaient le même espace : celui des trois ou cinq premiers rangs de la salle. Il ne s'agissait pas, selon lui, seulement de se reconnaître entre cinéphiles avancés mais de respecter un rite et, surtout, de percevoir le film d'une autre façon : « Quand on se trouve si près de l'écran (et la place ne variera pas avec la taille de l'écran, c'est une place rituelle et symbolique), il y a quelque chose qu'on ne voit pas, qu'on ne peut (ni ne veut) voir : c'est le cadre. Sans recul, on entre, on essaie d'entrer dans le film. On s'oublie, on s'y noie, on s'y vautre pour oublier ce cadre essentiel, pour devenir aveugles ».

A un autre niveau, même si l'exemple cité par Mucchielli et al. (1998, p.33) ne concerne pas uniquement la mise en scène filmique, on ne peut s'empêcher d'y songer en lisant : « Faire venir un acteur dans un lieu, disposer le lieu de telle et telle façon, contraindre (ou libérer) les postures ou les regards, contraindre la parole par des artifices techniques ou matériels, attribuer des places dans l'espace, permettre ou non tels ou tels types de mouvements ou de déplacements...sont des processus de contextualisation spatiale, participant à la mise en scène, qui interviendront ensuite sur le sens des communications que feront tel ou tel acteur dans la scène. Le metteur en scène est donc fondamentalement un communicateur, c'est-à-dire quelqu'un qui manipule des processus de communication spatiale et sensorielle pour favoriser les effets de sens qu'il attend ». Comment, en effet, ne pas songer à la mise en scène filmique, aux gestes, aux postures, à la distance entre deux comédiens, mais aussi aux décors intérieurs et extérieurs, etc. ?

En outre, dans un film, l'importance de l'espace vient du fait qu'il saute aux yeux, que le spectateur ne peut pas y échapper contrairement à un lecteur qui peut survoler ou passer les pages d'un roman pour éviter la lecture d'une description qui lui semble fastidieuse et inutile.

L'espace est porteur de signification au même titre que le temps, ces deux contextes servant toujours de contexte : « Le temps et l'espace sont, nous le savons depuis Kant, les formes a priori de notre sensibilité ». Le contexte spatial se manipule de différentes façons dans un film. « Le type d'espace dans lequel se déroule l'action d'un film en est une première caractérisation. Un espace intérieur annoncera une comédie ou un drame psychologique. Un espace extérieur et pluriel, ce sera un western ou un film d'aventure » (Roche et Taranger, 1999, p.95).

Les espaces caractéristiques du genre policier sont également bien connus depuis l'étude d'Olivier Philippe (1999) : les hôtels et postes de police, les palais de justice, les endroits troubles (bars, boîtes de nuit, clubs, bars américains, cabarets, etc.), la rue, etc.

Ceux des genres érotique et pornographique le sont également suite au recensement de Gérard Lenne (2002, p.33) qui associa à chacun des espaces possibles des personnages, des motivations et des fantasmes: « En matière d'érotisme, il n'y a pas mille schémas possibles. (...) La gamme des scénarios possibles combine un certain nombre de lieux et de décors classiques. Ce seront : - Le domicile, la maisonnée, l'ambiance domestique (villas, chambres à coucher, salles de bains, cuisines, piscines..) S'y croisent servantes et valets, maîtres et maîtresses (intérêt fétichiste du costume, de la livrée).

- L'hôtel, de préférence de luxe, bref le palace, zone neutre qui a l'intérêt de conjuguer toutes les commodités du confort et une garantie de l'anonymat, de clandestinité.

- Les moyens de transports, le plus souvent avions, parfois trains ou yachts, plus rarement paquebots (huis clos souvent de luxe). Figure incontournablement phantasmique, l'hôtesse de l'air.

- Le milieu hospitalier et médical, les hôpitaux et les cliniques (avec tout le personnel en blouse blanche : médecins, infirmières, etc.). Intérêt du problème idéal à résoudre : le problème d'érection. Personnage hyper-érotisé : l'infirmière.

- L'univers de la prostitution. (...) Mythe éternel de la courtisane, de l'experte vénale...

- Le show-biz : le cinéma, le music-hall...Cumule les avantages, le prestige du monde du spectacle et les attraits de l'érotisme.

- Le monde policier et pénitentiaire. Internement, prisons, cellules, fouilles, promiscuité, sévices... : tout ce qui convient à une thématique proche du sadomasochisme.

- Le monde du travail. Rarement l'usine, parfois le garage (surtout dans la thématique gay) ou bien la campagne (la ferme, les granges, les meules de foin), mais par-dessus tout le bureau : relations entre patrons et secrétaires, droit de cuissage, etc.

- La société sportive et vacancière. Le gymnase, la kinésithérapie et les massages. La plage, les vacances, la piscine, le farniente (avantage de la nudité facile, rapide et justifiée). Intérêt accru pour les amateurs de muscles (dimension importante dans le porno gay). »

Dans cette description de Lenne, apparaît en filigrane un principe de la théorie des processus de communication sur lequel nous reviendrons à propos d'autres genres cinématographiques : celui selon lequel la manipulation des contextes devra être effectuée dans un esprit combinatoire.

Les éléments spatiaux peuvent également faire appel à l'imagerie traditionnelle. Ainsi, Takeshi Kitano, interrogé par Ciment (2003, p.656) sur les raisons de l'utilisation dans son film Hana-Bi des stéréotypes visuels du Japon tels que les cerisiers en fleur, le Mont Fuji et les paysages enneigée, répondit : « Si je me suis servi de ces conventions pour le périple du couple, c'est qu'ils font pour la première fois un voyage ensemble. Et lorsque des gens mariés entreprennent ce genre de visite, ils choisissent généralement les lieux typiques du tourisme». Mais cette explication n'est bonne que pour les japonais. Pour un spectateur ignorant la culture japonaise, l'interprétation sera différente, sûrement moins coutumière que géographique.

2. Les processus de contextualisation physique et sensorielle

Ces modifications du contexte physique et sensoriel concernent tous les organes sensoriels : vue, ouïe, odorat, toucher et goût.

Un acteur « communique par et à travers tous ses organes sensoriels et des variations mettant en cause ce qu'il perçoit à travers ses organes des sens, ou modifiant les modalités de ses perceptions, interviennent et font changer le sens. » (Mucchielli et al., 1998, p.38).

Au cinéma, la vue et l'ouïe sont, bien sûr, les sens les plus travaillés et sollicités (nous n'y reviendrons pas : voir les analyses de la bande image et de la bande son) mais des expériences ont été réalisées dans le domaine olfactif et dans le domaine du toucher, notamment grâce à des sièges mobiles, associés ou non à des systèmes tels que IMAX ou OMIMAX (Larouche, 1992, p.257-265) qui optimisent l'image et le son.

En outre, les réalisateurs peuvent utiliser des pièges à regard que Leutrat (1988) décrit dans son ouvrage intitulé Kaléidoscope : « photographies, miroirs, effet stroboscopique, symétries, contrapposto, trompe-l'oeil, tableaux vivants, dos de femmes, etc. ».

Dans un cadre plus large, et plus simplement, le fait que des pop corn très odorants soient consommés dans la salle de cinéma contribue au sens du film, éventuellement positivement du point de vue du spectateur qui prend plaisir à déguster ses friandises préférées et négativement pour son voisin dont l'attention est détournée par l'odeur, les mouvements et le bruit engendrés par le gourmand.

3. Les processus de contextualisation temporelle

La dimension temporelle de la situation de communication est également présente dans le cinéma à plusieurs titres. Elle concerne le moment où se déroule l'action mais aussi la dynamique de la série d'actions (avant, pendant, après l'événement). Autrement dit, pour une situation cinématographique, elle intervient à au moins deux niveaux : - pour le spectateur en tant que tel, - entre les personnages du film. Dans le premier cas, le fait pour un spectateur d'aller au cinéma, le matin, dans l'après-midi, dans la soirée, à la dernière séance crée du sens. Toujours dans le premier cas, le fait d'aller dîner au restaurant avant la séance ou d'attendre la fin (faim) pour aller dîner a également son influence, etc. Dans le deuxième cas, celui de la dimension temporelle des échanges entre les personnages du film, les actions sur le temps sont également primordiales, une action se déroulant le jour n'a pas le même sens que si elle avait lieu la nuit. Les scénaristes l'ont bien compris en introduisant cette distinction Jour/Nuit voire plus précisément Aube/Crépuscule dans leur scénario. Les auteurs et

réalisateurs utilisent également cette mise en perspective temporelle pour donner une dynamique à leur récit, éventuellement en utilisant les flash-back, les ellipses, plus rarement les flash-forward, etc. Les flash-back et flash-forward sont des interventions sur le temps, sur l'ordre (chronologique ou non) des événements qui se passent. Le flash-back est un retour dans le passé tandis que le flash-forward est une incursion dans l'avenir. Ce dernier prend des formes diverses : voyance, rêves prémonitoires, voyage dans le temps, etc. « En termes savants, on parle de prolepse50(*) pour le flash-forward, d'analepse pour le flash-back. Le flash-forward est beaucoup plus rare que le flash-back, il est toutefois utilisé dans des genres cinématographiques très différents les uns des autres : policier, science-fiction, western, aventure51(*), drame psychologique, etc. Mais on peut trouver encore d'autres façons de bouleverser l'ordre chronologique. On peut raconter suivant un principe d'alternance (différentes périodes) » (Roche et Taranger, 1999, p.116).

Il existe bien d'autres moyens utilisés par les scénaristes et réalisateurs pour signifier le temps. Bien que différents, ils traduisent les relations de temps par des éléments visibles et/ou audibles. Un sens se dégage alors des communications-processus sur plusieurs contextes dont les contextes sensoriel et temporel. Il est à noter que certains moyens, contrairement au classique jour/nuit, n'ont pas de lien direct avec le temps. Ils se situent dans le domaine de l'évocation indirecte, de la connotation.

Autres exemples de moyens utilisés par les réalisateurs pour signifier le temps

(d'après Roche et Taranger, 1999, pp.129-131)

- L'apparence des personnages, notamment les vêtements : une convention très répandue veut que les acteurs changent de tenue lorsque l'on passe d'un jour à l'autre. Les costumes, coiffures et accessoires peuvent donner une idée de l'époque au cours de laquelle se passe l'action, non seulement s'il s'agit d'un film historique, mais aussi si la mode masculine et féminine a changé en quelques mois (longueur des jupes, forme des revers des vestes, etc.).

- Les décors et leurs éléments : les scènes tournées en intérieur sont éclairées artificiellement ou non pour évoquer le moment de la journée ; pour les scènes en extérieur, tout ce qui signifie un changement est utilisé : contraste entre des périodes de soleil et de pluie, les couleurs des arbres, la présence de la neige, etc. Les objets (de toutes sortes, produits de grande consommation, biens durables, voitures, autres moyens de transport, etc.), leur design et marque, utilisés par les comédiens peuvent être également être un indicateur temporel.

- L'enchaînement logique entre les actions et les dialogues : y compris des actions anodines (on voit une voiture démarrer puis, arrivée à destination, s'arrêter), des formules de politesse (bonjour vs bonsoir, etc.)

- Les cartons, intertitres temporels et autres indicateurs alphanumériques incrustés : un moyen bien connu depuis les débuts du cinéma muet avec, dans certains films, l'incrustation d'un chronomètre à compte à rebours pour augmenter le suspens.

- Les images symboles : le calendrier qui s'effeuille, l'horloge qui tourne sont devenus des lieux communs, mais une succession de quatre plans montrant un arbre qui change au cours des saisons de l'année, un accéléré très rapide d'une rue très fréquentée (jours et nuits), etc.

Ainsi, dans les films comme dans d'autres communications, ces actions sur le contexte temporel concernent le passé - souvenirs, événements marquants, déclencheurs, dans le passé proche ou lointain, personnel ou collectif - et l'avenir largement imprévisible, avec des temps, des directions, des craintes et des espoirs, des volontés et des freins, des arrêts, des ruptures, des reprises,...(Corbalan, 2003).

4. Les processus de positionnement et de structuration des relations

Le positionnement des individus les uns par rapport aux autres est très présent également dans le cinéma. Traduisant les places relatives des acteurs dans l'échange, elle peut être étudiée à plusieurs niveaux : spectateur-spectateurs, spectateur-personnel de la salle de cinéma, personnage principal du film-autres personnages, spectateur-personnages du film, etc. Elle peut également évoluer au cours du temps : entre les spectateurs, au cours de la séance de projection (par exemple, avant/après un incident technique ou une dispute dans la salle), entre les personnages du film au cours de l'histoire, etc.

Jullier (2002, p.65) montre bien que la réception d'un film n'est pas identique selon qu'elle se déroule dans la solitude, par exemple d'un salon équipé d'un home cinéma, ou sous forme d'expérience collective. « Dans une salle, au sein d'un groupe, les interactions publiques donnent un cadre de référence. Combien de fois nos yeux seraient-ils mouillés si une vague d'éclats de rire allant en s'amplifiant n'avait secoué l'assemblée incrédule de nos voisins ? ». Pour lui, les projections collectives, en salle, ont « des allures de minuscules rites d'initiation, où la victoire l'emporte à travers le regard des autres, un il est des nôtres qui ressemble parfois davantage à ce qu'autrui attend de nous qu'à ce que nous ressentirions laissés à nous-mêmes ».

Roland Barthes a ressenti lui-même cette pression groupale lors de la projection de Perceval le Gallois (Eric Rohmer,1979), un drame historique dans lequel Rohmer restitue les octosyllabes de Chrétien de Troyes et utilise le mode de représentation de l'espace de la peinture et de la sculpture des XIIème et XIIIème siècles. Roland Barthes écrit, en effet, « Les jeunes gens s'esclaffaient au spectacle des costumes et des coiffures, rires qui me faisaient mal » (Barthes, 1995, p.909).

Au-delà des ricanements, des interjections et autres exclamations, parfois au seul motif de montrer que l'on n'est pas dupe (alors que, souvent, ce n'est pas la première fois que le bruyant spectateur voit le film...), il existe, au niveau des spectateurs dans une même salle et, plus encore, aux autres niveaux, dont celui du personnage principal en relation avec les autres personnages du film, un grand nombre de moyens d'action possibles, de processus de communication participant au positionnement et de la structuration des relations.

Parmi eux, citons : «  l'évocation langagière des places (tu, on, vous, eux..) ; l'évocation langagière des places et rôles sociaux (le chef, le professeur, le préfet, le garagiste,..) ; les indices attitudinaux et paralinguistiques de définitions des places ou des rôles, donnés à travers les échanges ; les indices et marques culturelles, évoqués ou montrés, des places et des rôles des différents acteurs en présence (habits, insignes, espaces, ..) ; les postures et les attitudes évoquées ou montrées et liées culturellement à des positions ; les façons linguistiques, paralinguistiques ou comportementales de communiquer pour attribuer des positions ou évoquer des règles et des normes liées à des positions, etc. » (Mucchielli et al., 1998, pp.43-44).

Ces transformations du contexte des positions respectives des acteurs assignent des places (égalitaire/hiérarchique, consensuel/conflictuel, dominant/dominé, intime/distant) aux acteurs de la situation (spectateurs, personnages, etc.), à leurs yeux ou aux yeux des autres, et peuvent ainsi affecter le sens du message. Les films de fiction utilisent souvent ce type de rapports entre les personnages, notamment les films comiques avec un couple de personnages paradoxal, par exemple Laurel et Hardy52(*) et les « tandem » qui ont fait le succès des films de Francis Veber, La chèvre (1981), Les compères (1983), Les fugitifs (1986), etc.

5. Les procédures d'appel, de construction ou d'émergence de normes

Le contexte normatif fait référence aux codes, aux principes, aux us et coutumes, aux rituels et aux règles partagés par les acteurs. Comme l'écrit Mucchielli (1998, p.56) : « Le contexte normatif de toute communication est constamment présent si l'on veut bien considérer que l'on ne peut pas communiquer en dehors d'un minimum de référents communs sur le sens a priori des mots, des objets, des conduites et des sentiments. Parmi les processus de communication normatifs qui manipulent diversement les normes de référence, nous pouvons citer l'évocation ou l'appel à des règles ou normes existantes ici ou ailleurs. »

On retrouve là l'idée qu'un message doit être compris de la même façon par les acteurs, qu'il est nécessaire qu'il y ait une compréhension mutuelle, que les acteurs co-construisent le sens. La compréhension est mutuelle lorsque, rappelons-le, le message traduit bien l'intention de l'émetteur et que l'interprétation du récepteur lui correspond, autrement dit, lorsque les interlocuteurs co-construisent une même réalité à partir de signes (Le Boeuf et al., 2000, p.44).

Tous les codes filmiques, spécifiques ou non, les codes utilisés lors de la rédaction du scénario (code de la narrativité, code de la construction des dialogues, etc.), de la réalisation (code de la variation d'échelle de plans, code des mouvements de caméra, code des effets d'optique, code des gestes, code vestimentaire, code des décors, etc.), du montage (code du montage, code de la relation images-sons, code du synchronisme) sont autant de référents communs que les professionnels du cinéma peuvent utiliser.

Tous les métiers du cinéma ont, en effet, leur « déjà-là , ce à quoi on fait appel pour dire (faire) ce qui doit être dit (fait) et comment cela doit être dit (fait), c'est-à-dire les  allant-de-soi » (Corbalan, 2003). Les décorateurs, les chefs costumiers, les cadreurs, les bruiteurs, etc. ont les leurs. Dans chacun de ces métiers, il est important que les acteurs se comprennent, qu'ils se jugent entre eux au sein de leur propre corporation, mais il est plus important encore que les spectateurs interprètent correctement ces éléments codiques, ce qui bien entendu est moins sûr, dans la mesure où ils n'appartiennent pas « au sérail ». Ainsi, un fondu sera jugé, parce qu'il est mal placé, comme un manque de professionnalisme, un mauvais moyen de coller deux parties d'un même plan pour cacher les fautes des comédiens lors des prises de vues53(*), une erreur artistique par des spécialistes, alors qu'il passera totalement inaperçu auprès des spectateurs ordinaires qui au mieux l'interpréteront comme un saut d'images provoqué par l'appareil de projection ou comme un moyen d'évoquer la longueur du temps qui passe..

La recherche de la compréhension mutuelle passe donc par l'usage d'éléments codiques et normatifs connus par l'ensemble des acteurs. Il est alors possible soit de respecter ces normes pour que les spectateurs y voient le sens commun, soit de déroger à ces normes pour donner un sens différent au message.

Dans le domaine filmique, le non-respect des codes est souvent à l'origine d'innovations, parfois de succès commerciaux qui, par rétroaction, conduisent à nouvelle normalisation, une nouvelle codification acceptée par les professionnels et les spectateurs, donc à l'apparition d'un genre cinématographique (voir plus loin).

6. Les processus de la qualité des relations

La dimension relationnelle prend en compte les relations entre les acteurs qui se structurent au fur et à mesure de l'échange et qui évoluent par le jeu des actions, des réactions, des interactions, des rétroactions, etc. (Watzlawick, 1972). La transformation du contexte relationnel concerne donc l'ambiance, le climat relationnel, la qualité des relations (confiance/méfiance, coopération/conflit, séduction/injonction, plaisir/indifférence) qui existent entre les acteurs (Corbalan, 2003). Elle se réalise par la « manipulation des indices langagiers et paralangagiers (mots à connotations affectives, intonation,...), les diverses manifestations de sympathie et d'antipathie, des interactions valorisantes ou non, des attitudes, des gestes, des positionnements spatiaux qui ont des significations affectives culturelles ; les manières de faire, de dire, de se comporter, créatrices des ambiances relationnelles, etc. » (Mucchielli et al., 1998, p.65).

Dans le domaine filmique, ces processus sont essentiels pour créer le climat général du film, les oppositions entre les personnages, les interventions des mentors ou des personnages secondaires, les alliances, les coopérations, les compétitions, les luttes de pouvoir, les sentiments favorables ou défavorables pour tel ou tel personnage, etc.

Au-delà des relations entre les personnages du film, très dépendantes de la mise en scène, des dialogues, du jeu des comédiens et de leur talent, il faut considérer également la qualité des relations :

- entre les spectateurs dans la salle, qualité des relations qui peut varier selon les perturbations éventuelles par certains retardataires, les rires communicatifs, etc. ;

- entre les spectateurs et le personnel de la salle de cinéma qui dépend de la qualité de l'accueil, de la présence ou non d'ouvreuses pour trouver une place libre dans l'obscurité, autrement dit de la qualité des services proposés ;

- également entre les spectateurs et les comédiens qui jouent dans les films. Ainsi, un spectateur peut avoir, avant le visionnage d'un film, une relation de confiance (vs méfiance), de sympathie (vs antipathie) avec un acteur connu qui influencera le sens des premières scènes. Certains réalisateurs tirent profit de ce capital relationnel pour perturber le spectateur ; la méthode la plus simple consistant à utiliser un comédien à contre-emploi. Il est à remarquer que cette méthode concerne plutôt des acteurs comiques que quelques réalisateurs n'hésitent pas à utiliser dans des films plus graves.

Par exemple, Jean-Pierre Melville demanda à Bourvil de jouer le rôle du commissaire Mattéi, dans Le Cercle Rouge (1970). Dans Docteur Petiot (de Chalonge, 1990), Michel Serrault qui inspire plutôt la sympathie générale « défend » ce personnage monstrueux. Toutefois, malgré la bonne image du comédien, l'histoire de ce médecin qui tua de nombreux juifs qui tentaient d'échapper la Gestapo et le talent de Michel Serrault, l'image du personnage odieux prit le pas sur l'image de Zaza dans La Cage aux folles54(*).

7. Les processus d'expression identitaire

L'identité d'une personne s'exprime au travers un ensemble de variables psychosociales et de style de vie (valeurs, croyances, intérêts, activités, opinions). Parmi les processus de communication qui vont participer à l'expression de l'identité des acteurs, il y a, par exemple, «l'évocation ou l'expression d'intentions ou de projets ; l'évocation ou l'expression d'enjeux ; l'évocation ou l'expression de préférences, de valeurs ou d'intérêts ; l'évocation ou l'expression d'orientations idéologiques, philosophiques, disciplinaires ou statutaires ». (Mucchielli et al., 1998, p.72).

Le sens d'un message varie selon l'identité des interlocuteurs, de même que toute modification du contexte identitaire le modifiera. « Toutes les expressions (conduites, silences) comme les discours et les manières de se tenir des acteurs nous apportent des éléments pour dessiner le contour du système interne de l'acteur ainsi que le contour de sa vison du monde » (Mucchielli et al., 1998, p.77).

Dans le domaine cinématographique, comme dans toutes les situations de communication, cette connaissance de l'identité de l'autre qui permet de mieux comprendre ses intentions et ses projets, va influencer le sens. La façon d'être des comédiens, leur façon de parler, leur morphologie, leurs gestes et attitudes, leurs postures, leur style vestimentaire, leur coiffure et maquillages, etc. évoquent les valeurs, la vision du monde des personnages.

Ainsi, les réalisateurs ne se sont pas privés d'utiliser le « langage » des chapeaux, que Odin (1990, p.98) appelle le paradigme des couvre-chefs : « c'est ce paradigme qui donne un sens au chapeau : choisir un type de couvre-chef permet d'indiquer par opposition avec les autres types de couvre-chefs, le pays d'origine (le melon anglais vs le béret français ou le fez arabe), la classe sociale (le melon vs la casquette de l'ouvrier), le métier (le casque du pompier vs la toque du cuisinier), etc. de celui qui le porte.» Cet exemple de manipulation montre qu'une même action peut agir sur plusieurs contextes. Le chapeau peut modifier en plus du contexte identitaire, le contexte temporel (un chapeau d'une mode d'antan ou à venir), celui des positions respectives (un chapeau de gradé ou d'une certaine classe sociale) ainsi que le contexte normatif (le chapeau comme indicateur de genre, par exemple, les genres western et policier).

Par ailleurs, le sens de ces manipulations dépend également de facteurs identitaires inhérents au spectateur lui-même : sa culture, son âge, son origine sociale, sa nationalité, etc.

Jullier (2002, p.28) cite deux exemples dans son ouvrage « Qu'est-ce qu'un bon film ? » et montre que « souvent, le contexte seul permet de déduire le sens : à moins d'être un nippophile consommé, le spectateur français ne sait pas qu'un enfant japonais qui forme un O du pouce et de l'index veut dire : pouce ! à ses compagnons de jeu (et non nul ou zéro). (...) Par exemple, frère et soeur ou père et fille, dans un film classique américain, peuvent échanger un rapide baiser sur la bouche sans que son public de prédilection (américain) y trouve à redire - ce n'est pas la même chose avec un film ou un public français ».

La théorie des processus de communication formulée par Alex Mucchielli considère la communication comme un processus de transformation de la situation. Processus global qui peut se décomposer en plusieurs processus selon les sept différents contextes. Autrement dit, toute situation étant composée de sept contextes, toute communication est un processus qui « travaille » ces sept différents concepts (Mucchielli, 2001, pp.128-129).

Par ailleurs, comme nous l'avons constaté - ne serait-ce qu'en présentant les exemples cinématographiques - les processus ne fonctionnent pas indépendamment les uns des autres.

Un même élément filmique, par exemple, les vêtements d'un personnage, peut agir sur plusieurs contextes ; dans notre exemple, sur le contexte identitaire, le contexte temporel surtout s'il s'agit d'un costume d'époque, le contexte des positions respectives surtout s'il s'agit d'un habillement très typé socialement ou d'un uniforme, le contexte relationnel si les costumes révèlent des relations d'influence ou/et de pouvoir (par exemple, une femme BCBG et une femme de ménage, un général et un deuxième classe), éventuellement le contexte spatial si les vêtements indiquent leur origine géographique (par exemple, tous les acteurs sont en kilt), etc.

Comme l'écrit Alex Mucchielli, les processus « travaillent d'une manière systémique. Le sens lui-même est le résultat de processus complexes et systémiques » (Mucchielli, 1998, p.79). Par exemple, dans un road-movie comme Le Guet-Apens (Sam Peckinpah, 1972), Mad Max (George Miller, 1979) ou Telma et Louise (Ridley Scott, 1991), les transformations concernent notamment le contexte spatial et temporel, l'espace qui se modifie au fur et à mesure que le temps a une fonction structurante dans la narration.

Ainsi, les processus de contextualisation présents dans un film vont travailler en synergie afin de faire surgir un sens pour les spectateurs, comme le synthétise le tableau suivant :

Contextes et les éléments cinématographiques du processus de contextualisation

Contexte

Exemples de processus

Identitaire

- Façon d'être des acteurs,

- typage55(*), morphologie

- manière de parler,

- attitudes, gestes

- style, « look »

- habits,

- noms des personnages, etc.

évoquant les valeurs, la vision du monde des personnages.

Spatial

- Lieu de tournage : intérieur, extérieur, etc.

- Décors,

- aménagements,

- mise en scène, cadrage, travelling.

Temporel

- Evocations historiques : costumes, coiffures, objets familiers de l'époque,

- flash back, ellipse, flash forward, fondus,

- jour/nuit, éclairage,

- alternance des séquences, etc.

Des positions respectives

- Evocations langagières (tu, vous, etc.).

- Attitudes et indices paralinguistiques du statut, de la culture,

- Indices du niveau social : costumes, habitation, lieu de travail, etc.

Physique et sensoriel

- Bande image : plans, montage, etc.

- Bande son : voix, musique, etc.

Normatif

- Les modes, les usages, les normes, les coutumes, etc.

- Les genres cinématographiques,

- la « grammaire » et les codes cinématographiques,

- les rappels de films cultes

Relationnel

- Ambiance entre les personnages joués par les acteurs.

- Paroles, gestes et manières d'être à signification affective, etc.

- Intonations, mots à connotation.

- Manifestations de sympathie ou d'antipathie.

Pour faire surgir un sens cohérent, la manipulation des contextes devra être effectuée dans un esprit combinatoire.

Dans le domaine cinématographique, la fabrication d'un film étant une oeuvre collective, le travail combinatoire des contextes et la recherche d'une cohérence sont, en France, de la responsabilité du réalisateur, véritable chef d'orchestre56(*). Cela signifie qu'aucun élément filmique ne peut être a priori considéré comme plus important qu'un autre. Mais aussi, qu'un élément isolé qui casse la cohérence peut être à l'origine d'une interprétation inverse de celles des significations des autres éléments.

Les éléments cinématographiques du processus et les métiers du cinéma concernés

[ Sources : Mucchielli (2001), Chion (1990), Parillaud et Besson (2002) ]

Contexte

Exemples de processus

Métiers du cinéma concernés

Identitaire

- Façon d'être des acteurs,

- typage

- manière de parler,

- attitudes, gestes

- style, « look »

- habits,

- noms des personnages57(*),  etc.

évoquant les valeurs, la vision du monde des personnages.

- Metteur en scène

- Directeur du Casting

- Comédiens, Répétiteur

- Réalisateur, Répétiteur

- Maquilleur, Coiffeur

- Costumier, Habilleur,

- Scénariste, etc.

Spatial

- Lieu de tournage : intérieur, extérieur, etc.

- Décors,

- aménagements,

- mise en scène,

- cadrage,

- travelling.

- Réalisateur, Repéreur,

- Décorateur, Menuisiers

- Peintres en décor, Tapissiers, Staffeurs, Serruriers, Machinistes, Effets spéciaux

- Chef constructeur, Ensemblier

- Metteur en scène et son assistant

- Cadreur, Opérateur Steadycam

- Opérateur de prises de vues, opérateur cadreur technocrane, chef machiniste etc.

Temporel

- Evocations historiques : costumes, coiffures, objets familiers de l'époque,

- flash back, ellipse, flash forward, fondus,

- jour/nuit, éclairage,

- alternance des séquences, etc.

- Costumiers, Perruquiers, Accessoiristes, Maîtres d'armes, Historiens, Taneurs, Créatrices de costumes

- Chef Monteur

- Réalisateur

- Chef opérateur, Electriciens

- Réalisateur et Producteur

Des positions respectives

- Evocations langagières (tu, vous, etc.).

- Attitudes et indices paralinguistiques du statut, de la culture,

- Indices du niveau social : costumes, habitation, lieu de travail, etc.

- Scénariste, Adaptateur

- Dialoguiste

- Metteur en scène, Comédiens, Storyboarder, Doublures, Figurants, Cascadeurs, etc.

- Costumiers, Décorateurs, Accessoiristes,

- etc.

Physique et sensoriel

- Bande image : plans, montage, etc.

- Bande son : voix, musique, etc.

- Cadreur, Chef opérateur, Pointeur, Monteur

- Ingénieur du son, Perchiste, Compositeur, Arrangeur, Chef d'Orchestre, Interprètes, etc.

- Directeur de plateau, Dialoguiste de doublage, Mixeur, Bruiteur, Concepteur Son

Normatif

- Les modes, les usages, les normes, les coutumes, etc.

- Les rappels de films cultes

- Les genres cinématographiques,

- la « grammaire » et les codes cinématographiques,

- Historien et Théoricien du cinéma, Réalisateur

- Historien du cinéma

- Producteur, Affichiste, Attaché de presse, Réalisateur de la bande- annonce, Réalisateur du making of

- Tous les métiers correspondant à un code : narrativité, montage, bande image, bande son, etc.

Relationnel

- Ambiance entre les personnages joués par les acteurs.

- Paroles, gestes et manières d'être à signification affective, etc.

- Intonations, mots à connotation.

- Manifestations de sympathie ou d'antipathie.

- Metteur en scène,

- Assistant metteur en scène

- Scripte

- Conseillers techniques

- Coach

En outre, comme le souligne Mucchielli (1998, p.79), « dans le même ensemble de contextes, on sera susceptible de trouver des acteurs pour lesquels le sens émergent des contextes va être différent (cas évident, par exemple, dans la communication dite « interculturelle » avec le contexte des normes culturelles qui est différent pour des acteurs de cultures différentes)». Les spectateurs ne sont pas passifs et ne constituent pas un ensemble homogène qui partage les mêmes valeurs et qui aurait une lecture unique et universelle. « 

Les spectateurs français, hongkongais et américains ne se retrouvent sans doute pas de la même manière dans un western ou un film d'arts martiaux » (Moine, 2002, p.77).

C'est pourquoi, Alex Mucchielli insiste sur le poids des acteurs, sur leur rôle dans les processus. « Ce sont toujours les acteurs qui font appel aux normes, qui font des recadrages temporels ou relationnels, qui privilégient tel ou tel enjeu ». Et de conclure : « finalement, la théorie des processus de communication donne un poids prépondérant aux acteurs dans la construction du sens ».

Le cadrage est particulièrement important dans cette approche. Pour comprendre une situation de communication, il est en effet nécessaire d'adopter un cadrage pertinent. Ce principe fut développé par l'Ecole de Palo Alto pour laquelle le sens de la communication dépend du cadre dans lequel on la considère. Le cadrage consiste à définir le champ d'observation, à choisir en quelque sorte un point de vue, à déterminer dans le temps et l'espace, les acteurs à prendre en considération, etc.

Le cadrage d'une situation est, dans le domaine cinématographique, à ne pas confondre avec le choix de l'échelle de plan, ou plus précisément, celui de l'objectif de la caméra, de l'organisation de l'espace et des objets filmés dans le champ. Malgré le danger que constitue cette homonymie, il existe néanmoins un point commun : celui du point de vue adopté, du choix d'un éclairage particulier.

Un cadrage court se concentrera par exemple sur les échanges entre les comédiens et le spectateur dans une scène d'un film. Un cadrage plus dynamique et élargi s'intéressera aux échanges entre les spectateurs présents dans la salle et le film dans sa totalité. Plus large encore, « logique » ou « exhaustif » comme certains l'appellent, il prendra en considération non seulement ce qui se passe lors de la projection mais aussi ce qui se passe avant et après ; avant par l'intervention des acteurs du cinéma (producteur, réalisateur, comédiens, attaché de presse, responsable de la communication, etc.) ou des prescripteurs (critiques, journalistes, spectateurs faisant du bouche à oreille, etc.), après par l'influence des amis avec lesquels le spectateur a visionné le film, des discussions et des appréciations sur le film, etc.

Les exemples contextuels et de cadrage tendent à montrer que cette approche communicationnelle semble adaptée aux études sur le cinéma et, notamment, au pragmatisme de la sémiologie du cinéma. Comme l'écrit Alex Mucchielli : « l'approche de plus en plus pragmatique de Roger Odin (1983, 1986)58(*) 59(*) rejoint l'approche communicationnelle typique en sciences info-com » (Muchielli, 2001, p.45)

En outre, les différents niveaux de cadrage ne peuvent que rappeler les différences qui existent entre la pragmatique du cinéma qui s'intéresse aux rapports du spectateur et du cinéma, qui étudie les diverses institutions cinématographiques et leur influence sur la façon dont les films sont perçus (Odin) et la pragmatique du film qui étudie les relations entre le film et le spectateur et, notamment, ce qui se passe pendant la projection d'un film particulier et la façon dont ce dernier dirige la compréhension de son spectateur (Esquenazi).

Les différents cadrages et leur imbrication

(Sources : Esquenazi, Odin, Bordwell, Besson, Creton, etc.)

Cadrage technique : choix de l'échelle de plan

Film

Cadrage de

la pragmatique Etude des relations film/spectateur

du film

Cadrage de Spectateur

la Etude des rapports cinéma/spectateurs

pragmatique

du cinéma

Culture cinématographique du spectateur, etc.

Institutions cinématographiques : producteurs, distributeurs, exploitants, organisations professionnelles, etc

Comme nous l'avons déjà dit précédemment, notre propre cadrage, dans une optique communicationnelle, se situe entre celui de la pragmatique du cinéma, très large, et celui de la pragmatique du film, afin de tenir compte notamment de la culture cinématographique du spectateur et des pratiques professionnelles en matière de réalisation de films de fiction.

C'est pourquoi, dans le chapitre suivant, nous allons étudier d'une part les effets du cinéma sur les spectateurs, d'autre part les influences réciproques de la culture cinématographique sur le spectateur, le film qu'il visionne et le cinéma. Puis, dans les autres chapitres de cette première partie, nous décrirons le langage cinématographique, sa grammaire, ses codes et conventions plus ou moins respectés par les cinéastes et plus ou moins connus et compris par les spectateurs

Chapitre 2 : Une approche historique et théorique des effets sur les spectateurs

Le cinéma a une influence certaine sur les spectateurs. Les réalisateurs depuis l'origine en eurent conscience comme les spécialistes de la propagande politique et les publicitaires60(*) : « Toutes les études démontrent que, de tous les médias, c'est le cinéma qui a le meilleur impact pour les deux raisons suivantes : - la richesse sensorielle du grand écran, de la qualité de l'image et de la plénitude du son ; - la grande disponibilité de l'audience » (Lendrevie, de Baynast, 2004, p.282).

Dans ce chapitre, nous étudierons, en suivant dans un premier temps une trame historique, les effets escomptés, les objectifs poursuivis par certains acteurs du système Cinéma : les financeurs qu'ils soient chefs d'état, producteurs de cinéma ou représentants d'une corporation, d'une industrie militaire ou autre, les représentants d'un certain ordre moral, etc. Puis, nous analyserons d'une manière plus théorique les raisons invoquées de l'influence du cinéma sur les spectateurs.

I- La perception primitive et le behaviorisme

Il est certain que les premiers spectateurs eurent, à l'égard des films qui leur étaient proposés, des attitudes bien éloignées de celles que nous avons à l'heure actuelle.

Les deux années qui suivirent la fameuse séance du 10 juin 1895 sont si caractéristiques que certains n'hésitent pas à les appeler le temps de la perception primitive.

Jacques Rittaud-Hutinet (1985, p.214-220) a étudié cette période au cours de laquelle

l'image suscita chez le spectateur « un moment d'éblouissement, voire de fascination, où celui-ci parut, au sens le plus fort, subir l'illusion des images animées ». L'émotion la plus intense, à ses yeux, est celle dont résulta la peur.61(*)

Il s'étonne que « le spectateur non seulement croit - même une fraction de seconde - en l'existence de ce qui n'existe plus, mais il croit aussi avoir vu ce qui n'existe pas : la couleur, les dimensions réelles ...Tout se passe comme si le spectateur, dans ce temps primitif, complétait inconsciemment ce qui manquait à l'image pour être plus réaliste encore, en un mot le reconstituait. » 

Comment expliquer ces premières expériences de perception des images animées ?

Certains auteurs y voient une application du modèle béhavioriste62(*) qui considère les comportements des individus comme des réactions aux stimuli (Grawitz, 2001, p.215) et prend en compte le phénomène d'apprentissage.

De nombreux auteurs considèrent, en effet, que n'ayant en lui aucun souvenir d'un phénomène identique antérieur, les sens du spectateur sont perturbés. « Ce mouvement parfaitement reproduit, ne trouve dans son passé aucune référence lui permettant de l'accrocher à une expérience, à une signification, à un langage. Il se trouve donc dans l'incapacité absolue d'identifier le caractère illusoire de ce qu'il perçoit. Jusque-là, pour lui, le mouvement des objets et des êtres, la durée du mouvement, avaient été entièrement et exclusivement engagés dans le présent d'un ici-et-maintenant irréversible. » (Rittaud-Hutinet, 1985, p.215)63(*). Rittaud-Hutinet y voit alors un phénomène qui « à très peu près, entre dans la définition des processus hallucinatoires. 64(*)

Pour illustrer sa thèse, il cite l'un des opérateurs des frères Lumière, Mesguich66(*) qui décrit des phénomènes de ce type à la Foire de Nijni-Novgorod : « la Vierge noire de Kazan, le Tsar, les popes, les icônes s'agrandissaient miraculeusement sur l'écran ». Et les spectateurs, dans la Russie paysanne très pieuse de cette fin de XIXème siècle, en conçurent une profonde et sainte terreur. Les opérateurs, ne situant pas leur « représentation » dans un cadre liturgique furent donc suspectés de pratiques magiques et s'attirèrent ces cris venus d'un autre âge de « au feu la sorcellerie ! ». Des groupes menaçants se formèrent et les opérateurs durent regagner leur hôtel sous la protection de la police, tandis que des fanatiques « arrosaient de pétrole la bâtisse qui servait de cinéma et y mirent le feu ».

Pour atténuer les risques de toute nature, « les risques de l'émerveillement, du paroxysme émotionnel, (....) de cette attraction vertigineuse, de ce « mysterium fascinans » qui marque l'émergence d'un sacré », les opérateurs de Lumière vont organiser un apprentissage, en informant les spectateurs, avant la séance, de ce qui sépare la réalité de ce qu'ils nommèrent l'illusion. Ainsi, un autre opérateur des frères Lumière, Francis Doublier nous a appris que les directeurs venaient avant chaque spectacle informer le public de l'irréalité de ce qu'il allait voir. Aux Etats-Unis et dans quelques autres pays, les opérateurs demandaient aux spectateurs de passer derrière l'écran...

II- Les influences recherchées

Le cinéma fut tour à tour considéré plutôt comme une invention, un spectacle, un loisir, un art, un commerce, avant d'être envisagé sous un angle culturel. A partir des années 20, de nombreux débats furent organisés sur le thème du caractère culturel du cinéma. En 1926, le formaliste russe, Boris Eikhenbaum67(*) écrivait : « C'est l'éternelle question : culture ou commerce ? Au cinéma, cette question prend une importance particulière parce que le cinéma est une affaire industrielle, « économique ». Néanmoins, il ne cesse pas pour autant d'être une affaire culturelle ». Ce à quoi, Boris Filippov68(*) répondit, semble-t-il choqué de cette approche peu orthodoxe en URSS : « la culture cinématographique soviétique n'est pas la culture cinématographique « en général » ; elle doit à toutes ses étapes répondre aux objectifs de l'éducation des masses, et non être l'apanage d'un petit public raffiné. »

De ce débat sur le caractère culturel et éducatif du cinéma ressort une autre question fondamentale : le cinéma peut-il devenir un outil dangereux ?

C'est une question que se sont posés de nombreux auteurs inquiets que l'école behavioriste ait directement inspiré les théoriciens de la propagande politique comme Serge Tchakhotine, disciple de Pavlov, qui publia en 1939, Le viol des foules par la propagande politique69(*).

Formulée autrement, cette question subsiste de nos jours. Certains s'interrogent sur le fait de savoir si le cinéma peut agir sur le public, le manipuler, éventuellement idéologiquement, et si donc il pourrait servir à certains à contrôler l'univers (Liandrat-Guigues et Leutrat, 2001, p.34).

Les réalisateurs ont donc très vite pris conscience de l'influence du cinéma sur les spectateurs. Eisenstein écrit : « Nous avons découvert comment forcer le spectateur à penser dans une certaine direction. En montrant nos films dans un sens scientifiquement calculé pour créer une impression donnée sur le public, nous avons développé une arme puissante pour la propagation des idées sur lesquelles est fondé notre nouvel ordre social ». Pour sa part, Alfred Hitchcock parle régulièrement de contrôle du spectateur et de son désir de « diriger le spectateur »70(*) . En 1956, Ingmar Bergman déclare : « Selon moi, nous autres qui faisons des films, nous n'utilisons qu'une partie minuscule d'un pouvoir effrayant - nous ne faisons mouvoir que le petit doigt d'un géant, d'un géant qui est loin d'être sans danger ».71(*)

Toutefois, les possibilités de manipulation offertes par le cinéma ne doivent pas faire conclure que le cinéma est par nature manipulateur. Comme l'a fait remarquer Christian Metz, rien autre que l'intention du cinéaste ne lie l'entreprise filmique à l'esprit manipulateur. Les motivations qui conduisent à utiliser le cinéma comme moyen d'influence sont nombreuses.

Nous les présentons dans l'annexe III intitulée « Une analyse historique des utilisations du cinéma dans un esprit manipulateur72(*) ».

III- Les raisons invoquées de l'influence du cinéma sur le spectateur

Le pouvoir politique ne pouvait qu'être attiré par un média, le cinéma, qui est associé à des mots forts tels que « fascination », « drogue », « torpeur », « hypnose », « abrutissement », etc. (Liandrat-Guigues et Leutrat, 2001, p 34-35 )73(*) et bien d'autres encore suggérant la manipulation des esprits, le viol des consciences, etc.

Le pouvoir de fascination du cinéma est un sujet récurrent abordé par un grand nombre d'auteurs, théoriciens, cinéastes, critiques, pédagogues, etc.

A- La puissance de l'image et la passivité du spectateur

Selon Pecha (2000, p.8), le cinéma fascine pour deux raisons majeures : la puissance de l'image, si captivante, si facile à suivre, et la passivité des spectateurs - le fait d'être assis dans une salle plongée dans l'obscurité. Nous retrouvons là, dites autrement, les constations des spécialistes de la publicité qui considèrent que le cinéma est, de tous les médias (publicitaires), celui qui a le meilleur impact74(*) (Lendrevie et de Baynast, 2004).

Plus que de la passivité des spectateurs, certains auteurs, sans doute agacés par ce procès d'intention, parlent de paresse : « L'hypnose filmique dont on nous rabat les oreilles ne le doit qu'à la paresse possible du spectateur » (Mitry, 2001, p.285).

Toutefois, cette paresse n'est-elle pas due à une éducation reçue par les spectateurs et donnée par les cinéastes eux-mêmes ? Plusieurs auteurs, dont Paul Warren (1995, dir.), considèrent, en effet, que ce sont les cinéastes américains qui ont créé et développé jusqu'à sa perfection « le système-cinéma », à savoir l'attelage écran lumineux/salle obscure.

Selon eux, l'objectif que s'est fixé Hollywood depuis le début du XXème siècle est de souder la salle, le public à l'écran par une éducation du regard, un véritable « dressage de l'oeil du spectateur ».

A relire les écrits et les témoignages des frères Lumière et de leurs opérateurs, de Méliès, d'Eisenstein et, même, de Gorki75(*), la paternité de ce phénomène semble largement partagée. Gorki décrit, dans un article écrit après sa première expérience cinématographique, d'une part la soumission du spectateur à l'illusion des images animées, « un train occupe l'écran, il fonce droit sur nous - attention, on dirait qu'il veut se précipiter dans l'obscurité où nous sommes », d'autre part le pouvoir hypnotique de ces premières images, « cela fait défaillir le coeur. On oublie qui l'on est. Des idées étranges envahissent les esprits. On est de moins en moins conscient », enfin l'identification à la mort : « « C'est terrible à voir ce mouvement d'ombres, rien que d'ombres, ces spectres, ces fantômes ; on pense aux légendes où quelque mauvais génie fait saisir une ville par un sommeil perpétuel » (in Rittaud-Hutinet, 1985, p.1219-220).

Rittaud-Hutinet remarque avec pertinence que selon les observateurs, le cinéma est soit le mouvement pris sur le vif autrement dit la vie, soit à l'inverse une vision spectrale que son irréalité rend terrifiante : « Dans tous les cas, qu'on l'identifie à la vie ou à la mort, qu'on s'en méfie ou qu'on s'en émerveille, (...), l'image animée n'épargne à personne ses effets hallucinatoires. » (Rittaud-Hutinet, 1985, p.220)

Certains auteurs, quoique d'autres n'hésitent pas à les contredire, vont jusqu'à comparer le spectacle cinématographique à l'allégorie de la caverne de Platon76(*) (Château, 2003, p.33-43).

L'immobilité forcée des prisonniers est celle des spectateurs dans la salle obscure. Elle provoque leur incrédulité et les place dans un état de confusion qui leur fait prendre des images, des « ombres que le feu fait se projeter sur la paroi de la caverne », pour du réel.

Les caractéristiques de la projection cinématographique - l'obscurité, le silence, le corps au repos, l'inhibition de la motricité, l'isolement, l'attention attirée vers une surface lumineuse, etc. - plongent le spectateur dans une sorte d'engourdissement, un état proche du rêve duquel les spectateurs sortent à la fin du film, suite à un éblouissement, « brutalement rejetés par le ventre noir de la salle dans la lumière vive et méchante du hall, avec parfois le visage ahuri (heureux ou malheureux ) de ceux qui se réveillent » (Metz, 2002, p.143), « un sommeil éveillé »77(*) (Metz, 2002, p.142), un état de conscience modifié, «quasi-hypnotique, dans un stade psychologique régressif, sans moyen de défense face au message filmique. Tels les prisonniers de la caverne, les spectateurs sont conditionnés mais à la différence des prisonniers, ils ne doivent pas se sentir attachés » (De Voghelaer, 2001, p.64-65).

Comme le suggère Metz, le film captive le spectateur au point qu'à la fin de la projection, lorsque les lumières se rallument, il est dans un état semblable à celui du réveil, de reprise de contact avec soi et avec le monde. Esquenazi explique ce phénomène non pas par la passivité mais par le mouvement, la rapidité du défilement des images qui oblige au contraire le spectateur à un effort, un travail mémoriel : « ce travail nécessaire s'effectue à une vitesse réglée par le film, vitesse à laquelle, dans des circonstances normales, la vie quotidienne ne nous habitue pas (...) Cette rapidité que nous demande le film peut expliquer un phénomène fréquent qui est la perte des coordonnées temporelles habituelles durant la projection » (Esquenazi, 1994, p.49). Il rejoint en cela Gilbert Cohen-Séat78(*) et se rapproche d'auteurs tels que Bazin, Azel et même Eisenstein, pour qui le spectateur échappe aux structures spatiales et temporelles dans lequel il est. Le miracle secret du cinéma serait l'intemporalité (Azel, 1994, p.34) et pour y arriver, comme le disait Eisenstein, « il faut voir par les oreilles et entendre par les yeux », ce qui nécessite « une attitude quasi religieuse »79(*).

L'emprise des images et la question de l'état du spectateur sont deux grands thèmes récurrents de la recherche sur le cinéma. Elles ont intéressé de nombreux auteurs, « en particulier ceux qui dans les années cinquante (...) formulèrent le projet de constituer une discipline, la filmologie, chargée d'expliquer, entre autres, l'emprise des images. A l'état spectatoriel furent associées les notions de participation et d'identification : participation du spectateur au déroulement du film, identification aux personnages » (Meunier et Peraya, 1993, p.137).

Ainsi, dans la Revue Internationale de filmologie, Michotte publie, dans les premières années de la décennie 50, des articles sur la participation émotionnelle du spectateur et définit l'empathie qui, selon lui, caractérise le rapport qui lie le spectateur au personnage. Les phénomènes d'empathie «se manifestent lorsque le spectateur d'une action exécutée par une autre personne, la « vit » lui-même en quelque sorte, et ne se borne pas à la comprendre d'une façon purement intellectuelle »80(*). Cette empathie s'exprime par « la correspondance entre les mouvements de l'acteur et ceux, plus ou moins semblables, qu'ils induisent chez le spectateur, de même que par la correspondance entre les expressions affectives de l'acteur et les émotions éprouvées par le spectateur, tendent à provoquer la fusion de ces processus » (Michotte, 1953).

Quant à la participation affective du spectateur au film, elle est, selon Morin (1965), la conséquence d'un processus de projection-identification : «La projection-identification (participation affective) joue sans discontinuer dans notre vie quotidienne, privée et sociale (...). Nous jouons un rôle dans la vie, non seulement pour autrui mais aussi et surtout pour nous-mêmes. Le costume (ce déguisement), le visage (ce masque), les propos (ces conventions), le sentiment de notre importance (cette comédie), entretiennent dans la vie courante ce spectacle donné à soi et aux autres, c'est-à-dire les projections-identifications imaginaires. Dans la mesure où nous identifions les images de l'écran à la vie réelle, nos projections/identifications propres à la vie réelle se mettent en mouvement »81(*).

L'adhésion ou la participation au spectacle par le spectateur que nous venons de voir au travers des notions telles que l'empathie de Michotte et la projection/identification de Morin mérite une analyse fondée sur la psychanalyse.

B- Les apports de la psychanalyse à l'étude de l'influence du cinéma

La puissance de l'image, la fascination exercée sur le spectateur par l'écran, la transformation du spectateur en voyeur souverain mis en état de sous-motricité et de sur-regard, en un individu qui boit le monde-reflet et s'y perd comme Narcisse dans l'eau ; toutes ces observations et remarques, à l'origine intuitives, ont conduit certains auteurs à avoir une réflexion psychanalytique du cinéma82(*).

Comme l'écrit André Akoun (1976, p.124) : « le cinéma et la psychanalyse sont nés ensemble, avec le XXème siècle, et il y a là une coïncidence qui mériterait d'être érigée en signe. Lorsque Freud, découvrant le secret du rêve, montre comment celui-ci est un scénario mis en images qui raconte l'histoire du désir et des interdits sur lesquels il bute, avec lesquels il ruse et que parfois il contourne masqué, n'est-ce pas de film qu'il nous parle ? Et lorsqu'il analyse des mécanismes psychiques comme la « projection », cette similitude avec le vocabulaire cinématographique n'est-elle que métaphorique ? »

La ressemblance entre le film et le rêve a, en effet, très vite suscité l'intérêt des chercheurs qui voyaient dans cette analogie un moyen d'expliquer les effets du cinéma sur le spectateur par les connaissances qu'ils avaient accumulé en étudiant les produits de l'inconscient tels que les rêves (Casetti, 2000).

Dans cet esprit, Lebovici (1949)83(*) tenta :

- de démontrer que le film est un moyen d'expression très proche de la pensée onirique,

- de prouver que le spectateur de cinéma peut être comparé au rêveur.

Selon lui, de nombreux traits communs se retrouvent dans le film et dans le rêve. Le rêve est, comme un film, un ensemble presque exclusivement visuel. « Comme dans le rêve, les images filmiques ne sont pas unies par des liens temporels, ni par des liens spatiaux solides et logiques ». « Tout comme les images oniriques, les séquences filmiques avancent sur la base de « rapports de contiguïté, d'imagination », plutôt que sur la base de « rapports logiques ». Ou encore, la présence de « grammaires », qui coïncident fondamentalement : « des procédés techniques comme les fondus enchaînés, le travelling ne sont-ils pas ceux même qu'utilise le rêveur ? ». Pour finir, le recours à un même pouvoir évocateur : comme les images des rêves, dans les images filmiques aussi « rien n'est explicite ; des images ne font souvent que suggérer. » (Casetti, 2000, p. 179)

De ces constats, Lebovici en conclut que « tous les types classiques de film offrent à leur spectateur un matériel très onirique »84(*).

La comparaison du spectateur à un rêveur ne manque pas, selon lui, de preuves :

- les conditions de projection, caractérisées par l'obscurité de la salle, par l'isolement des corps, par l'abandon psychologique, par le caractère irréel des images, sont semblables à celles qui interviennent dans le sommeil ;

- le film suscite une adhésion empathique, bien loin de la simple passivité, et proche d'un « certain état de communion relâchée » qui rappelle le rapport que le rêveur entretient avec son rêve ;

- l'état de léger étourdissement dans lequel le spectateur quitte le cinéma est « analogue au demi-sommeil du rêveur qui refuse de quitter son sommeil et se plaît à en prolonger dans une rêverie les divers épisodes » ;

- enfin, la présence de processus d'identification (qui conduisent le spectateur à entrer dans la peau de tel ou tel personnage) et de processus de projection (qui conduisent le spectateur à prêter ses propres problèmes à celui qui vit sur l'écran), et la présence donc de véritables transferts avec le spectacle filmique.

A la suite de Lebovici, bien d'autres auteurs ont fait l'analogie entre le rêve et les images cinématographiques. Le rêveur et le spectateur de cinéma ont en commun, à leurs yeux, au moins deux attitudes : le désinvestissement du réel et l'immobilité, voire le retrait de la motricité. « Or, dans la perspective psychanalytique, c'est la motricité qui est à la base de ce qu'on appelle l' « épreuve de la réalité ». Que le sujet ne dispose plus de la motricité, et c'est son sens de la réalité qui s'en trouvera considérablement amoindri. Le sujet régressera alors vers une forme primitive de rapport au réel, antérieure à la constitution du monde comme réalité extérieure au sujet. La caractéristique de ce type de rapport est que le sujet ne peut encore faire la distinction nette entre ce qui relève de l'extérieur (la réalité précisément) et ce qui relève de l'intérieur (la représentation, l'image subjective) » (Meunier et Peraya, 1993, p.126).

La régression serait facilitée par le dispositif cinématographique lui-même. Selon Baudry 85(*), « si l'on tient compte de l'obscurité de la salle, de la situation de passivité relative, de l'immobilité forcée du ciné-sujet, comme sans doute des effets inhérents à la projection d'images douées de mouvement, le dispositif cinématographique déterminerait un état régressif artificiel. Il entraînerait artificiellement le sujet dans une position antérieure de son développement (...) ».

Baudry va plus loin encore en suggérant que le spectateur a un désir de régression : « Ce serait le désir, évidemment non reconnu comme tel par le sujet, de retrouver cette position, un stade précoce de développement avec ses formes propres de satisfaction, qui pourrait être déterminant dans le désir de cinéma et le plaisir qu'il y trouve. Retour vers un narcissisme relatif, et plus encore vers une forme de relation à la réalité, qu'on pourrait définir comme enveloppante, dans laquelle les limites du corps propre et de l'extérieur ne seraient pas strictement précisées. ».

Désireux ou pas, le spectateur se met à l'écart du monde, à l'écart des réalités externes, et se laisse envelopper par les images. Il est dans un état de moindre alerte que Metz compare à celui de l'ivresse alcoolique : « le spectateur, durant la projection, se met en état de moindre alerte (il est au spectacle, rien ne peut lui arriver) ; en accomplissant l'acte social d'aller au cinéma, il est d'avance motivé à abaisser d'un cran les défenses de son Moi, à ne pas refuser ce qu'il refuserait ailleurs. (...) Ce n'est pas le seul cas où il en est ainsi (il y a aussi l'ivresse alcoolique, l'exaltation, etc.) » (Metz, 2002, p.157-158). A la différence près que les conditions ne sont pas les mêmes : situation de spectacle, présence d'une fiction matérialisée.

Il en conclut que : « Parmi les différents régimes de veille, l'état filmique est un de ceux qui dissemblent le moins du sommeil et du rêve, du sommeil avec rêve » (Metz, 2002, p.158).

Certains auteurs vont plus loin encore en affirmant que « l'écran cinématographique réactive le temps préoedipien, d'avant la différenciation du moi et du non-moi, ce stade que Jacques Lacan a appelé le « stade du miroir » parce que l'enfant s'y identifie à son image spéculaire et appréhende son moi dans le leurre, comme reflet de son reflet double de son double ; identification première qui rend possible toutes les autres. » (Akoun, 1976, p.124). C'est un miroir singulier comme l'explique Christian Metz (2002, p.65) : « le film est comme un miroir...mais...il est une chose, une seule, qui ne se reflète jamais : le corps propre du spectateur. Sur un certain emplacement, le miroir devient brusquement glace sans tain ».86(*)

D'où la distinction maintenant classique dans la littérature cinématographique entre l'identification primaire et l'identification secondaire.

C- L'identification

Avant d'être un concept cinématographique, l'identification est un processus psychologique de structuration de la personnalité qui commence avec l'imitation inconsciente et se poursuit par l'assimilation-intériorisation du modèle (Sillamy, 1983). Ainsi, un enfant constitue, selon eux, son identité par des identifications successives87(*). Au cours du premier stade, celui de l'identification primaire, c'est-à-dire jusqu'à trois ans environ, l'enfant communique avec le monde extérieur en imitant le comportement des membres de son entourage : « Il s'agit d'ailleurs moins d'une imitation à proprement parler que d'une fusion avec l'objet, d'une unité à deux ; par exemple, l'enfant qui mime son père lisant le journal n'a pas conscience de l'imiter : il est réellement son père dont il s'approprie le rôle et la puissance » (Dracoulidès in Sillamy, p.338). Freud conçoit, pour sa part, l'identification primaire comme assimilation orale à la mère (Mousseau et Moreau, 1976).

Ces notions furent reprises dans la théorie du cinéma d'inspiration psychanalytique (Baudry, Metz) qui les a, toutefois, adaptées pour ne pas dire transformées.

L'identification primaire est liée à la présence de l'écran-miroir et est indépendante du contenu narratif du film (excepté en cas de caméra subjective, voir plus loin). L'identification primaire à la caméra a lieu, lors de la projection du film sur l'écran, lorsque l'oeil du spectateur s'assimile, s'identifie, à l'objectif de la caméra, au moment du tournage.

L'identification du spectateur à tel ou tel personnage du film, voire à tel ou tel acteur, est une identification secondaire et dépend du contenu narratif du film.

Comme le rappellent Aumont et Marie (2000, p.166-173), dès les années 70, de nombreux chercheurs ont théorisé le « dispositif » cinématographique et mis en valeur le fait que, « quel que soit le film, l'ensemble des conditions de la fabrication et de la vision des films (le dispositif technique) assigne au sujet spectateur, en tant que sujet, une certaine « place », ce qui se traduit par un ensemble de dispositions psychologiques a priori (le dispositif psychique) du spectateur envers le film. » Selon eux, les deux pièces maîtresses de ce dispositif psychique, en quelque sorte résultant du dispositif technique, seraient d'une part l'identification primaire - également appelée identification à la caméra ou identification du spectateur à son propre regard - d'autre part la position de voyeuriste du spectateur.

Le dispositif technique est un facilitant de certaines conditions psychiques. Mais, il induit une situation spectatorielle en tant que telle et non un rapport particulier entre le spectateur et un film donné. Autrement dit, il ne serait pas manipulable par un cinéaste pris isolément, mais seulement par une profession, voire par une classe sociale (Château, 2003).88(*) Comment imaginer, en effet, qu'un réalisateur modifie pour son film le dispositif cinématographique composé de la salle, de l'écran et de la cabine de projection ?

Dans l'hypothèse d'une innovation technologique dans la production , celle-ci concernerait tous ceux qui, dans la profession, souhaiteraient l'utiliser.

Par déduction, l'identification secondaire du spectateur semble donc le seul niveau sur lequel un cinéaste puisse agir (Metz, 2002, p.66). Mais à ce niveau-là également les débats ne sont pas clos.

Ces identifications secondaires qui dépendent du rapport de chaque individu-spectateur à la situation fictionnelle se traduisent, chez le spectateur, par des affects, de la sympathie (vs de l'antipathie) envers les personnages qui le conduisent, par exemple, à s'identifier à tel ou tel personnage. Or, comme le font remarquer Aumont et Marie (1999, p.171) : « il n'existe aucune analyse publiée sous forme écrite qui soit centrée sur cette question - pour une raison évidente : l'identification est un phénomène subjectif, à tous les sens du mot ».

Considérant qu'une identification était nécessaire sous peine que le film devienne incompréhensible, Christian Metz a tenté, néanmoins, de répondre à sa propre interrogation : « A quoi s'identifie le spectateur durant la projection du film ? ». Selon lui, « le spectateur a l'occasion de s'identifier au personnage de la fiction ». Mais ce type d'identification ne vaut que pour les films narratifs. « Le spectateur peut aussi s'identifier à l'acteur » (Metz, 2002, p.67). Toutefois, ces deux réponses ne le satisfaisant pas, Metz en propose deux autres : « le spectateur s'identifie à lui-même, à lui-même comme pur acte de perception » (Metz, op cit, p.69) et « s'identifiant à lui-même comme regard, le spectateur ne peut faire autrement que s'identifier aussi à la caméra, qui a regardé avant lui ce qu'il regarde à présent » (Metz, op cit, p.70). Par un jeu de questions-réponses implicites, il admet l'absence de la caméra lors de la projection du film, mais la caméra auquel s'identifie le spectateur a « un représentant qui consiste en un autre appareil justement (du point de vue psychanalytique) appelé projecteur »89(*). Et Metz d'en conclure que « sans cette identification à la caméra, on ne saurait comprendre certains faits qui sont pourtant constants : comment se peut-il, par exemple, que le spectateur ne s'étonne pas lorsque l'image tourne (= panoramique) et qu'il sait pourtant bien qu'il n'a pas tourné la tête ? C'est qu'il n'a pas eu besoin de la tourner vraiment, il l'a tournée en tant que tout voyant, en tant qu'identifié au mouvement de la caméra, comme sujet transcendantal et non comme sujet empirique » (Metz, 2002, p.71).

En ce qui concerne, plus particulièrement, le film de fiction, il existe, dans la narration, des éléments qui prêtent à identification. La plupart des auteurs s'accordent pour citer les personnages et les situations dans lesquelles ils se trouvent : - les personnages, bien sûr, mais plus exactement les traits constitutifs des personnages (physique, personnalité, voix, façon de parler, de s'habiller, de se mouvoir, etc.) à condition qu'ils soient visualisés ; - et les situations ou plus précisément les événements unitaires constitutifs de la situation.

C'est donc sur ces deux niveaux que les cinéastes peuvent agir sur l'identification secondaire. Le premier niveau, celui des personnages est plus vaste qu'il n'y paraît. Il ne se limite pas aux personnages principaux, comme certains le pensent, même si, lorsque le personnage principal est joué par une star, l'identification est très fréquente (Brassart90(*), 2004).

Ainsi Edgar Morin (1965) a montré que « la force de participation du cinéma peut entraîner l'identification jusqu'aux méconnus, ignorés, haïs de la vie quotidienne : prostituées, noirs pour les blancs, blancs pour les noirs, etc. ». Autrement dit, un film peut présenter des modèles auxquels les spectateurs peuvent s'identifier et qu'ils peuvent imiter même si ces modèles sont hors normes ce que Morin (1965) exprime en comparant le cinéma au rêve : « le cinéma comme le rêve, comme l'imaginaire, réveille et révèle des identifications honteuses, secrètes »91(*).

En ce qui concerne le deuxième niveau, celui des situations, Linda Williams (1993, pp.47-74) prend l'exemple de la forme narrative des feuilletons pour femmes de la télévision américaine et cite Tania Modlevski qui a observé que leur public essentiellement féminin ne s'identifie pas au protagoniste. « La forme même du soap opera encourage l'identification avec des points de vue multiples. A un moment donné la spectatrice s'identifiera à une femme réunie avec son amant, à un autre moment aux souffrances de sa rivale. Tandis que l'effet produit par l'identification à un protagoniste unique est de donner au spectateur un sentiment de pouvoir, celui produit par l'identification multiple associée à la forme diffuse de ces feuilletons est de dépouiller la spectatrice de tout pouvoir mais d'accroître chez elle l'empathie » (Williams, 1993, p.67).

En ce qui concerne l'identification à un acteur, et cela quel que soit le film visionné, elle fut sans doute l'une des premières à être « gérée » par les studios de production dans le cadre de leur politique de « construction » de stars. Leur volonté d'estomper la distinction entre la fiction cinématographique et la réalité extracinématographique vient de là : « la star se doit d'être belle, aussi héroïque, aussi vertueuse...à la ville qu'à l'écran. D'où ce souci des studios de réglementer aussi la vie privée des stars, ou du moins les signes extérieurs de cette vie privée » (Bourget, 2002, p.132). Comme si la star à qui s'identifient certains spectateurs se devait elle-même de s'identifier à l'image qu'elle donnait à l'écran. Et, dans le cas où, elle ne correspondrait pas à cette image, ses agents lui fabriqueraient une vie92(*).

L'enjeu est important, il est avant tout économique, « des stars ont pu sauver de la faillite le studio qui les emploie » (Brassart, 2004, p.14).

Selon certains auteurs, en plus du contenu narratif du film et de la présence d'une star dans le casting, il existe d'autres façons utilisées par le réalisateur de stimuler l'identification du spectateur. C'est tout au moins l'avis d'Alfred Hitchcock qui considère qu'il suffit pour cela de diminuer la part intellectuelle et d'augmenter la part émotionnelle de l'activité du spectateur. Selon Aumont (2002, p.85), pour augmenter cette part émotionnelle, donc faciliter l'identification, Hitchcock utilisait souvent le thème du « faux coupable » qui permet plus facilement l'identification du spectateur et suscite chez lui une participation au sentiment de danger : « Hitchcock considère que le spectateur s'identifie au personnage en danger, qu'il soit le héros ou non, qu'il soit le méchant ou non (le phénomène est évidemment plus fort si le personnage en danger est sympathique ».

En outre, Aumont estime, avec Hitchcock, que le principe d'identification est l'aspect psychologique de la notion de suspense. Le suspense vise à une sorte de contamination émotionnelle, qui doit mettre le spectateur dans un état où il ne soit plus maître de ses réactions. D'où la conclusion qu'un « spectacle n'est pas fait pour être compliqué et faire réfléchir, mais pour être simple et faire participer émotionnellement (on n'est pas très loin de la catharsis aristotélicienne » (Aumont, 2002, p.86). En analysant le film Psychose d'Alfred Hitchcock, Rémi Adjiman (in Le Boeuf, 1999, p.157-165) constate que, pour le spectateur, voir celui qui voit l'action ou même qui l'imagine, dans le cas du personnage de Marion, crée une sensation plus intense que d'assister directement à la scène. « Il s'identifie au personnage et ressent la situation à sa place. Par cette maîtrise, le réalisateur opère un transfert d'angoisse sur le spectateur ».

D'autres moyens93(*), filmiques ou cinématographiques, pour stimuler l'identification du spectateur sont souvent cités dans la littérature, bien que certains soient contestés (Metz, 2002, p.76) : les angles rares, les cadrages insolites qui expriment le point de vue du cinéaste, réveillent le spectateur et imposent à son regard une certaine direction, mais aussi le champ-contrechamp ou, plus simplement, un hors-champ, dans une scène où deux personnages se regardent, se parlent parce que « tout hors-champ nous rapproche du spectateur, puisque le propre de ce dernier est d'être hors-champ. Le personnage hors-champ a donc un point commun avec lui : il regarde l'écran » (Metz, 2002, p.77).

D- Les degrés de participation-identification

Dans sa présentation des principaux apports de la psychanalyse au cinéma, Casetti (2000) cite un article de Cesare Musatti94(*) dans lequel ce dernier estime que, dans le rêve ou dans un film, « les représentations que tous deux élaborent possèdent un « caractère de réalité » particulier, qui est en fait, à la fois une copie et quelque chose de différent de la vie. Ce statut, qui caractérise aussi bien les images cinématographiques que les images oniriques, explique au moins en partie pourquoi entre films et rêves il y a une aussi grande facilité de passage de matériels : il arrive très souvent que des extraits cinématographiques finissent dans nos réélaborations nocturnes. » (Casetti, 2000, p.180).

Rêve, état de conscience modifié pour ne pas dire hypnose, identification secondaire, ces concepts apparaissent dans la littérature sur le cinéma, pour certains auteurs comme synonymes ou presque, pour d'autres au contraire comme un risque des confusions malheureuses. Jean Mitry réfute, pour sa part, l'idée selon laquelle le spectateur serait soumis à l'hypnose, à des phénomènes hypnotiques. « Malgré une analogie évidente, il me semble que le problème est à la fois plus simple et plus complexe. Jean Mitry n'accepte pas le principe, voire peut-être davantage le mot même, d'hypnose. « Il s'agit d'un fait quelque peu semblable à l'hypnose par la captation de notre conscience attentive, mais aussi et surtout d'un état analogue à celui du rêve (intermédiaire entre le rêve proprement dit et le rêve éveillé) par le fait de ce transfert perceptif où l'imaginaire se substitue au réel » (Mitry, 2001, p.123).

Jean Mitry semble même assez réservé sur le principe d'identification. Il préfère parler de participation ajoutant « voire d'identification » comme si l'identification était un stade plus élevé de la participation. « Alors qu'une confusion du Moi et de l'Autre serait inévitable dans le cadre d'une identification, il n'y a, au cinéma, qu'une simple analogie de comportement dans une situation générale donnée : la raclée que le héros inflige à son adversaire est celle-là même que j'aurais aimé flanquer à un certain malotru mais que ma civilité - et ma faiblesse - m'ont empêché de lui administrer » (Mitry, 2001, p.126). Il ajoute : « Le spectateur agit et réagit avec l'acteur mais il se confond d'autant moins avec lui que cette association projective ne s'applique pas seulement à l'un quelconque des personnages du drame mais à tous - ou presque tous (...). Il n'y a que lorsque leur comportement est contraire à celui qui pourrait être le mien que je me désolidarise d'avec eux. Ma participation alors se retourne contre eux..95(*) ». Mais un phénomène semblable ne se retrouve-t-il pas dans l'hypnose96(*) ? (Jagot, 1986, p.14-15 ; Barone et Mandorla, 1987, p. 33-34).

Des thèses de Mitry, nous retiendrons le principe de l'existence de différents degrés de participation-identification. L'un des plus élevés pouvant conduire le spectateur à des extrêmes.

La plus grave des conséquences de ce phénomène est, effet, le développement de « phobies de cinéma » dues à un excès d'identification. Les cas ne sont malheureusement pas rares, ils sont, en outre, de plus en plus liés à la violence. Ils sont parfois la cause de véritables tragédies. L'une des plus sanglantes qu'aient connu les Etats-Unis fut celle de Littleton, le 20 avril 1999. Ce jour-là, le lycée de Columbine fut le théâtre d'un massacre où 13 personnes ont trouvé la mort et une vingtaine d'autres ont été blessées. Les causes et le profil des responsables de cette tuerie interpellèrent et choquèrent l'opinion : il s'agissait de deux élèves du lycée, a priori sans problème, adolescents d'une famille américaine de classe moyenne. L'explication donnée à leur acte est que quelques jours auparavant les deux meurtriers avaient vu le film Matrix.97(*) En France, en 2002, un adolescent assassina de quarante deux coups de couteau une de ses amies, sans mobile apparent autre que de vivre réellement une scène qu'il avait vue dans le film Scream98(*).

E- Le déplaisir filmique

Nous terminerons cette présentation psychanalytique des relations de certains spectateurs avec certains films par le concept de déplaisir filmique développé par Christian Metz dans son ouvrage « Le signifiant imaginaire. Psychanalyse et Cinéma » (1977, réed. 2002). Selon lui, la vivacité des réactions du spectateur (aime vs n'aime pas) à l'égard d'un film et l'existence du déplaisir filmique « ne font que confirmer la parenté du film de fiction et du fantasme » (Metz, 2002, p.135). Ce déplaisir filmique a deux causes principales :
- la diégèse du film peut ne pas avoir nourri le Ca ; il s'agit alors d'un cas de frustration proprement dite. Le film sera jugé « terne », « ennuyeux » ou « quelconque ».

- la diégèse a trop satisfait le Ca, d'où une intervention du Surmoi et des défenses du Moi qui prennent peur et contre-attaquent. Il s'agit souvent d'un film de mauvais goût ; le goût devient alors un alibi contre ces films outranciers, ou infantiles, ou sadico-pornographiques, etc. « en un mot les films dont on se défend par le sourire ou par le rire, par l'allégation de sottise, de grotesque ou d'invraisemblance ».

En définitive, si un film de fiction n'est pas aimé, c'est qu'il en fait trop ou pas assez, ou les deux ensemble. Metz en conclut alors que pour qu'un sujet aime un film, il est nécessaire que le « détail de la diégèse flatte suffisamment ses fantasmes conscients ou inconscients pour lui permettre un certain assouvissement pulsionnel, et il faut aussi que cet assouvissement reste contenu dans certaines limites, qu'il demeure en deçà du point où se mobiliseraient l'angoisse et le rejet » (Metz, 2004, p.136).

Il signale également d'autres phénomènes de déception du fantasme, notamment lorsque l'intrigue ne va pas dans le sens que le spectateur souhaite. La fin du film en est souvent à l'origine d'où les précautions que certains producteurs et réalisateurs prennent en prétestant auprès d'un petit nombre de spectateurs les différentes fins possibles à leur film. Autre déception fréquente, le hiatus entre le personnage et l'acteur qui l'interprète, déception plus forte encore si le film est une adaptation d'un roman que le spectateur a lu et qu'il a, en conséquence, imaginé le physique du personnage.

IV- L'estimation du plaisir (vs déplaisir) filmique grâce aux pré-tests

Le spectateur cherche un certain plaisir en allant au cinéma, il en sort, cependant, malheureusement déçu lorsque le film est un « mauvais objet » qui crée du « déplaisir filmique » (Metz, 2002). Si les attentes du spectateur ne sont pas satisfaites, il est clair que le film doit être considéré comme « une ratée de l'institution cinématographique ». Cet échec peut avoir des conséquences négatives sur le comportement futur du spectateur à l'égard des autres films proposés par l'institution cinématographique, donc sur le devenir de cette dernière.

Pour réduire le déplaisir filmique qui vide les salles et le risque d'échec commercial, l'institution cinématographique a développé des techniques inspirées des études marketing et des pré-tests publicitaires.

A- Les différents pré-tests

Comme pour le développement d'un bien de consommation, des tests peuvent être réalisés tout au long du processus de production du film.

Avant le tournage proprement dit, sont parfois effectués :

- un concept testing, test de concept, pour confirmer les choix en matière de sujet, de thème du film, voire de scénario,

- un cast appeal testing, test de la distribution artistique, pour vérifier que le casting, le choix des acteurs, est apprécié du public,

- un sneak preview, dernier véritable test du film avant sa mise sur le marché. Ces tests peuvent faire l'objet d'un suivi tout au long du processus de fabrication du film. Ainsi Joseph Farrell, créateur du National Research Group, qui travaille pour de nombreux studios et indépendants et qui a modernisé, « scientifisé » le sneak preview, propose une série d'enquêtes par téléphone effectuées successivement 16 mois, 8 mois et 3 mois avant la sortie du film afin de définir et d'affiner la stratégie de lancement du film.

Contrairement à ce que certains pensent, les sneak previews et les concept tests ne sont pas des techniques récentes ; ces tests étaient déjà utilisés dans les années 20 (Augros, 2000, p.70).

En revanche, il est vrai que la technique des sneak previews a pris une importance considérable dans les années 1980 à Hollywood. Il s'agit de projections visant à tester la future réception du film auprès du public. «On sélectionne un public représentatif de la population ou alors une catégorie d'âge, enfants, adolescents, adultes,....à qui le film est destiné. A la fin de la projection, on distribue des questionnaires pour savoir si le film a plu aux spectateurs, quelles sont les scènes qui « fonctionnent », celles qui déplaisent et pourquoi, etc. » (Pecha, 2000, p.131).

Dans certains cas, plutôt que d'avoir à remplir des questionnaires, les spectateurs agissent sur des manettes pour exprimer leur avis sur le film.

Dans d'autres, 48 heures après la projection, « un échantillon des spectateurs de la preview est interviewé par téléphone pour mesurer leur propension à conseiller le film à leur entourage. Sont parfois également organisées des réunions de discussion à bâton rompu de petits groupes de spectateurs. » (Augros, 2000, p.75)

L'analyse des résultats d'un sneak preview entraîne des modifications de plus ou moins grande ampleur. Selon les réponses positives ou négatives, le producteur demandera ou ne demandera pas des modifications au réalisateur, modifications qui peuvent concerner la fin du film, une réplique, un geste, une scène, un plan, une liaison entre deux plans, un acteur ; autrement dit tous les éléments qui constituent le film, qu'ils soient spécifiques ou non. Aussi n'est-il pas rare qu'en fonction des avis du public, il soit nécessaire de procéder à un tournage complémentaire à moins que le réalisateur n'ait en réserve des images ou n'ait tourné d'autres versions du plan à modifier.

B- La censure économique

Le succès des pré-tests aux Etats-Unis repose sur la recherche de la satisfaction, du plaisir filmique du spectateur qui assure la pérennité et le développement de l'industrie cinématographique. Dans cette perspective, les partisans des previews citent souvent l'exemple du film d'Adrian Lyne, Fatal Attraction (Liaison fatale, 1987). Lors du test, la fin où le personnage interprété par Glenn Close se tue pour faire accuser de sa mort son amant d'un jour, joué par Michael Douglas, n'est pas appréciée. Le preview montre que le public préfèrerait que la maîtresse soit punie. Le réalisateur, Adrian Lyne, substitue le suicide par une scène au cours de laquelle l'épouse légitime tue la maîtresse. Une fin morale qui fera de ce film un très grand succès international.

Cette approche marketing du cinéma est surtout critiquée pour son atteinte à la liberté de création. Pecha (2000) n'hésite pas à parler de censure économique, regrettant que les professionnels américains habitués par ces pratiques ne les perçoivent plus comme telle : «C'est de ces réponses que peut naître une forme de censure pour le metteur en scène. Si les spectateurs n'aiment pas par exemple la fin du film, le réalisateur risque alors de se faire prier de la modifier. Tant pis si elle constitue sa scène préférée et qu'il a mis de nombreuses heures à la tourner. Ce qui compte, c'est l'avis du public. La rentabilité avant tout. (...) La notion d'art n'existe pas. Il s'agit tout d'abord de faire en sorte que le film plaise au plus grand nombre. » (Pecha, 2000, p.132)

C- L'attitude des réalisateurs face aux pré-tests

Les pré-tests ont, sans conteste, tendance à écarter toute originalité, toute rupture des codes classiques, toute transgression des interdits moraux, etc. c'est-à-dire ce qui est, souvent, à l'origine de la création et de l'évolution des sources du plaisir filmique.

Toutefois, contrairement à ce que certains peuvent penser, tous les réalisateurs ne sont pas hostiles aux projections-tests.

Les réalisateurs américains, souvent contraints par les producteurs de les accepter, en voient quelques avantages comme Martin Scorsese : « Comme je travaille beaucoup avec les studios, il m'arrive de devoir organiser des projections-tests avant la sortie, où l'on demande au public ce qu'il pense du film. Je trouve ce système très intéressant pour découvrir certains problèmes qui ne vous ont pas sauté aux yeux pendant le montage : des choses qui ne sont pas claires dans l'histoire, des longueurs ou des redondances. Mais, si le public-test me dit « je n'aime pas ces personnages, je n'irais jamais voir un film comme celui-ci », eh bien...c'est la vie ! Moi, je sais quel film j'ai envie de faire. » (in Tirard, 2004, p.25).

D'autres y voient un moyen de progresser avec les goûts des spectateurs en constante évolution, comme Oliver Stone : « Je fais de plus en plus de projections-tests (...) Parce que je vois bien à quel point le public ne cesse de changer avec la télé, parce que c'est vraiment ce qu'est devenu le marché. Le taux d'attention du spectateur a énormément réduit avec l'influence de la télé, au point où il devient presque impossible aujourd'hui de faire un film calme. (...) 2001 (2001 : L'Odyssée de l'espace, Stanley Kubrick, 1968), par exemple, est exactement le genre de films qu'on ne pourrait plus faire aujourd'hui ». (in Tirard, 2004, p. 144).

En dépit de la rigueur avec laquelle ces tests de films sont généralement effectués, les erreurs d'interprétation et de prévision ne sont pas rares ; un pré-test favorable n'est pas la garantie absolue d'un succès commercial, et inversement, comme c'est également le cas dans tous les domaines des études marketing, Ainsi, les films E.T. (L'extraterrestre, Steven Spielberg, 1982) et Star Wars ont eu de mauvais résultats aux pré-tests. Pecha montre à travers plusieurs exemples l'imperfection des previews, notamment celui du film de science-fiction, Star Wars (La Guerre des étoiles) de George Lucas (1977) : «à la suite d'une projection de Star Wars, l'étude des réponses a permis de conclure que le public n'avait aucune envie de voir un film avec des robots. Le succès phénoménal du film et de ses suites peut ainsi faire douter de la fiabilité de ces projections tests. » (Pecha, 2000, p.131).

En conclusion, en tant que technique prévisionnelle (de succès ou d'échec), le preview, comme les autres techniques de recherche marketing, a montré ses limites99(*).

Cette incertitude est en quelque sorte rassurante dans un domaine artistique comme le cinéma, dans lequel la sensibilité, l'indépendance d'esprit, l'innovation des réalisateurs sont des facteurs discriminants. Ainsi, selon Martin Scorsese (in Tirard, 2004, p.25) : « Certains metteurs en scène font leurs films pour le public. D'autres comme Hitchcock ou Spielberg, les font à la fois pour le public et pour eux. », d'autres le font pour un spectateur virtuel, comme Joel et Ethan Coen : « nous restons très imperméables aux commentaires extérieurs, quand on travaille sur nos films. Principalement parce que si vous demandez leur avis à cinq personnes, vous aurez cinq points de vue différents, et qu'il est très facile de se désorienter par ça. La seule chose pour laquelle vous pouvez avoir besoin d'un regard extérieur, c'est la clarté du récit. Mais pour le reste, nous ne comptons que sur nous, même si nous décidons toujours en fonction d'un public virtuel »100(*).

D'autres comme Woody Allen restent étonnés par les réactions imprévisibles du public, ce qui leur donne l'envie de poursuivre leur carrière : « Aujourd'hui encore, je fais des films et je suis toujours surpris, voire stupéfait, par la façon dont le public réagit. Je pense que les gens vont aimer tel personnage et je m'aperçois qu'il leur est indifférent voire antipathique, mais qu'il préfère tel personnage auquel j'avais à peine pensé. Je crois qu'ils vont rire à tel gag et, en fait, ils rient d'un autre que je trouvais, très moyen. Quelque part, c'est un peu frustrant. Mais d'un autre côté, c'est aussi ce qui rend ce métier si magique.(...) Si j'avais tout compris, il y a longtemps que j'aurais arrêté ! » (in Tirard, 2004, p.78).

D'autres, moins rares qu'on ne le croit, font leur film sans tenir compte des spectateurs. Parmi eux, se trouvent des réalisateurs avant-gardistes tels que Lars Von Trier selon lequel : « Ce qui me semble primordial, c'est de faire le film pour soi et non pour le public (...) Vous devez faire le film que vous voulez voir, pas celui que vous croyez que le public veut voir. C'est un piège, et c'est un piège dans lequel je vois beaucoup de cinéastes tomber », et souvent pour des raisons économiques que Lars Von Trier n'ignore pas mais aborde avec un état d'esprit assez particulier101(*).

Quelques réalisateurs faisant des films dits « commerciaux » ont également ce point de vue. Ainsi John Woo, interviewé par le réalisateur Laurent Tirard (2004, p.208)102(*), déclare : « je fais le film pour moi. Et quand je suis sur le plateau, je ne pense jamais au public. Un film doit venir du coeur. Il doit être l'expression d'une vérité, ou en tout cas de votre vérité. Je remarque que ceux qui aiment mes films les aiment vraiment, et ceux qui n'aiment pas détestent. Je pense que c'est dû, avant tout au fait que je suis sincère. Je ne cherche à plaire à personne. »

D- Les pré-tests dans le cinéma français

En France, les sneak previews ne peuvent être, en principe, qu'indicatifs. Contrairement aux Etats-Unis où le producteur possède la haute main sur le film, en France, en effet, c'est le réalisateur qui détient la propriété intellectuelle de l'oeuvre. Personne ne peut le contraindre à modifier son film, à couper tel ou tel passage, à en ajouter un autre, par exemple pour faire figurer tel ou tel produit dans le film et de telle façon, dans le cadre d'un accord de placement de produit (Chirouze, 2002).

Même si un accord de placement de produit a été conclu avec un annonceur, le réalisateur a parfaitement le droit de couper la scène où la marque apparaissait ou même de proposer au final une utilisation dévoyée de celle-ci...

En conséquence, en France, le preview ne peut être qu'une orientation pour le réalisateur, situation rarissime aux Etats-Unis où le producteur a toujours, sauf quelques rares exceptions, le dernier mot103(*).

L'indépendance de l'auteur-réalisateur est sans doute l'une des raisons pour laquelle les previews qui ont, aux Etats-Unis, plutôt pour objectif de tester l'opinion du public sur certaines scènes du film afin d'en modifier éventuellement le contenu sont, en France, plutôt utilisés afin de déterminer le profil des spectateurs à privilégier dans le cadre de la campagne de lancement du film (Laurichesse in Lara, 2000, p.16)

Les techniques de test utilisées, en France comme d'ailleurs aux Etats-Unis, sont des variantes des techniques marketing de pré-test104(*), l'une des mieux adaptées au cinéma, et à ses conditions particulières de projection et de visionnage, est le screen-test. Il consiste, en France comme ailleurs, à projeter le film dans une salle dans laquelle est présent un échantillon représentatif de la population-cible, puis à interroger en salle par questionnaire auto-administré les spectateurs, et/ou à les faire discuter dans le cadre d'une réunion de groupe d'une dizaine de personnes, et/ou à les interviewer en face à face individuellement.

V- L'expérience et la culture cinématographique des spectateurs français

Les spectateurs ne sont pas que des récepteurs au sens du modèle de Shannon et Weaver, ils contribuent à l'évolution du cinéma et de son langage. Comme Christian Metz le souligne, le film est toujours compris mais il l'est plus ou moins. Et c'est à partir de cette compréhension du film que le spectateur comprend la syntaxe du film et non l'inverse. Autrement dit, le spectateur ne comprend pas le film à cause de sa syntaxe, il comprend la syntaxe parce qu'il « a compris le film et seulement quand il l'a compris » (Metz).   

Un phénomène d'influence allant du spectateur au cinéaste peut intervenir : « Certains procédés de syntaxe, après emploi (...), ont fini par figurer dans des films ultérieurs (...) ; ils sont en quelque mesure devenus conventionnels ». Ce phénomène est, nous allons le voir, à l'origine de l'évolution du langage cinématographique.

Le cinéma ne serait pas ce qu'il est sans les spectateurs. Ils le font vivre et le font progresser en évoluant avec lui. L'évolution depuis 1895 est telle qu'il paraît très loin le temps où les premiers spectateurs qui assistaient à l' «Entrée du train en gare de La Ciotat » reculèrent et crièrent d'effroi devant la machine à vapeur qui fonçait sur eux105(*).

Une question se pose toutefois : ces premiers spectateurs sont-ils si différents de nous ?

A- L'apprentissage de la technologie du cinéma

Ces spectateurs du XIXème siècle considérés comme les dupes d'une illusion d'optique ne sont-ils pas semblables à nos contemporains qui crient et hurlent lors d'une projection en IMAX106(*) ? Sans minimiser le défi esthétique et l'aboutissement technologique du grand format, « des images qui envahissent tout le champ de vision, la possibilité de voir à l'écran plus de détails que jamais auparavant, un système sonore à très haut rendement », on aurait pu croire qu'avec l'expérience et l'habitude des spectateurs - depuis le Napoléon d'Abel Gance (1927) et son triple écran - qu'ils auraient des réactions moins fortes, moins physiologiques. Ce n'est pas le cas, la fascination, le processus d'identification primaire (et secondaire dans le cas d'un contenu narratif) perdurent : « Tous les éléments sont présents pour produire fascination et envoûtement. Le spectateur a vraiment la sensation de faire partie intégrante du film. » (Larouche, 1992).

Toutefois, force est de reconnaître que les spectateurs ont intégré toutes les phases de l'évolution technologique du cinéma notamment les deux plus cruciales que sont le passage du muet au parlant, et celui du noir et blanc à la couleur.

B- L'apprentissage des codes filmiques

Le domaine dans lequel on peut parler véritablement d'éducation filmique est celui des codes spécifiques ou non utilisés dans les films cinématographiques.

En ce qui concerne plus précisément le code de la narrativité, que nous allons étudié dans le chapitre suivant, Nathalie Heinich (in Esquenazi, 2002) estime qu'il est probable que ces améliorations progressives de la grammaire cinématographique entraînèrent chez les spectateurs deux conséquences contradictoires selon leur niveau de culture cinématographique :

- « pour ceux qui découvraient alors le cinéma, ces codes narratifs inédits ont toutes chances de les avoir déroutés, rendant l'intelligibilité du film beaucoup plus complexe que ne l'étaient les scènes filmées frontalement comme des saynètes théâtrales » ;

- « mais pour les spectateurs déjà habitués à l'écran, ces nouvelles possibilités narratives ont sans doute permis d'approfondir l'intelligence du récit, en même temps que son impact émotionnel. »

Elle considère, en outre, que les progrès de la perception esthétique passent par une acculturation du spectateur, elle-même facteur d'intelligence accrue. Elle conclut en l'existence d'un phénomène interdépendant et cumulatif d'accélération de l'évolution 

Cinéma Spectateurs.

«  La complexification de l'expression cinématographique tend à former un spectateur de plus en plus attentif à la qualité du spectacle comme spectacle, et plus seulement comme projection d'intrigues ou d'émotions issues de la vie ordinaire. » (Heinich, 2002, p.22)

Nathalie Heinich dépasse alors le seul cadre du code de la narrativité en insistant sur l'importance pour le spectateur de bien maîtriser tous les codes filmiques, les codes de variation d'échelle de plans, de mouvements de caméra, de changements d'angle de prise de vues, du montage, etc. « Le problème n'est donc plus de percevoir le spectacle comme tel - l'écart entre signe et référent étant admis - mais de le comprendre en maîtrisant ses codes, c'est-à-dire de faire correctement le lien entre signifiant et signifié : par exemple entre découpage et chronologie de l'action, entre échelle des plans et organisation de l'espace, entre expression du visage et émotions. Or ce lien était bien sûr loin d'être acquis pour tous en raison de l'absence de dialogues. » (Heinich, 2002, p.23)

C- La culture cinématographique des français

Comme le constate Esquenazi (1994, p. 11), « le spectateur n'arrive pas devant le film comme en terrain vierge : la publicité, le cadre de projection, la culture cinématographique du spectateur, sa connaissance du réalisateur, etc. ». Or, la culture cinématographique des spectateurs a incontestablement évolué depuis 1895. Mais, il est souvent difficile de dire en quoi elle a évolué. Catherine Tasca, alors Ministre de la culture et de la communication, se posait les questions apparemment simples et pourtant sans véritables réponses précises : « Quelle est la culture cinématographique des français ? Quelles sont leurs connaissances ? Comment se les approprient-ils » ?107(*)

Mais avant de la quantifier, de la mesurer, à l'aide d'une enquête par sondage, par exemple, encore fallait-il la définir. L'enquête conduite par le Département des études et de la prospective, D.E.P., du Ministère de la culture et de la communication, avec le concours du Conseil National de la Cinématographie, qui fut engagée en 1995, pour le centenaire de la première séance publique de cinéma, prit un parti différent. « Elle ne part d'aucune définition puisque son objet est précisément de savoir s'il existe quelque chose que l'on pourrait appeler culture cinématographique »108(*).

Plutôt que prendre l'acceptation fréquente du mot culture comme connaissances, Jean-Michel Guy (2000, p.18), propose une « pré-définition » d'inspiration anthropologique en la considérant «au moins par hypothèse, comme un processus continu de construction d'ensembles cohérents mais provisoires de représentations, de pratiques, de connaissances, de goûts fondant des sentiments d'appartenance, et contribuant de ce fait au sentiment d'identité des personnes et des groupes. »

Méthodologiquement et concrètement, l'enquête par sondage fut réalisée par l'Institut Français de Démoscopie sur un échantillon représentatif de la population française (France métropolitaine) de 12 ans et plus. L'échantillon de 1460 personnes (plus un sur-échantillon de 95 individus ayant un niveau d'études supérieur ou égal à Bac +3) fut constitué à l'aide de la méthode des quotas (région, catégorie d'habitat, sexe, âge, catégorie professionnelle du chef de ménage) et fut dispersé dans une centaine de points d'enquête au prorata de la population de chaque région. Les questionnaires furent administrés par des enquêteurs au domicile des répondants entre le 22 novembre et le 6 décembre 1995. Le questionnaire était composé de 7 questions d'identification (sexe, âge, etc.), d'environ 111 questions de formes diverses (dichotomiques, à choix multiple à réponse unique ou multiple, à échelle d'attitude, ouvertes ou semi-ouvertes, filtres, numériques, etc.).

Les résultats obtenus sont à la hauteur de l'outil mis en oeuvre.

« La présente enquête livre des résultats chiffrés impressionnants qu'on aimerait pouvoir avancer pour toute autre pratique culturelle. (...) Selon la définition immédiate que les français eux-mêmes en donnent, la cinéphilie concerne entre 3 et 20% de nos concitoyens et à ne considérer que la définition la plus érudite, c'est un million et demi de personnes qu'il faut tenir pour de grands connaisseurs de cinéma. Les amoureux fous du grand écran seraient eux 10 millions et c'est par dizaine de millions qu'il faut compter les simples amateurs. » (Tasca in Guy, 2000, p.11)

Pour notre part, nous avons retenu quatre conclusions principales :

- L'importance prise par la cassette vidéo (et depuis, sans conteste, le DVD) qui est devenu le « livre de poche » du cinéma et qui, contrairement, à ce que certains esprits chagrins prédisaient, « n'entame plus sensiblement la faveur du public pour les salles obscures. Elle semble au contraire élargir et diversifier notre relation au cinéma, permettre l'approfondissement de notre sensibilité et notre regard critique et, au total, nourrir encore la passion cinématographique» (Tasca). Le petit écran est devenu le premier support de diffusion du cinéma, grâce aux soirées « cinéma » organisées sur certaines chaînes, mais aussi par la constitution de vidéothèques personnelles, de musées du cinéma privés, phénomène culturel majeur. (Guy, 2000, p.61). Selon Guy, « la vidéo patrimonialise les films à plusieurs égards : elle permet de les conserver (voire de les collectionner), de les revoir (donc de les graver en mémoire et d'en objectiver le souvenir et de les analyser (et d'en montrer des fragments significatifs à autrui » (Guy, 2000, p.72).

- La fréquentation des salles n'est pas un critère suffisant pour estimer la culture cinématographique ni même pour étudier les attentes et les goûts des spectateurs. L'enquête permet à Guy de noter : « La relation entre le goût et la consommation des films, sur grand ou petit écran, d'une part, et la culture cinématographique, d'autre part, est d'une complexité telle que l'on se tromperait à la croire linéaire. Si tout le monde a un goût, rares sont en réalité les personnes qui y conforment leurs choix » (Guy, 2000, p.111). L'une des raisons à cette bizarrerie est que la fréquentation des salles est surtout une pratique d'intense sociabilité. On va au cinéma entre amis et l'entourage joue un rôle déterminant sur la fréquentation, sur les références, sur les goûts des spectateurs (Guy, 2000, p.50). De plus, le succès commercial d'un film et sa place au box-office dépendent aussi de l'importance de la diffusion, du nombre de copies et de salles qui le proposent en exclusivité, etc. (Jullier, 2002, p.67)

- Les genres cinématographiques ne sont pas appréciés de la même façon par tous les spectateurs. A juste titre, Jean- Pierre Hoss109(*), Directeur général du Centre National de la Cinématographie, conclut à la lecture des résultats du sondage que « tous les genres cinématographiques ne rencontrent pas les mêmes générations ou les mêmes catégories socioprofessionnelles ». Toutefois que l'on se rassure, le risque évoqué par Moine (2002, p.77)110(*) - que le genre impose une lecture univoque et universelle, une lecture qui contraindrait ses amateurs, considérés comme un tout homogène - est faible pour une raison que Moine avance elle-même : « d'autres déterminants, ethniques ou sociaux par exemple, organisent l'univers culturel des spectateurs, et sont de ce fait susceptibles de moduler leur adhésion au genre. On néglige l'expérience, les investissements et les interprétations des spectateurs particuliers ». 

- Cinq profils de films se dégagent des résultats du sondage : - les films patrimoniaux, vus par les ¾ des français ; - les films qui plaisent surtout aux cinéphiles érudits ; - les films qui attirent surtout les jeunes ; les films qui plaisent surtout aux femmes ; les films qui plaisent surtout aux hommes.

- 1- les films patrimoniaux

Ils contribuent à la constitution de références « nationales » communes. Parmi eux, deux catégories de films se dégagent : les grandes productions américaines, généralement hollywoodiennes, et les films français dont l'histoire est typiquement française.

Catégories des films patrimoniaux

Exemples

Grandes productions américaines ou internationales

- Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939)

- Il était une fois dans l'Ouest (Sergio Leone, 1968)

- Le jour le plus long (Ken Annakin et Andrew Marton, 1962)

Films « franco-français »

- La femme du boulanger (Marcel Pagnol, 1938)

- Jean de Florette (Claude Berri, 1986)

- La vache et le prisonnier (Henri Verneuil, 1959)

- Le Père Noël est une ordure (Jean-Marie Poiré, 1982)

Il est à noter que bon nombre de ces films patrimoniaux sont des films assez anciens et que les personnes interrogées (qui représentent plus de 75% des sondés de 12 ans et plus) n'ont pu les voir qu'à la télévision ou sur cassette vidéo ou DVD, ou encore dans le cadre d'un cinéclub, scolaire111(*) ou non.

- 2- les films qui attirent les cinéphiles érudits

On trouve dans cette catégorie des films à audience confidentielle (généralement en dessous de 20% des répondants), s'adressant à un public dont le niveau de compétence en matière de cinéma est supérieur à la moyenne.

Exemples de films pour cinéphiles érudits

- Le charme discret de la Bourgeoisie (Luis Bunuel, 1972)

- Meurtre dans un jardin anglais (Peter Greenaway, 1982)

- Cria Cuervos (Carlos Saura, 1975)

N'y figure pas le film d'Eisenstein, Le Cuirassé Potemkine (1925), une référence de l'histoire du cinéma, qui souleva l'enthousiasme du public soviétique lors de sa sortie et celui du public international, parfois inattendu112(*), par la suite.113(*) Le sondage a montré que 34% des français de 12 ans et plus l'auraient vu sur petit ou grand écran. 59% auraient beaucoup aimé, 37% moyennement, 4% seulement pas du tout. 68% des personnes ayant vu le film sont non-bacheliers. Le film poursuit donc une carrière assez « populaire » même s'il est cité comme exemple par la plupart des cinéphiles.

- 3- Les films des jeunes (de la décennie 90, période de l'enquête)

L'apparition et le développement d'une culture jeune avec ses références propres datent surtout des décennies 50-60.

Exemples de films des jeunes de la décennie 90

- Time Cop (Peter Hyams, 1994)

- Waterworld (Kevin Reynolds, 1995)

- 4- Les films qui plaisent surtout aux femmes

Ils appartiennent plutôt au genre sentimental ou à des genres voisins dans lesquels la description des sentiments des personnages, notamment des sentiments amoureux, est plus importante que les rebondissements de l'action.

Exemples de films qui plaisent aux femmes

- Sissi Impératrice (Ernst Marischka, 1956)

- Mourir d'aimer (André Cayatte, 1970)

- 5- Les films qui plaisent surtout aux hommes

Il s'agit de films dans lesquels l'action, avec plus ou moins de violence et d'horreur, est prédominante.

Les films qui plaisent aux hommes

- Pulp fiction (Quentin Tarantino, 1994)

- Orange Mecanique (Stanley Kubrick, 1971)

- Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979)

- La nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955)

- Le cauchemar de Freddy (Renny Harlin, 1988)

Une telle étude est-elle utile pour les cinéastes, producteurs et réalisateurs ? Selon Jean-Pierre Hoss114(*) : « la compréhension des goûts cinématographiques est une des clés nécessaires à la construction des orientations de la politique publique en faveur du cinéma ». Il se place dans un contexte d'aides publiques à la française. Plus généralement, les professionnels du cinéma, quelle que soit leur nationalité, sont friands d'études de ce type. « Sans doute une telle connaissance (des goûts des spectateurs) peut-elle permettre de mieux cibler la clientèle potentielle d'un film, voire dans certains cas d'en prédire le succès » (Guy, 2000, p.111).

Toutefois, il nous semble que le choix d'aller voir un film plutôt qu'un autre dépend d'un trop grand nombre de facteurs pour être réduit à quelques indicateurs explicatifs (sexe, niveau d'éducation filmique, etc.). Enfin, ce n'est pas son appartenance à un des cinq genres mis en lumière qui peut expliquer totalement l'adéquation d'un film aux attentes de son public-cible.

D- L'écart entre les goûts annoncés par les spectateurs et leur comportement

Certains résultats de l'enquête par sondage sur la culture cinématographique des français peuvent surprendre, notamment les résultats « populaires » du film Le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein, que 60% des personnes interrogées disent avoir beaucoup aimé...Mais peut-on remettre en cause la parole des enquêtés ?

C'est ce que Laurent Jullier a le courage de faire dans son ouvrage « Qu'est-ce qu'un bon film ? », Laurent Jullier (2002) a repéré six critères de jugement de goût en matière de cinéma : le succès, la technique, l'édification, l'émotion, l'originalité, la cohérence.115(*) En analysant les critiques des professionnels et les conversations de tous les jours, il montre qu'il existe des écarts entre ce que les gens disent et ce qu'ils font.

Il tente comme les spécialistes des études qualitatives de marketing de trouver « les Pourquoi, aux faits suivants : ce que pensent les gens réellement, ce qu'ils font réellement, ce qu'ils voudraient qu'on pense qu'ils font ou qu'ils pensent » (Bouquerel, 1974, p.435-485).

En relatant un exemple personnel, il montre, non sans humour, l'importance des idées reçues, de la difficulté de dire le contraire du « politiquement correct », mais aussi de la culture d'origine du spectateur.116(*)

L'écart entre ce que les spectateurs vont voir et ce qu'ils disent aimer est révélé par l'écart significatif entre le classement qualitatif des films de l'IMDB117(*) et le classement des dix meilleures recettes de tous les temps, tous pays confondus. Et même, si cet écart est moindre aujourd'hui que celui qu'il était en 2002  - en raison du succès commercial et du jugement favorable pour la saga du Seigneur des Anneaux (2001, 2002, 2003) - la conclusion de Jullier (2002, p.77) reste valable : « Cela suffit pour dire que cette pratique critique ne se fonde pas - même si elle est limitée par la disponibilité des films dans l'espace public - sur le facteur du nombre et du succès ».

Le sondage auprès du public, après la sortie du film, en salles et/ou en vidéo ou DVD, n'est donc pas un moyen parfaitement fiable d'estimer les préférences des spectateurs en matière cinématographique. Même si certains auteurs considèrent le contraire118(*).

En revanche, le pré-test, qualitatif et/ou quantitatif avant la sortie du film n'étant pas influencé par le nombre de copies et, par voie de conséquence, le taux de présence en salles semble, nous l'avons vu, être accepté à la fois par bon nombre de producteurs et de réalisateurs.

La culture cinématographique des spectateurs français ayant évolué, leur compréhension des films et leurs goûts également, une dynamique d'évolution de la connaissance de la syntaxe et des codes cinématographiques s'est engagée (Metz), stimulée par l'espoir d'une reproductibilité du succès commercial. Espoir pour un film pris individuellement ou pour un genre cinématographique, voir un style particulier.

C'est pourquoi nous allons étudier d'une manière plus approfondie le langage cinématographique, ses composantes, sa grammaire puis, ultérieurement, ses différents codes.

Le processus de développement et d'évolution de la syntaxe cinématographique

Compréhension des

procédés de syntaxe

du film isolés par le

favorise spectateur

en cas de succès

commercial

Compréhension du film Reprise des

par le spectateur procédés de syntaxe

dans des films

ultérieurs

facilite

favorise

Apparition de

conventions, de

codes cinématographiques

facilite

permet

Création d'un genre

Rend cinématographique

possible par le respect d'une

combinaison de

conventions

Création d'un style

par le non-respect de conventions

classiques et le respect de

codes originaux

Chapitre 3 : Le langage cinématographique et sa grammaire

La détermination des caractéristiques du langage du cinéma a suscité de nombreux débats (Serceau, 1999). L'approche sémiologique qui nécessite la délimitation et la caractérisation de l'objet étudié fut à l'origine des premières tentatives.

I- Les caractéristiques du langage cinématographique

Christian Metz (1971, pp.171-175) isola quatre traits du langage cinématographique le différenciant des autres langages (peinture, photographie, musique, etc.) :

- l'iconicité visuelle des images (réelles et figuratives, non mentales) ;

- la duplication mécanique (vs image obtenue à la main comme en peinture) ;

- la multiplicité des images (vs image unique comme en photographie, par exemple) ;

- la mobilité (vs image fixe comme en photographie ou en peinture).

Constatant que certains films ne mettent pas en jeu l'iconicité (les films abstraits, par exemple), que d'autres n'utilisent pas la mobilité des images (une séquence composée d'un flot d'images fixes, par exemple), que d'autres encore n'emploient pas la duplication mécanique, mais des dessins réalisés directement sur la pellicule, Odin (1982, pp.12-13) propose la définition du langage cinématographique suivante : images multiples (figuratives ou non figuratives, à signifiant temporalisé119(*), projetées de façon discontinue.

Mais ne définir le langage cinématographique que par ses caractéristiques discriminantes suppose que l'on connaisse les traits qu'il partage avec d'autres langages.

C'est la raison pour laquelle de nombreux auteurs insistent sur le fait que le langage cinématographique combine cinq moyens d'expression, qui sont présents dans la bande image, pour les deux premiers d'entre eux, et dans la bande sonore depuis l'apparition du cinéma parlant, pour les trois autres :

- l'image photographique mouvante, caractéristique spécifique du cinéma

- le tracé graphique des mentions écrites

- le son phonique, autrement dit les paroles

- le son musical

- le son analogique, c'est-à-dire les bruits.

Le langage cinématographique se caractérise, en outre, par la simultanéité des deux bandes, bande image/bande sonore, sauf exception voulue par le cinéaste lui-même, par exemple, dans un but artistique ou esthétique.

La compréhension correcte d'un film par le spectateur suppose la connaissance de ces cinq éléments de langage. Mais, il lui faudra également connaître plusieurs codes, dont certains sont spécifiques au cinéma, par exemple, le code de montage, le code des effets optiques, etc. et d'autres, les plus nombreux, sont extra-cinématographiques tels que le code des gestes, le code vestimentaire, le code du récit narratif, etc.

Le plus délicat dans la compréhension comme dans la production d'un film réside dans le fait que le cinéma est un langage composite, s'appuyant sur de nombreux codes, qui produit un sens qui ne résulte pas d'une simple addition mais d'une combinaison complexe de codes n'ayant pas tous, de surcroît, la même importance dans la production de sens.

La notion de code apparaît donc essentielle dès lors que l'on souhaite comprendre les processus de production de sens. Greimas et Courtès (1979) dans le Dictionnaire raisonné de la théorie du langage définissent le code comme « un inventaire de symboles arbitrairement choisis, accompagnés d'un ensemble de règles de composition de « mots » codés, et souvent mis en parallèle avec un dictionnaire (ou un lexique) de la langue naturelle ». Il s'agit donc pour eux, dans sa forme simple, d'un «langage artificiel dérivé ».

Certains auteurs ont repris, pour ne pas dire vulgarisé l'idée qu'un langage est un code et en ont conclu que le langage cinématographique était un code, qu'il existait un code cinématographique et qu'il fallait décrire ce « code du cinéma ».

Or, comme le montre Odin (1990), des différences existent entre les langues et les codes120(*) et elles sont plus fortes encore dans le langage cinématographique : « non seulement le cinéma fonctionne directement à partir de la réalité mais il fonctionne sur le mode de l'homonymie généralisée : pour un même élément représenté, les signifiants changent à la moindre variation de cadrage ou au moindre déplacement de l'objet considéré ; dans un plan nous donnant à voir une voiture successivement de face, de profil puis de dos, ce n'est pas le même signifiant qui renvoie au signifié « voiture » d'un photogramme à un autre : l'image de la voiture est différente suivant qu'elle est vue de face, de profil ou de dos. ».

En substance, le langage cinématographique ne se réduit pas à un seul code. Il s'agit, en réalité, d'une combinatoire de codes.

II- Les différents codes filmiques

Christian Metz fut le premier à s'intéresser à la spécificité du langage cinématographique et notamment aux codes spécifiques du cinéma. « Metz a d'ailleurs, parfois, la tentation de définir la sémiologie du cinéma comme l'étude des seuls codes spécifiques » (Odin, 1990, p149).

Metz distingue, cependant, trois sortes de codes :

- les codes non spécifiques, thématiques et culturels, qui ne sont pas typiquement cinématographiques parce qu'ils se manifestent dans d'autres productions signifiantes ;

- les codes cinématographiques généraux, propres au cinéma et communs, effectivement ou virtuellement, à tous les films (code du montage, code des mouvements de caméra, code de ponctuation, etc.) ;

- les codes cinématographiques particuliers enfin, propres au cinéma mais qui apparaissent seulement dans certains groupes de films.

C'est sur cette distinction que s'appuie l'une des définitions du genre cinématographique. Le genre, au sens de Metz, est un texte singulier caractérisé par le retour régulier de messages et de codes.

En conséquence, pour qu'un film appartienne à un genre cinématographique, il doit obligatoirement utiliser des codes cinématographiques particuliers (c'est-à-dire ceux de la troisième catégorie de codes). Ainsi, comme l'écrit Moine (2002, p.44), « le western classique mobilise, comme tout film, des codes non spécifiques et cinématographiques généraux, mais il n'est un genre que parce que s'y ajoutent des codes particuliers, qu'on peut retrouver dans d'autres matières d'expression, comme les romans ou les chansons de l'Ouest ; l'utilisation privilégiée de plans d'ensemble ou de grands panoramiques, qui sont des codes cinématographiques particuliers. »

Si l'on exclut les codes particuliers de type générique (de la troisième catégorie metzienne), l'ensemble des codes qui interviennent dans un film est donc réparti en deux sous-ensembles :

- le premier est composé de codes n'ayant pas ou peu de rapport avec les traits de la matière de l'expression du cinéma : ces codes sont appelés les codes filmiques non cinématographiques.

- Le deuxième sous-ensemble est constitué des codes directement liés aux traits pertinents de la matière de l'expression du cinéma : ces codes sont dits « filmiques cinématographiques ».

Autrement dit, les codes qui peuvent être utilisés dans un film sont classés en deux catégories selon leur degré de spécificité cinématographique (Odin)121(*).

Il est important de préciser que cette distinction s'applique tant à la bande image qu'à la bande son.

Exemples de codes filmiques

(Selon Metz et Odin)

 

Bande image

Bande son

Codes non spécifiques, ou filmiques non cinématographiques

- code de la narrativité

- code vestimentaire

- code des gestes

- etc.

- code de la construction des dialogues

- code de la musique

Codes spécifiques, ou

filmiques cinématographiques

- code de variation d'échelle de plans

- code des mouvements de caméra

- code des changements d'angle de prise de vues

- code des effets optiques

- code du montage

- code de relations syntagmatiques entre les photogrammes

- etc.

- code de la relation images-sons,

- code du synchronisme

- etc.

En outre, elle s'applique au film dans son entier mais également à toutes les unités significatives qui composent un film : le plan, la sous-séquence et la séquence, éventuellement les syntagmes de Metz.

Du point de vue « technique », le film est construit d'unités significatives de plus ou moins grandes dimensions : le plan, la sous-séquence, la séquence.

Le plan, nous venons de le dire, est considéré par la majorité des auteurs et, surtout, des cinéastes comme « l'unité filmique correspondant au tournage, à la longueur de pellicule impressionnée entre les injonctions du réalisateur : Moteur ! ou Action ! / Coupez ! Au montage, le plan correspond à l'unité significative minimale du récit entre deux collures » (Bessière, 2000, p.40).

Le plan est, en conséquence, un ensemble d'éléments photographiques successifs. « Etant image animée, l'image filmique est constituée par un certain nombre d'instantanés successifs. Chaque série d'instantanés visant une même action ou un même objet sous un même angle, constitue ce que l'on appelle un plan. Le plan est l'unité filmique, mais les multiples éléments photographiques qui le composent sont appelés photogrammes ». (Mitry, 2001, p.53).

La sous-séquence est un ensemble de plans constituant une unité narrative de moyenne importance mais manquant d'autonomie pour former une séquence.

La séquence est ensemble de sous-séquences, voire d'un long plan (le plan-séquence), qui forme une grande unité narrative.

Mais, comme l'écrit Edouard Bessière, cette segmentation en unités significatives, minimales (les plans), moyennes (les sous-séquences) et grandes (les séquences) « relève plus de la narration et n'indique pas grand chose du « style » du film découpé. Il faut évidemment recourir à des notions qui caractérisent mieux l'image et le son ».

C'est la raison pour laquelle nous étudierons, dans un premier temps, la narration au cinéma. Puis, dans un deuxième temps, nous analyserons les codes des deux bandes. Cependant, parce qu'il est difficile de traiter simultanément les deux bandes qui constituent un film, la bande image et la bande son, alors que le sens produit vient de leur combinaison, et que chacune de ces bandes est elle-même composée d'une multitude d'éléments, nous les étudierons en deux parties distinctes.

Mais avant d'analyser ces différents éléments codiques, il nous semble utile d'étudier ce que pense du codage et d'une éventuelle grammaire cinématographique la source122(*) du message-film, c'est-à-dire les cinéastes et parmi eux - celui qui combine, conduit, dirige l'ensemble des professionnels qui réalise le film-message - le réalisateur.

III- La grammaire du cinéma vue par les réalisateurs

Une question revient régulièrement dans les travaux sur le langage cinématographique.

Existe-t-il une grammaire du cinéma ? Dans l'affirmative, viennent alors d'autres interrogations : est-elle utile ? Doit-elle être respectée ? Y en a-t-il une ou plusieurs ? Est-ce une grammaire que seuls les cinéastes doivent connaître ? Les spectateurs la connaissent-ils ? Est-ce important qu'ils la connaissent ?

Louis Lumière fut le premier à voir dans le cinéma un mode d'expression spécifique, différent de celui du théâtre, et de penser à un vocabulaire, à une grammaire, à une syntaxe par le découpage et le montage (Chardère, 1995, p.370). Georges Mélies123(*) qu'il considérait comme «le créateur du spectacle cinématographique » l'aidera à édicter les premiers principes de la mise en scène cinématographique et du code des trucages et effets spéciaux.

A l'instar de Louis Lumière, David Wark Griffith distingua également dans l'art du cinéma un mode d'expression différent de celui du théâtre (Rey, 1996) et affirma son autonomie grâce, notamment, à l'usage de procédés techniques qu'il transforma en éléments d'expression d'une grande valeur esthétique. La plupart des procédés qu'il mit au point ou améliora (échelle des plans, travelling, découpage analytique, montage alterné et parallèle) furent repris, telle une grammaire, par les plus grands réalisateurs classiques qu'ils soient soviétiques (Eisenstein), allemands (Murnau), américains (Von Stroheim) ou français (Gance). Griffith124(*) déclara, notamment : « Pourquoi vouloir absolument filmer l'acteur en entier alors qu'il suffirait d'avancer ou de reculer la caméra pour ne montrer que la partie qui exprime quelque chose ? Utilisons la caméra comme ponctuation ». 

A la fin des années quarante, des ouvrages se présentèrent comme de véritables grammaires du cinéma.

Selon Roger Odin (1990, p.23), Les plus connus sont la Grammaire cinématographique de Robert Bataille (A. Taffin Leffort, 1947) et l'Essai de grammaire cinématographique d'André Berthomieu (La Nouvelle édition, 1946).

Ces auteurs partaient des mêmes présupposés : « Puisqu'il s'agit d'un nouveau mode de langage, il doit y avoir des définitions et des règles à trouver et à mettre au point....Ainsi les futurs cinéastes finiront par avoir un guide pour étudier les bons auteurs » (R. Bataille).

Nous devons à Robert Bataille l'une des définitions les plus précises de la grammaire cinématographique : « La grammaire cinématographique étudie les règles qui président à l'art de transmettre correctement des idées par la succession d'images animées, formant un film ».

La grammaire est un outil de construction de film, son but avoué étant « de permettre l'acquisition d'un « bon style cinématographique », d'un « style harmonieux » par la connaissance des « lois fondamentales », des « règles immuables » qui régissent la construction d'un film. » (Odin, 1990, p.24)125(*)

Elle énonce des choses à faire et d'autres à ne pas faire (Dos and Don'ts), établit la liste des « incorrections à ne point commettre, des solécismes à éviter, des fautes graves qu'il convient de pourchasser » (Odin, 1990, p.24). Toutefois, le non-respect de cette grammaire peut être à l'origine non pas d'un film « mal fait » mais d'un film d'un nouveau style. Ainsi, Odin (1995, p.38) conclut une comparaison des films de fiction, des films de famille et des films expérimentaux par ce constat : « ceux qui aiment le film expérimental, l'aiment pour ses figures de rupture par rapport au système du cinéma dominant ; on peut dire, dans ce cas, que les figures du « mal fait » fondent le statut artistique du film expérimental ». Allard (1995, p.114)) montre que les cinéastes personnels126(*) « s'inspirent des films de famille au niveau des thèmes traités et du style de filmage caractéristique des cinéastes profanes ». Or, ces derniers ignorent tout, ou presque, des codes du montage, de variation d'échelle de plans, des mouvements de caméra, des changements d'angle de prise de vues, etc. D'où la formule d'Odin (1995, p.39) : « ce n'est qu'en étant mal fait que le film est bien fait », mais cela, bien sûr, à condition de prendre en compte l'institution dans laquelle il est appelé à fonctionner, c'est-à-dire le public visé qui constitue une communauté de communication et d'interprétation (Allard, 1995, p.121-122).

Les théoriciens ne sont pas les seuls à être partagés quant à savoir s'il existe une grammaire cinématographique ou non, s'il faut la respecter à la lettre, s'il en existe qu'une seule ou plusieurs (Ropars-Wuilleumier, 1970, «Une grammaire cinématographique ?, pp.13-20). Les cinéastes le sont également, les classiques comme le contemporains.

Michel Ciment (2003) l'a révélé en interrogeant cinquante réalisateurs de trente pays différents. Mais c'est à Laurent Tirard (2004) que l'on doit réellement d'avoir montré127(*) que la grammaire cinématographique est toujours un sujet d'actualité et de débat au travers les entretiens qu'il eut avec vingt réalisateurs parmi les plus connus et appréciés de nos jours.

Ces grands réalisateurs ne sont pas d'accord entre eux : les uns estiment que la grammaire n'existe pas, d'autres qu'il en existe plusieurs, voire une par réalisateur, d'autres que les règles édictées doivent être transgressées, etc.

Nous avons classé ces réalisateurs en quatre catégories après avoir analysé leurs réponses, une classification que nous aurions pu établir également pour les théoriciens et pour les cinéastes interrogés par Ciment qui abordèrent ce thème spontanément :

- première catégorie : les réalisateurs qui pensent qu'une grammaire existe et la respecte ;

- deuxième catégorie : les réalisateurs qui considèrent qu'une grammaire existe mais peut, voire doit, évoluer ;

- troisième catégorie : les réalisateurs qui ne croient pas en l'existence d'une grammaire cinématographique ;

- quatrième catégorie : les réalisateurs qui s'imposent des règles pour s'obliger à être plus créatif.

A- Les réalisateurs qui pensent qu'une grammaire existe et la respectent

John Boorman est de ceux-là : « Dans la plupart des cas, la grammaire de mise en scène que j'utilise est celle que j'ai découvert à travers le cinéma muet. Ce sont vraiment des règles de base, mais en même temps, quand on regarde les films de Griffith128(*), par exemple, et que l'on observe la façon dont il utilisait le gros plan pour illustrer les pensées des personnages, on se dit que ça reste tout de même beaucoup plus subtil et beaucoup plus moderne que ce qui est fait dans une grande majorité du cinéma dit moderne (...) » (Boorman, in Tirard, 2004, p.64).

Boorman critique le non-respect des règles dans le cinéma d'aujourd'hui : « Dans la plupart des films actuels, une scène de cambriolage, dans The General (1998), serait montée de façon nerveuse, avec une succession rapide de plans. Moi, je préfère tourner peu de plans et laisser l'action se dérouler dans le cadre. Le dynamisme vient de l'image elle-même, pas de la façon dont elle est associée à d'autres images »129(*). Une conception qui nous le verrons n'est pas partagée par tous ses confrères, notamment par Scorsese, qui pourtant n'est en rien hostile à une grammaire cinématographique.

B- Les réalisateurs qui pensent qu'une grammaire existe mais peut, voire doit évoluer

Ils sont bien plus nombreux que les normatifs tels que Boorman. On trouve dans cette catégorie de grands noms comme Martin Scorsese, Takeshi Kitano, David Cronenberg, Jean-Pierre Jeunet, etc.

Certains sont plus prudents que d'autres et craignent davantage les effets négatifs d'un non-respect de certaines règles.

Ainsi, Jean-Pierre Jeunet (in Tirard, 2004, p. 49-50) considère qu' «il y a forcément une grammaire de base, en matière de mise en scène ; si on essaie de tricher avec certaines règles, ça ne fonctionne pas. En revanche, je pense que le but que tout réalisateur cherche à atteindre, c'est justement de dépasser ces règles, de les utiliser ou de les transgresser pour faire quelque chose de nouveau ».

D'autres estiment que pour pouvoir transgresser les règles, il est indispensable de bien les connaître. C'est le cas de Sydney Pollack selon lequel : «Il y a évidemment une grammaire de base, en matière de mise en scène. Et il est important de l'apprendre, tout comme il est important ensuite, de savoir s'en éloigner. Si vous n'apprenez pas la grammaire de base, vous êtes un peu comme ces peintres qui s'auto-déclarent peintres abstraits pour camoufler le fait qu'ils ne savent pas peindre. Vous pouvez briser toutes les règles que vous voulez, à condition de les avoir apprises d'abord. Les règles de base vous offrent une sorte de standard de conformité, à partir duquel vous pouvez ensuite créer des choses originales ».130(*) (in Tirard, 2004, p.42).

Cette conception que la grammaire puisse être une sorte de garde-fou mais aussi un appui sur lequel le réalisateur puisse se reposer lorsqu'il n'est pas sûr de lui est partagée par d'autres réalisateurs dont Tim Burton : « Il y a des règles de base, bien sûr, mais elles ne sont là que par sécurité. Il faut se réfugier derrière que lorsque l'on est vraiment perdu. (...) » (in Tirard, 2004, p.195).

De nombreux réalisateurs vont plus loin encore, considérant que la grammaire cinématographique existe mais qu'elle est en continuelle évolution.

Ainsi, selon Martin Scorsese (in Tirard, 2004, p.21-22) : « il y a une certaine grammaire de base, et de ce point de vue-là, Godard l'a dit lui-même, nous avons eu deux grands professeurs dans l'histoire du cinéma, deux cinéastes qui ont posé les règles de base de la grammaire filmique : Griffith pour le cinéma muet, et Wells pour le cinéma parlant. »

Toutefois, Scorsese estime qu'actuellement les réalisateurs doivent la dépasser : « Aujourd'hui, les cinéastes sentent bien qu'il faut se renouveler et font ce qu'ils peuvent pour découvrir un nouveau langage à partir de cette grammaire. Ils utilisent toujours les gros plans, les plans moyens, les plans larges, etc. mais plus nécessairement de la même façon. ». Scorsese pense que c'est notamment grâce à un montage astucieux des différents plans que de nouvelles émotions peuvent être créées : « c'est la façon dont ils les associent les uns aux autres qui leur permet de créer de nouvelles émotions, ou du moins de nouvelles façons de communiquer ces émotions »131(*).

Dans le même état d'esprit, Takeshi Kitano (in Tirard, 2004, p.186) déclare que : « Le cinéma a ses règles de base, qui ont été établies au travers de l'histoire par un grand nombre de cinéastes brillants. Mais je crois que plutôt que de les respecter, chaque cinéaste doit adapter ces règles à sa propre manière de filmer, ce qui implique généralement de les déformer ou de les briser ». Le principal, selon lui, étant que les spectateurs acceptent les innovations132(*). Or, il montre bien que, généralement, les spectateurs les intègrent volontiers contrairement aux professionnels qui travaillent avec le réalisateur : « Sur un film, j'ai tourné un plan en contre-plongée (du bas vers le haut) après une scène de fusillade, et le caméraman ne comprenait pas. Il me disait : « c'est impossible, ça veut dire que c'est le cadavre qui regarde, et pourtant, il est mort ». Ca le choquait beaucoup. Mais, moi, je le sentais comme ça et ça n'a jamais surpris personne dans le public ».

Ce hiatus entre le comportement normatif des « techniciens » du cinéma et celui d'un réalisateur qui veut affirmer son point de vue personnel est également mis en avant par Pedro Almodovar (in Tirard, 2004, p. 29-30) : « Le cinéma est un art qui repose moins sur une technique que sur une façon de faire. C'est une forme d'expression qui est entièrement personnelle. Vous pouvez demander à n'importe quel technicien de vous montrer la manière « conventionnelle » de filmer une scène donnée. Mais si vous la tournez en suivant ses instructions, il manquera toujours quelque chose au résultat ce quelque chose, c'est vous ; c'est votre point de vue, votre façon de vous exprimer »133(*).

On retrouve cette façon de voir dans la définition que tente de donner Jullier de ce qu'est un bon film : « un auteur qui suit les règles académiques n'a aucune chance de produire un chef-d'oeuvre qui se détachera du lot (il n'aura fait qu'un film d'artisan pas un film d'artiste ».

Toutefois, comme Sydney Pollack et Tim Burton, notamment, Jullier insiste sur le fait que les spectateurs attachent de l'importance à la technique, « aujourd'hui plus que jamais, quiconque se hasarde à descendre au-dessous de l'académisme en matière technique se fera rappeler à l'ordre »134(*) (Jullier, 2002, p.82)

Comme Scorsese et Kitano, David Cronenberg considère que: « Le cinéma est un langage, et un langage ne peut exister sans grammaire. » Mais il ajoute immédiatement une autre dimension, celle de la compréhension mutuelle entre le cinéaste et les spectateurs : « C'est la base de toute communication ; on se met d'accord sur le fait que certains signes signifient certaines choses. » (in Tirard, 2004, p.173-174). Cela ne signifie pas qu'il faille, à ses yeux, ne pas déroger les règles établies, innover. «A l'intérieur de ce langage, il existe une vraie flexibilité. Et votre rôle en tant que cinéaste, est de trouver, pour chaque plan, l'équilibre idéal entre ce qui est attendu, ce qui est nécessaire, et ce qui est excitant. Vous pouvez utiliser un gros plan de façon conventionnelle, c'est-à-dire pour attirer le regard sur quelque chose, où vous pouvez vous en servir pour obtenir tout le contraire, c'est-à-dire détourner l'attention. »

On le voit, David Cronenberg attache beaucoup d'importance au public, à ses spectateurs : « Si vous vous amusez à jouer avec les règles du langage cinématographique, le résultat sera évidemment plus dense, plus complexe, et l'expérience qu'en retirera le spectateur sera plus enrichissante. En même temps, cela implique que le spectateur en question possède déjà une certaine connaissance du langage cinématographique, sinon il va se sentir perdu et finira par décrocher. En gros, pour communiquer de façon plus intense avec cent personnes, vous risquez d'en perdre un millier en chemin.».

Aussi, conseille-t-il de bien définir sa cible avant toute utilisation du langage cinématographique : «  je pense que c'est quelque chose qu'un cinéaste doit être capable de décider à l'avance - quel sera son public - car cela influence obligatoirement le langage cinématographique qu'il doit utiliser ».

David Cronenberg va, semble-t-il, plus loin que les autres dans la nécessité d'une adaptation du produit cinématographique à la cible visée, d'un marketing, diront certains.

C- Les réalisateurs qui pensent qu'il n'existe pas de grammaire cinématographique

Ils sont aussi connus et appréciés que ceux qui ne pensent pas comme eux.

Ainsi, quelques mois avant son décès, Claude Sautet répondit à Laurent Tirard qui l'interviewait : « Existe-t-il vraiment des règles en matière de mise en scène ? Je ne crois pas. Si on demandait à trente réalisateurs de filmer la même scène, on découvrirait probablement trente approches différentes. L'un d'entre eux ferait tout en plan unique, un autre découperait ça à l'extrême, un autre ne ferait que des gros plans sur les visages, etc. Tout est affaire de point de vue. Il n'y a pas de loi » (in Tirard, 2004, p.113)

Cette réponse de bon sens et d'un homme d'expérience ne peut pas laisser indifférente, pousse en quelque sorte à douter des dires des tenants d'une grammaire.

Sautet n'est pas le seul à ne pas croire en l'existence d'une grammaire.

Bernardo Bertolucci déclara : « N'ayant pas appris la mise en scène de façon théorique, la notion de grammaire cinématographique ne signifie rien pour moi. Et étant donné ma façon de penser, j'aurai tendance à dire que si grammaire il y a, elle est faite pour être transgressée » (in Tirard, 2004, p.133).

Bertolucci insiste sur le caractère provisoire d'une éventuelle grammaire : « Parce que c'est comme ça que le langage cinématographique évolue. Quand Godard a tourné A bout de souffle (1960), sa grammaire c'était « le jump cut 135(*) au pouvoir ». Et ce qui est extraordinaire, c'est que si vous regardez l'un des derniers films de John Ford, Seven Women, vous vous rendez compte que ce metteur en scène, qui est pourtant un des plus classiques du cinéma hollywoodien, a de toute évidence vu A bout de souffle, et qu'il se met à son tour à faire du jump cut, ce qui dix ans plus tôt aurait paru inconcevable. »

Plus affirmatif encore, John Woo croit plutôt en la valeur du résultat en fin de montage qu'en celle des règles à respecter lors du tournage : « Je ne connais aucune règle, aucune véritable grammaire du cinéma. Quand je prépare une scène, je ne me dis pas « oh, il faut la tourner en gros plan » ou « oh ça c'est un plan large ». Je préfère tourner plusieurs grosseurs et prendre ma décision finale au montage, parce que c'est à la fois le moment où j'arrive le mieux à avoir un esprit de synthèse, et celui où le film se met réellement à prendre vie. Donc, je n'hésite pas à tourner chaque scène avec plusieurs caméras (j'ai déjà été jusqu'à 15 caméras pour des scènes d'action particulièrement complexes) et même à faire tourner certaines des caméras à des vitesses différentes. » (in Tirard, 2004, p.204).

Cette attitude, on la retrouve aussi chez Emir Kusturica qui fait confiance en son instinct : « La pire erreur que puisse commettre un cinéaste débutant est de croire que le cinéma est un art objectif. (...) Moi, je me laisse toujours guider par mon instinct. Mais je comprends que d'autres trouvent la logique plus rassurante. En tout cas, il n'existe pas vraiment de grammaire cinématographique. Où, plutôt, il en existe des centaines, puisque chaque réalisateur en invente une pour lui-même. » (in Tirard, 2004, p 86-87)

Interrogé par Ciment (2003, p.398), John Cassavetes fait partie de cette catégorie de réalisateurs qui ne croit pas au respect de règles. Comme Sautet, il part du constat que « chaque metteur en scène tournerait une même scène de façon différente ». Il va plus loin, toutefois, en minimisant l'influence du tournage et du montage, prenant ainsi le contre-pied des théoriciens classiques à l'origine d'une bonne partie de la grammaire cinématographique : « Si vous voyez quelque chose de convaincant, peu importe comment vous le voyez (...) Si c'est bon, alors la scène est bonne, même si le cadre n'est pas bon (...) Je n'ai jamais vu une bonne scène qui ne soit pas bonne, quel que soit l'angle de la caméra. J'ai vu des scènes prises sous sept, huit angles différents ; elles étaient toujours bonnes si la scène était bonne, toujours mauvaises si la scène était mauvaise ».

D- Les réalisateurs qui s'imposent des règles pour s'obliger à plus être plus créatifs

Plutôt que de respecter les règles classiques de la grammaire cinématographique, certains réalisateurs ont d'une part voulu s'en détacher, d'autre part s'imposer d'autres contraintes pour stimuler leur créativité artistique.

En 1995, des réalisateurs se réclamant du mouvement lo-fi (basse fidélité)136(*) rédigèrent une sorte de charte qu'ils appelèrent le Dogme.

Ce dernier comprend dix règles que doivent respecter scrupuleusement ses signataires pour recevoir le sceau officiel du Dogme. 

Les dix règles du Dogme 1995

- Éclairage naturel seulement, ou le strict minimum requis (par exemple, un spot attaché à la caméra lorsque les conditions de tournage l'exigent) : tournage en extérieur

- Caméra à l'épaule, vidéo légère, matériel portable (de type caméra Sony) ; transfert du film de la vidéo au 35mm

- Obligation de recourir à la couleur

- Rejet des filtres, des trucages, des effets spéciaux et visuels

- Proscription absolue des films de genre (thriller, horreur, fantastique, s.-f., etc.)

- Le scénario doit être un canevas à partir duquel on doit laisser libre cours à l'improvisation ; en outre, il doit être entièrement dépourvu d'actions superficielles (ex: meurtres, armes)

- Seul accompagnement sonore autorisé : la musique et les bruits live, présents et enregistrés lors du tournage (aucun retravail sonore au montage n'est autorisé)

- Aucun décor, costume ou accessoire : le film est tourné dans des "lieux réels"; rejet complet du studio

- Le film ne doit porter en aucun endroit la signature du réalisateur (ce afin de briser la dictature de l'auteur bourgeois et afin de redonner la primauté au travail collectif et démocratique)

- Le réalisateur doit enfin signer cette déclaration : « De plus, je jure comme réalisateur de m'abstenir de tout goût personnel! Je ne suis plus un artiste. Je jure de m'abstenir de créer une "oeuvre", car je considère l'instant comme plus important que la totalité. Mon but suprême est de forcer la vérité à sortir de mes personnages et du cadre de l'action. Je jure de faire cela par tous les moyens disponibles et au prix de tout bon goût et de toutes considérations esthétiques. Ainsi je prononce mon VOEU DE CHASTETÉ... » (extrait de la déclaration officielle de Dogma 95).

Lorsqu'un film répond à tous ces critères et qu'il est approuvé par le comité Dogma, il reçoit le sceau officiel du Dogme ainsi qu'un certificat de réussite (présenté au début du film).137(*)

A propos du Dogme 1995, Lars Von Trier a déclaré (in Tirard, 2004, p.155) : « Je me disais qu'en m'imposant des règles, des choses nouvelles allaient sortir de mon travail, et c'est exactement ce qui s'est passé. Parce que le processus artistique est basé sur l'idée de la contrainte. Ce qui implique de se fixer un cadre de travail ».

Il explique les réactions vives, favorables ou critiques, de certains à l'égard du Dogme, par le fait même qu'il fut rédigé et largement diffusé, ce que d'autres courants ou écoles de réalisateurs n'avaient pas fait jusqu'à présent pour formater leur style - par exemple, les réalisateurs de la Nouvelle Vague qui, avant le comité Dogma, ne voulaient pas être prisonniers d'un savoir-faire technique mais au contraire affirmer leur indépendance d'esprit en ne respectant pas certaines normes de qualité (Leveratto, 2000, p.281). « La différence avec le Dogme, c'est que nous avons décidé de coucher ces règles sur papier. Je crois que c'est ça qui a choqué tant de monde. Mais le fait des les écrire noir sur blanc créait une certaine forme d'honnêteté, je trouve. Et je pense que tout cinéaste, consciemment ou non, travaille avec ses propres règles. Disons que moi j'appelle ça des règles, et que d'autres appellent ça ...un style. Et contrairement à d'autres, j'éprouve le besoin de changer constamment ces règles et de les remettre en question, afin d'évoluer » (Lars Von Trier, in Tirard, 2004, p.155).

Lars Von Trier a bien compris, comme de nombreux autres réalisateurs, ne partageant pas sa conception « dogmatique », que l'évolution des règles est une condition du progrès, sachant que la compétence technique des spectateurs progresse également et que l'originalité peut devenir banalité en cas d'imitation. Ainsi, Jullier (2002, p.88) estime que : « dans le contexte de sortie du film Dancer in the Dark (Lars Von Trier, 2000), ce style de filmage opère comme signe de vérité », mais il ajoute : « il n'en sera pas toujours ainsi, surtout si un grand nombre de réalisateurs se mettent à travailler de cette façon ».

A la question existe-t-il une grammaire cinématographique, les réponses sont donc très variées allant des deux extrêmes (oui - non) en passant par des réponses plus nuancées. C'est pourquoi, certains auteurs préfèrent parler de conventions. Conventions qui semblent mieux acceptées que des règles, des lois, des codes, une grammaire, etc. dont certains ne supportent pas le poids. Ainsi, à partir des années 70-80, les réalisateurs américains eurent tendance à adapter, plus qu'à rejeter, les conventions classiques138(*). Un phénomène si important que Bordwell et Thompson (2000, p.582) termine leur ouvrage par : « Le vieil Hollywood fit donc son retour dans les années 70 et 80, à travers les films de jeunes réalisateurs talentueux qui adaptèrent les conventions classiques aux goûts des contemporains ».

Et c'est sans doute là la raison du succès des Spielberg, Lucas, Scorsese, Zemeckis, Coen, De Palma, Coppola et bien d'autres : l'appropriation de conventions et leur adaptation continuelle aux goûts des spectateurs dont l'expérience et la culture cinématographique évoluent.

Nous avons vu précédemment que considérant le cinéma comme un langage, c'est-à-dire une combinaison de codes, l'une des premières tâches de la sémiologie du cinéma, dans les années 60-70, fut de recenser et de classer les différents codes utilisés.

Nous présenterons, dans les chapitres qui suivent, les principaux codes filmiques en adaptant légèrement la classification que l'on doit à Metz et à Odin (voir plus haut).

Nous développerons, à part de la bande image, le code de la narrativité dans un chapitre consacré à la narratologie pour mettre en valeur l'importance des systèmes internes aux films et ne pas laisser croire qu'il existe un système général qui vaut pour tous les films (Journot, 2004).

Nous considérons, par ailleurs, qu'il est arbitraire de placer le code de la narrativité dans les codes de la bande image dans la mesure où, comme nous le verrons, l'une des approches narratologiques, la narratologie dite modale, s'intéresse à toutes les formes d'expression utilisées par le narrateur pour raconter une histoire, qu'il s'agisse d'images ou de sons, et donc pas seulement aux éléments de la bande image.

Chapitre 4 : L'approche narratologique

Le rapprochement et/ou la confrontation de la littérature et du cinéma remonte aux origines du cinéma ou presque (Serceau, 1999). Les différences étant nombreuses139(*), le point commun réside, selon Ropars-Wuilleumier (1970, p.5) dans le fait que la littérature et le cinéma utilisent «une matière chargée de sens - mots ou images, certes, mais traitant des hommes et du monde ; et, de l'aventure humaine, ils peuvent modeler à leur gré les formes ou les rêves »140(*). Cette référence à l'expression littéraire se concrétisa notamment par l'adoption par les premiers cinéastes de la forme narrative comme modèle d'agencement des récits. Ce dernier leur permit de raconter des histoires au cinéma, sur le modèle des récits littéraires, et de connaître le succès commercial.

Ainsi, dans les années trente, le pouvoir du cinéma américain fut essentiellement lié à sa forme narrative, c'est-à-dire à un type d'organisation où les parties du film sont en rapport les unes avec les autres à travers une série d'événements ayant des relations causales et se déroulant dans un certain espace, en un certain temps (Bordwell et Thompson, 2000, p.585). Selon certains auteurs, ce lien ne serait pas innocent ; la narrativité servait une vision idéologique des idéaux sociaux de l'Amérique (Browne, 1993, p.78-86).

A l'heure actuelle, la plupart des films produits et diffusés dans le monde sont également des films narratifs. Aussi, n'est-il pas étonnant que l'analyse filmique ait repris des modèles élaborés pour étudier les oeuvres littéraires et plus précisément les romans.

Avant de développer les différents apports de la narratologie au cinéma, ce qu'il faut souligner c'est le triple intérêt de cette approche : - pour le cinéaste qui souhaite raconter une histoire, - pour le spectateur qui souhaite vivre une histoire grâce au cinéma, - pour l'analyste à la recherche d'une méthode d'analyse.

L'analyse du récit filmique fit l'objet d'un vif intérêt, dans le milieu des années soixante141(*), à la suite de l'étude de Vladimir Propp sur les contes populaires russes142(*) et des travaux de Claude Lévi-Strauss sur les mythes. Divers modèles d'analyse du récit furent alors proposés dont celui de Greimas (Metz, 2003, p.25). La vague structuraliste qui a fortement influencé l'analyse des récits fut suivie par la naissance de la narratologie. « C'est à Gérard Genette - qui a repris le mot narratologie à son collègue Tzvetan Todorov (1969) - et à son ouvrage spécial Figures III (plus précisément la partie intitulée Discours du récit) publié en 1972 que l'on fait remonter l'origine de la narratologie comme discipline » (Gaudreault et Jost, 2000, p.5).

Genette (1983) distingue la narratologie thématique et la narratologie modale.

La première s'occupe de l'histoire racontée, des actions, des rôles des personnages, des relations entre eux, les actants. Ce sont les outils que nous étudierons en premier lieu au travers notamment les travaux de Propp, le modèle de Greimas, etc. Nous tenterons d'éviter l'écueil d'une présentation trop théorique et chercherons à mettre en valeur les utilisations pratiques notamment dans le domaine de la rédaction d'un scénario.

La narratologie modale s'intéresse essentiellement à toutes les formes d'expression utilisées par le narrateur pour raconter une histoire, pour mettre en forme, puis livrer un récit à son lecteur. C'est-à-dire dans le cas d'un film par : les images, les sons, les mots, la temporalité du récit, le point de vue, etc. Nous étudierons ultérieurement les apports de la narratologie modale, ou narratologie de l'expression, en les rapprochant de ceux de la sémiologie du film narratif développés notamment par Christian Metz et de la sémio-pragmatique143(*) (Odin).

I- La distinction entre le récit et l'histoire

Pour bien comprendre l'analyse narratologique, il est important de revenir sur la distinction entre le récit et l'histoire, deux concepts que certains auteurs n'hésitent pas à confondre ou tout au moins à laisser dans un certain flou partant du principe qu'ils reposent tous deux sur l'importance de la causalité, du temps et de l'espace.

Nous devons à Bordwell et Thompson (2000) d'en avoir précisé les contours en reprenant la différence faite entre histoire et discours.

Selon eux, le récit est l'ensemble des événements présentés au spectateur, avec leurs relations causales, leur ordre chronologique, leur durée, leur fréquence et leurs situations spatiales par le film au moyen d'images et de sons.

Tandis que l'histoire est la somme de tous les faits présentés explicitement dans le film, au moyen d'images et de sons, auxquels s'ajoutent les événements que le spectateur déduit ou suppose avoir eu lieu.

Autrement dit, l'histoire est une reconstitution imaginaire par le spectateur de tous les événements qui sont supposés avoir eu lieu.

Bordwell et Thompson ont résumé les relations entre le récit et l'histoire par le schéma suivant (légèrement modifié) :

Evénements déduits par le spectateur

HISTOIRE

RECIT

Evénements représentés par le film

Eléments extradiégétiques (n'appartenant pas à l'histoire : sons et images rajoutés par le réalisateur)

Toutefois, selon que l'on se situe du point de vue du réalisateur ou de celui du spectateur, ce schéma est quelque peu modifié.

Pour le réalisateur d'un film, l'histoire est la somme des événements composant l'univers diégétique, plus simplement dit : tout ce qu'il sait de l'histoire qu'il veut raconter. Mais il peut ignorer volontairement certains événements ou vouloir en cacher au spectateur. Il peut, au contraire, souhaiter ajouter des éléments n'appartenant pas à l'histoire. Ainsi, il crée un récit à partir d'une histoire.

Construction par le réalisateur

Une Histoire Son Récit

Le spectateur, de son côté, en tant que sujet percevant, ne prend connaissance que du récit, des éléments présentés par le film, appartenant ou non à l'histoire, autrement dit de l'organisation narrative concrète du film. Mais, à partir de ces éléments filmiques, il va construire sa propre histoire, différente de celle du réalisateur et de celle que créeront les autres spectateurs à partir des mêmes informations fournies par le récit.

Construction par le spectateur

Un Récit Son Histoire

La distinction entre histoire et récit est donc doublement intéressante. Elle permet de mieux comprendre le processus de création de sens chez le spectateur mais également le processus de création cinématographique. Le scénariste, notamment, en partant d'une histoire (vraie ou d'une recomposition de faits réels et/ou imaginés) peut, en effet, écrire un scénario que d'autres professionnels du cinéma transformeront, à l'aide d'images et de sons, en un film narratif.

Construction par le scénariste

Une Histoire Son Récit (écrit)

Construction par les différents professionnels

du cinéma : réalisateur, cadreur, monteur, etc.

Construction par le spectateur

Un Récit Son Histoire

(filmique)

Il est, à ce stade, important de noter qu'autant un spectateur est seul à construire son histoire à partir des éléments filmiques qu'il perçoit lors du visionnage, autant la fabrication d'un film est une réalisation collective qui fait intervenir un grand nombre de métiers (cadreur, ingénieurs du son, musicien, comédiens, scénariste, etc.) que le réalisateur ne fait que coordonner, à l'instar d'un chef d'orchestre.

Cette réalité explique en grande partie l'utilité d'un langage commun que les professionnels du cinéma devront connaître et utiliser dans leurs échanges inter-corporations et de l'intérêt économique d'un scénario structuré et agencé, facilitant le découpage technique, pour organiser les prises de vues à moindre coût et dans les délais impartis par la production et tenant compte des emplois du temps de chacun des intervenants (techniciens, décorateurs, acteurs, etc.).

Il n'en demeure pas moins vrai que, pour la plupart des auteurs, le scénariste est le professionnel du cinéma qui peut retirer le plus d'avantages à utiliser l'analyse des récits.

II- L'analyse des récits et l'écriture d'un scénario

Certains auteurs voient dans l'analyse du récit filmique une activité « complémentaire » à l'écriture de scénario. « L'analyse aide à comprendre comment les films réussissent à nous raconter des histoires. Elle conduit à définir ces concepts de base, fort utiles ensuite pour l'écriture » (Roche et Taranger, 1999, p.3). Si elle aide à l'écriture de bons scénarios, autrement dit des scénarios de films qui marchent commercialement, c'est qu'elle correspond aussi à une attente du spectateur 144(*). Dans un domaine autre que cinématographique, Propp fut le premier à être arrivé à une conclusion similaire en étudiant les contes populaires russes.

A- Les fonctions de Propp

L'ethnologue russe, Vladimir Propp, en étudiant 350 contes de son pays, a trouvé dans ces récits des valeurs constantes dans les actions ou fonctions des personnages. Après les avoir dénombrées (trente et une), puis constaté en l'existence d'une succession rigoureuse des fonctions, et montré que sa transgression pouvait mener à une perte de sens de la structure, Propp en tire une conclusion : tous les contes merveilleux appartiennent au même type en ce qui concerne leur structure145(*).

Les personnages des contes, les « sphères d'action », selon Propp, appartiennent aux sept catégories suivantes :

- le héros ou le protagoniste

- le donateur

- l'auxiliaire

- le mandateur

- le faux-héros

- la qualité ou le personnage recherché

- l'agresseur ou le méchant.

« Pour résumer, le conte commence par la description d'une situation initiale. (...) L'action est déclenchée par une perturbation de l'ordre initial (...) Une mission réparatrice est confiée au héros. Il part et rencontre en chemin des obstacles et des auxiliaires qui peuvent être humains, animaux voire inanimés. Il finit par accomplir sa mission et revient à son point de départ pour annuler la dysphorie du début, rétablir l'euphorie et être récompensé. » (Roche et Taranger, 1999).

Les 31 fonctions de Propp

0 Situation initiale : image du bonheur

1ère fonction : Eloignement : un des membres de la famille s'éloigne de la maison

2ème fonction : Interdiction : le héros se fait signifier une interdiction

3ème fonction : Transgression : l'interdiction est transgressée

4ème fonction : Interrogation : l'agresseur apparaît et essaie d'obtenir des renseignements

5ème fonction : Information : L'agresseur reçoit des informations sur sa victime

6ème fonction : Tromperie : l'agresseur tente de tromper sa victime pour s'emparer d'elle ou

de ses biens

7ème fonction : Complicité : la victime se laisse tromper et aide ainsi son ennemi malgré lui

8ème fonction : Méfait : l'agresseur nuit à l'un des membres de la famille

ou

8e fonction : Manque : l'un des membres de la famille a envie de quelque chose

9me fonction : Médiation : on s'adresse au héros pour qu'il intervienne

10ème fonction : Décision : le héros décide d'agir

11ème fonction : Départ : le héros quitte la maison

12ème fonction : Première fonction du donateur : le héros subit une épreuve qui le prépare à

recevoir un objet ou un auxiliaire magique

13ème fonction : Réaction du héros : le héros réagit aux actions du futur donateur

14ème fonction : Réception de l'objet magique : le héros reçoit l'objet magique

15ème fonction : Déplacement du héros dans l'espace : le héros est conduit où se trouve

l'objet de sa quête

16ème fonction : Combat : le héros et l'agresseur s'affrontent

17ème fonction : Marque : le héros reçoit une marque

18ème fonction : Victoire : l'agresseur est vaincu

19ème fonction : Réparation : le méfait est réparé ou le manque initial comblé

20ème fonction : Retour : le héros revient

21ème fonction : Poursuite : le héros est poursuivi

22ème fonction : Secours : le héros est secouru

23ème fonction : Arrivée incognito : le héros arrive chez lui

24ème fonction : Prétentions mensongères : un faux héros se fait valoir

25ème fonction : Tâche difficile : on propose au héros une tâche difficile

26ème fonction : Tâche accomplie : le héros accomplit la tâche

27ème fonction : Reconnaissance : le faux héros est reconnu

28ème fonction : Découverte : le faux héros est démasqué

29ème fonction : Transfiguration : le héros reçoit une nouvelle apparence

30ème fonction : Punition : le faux héros ou l'agresseur est puni

31ème fonction : Mariage : le héros se marie et monte sur le trône...

Toutes ces fonctions peuvent avoir une résolution positive ou négative : la victoire devient alors une défaite.

Selon Propp, les contes nouveaux ne sont en réalité que des combinaisons ou des modifications de contes anciens, sachant que l'auteur du conte n'a qu'une liberté limitée.

L'auteur du conte est libre de :

L'auteur du conte n'est pas libre de :

- choisir les fonctions qu'il souhaite et d'en omettre

- choisir les moyens par lesquels la fonction se réalise

- choisir les personnages et leurs attributs

- s'exprimer dans la langue et dans le style de son choix

- modifier l'ordre des fonctions

- modifier les éléments dont les espèces sont liées par une dépendance

- supprimer la situation initiale et le lien logique avec les fonctions suivantes

Que penser de l'utilisation du modèle de Propp, élaboré pour analyser les contes populaires russes, dans le domaine du cinéma ?

Les avis sont de ce point de vue très partagés. Aumont et Marie (1999, p.97) estiment qu'il est à peu près impossible, notamment en raison de la trop grande rigidité des sphères d'action (ou rôles des personnages) et de l'ordre des fonctions, de l'utiliser dans un autre champ que les contes folkloriques merveilleux et donc de s'appliquer à des fictions filmiques. Ils vont jusqu'à regretter, pour leur part, « l'usage extensif, bien au-delà des limites raisonnables, qui en a parfois été fait (par des chercheurs anglophones). »

Opritescu (1997) est loin de partager ce point de vue. Après de très nombreuses analyses filmiques, il est arrivé au constat que dans la plupart des films se cachent des figures de narrativité qui se répètent de façon identique malgré la diversité extrême des récits, des pays, des langues, des époques historiques, enfin des langages filmiques.

Il dit avoir découvert, par hasard, l'étude de Propp et en avoir compris l'importance capitale pour tout art basé sur la narration (littérature, dramaturgie, cinéma, opéra, etc.). C'est la raison pour laquelle il conseille, dans son cours d'analyse filmique, d'utiliser la grille des fonctions mythiques de Propp pour analyser les films : «tout art narratif, dont fait partie le cinéma de fiction, est régi, sous certaines conditions, par la même structure monotypique que nous avons appelée matrice mythique ».146(*)

A partir du modèle de Propp, que la plupart des auteurs sur la rédaction des scénarios recommandent de connaître - « dans la mesure où il permet de repérer des constantes dans la diversité des situations concrètes »147(*) - d'autres théoriciens, à partir des années soixante, ont tenté d'élaborer des modèles et des schémas moins rigides et donc plus utilisables.

Parmi les méthodes systématiques de lecture d'un récit destinées à en faire apparaître un des sens non immédiats, l'une des plus connues est l'analyse actancielle. (Mucchielli, 1996, p.10)

B- L'analyse actancielle de Greimas

En tant que sémanticien, Algirdas-Julien Greimas148(*) s'est davantage intéressé au problème de la signification qu'à celui de la syntaxe fonctionnelle, c'est-à-dire à l'enchaînement des différentes unités dans le récit comme le firent, notamment, Roland Barthes et Claude Brémond.

L'analyse sémantique qu'il fait des récits reprend le principe de Propp selon lequel le nombre des rôles, des personnages, est limité.

Ce que Propp appelle les sphères d'action, il les nomme les actants. Il ne retient que six actants, sachant que ces derniers peuvent s'incarner dans des personnages, des animaux, des objets, etc. :

- le destinateur, celui qui confère la mission, celui à cause de qui la situation s'est créée, le responsable.

- le sujet : celui qui reçoit la mission et va l'accomplir, le héros de l'action

- l'objet de la quête : la valeur que le héros cherche, le but de son action

- le destinataire, celui qui doit bénéficier de l'objet de la quête, celui qui profite de l'action, celui à qui elle s'adresse ou pour qui elle a lieu

- l'adjuvant, celui qui aide le sujet-héros à accomplir sa mission,

- l'opposant, celui qui tente de l'en empêcher, qui crée des obstacles.

Il part également des 31 fonctions de Propp qu'il restructure en 20, puis en 4 concepts : Contrat, Epreuve, Déplacement, Communication.

Le but de la méthode est de décrire la structure narrative en clarifiant les rapports entre les actants qui ont une fonction dans le récit.

La méthode comporte trois étapes : le repérage des séquences narratives, le repérage des actants et leur parcours par séquence, l'analyse des transformations diverses affectant les actants d'une séquence à l'autre. (Mucchielli, 1993, p.18-22)

- Le repérage des séquences narratives consiste à diviser le récit en scénettes homogènes, à définir les actants de ces scénettes, leurs rôles et leurs relations que l'on visualise à l'aide d'un schéma.

DESTINATEUR OBJET DESTINATAIRE

ADJUVANT SUJET OPPOSANT

L'axe qui joint le Sujet à l'Objet est l'axe de la quête, du désir, tandis que l'axe qui joint le Destinateur au Destinataire est l'axe dit de la communication.

- Le repérage des actants selon les six catégories (destinateur, sujet, objet, destinataire, adjuvant, opposant) ; les qualifications des actants sont expressives des motivations qui les animent, des craintes, des peurs, des pulsions, etc.

- L'analyse des transformations qui revient à mettre en évidence et à étudier les transformations d'une scène à l'autre. « On considère le parcours narratif total et l'on examine les transformations d'état et de relation qui affectent les actants d'un point de vue de leur vouloir-faire, savoir-faire ou pouvoir-faire. » (Mucchielli, 1993, p.19).

Aumont et Marie citent l'un des rares exemples d'application de ce modèle à une analyse de film, celle d'Alan Williams qui, en 1974, étudia Metropolis de Fritz Lang. « Il se heurta très vite à l'obligation de considérer plusieurs héros (plusieurs sujets) au fur et à mesure que sa description progresse. Ainsi, le premier segment du film pose les ouvriers comme Sujet, l'axe du désir - défini dans le film par leur condition aliénée - les amenant à désirer comme Objet la maîtrise de leur condition (= le pouvoir politique). Le second segment institue Freder comme Sujet, et, lui révélant l'existence d'un monde du travail ignoré de lui, situe comme Objet la connaissance de ce monde ouvrier. (...) Plus tard encore, c'est Maria qui sera l'Objet d'un désir amoureux de la part de Freder, etc. ».

Les modèles de Propp et de Greimas ont été largement étudiés et repris depuis, notamment par Vanoye. Dans son ouvrage Récit écrit, récit filmique (1979, rééd.1989), ce dernier reprend les hypothèses de Vladimir Propp et de Claude Bremond qui envisagent la structure d'une histoire comme relativement indépendante des techniques qui la prennent en charge, qu'il s'agisse d'un roman, d'un film ou d'une pièce de théâtre.

Ces deux modèles, antérieurs aux années soixante-dix, sont néanmoins peu utilisés dans le domaine filmique, notamment en raison de leur rigidité et de leur lourdeur.

C- Le paradigme ternaire de Field

Les spécialistes de la rédaction des scénarios leur préfèrent souvent des moyens de structuration plus simples tels que le paradigme de Field selon lequel toute histoire doit comprendre trois actes : l'exposition ou introduction, qui s'achève sur un premier coup de théâtre (plot-point) ; le développement ou noeud avec une confrontation qui se termine sur un deuxième coup théâtre ; et, enfin, le dénouement ou conclusion149(*) (Chion, 1985, p.143-144).

« Pour Syd Field, un scénario comprend donc trois actes : le début (beginning) ou exposition (set-up), le milieu (middle) ou moment où se noue le conflit (confrontation) et la fin (end) ou dénouement (resolution) » (Roche et Taranger, 1999, p.28-29). Ces trois actes sont séparés par deux charnières dramatiques majeures (plots points ou turning points). Chacun des trois actes est divisible en trois parties similaires pour constituer un plan-gigogne.

Field150(*) va jusqu'à préciser les proportions respectives auxquelles doit obéir tout bon scénario structuré en trois actes : le premier acte doit occuper un quart de la durée totale, le deuxième la moitié et le troisième le quart restant (Chion, 1985, p.144).

Toutefois, cette structuration d'un scénario n'est pas nouvelle ; elle reprend à son compte la structure en trois actes des pièces de théâtre, des tragédies grecques, etc. selon le modèle antique : Exposition/Péripétie/Catastrophe ou Exposition/Conflit/Résolution ou Dénouement.

Elle peut être également comparée aux formules proposées par Gilles Deleuze (1983, p.197-220) qui distingue deux formes de l'image-action, au cinéma : la grande forme et la petite forme.

La grande forme, appelée aussi représentation « est organique ou spiralique, a pour formule S-A-S' », de la situation initiale S à la situation transformée S'grâce à l'action A. « Dans l'ensemble, on peut dire que c'est comme deux spirales inverses, dont l'une se rétrécit vers l'action et l'autre s'élargit vers la nouvelle situation : une forme coquetier ou sablier».

La petite forme va au contraire de l'action A à la situation S vers une nouvelle action A' et a donc, pour formule, A-S-A'.

Le paradigme de Field est plus proche de la grande forme que de la petite ; cette dernière étant assez rarement respectée, y compris dans les films policiers (Philippe, 1999), contrairement à ce que laisse entendre Deleuze151(*).

La forme dramaturgique classique est également reprise par Seger (2000).

Linda Seger, l'une des plus célèbres consultantes de scénarios de Hollywood152(*), préconise dans son ouvrage Faire d'un bon scénario un scénario formidable153(*) de donner à un scénario une structure forte qui va soutenir l'histoire. « Cela signifie construire votre histoire d'une façon qui lui donnera une forme, un point de focalisation, un rythme et une certaine clarté ».

Le but recherché est clair : attirer l'attention du spectateur et l'aider à comprendre l'histoire sans jamais que son attention ne se relâche : « Vous devrez trouver des façons d'aider les spectateurs à suivre votre histoire, et à ne jamais relâcher leur attention. Vous devez travailler votre histoire de façon dramatique ».

Elle conseille, comme Field, d'adopter une structure fondamentale en trois actes : le début, le milieu et la fin : l'exposition (the set-up), le développement (the developpment) et la résolution (the resolution). Chacun des trois actes doit être focalisé sur un élément distinct, les transitions entre deux actes sont rendues possibles par une action ou un événement appelé pivot (a turning pivot).

Schéma de la structure en trois actes

(Selon Linda Seger, p.41)

Climax154(*)

1er Pivot 2ème Pivot

Exposition Résolution

Acte Un Acte Deux Acte Trois

Seger insiste sur l'importance des scènes d'exposition. « Ces scènes sont censées donner tous les renseignements cruciaux pour lancer l'histoire. Qui sont les personnages principaux, quel est le sujet traité ? Où se situe l'action ? S'agit-il d'une comédie ou d'un drame, d'une farce ou d'une tragédie ? » (...) « Les scènes d'exposition sont destinées à donner un indice sur la courbe dramatique (spine) ou la direction de l'histoire. Elles permettent de commencer à canaliser les situations vers une ligne narrative cohérente. »

Ces scènes d'exposition sont également un moyen d'aider le spectateur à s'orienter. « Il peut alors apprécier le spectacle sans avoir à se poser des questions telles que : De quoi s'agit-il ? Que font-ils ? Pourquoi le font-ils ? » (p.42).

Le schéma ci-dessus montre bien que le paradigme ternaire, en trois actes, est associé à une loi dite de progression continue selon laquelle la tension dramatique doit aller en croissant, jusqu'au climax, donc que « les événements les plus frappants et surtout les émotions les plus fortes soient prévus pour être donnés à la fin du film, au terme d'une montée » (Chion, 1985, p.139).

Autrement dit, la progression dramatique doit monter jusqu'à un point culminant, en émotion, en drame, en intensité, quelle qu'en soit la nature (attendrissement, rire, peur, surprise) appelé climax. Ce dernier doit être distingué des autres temps forts ou peaks (pointes) qui sont des moments de forte émotion, également, mais dont l'intensité une fois amenée à un haut niveau, « plus haut qu'immédiatement avant ou immédiatement après » (Chion, 1985, p.141), redescend.

Le schéma de Seger illustre bien le modèle le plus courant de la progression dramatique continue dans lequel le climax se situe vers la fin du film au terme d'une montée. Et la possibilité donnée aux scénaristes de placer après le climax des scènes de résolution et de détente, éventuellement pour que le spectateur retrouve ses esprits avant le retour à la réalité physique du monde.

Il montre bien également qu'un récit a un commencement et une fin, contrairement au monde réel. Et cela même si à la fin d'un film, l'histoire peut être reprise et se poursuivre soit par la volonté des cinéastes eux-mêmes qui décident de réaliser une suite (généralement d'ailleurs pour des raisons commerciales), soit dans l'imagination du spectateur. « Que la fin soit suspensive ou cyclique ne change rien à la nature du récit en tant qu'objet : tout livre a une dernière page, tout film a un dernier plan, et ce n'est que dans l'imagination du spectateur que les héros peuvent continuer à vivre. » (Gaudreault, Jost, 2000, p.18)

Les modèles de Field et de Seger reprennent en réalité des règles édictées par Aristote et, ensuite, par la plupart des théoriciens de l'art dramatique, notamment, comme nous venons de le voir, le paradigme ternaire mais aussi le critère d'unité (de sujet, de forme, d'action et de ton) qu'Aristote formula ainsi : « La tragédie étant l'imitation d'une action pleine et entière, il faut que les parties en soient assemblées de telle façon que si on transpose ou retranche l'une d'elles, le tout en soit ébranlé ou bouleversé ; car ce qui peut s'ajouter ou ne pas s'ajouter sans conséquence appréciable ne fait pas partie du tout ». Autrement dit, il est déconseillé aux auteurs de disperser l'unité du scénario dans trop d'intrigues secondaires (subplots) et dans trop de petits détails..

Cela ne doit pas occulter l'intérêt d'utiliser, dans certains cas, des techniques narratives telles l'ellipse, le plant, le hareng-saur et le Mac Guffin .

- L'ellipse consiste à omettre volontairement des fragments de l'histoire, des personnages, des lieux, des espaces-temps, des détails, etc. Des omissions que l'esprit du spectateur pourra ou ne pourra pas compléter.

Le scénariste a, en utilisant l'ellipse, généralement un des objectifs suivants : - accélérer le rythme, - ménager une surprise au spectateur, - éviter une répétition si le public sait déjà ce qu'il va se passer, - « enfin, il peut s'agir de paralipses parce que ce moment ou ce détail élidé est la pièce capitale du puzzle que représente la construction du film » (Chion, 1985, p.168).

Mais encore faut-il, comme le prône Aristote, pour respecter le critère d'unité que ce que l'on retranche n'enlève rien à l'unité du scénario et à sa compréhension par le spectateur.

- Le plant est l'introduction dans l'action, à un moment où cela semble sans intérêt, d'un personnage, d'un détail, d'un fait, etc. qui sera plus tard utile à l'intrigue : « un détail vestimentaire, la distance entre deux lieux, la présence d'un personnage dans une scène de groupe, le goût particulier d'un personnage pour tel type d'objet » (Chion, 1985, p.172)155(*).

- Le hareng-saur ou hareng rouge (en anglais red herring) qui est un moyen de détourner l'attention du spectateur et surtout de le mettre sur une fausse piste, pour mieux le surprendre ensuite. « Par exemple, un personnage d'allure suspecte qu'on introduit pour capter l'attention et qui n'est finalement qu'un inoffensif passant, tandis qu'un autre individu, à peine remarqué, se dispose à intervenir » (Chion, 1985, p.176).

- Enfin, le Mac Guffin, terme inventé par Alfred Hitchcock, qui est un moyen proche du hareng-saur mais davantage adapté aux films à suspens puisqu'il consiste à tendre des pièges narratifs grâce à des détails du récit afin d'aiguiller le spectateur sur une fausse solution de l'intrigue.

Ces techniques de relance, de diversion, d'accélération du rythme sont également adaptées à la structure mythique utilisée par certains scénaristes.

D- La structure mythique pour les scénaristes

La structure en trois actes n'est pas la seule recommandation de Linda Seger pour écrire un bon scénario. « La plupart des films qui ont eu le plus de succès sont fondés sur des histoires universelles 156(*). Elles traitent de notre voyage existentiel. Nous nous identifions aux héros parce qu'à une certaine époque nous avons été héroïque (descriptif) ou parce que nous aimerions pouvoir accomplir ce que le héros fait (prescriptif). » (Seger, p.163)

Au-delà de la présence du mythe du héros, Christopher Vogler157(*) considère, pour sa part, que toutes les bonnes histoires contiennent « des éléments structurels universels présents dans les mythes, les contes de fées, les rêves et les films », qu'il a appelé le Voyage du héros.

Il en est arrivé à cette conclusion en utilisant le travail de Joseph Campbell158(*), spécialiste de la mythologie, afin d'expliquer le succès de films tels que Star Wars (La Guerre des Etoiles, George Lucas, 1977) et Close Encounters (Rencontres du troisième type, Steven Spielberg, 1977). Il écrit dans son ouvrage : « Les gens retournaient voir ces films comme s'ils avaient recherché une sorte d'expérience religieuse. Il m'apparut que ces films provoquaient ce genre de réaction parce qu'ils reflétaient les modèles universels que Campbell avaient trouvés dans les mythes. Ils possédaient en eux quelque chose dont avait besoin le public ». (Vogler, 2002, p.14)

A partir de ce constat, il fit du Voyage du héros, une technique d'écriture de scénario dans laquelle on retrouve la structure en trois actes, décomposés en « scènes » qui ne peuvent que rappeler les fonctions de Propp et de Greimas, et la description de sept types communs de personnages ou de fonctions psychologiques très proches également des «sphères d'action » de Propp mais également inspirés des archétypes de Carl G. Jung.159(*)

Vogler propose une structure très proche de celle de Campbell mais, sans doute, mieux adaptée à l'écriture de scénario de film, écriture qui nécessite une grande liberté créative160(*).

En outre, Vogler précise que le modèle mythique qu'il propose peut être adapté : « j'ai volontairement interprété le mythe du héros à ma façon : tout narrateur adapte le modèle mythique à ses fins et selon sa culture. C'est pourquoi le héros a mille visages» (p.23).

Par ailleurs, il convient, selon lui, aussi bien aux histoires dramatiques, aux comédies, qu'aux histoires d'amour, aux récits d'aventure et d'actions contemporains. « Il suffit de remplacer les personnages symboliques initiaux par leurs équivalents modernes » (p.34).

De plus, il considère qu'il ne s'agit que d'un canevas, laissant à l'auteur la possibilité d'y intégrer des détails, des péripéties de son choix. Que cette structure doit rester discrète : « l'ordre des étapes n'est qu'une indication, certaines étapes peuvent être supprimées, d'autres ajoutées » (p.33).

Néanmoins, en dépit des nombreuses combinaisons possibles, l'histoire est toujours celle d'un voyage : le héros quitte son environnement familier et souvent confortable, pour s'aventurer dans un monde inconnu, étrange et plein de défis. « Dans tout bon récit, le héros grandit et évolue. Il passe continuellement du désarroi à l'espoir, de la faiblesse à la force et de la folie à la sagesse».

Cette structure permet, selon lui, de placer les spectateurs dans de bonnes conditions de compréhension et d'influence émotionnelle :

- les spectateurs sont habitués à trouver les étapes d'un tel voyage dans les livres d'aventures, les contes, etc. ;

- les états d'âme du héros et leur évolution « portent en eux une charge émotionnelle assez forte pour accrocher l'auditoire et faire qu'une histoire vaut la peine d'être regardée. » (p.23)

Structures mythiques selon Vogler et selon Campbell

 

Le guide du scénariste

ou le Voyage du héros

(selon Vogler)

Le héros au mille visages

(selon Campbell)

Acte I

Le monde ordinaire

L'appel de l'aventure

Le refus de l'appel

La rencontre avec le Mentor

Le passage du premier seuil

Départ, séparation

Le monde de tous les jours

L'appel de l'aventure

Le refus de l'appel

L'aide surnaturelle

Le passage du premier seuil

Le ventre de la baleine

Acte II

Epreuves, alliés et ennemis

L'approche du coeur de la caverne

L'épreuve suprême

La récompense

Descente, initiation, clairvoyance

La roue des épreuves
La rencontre avec la Déesse

La femme tentatrice

La réunion au Père

L'apothéose

Le don suprême

Acte III

Le chemin du retour

La résurrection

Le retour avec l'élixir

Retour

Le refus du retour

La fuite magique

Sauvetage de l'intérieur

Le passage du seuil au retour

Maître des deux mondes

Libre devant la vie

A la différence des structures de Field et de Seger, en trois actes, séparés par deux charnières dramatiques majeures (plots points ou turning points) ou pivots, la structure du Voyage du héros comprend trois seuils, selon le principe des « concepteurs de parcs d'attraction »161(*), qui, de plus, ne sont pas tous situés entre deux actes (notamment les deux derniers seuils).

Les étapes du voyage du héros et les trois seuils de Vogler

1- Le héros est présenté dans son environnement familier : le Monde ordinaire

2- Il entend l'Appel de l'aventure pour résoudre un problème, relever un défi, etc.

3- Il hésite, prend peur, refuse l'Appel

Mais

4- Il est encouragé par un Mentor, un vieux sage, une bonne mère, etc.

5- Il consent, il s'implique dans l'aventure : Le Passage du premier seuil. Le premier seuil, à la fin de l'Acte I, est le tournant qui déclenche l'Acte II.

6- Il rencontre des Epreuves, des Alliés et des Ennemis

7- Il atteint le Coeur de la caverne : un endroit particulièrement dangereux où l'objet de la quête est caché. Il observe généralement une pause avant de passer le deuxième seuil

8- Il subit l'Epreuve Suprême où il est confronté à ses plus grandes peurs.

9- Il s'empare de la Récompense après avoir survécu à l'épreuve suprême, à la mort (fin de l'acte II)

10- Il est poursuivi sur le Chemin du Retour vers le Monde Ordinaire (début de l'acte III)

11- Il passe le troisième seuil et ressuscite, transformé par l'épreuve : La Résurrection

12- Il revient dans le Monde ordinaire en rapportant l'Elixir : le Retour avec l'Elixir, qui peut être un trésor, une leçon du monde extraordinaire ou encore un savoir, une expérience qui serviront le héros et sa communauté.

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Comme dans les autres structures déjà présentées, celles de Propp, de Greimas, de Field ou de Seger, dans le Voyage du héros, le récit a un commencement et une fin. Et, en cela, le récit s'oppose au « monde réel » qui, selon Metz, n'a ni « commencement, ni fin ». Cela ne signifie par pour autant qu'une suite soit interdite, comme le montrent le succès de la saga légendaire de George Lucas (La Guerre des étoiles, L'Empire contre-attaque et le Retour du Jedi), celui de la trilogie mythique de Peter Jackson, Le Seigneur des Anneaux, ou encore des Harry Potter162(*).

Comme Propp avec ses sphères d'action (sept) et Greimas avec ses actants (six), Vogler définit un certain nombre de personnages qui peuplent le paysage du récit. Il les appelle les archétypes en référence aux archétypes de Jung.163(*)

Vogler conseille au narrateur d'utiliser « ces personnages types, ces symboles et ces schémas relationnels universels qui appartiennent à l'héritage commun de l'humanité » pour donner de la force à son histoire. Selon lui, bien qu'il existe un grand nombre d'archétypes, « autant que de qualités et de défauts humains », sept personnages sont les plus utiles :

- le Héros,

- le Mentor (vieux sage ou bonne mère),

- le Gardien du Seuil,

- le Messager,

- le Personnage protéiforme,

- L'Ombre,

- Le Trickster.

L'archétype du héros est associé à l'idée d'épreuve, de difficulté vaincue, de séparation et de retour triomphant.

Celui du Mentor, fréquent dans les rêves, les mythes et les histoires, représente un personnage positif qui soutient le héros par son aide et ses conseils.

Les Gardiens du Seuil sont les obstacles sur la route de l'aventure.

Le Personnage Protéiforme est un personnage changeant, à plusieurs visages dont la loyauté est douteuse.

L'Ombre est l'adversaire « de qualité » du héros tandis que le Trickster est un personnage incarnant la ruse et la dissimulation.

Pour chacun de ses archétypes, Vogler définit leurs fonctions psychologiques et dramatiques, reconnaissant que « cette réflexion me (lui) fut inspirée par le travail de Vladimir Propp » (p.38) et part, du principe, que les personnages n'ont pas de rôles rigides mais, au contraire, peuvent prendre différentes formes.

Fonctions psychologiques et dramatiques des archétypes de Vogler

Archétype de Vogler

Fonctions psychologiques

Fonctions

dramatiques

Différentes formes de personnages

Le Héros

Le « Moi », la recherche de son identité et de sa personnalité

L'identification du spectateur au héros

- l'antihéros

- le héros sociable

- le héros solitaire

- le héros volontaire

- le héros réticent

Le Mentor

Le « Soi », les hautes aspirations

L'enseignement, l'initiation et le don. La conscience du héros. Les hautes aspirations

- le héros déchu

- le comique

- le chaman

- etc.

Le Gardien du Seuil

Les névroses, les obstacles de la vie

Le test des capacités du héros

- gardes frontières

- sentinelles

- gardes du corps, etc.

Le Messager

L'appel du changement

La motivation, l'annonce du défi, de l'aventure à venir.

- messager positif

- messager négatif

- messager neutre

Le Personnage protéiforme

L'énergie de l'animus (traits de la virilité dans l'inconscient féminin) et de l'anima (traits de la féminité dans l'inconscient masculin)

Le doute, le suspense, la confusion dans la tête du héros

- La femme fatale

- Don Juan

- Personnage déguisé

L'Ombre

Le pouvoir des sentiments refoulés, les sentiments de culpabilité, les traumatismes

La création de conflits, la menace suprême du héros

Fonction ou masque que peut porter n'importe quel personnage (humain ou non)

Le Trickster ou mauvais génie ou génie farceur

Le retour sur terre, la remise des ego surdimensionnés à leur place

Le soulagement comique

Tout personnage qui utilise la farce pour arriver à ses fins : serviteurs, etc.

Plusieurs remarques peuvent être faites sur cette structure mythique de Vogler.

Elle s'inspire à la fois des modèles de Propp et de Greimas tant en matière de structure du récit qu'en matière de personnages, de sphères d'action ou d'actants. Elle a été élaborée à partir du travail de Joseph Campbell qui, aux dires de Vogler, s'est appuyé sur les écrits de Carl G. Jung notamment ceux sur les mythes.

En réalité, dans le Guide du scénariste de Vogler, les emprunts à Jung sont essentiellement terminologiques, et se manifestent notamment par une utilisation, parfois abusive, de mots tels que « archétypes », « moi », « soi », « animus » et « anima » et, d'une façon évocatrice, en désignant l'un de ses « archétypes » par l'Ombre qui, pour Jung symbolise notre « autre côté », notre « frère obscur » du même sexe et qui, avec le moi, la persona, l'âme, l'animus ou l'anima compose la psyché. 164(*)

L'analogie, quelque peu forcée, se prolonge entre le Voyage du Héros et le processus d'individuation, le chemin du développement de la personnalité (tel que le permet une analyse). Ainsi, Vogler suggère que lors de la onzième étape de son voyage, la Résurrection, le héros doit avoir changé. Sa « personnalité doit refléter les meilleurs côtés de l'ancienne, enrichie des leçons apprises tout au long du chemin ». (p.171). Il conseille également de placer le climax du scénario lors de cette étape, climax qui « doit engendrer une sensation de catharsis165(*) ».

La catharsis qui soulage et purge est souvent recherchée par le narrateur parce qu'elle provoque chez le héros et le public un « élargissement de la conscience et une perception à un degré supérieur » (p.176). Selon Vogler, la catharsis déclenchée par des rires, une peur ou tout autre expression physique des émotions est le climax logique de l'arc transformationnel de tout héros. Or, le développement des personnages est essentiel à une bonne histoire (Seger, 2000)166(*).

Pour éviter qu'un seul événement ne fasse évoluer un personnage brutalement, ce qui est rare dans la vie, le changement de la personnalité, dans le scénario, doit être progressif, d'où l'idée de Vogler de mettre en parallèle le modèle du Voyage du héros et l'arc transformationnel qu'il appelle également arc du caractère.

Présenté de cette façon, l'arc transformationnel pourrait apparaître comme un véritable chemin jungien de développement de la personnalité.

A dire vrai, la description de l'arc transformationnel que fait Vogler lui-même n'est qu'une suite d'étapes dans le processus de résolution du problème posé au héros. Il s'agit donc davantage de donner au personnage principal une trajectoire ascensionnelle dans le récit plutôt qu'un véritable chemin de développement de la personnalité.

On retrouve là, mais aussi dans la description que Vogler fait de ses «archétypes », le classement des personnages selon des critères narratologiques 167(*) : leur moment d'apparition dans le récit (au début, à la fin, aux moments forts, etc.), leur fréquence d'apparition, leurs lieux d'apparition (leur mobilité ou leur présence qu'en un seul lieu), leurs modalités d'apparition (seul ou accompagné, actif ou passif, avec une mission ou non, etc.), ainsi que leur évolution dans le bon ou mauvais sens. Ainsi, Roche et Taranger (1999, p.81) distingue « le personnage dont la trajectoire dans le récit est ascensionnelle ou descendante, le personnage fort ou faible narrativement parlant ».

Mise en parallèle des étapes de l'arc transformationnel

et de celles du voyage du héros

ARC TRANSFORMATIONNEL VOYAGE DU HEROS

1) Perception limitée du problème

2) Elargissement de la perception

3) Résistance au changement

4) Venir à bout de la résistance

5) Motivations pour le changement

6) Expérience du premier changement

7) Préparation au changement

8) Tentative de changement radical

9) Conséquences de la tentative (améliorations et reculs)

10) Nouvelles motivations

11) Tentative finale pour le changement radical

12) Maîtrise finale du problème

1) Monde ordinaire

2) Appel de l'aventure

3) Refus

4) Rencontre avec le mentor

5) Passage du seuil

6) Tests, Alliés et Ennemis

7) Approche du coeur de la caverne

8) Epreuve Suprême

9) Récompense (Prise de l'épée)

10) Chemin du Retour

11) Résurrection

12) Retour avec l'Elixir

Bien que largement repris et enseigné dans les écoles de cinéma et dans les grands studios d'Hollywood, ce modèle mythique est, pour son propre auteur, à utiliser avec prudence : « Caveat, Scriptor ! (Ecrivain, fais attention !) Le modèle du Voyage du Héros est un guide. Ce n'est ni un livre de recettes, ni une formule mathématique qui va s'appliquer à n'importe quelle histoire. Pour être efficace, une histoire n'a pas besoin d'obéir aveuglément aux principes de cette école, ni de n'importe quelle autre école (...) Forcer une histoire à se conformer à un modèle structurel, c'est mettre la charrue avant les boeufs ».

Cet avertissement et cet appel à la prudence nous les retrouvons dans la plupart des ouvrages qui traitent sérieusement de la rédaction des scénarios en mettant en garde contre l'uniformisation plus motivée par des objectifs de profit que par une ambition artistique.

« Le scénario se réfère, plus ou moins explicitement, à des modèles (de contenus, de structures narratives ou dramatiques). (...) Les manuels américains de scénario appuient leurs prescriptions sur l'analyse des films finis qui ont été des succès au box-office, beaucoup plus rarement que les grands classiques ou les films-phares de l'histoire du cinéma. Ce faisant, ils figent les modèles dans une morale de profit » (Vanoye, 1995, p.14).

Aussi, Vanoye se pose-t-il la question de savoir si une théorie du scénario est possible voire souhaitable ? Il y répond en quelque sorte en reprenant une phrase de Jean-Claude Carrière168(*) : « il existe des règles, mais c'est pour les violer ».

Notre dernière remarque concernera le parcours méthodologique qui a permis à Vogler d'élaborer son guide du scénariste et de continuer à utiliser son modèle mythique pour étudier les films169(*). Il suivit une démarche alliant à la fois l'observation et la classification, l'expérience d'analyste et celle de pédagogue, la passion pour la littérature et celle de l'écriture. En outre, ce parcours illustre le lien étroit, que nous avons plusieurs fois énoncé, entre l'analyse filmique, notamment l'analyse de scénarios, et la rédaction d'un scénario.

Parcours personnel suivi par Vogler

Dès l'enfance, sa PASSION

pour les contes de fées, les

Films d'aventure et la mythologie

Celtique

Son EXPERIENCE en tant qu'analyste

pour les studios d'Hollywood

Mise en évidence de traits communs Lecture des travaux de

dans la plupart des récits, des scénarios Charles Campbell

Rédaction d'un mémo pratique

d'analyse de films pour Walt Disney

Session d'analyse des histoires

à l'UCLA Extension

Writers'Program

Utilisation de ce guide par les

Directeurs de production, les

Scénaristes, les directeurs des

Studios, etc.

Mutation du guide d'analyse

Méthode d'analyse filmique en GUIDE DU SCENARISTE.

toujours utilisée Modèle de la structure mythique.

E- L'apport de la psychanalyse à la narration

Dans les modèles que nous avons présentés se distinguent deux grandes catégories, les modèles d'analyse structurale « théoriques », difficilement utilisables sur un corpus filmique et antérieurs à 1970 et les modèles à vocation plus pratique, notamment d'écriture de scénario qui, pour certains, principalement celui de Vogler, tentaient une « récupération » des apports de la psychanalyse.

Au delà de l'approche hollywoodienne et forcément très pragmatique, avec pour objectif avoué le succès commercial et la baisse des dépenses de développement, Aumont et Marie (1999, p.105) ont constaté également, d'un point de vue plus théorique, depuis une trentaine d'années, « un déplacement important des études narratologiques » et « l'apport de la psychanalyse dans ce déplacement ».

Akoun (1976, p.124) note que les films dans lesquels la psychanalyse est un élément important dans la rédaction du scénario sont nombreux et, plus particulièrement, dans la production américaine : « En général, ce qui est présenté, c'est la conduite de la cure, mais dans une simplification extraordinaire où seront retenus les trois temps forts : le traumatisme originel, le temps du malheur où le patient paie une dette symbolique qu'il ignore, enfin le face à face avec la vérité qui permet au sujet de se libérer et de redevenir maître de soi. »

Plus précisément :

- dans la première étape, le héros est montré supportant les effets pathogènes d'un choc oublié, généralement lié à un événement réel et tragique vécu dans l'enfance.

- Dans une deuxième étape, celle de la rédemption, sont présentées les péripéties d'une enquête au cours de laquelle les indices s'accumulent, les symboles deviennent plus interprétables. Au cours de cette recherche de la solution, de ce secret qui est en lui, il est aidé par la force d'un amour partagé.

- Lors de la troisième et dernière étape, survient le dénouement, brutalement et spectaculairement, souvent causé par un retour dans le passé grâce à la découverte d'un document, d'un témoin, ou suite à une séance d'hypnose, un sérum de vérité, etc. qui permet au héros de revivre son passé oublié.

A ce premier emprunt structurel, il faut ajouter « l'utilisation faite par le cinéaste de toute une quincaillerie symbolique qu'il croit avoir emprunté à Freud (et parfois c'est vrai). » (Akoun, p.127).

Rappelons également (voir chapitre 2) que l'une des réflexions psychanalytiques sur le cinéma concerne le fonctionnement imaginaire du cinéma-spectacle. Le dispositif cinématographique favorise l'identification primaire à la caméra. Lors de la projection, l'oeil du spectateur ne fait qu'un avec l'objectif de la caméra au moment du tournage. Ainsi, lors des variations d'angles de prises de vues, de mouvements de caméra, le spectateur pense que c'est son oeil qui modifie l'image.

Le procédé de la caméra subjective a, en quelque sorte, repris cette idée d'identification à la caméra. Il consiste à placer la caméra à la place occupée par un personnage de manière à ce que le spectateur ait l'impression de percevoir ce que voit et entend le personnage170(*). La caméra subjective est utilisée dans de nombreux films mais, en général, seulement dans quelques plans. Il existe toutefois deux films construits de bout en bout en caméra subjective : La Dame du lac (Robert Montgommery, 1947), le plus intéressant en matière d'identification à la caméra171(*), et La Femme défendue (Philippe Harel, 1998). Dans ces films, le spectateur ne voit que ce que voit le personnage-narrateur, donc ne le voit pas sauf lorsque ce dernier se regarde dans un miroir...

Toutefois, comme l'écrit Journot (2004, p.16) : « On pourrait penser que ce procédé entraîne une forte identification du spectateur dans la mesure où il redouble l'identification primaire à la caméra (nous nous identifions à l'oeil de la caméra, qui est aussi l'oeil d'un personnage), mais il s'avère qu'il est difficile de s'identifier à quelqu'un d'invisible et que l'identification ne peut vraiment avoir lieu ». C'est donc à une autre approche narratologique, dite modale, que nous ferons appel pour analyser les modes de narration et les relations entre le film et le spectateur.

F- Les apports de la narratologie modale

La narratologie modale se distingue de la narratologie thématique172(*) qui ne tient pas compte de la façon dont le cinéma raconte l'histoire, de l'importance des images, du fait que le film est différent d'un texte écrit dans la mesure où il montre les actions sans les dire (Gaudreault et Jost, 2000, p.39). C'est pourquoi, la narratologie modale est venue compléter la narratologie thématique à la suite des travaux de Gérard Genette173(*) 174(*)

La narratologie modale s'occupe des formes d'expression par lesquelles on raconte une histoire. Dans le domaine du cinéma, elle prend toute son ampleur pour constituer ce que certains appellent la narratologie du cinéma (Marie, 1990) et d'autres la sémiologie du film narratif (Metz).

Dans cette perspective, les questions fondamentales qui se posent sont, selon Gaudreault et Jost (2000, p.7-10) : « 

- Comment le cinéma raconte-t-il une histoire ?

- Comment s'opère le passage d'une narration orale ou écrite à une narration audiovisuelle ? Comment passe-t-on de l'acte de raconter verbalement à celui de raconter en montrant ? (...)

- Qui raconte le film ? Quel est le statut des images et des sons dans un film narratif  ?

- Qui voit les images du film ? » 

Viennent s'y adjoindre les problématiques de l'énonciation et de la focalisation (Genette175(*)) qui partent dans une large mesure d'un constat : « le film est bien différent du roman dans la mesure où il peut montrer les actions sans les dire » (Gaudreault et Jost, 2000, p.39).

L'énonciation correspond aux moyens utilisés pour dire un énoncé. Christian Metz fut l'un des premiers à transposer ce concept linguistique d'énonciation au discours filmique176(*). Selon lui, on a une tendance presque naturelle, consciemment ou non, « à placer en amont et en aval du film des instances auxquelles on attribue plus ou moins explicitement une nature humaine ; ces instances renvoient, d'une manière plus ou moins avouée, à l'auteur et au spectateur » (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.33).

Il n'en reste pas moins vrai que l'énonciation, concept linguistique, a fait l'objet d'un débat théorique contradictoire, depuis quelques années, débat dans lequel nous n'entrerons pas - certains chercheurs refusant l'idée même que la notion d'énonciation puisse s'appliquer à autre chose qu'à la parole et l'écriture, donc a fortiori à la production d'images.

Bien que, dans le domaine du cinéma, il n'existe pas d'instance narrative identifiable simplement à un sujet (Aumont et Marie, 1999, p.106) et qu'il n'existe pas réellement, dans les films, de marques linguistiques d'énonciation telles que les pronoms personnels (je, tu, etc.), des pronoms et adjectifs possessifs, des adverbes de temps et de lieu (ici et maintenant, etc.), nous retiendrons de cette approche qu'un film est un discours fabriqué par quelqu'un pour quelqu'un et qu'il est généralement le résultat d'une collaboration (scénariste, réalisateur, monteur, etc.). C'est pourquoi, l'instance d'énonciation désigne l'ensemble des personnes qui ont participé à la fabrication du film. Elle correspond donc à toute l'équipe du film, c'est-à-dire à ce que nous avons appelé, par commodité, le cinéaste177(*).

Par ailleurs, la notion d'énonciation filmique - bien sûr différente de l'énonciation linguistique en raison de la matière même du film largement extralinguistique - permet de retenir plusieurs idées « pratiques », que nous avons pour certaines déjà relevées :

- la présence pour chaque film narratif d'une instance d'énonciation, composée de l'ensemble des participants à la création : scénariste, metteur en scène, producteur, et autres métiers du cinéma, etc.

- l'existence d'une cible ou visée d'énonciation : les spectateurs

- un film est composé d'éléments extralinguistiques contrairement à un roman, par exemple, entièrement verbal.

- Un film narratif est à la fois une histoire, ou plutôt un récit (narratologie thématique), et des formes d'expression (narratologie modale) qui font sa matérialité : images, mots parlés ou écrits, bruits, musiques, etc.

Nous pouvons, dès lors, compléter le schéma du processus de co-construction de l'histoire, dont nous avions commencé l'ébauche à partir de la distinction faite entre une histoire et un récit (Bordwell et Thompson) :

Construction narrative thématique par le scénariste

Une histoire Le récit du

scénariste

Construction narrative modale, oeuvre collective de l'ensemble des participants

à la création ou instance d'énonciation, utilisant de nombreuses formes d'expression majoritairement extralinguistiques

Un récit filmique L'histoire

thématique et modal construite par le

spectateur

Construction par le spectateur, visée d'énonciation

Dans la plupart des films, l'instance d'énonciation n'apparaît pas dans le film qu'elle a fabriqué. Il existe, toutefois, des procédés qui lui permettent de se montrer ou de faire sentir sa présence178(*). Les plus connus, les regards-caméra consistent à faire commenter le film par le réalisateur, au début, au cours ou à la fin du film, comme le fait souvent Alfred Hitchcock ou à demander à l'un des personnages d'interpeller les spectateurs comme Jean-Paul Belmondo le fait dans A bout de souffle (Godard, 1959) lorsqu'il leur demande ce qu'ils aiment dans le film...

En conclusion de ce chapitre, nous pouvons affirmer que l'organisation narrative d'un film ne suffit pas à conclure en la similitude entre un film et un roman ; et cela malgré la phrase célèbre de Griffith : « Dickens écrivait de la façon dont je procède actuellement ; cette histoire est en images, et c'est la seule différence ». Griffith s'inscrivait alors dans une tradition commune à tous les montreurs d'histoires mais le fait que l'histoire soit en images est une différence fondamentale (Ropars-Wuilleumier, 1970, pp.12-13). Par ailleurs, l'analyse narratologique ne concerne qu'une forme filmique, la forme narrative. Or, il existe d'autres formes de film, d'autres systèmes généraux de rapports entre les parties d'un film.

Les différentes formes filmiques

(d'après Bordwell et Thompson, 2000)

Forme narrative : type d'organisation filmique où les parties sont en rapport les unes avec les autres à travers une chaîne d'événements ayant des relations causales et se déroulant dans un certain espace à un certain moment.

Forme catégorielle : Type d'organisation filmique où les parties sont consacrées à des sous-ensembles distincts d'un même sujet principal. Par exemple, un film présentant successivement chaque université française.

Forme rhétorique : Type d'organisation filmique où les parties produisent et appuient une argumentation dans le but de convaincre le spectateur. Elle comprend généralement une présentation de la situation, un exposé des principaux problèmes et de leurs causes, une présentation de différentes solutions, la démonstration de l'efficacité de la solution choisie, enfin une conclusion synthétisant l'ensemble ou un exposé des résultats de la solution mise en oeuvre.

Forme abstraite : Type d'organisation filmique où les parties sont en rapport les unes avec les autres par répétition et variation de qualités visuelles comme la forme, la couleur, le rythme et la direction des mouvements.

Forme associative : Type d'organisation filmique où les parties sont juxtaposées pour suggérer des ressemblances, des oppositions, des idées, des émotions ou des qualités expressives

Pour les formes autres que narratives, ou pour des films qui combinent plusieurs formes filmiques - par exemple, narrative et catégorielle, catégorielle et rhétorique, ou abstraite et associative, d'ailleurs pas forcément tout au long de leur durée - d'autres types d'approche existent, notamment l'approche sémiologique du cinéma.

Dans cette optique, dans la suite de ce travail, nous étudierons successivement chacun des codes cinématographiques (autres que celui de la narrativité, que nous venons d'étudier dans le cadre de l'approche narratologique) en commençant par ceux de la bande image. Nous avons, en effet, décidé de commencer notre étude par la bande image, et cela pour trois raisons essentielles :

- la bande image est la plus spécifique du langage cinématographique puisque le langage radiophonique utilise également la bande son,

- la bande image est considérée, par de nombreux auteurs, comme celle qui produit le plus de sens, bien que comme nous le verrons dans le chapitre consacré à la bande son, ce ne soit pas toujours le cas.

- Probablement en raison de l'influence qu'on lui prête, la bande image est également celle qui a fait l'objet du plus grand nombre d'études et de recherches.

En plus de la distinction bande image / bande son, nous suivrons, pour chacune de ces deux bandes, et dans la mesure du possible l'ordre du classement codes spécifiques cinématographiques / codes non spécifiques. Nous tenterons, cependant, de montrer leur interdépendance en matière de production de sens. En ce qui concerne le code du montage, nous avons conservé la place que lui avait donnée Christian Metz en dépit du fait que ce code ne soit pas vraiment spécifique au cinéma puisque présent dans d'autres langages visuels comme la bande dessinée, le roman-photo, etc.

En conséquence, les deux chapitres suivants, le premier consacré à la bande image et le deuxième à la bande son, présenteront d'une part les codes spécifiques, d'autre part les codes non spécifiques en suivant l'organisation suivante :

Ordre de traitement des codes filmiques 

 

Bande image

Chapitre 4

Bande son

Chapitre 5

a) Codes spécifiques, ou filmiques cinématographiques

- Le code de variation d'échelle de plans

- Le code de la profondeur de champ

- Le code de la distance focale

- Le code des changements d'angle de prise de vues

- Le code des mouvements de caméra

- Le code du montage,

- etc.

- Le code de la relation images-sons

- Le code du synchronisme

b) Codes non spécifiques, ou filmiques non cinématographiques

- Le code des couleurs

- Le code de la lumière et de l'éclairage

- Le code gestuel

- Le code des vêtements

- Le code des effets spéciaux

- Le code des voix et les paroles

- Le code des bruits

- Le code de la musique

Chapitre 5 : Les éléments et les codes de la bande image

L'importance des images dans un film est reconnu depuis l'origine du cinéma, y compris du public pour lequel un film est, avant tout et un peu abusivement, une suite d'images qui défilent rapidement pour former une histoire.

Le mot film lui-même, d'origine anglaise, signifie « pellicule » et désigne, en premier lieu, la pellicule photographique, en second lieu, la bande régulièrement perforée recouverte d'émulsion photographique qui permet d'enregistrer et de conserver des images.

Plus largement, le cinéma est souvent défini comme un langage d'art utilisant l'image comme moyen d'expression. Ainsi, Jean Mitry (2001, p30-31) a défini le cinéma « comme étant une forme esthétique (tout comme la littérature), utilisant l'image qui est (en elle-même et par elle-même) un moyen d`expression dont la suite (c'est-à-dire l'organisation logique et dialectique) est un langage. (...) Les images filmiques n'étant pas employées, dans leur finalité expressive, comme une simple reproduction photographique mais comme un moyen de transmettre des idées, il s'agit bien d'un langage. Un langage dans lequel l'image joue le rôle à la fois du verbe et du mot par sa symbolique, sa logique et ses qualités de signe éventuel. »179(*)

Bien que souvent présenté comme la juxtaposition de deux bandes, la bande image180(*) et la bande son, le film est avant tout « le véhicule de l'image (Wyn, 1972). Historiquement, le film a existé avant même l'invention des frères Warner, en 1928, qui permit d'inscrire sur le film-pellicule d'Edison la piste sonore181(*) plus communément appelée bande son. Comparé à la photographie avec laquelle le lien de parenté est incontesté, le film cinématographique est donc un support d'images dont la particularité est d'être animées.

I- Image photographique et image cinématographique

Il est important de distinguer l'image fixe de l'image animée qu'est l'image filmique.

L'image animée, d'une durée minimale d'une seconde, est induite par un défilement de 24 images fixes appelées photogrammes. C'est à la persistance rétinienne que l'on doit d'assembler par un souvenir visuel l'ensemble des gestes et mouvements décomposés en photogrammes182(*) puis à l'effet Phi183(*), phénomène psycho-physiologique, de les recomposer et de susciter l'illusion du mouvement (Bessière, 2000, p.41).

Pour être précise, la comparaison entre l'image photographique et l'image cinématographique doit être faite à deux niveaux au moins : - le premier est celui de l'image photographique présentée isolément par rapport à une image cinématographique (composée en réalité de plusieurs images fixes), - le deuxième est celui d'une image photographique (en réalité plusieurs images fixes identiques) insérée dans une série d'images animées.

Au premier de ces deux niveaux, la ligne de partage entre cinéma et photographie a été tracée par Roland Barthes184(*) : « D'un côté le mouvement, le présent, la présence. De l'autre l'immobilité, le passé, une certaine absence. D'un côté le consentement à l'illusion, de l'autre une quête d'hallucination. D'un côté une image qui fuit, mais nous prend dans sa fuite ; de l'autre une image qui se donne toute, mais dont le tout me dépossède. D'un côté un temps qui double la vie, de l'autre un retournement du temps qui finit par buter sur la mort. » (Bellour, Le spectateur pensif, 1984 in Bellour, 2002, p.75).

Au deuxième niveau de comparaison, la question qui se pose est de savoir ce qu'il arrive lorsque le spectateur de cinéma rencontre la photographie au sein même d'un film qui associe des images photographiques fixes et des images animées. Situation dans laquelle nous allons placer les participants à nos interviews de groupe (voir notre étude dans la deuxième partie). Selon Bellour (2002, p.75-76), la photographie devient d'abord « un objet parmi d'autres ; comme tout ce qui participe au film, la photo est prise dans son défilement. Pourtant, la présence de la photo sur un écran produit un trouble très particulier. Sans cesser de se poursuivre à son rythme, le film paraît se figer, se suspendre, créant chez le spectateur un recul qui va de pair avec un accroissement de fascination. (...) Cet effet montre que le pouvoir de la photographie, immense, se maintient dans une situation où elle n'est pas vraiment elle-même... ».185(*) La présence de la photographie a comme effet de décoller le spectateur de l'image, en partie par le supplément de fascination qu'elle exerce. Aussi Bellour conclut-il que « la photo a un privilège sur tous les effets grâce auxquels le spectateur de cinéma, ce spectateur pressé, devient aussi un spectateur pensif. » (Bellour, 2002, p.80).

II- La polysémie de l'image

De nombreux auteurs ont déclaré polysémique l'image et ont tenté de faire croire que cette polysémie de l'image était l'une des spécificités de la communication par l'image.

L'idée de départ était simple : une image fournissant un grand nombre (poly) d'informations (sémies) visuelles, elle ne peut qu'avoir de multiples significations et, par voie de conséquence, de multiples interprétations.

Une image est, en effet, polysémique. Son énoncé iconique, le texte visuel étant complexes, non résumables en un seul mot « mais au minimum par une description (qui peut être infinie) ou un énoncé et parfois même tout un discours » (Eco, 1992).186(*)

Cependant, la polysémie n'est pas la spécificité de l'image. Même un simple mot peut avoir plusieurs significations. Mitry (2001, p.69-70) fut l'un des premiers à critiquer les conclusions de Barthes concernant la synonymie187(*) et la polysémie de l'image. Pour Mitry, affirmer, comme Barthes le fait, la polysémie de l'image est un truisme. « Un signifiant peut exprimer non seulement plusieurs mais une quantité de signifiés puisque l'image ne prend sa valeur de signe qu'à la faveur du contexte et des implications qu'il suppose. Une même image (ou plus exactement la représentation d'une même chose, d'un même objet, d'un même fait) peut prendre autant de sens différents qu'il y a ou peut y avoir de contextes différents au sein desquels elle pourrait être introduite. »

A cette divergence, Martine Joly répond que le terme de polysémie est utilisé à tort pour désigner quelque chose d'autre, « quelque chose que tout le monde sent confusément, une particularité propre (cette fois) à l'image que Metz appelle l'absence de focalisation assertive : l'image parle peu d'elle-même » (Joly, 1994, p.83). Ce manque d'assertivité de l'image provoque l'hésitation interprétative du spectateur. C'est donc cette hésitation que l'on appelle la polysémie d'où la conclusion de Christian Metz, maintenant fameuse :

« ce n'est pas l'image qui est polysémique, mais le spectateur ».

Il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe des procédés utilisés par l'image pour focaliser, pour mettre en relief (en focus) tel ou tel point d'un énoncé visuel dont : la couleur, la composition, le cadrage, l'éclairage, le choix des proportions, etc. Tous ces points seront, bien entendu, étudier ultérieurement.

III- De l'image à une combinaison d'images

Toute image dans un film contribue à la production du sens. «Toute image - même la plus quelconque - se trouve déjà chargée d'un certain sens avant que n'intervienne la plus élémentaire des combinaisons en vue d'une signification éventuelle » (Mitry, 2001, p.65).

Mais il va de soi que le sens vient principalement des implications logiques entre plusieurs images. « La signification filmique ne dépend jamais - ou rarement - d'une image isolée mais d'une relation entre les images.(...) L'image du cendrier ne signifie rien d'autre que ce que signifie cet objet. Par implication, ce cendrier « dans lequel les mégots s'empilent » en vient à suggérer le temps qui s'écoule. Dans un autre contexte, il pourrait signifier tout autre chose : l'énervement, l'attente ou encore l'ennui (...) Deux signifiés peuvent donc avoir en commun le même signe » (Mitry, 2001, p.66). La prise en compte de la relation des images nous pousse à définir ce qu'est un plan.

Le plan, unité minimale traditionnelle du langage filmique, est constitué par une série d'instantanés visant une même action ou un même objet sous un même angle et dans un même champ188(*). Le champ étant tout ce qui entre dans le cadre de vision de l'objectif. Autrement dit, le champ est l'espace filmique couvert par le système optique qu'une caméra est capable de reproduire à l'écran. C'est la raison pour laquelle on dit, communément, que l'on est dans le champ lorsqu'on est vu à l'image, à l'écran.

Certains auteurs distinguent le cadre de l'image, le cadre de l'écran, le cadre de la projection189(*). Mais, comme l'écrit Nicolas Opritescu (1997, tome 1, p.36), « nous entrons dans un domaine bien théorique où toutes les définitions sont contestables ».190(*)

Nous avons vu qu'au tournage, un plan est tout ce qui est filmé entre le moment où le cadreur déclenche sa caméra et le moment où il l'arrête. Au montage, le même plan n'est plus que le fragment qui reste après qu'on lui ait retiré les morceaux du début et de la fin, qui servaient de surfaces d'ancrage ou d'articulation avec le plan qui le précède et celui qui lui succède.

Les huit composantes du plan

selon Vanoye et Goliot-Lété (2001, p.28)

1- La durée (du flash au plan égalant la capacité du chargeur de la caméra)

2- L'angle de prise de vue (vue frontale/vue latérale, plongée/contre-plongée)

3- Le mouvement de caméra (caméra fixe/caméra en mouvement : travelling, panoramique, mouvement à la grue, caméra portée, etc.) et le mouvement optique (zoom, objectif fixe)

4- L'échelle de plan (place de la caméra par rapport à l'objet filmé : plan général, plan américain, gros plan, etc.)

5- Le cadrage (objectif choisi, organisation de l'espace et des objets filmés dans le champ)

6- La profondeur de champ (partie de champ nette et visible plus ou moins importante)

7- La situation du plan dans le montage, dans l'ensemble du film (où ?, à quel moment ?, entre quoi et quoi ?)

8- La définition de l'image (couleur/noir et blanc, « grain » de la photo, éclairage, etc.)

Si l'on reprend l'origine historique du mot, le plan se définit en fonction des personnages principaux divisant l'espace selon des plans perpendiculaires à l'axe de la caméra.

IV- L'échelle de plan

L'échelle de plan, ou valeur de cadre, est définie en fonction de la taille du personnage principal191(*) ou, comme le suggère Wyn (1972), en rapport avec le décor.

Il existe plusieurs classifications192(*) et certaines montrent leur limite « car la frontière est plus que floue entre un plan et l'autre : où finit la ceinture, où commence le buste, etc. ? » (Opritescu, p.39).

Par ailleurs, comme nous le constatons dans le tableau comparatif que nous avons établi, le nombre de plans et leur dénomination peuvent être différents selon les auteurs.

Nous avons retenu la classification « classique » de Jean Mitry en 11 plans et celle de Bessière, plus récente, en 9 plans193(*).

Dans ces deux classifications, des différences existent pour un plan portant le même nom (par exemple, le plan américain, le gros plan), des noms diffèrent pour des plans très proches en matière de cadrage (par exemple : plan d'ensemble rapproché/plan de demi-ensemble ou premier plan/plan rapproché taille), des approximations sont fréquentes, etc.

Confusion pour confusion, Mitry (2001, p.94) fait lui-même la constatation que le terme medium shot désigne le plan américain « et non le plan moyen comme on le croit généralement ».

Comparaison de deux classifications de plans par ordre décroissant

Classification selon Mitry

Classification selon Bessière

1- Plan lointain (long shot) : contient un grand ensemble éloigné de la caméra

1- Panorama : plan offrant un vaste paysage

2- Plan général (ou de grand ensemble) : comprend un ensemble plus rapproché que le précédent mais dont le champ s'étend assez loin en arrière-plan

 

3- Plan d'ensemble : de même nature que le précédent mais dont l'espace est limité par le décor : intérieur d'une gare, d'une pièce de vaste dimension

2- Plan d'ensemble : plan offrant une vaste portion de paysage naturel ou urbain, situant le personnage en contexte.

4- Plan d'ensemble rapproché : semblable au précédent selon un champ plus restreint, les personnages étant également plus proches et moins nombreux

3- Plan de demi-ensemble : on y voit une portion significative du paysage ou contexte dans lequel se meut le personnage

5- Plan moyen : envisage un ou plusieurs personnages (les acteurs principaux) vus de la tête aux pieds à la limite du cadre

4- Plan moyen : conventionnellement, le personnage est visé en pied, le bord supérieur du cadre rasant la tête, le bord inférieur ses pieds

6- Plan mi-moyen (ou plan rapproché) : cadre les personnages à la hauteur des genoux

 

7- Plan américain (ou medium shot) : cadre au niveau de la ceinture194(*)

5- Plan américain : le personnage est « coupé » à mi-cuisse voire au-dessous du genou195(*)

8- Premier plan : cadre les personnages au niveau du buste

6- Plan rapproché taille : le personnage est coupé à la taille

 

7- Plan rapproché poitrine : le personnage est coupé au niveau de la poitrine, cependant il est coupé plus ou moins haut et, parfois, certains PRP confinent au gros plan

9- Gros premier plan : deux visages sont cadrés dans la même image

 

10- Gros plan (ou gros premier plan) : cadre le visage depuis le haut des épaules.196(*)

8- Gros plan : conventionnellement, le personnage est coupé sous le cou, mais il se peut qu'on voit un visage coupé à mi-menton

11- Très gros plan : cadre une partie seulement du visage, le reste débordant le champ.197(*)

9- Très gros plan : une partie du visage (oeil, bouche, etc.) est visée à moins qu'il ne s'agisse d'une insistance sur un objet.

Ce flou terminologique n'est pas sans conséquence. Il est parfois source d'incompréhension entre le réalisateur et son équipe : chef opérateur, directeur de la photographie, etc.

Par ailleurs, même en utilisant la même terminologie, il est parfois difficile de définir un plan, notamment, lorsqu'il y a plusieurs personnages dans le cadre et que le personnage qui nous intéresse est le plus éloigné. C'est la raison pour laquelle la notion de profondeur de champ est à prendre en considération (voir plus loin). « Dans la pratique, on se rend compte que parfois on a du mal à définir le plan, dès qu'il y a plusieurs personnages dans le cadre : un personnage secondaire se trouve plus près de la caméra alors que le personnage qui nous intéresse est plus éloigné (...) Toujours dans la pratique, on se rend compte qu'une personne filmée plusieurs fois dans un plan identique (en matière de distance) mais avec des objectifs différents se trouve dans une relation très différente avec le paysage environnant selon l'objectif utilisé » (Opritescu, 1997, tome 1, p.37-38).

Partant du même constat, Mitry écrit également : « Lorsque dans une même image, on voit à l'extrême droite un visage en gros plan et que, dans le reste du cadre, on aperçoit en plan moyen deux ou trois personnages agissant d'une certaine façon, d'autres en plan d'ensemble et, à l'arrière-plan, quelqu'un entrant dans la pièce, il paraît très difficile de définir ce plan selon les normes établies. Comment le désignera-t-on ? Plan général, ensemble rapproché ou quoi ? ». Il conclut que « la désignation classique est donc à peu près caduque » tout en reconnaissant malgré tout que « le terme de plan n'en garde pas moins sa signification totale. On peut dire, en effet, que le plan envisage une action menée dans un même cadre et comprenant un champ unique non différencié ». (Mitry, 2001, p.99)  

A- Le choix de l'échelle de plan et les effets recherchés

Le choix d'une valeur de cadre plutôt qu'une autre n'est pas indifférent. C'est principalement le cas pour le gros plan et très gros plan.

Le gros plan a été encensé par le cinéma d'art des années vingt, qui en a fait un véritable culte, comme l'a expliqué Pascal Bonitzer198(*), cité par Jacques Aumont (1998, p.21) : « Le gros plan modifie le drame par l'impression de proximité. La douleur est à la portée de main. Si j'étends le bras, je te touche, intimité. Je compte les cils de cette souffrance. Je pourrais avoir le goût de ses larmes »199(*). Comparant la précision visuelle et l'émotion produite par un spectacle cinématographique à celles du théâtre, Louis Lumière déclarait, encore en 1935200(*), « au théâtre, à part les spectateurs des premiers rangs, personne ne peut saisir les jeux de physionomie des acteurs qui, autant que le dialogue peut émouvoir. Un gros plan bien cinématographié frappera l'imagination autant que le texte ». David Wark Griffith201(*) comme Louis Lumière considérait le gros plan comme un procédé spécifique au cinéma : « Il y a une quantité de choses qu'on ne peut pas faire sur scène (au théâtre) et qu'on peut faire à l'écran. Pourquoi ne pas approcher la caméra de l'action, pour montrer son visage de près ? Cela refléterait des émotions, cela lui donnerait une chance d'exprimer ce qu'il ressent. »

Le gros plan, en plus de l'effet de loupe (dit parfois de « gullivérisation » ou de « lilliputisation ») qui transforme un objet insignifiant en un monstre ou en un monument, transforme le sens de la distance, amenant le spectateur à une proximité psychique, à une « intimité » (Aumont, 2003, p.203).

Deleuze et Epstein partagent cette idée de proximité affective et d'acuité visuelle maxima générées par le gros plan. « L'image-affection, c'est le gros plan, et le gros plan, c'est le visage...Eisenstein suggérait que le gros plan n'est pas seulement un type d'image parmi les autres, mais donnait une lecture affective de tout le film » (Deleuze, 1983, p125). C'est ce que Epstein suggère également en écrivant : « ce visage d'un lâche en train de fuir, dès que nous le voyons en gros plan, nous voyons la lâcheté en personne, le « sentiment-chose », l'entité » (Epstein, Ecrits sur le cinéma, tome I, Seghers, 1974, pp.146-147).

Le gros plan matérialise également la métaphore du toucher visuel. Il modifie donc, selon certains, plus que toute échelle de plan, le rapport que le spectateur va établir entre son propre espace et l'espace plastique de l'image, le rapport «de proximité, de possession, voire de fétichisation » (Aumont, 2003, p.105). Tout cela explique qu'il fut, dès l'époque du cinéma muet, l'objet des plus nombreuses réflexions théoriques (Epstein, Eisenstein, Balazs, etc.).

Ainsi, Louis Lumière202(*) estimait que « le cinématographe n'a pris son essor qu'à partir du moment où l'on crée les gros plans, c'est-à-dire à partir du moment où l'on a permis au public de voir les acteurs, les vedettes, sous un angle beaucoup plus grand que d'habitude, et de saisir sur leur physionomie des finesses d'expression qu'on ne voit pas sous un angle trop petit. Je crois que c'est un des éléments importants du succès du cinématographe. »

Les effets recherchés par le réalisateur

Type de plan

Effets recherchés les plus fréquents

Plans lointain et général, Panorama

D'ordre descriptif, ils situent le lieu (extérieur) et suggèrent le moment (jour/nuit) et l'ambiance (pluie)

Plan d'ensemble

D'ordre descriptif, il précise le lieu d'action (intérieur/extérieur) et le décor.

Plan de demi-ensemble

Il situe les personnages dans une partie du décor.

Plan moyen

D'ordre narratif, il montre l'action, les occupations d'un ou de plusieurs personnages

Plan américain et plan italien

A valeur dramatique, ils montrent un personnage en situation d'action, de dialogue, de combat, de coopération ou de conflit

Plans rapprochés et premier plan

A valeur dramatique, ils montrent les mimiques, les gestes, les réactions d'un personnage. Moins que l'action en tant que telle (conversation, etc.), il s'agit de montrer la psychologie du personnage

Gros plan (ou pour un objet : plan de coupe ou insert)

D'ordre affectif et suggestif, il a une forte valeur dramatique et psychologique et a une grande capacité de renseignement sur l'état émotionnel du personnage ou sur les détails de l'objet filmé qui ont une importance du point de vue dramatique.

Très gros plan ou plan serré

Il isole un détail du corps ou du visage du personnage pour accroître l'effet dramatique ou créer un suspense, une tension, etc.

Cette classification psycho-linguistique des cadrages fut critiquée bien sûr, mais paradoxalement par peu d'auteurs ; parmi lesquels nous trouvons Ropars-Wuilleumier : « Dire a priori qu'un gros plan est pathétique (...) c'est rétablir dans l'expression cinématographique, un code, d'ordre sémiologique cette fois, où le cinéaste pourrait puiser infailliblement des signes objectifs pour ses messages. Mais, il serait aisé de trouver mille exemples d'un même procédé recevant, suivant le contexte de chaque oeuvre, des valeurs fort différentes » (Ropars-Wuilleumier, 1970, p.18).

Plutôt que d'entrer dans ce débat, ce qui nous semble plus intéressant est de savoir si les échelles de plan influencent le spectateur comme l'imaginent ceux qui les utilisent dans un esprit codique. Autrement dit, la question est de savoir si les spectateurs associent également des significations à ces différents plans.

B- Les effets des échelles de plan sur les spectateurs

L'association de significations aux différentes échelles de plan dépend de nombreux facteurs tels que le style, le genre, le medium de diffusion (cinéma ou télévision), la mode, etc.

Martine Joly (1994, p.109) s'interroge, à juste titre, sur l'adaptation de ces significations au médium utilisé. Un gros plan à la télévision a-t-il la même signification qu'un gros plan au cinéma ? Elle conclut rapidement que les significations varient d'un medium à l'autre, d'une époque à l'autre : un gros plan chez Eisenstein n'a pas la même valeur qu'un gros plan chez Hitchcock ou dans le grand cinéma hollywoodien.

Joly en arrive à des constats de bon sens : « les plans moyens ou larges insistent sur les relations entre un individu et son environnement, tandis que plus on se rapproche des personnes, plus on insiste sur leur personnalité ou leur caractère, etc. » (Joly, 1994, p.109)

Un peu dans cette optique de simplification - car considérant vraisemblablement que les échelles de plan sont trop nombreuses pour être connues du spectateur normal - Opritescu (1997, p.62) ramène la classification des plans en fonction de leur échelle à « trois valeurs de plans principales qui provoquent (selon lui) des perceptions différentes de la part des spectateurs : premier plan, plan moyen, plan éloigné »203(*). Il considère que cette hiérarchie n'est pas seulement « une amplification ou une minoration, elle modèle surtout le sens imprimé au regard ». Ainsi, selon lui :

- quand l'objet apparaît très gros dans le plan, le plan, à la manière d'une loupe grossissante, a une fonction analytique ;

- quand l'objet, ou plutôt les objets sont filmés en plan moyen, le plan met en valeur des liaisons et a, en conséquence, une fonction relationnelle ;

- lorsque les objets sont aperçus au loin, le plan a plutôt une fonction descriptive.

Il n'en demeure pas moins vrai qu'Opritescu, comme la plupart des auteurs contemporains, reste prudent dans ses assertions.204(*) Le plan n'est, en effet, qu'un élément parmi d'autres, pour donner du sens, « une composante non neutre et déterminante du message global » (Joly, 1994, p.115).

C- Règles à respecter ou limites à franchir ?

Face à cette prudence, plus ou moins avouée, l'attitude des réalisateurs est variable. Certains réalisateurs dérogent à ces « règles » pour affirmer leur style, pour induire en erreur le spectateur, pour assurer une certaine ambiguïté de la signification, pour des raisons esthétiques, etc.

Comme l'écrit Jean Mitry (2001, p.71) : « il n'y a pas de codification symbolique au cinéma, faute de quoi le film perdrait de son authenticité vivante, sa puissance de réalité concrète ».

Ces règles ne sont en fait que des limites, des garde-fous comme le suggère Roland Barthes : « La valeur esthétique d'un film est fonction de la distance que l'auteur sait introduire entre la forme du signe et son contenu, sans quitter les limites de l'intelligible ».

Certains auteurs vont plus loin encore en considérant qu'un plan ne génère peu, voire aucun sens.

Sur la (non-) signification des plans, Jean-Marie Roth n'hésite pas à écrire :

« Contrairement à une légende qui, à l'heure actuelle, fait malheureusement encore les beaux jours de certaines écoles de cinéma, un plan ne veut rien dire. Pareillement, il faut savoir qu'aucun d'eux ne peut être considéré comme juste ou faux. Pourquoi au 128ème plan de tel ou tel film, tel ou tel réalisateur a-t-il choisi de montrer son personnage en PA (plan américain) ? Réponse : il fallait bien qu'il le filme, d'une façon ou d'une autre ! Même la plongée (voir ci-dessous les angles de prises de vues), par exemple, sensée prouver l'infériorité d'un personnage, peut être employée à contre sens » (Roth, 1999, p.145). Cela ne l'empêche pas de reconnaître que des erreurs soient possibles en matière esthétique, notamment dans le montage de plans successifs qui peut entraîner des sauts désagréables, par exemple, de « flash ». Il fait donc, sans le dire explicitement, référence à un autre code de la bande image, celui du montage.

C'est la raison pour laquelle nous présenterons les incidences reconnues et « enseignées », à tort ou à raison, des autres codes spécifiques au cinéma.

Nous avons vu que l'une des critiques les plus fréquentes du code de l'échelle de plans était qu'il est parfois difficile de définir un plan, notamment, lorsqu'il y a plusieurs personnages dans le cadre et que le personnage qui nous intéresse est le plus éloigné. Nous commencerons donc par l'étude de la profondeur de champ.

V- La profondeur de champ et la distance focale

La profondeur de champ est la part de netteté de l'image dans le sens de l'axe de l'objectif.205(*) Elle contribue à l'illusion de perspective.

Selon Georges Sadoul206(*), Louis Lumière fut le premier à se rendre compte de l'intérêt dramatique de la profondeur de champ. Il en usa notamment dans L'Arrivée d'un train à la gare de la Ciotat qui fit hurler de panique les premiers spectateurs : « Louis Lumière eut le mérite de comprendre instinctivement toute l'importance de l'utilisation dramatique de la profondeur de champ ».

La profondeur de l'image filmique est « analysable à l'aide d'une pyramide imaginaire dont la base est formée par les bords du cadre et le sommet constitué par le point de fuite principal : le point où toutes les lignes vont se rejoindre dans un au-delà, censé infini, de l'horizon supposé de l'écran. La position des êtres et des objets, qui varient en proportions par rapport à cet axe de fuite, produit un effet de troisième dimension, dans une analogie avec la perspective perçue par l'oeil lors de la vision du réel. » (Bessière, 2000, p 45-46)

Il est donc possible de trouver dans un même plan :

- au premier plan, les êtres/objets situés au plus près de la caméra, donc à la base de la pyramide imaginaire - de la sorte, ils paraissent plus larges et plus grands que ceux placés au deuxième plan ;

- au deuxième plan, ou à la mi-plan, les êtres/objets qui sont pris dans le resserrement de la pyramide semblent de taille et de volume moyens ;

- au troisième plan, vers la pointe de la pyramide, les êtres/objets paraissent petits et fins.

Toutefois, il ne faut pas confondre la profondeur de champ, paramètre photographique, avec la profondeur de l'espace représenté, qui est un paramètre de la mise en scène (décors, éclairage, position des acteurs, etc.). Les différents plans successifs d'un même plan peuvent être tous nets. Mais, en revanche, le réalisateur peut opter pour une netteté sélective, en choisissant de faire le point sur un seul plan et de laisser les autres plus ou moins flous.

Comme l'expliquent Bordwell et Thompson (2000, p.270), avant 1940, il était courant à Hollywood de filmer les gros plans en faisant le point sur les visages mais en laissant le premier plan et le fond flous. « Le contraste entre la netteté du second plan (du visage) et le flou du premier plan permettait d'attirer immédiatement l'attention du spectateur ». Ce choix stylistique, bien que moins fréquent, existe toujours dans des films plus récents.

En conséquence, la profondeur de champ n'est pas qu'un résultat technique, c'est aussi, comme l'écrit Jullier (2000, p.77-78) un outil de narration, notamment en terme de verticalité.

Une grande profondeur de champ permet de raconter plusieurs choses en même temps dans l'axe de l'objectif. Une petite profondeur de champ permet d'isoler des détails et par le biais d'une variation de la mise au point, de signaler des relations, de faire de la direction d'attention ».

A- Le choix de la distance focale et les effets recherchés par le réalisateur

A la différence de l'oeil humain, l'objectif d'une caméra peut être changé pour créer des effets de perspective.

Pour contrôler la représentation de la perspective, le réalisateur peut jouer sur la distance focale, distance séparant le centre de l'objectif du point de convergence des rayons lumineux sur la pellicule (appelé « foyer »).

Trois types principaux d'objectifs sont utilisés :

- L'objectif à courte focale. Pour une pellicule de format standard 35 mm, un objectif dont la focale est inférieure à 35 mm est appelé « courte focale », parfois même grand angle207(*). L'objectif à courte focale a tendance à bomber vers l'extérieur du cadre les lignes qui les bordent, notamment les arbres et les bâtiments. Augmentant l'effet de profondeur, il montre les personnages plus éloignés qu'ils ne le sont en réalité. Lorsque ces derniers se déplacent vers la caméra ou s'en éloignent, ils semblent le faire avec plus de rapidité. Jean-Pierre Jeunet, par exemple, utilise beaucoup l'objectif à courte focale : « J'adore l'idée de pouvoir résumer une scène à un cadre, et que ce soit le graphisme de ce cadre qui fasse naître la scène. C'est pour ces raisons-là que je n'utilise quasiment que des objectifs à focale courte. Je pourrais tourner tout un film en n'utilisant que le 18 et le 25 mm. Dans Alien, j'ai beaucoup utilisé le 14 mm, pour rendre les décors plus imposants. Utiliser le grand angle comme ça permet de mieux composer l'image, d'un point de vue graphique. Mais en même temps, ça demande une très grande rigueur dans les mouvements sinon ça peut vite devenir ringard, dès qu'on bouge la caméra. » (Jeunet, in Tirard, 2004, p. 53-54). Les frères Coen sont également des partisans du grand angle mais pour des raisons quelque peu différentes de Jeunet. Ils parlent même de « tic », de dérogation à la grammaire de base : «Le seul vrai tic que nous avons peut-être et qui a beaucoup surpris notre nouveau directeur de la photo, c'est que nous aimons filmer au grand angle. Pour nous, le 40 mm, c'est presque une focale longue. Et on commence à s'intéresser aux objectifs à partir de 25 mm, alors que la plupart des metteurs en scène considèrent çà comme la limite extrême de la distorsion. ». Leur goût pour le grand angle vient du fait qu'ils aiment «  les mouvements de caméra et que les grands angles les rendent plus dynamiques. Et la raison pour laquelle la plupart des cinéastes hésitent à les utiliser, c'est que cela n'est généralement pas très flatteur pour les acteurs ». (Joel et Ethan Coen, in Tirard, 2004, p.96)

- L'objectif à focale moyenne ou normale. La distance focale est comprise entre 35 et 50 mm. Les distorsions sont réduites. Les verticales et les horizontales sont droites et perpendiculaires. Les lignes parallèles s'éloignent à l'infini comme le veulent les lois oculaires de la perspective. Les déformations étant réduites, certains acteurs préfèrent être filmés avec des focales moyennes plutôt qu'avec des focales courtes. Ainsi, John Boorman (in Tirard, 2004, p.67) insiste sur la confiance nécessaire entre le réalisateur et les acteurs, confiance qui résulte pour une bonne part du choix de la focale ; les acteurs « ont besoin de savoir que vous contrôlez tout, sinon ils perdent confiance. Et c'est seulement en ayant confiance en vous qu'ils prendront des risques pour vous. Il est donc important de montrer que vous n'allez pas les trahir. Une façon de les rassurer, par exemple, est de ne jamais les filmer en gros plan avec une focale plus courte que le 50mm (rires). » Une règle de courtoisie qui ne semble pas être respectée par un certain nombre réalisateurs dont les frères Coen.

- L'objectif à longue focale et le téléobjectif208(*). Il déforme l'espace latéralement. La profondeur et les volumes sont comprimés. Les personnages ont l'air d'être proches les uns des autres, comme entassés. Cette focale modifie également la représentation du mouvement. Aplatissant la profondeur, elle laisse à penser que les personnages font du sur-place, lorsqu'ils marchent dans l'axe de la caméra. John Boorman raconte que Kurosawa « engageait un caméraman qui avait pour mission de voler des images dans chaque scène, de façon discrète et généralement avec une longue focale : des gros plans de certains acteurs, des détails, etc. Et, pendant le montage, lorsque Kurosawa se trouvait frustré de n'avoir pas assez de matière pour une scène, il faisait développer ces plans pour voir s'il pouvait les utiliser » (Boorman, in Tirard, 2004, p. 66). A l'inverse de la courte focale, la longue focale peut être utilisée pour mettre à l'aise un acteur qui ne supporte pas bien que la caméra soit trop proche de lui. Ainsi, Claude Sautet avoua que « sur Les Choses de la vie (1969), au début du tournage, être tombé sur un acteur qui se bloquait dès que la caméra était trop proche de lui. Il n'arrivait pas à jouer. La seule solution pour obtenir quelque chose de lui, c'était d'éloigner la caméra, et de le filmer avec de très longues focales. Effectivement, ça l'a aidé à mieux jouer ». Certains réalisateurs, dont Abbas Kiarostami, utilisent la longue focale lorsque l'acteur bouge beaucoup (Ciment, 2003, p.690). Nous verrons par la suite que les distances focales longues connotent le même genre de choses que le geste de zoomer : voyeurisme, espionnage, paparazzi (Jullier, 2002).

En conséquence, « le choix de la focale a une influence sur l'expérience du spectateur. Les distorsions d'objets ou de personnages peuvent avoir des qualités expressives. » (Bordwell et Thompson, 2000, p. 264-268).

Il est également possible, bien sûr, d'alterner les longues et courtes focales pour donner une plus grande richesse visuelle : « C'est un procédé dont le cinéma américain de ces dernières années s'est beaucoup servi, mais qui pour moi va à l'encontre de la notion de style visuel. Je l'ai un peu fait dans Alien, parce que c'était une façon d'entrer dans le jeu hollywoodien, mais sur des films comme Delicatessen ou La Cité des enfants perdus, je me le suis toujours interdit » (Jeunet, in Tirard, 2004, p.54).

Il est assez rare qu'un réalisateur s'extasie devant l'objectif à focale moyenne, pourtant le moins déformant, donc celui qui reproduit le mieux la réalité et qui, sans doute, est le plus utilisé. Il est plus fréquent qu'il ait une préférence forte pour le grand angle ou pour la longue focale. A ce paradoxe, s'en ajoute un deuxième, en cas d'alternance d'objectifs, aussi bien en matière de durée des plans à focales différentes qu'en matière de disparité de focales.

Dans le premier cas, les réalisateurs utilisent l'alternance pour donner du rythme. C'est le cas de Tim Burton qui malgré sa préférence pour le grand angle et, plus précisément, pour le 21 (sans doute l'héritage du dessin animé et de ses débuts comme dessinateur chez Disney) « utilise les très longues focales pour ponctuer très brièvement certaines scènes, de la même façon que l'on mettrait une virgule au milieu d'une phrase » (Burton, in Titard, 2004, p.196).

Dans le deuxième cas, les réalisateurs visent le contraste par des oppositions fortes de focales. John Woo justifie ce choix : « je n'utilise que deux objectifs : le grand angle et la très longue focale. Le premier parce que, quitte à montrer quelque chose, autant le montrer de la façon la plus globale possible et avec un maximum de détails. Le deuxième, parce que je trouve qu'il permet une vraie « rencontre » avec le sujet photographié. Vous filmez un visage d'acteur avec un 180, et vous avez l'impression de l'avoir en face de vous. Il y a une présence qu'un objectif plus court n'arrivera pas à vous donner. Bref, je n'aime que les extrêmes. Tout ce qui est intermédiaire (donc l'objectif à focale moyenne) est pour moi synonyme de compromis et ne vaut rien ». (Woo, in Tirard, 2004, p.205).

B- Les effets d'une combinaison de la distance focale et de la profondeur de champ

Le réalisateur peut combiner les deux variables de la perspective que sont la distance focale et la profondeur de champ.

Jullier (2000, p. 77-78) cite des exemples de combinaisons (Profondeur de champ et Distance focale209(*)) qui sont utilisés dans le but de connoter un rapport particulier des personnages avec l'environnement qui les entoure : « Une combinaison Distance focale courte et petite Profondeur de champ aura pour effet optique de détacher les sujets des maisons qui les entourent et connotera sans doute l'idée de libre arbitre (ces gens sont libres d'opter pour le comportement de leur choix ; le décor n'y est pour rien, d'ailleurs il est flou derrière eux). Une combinaison Distance focale longue et grande profondeur de champ aura au contraire pour effet de fondre les sujets dans le décor, de les plaquer à la façon de ces silhouettes d'Hiroshima ; cela connotera davantage l'idée que le comportement des sujets est le produit des conditions de vie qui sont les leurs. »

VI- Le code des changements d'angle de prise de vues

L'angle de prises de vues est, comme le plan que nous avons présenté, anthropocentrique autrement dit qui fait du personnage, humain ou non, le centre de visée du cadreur.

Selon l'angle sous lequel la cible (homme, paysage ou autre) est enregistrée par la caméra, on distinguera plusieurs angles de prise de vues :

- l'angle plat : le réalisateur vise le personnage ou un objet quelconque de manière frontale, rendant compte de la vision d'un homme de hauteur moyenne que ce dernier soit de face, de profil ou de dos.

- la plongée : la caméra surplombe le personnage ou l'objet filmé

- La plongée zénithale : la caméra surplombe le personnage comme le soleil au zénith

- la contre-plongée : la caméra est placée au pied du personnage ou de l'objet filmé

L'angle de prise de vues est généralement choisi par le réalisateur dans un but expressif. Comme l'écrit Mitry (2001, p.95) : « les fortes incidences angulaires doivent être justifiées par une nécessité quelconque de caractère dramatique ou psychologique ».

Certains considèrent que l'angle plat est « neutre », ce qui n'est pas tout à fait exact, tandis que les autres angles de prise de vues donnent du sens.

La plongée donne un sens symbolique de rôle mineur, de faiblesse, d'infériorité, d'écrasement psychologique, de perte d'identité dans la foule, de peur, etc. Le sujet filmé est dominé, amenuisé, écrasé.

La contre-plongée, au contraire, confère une valeur de puissance, de domination , de mystère inquiétant, d'élévation, de statut élevé, de majesté, etc. Elle est utilisée pour les personnages comme pour les décors, par exemple, pour « exagérer » la hauteur d'un bâtiment.

Comme pour tous les autres codes spécifiques du cinéma, le réalisateur pourra « reprendre les codes stéréotypés de la plongée écrasante ou de la contre-plongée magnifiante, ou encore les utiliser à contre-emploi, tant il est vrai que, là comme ailleurs, les règles sont floues et toujours réinterprétables » (Joly, 1994, p.120).

L'inclinaison du plan (ou plan incliné) est, parfois, utilisée pour montrer que « le monde vacille » mais il l'a été également par Eisenstein pour accentuer l'impression d'effort que fournissent des hommes poussant un canon dans Octobre (ou dix jours qui ébranlèrent le monde) (Eisenstein, 1928).

Par ailleurs, en plus du sens généré par chacune des prises de vues, « la présence récurrente de tel ou tel angle de prise de vues peut rendre compte du « style » du film et le renvoyer à une école particulière (...) La fréquence des plongées et contre-plongées peut marquer la volonté (du réalisateur) de retrouver les effets de déséquilibre de l'expressionnisme ou les cadrages insolites de Eisenstein » (Bessière, 2000, p.45).

VII- Le code des mouvements de caméra210(*)

La mobilité du cadre est une caractéristique spécifique au cinéma et à la vidéo. « Il y a mobilité du cadre lorsque dans les limites de l'image, le cadrage des objets change, lorsque la hauteur, l'angle de prise de vues ou la taille du plan se modifient au sein d'un même plan » (Bordwell, Thompson, 2000, p.297).

Pour bien comprendre ce code spécifique au cinéma, il est nécessaire :

- en premier lieu, d'opposer le plan fixe aux différents types de mouvement de caméra,

- en deuxième lieu, de distinguer les mouvements de caméra des mouvements des acteurs ou des objets animés à l'intérieur d'un plan, même si la caméra les accompagne dans leur mouvement.

Les mouvements à l'intérieur d'un plan relèvent de l'énoncé (la fiction) tandis que les (véritables) mouvements de caméra sont du domaine de l'énonciation (le filmage).

Comme les plans et les angles de prise de vues, les mouvements de caméra permettent d'imiter la vision humaine.

Le réalisateur a différents moyens de faire bouger sa caméra :

- en la tenant à l'épaule, ce qui donne généralement un mouvement haché pouvant évoquer, dans certaines conditions, notamment avec un accompagnement sonore, une course à pied, une course poursuite, un état émotionnel, une grosse fatigue, un état d'ébriété ;

- sur un outillage spécifique tel qu'une grue211(*), une dolly (un chariot sur lequel est fixée une petite grue), un pied, un travelling (chariot sur rail ou sur roues), la steady cam212(*) afin de donner un mouvement coulé, sans à-coup, à vitesse constante, qui a « comme effet principal l'oubli de la présence de la caméra, ce qui permet le phénomène psychologique bien connu de l'identification du spectateur aux événements présentés à l'écran (diégétiques) » (Opritescu, 1997, p.42).

Il est, toutefois, plus fréquent d'utiliser une classification - fondée non pas sur le matériel utilisé mais sur le type de mouvement volontairement effectué par le réalisateur - qui distingue le panoramique, le travelling et le zoom.

A- Le panoramique

Il consiste à faire pivoter la caméra, horizontalement ou verticalement, sur son axe, sans se déplacer. La caméra peut, éventuellement, à l'extrême, réaliser un cercle de 360°. C'est une figure rare mais parfois utilisée pour donner une impression de danse, de tournoiement, de vertige, etc. qui poussée trop loin peut devenir désagréable provoquant chez le spectateur une sensation de vertige physique.

Selon l'angle de déplacement du rayon visuel de la caméra, sans la bouger de place, on distingue plusieurs panoramiques :

- le panoramique horizontal : la caméra balaye, comme un « mouvement de tête », de gauche à droite, ou de droite à gauche, par exemple, un paysage

- le panoramique vertical : la caméra pivote de haut en bas, ou de bas en haut ; par exemple, un acteur est montré progressivement des pieds à la tête

- le panoramique oblique : la caméra suit un cerf-volant ou la descente d'une luge

- le panorama brisé : la caméra suit une ligne brisée pour mettre en valeur des éléments, par exemple du paysage, pour attirer l'attention du spectateur sur des détails, par exemple, du décor.

Dans le cadre de notre recherche, une autre classification nous semble plus intéressante. Certains auteurs distinguent, en effet, les panoramiques selon le résultat recherché par le réalisateur :

- le panoramique d'exploration, en général lent, montre tous les détails d'un paysage, d'un décor, etc. et a, donc, surtout une fonction descriptive.

- le panoramique d'accompagnement qui a pour objet de suivre un sujet en mouvement (acteur, véhicule, etc.) afin que le spectateur concentre son attention sur lui.

- Le panoramique rapide qui permet de réunir deux sujets sans coupure visuelle, par exemple, deux acteurs en train de discuter, de combattre. Les panoramiques rapide et d'accompagnement ont donc, souvent, une valeur dramatique.

B- Le travelling

Il désigne une prise de vues en mouvement :

- soit en plaçant la caméra « dans un train en marche, une voiture en déplacement, un téléférique, etc. La caméra reste fixe et se déplace avec le mobile sur lequel elle est située. Ce genre de travelling est aussi vieux que le cinéma lui-même » (Mitry, 2001, p.95),

- soit en fixant la caméra sur une plateforme montée sur rails ou sur roues caoutchoutées pour lui éviter les chocs.

Certains réalisateurs utilisent pour ce chariotage de la caméra des moyens divers, pour certains très rudimentaires. Eric Rohmer utilise parfois une caméra sur un caddie. Jean Renoir plaçait parfois sa caméra sur un coussin qu'il faisait glisser sur une planche de bois cirée. De nombreux cinéastes ou vidéastes utilisent un fauteuil pour personne handicapée, un caddy de supermarché, une chaise de bureau à roulettes, un triangle à roulettes, etc.

Le travelling peut être, en outre, latéral ou avant/arrière selon le déplacement de la caméra.

- Le travelling latéral est un déplacement vertical de la caméra (de haut en bas, à l'aide d'un monte-charge, par exemple) ou horizontal (de gauche à droite213(*), dans un train, par exemple), le rayon visuel de la caméra se déplaçant parallèlement à l'objet filmé. L'effet recherché par un travelling latéral peut être d'empêcher la perception du déplacement des éléments dans le cadre, en les suivant à la même vitesse. Il suffit d'accoupler le mouvement de l'appareil à celui du moyen de locomotion, par exemple une diligence, pour obtenir un travelling d'accompagnement parfaitement synchronisé. Selon Odile Bächler (2001, p.240) : « Cet effet suppose un tournage en extérieurs et la mobilité du camion, alors que souvent aussi dans Stagecoach (La Chevauchée fantastique), notamment, la diligence est tout simplement immobile, en studio, et le paysage défilant « derrière » est constitué par une transparence, partielle et non plein cadre. »214(*)

- Le travelling avant/arrière permet, en prise de vue continue, de passer d'un type de plan à un autre. Pour le travelling avant, d'un plan général à un gros plan. Pour le travelling arrière, d'un très gros plan à un plan général, par exemple.

Le travelling permet, comme le panoramique, soit d'explorer (fonction descriptive), soit d'accompagner un sujet (fonction dramatique). Il a également un rôle esthétique certain.

« Par exemple, si vous passez du PM (plan moyen) d'un personnage à son PA (plan américain), puis à son GP (gros plan) sans passer par le truchement d'un TRAV AV (travelling d'arrière en avant) vous n'obtenez rien d'autre qu'un désagréable et inesthétique effet de saut, donc de flash » (Roth, 1999, p.145).

Les mouvements de caméra, travelling et panoramique, peuvent être conjugués pour créer un climat psychologique de désorientation, de confusion, de malaise, de vertige, etc. Cependant, l'expérience « artisanale » a montré qu'il existe des limites que le réalisateur ne peut franchir qu'en toute connaissance de causes, qu'en assumant pleinement la transgression à la règle, qu'en espérant bâtir des oeuvres sur l'exception à la règle, qu'en étant convaincu que la force du discours filmique réside aussi dans les sensations physiques provoquées chez le spectateur par les images :

- « la trop grande rapidité induit un effet de stroboscopie qui fait mal aux yeux.

- Les changements de vitesse, sans justification dramaturgique, à l'intérieur d'un même mouvement rendent sensible la présence de la caméra et brisent le rêve.

- De même, à l'intérieur de la même esthétique du coulé insensible, chaque mouvement de caméra doit commencer et finir par un plan fixe » (Opritescu, 1997, p.42).

L'usage du travelling ne fait pas l'unanimité chez les réalisateurs ; certains considèrent que c'est un phénomène de mode, une sorte de moyen de reconnaissance professionnelle et que le travelling est de plus en plus utilisé sans véritable intention de sens ; ainsi Jean-Luc Godard déclare que : « Souvent j'en vois qui bougent la caméra et je pense à la phrase de Cocteau : « Pourquoi faire un travelling le long d'un cheval au galop, puisque, du coup, il a l'air immobile ?. J'ai l'impression que les trois quarts des gens qui bougent la caméra aujourd'hui le font parce qu'ils l'ont vue bouger ailleurs. (...) Aujourd'hui, j'ai plutôt l'impression qu'on bouge la caméra pour faire cinéma. Ils ne savent pas très bien pourquoi ils cadrent ou pourquoi ils bougent comme ils font, et ça ne les angoisse pas ». (Godard, in Tirard, 2004, p.217)

C- Le zoom

Ce n'est pas un véritable mouvement de caméra puisque la caméra reste immobile. Elle ne pivote ni se déplace. Il s'agit d'une variation d'échelle du plan par un mouvement de l'objectif à focale variable permettant un grossissement ou un éloignement.

Le zoom n'est pas un mouvement de caméra mais un mouvement dans la caméra.

Toutefois, l'effet obtenu est proche d'un travelling dans l'axe, avant ou arrière, ce qui vaut au zooming d'être parfois appelé un pseudo-travelling ou travelling optique.

On distingue généralement le zoom avant qui a un effet de grossissement et de rapprochement (comme un travelling avant) et le zoom arrière qui a un effet d'élargissement et d'éloignement (comme un travelling arrière).

Sans doute parce qu'il est très utilisé par les vidéastes amateurs, le zoom est mal considéré, méprisé et donc relativement peu utilisé par les cinéastes, quoique les avis divergent de plus en plus à son sujet et que l'on sent chez les réalisateurs une évolution favorable au zoom.

Dans une interview qu'il a accordée à Laurent Tirard (2004, p. 105-106), Win Wenders reconnaît : « Longtemps, j'ai refusé de tourner quoi que ce soit avec un zoom. C'était défendu. Le zoom était l'ennemi. J'avais une théorie selon laquelle la caméra devait fonctionner comme l'oeil humain, et donc, comme l'oeil ne peut pas zoomer et que pour voir plus près, il faut se rapprocher, je préférais le travelling au zoom. Et à ma grande horreur, Antonioni a presque tout filmé au zoom (dans lequel j'étais assistant-réalisateur). Et j'ai parfois été impressionné par le résultat. »

Bernardo Bertolucci215(*) a connu également un parcours « initiatique » similaire : « Aujourd'hui, je recommence à avoir des rapports plus tranquilles avec le zoom. Et je m'en sers de façon très simple, presque fonctionnelle. Mais pendant longtemps je l'ai considéré comme un objet diabolique (rires) ».

La grammaire et ses interdits ont, sans conteste, évolué en matière d'utilisation du zoom. Toutefois, certains réalisateurs continuent de le considérer comme une méthode de genre ou comme un outil dont il est préférable de cacher l'emploi et dont il faut éviter l'usage excessif, sans véritable justification. « Je n'ai rien contre le zoom, si ce n'est que trop de réalisateurs ont tendance à l'utiliser à outrance, et juste pour créer un effet. Mario Bava a inventé et perfectionné cette méthode dans les années 60, mais c'était dans un genre particulier - le film d'horreur gore - Et tous ceux qui l'imitent depuis le font, je trouve, sans vraie justification. Autre problème du zoom, il a une lentille mobile, ce qui rend l'image moins nette qu'avec un objectif à focale fixe. Il m'arrive d'utiliser le zoom (...) mais je m'arrange toujours pour le camoufler en l'associant à un mouvement de caméra. » (Scorsese, in Tirard, 2004, p.23).

D'un point de vue technique, il faut distinguer le fait de zoomer ou celui de dézoomer.

« On parle de zoom in (en français zoomer) lorsque la distance focale s'allonge, et de zoom out (dézoomer) lorsqu'elle raccourcit. (...) Le geste de zoomer connote plus simplement l' amateurisme, puisque tous les caméscopes du monde sont équipés d'un zoom. Cela dit, la quantité de fictions télévisées et aussi de films qui utilisent systématiquement le zoom est devenue telle que le geste perd peu à peu cette image peu flatteuse. » (Jullier, 2002, p.74)

Il n'en reste pas moins vrai que le geste technique génère des effets de différentes natures sur le spectateur. Certains auteurs considèrent qu'il introduit une gêne physiologique due au fait que l'oeil ne change pas de distance focale216(*) ; le zoom n'est donc pas, en quelque sorte, naturel.

Toutefois, comme pour les autres éléments codiques spécifiques au cinéma, un réalisateur peut parfaitement utiliser cette gêne pour donner de la force à son discours filmique. C'est le cas, selon Opritescu (1997, p.45) lorsqu'il utilise : « 

- le zoom « coup de poing », majorant par son rapprochement extrêmement brutal (souligné parfois par un accent musical) l'effet dramatique d'une situation (la reconnaissance soudaine d'une personne qu'on croyait disparue, etc.).

- Le zoom imperceptible par sa lenteur extrême pendant un long monologue d'un personnage, majorant l'effet dramatique des paroles par le rapprochement insensible et constant d'un visage.

- Les zooms brouillés et rendus imperceptibles par de violents mouvements à l'intérieur du cadre (exemple : le zoom se serre sur un bateau d'époque se rapprochant pendant que les rameurs lèvent en l'air les énormes rames). »

Le zoom imperceptible est utilisé pour créer une sensation de malaise. Aucune étude n'a jamais démontré son efficacité, comme le reconnaît implicitement Sydney Pollack (in Tirard, 2004, p.43) : « Dans La Firme (1993), je m'étais mis d'accord avec le directeur de la photo pour qu'aucun cadre ne soit fixe. Et à chaque fois que l'on tournait un plan, l'opérateur avait la main sur le zoom et avançait ou reculait très très lentement le cadre. La plupart du temps, c'est quasiment imperceptible à l'oeil. Il faut bien regarder les coins de l'image pour s'apercevoir que le plan bouge. Mais je pense que ça contribue pas mal à créer la sensation de malaise et d'instabilité qui était nécessaire à cette histoire ».

Par ailleurs, certains auteurs voient dans le zoom un moyen de connotation. « Zoomer peut connoter l'inaccessibilité, le héros se contentant de voir ce qu'il ne peut avoir » (Jullier, 2002, p.74). Un moyen proche qui peut être comparé, en plus du travelling, à la distance focale. « Le geste de zoomer connote parfois le même genre de choses que les distances focales longues : voyeurisme, espionnage, paparazzi ...».217(*)

L'usage (ou non) du zoom, le choix de la distance focale, le plus ou moins grand nombre de mouvements de caméra sont des décisions qui, leurs effets se conjuguant, créeront un certain style. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises règles. Certains comme David Cronenberg se refuse d'utiliser le zoom, qu'il considère comme « un gadget optique », mais en revanche aime bouger la caméra, car le changement de perspective projette le spectateur physiquement dans l'espace du film. Il utilise peu d'objectifs. Son film Exitenz (1999) a été tourné, presque entièrement, avec un objectif à courte focale de 27 mm. Des choix qui sont siens et qui font son style. « J'ai envie d'être simple et direct, à la manière d'un Bresson et, en revanche, à l'opposé complet d'un Brian De Palma, qui va constamment rechercher une plus grande manipulation de l'image et une plus grande complexité de visuelle » (Cronenberg, in Tirard, 2004, p.175). Et de conclure sainement : « Je ne critique pas ce qu'il fait, je le comprends très bien intellectuellement, mais c'est une autre approche ».

VIII- Les autres codes spécifiques de la bande-image

Les mouvements de caméra, la distance focale comme la plupart des choix que nous venons de décrire agissent principalement sur les qualités spatiales de l'image. Mais, au cinéma, la dimension temporelle est tout aussi importante.

Le cinéma est une technique d'enregistrement des phénomènes spatiaux mais aussi du temps (Bazin, 1985). Les mouvements de caméra en donnent quelques aperçus mais la durée du plan sera, avec le montage et les raccords, un indicateur de temps plus sûr. André Bazin n'a-t-il pas écrit que le cinéma enregistre du temps réel ?

Poussée à l'extrême, cette conception signifie qu'un plan durera le temps nécessaire à l'action filmée, qu'aucune coupure, qu'aucune ellipse, qu'aucun accéléré ne sont envisageables, ce qui est, bien entendu, déraisonnable lorsque le récit couvre une période dépassant la durée normale d'un film de fiction.

En réalité, il n'y a aucune nécessité d'égalité entre la durée du plan et celle des événements relatés. Les plans ont donc une durée plus ou moins longue.

A- La durée du plan

Au cours de l'histoire du cinéma, la durée du plan a fortement fluctué. « Les premiers films (1895-1905) étaient souvent constitués d'un seul plan relativement long. Avec l'émergence entre 1905 et 1916 de ce que l'on appellera plus loin le montage par continuité les plans devinrent plus courts. A la fin des années dix et au début des années 20, la durée moyenne du plan était de cinq secondes, qui montèrent à dix secondes après l'arrivée du parlant (...) Vers le milieu des années 30, il y eut dans différents pays une tendance à faire des plans plus longs, tendance qui se développa au cours des vingt années suivantes » (Bordwell et Thompson, 2000, p. 317).

A la fin des années cinquante, Bazin contribua à attirer l'attention sur les qualités du plan long, à une époque où les théoriciens du cinéma en faisaient une technique théâtrale, anti-cinématographique.

Un plan long laisse à penser que le réalisateur veut souligner, mettre en valeur son contenu narratif et/ou non-narratif. Il peut vouloir forcer le spectateur à voir et à réfléchir à quelque chose d'important à ses yeux. A contrario, un plan court est souvent utilisé pour le dynamisme, l'effet de surprise voire l'effet « subliminal » qu'il génère.

Le plan long est parfois préféré, pour traiter une action, à une série de plans courts. On parle alors de plan autonome et de plan-séquence, si toute une scène est traitée en un seul plan long (Metz, 2003).

Toutefois, en matière de durée de plan, comme pour la plupart des autres éléments filmiques, les avis sont partagés. Il s'agit donc plus de préférences personnelles que de règles ou de conventions.

Des réalisateurs comme Jean Renoir, Orson Welles, Roberto Rossellini ou John Boorman préfèrent les plans longs, minimisant l'interruption de la continuité naturelle de la durée, chère à Bazin. Mais, « dans la plupart des films actuels, une scène comme celle du cambriolage, dans The General (Boorman, 1998), serait montée de façon nerveuse, avec une succession rapide de plans. Moi, je préfère tourner peu de plans et laisser l'action se dérouler. Le dynamisme vient de l'image elle-même, pas de la façon dont elle est associée à d'autres images » (Boorman, in Tirard, 2004, p. 64).

Un plan long ne signifie pas un plan statique, voire fixe; il est souvent associé à des mouvements de caméra (voir le code des mouvements de caméra, plus haut) qui permettent alors de créer des effets comparables aux changements de plans produits par le montage, mais souvent avec plus de fluidité et de réalisme.

Bordwell et Thompson citent Sirroco d'hiver (1969), Agnus Dei (1971), Psaume rouge (1972) et d'autres films du réalisateur hongrois Miklos Jancso qui ne sont composés que de plans séquences. « Chaque plan devient une sous-partie du film et les raccords peuvent acquérir une très grande force. Après un plan de six ou sept minutes, un raccord elliptique peut, par exemple, totalement désorienté le spectateur, comme on le voit dans les films de Jancso » (Bordwell et Thompson, 2000, p.318). En outre, certains réalisateurs emploient le plan long en alternance avec des plans courts pour créer des parallèles et des oppositions entre différentes scènes. André Bazin a noté que Orson Welles avait alterné des plans longs avec dialogues et des plans courts pour donner du rythme à son film Citizen Kane (Welles, 1941, oscar du meilleur scénario) qui, de plus, rompt avec les codes narratifs traditionnels en brisant la linéarité alors en usage au profit d'une structure éclatée et qui, esthétiquement, joue sur les contrastes violents entre le noir et le blanc, l'ombre et la lumière (Rapp et Lamy, 1999, p. 267).

En conclusion, le choix de la longueur des plans est tout aussi important, en matière esthétique, narrative, stylistique, etc. que d'autres choix auxquels il est lié, notamment à ceux des mouvements de caméra, à celui de la taille du plan218(*) et à celui du mode de montage.

Etant une affaire de style, toute règle relative à la durée d'un plan est donc sujette à caution comme toutes celles de la mise en scène, comme l'a dit Claude Sautet (in Tirard, p.113) : « Existe-t-il vraiment des règles en matière de mise en scène ? Je ne crois pas. Si on demandait à trente réalisateurs de filmer la même scène, on découvrirait probablement trente approches différentes. L'un d'entre eux ferait tout en plan unique, un autre découperait ça à l'extrême, un autre ne ferait que des gros plans, sur les visages, etc. Tout est affaire de point de vue. Il n'y a pas de loi, et il ne peut pas vraiment y en avoir ».

Il n'en demeure pas moins vrai que la plupart des auteurs et des réalisateurs, dont Steven Spielberg (Bordwell et Thompson, 2000, p.319-326), considèrent que le plan long est un moyen de donner plus de liberté aux spectateurs tandis que le montage d'une succession de plans courts rapides, comme celui d'Eisenstein ou celui de nombreux réalisateurs de téléfilms et de programmes de télévision, a tendance à vouloir imposer un certain sens : « C'est un cinéma que j'ai surnommé néo-brutalité. (...) Leur grammaire visuelle est celle de MTV, où, en gros, tous les coups sont permis si l'on peut arriver à un résultat excitant » (Boorman, in Tirard, 2004, p.64).

B- La vitesse de défilement

Peu d'auteurs s'attardent sur les effets de la vitesse de défilement des images sur le spectateur. Pourtant, le ralenti219(*) et l'accéléré220(*) n'ont jamais cessé, depuis leur invention et leur maîtrise technique, de contribuer à la production du sens.

1- Le ralenti

Dans Esprit de cinéma, Jean Epstein221(*) illustre au travers un exemple l'importance esthétique et évocatrice du ralenti : « Huis fois ralentie, étalée dans la durée, une vague développe aussi une atmosphère d'envoûtement. La mer change de forme et de substance. Entre l'eau et la glace, entre le liquide et le solide, il se crée une matière nouvelle, un océan de mouvements visqueux. » 222(*)

Cette idée d'une transformation de la matière et du temps est reprise par Dominique Païni (2002, p.100-103), « le ralenti détrompe l'oeil, trouble la vraisemblance transparente entre les phases d'un mouvement. (...) Le ralenti est considéré précocement comme une loupe temporelle qui grossit, dilate les écarts temporels entre deux événements. »

Toutefois, dans l'histoire du cinéma et des ralentis, Païni (2002) montre bien l'évolution de la place du ralenti de 1920 à nos jours.

Dès la fin des années vingt, les cinéastes s'y intéressent. Certains comme Jean Vigo223(*) y trouvent l'expression de leur mélancolie. D'autres comme Eisenstein y cherchent l'expression d'un lyrisme grandiose. Dziga Vertov224(*) et Man Ray225(*) l'emploient pour dilater les mouvements fulgurants et intensifier les gestes solennels.

Dans les années trente, le ralenti fut délaissé au profit du réalisme excepté en Union Soviétique où il est toujours considéré comme un instrument lyrique et à forte puissance érotique.

Le ralenti fut également utilisé pour ses effets sur la starisation. « Mauriz Stiller226(*) déclara un jour que les gros plans de visage de Greta Garbo furent fréquemment filmés au ralenti alors que c'était des plans-portraits ne comportant pas de mouvements internes. Sans doute le ralenti produit-il ce miroitement singulier des visages des stars. » (Païni, 2000, p.101)

Dans les années cinquante, le ralenti fut utilisé comme figure de modernité, notamment pas Jean Cocteau, dans Orphée (1950), un poème fantastique.

Dans les années soixante, le ralenti fit l'objet soit d'un refus, soit d'usage excessif. «  Pour les cinéastes de la Nouvelle Vague, contemporains (...) de la pensée du réalisme d'André Bazin forgée depuis le néoréalisme italien, il n'est pas concevable de toucher à l'image cinématographique, de la manipuler au sens propre et figuré ; celle-ci étant considérée comme la surface sur laquelle le réel s'est impressionné. ...En revanche, c'est l'arrêt sur image qui paraît avoir remplacé le ralenti. ...Truffaut et Godard terminent chacun leur premier film, Les quatre cents coups et A bout de souffle, par un arrêt sur image, gelant le regard de leur acteur qui affronte celui du spectateur. » (Païni, p.102)

Dans les années soixante-dix, selon Laurent Jullier (2002, p.82), le ralenti a servi à dilater le temps des événements violents, tueries, bagarres, accidents et explosions diverses. « Censé transcrire cinématographiquement ce qui est réellement ressenti devant quelque chose de violent (il semblerait qu'on ait l'impression de percevoir davantage d'événements à la fois sur un champ de bataille..), le ralenti a rapidement servi surtout à « esthétiser » la violence, à chorégraphier la chute des corps. »

Dans les années quatre-vingt, les films publicitaires et les clips musicaux utilisent beaucoup le ralenti d'où une certaine contamination de toutes les images animées produites au cours de cette décennie.

Au milieu des années quatre-vingt-dix, le cinéma asiatique227(*) arrive en Europe principalement avec des films empreints d'action violente, de danse traditionnelle, et d'arts martiaux externes. Le ralenti est alors utilisé pour mettre en valeur les prouesses des danseurs, acrobates et autres karatékas. A la suite du succès international de son film The Killer (1989), John Woo imposa son style et ses méthodes dont celle qui consiste à tourner avec plusieurs caméras (jusqu'à 15 pour des scènes d'action difficiles) et « à faire tourner certaines caméras à des vitesses différentes », sa vitesse préférée étant de 512 images par seconde, soit un ralentissement de 20 fois par rapport à la normale. Il explique la raison de ces ralentis de la façon suivante : « lorsque je découvre au montage un moment particulièrement fort, du point de vue dramatique ou émotionnel, j'aime le faire durer le plus longtemps possible » (Woo, in Tirard, 2004, p.205).

Selon Païni (2002, p.103) : « Aujourd'hui, dans le cinéma de grande consommation, le ralenti est un élément disruptif et fascine autant qu'il dérange. (..) Il offre la possibilité de monumentaliser temporellement des images cinématographiques... Le ralenti défigure, altère la ressemblance, principe majeur d'un cinéma industriel qui vise la limpidité narrative absolue. Ainsi le ralenti offre-t-il une curieuse inversion : alors que l'on est en droit d'attendre de lui un détail de l'action, au contraire, il détourne l'action, il la chancelle, en imposant une plasticité cinématographique des choses et des corps qui, dans la mise en scène, émousse la primauté de la dramaturgie et les anecdotes du récit. » Depuis l'époque de La Nouvelle Vague, Godard a lui-même un regard moins critique à l'égard du ralenti. Le ralenti n'est pas seulement une question de vitesse, c'est aussi une sorte de prothèse du voir. Ralentir, c'est montrer les moments décisifs, c'est surtout montrer mieux l'ensemble du processus, et pas seulement les moments que l'on ralentit, c'est donc intervenir sur l'événement montré pour en délivrer le sens. Selon Godard, le ralenti est là pour guider la perception du spectateur sans la contraindre (Aumont, 2002, p.45)

2- L'accéléré

Sans doute en raison des films saccadés par la vitesse des premières années du cinéma, l'accéléré a dû attendre plusieurs décennies avant d'être repris au sérieux. « A cause de l'effet comique - les conventions changent au fil des époques, et le fiacre ultra-rapide de Nosferatu 228(*)faire rire aujourd'hui - l'accélération connote maintenant d'autres choses, l'empressement un peu ridicule (la goinfrerie du voleur de La Ricotta) ou l'étrangeté (le feu dans la cheminée de Lost Highway) » (Jullier, 2002, p.82).

Depuis les années cinquante, dans les grands films d'aventure et les westerns, les légères accélérations sont fréquentes pour donner une impression de vitesse, d'énergie et de dynamisme. Elles permettent également d'accélérer au stade de la post-production des images prises à une vitesse raisonnable lors du tournage pour ne pas mettre les acteurs en danger.

Il est également parfois utilisé pour signifier le temps qui passe. De nombreux réalisateurs ont utilisé un accéléré sur des piétons dans une rue très fréquentée, ou de voitures sur une voie à grand trafic, la nuit, ou encore des aiguilles d'une horloge, etc.

Les tout premiers théoriciens, ceux de l'époque du muet et du cinéma soviétique, ont cherché à inventer un discours cinématographique en exploitant toutes les possibilités créatrices du montage et ont ainsi contribué à l'élaboration de l'un des codes spécifiques de la bande image. Un peu moins d'un siècle plus tard, le code du montage est toujours jugé par la plupart des auteurs comme étant le plus important.

VII- Le code du montage

Le montage est considéré par de nombreux auteurs comme la phase la plus importante de la création d'un film. Il met en valeur les points culminants du film, contribue à créer son rythme et son style (Albèra, 1996).

Comme l'écrivait, en 1927, Boris Kazanski229(*), un formaliste russe, « le cinéma est un art complexe, composite, auquel participe diverses formes de création », et « au stade ultime de la création, le cinéma est un art de la composition ». Or, ajoutait-il « c'est le montage - c'est-à-dire l'assemblage, selon un projet précis, dans des cadres indispensables dans l'ordre dicté par le sujet - qui réalise cette composition du film ».

Il en concluait comme la plupart des formalistes russes que « le véritable créateur du film est, sans contredit, le monteur, c'est-à-dire celui qui en réalise le dessein dramaturgique ».

Aussi, pour reprendre la terminologie d'un autre formaliste russe, Boris Eikhenbaum230(*), après s'être intéressé à la « sémantique du cadre », aux différents plans, à leur échelle, à leur durée, aux effets qu'ils peuvent provoquer chez le spectateur, allons-nous étudier « la sémantique du montage » et nous intéresser à des unités de plus grande dimension : la sous-séquence, la séquence, voire seulement deux plans juxtaposés.

A- L'effet Koulechov

L'effet Koulechov, parfois appelé effet-K, est à ce titre intéressant à connaître, même s'il a été depuis parfois contesté. Cette expérimentation de trois montages différents, nous la devons à Lev Koulechov, l'un des premiers cinéastes soviétiques, qui fut également l'un des premiers enseignants de cinéma, en 1919, à l'Ecole d'Etat de la Cinématographie de Moscou.231(*)

Koulechov a juxtaposé deux plans : l'un d'un visage totalement inexpressif d'un acteur, le fameux Mosjoukine, l'autre qu'il fit varier, proposant ainsi 3 versions différentes :

- la première montrait une assiette de soupe,

- la deuxième, un cadavre,

- la troisième, une femme demi-nue.

Il projeta ces trois versions à des spectateurs. La version N°1 (Plan du visage de Mosjoukine + assiette de soupe) signifie la faim. A la vue de la version N°2 (Même plan de visage + cadavre), les spectateurs lisèrent l'angoisse devant la mort. Enfin, à la version N°3 (Même visage + femme demi-nue), les spectateurs perçurent le désir sur le visage de Mosjoukine (pourtant toujours aussi inexpressif). Quelle que soit la version, les spectateurs interrogés trouvèrent que l'acteur avait parfaitement su exprimer le sentiment : de faim pour la version 1, d'angoisse pour la version 2, de désir pour la version 3.

Koulechov en conclura qu'une image plus une autre faisait bien, non pas deux images, mais une troisième, une signification, issue des deux « mères ». La confrontation de deux plans naît une signification, « une idée qui ne fait partie intégrante ni de l'un ni de l'autre de ces deux plans considérés séparément » (Jurgenson et Brunet, 2002, p.14).

Cette expérience, depuis considérée par certains comme une véritable doctrine, relativise l'influence des acteurs.

On peut la rapprocher de la théorie du ciné-oeil de Vertov : « Je suis le ciné-oeil, à l'un je prends les mains les plus fortes et les plus agiles, à un autre les jambes les plus sveltes et les plus rapides, à un troisième la tête la plus belle et la plus expressive, et avec le montage je crée un homme nouveau, parfait ».232(*) Toutefois, alors que Vertov montre ainsi les possibilités d'améliorer le physique d'un acteur grâce au montage233(*), Koulechov prouve qu'un acteur n'a pas à être expressif, puisque le montage communiquera le sens souhaité par le réalisateur.

Ce n'est donc pas un hasard si cet effet Koulechov fut repris, à différentes reprises, par Alfred Hitchcock : « nous prenons un gros plan de James Stewart. Il regarde par la fenêtre et il voit un petit chien que l'on descend dans la cour par un panier ; on revient à Stewart, il sourit. Maintenant, à la place du petit chien qui descend dans le panier, on montre une fille à poil qui se tortille devant sa fenêtre ouverte ; on replace le même gros plan de Stewart souriant et, maintenant, c'est un vieux salaud » (à propos de Fenêtre sur cour, 1954).

Paul Brion (2000, p.9) donne un autre exemple cité par Hitchcock selon lequel « Le montage est déterminant. Imaginez James Stewart regardant une mère en train de s'occuper de son enfant. Vous voyez l'enfant puis vous enchaînez sur Stewart. Stewart est alors un vieil homme doux. Enlevez le morceau du milieu et mettez à la place une fille en bikini. Stewart devient alors un vieil homme libidineux ».

Alfred Hitchcock adhérait, en effet, à une approche minimaliste appelée « jeu négatif », fortement inspirée des théories d'Eisenstein, mais en totale opposition à « La Méthode » (de l'Actor's Studio). Ce jeu négatif « lui permettait de créer l'émotion en alternant les gros plans d'un personnage et les contre-champs de ce qu'il voyait - illustration de la célèbre expérience de Koulechov, immortalisés par tant d'interviews d'Hitchcock » (Krohn, 2000, p.9).

L'effet Koulechov est, bien sûr, amplifié dès lors que le nombre de plans augmente, ce qui est généralement le cas dans une séquence.

C'est pourquoi, certains théoriciens du cinéma ont tendance à nommer « effet Koulechov » toute série de plans qui, en l'absence de plan d'ensemble, conduit le spectateur à inférer des relations spatiales et ainsi à construire une entité spatiale à partir de fragments filmés d'espaces (parfois sans rapport réel).

Bordwell et Thompson (2000, p.342) montrent que cet effet est à l'origine de fortes illusions cinématographiques. Il peut faire croire au spectateur en l'existence d'un lieu ou d'un décor unique. « Je suis le ciné-oeil. Je suis un bâtisseur. Je t'ai mis (...) dans la chambre la plus extraordinaire, qui n'existait pas avant cet instant, et qui a été aussi créée par moi. Cette chambre a douze murs, filmés par moi dans divers endroits du monde. En rassemblant des plans de murs et de détails, j'ai réussi à les disposer dans un ordre que tu aimes » (Vertov, in Bordwell et Thompson, 2000, p.340-341).

Ce type de montage peut permettre de compenser des difficultés de tournage, en collant des séquences tournées à des moments et à des lieux différents. Ainsi, Jean-Luc Godard234(*) cite l'exemple de Wells : « Pour Mr Arkadin (Confidential Report), qui lui a pris trois ou quatre ans, il a eu recours par nécessité au montage lorsqu'il avait un plan tourné à Berlin au printemps et le contrechamp en Espagne en automne ».

L'effet Koulechov peut faire croire, en outre, en une action impossible, un combat ou une course poursuite, par exemple. Dans La Légence de Fong Sai-Yuk (1993), Corey Yuen utilise l'effet Koulechov dans un montage rapide : un plan montre le haut du corps d'une spécialiste des arts martiaux qui combat le personnage principal, Fong Sai-Yuk; il est suivi par un autre plan montrant ses jambes et ses pieds appuyés sur les épaules de personnes dans le public qui semblent mécontentes. En fait, la femme était suspendue en l'air par un dispositif hors-champ. Corey Yuen ne fournit que très peu de plans montrant l'ensemble de la scène. (Bordwell et Thompson, 2000, p.342).

Nous retrouvons cette technique de tournage et de montage dans la plupart des films d'arts martiaux de ces dernières années notamment dans Tai Chi Master (Yuen Woo-Ping235(*), 1993) et Tigres et Dragons (Ang Lee, 2000, Oscar du meilleur film étranger).

Le montage, avec ou sans effet Koulechov, va donc organiser les plans, en unités de signification plus importantes : les séquences, qui elles-mêmes seront associées dans un tout fini appelé film.

Du point de vue du réalisateur, et selon sa conception du montage, le montage peut avoir une fonction narrative plus ou moins importante : « le changement de plan guide la compréhension de la scène quitte à nous imposer le sens (...) A l'inverse, le montage peut nous induire en erreur. Le récit dysnarratif se charge précisément de démonter cette fonction narrative (...) et de susciter notre incertitude par un montage incompréhensible » (Journot, 2004, p.78-79).

Mais le montage n'est pas uniquement le fait du réalisateur et du monteur. Comme l'écrivait Boris Eikhenbaum236(*), en 1926, « Le spectateur ne se contente pas de regarder attentivement chaque nouveau cadre pris séparément, il le confronte avec le précédent et le suivant. Le sens de chaque cadre dépend en grande partie de son lien avec ses voisins. (...) A charge pour le spectateur de deviner ces sens (...) et pour le réalisateur de concevoir le montage de façon à ce que ces rapports et les sens qu'ils engendrent « passent ».

Le travail que réalise le spectateur pour relier les plans et créer le sens, Eikhenbaum (1996, p.206), lui donne un nom : « Le spectateur doit fournir au cinéma un travail intellectuel complexe pour relier les différents cadres et deviner les nuances de sens. C'est ce travail que j'appelle le discours intérieur du spectateur ».237(*)

Cette idée a été reprise, bien plus tard, dans la stratégie communicative selon laquelle il est nécessaire que le spectateur construise à partir des éléments qu'il repère dans le film une structure susceptible de conduire à une signification (Odin, 1982, p.140) et, plus précisément en matière de montage, par Odin (1990, p.191) qui écrit : « Au point de départ de la réflexion, la reconnaissance d'une intuition forte des usagers du cinéma (réalisateurs, spectateurs, mais aussi critiques, esthéticiens, théoriciens) : celle de l'existence dans les films d'un grand niveau de structuration, celui de montage. Ce niveau correspond à l'organisation des plans en unités de plus grandes dimensions, unités, en général, globalement dénommées,  séquences : un film est un ensemble de séquences ».

B- La séquence

La signification de la séquence, en tant que grande unité narrative autonome, dépend de chaque plan qui la constitue et de la relation entre les plans.

Quelle que soit la volonté du réalisateur, de guider ou de tromper le spectateur dans son processus de construction de sens, le travail de re-montage du spectateur est présent : « Puisque le spectateur est un être humain génétiquement programmé pour trouver du sens dans tout ce qu'il perçoit de l'environnement (du sens, c'est-à-dire des relations) ; faire suivre un plan A d'un plan B est immanquablement vu comme une invitation à trouver ce qui les relie l'un à l'autre » (Jullier, 2002, p.51).

La signification d'un plan dépend également, au-delà de ce qu'il représente, de sa durée. Or, la durée de chaque plan, comme leur organisation sont de la responsabilité du monteur. C'est pourquoi, le montage - qui peut être défini comme l'organisation des plans d'un film, de différentes durées et selon un certain ordre - est considéré par bon nombre d'auteurs comme l'élément le plus spécifique du langage cinématographique.

Ainsi - bien que son importance ait varié au cours de l'histoire du cinéma et que tous les films ne soient pas le résultat d'un montage - il ne fait aucun doute que la qualité d'un film repose en grande partie sur la qualité du montage (Jurgenson et Brunet, 1990, p.13).

La plupart des films réalisés avant 1904 ne sont composés que d'un seul plan. Pour des raisons techniques et/ou économiques, certains films sont des assemblages de plans très longs dont la durée correspond à celle d'une bobine, comme La Corde (1948) d'Alfred Hitchcock qui ne comprend que 8 plans (bobines). Certains films expérimentaux ou d'avant garde, notamment Empire238(*) (1964) d'Andy Warhol ou La Région centrale239(*) (1971) de Michael Snow ou, plus récemment encore, L'Arche russe d'Alexandre Sokurov240(*) (2002) se limitent à un seul plan. Lorsque le film est composé d'un seul plan ou d'un nombre très limité de plans longs, il est généralement associé à des mouvements de caméra (panoramiques, travelling, mouvements de grue et zooms) qui permettent de faire varier les points de vue, autrement dit de créer des effets comparables aux changements de vues produits par le montage, en respectant néanmoins la continuité du plan.

Nous avons vu précédemment qu'à partir des années 20, les théoriciens du cinéma et cinéastes ont pris conscience de la puissance d'expression du montage. Excepté quelques films, le plus souvent expérimentaux, les films actuels sont le résultat d'un montage assez sophistiqué. « Un film hollywoodien contient généralement entre 800 et 1200 plans ; un film dont l'action est plus rapide peut être composé de plus de 2000 plans. Ces seuls chiffres font comprendre que le montage façonne fortement l'expérience du spectateur, même à son insu. Le montage contribue beaucoup à l'organisation d'un film et à ses effets sur les spectateurs » (Bordwell et Thompson, 2000, p.328).

Le réalisateur peut grâce au montage agir sur les relations visuelles entre un plan A et un plan B, leurs relations rythmiques, leurs relations spatiales et leurs relations temporelles. Dans chacun de ces domaines, il pourra jouer sur la continuité ou l'opposition brutale.

Exemples de relations entre les plans d'une même scène241(*)

Dimension

Continuité

Discontinuité / Opposition

Visuelle

Ressemblance des lumières, des couleurs, des décors, des tailles de plans, des mouvements de caméra, etc.

Chocs entre les tailles des plans, opposition des directions des reflets, des couleurs, etc.

Rythmique

Même durée des plans, même vitesse de défilement, etc.

Disparité de la longueur des plans, changement de la vitesse de défilement, alternance de plans longs et de plans courts, etc.

Spatiale

Même décor. Un plan de situation suivi de vues partielles de cet espace.

Montage alternant au moins deux espaces. Choix d'objectifs qui modifient les formes et les distances. Alternance de focales courte et longue, etc.

Temporelle

Durée de la scène équivalente à celle de l'action réelle. Respect de la chronologie des faits. Continuité narrative, etc.

Modification de la chronologie des faits : flashback242(*), flash-forward243(*).

Répétition de plans en tout ou partie. Changement de vitesse de défilement (ralenti, accéléré), etc.

C'est la raison pour laquelle il est utile de connaître et, éventuellement, de tirer parti du travail du sémiologue, Christian Metz, qui a décrit d'une façon précise et systématique l'ensemble des figures de montage qui interviennent dans les films : « Alors qu'une image ne ressemble jamais à une autre image, la grande majorité des films narratifs se ressemblent quant à leurs principales figures de syntagmes » (Metz).

Cette structuration concernant de grandes unités qui se situent sur l'axe syntagmatique244(*) temporel, Metz l'a nommée la « Grande syntagmatique ». Elle peut être utilisée autant par un analyste de film pour étudier la structure d'un film que par un cinéaste pour construire son film (Bessière, 2000, p.52).

C- La grande syntagmatique

L'analyse de Metz a montré que le code du montage peut être présenté comme un ensemble limité d'agencements syntagmatiques de plans qui prennent leur sens les uns par rapport aux autres. Un ensemble utile que l'on soit cinéaste ou que l'on soit spectateur. « L'ensemble des agencements syntagmatiques entre lesquels le cinéaste doit choisir lorsqu'il réalise un film, ou si l'on se place dans la perspective du spectateur, l'ensemble des divers agencements de plans dont la mise en relation fait sens dans le fonctionnement des films » (Odin, 1990, p.194).

Christian Metz245(*) définit sa grande syntagmatique de la bande-images comme des agencements codifiés et signifiants au niveau des grandes unités du film (c'est-à-dire à un niveau qui correspond à peu près à celui des séquences) et abstraction faite de l'élément sonore et parlé (Metz, 2003, p.122). C'est avant tout « un modèle typologique, une classification des divers types de constructions syntagmatiques repérables dans l'ensemble des films de fiction classiques. » (Odin, 1990, p.210).

Metz recense huit grands types de segments autonomes246(*) ; le segment autonome étant, à ses yeux, la subdivision de premier rang du film. « C'est une partie du film, et non point une partie de partie du film ».

En premier lieu, Metz distingue les segments autonomes formés d'un seul plan - c'est-à-dire les plans autonomes - des sept autres sortes de segments autonomes, toutes formées de plusieurs plans. Ces dernières, il les appelle des syntagmes247(*).

o Les différents plans autonomes

En second lieu, Metz distingue plusieurs sous-types de plan autonome :  

- « d'une part le fameux plan-séquence248(*) du cinéma moderne (= toute une scène traitée en un seul plan ; c'est ici l'unité d'une « action » qui donne au plan son autonomie)

- d'autre part, diverses sortes de plans qui doivent leur autonomie à leur statut d'interpolations syntagmatiques, et que l'on pourrait regrouper sous le nom d'inserts. Il existe quatre types d'inserts :

1) l'insert non-diégétique (= image à valeur purement comparative, et présentant un objet extérieur à l'action) ;

2) l'insert subjectif (= image qui n'est pas visée-comme-présente, mais visée-comme-absente, par le héros de l'action ; exemples : souvenirs, rêveries, craintes, prémonitions, etc.) ;

3) l'insert diégétique déplacé (= image qui, tout en étant pleinement « réelle » est soustraite de son emplacement filmique normal et postée à dessein en enclave dans un syntagme d'accueil étranger ; exemple : au milieu d'une séquence relative aux poursuivants, une image unique des poursuivis) ;

4) enfin, l'insert explicatif (détail grossi, effet de loupe ; le motif est soustrait à son espace empirique et porté dans l'espace abstrait d'une intellection ; exemple : cartes de visite ou missives en gros plan). » (Metz, 2003, p.126).

Autrement dit, un insert est un plan destiné à rompre la continuité de l'action en introduisant un commentaire, une explication, une information, un renseignement précis, etc.

o Les différents syntagmes

En troisième lieu, Metz distingue à l'intérieur des syntagmes (segments autonomes formés de plusieurs plans) les syntagmes a-chronologiques et les syntagmes chronologiques. « Dans les premiers, le rapport temporel entre les faits présentés par les différentes images n'est pas précisé par le film (= défection provisoire du signifié de dénotation temporelle) ; dans les seconds, il l'est. » (Metz, 2003, p.127).

- Metz a identifié deux types principaux de syntagmes a-chronologiques.

L'un d'eux est bien connu des esthéticiens du cinéma et s'appelle « séquence de montage parallèle ». Il préfère le nommer syntagme parallèle et en donne la définition suivante : « le montage rapproche et entremêle en tresse deux ou plusieurs motifs qui reviennent en alternance, ce rapprochement n'assignant aucun rapport précis (ni temporel, ni spatial) entre lesdits motifs, du moins au plan de la dénotation, mais ayant directement une valeur symbolique (scènes de la vie des riches et scènes de la vie des pauvres, images de calme et images d'agitation, la ville et la campagne, la mer et les champs de blé, etc.). »

Le deuxième type de syntagme a-chronologique, qu'il appelle syntagme en accolade, consiste en « une série de brèves scénettes représentant des événements que le film donne comme des échantillons typiques d'un même ordre de réalités, en s'abstenant délibérément de les situer les unes par rapport aux autres dans le temps, pour insister au contraire sur leur parenté supposée au sein d'une catégorie de faits que le cinéaste a précisément pour but de définir et de rendre sensible par des moyens visuels. ». Son nom de syntagme en accolade suggère l'existence entre les événements qu'elle regroupe le même type de rapports que l'accolade entre les mots qu'elle réunit.

- Dans les syntagmes chronologiques, « les rapports temporels entre les faits présentés par les images successives sont précisés au plan de la dénotation (= temporalité littérale de l'intrigue et non point seulement quelque temps symbolique ou profond). Mais ces rapports précis ne sont pas forcément de consécution, ils peuvent être aussi de simultanéité. »

Il n'existe qu'un seul type syntagmatique dans lequel le rapport entre tous les motifs présentés successivement à l'image soit un rapport de simultanéité, il s'agit du syntagme descriptif. Metz en donne l'exemple suivant : la description d'un paysage (d'abord un arbre, puis une vue partielle de cet arbre, puis un petit ruisseau qui est à côté, puis une colline au lointain, etc.). Il insiste sur le fait que dans le syntagme descriptif, le seul rapport intelligible de coexistence entre les objets que nous présentent successivement les images est un rapport de coexistence spatiale.

Tous les syntagmes chronologiques autres que les syntagmes descriptifs sont des syntagmes narratifs, c'est-à-dire des syntagmes dans lesquels le rapport temporel entre les objets vus à l'image comporte des consécutions, et non pas seulement des simultanéités (Metz, p.129)

Il distingue le syntagme narratif alterné (ou syntagme alterné tout court) des divers types de syntagmes narratifs linéaires.

Le syntagme alterné est également appelé, par d'autres théoriciens du cinéma, montage alterné, montage parallèle, synchronisme, etc. Il présente « par alternance deux ou plusieurs séries événementielles de façon telle qu'à l'intérieur de chaque série les rapports temporels soient de consécution, mais qu'entre les séries prises en bloc le rapport temporel soit de simultanéité (ce qu'on peut traduire par la formule : « Alternance des images = simultanéité des faits »). » (Metz, p.130). Le montage alterné - type est celui d'une poursuite avec une série d'événements relatifs au poursuivi (bandit, diligence) qui alterne, une ou plusieurs fois, avec une série d'événements qui concernent les poursuivants (policier, indiens).

Les syntagmes narratifs linéaires, dans lesquels une consécution unique relie tous les actes vus à l'image, peuvent être classés en deux catégories selon que la consécution est continue (sans hiatus ni ellipses) ou discontinue (moments sautés).

- « Lorsque la consécution est continue (= pas de hiatus diégétiques), nous avons affaire au seul syntagme du cinéma qui ressemble à une scène de théâtre, ou encore à une scène de la vie courante, c'est-à-dire qui présente un ensemble spatio-temporel ressenti comme sans failles (par failles, il faut entendre ces brusques effets d'apparition/disparition, corollaires fréquents de la multiplicité même des plans, qu'ont étudiés les filmo-psychologues (notamment A. Michotte Van Den Berck ) » (Metz, 2003, p.130). Metz nomme ce syntagme, tout simplement, une scène.

- Lorsque la consécution temporelle des faits présentés est discontinue, Metz parle de séquences proprement dites.249(*)

Il en distingue deux sortes selon le type de discontinuité : - si « on se contente de sauter les moments jugés sans intérêt pour l'intrigue ; c'est alors la séquence ordinaire, type syntagmatique très courant dans les films. » - si, au contraire, la discontinuité est organisée, il s'agit d'une séquence par épisodes. La séquence ordinaire et la séquence par épisodes sont toutes les deux des séquences au sens propre du mot : « idée de consécution unique + idée de discontinuité ». « La séquence aligne un certain nombre de brèves scénettes, séparées le plus souvent les unes des autres par des effets optiques (fondus-enchaînés, etc.) et qui se succèdent par ordre chronologique (c'est là la grande différence entre la séquence par épisodes et le syntagme en accolade) » (Metz, 2003, p.132).

Ces différents agencements syntagmatiques, entre lesquels le cinéaste doit choisir dans le respect du code du montage, s'organisent en une structure hiérarchique que les linguistes appellent un « arbre syntagmatique ». Structure que l'on retrouve dans le tableau général de la grande syntagmatique de la bande image proposé par Christian Metz (voir ci-dessous).

L'approche de Metz est celle d'un sémiologue dont le but est de tenter de donner au montage, en tant que niveau de production de sens, un authentique statut théorique, autrement dit à décrire de façon aussi systématique que possible l'ensemble des figures de montage qui interviennent dans les films. Il arrive à montrer que le code du montage se laisse décrire comme un ensemble limité d'agencements syntagmatiques de plans qui prennent leur sens les uns par rapport aux autres.

Comme l'écrit Ropars-Wuilleumier (1970, p.22) : « La méthode proposée par Metz vise, encore une fois, une grammaire cinématographique ; mais alors que les premiers théoriciens en établissaient une au prix d'une réduction abusive de l'image au mot, « la grande syntagmatique du film narratif » offre ceci de nouveau qu'elle respecte dans l'image la pluralité des signes et ne cherche un code qu'au niveau de la syntaxe du récit ».

TABLEAU GENERAL DE LA GRANDE SYNTAGMATIQUE DE

LA BANDE IMAGE

(En caractères gras : les types syntagmatiques repérables au départ dans les films (méthode inductive), mais retrouvés les derniers dans le système (méthode déductive), c'est-à-dire les 8 grands types syntagmatiques)

1- Plan autonome (Sous-types : le plan-séquence + les 4 sortes d'inserts)

2- Syntagme parallèle

Syntagmes

a-chronologiques

3- Syntagme en accolade

Segments

autonomes

Syntagmes

4- Syntagme

descriptif

Syntagmes

chronologiques 5- Syntagme (narratif)

alterné

Syntagmes

narratifs 6- Scène

Syntagmes narratifs

linéaires 7- Séquence

par épisode

Séquences

8- Séquence

ordinaire

Il n'en demeure pas moins vrai que la Grande Syntagmatique présente quelques limites.

- La première, et non des moindres, est qu'elle ne s'intéresse qu'à la bande image. « La grande syntagmatique ne rend compte que d'un niveau de ce qui est normalement englobé par les théoriciens du cinéma sous la notion de montage ; elle constitue un code mais non la totalité des codes du montage : non seulement, elle ne concerne que la bande-image - or monter un film, c'est aussi monter la bande-son et donc structurer les relations images-sons - mais elle ne prend en compte ni les problèmes des raccords entre les plans, ni ceux de la durée et du rythme des plans, ni les relations micro ou macro-syntagmatiques entre des unités inférieures ou supérieures aux segments autonomes, tous niveaux de fonctionnement qui réclament également une analyse systématique. » (Odin, 1990, p.196)

- Une deuxième limite vient du fait que Metz a établi sa Grande Syntagmatique en n'analysant que le corpus de films narratifs classiques, d'une période se situant entre les années trente et le milieu des années cinquante, autrement dit avant l'apparition des films de la Nouvelle Vague. « La Grande Syntagmatique ne peut donc pas être considérée comme un code du montage : elle n'en est qu'un sous-code ; elle n'est que l'une des multiples façons de répondre à la question du montage » (Odin, 1990, p.197). Odin suggère donc l'existence d'autres syntagmes : « D'autres paradigmes de syntagmes devraient être construits si l'on travaillait sur d'autres types de films (les comédies musicales, les films publicitaires, le films de propagande, etc.) sur d'autres types de productions audiovisuelles (comme les vidéo-clips ou les émissions de télévision) ou sur les productions d'autres époques : on pourrait ainsi envisager de suivre l'évolution des sous-codes du montage par grandes coupes synchroniques au fil de l'histoire du cinéma. L'ensemble constituerait ce que l'on peut appeler le code de l'agencement syntagmatique des segments autonomes, qui est l'un des codes du montage filmique.(Odin, 1990, p.199-200).

- Une troisième limite concerne l'apport de Metz en matière de processus mis en oeuvre par le spectateur pour comprendre les structures. « Même si Ch. Metz fixe l'adéquation explicative comme objectif à la sémiologie du cinéma (c'est le sens de sa formule définitionnelle : « comprendre comme le film est compris »), il faut bien reconnaître que la Grande Syntagmatique est essentiellement un modèle typologique (une classification des divers types de constructions syntagmatiques repérables dans l'ensemble des films de fiction classiques) qui ne dit pas grand chose sur les processus mis en oeuvre par le spectateur pour comprendre les structures repérées. » (Odin, 1990,  p.210)250(*).

- Une quatrième limite concerne la distinction entre scène et séquence qui aux yeux de nombreux auteurs dont Odin et Bächler (2001, p.8-9) n'est pas très claire dans la grande syntagmatique de Metz.

Certains auteurs ont également critiqué la difficulté, voire l'impossibilité, de mise en oeuvre de la Grande syntagmatique tant pour l'analyse d'un film que pour son utilisation par un cinéaste.

Des exemples d'utilisation prouvent le contraire. Dans son ouvrage, Metz propose une étude syntagmatique du film Adieu Philippine de Jacques Rozier : « Le jeu des huit types syntagmatiques à l'aide duquel a été analysée la bande-images d'Adieu Philippine constitue un inventaire complet, si l'on entend par là que chacune des « séquences » du film de Jacques Rozier - ou des autres films - se rattache à l'une ou l'autre de ces constructions fondamentales. Mais ce n'est pas à dire que toutes sont nécessairement représentées dans chaque film et, notamment, dans celui de Jacques Rozier. A vrai dire, il est même assez rare qu'une oeuvre épuise toutes les possibilités syntaxiques du langage cinématographique. » (Metz, op cit, p.177).

Pour rendre compte d'une telle approche, nous avons sélectionné quelques extraits de cette analyse syntagmatique de la bande-images de manière à présenter des exemples de grands types de segments autonomes (le premier exemple de segment retenu, le plan autonome étant le 35ème du film, et ainsi de suite).

Tableau des segments autonomes du film Adieu Philippine de Jacques Rozier

(...)

35 : plan autonome.

34-35 = fondu enchaîné.

On suit Liliane et Juliette sur l'escalator d'un grand magasin. Pendant ce long plan-séquence, elles parlent d'un projet destiné à empêcher Michel de partir au service militaire.

36 : Scène.

35-36 = zéro

Un moment plus tard. Juliette donne rendez-vous par téléphone à Régnier, un ami supposé influent, qui pourrait, pense-t-elle, intervenir en faveur de Michel. L'interlocuteur n'est jamais vu ni même entendu, la scène étant entièrement centrée sur les jeux de physionomie de Juliette.

37 : Séquence

36-37 = fondu en noir

Le soir, Michel et Liliane sont assis dans une voiture. On voit la voiture démarrer ; puis on la retrouve, un peu plus tard, roulant dans Paris.

(...)

58 : Séquence par épisodes

57-58 = fondu au noir

La composition de cette séquence en trois épisodes très brefs est fort nette :

1- Au milieu de la nuit, Juliette quitte en silence la tente où elle dormait avec Liliane.

2- Visage de Liliane retenant ses larmes.

3- Au lever du jour, Juliette, étendue dehors à côté de Michel s'écarte discrètement de lui.

Entre chaque épisode et le suivant, un fondu au noir souligne la construction elliptique du passage qui, en trois brèves allusions, laisse deviner les événements et les émotions de la nuit.

(...)

71 : Syntagme descriptif

70-71 = zéro

Le passage du narratif au descriptif est immédiatement sensible. La musique donne un élan lyrique à cette suite d'images qu'elle accompagne dans tout son déroulement. Les plans flous sur le bateau qui avance, sur la mer, le ciel, les yachts tout autour, les deux filles sur la proue du bateau, n'esquissent aucun récit suivi, mais plutôt un chant poétique dédié à la beauté de la mer...

(...)

72 : Syntagme alterné

71-72 = zéro

Le plan qui montrait le bateau s'avançant dans le port se termine par l'image de Pachala en train de tourner son film sur une colline surplombant la mer.

Les deux séries (film de Pachala, débarquement des trois héros), réunies dans le plan initial, se disposent ensuite en deux rameaux entrecroisés :

1- Pachala tourne son film

2- Les autres l'aperçoivent depuis le bateau

3- Retour à Pachala

4- Michel et les deux filles débarquent.

Dans cet extrait d'analyse apparaît nettement l'importance des liaisons entre les segments autonomes : fondu enchaîné, fondu au noir, etc. Rappelons que Metz considère qu'il n'est pas souhaitable que ces huit types de segments autonomes soient interrompus par un élément de ponctuation - fondus enchaînés, au noir, ouverture/fermeture à l'iris, etc. Cela n'empêche par Jacques Rozier d'introduire des fondus au noir entre les épisodes de la séquence N°58.

D- Les éléments de liaison : utilisations et significations

Ces éléments ont, nous venons de le voir, un rôle démarcatif ou de ponctuation lorsqu'ils séparent deux segments autonomes, deux séquences - comme continue de les appeler la plupart des auteurs en conservant le sens courant du terme « séquence »251(*). Car, qu'on le regrette ou non, il faut admettre que la terminologie de Metz n'a rencontré que peu d'échos parmi les professionnels du cinéma qui lui préfèrent des expressions telles que montage alterné, montage parallèle, séquence alternée ou séquence en parallèle :

Séquences : paramètres et profils

Selon Vanoye et Goliot-Lété (2001, p.29)

Définition d'une séquence : ensemble de plans constituant une unité narrative définie selon l'unité de lieu ou d'action.

- Classification des séquences selon les paramètres filmiques de Christian Metz :

- la scène ou séquence en temps réel : la durée de la projection égale la durée fictionnelle ;

- la séquence ordinaire : elle comporte des ellipses temporelles252(*) plus ou moins importantes ; c'est une suite chronologique d'événements.

- la séquence alternée : elle montre en alternance au moins deux actions simultanées qui se situent dans un même espace/temps.

- la séquence en parallèle : elle montre en alternance au moins deux ordres de choses (actions, objets, paysages, activités, etc.), sans lien chronologique marqué et situés dans des espaces différents, pour établir, par exemple, une comparaison ;

- la séquence par épisodes : une évolution couvrant une période de temps importante est montrée en quelques plans caractéristiques séparés par des ellipses ;

- la séquence en accolade : montage de plusieurs plans montrant un même ordre d'événement (la guerre, par exemple)

- Classification des séquences selon des paramètres scénaristiques :

- En extérieur/en intérieur ;

- De jour/de nuit ;

- Visuelles/dialoguées

- D'action, de mouvement, de tension/inaction, immobilité, détente

- Intimes/collectives ou publiques ;

- A un personnage/à deux personnages/de groupe

- Etc.

- Profils séquentiels qui dépendent :

- Du nombre et de la durée des séquences => films très découpés/films peu découpés

- De l'enchaînement des séquences : rapide/lent, cut/liaisons (fondus, volets, etc.), chronologique/a-chronologique, continu/discontinu

- Etc.

Par ailleurs, les éléments de liaison peuvent avoir (comme dans la séquence n°58 du film Adieu Philippine) un rôle harmonisateur au sein d'une même séquence. Comme l'écrit Mitry (2001, p. 101) : « La division du film en plans et en séquences détermine l'architecture générale de l'oeuvre. Mais si ces divisions doivent être ressenties, on ne doit point les remarquer. L'art consiste à les unir, sauf lorsqu'une ponctuation devient nécessaire ». Ces éléments de liaison peuvent également, lors du montage, permettre de cacher des erreurs commises par le réalisateur lors de la prise de vues.253(*)

Ces éléments de liaison sont plus nombreux qu'on ne le croit de prime abord et sont classés en au moins trois catégories : les liaisons par fondu, l'ouverture/fermeture de l'iris, les volets.

1. Les liaisons par fondu

Il en existe plusieurs types :

- le fondu au noir (dit parfois fondu en noir ou fermeture en fondu254(*)) - ou au blanc (ouverture en fondu255(*)) -  qui consiste à remplacer un plan par un autre, après sa fusion par obscurcissement ou illumination, par un écran noir - ou blanc-.

- Le fondu enchaîné qui revient à remplacer un plan, après sa dissipation par fusion, par un autre plan.

Noël Burch (1969, pp.66-67) rappelle que ces liaisons étaient utilisées à l'époque du muet avec des motivations diverses par les réalisateurs et monteurs et qu'il fallut attendre plusieurs années après les débuts du parlant pour que s'établissent des conventions, par exemple, celle qui fait du fondu enchaîné le signe du passage du temps.

Actuellement, les fondus expriment souvent une notion de temps :

- le fondu au noir « marque le temps très long qui sépare deux séquences ; un temps meublé qui influe sur l'action représentée (contrairement à l'ellipse qui laisse entendre cette durée sans toutefois la faire ressentir » (Mitry, 2001, p.101)

- le fondu enchaîné « marque généralement un court changement de temps, une durée sans influence sur l'action ». Jullier (2002, p.54)256(*) a rappelé que les fondus enchaînés existaient déjà à l'époque des lanternes magiques. Il suffisait d'avoir deux lanternes. Il constate également que la durée ou longueur des fondus est variable. Ils sont parfois très longs et fréquents. C'est le cas dans le film de Georges Steven (1950), Une place au soleil, afin de rendre compte de l'état psychologique de son héros schizoïde, présent physiquement mais ailleurs en pensée.

D'autres utilisations fréquentes des fondus ont été répertoriées :

- le fondu au noir introduit ou conclut souvent une nuit, ou marque un choc psychologique, un événement dramatique. Rappelons que les formalistes russes tels que Iouri Tynianov 257(*) lui donnèrent très tôt une signification conventionnelle ; celle d' « une coupure importante dans le temps et l'espace ».

- le fondu au blanc marque fréquemment un éblouissement, un évanouissement, voire les flammes qui sortent d'une arme à feu.

- Le fondu enchaîné, en raison de son résultat voilé et flou, est parfois utilisé pour introduire un rêve ou un souvenir, un flash back (retour en arrière ou analepse).

Toutefois, avec la prolifération des fondus, principalement enchaînés, dans les téléfilms, les journaux télévisés, notamment lors de reportages avec interviews, de fondus enchaînés sans motif autre que de cacher des erreurs de prise de vues ou de couper des passages trop longs sans provoquer de saut d'image, l'évocation du temps est de moins en moins le seul effet recherché par les réalisateurs.

Par ailleurs, les spectateurs étant de plus en plus « cultivés cinématographiquement et audiovisuellement » n'ont plus réellement besoin d'une marque formelle pour comprendre qu'il s'agit d'un flash back, d'un souvenir, d'un rêve du personnage.

Ceci explique l'absence de plus en plus fréquente de liaisons au profit de l'augmentation de cuts (ou coupes franches). Contrairement à ce que l'on pourrait en conclure sans réfléchir plus avant, un cut peut être choisi pour donner du sens, du rythme, voire évoquer de la brutalité, de la brusquerie.

Il faut ajouter à cela les phénomènes de mode auxquels n'échappe pas le monde cinématographique. Les productions hollywoodiennes anciennes comme le cinéma français antérieur à la Nouvelle Vague abusaient des fondus. Sans doute en partie par réaction, ils furent donc délaissés jusqu'à la fin du siècle dernier pour revenir en force dans les films d'action violente. Bessière (2000, p.50) cite, à ce sujet, Ghost Dog (Jim Jarmush, 1999) et Eyes wide shut (Stanley Kubrick, 1999) : « Gost Dog offre des fondus enchaînés entre plans, avec dissipation lente, empathique, dans un effet de surimpression vaporeuse, sans doute pour indiquer que le personnage, obéissant au code d'honneur japonais ancien est déconnecté du réel. (...) Eyes wide shut présente des fondus au noir entre les séquences, des fondus enchaînés entre sous-séquences, voire plans, dans un effet d'onirisme fantasmatique ».

2. L'ouverture/fermeture à l'iris

Il s'agit d'une ouverture (ou d'une fermeture) concentrique du plan. Mimant le mouvement du diagramme photographique, cette liaison peut exprimer une cible à atteindre, un commencement (ouverture) ou une fin (fermeture).

Comme les fondus et le volet, ce procédé fut codifié à l'époque du cinéma muet pour faciliter au spectateur le passage entre deux plans ou deux séquences.

Cette codification de ces procédés qui furent assimilés à une ponctuation permettant le découpage du film en phrases, paragraphes ou chapitres fut à l'origine de la réduction linguistique du cinéma (Ropars-Wuilleumier, 1970, p.17). Mais, avec le cinéma moderne, ces contraintes syntaxiques, cette ponctuation - utile à la compréhension à une époque où les conditions d'émission (images saccadées en noir et blanc, sans dialogue, etc.) et de réception (début de l'apprentissage cinématographique des spectateurs) - sont devenues superflues, contraignantes, voire contraires à la création et démodée. Ce qui, pour Ropars-Wuilleumier, démontre que « ce ne sont pas des signes universels indispensables à la transmission du sens ».

3. Le volet

Il peut être de différents types : latéral, vertical, en hélice, etc.. Le volet latéral fait disparaître les images vers la droite ou vers la gauche comme si elles étaient chassées par de nouvelles. Le volet en hélice fait tourner les images sur elles-mêmes avant de disparaître.

Alors que les fondus expriment une notion de temps, « le volet marque généralement un changement de lieu. » (Mitry, 2001, p.101).

Comme pour les fondus, les vidéastes abusant d'effets numériques de ce type, les cinéastes ont tendance à les éviter alors qu'ils étaient très utilisés jusque dans les années soixante258(*). Il n'en reste pas moins que Georges Lucas dans son film Star Wars : 1.La menace (1999) utilise des volets - latéraux, verticaux, en hélice, concentriques, imitant la fermeture à l'iris - pour marquer le passage d'une séquence à l'autre.

E- L'utilité des raccords techniques 

Les liaisons entre les plans n'étant pas utilisées systématiquement, des raccords et des règles « techniques » de montage peuvent assurer la fluidité de l'action filmée en plusieurs plans, pour donner l'impression de continuité dans le film et pour rendre « invisible » le moment du passage d'un plan à un autre.

Toutefois, la continuité visuelle n'est pas une obligation, le réalisateur peut parfaitement vouloir créer des chocs, des discontinuités visuelles, entre les plans (en utilisant les conflits visuels du champ-contrechamp, de la plongée-contreplongée, le conflit entre les couleurs, les lumières, etc.).

Le réalisateur sait, en effet, que d'une manière générale, le spectateur perçoit une différence entre un raccord technique et une liaison. Il voit dans le plan un fragment ininterrompu de temps et d'espace, dans la liaison (fondu ou volet, par exemple) une substitution graduelle d'un plan A par un autre B, dans un raccord un remplacement instantané d'un plan A par un plan B.

Pour bien comprendre leur utilité, il faut partir du processus de fabrication du film qui, pour simplifier, comprend les phases suivantes : l'écriture du scénario, le découpage du scénario en unités d'action, puis en unités de tournage (généralement les plans), le tournage des plans en plusieurs prises de vues, et rarement dans l'ordre prévu dans le scénario, le visionnage de tous les plans (rushes) mis bout à bout, la sélection des meilleures prises de vues (les autres appelées chutes sont toutefois à conserver par prudence), l'assemblage ordonné des bonnes prises appelé l'ours, la détermination précise de la durée des plans et leur juxtaposition précise à l'aide de raccords et de liaisons (fondus, volets, etc.).

Le montage se poursuivra par le calage de la bande-son et, éventuellement, la réalisation d'effets spéciaux et des génériques de début et de fin directement sur la table de montage.

Les raccords techniques sont donc utilisés par les réalisateurs qui souhaitent éviter tout hiatus dans la continuité narrative. Toutefois, dans certains cas, ces derniers peuvent préférer des coupes dans le temps du récit, des ellipses.

Il est important de souligner que les raccords techniques - comme la plupart des procédés pratiques de montage que nous allons présenter ultérieurement - sont à prévoir de préférence avant même le tournage, afin d'être en possession des prises de vues nécessaires à leur réalisation lors du montage.

Concrètement, le raccord consiste, le plus souvent, à relier deux plans par un système de collage (colle, ruban adhésif ou collage sur une table de montage numérique).

Quelques raccords techniques pour éviter

l'impression de discontinuité

§ Le raccord dans l'axe : pour changer d'échelle de plans, il suffit de lier deux plans d'échelle différente en conservant le même axe de visée (en dérogeant la règle des 30°, voir plus loin)

§ Le raccord regard (ou raccord sur un regard) : un plan montre un personnage regardant dans les hors-champs et le plan suivant montre l'espace (le personnage ou l'objet) qu'il est censé regarder.

§ Le raccord mouvement/geste (ou raccord de mouvement/ raccord sur un geste) : un plan montre seulement le début d'un geste ou d'un mouvement (par exemple, un déplacement), le plan suivant en montre la fin.

Il existe d'autres accords que nous étudierons plus précisément par la suite, dont :

§ Le raccord champ/contre-champ

§ Le raccord sonore

F- Les règles pratiques de montage

Ces règles, pour la plupart empiriques - pour ne pas dire artisanales - ne sont pas immuables. Elles sont, en outre, la conséquence d'un choix esthétique et/ou narratif de la part du réalisateur entre deux positions extrêmes : rendre imperceptible le changement de plan ou, au contraire, choquer le spectateur par une certaine brutalité. Par ailleurs, les progrès technologiques, les phénomènes de mode au sein du milieu cinématographique, la volonté de certains réalisateurs de déroger aux règles dans un but créatif mais aussi l'évolution de l'expérience, de la culture audiovisuelle, de la perception des spectateurs peuvent les modifier voire les rendre caduques, comme de nombreux exemples le montrent dans l'histoire du cinéma.

L'intérêt des règles que nous allons présenter réside dans leur simplicité, ce qui peut d'ailleurs devenir un piège...

1. La règle d'un changement important de la valeur de plan 

« Si le changement de valeur de plan n'est pas suffisamment important, la sensation de champ visuel neuf donné en pâture à la perception du spectateur n'est pas suffisamment forte et il ressent alors une impression de saute (défaut mécanique) à l'intérieur d'une même image » (Opritescu, 1997, p.69). Concrètement, cela signifie - contrairement à ce que l'on pourrait croire - qu'il vaut mieux passer d'un plan d'ensemble à un gros plan que de glisser doucement d'un plan américain à un premier plan.

Toutefois, pour les tenants de la continuité sans rupture brutale, cette règle du changement important de la valeur de plan est une erreur à moins qu'elle soit appliquée avec l'intention de provoquer un certain choc chez le spectateur à des fins dramatiques (Wyn, 1972, p.262).

2. Le principe du champ-contrechamp

Il est intéressant de remarquer qu'il préconise l'inverse de la règle précédente mais dans un but bien précis. Le champ-contrechamp est utile pour montrer une alternance des plans visuellement opposés, notamment lors d'un dialogue entre deux personnes, d'un échange de regards, d'un affrontement dramatique, etc. Son respect permet d'éviter de donner au spectateur « l'impression que les protagonistes ont changé de place si ce n'est pas le cas. Tout à tour positionnée près d'un des intervenants, la caméra adopte ainsi peu ou prou le point de vue de chacun en introduisant une forte subjectivité. Les personnes peuvent être debout ou assises, se tenir côte à côte (voiture par exemple) ou face à face. Parfois à des hauteurs différentes ou l'un derrière l'autre (cheval, moto). La technique s'applique aussi à un combat ou à un duel. » (Gales, 2003, p.44-46)

Il existe deux types de contrechamp : le contrechamp interne et le contrechamp externe. Ils respectent l'un comme l'autre « la règle instaurée il y a un demi-siècle (...) de filmer les personnages s'affrontant dans deux angles opposés, dans deux valeurs de cadre rigoureusement identiques » (Opritescu, op cit, p.69), c'est-à-dire le contraire de la règle précédente qui prône le changement important de la valeur de plan.

o Le contrechamp externe est le moyen le plus simple, il consiste pour découper une discussion à alterner des plans montrant à chaque fois les deux sujets. Généralement, le cadrage est rapproché de manière à ce que l'on voit la tête du plus proche en amorce de dos et celle du plus éloigné en entier de face259(*). Mais, il est possible, si le recul est suffisant, de cadrer aussi en plan moyen260(*). Dans les deux cas, le spectateur conserve en permanence la spacialisation globale de la scène.

o Le contrechamp interne revient à ne montrer qu'un des personnages. Il est souvent choisi soit en raison de l'indisponibilité provisoire d'un acteur, ce qui nécessite de tourner le dialogue en plusieurs étapes, soit parce que des contraintes de décor imposent de filmer le champ dans un lieu différent du contrechamp. Le contrechamp interne présente un autre intérêt : « le regard du spectateur n'est plus pollué par la présence du sujet en amorce et se concentre sur la personne de face, psychologiquement fortifiée par le gros plan. La subjectivité est ainsi maximale. » (Gales, 2003, p.44-46) « Mais dans le cas d'un long dialogue avec des mouvements, le spectateur risque de perdre la spatialisation réciproque des intervenants et la référence au décor qui les entoure ». C'est pourquoi, il est parfois intéressant de combiner l'externe et l'interne.261(*) Pour accentuer le rapport de force entre les deux personnages, il est également possible d'utiliser des plongées et des contre-plongées dans les champs-contrechamps.

3. La règle des 180°

Elle s'applique aussi bien aux affrontements dramatiques, aux discussions, etc. qu'au déplacement d'un personnage. Autrement dit, c'est une règle à respecter notamment en cas de champ-contrechamp ou de travelling latéral. Elle consiste à tracer mentalement une droite, en fonction de la position des sujets ou du sens du déplacement du personnage. Cet axe virtuel reliant les têtes des deux personnages dialoguant ou le départ et l'arrivée d'un sujet en déplacement est appelé ligne d'intérêt. Elle est parfois verticale lorsque les deux points de la droite sont l'un au dessus de l'autre. La règle des 180° consiste à choisir un côté de la ligne et à faire en sorte (si possible, lors de la prise de vue) que les personnages ne la franchissent pas et restent donc dans un rayon maximum de 180°262(*). Dans le cas contraire, le non-respect de cette règle provoque, la plupart du temps, de graves confusions : le spectateur a la sensation que les personnages se tournent brusquement le dos, que les indiens qui poursuivaient la diligence sont d'un seul coup en face d'elle, que les personnages qui dialoguent ont un sens de regards inversé, que le personnage visible dans le plan semble avoir subitement tourné la tête, etc. Des erreurs que les professionnels appellent des sauts d'axe.

Toutefois, Odile Bächler (2001) en se situant dans la perspective du spectateur et en prenant en considération le travail mental opéré par le spectateur pour construire l'espace cinématographique a montré « l'inanité d'un certain nombre d'idées reçues : il n'est pas vrai que la violation de la règle des 180° produise toujours un effet d'incohérence spatiale ; il peut y avoir identification sans que celle-ci s'effectue à la caméra ou au personnage ; certains trucages peuvent être perçus comme tels sans que cela menace l'illusion de réalité (cela peut même servir la fiction).

D'une façon générale, les analyses d'Odile Bächler prouvent que le spectateur est beaucoup plus actif qu'on ne le présuppose généralement et qu'il est capable d'une gymnastique mentale très complexe lorsqu'il s'agit de préserver une relation de « bon objet » avec le film » (Odin, in Bächler, 2001, p.8-9).

4. La règle des 30 degrés, ou du changement d'angle important

La règle ou loi des 30° repose sur le même principe que la règle d'un changement important de la valeur de plan. Pour assurer la fluidité mentale chez le spectateur, il faut une certaine violence dans le changement d'angle. Autrement dit, l'angle de la prise de vues doit varier d'un plan à un autre de plus de 30° (de moins de 180°) pour renouveler et maintenir au plus haut l'attention du spectateur. En cas de non-respect de cette règle des 30°, la faible différence entre les deux images, lors du passage de l'une à l'autre, donnera au spectateur la sensation d'un à-coup désagréable, éventuellement même l'illusion d'un problème technique, comme si des images manquaient ou que la caméra avait bougé involontairement (Allorge, 2003, p.157).

Ces règles de montage permettent, en réalité, d'opposer deux systèmes de montage : le montage par continuité et le montage par discontinuité.

- Le montage par continuité est un système de montage qui permet d'assurer, dans un contexte narratif, le déroulement clair et continu de l'action. Il « repose sur une stricte corrélation des directions des mouvements, des positions dans l'espace et des relations temporelles entre les plans » (Bordwell et Thompson, 2000, p. 586) et s'appuie sur des techniques telles que la règle des 180° (ou de l'axe de jeu), le champ-contrechamp, le montage alterné, le plan d'ensemble (ou de situation), le raccord dans l'axe, le raccord mouvement, le raccord regard, etc. que nous avons présentés ci-dessus.

- Le montage par discontinuité est un système de montage alternatif qui contrevient aux principes du montage par continuité. Il consiste donc à transgresser les règles telles que la règle du 180°, à bouleverser les relations spatiales et temporelles par exemple par un Jump cut263(*), un montage elliptique264(*), un montage intellectuel265(*), un insert extradiégétique266(*).

Bien qu'opposés, un réalisateur peut parfaitement conjuguer ces deux systèmes de montage dans un même film en changeant de système selon les séquences. L'histoire du cinéma est pleine de ces oppositions qui l'ont placé au rang de 7ème Art.

G- La théorie du montage intellectuel d'Eisenstein 

Aux règles artisanales que nous venons de présenter, certains auteurs opposent la théorie du montage dont le précurseur fut le réalisateur russe S.M. Eisenstein.

Les réflexions de ce dernier ne se concentrent que sur le montage, l'organisation des images et, surtout, sur le montage d'images chargées d'un sens intentionnel.

Comme l'écrit Jacques Aumont (2002), dans son ouvrage sur les théories des cinéastes, « dans l'activité de montage qu'il décrit, c'est moins la vérité que le sens qui est visé ».

Eisenstein cherche avant tout à produire des films dont l'effet sur le spectateur est déterminable à l'avance. Sa théorie du montage intellectuel repose sur l'idée qu' «on peut influencer le spectateur dans la direction qu'on désire, lui communiquer un sens, et même grâce à une forme suffisamment élaborée, des affects qui accompagnent ce sens et le consolident. » (Aumont, 2002, p.87)

Il faut y voir l'influence très grande du pavlovisme et du behaviourisme, qui faisaient l'objet de débats passionnés à son époque. « Il adopte plus ou moins explicitement un modèle dans lequel, classiquement, l'intellect est supérieur à l'émotion mais dans lequel tous les deux fonctionnent sur une même base réflexologique : action engendre réaction » (Aumont, 2002, p.18)

Le montage a, certes, une fonction narrative au travers l'organisation des images et une fonction esthétique, mais il a surtout, selon Vanoye et Goliot-Lété (2001, p.21-22) deux autres fonctions chez Eisenstein et les cinéastes soviétiques des années vingt tels que Poudovkine, Kozintsev et Trauberg :

· une fonction de « pathétisation » dans le but d'émouvoir par l'amplification des événements, des conflits, des luttes de classes, des combats révolutionnaires, etc. et par l'utilisation de procédés tels que le surdécoupage, le montage accéléré, le ralenti267(*), l'utilisation du gros plan et du très gros plan, des angles de prise de vues accentués, comme la contre-plongée, des éclairages fortement contrastés, etc. ;

· une fonction d'argumentation dans le but d'exprimer des idées, des valeurs idéologiques, des sentiments, etc. grâce à des procédés tels que le montage parallèle, les intertitres268(*), la lumière, les angles de prise de vues ou les gros plans.

Les textes théoriques de S.M. Eisenstein sont nombreux et disséminés ; ils furent réunis, par la suite, en deux volumes. Paradoxalement, sa production filmique est bien moins abondante : il ne produisit que sept films, entre 1924 et 1946, à cheval sur les deux périodes historiques du cinéma : le muet et le parlant. Eisenstein était le fils d'un architecte de renom. Il fit des études d'architecture et suivit à l'Université des cours de linguistiques dispensés par Baudouin de Courtenay : ce cursus influença, sans conteste, sa façon d'appréhender le cinéma.

Avec, semble-t-il, l'espoir de créer une théorie du langage filmique qui puisse toucher universellement l'être humain quel que soit son origine, sa culture, etc., Eisenstein chercha les grands principes de création communs à tous les genres artistiques et à toutes les époques.

Certains auteurs voient ainsi des analogies entre le langage musical et le langage filmique tel que le conceptualisait Eisenstein. « Le premier indice qui nous a conduit à chercher des principes musicaux purs dans l'oeuvre d'Eisenstein : l'extrême fugacité des plans est identique à l'extrême fugacité sonore des notes musicales qui, elle, reproduit la fugacité des phonèmes et des morphèmes harmonisés par le langage poétique et, parfois, exceptionnellement, par la langue parlée » (Opritescu, 1997, tome 2, p.5).

Il faut admettre que le surdécoupage est un procédé fréquent dans le cinéma soviétique. Dans la scène de la bâche du Cuirassé Potemkine, qui dure environ 8 minutes et 45 secondes, Opritescu a dénombré « à peu près 196 plans », soit une moyenne de moins de 2 à 3 secondes par plan. Marie-Claire Ropars (1976)269(*) qui a analysé les 69 premiers plans du film d'Einsenstein, Octobre, les a chronométrés. Ces 69 plans durent 2 minutes 69 secondes ; le plus long ne fait que 7 secondes et 83 centièmes. Certains plans n'ont que quelques images - 0,16 seconde pour le plan 66 - et sont quasi-imperceptibles.

Ce surdécoupage favorise la fonction de pathétisation (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.21-22).

Le pathos - mot d'origine grecque signifiant souffrance, passion - fait référence à une partie de la rhétorique qui traite des moyens propres à émouvoir l'auditeur. Il fut largement mis en avant, dans les années trente, dans le cadre du réalisme socialiste, par les cinéastes soviétiques pour désigner le fait que les films devaient toucher les spectateurs.

Toutefois, cette notion resta assez vague jusque dans les années quarante270(*). Eisenstein eut le mérite de la préciser, en quelque sorte, en la définissant par rapport à une limite, un idéal indépassable de l'action du film qu'il appela l'extase.

Autrement dit, le pathos, un des principes de l'harmonisation selon Eisenstein, est la recherche du principe constitutif de l'émotion humaine et se caractérise, concrètement, par des pulsations rythmiques spécifiques, par une cadence biologique particulière (les battements accélérés d'un coeur ému, par exemple) et par une transformation incessante de qualité (ou de registre) par des sauts.

L'étape ultime du pathétique est l'extase. L'extase est le plus haut degré d'activité intellectuelle et émotionnelle du spectateur. Du grec ecclésiastique271(*) extasis, « action d'être hors de soi », l'extase est également « une sortie de soi-même », une sorte de rapt de l'esprit du spectateur par l'univers de l'oeuvre. Le spectateur sort de lui-même pour se dépasser, se perdre dans une force qui l'excède. « Mais en quittant la notion banale, vague et commode de pathos, pour celle d'extase, Eisenstein ne se contente pas de donner une image plus forte de la réaction du spectateur. L'extase est une notion qui a une longue histoire (elle touche au dionysiaque272(*)) et elle a toujours désigné quelque chose comme un excès psychique ». La référence aux fêtes en l'honneur de Bacchus est nette. « Dans plusieurs essais, Eisenstein pointe explicitement le relation entre extase, ivresse, drogue, rêve, contemplation religieuse - c'est-à-dire en général, le fait que l'extase survient au fond d'une déconnexion de l'état de vigilance intellectuelle normale ». (Aumont, 2002, p.88-89)

La pathétisation - donc, à l'extrême, l'extase - est favorisée par des changements brutaux et, notamment, des conflits entre les plans. Aussi, Eisenstein, sans doute influencé par l'architecture, la musique, la linguistique et le marxisme, a-t-il appelé sa conception du montage, la ciné-dialectique, parfois également le contrepoint visuel. Comme il l'écrit lui-même: « De mon point de vue, le montage n'est pas une idée de fragments mis à la suite, mais une idée qui naît du choc entre deux fragments indépendants. Comme exemples de conflits, on pourrait citer :

1- le conflit graphique,

2- le conflit des surfaces,

3- le conflit des volumes

4- le conflit spatial

5- le conflit des éclairages

6- le conflit des rythmes

7- le conflit entre le matériau et le cadrage (déformation spatiale par le point de vue de la caméra)

8- le conflit entre le matériau et sa spatialité (déformation optique par l'objectif)

9- le conflit entre le processus et sa temporalité (ralenti273(*), accéléré)

10- le conflit entre l'ensemble du complexe et un tout autre domaine » (Eisenstein, 1929)274(*)

Dans ses films, ce jeu dialectique, ces conflits se traduisent de multiples façons :

§ dans le thème : La vie vs La mort

§ dans le système sociopolitique : L'aristocratie vs Le peuple, Les oppresseurs vs Les opprimés

§ dans le mouvement : Mouvement vs Statisme

§ dans les uniformes : Noir pour les officiers vs Blanc pour les matelots

§ dans le nombre de personnages : Un personnage vs Un groupe de personnages

§ dans les âges des personnages : Les vieux officiers vs Les jeunes soldats

§ dans les gestes : Les gestes ordonnés et rigides vs Les gestes désordonnés et vivants

§ dans la beauté des personnages : Les méchants laids vs les gentils beaux

§ dans l'éclairage : Eclairage nocturne artificiel vs Eclairage diurne ou Nuit vs Jour

§ dans les lieux : Lieu 1 vs Lieu 2 ou Intérieur vs Extérieur

§ dans les accessoires : Des fusils vs Des faux

§ dans les éléments : diégétiques vs non diégétiques275(*)

§ etc.

Malgré ce jeu de conflits - cette règle d'opposition binaire - ce qui frappe les spectateurs et analystes, c'est que « rien ne demeure ambigu, le sens advient toujours au spectateur, selon des lignes émotionnelles et conceptuelles » (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.22), c'est l'esthétisme des films d'Eisenstein : « J'ai regardé une nouvelle fois Le Cuirassé Potemkine (...) et j'ai été à nouveau frappé par l'extraordinaire beauté de ce film. Il y a pratiquement une idée par plan » (Claude Jean-Philippe276(*), 1992).

Certains auteurs avancent donc que chez Eisenstein, le montage n'est pas qu'un jeu de conflits. « Le montage - la construction du discours - est bien un jeu de conflits, mais par rapport à un principe unificateur qui est le cadre (avec éventuellement sa portée secrète) sans lequel aucune harmonisation n'est possible. L'art est donc en même temps conflit et harmonie. Le discours filmique ne fait pas exception. Ce concept a un nom : organicité » (Opritescu, 1997, tome 2, P.17)

La théorie du montage d'Eisenstein - que certains opposent aux règles pratiques destinées essentiellement à assurer (avec ses liaisons, ses raccords, etc.) la fluidité et la transparence filmique - est de moins en moins éloignée des pratiques de montage de films publicitaires qui, on le sait, influencent celles des films cinématographiques, et vice et versa, en raison notamment de l'apprentissage des réalisateurs et des spectateurs.

On la retrouve également dans des films récents qui exploitent les conflits, les décalages à des fins d'humour et/ou de violence. C'est le cas dans Kill Bill de Quentin Tarantino (2003) qui exploite, pour créer une oeuvre personnelle, les décalages à différentes reprises277(*), à 5'25'' décalage entre le décor paisible et familial avec l'explosion de violence qui va suivre, à 5'46'' contraste entre la féminité des deux actrices et la violence des coups qu'elles se portent, à 7'25'' décalage entre la violence des combats et l'usage d'instruments de cuisine comme armes (poêle à frire contre couteau de cuisine), etc.

En conclusion, il existe bien des règles pratiques ou théoriques du montage.

Des règles qui nous l'avons vu, se contredisent parfois, évoluent souvent avec le temps.

Aussi est-il difficile de suivre les conclusions de certains auteurs qui évoquent l'existence d'une grammaire du film.

Nous ne pouvons que souscrire à l'avis de Jean Mitry qui écrit, à ce sujet : « les prétendues grammaires du film fondées sur des principes toujours fragiles et relatifs, et qui voudraient faire de ces principes des lois formelles en les généralisant, sont caduques deux ans à peine après leur parution, de nouvelles manières de dire, fondées sur de nouvelles choses à exprimer ou sur une façon différente d'appréhender le monde venant chaque fois contrer leurs règles et leurs propositions ». (Mitry, 2001, p.254)

Y compris pour la nécessité d'une harmonie mise en avant par bon nombre d'auteurs, Mitry reste très critique : « La logique veut que le rythme soit harmonieux. Nos grammairiens posent les conditions a priori au rythme, en affirmant que le montage doit être comme ceci ou comme cela (...) Pour ma part, je ne sais pas ce que peut être un rythme harmonieux en soi d'autant plus qu'aucune nécessité physique comme celle des intervalles musicaux n'y préside. » Ce n'est pas pour autant qu'il juge les règles inutiles. Elles sont souvent le résultat d'expériences pratiques. « La logique veut que l'on interdise de passer d'un plan d'ensemble à un gros plan parce que la différence scalaire trop forte détermine un choc désagréable - augmenté d'une saute lorsque ce passage se fait dans l'axe. Il est donc normal qu'on en fasse une règle, car les règles sont faites pour être transgressées, mais absurde qu'on en fasse une loi. » (Mitry, 2001, p.255).

VIII- Les codes non spécifiques de la bande image

Depuis les travaux de Christian Metz, il est admis que les codes qui peuvent être utilisés dans un film soient classés selon leur degré de spécificité cinématographique. Il est naturel que le plus grand nombre de recherches aient été faites principalement sur les codes spécifiques tels que le code du montage. Mais les codes non spécifiques, c'est-à-dire ceux qui n'ont que peu de relation avec la matière de l'expression du cinéma, comme le code de la couleur, le code des gestes, le code des costumes, etc., ont également un effet expressif qui, dans certains cas, peut être supérieur à celui des codes spécifiques.

A- L'influence des couleurs

Nous ne chercherons pas à faire comme le Groupe u278(*), une grammaire des signifiants et à «montrer comment ces derniers s'associent à des signifiés », la perception de la couleur étant, on le sait, avant tout culturelle. Comme l'écrit Michel Pastoureau279(*), « le seul discours possible sur les couleurs est anthropologique ».

Aussi, considérons-nous comme Martine Joly, qu'il n'existe pas de grille absolue d'interprétation des couleurs. Il s'agit plus de relations plus ou moins significatives selon la culture du pays, de son histoire, etc. En occident, « pas besoin d'être grand clerc, pour savoir que l'on attribue de la « chaleur » à certaines couleurs (les couleurs solaires, le rouge, le jaune, l'ocre) et de la froideur aux couleurs célestes ou aquatiques (le bleu, le vert). On sait aussi que les couleurs sont de l'énergie, que certaines sont plus apaisantes ou plus excitantes que d'autres et que par conséquent elles peuvent mettre le spectateur dans des états psychophysiologiques particuliers, influant sur l'interprétation » (Joly, 1994, p.104).

Parmi les couleurs calmantes, on trouve les couleurs froides, aux radiations les plus courtes, comme le violet, l'indigo, le bleu.

Parmi les couleurs excitantes, on peut citer les couleurs chaudes, aux grandes longueurs d'onde, comme l'orangé, le rouge (Sillamy, 1983, p.163-164)

D'autres interprétations sont proposées, bien que parfois plus contestables (Altman, 2003). Citons quelques associations souvent proposées :

- Le rouge est la couleur de la colère et du danger. Elle est aussi celle de la passion et du désir.

- Le jaune vif est la marque d'un choc dû au changement, au passage de l'obscurité à la lumière.

- Le jaune pâle évoque la maladie et la sénilité.

- L'orange représente la fécondité ou le début d'une prise de conscience.

- Le vert est le symbole du renouveau et des espoirs naissants.

- Le marron symbolise la mélancolie.

- Le blanc, en tant qu'absence de couleurs, la désolation, mais aussi la pureté, la naissance, ou dans de nombreuses civilisations autres que la nôtre, le deuil.

- Le noir est, en occident, associé à la mort, au mal et au malheur, etc.

Cette brève liste montre les difficultés liées à l'interprétation des couleurs, et donc à leur utilisation par les professionnels du cinéma, surtout s'ils ont une cible internationale.

B- La lumière et l'éclairage

Déjà en 1927, Evguéni Mikhaïlov et Andréi Moskovine280(*) écrivaient : « La lumière qui, tout comme la musique, exerce une forte action sur le psychisme de l'homme, a trouvé une application pratique ». Ils regrettaient cependant, à l'époque, que « ses lois aient été peu étudiées ».

Depuis, de nombreuses recherches ont confirmé les propos de ces deux opérateurs du cinéma soviétique. Il est, en effet, admis que la lumière peut mettre le spectateur dans un état psychosociologique particulier qui influera sur l'interprétation qu'il fera des images. La lumière participe à l'ambiance, à l'atmosphère, au ton de la scène. C'est sans doute la raison pour laquelle certains auteurs la considèrent comme un élément de la mise en scène281(*).

La difficulté est que, comme pour les couleurs, la perception et l'interprétation de l'état de la lumière sont culturelles et renvoient le spectateur à son expérience du monde.

Par ailleurs, la lumière est à tort confondue avec l'extérieur/jour d'un scénario alors que la lumière peut être artificielle. En outre, même à l'extérieur, le jour, des éclairages artificiels peuvent être employés282(*). En extérieur, le réalisateur est dépendant des conditions météorologiques. Il est possible toutefois de jouer avec la lumière naturelle en utilisant des ombres naturelles (arbres, immeubles, etc.) ou d'en créer avec des ombrelles. Lorsque la luminosité n'est pas adéquate, un éclairage artificiel, éventuellement renforcé par des réflecteurs283(*), est souvent mis en place.

Les règles pratiques relatives à l'éclairage sont connues. Parmi elles :

- Les visages éclairés par un fort soleil sont généralement inesthétiques en raison d'une part des ombres fortes sur le visage qui masquent les yeux, d'autre part des grimaces que ne peut s'empêcher de faire l'acteur. En plus de cela, les détails de la peau sont renforcés ce qui accentue le moindre défaut (ride, bouton, rougeur, etc.). En conclusion, l'acteur n'est pas mis en valeur et donne de lui une image sombre et agressive.

- A l'ombre, les visages sont éclairés uniformément. Les yeux de l'acteur sont visibles, les détails de sa peau gommés mais le relief de son visage est estompé. Pour le remettre en valeur, en tout ou partie, des réflecteurs peuvent être utilisés afin de renvoyer le flux nécessaire de lumière, venant du soleil ou d'un projecteur. Cette technique est, bien entendu, utilisable pour tout objet, ou détail d'un objet.

« Dans son livre Des lumières et des ombres284(*), Henri Alekan considère que la lumière est perçue optiquement et vécue psychiquement » (Joly, p.105). La lumière du jour évoque souvent l'optimisme et l'énergie. On l'oppose souvent à l'obscurité, à la tombée de la nuit, signes de danger et de mort.

Alekan, en directeur de la photographie averti, suggère de distinguer la lumière artificielle et la lumière naturelle car, selon lui, le fait de reconnaître l'une ou l'autre n'est pas indifférent pour la signification de l'image. Il propose également de distinguer deux types d'éclairage : l'éclairage directionnel et l'éclairage diffus.

- L'éclairage unidirectionnel est, selon lui, une lumière partisane qui « en modelant formes et contours désigne l'objet, insiste, sépare, tranche, cisèle et souligne l'essentiel des formes, repoussant le secondaire en moindre valeur. » Aussi, est-ce une lumière hiérarchisante, classificatrice : une lumière engagée. Elle donne souvent l'impression que l'image est éclairée par une source de lumière hors champ qui intensifie les couleurs des parties éclairées et accentue le mystère des autres parties de l'image. Mais le plus important, peut-être, est qu'elle dirige le parcours visuel du spectateur. « Le regard parcourt d'abord les zones éclairées pour ensuite explorer les zones intermédiaires de clair-obscur et éventuellement percer le secret des zones d'ombre » (Joly, 1994, p.105).

Par un éclairage directionnel, le réalisateur tente donc, souvent, d'imposer un sens de lecture au spectateur285(*). L'éclairage directionnel naturel, généralement nécessitant l'emploi de réflecteurs, ajoute une information de temps. « Il temporalise la représentation que l'on situera un matin, un soir ou un après-midi ce qui, là encore, influencera notre lecture et notre interprétation » (Joly, 1994, p.106).

- Quant à l'éclairage diffus, il « noie le principal en le mêlant au secondaire. » La multiplicité de ses flux fait qu'elle enrobe l'objet de toutes parts. « La lumière ne souligne plus, elle amalgame, elle estompe, elle associe ». Elle atténue le relief, uniformise les matériaux, adoucit les couleurs, détemporalise l'action. C'est pourquoi, Alekan la considère comme une lumière troublante, une lumière annihilante, (Alekan, 1991, p.33-34). Martine Joly ajoute qu' «une sorte d'intemporalité lui est attachée, plus propice à l'hésitation et au rêve. »

D'un point de vue plus technique, l'éclairage d'une scène utilisant généralement trois sources différentes, on distingue le décrochage (lumière placée derrière les sujets filmés), la lumière principale (dite également lumière d'attaque ou d'effet, la plus vive), la lumière d'appoint (nommée aussi lumière d'ambiance ou de bouchage) beaucoup moins intense que la précédente que l'on utilise pour équilibrer les effets de la lumière d'attaque et adoucir les ombres trop noires. A cet éclairage « trois points » classique peut être préféré un éclairage créant davantage de contrastes comme le Low key286(*) qui créé de fortes oppositions entre les zones claires et les zones sombres de l'image afin de rendre les ombres plus profondes.

Des effets sont également recherchés en jouant sur la direction de l'éclairage. Ainsi, plutôt que d'utiliser un éclairage frontal (dirigé ver le sujet d'un point proche de la caméra), il est préférable pour créer une impression de volume ou pour faire ressortir les reliefs d'une surface, d'un décor par exemple, d'opter en faveur d'une lumière latérale que certains appellent également une lumière rasante : il suffit que l'éclairage vienne de côté sur le personnage ou l'objet. En revanche, pour souligner les parties supérieures d'un sujet, ou pour le détacher du fond, un éclairage zénithal, c'est-à-dire venant du dessus du personnage ou de l'objet, sera adapté.

L'importance de l'éclairage est souvent sous-estimée par les non-professionnels. Il est pourtant avec le gros plan - dont l'invention est, selon Jean-Luc Godard, liée à l'apparition de stars - un moyen de mettre en valeur les acteurs. « Les chefs opérateurs ou les réalisateurs ont sculpté le visage et le corps des stars par la lumière et les ombres tamisées ou adoucies parfois à l'aide de tulles ou de trame287(*). Tout ce travail, pour rehausser la personne (actrice, acteur) jouant les émotions et les passions terrestres deux tons au-dessus de la norme » (Liandrat-Guigues et Leutrat, 2001, p.42).

Aussi n'est-il pas étonnant que des auteurs de différents courants (avant-gardistes, hollywoodiens, etc.) se retrouvent pour considérer que l'éclairage est un élément primordial, avec le gros plan, le ralenti, le choix d'acteurs photogéniques - c'est-à-dire des comédiens qui accrochent bien la lumière - pour augmenter la réalité et la poésie (Delluc, Epstein). En conséquence, les réalisateurs choisissent leurs acteurs pour leur photogénie et les magnifient par des gros plans et des jeux de lumière. Ainsi, pour représenter ses stars féminines, le cinéma hollywoodien utilise souvent le backlight, un éclairage en contre-jour en direction de la caméra, un éclairage derrière l'actrice à filmer pour qu'elle apparaisse nimbée de lumière..

C- Le code gestuel

Certains auteurs, parmi lesquels les formalistes russes, ont défini le cinéma comme l'art de la « photogénie » utilisant le langage des mouvements (expressions du visage, gestes, poses, etc.). En 1927, l'année de la sortie du premier film parlant, Boris Eikhenbaum288(*) clamait la supériorité du cinéma sur le théâtre d'une part parce que « le spectateur de cinéma a la possibilité de voir les détails (expression du visage, objets, etc.) », d'autre part parce que « les effets visuels de la représentation théâtrale (mimiques, gestes, etc.) se heurtent inévitablement au problème de la distance entre la scène immobile et le spectateur ». Et de conclure : « au cinéma, il n'y a pas de mimique mais seulement des expressions, des gestes, des poses qui servent de signaux pour tel ou tel sens » .

Avec le cinéma parlant, l'importance des gestes n'a pas diminué. Au cours d'une scène avec dialogue, la communication qui s'établit entre les protagonistes, les acteurs, n'est pas seulement orale. Alexandre Astruc soulignait ainsi, en 1945, qu' « un regard, une bouche qui se crispe, un battement de paupière, un front tendu. C'est un langage, une grammaire, une mathématique merveilleusement suggestive » (in Aumont, 1992, p.55). Avis que Jacques Aumont reprend : « Grammaire, mathématique : la mise en scène du visage ordinaire est affaire de règles et de calculs » (Aumont, 1992, p.55). Mais, si le visage est « un moyen de faire passer le sens, d'un plan au suivant, de l'ensemble des plans à la séquence, de la séquence au spectateur » (Aumont, 1992, p.48), il n'est pas le seul élément du langage corporel.

Un véritable langage corporel composé de gestes, de mimiques, de postures289(*), exprime des sensations, des idées que le spectateur décryptera selon son expérience en la matière. Tous les comportements, les attitudes, les gestes, les mimiques, etc. qu'un acteur montre à l'écran, prennent sens pour le spectateur parce qu'il est capable de saisir intérieurement les intentions qui les animent290(*)

Comme l'écrit Merleau-Ponty (1945, p.216) : « Le geste dont je suis le témoin dessine en pointillé un objet intentionnel. Cet objet devient actuel et il est pleinement compris lorsque les pouvoirs de mon corps s'ajustent à lui et le recouvrent. Le geste est devant moi comme une question, il m'indique certains points sensibles du monde, il m'invite à l'y rejoindre. La communication s'accomplit lorsque ma conduite trouve dans ce chemin son propre chemin »291(*). Autrement dit, en décryptant la signification d'un geste, d'une mimique, d'une posture, le spectateur se glisse dans une vie, « ce geste devient immédiatement significatif d'une foule d'autres gestes possibles » que l'acteur a fait ou fera. « Tel geste vif ou brusque nous apparaît comme la manifestation instantanée d'un caractère déterminé ou même agressif, caractère que l'on s'attend alors à retrouver dans d'autres gestes, plus ou moins éloignés dans le temps » (Meunier et Peraya, 1983, p.131).

Un simple geste peut jouer un rôle dans la construction du récit par le spectateur. Ce dernier peut même lui donner plus d'importance, plus de valeur prédictive. Certains auteurs considèrent, en effet, qu'il est plus facile de mentir avec les mots qu'avec le langage corporel.

Par voie de conséquence, s'il existe une dissonance entre ce qu'un acteur dit avec des mots et ce qu'exprime le non-verbal, le spectateur fait plutôt confiance au non verbal.

Les signaux du corps sont nombreux et variés, ils concernent le regard, les mains, la position, la démarche et la distance qui sépare les acteurs.

Les signaux du corps

(D'après Machuret, Deloche, Charlot d'Amart, 1994, p.226-227)

Niveau corporel

Signaux du corps

Evocations - sentiments

Regard

Ouvrir les yeux

Surprise, stupéfaction, frayeur, joie, réprobation

Pincer les yeux

Méfiance

Cligner des yeux

Embarras, consternation, nervosité, insécurité

Détourner les yeux

Absence de confiance en soi

Soutenir le regard

Compétence, assurance

Le sourire

Empathie

Mains

Croiser les doigts

Défense, agressivité

Position ou posture

Debout, stable et équilibré

Prudence, assurance, équilibre

Debout, rigide

Inertie, absence de flexibilité, difficulté d'adaptation, besoin d'affirmation de soi

Assise (position fermée : jambes et pieds collés, parallèles)

Crispation, défense

Assise (position ouverte)

Ouverture d'esprit, calme, compréhension, familiarité

Démarche

Grandes enjambées

Détermination, assurance

Petits pas

Prudence, timidité

Saccadée

Manque de contact

En ce qui concerne les distances entre les deux acteurs et cela bien que les distances varient selon les cultures et qu'à l'écran il soit parfois difficile de l'estimer, on peut citer les quatre zones de distance traditionnellement admises en France :

Distances et types de relation évoqués

Distance

Effets évoqués

Protagoniste suggéré

De 0 à 45 cm

L'intimité

Conjoint(e), amant(e)

De 46 à 150 cm

Les relations personnelles

Membres de la famille, amis

De 151 cm à 4 mètres

Les relations sociales

Connaissances, collègues

Plus de 4 mètres

Les relations publiques

Elèves, auditeurs, spectateurs

Le choix d'une distance entre deux acteurs, par le réalisateur, sera interprété par le spectateur. Sa perception de la distance sera bien sûr influencée par des éléments techniques tels que l'angle de prise de vues, la profondeur de champ, etc., elle le sera également par la culture à laquelle appartient le spectateur. Des travaux de proxémie ont montré, en effet, des différences conséquentes entre l'interprétation d'un français et celle d'un américain.

Comparaison des distances significatives

(D'après E.T. Hall, 1969292(*) ; Machuret, Deloche, Charlot d'Amart, 1994)

Distance

En France (Rappel)

Aux Etats-Unis

Sujet abordé et perçu par un américain

Distance intime

0 à 45 cm

0 à 20 cm : acteurs très rapprochés

Très secret

20 à 30 cm : acteurs rapprochés

Confidentiel

Distance personnelle

46 à 150 cm

30 à 50 cm

Confidentiel

50 à 100 cm

Sujet personnel

Distance sociale

151 cm à 4 m

1m à 1,50 m

Sujet non personnel

1,50 à 2,50 m

Information destinée à être entendue par d'autres que l'interlocuteur

Distance publique

Plus de 4 mètres

De 2,5 m à 6 m

Prise de parole devant un groupe

Plus de 6 mètres

Discours, salutations à distance

Les comédiens-acteurs ont pour mission d'exprimer des émotions ; pour cela, ils utiliseront les mouvements de leur corps intuitivement ou sur instruction du metteur en scène.

Ils pourront jouer en modifiant certains de leurs rythmes physiologiques.

Exemples de rythmes physiologiques

La respiration

Rapide : Indice de l'énervement, de l'excitation, de l'agressivité, de la peur, d'un effort physique, etc.

Lente : le calme, la concentration.

Les tremblements

Indice de la peur, de l'excitation, d'un effort violent

La coloration de la peau (avec ou sans maquillage)

Elle est liée à la circulation sanguine. Rougeur et pâleur expriment la timidité et l'émotivité.

Les postures sont également des signes que le spectateur interprétera comme il les interprète dans la vie réelle. Comme l'écrit Serge Frechet (1997, p.30) : « il serait malhonnête de prétendre assigner un sens précis à des postures particulières. Toutefois, elles ne sont pas innocentes. » Une position très raide, le menton relevé exprime de la rigidité, de la fermeté.

Le fait de faire face à son interlocuteur, de le regarder dans les yeux donne plutôt une impression d'intérêt, de franchise à moins, et c'est toute la difficulté de l'interprétation d'une posture prise isolément, qu'il s'agisse d'une manifestation de l'agressivité. Aussi, la kinésique qui s'intéresse à la gestualité humaine et qui tente de la codifier en un système de signes est loin d'être parfaitement fiable.

Quelques attitudes corporelles et leur signification implicite

(D'après Frechet, 1997, pp. 30-33)

Se gratter le lobe de l'oreille, l'axe du nez, les cheveux

Le personnage a quelque chose d'ennuyeux à dire.

Manipuler un objet, allumer une cigarette

Intérêt mais sentiment que la situation tourne en rond ou Agressivité, Impatience, Exaspération.

Tapotement des doigts

Désintérêt. Enervement. Exaspération.

Mains dans les poches

Repli sur soi. Dissimulation. Décontraction

Regarder sa montre

Impatience. Exaspération. Ennui. Préoccupation

Quitter ses lunettes

Dédoublement du personnage. Indique un changement de modalités d'intervention.

Or, comme le fait remarquer Odin (1982, p.102), « l'établissement d'une kinésique filmique supposerait que la kinésique « naturelle » soit déjà sérieusement élaborée (ce qui n'est pas la cas) : il est bien certain, en effet, que la kinésique filmique est largement tributaire de l'usage kinésique dominant l'espace culturel de production et de circulation des films considérés.  Odin suggère donc d'aborder le travail des gestes par les types de gestes privilégiés dans le film. Le fait que les gestes fonctionnels (marcher, ouvrir une porte, etc.) soient plus (vs moins) nombreux que les gestes indiciels (révélateurs d'une atmosphère, d'un état d'esprit, d'un sentiment) n'est pas, en effet, sans conséquence293(*).

De plus, les gestes et les mimiques dans un film sont souvent utilisés pour appuyer le jeu de l'acteur. On a tous en mémoire la gestuelle de tel ou tel acteur, et pas uniquement dans les films comiques ou burlesques, ou celle nécessaire pour affirmer la personnalité d'un personnage du film. (Aumont et Marie, p.155-156).

C'est pourquoi, ils sont parfois employés comme tag ou détail de caractérisation. Un tag est, en effet, un trait caractéristique qui distingue un personnage des autres. Il peut s'agir d'un geste, d'un tic mais il peut également s'agir d'une expression typique, d'un tic verbal, d'un détail vestimentaire, ou de l'utilisation d'un accessoire particulier. (Chion, 1985, p.176.)

Toutefois, les attentes du spectateur ont évolué avec le temps. Comme les acteurs de cinéma, ils ont de moins en moins une expérience théâtrale. Les gestes appuyés sont de moins en moins acceptés, car jugés souvent exagérés. Un geste trop théâtral pourra être perçu comme excessif, d'où la distinction faite par certains entre un acteur (de cinéma) et un comédien (de théâtre). Ropars-Wuilleumier (1970, p.45) fait remarquer que le hiatus entre la gestuelle cinématographique et celle du théâtre n'est pas récente : « L'apparition des sous-titres, devenus habituels vers 1910, permet aux acteurs de réduire leurs gesticulations ».

Aussi, le réalisateur, le metteur en scène, attache-t-il de plus de en plus de soin à la gestuelle de ses acteurs. Dans le cas contraire, un élément kinésique pourrait n'être ni perçu, ni correctement interprété (dans le sens du réalisateur) par le spectateur. Un geste d'un acteur peut ne pas être vu faute d'un éclairage adapté. Une mimique du visage prise en plan lointain ou panorama passera sans doute inaperçu.

Le choix de l'échelle de plan par le réalisateur sera, notamment, déterminant dans l'interprétation par le spectateur d'un geste ou d'une mimique. Un plan de demi-ensemble et le plan moyen mettront en valeur la démarche, un geste du pied et la posture d'un personnage. Les plans américain, rapprochés taille et poitrine (premier plan) seront adoptés pour les gestes des bras. Les gros et très gros plans valoriseront les mimiques du visage mais éventuellement pourront être employés pour mettre l'accent sur un geste particulier d'une main, voire d'un pied.

C'est donc la combinaison de plusieurs codes, notamment ceux spécifiques du montage et de la variation d'échelle de plans mais aussi celui non spécifique du visage et de la gestuelle, plus globalement, qui crée le sens global de la scène.

En outre, un geste d'un personnage dans un film peut devenir un geste-référence, un geste-culte avec le succès du film. Il peut alors être repris à titre d'évocation par un autre réalisateur. Il est bien connu que les gestes ont un capital burlesque important. Mais contrairement à ce que l'on croit, il ne s'agit pas forcément de les amplifier, de les exagérer pour être drôle. Comme l'écrit Gilles Deleuze (1983, p.233) : « Si l'on cherche à définir l'originalité de Chaplin, ce qui lui a donné une place incomparable dans le burlesque (...) c'est que Chaplin a su choisir les gestes proches et les situations correspondantes éloignées, de manière à faire naître sous leur rapport une émotion particulièrement intense en même temps qu'un rire, et à redoubler le rire avec cette émotion. » Selon lui, le processus burlesque suppose que l'action soit filmée sous l'angle de sa petite différence avec une autre action, mais dévoile ainsi l'immensité de la distance entre deux situations. Pour illustrer cette loi dite de l'indice qui est, selon Deleuze, partout présente dans le burlesque en général, il cite un épisode de la série des courts métrages burlesques entre 1914 et 1923 avec Charlot : « Dans la série des Charlot : vu de dos, Charlot abandonné par sa femme semble secoué de sanglots, tandis qu'on voit, dès qu'il se retourne qu'il secoue un shaker et se prépare un cocktail » (Deleuze, 2983, p.231-232). Autre exemple, de comique engendré par un décalage entre les mots prononcés, l'intonation et l'expression du visage, le chien Droopy de Tex Avery qui, en toutes circonstances, termine chaque histoire des dessins animés, en disant d'une voix atone « I'm happy », alors que tout son visage exprime le contraire.

La kinésique filmique est, nous l'avons dit, largement tributaire de l'usage kinésique dominant l'espace culturel de production et de circulation des films considérés (Odin, 1988).

Comme la kinésique dont elle dépend, qui s'intéresse à la gestualité humaine et qui tente de la codifier en un système de signes, elle est loin d'être parfaitement fiable. La spécificité de la kinésique filmique vient du fait qu'elle s'est développée également grâce aux tâtonnements des réalisateurs, à leurs essais, à leurs échecs et à leurs réussites ainsi qu'à leurs efforts de classification et de codification.

Codification que Sacha Guitry critique pour son pouvoir de standardisation : « Oh ! Je sais bien ce que prétendent les techniciens du cinéma. Ils prétendent que l'acteur doit vivre son personnage sans s'occuper du reste. Et, quant aux réactions du public, disent-ils, c'est au metteur en scène de les prévoir, de les provoquer et d'en assurer le rendement en imposant aux comédiens tel mouvement, telle intonation, tel geste - en un mot telles règles de jeu qui leur paraissent d'une infaillibilité absolue. Or, pourquoi leur paraissent-elles infaillibles ? Parce qu'elles sont éprouvées. Parce qu'ils les ont expérimentées mille fois, dix mille fois déjà. Intonations et mimiques sont étiquetées et classées par eux - et ils s'enorgueillissent de les avoir « standardisées » ! » (Sacha Guitry, 1936, in Aumont, 1992, p 43).

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les gestes ne produisent pas du sens indépendamment des autres éléments filmiques et, notamment des dialogues, surtout lorsqu'ils sont enregistrés en plusieurs langues lors du tournage ou en post-scynchronisation.

Le film Le Mandat294(*) (Ousmane Sembène, 1968) est une parfaite illustration de l'importance de la combinaison gestes-langue des acteurs. Le Mandat a, en effet, été tourné en deux versions : l'une en français, l'autre en ouolof - une langue peu écrite même si l'alphabet est codifié et si 85% des Sénégalais la parlent. Pour le tournage, les acteurs ont appris les dialogues écrits en français et devaient les restituer dans les deux langues en collant au mieux à la gestuelle de chacune d'elles, prise successivement. Selon Anne Kieffer295(*), « Si les acteurs se sont prêtés au jeu, de l'avis même du réalisateur et des spectateurs, leur ton sonne faux dans la version française alors que l'enflure colorée du ouolof communique l'émotion et semble naturelle ».

Par ailleurs, comme pour les autres codes filmiques, spécifiques ou non, la lecture qu'un spectateur fait du travail gestuel des acteurs dépend de sa connaissance des modèles kinésiques du pays où est réalisé le film, voire dans lequel se déroule la fiction. Le spectateur doit connaître les différentes façons de jouer et faire la part de ce qui revient aux acteurs, qui sont eux-mêmes plus ou moins influencés par leur formation - ce qui fait dire à Alain Delon, autodidacte, qu'il est un acteur tandis que Jean-Paul Belmondo est un comédien parce qu'il a suivi des cours de théâtre et de comédie -, par le personnage à interpréter, le genre cinématographique auquel appartient le film, le réalisateur du film, etc. (Odin, 1982, p.102-105).

La gestuelle d'un acteur connu est parfois si profondément inscrite dans la mémoire des spectateurs qu'ils leur aient difficile d'accepter un changement dans sa façon de jouer, de se mouvoir, etc. Ainsi Roberto Chiesi (2003) explique-t-il l'échec cuisant du film Doucement les basses (Jacques Deray, 1971) par le fait qu'Alain Delon qui voulait, à l'époque, briser sa propre image adopta avec audace une nouvelle gestuelle : « Delon aborde un rôle diamétralement opposé à ceux de son registre habituel : les gestes essentiels qui constituaient son jeu font place à une gesticulation névrotique, une logorrhée intarissable, une agitation et des attitudes grotesques qui l'apparentent à Louis de Funès » (Chiesi, 2003, p.50).

D- Le code des vêtements

Au cinéma, le proverbe populaire « L'habit ne fait pas le moine » semble inadapté. Le vêtement au cinéma comme au théâtre, dont il a beaucoup hérité, influe sur l'image du personnage qui le porte, sur la perception de son caractère, de son statut social par le spectateur. Il informe également de l'époque au cours de laquelle se situe l'histoire. Le choix des vêtements qui sont portés par les personnages intervient donc sur les contextes de la situation, principalement sur les contextes identitaire, temporel, des positions respectives, et ainsi crée un sens global (Mucchielli, 2001).

Pour les films historiques, la créatrice ou chef costumière s'aide de documents iconographiques, se renseigne auprès d'historiens sur les coutumes de l'époque.

Les détails d'un costume sont d'autant plus à soigner que les prises de vues sont effectuées en plan serré. « Le moindre faux pli ou la dentelle d'un col mal exécutée sauteront aux yeux du spectateur. C'est la grande différence entre le travail pour le cinéma et celui du théâtre » (Parillaud, 2002, p.75).

Une des fonctions du vêtement est souvent négligée et pourtant essentielle à la mise en valeur du personnage par l'acteur. Elle consiste à placer le comédien dans une disposition physique et mentale conforme au rôle à jouer en l'obligeant à porter des sous-vêtements ou des accessoires d'habillement bien qu'ils ne puissent pas être vus à l'écran. Chion (1990, p.130-132) cite l'exemple de Luchino Visconti qui y tenait beaucoup pour ses films d'époque, tout comme il préférait que ses acteurs portent de vrais bijoux. « Son costumier attitré Piero Tosi y veillait, et imposa à Claudia Cardinale, dans Le Guépard (1963), de porter sous ses robes un corset d'époque qui la martyrisait ».

Les vêtements portés d'une manière récurrente par un acteur vont contribuer à la création de l'image du personnage et/ou de l'acteur. Charlot est un melon et une canne. Aussi, lorsqu'un réalisateur se lance dans une série de films ou de téléfilms, il peut s'aider du vêtement pour imposer son personnage récurrent.

Excepté dans les films d'époque où des règles « historiques » doivent être respectées, sachant que de nombreux cinéastes pour des raisons d'économie s'accordent quelques écarts, les costumes évoluent avec la société.

Autrement dit, il n'existe pas de code costumier dès lors que les films se situent à l'époque contemporaine.

Olivier Philippe (1999, p.144-145), en étudiant l'apparence vestimentaire des policiers dans les films de 1965 à 1992, a montré d'une part l'importance des vêtements dans les films, d'autre part l'évolution des costumes, mais aussi le poids de la personnalité des acteurs sur leur façon de s'habiller, enfin l'influence des habillements des acteurs-policiers sur l'habillement des véritables policiers. « Les vêtements ne sont pas sans importance dans le cadre d'un moyen d'expression essentiellement visuel comme l'est le cinéma. (...) On peut dire que l'habillement des héros policiers évolue dans le temps ». Philippe cite notamment Jacques Deray : « Le cinéma évolue, comme la police. Alors, qui pousse l'autre ? Est-ce que c'est le cinéma, est-ce la police ? Mais quand vous voyez tous les films policiers d'il y a trente ans, même dans l'action, les mecs ils étaient en costume, en imperméable, avec des chaussures. Aujourd'hui, bon, vous mettez à Belmondo dans Le Marginal un blouson, des baskets et un jean ».

Pour les films qui se situent de nos jours, cette tendance au dépouillement vestimentaire est nette. Certains l'expliquent par l'exigence plus grande de naturalisme qui conduit à ne plus vouloir, surtout dans les films français, une actrice bien apprêtée. « Aujourd'hui, une femme qui se lève le matin avec un maquillage impeccable et bien coiffée, cela n'existe plus au cinéma ». (Yvonne Sassinot de Nesle, costumière, in Chion, 1990, p.131). Cette tendance est liée également au fait que les acteurs préfèrent choisir eux-mêmes leur habillement afin d'entrer plus rapidement dans la peau de leur personnage mais aussi, soyons réalistes, est la conséquence des contraintes budgétaires296(*).

Pour autant, est-ce que le code des vêtements et celui des accessoires sont moins importants que le code de la narrativité ? Ou, plus généralement, existe-t-il un ordre d'importance dans les codes filmiques, spécifiques ou non ? Certains professionnels du cinéma considèreront peut-être, mais à notre avis souvent à tort, chacun dans leur métier, que leur code est le plus important.

Du point de vue du spectateur, les choses sont plus incertaines encore. Comme l'écrit Louis Delluc297(*) (in Burch, 1993, p.5) : « Vous croyez peut-être que ce public s'émeut surtout du drame ou de ses péripéties feuilletonesques ? C'est à peine s'il y prend garde. Il vécut une heure de joie rien que pour les robes d'Irène Castle, l'harmonie des ameublements et la grâce remarquable des accessoires ». Mais, tandis que Delluc considère que l'expérience filmique - la sienne et celle du public populaire - ignore le sens produit par le film mais se repaît de la présence des visages, des vêtements, des paysages, de la lumière, du mouvement, de nombreux auteurs considèrent au contraire qu'un film « devrait pouvoir se réduire à une seule et unique trame narrative » (Burch, 1993, p.9). En réalité, le film étant une combinaison spécifique de codes (Garroni), c'est une erreur de vouloir le réduire en un seul élément, si important soit-il, sachant, de plus, que son degré d'importance varie d'un film à un autre, et que les effets spéciaux peuvent être absents dans un film et omniprésents dans un autre.

E- Le code des effets spéciaux

Contrairement à un sentiment largement partagé dans le public, les effets spéciaux ne sont pas nés avec l'informatique. Les trucages, illusions et autres simulacres sont apparus, selon Pascal Pinteau (2003), dès l'aube de l'humanité. Des traces d'effets spéciaux insolites remontant à l'Antiquité égyptienne ont été retrouvées. Vers le 2ème siècle (après Jésus Christ), les propriétés détonantes de la « poudre noire » sont utilisées en Chine à des fins artistiques. A la pyrotechnie s'ajoutent les systèmes de machinerie, dont les premiers sont apparus dès l'Antiquité, qui prennent au cours de la Renaissance, grâce à de grands artistes et inventeurs tels que Léonard de Vinci, une autre dimension. De Vinci influença également beaucoup l'apparition des automates qui connurent leur véritable essor au début du XVIIIème siècle avec l'utilisation des mécanismes d'horlogerie et leur apogée avec le magicien et fabricant d'automates Robert Houdin (1805-1871).

Les lanternes magiques et même le cinéma primitif298(*) - par l'illusion du mouvement et, donc, de la réalité qu'il créait par le défilement de photographies - furent considérés par beaucoup comme des effets spéciaux à part entière : « N'oublions pas que le cinéma fut à ses origines traité comme un effet spécial en lui-même : le simple fait de voir avancer vers la salle une puissante locomotive, ou de voir bouger des photographies, apparaissait comme un tour de magie » (Chion, 1990, p.206).

Puis, se développèrent des effets spéciaux spécifiquement cinématographiques. Les premiers seraient dûs au hasard. Selon une anecdote célèbre, Georges Méliès299(*) découvrit son premier truc à la suite d'un incident technique : sa caméra se bloqua tandis qu'il filmait la place de l'Opéra. Méliès coupa le morceau de pellicule abîmé et colla les deux bouts de la pellicule en état, puis poursuivit le tournage comme si de rien n'était. A la diffusion, il fut stupéfait de découvrir un omnibus se transformer brutalement en corbillard. Entre le moment de l'incident qui arrêta la prise de vues et la reprise du tournage, un corbillard s'était, en effet, placé là où se trouvait quelques instants plus tôt l'omnibus, d'où un effet spécial surprenant. Méliès venait de découvrir l'intérêt de ce trucage par substitution. Il le développa, le perfectionna, inventa la surimpression, c'est-à-dire les expositions multiples de la même portion de pellicule, ayant pour résultat de mélanger plusieurs images en une seule, mais aussi le cache300(*), notamment pour faire disparaître et réapparaître les acteurs ou les objets, qu'il utilisa par exemple dans son premier film à trucage, L'Escamotage d'une dame chez Robert Houdin (1896).

De cette époque à la nôtre, les inventions de Georges Méliès furent souvent à l'origine de nouvelles techniques telles que les peintures sur verre (1907), la transparence ou rétroprojection301(*) (1930), la projection frontale ( 1932), le Scotchlite302(*) (1940), les écrans-puzzles 303(*)( 1980), le procédé Zoptics 304(*)(1978), l'introvision 305(*)(1981), etc.

Aussi, les effets spéciaux désignent-ils en plus des grandes machineries, des automates, des poupées, des déguisements, des effets pyrotechniques, des masques et autres maquillages, « différentes manipulations photographiques permettant de créer des relations spatiales fictives au sein d'un même plan, par exemple, la surimpression, le plan composite306(*) et la transparence » (Bordwell et Thompson, 2002).

Autrement dit, les effets spéciaux regroupent toutes les techniques qui permettent « de simuler à l'écran un événement qu'il n'est pas possible, pour une raison ou une autre, de filmer en vrai. Cela va de la fumée dans une tasse de café à la destruction d'une planète entière » (Allorge, 2003, p.331).

Les spécialistes des effets spéciaux, à la fois artistes et techniciens, sont constamment à la recherche de nouveautés, de moyens de manipuler la réalité, soit pour construire un monde irréel (par exemple, dans les films de science-fiction et d'horreur, dans les films fantastiques), soit pour reconstituer un monde réel disparu (par exemple, dans les films historiques) ou un monde que des contraintes techniques et/ou budgétaires et/ou politiques interdisent de filmer, soit pour amplifier le réalisme de certaines scènes307(*).

En conséquence, il est, une fois de plus, difficile de conclure en l'existence d'un véritable code des effets spéciaux. La créativité, l'inventivité, l'appropriation des nouvelles technologies (informatique, matériaux de synthèse, images de synthèse, en 3 dimensions, etc.) font constamment évoluer les techniques utilisées, les rendant vite obsolètes. Comme l'écrit Chion (2002, p.208) : « Les effets spéciaux sont restés un art d'habileté pratique où ne règne aucune routine, et qui souvent fait éclater les barrières entre les métiers ».

L'informatique fut dans un premier temps utilisée pour déplacer les caméras, comme ce fut le cas lors du tournage de La Guerre des Etoiles - Star Wars (George Lucas, 1977). Ce n'est qu'à partir des années 80 que les images de synthèse intéressèrent les cinéastes (du cinéma autre qu'expérimental). Le film de science-fiction Tron (Steven Lisberger, 1982) est le premier à montrer des scènes de cinéma en images de synthèse 3D : motos, tanks, paysages, etc. Mais il faudra attendre 1991 pour qu'après plus de soixante ans d'utilisation de trucages optiques, le premier film à effets spéciaux uniquement composés numériquement sorte. Il s'agit du film de science-fiction de James Cameron dont la première partie sortit en 1984 : Terminator 2 : Le jugement dernier (1991). Depuis, la plupart des films à succès ont utilisé les effets numériques.

Le développement du numérique permit au cinéma français de renouer avec les effets spéciaux. Grâce à ce saut technologique, en effet, « la France est revenue dans le wagon de tête » comme le dit, dans une entretien (in Pinteau, 2003, p.188-199), Pitof, le réalisateur de Vidocq (2000) premier film au monde tourné en numérique haute définition.

Toutefois, les effets spéciaux, numériques ou non, présentent trois limites importantes.

- La première est qu'ils sont généralement coûteux. Cette cherté n'est pas nouvelle, elle explique en partie que les réalisateurs de la Nouvelle Vague aient décidé de tourner en dehors des studios, en décors naturels. Contrairement à ce que certains ont cru ou espéré, le numérique n'a pas entraîné une baisse des coûts, l'évolution technologique obligeant à une course aux investissements pour ne pas être dépassée. La cherté est toutefois à relativiser. Il existe, bien sûr, des techniques à la portée des petits budgets. Lionel Allorge (2002, p.330-515) en présente un assez grand nombre qui permettent la réalisation de maquettes, l'animation d'objets à la main, l'effacement des fils et des câbles qui retiennent des objets ou des acteurs, la réalisation d'un décor virtuel, le Matte painting308(*) d'un rayon lumineux, d'un feu d'artifices virtuel, des armes à feu virtuelles, le warping309(*) et le morphing310(*), etc. Parmi ces techniques à la portée de « toutes les bourses », certaines sont numériques d'autres non. Il est intéressant de noter que certaines d'entre elles reprennent les techniques inventées par Georges Méliès et les trucages des comédies du début du XXème siècle et des fantastiques des années 20 ainsi que la transparence mise au point dans les années 30 (Pinteau, 2003, p. 26-33). En revanche, le numérique facilite grandement toutes les manipulations d'images et il existe des logiciels abordables, voire gratuits, téléchargeables ou non, par exemple sur : www.debugmode.com/winmorph .

- La deuxième limite vient des spectateurs. Les effets spéciaux sont parfois peu appréciés du public et notamment par le public français, comme le regrette Jean-Pierre Jeunet : « Je sais qu'il y a chez les français un a priori très négatif envers les effets spéciaux, qui vient principalement du cinéma fantastique. Mais c'est une erreur. Les effets spéciaux ne servent pas uniquement à montrer des vaisseaux spatiaux ou des monstres qui bavent ». Jeunet le déplore d'autant plus que les effets spéciaux permettent de renouveler l'écriture cinématographique, en les intégrant dans la narration : « Ils servent à repousser un peu plus loin les limites du possible. Et on devrait s'en servir pour renouveler l'écriture cinématographique. Zemeckis l'a bien compris : dans Forrest Gump, il s'en sert pour permettre au personnage de rencontrer Kennedy, ou pour remplir un parc de Washington sans avoir à dépenser une fortune en figurants. Je pense qu'il y a vis-à-vis des effets spéciaux la même réticence stupide qu'il y a eu lorsque le son est arrivé, dans les années 30. » (Jeunet, in Tirard, 2004, p.52).

Le fait que les effets spéciaux aient eu tendance à être utilisés dans des genres cinématographiques particuliers (science-fiction, fantastique, etc.) rend difficile leur emploi actuel dans d'autres genres, non pas pour des raisons techniques, mais parce que le public les y a cantonnés et que certains spectateurs acceptent difficilement cette manipulation de ce qu'ils croient être une réalité, comme si après l'illusion cinématographique de la réalité liée au défilement des images, les effets spéciaux étaient de trop..

- La troisième limite à l'utilisation des effets spéciaux pourra paraître paradoxale avec la deuxième. Elle n'en est pas moins réelle. De plus en plus de réalisateurs, comme Jeunet, considèrent que l'utilisation des effets spéciaux doit dépasser les genres cinématographiques. Ainsi, certains auteurs estiment que les effets spéciaux qui étaient une des marques du genre fantastique ont, à la suite de la révolution numérique, été repris dans d'autres genres cinématographiques ; ce qui fait dire à Norbert Multeau (2001, p.206-207) : « Le fantastique au cinéma n'existe quasiment plus, car c'est tout le cinéma qui en train de devenir fantastique (...) A mesure que les effets spéciaux se perfectionnent la qualité du frisson s'altère et le genre se dégrade311(*) ».

Les effets spéciaux sont un des éléments filmiques les plus sujets à l'évolution, à l'innovation, voire à la surenchère. Des effets spéciaux jugés spectaculaires au moment de la sortie du film peuvent, en cas d'évolution tant technologique que culturelle - autrement dit du point de vue du cinéaste comme de celui du spectateur - rendre un film vieillot, voire insupportable à regarder.

Il est donc difficile de parler de conventions et encore moins de code. Il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe une tradition, qui remonte aux origines du cinéma et que certaines techniques actuelles ne sont en réalité que des variantes plus ou moins sophistiquées de trucages classiques.

En guise de fin à ce chapitre consacré à la bande image, nous pouvons résumer les conclusions auxquelles nous sommes parvenus. Les codes que nous avons présentés, qu'ils soient spécifiques ou non spécifiques au cinéma, présentent plusieurs caractéristiques :

· Il s'agit de règles plus que de lois (Mitry), des règles souvent éphémères (Ropars-Wuilleumier, 1970, pp 23- 25)

· Des règles inventées par des cinéastes et non des lois naturelles.

· Des règles souvent contestables et contestées qui ne demandent qu'à ne pas être respectées.

· Des règles qui évoluent avec le temps, avec la technologie, avec l'expérience des professionnels du cinéma et avec celle des spectateurs.

· Des règles qui naissent, s'imposent à tous, se dérogent, disparaissent, renaissent, etc.

· Des règles qui touchent de nombreux domaines artistiques et techniques donc qui ne sont pas établies par une seule profession mais par les différents corps de métier du cinéma.

· Des règles qui varient selon les continents et les civilisations. Les règles des cinéastes d'Hollywood ne sont pas celles des professionnels de Bollywood (Bombay).

· Des règles qui combinées d'une certaine façon peuvent faire naître un genre cinématographique ou un certain style.

· Des règles qui sont le fruit d'une invention stylistique qui ont eu leur précurseur et dont la reprise par d'autres fut à l'origine d'une codification, d'une convention

· Des règles qui combinées d'une certaine façon peuvent faire naître un genre cinématographique ou un certain style.

· Des règles qui pour être utiles doivent être connues par les professionnels et comprises par les spectateurs.

Une question vient alors à l'esprit, ces conclusions, même résumées, sont-elles généralisables à la bande son ?

Chapitre 6 : Les codes de la bande son

Bien que la bande son ait fait l'objet de moins d'études et de recherches que la bande image, son influence sur les spectateurs est incontestable. Comme dans la bande image, il existe des codes spécifiques et d'autres qui ne sont pas uniquement cinématographiques.

Le code de la relation images-sons et le code du synchronisme sont spécifiques au langage cinématographique. D'autres codes de la bande son existent mais sont non spécifiques, non cinématographiques comme, par exemple, le code de la musique et le code linguistique des dialogues.

Exemples de codes filmiques de la bande-son

(selon Metz et Odin)

 

Bande-son

Codes non spécifiques, ou filmiques non cinématographiques

- code de la construction des dialogues

- code de la musique

Codes spécifiques, ou

filmiques cinématographiques

- code de la relation images-sons,

- code du synchronisme

- etc.

I- Les différents éléments de la bande-son

Après une assez longue histoire du cinéma muet, en 1927, sortit le premier film du cinéma parlant : Le chanteur de Jazz (Alan Crosland, 1927). Le passage du muet au parlant ne se fit pas sans résistance de la part des comédiens, dont certains virent leur carrière s'arrêter brutalement et connurent la misère car leur voix ne correspondait pas à leur physique, mais aussi de la part de certains cinéastes dont le plus illustre, Louis Lumière, qui déclara en 1935 avec franchise : « lorsque j'ai vu les tout premiers films parlants ou sonores, j'ai craint à une disproportion flagrante entre la grandeur des personnages et leur puissance vocale. J'ai bien vite reconnu qu'il n'en était rien ». Il précisa même sa pensée lors d'une autre interview qu'il accorda à un journaliste de L'Intransigeant, en mars 1935312(*), « Au début du parlant, je ne croyais pas à son succès, je l'avoue. Il me paraissait choquant que des personnages plus grands que nature sur l'écran émissent des sons qui n'étaient pas à l'échelle ».

L'un des formalistes soviétiques, Adrian Piotrovski, écrivait en 1927313(*) : « il faut passer au sonore au plus vite mais il faut se garder de se laisser enliser au niveau de la base technique (...) Il faut conserver les figures de montage (associatif, analogique, parallèle, rapide, intellectuel) et y introduire le son. Il faut trouver une photogénie du son. Il doit être traité comme un matériau expressif indépendant qu'il s'agit d'organiser selon des paramètres tels que fort/faible, loin/rapproché, analogues aux systèmes d'oppositions dans l'image du gros plan et du plan général, par exemple. »

Louis Lumière, lui-même, proposa une explication au succès du parlant, contre ses propres prévisions, par un « effet psychologique » qu'on retrouvera par la suite à chaque évolution technologique (film en couleur, en relief, en dolby stéréo, effets spéciaux numériques, etc.) : « Je constatai bien vite que l'invraisemblance ne rebute jamais l'esprit humain. Notre cerveau fait l'adaptation ».  

Toutefois, l'erreur serait de croire qu'avant cette révolution du cinéma parlant, les films étaient sans son. Au temps du muet, un bonimenteur314(*) et/ou un accompagnateur, généralement un pianiste, assuraient des sons pendant la projection. Leur présence, tout au moins au début, n'était pas uniquement pédagogique ou informative. Elle se justifiait par la nécessité de couvrir le bruit de l'appareil de projection.

Ce n'est qu'avec l'expérience que les cinéastes s'aperçurent que la musique augmentait l'effet émotionnel des images, en jouant, comme le suggérait Eisenstein notamment, sur les changements de rythme, sur les conflits, l'effet de surprise, le contrepoint audiovisuel315(*), etc. ou comme Chaplin l'a écrit sur la non-concurrence avec l'image, sur le contrepoint de charme et de grâce (pour son personnage comique de Charlot), sur l'expression de sentiments (Chaplin, 1964)316(*). Ce contrepoint est devenu par la suite multiforme (Lacombe et Porcile, 1995, p.239-240) 317(*).

Puis, de nombreuses salles s'équipèrent d'un procédé phonographique afin de diffuser de la musique, souvent à valeur dramatique ou comique. Au bruitage et/ou à la musique qui constituèrent dans un premier temps la « bande son », s'y adjoignirent les paroles en 1927 ; paroles qui n'étaient décryptables jusque là que par les malentendants sachant lire sur les lèvres318(*).

L'évolution technologique aidant, actuellement la bande-son est composée de différents éléments hétérogènes que l'on classe traditionnellement en trois catégories selon leur nature : les voix (dialogues, voix d'un éventuel narrateur)319(*), les bruits, la musique. A ces éléments, non spécifiquement cinématographiques, correspondent des codes non spécifiques que nous étudierons après avoir étudié les effets de la combinaison, spécifiquement cinématographique (ou tout au moins audiovisuelle), de la bande son et de la bande image.

II- Les relations images-sons

Une autre classification que celle fondée sur la nature des éléments de la bande son (voix, bruits, musique) est tout aussi importante.

Elle distingue les sons selon la localisation de leur source émettrice : les sons in, les sons hors-champ, les sons off.

Ces deux classifications peuvent, bien entendu, être croisées :

Nature du son/

Localisation de la source émettrice

Voix

Bruits

Musique

In

Voix in

Bruits in

Musique in

Hors-champ

Voix hors-champ

Bruits hors-champ

Musique hors-champ

Off

Voix off

Bruits off

Musique off

Tout ce qui est in a une source visible à l'écran. Les sons in font partie de la partie de la fiction et appartiennent à son espace/temps.

Une voix in est une voix d'un personnage présent à l'écran, qu'il parle à un autre personnage ou qu'il soliloque, qu'il se parle à lui-même.

Que la voix soit en version originale (V.O.) ou qu'elle soit doublée, par exemple en version française (V.F.) n'a aucune importance, dans cette classification. Un bruit in est un bruit synchrone avec la source du bruit (objet, machine, véhicule, arme, etc.) en fonctionnement, que le bruit soit le résultat d'un bruitage ou non.

Une musique in est une musique jouée par un musicien ou un groupe ou un orchestre que l'on voit en train de jouer à l'écran, d'où le nom qu'on lui donne de musique d'écran. Une musique de film peut être une musique d'écran dans certains plans et une musique off (dite également de fosse) dans d'autres plans comme, par exemple, la musique de Georges Delerue dans le film Diên Biên Phû de Pierre Schoendoerffer (1992), « jouée » par la violoniste Béatrice Vergnes (interprétée par Ludmila Mikaël) à l'Opéra de Hanoï, dans de nombreux plans, tout au long du film.

Les sons hors-champ sont des sons qui proviennent du hors-champ spatial, c'est-à-dire de l'espace qui n'est pas filmé par la caméra et qui n'est donc pas visible à l'écran par le spectateur. Une voix hors-champ sera, par exemple, celle d'un personnage, hors-champ, qui interpelle un autre personnage dans le champ. Une musique hors-champ sera, par exemple, une musique que le spectateur entend, dont il ne voit pas la source mais qu'il peut situer comme étant dans la diégèse320(*), parce qu'il a pu voir la source musicale ou la verra dans un autre plan (par exemple, un orchestre dans la rue). Ces sons hors-champ peuvent avoir, en effet, un effet retard (par exemple, un bruit d'une voiture qui n'est plus visible), ou un effet d'anticipation (par exemple, le bruit du tonnerre qui approche). Dans ce cas, ce sont des sons dits non-simultanés.

Les sons hors-champ sont, comme les sons in, des sons diégétiques, c'est-à-dire des sons qui ont leur source dans le monde produit par le film (Odin, 1990, p.244-245).

Les sons off sont des sons extérieurs à la fiction. Ils sont donc non diégétiques ou extra-diégétiques autrement dit non situés dans l'espace/temps de la fiction. Ils viennent d'un « ailleurs », identifiable ou non. Il peut s'agir d'une voix off d'un narrateur, anonyme ou de celle du personnage qui conte son histoire. Ce peut être une musique de fosse dont on ne sait d'où elle vient mais qui accompagne l'action pour augmenter l'émotion chez le spectateur. Par exemple, une musique langoureuse pour accompagner une scène amoureuse.

Il existe des films dans lesquels tous les sons sont off, c'est-à-dire extradiégétiques : Bordwell et Thompson (2000, p.404) citent notamment War requiem de Derek Jarman (1989) qui ne contient que des musiques extradiégétiques. La plupart des films documentaires sont également composés, en grande partie voire en totalité, de sons off, extradiégétiques tels que les commentaires en voix off et une musique orchestrale d'accompagnement. Les bruits off sont beaucoup plus rares. Bessière (2000, p.55) en cite un exemple : «Dans La gloire de mon père, le crissement sur le papier de la plume « tenue » par Marcel Pagnol qui se remémore. Dans ce cas, les bruits off émanent de l'espace de la voix off ».

Cette présentation des sons in, hors-champ et off en a fait apparaître une troisième qui distingue les sons diégétiques des sons extradiégétiques, et une quatrième qui distingue les sons simultanés (images/sons) des sons non simultanés que certains auteurs ne confondent pas avec les sons synchrones et les sons non-synchrones.

Quelques classifications des sons

- Classification : sons in, sons off, sons hors champ

- Sons in : sons externes dont la source est visible à l'écran

- Sons off : sons extérieurs à la fiction ne pouvant pas être entendus dans l'espace de l'histoire

- Sons hors champ : sons venant d'une source que le spectateur suppose se trouver dans l'espace du récit mais dans une zone qui n'est pas visible à l'écran.

- Classification : sons diégétiques et sons extradiégétiques

- Sons diégétiques : sons venant d'une source présente dans le monde du film

- Sons extradiégétiques : sons venant d'une source extérieure au pseudo espace de l'histoire

- Classification : sons simultanés et sons non-simultanés

- Sons simultanés : sons diégétiques présentés comme arrivant en même temps dans l'histoire que l'image

- Sons non-simultanés : sons diégétiques correspondant à un événement antérieur ou postérieur à ce qui est montré à l'image

- Classification : sons synchrones et sons non-synchrones

- Sons synchrones : sons en état de simultanéité temporelle avec les mouvements (de lèvres, par exemple) à l'image

- Sons non-synchrones : sons en état de non-simultanéité temporelle avec les mouvements (de lèvres, par exemple) à l'image.

Les sons ont donc une dimension spatiale et temporelle, en plus des dimensions rythmique, esthétique et narrative qui ont, comme nous le verrons plus loin, un fort impact émotionnel sur le spectateur. Ils offrent donc aux réalisateurs un grand nombre de possibilités créatives : changement de rythme, contraste sonore, changement d'intensité, effet de surprise d'un son que le spectateur croit extradiégétique et qui est - il le verra dans la suite du film - diégétique, flashback sonore, etc.

Les combinaisons de techniques sont si nombreuses qu'aucun réalisateur ne pourrait toutes les utiliser dans un film. Bordwell et Thompson (2000, p.411-414) ont tenté de résumer les relations spatiales et temporelles possibles entre image et son dans le tableau suivant :

Les différents sons au cinéma selon les choix en matière de temps et d'espace

(Bordwell et Thompson, 2000, p. 412)

Temporalité

Origine spatiale du son

 

Son diégétique (dans l'espace de l'histoire)

Son extradiégétique (hors de l'espace de l'histoire)

Son non-simultané : le son correspond à un événement de l'histoire antérieur à celui présenté par l'image

- Flashback sonore321(*) 

- Flashforward visuel322(*) 

- Pont sonore ou chevauchement sonore 323(*) 324(*)

Son dont l'antériorité est manifeste (par exemple : un discours de John Kennedy sur des images de l'Amérique contemporaine)

Son simultané : l'événement auquel le son correspond est présenté simultanément à l'image

- Son diégétique externe :

- dialogues, bruits,

- musique

- - Son diégétique interne : pensées du personnage

Son dont la simultanéité avec les images est manifeste (par exemple, un narrateur décrivant des événements au présent

Son non-simultané : le son correspond à un événement de l'histoire postérieur à celui de l'image

- Flashforward sonore325(*) 

- Flashback visuel326(*) avec le son de l'action en cours se prolongeant. Exemple : un personnage raconte des événements passés 

- Pont sonore

Son dont la postériorité aux images est manifeste (par exemple, le narrateur se souvenant des événements du passé)

Bien que critiquées par certains auteurs, ces différentes typologies ont, entre autres choses, l'intérêt de mettre en exergue l'importance des éléments non diégétiques dans la bande son, ce qui la différencie de la bande image. « Par rapport à la bande-image, elle comporte beaucoup plus de matériel non diégétique. La musique de film, notamment, est principalement extra-diégétique (la musique de fosse), mais c'est aussi le cas d'une proportion non négligeable de la bande-paroles : dans certains films, par exemple, la plupart des documentaires, mais aussi de nombreux films de fiction, un commentaire trouve sa source hors de la diégèse ». (Aumont et Marie, 2000, p.149)

Une autre différence majeure avec la bande image est que la bande son ne peut pas être découpée facilement. « La bande-son apparaît souvent comme un continuum, un magma qui s'étire à la fois verticalement, car les sons se superposent, et horizontalement, tant il est vrai que les silences sont rares au long des quatre-vingt minutes d'un film (...) Tandis que le spectateur se trouve visuellement promené d'un point à l'autre de l'espace de la scène, d'une taille de plan à une autre, avec une soudaineté qui n'existe pas dans la vie quotidienne, la bande-son se déroule linéairement, exempte, dans la plupart des oeuvres, de cette coupure violente qui est monnaie courante dans la bande-image» (Jullier, 1995, p.7-8)327(*)

Toutefois, en dépit de sa rareté, il faut garder à l'esprit que le silence est une composante dramatique que ne pas peut ignorer un réalisateur. « Dans l'espace cinématographique, un espace de silence au milieu d'un contexte sonore est aussi intense que l'intervention du son ou de la musique après un long silence. Le silence brise le son avec la même intensité que le son brise le silence » (Litwin, 1992, p.107)

Une troisième différence entre la bande image et la bande son vient du fait que l'image sur l'écran ne subit que peu de perturbations contrairement au son émis par les hauts-parleurs ce que Roger Odin appelle le problème de l'écoute filmique. « Le spectateur de cinéma est dans une salle de spectacle, entouré d'autres spectateurs ; bien que l'obscurité règne, le contact entre les spectateurs n'est pas totalement aboli  (...) ; parfois des courants auditifs s'établissent, des signes d'émotions s'échangent ; parfois, aussi, ces sons deviennent des « bruits » au sens que la théorie de l'information donne à ce terme : ils perturbent l'audition filmique tout comme le perturbe le grincement de sièges, le ronflement du projecteur, etc. » (Odin, 1990, p.139)

Une quatrième différence entre la bande image et la bande son est consécutive à celles qui existent entre les perceptions visuelles et les perceptions auditives. Comme l'écrit Michel Chion, « l'oreille analyse, travaille et synthétise plus vite que l'oeil. Si l'oeil est plus lent, c'est parce qu'il a plus à faire : il travaille à la fois l'espace, qu'il explore, et dans le temps, qu'il suit. Il est donc vite dépassé lorsqu'il doit assumer les deux. L'oreille, elle isole, une ligne, un point de son champ d'écoute, et elle suit ce point, cette ligne dans le temps ». Et Chion (2000, p.14) de conclure : «en gros, l'oeil est donc plus habile spatialement, et l'oreille temporellement ».

Certains auteurs vont jusqu'à considérer que la bande son et, en particulier, les voix et paroles, peuvent détourner l'attention du spectateur de la bande image. Ainsi, selon Opritescu (1997, p.127-128) « Le mot et l'image sont deux véhicules de la communication qui demandent deux modes de réception totalement différents. Le message véhiculé par la langue parlée demande une communauté de code, ethnologique et/ou culturelle entre le locuteur et le récepteur (...) Cette double perception fait la richesse du langage filmique mais aussi la difficulté de l'analyse et de l'appréhension de sa spécificité car à l'école nous sommes tous fortement conditionnés par des siècles d'éducation au moyen du verbe ». Toutefois, a contrario, certains réalisateurs, dont Peter Greenaway328(*), considèrent qu'une bande image trop découpée, animée par une sorte de « danse de Saint Guy (...) avec leur diarrhée de travellings » peut atténuer l'impact du dialogue. En revanche, « si la caméra est statique le public écoute mieux le dialogue. Et (dans Meutre dans un jardin anglais) il était nécessaire que chaque mot soit vraiment entendu. Il est temps de donner au langage la place qui lui est due dans les films ».

L'idée d'une hiérarchie entre les éléments sonores est développée également par Chion qui considère les voix comme l'élément premier, allant jusqu'à distinguer les voix humaines et tous les autres éléments sonores : « il y a les voix, et tout le reste. Autrement dit, dans n'importe quel magma sonore la présence d'une voix humaine hiérarchise la perception autour d'elle (Aumont et Marie, 2000, p.150).

Toutefois, cette hiérarchisation ne doit pas occulter le fait que chacun des éléments sonores peut être supérieurs à l'autre, dans certaines circonstances, pour atteindre certains objectifs (esthétiques, narratifs ou autres), ou nécessaires à une meilleure compréhension, par exemple pour lever une ambiguïté, limiter la polysémie de l'image, etc.

Par voie de conséquence, il nous semble, comme le suggère Laurent Jullier (1995), utile de distinguer la nature du son et ses fonctions au sein d'un récit : « Pour un objet sonore, constituer un bruit de cloches et annoncer la libération de Paris n'est certes pas la même chose (Paris brûle-t-il ?). La sonnerie des cloches fait partie des matières de l'expression et l'annonce de l'événement fait partie des fonctions assignées aux éléments de la matière d'expression. Cette distinction se retrouve chez D. Château avec le niveau matériel (« propriétés physiques des sons, indépendamment de tout système d'expression ») et le niveau formel (« valeur fonctionnelle dans le processus de communication » (Jullier, 1995, p.124-125).

Pour répondre à cette séparation souhaitable des éléments sonores, à leur hiérarchisation, à leur code (filmique mais non cinématographique) et à leur fonctionnalisation, nous les développerons par la suite, chacun séparément, en tentant de mettre en évidence le sens qu'ils véhiculent prioritairement.

III- Les sons synchrones et les sons post-synchronisés

Les sons d'un film sont enregistrés soit après le montage des images, soit en prise directe sur site, c'est-à-dire sur le lieu du tournage dans un studio ou en extérieur, soit éventuellement en combinant ces deux moyens. Dans le premier cas, on parlera de sons post-synchronisés. Dans le deuxième, de sons synchrones (Wyn, 1972).

Dans les deux cas, les sons filmiques sont enregistrés et leur écoute est, selon Odin (1990, p.239) à la fois relayée, par des hauts parleurs, et acousmatique - c'est-à-dire que le spectateur ne voit pas la source première du son qu'il entend. « Ainsi, le spectateur ne voit-il pas les sources premières des sons filmiques qu'il perçoit : l'orchestre a enregistré la musique du film, les acteurs en chair et en os qui ont joué les personnages, etc. ; le son est toujours relayé par des hauts parleurs. L'une des conséquences majeures de cette situation est qu'il est parfois difficile d'identifier avec certitude l'origine des sons. »

Ces caractéristiques du son filmique permettent aux réalisateurs qui le souhaitent d'utiliser la bande-son pour contribuer au jeu de conflits préconisé par Eisenstein.

Pour montrer la différence entre percevoir un son et identifier sa source et sur le parti qu'un réalisateur peut en tirer pour produire des effets de surprise, Odin cite un exemple proposé par Belà Balazs : « Nous sommes en Afrique, la nuit. Dans le noir, nous entendons soudain un sifflement. Un serpent ? Sur l'écran, un personnage se tourne horrifié vers la source et le spectateur s'accroche à son siège. Mais bientôt la caméra panoramique vers la source du son : la bouilloire sur le réchaud à gaz... »329(*).

Comparés aux sons post-synchronisés, les sons synchrones sont souvent considérés comme plus à même à créer un effet de « vérité ». C'est la raison pour laquelle, ils furent défendus par les cinéastes et théoriciens de La Nouvelle Vague. Certains professionnels soutiennent encore que chaque lieu a un parfum sonore inimitable et donc irremplaçable. Leur défaut est que la qualité sonore laisse parfois à désirer : les sons paraissent souvent brouillés, diffus, « mal enregistrés » (Bessière, 2000, p.57).

C'est l'une des raisons pour laquelle, avec celle de la production de versions dans d'autres langues que celle de la version originale, de nombreux réalisateurs ont tendance à lui préférer un son de meilleur qualité grâce à une postsynchronisation330(*), autrement dit par une addition des sons après le tournage du film.

Les défenseurs du son post-synchronisé revendiquent la modernité, la qualité sonore, la commodité et l'excellence des techniques actuelles de mixage331(*). D'autres insisteront sur les bruits perturbateurs que la prise directe ne peut éviter.

La postsynchronisation inclut donc le bruitage - dont nous avons déjà parlé - et le doublage des acteurs, et cela quelle que soit la langue utilisée dans le film. Le doublage consiste, en effet, à enregistrer en tout ou partie, dans un studio, les voix des acteurs ou de leur doublure dans une langue étrangère. Dans les deux cas, toute la difficulté réside dans la nécessaire synchronisation avec les images tournées. Il faut que les textes soient dits de manière à ce que les mouvements des lèvres des acteurs à l'écran concordent avec les paroles que le spectateur entend. Toutefois, l'acteur ne pouvant jouer deux fois une même scène d'une manière identique, il existe toujours un écart sonore, si minime soit-il.

Le spectateur ne se rendra pas compte de cet a-synchronisme sons/image en raison de trois principes physiologiques et/ou psychologiques relatifs à l'image : la fugacité des images, la persistance rétinienne, l'oubli rapide des détails d'une image.

Ces principes physiologiques expliquent que le doublage d'un acteur étranger par une voix française soit, dans l'ensemble, bien acceptée par le public français. Ce que le public américain accepte moins bien, semble-t-il, à moins que ce soit une façon «élégante » pour le cinéma américain de protéger leur marché intérieur.

Une anecdote historique est intéressante pour bien comprendre que l'écart sonore, l'a-synchronisme sons/images est moins important que le décalage, le hiatus entre le personnage à jouer et l'acteur qui le joue. Dans les années trente, le doublage n'étant pas encore au point, les cinéastes américains eurent alors l'idée de différencier leur offre filmique en tournant des films dans la langue de chacun des publics nationaux visés. « La MGM, la Warner ou la Fox le faisaient en attirant à Hollywood acteurs et réalisateurs français, allemands, espagnols, suédois, etc. et réalisèrent ainsi dans les studios californiens environ 35 films « français », tournés dans notre langue avec des acteurs français ou francophones. Ces oeuvres étaient de simples décalques de films américains dont les originaux restaient inconnus hors des Etats-Unis, comme Le Procès de Mary Dugan (1931) ou La Piste des géants (1931), western de Raoul Walsh où John Wayne était remplacé par un certain Gaston Glass, pour le public français.. » (d'Hugues, 1999, p.27-28)332(*). Les résultats furent généralement désastreux, le public bouda ces films qui sonnaient faux et les critiques les tournèrent en dérision...

En ce qui concerne la musique, l'obsession du synchronisme a prévalu jusque dans les années 50-60. La raison est à la fois historique et technique :

- historique, parce que la musique a longtemps eu une vocation incidentale. Notamment, pendant la période du cinéma muet, elle marquait, elle signalait l'événement ;

- technique, parce que la maîtrise de l'enregistrement sonore n'a pas été immédiate. Lacombe et Porcile (1995, p.233-234) montrent bien « que le captage comme la reproduction correcte des bruits ont longtemps posé problème aux ingénieurs du son néophytes. Un exemple caricatural en est offert dans Chantons sous la pluie, quand le tremblement des perles d'un collier se traduit en un raclement de chaîne d'ancre ». Longtemps, donc, un compositeur de films fut jugé à son habileté à synchroniser sa musique aux images. Et tout a-synchronisme était considéré comme une marque de médiocrité. Il fallut le courage de réalisateurs tels que Jean Renoir et Jean Cocteau pour combattre ces idées reçues, ces règles, ce code dirait certains. Jean Cocteau déclarait, dès 1938, « Une paresse, fille de l'habitude, empêche d'établir un jeu entre l'oeil et l'oreille et d'en tirer des gags et des surprises »333(*).

Depuis, les choses ont fort heureusement changé. Aussi, certains auteurs préfèrent parler de correspondance plutôt que de synchronisme. Le synchronisme, à leurs yeux, convient pour des événements ponctuels qui ne peuvent se manifester que de façon synchrone. Par exemple, une image montrant la chute d'un corps et le bruit du corps qui s'écrase à terre. Mais, lorsque l'événement est de plus longue durée, par exemple une scène romantique appuyée par une illustration musicale, on ne peut pas parler de synchronisme mais de correspondance. « La différence entre correspondance et synchronisme se réfère à l'étendue dans le temps de l'événement à illustrer. Il y a synchronisme entre événements ponctuels ou instantanés mais il y a correspondance entre événements ayant une certaine durée. Dans une bagarre, il y a correspondance entre la partition musicale illustrant la violence pendant toute sa durée et synchronisme entre les coups de poing et leurs bruitages » (Litwin, 1992, p.113). La conséquence pratique de cette distinction est que le synchronisme supporte mal les écarts image-son - bien que le chronométrage et l'exactitude ne soit pas nécessaires sauf peut-être dans les dessins animés (traitement « Mickey-mousing334(*) » de chaque action des personnages) - alors que la correspondance peut être appuyée par un léger retard de la musique (parfois une légère avance) par rapport aux images.335(*)

En réalité, quelle que soit la terminologie employée, ce qui importe ce n'est pas le synchronisme parfait, c'est que les sons et les images se combinent bien, que de cette combinaison surgisse un sens. Comme le disait Robert Bresson336(*) : « C'est le montage qui crée soudain, quand les images et sons s'ajustent les uns aux autres. La vie surgit (...) Ce qui est mort sur le papier renaît au tournage, et l'image morte renaît au montage ».

Or, dans la combinaison audiovisuelle, une perception influence l'autre et la transforme. De ce constat, Michel Chion propose le concept de valeur ajoutée : « Par valeur ajoutée, nous désignons la valeur expressive et informative dont un son enrichit une image donnée, jusqu'à donner à croire (...) que cette information ou cette expression se dégage naturellement de ce qu'on voit et est déjà contenue dans l'image seule. Et jusqu'à procurer l'impression, éminemment injuste, que le son est inutile, et qu'il redouble un sens qu'en réalité il amène et crée, soit de toutes pièces, soit par sa différence même avec ce qu'on voit » (Chion, 2000, p.8-9).

IV- Les codes non spécifiques de la bande-son

Nous étudierons les trois principales catégories de sons, classés selon leur nature : les voix, les bruits, la musique.

A- Les voix et les paroles

Les voix humaines sont, pour la plupart des auteurs, les éléments sonores que le spectateur sait le mieux écouter et comprendre.

Au delà du contenu des paroles prononcées, analysable par des outils linguistiques, narratologiques, psychanalytiques et autres (Aumont et Marie, 2000), les voix apportent de nombreuses informations sur le locuteur, « que les mots ne disent pas directement : sexe, âge, état émotionnel, origine géographique, quand ce n'est pas le milieu socio-culturel d'appartenance. » (Jullier, 1995, p.153).

La personne qui parle est, en effet, marquée par le timbre de sa voix, son rythme, son débit verbal, ses locutions favorites (tics verbaux, etc.), et autres caractéristiques qui font partie d'un code non spécifique, non cinématographique.

Ainsi le timbre d'une voix peut être plus ou moins mélodieux. Une voix nous renvoie, dans certains cas, une image de son « propriétaire » : une voix de poissonnière, une voix d'adolescent en train de muer, etc. Le débit verbal varie également selon les individus et les propos tenus : une voix traînante d'un personnage calme, lymphatique, voire malade ; voix saccadée par l'excitation ; une voix hachée traduisant un malaise, un effort. L'intonation, le ton que prend l'individu en parlant modifie également le sens de la phrase prononcée. Enfin, l'accent qui est un signe d'une appartenance géographique ou sociale. Les accents sont à l'origine de stéréotypes dont la valeur est toute relative. Le Méridional est jovial et paresseux, le titi Parisien est déluré et malicieux, l'Auvergnat est près de ses sous, etc. « Même si les accents géographiques tendent aujourd'hui à s'estomper, l'accent reste le signe d'une situation sociale et l'accent des banlieues est facile à distinguer de celui des beaux quartiers » (Frechet, 1997, p.36). Ces considérations ne sont pas importantes uniquement au cinéma. Combien de jeunes de province ou de banlieue ont-ils pris des cours d'élocution pour se débarrasser de leur accent afin de se donner plus de chances de réussir un concours, un entretien de recrutement ?

Au cinéma, un accent peut cantonner un acteur dans un certain type de rôles, comme Roger Hanin ou Marthe Villalonga avec leur fort accent pied-noir. Daniel Auteuil qui avait un accent provençal assez prononcé fit de gros efforts pour le perdre. Il raconte qu'il fut obligé de se replonger dans l'ambiance de sa Provence natale, quelques semaines, pour le recouvrer, afin de jouer le personnage d'Ugolin dans les deux films de Claude Berri d'après le roman de Marcel Pagnol337(*) : Jean de Florette (Berri, 1986) et Manon des Sources (Berri, 1986).

Exemples de signification des composantes de la voix

D'après Jullier (1995) et Bailblé (1979)338(*)

Composante de la voix

Exemples de signification

Articulation soignée

Le degré d'affirmation,

L'envie de se faire comprendre.

Articulation peu soignée voire mauvaise

La peur, la peur de se faire comprendre, la timidité

Vitesse d'élocution élevée

Distribution des silences respiratoires

L'émotion, l'énervement

Vitesse d'élocution faible

L'apathie

Prosodie339(*) : hauteur tonale où la voix se forme

L'interrogation

Déformation volontaire de la voix

L'imitation, la contrefaçon

Force de la parole

Le statut, la position de force ou de faiblesse

Il est intéressant de noter, comme Vanoye (1989) et d'autres, que les omissions, les pauses, les silences, etc. dans un dialogue peuvent également produire du sens : les hésitations, les répétitions, la segmentation des énoncés par de brèves pauses ou des silences, des « fautes » dues à la rapidité de l'énonciation (Aumont et Marie, p.157).

Tous les éléments vocaux que nous venons de citer ne sont pas, répétons-le, cinématographiques et sont utilisés dans bien d'autres domaines que le cinéma.

En revanche, est spécifique au cinéma, le fait qu'une voix peut détourner l'attention du spectateur des images. Les voix, qui proviennent soit de dialogues, soit de commentaires, soit de monologues (intérieurs ou non), ont des effets, semble-t-il, différents.

«Etant donné la tendance naturelle des paroles à s'emparer de notre attention au détriment des images, on utilise relativement peu le commentaire dans les films de fiction » (Opritescu, 1997, p.131)340(*). De même, afin que le spectateur ne se détache pas des images, on évite également les flots de paroles, notamment dans un dialogue ou un monologue, par exemple, en rédigeant les répliques d'une façon rythmée, ou en coupant une même réplique par plusieurs images différentes.

On retrouve là les deux grandes fonctions que de nombreux auteurs assignent aux voix : - une fonction d'ancrage pour limiter la polysémie de l'image et orienter vers un signifié précis, généralement par un monologue ou un commentaire en voix off ;

- une fonction de relais pour compléter l'image dans la production de sens, par exemple à l'aide d'un dialogue qui donne des informations pour faire avancer l'action.

B- Les bruits

Il est loin le temps où un bruiteur se plaçait derrière l'écran pour bruiter en direct un film muet341(*). La technologie a largement fait progresser les techniques d'enregistrement de bruits qui peuvent être pris soit en cours de tournage, en prise directe, soit recomposés en post-synchronisation.

L'effet des bruits sur le spectateur est de plus en plus pris en considération. La formule de Michel Chion prend ici toute son ampleur « On ne voit pas la même chose quand on entend ; on n'entend pas la même chose quand on voit ». Il montre l'importance des bruits à travers l'exemple d'un film Kung Fu : « ils sont aidés et pointés par des ponctuations sonores rapides (sifflements, cris, chocs, tintements) qui marquent perceptivement certains moments et impriment dans la mémoire une trace audiovisuelle forte » (Chion, 2000, p.14). Il se dégage là l'une des fonctions principales du bruit : celle de souligner un geste ou un événement.

Le bruit peut également, selon qu'il est isolé ou répété, donner ou non une impression de cadence.

Mais il peut, bien entendu, comme nous l'avons déjà souligné (Jullier, Château), contribuer à la production de sens. Jullier cite à ce sujet un exemple : « Considérons un anodin coup de tonnerre : si on lui applique l'écoute causale, il renvoie à un orage ; si c'est l'écoute sémantique, il renvoie à une situation « ça barde », ou « il y a de l'orage dans l'air » ou encore à des notions symboliques comme « la colère de Dieu » ; si c'est l'écoute réduite, il ne renvoie qu'au seul objet sonore qui le constitue, c'est-à-dire une impulsion de masse complexe, à gros grain et entretien décroissant » (Jullier, 1995, p.124-125).

Selon lui, l'écoute causale entraîne une production d'images mentales (visuelles et/ou sonores et/ou strictement conceptuelles). Et ceci que le bruit soit enregistré en prise directe, qu'il soit tiré d'une banque de sons, d'un CD audio de bruitages342(*) ou qu'il soit reconstitué à l'aide d'une des nombreuses techniques de bruitage. Ces dernières utilisent des objets courants pour simuler des bruits qu'il est difficile d'enregistrer en situation réelle.

Exemples de techniques de bruitage343(*)

Evénement ou bruit à simuler

Bruitage

Battement de coeur

Saisir les coins opposés d'une serviette et la tendre rapidement pour obtenir un claquement sourd

Coup de poing

Frapper fortement un steak avec la main. Pour amplifier le bruit, placer le steak sur une boîte à chaussure avant de le frapper. La boîte fera caisse de résonance.

Grincement de porte

Glisser une bande magnétique entre deux doigts.

Pluie

Enregistrer la douche. Placer sous l'eau une feuille de métal ou de plastique pour obtenir différents impacts

Feu

Froisser lentement une couverture de survie en plastique métallisé ou des chutes de pellicule photo.

C- La musique

La musique a joué un grand rôle dès l'époque du cinéma muet (Tynianov, 1924). Elle servait au début surtout à couvrir le bruit du projecteur et pour diminuer l'inconfort voire la peur des personnes supportant mal l'obscurité dans laquelle était plongée la salle de spectacle344(*).

Toutefois les musiciens accompagnateurs virent très vite que la musique pouvait souligner les effets dramatiques des images. Aussi, au lieu d'improviser345(*) ou de reprendre des airs d'opéra, les musiciens durent, dès le début du XXème siècle, se plier à la volonté des producteurs distributeurs qui ne voulaient pas lasser les spectateurs sur le plan musical. Les instrumentalistes furent contraints, dans un premier temps, de respecter des consignes écrites dans des cahiers de musique, puis, dans un deuxième, de jouer à l'aide de « véritables » partitions. Puis vint l'idée d'associer le son et l'image pré-enregistrés, de faire l'union du cinématographe et du phonographe, dans une période d'ouverture de salles en dur dans toutes les villes importantes. Charles Pathé, entrepreneur dans l'image et le son, en fit son cheval de bataille.

Mais c'est sans doute aux réalisateurs eux-mêmes que l'on doit à la musique de film son actuel statut et son importance artistique et expressive dans le cinéma.

Abel Gance fut l'un des tout premiers à voir dans la musique et sa terminologie une voie d'avenir pour le cinéma : « Un grand film doit être conçu comme une symphonie, comme une symphonie dans le temps et comme une symphonie dans l'espace. (...) Le cinéma doit devenir un orchestre visuel, aussi riche, aussi complexe, aussi monumental que ceux de nos concerts ».

Charlie Chaplin346(*), Jean Grémillon, John Carpenter ont même parfois composé la musique de leurs films. Dans Histoire de ma vie (1964), Chaplin, tout en évoquant la période charnière entre le cinéma muet et le cinéma parlant, période de tous les dangers notamment pour son personnage de Charlot, écrit : « Je m'efforçais de composer une musique élégante et romanesque pour accompagner mes comédies par contraste avec le personnage de Charlot, car une musique donnait à mes films une dimension affective. Les arrangeurs de musique le comprenaient rarement. Ils voulaient une musique drôle.. »

A l'arrivée du parlant, les réalisateurs ne manquèrent pas de s'interroger sur la manière d'utiliser la musique. Certains comme René Clair se lancèrent dans la réalisation de films chantés (Sous les toits de Paris, Le Million, A nous la liberté). D'autres délaissèrent la musique ou la suremployèrent avec une bande musicale presque ininterrompue pour augmenter l'effet d'unité du film347(*), ou encore l'utilisèrent quasi-uniquement « en situation », nombreux furent ceux qui l'exploitèrent à des fins narratives.

Le parcours d'Alfred Hitchcock348(*) est révélateur des hésitations et de l'évolution des cinéastes en matière de musique. «Pendant sa période anglaise349(*), elle est discrète et le plus souvent diégétique ou en situation (c'est-à-dire que sa source est montrée ou supposée hors champ : chanteur, musicien, radio, électrophone, etc.), elle est beaucoup plus présente dans ses films hollywoodiens » (Eugène, 2000, p.13). Hitchcock fit de multiples essais : « des essais du (presque) tout en musique à son absence totale, de l'emploi de la chanson à l'utilisation d'effectifs différents (orchestres de chambre ou symphoniques, formations de jazz...) ». Toutefois, il resta, semble-t-il, convaincu jusqu'à la fin de sa vie que la présence d'une musique doit être justifiée. Une anecdote au sujet du film Lifeboat (1943) citée par Tony Thomas350(*) est révélatrice. Hichcock ne voulait pas de musique pour ce film et proclamait à qui voulait l'entendre : « Toute l'action du film a lieu sur une barque en pleine mer. D'où pourrait venir la musique ? ». Ce à quoi David Raskin lui aurait répondu : « Demandez à M. Hitchcock d'expliquer d'où vient la caméra et j'expliquerai d'où vient la musique ».

A l'heure actuelle, la musique est utilisée diversement par les réalisateurs qui lui assignent une ou plusieurs fonctions à remplir.

La musique, en plus de sa valeur esthétique, est capable d'accomplir une fonction dramatique. Selon Mario Litwin, « ce talent dramatique de la musique peut aller très loin car, s'adressant à l'émotion plus qu'à l'intellect, elle peut imprégner l'esprit du spectateur sans exiger de lui aucune attention, et agir ainsi directement sur un plan souterrain, sur son intuition, si ce n'est sur son inconscient » (Litwin, 1992, p.14).

Plus précisément, la musique peut avoir à soutenir l'action et/ou à accompagner l'expression des sentiments et/ou à ponctuer le récit en prévenant le spectateur d'un événement imminent, d'un changement brutal et/ou à le laisser retrouver ses esprits, par exemple, après le climax.

La musique peut être employée pour renforcer l'image et les voix, dans un objectif dit de redondance. Mais elle peut, à l'inverse, être en opposition avec le sens de l'image, dans un objectif dit de contraste.

En tout cas, à l'heure actuelle, l'absence de musique se ferait remarquer tant elle a pris une place importante dans la production du sens global ainsi que dans la promotion commerciale du film, par la diffusion des bandes-annonces et la commercialisation des musiques originales du film351(*). Comme l'écrit Patrice Leconte dans la préface du livre consacré à La Musique dans les films d'Alfred Hitchcock (Eugène, 2000) : « Je serai incapable de faire un film sans musique. C'est-à-dire un film unijambiste, une sorte de facteur sans képi, de Groucho sans moustache (...) Tout simplement parce que la musique fait partie intégrante de notre travail. Au même titre que la lumière, le son ou les acteurs. D'ailleurs n'est-elle pas à sa manière, un des personnages du film ? ».

Un point de vue partagé par le compositeur Mario Litwin : « La musique est en effet un comédien sans parole, un narrateur sans texte, dont la symbiose avec l'image peut atteindre un pouvoir expressif capable de rendre tout dialogue superflu ».

Toutefois, dans sa fonction dramatique, la musique occupe généralement, pour ne pas dire toujours la seconde place. Elle doit éviter, selon la plupart des auteurs, d'éclipser les images par une présence excessive. D'autres vont plus loin encore, en affirmant que la musique ne doit pas se faire remarquer.

Certains considèrent inutile la création d'une musique trop complexe ou trop orchestrée pour un film, argumentant que le spectateur ne peut assimiler toutes les données visuelles et sonores en même temps.

De toutes ces considérations souvent divergentes, Litwin (1992, p.92-93) en tire la conclusion que le spectateur non musicien n'écoute pas la musique d'une façon attentive mais marginale: « L'écoute marginale, (celle qui ne passe pas par l'attention mais qui imprègne l'esprit du spectateur352(*)) capte paradoxalement la totalité de la structure sonore. Un décor de fond aux images floues permet de situer une scène dans un lieu déterminé même si le spectateur ne regarde que les protagonistes. Cette écoute marginale fait partie de la perception dramatique de la musique». Cette analogie avec le flou est intéressante. Elle nous renvoie à ce qu'en dit Bellour (2002, p.85) « Le flou est devenu, souvent, dans la pratique moderne et contemporaine où on en fait le plus souvent un usage relatif et partiel, un indice de réel et d'immédiat, une sorte de garant moral de l'instantané. ...Mais le flou permet aussi de mieux voir, ou plutôt de voir autrement ce qui est net. »

Mais la question est, surtout ici, de savoir quels sont ses effets sur le spectateur. Autrement dit, la musique - dont le but poursuivi par le réalisateur est souvent de « décrire » ou d' « exprimer » - a-t-elle réellement des effets sur la compréhension d'une séquence par le spectateur ou sur les émotions qu'elle provoque en lui ?

Les réponses sont incertaines et dépendent de la culture musicale du spectateur. Comme l'écrit Jullier (1995, p.146) : « s'il y a bien un domaine où les spectateurs ne se présentent pas sur un pied d'égalité, c'est bien celui-là. Il n'en va pas de même avec les autres catégories sonores, car l'interprétation des bruits se résume bien souvent à la seule identification (qui met en jeu une majorité de processus indépendants du bagage culturel et de l'humeur du moment), celle des paroles suppose certes la connaissance de la langue, mais à un niveau dont on peut légitimement penser qu'il est atteint ou dépassé par tout spectateur sachant lire. »

Il considère que dès lors que le spectateur maîtrise les codes de la musique, cette dernière peut apporter des aides aux prédictions, des pistes, bonnes ou mauvaises, pour anticiper ce qui va advenir. Il cite, notamment, comme exemple, le trémolo de cordes basses en code mineur qui, dans la culture occidentale, signale le danger, l'angoisse.

Il pense également que l'implication la plus traditionnelle de la musique se situe au niveau des sentiments. Elle est « chargée de mettre le spectateur en condition pour lire la scène selon une voie déterminée et le décourager de lire autrement. Surtout quand les images (...) ont un sens flou : la musique, alors, les asservit à la production d'un sens plus net - fonction de bonding. Par exemple, le spectateur est sommé par le léger butinage de la flûte piccolo, dans Les bourreaux meurent aussi, de se sentir joyeux au spectacle d'Heydrich au bord de la mort » (Jullier, 1995, p.151). Cet exemple est également une parfaite illustration d'une musique à objectif de contraste que nous évoquions plus haut.

Jullier va plus loin encore en se demandant si l'absence ou la présence de la musique a davantage d'importance que son contenu. Ce que Michel Chion et d'autres auteurs semblent conclure, notamment Olivier Philippe (1999) après son analyse des films policiers français (de 1965 à 1992). Les moments d'apparition et ceux de disparition de la musique sont, en effet, générateurs d'émotions et de sens. Comme l'écrit Brion (2000, p.534), au sujet du film d'Alfred Hitchcock The Birds (Les oiseaux, 1963) : « L'absence de musique et l'utilisation de sons électroniques pour accompagner l'action ont également contribué à donner au film un ton inhabituel, ambigu et très inquiétant ».

L'énumération des codes de correspondance entre figures musicales et émotions semble donc illusoire et trop sujet à caution. « Plus souvent que d'asservir une scène à un sens, il est question pour la musique simplement d'être là, afin que le spectateur se laisse aller (résurgence de l'idée pythagorienne de catharsis permise par une musique destinée à purifier l'âme). C'est l'approche psychanalytique, alors, qui peut être utile à l'analyste : on s'attache ainsi à décrire le côté « pour moi » (forme-ness) de la musique du film classique, la comparant à la voix d'un hypnotiseur attaché à faire régresser l'ego du spectateur » (Jullier, 1995, p.151)

Toutefois, ce serait une erreur de nier l'existence de ressources musicales évocatrices d'images sous prétexte que la sensibilité des spectateurs varie selon les époques, les cultures, les modes, les pays, etc. Selon Mario Litwin, il existe, en effet, un « héritage culturel permettant la pérennité de certains registres353(*) à travers les époques et les coutumes. C'est cet héritage culturel qui provoque une relative association354(*), certes au premier degré, de quelques timbres avec des registres émotionnels. » (Litwin, 1992, p.39). Ne pas nier l'existence de codes de correspondance ne signifie pas non plus en conclure en leur véracité absolue et en la nécessité de les respecter.

Quelques exemples fréquents d'utilisation des timbres instrumentaux pour l'évocation d'images et de registres émotionnels.

[D'après Mario Litwin (1992, p.39-47)]

- Violon Solo : intimité, nostalgie, noblesse, prestige

- Flûte Solo : joyeux dans les passages rapides

- Clarinette : mystérieux dans les graves

- Cor : évocation de grands espaces

- Orgue en mode majeur : liturgie, cérémonie

- Orgue en mode mineur : deuil, registre funèbre

- Harmonica en mode majeur : atmosphère Western

- Harmonica en mode mineur : nostalgie, intimité

- Harpe : évocation des climats aquatiques calmes

- etc.

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La musique influence incontestablement le spectateur comme elle influence le téléspectateur. Deux français sur trois ont reconnu que la publicité à la télévision les touchait plus quand la musique était bonne355(*). En matière de mixage, les normes pratiquées par les différentes chaînes de télévision, font l'objet de véritable charte. Ainsi, par exemple, sur la chaîne cryptée Canal+, le mixage se fait « à l'américaine » avec un même niveau sonore pour la musique et les voix, tandis que TF1 préfère un mixage qui accentue les voix et met la musique en retrait356(*). Une étude sur les téléspectateurs qui regardent la série américaine 24 diffusée sur TF1 et sur Canal+ permettrait de comparer les effets et les significations générées par ces deux types de mixage. La version sur TF1 qui permet sans doute un meilleur suivi du des dialogues convient-elle plus au public français attaché au texte que celle sur Canal+ qui mise davantage sur les émotions ? Et in fine, le sens global de 24 en est-il modifié ?

Chapitre 7 : Les genres cinématographiques 

A partir de sa distinction des trois sortes de codes filmiques (les codes non spécifiques, les codes cinématographiques généraux, les codes cinématographiques particuliers), Christian Metz définit le genre cinématographique comme un texte singulier caractérisé par le retour régulier de messages et de codes. Dans cette optique, pour qu'un film appartienne à un genre cinématographique, il doit obligatoirement utiliser des codes cinématographiques particuliers (de la troisième catégorie de codes).

En matière de conventions communes, les genres cinématographiques sont intéressants à étudier. La notion de genre est, en effet, « au coeur même du classicisme hollywoodien, du mode de production des films, mais aussi de leur mode de consommation (massif ou cinéphilique), des tentatives d'imiter ou de reproduire le modèle hollywoodien » (Bourget, 2002, p.9).

Toutefois, comme l'écrivent Bordwell et Thompson (2000, p. 75) : « Un genre est plus facile à reconnaître qu'à définir ».

I- De la difficulté de définir un genre cinématographique

Il est difficile de définir ce qu'est un genre cinématographique.

Dans une première approche, celle adoptée par Metz, il est possible de dire qu'il s'agit d'un groupe de films présentant un ou plusieurs caractères communs.

En plus du choix de ces critères et de leur éventuelle combinaison, l'hypothèque vient de l'évolution possible des critères avec le temps.

Aussi, Liandrat-Guigues et Leutrat (2001, p.117) considèrent-t-ils qu'il « est impossible de donner du genre cinématographique une définition typiquement aristotélicienne et rigoureusement intemporelle. Un genre est ce que, collectivement, on croit qu'il est à un moment donné. » C'est pourquoi, le genre cinématographique semble « à la fois une notion familière à tout spectateur désireux de choisir un film dans un programme, de présenter en quelques mots un film à un ami, d'identifier et distinguer des groupes de films qui présentent des caractères communs, et une notion centrale dans la production cinématographique et dans l'histoire du cinéma » (Moine, 2002, p.5).

A- Les différentes classifications des genres cinématographiques

Adrian Piotrovsky, proposa en 1927 l'une des toutes premières classifications des genres cinématographiques après qu'il eut défini ce qu'il entendait par ciné-genre356(*) : « on appellera « ciné-genre un ensemble de procédés touchant à la composition, au style et au sujet, liés à un matériau sémantique et à une visée émotionnelle spécifiques, mais entrant entièrement dans un système « générique » précis de l'art, celui du cinéma ».

En bon formaliste russe, Piotrovsky considérait donc que pour établir les ciné-genres, il convenait de classer les films selon les procédés et les lois techniques utilisés en matière de photogénie et de montage. Prenant pour base d'étude, vingt ans de l'histoire du cinéma, il distingua alors les ciné-drames, les ciné-romans (également appelés ciné-récits ou ciné-nouvelles), le comique, le lyrique. Il prévoyait également l'apparition de nouveaux genres ce que révèlent, en effet, les différentes classifications génériques récentes.

Dans leur dictionnaire des films, Bernard Rapp et Jean-Claude Lamy donnent pour chaque film, en plus de son titre, des réalisateurs et interprètes, etc. son appartenance à un genre : « Chaque film est défini par un des genres majeurs (comédie, drame, documentaire, film d'aventures, film policier, film de guerre, dessin animé, chronique, etc.) conventionnellement reconnus par l'exploitation commerciale, auxquels de nombreuses épithètes sont adjointes afin d'en préciser la nature. Exemple : drame romantique, western parodique, film d'aventure historiques, etc .» (Rapp et Lamy, 1999, p.10)

D'autres classifications destinées aux spectateurs existent. Moine (2002, p.14-15) reprend celles de L'Officiel des Spectacles et de Pariscope qui proposent tous les deux un classement des films par genres. Elle fait remarquer qu' « en dépit d'un usage identique du genre dans les deux guides et d'un lectorat comparable, les systèmes de classification ne sont pas les mêmes. Pour l'Officiel des Spectacles, les films se distribuent en 15 genres : Aventure/Biographie/Comédie/Drame/Epouvante et Horreur/Fantastique et Science-Fiction/Guerre/Historique/ Dessin animé et Vie des animaux/ Karaté/Film musical/Comédie dramatique/ Policier et espionnage/Erotisme/Western/Divers.

Pariscope propose, pour sa part, 22 catégories génériques : Film d'animation/ Aventure/Comédie dramatique/Comédie/Court-métrage/ Dessin animé/Documentaire/Drame psychologique/ Drame/Erotique/Fantastique/ Film de danse/ Film musical/ Film noir/Film politique/Guerre/ Horreur/Karaté/Policier/Science-Fiction/Thriller/Western. »

L'une des présentations des genres les plus riches est celle proposée par Bernard Tavernier et Jean-Pierre Coursodon357(*). Ils n'établissent pas un véritable tableau des genres mais présentent un grand nombre de genres et sous-genres tels que le western, la comédie, la screwball comedy358(*), le drame, le mélodrame, le mélo féminin, la biographie, l'adaptation de romans classiques, le musical, la comédie musicale de coulisses, le film de gangsters ou film criminel, le drame policier, le policier semi-documentaire, les films de détection, le film de bagne ou de prison, la comédie policière, l'aventure historique, l'aventure exotique, le film de jungle, le suspense, le film d'espionnage, le film d'horreur, les films familiaux, les films d'actions, les films en costumes et à grand spectacle, le « film de sarong », le film noir, les films de prestige, drames psychologiques à thèse, films de cape et d'épée...(Liandrat-Guigues et Leutrat, 2001, p.114-115).

La trentaine de dénominations de genres et sous-genres - bien qu'il soit parfois difficile de distinguer les uns et les autres - que ces deux auteurs présentent repose implicitement sur des critères narratifs. Par ailleurs, il faut être conscient que leur liste n'est ni exhaustive, ni figée, ni définitivement close. Pour relativiser sa portée, sans remettre en cause son intérêt, il suffit de citer d'autres appellations, omises par Tavernier et Coursodon telles que : les films de guerre, les films fantastiques359(*), la science-fiction, l'épouvante, le burlesque ou slapstick, les films d'animation, les dessins animés, les films d'espionnage, les films d'aventures, les péplums, les contes fantastiques, les comédies parodiques, les films historiques, les fresques, les comédies fantastiques, les comédies dramatiques, le cinéma gore360(*) (Rouyer, 1997), etc. éventuellement identifiés par leur origine nationale ou plurinationale : américains, français, britanniques, franco-italiens, chinois, indiens, japonais, etc. 361(*)

Les films indiens362(*), par exemple, ont leurs propres codes ou, comme l'écrit Metz, se caractérisent « par le retour régulier de messages et de codes ». Le film estampillé Bollywood  est un spectacle populaire, d'une durée de trois heures en moyenne et comprend au moins six séquences chantées et dansées. Le cinéma indien, le seul à ne pas craindre la concurrence américaine, est un cinéma de conventions, et cela à tous les niveaux : le récit, les personnages, la prise de vues, les gestes, etc. « Destiné à dépasser les barrières linguistiques, le scénario bollywoodien est d'une confondante simplicité, d'un manichéisme parfait (...) Les méchants sont de vrais monstres, les bons adorent leur mère, figure archétypal du cinéma indien, mais savent se montrer impitoyables pour exercer une vengeance (...) L'héroïne est chaste et pure (...) ». En matière de filmage, « Les angles de prises de vues sont codifiées à l'extrême (...) ». Le code moral est impitoyable : « ce carcan victorien donne une puissance stupéfiante aux fantasmes et suggestions érotiques (...) L'érotisme religieux, la codification des attitudes et des gestuelles, la présence du sacré dans le plus léger des films, font du cinéma populaire indien une expression esthétique ancrée dans la tradition de l'art indou, du théâtre sanscrit, des miniatures mogholes». Quelle que soit l'histoire et son genre thématique, qu'il s'agisse d'un mélodrame familial, un « western-curry », une épopée mythologico-historique, un thriller urbain violent, les réalisateurs mettent généralement en scène les représentants des diverses communautés ; « il est rare qu'un musulman, un sikh, un intouchable soit absent d'un film de Bollywood »363(*), comme pour maintenir la cohésion d'une nation menacée d'éclatement.

La conclusion qu'il faut tirer de tout ce qui précède est que les taxinomies filmiques proposées par les guides des spectacles, les livres de cinéma - dont celui de la BIFI364(*)- et les dictionnaires encyclopédiques sont différentes autant par leur mode de catégorisation, les catégories génériques identifiées, leur nombre, leur appellation, leur contenu, etc.

Mais, plutôt que de le regretter et de s'en inquiéter, certains auteurs dont Raphaëlle Moine semble s'en contenter, voire s'en féliciter : « Il ne saurait y avoir de typologie universelle des genres, construite sur des distinctions reconnues de tous, organisée en catégories stables et découpant de façon définitive le paysage cinématographique en groupes de films. » (Moine, 2002, p.20)

Cette attitude montre l'ouverture d'esprit de certains auteurs mais ne doit pas faire oublier que les genres sont, malgré tout, porteurs de signes. Ils partent, en effet, du principe typologique qu'il existe des caractéristiques communes entre les films qui les composent, ce que certains n'hésitent pas à nommer des codes spécifiques des genres. « On a parlé de codes spécifiques à cause de cette apparente stabilité » (Liandrat-Guigues et Leutrat, p.118-119).

B- Les niveaux de différenciation des genres

Pour élaborer des catégories génériques, Moine (2002) reprend les cinq niveaux de différenciation de Jean-Marie Schaeffer365(*), un théoricien de la littérature.

« Trois de ces niveaux (le niveau de l'énonciation, le niveau de la destination, le niveau de la fonction) découlent du fait qu'une oeuvre n'est pas seulement un texte, mais qu'elle réalise un acte de communication » (Moine, 2002, p.21) : « un message émis par une personne donnée dans des circonstances et avec un but spécifiques, reçu par une autre personne dans des circonstances et avec un but non moins spécifiques ». Concrètement, le niveau de l'énonciation correspond à la question « Qui parle ? », celui de la destination à la question « A qui ? » et celui de la fonction à la question « Avec quel effet ? ».

Les deux autres niveaux - le niveau sémantique et le niveau syntaxique - concernent le message réalisé, c'est-à-dire le texte, ici le film.

Pour poursuivre l'analogie avec le fameux schéma de Laswell366(*), le niveau sémantique correspond à la question « Qu'est-ce qui est dit ? » et le niveau syntaxique à la question « Comment c'est dit ? ».

Nous reviendrons dans le cadre de la production et de la réalisation de films sur la question « Qui parle ? ». En revanche, nous n'insisterons pas, à ce stade de l'étude, sur la question de la cible visée (à Qui ?). Toutefois, pour ne pas donner ici le sentiment que ces deux niveaux sont sans importance, songeons un instant, pour le niveau de l'énonciation, à l'exemple des films produits et réalisés par Walt Disney qui pourraient constituer un sous-genre ; pour le niveau de la destination qui n'est pas non plus anodin, pensons, par exemple, aux films interdits au moins de 18 ans.

La prise en compte du niveau de la fonction (avec quel effet ?) peut permettre une classification générique. Ainsi, certains films ont « une fonction illocutoire, c'est-à-dire qu'ils disent le but communicationnel que les films et leurs auteurs veulent remplir : ainsi, un documentaire s'emploie souvent à décrire aux spectateurs comment sont les choses. D'autres genres ont une fonction perlocutoire, c'est-à-dire qu'ils visent à changer le comportement des spectateurs, à provoquer chez eux un effet : ainsi une comédie suscite le rire, un film érotique ou pornographique suscite l'excitation sexuelle, un film d'horreur le sentiment de peur ou d'épouvante. » (Moine, 2002, p. 22)

De nombreux genres cinématographiques se distinguent également par des éléments sémantiques tels que leurs thèmes et leur sujet. Un genre comme le western se caractérise, par exemple, par les espaces (sierras, déserts, canyons...), les lieux (saloons, banques...), les personnages (cowboys, chevaux, indiens, pionniers, chanteuses et danseuses de saloon, shérif ou marshal, soldats yankees et confédérés...), les objets (chariots, diligences, colts, winchester ..), les situations (affrontements entre le héros et un méchant, traversées de fleuve, attaques de chariots par les indiens, attaques de la diligence par des hors-la-loi, duels à l'arme à feu, charge de la cavalerie, etc...)367(*)

Le niveau syntaxique est celui de tous les éléments formels. Selon Moine, «la technique de fabrication des films est un des critères qui opèrent à ce niveau et qui justifient la catégorie générique « dessin animé ». On peut aussi considérer que l'alternance de scènes dialoguées (« réalistes ») et de scènes chantées ou dansées est un élément formel qui distingue la comédie musicale. On peut à la rigueur élargir le niveau syntaxique aux traits narratologiques qui caractérisent partiellement certains genres, comme le flash-back qui est une forme privilégiée du récit dans le film noir et le mélodrame ou la focalisation spectatorielle qui est souvent le moteur des comédies ou des genres du suspense tels le thriller. » (Moine, 2002, p.23)

C- Le modèle sémantico-syntaxique

Les travaux de Rick Altman sur la comédie musicale hollywoodienne368(*) sont à l'origine d'un modèle théorique des genres, modèle que d'aucuns considèrent comme dominant à l'heure actuelle.

Plutôt que d'opposer les éléments sémantiques du genre (traits, attitudes, personnages, décors, éléments techniques cinématographiques, etc.) et ses éléments syntaxiques (qui organisent de façon spécifique les relations entre les éléments du film), Altman propose de les combiner pour donner une définition sémantico-syntaxique du genre. Le but est de définir le genre à la fois par des personnages, des lieux, des modes de filmage de ces personnages et de ces lieux, et par une organisation de ces éléments. Autrement dit, les éléments sémantiques sont le contenu du film et les éléments syntaxiques constituent la structure narrative dans laquelle il s'insère369(*).

L'intérêt de l'approche d'Altman est qu'elle combine deux ensembles d'éléments qui, généralement, sont pris en compté séparément. Or, comme l'écrit Altman370(*) lui-même : «Un groupe de films ayant une syntaxe commune mais ne partageant pas d'éléments sémantiques (et réciproquement) ne sera pas reconnu comme constituant un genre. Un genre, donc, au sens fort auquel je me tiendrai, n'est ni une construction théorique non attestée historiquement, ni un type historique inacceptable d'un point de vue théorique. Un genre n'existe pleinement qu'à partir de l'instant où l'on met en place une méthode pour organiser sa sémantique en une syntaxe stable. »

Moine (2002, p.59) y voit un autre avantage non négligeable pour notre réflexion : «  cette théorie - révisée par son auteur en 1999371(*) - est susceptible d'intégrer des analyses de réception des genres, de se compléter d'une dimension pragmatique, et elle devient alors une approche « sémantico-syntaxico-pragmatique » du genre. Elle ne s'intéresse plus seulement aux jeux des traits sémantiques et syntaxiques dans les films, mais elle rend compte de la variété des usages et des lectures du genre (par les spectateurs, les producteurs, les critiques, etc..)». Cette évolution conduit à la distinction entre la reconnaissance théorique d'un genre, à partir de caractéristiques sémantiques et syntaxiques, et la reconnaissance sociale du genre par une communauté d'individus, professionnels du cinéma ou simples spectateurs.

II- L'utilité des genres et de leur analyse

L'intérêt d'une classification des films par genre dépasse largement l'aspect purement descriptif. Elle est utile aussi bien aux cinéastes qu'aux spectateurs.

Aux premiers qui, dès lors qu'ils ont choisi le genre du film qu'ils voulaient faire, ont des règles, des formules à employer. Il existe, en effet, « des conventions (règles, formules) répétées dans les films d'un même genre ; ces conventions s'insèrent dans un processus de communication qui excède les films, leurs éléments thématiques ou leurs procédés formels » (Moine, 2002, p.32).

Aux spectateurs qui, lors de leur sélection d'un film parmi d'autres dans un programme, s'aideront du critère de genre et se prépareront à visionner un film ayant certaines caractéristiques. Comme l'écrit Casetti (1999, p. 298) : « le genre est cet ensemble de règles partagées qui permettent à l'un - celui qui fait le film - d'utiliser des formules de communication établies et à l'autre - celui qui le regarde - d'organiser son propre système d'attentes ».

Il existe en fait deux positions divergentes face à ces règles, comme il en existe face à tous les autres codes filmiques, le respect strict et la liberté créatrice.

La première attitude fut celle des formalistes soviétiques, de 1915 à 1930, qui conduisit à enfermer un genre, un ciné-genre372(*), dans un carcan formel. Un phénomène qui peut, paradoxalement, pousser à la révolte les cinéastes qui ne l'acceptent pas, qui créent alors un nouveau genre, avec de nouvelles règles formelles, jusqu'à ce qu'une nouvelle révolution fasse tourner la roue de la créativité.

La deuxième attitude consiste à admettre l'existence de règles dans chaque genre sans qu'il y ait l'obligation de les respecter. Bien que cette attitude plus libérale soit actuellement dominante, il n'en demeure pas moins vrai que des caractéristiques communes se retrouvent dans les films d'un même genre, faute de quoi l'existence du genre serait contestable.

En conséquence, plutôt que de partir des règles formelles pré-définies du genre et de vérifier a posteriori si le film considéré respecte ou ne respecte pas ces règles pour pouvoir en conclure en son appartenance ou à sa non-appartenance au genre, il a semblé plus judicieux à certains auteurs de chercher dans les films d'un même groupe, d'un genre pré-supposé, les caractéristiques, les structures communes. Ils procèdent « - du moins officiellement - non plus par déduction théorique, mais par analyse systématique. Un grand nombre d'analyses de genre, pour échapper aux longues listes éclatées et hétérogènes d'éléments thématiques ou formels, choisissent de repérer dans les films des types d'intrigues, des situations narratives qui organiseraient le genre » (Moine, 2002, p.46 ». Moine cite notamment Noël Carroll qui distingue dans le film d'horreur et d'épouvante deux principaux types d'intrigues qui narrativisent de façon différente une méfiance par rapport à la science : - l'intrigue de « découverte » (Discovery plot) qui développe sa trame sur l'incompétence et l'inefficacité de la science, de ses représentants institutionnels, de la pensée rationnelle ; - et l'intrigue de « démesure » (Overreacher plot) sur les dangers d'une activité scientifique exercée sans limite.

Après recherche et lecture de différentes études de genre, l'analyse qui nous a semblé être la plus intéressante, parce qu'elle ne se borne pas à analyser les scénarios - comme le font la plupart des autres373(*) -, qu'elle s'intéresse aux images, qu'elle chronomètre rigoureusement les scènes des films, et qu'elle utilise une analyse factorielle pour traiter tout le matériau filmique est l'étude réalisée par Olivier Philippe sur les films policiers français de 1965 à 1992 (voir annexe IV). Philippe met en évidence, en plus de la structuration en plusieurs étapes, des éléments caractéristiques du genre policier, en France, au cours de la seconde partie du XXème siècle : les personnages principaux et secondaires, les lieux de l'action, l'éclairage (intérieur vs extérieur, jour vs nuit), la musique (absence ou présence), etc. Cette étude montre bien que ces caractéristiques ne sont pas des règles formelles fixées définitivement. Un film peut appartenir au genre policer sans les respecter. De plus, ces règles peuvent être utilisées dans d'autres genres cinématographiques que le genre policier.

En conséquence, le genre cinématographique évolue - naît, se développe puis décline voire disparaît au profit de nouveaux genres. Ses caractéristiques évoluent également et ne sont pas son exclusivité. Les spectateurs contribuent par le nombre d'entrées dans les salles, à sa révélation, à son développement artistique et économique mais aussi à l'évolution de ses caractéristiques. Par exemple, par rapport à la liste des traits pertinents et des particularités iconographiques dans le film noir qui désignent les homosexuels, liste dressée par Richard Dyer (1993, p.200-219), nous ne pouvons que nous féliciter que les codes notamment vestimentaire et gestuelle aient évolué (voir annexe IV). Depuis quelques années, y compris dans les films noirs, la caractérisation homosexuelle est moins grossière et caricaturale, notamment en raison de l'évolution des moeurs, des lois et des normes sociales. Ce qui tend à montrer, une fois encore, qu'un code est sujet à évolution et que les spectateurs eux-mêmes, individuellement ou collectivement par le biais des groupes de pression, sont fréquemment à l'origine de changements.

III- La reconnaissance sociale d'un genre

La reconnaissance sociale est pour beaucoup dans l'utilité des genres, utilité culturelle et/ou économique. Moine (2002, p.60) considère même que le genre n'existe que s'il est « reconnu par une communauté. (...), c'est-à-dire lorsque se met en place une formule filmique, à laquelle les films se rattachent par des niveaux de généricité différents, et identifiable par un public. ».

Un point de vue également partagé par de nombreux auteurs dont Liandrat-Guigues et Leutrat (2001, p117-118) qui cependant semblent s'attacher davantage aux spectateurs qu'aux cinéastes : « Un genre est ce que, collectivement, on croit qu'il est à un moment donné. (...) Le genre suppose l'existence de conventions acceptées comme telles par le spectateur, c'est-à-dire qu'il fonctionne comme horizon d'attente. » Cette notion d'horizon d'attente est reprise par Journot (2004, p.61) : « le genre se définit par ses invariants, qui constituent un horizon d'attente pour le spectateur, et par sa propension à la citation, à l'allusion, à tous les effets intertextuels par lesquels le film met son spectateur en position de reconnaître les films antérieurs ».

Toutefois, la logique du marché semble contestée, voire inversée, par Jean-Loup Bourget (2002, p.9) lorsqu'il se demande «  si le genre est une catégorie formelle, c'est-à-dire regroupant les films qui obéissent (sans qu'on sache nécessairement si la chose est délibérée ou inconsciente) à un ensemble de règles narratives, dramatiques, stylistiques ... mettant en images un certain type de récit, mettant en scène certains types de personnages - ou s'il s'agit d'une catégorie commerciale, délibérément façonnée par les producteurs pour répondre aux goûts (du moins aux goûts supposés) du public. »

Il n'en reste pas moins vrai que les cinéastes et les spectateurs sont les premiers intéressés par la stabilité du genre374(*).

Les objectifs de minimisation des risques, de maximisation de la probabilité de succès sont, en effet, souvent cités puisque pour certains auteurs la codification du genre est « une codification a posteriori (...) façonnée de manière pour ainsi dire pragmatique, par une série de tentatives et par leur succès ou non auprès du public » (Bourget, 2002, p.10).

Le succès conduit, en effet, les producteurs à standardiser, à respecter des codes et, notamment la formule sémantico-syntaxique qui a « marché ». Comme dans toutes les industries, y compris le cinéma : « la standardisation est un processus dual motivé à la fois par les nécessités de la production de masse et par la recherche d'une norme d'excellence. La standardisation des pratiques stylistiques du modèle classique hollywoodien rendait la production plus rapide, plus productive et donc plus profitable » (Creton, 2001, p.42)

Le processus de fabrication et de consommation d'un produit-film étant très semblable à celui d'un bien non culturel : « L'établissement et la reconduction de cette formule sémantico-syntaxique suppose donc que ceux qui font un « film de genre » (producteurs, cinéastes, scénaristes, etc.) puissent le concevoir comme relevant de ce genre et que les spectateurs puissent le recevoir comme tel. Il faut donc qu'un public reconnaisse le genre dans le film, l'identifie, et se retrouve dans la formule sémantico-syntaxique proposée pour assurer son succès et sa pérennité. » (Moine, 2002, p.60). Ainsi, dans le cinéma gore, l'innovation majeure en matière de cadrage est le recours systématique au gros plan sur des plaies béantes et les mutilations.

Dans cet esprit, certains cinéastes considèrent que le genre est une sorte de charte de création dans lequel ils doivent s'inscrire avant de réaliser un film.

Ainsi, Wong Kar Wai (in Tirard, p.163) déclare que : « La seule chose que je détermine de façon décisive dès la conception du film, c'est le genre dans lequel il s'inscrit. En tant que spectateur, et plus particulièrement quand j'étais enfant, j'ai toujours été fasciné par le cinéma de genre : les westerns, les péplums, les films de guerre ou d'action, les films d'horreur...Et chaque fois que je me lance dans un nouveau projet, j'essaye de le faire rentrer dans un genre bien précis, avec tous les codes que cela implique ». Prenant pour exemple son film In the mood for love (2000), il explicite son processus de création : « je savais que je voulais traiter d'une liaison impossible entre deux personnes, mais je ne voulais pas aller vers l'histoire d'amour classique ou le mélo, car je savais que cela pourrait facilement devenir ennuyeux. Alors j'ai décidé d'approcher ce film comme un thriller, un film à suspense. Pour moi, le film démarre sur deux personnes qui ont été victimes d'un crime, et qui se lancent dans une enquête pour comprendre comment et pourquoi les choses sont arrivées. Le film est structuré comme ça, avec des scènes très courtes et une volonté de maintenir une sorte de mystère et de tension. »

Pour le spectateur, la connaissance des conventions lui permet d'entrer plus facilement dans le film. Les conventions sont comme des repères qui permettent au film de genre de communiquer des informations rapidement et avec une certaine économie de moyens.

La question qui se pose souvent est alors de savoir pourquoi les spectateurs vont voir des films du même genre, aux mêmes conventions, sans être apparemment lassés. Bordwell et Tompson (2000, p.80) expliquent ce paradoxe comme de nombreux spécialistes de cinéma par le fait que : « les genres sont des drames réglés comme des rites (au sens anthropologique du terme), comparables aux célébrations des jours fériés - des cérémonies qui nous satisfont parce qu'elles perpétuent des valeurs culturelles avec un minimum de variations. Tout comme l'on peut considérer que ces cérémonies permettent à leurs participants d'oublier les aspects les plus désagréables de leur vie, les intrigues et les personnages familiers des genres peuvent servir à distraire le public des vrais problèmes de la société ».

Toutefois, un film peut modifier ou transgresser les conventions et les codes associés à son genre. Dans 2001 : l'Odyssée de l'espace (1968) Stanley Kubrick viole plusieurs conventions des films de science-fiction, et cela dès le début du film en l'amorçant par une longue séquence située dans des temps préhistoriques, donc très éloignée du XXIème siècle, et en associant une musique classique aux vols de vaisseaux spatiaux. C'est que le spectateur, comme tout consommateur de biens culturels ou non, attend d'un film de genre qu'il leur soit familier tout en proposant des nouveautés, parfois inattendues et basées sur le mélange de genres375(*). « Le réalisateur peut concevoir un film légèrement ou radicalement différent, il restera fondé sur une tradition. Le jeu réciproque de la convention et de l'innovation, du familier et du nouveau, est la principale caractéristique d'un film de genre » Bordwell et Thompson, 2000, p.79).

La production de films de genre nécessite donc à la fois la répétition de traits caractéristiques et une variation, un positionnement par rapport aux autres films du même genre. Autrement dit, elle s'inscrit dans la dialectique standardisation-différenciation de Laurent Creton : « standardisation et différenciation sont simultanément nécessaires à la production comme à la réception de l'oeuvre cinématographique » (Creton, 2001, pp.40-49).

IV- L'information donnée aux spectateurs : les indicateurs de genre

Nous venons de voir que les genres sont des catégories que les spectateurs et les cinéastes connaissent et acceptent volontiers. Ils sont fondés sur un accord tacite entre publics et réalisateurs, accord dont les deux parties tirent profit. Pour les réalisateurs et leur producteur, le genre est un garde-fou, une sorte de garantie contre l'échec commercial. Pour les spectateurs, l'existence de genres leur facilite le choix du film à aller voir. Les genres les préparent également à ce qu'ils vont voir et entendre. Ils guident leurs réactions et les conduisent à donner certaines significations au film.

L'appartenance d'un film à un genre génère donc un sens ou, comme l'écrit Moine, le genre a une fonction communicationnelle. « Si rapporter un film à un genre, c'est classer le film, c'est aussi le lire et l'interpréter. La conscience de l'identité générique d'un film permet à son spectateur qui reconnaît « une formule de communication établie » « d'organiser son système d'attente » pour reprendre les termes de Casetti. » (Moine, 2002, p.79)

Pour ce faire, il faut bien entendu que le spectateur ait une connaissance du genre, même partielle, et qu'il soit averti du genre du film avant son visionnage, faute de quoi il ne pourrait pas construire ses attentes et sa lecture du film.

L'avertissement, pour ne pas dire la publicité, du genre est une sorte de promesse de ce que le spectateur va voir, un contrat de lecture qui en cas de non-respect affectera le spectateur. « L'horizon d'attente générique d'un film est déterminé par deux régimes de généricité, un régime auctorial (les producteurs) qui propose et un régime spectatoriel (les spectateurs) qui dispose. Il arrive donc que le régime spectatoriel ne rencontre pas le régime auctoriel. Dans ce cas les attentes génériques, déçues, rendent impossible l'interprétation du film, si elles ne sont pas relayées par un autre système d'interprétation ». (Moine, 2002, p.83)376(*)

Les moyens d'informer le spectateur du genre d'un film sont divers. Ils peuvent être classés en deux catégories : les moyens avant le visionnement et les moyens utilisés avant les premières véritables images de la fiction.

« Le film de genre propose (ou impose) des indicateurs de genre à son spectateur, que celui-ci reçoit et active, en les rapportant à sa mémoire générique. Ces indicateurs balisent aussi, avant même le visionnement, la communication du film : les critiques, les discours de promotion du film vont orienter ainsi, non seulement le choix, mais l'attitude du spectateur. Les bandes-annonces, les affiches du film, les jaquettes des cassettes vidéo jouent le rôle d'indicateur. » (Moine, 2002, p.81).

A cette liste, il est possible d'ajouter le type de salle - certaines salles étant dédiées à un genre particulier : films pornographiques, films d'arts martiaux, etc. -

les horaires des projections - certains distributeurs proposant, à certaines heures, des films destinés à un public particulier, les enfants, par exemple, le mercredi matin ou tôt dans l'après-midi, etc.

Parmi les indicateurs de genre avant les premières véritables images de la fiction, le principal est, sans conteste, le générique de début377(*) mais on pourrait détailler en distinguant les différents paramètres d'un générique de film tels que la musique du générique, le nom du réalisateur, les noms des principaux acteurs, le nom du romancier dont le livre a été adapté,

etc. Un film réalisé par Gérard Oury porte, à tort ou à raison, a priori, l'empreinte du genre comique.

Le générique a un contenu qui lui donne une fonction d'ouverture du film : - les motifs musicaux ou sonores, - les motifs visuels comme indicateurs : « de genre (film noir, western, comédie, etc.) ; de contenu narratif ou dramatique » (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.80-81)378(*).

Ainsi, Mario Litwin (1992, p.104) considère que « la fonction du générique est d'être la page de présentation du film. Sa finalité est de plonger le spectateur dans l'ambiance dès l'extinction des éclairages de la salle afin de l'introduire graduellement dans l'histoire. »

En tant que musicien, il va plus loin encore en estimant que « d'un point de vue musical, le temps du générique est le plus important. Nous trouvons dans le générique une nouvelle opportunité où le compositeur a le droit d'oublier les contraintes dramatiques du récit et se concentrer sur la valeur esthétique de sa partition. C'est souvent la musique du générique qui informe le public du film que l'on va voir. » Et reprenant la pensée de Robert Bresson selon lequel, au cinéma, le parlant avait inventé le silence, thèse largement reprise par Alfred Hitchcock (Eugène, 2000, p.162-163)379(*), Litwin n'exclut pas l'absence de musique dans le générique de début. « L'absence de musique durant le générique est déterminée par un choix spécifique. Ce silence est dramatiquement intense. Il annonce que « ce que l'on va voir est de nature grave » ! » (Litwin, 1992, p.105). Dans le générique, figurent en bonne place le titre du film et le nom du réalisateur. Ce dernier aura un rôle important dans le comportement du spectateur face au choix d'une offre de films abondante, notamment si le réalisateur a son propre style.

V- Le style : son influence sur les spectateurs et son analyse

Les techniques cinématographiques sont tellement nombreuses et variées qu'aucun film ne peut à lui seul toutes les employer. Des choix sont donc réalisés par le réalisateur et son équipe, des choix qui créeront le style du film, voire celui de son réalisateur ou d'un groupe de réalisateurs si, à chaque film, les mêmes décisions sont prises qui le différencient des autres cinéastes.

Le style est un emploi répété et identifiable de certaines techniques cinématographiques, propre à un seul film ou à un ensemble de films du même réalisateur ou d'un groupe de cinéastes partageant les mêmes idées.

Ainsi, parle-t-on du style de Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain (Jeunet, 2001), du style de Jean Renoir, de celui de Robert Bresson, de celui des comédies américaines d'Ernst Lubitsch (Thiéry, 2000), de celui de François Truffaut mais aussi du style de l'école soviétique (1924-1930), de celui du néoréalisme italien (1942-1951), de la nouvelle vague française (1959-1964) ou encore de celui des réalisateurs signataires du Dogme 1995380(*).

Depuis l'origine du cinéma, les styles n'arrêtent pas d'évoluer avec la technologie cinématographique mais aussi avec l'expérience des spectateurs et celle des cinéastes. Le style expressionniste allemand (1919-1926) ou celui des surréalistes (1918-1930) ne bénéficiaient pas des procédés techniques d'aujourd'hui ; certains spectateurs ne le supportent pas et vont jusqu'à refuser de regarder les classiques du cinéma.

Les réalisateurs ayant plus de possibilités techniques sont moins limités d'un point de vue créatif mais d'aucuns tombent alors dans la facilité, ce qui est préjudiciable au processus créatif. Cet effet pervers explique l'apparition de certains mouvements, comme celui du Dogme 95 : « Je me disais qu'en m'imposant des règles, des choses nouvelles allaient sortir de mon travail, et c'est exactement ce qui s'est passé. Parce que le processus artistique est basé sur l'idée de la contrainte » (Lars Von Trier, in Tirard, p.155).

Nous avons vu que l'appartenance d'un film à un genre cinématographique a une influence sur les spectateurs. C'est le cas également lorsqu'un film est qualifié d'un certain style. Comme l'écrivent Bordwell et Thompson (2000, p.432-434)) : « Le spectateur a un rapport au style. Bien que nous en soyons rarement conscients, nous avons tendance à avoir certaines attentes relatives au style du film (...) Comme les autres types d'attentes, les attentes stylistiques découlent à la fois de notre expérience générale du monde et de notre expérience du cinéma et d'autres moyens d'expression. Le style particulier du film peut confirmer nos attentes, les modifier, les tromper ou les remettre en question (...) Si le style n'est pas toujours consciemment remarqué par le spectateur, il n'en contribue pas moins aux effets et à la signification globale du film ». Mais ils notent également que si les spectateurs sont sensibles aux effets du style d'un film, ils le remarquent rarement : « Si nous voulons comprendre comment ces effets sont produits, il faut regarder et écouter plus soigneusement qu'à l'habitude »381(*).

Conclusion de la première partie

L'étude des différents codes filmiques, qu'ils soient non spécifiques ou qu'ils soient cinématographiques généraux ou particuliers, c'est-à-dire génériques ou stylistiques, laisse apparaître un certain nombre de contradictions et de paradoxes dans les discours tenus par les professionnels du cinéma lorsqu'ils évoquent la production et la réception d'un film.

Les professionnels et les théoriciens du cinéma sont loin d'être d'accord, entre eux, sur l'existence de codes, sur l'obligation de les respecter, sur les signes eux-mêmes et sur les significations qu'ils produisent. L'absence de consensus est d'autant plus criante lorsque ces professionnels appartiennent à des corps de métier différents ce qui peut entraîner des conflits au sein même d'une même équipe de tournage, un film étant une oeuvre collective.

Ces avis divergents entre professionnels du cinéma auraient pu laisser croire en une certaine tolérance. En fait, il n'en est rien, les professionnels et théoriciens du cinéma sont, pour la plupart, assez péremptoires, qu'ils soient conventionnels ou favorables à la transgression des règles.

Il est également surprenant que l'importance d'un élément filmique par rapport à un autre diffère considérablement d'un professionnel à un autre. Certains ne voient que par la structure narrative du récit, d'autres par le montage, d'autres par la bande image, d'autres enfin, certes plus rares, par la bande son, etc. alors qu'un film est avant tout une combinaison d'éléments. Il en résulte une multitude d'attitudes possibles, selon que le professionnel respectera ou non les conventions établies pour chaque élément constitutif du film et plus encore pour chaque plan du film. Ainsi, un réalisateur peut respecter les conventions montagistes ou celles relatives à la prise de vues sauf pour quelques plans particuliers qu'il souhaite mettre en valeur en s'opposant au classicisme. En conséquence, en tant que combinaison d'éléments variés, pour un grand nombre de plans, pour lesquels le choix existe entre le respect ou la transgression des règles, un film est une production complexe difficile à maîtriser. Les professionnels du cinéma l'admettent volontiers en évoquant les compétences et le talent nécessaires à l'exercice de leur métier.

Paradoxalement, au travers l'analyse de leurs écrits et/ou discours, ils semblent convaincus que les spectateurs connaissent et comprennent leur système de signes, aussi bien lorsqu'ils respectent les conventions que lorsqu'ils les transgressent. Ainsi, par exemple, l'un d'eux utilisera de façon conventionnelle les fondus comme si les spectateurs savaient que ces liaisons sont des signes ponctuatifs. Un autre réalisateur tout aussi convaincu que le spectateur sait qu'un fondu enchaîné suggère une continuité malgré une ellipse spatio-temporelle lui préférera un jump cut pour se démarquer de ses confrères. Un autre, encore, mettra l'accent sur un élément, par exemple, la musique pensant que le spectateur comprendra l'importance du message musical dans la signification du plan

Les professionnels du cinéma travaillent, pour bon nombre d'entre eux, comme si leur public était composé de récepteurs idéaux (Brassart, 2004), d'analystes (Vanoye et Goliot-Lété, 2001), de critiques de cinéma. Or, les spectateurs, contrairement aux analystes, visionnent un film pour le plaisir, se laissent aller sans visée particulière, sans objectif d'analyse et de production intellectuelle. De plus, les spectateurs n'ont pas tous le même niveau de connaissances cinématographiques et certains d'entre eux sont loin d'imaginer l'existence de conventions et de règles.

Autrement dit, en ne retenant que les hypothèses extrêmes donc forcément simplificatrices, car sans nuances, selon que les codes sont respectés ou non par le cinéaste et selon qu'ils sont connus ou non par le spectateur, il apparaît quatre cas d'école, quatre situations dont un sens du film en sortira construit.

Le cinéaste 

(ensemble composé par le réalisateur et son équipe)

Le spectateur

1- Respecte les conventions, règles et codes cinématographiques

A- Connaît les conventions, règles et codes cinématographiques

2- Transgresse les conventions, règles et codes cinématographiques

B- Ne connaît pas les conventions, règles et codes cinématographiques

A la situation idéale, « Le cinéaste respecte et le spectateur connaît », dont nous avons signalé la rareté, vient s'ajouter la situation également exceptionnelle dans laquelle « le cinéaste transgresse les règles et le spectateur les connaît », ce qui peut générer un certain déplaisir chez le spectateur en attente d'un film plus classique, ou d'un film respectueux des codes du genre cinématographique auquel il est censé appartenir.

Les situations les plus fréquentes se caractérisent donc par une méconnaissance des conventions, des règles, des codes de la part des spectateurs. En conséquence, toujours en raisonnant à l'extrême, que le cinéaste respecte ou non des conventions, le spectateur ne s'en rend pas compte.

Or, quelle que soit l'hypothèse, le spectateur prend du plaisir (vs déplaisir), se laisse prendre par le film (ou pas).

Cela signifie que la culture cinématographique, la connaissance des règles classiques n'est pas nécessaire pour comprendre un film, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne puisse pas influencer le sens. En réalité, le niveau de la culture cinématographique du spectateur influe sur le sens à l'instar d'autres éléments, filmiques ou non, tels que sa culture (autre que cinématographique), son expérience de la vie, sa personnalité, sa position sociale, son sexe, son âge, ses valeurs et les normes qu'il partage, etc. De la rencontre entre le spectateur et le film, du dialogue qui s'instaure entre lui et la combinaison des éléments filmiques qu'il perçoit se construit un sens, un sens propre à chacun des spectateurs. Le sens d'un film vient donc de la rencontre d'une combinaison d'une grande variété d'éléments filmiques et d'un spectateur dont les nombreuses caractéristiques particulières font de lui un être unique.

L'analogie aux probabilités conditionnelles (un élément A d'un plan 1 prend la modalité a et est visionné par un spectateur X qui a un niveau de connaissance cinématographique i, une personnalité z, etc.) laisse imaginer le nombre de possibilités de rencontre, de dialogue entre le film et un spectateur.

La rencontre est donc forcément spécifique. En déformant la fameuse formule de Christian Metz, nous dirons que le film et le spectateur sont polysémiques.

L'objet de l'expérimentation que nous allons présenter dans la deuxième partie de ce travail est de mieux connaître et comprendre les mécanismes de ce dialogue entre le film et le spectateur qui conduisent à une construction spécifique de sens.

Deuxième partie : L'étude qualitative des mécanismes de construction de sens

L'étude de la littérature sur le cinéma fait apparaître des différences notables entre les auteurs, d'hier et d'aujourd'hui, théoriciens ou non. Le rôle du spectateur dans la construction du sens n'est pas reconnue par tous à sa juste valeur, et pas seulement par les plus anciens, les plus montagistes (Eisenstein) ou par ceux qui croient au pouvoir quasi-hypnotique du cinéma, ou qui défendent le respect des codes filmiques, de la grammaire cinématographique mais aussi, au moins implicitement, par bon nombre de spécialistes de l'analyse filmique. Comment pourrait-il en être autrement alors que dans la plupart des analyses filmiques, comme le regrette Alain Brassart (2004, p.20-21), la question de la réception n'est pas prise en compte : « le spectateur est généralement appréhendé comme un récepteur idéal ».382(*)

Encore à l'heure actuelle, en dépit des apports de la pragmatique et du constructivisme, deux conceptions s'opposent. En simplifiant à l'extrême, la première considère que la construction du sens n'appartient concrètement qu'au cinéaste, que les spectateurs connaissent les codes filmiques et les interprètent correctement, que le sens que voulait générer le réalisateur est celui compris par le spectateur. La deuxième part du constat est qu'il n'est pas nécessaire que le spectateur connaisse la syntaxe cinématographique pour comprendre un film (Metz).

En dépit des difficultés méthodologiques relevées par Brassart383(*) (2004), l'approche communicationnelle qui est la nôtre nous a conduit à adopter une approche à la fois compréhensive et pragmatique du phénomène filmique et une méthodologie qualitative

Chapitre 1 : Réflexion et choix méthodologique

Sachant l'importance du cadrage, pour comprendre une situation de communication, nous avons opté, après réflexion, pour un cadrage qui se situe à mi-chemin entre celui de la pragmatique du film (Esquenazi) et celui de la pragmatique du cinéma (Odin).

Comme la pragmatique du film, nous étudierons les relations, non pas entre le spectateur et le cinéma, mais entre le film et le spectateur et, notamment, ce qui se passe pendant la projection d'un film particulier et la façon dont ce dernier dirige la compréhension de son spectateur. Mais comme la pragmatique du cinéma, nous nous ne négligerons pas les rapports du spectateur et du cinéma. Sans aller jusqu'à étudier les diverses institutions cinématographiques et leur influence sur la façon dont les films sont perçus, nous prendrons en considération le fait que le spectateur puisse être influencé par le cadre de projection, sa culture cinématographique, sa connaissance du réalisateur, etc.

Concrètement, nous avons cherché à étudier les relations entre le spectateur et un court métrage de fiction réalisé en respectant autant que faire ce peut les codes filmiques traditionnels.

Les questions auxquelles nous tenterons de répondre découlent de notre problématique d'ensemble :

- Les codes filmiques utilisés sont-ils connus par les spectateurs ?

- Comment les différents codes filmiques sont-ils perçus par les spectateurs ?

- Y en a-t-il de plus connus que d'autres, de plus importants que d'autres ?

- Sont-ils interprétés comme le souhaite le réalisateur ?

- Si les codes ne sont ni connus, ni perçus, cela empêche-t-il les spectateurs de construire leur histoire ?

- Existent-ils des éléments codiques ou des transformations contextuelles qui construisent davantage de sens que d'autres ? Lesquels et pourquoi ?

Pour répondre à notre problématique, plusieurs solutions méthodologiques furent envisagées.

La première, la plus classique, consistait à projeter un film de fiction en entier et à demander aux personnes présentes de participer à une discussion de groupe, un peu dans l'esprit des réunions des ciné-clubs, comme les avaient organisées Henri Agel (1994), dès 1943, dans le milieu scolaire, qu'il avait ensuite ouvert aux adultes à partir de 1945.384(*) Après réflexion, nous avons abandonné cette piste craignant que ces causeries, comme les appelait Agel, ne se transforment en débats difficiles à animer et à analyser en raison de « l'anarchie de joutes verbales subjectives » (Agel, 1994, p.18).

La deuxième solution pouvait être de ne présenter qu'un extrait d'un film de fiction. Cette solution que nous avions adoptée pour notre recherche sur la perception des placements de produits dans les films de fiction, dans le cadre de notre DEA, nous sembla inadaptée pour étudier les éléments générateurs du sens du film en entier. L'idée d'organiser des arrêts sur image pour permettre des débats à des moments choisis du déroulement du film fut également abandonnée. Indépendamment du fait que sa mise en oeuvre aurait considérablement augmenté la durée de la réunion, entre la diffusion du film, les arrêts successifs, les discussions partielles et la discussion finale, nous avons décidé d'abandonner cette solution pour éviter d'introduire une trop grande directivité. Le découpage de la projection du film que nous aurions arbitrairement imposé au public - modifiant également le sens voulu par le réalisateur - mais aussi et surtout les interprétations du groupe, à un moment donné du film, nous semblèrent être trop directifs pour l'interprétation de la suite du film par chacun des interviewés. Par ailleurs, le choix même du film dont nous aurions « remonté » un extrait, à moins de diffuser la bande annonce, était délicat. Le fait que le film soit connu par certains spectateurs risquait, en effet, de biaiser leurs réponses. De plus, cela ne nous aurait pas permis de tester l'influence d'un élément filmique parmi d'autres sur le sens global du film. Enfin, il nous aurait fallu obtenir des autorisations pour utiliser légalement tout ou partie d'une oeuvre déposée. 

La troisième solution que nous avons envisagée alors, notamment pour éviter une pression groupale trop forte en cas de nombreux arrêts sur image, fut de prendre un film de fiction de court métrage. Cette approche qui avait été utilisée dans les années 70-80 ne connut un renouveau que dans les années 2000 comme le rappelle Jean-Paul Achard dans un article intitulé Apprendre à lire les images en mouvement, édité sur le Net385(*) : « Dans les années 70-80, nous avons vu passer un certain nombre de films pédagogiques consacrés à l'analyse du langage et de l'audiovisuel. Bien souvent simplificateurs et construits autour d'un vocabulaire obligé, ils ont conduit parfois à des visions figées, frôlant parfois la caricature. Dans un passé plus récent, c'est surtout la quasi absence de ce type de produits qui était remarquable (...) ». Le renouveau de cette approche vient, à ses yeux, de la collaboration entre réalisateurs, pédagogues et analystes.

Dans le cadre de notre recherche, le choix de ce format du court métrage présentait un intérêt méthodologique : sa faible durée nous permettait, en effet, d'espérer que les participants aux interviews de groupe pourraient avoir à la fois un souvenir des détails des unités successives (plan par plan, séquence par séquence) et une interprétation du sens global du film. Après visionnage de nombreux courts métrages, nous en avons retenu deux :

- le premier, La Vis, réalisé en 1993 par Didier Flamand, d'une durée de 20 minutes386(*)

- le second, Les pinces à linge, réalisé en 1997 par Joël Brisse, d'une durée de 22 minutes387(*).

Cette pré-sélection était motivée par le fait qu'en plus de leur qualité intrinsèque, ces deux films avaient fait l'objet d'une analyse détaillée, de surcroît, commentée par le réalisateur lui-même. Cela nous permettait d'envisager une comparaison entre le sens souhaité par le réalisateur - la manière dont il traduit une idée, des caractères, des rapports entre les personnages en images et en sons - le sens perçu par l'analyste et, grâce à nos interviews de groupe, le sens perçu par les spectateurs. Ces deux courts métrages étaient proposés, le premier par Edouard Bessière dans son lexique du langage cinématographique publié par le CNED, en 2000 ; le deuxième par l'Association « Sauve Qui Peut le Court Métrage », organisatrice du Festival de Clermont Ferrand, et le CRDP d'Auvergne388(*).

Cependant, ces deux courts métrages bénéficiant d'une protection légale, il nous fallait obtenir l'autorisation des auteurs et/ou de leur éditeur pour les utiliser dans le cadre de notre recherche. Nous avons longuement étudié cette piste méthodologique avant de l'abandonner. Le court métrage « La Vis » présentait plusieurs inconvénients : d'une part, il était en noir et blanc, d'autre part l'un des rôles était interprété par Jean Réno. Deux éléments forts qui pouvaient, à notre avis, estomper les autres éléments filmiques.

En outre, ces deux courts métrages ne nous permettaient pas de proposer à l'interprétation des spectateurs plusieurs versions d'une même histoire.

C'est la raison pour laquelle, nous avons finalement décidé de réaliser nous-mêmes un court métrage en plusieurs versions. Ce choix signifiait que nous allions être, à la fois, le « cinéaste », l'animateur des interviews de groupe et l'analyste. Dans le cadre d'une thèse, il paraissait, en effet, difficile de « sous-traiter » l'une des ces tâches.

Conscient de cette limite méthodologique qui fit l'objet de discussions au sein du CERIC, nous avons, pour limiter les risques, une fois les scénarii rédigés, procéder à un découpage technique détaillé, que nous avons respecté à la lettre lors du tournage. De plus, pour chaque plan, nous avons écrit à la fin du montage ce qu'en tant que réalisateur nous souhaitions évoquer, générer comme sens.

Chapitre 2 : la réalisation d'un film en plusieurs versions

Nous avons donc suivi la démarche classique de fabrication d'un film : rédaction du scénario, découpage du film en séquences, découpage technique du film plan par plan, tournage, montage ; démarche généralement suivie par les réalisateurs et leur assistant389(*) (Othnin-Girard, 1993) mais aussi utilisée à l'envers par les praticiens de l'analyse filmique (Bessière, 2000). Nous avons opté pour un découpage technique assez précis, selon les définitions d'Othnin-Girard, sans aller jusqu'à la réalisation d'un scénarimage (storyboard).

Le découpage technique plan par plan étant réalisé en amont et les signes choisis d'une manière intentionnelle, le risque d'arbitraire dans l'analyse nous semblait réduit d'autant plus que les réunions furent entièrement retranscrites et filmées.

Nous avons longuement réfléchi avant d'opter pour un très court métrage. Au-delà des contraintes de fabrication liées à la disponibilité des « acteurs » bénévoles et du lieu de tournage en intérieur, nous ne voulions pas que les éléments filmiques (plans, images, sons, vêtements, musique, etc.) soient trop nombreux à appréhender de manière à ce que, lors de la discussion, les participants restituent le maximum de ce qu'ils avaient vu et entendu. Ceci était d'autant plus important que la comparaison entre les effets voulus par le réalisateur et les effets ressentis par les spectateurs devait se faire plan par plan, comme cela avait été prévu dans le découpage technique. Pour résumer, toutes nos contraintes méthodologiques et budgétaires ainsi que celles liées à la disponibilité des acteurs bénévoles expliquent notre choix de format. Celui-ci nous a semblé être un bon compromis sachant que la durée de notre film quoique courte est cependant plus longue que celle d'un spot publicitaire souvent pris comme objet d'étude par les analystes de films (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.90-96).

Pour faciliter la restitution et la verbalisation de ce que les spectateurs avaient ressenti, nous avons décidé de couper le film en deux parties : la première, correspondant aux deux premiers actes, la deuxième au troisième et dernier acte. Entre les deux parties, nous avons prévu de lancer une discussion de groupe et de proposer un test d'histoire à compléter. Nous espérions ainsi obtenir plus d'informations et de réactions précises de la part des spectateurs afin de les classer a posteriori plus facilement plan par plan. En outre, grâce au test de l'histoire à compléter, nous souhaitions pousser les spectateurs à imaginer la suite du récit, à se projeter dans le temps. Toutefois, nous ne pouvons pas parler de technique projective stricto sensu dans la mesure où le film-stimulus ne peut pas être considéré comme un objet extérieur comprenant une faible information (Anzieu et Chabert, 1987).

Le choix du thème de notre film n'était pas simple. Dans un premier temps, nous avons consulté de nombreux ouvrages traitant des thèmes et des genres ainsi que des dictionnaires et encyclopédies du cinéma390(*) dans lesquels des synopsis ou des pitchs étaient présentés. Il nous fallait une histoire simple à raconter qui puisse faire l'objet d'interprétations différentes de la part des spectateurs, influencés ou non par la présence d'un élément filmique spécifique dans chacune des versions. Nous souhaitions également proposer un récit qui respecte en peu de temps le paradigme ternaire de Field selon lequel toute histoire doit comprendre trois actes : l'exposition ou introduction, qui s'achève sur un premier coup de théâtre (plot-point) ; le développement ou noeud avec une confrontation qui se termine sur un deuxième coup théâtre ; et, enfin, le dénouement ou conclusion391(*). Nous avons choisi l'histoire d'un mari qui à l'annonce de la mort de son épouse a plusieurs réactions possibles. Malgré son caractère émotionnel indéniable, nous avons choisi ce thème pour plusieurs raisons :

- la première est sa transversalité ; ce thème se retrouve, en effet, dans plusieurs genres cinématographiques : le drame, la comédie dramatique, le policier, le film noir, le film de guerre, etc. Or, nous ne souhaitions pas que le spectateur puisse trop tôt et facilement classer le film dans un genre particulier ; l'influence de l'appartenance à un genre cinématographique sur la perception du film étant à étudier également. Ce thème nous permettait, en outre, d'envisager de plagier un court métrage burlesque de Chaplin : Charlot, de dos, ne pleurant pas le départ de son amie mais se préparant un cocktail avec un shaker. Or, comme le dit Emir Kusturica, « Chaplin savait marier le comique et le pathétique, voire le tragique » (in Quin, 2005, p.60) et conduisait le spectateur à passer, en quelques secondes, d'une émotion à une autre, des pleurs aux rires ;

- la deuxième est son intemporalité ; ce thème est récurrent depuis l'antiquité dans la littérature, l'opéra, le théâtre ;

- le troisième est que la mort est l'un des thèmes les plus présents dans le cinéma. Elle est un des trois thèmes, avec la violence et l'amour, les plus traités dans le cinéma américain (Cieutat, 1991). Le risque d'un impact émotionnel fort sur les spectateurs nourris par le cinéma américain nous sembla faible d'autant plus que nous avons cherché à traiter la camarde, comme le font les auteurs de films américains, c'est-à-dire «comme faisant partie intégrante de la vie ». A ce sujet, Michel Cieutat ajoute : « l'Américain est trop préoccupé de vivre pour penser à la mort. A ce propos, on se souvient de Geraldine Chaplin dans A Wedding392(*) qui découvre Lillian Gish morte dans son lit, qui se signe et soudain se souvient : « Oh, mon gâteau ! » et qui se précipite aussitôt vers la cuisine ». (Cieutat, 1991, p.281-282).

Autrement dit, nous avons utilisé la mort comme premier coup de théâtre (plot-point) d'un récit en trois actes. « Et lorsque Hollywood met en scène l'au-delà, la mort ne peut alors en toute logique que faire place une fois de plus à la vie » (Cieutat, 1991, p.284).

I- Les scénarii

Le thème général du film fut choisi pour permettre plusieurs versions différentes.

Il s'agit d'un homme d'affaires qui apprend la mort de sa femme.

4 scénarii numérotés furent rédigés autour de ce thème avec des différences minimes de mise en scène mais avec pour objectif de sens de montrer le mari sous 4 aspects :

- le mari effondré

- le mari commanditaire

- le mari volage

- le mari intéressé

Scénario 1 : Le mari effondré

Plan 1 :

Intérieur nuit. Un bureau d'un homme d'affaires.

Plan de demi-ensemble : Monsieur Dupond, brillant homme d'affaires, travaille, assis à son bureau. Il reçoit un coup de téléphone.

Plan 2 : Gros plan sur le téléphone qui sonne. La main de M. Dupond décroche le combiné du téléphone.

Plan 3 : Plan rapproché poitrine sur M. Dupond.

M. Dupond : « oui ! »

Interlocuteur en voix off, avec bruitage de fond d'un hôpital : « Monsieur Dupond, je vous téléphone pour vous annoncer que votre femme est décédée. Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

Plan 4 : Gros plan sur M. Dupond, visage fermé (en plongée). Silence de quelques secondes

Plan 5 : Plan rapproché sur M. Dupond.

M. Dupond : « Merci de m'avoir prévenu ».

M. Dupond raccroche le combiné et se lève. Il marche quelques pas et regarde par la fenêtre de son bureau.

Plan 6 : Plan rapproché de profil de M. Dupond. Silence.

Plan 7 : Fondu. Flash Back. Plan en noir et blanc de sa femme qui s'éloigne au bord d'une plage. Prise de dos.

Plan 8 : Plan américain. M. Dupond traverse son bureau pour regarder le portrait de sa femme accroché au mur (ou posé sur un meuble). A mi-chemin, il s'arrête pour ouvrir son mini-bar.

Plan 9 : Gros plan sur la porte du mini-bar. On entend des bruits de verres et de bouteilles.

Plan 10 : Plan rapproché de dos. M. Dupond s'avance vers le portrait de sa femme.

Plan 11 : Travelling avant vers le portrait de Mme Dupond.

Plan 12 : Plan rapproché poitrine de dos de M. Dupond. M. Dupond, au bord des larmes, est pris de soubresauts.

Plan 13 : Gros plan sur le portrait de Mme Dupond.

Fondu au noir.

EPILOGUE

Plan 14 : Plan rapproché de profil. M. Dupond se sert un verre et il le boit.

Fondu enchaîné

Plan 15 : Gros plan sur la bouteille presque vide

Plan 16 : M. Dupond tombe à terre. Bruits de verre. Fondu au noir

Le scénario 2 est très proche du scénario 1. Des indices peuvent faire croire en un assassinat prémédité et l'épilogue est différent.

Scénario 2 : Le mari commanditaire

Plan 1 :

Intérieur nuit. Un bureau d'un homme d'affaires.

Plan de demi-ensemble : Monsieur Dupond, brillant homme d'affaires, travaille, assis à son bureau. Il reçoit un coup de téléphone.

Plan 2 : Gros plan sur le téléphone qui sonne. La main de M. Dupond décroche le combiné du téléphone.

Plan 3 : Plan rapproché poitrine sur M. Dupond.

M. Dupond : « oui ! »

Interlocuteur, avec un fort accent sicilien, en voix off, avec bruitage d'aéroport : « Monsieur Dupond, je vous téléphone pour vous annoncer que votre femme est morte. Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

Plan 4 : Gros plan sur M. Dupond : Silence de quelques secondes

Plan 5 : Plan rapproché sur M. Dupond.

M. Dupond : « Merci de m'avoir prévenu ».

M. Dupond raccroche le combiné et se lève. Il marche quelques pas et regarde par la fenêtre de son bureau.

Plan 6 : Plan rapproché de profil de M. Dupond. Silence.

Plan 7 : Fondu. Flash Back. Plan en noir et blanc de sa femme qui s'éloigne de dos au bord de la plage.

Plan 8 : Plan américain. M. Dupond traverse son bureau pour regarder le portrait de sa femme accroché au mur. A mi-chemin, il s'arrête pour ouvrir son mini-bar.

Plan 9 : Gros plan sur la porte du mini-bar. On entend des bruits de verres et de bouteilles.

Plan 10 : Plan rapproché de dos. M. Dupond s'avance vers le portrait de sa femme.

Plan 11 : Travelling avant vers le portrait de Mme Dupond.

Plan 12 : Plan rapproché poitrine de dos de M. Dupond. M. Dupond est pris de soubresauts.

Plan 13 : Gros plan sur le portrait de Mme Dupond. Fondu au noir

EPILOGUE

Plan 14 : Plan rapproché de profil. M. Dupond secoue un shaker.

Plan 15 : Plan rapproché de poitrine de face de M. Dupond. Il se sert et trinque vers la photographie de son épouse.

Fondu au noir.

Le scénario 3 évoque la possibilité d'une relation extraconjugale.

Scénario 3 : Le mari volage

Plan 1 :

Intérieur nuit. Un bureau d'un homme d'affaires.

Plan de demi-ensemble : Monsieur Dupond, brillant homme d'affaires, travaille, assis à son bureau. Il reçoit un coup de téléphone.

Plan 2 : Gros plan sur le téléphone qui sonne. La main de M. Dupond décroche le combiné du téléphone.

Plan 3 : Plan rapproché poitrine sur M. Dupond.

M. Dupond : « oui ! »

Interlocutrice, en voix off, dans une voiture : « Je te téléphone pour t'annoncer que ta femme est morte. Ils ont tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

Plan 4 : Gros plan sur M. Dupond, visage fermé. Silence de quelques secondes

Plan 5 : Plan rapproché sur M. Dupond.

M. Dupond : « Merci de m'avoir prévenu ».

M. Dupond raccroche le combiné et se lève. Il marche quelques pas et regarde par la fenêtre de son bureau.

Plan 6 : Plan rapproché de profil de M. Dupond. Silence.

Plan 7 : Fondu. Flash Back. Plan en noir et blanc de sa femme qui s'éloigne au bord d'une plage. Prise de dos.

Plan 8 : Plan américain. M. Dupond traverse son bureau pour regarder le portrait de sa femme accroché au mur (ou posé sur un meuble). A mi-chemin, il s'arrête pour ouvrir son mini-bar.

Plan 9 : Gros plan sur la porte du mini-bar. On entend des bruits de verres et de bouteilles.

Plan 10 : Plan rapproché de dos. M. Dupond s'avance vers le portrait de sa femme.

Plan 11 : Travelling avant vers le portrait de Mme Dupond.

Plan 12 : Plan rapproché poitrine de dos de M. Dupond.

Plan 13 : Gros plan sur le portrait de Mme Dupond.

Fondu au noir.

EPILOGUE

Plan 14 : Plan rapproché de profil. M. Dupond boit son verre devant la photo.

Plan 15 : Bruits d'une porte qui s'ouvre. Gros plan sur des jambes de femme.

Fondu au noir.

Le quatrième scénario présente le mari comme un homme d'affaires impatient et intéressé.

Scénario 4 : Le mari intéressé

Plan 1 :

Intérieur nuit. Un bureau d'un homme d'affaires.

Plan de demi-ensemble : Monsieur Dupond, brillant homme d'affaires, traverse de long en large son bureau avec impatience. Il regarde sa montre.

Plan 2 : Plan rapproché de M. Dupond

Plan 3 : Gros plan sur le téléphone qui sonne. La main de M. Dupond décroche précipitamment le combiné du téléphone.

Plan 4 : Plan rapproché poitrine sur M. Dupond.

M. Dupond : « oui ! »

Interlocuteur en voix off : « Monsieur Dupond, je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas».

Plan 5 : Plan rapproché sur M. Dupond, en contre-plongée.

M. Dupond : « Merci de m'avoir prévenu ».

M. Dupond raccroche le combiné et se lève. Il marche quelques pas et regarde par la fenêtre de son bureau.

Plan 6 : Plan rapproché de profil de M. Dupond. Silence.

Plan 7 : Plan américain. M. Dupond traverse son bureau pour regarder le portrait de sa femme accroché au mur (ou posé sur un meuble). A mi-chemin, il s'arrête pour ouvrir son mini-bar.

Plan 8 : Gros plan sur la porte du mini-bar. On entend des bruits de verres et de bouteilles.

Plan 9 : Plan rapproché de dos. M. Dupond s'avance vers le portrait de sa femme.

Plan 10 : Travelling avant vers le portrait de Mme Dupond.

Plan 11 : Plan rapproché poitrine de dos de M. Dupond.

Plan 12 : Gros plan sur le portrait de Mme Dupond.

Fondu au noir.

EPILOGUE

Plan 13 : Plan rapproché de profil. M. Dupond se sert un verre et il le boit.

Fondu enchaîné

Plan 14 : M. Dupond se rassoit à son bureau, ouvre un tiroir et en sort un dossier.

Plan 15 : M. Dupond ouvre le dossier

Plan 16 : Gros plan sur le contrat d'assurance décès et le contrat Obsèques.

Plan 17 : Plan rapproché. Il parcourt les contrats en terminant son verre.

Ces quatre scénarii numérotés furent validés lors d'une réunion de recherche du CERIC.

Nous avons alors procédé au découpage technique plan par plan. Les contraintes esthétiques et techniques notamment celles liées aux lieux et heures de tournage, aux décors, etc. nous ont obligé à augmenter le nombre de plans. Cela explique que le nombre de plans soit plus grand que prévu dans chaque version : une vingtaine dans le découpage technique contre une quinzaine dans le scénario numéroté393(*).

Par ailleurs, lors du tournage, le scénario 4 fit l'objet de deux versions légèrement différentes, principalement dans l'épilogue. C'est la seule fois que nous nous sommes écarté du découpage technique précis (N°4) pour donner, un moment, libre cours à notre « improvisation » lors du tournage ; spontanéité très vite recadrée dans un découpage technique plan par plan, N°5 (Othnin-Girard, 1993).

Après montage, la comparaison entre les 4 scénarii originaux et leur version définitive (Bessière, 2000), au nombre total de cinq, montre très peu de différences ; ce qui était bien entendu recherché.

Quant à la comparaison entre les cinq versions définitives entre elles, elle met en évidence que leur différence vient de détails dans la bande image et la bande son ; ce qui était également prévu et souhaité pour voir l'influence d'un élément filmique (par version) sur le sens global du film.

II- Les cinq versions filmées

Cette présentation des cinq versions détaille les composantes techniques et narratives de chaque plan ainsi que le sens que voulait en donner le réalisateur. Chaque plan devant avoir une signification intentionnelle, nous avons choisi, avec précaution et respect des conventions, les éléments filmiques constitutifs et les interventions sur les contextes (Mucchielli, 2001) :

 - le contexte spatial, notamment par le choix du lieu de tournage, des décors intérieurs et extérieurs, des échelles de plan, etc.,

- le contexte temporel, en jouant sur la continuité vs la discontinuité du récit grâce à des liaisons, des ellipses spatio-temporelles, le flashback, la luminosité du jour, etc.,

- le contexte physique et sensoriel, en travaillant la prise de vues, la lumière, la musique, les voix, etc.,

- le contexte relationnel social immédiat, en travaillant les dialogues, les gestes, les intonations, les marques de sympathie ou d'antipathie entre les personnages, etc.,

- le contexte des positions respectives, en choisissant avec soin les attitudes et indices paralinguistiques du statut, de la culture, les indices du niveau social (costumes, habitation, lieu de travail), le tutoiement ou le vouvoiement, etc.,

- le contexte culturel ou subculturel de référence aux normes et règles collectivement partagées en faisant intervenir des normes au cours du film : usages, formules de politesse, accents, symboles, codes, etc.,

- le contexte identitaire en agissant sur la façon d'être des comédiens, leur manière de parler, de réagir, et tout ce qui peut révéler leurs intentions, leurs valeurs, etc.

Rappelons qu'un même élément filmique, par exemple, les vêtements d'un personnage, peut agir sur plusieurs contextes. Le sens est le résultat de processus complexes et systémiques  (Mucchielli, 1998). C'est un « construit », une émergence, une résultante provisoire de significations prises par les « productions » faites dans les contextes (Corbalan, 2003). Autrement dit, en intervenant sur ces différents contextes, nous (réalisateur), mais aussi les spectateurs, allons transformer les contextes et ainsi participer à la construction du sens.

Nous avons donc utilisé la méthode sémio-contextuelle non pour analyser un message préexistant (Boistel, 2003) mais, en amont de la création et pour réaliser et monter les cinq versions de notre court-métrage de fiction.

Dans les cinq versions, le personnage principal est joué par un véritable cadre supérieur d'une compagnie d'assurances, âgé de 50 ans. Le bureau dans lequel sont tournées les scènes en intérieur est le bureau du Directeur Régional de la Compagnie AGF à Montpellier. Le tournage en intérieur eut lieu en fin de journée (19-20 H.). Le tournage en extérieur fut effectué sur la plage de l'Espiguette en Camargue (Commune de Grau-du-Roi, Gard, France) dans l'après-midi. La femme qui marche dans le sable est jouée par une femme brune âgée de 50 ans. Les prises de vues en intérieur et en extérieur furent réalisées, en novembre et décembre 2003. Les scénarios, la mise en scène, le tournage et le montage sont d'Alexandre Chirouze.

La musique de fond est identique dans les cinq versions. Il s'agit tout le long du film d'une musique extraite d'un volume de musique asiatique de Qi Gong. Elle fut choisie pour l'ambiance énigmatique qu'elle génère.

Dans les tableaux suivants, nous avons indiqué pour chaque plan : - la durée du plan qui joue notamment sur le contexte sensoriel, - le lieu et le moment de la situation qui interviennent forcément sur les contextes spatial et temporel, - l'échelle de plan qui peut également agir sur plusieurs contextes, sensoriel, spatial, etc., - le contenu du plan qui est pluri-contextuel par nature, - enfin, la liaison ou raccord qui peut intervenir sur le sens de différentes manières, notamment sur le contexte normatif selon le niveau de connaissance des codes du montage par le spectateur.

A- Le découpage technique de la version 1 : le mari effondré

Numéro du plan

Durée du plan

Lieu et moment

Echelle du plan

Contenu

Liaison ou raccord

Plan 1

11 secondes

Intérieur/Nuit

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Ouverture en fondu

1-2 Cut

Plan 2

3 secondes

Intérieur/Nuit

Gros plan

Le téléphone sonne

2-3 Cut

Plan 3

4 secondes 25

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off féminine dit « M. Neuville, je vous téléphone pour vous annoncer que votre femme est morte ». Bruits de sirène d'ambulance, de clavier d'ordinateur et d'imprimante

3-4 Cut

Plan 4

2 secondes

Intérieur/Nuit

Gros plan

M. Neuville reste un moment silencieux

4-5 Cut

Plan 5

3 secondes 20

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

M. Neuville écoute son interlocutrice poursuivre en voix off : «Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

4-5 Cut

Plan 6

10 secondes

Intérieur/ Nuit

Plan mi-moyen avec un mouvement de caméra de type panoramique horizontal vers la droite

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

6-7 Cut

Plan 7

8 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine de profil

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

7-8 Cut

Plan 8

19 secondes

Extérieur/Jour

Panorama, avec une suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

8-9 Cut

Plan 9

2 secondes 30

Intérieur/Nuit

Plan américain

M. Neuville ferme son store et se retourne

9-10 Cut

Plan 10

1 seconde

Intérieur/Nuit

Plan demi-ensemble

Un cadre avec une photographie est posé sur un meuble de bureau long et bas. La photographie est celle d'une femme de 35-40 ans, brune

10-11 Cut

Plan 11

3 secondes 70

Intérieur/Nuit

Plan américain, avec panoramique vers la gauche, en contre-plongée

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

11-12 Cut

Plan 12

1 seconde

Intérieur/Nuit

Plan américain

M. Neuville se baisse

12-13 Cut

Plan 13

6 secondes

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minbar et en sort un verre et une bouteille. Il ferme la porte du minibar. Des bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

13-14 Cut

Plan 14

3 secondes 20

Intérieur/Nuit

Plan rapproché

M. Neuville ouvre sa bouteille

14-15 Cut

Plan 15 (A)

3 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché

Il se sert un verre à proximité du cadre de la photographie

15(A) -Fondu au noir. Fin de la première partie

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

3 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché

Il pose sa bouteille à proximité de la photographie.

Bruits de bouteille.

Ouverture en fondu

15(B)- 16 Cut

Plan 16

3 secondes 50

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de dos

Il boit son verre de la main gauche, à proximité de la photographie d'une femme brune

16-17 Cut

Plan 17

2 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de dos

M. Neuville prend la photographie de sa main droite

17-18 Cut

Plan 18

1 seconde 70

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur la photographie de la femme brune

18-19 Cut

Plan 19

1 seconde

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de dos

M. Neuville est pris de soubresauts

19-20 Cut

Plan 20

3 secondes 80

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de profil

M. Neuville pose sur le meuble son verre, puis le cadre violemment. Bruits de verre et du cadre qui sont posés sur le meuble. Puis, M. Neuville tombe en arrière

20-21 Cut

Plan 21

0 seconde 56

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine en plongée

M. Neuville tombe sur la moquette

21-22 Cut

Plan 22

1 seconde 96

Intérieur/Nuit

Plan rapproché en plongée

M. Neuville poursuit sa chute, son bras gauche s'étend au sol.

Cut

Fin

B : Le découpage technique de la version 2 : le mari commanditaire

Numéro du plan

Durée du plan

Lieu et moment

Echelle du plan

Contenu

Liaison ou raccord

Plan 1

11 secondes

Intérieur/Nuit

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Ouverture en fondu

1-2 Cut

Plan 2

3 secondes

Intérieur/Nuit

Gros plan

Le téléphone sonne

2-3 Cut

Plan 3

4 secondes 25

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off masculine avec un fort accent sicilien dit « M. Neuville, je vous téléphone ». Bruits d'un hall d'aéroport. Musique de fond du Parrain

3-4 Cut

Plan 4

2 secondes

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur M. Neuville tandis que la voix au téléphone poursuit :

« pour vous annoncer que votre femme est morte ». Bruits d'un hall d'aéroport. Musique de fond du Parrain

4-5 Cut

Plan 5

3 secondes 20

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

M. Neuville écoute son interlocuteur poursuivre en voix off : «Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

Bruit d'une annonce dans l'aérogare.

Musique du Parrain.

4-5 Cut

Plan 6

10 secondes

Intérieur/ Nuit

Plan mi-moyen avec un mouvement de caméra de type panoramique horizontal vers la droite

Bruits d'aérogare.

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche le combiné et se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

6-7 Cut

Plan 7

8 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine de profil

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

7-8 Cut

Plan 8

19 secondes

Extérieur/Jour

Panorama, avec une suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

8-9 Cut

Plan 9

3 secondes 80

Intérieur/Nuit

Plan américain

M. Neuville ferme son store et se retourne

9-10 Cut

Plan 10

2 secondes 30

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans assise à un bureau tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée. A côté du cadre, on aperçoit deux dossiers datés des années 2002 et 2003.

10-11 Cut

Plan 11

2 secondes 38

Intérieur/Nuit

Plan américain, avec panoramique vers la gauche, en contre-plongée

M. Neuville s'avance en direction du meuble sur lequel est posé le cadre

11-12 Cut

Plan 12

1 seconde

Intérieur/Nuit

Plan américain

M. Neuville se baisse

12-13 Cut

Plan 13

3 secondes 50

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre. Sa main plonge dans le minibar comme pour chercher une bouteille. Des bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

13-14 Cut

Plan 14

1 seconde

Intérieur/Nuit

Gros plan

La main de M. Neuville ferme la porte du minibar. Bruits de porte du minibar

14-15 Fondu enchaîné

Plan 15 (A)

1 seconde 78

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de dos

M. Neuville bouge les épaules verticalement à plusieurs reprises comme s'il avait une crise de sanglots

15(A) -Fondu au noir. Fin de la première partie

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

2 secondes 40

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de dos

M. Neuville secoue toujours ses épaules.

Bruits de liquide remué dans une bouteille.

Ouverture en fondu

15(B)- 16 Cut

Plan 16

0 seconde 90

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur la photographie de la femme blonde

16-17 Cut

Plan 17

9 secondes 62

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur un shaker remué par M. Neuville et sur une bouteille de Chivas. Les mains de

M. Neuville servent le cocktail dans un verre puis ferment le shaker.

17-18 Cut

Plan 18

3 secondes 32

Intérieur/Nuit

Plan rapproché profil

M. Neuville pose le shaker sur le meuble puis il prend son verre de la main droite

18-19 Cut

Plan 19

1 seconde 50

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine en plongée

M. Neuville prend de la main gauche le cadre de la photo et la regarde. Sa main droite tient toujours son verre

19-20 Cut

Plan 20

7 secondes 13

Intérieur/Nuit

Plan américain de profil

M. Neuville regarde la photo avec attention puis la repose sur le meuble. Il tape le cadre avec son verre comme pour trinquer.

Bruits de verre.

M. Neuville trinque de nouveau devant la photo en esquissant un sourire narquois. Il boit son verre.

20-21 Cut

C- Le découpage technique de la version 3 : le mari volage

Numéro du plan

Durée du plan

Lieu et moment

Echelle du plan

Contenu

Liaison ou raccord

Plan 1

11 secondes

Intérieur/Nuit

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Ouverture en fondu

1-2 Cut

Plan 2

3 secondes

Intérieur/Nuit

Gros plan

Le téléphone sonne

2-3 Cut

Plan 3

4 secondes 25

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off féminine, lente et un peu énigmatique, dit « Je te téléphone pour t'annoncer que ta femme est morte »

3-4 Cut

Plan 4

2 secondes

Intérieur/Nuit

Gros plan

M. Neuville reste un moment silencieux

4-5 Cut

Plan 5

3 secondes 20

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

M. Neuville écoute son interlocutrice poursuive en voix off : « Ils ont tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

4-5 Cut

Plan 6

10 secondes

Intérieur/ Nuit

Plan mi-moyen avec un mouvement de caméra de type panoramique horizontal vers la droite

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

6-7 Cut

Plan 7

8 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine de profil

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

7-8 Cut

Plan 8

19 secondes

Extérieur/Jour

Panorama, avec suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

8-9 Cut

Plan 9

2 secondes 30

Intérieur/Nuit

Plan américain

M. Neuville ferme son store et se retourne

9-10 Cut

Plan 10

1 seconde

Intérieur/Nuit

Plan demi-ensemble

Un cadre avec une photographie est posé sur un meuble de bureau long et bas. La photographie est celle d'une femme de 35-40 ans, brune

10-11 Cut

Plan 11

3 secondes 70

Intérieur/Nuit

Plan américain, avec panoramique vers la gauche, en contre-plongée

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

11-12 Cut

Plan 12

1 seconde

Intérieur/Nuit

Plan américain

M. Neuville se baisse

12-13 Cut

Plan 13

6 secondes

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minbar et en sort un verre et une bouteille. Il ferme la porte du minibar. Des bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

13-14 Cut

Plan 14

3 secondes 20

Intérieur/Nuit

Plan rapproché

M. Neuville ouvre sa bouteille

14-15 Cut

Plan 15 (A)

3 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché

Il se sert un verre à proximité du cadre de la photographie

15(A) -Fondu au noir. Fin de la première partie

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

3 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché

Il pose sa bouteille à proximité de la photographie.

Bruits de bouteille.

Ouverture en fondu

15(B)- 16 Cut

Plan 16

3 secondes 50

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de dos

Il boit son verre de la main gauche, à proximité de la photographie d'une femme brune

16-17 Cut

Plan 17

2 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de dos

M. Neuville prend la photographie de sa main droite

17-18 Cut

Plan 18

1 seconde 70

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur la photographie de la femme brune

18-19 Cut

Plan 19

3 secondes 80

Intérieur/Nuit

Plan rapproché

M. Neuville regarde la photo et la repose sur le meuble. Il continue à boire son verre. Un bruit de porte qui s'ouvre se fait entendre. M. Neuville jette un coup d'oeil surpris vers la porte (hors champ)

19-20 Cut

Plan 20

0 seconde 70

Intérieur/Nuit

Plan demi-ensemble

La porte s'ouvre

20-21 Cut

Plan 21

0 seconde 80

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

M. Neuville regarde vers la porte

21-22 Cut

Plan 22

5 secondes 50

Intérieur/Nuit

Plan rapproché à gros plan

Des jambes de femme s'avancent vers les chaussures de M. Neuville.

La jupe de la femme est fendue, les chaussures élégantes. Les jambes s'écartent très légèrement lorsqu'elles arrivent près des pieds de M. Neuville

Cut

Fin

Comme la plupart des choix relatifs aux décors et aux costumes, celui d'une jupe fendue fut intentionnel. Cet élément conventionnel n'est pas spécifique au cinéma. Comme l'écrit Roland Barthes (2000, p.89-90) : «  L'endroit le plus érotique d'un corps n'est-il pas là où le vêtement bâille ? (...) C'est l'intermittence, comme l'a si bien dit la psychanalyse, qui est érotique : celle de la peau qui scintille entre deux pièces (le pantalon et le tricot), entre deux bords (la chemise entrouverte, le gant et la manche) ; c'est ce scintillement même qui séduit, ou encore : la mise en scène d'une apparition-disparition ».

D- Le découpage technique de la version 4 : le mari intéressé et planificateur

Numéro du plan

Durée du plan

Lieu et moment

Echelle du plan

Contenu

Liaison ou raccord

Plan 1

9 secondes 16

Intérieur/Nuit

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, marche de long en large derrière son bureau. Il semble impatient et regarde sa montre. Le téléphone sonne.

Bruits d'une sonnerie de téléphone

Ouverture en fondu

1-2 Cut

Plan 2

1 seconde 44

Intérieur/Nuit

Gros plan

Le téléphone sonne. M. Neuville décroche son téléphone.

2-3 Cut

Plan 3

11 secondes 16 

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

Une voix off masculine neutre dit : « Monsieur Neuville ? ».

M. Neuville répond « Oui ! »

La voix off poursuit : « Je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

M. Neuville lui répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche.

3-4 Cut

Plan 4

3 secondes 70

Intérieur/Nuit

Plan rapproché vers plan américain avec panoramique vers la droite

M. Neuville se dirige vers la fenêtre de son bureau et commence à ouvrir ses stores.

4-5 Cut

Plan 5

5 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine profil

M. Neuville finit d'ouvrir ses stores et regarde à la fenêtre. Il observe à ce moment-là une voiture qui passe avec les feux allumés.

5-6 Fondu enchaîné

Plan 6

19 secondes

Extérieur/Jour

Panorama, avec suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

6-7 Cut

Plan 7

6 secondes 72

Intérieur/Nuit

Plan américain avec panoramique vers la gauche

M. Neuville ferme son store et se retourne. D'un air soucieux, il traverse son bureau.

7-8 Cut

Plan 8

7 secondes 56

Intérieur/Nuit

Plan rapproché en plongée

M. Neuville se baisse pour ouvrir son minibar. Il en sort une bouteille.

Bruits de porte et de bouteille.

Il prend un verre dans le meuble situé à gauche du minibar. Il pose le verre sur le meuble, ouvre sa bouteille et commence à se servir.

Bruits de capsule de bouteille et de verre.

8-9 Fondu au noir

Fin première partie

Plan 9

6 secondes 30

Intérieur/Nuit

Plan rapproché en plongée

M. Neuville remplit son verre puis referme sa bouteille de Chivas. Il la pose sur le meuble, puis se baisse de nouveau pour aller chercher quelque chose.

Ouverture en fondu

9-10 Cut

Plan 10

2 secondes 16

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de profil

M. Neuville sort du meuble, de la main droite, un document puis le pose sur le meuble.

Bruits d'un document que l'on pose.

10-11 Cut

Plan 11

1 seconde 50

Intérieur/Nuit

Gros plan en plongée

Le document est un contrat d'obsèques. Il est posé à proximité d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée. M. Neuville ouvre le contrat d'Obsèques.

11-12 Cut

Plan 12

4 secondes 25

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de profil

M. Neuville tourne les pages du contrat

12-13 Cut

Plan 13

3 secondes 38

Intérieur/Nuit

Gros plan en plongée

M. Neuville feuillette le contrat et s'attarde sur une des pages du document. Il pose un doigt sur la page.

13-14 Cut

Plan 14

2 secondes 82

Intérieur/Nuit

Plan américain de profil

M. Neuville lit avec attention cette page.

14-15 Cut

Plan 15

12 secondes 18

Intérieur/Nuit

Plan de demi-ensemble à plan rapproché avec un travelling avant en plongée

M. Neuville retourne s'asseoir à son bureau avec son verre à la main..

Bruits de fauteuil. Il pose son verre sur le bureau et sort de son sous-main un document.

15-16 Cut

Plan 16

3 secondes 72

Intérieur/Nuit

Gros plan en plongée

Il s'agit d'un document de prévoyance capital funéraire. M. Neuville ouvre le document.

16-17 Cut

Plan 17

0 seconde 94

Intérieur/Nuit

Plan rapproché en plongée

M. Neuville déplie le document.

17-18 Cut

Plan 18

0 seconde 53

Intérieur/Nuit

Gros plan en plongée

Le document semble être déjà rempli

18-19 Cut

Plan 19

2 secondes 78

Intérieur/Nuit

Plan rapproché

M. Neuville, assis, lit avec attention le document, les deux coudes sur la table.

Cut de fin

E- Le découpage technique de la version 5 : le mari intéressé et sans état d'âme

Le scénario 4 n'était prévu à l'origine que pour une seule version. Nous en fîmes deux légèrement différentes en accentuant la vénalité du mari et son côté calculateur dans la version 4.

La musique est identique à celle des autres versions.

Numéro du plan

Durée du plan

Lieu et moment

Echelle du plan

Contenu

Liaison ou raccord

Plan 1

9 secondes 16

Intérieur/Nuit

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, marche de long en large derrière son bureau. Il semble impatient et regarde sa montre. Le téléphone sonne.

Bruits d'une sonnerie de téléphone

Ouverture en fondu

1-2 Cut

Plan 2

1 seconde 44

Intérieur/Nuit

Gros plan

Le téléphone sonne. M. Neuville décroche son téléphone.

2-3 Cut

Plan 3

11 secondes 16 

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine

Une voix off masculine neutre dit : « Monsieur Neuville ? ».

M. Neuville répond « Oui ! »

La voix off poursuit : « Je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

M. Neuville lui répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche.

3-4 Cut

Plan 4

3 secondes 70

Intérieur/Nuit

Plan rapproché vers plan américain avec panoramique vers la droite

M. Neuville se dirige vers la fenêtre de son bureau et commence à ouvrier ses stores.

4-5 Cut

Plan 5

5 secondes

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine profil

M. Neuville finit d'ouvrir ses stores et regarde à la fenêtre. Il observe à ce moment-là une voiture qui passe avec les feux allumés.

5-6 Fondu enchaîné

Plan 6

19 secondes

Extérieur/Jour

Panorama, avec suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

6-7 Cut

Plan 7

6 secondes 72

Intérieur/Nuit

Plan américain avec panoramique vers la gauche

M. Neuville ferme son store et se retourne. D'un air soucieux, il traverse son bureau.

7-8 Cut

Plan 8

1 seconde 30

Intérieur/Nuit

Plan rapproché de poitrine de profil

M. Neuville se baisse pour prendre quelque chose.

8-9 Fondu au noir

Fin première partie

Plan 9

2 secondes 40

Intérieur/Nuit

Plan américain de profil

M. Neuville sort un document d'un meuble de bureau puis le pose sur le meuble.

Ouverture en fondu

9-10 Cut

Plan 10

2 secondes 94

Intérieur/Nuit

Gros plan en plongée

M. Neuville ouvre le document. Il s'agit d'un contrat d'obsèques, situé à proximité d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée

10-11 Cut

Plan 11

1 seconde 12

Intérieur/Nuit

Plan rapproché poitrine de profil

M. Neuville regarde son contrat d'Obsèques

11-12 Cut

Plan 12

3 secondes 09

Intérieur/Nuit

Gros plan en plongée

Les mains de M. Neuville tournent les pages du contrat

12-13 Cut

Plan 13

2 secondes 88

Intérieur/Nuit

Très gros plan en plongée

Très gros plan sur les pages du contrat. M. Neuville s'attarde sur une des pages du contrat

13-14 Cut

Plan 14

2 secondes 47

Intérieur/Nuit

Gros plan

Gros plan sur les mains et le contrat. M. Neuville ferme le contrat et tend une main vers le cadre à la photo

14-15 Cut

Plan 15

3 secondes 80

Intérieur/Nuit

Très gros plan en plongée

Le cadre tombe sur le contrat.

Bruits de cadre.

Cut de fin

III- Différences et points communs entre les cinq versions

Pour les cinq versions, la musique extradiégétique est identique, les acteurs principaux également (le mari et la femme dans les dunes de sable). Seuls des détails tels que la femme en photographie, les bruits et les voix off, le tutoiement ou le vouvoiement, etc. ainsi que des variantes en matière de cadrage, de durée de plan, de liaisons et de raccords techniques, etc. diffèrent, dans la première partie, selon les versions.

Les versions 1, 2 et 3 sont construites d'une façon comparable. De nombreux plans sont identiques.

Bien qu'il y ait des points communs (certains plans, les bruits, le personnage principal, le décor, etc.), les versions 4 et 5 sont différentes par rapport aux trois précédentes en matière de montage et de rythme : leur première partie ne comprend que huit plans contre 15 dans les trois premières versions.

Autrement dit, hormis les éléments autres que narratifs, le récit de la première partie des cinq versions est sensiblement le même. Notre but était de voir les différences de perception provoquées par des éléments « mineurs » de montage, de durée de plan, de bruits et de voix off, etc. ainsi que leurs conséquences sur la construction de l'histoire par les spectateurs.

L'ambiguïté de la première partie du récit était donc intentionnelle, comme dans les films de la Nouvelle Vague : « Le plus important est le fait que les films de la Nouvelle Vague se terminent généralement de façon ambiguë. (...) L'imprécision de la chaîne causale conduit à des fins délibérément ouvertes et incertaines » (Bordwell et Thompson, 2000, p. 576).

C'est la raison pour laquelle, pour isoler les différentes fins construites par les participants, nous avons prévu dans la première partie du guide d'entretien un test d'histoire à compléter.

En revanche, les récits de cinq épilogues sont plus contrastés et moins ambigus.

Comparaison détaillée des versions 1, 2 et 3

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

1

Identique

Identique

Identique

2

Identique

Identique

Identique

3

Voix off d'une femme dans un hôpital

Voix off d'un homme à accent sicilien, musique du Parrain, Bruits d'une aérogare

Voix off d'une femme qui tutoie le personnage principal

4

Identique à la version 3

Bande image identique

Bande son différente

Identique à la version 1

5

Voix off féminine s'impliquant : « nous »

Voix off masculine

s'impliquant « nous»

Voix off féminine et tutoyant ne s'impliquant pas « ils »

6

Identique

Identique

Identique

7

Identique

Identique

Identique

8

Identique

Identique

Identique

9

Identique à la version 3

Un peu plus long que dans les 2 autres versions

Identique à la version 1

10

Identique à la version 3

Femme brune en photo

Plan plus long, en gros plan, femme blonde

Identique à la version 1.

Femme brune en photo

11

Identique à la version 3

Plan plus court que dans les 2 autres versions

Identique à la version 1

12

Identique

Identique

Identique

13

Identique à la version 3

Plan plus court

Identique à la version 1

14

Identique à la version 3

Plan plus court et gros plan

Identique à la version 1

15 A

Fin de la première partie

Identique à la version 3

Plan plus court et de dos

Identique à la version 1

15 B

Début de la deuxième partie

Identique à la version 3

Plan plus court et de dos

Identique à la version 1

16

Identique à la version 3

Gros plan sur la photo de la femme blonde. Plan très court

Identique à la version 1

17

Identique à la version 3

Plan plus long et en gros plan

Identique à la version 1

18

Identique à la version 3

Plan de profil et plus long

Identique à la version 1

19

Soubresauts, plan court de dos

Plan en plongée

Plan plus long. Bruit de porte qui s'ouvre

20

Le verre et le cadre sont posés. Début de la chute

Plan plus long de profil. Sourire narquois.

FIN

Porte qui s'ouvre

21

Chute sur la moquette

 

Regard vers la porte

22

Corps par terre et FIN

 

Jambes de femme.

FIN

Durée totale

1 minute 38 secondes 18

1 minute 41 secondes 08

1 minute 41 secondes 65

Durée de la première partie

1 minute 20 secondes 65

1 minute 16 secondes 21

1 minute 20 secondes 65

Comparaison détaillée des versions 4 et 5 avec les versions précédentes : 1, 2 et 3.

Plan

Version 4

Version 5

1

Identique à la version 5.

Le personnage principal marche alors que dans les versions 1, 2, 3, il est assis

Identique à la version 4

2

Identique à la version 5.

Montage plus rapide que dans les versions 1, 2, 3

Identique à la version 4

3

Identique à la version 5.

Montage moins découpé que dans les versions 1, 2, 3. Un seul plan comprend le contenu des plans 3 à 5 des versions 1, 2, 3.

Voix off masculine neutre s'impliquant « on »

Identique à la version 4

4

Identique à la version 5.

Identique à la dernière partie du plan 6 des versions 1, 2 et 3

Identique à la version 4

5

Identique à la version 5.

Proche de la fin du plan 7 des versions précédentes, mais on voit en arrière-plan dans l'obscurité des feux d'automobile.

Identique à la version 4

6

Identique à la version 5.

Identique aussi au plan 8 des versions 1, 2 et 3

Identique à la version 4

7

Identique à la version 5.

Proche en plus long du plan 9 des versions 1, 2 et 3. Taille de plan différent.

Mouvement de caméra, panoramique vers la gauche.

Plan qui regroupe en fait des extraits des plans 9 et 11 des versions 1, 2 et 3.

Identique à la version 4

8

Fin de la première partie

Plan en plongée assez long montrant le personnage principal se servir à boire.

Plan de poitrine de profil assez court ne montrant pas précisément ce que le personnage principal fait et prend.

9

Début de la deuxième partie

Plan en plongée assez long en continuité avec le plan précédent

Plan américain montrant le document saisi.

10

Plan assez court de profil montrant le personnage principal sortir un document

Gros plan sur un contrat d'assurances

11

Gros plan en plongée sur un contrat d'Obsèques.

Plan court de profil montrant le personnage principal le regarder.

12

Plan profil montrant le personnage principal tourner les pages

Gros plan en plongée sur les pages du contrat qui défilent

13

Gros plan en plongée sur un détail du contrat

Très gros plan sur les pages puis sur l'une d'entre elles

14

Plan américain de profil du lecteur

Gros plan sur les mains

15

Changement d'échelles de plans par travelling avant en plongée.

Traversée du bureau et position assise

Très gros plan sur le cadre qui tombe sur le contrat, comme un clap de fin ; FIN.

16

Gros plan en plongée sur un autre contrat

 

17

Plan court sur l'ouverture du contrat

 

18

Gros plan en plongée montrant que le contrat est déjà rempli et signé

 

19

Plan de fin montrant l'intérêt du personnage pour le contenu du contrat ; FIN.

 

Durée totale

1 minute 44 secondes 30

1 minute 16 secondes 18

Durée de la première partie

1 minute 3 secondes 74

57 secondes 48

IV- Les objectifs de sens du réalisateur

Pour chacune des versions, nous avons rédigé, en amont, le sens que nous (réalisateur) souhaitions donner à chacun des plans. Nous voulions définir en amont la signification du film et le produire d'une manière intentionnelle. Notre intention était, concrètement, de réaliser au mieux chacun de ces plans de manière à ce qu'ils soient compris par les spectateurs comme nous le souhaitions. Cette démarche, quelque peu théorique, proche de celle d'Eisenstein394(*) qui était persuadé que l'on pouvait influencer le spectateur dans la direction qu'on désirait et lui communiquer un sens, nous conduisit à étudier avec précision chaque plan, à organiser les images et à procéder au montage d'images chargées d'un sens intentionnel, dans le respect du code du montage et des autres codes filmiques.

Pour les choix des décors, des acteurs, des thèmes symboliques, nous avons notamment utilisé les deux tomes de Michel Cieutat sur les grands thèmes du cinéma américain (1988, 1991) et cela principalement pour le choix du lieu de tournage en extérieur et pour celui des femmes qui apparaissent à l'écran. Le tournage en extérieur fut effectué sur la plage de l'Espiguette en Camargue. Notre but était de montrer une sorte de désert de sable. Le thème déclencheur de notre récit étant la mort telle qu'elle est « utilisée à Hollywood », nous avons choisi le désert dans ce sens. Dans le cinéma américain, le désert est, en effet, « un lieu de souffrance, d'accident, de danger, de mort ou d'échec (...) C'est aussi le décor où se déroule une épreuve de force imposée à l'homme (...) Mais c'est essentiellement la source de toute véritable naissance (...) Le désert punit, purifie et permet de revivre » (Cieutat, 1991, p.261-262).

En ce qui concerne les femmes de la distribution artistique (casting), nous avons 2 à 3 apparitions féminines selon la version : une femme dans le désert, une femme en photographie et des jambes de femme dans une des versions. Il nous fallait laisser le spectateur les identifier à sa façon, donc ne pas le guider par des indices, notamment celui de la couleur des cheveux. C'est pourquoi, nous avons souhaité que la femme dans le désert porte une sorte de foulard pour se protéger (éventuellement des vents de sable) mais surtout pour que la couleur de ses cheveux n'apparaisse pas. Dans la version 3 du mari volage, seules les jambes de la femme qui entre dans le bureau sont filmées, ce qui ne permet pas au spectateur d'identifier la personne, ni d'attribuer les jambes à la femme brune ou blonde, selon les versions, qui est sur la photographie, dont le cadre est posé sur le bureau.

Selon les versions, la photographie est celle d'une femme brune ou blonde. Dans le cinéma américain, « la femme blonde est un paradis terrestre, une source de tendresse (...), un havre de paix (...) la bonne épouse » mais dans les films noirs, dans les années quarante, elle devient  plus pernicieuse, « trop de blondeur à Hollywood rime avec malheur » (Cieutat, 1991, p 75-76). Quant à la brune, elle est très souvent malfaisante, dans le cinéma américain, « sa chevelure évoque le noir de la nuit, la nuit des coucheries satanesques, les ténèbres de l'immoralité et de la mort (...) mais elle peut être aussi une héroïne (...) admirable de force de caractère » (Cieutat, p.74). Et Michel Cieutat de conclure sur ce grand thème du cinéma américain : « la femme brune, qui hante le Sud, fait peur au Nord ». Il nous semblait donc intéressant de mettre en évidence, en changeant simplement la photographie d'un cadre, les associations possibles entre la couleur des cheveux d'une femme et sa personnalité, voire ses relations bonnes ou mauvaises avec son mari ( ?). Mais nous savions que le fait que nous ne soyons pas aux Etats-Unis et que les réunions allaient avoir lieu dans le Sud de la France, changeait le contexte spatial donc allait vraisemblablement modifier le sens.

A- La version 1 : le mari effondré

La musique est identique à celle des autres versions. Elle fut choisie pour l'ambiance énigmatique qu'elle génère.

Numéro du plan

Durée du plan

Echelle du plan

Contenu

Objectifs de sens poursuivis par le réalisateur

Plan 1

11 secondes

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, normale de travail, en train de lire et de traiter un dossier important

Plan 2

3 secondes

Gros plan

Le téléphone sonne

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Plan 3

4 secondes 25

Plan rapproché poitrine

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off féminine dit « M. Neuville, je vous téléphone pour vous annoncer que votre femme est morte ». Bruits de sirène d'ambulance, de clavier d'ordinateur et d'imprimante

Mettre en opposition l'attitude froide et contrôlée d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme. Le vouvoiement et les bruits hors champ diégétiques sont des éléments d'identification de la personne dont on entend la voix (off). Il s'agit d'une personne d'un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmière ou simple secrétaire ? Mais le bruit d'un clavier d'ordinateur semble indiquer qu'il s'agit d'une secrétaire.

Plan 4

2 secondes

Gros plan

M. Neuville reste un moment silencieux

Insister sur l'effet de surprise sur le personnage. Montrer sa réaction face au changement de situation

Plan 5

3 secondes 20

Plan rapproché poitrine

M. Neuville écoute son interlocutrice poursuivre en voix off : «Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

Montrer les réactions du personnage principal, ses mimiques (hochements de tête, moue, fermeture du visage, etc.) sans trop en révéler grâce à sa moustache.

Plan 6

10 secondes

Plan mi-moyen avec un mouvement de caméra de type panoramique horizontal vers la droite

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

Montrer le personnage reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail

Plan 7

8 secondes

Plan rapproché poitrine de profil

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer l'opposition lumière/obscurité, vie/mort.

Plan 8

19 secondes

Panorama, avec une suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Plan 9

2 secondes 30

Plan américain

M. Neuville ferme son store et se retourne

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Plan 10

1 seconde

Plan demi-ensemble

Un cadre avec une photographie est posé sur un meuble de bureau long et bas. La photographie est celle d'une femme de 35-40 ans, brune

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Plan 11

3 secondes 70

Plan américain, avec panoramique vers la gauche, en contre-plongée

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

Montrer l'attirance quasi-magnétique de cet objet pour le personnage principal.

Montrer que la photo de cette femme lui redonne de l'énergie.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique

Plan 12

1 seconde

Plan américain

M. Neuville se baisse

Donner du rythme par un plan très court montrant une action singulière dont on ne connaît pas encore la raison.

Plan 13

6 secondes

Gros plan

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre et une bouteille. Il ferme la porte du minibar. Bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

Mettre en valeur un objet associé à un besoin urgent à assouvir : le besoin de boire

Plan 14

3 secondes 20

Plan rapproché

M. Neuville ouvre sa bouteille

Montrer l'énergie dépensée par le personnage et la précision de ses gestes

Plan 15 (A)

3 secondes

Plan rapproché

Il se sert un verre à proximité du cadre de la photographie

Montrer le lien entre ce besoin de boire de l'alcool et les retombées de l'annonce de la mort de sa femme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

3 secondes

Plan rapproché

Il pose sa bouteille à proximité de la photographie.

Bruits de bouteille.

Insister sur l'association alcool-deuil.

Plan 16

3 secondes 50

Plan rapproché de dos

Il boit son verre de la main gauche, à proximité de la photographie d'une femme brune

Montrer avec pudeur, donc de dos, la tristesse supposée du personnage principal.

Plan 17

2 secondes

Plan rapproché de dos

M. Neuville prend la photographie de sa main droite

Montrer son besoin de se souvenir, de toucher l'image de son épouse.

Plan 18

1 seconde 70

Gros plan

Gros plan sur la photographie de la femme brune

Mettre en valeur la beauté et la jeunesse de la femme photographiée

Plan 19

1 seconde

Plan rapproché de dos

M. Neuville est pris de soubresauts

Montrer furtivement les gestes du personnage principal à la vue de la photo. Laisser planer un doute sur les raisons de ces soubresauts : sanglots, etc.

Plan 20

3 secondes 80

Plan rapproché de profil

M. Neuville pose sur le meuble son verre, puis le cadre violemment. Bruits de verre et du cadre qui sont posés sur le meuble. Puis, M. Neuville tombe en arrière

Montrer la rapidité et la brutalité avec laquelle les événements vont suivre.

Plan 21

0 seconde 56

Plan rapproché poitrine en plongée

M. Neuville tombe sur la moquette

Montrer la chute, comme vu du ciel, par un plan très court.

Plan 22

1 seconde 96

Plan rapproché en plongée

M. Neuville poursuit sa chute, son bras gauche s'étend au sol.

Insister sur la chute et l'état de malaise sans donner de fin véritable à cette version : simple malaise, suicide, empoisonnement ou crise cardiaque ?

B- La version 2 : le mari commanditaire

La musique est identique à celle des autres versions. Elle fut choisie pour l'ambiance énigmatique qu'elle génère.

Numéro du plan

Durée du plan

Echelle du plan

Contenu

Objectifs de sens du réalisateur

Plan 1

11 secondes

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, normale de travail, en train de lire et de traiter un dossier important

Plan 2

3 secondes

Gros plan

Le téléphone sonne

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Plan 3

4 secondes 25

Plan rapproché poitrine

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off masculine avec un fort accent sicilien dit « M. Neuville, je vous téléphone pour vous annoncer que votre femme est morte ». Bruits d'un hall d'aéroport. Musique de fond du Parrain.

Mettre en opposition l'attitude froide et contrôlée d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme. Le vouvoiement et les bruits hors champ diégétiques sont des éléments d'identification de la personne dont on entend la voix (off). Il s'agit d'un homme qui téléphone d'une aérogare, avant son départ.

Evoquer grâce à l'aéroport bruyant et encombré soit le stress lié à un épisode révolu que le personnage ne regrette pas soit, plus simplement, la fuite d'une personne qui a quelque chose à se reprocher.

Evoquer par son accent sicilien et la musique du Parrain l'hypothèse d'un crime commandité par le personnage principal.

Plan 4

2 secondes

Gros plan

M. Neuville reste un moment silencieux

Insister sur l'effet de l'annonce sur le personnage. Montrer sa réaction face au changement de situation

Plan 5

3 secondes 20

Plan rapproché poitrine

M. Neuville écoute son interlocuteur poursuivre en voix off : «Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

Montrer les réactions du personnage principal, ses mimiques (hochements de tête, moue, fermeture du visage, etc.) sans trop en révéler grâce à sa moustache.

Plan 6

10 secondes

Plan mi-moyen avec un mouvement de caméra de type panoramique horizontal vers la droite

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

Montrer le personnage reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Plan 7

8 secondes

Plan rapproché poitrine de profil

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer l'opposition lumière/obscurité, vie/mort.

Plan 8

19 secondes

Panorama, avec une suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition.

Evoquer par les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Plan 9

3 secondes 80

Plan américain

M. Neuville ferme son store et se retourne

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Montrer par rapport à la version 1, par un plan plus long d'une seconde 50'', que le personnage esquisse un léger sourire.

Plan 10

2 secondes 30

Gros plan

Gros plan d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans, assise à un bureau, tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard portant le numéro 8.

A côté du cadre, on aperçoit deux dossiers datés des années 2002 et 2003.

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Montrer la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

Indiquer d'une manière assez précise l'année au cours de laquelle se déroule l'action : 2003 voire début 2004, en fonction du délai de parution.

Plan 11

2 secondes 38

Plan américain, avec panoramique vers la gauche, en contre-plongée

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

Montrer l'attirance quasi-magnétique de cet objet pour le personnage principal.

Montrer que la photo de cette femme lui redonne de l'énergie.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

Montrer par un plan plus court et un montage différent (la fin de la marche, plutôt que le début) une certaine décontraction du personnage et sa démarche féline.

Plan 12

1 seconde

Plan américain

M. Neuville se baisse

Donner du rythme par un plan très court montrant une action singulière dont on ne connaît pas encore la raison.

Plan 13

3 secondes 50

Gros plan

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre. Sa main plonge dans le minibar comme pour chercher une bouteille. Bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

Mettre en valeur un objet associé à un besoin urgent à assouvir : le besoin de boire.

Montrer par rapport à la version 1, par un plan plus court, la rapidité des gestes du personnage et leur précision due à une certaine habitude de se servir un verre.

Plan 14

1 seconde

Gros plan

La main de M. Neuville ferme la porte du minibar. Bruits de la porte du minibar

Montrer la précision des gestes du personnage principal.

Evoquer par le bruit de la porte une certaine brutalité.

Mettre en valeur le minibar de bureau et sa marque : Philips.

Evoquer par un fondu enchaîné une ellipse temporelle pour laisser un doute sur ce qui se passe pendant ce temps sans image.

Plan 15 (A)

1 seconde 78

Plan rapproché de dos

M. Neuville bouge les épaules verticalement à plusieurs reprises comme s'il avait une crise de sanglots

Montrer des gestes qui peuvent faire croire en de la tristesse, du chagrin.

Filmer de dos de sorte qu'aucune certitude ne soit permise.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

2 secondes 40

Plan rapproché de dos

M. Neuville secoue toujours ses épaules.

Bruits de liquide remué dans une bouteille.

Montrer l'opposition entre les images et le son. Les images sont identiques au plan précédent : avec une forte hypothèse d'une crise de sanglots.

Le son hors champ diégétique ne correspond pas à celui d'une personne qui pleure mais à celui d'une bouteille qu'on remue.

Plan 16

0 secondes 90

Gros plan

Gros plan sur la photographie de la femme blonde

Montrer le contraste entre l'image de la femme décédée et le bruit. Bruit encore non identifié pour laisser un certain suspense.

Plan 17

9 secondes 72

Gros plan

Gros plan sur un shaker remué par M. Neuville et sur une bouteille de Chivas. Les mains de M. Neuville servent le cocktail dans un verre puis ferment le shaker.

Dévoiler la source du bruit.

Mettre en contraste le décès de sa femme et le comportement calme et satisfait du mari : ce dernier ne boit pas un verre quelconque pour se redonner du courage, il se prépare un cocktail.

Plan 18

3 seconde 32

Plan rapproché de profil

M. Neuville pose le shaker sur le meuble puis il prend son verre de la main droite.

Montrer le calme extrême du mari dans de telles circonstances.

Plan 19

1 seconde 50

Plan rapproché poitrine en plongée

M. Neuville prend de la main gauche le cadre de la photo et la regarde. Sa main droite tient toujours son verre.

Resituer l'action dans le contexte de la disparition de la femme que les plans 15 B à 18 auraient pu faire oublier.

Evoquer par la plongée le regard de la personne disparue.

Plan 20

7 secondes 13

Plan américain de profil

M. Neuville regarde la photo avec attention puis la repose sur le meuble. Il tape le cadre avec son verre comme pour trinquer.

Bruits de verre.

M. Neuville trinque de nouveau devant la photo en esquissant un sourire narquois. Il boit son verre.

Montrer par ce plan long, la véritable personnalité et les motivations du personnage principal.

Evoquer son plaisir de se venger, de rendre la monnaie de sa pièce, d'avoir eu le dernier mot d'une relation sans doute difficile.

Montrer son sourire sarcastique.

Evoquer l'hypothèse qu'il ait commandité le meurtre de sa femme auprès de l'homme à l'accent sicilien.

C- La version 3 : Le mari volage

Numéro du plan

Durée du plan

Echelle du plan

Contenu

Objectifs de sens du réalisateur

Plan 1

11 secondes

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, normale de travail, en train de lire et de traiter un dossier important

Plan 2

3 secondes

Gros plan

Le téléphone sonne

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Plan 3

4 secondes 25

Plan rapproché poitrine

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off féminine, lente et un peu énigmatique, dit « M. Neuville, je te téléphone pour t'annoncer que ta femme est morte ».

Mettre en opposition l'attitude froide et contrôlée d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme.

Evoquer le type de relation entre le personnage principal et la femme qui lui téléphone. Le tutoiement est un élément d'identification de la personne dont on entend la voix (off). Il s'agit d'une femme qui téléphone, plus ou moins en cachette. Ses phrases sont espacées et elle chuchote. Elle semble bien connaître le personnage principal : elle le tutoie et ne se présente pas avant de parler.

Laisser planer un doute sur leurs relations véritables : amie, soeur, maîtresse, etc.

Plan 4

2 secondes

Gros plan

M. Neuville reste un moment silencieux

Insister sur l'effet de l'annonce sur le personnage. Montrer sa réaction face au changement de situation.

Laisser planer un doute sur ses pensées véritables.

Plan 5

3 secondes 20

Plan rapproché poitrine

M. Neuville écoute son interlocutrice poursuivre en voix off : «Ils ont tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

Montrer les réactions du personnage principal, ses mimiques (hochements de tête, moue, fermeture du visage, etc.) sans trop en révéler grâce à sa moustache.

Evoquer le fait que la femme qui téléphone n'a rien fait personnellement.

Elle n'est qu'une messagère.

Plan 6

10 secondes

Plan mi-moyen avec un mouvement de caméra de type panoramique horizontal vers la droite

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

Montrer le personnage reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Laisser planer un doute sur les relations entre le personnage principal et sa messagère, par une formule de politesse rapide.

Plan 7

8 secondes

Plan rapproché poitrine de profil

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer l'opposition lumière/obscurité, vie/mort.

Plan 8

19 secondes

Panorama, avec une suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition.

Evoquer par les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Plan 9

2 secondes 30

Plan américain

M. Neuville ferme son store et se retourne

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Plan 10

1 seconde

Plan de demi-ensemble

Un cadre avec une photographie est posé sur un meuble de bureau long et bas. La photographie est celle d'une femme brune de 35-40 ans

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Plan 11

3 secondes 70

Plan américain, avec panoramique vers la gauche, en contre-plongée

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

Montrer l'attirance quasi-magnétique de cet objet pour le personnage principal.

Montrer que la photo de cette femme lui redonne de l'énergie.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

Plan 12

1 seconde

Plan américain

M. Neuville se baisse

Donner du rythme par un plan très court montrant une action singulière dont on ne connaît pas encore la raison.

Plan 13

6 secondes

Gros plan

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre et

une bouteille.

Bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

Mettre en valeur un objet associé à un besoin urgent à assouvir : le besoin de boire

Plan 14

3 secondes 20

Plan rapproché

M. Neuville ouvre sa bouteille

Montrer l'énergie dépensée par le personnage et la précision de ses gestes

Plan 15 (A)

3 secondes

Plan rapproché

Il se sert un verre à proximité du cadre de la photographie

Montrer le lien entre ce besoin de boire de l'alcool et les retombées de l'annonce de la mort de sa femme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

3 secondes

Plan rapproché

Il pose sa bouteille à proximité de la photographie.

Bruits de bouteille.

Insister sur l'association alcool-deuil.

Plan 16

3 secondes 50

Plan rapproché de dos

Il boit son verre de la main gauche, à proximité de la photographie d'une femme brune.

Montrer avec pudeur, donc de dos, la tristesse supposée du personnage principal

Plan 17

2 secondes

Plan rapproché de dos

M. Neuville prend la photographie de sa main droite

Montrer son besoin de se souvenir, de toucher l'image de son épouse.

Plan 18

1 seconde 70

Gros plan

Gros plan sur la photographie de la femme brune

Mettre en valeur la beauté et la jeunesse de la femme photographiée

Plan 19

3 secondes 80

Plan rapproché

M. Neuville regarde la photo et la repose sur le meuble. Il continue à boire son verre. Un bruit de porte qui s'ouvre se fait entendre. M. Neuville jette un coup d'oeil surpris vers la porte (hors champ)

Montrer par la photo que le personnage principal tente de s'accrocher à sa femme, aux moments importants de leur vie.

Laisser planer un doute devant cette alternative.

Evoquer la surprise par un bruit hors champ de porte.

Montrer que le personnage principal n'est pas habitué que quelqu'un entre dans son bureau sans frapper.

Plan 20

0 seconde 70

Plan demi-ensemble

La porte s'ouvre.

Montrer la source du bruit précédent.

Laisser planer le doute sur la personne qui ouvre la porte.

Evoquer l'opposition possible entre la personne qui pénètre dans le bureau, en poussant la porte, avec un besoin d'ouverture vers l'autre, et le personnage principal surpris qu'on force sa porte alors qu'il est, sans doute, en phase d'introspection.

Plan 21

0 seconde 80

Plan rapproché poitrine

M. Neuville regarde vers la porte

Laisser planer un suspense sur l'identité de la personne qui entre

Plan 22

5 secondes 50

Plan rapproché à gros plan

Des jambes de femme s'avancent vers les chaussures de M. Neuville.

La jupe de la femme est fendue, les chaussures sont élégantes. Les jambes s'écartent très légèrement lorsqu'elles arrivent près des pieds de M. Neuville

Donner quelques informations sur la personne qui entre : c'est une femme, assez jeune, 30 à 40 ans, élégante avec une jupe fendue (Barthes).

Evoquer la possibilité d'un acte sexuel par des images insistantes sur les pieds et surtout les chaussures de la femme qui pénètre dans le bureau.

Contrebalancer cette piste par des jambes qui avancent qui peuvent évoquer soit le désir de faire évoluer une carrière, soit le rapprochement des corps.

Laisser planer le doute sur l'identité de la femme : la secrétaire qui vient consoler son patron, une amie ou une soeur, une maîtresse, etc.

Laisser le spectateur conclure par lui-même.

D- La version 4 (scénario 4) : le mari intéressé et planificateur

Numéro du plan

Durée du plan

Echelle du plan

Contenu

Objectifs de sens du réalisateur

Plan 1

9 secondes 16

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, marche de long en large derrière son bureau. Il semble impatient et regarde sa montre. Le téléphone sonne.

Bruits d'une sonnerie de téléphone

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, dans laquelle il attend une nouvelle importante.

Evoquer une nouvelle plutôt heureuse que malheureuse en le montrant très impatient de savoir.

Plan 2

1 seconde 44

Gros plan

Le téléphone sonne. M. Neuville décroche son téléphone.

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Plan 3

11 secondes 16 

Plan rapproché poitrine

Une voix off masculine neutre dit : « Monsieur Neuville ? ».

M. Neuville répond « Oui ! »

La voix off poursuit : « Je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

M. Neuville lui répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche.

Mettre en opposition l'attitude impatiente, voire stressée, et dynamique d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme. Le vouvoiement est le seul élément d'identification de la personne dont on entend la voix (off).

Evoquer le fait que cet homme a eu un rôle dans les derniers moments de la vie de la femme et qu'il appartient à un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmier ?

Montrer le personnage principal reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Laisser planer le doute sur le fait que cette attitude est comme une sorte de refuge ou de carapace pour se protéger.

Plan 4

3 secondes 70

Plan rapproché vers plan américain avec panoramique vers la droite

M. Neuville se dirige vers la fenêtre de son bureau et commence à ouvrir ses stores.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Plan 5

5 secondes

Plan rapproché poitrine profil

M. Neuville finit d'ouvrir ses stores et regarde à la fenêtre. Il observe à ce moment-là une voiture qui passe avec les feux allumés.

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer les oppositions lumière/obscurité, vie/mort, immobilité/mouvement.

Plan 6

19 secondes

Panorama, avec suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Annoncer, par un fondu enchaîné entre les plans 5 et 6, un flash-back.

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Plan 7

6 secondes 72

Plan américain avec panoramique vers la gauche en contre-plongée

M. Neuville ferme son store et se retourne. D'un air soucieux, il traverse son bureau.

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Evoquer le passage de l'affectif à l'instinctif ou à la réflexion et celui du passé au présent.

Montrer que le personnage principal est préoccupé, soucieux, qu'il a quelque chose d'urgent à faire.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

Plan 8

Fin de la première partie

7 secondes 56

Plan rapproché en plongée

M. Neuville se baisse pour ouvrir son minibar. Il en sort une bouteille.

Bruits de porte et de bouteille.

Il prend un verre dans le meuble situé à gauche du minibar. Il pose le verre sur le meuble, ouvre sa bouteille et commence à se servir.

Bruits de capsule de bouteille et de verre.

Montrer l'opposition avec le rythme du plan précédent. Le plan est plus long en plongée alors que le précédent était un panoramique en contre-plongée.

Donner une impression de lenteur et de décalage avec le semblant de retour de dynamisme et de volonté évoqué dans le plan 7.

Donner une impression de pesanteur, de poids à porter ou de regard de quelqu'un.

Montrer l'habitude prise par M. Neuville de se réconforter avec de l'alcool : précision des gestes, automatisme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Plan 9

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

6 secondes 30

Plan rapproché en plongée

M. Neuville remplit son verre puis referme sa bouteille de Chivas. Il la pose sur le meuble, puis se baisse de nouveau pour aller chercher quelque chose.

Montrer sa relation un peu dépendante avec l'alcool par une prise de vues en plongée.

Insister sur sa marque préférée de whisky.

Commencer à dévoiler, par un contraste gestuel, le véritable sujet de ses préoccupations

Plan 10

2 secondes 16

Plan rapproché de profil

M. Neuville sort du meuble, de la main droite, un document puis le pose sur le meuble.

Bruits d'un document que l'on pose.

Dévoiler le véritable sujet de ses pensées : un dossier.

Laisser un doute sur son contenu par un plan court.

Attirer l'attention des spectateurs.

Plan 11

1 seconde 50

Gros plan en plongée

Le document est un contrat d'obsèques. Il est posé à proximité d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée. M. Neuville ouvre le contrat d'Obsèques.

Dévoiler rapidement l'objet du dossier.

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Montrer la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

Montrer l'intérêt du personnage principal pour les choses matérielles, notamment pour le contrat Obsèques.

Plan 12

4 secondes 25

Plan rapproché de profil

M. Neuville tourne les pages du contrat

Insister sur son comportement en décalage par rapport à la situation

Plan 13

3 secondes 38

Gros plan en plongée

M. Neuville feuillette le contrat et s'attarde sur une des pages du document. Il pose un doigt sur la page.

Mettre en valeur la concentration et l'énergie qu'il met dans sa lecture du contrat d'assurance.

Mettre en valeur le fait qu'il cherchait un paragraphe précis.

Plan 14

2 secondes 82

Plan américain de profil

M. Neuville lit avec attention cette page.

Insister sur le point qui le préoccupait tant dans le plan 7.

Plan 15

12 secondes 18

Plan de demi-ensemble à plan rapproché avec un travelling avant en plongée

M. Neuville retourne s'asseoir à son bureau avec son verre à la main..

Bruits de fauteuil. Il pose son verre sur le bureau et sort de son sous-main un document.

Montrer que cette découverte lui redonne vie.

Insister sur le contraste du passage de l'immobilité au mouvement par un travelling avant.

Montrer la confidentialité et la préparation avec lesquelles il aborde ses premières heures de veuvage par un changement d'échelle de plans et la présence d'un document dans son sous-main.

Montrer par ce plan que le personnage principal est probablement quelqu'un de bien informé en matière d'assurances. Laisser planer le doute sur le fait qu'il soit lui-même un assureur ou un escroc à l'assurance.

Plan 16

3 secondes 72

Gros plan en plongée

Il s'agit d'un document de prévoyance capital funéraire. M. Neuville ouvre le document.

Insister sur le contenu de son nouveau document par un gros plan en plongée.

Plan 17

0 seconde 94

Plan rapproché en plongée

M. Neuville déplie le document.

Montrer que seul le contenu du document intéresse le personnage principal, qu'en le dépliant il se replie sur lui-même.

Plan 18

0 seconde 53

Gros plan en plongée

Le document semble être déjà rempli

Mettre en valeur que tout était prêt. Le décès de son épouse était en quelque sorte planifié.

Le contrat de « fin de mariage » rempli et signé.

Plan 19

2 secondes 78

Plan rapproché

M. Neuville, assis, lit avec attention le document, les deux coudes sur la table.

Montrer l'avidité du personnage principal, tout au moins son comportement de gestionnaire plus que celui du mari esseulé.

Laisser le spectateur conclure lui-même de la cause de la mort de sa femme : maladie, accident ou meurtre ?

E- La version 5 (scénario 4) : le mari intéressé et sans état d'âme

Dans cette version, réalisée à partir du même scénario que la version précédente, le réalisateur laisse planer un doute sur la personnalité du mari. Ce dernier apparaît moins comme un calculateur que comme la victime d'un mariage raté. La musique est identique à celle des autres versions.

Numéro du plan

Durée du plan

Echelle du plan

Contenu

Objectifs de sens du réalisateur

Plan 1

9 secondes 16

Plan de demi-ensemble

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, marche de long en large derrière son bureau. Il semble impatient et regarde sa montre. Le téléphone sonne.

Bruits d'une sonnerie de téléphone

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, dans laquelle il attend une nouvelle importante.

Evoquer une nouvelle plutôt heureuse que malheureuse en le montrant très impatient de savoir.

Plan 2

1 seconde 44

Gros plan

Le téléphone sonne. M. Neuville décroche son téléphone.

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Plan 3

11 secondes 16 

Plan rapproché poitrine

Une voix off masculine neutre dit : « Monsieur Neuville ? ».

M. Neuville répond « Oui ! »

La voix off poursuit : « Je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

M. Neuville lui répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche.

Mettre en opposition l'attitude impatiente, voire stressée, et dynamique d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme. Le vouvoiement est le seul élément d'identification de la personne dont on entend la voix (off).

Evoquer le fait que cet homme a eu un rôle dans les derniers moments de la vie de la femme et qu'il appartient à un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmier ?

Montrer le personnage principal reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Laisser planer le doute sur le fait que cette attitude est comme une sorte de refuge ou de carapace pour se protéger.

Plan 4

3 secondes 70

Plan rapproché vers plan américain avec panoramique vers la droite

M. Neuville se dirige vers la fenêtre de son bureau et commence à ouvrir ses stores.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Plan 5

5 secondes

Plan rapproché poitrine profil

M. Neuville finit d'ouvrir ses stores et regarde à la fenêtre. Il observe à ce moment-là une voiture qui passe avec les feux allumés.

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer les oppositions lumière/obscurité, vie/mort, immobilité/mouvement.

Plan 6

19 secondes

Panorama, avec suite de sept fondus enchaînés

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Annoncer, par un fondu enchaîné entre les plans 5 et 6, un flash-back.

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Plan 7

6 secondes 72

Plan américain avec panoramique vers la gauche

M. Neuville ferme son store et se retourne. D'un air soucieux, il traverse son bureau.

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Evoquer le passage de l'affectif à l'instinctif ou à la réflexion et celui du passé au présent.

Montrer que le personnage principal est préoccupé, soucieux, qu'il a quelque chose d'urgent à faire.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

Plan 8

Fin de la première partie

1 seconde 30

Plan rapproché de poitrine de profil

M. Neuville se baisse pour prendre quelque chose

Montrer l'opposition avec le rythme du plan précédent plus long et en panoramique.

Laisser planer un doute sur ce que le personnage principal cherche.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Plan 9

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

2 secondes 40

Plan américain de profil

M. Neuville sort un document d'un meuble de bureau puis le pose sur le meuble.

Montrer l'objet qu'il cherchait dans le plan précédent.

Plan 10

2 secondes 94

Gros plan en plongée

M. Neuville ouvre le document. Il s'agit d'un contrat d'obsèques, situé à la proximité d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée

Dévoiler le véritable sujet de ses pensées : un contrat d'obsèques.

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Montrer la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

Plan 11

1 seconde 12

Plan rapproché de poitrine de profil

M. Neuville regarde le contrat d'Obsèques.

Dévoiler rapidement l'objet du dossier. Montrer l'intérêt du personnage principal pour les choses matérielles, notamment pour le contrat Obsèques.

Plan 12

3 secondes 09

Gros plan en plongée

Les mains de M. Neuville tournent les pages du contrat

Insister sur son comportement en décalage par rapport à la situation.

Plan 13

2 secondes 88

Très gros plan en plongée

Très gros plan sur les pages du contrat. M. Neuville s'attarde sur une des pages du contrat

Mettre en valeur la concentration et l'énergie qu'il met dans sa lecture du contrat d'assurance.

Mettre en valeur le fait qu'il y cherchait une information précise.

Plan 14

2 secondes 47

Gros plan

Gros plan sur les mains et le contrat. M. Neuville ferme le contrat et tend une main vers le cadre à la photo.

Insister sur le point qui le préoccupait tant dans le plan 7.

Mettre en valeur le fait que le personnage principal à trouver ce qu'il cherchait et qu'il ferme le contrat comme s'il fermait une page de sa vie.

Plan 15

3 secondes 80

Très gros plan en plongée

Le cadre tombe sur le contrat.

Bruits de cadre.

Mettre en valeur le fait que le cadre tombe sur le contrat.

Laisser planer un doute sur la raison de la chute du cadre : le mari le fait tomber exprès ou il tombe alors qu'il souhaitait le prendre en main pour le regarder.

Donner l'impression que quelle qu'en soit la raison : le dossier est clos...que le cadre est tombé comme la lame d'une guillotine ou un clap de Fin.

Provoquer un sentiment de malaise et l'augmenter par le plan en plongée.

Chapitre 3 : L'organisation de chaque interview et le guide d'entretien

Le succès de chaque réunion dépendait de sa bonne organisation matérielle. Nous devions pouvoir diffuser le film dans de bonnes conditions et filmer l'ensemble de chaque interview de groupe.

I- L'organisation matérielle et l'accueil des participants

Il nous était malheureusement impossible d'organiser une projection du film dans une salle de cinéma, sur un grand écran. Il nous fallut nous contenter d'une diffusion sur un téléviseur grand écran dans une salle de séminaires qui n'était pas plongée dans l'obscurité.

Le dispositif spectatoriel n'était donc pas cinématographique395(*). Nous nous privions d'une part des caractéristiques de la projection cinématographique - l'obscurité, le silence, le corps au repos, l'inhibition de la motricité, l'isolement, l'attention attirée vers une surface lumineuse, l'identification primaire à l'oeil de la caméra - qui placent le spectateur dans une certaine disposition d'esprit, voire un état psychique voisin du rêve (Metz, 2002), d'autre part du grand écran au profit du format normal du récepteur télévisuel (Moullet, 2002)396(*).

Les participants aux interviews étaient, de plus, placés dans une situation de réception qui n'était ni une réception en salle de cinéma, ni une réception télévisuelle domestique, en famille ou entre amis (Calbo, 2002) mais une réception télévisuelle collective : dans une salle de séminaire, sans place prédéterminée, avec une possibilité d'échanges conversationnels à partir du film lorsque l'animateur les sollicitait, dans un cadre universitaire, etc.

Check-list de l'organisation de l'interview de groupe

Installation de la salle

Tester l'appareil d'enregistrement : caméscope numérique Sony sur pied au fond de la pièce.

Tester le magnétoscope et le téléviseur grand écran.

Placer un nombre suffisant de chaises à bonne distance du téléviseur

Ecrire les instructions à observer au tableau

« Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse

Exprimez-vous librement

Dites ce que vous pensez réellement

Respectez les avis des autres même s'ils sont différents des vôtres

Ne parlez pas tous en même temps

Respectez entre vous les règles élémentaires de courtoisie »

Accueillir les participants

Leur demander : leur âge, la fréquence à laquelle ils vont au cinéma

Demander la permission de les tutoyer.

Présenter les modes d'enregistrement et les rassurer sur l'anonymat.

Début de la réunion

Quelques mots de remerciements

Rappel des règles de fonctionnement et de courtoisie d'une interview de groupe

Diffusion du film

Mettre en marche le caméscope numérique à la fin de la diffusion du film.

Début de la discussion

II- Le guide d'entretien

Le guide d'entretien fit l'objet de trois réunions-tests et d'une discussion au Ceric. Les trois réunions-tests397(*) n'ont pas été analysées à proprement parler mais ont permis de modifier le guide d'entretien initial et d'améliorer l'organisation des interviews de groupe.

Le guide d'entretien est composé de deux parties.

La première concerne la première partie du film et comprend 12 thèmes dont une consigne de départ et un test d'histoire à compléter. Les autres thèmes n'étaient proposés que si les participants ne les abordaient pas spontanément.

La deuxième partie était utilisée à la suite de la diffusion de la fin du film telle que nous l'avions imaginée et réalisée. Elle comprend neuf thèmes formulés en questions ouvertes, bien que ces formulations et leur ordre n'aient aucun caractère obligatoire.

Le film n'était projeté qu'une seule fois partant du principe inhérent au cinéma que la plupart des spectateurs ne voient les films qu'une fois (Pialat, in Ciment, 2003, p.38). Nous aurions testé un spot publicitaire, ce choix méthodologique aurait été sans doute différent.

GUIDE D'ENTRETIEN

Après la projection de la première partie du film

1- Consigne de départ : « Qu'avez-vous remarqué dans ce film ? »

Tour de table (selon l'ordre d'arrivée des participants et non dans un sens classique tel que « le sens des aiguilles d'une montre »

Reformulations

2- Que diriez-vous du personnage principal ?

Relancez sur :

- son style, son look, ses habits,

- ses gestes, ses attitudes,

- son statut social, sa profession : quels sont les indices qui vous font dire cela ?

- sa manière de parler,

- ses réactions à l'annonce de la mort de sa femme,

- ses valeurs, ses principes,

3- Comment imaginez-vous la personne qui téléphone (dont on n'entend que la voix off) ?

Relancez sur :

- sa situation professionnelle,

- sa façon de parler,

- l'état de ses relations avec le personnage principal.

- Quels sont les indices qui vous font dire cela ?

4- En dehors du personnage principal et de la voix off, avez-vous remarqué d'autres personnages ?

- Lesquels ? : décrivez- les : style, look, âge, statut, etc.

§ Relancez :

1- sur la femme de la photographie,

2- sur la femme qui marche.

5- Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

- Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

- Relancez sur :

1- les gestes de l'acteur principal,

2- les manifestations de sympathie ou d'antipathie,

3- sa façon de réagir,

4- sa façon de répondre au téléphone.

6- Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

- Les faire citer, les faire décrire

- Relancer :

- en intérieur ?

- en extérieur ? Qu'évoque pour vous le lieu de

tournage en extérieur ?

- Que pensez-vous de l'aménagement du bureau ? du décor ?

7- Des objets ont-ils attiré votre attention ?

- Lesquels ? Les faire décrire.

- Comment avez-vous interprété leur présence ?

- Que pensez-vous de la place prise par la photographie de la femme ? Son emplacement dans le bureau.

8- A quelle période situez-vous l'action du film ?

- Toutes les séquences se situent-elles à la même époque ?

- Comment avez-vous remarqué des époques différentes ?

- Est-ce grâce aux habits ?

- Avez-vous remarqué des flash back ? A quel moment du film ?

- A quels moments de la journée pensez-vous que l'action se déroule ? Toujours le soir ?

9- Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

- Comédie, tragédie, policier ?

- Pourquoi ?

- A quel film, vous fait-il penser ? : - citer le titre du film et/ou son réalisateur

10- Qu'avez-vous remarqué dans le montage du film ?

- continuité ou non des plans ?

- Avez-vous remarqué des raccords : fondu au noir, fondu enchaîné, cut, etc. : Lesquels ?

- Avez-vous remarqué la présence de ralenti ou d'accéléré ?

- Avez-vous remarqué la présence de différentes formes de plan : gros plan, plan d'ensemble, etc. ?

- Tout cela vous semble-t-il utile à la compréhension de l'histoire ? Pourquoi ?

11- Qu'avez-vous remarqué dans la bande son ?

- les voix in et off,

- la musique (éventuellement la musique subliminale du Parrain),

- les bruitages : lesquels ? Qu'ont-ils apporté à l'histoire ?

12- Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Projection de la fin du film

Reprise de la discussion :

A- Que pensez-vous de cette fin ?

B- Quels sont les gestes et les attitudes que vous avez particulièrement remarqués ?

Vous semble-t-elle conforme avec le début ?

- Est-ce une suite logique ?

- Pourquoi ?

Cette fin vous surprend-elle ?

Vous choque-t-elle ? Pourquoi ?

Selon vous, quels sont les sentiments que le personnage principal avait pour sa femme ?

A quel film cette fin vous fait-elle penser ? Sinon, à quel genre ?

Comment imaginez-vous la suite ?

Globalement, comment trouvez-vous ce film ?

- son scénario ?

- sa mise en scène ?

- le jeu des acteurs ?

- le montage ?

- etc.

___________________________________________________________________________

III- Le nombre et l'organisation des réunions

Chaque version fit l'objet de 3 réunions de huit personnes.

Nous avons choisi de n'interroger que des participants au profil assez homogène, en termes de formation universitaire (UFR AES, Administration Economique et Sociale : Deug, Licence, Maîtrise et 3ème cycle) et d'âge (entre 19 et 25 ans), d'une part pour éviter d'introduire trop de facteurs d'influence, d'autre part pour bénéficier du concours d'étudiants motivés par leurs enseignants et chargés de travaux dirigés qui, en outre, ont accepté que les réunions se déroulent pendant leurs heures d'enseignement avec un « prélèvement » de huit personnes à chaque fois.

Nous tenons donc à remercier Madame Krista Duniach-Smith et Mesdemoiselles Belen, Lemoine et Maunier pour leur aide dans le recrutement des participants aux interviews.

Nous tenons également à remercier l'Université Montpellier 1 et l'Université Paul-Valéry Montpellier 3, notamment le Ceric, de nous avoir prêté des salles et du matériel audiovisuel.

Sans leur aide et la bonne volonté des étudiants qui acceptèrent les contraintes de l'organisation (horaires, répartition en groupe de huit, etc.), la mise en oeuvre de notre méthodologie eut été impossible.

Il est à noter que l'âge des participants - entre 19 et 25 ans - est proche de celui du profil médian des spectateurs français. Suite à la réforme Licence/Master/ Doctorat, sur les 15 réunions, 7 regroupent des étudiants de Licence (II ou III) et 8 des étudiants de Master (I ou II).

Dans le tableau suivant, nous indiquons la composition de chaque groupe pour chacune des versions selon leurs sexe, âge, niveau d'études et fréquentation des salles de cinéma.

Répartition et composition des groupes

Version du film

 
 
 

Version 1

Réunion N°2

3 F et 5 H

Deug (Licence II)

19-23 ans

1 film par mois

Réunion N°4

5 F et 3 H

3ème cycle (Master II)

23-25 ans

1 film par mois

Réunion N°7

4 F et 4 H

Maîtrise (Master I)

21-24 ans

1 film par mois

Version 2

Réunion N° 10

4 F et 4 H

3ème cycle

22-25 ans

1 à 2 films par mois

Réunion N°13

4 F et 4 H

3ème cycle

22-25 ans

1 à 2 films par mois

Réunion N°15

4 F et 4 H

Deug

19-23 ans

1 à 2 films par mois

Version 3

Réunion N°6

4 F et 4 H

Licence (Licence III)

20-23 ans

1 film par mois

Réunion N° 11

4 F et 4 H

Maîtrise (Master I)

22-25 ans

1 à 2 films par mois

Réunion N°12

4 F et 4 H

Maîtrise

22-25 ans

1 à 2 films par mois

Version 4

Réunion N°1

6 F et 2 H

Deug

19-23 ans

1 film par mois

Réunion N° 3

5 F et 3 H

Deug

19-23 ans

1 film par mois

Réunion N°8

4 F et 4 H

Deug

19-23 ans

1 film par mois

Version 5

Réunion N°5

3 F et 5 H

3ème cycle

23-25 ans

1 film par mois

Réunion N° 9

4 F et 4 H

Licence

21-23 ans

1 film par mois

Réunion N°14

4 F et 4 H

Maîtrise

21-23 ans

1 film par mois

Les 15 réunions furent filmées intégralement puis retranscrites.

Nous présentons ci-dessous leur analyse version par version.

Le début d'un film était projeté en début de réunion. S'en suivait une discussion qui s'achevait sur un test de récit à compléter. Puis, la fin du film était diffusée. L'interview reprenait pour commenter la fin imaginée par le réalisateur et donner la possibilité aux participants d'en proposer une différente, à leurs yeux mieux adaptée.

Chapitre 4 : L'analyse longitudinale des cinq versions

Nous analyserons les interviews version par version et comparerons d'une part les discours tenus dans les trois réunions, pour chacune des cinq versions, d'autre part les sens intentionnels voulus par le réalisateur et les sens perçus par les spectateurs. Nous espérons ainsi mettre en valeur les processus de construction de sens de part et d'autre et les écarts de compréhension mutuelle.

A la suite de ces analyses que nous qualifierons de longitudinales, nous procèderons à une analyse transversale. La comparaison des effets, plan par plan, dans un premier temps dans les trois premières versions, car très proches les unes des autres, puis dans un deuxième temps dans les deux dernières versions, également peu différentes entre elles. Cette approche à la fois longitudinale et transversale permettra d'isoler les éventuels éléments filmiques les plus influents.

I- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 1 : le mari effondré

Trois réunions furent organisées : les réunions 2, 4 et 7. Dans l'analyse qui suit, il nous a semblé utile d'indiquer l'appartenance des citations à telle ou telle réunion.

De prime abord, ce que retiennent les spectateurs de cette version, c'est avant tout : - son rythme lent, « j'ai trouvé ça assez lent » (Réunion 2), - l'ambiance étrange créée par les images et le son, ainsi que par la mise en scène et le jeu des acteurs, « La réaction du personnage est étrange » (Réunion 7).

Tout cela fait penser à de nombreux spectateurs soit à un film policier, « ça m'a fait penser à Derrick » (Réunion 2), soit à un drame psychologique, « il y avait un peu de psychologie » (Réunion 2). En plus de la brutalité du coup de téléphone, « on ne donne pas une telle nouvelle par téléphone » (Réunion 4), deux événements furent particulièrement remarqués : « cette femme qui s'en va dans le désert » (Réunion 2), le mari qui «va voir à sa fenêtre » (Réunion 7).

Pour ce dernier événement, deux interprétations opposées sont données : « c'est pour regarder le lointain, c'est une image du temps qu'on ne peut pas rattraper » (Réunion 7) ou c'est une manifestation de l'indifférence du mari : « il va voir à sa fenêtre comme si de rien n'était » (Réunion 7).

Les avis convergent, par contre, pour dire qu'il s'agit d'un responsable d'entreprise, cadre ou président-directeur général, d'une cinquantaine d'années : « il est habillé comme un cadre dans un bureau » (Réunion 2), « il est très bien habillé en plus. C'est le patron, c'est sûr ! » (Réunion 4), «  c'est sûrement un cadre supérieur de 50 ans » (Réunion 2). Les indices qui leur font penser cela sont vestimentaires, « il est très bien habillé » (Réunion 4), mais aussi physiques, « Il a les cheveux grisonnants. Il a une moustache », « un petit ventre aussi » (Réunion 7), et matérielles « avec des verres » dans son minibar. « Pour avoir un réfrigérateur dans son bureau, c'est sûrement un homme très bien placé. Peut-être le PDG » (Réunion 4).

En la matière, les indices concrets laissés par le réalisateur sont donc assez bien identifiés

En revanche, les avis divergent sur le moral du personnage principal : pour certains, il est abattu, «il semble abattu. Il va se servir un cognac » (Réunion 4), pour d'autres il est insensible, froid, «Il n'est pas très émotif », « Il me semble pas triste du tout » (Réunion 7), « il est aussi chaleureux que son frigo » (Réunion 2), voire calculateur, « Tout était réglé d'avance pour lui », « c'est pour cela qu'il ne semble pas surpris quand il reçoit le coup de fil. » (Réunion 4). Pour d'autres, il est trop impliqué dans son travail, « il a l'air d'être très investi dans son travail. » (Réunion 4), et selon d'autres encore, dans l'alcool, « Il doit aimer boire son verre chaque jour » (Réunion 4).

Le deuxième personnage le plus remarqué est la femme qui marche dans le sable.

Prise de dos, il est difficile de la décrire, «difficile à dire, on ne la voit que de dos » (Réunion 2), « elle a un jean bleu » (Réunion 2). Certains la voient plus jeune que le personnage principal, « je pense qu'elle est plus jeune » d'autres du même âge, « elle semble avoir le même âge que l'homme au bureau » (Réunion 2).

Son lien avec le personnage principal est également interprété de façons diverses. Certains spectateurs voient en elle l'épouse décédée. D'autres, la maîtresse du personnage principal : « ce doit être sa femme », « c'est peut-être sa maîtresse » (Réunion 7).

D'un point de vue plus technique, l'interprétation de ce plan avec sept fondus enchaînés est également très variable. Certains y voient : un flashback, « C'est le souvenir de sa femme » (Réunion 7), « Ca doit être un souvenir de vacances » (Réunion 2). D'autres, un flashforward de futures vacances : «vu qu'il ne semble pas touché...c'est peut être ses futures vacances qu'il voit » (Réunion 7). D'autres, une évocation du départ sans retour : « une image de son départ dans l'immensité » (Réunion 7).

Certains spectateurs s'interrogent sur la signification de ce plan long avec des ellipses, sans ralenti, contrairement à ce que croient quelques spectateurs : « il y a un ralenti quand on voit une femme qui marche », « on ne comprend pas ce qu'elle fait là, qui elle est. Pourquoi c'est ralenti ? C'est étrange ». (Réunion 4).

Alors que d'autres y voient un procédé classique et s'étonnent qu'on ne le comprenne pas : « C'est classique comme procédé. Alors toi le cinéphile ? » (Réunion 4)

La voix off au téléphone étant différente dans les versions 1, 2 et 3, elle est importante pour la création du sens.

Elle est dans cette version clairement identifiée comme venant d'un hôpital grâce aux bruits de fond : « l'appel vient d'un hôpital » (Réunion 4).

En revanche, les paroles ne suffisent pas à donner le véritable statut de l'appelant : «c'est quelqu'un de l'hôpital : une secrétaire », « plutôt un médecin », « oui sûrement le médecin qui suivait sa femme », « plutôt une infirmière » (Réunion 7), « c'est un docteur » (Réunion 4).

Le réalisateur ne voulait pas imposer un statut. Toutefois, par le bruit d'un clavier d'ordinateur, il pensait plutôt suggérer qu'il s'agissait d'une secrétaire médicale or ce statut est assez peu cité.

Pire, alors que la voix est clairement féminine, un spectateur, probablement distrait, doute que ce soit une femme : « on ne le sait pas, pourquoi pas un homme ? » (Réunion 4).

Un troisième personnage est repéré dans cette version, au travers une photographie (plan d'une seconde). Est-ce la taille du plan et/ou sa faible durée, ou le fait que la photo soit en noir et blanc, les perceptions sont très divergentes quant à l'âge de la personne photographiée (en réalité 35-40 ans), la couleur des cheveux (femme brune) : « elle avait des cheveux blancs », « elle est blonde », « elle était brune » (Réunion 7). Il faut noter le même doute qui entoure le statut de cette femme : « c'est une vieille photo en noir et blanc. Je pense que c'est sa femme », (Réunion 2), « c'est une photo de sa femme, sans doute, ou de sa fille. » (Réunion 7).

En matière décorative, l'aménagement du bureau n'est pas apprécié de la même façon. Certains le jugent dépassé : « il fait ancien dans sa disposition », « il y a un vieux store qui semble abîmé » (Réunion 2), d'autres le trouvent vaste et fonctionnel et l'associent au statut directorial du personnage principal, « j'ai surtout remarqué le vide sur le bureau », « c'est le signe de son niveau hiérarchique » (Réunion 4). D'autres, enfin, constatent la présence d'un téléphone, d'une plante verte et d'un « frigo Philips » (Réunion 2).

La présence du minibar est interprétée très différemment selon les spectateurs, positivement pour certains, négativement pour d'autres qui n'apprécient pas le bureau globalement : « le frigo Philips me gêne en face du bureau. Il n'a rien à faire là je trouve », « je vois mal un frigo dans un bureau comme celui-là » (Réunion 2).

La marque du minibar a attiré l'attention de certains : « On voit bien la marque Philips. Il est marron en face du bureau » (Réunion 4). L'un des spectateurs va même jusqu'à penser à un placement de produit : « la marque sponsorise le film » (Réunion 4), ce qui ne correspond en rien à la réalité du financement de ce film.

Certains remarquent l'absence choquante d'un ordinateur pour un bureau de directeur ( ?) : « il n'y a pas d'ordinateur ! Et de nos jours il y a toujours un ordinateur dans un bureau » (Réunion 2). Mais pour d'autres, un véritable responsable d'entreprise n'a pas besoin d'ordinateur étant sous-entendu qu'il a des collaborateurs pour cela.. « tu as vu un ordinateur sur un bureau de ministre, toi ? (...) » (Réunion 7)

Un spectateur, très sûr de lui, affirme péremptoirement que : « c'est un studio de tournage, il y a un poster noir pour faire nuit », ce qui n'est pas le cas..

Quant à la scène de la femme qui marche dans le sable, elle a été tournée, selon les spectateurs, soit en Bretagne, soit dans le désert : « ça a été tourné dans le Sahara. Je connais bien le Sahara et ça lui ressemble ». Le doute est parfois de mise : « pour moi, c'est une plage mais pourquoi pas le désert aussi » (Réunion 2).

Les relations entre le personnage principal et sa femme décédée sont difficiles à définir.

Trois groupes de spectateurs se distinguent :

- l'un considère que le mari n'a pas l'air de regretter sa femme, «il n'a pas l'air de la regretter », « il ne me semble pas plus triste que ça » (Réunion 2), « il n'est pas perturbé par la mort de sa femme. Ca ne devait plus aller entre les deux » (Réunion 4)

- le deuxième groupe n'est pas du tout d'accord et semble croire en la réalité des sentiments entre les deux époux : « désolé, mais je ne suis pas d'accord. Tout indique au contraire qu'il tenait à elle : le coup de la fenêtre, le regard dans le vide, l'image de la femme qui s'éloigne » (Réunion 7), « il semble affecté quand même » (Réunion 4)

- le troisième groupe considère que le personnage principal cache soit sa tristesse « il prend sur lui. Il ne veut pas montrer ses émotions » (Réunion 2), soit son jeu « En fait, on ne croit pas à l'accident. On s'attend à quelque chose d'autre » (Réunion 7). L'un des spectateurs va même jusqu'à penser que c'est une façon de créer un certain suspense : «C'est sans doute l'idée du film : laisser planer le doute » (Réunion 7).

L'époque pendant laquelle l'action du film se déroule est également perçue différemment selon les spectateurs.

Là encore, plusieurs groupes se dégagent :

- L'un d'eux situe l'action dans les années 80, « Dans les années 80. Avec un mobilier comme ça...Et pas d'ordinateur non plus... » (Réunion 7). Les spectateurs de cet avis avancent le côté démodé des vêtements et du bureau : « A cause des habits et du bureau qui fait vieux » (Réunion 2), « ce téléphone. Il est vieux. Avec des trucs pour noter les noms dessus » (Réunion 7), « ce frigo avec cette marque très visible...Il est assez ringard » (Réunion 7)

- Un autre groupe situe l'action dans les années 90 : « c'est plus vieux. Ca ne se passe pas en 2004. Quand on voit les meubles, le téléphone ; non, c'est plus ancien que ça... disons 10 ans à peu près » (Réunion 4).

- Plus proche de la vérité, un troisième groupe situe l'action de nos jours : « Ca se passe de nos jours » (Réunion 4). Le plus surprenant est que les arguments utilisés sont les mêmes quelle que soit la période pendant l'action : les vêtements, le bureau, etc.. Selon les deux premiers groupes, ils sont démodés, voire ringards. Pour le dernier, ils sont conformes à ce qui existe actuellement : « vous devriez sortir un peu et aller dans une entreprise, vous auriez des surprises. C'est un bureau tout à fait correct au contraire (...) c'est un bureau de directeur pas de milliardaire » (Réunion 7).

Le genre dans lequel les spectateurs situeraient le film ne fait pas non plus l'unanimité. Drame, tragédie, policier, film noir, sitcom, téléfilm allemand, court-métrage sont cités. Certains avancent l'atmosphère d'un film policier, « tout est dans l'atmosphère » (Réunion 7).

D'autres ne veulent pas se prononcer sous prétexte qu' « il faudrait voir la suite pour dire si c'est un policier » (Réunion 2).

Dans la bande son, la musique est, avec la voix off et la sonnerie du téléphone, l'élément le plus remarqué alors que pour le réalisateur, il ne s'agissait pas d'un élément déterminant. Il souhaitait que la musique extra-diégétique soit identique pour les cinq versions, qu'elle permette toutes les interprétations, qu'enfin elle soit libre de droit. Les remarques faites à son sujet sont plutôt favorables : « Il y a une musique chinoise (...), c'est une musique lente  (...), on l'entend beaucoup quand on voit la plage » (Réunion 2). « il y a une musique qui va bien avec le film...Mais je ne sais plus ce que c'est (...) une musique douce qui colle bien » (Réunion 7).

Après avoir diffusé la première partie, l'animateur demandait aux participants aux interviews de groupe d'imaginer une fin à ce film. Les fins du film imaginées par les spectateurs après le fondu au noir du plan 15 sont très diverses :

- certains voient la tristesse et la solitude du mari : « il va pleurer longtemps je pense et rester dans son bureau », « il aura du mal à s'y faire » (Réunion 2). Deux d'entre eux vont jusqu'à penser au suicide. 

- D'autres imaginent une machination et une enquête policière : « il a tué sa femme et on va le savoir (...) il a peut-être fait appel à un tueur » (Réunion 2)

- D'autres encore voient le mari se reprendre, « faire la fête », « je le verrai se remettre » (Réunion 2) ou, au contraire, se remonter le moral avec de l'alcool : « il va continuer à boire », « il va finir sa bouteille » (Réunion 4), « il va se saouler » (Réunion 7).

- Certains pensent qu'il fera appel à quelqu'un, «  je le verrai bien appeler quelqu'un » (Réunion 4) et évoquent l'hypothèse qu'il appelle sa maîtresse, « ou sa maîtresse va arriver (...) oui forcément un truc comme cela » (Réunion 7).

A la suite de la projection de la deuxième partie du film, la fin imaginée par le réalisateur suscite des avis et jugements divergents :

- certains jugent cette fin conforme à ce qu'ils avaient imaginé, «c'est un peu ce que j'avais dit » (Réunion 2), «c'est dans la logique des choses », « un drame est un drame », « c'est un peu mélo, mais bon, je le disais c'est une tragédie » (Réunion 7 ». Trop conforme même pour l'un d'eux : « c'est trop banal » (Réunion 2).

- Toutefois, la majorité des spectateurs est surprise, ne pensant pas que le mari était si affecté par le décès de son épouse : « je ne le trouvais pas très affecté par la mort de sa femme, alors cela m'étonne », «il avait un coeur en tout cas, je ne le pensais pas (...) Eh oui, je ne le voyais pas si insensible, tant mieux » (Réunion 4).

- Quelques spectateurs sont déçus voire assez critiques : « deux morts en 5 minutes, c'est un peu morbide », « j'aurai préféré une autre fin », « trop prise de tête » (Réunion 7),

- D'autres attendent, malgré tout, un happy end, «il va se réveiller, c'est un cauchemar », « tu cherches toujours le happy end » (Réunion 7), « il va se réveiller, il n'est pas mort, je pense. Juste tombé dans les pommes », « il va retourner dans le désert où il allait avec sa femme » (Réunion 4).

Un point important est à noter : parmi les spectateurs qui classaient le film dans le genre des films policiers, certains persistent dans leur position : « C'est quoi un whisky empoisonné ? » (Réunion 4).

Le décalage entre la fin du film et le genre dans lequel ils le situaient provoque donc : - soit une sorte de frustration, « ça me semble pas logique », « moi, je trouve ça surprenant », « on manque d'explications. En fait, ce n'est pas assez long », « nous n'avons que la fin et pas tous les pièces du puzzle » ; - soit, la conviction chez certains que le film va se poursuivre ou que ce n'est qu'un extrait : « en fait ce qui nous manque c'est le début », « je ne suis pas d'accord, à mon avis, il va y avoir une enquête de police », « Ah ! Pas mal, j'aimerais bien aussi » (Réunion 2), « on pourrait imaginer un retour en arrière sur plusieurs années» (Réunion 7).

Compte tenu de la variété des avis et des opinions des spectateurs que nous venons de présenter, nous avons comparé pour chacun des plans du film le sens que souhaitait générer le réalisateur avec celui perçu par les spectateurs.

Cette comparaison plan par plan a ses limites. La principale d'entre elles vient du fait qu'après le découpage du corpus de l'interview de groupe en unités de contenu, la catégorisation n'est pas faite sur la base de groupes d'éléments de même sens, comme on doit le faire (Bardin, 1986), mais par plan. Autrement dit, cette catégorisation par plan ne repose pas sur la signification mais sur le découpage du film.

Nous avions imaginé des solutions pour éviter ce type de catégorisation ex ante. La première était de procéder à des arrêts sur image à la fin de chaque plan ; nous avons expliqué plus haut les raisons pour lesquelles nous nous refusions à le faire, notamment celle relative au respect de la continuité. La deuxième était de demander, lors de la discussion de groupe, aux participants de débattre sur chaque plan, en leur imposant un guide d'entretien structuré par plan (c'est-à-dire plutôt un questionnaire ouvert), voire en projetant une image choisie de chaque plan. Nous avons renoncé à cette solution méthodologique pour ne pas introduire davantage de directivité dans nos interviews.

Nous avons donc, malgré les limites que nous venons d'évoquer, opté pour une catégorisation plan par plan afin de comparer les effets recherchés par le réalisateur, strictement définis plan par plan en amont par le réalisateur-monteur lui-même, et les effets perçus par les spectateurs catégorisés en aval par l'analyste.

Analyse comparative du sens

Numéro du plan

Contenu

Sens voulu par le réalisateur

Sens perçu par les spectateurs

Plan 1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, normale de travail, en train de lire et de traiter un dossier important

Les éléments identitaires du personnage principal sont globalement bien compris par les spectateurs : statut, âge, etc.

En revanche, l'interprétation temporelle des décors et costumes est très variable.

Plan 2

Le téléphone sonne

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

L'objectif est atteint mais certains spectateurs ont, étrangement, jugé l'appareil vieillot ce qui les a, entre autres, trompés sur le moment où se situe l'action. La question qui se pose est donc de savoir si c'est l'appareil lui-même qui fait ancien ou si c'est le gros plan qui accentue cet effet : « dans les Derrick, il y a toujours un téléphone en gros plan ».

Plan 3

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off féminine dit « M. Neuville, je vous téléphone pour vous annoncer que votre femme est morte ». Bruits de sirène d'ambulance, de clavier d'ordinateur et d'imprimante

Mettre en opposition l'attitude froide et contrôlée d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme. Le vouvoiement et les bruits hors champ diégétiques sont des éléments d'identification de la personne dont on entend la voix (off). Il s'agit d'une personne d'un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmière ou simple secrétaire ? Mais le bruit d'un clavier d'ordinateur semble indiquer qu'il s'agit d'une secrétaire.

Certains spectateurs, mais pas la majorité, ont parfaitement compris l'attitude froide du personnage, «  Il y a des gens qui réagissent comme ça dans la vie. Ca me semble assez crédible ». Attitude que d'aucuns expliquent par ses grandes responsabilités dans une entreprise.

En revanche, le vouvoiement et les bruits hors champ d'un hôpital ont permis l'identification de la personne à la voix off , sans toutefois lui donner un statut exact comme c'était souhaité par le réalisateur. Le statut de secrétaire est peu cité.

Plan 4

M. Neuville reste un moment silencieux

Insister sur l'effet de surprise sur le personnage. Montrer sa réaction face au changement de situation

Cet effet est peu perçu par les spectateurs qui, pour la plupart, trouvent que le personnage est assez insensible.

Certains pensent qu'il se doutait de la nouvelle :

« il me semble qu'il s'attendait à tout ça. (...). Tout était réglé d'avance pour lui. », « oui, c'est pour cela qu'il ne semble pas surpris quand il reçoit le coup de fil. »

En revanche, un assez grand nombre de spectateurs sont choqués de la brutalité avec laquelle l'hospitalier annonce la nouvelle. « on ne donne pas une telle nouvelle par téléphone ». Cette brutalité peut avoir atténué le jeu de l'acteur.

Plan 5

M. Neuville écoute son interlocutrice poursuivre en voix off : «Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

Montrer les réactions du personnage principal, ses mimiques (hochements de tête, moue, fermeture du visage, etc.) sans trop en révéler grâce à sa moustache.

Le jeu de l'acteur a influencé peu de spectateurs, « il n'est pas très expressif (...) »

Plan 6

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

Montrer le personnage reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail

Certains spectateurs ont bien compris la maîtrise dont faisait preuve le personnage, ce qui leur permet de moins mal le juger : « ou alors il prend sur lui. Il ne veut pas montrer ses émotions », « il semble affecté quand même. Mais il le cache ».

En revanche, le fait qu'il se lève pour aller à la fenêtre est peu interprété, et cependant, de façons différentes : plus souvent négativement et de manière incorrecte (par rapport à l'objectif du réalisateur), « il va voir à sa fenêtre comme si de rien n'était », « Sa façon de marcher au début. Tout était réglé d'avance », plus rarement positivement et de manière correcte : « il tenait à elle : le coup de la fenêtre, le regard dans le vide ... ».

Plan 7

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer l'opposition lumière/obscurité, vie/mort.

Un seul spectateur l'a vraiment comprise : «c'est pour regarder le lointain, c'est une image du temps qu'on ne peut pas rattraper ». 

Les autres doutent ou l'interprètent comme de l'indifférence.

Plan 8

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

L'interprétation est très variable allant de l'incompréhension totale, au doute, à l'identification d'un flashback ou, à l'opposé d'un flashforward, à celle de la femme décédée ou d'une maîtresse, en passant par la reconnaissance de ralentis qui n'existent pas jusqu'à une interprétation correcte - mais très rare - du plan : « c'est une évocation de la personne qui part. Cela symbolise le passage de la vie à la mort », « C'est le souvenir de sa femme et encore une image de son départ dans l'immensité ».

Plan 9

M. Neuville ferme son store et se retourne

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Peu de spectateurs le ressentent. Cependant quelques remarques font croire que ce plan n'est pas passé totalement inaperçu : « il a l'air d'être très investi dans son travail. », «même si son boulot passait avant sa femme ».

Plan 10

Un cadre avec une photographie est posé sur un meuble de bureau long et bas. La photographie est celle d'une femme de 35-40 ans, brune

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

La photographie est nettement remarquée. En revanche, son interprétation est variable quant aux critères d'âge, de physique et de couleur de cheveux. Le statut de la personne en photo est également variable selon les spectateurs. Il s'agit selon eux soit de la femme du personnage principal, soit de sa maîtresse, soit de sa fille. Un seul spectateur remarque que le lieu où se trouve la photo, son bureau, rend difficile le fait qu'il puisse s'agir d'une photo de sa maîtresse : « dans son bureau il ne pourrait pas mettre une autre photo (que celle de sa femme) tout de même ».

Plan 11

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

Montrer l'attirance quasi-magnétique de cet objet pour le personnage principal.

Montrer que la photo de cette femme lui redonne de l'énergie.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs

Plan 12

M. Neuville se baisse

Donner du rythme par un plan très court montrant une action singulière dont on ne connaît pas encore la raison.

Apparemment sans effet particulier.

Plan 13

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre et une bouteille. Il ferme la porte du minibar. Bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

Mettre en valeur un objet associé à un besoin urgent à assouvir : le besoin de boire

Quelques spectateurs le remarquent mais plutôt comme un vice habituel : « il va continuer à boire », « il va finir sa bouteille », « il va se saouler », « ça me semble un rituel quotidien chez lui. Il doit aimer boire son verre chaque jour ».

L'association alcool-tristesse n'est donc pas perçue

Plan 14

M. Neuville ouvre sa bouteille

Montrer l'énergie dépensée par le personnage et la précision de ses gestes

Dans la suite du plan précédent, certains voient davantage les habitudes d'alcoolisme « mondain » mais ils sont minoritaires.

Plan 15 (A)

Il se sert un verre à proximité du cadre de la photographie

Montrer le lien entre ce besoin de boire de l'alcool et les retombées de l'annonce de la mort de sa femme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Apparemment sans effet particulier sur les spectateurs. Il ne fait sans doute que confirmer ce qu'ils pensaient.

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

Il pose sa bouteille à proximité de la photographie.

Bruits de bouteille.

Insister sur l'association alcool-deuil.

Pas d'effet apparent

Plan 16

Il boit son verre de la main gauche, à proximité de la photographie d'une femme brune

Montrer avec pudeur, donc de dos, la tristesse supposée du personnage principal.

Ce plan semble avoir touché certains spectateurs : « je ne le trouvais pas très affecté par la mort de sa femme, alors cela m'étonne », « il avait un coeur en tout cas, je ne le pensais pas », « je ne le voyais pas si insensible, tant mieux »

Plan 17

M. Neuville prend la photographie de sa main droite

Montrer son besoin de se souvenir, de toucher l'image de son épouse.

Pas d'effet particulier, confirme le plan précédent, pour ceux qui jugent correctement le personnage principal

Plan 18

Gros plan sur la photographie de la femme brune

Mettre en valeur la beauté et la jeunesse de la femme photographiée

Pas d'effet particulier

Plan 19

M. Neuville est pris de soubresauts

Montrer furtivement les gestes du personnage principal à la vue de la photo. Laisser planer un doute sur les raisons de ces soubresauts : sanglots, etc.

Les effets sont contradictoires selon l'idée générale que se fait du film chacun des spectateurs.

Les tenants du film policier continuent à croire en un crime, par empoisonnement, «C'est quoi un whisky empoisonné ? », ou en une simulation de malaise : « il simule une crise cardiaque...c'est pas possible ». Mais la plupart des spectateurs adhère à la fin « romantique » : «au début, on croyait qu'il était peu attaché à sa femme et plus à son boulot. Alors qu'en fait il est très affecté par la mort de sa femme... », « c'est presque romantique comme fin », même si certains trouvent la fin banale.

Plan 20

M. Neuville pose sur le meuble son verre, puis le cadre violemment. Bruits de verre et du cadre qui sont posés sur le meuble. Puis, M. Neuville tombe en arrière

Montrer la rapidité et la brutalité avec lesquelles les événements vont suivre.

Cette rapidité est notée par certains spectateurs, mais plutôt comme un reproche : « c'est trop rapide.

il y a trop de questions sans réponse ».

Plan 21

M. Neuville tombe sur la moquette

Montrer la chute, comme vu du ciel, par un plan très court.

Pas d'effet particulier hormis la remarque de l'un des spectateurs qui conteste la façon de tomber de l'acteur : « il tombe en arrière. Or, il devrait tomber en avant »

Plan 22

M. Neuville poursuit sa chute, son bras gauche s'étend au sol.

Insister sur la chute et l'état de malaise sans donner de fin véritable à cette version : simple malaise, suicide, empoisonnement ou crise cardiaque ?

Ce plan et les précédents ont quelques incidences mais leur signification varie selon les spectateurs.

Les tenants du film policier continuent à croire en un crime, par empoisonnement, «C'est quoi un whisky empoisonné ? », ou en une simulation de malaise : « il simule une crise cardiaque...c'est pas possible ». Certains spectateurs évoquent une crise cardiaque : « c'est une crise cardiaque » ou un simple malaise : « il n'est peut-être pas mort. C'est peut-être juste un malaise », «il va se réveiller, il n'est pas mort, je pense. Juste tombé dans les pommes » .

L'un d'eux trouve excessif cette série de décès : «deux morts en 5 minutes, c'est un peu morbide ».

D'autres reviennent sur leur première impression : « il l'aimait sinon il ne serait pas mort », « l'esprit y est, il meurt ».

Enfin, un certain nombre de spectateurs regrettent la faible durée du film et surtout que la fin laisse des zones d'ombre comme le souhaitait le réalisateur : « il y a trop de questions sans réponse », « Il y a peut-être quelque chose que l'on ne sait pas encore », «il y a des zones d'ombre ». Compte tenu de ces divergences, l'objectif du réalisateur de laisser le spectateur sans véritable réponse finale semble atteint.

Il est à noter que les spectateurs ont peu montré de connaissances « techniques ». Les rares commentaires techniques sur le tournage et le montage sont pour la plupart erronés. La série de fondus enchaînés du plan 8 est, quand elle est remarquée, confondue avec des ralentis.

Le tournage ne fut pas, comme l'un des spectateurs le dit péremptoirement («c'est un studio de tournage, il y a un poster noir pour faire nuit ») effectué en studio mais dans un véritable bureau, celui du directeur régional de la compagnie d'assurances AGF, en fin de journée à Montpellier.

Trois spectateurs sur les 24 des trois groupes utilisent un début de terminologie correcte : « c'est un flash back : un retour dans le temps » (Réunion 7), « il y a des retours en arrière, je crois », « oui un flash back avec la scène dans le désert » (Réunion 2).

Leur culture étant principalement télévisuelle (séries américaines et allemandes, sitcoms, téléfilms, Columbo, Derrick, etc.), certains spectateurs associent le Gros Plan aux productions télévisuelles plutôt qu'aux films cinématographiques : « dans les Derrick, il y a toujours un téléphone en gros plan ».

En outre, une remarque faite par certains interviewés est intéressante à souligner, celle concernant le format de l'image : « ça fait série télé, l'image ». Les séries et téléfilms américains et allemands ont, en effet, rarement des bandes noires en haut et en bas de l'écran du téléviseur ; ce qui n'est pas le cas pour ceux réalisés en France, leur réalisateur et producteur ayant adopté un format « pour faire cinéma » 398(*): « C'est ce qu'on appelle le format cinéma du DVD399(*). Notons, cependant, que l'ajout de bandes noires est beaucoup moins gênant avec un écran 16:9. »400(*). Or, le film que nous avons diffusé était au format TV sans bandes noires, d'où l'association possible faite par certains spectateurs :

Film sans bandes Téléfilm ou série plutôt étranger.

Il n'en reste pas moins vrai que certains spectateurs ont perçu dans le récit et dans les techniques utilisées, sans qu'ils les définissent précisément, un moyen de créer une ambiance, voire un suspense : « (trop prise de tête) : c'est le genre qui veut cela », « oui mais tout est bizarre : même le cadrage, c'est étrangement filmé », « c'est fait exprès pour te déstabiliser, je pense », « c'est réussi, crois moi ».

II- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 2 : le mari commanditaire

Trois réunions furent organisées : les réunions 10, 13 et 15. Comme pour la version précédente, dans l'analyse qui suit, nous indiquerons l'appartenance des citations à telle ou telle réunion.

Ce qui frappe les personnes qui ont visionné cette version, c'est avant tout la réaction étrange du personnage principal. Certains lui reprochent le manque de réaction « l'absence totale de réaction du personnage après l'annonce de la mort de sa femme...c'est curieux » (Réunion 10), « Il ne me semble pas réagir comme quelqu'un de normal quand il apprend la mort de sa femme » (Réunion 15), « le personnage n'a pas l'air touché par la mort de sa femme » (Réunion 13). D'autres le soupçonnent d'être pour quelque chose dans la mort de son épouse : « on dirait qu'il a tué sa femme ou qu'il a ordonné qu'on la tue » (Réunion 13), ou tout au moins qu'il s'y attendait : « On dirait qu'il s'y attendait » (Réunion 15). Plus indulgents, certains spectateurs expliquent ce comportement a priori indifférent par les préoccupations professionnelles du personnage principal : « à moins qu'il soit très préoccupé par son boulot » (Réunion 15) ou par une froideur naturelle : « je ne suis pas certaine qu'il s'en foute moi » (Réunion 13). Dans le groupe 10, fut également remarqué par un de ses membres comme élément prégnant « une musique asiatique qui fait penser aux années 70 » et par un autre membre de ce groupe la ressemblance avec « un film américain ».

Le personnage principal est perçu comme « un homme d'affaires », « ou un chef d'entreprise », quelqu'un « de bien placé, au minimum un cadre. Il en a tous les attributs vestimentaires : « il porte un costume » (Réunion 13), « il est en costume cravate » (Réunion 15).

Des indices spatiaux - « Il a son bureau. Il a la possibilité de s'isoler » (Réunion 13) - et comportementaux confirment ce statut : « Il travaille tard dans son bureau » (Réunion 15).

Son statut familial est également bien identifié : « il était marié, puisqu'on nous dit que sa femme est morte » (Réunion 15). Son attitude est globalement jugée assez sévèrement : « : il n'a pas l'air très sensible (...) Il doit avoir un coeur de pierre » (Réunion 13). Sa froideur apparente et/ou ses vêtements et sa coiffure font dire à l'un des participants : « Le look du mec fait allemand » (Réunion 13).

Il est « dévoué corps et âme à son entreprise » (Réunion 15), ce qui « n'excuse pas son attitude » vis-à-vis de son épouse. Les plans, lorsqu'il regarde par la fenêtre de son bureau, sont interprétés différemment. Selon certains, « il pense à sa femme. Il pense à la mort de sa femme » (Réunion 13), pour un spectateur plus critique à son égard, « il semble être sur ses

gardes. Il regarde aux rideaux pour voir si on ne l'observe pas. Il se sent espionné » (Réunion 13).

Dans les trois groupes, le bureau est le principal lieu du déroulement de l'action. L'extérieur (la plage ou le désert) n'est cité que dans deux groupes sur trois.

Quel que soit le groupe, le bureau où se déroule l'action principale fut correctement observé : « il y a un bureau normal avec un téléphone, une plante verte », « des rideaux fermés » ou « des stores », « une photo de sa femme », « un frigo » ou « un mini bar Philips », etc. En revanche, les spectateurs jugent différemment les décors. Pour certains, c'est un « un bureau normal...Très banal » (Réunion 10), « classique... rien d'exceptionnel. Il est juste bien rangé » (Réunion 13). Pour d'autres, c'est un bureau qui révèle le statut hiérarchique du personnage dans son entreprise : « Un grand bureau même.. » (Réunion 15).

Plus singulière, est la remarque de plusieurs spectateurs qui ne croient pas en la réalité du lieu : « ça fait trop bien rangé pour être vrai. Je pense que c'est tourné en studio » (Réunion 15) ; « le bureau fait un peu trop décor. Rien me semble réel...le désert, etc. C'est étrange comme impression » (Réunion 10). Les décors sont même jugés angoissants : « c'est vrai, ça fait pas un endroit utilisé tous les jours. C'est très froid. Un peu angoissant .. » (Réunion 10).

Autre étrangeté constatée par un spectateur : l'absence d'ordinateur, « j'ai remarqué un minitel et pas d'ordinateur, cela me semble bizarre tout de même ».

Quelques spectateurs se basent sur la présence d'un objet dans le bureau pour identifier l'espace et le temps de l'action : « j'ai remarqué un minitel (...). Donc cela se passe en France », «y a pas de minitel ailleurs qu'en France.... » (Réunion 15). Même esprit logique en matière de datation de l'action : «il n'y aurait pas ce minitel, j'aurais dit de nos jours mais là je ne sais plus.. une dizaine d'années... ».

En ce qui concerne la scène dans les dunes de sable, les avis sont partagés. Certains reconnaissent un désert - « il y a aussi ce passage dans le désert » (Réunion 13) - d'autres pensent plutôt qu'il s'agit d'une plage ou d'un bord de mer : «ce peut-être en bord de mer », « il y a aussi la plage avec le sable, mais je ne crois pas que ce soit un désert ». L'un des spectateurs fait remarquer avec justesse que le cadrage ne permet pas de conclure entre l'une ou l'autre des possibilités évoquées : «c'est une grande étendue de sable et comme on ne voit pas d'eau, on peut tout imaginer... » (Réunion 15). Le doute demeure donc : « C'est un désert ou une plage ? », « oui le Maroc ou l'Espiguette ? », « l'Ile de Ré... ? » (Réunion 10)

La personne qui téléphone pour informer le personnage principal et dont on n'entend que la voix off est identifiée très diversement selon les spectateurs.

Certains imaginent simplement « une personne qui appelle des urgences » (Réunion 10), ou « un docteur » (Réunion 13), « un médecin. Il y avait du bruit derrière aussi. Un bruit de foule, comme dans le hall d'entrée d'un hôpital » (Réunion 15).

Mais cette association hall d'entrée d'hôpital médecin est contredite par certains spectateurs qui pensent reconnaître le bruit d'une gare - « je pense que c'est une gare » (Réunions 10 et 15) - ou d'un aéroport : « je dirais plutôt un aéroport. Il y avait même une annonce je crois » (Réunion 15). « Il y a une annonce derrière, d'un aéroport » (Réunion 10).

De là, certains spectateurs sont tentés par une autre association Gare ou Aérogare Tueur.

Dans le groupe N°10, à l'intervention de Corinne : « Moi, je pense que c'est une gare », Marie enchaîne « Ah bon ? Il aurait fait flinguer sa femme !? ». Plus tard au cours de l'interview, cette association se précise : « un jetkiller à la Léon401(*) » (Réunion 10).

D'autant plus que cette association est confortée par le timbre de la voix au téléphone, « Il a la voix d'un tueur » (Réunion 10) et surtout par un accent étranger prononcé : « c'est un polonais ou un russe », « non ! un corse ou un italien », «le gars avait un accent bizarre, c'est pas net »  (Réunion 10), . La voix off évoque, en effet, la mafia : « un accent italien, on aurait presque dit un mafieux » (Réunion 15) ; « L'accent est italien (...) un peu mafieux » (Réunion 13), « - l'accent faisait italien ...- oui, mafioso » (Réunion 10). Cet accent est, pour l'un des spectateurs, pris dans le but de camoufler sa véritable voix : « elle prend un accent plutôt...comme si elle voulait camoufler sa voix... ».

L'un des spectateurs a également remarqué une musique extradiégétique, en plus de la musique asiatique, qu'il a reconnu comme étant celle du film Le Parrain : « il n'y a pas la musique du Parrain dedans ? » (Réunion 13). Autre indice pour évoquer le crime prémédité commis par un tueur à gage, les paroles prononcées en voix off : « la personne au téléphone ne se nomme pas, on dirait que c'est un contrat » (Réunion 10), « Il dit « qu'il a tout fait pour qu'elle ne souffre pas » donc c'est soit un médecin soit un tueur. Mais vu son accent, je miserais plutôt sur le tueur. ».

Toutefois, malgré ces différents indices convergents, certains spectateurs continuent à croire en une mort « naturelle » : « Je ne pense pas qu'il a tué sa femme » (Réunion 15), « la personne dit « on a tout fait pour qu'elle ne souffre pas » donc oui ça peut venir d'un hôpital » (Réunion 13), « il dit « on a tout fait pour qu'elle ne souffre pas » ...Un tueur ne dit pas ça.. » (Réunion 10).

Trois phénomènes intéressants sont à noter :

- l'un des spectateurs qui ne croit pas en un crime a entendu quelque chose qui n'a pas été dit : «  Moi j'ai entendu : « votre femme a été tuée », non ? » ;

- un autre se révolte contre l'association qui est faite Accent italien Mafieux en s'élevant contre ce stéréotype : « Ce n'est pas parce que tu as un accent italien que tu es forcément un tueur. Bonjour, les stéréotypes ! » (Réunion 15) ; dans le même esprit, un participant imagine que la femme « était hospitalisée en Italie, l'accent faisait italien »

- un autre est choqué par l'interprétation faite par un autre membre de son groupe : à la remarque « il dit « on a tout fait pour qu'elle ne souffre pas » ...Un tueur ne dit pas ça.. », un autre participant rétorque « si, les pros ! », remarque qui provoque une réprobation amusée : « Myriam, tu n'as pas honte ! » (Réunion 10).

Deux autres personnages sont remarqués dans ce film : une femme dans les dunes de sable et un femme en photographie.

La femme qui marche dans le sable est habillée en sombre, « en noir » ou « en bleu marine ». Elle porte un foulard, « un fichu sur la tête ». Sa démarche lui vaut d'être qualifiée de plutôt jeune, « elle présente bien.. Elle marche vite en tout cas, c'est pas une personne âgée » (Réunion 10). « La femme qui marche fait mexicaine » (Réunion 13).

La femme en photographie « est blonde, je crois », « l'air coquine aussi » (Réunion 10). L'un des spectateurs est plus affirmatif : « elle est blonde, 40 à 45 ans. Elle est assise à un bureau. Elle tient un stylo. C'est peut-être une journaliste » (Réunion 13). En revanche, sa relation avec le personnage principal est moins certaine : « c'est peut-être sa maîtresse ? », « sa femme tout simplement... ».

La question que certains spectateurs se sont posés est de savoir s'il s'agissait de la même femme. Or, les avis sont partagés et peu assurés : « Je n'ai pas l'impression que la femme que l'on voyait sur les dunes soit la même que la photo ...ce sont deux personnes différentes » (Réunion 13). L'un des spectateurs affirme que la femme dans les dunes (de dos) est plus jeune que celle sur la photographie : « sur la photo, elle est plus vieille que la femme dans le sable. Non, je pense plutôt que c'est deux personnes différentes ». Ce qui pousse un autre participant à imaginer que la femme sur la photographie est la mère du personnage principal : « peut-être sa mère alors » (Réunion 15). Paradoxalement, d'autres spectateurs pensent au contraire que la femme que l'on voit dans le cadre sur son bureau « peut être sa fille (parce qu') elle paraît plus jeune » (Réunion 10).

Il est intéressant de noter l'apparition d'un processus de rationalisation chez les spectateurs à chaque fois qu'il y a un doute dans l'interprétation des images, processus du type : si ce n'est pas cela, c'est sans doute cela...

Nous avons relevé deux autres exemples de cette volonté de rationaliser les faits :

- N'acceptant pas l'association Accent italien Mafieux, donnée par un des membres de son groupe, « le gars avait un accent bizarre, c'est pas net », un participant imagine une explication : « ou alors elle était hospitalisée en Italie, l'accent faisait italien » (Réunion 10).

- Deux spectateurs avancent un argument fallacieux étant donné que l'une des deux femmes portait un foulard cachant ses cheveux : « oui, c'est vrai que sur la photo, elle fait blonde et sur la dune, il me semblait qu'elle était brune », « sur la photo elle est blonde, alors que sur le sable, elle me semble brune » (Réunion 15). Erreur de perception visuelle ou volonté de manipuler les autres, cet argument convainc peu : «cela ne veut rien dire, elle a pu se faire faire une couleur entre temps.. », « mouais, non je pense que c'est la même quand même.. » et laisse planer un doute : « y a un doute, tout de même ». Cette volonté de tout rationaliser conduit parfois à des énormités qui font réagir certains : « Arrêtez de dire n'importe quoi. C'est sa femme sur la photo ! » (Réunion 15).

L'un des spectateurs voit dans cette séquence dans les dunes une sorte d'allégorie : « la femme sur la dune, ce n'est peut-être pas sa femme non plus... Ca représente peut-être une femme en général... »

L'interprétation des plans de la femme marchant dans les dunes est également variée : - pour certains, il s'agit d'un souvenir du passé : « C'est quelque chose dans le passé. C'est un souvenir de sa femme », « oui, c'est un flashback » (Réunion 10) ; pour d'autres, plutôt la représentation du départ : « ça représente la femme qui part...Il imagine sa femme partir vers un monde meilleur peut-être » (Réunion 15). Certains hésitent entre le départ et le souvenir : « c'est une image du départ, je pense ou alors un souvenir qui lui revient ». L'un des spectateurs y voit même une sorte d'allégorie plus générale : « la femme sur la dune, ce n'est peut-être pas sa femme non plus... Ca représente peut-être une femme en général... » (Réunion 13). L'un d'eux ne comprend pas ou ne veut pas comprendre l'image : « Je vois pas trop ce qu'elle fout là d'ailleurs, mais bon.. » (Réunion 15)

Selon l'interprétation des différents indices (l'accent, la photographie, la séquence dans les dunes, etc.), les spectateurs en déduisent la qualité des relations entre le personnage principal et sa femme qui vient de décéder.

Certains pensent que le personnage principal a tué ou commandité l'assassinat de sa femme : « il l'a fait tuer », « il s'est débarrassé de sa femme pour toucher l'héritage » (Réunion 15), « on dirait qu'il a tué sa femme ou qu'il a ordonné qu'on la tue » (Réunion 13), « le désert, ça symbolise sa longue traversée du désert qu'il a eue pendant plusieurs années avant de flinguer sa femme », « le mec au téléphone, c'est peut être un tueur alors ... » (Réunion 10).

D'autres pensent qu'il est indifférent, qu'il ne pense qu'à lui et à son travail, «je dirais plutôt qu'il s'en fout un peu qu'elle soit morte. Ca ne lui pose pas de problèmes » (Réunion 13), «  à moins qu'il soit très préoccupé par son boulot, mais bon, c'est vrai c'est une attitude bizarre » (Réunion 15).

D'autres encore pensent plutôt à une longue maladie pénible dont la fin était prévisible et presque espérée compte tenu des souffrances endurées : «on a l'impression qu'il s'attendait à ce coup de fil. Mais, je pense que sa femme était très malade et que la fin était proche. », «Il imagine sa femme partir vers un monde meilleur peut-être » (Réunion 15), « elle était peut-être malade depuis longtemps...Un cancer ou une maladie grave » (Réunion 10). Enfin, l'un d'eux est dubitatif jusqu'à la fin et ne tranche pas entre l'assassinat et la longue maladie : «  c'est difficile à dire, en fait. Les deux sont possibles. J'aimerais en savoir plus pour juger » (Réunion 15).

Toutefois, dans un des trois groupes, le groupe n° 13, un véritable débat contradictoire s'engage sur la qualité des relations entre le personnage principal et son épouse : « platonique », « non, il s'en fout complètement », «le problème, c'est que l'on ne sait pas qui est la femme sur la photo. Si sa femme, c'est la personne qui est sur la dune et que la photo c'est une autre femme avec qui il a refait sa vie, les relations ne devaient pas être bonnes », « oui, c'est possible. La femme sur la photo, c'est peut-être une autre femme », « ce ne serait que des indices mais cela ne prouverait rien », « oui mais si c'est la même, dans ce cas, il tenait à elle... » (Réunion 13) ; débat qui s'achève sur un consensus : celui qu'il persiste une incertitude quant à la qualité des relations entretenues entre le personnage principal et sa femme...

Mêmes hésitations concernant la période au cours de laquelle les spectateurs situent l'action.

Plusieurs groupes de spectateurs se dégagent :

- pour certains, l'action se déroule dans les années 80, « fin des années 80 », il y a « 20-25 ans »,

- pour d'autres, l'action se déroule dans les années 90, « « il y a 10-15 ans »,

- pour d'autres encore, cela se passe de nos jours, « début 2000 »,

- enfin, un petit nombre hésite.

La datation est généralement faite d'une façon assez péremptoire et repose sur des critères vestimentaires, de mode et/ou décoratifs.

Les spectateurs qui datent l'action aux années 80 citent : « La moustache, la coiffure, les habits font larges aussi. Ce bar fait 80 », « la photo (sur le bar) aussi » (Réunion 10)

Ceux qui situent l'action dans les années 90 citent parfois les mêmes indices : « dans les années 90. Ca fait un peu kitch », « le téléphone fait 90 », « le frigo Philips fait vieux. Il n'y a pas d'ordinateur non plus », «  le design fait assez ancien, je trouve. Tout le bureau fait un peu vieillot », « Le téléphone est trop gros. Il n'a pas de portable » (Réunion 13), « pas d'ordi, pas de palm, ni d'écran plat...Tout ça fait un peu ringard...Je dirai : il y a 10-15 ans ; et cette moustache : quelle horreur ! » (Réunion 15).

Les participants qui considèrent que l'action se déroule de nos jours s'appuient sur les mêmes indices mais appréciés différemment : « Il a le droit d'avoir une moustache ! Non, en définitive, moi, je trouve que ça fait récent. », « sa cravate est à la mode. Ses vêtements aussi, non, c'est récent... »

Les hésitants tentent de rationaliser leur tergiversation : « justement il n'y aurait pas ce minitel, j'aurais dit de nos jours mais là je ne sais plus » (Réunion 15).

Certains participants vont plus loin encore en situant l'action « en Automne. Il a des habits qui se portent à cette saison » (Réunion 13) et la nuit, « il fait nuit dehors » (Réunion 10) pour la scène qui se déroule dans le bureau tandis que la scène dans les dunes de sable se passe le jour : « la séquence de la femme dans le désert. C'est le jour. » (Réunion 10).

Il est intéressant de voir si des conventions d'un genre cinématographique ont été perçues par les spectateurs.

Il apparaît que les spectateurs classent le film dans plusieurs genres différents :

- le genre policier vient en tête : « un policier, style Navarro », « Ca fait série policière allemande Le Renard » (Réunion 13 « je pense plutôt à un policier », « un téléfilm policier style Columbo ou Derrick » (Réunion 15). L'un des spectateurs considère qu'il s'agit plutôt d'un thriller : « A mon avis ce n'est pas un policier, un thriller...vous vous plantez. » (Réunion 10),

- le genre dramatique et la comédie dramatique sont également cités : « un drame ou une comédie dramatique ».

Toutefois, il est intéressant de noter que certains spectateurs donnent une nationalité à la production : « allemande », « C'est vrai que tout fait très strict alors pourquoi pas en Allemagne... », « ça fait film allemand » ou «américaine » : « ça fait très série américaine» (Réunion 10).

D'autres classes d'appartenance sont citées : « psychologique, style Z » (Réunion 10), « un film de série B comme Dallas » (Réunion 13), « une saga de l'été avec plein de rebondissements » (Réunion 15), « un court métrage comme on en voit parfois, dont la fin est trouble... », voire un film plus « intellectuel », plus Nouvelle Vague, « ça me rappelle des films de Godard, un peu intello.. » (Réunion 15).

Il est à noter que les références sont plus souvent télévisuelles (Navarro, Columbo, Derrick, Dallas, « un truc sur M6 » (Réunion 10) que cinématographiques (Z402(*)de Costa-Gavras, Godard, etc.). Ce phénomène peut s'expliquer, en partie, par le système de diffusion, dans une salle de travaux dirigés, sur un poste de télévision et en format TV sans bande noire (voir les détails des différents formats, dans l'analyse de la version 1). Ce qui fait dire à l'une des participantes : « les couleurs font vives et un peu ternes en même temps. Ca fait télé » à qui une autre participante rétorque : « attention, on le voit sur une télé aussi » (Réunion 13).

Est-ce le thème, l'intrigue manichéenne ou le montage du film qui rappela le film Z de Costa-Gavras à l'un des spectateurs, nous ne pouvons pas le dire avec certitude ? En revanche, ce qui est certain c'est que le spectateur qui a fait cette comparaison était sans aucun doute celui qui avait la plus grande culture cinématographique. Avant même de connaître la fin du film, il déclarait : « il remue son shaker comme Charlie Chaplin dans un film où il est de dos et on a l'impression qu'il pleure parce que sa femme a eu un accident et en fait il se fait un cocktail. Il y a une histoire de doubles dans ce film...Ca me fait penser à ça ce film... ». Or, le réalisateur du film projeté s'est, en effet, inspiré d'un court-métrage burlesque de Charlot pour réaliser cette version 2.

Le montage du film n'a pas réellement suscité de commentaires particuliers.

En plus du flashback ainsi nommé par seulement un spectateur (sur les 24 qui ont visionné la scène dans les dunes de sable), la terminologie cinématographique en matière de montage a été peu utilisée :

- des fondus : « il y a des fondus lorsque l'on voit la femme qui marche. C'est assez régulier » (Réunion 10)

- des gros plans : «il y a un gros plan sur le téléphone et le frigo aussi » (Réunion 10).

Sans doute, en partie, par manque de vocabulaire cinématographique, certains participants ont préféré parler des effets et de leur ressenti :

- au lieu de parler de gros plans, ils disent : « il y a deux moments où on insiste beaucoup sur le téléphone et le frigo. L'image reste longtemps dessus »,

- plutôt que de parler d'une suite de fondus enchaînés, il s'agit d'« un effet lorsque l'on voit la femme dans le désert », « oui, des images superposées » (Réunion 15) ou d'une manière plus imagée, l'un des participants compare les fondus successifs aux paupières qui se baissent : « Ce sont peut-être ses fermetures de paupières lorsqu'il regarde à la fenêtre » (Réunion 10).

Ces remarques, somme toute pertinentes, furent parfois suivies de réactions sarcastiques et/ou critiques : « T'as fumé toi ! » (Réunion 10), « oui ça fait un peu cliché. Il attend son coup de fil. Il boit son Scotch. C'est un peu comme dans les films américains » (Réunion 13).

La bande son n'a pas non plus suscité de nombreux commentaires autres que ceux déjà cités plus haut : voix off avec un accent étranger, bruits d'aéroport ou de gare, etc. Néanmoins, la bande son a provoqué des impressions partagées par de nombreux participants, la principale étant le sentiment d'étrangeté : « les sons étaient étranges » (Réunion 13). Ce caractère étrange est parfois associé aux effets relaxants : « la musique. Elle est à la fois étrange et relaxante » (Réunion 15), parfois au suspense : « la musique est asiatique...plutôt suspense » (Réunion 13). Le genre de la musique de fond, autre que celle du Parrain diffusée pendant un court laps de temps, est bien identifié : « la musique est asiatique », « on dirait de la musique chinoise ». Certains spectateurs font remarquer qu'elle est présente tout au long du film : « c'est toujours la même musique pendant tout le film » (Réunion 15).

Elle est plutôt appréciée. Seule une participante la trouve à la fois énervante et en décalage avec la fiction et principalement le lieu de son déroulement : « La musique m'énerve. Ca va pas avec le film. Ca se passerait en Asie, d'accord, mais là... ».

Avec les mêmes éléments filmiques en tête, les spectateurs envisagent selon l'interprétation qu'ils en ont faite différentes fins à cette version 2.

Certains imaginent un suicide : « je vois bien un suicide. C'est bien dans le rythme du film » (Réunion 13), «il se sert un verre, se met de l'arsenic et retrouve sa femme », «Son manque d'enthousiasme m'étonne un peu. Alors il va peut-être se suicider. Il semble blasé.. » (Réunion 10).

D'autres voient le personnage principal se noyer dans l'alcool : «qu'il se saoule en vidant son minibar... » (Réunion 15)

D'autres pensent qu'il va reprendre sa vie routinière et bien réglée, éventuellement après un moment de tristesse, « il continue sa petite vie dans son bureau. Il finit son verre et il se remet au boulot. Un truc comme ça... » (Réunion 13), «je pense au contraire qu'il va s'effondrer, il commence d'ailleurs à pleurer...Puis, il se reprendra pour prévenir ses enfants.. », « oui, Il va préparer les papiers et l'enterrement » (Réunion 15).

D'autres encore, majoritairement des participants de sexe masculin, imaginent une vie extraconjugale qui apparaît au grand jour : « il va retrouver son amante. Il est libre maintenant », « je vois bien sa maîtresse arriver dans le bureau. C'est peut-être la femme à la photo d'ailleurs... » (Réunion 10), « je le vois bien se barrer avec sa maîtresse. Il fait ses valises et il s'en va... » (Réunion 13)

Quelques uns des participants, dans une perspective de film policier, croient en un meurtre prémédité et poursuivent l'histoire après se l'être appropriée : - soit par une suite d'actions : « il va faire ses valises et quitter le pays ...oui, je vois bien cela aussi et le tueur le poursuivre pour récupérer son argent ou le faire chanter » (Réunion 15), - soit par une séquence émotion et remords : « je le sens mitigé. Finalement, on se dit qu'il regrette ce qu'il a fait, et s'il avait vraiment envie de la tuer... » (Réunion 10),- soit par un mélange de remords et de vengeance : « il va peut-être regretter ce qu'il a fait en se souvenant des bons moments avec sa femme. Il va retrouver le tueur et se venger... » (Réunion 10).

Toutefois, ce positionnement policier du film est contesté par de nombreux participants qui s'appuient sur le sens qu'ils ont perçu de certaines scènes : « s'il voulait la tuer alors pourquoi pleure-t-il à la fin ? » , « bonne question ! » (Réunion 10), « vous regardez trop les séries américaines....Je pense au contraire qu'il va s'effondrer, il commence d'ailleurs à pleurer... » (Réunion 15).

A la suite de la projection de la deuxième partie du film, donc avec la fin non visionnée lors de la première diffusion, les avis sur la séquence de fin sont variés.

Toutefois, la satisfaction du personnage principal saute aux yeux de la plupart des participants : « finalement, il a l'air content » (Réunion 10), « il a l'air bien content. Il trinque comme si il fêtait une victoire », « je dirai même qu'il a enfin une émotion ! Il a un sourire en coin », « il est plus dynamique aussi » (Réunion 13).

Viennent ensuite des tentatives, souvent sans fondement, pour expliquer ce retournement assez inattendu : «c'est peut-être sa maîtresse sur la photo ...alors ! », « il trinque avec sa maîtresse et maintenant une nouvelle vie commence pour eux... » (Réunion 10).

Quelques spectateurs se félicitent d'avoir cru en la noirceur des sentiments du personnage principal : « ouaih ! C'est clair ! Il l'a fait descendre.. », «oui pas de doute, cette fois » (Réunion 15). D'autres disent avoir anticipé cette fin en raison du climat, du style, de la structure et du montage du film : « un Derrick », « ça reste toujours dans la logique des films des années 80. Avec cette suite de plans.. » (Réunion 13). Ce que certains contestent : « Si le tueur c'est lui, je ne vois pas trop un policier sauf si c'est un Columbo où on connaît le tueur dès le début ». (Réunion 13).

En dépit des évidences, quelques spectateurs restent convaincus ou plutôt veulent se convaincre qu'il ne s'agit pas d'un assassinat, quitte à inventer des détails, des plans, des circonstances atténuantes : « il y a une pub derrière le bureau non ? Il me semble qu'il a mis un cachet dans son verre... », « il trinque peut-être parce qu'il se dit : j'en ai plus pour longtemps moi aussi je vais te rejoindre et puis il se suicide » (Réunion 13).

Contre cette interprétation morale mais fausse, certains réagissent assez vivement : « non pas du tout ! C'est plutôt je t'ai bien eu ! Et il fête sa victoire », « oui il est ironique, cynique aussi », (Réunion 13), « je crois plutôt que c'est sa femme sur la photo et il trinque en pensant : Ah Ah ! je l'ai bien eue... » (Réunion 10).

D'autres vont même jusqu'à justifier ce crime par le comportement de la femme assassinée : « surtout qu'elle avait vraiment l'air d'une garce sur la photo... » (Réunion 10), « c'était évident. Vous n'avez pas remarqué le sourire bizarre de sa femme sur la photo. Elle tient une balle de tennis et le nargue. Il a pété un plomb à force d'être traité comme cela.. », « ça ressemble à une vengeance. Elle a dû lui faire quelque chose de terrible pour qu'il réagisse comme ça... » (Réunion 15), « oui, on dirait une vengeance. On dirait qu'il lui en voulait. A sa manière de trinquer. Ca fait un peu, c'est moi qui ai eu le dernier mot » (Réunion 13).

Il n'en demeure pas moins vrai que la plupart des spectateurs admettent être surpris par cette fin : « je suis assez étonnée. Je ne pensais pas qu'il avait fait ça... », « ça alors, je suis plus qu'étonnée. On avait l'impression qu'il pleurait, de dos... » (Réunion 15).

Ce trucage classique fit illusion sauf auprès du cinéphile qui avait reconnu le thème d'un court métrage burlesque de Chaplin : « qu'est-ce que je vous avais dit : du Chaplin ! ».

L'idée première qui ressort dans les propos de la plupart des autres participants est qu'ils sont tombés dans le piège du réalisateur et/ou de l'acteur : « il s'est bien foutu de nous en fait » (Réunion 15), « il cachait bien son jeu, il faisait presque pitié » (Réunion 13), « On nous a bien trompé, c'est bien joué, on serait sur nos gardes si cela continuait.. », « Oui, on nous a bien manoeuvrés au départ pour que l'on croit aux sentiments de ce type alors qu'il cachait bien son jeu » (Réunion 15). Certains spectateurs apprécient cette manipulation : « c'est un court-métrage assez prenant. On a l'impression d'être baladé : curieux ! » (Réunion 10). D'autres semblent un peu désorientés : « la fin est tellement surprenante que je ne sais pas en fait si c'est un film dramatique ou drôle », « oui, c'est vrai, on est partagé. C'était le but sûrement » (Réunion 15).

Néanmoins, certains spectateurs donnent l'impression de refuser cette fin que leur impose le réalisateur, de vouloir reprendre la main : « c'est plutôt un policier. Donc un flic va apparaître à l'écran », « il doit y avoir une affaire d'héritage. Le type au téléphone, ça doit être un tueur à gages », « il va venir chercher son fric et l'autre va le tuer pour ne pas laisser de trace... » ; « Il aurait pu faire ça avec en plus sa maîtresse qui entrait dans le bureau » (Réunion 13)

Cette fin inattendue est appréciée très différemment. Elle est jugée « ignoble » par certains, « sympa » par d'autres (Réunion10) et, à travers elle, est jugé le personnage principal : « c'est un sacré dégueulasse ».

Les critiques les plus véhémentes émises contre le personnage principal viennent généralement des participants de sexe féminin qui croyaient en ce personnage lisse, bien sous tous les rapports : « cela dit cette fin était imprévisible, il semblait si bien » (Réunion 15). Cependant, contre toute attente, quelques spectateurs continuent à penser que le personnage principal avait aimé sa femme : « je pense qu'il l'aimait bien au fond... » (Réunion 10), « il ne l'aimait plus », « il ne voulait pas forcément s'en débarrasser » (Réunion 13). Cette interprétation déclenche bien sûr les sarcasmes des autres : « (il l'aimait bien au fond)... oui, enfin...morte ! », « Hasta la Vista Baby » (Réunion 13) et de nombreux rires.

Aussi, n'est-il pas vraiment étonnant que la plupart des participants imaginent une suite « bien immorale » (Réunion 10) : « il fait ses valises et change de vie », « il va chercher ses dollars », « il va partir avec quelqu'un et changer de vie » ou « il va rester dans son bureau et faire comme si de rien n'était. Il a gagné : il peut savourer sa victoire ... » (Réunion 15).

Le cinéphile du groupe 10, amateur des films de Chaplin, reconnaît en fin de réunion que notre film « est plein de détails. Il faudrait le revoir, je crois, pour bien percuter ». Aussi, compte tenu de la variété des avis et opinions des spectateurs que nous venons de présenter, nous allons comparer pour chacun des plans du film le sens que souhaitait générer le réalisateur avec celui perçu par les spectateurs comme nous l'avons fait pour la version 1 et nous le ferons pour les trois dernières versions.

Analyse comparative du sens

Numéro du plan

Contenu

Sens voulu par le réalisateur

Sens perçu par les spectateurs

Plan 1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, normale de travail, en train de lire et de traiter un dossier important

Les éléments identitaires du personnage principal sont globalement bien compris par les spectateurs : statut, âge, etc. En revanche, l'interprétation temporelle des décors et costumes est très variable, ce qui rend la datation de l'action difficile. L'absence d'un ordinateur et la présence d'un minitel perturbent un peu plus le datage.

Plan 2

Le téléphone sonne

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

L'objectif est atteint mais certains spectateurs ont, étrangement, jugé l'appareil vieillot ce qui les a, entre autres, trompés sur le moment où se situe l'action. La question qui se pose est donc de savoir si c'est l'appareil lui-même qui fait ancien ou si c'est le gros plan qui accentue cet effet. Le gros plan vieillit la situation en évoquant la série Derrick. 

Plan 3

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off masculine avec un fort accent sicilien dit « M. Neuville, je vous téléphone pour vous annoncer que votre femme est morte ». Bruits d'un hall d'aéroport. Musique de fond du Parrain.

Mettre en valeur l'attitude froide et contrôlée d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme. Le vouvoiement et les bruits hors champ diégétiques sont des éléments d'identification de la personne dont on entend la voix (off). Il s'agit d'un homme qui téléphone d'une aérogare, avant son départ.

Evoquer grâce à l'aéroport bruyant et encombré soit le stress lié à un épisode révolu que le personnage ne regrette pas soit, plus simplement, la fuite d'une personne qui a quelque chose à se reprocher.

Evoquer par son accent sicilien et la musique du Parrain l'hypothèse d'un crime commandité par le personnage principal.

Les objectifs de ce plan sont globalement atteints.

La plupart des spectateurs ont, en effet, trouvé étrange la réaction du personnage principal, même si certains l'expliquent par ses responsabilités professionnelles dans l'entreprise.

Le vouvoiement, les bruits hors champ d'un lieu public (aérogare, gare ou hall d'hôpital), l'accent étranger de la voix off ont permis aux spectateurs d'identifier la personne au téléphone comme étant soit quelqu'un d'un hôpital (en France ou en Italie), soit un tueur à gages. Cette dernière hypothèse est, néanmoins, la plus citée, comme le souhaitait le réalisateur. De même que le bruit de fond d'une aérogare qui évoque pour certains la fuite du tueur après son forfait. L'accent « italien » est nettement remarqué et associé fréquemment à la mafia. En revanche, la musique du Parrain n'est perçue que par un seul participant (sur 24).

Plan 4

M. Neuville reste un moment silencieux

Insister sur l'effet de l'annonce sur le personnage. Montrer sa réaction face au changement de situation

Cet effet est peu perçu par les spectateurs qui, pour la plupart, trouvent que le personnage est assez insensible et froid.

Certains pensent qu'il se doutait de la nouvelle soit parce qu'il avait commandité le meurtre, soit que sa femme était dans un état désespéré.

Plan 5

M. Neuville écoute son interlocuteur poursuivre en voix off : «Nous avons tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

Montrer les réactions du personnage principal, ses mimiques (hochements de tête, moue, fermeture du visage, etc.) sans trop en révéler grâce à sa moustache.

Le jeu de l'acteur a influencé peu de spectateurs qui le trouvent majoritairement froid, insensible, distant, « Il doit avoir un coeur de pierre ».

Plan 6

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

Montrer le personnage reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

La plupart des spectateurs considèrent qu'il n'a jamais perdu de sa superbe. Il reste donc égal à lui-même : indifférent, comme insensible. Toutefois, certains d'entre eux remarquent le fait qu'il se lève pour aller à la fenêtre ce qui dénote qu'il a été troublé par l'information.

Plan 7

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer l'opposition lumière/obscurité, vie/mort.

Ce premier plan d'une suite évocatrice n'a pas eu les effets escomptés. De plus, il est interprété de deux façons différentes. Selon certains, « il pense à sa femme. Il pense à la mort de sa femme ». En revanche, pour un spectateur moins indulgent : « il semble être sur ses gardes. Il regarde aux rideaux pour voir si on ne l'observe pas. Il se sent espionné ».

Plan 8

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition.

Evoquer par les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Interprétation très variable allant de l'incompréhension totale (« Je vois pas trop ce qu'elle fout là »), au doute, à l'identification d'un flashback ou d'une évocation d'un départ sans retour.

Plan 9

M. Neuville ferme son store et se retourne

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Montrer par rapport à la version 1, par un plan plus long d'une seconde 50'', que le personnage esquisse un léger sourire.

Aucun spectateur ne le ressent vraiment.

Le léger sourire esquissé par le personnage principal n'est pas relevé.

Plan 10

Gros plan d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme de 35-40 ans, brune, assise à un bureau, tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard portant le numéro 8.

A côté du cadre, on aperçoit deux dossiers datés des années 2002 et 2003.

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Montrer la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

Indiquer d'une manière assez précise l'année au cours de laquelle se déroule l'action : 2003 voire début 2004, en fonction du délai de parution.

La femme photographiée est correctement décrite : «  blonde », « l'air coquine », « 40 à 45 ans », « avec un sourire bizarre ; elle tient une balle de tennis et le nargue ». En revanche, sa relation avec le personnage principal est moins certaine : « sa maîtresse », « sa femme », « sa fille », « sa mère »...

L'indice temporel n'est pas remarqué, le datage étant toujours sujet à discussions.

Plan 11

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

Montrer l'attirance quasi-magnétique de cet objet pour le personnage principal.

Montrer que la photo de cette femme lui redonne de l'énergie.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

Montrer par un plan plus court et un montage différent (la fin de la marche, plutôt que le début) une certaine décontraction du personnage et sa démarche féline.

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs.

Plan 12

M. Neuville se baisse

Donner du rythme par un plan très court montrant une action singulière dont on ne connaît pas encore la raison.

Pas de commentaire sur ce plan. Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs.

Plan 13

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre. Sa main plonge dans le minibar comme pour chercher une bouteille. Bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

Mettre en valeur un objet associé à un besoin urgent à assouvir : le besoin de boire.

Montrer par rapport à la version 1, par un plan plus court, la rapidité des gestes du personnage et leur précision due à une certaine habitude de se servir un verre.

Quelques spectateurs le remarquent. L'association alcool-tristesse n'est perçue que par quelques spectateurs qui voient le personnage principal se noyer dans l'alcool : «il se saoule en vidant son minibar... ».

L'un d'eux interprète cette scène comme une tentative de suicide : « il se sert un verre, se met de l'arsenic et retrouve sa femme ». En revanche, l'alcoolisme mondain et cette mauvaise habitude au travail ne sont pas perçus.

Plan 14

La main de M. Neuville ferme la porte du minibar. Bruits de la porte du minibar

Montrer la précision des gestes du personnage principal.

Evoquer par le bruit de la porte une certaine brutalité.

Mettre en valeur le minibar de bureau et sa marque : Philips.

Evoquer par un fondu enchaîné une ellipse temporelle pour laisser un doute sur ce qui se passe pendant ce temps sans image.

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs.

La marque du minibar, Philips, est notée par certains spectateurs, d'autres décrivent sa couleur et le jugent démodé.

Le fondu enchaîné est, semble-t-il, ni interprété, ni remarqué.

Plan 15 (A)

M. Neuville bouge les épaules verticalement à plusieurs reprises comme s'il avait une crise de sanglots

Montrer des gestes qui peuvent faire croire en de la tristesse, du chagrin.

Filmer de dos de sorte qu'aucune certitude ne soit permise.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Effet nettement remarqué : «On avait l'impression qu'il pleurait, de dos... ». L'un des spectateurs a toutefois

eu un doute : « il remue son shaker comme Charlie Chaplin dans un film où il est de dos et on a l'impression qu'il pleure parce que sa femme a eu un accident et en fait il se fait un cocktail ».

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

M. Neuville secoue toujours ses épaules.

Bruits de liquide remué dans une bouteille.

Montrer l'opposition entre les images et le son. Les images sont identiques au plan précédent : avec une forte hypothèse d'une crise de sanglots.

Le son hors champ diégétique ne correspond pas à celui d'une personne qui pleure mais à celui d'une bouteille qu'on remue.

La crise de sanglots est, semble-t-il, plus clairement perçue que l'opposition avec le son hors champ diégétique.

Plan 16

Gros plan sur la photographie de la femme blonde

Montrer le contraste entre l'image de la femme décédée et le bruit. Bruit encore non identifié pour laisser un certain suspense.

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs. Ne fait que conforter la perception de la femme photographiée : « elle avait vraiment l'air d'une garce sur la photo... » (propos tenus après la diffusion des plans de fin).

Plan 17

Gros plan sur un shaker remué par M. Neuville et sur une bouteille de Chivas. Les mains de M. Neuville servent le cocktail dans un verre puis ferment le shaker.

Dévoiler la source du bruit.

Mettre en contraste le décès de sa femme et le comportement calme et satisfait du mari : ce dernier ne boit pas un verre quelconque pour se redonner du courage, il se prépare un cocktail.

L'effet de surprise est total ou presque, excepté pour le cinéphile admirateur de Chaplin : « qu'est-ce que je vous avais dit : du Chaplin ! ».

Plan 18

M. Neuville pose le shaker sur le meuble puis il prend son verre de la main droite.

Montrer le calme extrême du mari dans de telles circonstances.

Ce plan augmente, sans doute, le ressentiment que les spectateurs ont d'avoir été manipulés. Il est pour beaucoup dans les critiques sévères émises à l'encontre du personnage principal : « c'est un sacré dégueulasse »

Plan 19

M. Neuville prend de la main gauche le cadre de la photo et la regarde. Sa main droite tient toujours son verre.

Resituer l'action dans le contexte de la disparition de la femme que les plans 15 B à 18 auraient pu faire oublier.

Evoquer par la plongée le regard de la personne disparue.

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs. Ne fait que renforcer l'interprétation de la séquence de fin.

La plongée n'a pas non plus d'effet spécifique.

Plan 20

M. Neuville regarde la photo avec attention puis la repose sur le meuble. Il tape le cadre avec son verre comme pour trinquer.

Bruits de verre.

M. Neuville trinque de nouveau devant la photo en esquissant un sourire narquois. Il boit son verre.

Montrer par ce plan long, la véritable personnalité et les motivations du personnage principal.

Evoquer son plaisir de se venger, de rendre la monnaie de sa pièce, d'avoir eu le dernier mot d'une relation sans doute difficile.

Montrer son sourire sarcastique.

Evoquer l'hypothèse qu'il ait commandité le meurtre de sa femme auprès de l'homme à l'accent sicilien.

La contribution de ce plan au sens de la séquence de fin et du film tout entier est très forte. Il dévoile les motivations du personnage principal, il montre sa satisfaction d'avoir eu le dernier mot :

« C'est plutôt je t'ai bien eu ! Et il fête sa victoire », « oui il est ironique, cynique aussi », «  il trinque en pensant : Ah, Ah ! je l'ai bien eue... ».

Le crime commandité et exécuté par un mafieux est admis par tous les spectateurs.

III- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 3 : le mari volage403(*)

Trois réunions furent organisées après diffusion de cette version : les réunions 6, 11 et 12.

La première réaction des spectateurs de cette version 3 est de trouver le film diffusé « bizarre », « étrange » à la fois par l'atmosphère qu'il crée - « c'est une atmosphère étrange, l'histoire semble banale mais on sent que quelque chose est anormal » (Réunion 11), - et par l'attitude du personnage principal : « La réaction du type est bizarre » (Réunion 6), «le mari est étrange » (Réunion 11).

Les spectateurs pressentent un contraste entre le scénario qui semble, à première vue, assez simple, voire banal et ce qui va se passer par la suite : « je suis choquée par ce film. La réaction du personnage n'est pas normale. Il doit préparer quelque chose », «un mauvais coup, sans doute »   (Réunion 6), « ce film joue sur l'abstrait. Mais c'est un peu ennuyeux », « c'est pas très clair non plus », « c'est pourtant simple, il apprend que sa femme vient de mourir », « oui, le scénario n'est pas compliqué », « on ne sait pas vraiment, en fait ». (Réunion 12).

Si le personnage principal est jugé par la plupart des spectateurs assez étrange dans son comportement, c'est principalement en raison de sa gestuelle : « sa gestuelle est étonnante. Il semble embarrassé » (Réunion 6), « il est un peu hésitant. Dans sa manière de bouger surtout » (Réunion 11). Avec le store, « il le ferme tout de suite après l'avoir ouvert. C'est étrange comme réaction », « ou alors il est très maniaque... ».

De là, certains en déduisent très vite que la situation n'est pas normale et en cherche les causes : « en tout cas, il n'est pas net. On dirait que c'est lui qui a monté le coup », « il est étrange mais peut-être pas jusqu'au point de la tuer » (Réunion 12).

Une interprétation que l'un des spectateurs ne partage pas : « ses gestes, sa façon de parler le montrent », c'est un directeur d'entreprise.

Les indices vestimentaires, gestuels, décoratifs ne conduisent pas tous les spectateurs à cette conclusion statutaire et professionnelle. Les avis sont, en effet, partagés, d'aucuns pensent que le personnage principal est un enseignant, «on dirait un prof » (Réunion 6), d'autres le croient « cadre », « homme d'affaires », «patron », « chef d'entreprise », - il a un bureau de directeur et tout, ses gestes, sa façon de parler le montrent » -, ou encore vendeur : « je le verrai plutôt vendeur. Il a le look d'un vendeur » (Réunion 6).

Son bureau est un élément déterminant d'identification pour certains spectateurs : « il a un bureau de directeur » (Réunion 11), « il a l'air à l'aise dans son bureau », « oui, une sorte de patron, vu son bureau ». Plusieurs d'entre eux, étonnés de la présence d'un minbar, le voient même en PDG d'une grande entreprise : « il y a un frigo aussi. Il y a de l'alcool dedans... oui, c'est curieux d'ailleurs. C'est peut-être le patron d'une grande boîte ? ».

Seul, un spectateur lui donne explicitement un âge : « il doit avoir 50 ans » (Réunion 12).

Autre paradoxe, après avoir jugé le bureau plutôt « directorial », un bon tiers des spectateurs le trouve simple, parfois démodé et mal équipé : « il n'a rien d'extraordinaire. Il y a un vieux téléphone blanc », « il n'y a pas d'ordinateur non plus », « son mobilier ne colle pas », « il y a un vieux frigo en plus. Philips », « il est un peu en désordre son bureau » (Réunion 6). Ce décalage en choque certains : « oui, c'est étonnant qu'il possède un téléphone comme ça », « il ressemble à un PDG en plus. Son mobilier ne colle pas ». Tout ceci pousse quelques participants à imaginer des raisons logiques : - le conservatisme du personnage : « c'est un mec qui aime garder ses affaires. Il a son petit bureau et ses petites affaires depuis le début. Il ne veut pas changer ses meubles... », «il a l'air d'être assez chiant »  ; - des difficultés financières : « Son affaire ne doit pas bien marcher ». Deux spectateurs mettent également en avant le fait que son bureau n'ait pas l'air d'un véritable lieu de travail : « le bureau est aseptisé, ça fait pas réel », « dans le bureau, le store fait placé exprès », « tout est rangé, il n'y a pas de papiers. Il ne travaille jamais dedans, c'est pas possible ». Mais, ce dernier argument est repris à l'envers par d'autres participants : «  tu n'as jamais vu un bureau de directeur, on dirait. C'est toujours comme cela... », « sa secrétaire doit avoir tous ses dossiers » (Réunion 11).

Les spectateurs ont remarqué d'autres personnages que le personnage principal ; en premier lieu, une femme marchant dans des dunes de sable, en second lieu, la femme en photographie.

La femme marchant dans le sable - d'un désert ou d'une plage selon les participants - est vue brune pour certains, blonde pour d'autres, et porte un foulard pour les plus observateurs : « on ne voit pas ses cheveux avec le foulard » (Réunion 6). Elle est habillée « en noir » ou « en bleu », « est pieds nus » (en réalité non).

Son âge est également sujet de controverses : - pour certains, elle est assez jeune, plus jeune que le personnage principal : « Elle est de dos mais semble plus jeune que lui », «  tu vois ça à sa démarche ? », « oui entre autres, mais surtout à sa silhouette » (Réunion 6) ; - pour d'autres, elle est âgée : «c'est une vieille dame avec un foulard » (Réunion 11).

En revanche, l'interprétation de cette séquence est assez consensuelle et tourne autour : - du souvenir : « Ce doit être un souvenir d'elle » ; - du départ : « il la voit partir », « Ca représente la femme qui s'en va » (Réunion 12) ; - de la mort : « C'est une représentation de la mort » ; de l'au-delà : « ça rappelle un peu la mythologie ancienne avec cette femme qui part vers l'au-delà » (Réunion 11),  ; de la délivrance après une longue maladie : « C'est une délivrance. Elle était peut-être malade.. » (Réunion 12).

Il est intéressant de noter que ce quasi-consensus de sens résulte d'une scène qu'un spectateur qualifie de cliché : «c'est assez cliché...La femme qui s'en va... ».

Le lien entre la femme marchant dans le sable et celle en photographie n'est pas clairement défini. Certains spectateurs se posent des questions quant à leur statut matrimonial : « femme » ou « maîtresse » ? ; « la femme est filmée de dos. On a du mal à savoir qui c'est. ..C'est peut-être sa maîtresse aussi ? » (Réunion 12). Sur la photo « en noir et blanc », on voit une femme qui « n'était pas mal » mais, comme l'avoue l'un des participants : « Je ne sais pas si elle a un rôle là-dedans » (Réunion 11). 

 

La personne qui téléphone au personnage principal pour annoncer le décès de l'épouse de ce dernier est clairement identifiée comme étant une femme. Plusieurs remarques dénotent le doute que cette voix provoque : « Mais ça semble un peu robotisé. Ce n'est pas naturel. Ca fait un peu voix de répondeur » (Réunion 11).

Le fait que cette femme ne se présente pas et tutoie le personnage principal est également utilisé comme élément d'identification : « C'est quelqu'un de la famille ou une amie » (Réunion 6), « c'est l'amante », « oui, c'est sa maîtresse », « elle le tutoie. Elle ne se présente pas. C'est forcément sa maîtresse » (Réunion 12). Cependant, quelques uns des spectateurs s'interrogent sur la réalité de cette tautologie un peu rapide : « (C'est forcément sa maîtresse) - non, ce n'est pas sûr. On n'en sait pas assez. On ne connaît pas les circonstances de la mort de sa femme », « en plus, ce n'est pas parce que tu tutoies quelqu'un que tu es sa maîtresse.. », « moi, j'aimerai bien voir la suite pour juger... » (Réunion 12).

En outre, certains spectateurs, sans avoir d'indice particulier, penchent plutôt pour croire qu'il s'agit d'une personne de l'hôpital : une infirmière, un médecin. Ils justifient le tutoiement : « une femme médecin qu'il connaît », « vu la thune qu'il doit avoir, il a sans doute des copains toubib ».

D'autres s'attachent plus au contenu des paroles et associent le discours froid au corps médical : « elle ne cherche pas à dialoguer, on a même l'impression qu'elle est pressée », « ça doit être un médecin sans état d'âme, il fait son boulot et ne veut pas communiquer », « oui, une infirmière surchargée » (Réunion 11).

Malgré toutes ces remarques, il n'en reste pas moins vrai que la plupart des spectateurs estime que les relations entre le personnage principal et son épouse n'étaient pas excellentes : - soit parce qu'elles se sont distendues avec le temps, « il n'y en avait plus » (Réunion 6) ; - soit parce que la femme était malade depuis longtemps et que sa mort était presque une délivrance, « elle était malade depuis très longtemps », « c'est sur que si sa femme est malade depuis longtemps, c'est parfois difficile » (Réunion 6), « il savait depuis longtemps qu'elle allait mourir. Il savait même que c'était pour ce soir, donc il était préparé... », « oui, c'est vrai, il joue bien ce registre » (Réunion 11).

La longue maladie reste, en effet, l'interprétation la plus fréquente et justifie, aux yeux de quelques spectateurs, son attitude détachée voire son soulagement. D'autres sont plus sévères et ne comprennent pas, quelle que soit la cause de la mort, l'attitude du personnage principal : « très distante, vu sa façon de dire « merci de m'avoir prévenu ». Il s'en foutait un peu » (Réunion 6), « il ne semble pas effondré par la nouvelle ». Son attitude est encore moins acceptée encore par certains qui lui reprochent de boire un verre devant le portrait de sa femme, «  non, c'est vrai, il boit son verre, ok, mais il n'y a rien qui montre sa tristesse » (Réunion 11), « Il trinque devant la photo de sa femme et semble délivré », « c'est bien qu'il y avait un problème. Cette fois, elle semble bien partie et ça l'arrange », « oui, finalement il est soulagé d'un poids » (Réunion 12).

Plusieurs spectateurs font également remarquer que dans une situation comme celle-là le devoir d'un mari était d'être auprès de son épouse : « pourquoi il n'est pas à son chevet ? » (Réunion 6), « l'on se demande ce qu'il fait dans son bureau à un moment si grave. Il n'est pas au chevet de sa femme. C'est étrange.. » (Réunion 12).

De ces interprétations se dégagent deux catégories de spectateurs : la première considère que le mari n'y est pour rien dans la mort de sa femme, la deuxième que le mari a peut-être aidé le destin. Ces deux catégories s'affirment davantage encore lorsque les spectateurs associent ce film à un genre cinématographique.

Certains spectateurs le classe dans le genre policier : « ça peut-être un policier aussi », « je pense à un policier aussi » (Réunion 12), « ça fait un peu série B policière. Un téléfilm de 21H. à la télé » (Réunion 11).

Ce classement ne repose sur aucun élément précis, seulement une impression générale, un climat, ce qui fait réagir les tenants d'un film plutôt dramatique : « je ne vois pas ce qu'il y a de policier là-dedans : je pense plutôt à un drame » (Réunion 11). « c'est plutôt un drame, je trouve », « oui plutôt un drame » (Réunion 12), « je pense à un drame aussi, un peu psy sur les bords », « oui, éventuellement à une comédie dramatique » (Réunion 11).

Leur argumentation repose sur plusieurs points : le film est « lent...mou ...angoissant », «  intellectuel, on a beaucoup de questions. Il faut beaucoup réfléchir pour comprendre » ; c'est un film « où l'on se pose beaucoup de questions » (Réunion 6), « c'est un film troublant en tout cas, très psy... », « oui, en tout cas pas facile. Il parle de couple, de maladie, de mort ...intéressant mais pas drôle » (Réunion 11).

D'autres avis furent émis concernant d'une part l'origine du film, d'autre part la longueur du métrage et son format. Son origine est fluctuante selon les spectateurs : « cela fait un peu série américaine ou allemande », « Le gars avec son verre dans son bureau, ça rappelle Dallas. Mais l'acteur a une tête de français quand même... » (Réunion 11), « une série française à la télé » (Réunion 12).

L'identification de l'origine du film s'appuie sur les décors et la physionomie des acteurs, mais aussi sur le récit de la fiction : « ça fait téléfilm américain. Le gros chef d'entreprise qui perd sa femme...c'est fréquent » (Réunion 6). Mais, elle fait rarement l'unanimité : « dans un téléfilm américain, le bureau serait différent et plus moderne » (Réunion 6).

De même, le type et la longueur du métrage sont diversement appréciés : « un court métrage intéressant qui interpelle quelque part » (Réunion 12), « c'est un court métrage », « une pub mais je ne vois pas trop pour quoi », « pour Philips peut-être ». Un spectateur pense à un extrait de film : « ça doit être un extrait seulement qu'on nous a montré là je crois » (Réunion 6). Un autre propose plusieurs hypothèses liées à la durée du film : « je pense que c'est un court-métrage, mais ça pourrait être le début ou la fin d'un film plus long » (Réunion 11).

Son caractère télévisuel est souvent cité : « Un téléfilm de 21H. à la télé » ou une série, comme nous l'avons déjà signalé. Il est parfois associé à un élément filmique : les décors, une échelle de plan fréquente, les couleurs de l'image : « les décors font téléfilm », « Le gros plan sur le téléphone, ça me rappelle la télé » (Réunion 11), « les couleurs sont trop vives », « à la télé, on voit ce genre de couleurs » (Réunion 6).

Toutefois, comme dans les autres versions, ce phénomène peut s'expliquer, en partie, par le système de diffusion, dans une salle de travaux dirigés, sur un poste de télévision et en format TV sans bande noire (voir les détails de des différents formats, dans l'analyse de la version 1) : « la qualité de l'image n'est pas excellente.. (mais) c'est sûrement le poste de télé qui fait cela » (Réunion 6). En outre, l'association Gros plan téléfilm est, à juste raison, critiquée par certains participants : « y a pas qu'à la télé qu'il y a des gros plans, man ! » (Réunion 11).

On sait l'importance de la musique dans la bande sonore et son rôle dans la perception du genre. Plusieurs spectateurs justifient le classement du film visionné dans le genre policier par cette musique : « la musique fait film policier, je trouve, « le rythme de la musique fait meurtre prémédité » (Réunion 12). Ce que ne manque pas de contester d'autres participants : « je ne trouve pas mais bon... ».

La musique est, en effet, jugée de différentes façons : « une musique douce », « ça manque d'action », « elle semble ancienne aussi » (Réunion 6), « une petite musique de fond », « oui, elle me rappelle la musique d'American Beauty » (Réunion 11), «elle n'était pas mal, une musique de circonstance, quoi » (Réunion 6).

En plus de la musique de fosse, certains spectateurs ont remarqué des bruits diégétiques, notamment des bruits de verre. Là encore, les avis les concernant sont divergents. L'un des spectateurs les trouvent artificiels : «ils semblent rajouter » (Réunion 11), mais à la demande d'explication d'un autre participant - « ah, oui ? Et qu'est-ce qui te fait dire cela ? - il semble moins sûr de lui : « ils sont trop forts mais tu as raison avec un bon micro... ».

En réalité, aucun bruit n'a été enregistré après le montage des images. Si l'on excepte la musique extradiégétique et la voix off au téléphone, les sons furent tous enregistrés en prise directe sur site, c'est-à-dire sur le lieu du tournage. Ce sont donc des sons synchrones. En revanche, le volume sonore a été légèrement augmenté sur la table de montage numérique par le réalisateur-monteur.

En matière de montage, les spectateurs n'ont pas été très perspicaces. Des remarques surprenantes ont été faites telles que : « il n'y a pas de changement de plans » (Réunion 6) alors qu'il y a 22 plans au total, dont 15 avant la coupure. Viennent ensuite des considérations très générales et des appréciations personnelles soit positives, « j'ai bien aimé les effets quand la femme marche dans le sable », « oui, c'est pas mal », « c'est vrai, c'est à la fois joli et évocateur : le passage », soit plutôt négatives : « les gros plans sur le frigo et le téléphone. Ils sont très voyants » (Réunion 11).

La projection dans l'avenir proposée aux spectateurs génère différentes fins possibles, des plus simples aux plus mystérieuses.

Première hypothèse suggérée, le personnage principal gère sa vie comme ses affaires : « il va à l'enterrement », « il va réfléchir et téléphoner à sa famille », « il va finir son verre » et, éventuellement « pleurer un peu dans son bureau » (Réunion 6), ou « il va peut-être annuler ses rendez-vous pour partir à l'hôpital », « à mon avis, on va rester dans le bureau. Il ne semble pas vouloir sortir » (Réunion 11).

Deuxième possibilité, le personnage principal vit mal la mort de son épouse et veut mettre fin à ses jours : «je verrai une fin tragique : un suicide par exemple », « ou une plongée dans l'alcool ».

D'autres spectateurs ne croient pas en ces fins somme toute banales - « non, on reste dans le cliché » (Réunion 12) - et pensent plutôt à quelque chose de plus original : « je le verrai bien faire quelque chose de plus original », « quoi par exemple, aller boire un verre dans une boîte ? » (Réunion 6).

Certains pensent que l'histoire est trop étrange, pour qu'une surprise n'ait pas lieu : « oui, c'est vraiment étrange comme histoire... », « il peut y avoir une surprise », « on sent le suspense... » (Réunion 12). Aussi, plusieurs d'entre eux imaginent l'apparition d'une maîtresse : « La maîtresse arrive maintenant.. », « oui, la secrétaire semble être sa maîtresse » (Réunion 12) ou, plus insidieusement, « sa secrétaire va peut-être arriver. » (Réunion 11) : hypothèse que rien dans la première partie du film ne laisse imaginer comme le fait remarquer l'une des participantes : « le problème, c'est que l'on n'a pas vraiment d'explications sur la femme dans le désert. J'aurais aimé en savoir plus sur cette femme » (Réunion 12).

Certains spectateurs imaginent une fin moins scabreuse mais tout aussi originale : « il va rester dans ses visions à réfléchir sur le passé », « et nous allons avoir un retour arrière, dix ans plus tôt, par exemple.. », « oui ce serait pas mal », « mouaih pourquoi pas.. ». L'un des spectateurs suggère également qu'il n'y ait « pas de fin, c'est à nous de l'imaginer... » (Réunion 11).

A la suite de la projection de la deuxième partie du film, avec la fin imaginée par l'auteur réalisateur, les réactions sont, encore une fois, très diverses. Certains ne voient rien de plus que ce qui est montré : « On voit des jambes et alors ?...Ce n'est pas forcément sa maîtresse » (Réunion 11), «on ne voit que des jambes, rien ne prouve que c'est sa maîtresse » (Réunion 6). Quelques-uns apprécient cette ambiguïté qui attise le suspense : « ce peut être fait exprès pour que le suspense demeure. On ne sait pas qui elle est : sa secrétaire, sa maîtresse, une copine, sa fille ... ? », «En fait chacun peut imaginer ce qui lui plait, c'est bien amené.. » (Réunion 12).

D'autres plus nombreux pensent à une relation extraconjugale : « il semblait triste alors qu'en fait non. Il trompait sa femme ! », (Réunion 6), « je savais bien qu'il y avait quelque chose d'anormal. Il a sans doute une maîtresse » (Réunion 11). Le cadrage adopté par le réalisateur oriente quelques spectateurs vers cette conclusion : « c'est filmé pour ne montrer que les jambes. On ne voit pas son visage donc il n'y a que le corps de la femme qui intéresse l'homme », « en plus, elle est très près de lui » (Réunion 12).

Cette interprétation même justifie à leurs yeux le comportement détaché du personnage principal lorsqu'il apprend le décès de son épouse : « Ca explique pourquoi il a réagi comme cela quand il a appris la mort de sa femme » (Réunion 11). Cette fin leur paraît conforme au début « si c'est sa maîtresse, oui » (Réunion 6).

D'autres encore tentent de reconstruire l'histoire, en proposant leur récit : «à moins que ce soit la femme aux jambes qui l'ait tuée », « ou alors c'est sa femme que l'on voit. Elle n'est pas morte », « ou alors il a tué sa femme » (Réunion 6). ), «  la personne à la photo c'est bien la femme qui est morte ... » (Réunion 11).

Dans cet esprit, certains imaginent des scénarii plus surprenants encore : « elle est jeune aussi. C'est peut-être sa fille », « c'est peut-être un canular...C'est sa femme qui lui a fait une blague », « ou une arnaque aux assurances » (Réunion 6), « il est possible aussi que la femme en question soit sa femme justement ! Elle n'est pas morte et elle vient se venger » (Réunion 12). L'un d'entre eux imagine même un flash back : « cela peut être un deuxième flash back, il revoit sa femme entrer dans son bureau » (Réunion 12).

Quelques-uns des participants, ne voulant pas conclure péremptoirement, expriment leur doute sur la qualité des relations entre le personnage principal et la femme dont on voit les jambes : « elle s'approche beaucoup de lui, tout de même » (Réunion 6), «  c'est troublant tout de même », «en plus, elle a de belles jambes ... », « on ne voit que les jambes, pas le reste... » (Réunion 11).

L'incertitude autour de l'adultère n'est que provisoire pour quelques spectateurs qui identifient la femme aux « belles jambes » comme étant la secrétaire du personnage principal : « c'est peut-être la secrétaire qui se fait des idées maintenant que la voie est libre.. », « oui pourquoi pas, mais j'en doute, il va craquer si ce n'est déjà fait... », « En plus, elle ne dit rien. Une secrétaire n'agit pas comme ça. A mon avis, ils sont amants » (Réunion 11), «elle le consolera » (Réunion 6). D'autres restent malgré tout très prudents dans leur conclusion : « la secrétaire, je m'y attendais un peu. Mais, ce qui n'était pas prévu, c'est le comportement de la secrétaire. Elle est très près de lui. Il doit y avoir une complicité », «  oui, mais laquelle ? Dans la mort de la femme ? Ou plus intime ? » (Réunion 11).

Globalement donc, la fin imaginée par le réalisateur est jugée « originale », « surprenante », voire « dérangeante », pour bon nombre de participants : « la fin est surprenante », « ça laisse une impression étrange », « ce film est bizarre du début jusqu'à la fin. Il rend mal à l'aise » (Réunion 6). L'étrangeté du comportement du personnage principal est, en effet, perçue dès la première partie. Toutefois, à une reformulation, l'un des participants précise sa pensée : « L'ambiance est malsaine ».

Comme si le doute jeté sur la fidélité du personnage principal, par la fin du film, avait modifié l'image de rigidité, de froideur qu'il avait à la fin de la première partie.

Alors que l'ambiance générale du film le faisait classer, avant la diffusion de cette fin, soit dans le genre policier, soit dans le genre dramatique, les derniers plans augmentent l'impression de suspense et de volonté de manipuler les spectateurs de la part du réalisateur : « une ambiance assez lourde et étrange, on croit comprendre et puis hop, on n'est pris au piège » (Réunion 11), « On a beaucoup de zones floues ...mais c'est voulu ça. Ils te trimballent comme cela » (Réunion 6).

La scène des jambes de femme a des effets indéniables sur le classement de ce film dans un genre cinématographique. Elle fait penser à quelques spectateurs que le film peut appartenir au genre érotique - « ça peut tomber dans le film érotique. C'est possible... », «  oui, les jambes, ça fait penser à ça » (Réunion 12) - voire au genre pornographique : « c'est assez drôle, mais ça fait penser à un début de film porno...C'est peut-être ça. C'est peut-être la première scène porno qui va arriver avec le patron et sa secrétaire » (Réunion 11).

Compte tenu de la variété des avis et opinions des spectateurs que nous venons de présenter, nous allons comparer pour chacun des plans du film le sens que souhaitait générer le réalisateur avec celui perçu par les spectateurs comme nous l'avons fait pour les versions 1 et 2 et comme nous le ferons pour les deux dernières versions.

Analyse comparative du sens

Numéro du plan

Contenu

Sens voulu par le réalisateur

Sens perçu par les spectateurs

Plan 1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, normale de travail, en train de lire et de traiter un dossier important

Le statut du personnage principal n'est pas aussi bien identifié que prévu. Des professions telles que celles de vendeur ou de professeur sont citées. Les indices vestimentaires et les décors intérieurs sont interprétés de façon variée. Le bureau fait notamment l'objet d'une interprétation très contrastée.

Plan 2

Le téléphone sonne

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

L'objectif n'est que très partiellement atteint. Certains spectateurs ont, étrangement, jugé l'appareil ancien. Un spectateur a également conclu en voyant un tel gros plan que le film ne pouvait être qu'un un téléfilm ou une série : « Le gros plan sur le téléphone, ça me rappelle la télé ».

Plan 3

M. Neuville, assis, décroche le combiné et dit d'une façon interrogative « Oui ? ».

Une voix off féminine, lente et un peu énigmatique, dit « M. Neuville, je te téléphone pour t'annoncer que ta femme est morte ».

Mettre en opposition l'attitude froide et contrôlée d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme.

Evoquer le type de relation entre le personnage principal et la femme qui lui téléphone. Le tutoiement est un élément d'identification de la personne dont on entend la voix (off). Il s'agit d'une femme qui téléphone, plus ou moins en cachette. Ses phrases sont espacées et elle chuchote. Elle semble bien connaître le personnage principal : elle le tutoie et ne se présente pas avant de parler.

Laisser planer un doute sur leurs relations véritables : amie, soeur, maîtresse, etc.

Ce plan n'a pas l'effet escompté puisqu'il contribue plutôt à ce que les spectateurs trouvent l'attitude du mari anormale, étrange par son manque de réaction.

Le fait que la femme au téléphone ne se présente pas et tutoie le personnage principal a eu un effet incontestable et conduit un bon nombre de spectateurs à suspecter une relation extraconjugale entre elle et le personnage principal.

La façon de parler de la femme au téléphone est également remarquée mais par moins de spectateurs : « Ce n'est pas naturel  ».

Le doute sur l'identité de la femme au téléphone est créé dans l'esprit de quelques uns des spectateurs.

Plan 4

M. Neuville reste un moment silencieux

Insister sur l'effet de l'annonce sur le personnage. Montrer sa réaction face au changement de situation.

Laisser planer un doute sur ses pensées véritables.

Cet effet est peu perçu par les spectateurs qui, pour la plupart, trouvent que le personnage est assez froid voire étrange. Certains pensent qu'il se doutait de la nouvelle soit parce que sa femme était dans un état désespéré, soit parce qu'il avait lui-même commandité le meurtre. Le doute est donc créé.

Plan 5

M. Neuville écoute son interlocutrice poursuivre en voix off : «Ils ont tout fait pour qu'elle ne souffre pas »

Montrer les réactions du personnage principal, ses mimiques (hochements de tête, moue, fermeture du visage, etc.) sans trop en révéler grâce à sa moustache.

Evoquer le fait que la femme qui téléphone n'a rien fait personnellement.

Elle n'est qu'une messagère.

Le jeu de l'acteur n'a influencé aucun spectateur. Majoritairement, les spectateurs trouvent la réaction du personnage distante et anormale.

L'« indifférence » de la messagère est principalement notée lorsqu'elle est identifiée comme un membre du corps hospitalier : « elle ne cherche pas à dialoguer, « ça doit être un médecin sans état d'âme ».

Plan 6

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

Montrer le personnage reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Laisser planer un doute sur les relations entre le personnage principal et sa messagère, par une formule de politesse rapide.

La plupart des spectateurs considèrent qu'il n'a jamais réagi affectivement. Il reste donc égal à lui-même : indifférent, comme insensible. L'attitude du personnage principal est jugée « très distante, vu sa façon de dire merci de m'avoir prévenu. Il s'en foutait un peu ».

Sa gestuelle, sa façon de marcher, d'ouvrir le store, tout est prétexte, pour certains spectateurs, à le trouver étrange : « Il semble embarrassé », « il est un peu hésitant. Dans sa manière de bouger surtout ».

Plan 7

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer l'opposition lumière/obscurité, vie/mort.

Ce premier plan d'une suite évocatrice n'a pas eu les effets escomptés. Il contribue seulement à accentuer l'étrangeté du personnage. Avec le store, « il le ferme tout de suite après l'avoir ouvert. C'est étrange comme réaction », « ou alors il est très maniaque... ».

Plan 8

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition.

Evoquer par les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Ce plan a été apprécié : « j'ai bien aimé cette image, en plus c'était bien filmé avec des sauts ». Son interprétation est assez consensuelle et tourne autour du souvenir, du départ, de la mort, de l'au-delà, de la délivrance après une longue maladie. Il est intéressant de noter que ce quasi-consensus de sens résulte d'une scène qu'un spectateur qualifie de cliché.

Plan 9

M. Neuville ferme son store et se retourne

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Aucun spectateur ne le ressent vraiment. Les spectateurs ne voient que l'étrangeté du comportement du personnage.

Plan 10

Un cadre avec une photographie est posé sur un meuble de bureau long et bas. La photographie est celle d'une femme de 35-40 ans, brune

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

La photographie fait l'objet de deux controverses : - l'une concerne la période à laquelle elle a été prise : « la photo de sa femme fait presque années 50... », « tout de suite, c'est pas parce que c'est en noir et blanc que c'est vieux...c'est une photo d'art, peut-être » ; - la seconde concerne le lien entre la femme marchant dans le sable et celle en photographie. Certains spectateurs se posent des questions quant à leur statut matrimonial : « femme » ou « maîtresse » ?

Plan 11

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

Montrer l'attirance quasi-magnétique de cet objet pour le personnage principal.

Montrer que la photo de cette femme lui redonne de l'énergie.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs.

Plan 12

M. Neuville se baisse

Donner du rythme par un plan très court montrant une action singulière dont on ne connaît pas encore la raison.

Apparemment sans effet particulier mais comme le plan précédent il peut avoir accentué le caractère étrange du comportement du personnage : «sa gestuelle est étonnante » (voir les commentaires du plan 6)

Plan 13

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre et

une bouteille.

Bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

Mettre en valeur un objet associé à un besoin urgent à assouvir : le besoin de boire

Quelques spectateurs le remarquent mais pour mieux critiquer le comportement du mari.

Son attitude est en effet encore moins acceptée par certains qui lui reprochent de boire un verre devant le portrait de sa femme, «  non, c'est vrai, il boit son verre, ok, mais il n'y a rien qui montre sa tristesse ».

Plan 14

M. Neuville ouvre sa bouteille

Montrer l'énergie dépensée par le personnage et la précision de ses gestes

Apparemment sans effet sur les spectateurs. Ce plan ne fait que confirmer les critiques à l'égard du personnage principal.

Plan 15 (A)

Il se sert un verre à proximité du cadre de la photographie

Montrer le lien entre ce besoin de boire de l'alcool et les retombées de l'annonce de la mort de sa femme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Il ne fait sans doute que confirmer ce qu'ils pensaient du mari depuis le plan 13 : « Il trinque devant la photo de sa femme et semble délivré ».

Plan 15 (B)

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

Il pose sa bouteille à proximité de la photographie.

Bruits de bouteille.

Insister sur l'association alcool-deuil.

L'association alcool-tristesse n'est pas perçue mais plutôt le contraire... : « finalement il est soulagé d'un poids ».

Plan 16

Il boit son verre de la main gauche, à proximité de la photographie d'une femme brune.

Montrer avec pudeur, donc de dos, la tristesse supposée du personnage principal

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Plan 17

M. Neuville prend la photographie de sa main droite

Montrer son besoin de se souvenir, de toucher l'image de son épouse.

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Plan 18

Gros plan sur la photographie de la femme brune

Mettre en valeur la beauté et la jeunesse de la femme photographiée

Seul un spectateur réagit verbalement à ce plan mais pas dans le sens souhaité par le réalisateur. Son constat concerne l'identité de la défunte : « la personne à la photo c'est bien la femme qui est morte ».

Plan 19

M. Neuville regarde la photo et la repose sur le meuble. Il continue à boire son verre. Un bruit de porte qui s'ouvre se fait entendre. M. Neuville jette un coup d'oeil surpris vers la porte (hors champ)

Montrer par la photo que le personnage principal tente de s'accrocher à sa femme, aux moments importants de leur vie.

Evoquer par le verre, soit l'amour et la sagesse, soit le désir sexuel et l'amour illicite (Jung ou Freud).

Laisser planer un doute devant cette alternative.

Evoquer la surprise par un bruit hors champ de porte.

Montrer que le personnage principal n'est pas habitué que quelqu'un entre dans son bureau sans frapper.

Le début du plan ne semble pas modifier l'image plutôt négative du mari. Il faut dire que la plupart des spectateurs estimaient avant la coupure du Plan 15 que les relations entre le personnage principal et son épouse n'étaient pas excellentes. 

La surprise sonore n'a pas été verbalisée ; les mimiques de surprise de l'acteur n'ont pas été citées par les spectateurs.

Plan 20

La porte s'ouvre.

Montrer la source du bruit précédent.

Laisser planer le doute sur la personne qui ouvre la porte.

Evoquer l'opposition possible entre la personne qui pénètre dans le bureau, en poussant la porte, avec un besoin d'ouverture vers l'autre, et le personnage principal surpris qu'on force sa porte alors qu'il est, sans doute, en phase d'introspection (Jung)

Ces images ne sont pas citées mais contribuent certainement au sentiment de suspense, d'ambiance étrange voire malsaine que la plupart des spectateurs ont éprouvé : « la fin est surprenante », « une ambiance assez lourde et étrange, on croit comprendre et puis hop, on n'est pris au piège ».

Plan 21

M. Neuville regarde vers la porte

Laisser planer un suspense sur l'identité de la personne qui entre dans la pièce.

L'objectif est atteint. Selon les spectateurs, l'identité varie sensiblement. Quelques uns apprécient cette ambiguïté qui attise le suspense. 

Plan 22

Des jambes de femme s'avancent vers les chaussures de M. Neuville.

La jupe de la femme est fendue, les chaussures élégantes. Les jambes s'écartent très légèrement lorsqu'elles arrivent près des pieds de M. Neuville

Donner quelques informations sur la personne qui entre : c'est une femme, assez jeune, 30 à 40 ans, élégante avec une jupe fendue.

Evoquer la possibilité d'un acte sexuel par des images insistantes sur les pieds et surtout les chaussures de la femme qui pénètre dans le bureau.

Contrebalancer cette piste par des jambes qui avancent qui peuvent évoquer soit le désir de faire évoluer une carrière, soit le rapprochement des corps.

Laisser planer le doute sur l'identité de la femme : la secrétaire qui vient consoler son patron, une amie ou une soeur, une maîtresse, etc.

Laisser le spectateur conclure par lui-même.

L'objectif est atteint. Ce plan sur de « belles jambes » de femme met à mal toutes les spéculations autour d'un homme « froid » mais « fidèle » en évoquant chez certains l'adultère, l'érotisme voire la pornographie : « C'est peut-être la première scène porno qui va arriver avec le patron et sa secrétaire ». La piste d'une femme qui profite de la situation est évoquée : « c'est peut-être la secrétaire qui se fait des idées maintenant que la voie est libre.. ». Bien que la secrétaire soit souvent citée, le doute quant à l'identité de la femme existe chez certains : « On ne sait pas qui elle est : sa secrétaire, sa maîtresse, une copine, sa fille ... ? ».

Cette liberté d'imaginer la fin souhaitée par le réalisateur est bien ressentie : « en fait chacun peut imaginer ce qui lui plait, c'est bien amené.. » 

IV- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 4 : le mari planificateur404(*)

Le manque de réaction du personnage principal à l'annonce de la mort de son épouse est le fait le plus remarqué dans ce début de film : « le moins que l'on puisse dire est qu'il le prend avec philosophie » (Réunion 1), « la réaction du personnage est étrange. Il ne réagit pas » (Réunion 3), « il y a un décalage entre l'annonce de la mort de sa femme et la réaction du personnage, je trouve » (Réunion 8). Certains l'expliquent par le fait que le mari s'attendait à cette nouvelle : « on dirait qu'il s'y attendait. Elle était peut-être malade depuis longtemps » (Réunion 8), « Il semble s'y attendre », « pour cela, il fallait qu'il sache que sa femme allait mourir » (Réunion 3).

Ce manque de réaction est justifié pour quelques-uns des spectateurs : « c'est normal. A sa place, je n'aurais pas eu de réaction non plus » (Réunion 3), « même si après il picole beaucoup » (Réunion 1), «ce n'est pas parce qu'il est sans réaction qu'il est insensible » (Réunion 8),

Le personnage principal est perçu par la plupart des spectateurs comme étant un chef d'entreprise, un homme d'affaires ou un cadre : « Ca se voit que c'est un cadre qui travaille dans une entreprise », « il est peut-être chef d'entreprise », « ou quelque chose comme cela » (Réunion 1), « c'est un homme d'affaires » (Réunion 3).

De nombreux indices sont cités à l'appui de cette thèse : « Il est tout seul dans son bureau », « Il a un mini-bar dans son bureau, et ce n'est pas courant », « il a un beau fauteuil », « en cuir, en plus », « c'est un grand bureau avec peu d'affaires dessus » (Réunion 1), « c'est quelqu'un d'important. Il a son propre bureau. Il est bien habillé avec son petit whisky dans son bar » (Réunion 8).

En revanche, le fait qu'il marche de long en large dans son bureau est interprété à deux niveaux : - « c'est quelqu'un qui semble nerveux » (Réunion 3), - « il s'attendait à recevoir un coup de fil car il marchait dans son bureau » (Réunion 3). Mais, même à ces deux niveaux, les avis sont toutefois contrastés : « Il semble assez calme » (Réunion 1), « je pensais qu'il attendait un coup de fil professionnel » (Réunion 3).

Dans l'ensemble, les spectateurs ont assez bien observé le bureau : le bureau est spacieux mais « pas très beau. Il n'est pas très gai », « il est très impersonnel, je trouve », « il n'est pas très bien organisé », « pas bien rangé, non plus »,  « avec des posters partout » (Réunion 3). Dans le bureau, ils ont vu : « des objets métalliques », «  un frigo marron. Des stores ..un téléphone » (Réunion 8), « un téléphone blanc également » (Réunion 1). Certains notent également la présence d'une photographie, dont nous reparlerons plus loin. 

Les éléments du décor intérieur sont incontestablement ceux qui permettent le plus aux spectateurs de dater la période où se situe l'action du film. Le téléphone, le mini-bar, les stores, etc. sont les éléments les plus indicatifs.

Toutefois, à partir d'un même objet, la datation est différente selon les participants.

Certains considèrent que l'action du film se déroule dans les années 90, voire 80 : « à cause du téléphone », « Le mini-bar est ancien aussi, sa couleur fait âgée », « oui, c'est un Philips en plus » (Réunion 1), « le téléphone et les stores font ringards. La décoration est vieille » (Réunion 8).

Ces allégations sont contredites par d'autres : « pas d'accord, son bureau est pas mal du tout, je trouve. Il fait vrai au moins pas comme dans certains téléfilms où tout est nickel », « Je pense que cela se passe de nos jours », « oui, à deux ou trois ans près », « [le bureau ...fait vraiment ancien !], pas vraiment, y a des choses plus anciennes que d'autres dans son bureau, c'est tout », « oui, comme dans tous les bureaux » (Réunion 8).

D'autres indices temporels sont cités mais moins fréquemment : la musique, la moustache et les vêtements. Il est à noter que dans les trois cas, ils viennent confirmer le caractère éloigné de la période de l'action : « les vêtements aussi sont un peu anciens », « il [le personnage principal] n'est pas tendance »  (Réunion 1), « La musique aussi  [est ringarde]», « il [le personnage principal] fait vieux jeu... avec sa moustache surtout » (Réunion 8),

Ces avis ne sont pas partagés par tous. D'aucuns considèrent, en partant des mêmes indices, que l'action du film se passe de nos jours : « de nos jours », « oui, en tout cas c'est assez récent » (Réunion 3).

La personne qui téléphone pour lui annoncer le décès de son épouse est identifiée comme faisant partie du milieu des urgences : «c'est un médecin », « ça peut être un pompier », « ou quelqu'un du Samu » (Réunion 1),  « en tout cas, c'est soit un pompier, soit un secouriste, soit un médecin » (Réunion 3).

Cette croyance tient à certains indices verbaux : « à la façon de parler », « oui, de le dire » (Réunion 1), « Il précise qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour la sauver. Donc ils devaient l'opérer mais l'opération ne s'est pas bien déroulée » (Réunion 8).

Seul un spectateur (sur 24) pense à un complice : « ou alors c'est lui qui a l'a tuée... c'est un complice » (Réunion 8). Il est alors vertement contredit : « tu vois trop de films policiers » (Réunion 8).

En plus du personnage principal et de l'homme qui lui téléphone, un autre personnage intervient dans ce récit : une femme (ou un homme ?) qui marche. Seul, un spectateur pense que « c'est un homme » (Réunion 8). Les autres participants aux réunions considèrent qu'il s'agit d'une femme à moins qu'il ne s'agisse de son esprit : « c'est sûrement sa femme ou alors son esprit » (Réunion 1). Le lieu où se déroule cette scène est défini avec imprécision : « un terrain vague » (Réunion 1), mais plus fréquemment comme un désert ou une plage, « c'est une plage. Il y avait de l'herbe », « il y a le flash back à la plage » (Réunion 3). Pour une participante, il ne s'agit pas d'un lieu réel et physique : « c'est son imagination. C'est un lieu symbolique. Ce lieu n'existe pas. » (Réunion 3). Malgré les commentaires amusés, la participante qui pense que la personne qui marche est un homme précise sa pensée : l'homme en question est, en fait à ses yeux, le nouveau veuf : « je pense que c'est lui qui s'en va dans un désert. Il part très loin pour s'isoler. A mon avis, c'est un homme ». Précision qui lui vaut d'être gentiment chahutée : « mais puisqu'on te dit que c'est une femme avec un foulard » (Réunion 3).

La femme est décrite comme « assez jeune. Mais elle est habillée stricte », « elle a un ensemble en jean, c'est pas strict le jean », « c'est le foulard qui fait cela » (Réunion 8), « Elle porte un foulard » (Réunion 3), « un carré » (Réunion 8).

La femme est, pour le plus grand nombre, l'épouse du personnage principal : « c'est une femme, bien sûr, sûrement sa femme qui s'en va » (Réunion 3)

L'interprétation de cette scène est assez consensuelle et tourne autour du départ et de la mort : « on la voit disparaître au loin », « oui pour cet homme, c'est la représentation de sa femme qui s'en va » (Réunion 1), « C'est une image d'elle qu'il a parce qu'elle vient de mourir » (Réunion 8).

La plupart des participants aux trois réunions ont remarqué une photographie placée « sur un réfrigérateur » (Réunion 3), plus précisément un mini-bar. Certains d'entre eux ont eu quelques difficultés à décrire la personne photographiée allant jusqu'à croire qu'il s'agit d'une photo d'un enfant, d'un homme ou d'un couple : « je croyais que c'était un enfant », « j'ai vu une femme et un homme » (Réunion 3), « il y avait deux personnes sur la photo, je crois » (Réunion 8). En réalité, il s'agissait d'une photographie d'une femme blonde, ce qui provoque quelques remarques amusées : « je crois que tu devrais changer de lunettes, il n'y avait qu'une femme et sans foulard cette fois » (Réunion 3).

Quelques-uns plus observateurs ou attentifs donnent des précisions et des appréciations sur le physique de la femme photographiée : « elle semble plus jeune que lui », « Ah oui, plus jeune », « mieux aussi » (Réunion 1), «la photo d'une femme, mignonne, brune, mieux que lui » (Réunion 8)..

Si les remarques sont vagues et imprécises - la femme photographiée étant blonde et pas beaucoup plus jeune que le personnage principal - pour ne pas dire « imaginées » par les spectateurs (« ce doit être une photo de vacances » Réunion 3), c'est sans doute, en grande partie, en raison de la fugacité des images et de l'absence de gros plan sur la photographie.

Il ne faut qu'un peu plus d'une minute de film pour que les spectateurs aient une idée de qualité des relations entre le personnage principal et son épouse. Certains d'entre eux estiment que les relations devaient s'être distendues avec le temps -  c'était une relation assez distante. Ils vivaient ensemble mais c'est tout » (Réunion 1), « ça devait être mitigé », « Sa femme ne devait pas compter beaucoup pour lui »(Réunion 3) - d'autres imaginent une longue maladie, « ils étaient très proches mais l'homme savait que sa femme allait mourir depuis longtemps, à cause d'un grave maladie, comme un cancer ou quelque chose comme cela » (Réunion 1), « Elle était peut-être malade depuis longtemps » (Réunion 8) ; d'autres encore une double vie, « on dirait qu'il s'en fout. Il a peut-être une double vie » (Réunion 1).

Les indices qui font dire que les relations s'étaient relâchées sont plutôt d'ordre gestuel : « sa réaction d'aller vers la fenêtre est curieuse », « c'est sûr qu'il ne semble pas effondré » (Réunion 3), « sa façon de réagir est étrange, il ferme les stores, c'est anormal. Pour moi, il n'est pas plus touché que ça » (Réunion 1).

Toutefois, les mêmes indices génèrent un sens différent chez d'autres spectateurs : « [sa réaction d'aller vers la fenêtre est curieuse], non, elle est symbolique, je pense » (Réunion 3). Quelques-uns resituent ces indices dans un cadre plus large, celui d'un homme d'affaires, « il est dans son bureau et c'est un homme d'affaires. Il ne peut pas trop en montrer aussi », « je le pense aussi » (Réunion 3). Ce recadrage crée au moins un doute chez certains : « Il y a un doute donc » (Réunion 5).

En si peu de temps de diffusion, la question est de savoir si les participants ont reconnu suffisamment d'indices pour classer ce film dans un genre cinématographique et, dans l'affirmative, quels sont les éléments codiques qui les ont le plus influencés. De nombreux participants sont déjà assez péremptoires : « c'est un drame, sans aucun doute » (Réunion 5), «pour moi, c'est un mélo » (Réunion 1), « un policier » (Réunion 8). D'autres hésitent entre le drame et le policier, les deux genres les plus cités : « c'est un drame, policier peut-être mais un drame » (Réunion 8), « c'est assez tragique. Mais sa réaction est tellement étrange que ça pourrait être un policier » (Réunion 1). La référence aux téléfilms est également fréquente : « c'est peut-être un téléfilm », « oui, ça fait télé ! Une série des années 90. L'image fait années 90 », « ça fait un peu les Feux de l'Amour » (Réunion 1), « Ca fait Derrick ! », « c'est vrai, on dirait un truc allemand », « on en voit plein à la télé en ce moment » (Réunion 3). Il n'y a pas de fait générateur véritable, plutôt une impression générale.

Cela explique probablement que la projection dans le futur et ce qui en ressort comme possibilités de fin soient assez disparates. Toutefois, les fins dramatiques semblent être plus attendues que les fins policières.

Ainsi, certains spectateurs voient le personnage principal se noyer dans l'alcool : « oui, dans sa bouteille de whisky », « il va boire », « je le verrai bien aussi devenir alcoolique » (Réunion 1), « il va surtout finir son verre et se saouler » (Réunion 3), « se prendre une bonne cuite », « il se saoule dans son bureau », « ou il va roder dans des bars.. » (Réunion 8)

Quelques-uns imaginent même le pire : « il va se suicider » (Réunion 3), « il pourrait se suicider » (Réunion 8). Mais ces hypothèses dramatiques sont contrariées, aux yeux de quelques participants, par l'attitude froide et distante du personnage principal : « non, il semble trop sur de lui » (Réunion 1), « je ne suis pas sûr qu'il l'aime assez pour cela » (Réunion 3), « [il pourrait se suicider] ...mais je ne le crois pas tellement il le prend bien » (Réunion 8).

Aussi, quelques-uns voient plutôt une fin moins brutale, qui « fait très cliché », au profit d'une phase de réflexion, de repli sur soi ou sur sa famille : « il ne réalise pas encore. Il va réfléchir tout seul », « il va peut-être se noyer dans le travail » (Réunion 1), « il va méditer », « il va rester pensif. Il va réfléchir. Il va rentrer chez lui et prévenir ses enfants » (Réunion 3), « il a peut-être des enfants. Alors, il va les voir peut-être » (Réunion 8).

D'autres anticipent une fin qui met en valeur l'indifférence ou la résignation d'un mari à l'annonce de la mort de sa femme : « il prend son verre et rentre chez lui, comme d'hab., c'est tout », « oui, il est tellement résigné qu'il va finir son verre et puis dormir chez lui » (Réunion 8).

En revanche, les participants convaincus que le film appartient au genre policier imaginent une fin bien différente : « je vois bien un enquête de police », « ou une tromperie à l'assurance » (Réunion 3).

La diffusion du film de la deuxième partie du film provoque des réactions variées. La fin est jugée surprenante par certains, «cliché » pour d'autres. Mais, paradoxalement, aucun participant ne la trouve décalée par rapport au début du film, « ça colle bien avec le début » (Réunion 1), « ça colle bien avec l'individu » (Réunion 8).

L'association (Froideur du personnage Froideur du comportement face à la mort) y est pour beaucoup : « il reste toujours aussi froid, professionnel », « Le personnage reste le même ... sans réaction » (Réunion 3), « il n'est pas triste. Maintenant, il peut passer à autre chose » (Réunion 1).

Mais, la dichotomie générique (film dramatique, film policier) subsiste. On retrouve, en effet, les deux types de spectateurs que nous avions mis en évidence avant la diffusion de la fin : - ceux qui croient en un film dramatique ; - ceux qui optent pour un film policier. A ces deux catégories, vient s'ajouter, grâce aux plans de fin, une catégorie de spectateurs qui pensent à un film d'auteur.

Les spectateurs de la première catégorie trouvent des justifications au comportement froid du personnage : « elle est morte d'une longue maladie, donc tous les papiers étaient préparés », « il est peut-être assureur » (Réunion 3), « il s'attendait bien à la mort de sa femme. Il semble avoir tout prévu », « c'est un contrat du type « mes dernières volontés en cas de décès », c'est normal qu'il le lise », « dans ces circonstances, on ne sait pas trop comment on va réagir » (Réunion 8). Toutefois, quelques participants trouvent son comportement cynique, voire choquant : « il ne perd pas de temps » (Réunions 7 et 8), « time is money », « sacré mec, tout de même », « il n'a pas de scrupule, c'est un peu choquant », « il ne perd pas le nord » (Réunion 3), «un peu précipité tout de même », « ce qui me choque c'est la rapidité qu'il met pour ouvrir son contrat. Il ne prend même pas le temps de se recueillir » (Réunion 8).

Les tenants du film policier n'en démordent pas et sont rejoints par un certain nombre de participants influencés par la fin du film : « cela me semble prémédité », « c'est pas net. Il l'a peut-être tué » (Réunion 3), « il a peut-être supprimé sa femme pour toucher le pactole », « je vois bien un détective privé...Il ferait une enquête ensuite...peut-être un film policier alors.. D'ailleurs en y réfléchissant, la personne au bout du fil, c'était peut-être lui ...le détective », « c'est un film noir. Bon, c'est une question de goût, moi je n'ai pas trop aimé, il m'a foutu la trouille » (Réunion 8).

En tout état de causes, la fin proposée par le réalisateur provoque au moins le doute : « c'est une fin qui jette un doute, tout de même », « je ne pense qu'il ait tué sa femme, même si son attitude est troublante » (Réunion 8), « elle met mal à l'aise », « c'était bizarre », « oui, il laisse une impression bizarre », « on ne cerne pas bien le personnage », « mari sous le choc ou crapule organisée ? » (Réunion 3).

Cette fin de film fait également évoluer, chez certains participants - pas tous - les avis sur le genre auquel appartient le film. Alors que la référence aux téléfilms et séries télévisuelles était, avant la diffusion de la fin, assez fréquente (voir plus haut), quelques-uns des spectateurs reviennent sur leur opinion et évoquent le cinéma d'auteur : « c'est très conventionnel.. Mais, en même temps, ça fait cinéma d'auteur avec cette scène dans le désert.. On ne voit pas d'images comme cela dans les téléfilms...Là c'est un peu intime...ça doit être un court-métrage d'auteur », «  je suis assez d'accord, c'est un film d'auteur. Le scénario et les images font cela, oui », «c'est un bon court-métrage d'auteur : assez original, je trouve », « en tout cas, il ne laisse pas indifférent », (Réunion 8).

Il est intéressant de noter que la désignation de film d'auteur, pour un court-métrage, repose chez cette catégorie de spectateurs autant sur la structure narrative du film, l'incertitude de la fin que sur la qualité des images : « c'est un peu court. En plus, on a beaucoup de choses en si peu de temps.. d'un autre côté, c'est bien qu'il y ait plein de pistes », « en tout cas, il ne laisse pas indifférent », « [c'est inachevé]... mais c'est à toi de l'achever, c'est voulu », « oui je suis d'accord, dans ce genre de film, l'auteur ne finit pas exprès » (Réunion 8).

Loin d'être anecdotique est la remarque d'un spectateur qui s'appuyant sur le format court et l'histoire qui est relatée dans le film pense à un message publicitaire au profit d'une compagnie d'assurances : « c'est peut-être une pub pour les assurances » (Réunion 1).

Compte tenu de la variété des avis et opinions des spectateurs que nous venons de présenter, nous allons comparer pour chacun des plans du film le sens que souhaitait générer le réalisateur avec celui perçu par les spectateurs comme nous l'avons fait pour les versions 1, 2 et 3 et comme nous le ferons pour la dernière version (5).

La musique est identique dans les cinq versions et fut choisie pour l'ambiance énigmatique qu'elle génère. Le but semble atteint (« j'ai entendu une musique, ça fait suspense » (Réunion 3) ») et même si elle ne plait pas à tout le monde (« cette musique qui revient sans arrêt, c'est moche... », « c'est fait exprès, je pense, elle est lancinante » (Réunion 8).


Analyse comparative du sens

Numéro du plan

Contenu

Sens voulu par le réalisateur

Sens perçu par les spectateurs

Plan 1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, marche de long en large derrière son bureau. Il semble impatient et regarde sa montre. Le téléphone sonne.

Bruits d'une sonnerie de téléphone

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, dans laquelle il attend une nouvelle importante.

Evoquer une nouvelle plutôt heureuse que malheureuse en le montrant très impatient de savoir.

Le personnage principal est, en effet, perçu par la plupart des spectateurs comme étant un chef d'entreprise, un homme d'affaires ou un cadre.  De nombreux indices sont cités à l'appui de cette thèse : « Il est tout seul dans son bureau », « Il a un mini-bar dans son bureau, et ce n'est pas courant », « il a un beau fauteuil », « en cuir», « c'est un grand bureau avec peu d'affaires dessus », « Il est bien habillé avec son petit whisky dans son bar ».

En revanche, le fait qu'il marche de long en large dans son bureau est peu interprété et, en outre, de deux façons différentes : - « c'est quelqu'un qui semble nerveux », - « il s'attendait à recevoir un coup de fil car il marchait dans son bureau ».

Plan 2

Le téléphone sonne. M. Neuville décroche son téléphone.

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Les spectateurs semblent avoir plus remarqué l'objet -le téléphone, en gros plan - que l'événement lui-même.

Plan 3

Une voix off masculine neutre dit : « Monsieur Neuville ? ».

M. Neuville répond « Oui ! »

La voix off poursuit : « Je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

M. Neuville lui répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche.

Mettre en opposition l'attitude impatiente, voire stressée, et dynamique d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme.

Le vouvoiement est le seul élément d'identification de la personne dont on entend la voix (off).

Evoquer le fait que cet homme a eu un rôle dans les derniers moments de la vie de la femme et qu'il appartient à un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmier ?

Montrer le personnage principal reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Laisser planer le doute sur le fait que cette attitude est comme une sorte de refuge ou de carapace pour se protéger.

Au contraire, c'est le manque de réaction du personnage principal qui est remarqué voire critiqué par la plupart des spectateurs. « il y a un décalage entre l'annonce de la mort de sa femme et la réaction du personnage, je trouve ».

Sans indice autre que celui de la voix (intonation, paroles prononcées, vouvoiement), les spectateurs identifient la personne qui téléphone comme faisant partie du milieu des urgences : «c'est un médecin », « ça peut être un pompier », « ou quelqu'un du Samu », «  un secouriste ».

Cette croyance tient à certains indices verbaux : « à la façon de parler », « Il précise qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour la sauver. Ils devaient l'opérer mais l'opération ne s'est pas bien déroulée ».

Cet objectif n'est atteint que partiellement auprès de certains spectateurs qui voient dans le manque de réaction soit un flegme tout britannique (d'un moustachu), soit une maîtrise très professionnelle (en tant que responsable, «il ne peut pas trop en montrer aussi »), soit la conséquence d'un choc dont le mari sort « assommé et qui continue machinalement ».

Plan 4

M. Neuville se dirige vers la fenêtre de son bureau et commence à ouvrir ses stores.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Ce plan est interprété très différemment, parfois d'une manière opposée à ce que recherchait le réalisateur : « sa réaction d'aller vers la fenêtre est curieuse », « c'est sûr qu'il ne semble pas effondré ».



Plan 5

M. Neuville finit d'ouvrir ses stores et regarde à la fenêtre. Il observe à ce moment-là une voiture qui passe avec les feux allumés.

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer les oppositions lumière/obscurité, vie/mort, immobilité/mouvement.

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Plan 6

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Annoncer, par un fondu enchaîné entre les plans 5 et 6, un flash-back.

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Le flash back est remarqué par certains et même apprécié : « ça fait cinéma d'auteur avec cette scène dans le désert.. »

L'interprétation de cette scène est assez consensuelle et tourne autour du départ et de la mort : « on la voit disparaître au loin », « oui pour cet homme, c'est la représentation de sa femme qui s'en va », « C'est une image d'elle qu'il a parce qu'elle vient de mourir ».

Plan 7

M. Neuville ferme son store et se retourne. D'un air soucieux, il traverse son bureau.

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Evoquer le passage de l'affectif à l'instinctif ou à la réflexion et celui du passé au présent.

Montrer que le personnage principal est préoccupé, soucieux, qu'il a quelque chose d'urgent à faire.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

Les effets ressentis, peu nombreux, sont plutôt opposés à ceux souhaités par le réalisateur : « sa façon de réagir est étrange, il ferme les stores, c'est anormal. Pour moi, il n'est pas plus touché que ça ».

Plan 8

Fin de la première partie

M. Neuville se baisse pour ouvrir son minibar. Il en sort une bouteille.

Bruits de porte et de bouteille.

Il prend un verre dans le meuble situé à gauche du minibar. Il pose le verre sur le meuble, ouvre sa bouteille et commence à se servir.

Bruits de capsule de bouteille et de verre.

Montrer l'opposition avec le rythme du plan précédent. Le plan est plus long en plongée alors que le précédent était un panoramique en contre-plongée.

Donner une impression de lenteur et de décalage avec le semblant de retour de

dynamisme et de volonté évoqué dans le plan 7.

Donner une impression de pesanteur, de poids à porter ou de regard de quelqu'un.

Montrer l'habitude prise par M. Neuville de se réconforter avec de l'alcool : précision des gestes, automatisme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Cette habitude de boire de l'alcool, proche de l'alcoolisme professionnel et mondain, est remarquée. « il picole beaucoup », «c'est un rituel chez lui son verre. Il doit en boire un tous les soirs ». Cet indice influence la projection dans l'avenir. Certains spectateurs voient le personnage principal se noyer dans l'alcool : « oui dans sa bouteille de whisky », « il va boire », « je le verrai bien aussi devenir alcoolique », « il se saoule dans son bureau », etc.

Plan 9

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

M. Neuville remplit son verre puis referme sa bouteille de Chivas. Il la pose sur le meuble, puis se baisse de nouveau pour aller chercher quelque chose.

Montrer sa relation un peu dépendante avec l'alcool par une prise de vues en plongée.

Insister sur sa marque préférée de whisky.

Commencer à dévoiler, par un contraste gestuel, le véritable sujet de ses préoccupations

Cette dépendance fut remarquée au plan scène précédent (voir ci-dessus). Ce plan ne rajoute, semble-t-il, rien de plus.

La marque de whisky n'est jamais citée.

L'effet de surprise du à ce contraste gestuel provoque l'étonnement de certains, voire leur désapprobation : « il ne perd pas de temps », « il ne perd pas le nord », « un peu précipité tout de même ».

Plan 10

M. Neuville sort du meuble, de la main droite, un document puis le pose sur le meuble.

Bruits d'un document que l'on pose.

Dévoiler le véritable sujet de ses pensées : un dossier.

Laisser un doute sur son contenu par un plan court.

Attirer l'attention des spectateurs.

Ce plan atteint l'objectif fixé. Il attire l'attention du spectateur.

Plan 11

Le document est un contrat d'obsèques. Il est posé à proximité d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée. M. Neuville ouvre le contrat d'Obsèques.

Dévoiler rapidement l'objet du dossier.

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Montrer la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

Evoquer par le chiffre 8 soit le monde matériel, soit l'infini ou l'éternité : de l'amour de l'un pour l'autre ?

Montrer l'intérêt du personnage principal pour les choses matérielles, notamment pour le contrat Obsèques.

Ce plan est pour beaucoup dans l'interprétation des causes de la mort de la femme du personnage principal : - une longue maladie (« elle est morte d'une longue maladie, donc tous les papiers étaient préparés », « c'est un contrat du type « mes dernières volontés en cas de décès », c'est normal qu'il le lise ») ; - un assassinat (« il a peut-être supprimé sa femme pour toucher le pactole »).

En revanche, le physique et la personnalité de la femme du personnage principal ne font pas l'objet de commentaires.

Cet objectif est atteint. Ce plan choque même certains spectateurs : «ce qui me choque c'est la rapidité qu'il met pour ouvrir son contrat. Il ne prend même pas le temps de se recueillir ».

 

Plan 12

M. Neuville tourne les pages du contrat

Insister sur son comportement en décalage par rapport à la situation

Objectif atteint quoique certains spectateurs justifient ce comportement : « c'est normal qu'il le lise », « dans ces circonstances, on ne sait pas trop comment on va réagir »

Plan 13

M. Neuville feuillette le contrat et s'attarde sur une des pages du document. Il pose un doigt sur la page.

Mettre en valeur la concentration et l'énergie qu'il met dans sa lecture du contrat d'assurance.

Mettre en valeur le fait qu'il cherchait un paragraphe précis.

Ce plan confirme les précédents mais ne semble pas avoir de conséquences spécifiques hormis le fait qu'il veut se débarrasser de cette tâche : « il va peut-être régler ça rapidement et ensuite il aura le temps pour avoir du chagrin », « Il se débarrasse des papiers tout de suite ».

Il n'y a pas eu de commentaire relatif à ce point précis.

Plan 14

M. Neuville lit avec attention cette page.

Insister sur le point qui le préoccupait tant dans le plan 7.

Il n'y a pas eu de commentaire relatif à ce point précis.

Plan 15

M. Neuville retourne s'asseoir à son bureau avec son verre à la main..

Bruits de fauteuil. Il pose son verre sur le bureau et sort de son sous-main un document.

Montrer que cette découverte lui redonne vie.

Insister sur le contraste du passage de l'immobilité au mouvement par un travelling avant.

Montrer la confidentialité et la préparation avec lesquelles il aborde ses premières heures de veuvage par un changement d'échelle de plans et la présence d'un document dans son sous-main.

Montrer par ce plan que le personnage principal est probablement quelqu'un de bien informer en matière d'assurances.

Laisser planer le doute sur le fait qu'il soit lui-même un assureur ou un escroc à l'assurance.

Ce plan n'est interprété dans ce sens que par certains : « il n'est pas triste. Maintenant, il peut passer à autre chose », éventuellement avec une nouvelle femme. D'où quelques allusions à sa future vie : « il va dépenser la prime d'assurance au Bahamas ».

Ce mouvement de caméra ne semble pas avoir eu d'effet particulier.

Cette allusion est remarquée par un spectateur : « il est peut-être assureur ».

Le doute est incontestablement jeté, ce qui permet à certains d'imaginer une suite à ce film : « il va souscrire une nouvelle police pour sa nouvelle femme », « une enquête policière ou d'un détective de la compagnie d'assurance »

Plan 16

Il s'agit d'un document de prévoyance capital funéraire. M. Neuville ouvre le document.

Insister sur le contenu de son nouveau document par un gros plan en plongée.

Ce plan confirme ceux qui précèdent.

Plan 17

M. Neuville déplie le document.

Montrer que seul le contenu du document intéresse le personnage principal, qu'en le dépliant il se replie sur lui-même.

Ce plan confirme le caractère froid du personnage : « il reste toujours aussi froid, professionnel ».

Plan 18

Le document semble être déjà rempli

Mettre en valeur que tout était prêt. Le décès de son épouse était en quelque sorte planifié.

Le contrat de « fin de mariage » rempli et signé.

L'objectif est atteint par une accumulation d'indices donnés à partir du plan 11.

Plan 19

M. Neuville, assis, lit avec attention le document, les deux coudes sur la table.

Montrer l'avidité du personnage principal, tout au moins son comportement de gestionnaire plus que celui du mari esseulé.

Laisser le spectateur conclure lui-même de la cause de la mort de sa femme : maladie, accident ou meurtre ?

L'objectif est atteint mais le doute subsiste quant aux mobiles du personnage principal : - se débarrasser des tâches administratives au plus vite ; - organiser les obsèques ; - toucher l'assurance décès : « mari sous le choc ou crapule organisée ? ».

Cette liberté donnée aux spectateurs est bien comprise et même appréciée : « c'est à toi de l'achever, c'est voulu », « dans ce genre de film, l'auteur ne finit pas exprès ». 

V- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 5 : le mari sans état d'âme405(*)

Ce qui frappe les spectateurs des trois groupes qui ont visionné cette version N°5, c'est à la fois le manque de réaction du personnage principal : «le manque de réaction du personnage est flagrant » (Réunion 5). L'étrangeté de sa réaction, «sa réaction est étrange » (Réunion 14) est parfois associée au fait qu'il s'attendait à une telle nouvelle : « la mort semblait prévue. Sa réaction est étrange », « il me semble peu surpris, c'est vrai. Disons qu'il s'y attendait » (Réunion 14).

Le personnage principal est correctement décrit aussi bien dans son aspect physique : « il est moustachu », « il est grand et assez costaud. Il doit avoir 50 ans » (Réunion 9), que dans son métier : « ça a l'air d'être quelqu'un qui a une bonne situation » (Réunion 5), « il doit être chef d'entreprise » (Réunion 9), « C'est sûrement un patron d'une grande boîte ou d'une PME » (Réunion 14).

Son statut professionnel est généralement associé à des indices vestimentaires et à la taille de son bureau : « il a son bureau personnel. Il est bien habillé ». Toutefois, deux participants contestent le fait qu'il soit un cadre ou un chef d'entreprise en s'appuyant sur les mêmes indices. L'un d'eux s'appuyant sur le fait qu'une revue est posée sur le bureau voit le personnage principal en journaliste : « il y a une revue je crois que j'ai vue. Il est peut être journaliste pour une revue de management » ; ce à quoi un autre participant rétorque avec pertinence : « oui, c'est possible, mais les cadres lisent ce type de magazine, donc... » (Réunion 14).

Un autre participant se fonde sur un élément qui avait fait la quasi-unanimité - le bureau - pour dire le contraire des autres : « je ne le vois pas patron. Son bureau est trop petit » (Réunion 14).

Des incohérences apparaissent également dans les propos de certains spectateurs, ce que d'autres relèvent non sans ironie : « - pour quelqu'un qui semble haut placé, le bureau ne lui convient pas vraiment ; - qu'est ce qui te fait dire qu'il est haut placé alors ? »

La gestuelle du personnage principal est également perçue soit comme un indice de possession du bureau, « il a l'air de bien connaître les lieux » (Réunion 5), soit comme un indice de son état psychologique. Mais là encore, les interprétations sont contrastées : pour certains, il est stressé, «  Il a l'air d'être stressé. Il doit courir à l'info souvent. Il ne sourit pas... », pour d'autres, « il est trop calme » (Réunion 14). Ces derniers, plus nombreux, interprètent différemment ce calme apparent : - « il n'est pas concerné par la mort de sa femme. Ca n'a pas l'air de le gêner » ; - « c'est encore à voir. Un homme d'affaires est toujours un peu comme cela quelles que soient les circonstances » (Réunion 5). Reste que certains spectateurs ont trouvé le personnage principal peiné : « Il semblait inquiet aussi. Il attendait cet appel.. Mais il semble déçu au fond », « il est contrarié, on dirait » (Réunion 9). Enfin, quelques-uns le trouvant trop calme imaginent des raisons cachées : « il est trop calme. Ca cache un truc », « Rien ne dit que c'est sa femme... », « étrange tout cela... » (Réunion 14).

Même diversité d'interprétations en ce qui concerne la personne au téléphone : « c'est un médecin », « ou peut-être un parent », « une infirmière », « sa maîtresse », « un vieux pote », « un tueur  » ; le médecin ayant la préférence du plus grand nombre de spectateurs. Plusieurs points sont à noter : - certains participants citent « une infirmière » ou « sa maîtresse » alors que la voix est masculine ; - les paroles, le rythme et l'intonation de la voix laissent penser à certains qu'il s'agit d'un proche, « c'est quelqu'un de proche car elle dit ça très simplement, avec facilité » et à d'autres, au contraire, « le coup de fil est trop bref. C'est un médecin. Un parent aurait parlé plus longtemps » (Réunion 5). Cette voix est aussi à l'origine de l'impression angoissante qu'éprouvent certains spectateurs du film : « il y avait aussi cette voix au téléphone : étrange aussi...Qui est-ce ? On ne sait pas. Tout est étrange dans ce film, c'est un peu angoissant même... » (Réunion 14).

En seconde position, après la voix off, « la femme qui marche dans le sable » est remarquée. Ses attributs physiques et vestimentaires sont définis sans certitude toutefois: « c'est une femme, je crois, mais la personne est de dos », « elle a une jupe et un foulard » (Réunion 9), « la femme sur la plage était voilée...enfin il me semble », « un carré ou un foulard, il n'y a rien de religieux la dedans je pense » (Réunion 14). Plus incertaine encore est son identité : « c'est sa femme » (Réunions 5 et 9), « ou sa maîtresse ... », « vous voyez que ce n'est pas clair... » (Réunion 9).

Cette difficulté d'identification explique en partie la diversité des interprétations de cette scène, allant de : - l'incompréhension totale, « je n'ai pas compris la scène dans le désert » (Réunion 9), - à l'évocation de la maladie et de la mort, « A mon avis, ça représente la femme malade », « oui, il savait qu'elle était malade depuis longtemps. Et ça représente l'éloignement du couple » (Réunion 5), « il la voit partir » (Réunion 9), - à un souvenir de la vie heureuse avant la maladie, « il pense à sa femme. C'est plus un au revoir je pense....ou un lointain souvenir d'elle dans le passé » (Réunion 9).

Dans le bureau, jugé spacieux ou exigu selon les participants, les objets qui ont attiré l'attention sont le téléphone, « il y a un téléphone. Il est important dans l'histoire » (Réunion 5), « oui, il y a un gros téléphone. Il a plusieurs boutons. Il doit avoir plusieurs lignes » (Réunion 14) mais aussi un cadre à photo, une photo de femme dont on ignore l'identité, «mais, est-ce la sienne ? Mystère... » (Réunion 14), ainsi qu'un minibar, des stores. Autrement dit, les objets qui sont mis en situation et valorisés par un cadrage particulier : le gros plan, notamment.

Le bureau ne fait pas l'unanimité et est à l'origine d'échanges contradictoires : « c'est assez simple comme décors ; il y a le bureau qui n'est pas extraordinaire », « je le trouve grand au contraire », « il n'est pas très bien rangé », « ah bon, je n'ai pas vu trop de papiers sur son bureau, c'est rare » : grand vs petit, rangé vs désordonné, directorial et charismatique vs simple et sans charisme, avec un téléphone moderne vs avec un téléphone avec un vieux cadran : « Il manque de charisme ce bureau », « il y a un téléphone avec un vieux cadran », « Ah, non, il est moderne je trouve », « oui, c'est un téléphone, quoi, avec plusieurs lignes ».

Ces différentiels expliquent les divergences dans la datation de l'action du film. Selon que le téléphone et le bureau, notamment, sont jugés actuels ou non, l'action est datée d'aujourd'hui ou d'il y a dix ans : - « je le trouve bien son bureau. Non, cela se situe actuellement à deux ans près » (Réunion 5), « je pense que cela se passe aujourd'hui » (Réunion 14) ; - « il y a dix ans. Les couleurs du bureau font dix ans » (Réunion 5), «pas aujourd'hui. Il n'y a pas d'ordinateur. Dans les années 90 alors... » (Réunion 14). Les avis sont très tranchés et argumentés : - « c'est comme pour le téléphone. Je ne sais pas où ils l'ont trouvé » (Réunion 5), « il n'y a pas d'ordinateur sur le bureau...C'est un comble aujourd'hui » (Réunion 14) ; - « qui te dis qu'il n'a pas un portable high-tech dans un tiroir », « c'est vrai qu'un ordinateur fixe, ça fait secrétaire maintenant, sortez un peu » (Réunion 14).

Les plans en extérieur font l'objet d'une double controverse :

- désert ou plage ? Les avis sont partagés : « il y a des espaces verts dans ce désert ...Peut-être une oasis ? », « ce sont des joncs ou des roseaux. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit un désert », « une plage peut-être. Dans les Landes, tu as des paysages comme cela.. » ;

- décors naturels ou effets spéciaux ? « il y a un trucage dans le désert. Il y a un carton dessiné, je pense.. », « non, je ne pense pas. J'ai trouvé ça assez naturel. En plus, il y a des espaces verts dans ce désert ...Peut-être une oasis ? » (Réunion 14).

En moins d'une minute de film, les spectateurs ont une idée des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme. Toutefois, les avis et les impressions laissés par les premiers plans sont assez disparates.

Certains pensent que le personnage principal tenait à son épouse et le montre par son inquiétude puis sa tristesse : « il avait l'air d'être inquiet », « il avait l'air assez triste, je trouve » (Réunion 9). D'aucuns s'appuient même sur le désordre qu'ils jugent apparent de son bureau pour en conclure que le personnage principal est désorienté : « [son bureau] il n'est pas très bien rangé ... on sent tout de même un certain laisser-aller chez la personne. Il doit être perturbé par sa femme depuis un moment » (Réunion 5).

Cette impression est contestée par ceux qui trouvent qu'il est trop calme : « il cache ses sentiments. Il intériorise peut-être » (Réunion 5). Et plus encore, par ceux qui estiment qu'il se désintéresse de son épouse : « cela ne devait pas aller fort », « son travail devait passer avant tout. Que fait-il dans son bureau à ce moment-là ? », « ils étaient peut-être divorcés » (Réunions 5, 9, 14).

D'autres vont plus loin en imaginant une raison vénale : « pourquoi, il n'est pas à l'hôpital avec elle ? Il l'a peut-être tuée.. », « si ça se trouve c'était un tueur au téléphone », « oui, enfin, il y a peut-être une histoire d'argent...Sa femme était peut-être très riche. », « le fait de dire « on a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ... C'est pas très net. », « [c'est une phrase de toubib] ou d'un tueur professionnel... » (Réunion 9).

La musique est, sans conteste, pour quelque chose, dans cette impression d'étrangeté, voire d'angoisse, que ressentent de nombreux spectateurs. « il y a une musique mystérieuse », « un peu envoûtante, chinoise je crois » (Réunion 9), « il y a une musique assez lente. Elle correspond à la situation », « lente et un peu étrange aussi, un peu asiatique, je pense.. » (Réunion 14).

Il est intéressant de souligner que certains spectateurs ont perçu des différences (de présence, de rythme) selon les plans, ce qui n'est pas, en réalité, le cas : «: la musique est différente entre le début et la fin. Au début, elle est angoissante quand il marche dans son bureau. Ensuite, la musique est plus douce » (Réunion 5), « elle apparaît après l'annonce au téléphone » (Réunion 9).

Certains interprètent cette variation (imaginaire) comme la marque d'un changement : « [la musique est plus douce], comme si la mort de sa femme était une délivrance », « cela ne veut pas dire pour autant qu'il est heureux, il peut être soulagé que sa femme ne souffre plus ». (Réunion 5)

 

La variété des avis se retrouve dans le classement de ce film d'un genre cinématographique. Sa très courte durée fait penser, à quelques-uns, à un court-métrage ou à un spot publicitaire bien que « non, c'est trop long pour une pub » (Réunion 5). D'un point de vue strictement générique, les participants aux réunions citent : le drame, le policier, le polar, la tragédie avec encore quelques hésitations chez certains -  moi, je pense que c'est soit un policier soit un drame » (Réunion 14) - voire un refus de se prononcer encore : « ou le début d'un film, donc difficile à dire... ».

Viennent ensuite des appréciations plus esthétiques et artistiques, fondées sur le récit, les moyens utilisés, le type de montage et le casting : « une série B », « oui, c'est très banal. Le message est simple et on voit toujours les mêmes plans » (Réunion 5), « Ca fait un peu Les Feux de l'amour », « oui un peu, d'ailleurs le comédien ressemble à un acteur américain...de cette série, je crois » (Réunion 9), « un Derrick », « une série américaine ou allemande, ou un téléfilm de l'après-midi » (Réunion 14).

La projection dans l'avenir demandée aux participants fait apparaître la variété des possibilités. Selon leurs premières impressions, les participants imaginent que (Réunions 5, 9, 14) :

- dans le meilleur des cas, celui où il tenait à son épouse : le personnage principal se précipite à l'hôpital, téléphone à sa famille et à ses proches, plonge dans ses souvenirs, se suicide, se saoule puis a un accident de voiture,

- dans une version neutre : le personnage reprend son travail comme si de rien n'était, s'occupe des papiers pour le décès, la succession et/ou l'assurance, etc.

- dans le pire des cas, celui où il ne tenait pas à son épouse : le personnage principal rejoint sa maîtresse, ou le tueur de son épouse, le paye : « si c'est le tueur, je le vois bien appeler la police.. », « il va partir. Il va peut-être payer le tueur », « oui, je vois bien cela aussi, il paye le tueur ». (Réunion 5)

Comme pour faire écho à la remarque de l'un des spectateurs - « ça manque d'action...Peut-être que ça va commencer... » (Réunion 14) - la fin proposée par le réalisateur est jugée brutale et surtout révélatrice de la personnalité et des sentiments du personnage principal qui, jusque là, bénéficiait d'une image plutôt favorable.

Il apparaît clairement comme un calculateur : « Là, on a la preuve qu'il avait prévu la mort de sa femme. Il avait prévu un contrat », « oui, il tourne la page en tombant le cadre. A mon avis, ce n'est pas un meurtre, elle était malade depuis plusieurs mois », « tout était prévu. Il va toucher les droits. Mais sa femme ne comptait plus pour lui » (Réunion 9), « c'est révélateur. Il y a une histoire d'argent. Il sort tout de suite son contrat d'obsèques », « il y a une histoire de capital aussi. Sa femme devait avoir des parts dans la boîte » (Réunion 14).

Pire, il est qualifié d'assassin ou, tout au moins, de commanditaire : « il a sans doute assassiné sa femme », «ou anesthésiée » (Réunion 5), « il ne l'a pas tuée mais peut-être fait tuer...différence », « le résultat est le même » (Réunion 14).

Sa gestuelle lui vaut des commentaires désobligeants, notamment le geste d'ouvrir le contrat d'obsèques et, surtout, celui de faire tomber le cadre de la photo de son épouse : « c'est vrai que ce geste n'est pas élégant mais cela rappelle quand on arrêtait les horloges », «  lui, il aurait tendance à les remettre à l'heure et à remettre les compteurs à zéro » (Réunion 5), « il tourne la page en tombant le cadre », « son geste n'est pas rassurant : il s'en foutait ou voulait se débarrasser d'elle » (Réunion 9).

Passée la surprise de cette fin assez inattendue et jugée choquante par certains, quelques participants tentent d'en diminuer l'effet. Les uns en laissant croire qu'ils s'en doutaient, que cette fin est fréquente dans les téléfilms et dans les séries : « je m'en doutais. Ca fait téléfilm. Le coup de l'assurance, c'est fréquent ». Les autres tentent de justifier les gestes incongrus : « c'est peut-être une assurance obsèques, vous voyez le mal partout », « il ne peut plus regarder la photo de sa femme, c'est fréquent après un décès » (Réunion 5).

Cette fin, bien que surprenante, semble respecter le principe de la continuité narrative : « on dirait une partie d'échec. Tout semble calculé jusqu'à la fin qui fait un échec et mat ». Comme pour éviter de trop montrer ses émotions - ce que d'autres n'hésitent pas à exprimer : « moi ça me rappelle des films noirs, j'en ai la chair de poule... », « ou un film sans fin comme parfois il y en a pour pousser les gens à penser... », « tu vas mal dormir cette nuit ? » (Réunion 14) - ou pour paraître désabusés, certains reviennent sur leur comparaison avec des séries et films télévisuels : « Columbo ou Les Feux de l'amour », « Dallas » (Réunion 9). Mais, cette comparaison n'est que superficielle selon les participants les plus touchés : « quoique là, il n'a aucun sentiment on dirait. Dans ces feuilletons, le mec a parfois quelques remords. Alors que là, il s'en fout complètement » (Réunion 14).

Compte tenu de la variété des avis et opinions des spectateurs que nous venons de présenter, nous allons comparer pour chacun des plans du film le sens que souhaitait générer le réalisateur avec celui perçu par les spectateurs comme nous l'avons fait pour les quatre premières versions.

Numéro du plan

Contenu

Sens voulu par le réalisateur

Sens perçu par les spectateurs

Plan 1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, marche de long en large derrière son bureau. Il semble impatient et regarde sa montre. Le téléphone sonne.

Bruits d'une sonnerie de téléphone

Montrer le statut du personnage principal par ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc.

Le montrer dans une situation initiale, dans laquelle il attend une nouvelle importante.

Evoquer une nouvelle plutôt heureuse que malheureuse en le montrant très impatient de savoir.

Le statut professionnel n'est pas identifié par tout le monde, bien que les titres de patron, de chef d'entreprise, de cadre soient souvent cités. Les objets et le bureau font croire à certains que le personnage puisse être un journaliste, voire un ouvrier : « On dirait un bureau d'ouvrier... » (Réunion 14).

Les gestes évoquant son impatience, son attente d'une information importante à ses yeux sont souvent perçus comme du stress ou de la forte activité professionnelle.

Plan 2

Le téléphone sonne. M. Neuville décroche son téléphone.

Mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale.

Ce plan atteint son objectif : « il y a un téléphone. Il est important dans l'histoire ». Le gros plan est remarqué ; trop peut-être puisqu'il est souvent associé à l'idée qu'il s'agit d'un téléfilm ou d'une série.

Plan 3

Une voix off masculine neutre dit : « Monsieur Neuville ? ».

M. Neuville répond « Oui ! »

La voix off poursuit : « Je vous téléphone pour vous annoncer le décès de votre femme. On a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ».

M. Neuville lui répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il raccroche.

Mettre en opposition l'attitude impatiente, voire stressée, et dynamique d'un responsable d'entreprise et son comportement après l'annonce de la mort de sa femme.

Le vouvoiement est le seul élément d'identification de la personne dont on entend la voix (off).

Evoquer le fait que cet homme a eu un rôle dans les derniers moments de la vie de la femme et qu'il appartient à un service hospitalier. Rien n'indique en revanche son statut : médecin, infirmier ?

Montrer le personnage principal reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial.

Laisser planer le doute sur le fait que cette attitude est comme une sorte de refuge ou de carapace pour se protéger.

Ce plan est sans doute pour beaucoup dans les commentaires selon lesquels le personnage principal a un comportement étrange, hésitant entre stress et calme, indifférence et peine, froideur et inquiétude.

La voix off masculine est parfois attribuée à une femme : infirmière, maîtresse (?)

Le vouvoiement n'est pas remarqué par tous, notamment par ceux qui pensent que c'est un proche ou « un vieux pote » au téléphone.

Cette évocation est perçue par ceux qui pensent à un membre du corps médical ou à un tueur commandité par le personnage principal. Le médecin a la préférence du plus grand nombre de spectateurs.

Le fait que soit jugé si étrange le comportement du personnage vient probablement de là, sa froideur aussi. «Un homme d'affaires est toujours un peu comme cela quelles que soient les circonstances ». 

Ce doute est réel chez certains, malheureusement minoritaires : « il cache ses sentiments. Il intériorise peut-être ».

Plan 4

M. Neuville se dirige vers la fenêtre de son bureau et commence à ouvrir ses stores.

Montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Ce plan n'a pas réellement l'effet escompté. La gestuelle du personnage principal est perçue soit comme un indice de possession du bureau, « il a l'air de bien connaître les lieux », soit comme un indice de son état de stress ou de suractivité. 

Plan 5

M. Neuville finit d'ouvrir ses stores et regarde à la fenêtre. Il observe à ce moment-là une voiture qui passe avec les feux allumés.

Montrer que sa pensée quitte le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit.

Evoquer les oppositions lumière/obscurité, vie/mort, immobilité/mouvement.

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Apparemment sans effet sur les spectateurs. Ce plan a permis, en revanche, de situer le moment de la journée au cours duquel l'action se déroule : « le soir ou très tôt le matin, c'est une question de luminosité » (Réunion 5)

Plan 6

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Annoncer, par un fondu enchaîné entre les plans 5 et 6, un flash-back.

Evoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Evoquer avec les images du désert la désolation et la stérilité et/ou la réflexion sur le passé.

Cette scène a eu moins d'effets que prévu. Les participants semblent s'être plus attachés à identifier la femme et le lieu de l'action que de comprendre le sens. La difficulté d'identification explique en partie la diversité des interprétations de cette scène, allant de : - l'incompréhension totale, « je n'ai pas compris la scène dans le désert », - à l'évocation de la maladie et de la mort, - à un souvenir de la vie heureuse avant la maladie.

Plan 7

M. Neuville ferme son store et se retourne. D'un air soucieux, il traverse son bureau.

Montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Evoquer le passage de l'affectif à l'instinctif ou à la réflexion et celui du passé au présent.

Montrer que le personnage principal est préoccupé, soucieux, qu'il a quelque chose d'urgent à faire.

Donner du rythme à ce plan par le panoramique.

L'effet sur les spectateurs n'est pas net.

Cette évocation peut avoir augmenté le caractère étrange du comportement du personnage principal aux yeux de certains spectateurs.

Ce changement de rythme est sans doute pour beaucoup dans la dichotomie perçue entre calme et stress.

Aucune remarque n'a été faite sur ce panoramique.

Plan 8

Fin de la première partie

M. Neuville se baisse pour prendre quelque chose

Montrer l'opposition avec le rythme du plan précédent plus long et en panoramique.

Laisser planer un doute sur ce que le personnage principal cherche.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Aucune remarque n'a été faite sur ce dernier plan de la première partie mais il a sans doute contribué à élargir les possibilités de fin imaginées par les spectateurs qui dévoilent le meilleur et le pire de l'homme.

Plan 9

Reprise après la première partie de l'interview de groupe

M. Neuville sort un document d'un meuble de bureau puis le pose sur le meuble.

Montrer l'objet qu'il cherchait dans le plan précédent.

Ce geste est bien remarqué.

Plan 10

M. Neuville ouvre le document. Il s'agit d'un contrat d'obsèques situé à proximité d'un cadre avec une photographie en noir et blanc d'une femme blonde de 40 à 45 ans tenant de la main gauche un téléphone et de la main droite une boule de billard numérotée

Dévoiler le véritable sujet de ses pensées : un contrat d'obsèques.

Evoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Montrer la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

L'image est suffisamment claire pour modifier radicalement celle du personnage principal.

Le cadre de la photographie de sa femme est nettement vu. Sa présence est considérée comme un piège par un participant : « il y avait quand même le cadre de sa femme dans son bureau. Donc elle comptait encore pour lui] - ça ne veut rien dire ça ! C'est peut-être une ruse » (Réunion 9).

Plan 11

M. Neuville regarde le contrat d'obsèques.

Dévoiler rapidement l'objet du dossier. Montrer l'intérêt du personnage principal pour les choses matérielles, notamment pour le contrat Obsèques.

Ce plan est pour beaucoup dans l'image vénale du personnage principal.

Plan 12

Les mains de M. Neuville tournent les pages du contrat

Insister sur son comportement en décalage par rapport à la situation.

Ce plan renforce l'effet du plan 11.

Plan 13

Très gros plan sur les pages du contrat. M. Neuville s'attarde sur une des pages du contrat

Mettre en valeur la concentration et l'énergie qu'il met dans sa lecture du contrat d'assurance.

Mettre en valeur le fait qu'il y cherchait une information précise.

Ce plan renforce les deux plans précédents. Il renforce chez certains participants l'idée que la mort puisse ne pas être naturelle :

« bon, de là à se précipiter vers son contrat, c'est quand même un peu louche ! Et puis, on insiste sur le contrat avec un gros plan... » (Réunion 14)

Plan 14

Gros plan sur les mains et le contrat. M. Neuville ferme le contrat et tend une main vers le cadre à la photo.

Insister sur le point qui le préoccupait tant dans le plan 7.

Mettre en valeur le fait que le personnage principal à trouver ce qu'il cherchait et qu'il ferme le contrat comme s'il fermait une page de sa vie.

Ce plan renforce le plan 13 et contribue à l'idée que le personnage principal était préoccupé par le capital que lui rapporterait la mort de son épouse.

Plan 15

Le cadre tombe sur le contrat.

Bruits de cadre.

Mettre en valeur le fait que le cadre tombe sur le contrat.

Laisser planer un doute sur la raison de la chute du cadre : le mari le fait tomber exprès ou il tombe alors qu'il souhaitait le prendre en main pour le regarder.

Donner l'impression que quelle qu'en soit la raison : le dossier est clos...que le cadre est tombé comme la lame d'une guillotine ou un clap de Fin.

Provoquer un sentiment de malaise et l'augmenter par le plan en plongée.

Cette chute du cadre a frappé les esprits des participants.

Aucun doute n'est exprimé. La messe est dite, la chute est le fait du mari. Son geste est jugé très négativement sauf par un participant qui tente de le comprendre : « il ne peut plus regarder la photo de sa femme, c'est fréquent après un décès » (Réunion 5).

Les remarques faites prouvent que le but est atteint : «ce geste n'est pas élégant mais cela rappelle quand on arrêtait les horloges », « lui, il aurait tendance à remettre les compteurs à zéro », « il tourne la page en tombant le cadre ».

Ce sentiment est clairement exprimé par certains : « j'en ai la chair de poule... », « un film sans fin comme parfois il y en a pour pousser les gens à penser », « ça fait réfléchir ». Par d'autres en utilisant la dérision ou l'humour noir : « [c'est peut-être une pub pour les assurances], oui possible...avec pour slogan : pour rester froid à la mort de votre femme, assurez-vous ! » (Réunion 14)

VI- Conclusions des analyses longitudinales des cinq versions

Les analyses longitudinales des cinq versions font apparaître un certain nombre de points communs :

- Les divergences d'interprétation sont fréquentes chez les spectateurs, et cela dans de nombreux domaines : les objets de décoration, les costumes, les personnages (leur physique et leur personnalité), le montage, etc. Un même élément peut non seulement être interprété différemment selon les spectateurs mais, en plus, dans un sens opposé à celui souhaité par le réalisateur.

- L'influence des éléments filmiques sur la construction du sens du film est, selon le spectateur, à la fois variable dans son contenu et dans sa force. Un élément jugé primordial par un spectateur peut passer totalement inaperçu pour d'autres.

- Même lorsqu'ils sont ni vagues, ni ambigus, les signes sont souvent interprétés de multiples façons par le spectateur. Leur combinaison au sein d'un plan, d'une séquence, d'un film en entier est donc polysémique. En revanche, lorsqu'un signe est très précis, simple, explicite, socialement reconnu, donc proche d'un signal, il peut bouleverser la cohérence de la série des significations générées par les autres éléments filmiques et donc orienter la plupart des spectateurs vers le sens global du film souhaité par le réalisateur. Une interprétation commune, ou presque, à tous les spectateurs est généralement provoquée par un élément filmique à fort impact, mis en valeur ostensiblement par le réalisateur et répondant à des normes partagées par tous. Autrement dit, pour qu'un élément filmique ait l'effet escompté par le réalisateur, il faut qu'il soit à la fois mis en valeur, par exemple par un gros plan, et partagé par le spectateur. Dans le cas contraire, soit il passe inaperçu, soit il est remarqué mais interprété dans un sens différent.

- Dans un plan, et donc plus encore dans un film, les signes porteurs de sens sont innombrables. Ils sont généralement placés avec beaucoup de soin par le réalisateur avec une intention de communiquer. Or, plus qu'un signe isolé, c'est la combinaison de ces signes qui est porteuse de sens. Il n'est donc pas anormal que les plans, et les éléments filmiques, qui ont le plus d'effets soient généralement ceux qui viennent en conflit avec ceux qui précèdent.

- Parmi les éléments filmiques qui influent sur la perception et la compréhension du film par le spectateur, la structure narrative est l'un plus des importants. Toute ambiguïté narrative bouleverse le sens global et conduit à de multiples interprétations.

- En revanche, les plans qui n'ont pas d'effet particulier sur les spectateurs sont principalement ceux qui préservent la continuité narrative. Toutefois, il ne faut pas conclure que les plans «apparemment sans effet particulier» soient inutiles. L'accumulation par le réalisateur d'éléments filmiques complémentaires facilite chez le spectateur la construction progressive du sens, sans préjuger du fait que ce sens soit celui souhaité par le réalisateur.

- Le faible niveau de connaissances techniques des spectateurs en matière de codes cinématographiques, de montage notamment, est surprenant dans une population jeune et d'un niveau supérieur d'éducation. Les codes filmiques de la bande image, même les plus classiques et courants, sont peu connus des spectateurs : par exemple, le fondu au noir. Ce faible niveau est en complet décalage avec la haute idée que certains spectateurs se font de leur culture cinématographique.

- Bien que très peu de participants aux groupes de discussion aient une réelle culture cinématographique, ces rares spectateurs ont utilisé leurs connaissances pour anticiper la suite du film, pour construire leur récit, pour classer le film dans un genre et juger de sa qualité. Il est à noter que leurs avis s'opposaient fréquemment à ceux des autres spectateurs.

La culture cinématographique des spectateurs modifie la perception et la compréhension des signes utilisés par le réalisateur. En conséquence, la perception filmique est bien une construction complexe de l'esprit dans laquelle interviennent non seulement les données sensorielles, les éléments fournis par les sens, mais aussi les connaissances cinématographiques du spectateur et, plus largement, son expérience passée, ses attentes, ses motivations, son affectivité, sa personnalité, son appartenance sociale, etc.

- Chaque spectateur a tendance à créer un récit qui lui est propre à partir de la même combinaison d'éléments sensoriels. Pour paraphraser Christian Metz, on peut dire que « ce n'est pas le film qui est polysémique, mais le spectateur ».

- L'influence de la culture télévisuelle et les fréquentes références aux téléfilms et séries ont tendance à brouiller les interprétations des éléments codiques du montage cinématographique. La culture audiovisuelle des spectateurs est très influencée par la diffusion de fictions en dehors des salles de cinéma (téléfilms, séries, films en DVD ou en cassettes, films diffusés à la télévision, etc.) ce qui explique que les codes de la bande image soient de moins en moins connus ou apparaissent parfois comme démodés.

- Le fait de ne pas connaître le genre cinématographique auquel appartient le film avant son visionnage multiplie les possibilités d'interprétation du sens du film. Le film a un commencement et une fin contrairement à l'expérience cinématographique du spectateur. En effet, le spectateur vient voir un film de métrage déterminé (court, moyen, long) avec sa personnalité et son expérience de la vie, visionne le film proposé par le réalisateur du début jusqu'à la fin. A partir de cette fin, il construit sa propre fin de l'histoire, histoire qui peut évoluer au cours du temps quitte à être en décalage complet avec le début du récit alors oublié.

- Les débats, les échanges lors des discussions de la fin de la première partie et de la fin du film, ne changent pas réellement l'interprétation des spectateurs pris individuellement comme si ces derniers suivaient le fil de leur pensée, le fil du récit personnel qu'ils avaient construit tout au long du visionnage. Plus le spectateur avance dans le film, plus il lui est difficile d'accepter un changement brutal de sens, plus il est nécessaire que le conflit soit fort avec ce qui précède pour qu'il détruise son récit pour le reconstruire sur d'autres bases.

Chapitre 5 : L'analyse transversale des cinq versions

Nous allons procéder à l'analyse des discours tenus par les spectateurs en tentant d'isoler les différences d'interprétation plan par plan selon les versions visionnées.

Pour ne pas alourdir la comparaison, nous commencerons par analyser, plan par plan, les discours tenus après visionnage des versions 1, 2 et 3. Nous le ferons dans un deuxième temps pour les versions 4 et 5.

1- Analyse comparative des interviews suite à la diffusion des versions 1, 2 et 3

A- Le plan 1

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

1

M. Neuville, un cadre supérieur d'une entreprise, est assis à son bureau. Il consulte un dossier. Son téléphone sonne (à 10''44). Il dirige sa main vers le combiné.

Identique

Identique

Sens perçu

Les éléments identitaires du personnage principal sont globalement bien compris par les spectateurs : statut, âge, etc.

En revanche, l'interprétation temporelle des décors et costumes est très variable.

Les éléments identitaires du personnage principal sont globalement bien compris par les spectateurs : statut, âge, etc. En revanche, l'interprétation temporelle des décors et costumes est très variable, ce qui rend la datation de l'action difficile. L'absence d'un ordinateur et la présence d'un minitel perturbent un peu plus le datage.

Le statut du personnage principal n'est pas aussi bien identifié que prévu. Des professions telles que celles de vendeur ou de professeur sont citées. Les indices vestimentaires et les décors intérieurs sont interprétés de façon variée. Le bureau fait notamment l'objet d'une interprétation très contrastée.

Dans ce plan identique dans les 3 versions, le réalisateur souhaitait montrer le statut du personnage principal par l'intermédiaire de ses vêtements (costume, cravate), son stylo, son bureau de directeur : ameublement fonctionnel, plante verte, moquette, etc. Globalement, ce travail sur la norme identitaire a bien fonctionné, même si la profession du personnage n'a pas toujours été correctement identifiée, notamment dans les groupes de la version 3. Nous chercherons dans la suite des plans ce qui a éventuellement pu les perturber par rapport aux spectateurs des versions 1 et 2.

En revanche, le choix d'un bureau d'aujourd'hui et de l'acteur principal - un véritable cadre supérieur en activité, habillé comme son statut de cadre l'impose aujourd'hui - voulus par le réalisateur pour rendre compte d'une réalité actuelle n'ont pas convaincu les spectateurs, d'où des écarts dans la perception du temps. La réalité n'est donc pas perçue comme telle.

B- Le plan 2

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

2

Le téléphone sonne

Identique

Identique

Sens perçu

L'objectif est atteint mais certains spectateurs ont, étrangement, jugé l'appareil vieillot ce qui les a, entre autres, trompés sur le moment où se situe l'action. La question qui se pose est donc de savoir si c'est l'appareil lui-même qui fait ancien ou si c'est le gros plan qui accentue cet effet : « dans les Derrick, il y a toujours un téléphone en gros plan ».

L'objectif est atteint mais certains spectateurs ont, étrangement, jugé l'appareil vieillot ce qui les a, entre autres, trompés sur le moment où se situe l'action. La question qui se pose est donc de savoir si c'est l'appareil lui-même qui fait ancien ou si c'est le gros plan qui accentue cet effet. Le gros plan vieillit la situation en évoquant la série Derrick. 

L'objectif n'est que très partiellement atteint. Certains spectateurs ont, étrangement, jugé l'appareil ancien. Un spectateur a également conclu en voyant un tel gros plan que le film ne pouvait être qu'un téléfilm ou une série : « Le gros plan sur le téléphone, ça me rappelle la télé ».

Le plan 2 est également identique quelle que soit la version 1, 2 ou 3. L'objectif du réalisateur était clairement de mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale, de provoquer un conflit, un saut visuel qui rompe la cohérence (Oakley, 2003) et provoque chez le spectateur au moins de la surprise.

Le travail sur le contexte sensoriel semble avoir eu l'effet escompté.

En revanche, l'objet lui-même - le téléphone qu'utilise actuellement un vrai cadre supérieur - et la taille du plan choisie pour accroître l'effet dramatique ou créer une tension ont eu des effets paradoxaux d'une part sur la datation de l'histoire et du film, d'autre part sur le classement de ce court-métrage dans la catégorie des séries télévisuelles.

C- Le plan 3

Ce plan est le premier qui différencie les versions 1, 2 et 3.

Le réalisateur travaille plusieurs contextes à la fois (des normes, des positions, des relations, etc.) en jouant sur la voix féminine ou masculine, avec ou sans accent, le tutoiement vs vouvoiement, les bruits hors champ, la musique évocatrice du Parrain ou non, etc.

Les spectateurs perçoivent et interprètent correctement ces éléments

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

3

Voix off d'une femme dans un hôpital

Voix off d'un homme à l'accent sicilien, musique du Parrain, Bruits d'une aérogare

Voix off d'une femme qui tutoie le personnage principal

Sens perçu

Le vouvoiement et les bruits hors champ d'un hôpital ont permis l'identification de la personne à la voix off , sans toutefois lui donner un statut exact comme c'était souhaité par le réalisateur. Le statut de secrétaire est peu cité.

Le vouvoiement, les bruits hors champ d'un lieu public (aérogare, gare ou hall d'hôpital), l'accent étranger de la voix off ont permis aux spectateurs d'identifier la personne au téléphone comme étant soit quelqu'un d'un hôpital (en France ou en Italie), soit un tueur à gages. Cette dernière hypothèse est, néanmoins, la plus citée, comme le souhaitait le réalisateur. De même que le bruit de fond d'une aérogare qui évoque pour certains la fuite du tueur après son forfait. L'accent « italien » est nettement remarqué et associé fréquemment à la mafia. En revanche, la musique du Parrain n'est perçue que par un seul participant (sur 24).

Le fait que la femme au téléphone ne se présente pas et tutoie le personnage principal a eu un effet incontestable et conduit un bon nombre de spectateurs à suspecter une relation extraconjugale entre elle et le personnage principal.

La façon de parler de la femme au téléphone est également remarquée mais par moins de spectateurs : « Ce n'est pas naturel  ».

Le doute sur l'identité de la femme au téléphone est créé dans l'esprit de quelques uns des spectateurs.

La question est de savoir si ce plan n°3, très différent, selon la version, va modifier la compréhension de la suite du film ou non.

D- Le plan 4

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

4

Identique à la version 3 : M. Neuville reste un moment silencieux

M. Neuville reste un moment silencieux (mais avec voix off et musique suggestives)

Identique à la version 1 : M. Neuville reste un moment silencieux

Sens perçu

Cet effet est peu perçu par les spectateurs qui, pour la plupart, trouvent que le personnage est assez insensible.

En revanche, un assez grand nombre de spectateurs sont choqués de la brutalité avec laquelle l'hospitalier annonce la nouvelle. Cette brutalité peut avoir atténué le jeu de l'acteur

Cet effet est peu perçu par les spectateurs qui, pour la plupart, trouvent que le personnage est assez insensible et froid.

Certains pensent qu'il se doutait de la nouvelle soit parce qu'il avait commandité le meurtre, soit parce que sa femme était dans un état désespéré.

Cet effet est peu perçu par les spectateurs qui, pour la plupart, trouvent que le personnage est assez froid voire étrange. Certains pensent qu'il se doutait de la nouvelle soit parce que sa femme était dans un état désespéré, soit parce qu'il avait lui-même commandité le meurtre. Le doute est donc créé.

Dans ce plan 4, le réalisateur (quelle que soit la version) voulait montrer en gros plan la réaction du personnage face au changement de situation. Son travail et le jeu de l'acteur ne sont pas suffisants pour modifier le sens induit par le plan précédent. L'insensibilité perçue du personnage fait, en quelque sorte, l'objet d'une rationalisation chez la plupart des spectateurs.

Version 1 : il est insensible car il est choqué par la nouvelle qu'il vient d'apprendre et la brutalité avec laquelle elle a été annoncée ;

Version 2 : il est insensible parce qu'il attendait qu'on lui annonce ce qu'il avait prémédité ;

Version 3 : il est insensible parce qu'il s'y attendait.

E- Plan 5

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

5

Voix off féminine s'impliquant : « nous »

Voix off masculine

s'impliquant « nous»

Voix off féminine et tutoyant ne s'impliquant pas « ils »

Sens perçu

Le jeu de l'acteur a influencé peu de spectateurs, « il n'est pas très expressif (...) »

Le jeu de l'acteur a influencé peu de spectateurs qui le trouvent majoritairement froid, insensible, distant.

Le jeu de l'acteur n'a influencé aucun spectateur. Majoritairement, les spectateurs trouvent la réaction du personnage distante et anormale.

Ce plan n'a pas eu d'effet spécifique, il n'a fait, semble-t-il, que consolider les interprétations précédentes quant aux sentiments du personnage principal et à l'identité de l'appelant :

Version 1 : une femme appartenant à un service hospitalier,

Version 2 : un homme appartenant probablement à la maffia,

Version 3 : une femme que le personnage principal semble bien connaître.

Les trois plans suivants (6, 7, 8) sont identiques quelle que soit la version. La construction des trois histoires différentes par les spectateurs va-t-elle en être bouleversée ?

F- Plan 6

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

6

M. Neuville répond : « Merci de m'avoir prévenu ». Il se lève vers les stores de sa fenêtre. Il commence à ouvrir ses stores

Identique

Identique

Sens perçu

Certains spectateurs ont bien compris la maîtrise dont faisait preuve le personnage, ce qui leur permet de moins mal le juger.

En revanche, le fait qu'il se lève pour aller à la fenêtre est peu interprété.

La plupart des spectateurs considèrent qu'il n'a jamais perdu de sa superbe. Il reste donc égal à lui-même : indifférent, comme insensible.

La plupart des spectateurs considèrent qu'il n'a jamais réagi affectivement. Il reste donc égal à lui-même : indifférent, comme insensible.

Ce plan identique dans les 3 versions avait pour but de montrer le personnage reprendre le contrôle de la situation par un ton directorial, de montrer qu'il a besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail.

Les spectateurs sont influencés non pas par le plan lui-même identique dans les 3 versions mais par ceux qui précèdent et notamment par l'interprétation qu'ils ont faite du plan 3 et dans une moindre mesure des plans suivants.

Version 1 : le personnage fait un effort sur lui-même, il est touché par la nouvelle ;

Version 2 : le personnage a probablement commandité le crime et garde son sang froid ;

Version 3 : le personnage reste imperturbable ; il s'y attendait, le bref message n'est pas le

premier à moins qu'il ait été prévu à l'avance.

G- Plan 7

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

7

M. Neuville ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre

Identique

Identique

Sens perçu

La plupart des spectateurs doutent ou l'interprètent comme de l'indifférence.

Ce premier plan d'une suite évocatrice n'a pas eu les effets escomptés.

Ce premier plan d'une suite évocatrice n'a pas eu les effets escomptés. Il contribue seulement à accentuer l'étrangeté du personnage.

Ce plan identique dans les 3 versions avait pour but de montrer que la pensée du personnage quittait le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit. Le réalisateur comptait également évoquer l'opposition lumière/obscurité, vie/mort, ce que les spectateurs n'ont, semble-t-il, pas compris.

En revanche, nombreux sont ceux qui sont pris par le doute. Ils s'interrogent y compris pour la version 1 sur les sentiments réels du personnage.

Le caractère abstrait du plan conduirait à la réflexion, voire à la remise en cause de l'interprétation de la suite des plans précédents. Comme si la norme culturelle ne supportait pas qu'un homme malheureux se lève pour regarder à la fenêtre.

Version 1 : le personnage a un comportement « anormal » dans son malheur donc est-il réellement malheureux ?

Version 2 : le personnage a un comportement compatible avec son image (de commanditaire d'un meurtre).

Version 3 : le personnage a un comportement vraiment étrange, cela doit cacher quelque chose.

H- Plan 8

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

8

Une femme en tailleur en jean bleu et portant un foulard de type carré bleu marche en s'éloignant dans des dunes de sable

Identique

Identique

Sens perçu

L'interprétation est très variable allant de l'incompréhension totale, au doute, à l'identification d'un flashback ou, à l'opposé d'un flashforward, jusqu'à une interprétation correcte du plan. 

Interprétation très variable allant de l'incompréhension totale, au doute, à l'identification d'un flashback ou d'une évocation d'un départ sans retour.

Ce plan a été apprécié esthétiquement. Son interprétation est assez consensuelle et tourne autour du souvenir, du départ, de la mort, de l'au-delà, de la délivrance après une longue maladie.

Le réalisateur voulait par ce plan, identique dans les trois versions (1, 2, 3), évoquer le temps qui passe, le départ d'une femme seule, l'éloignement progressif puis la disparition. Il avait choisi d'évoquer le désert dans le sens classique du cinéma américain, dans lequel le désert est, en effet, « un lieu de souffrance, d'accident, de danger, de mort ou d'échec (...) C'est aussi le décor où se déroule une épreuve de force imposée à l'homme (...) Le désert punit, purifie et permet de revivre » (Cieutat, 1991, p.261-262).

La durée de ce plan, 19 secondes, en fait le plan le plus long du court métrage. Le panorama et la suite de sept fondus enchaînés ne sont pas identifiés. Certains parlent de sauts, d'autres de ralenti, ce qui est erroné. En revanche, d'assez nombreux spectateurs ressentent des effets proches (flashback, flashforward, rêve, etc.) de ceux décrits par les théoriciens. Le fondu enchaîné « marque généralement un court changement de temps, une durée sans influence sur l'action » Jullier (2002, p.54). Dans ce plan, ils sont assez longs et fréquents, un peu comme dans le film Une place au soleil, dans lequel le réalisateur Georges Steven (1950) voulait rendre compte de l'état psychologique de son héros présent physiquement mais ailleurs en pensée. Le fondu enchaîné est, en outre, parfois utilisé pour introduire un rêve ou un souvenir, un flash back (retour en arrière).

Les disparités dans les interprétations sont dues vraisemblablement à celles en matière de culture cinématographique, non pas théorique - car de ce point de vue elle est, sauf rares exceptions, très faible d'où les confusions terminologiques - mais spectatorielle, autrement dit la culture acquise en visionnant plus ou moins de films et de téléfilms.

I- Plan 9

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

9

M. Neuville ferme son store et se retourne

Un peu plus long que dans les 2 autres versions

Identique à la version 1

Sens perçu

Peu de spectateurs ressentent l'effet souhaité par le réalisateur. Cependant ce plan n'est pas passé totalement inaperçu : « il a l'air d'être très investi dans son travail », etc. 

Aucun spectateur ne le ressent vraiment.

Aucun spectateur ne le ressent vraiment. Les spectateurs ne voient que l'étrangeté du comportement du personnage.

Le réalisateur, par ce plan, souhaitait montrer la fin de quelque chose puis le retour au réel.

Dans la version 2, il souhaitait, grâce à un plan plus long, laisser apparaître que le personnage esquisse un léger sourire.

Ce plan ne semble pas avoir d'effet spécifique, il ne fait qu'assurer la continuité du récit et de sa construction par le spectateur. Le cadre supérieur débordé ressort bien dans la version 1, le personnage étrange et ambigu dans la version 3.

J- Plan 10

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

10

Un cadre avec une photographie est posé sur un meuble de bureau long et bas. La photographie est celle d'une femme de 35-40 ans, brune

Plan plus long, en gros plan, femme blonde

Identique à la version 1.

Femme brune en photo

Sens perçu

La photographie est nettement remarquée. En revanche, son interprétation est variable quant aux critères d'âge, de physique et de couleur de cheveux. Le statut de la personne en photo est également variable selon les spectateurs. Il s'agit selon eux soit de la femme du personnage principal, soit de sa maîtresse, soit de sa fille

La femme photographiée est correctement décrite : «  blonde », « l'air coquine », « 40 à 45 ans », « avec un sourire bizarre ; elle tient une balle de tennis et le nargue ». En revanche, sa relation avec le personnage principal est moins certaine : « sa maîtresse », « sa femme », « sa fille », « sa mère »...

La photographie fait l'objet de deux controverses : - l'une concerne la période à laquelle elle a été prise ; - la seconde concerne le lien entre la femme marchant dans le sable et celle en photographie. Certains spectateurs se posent des questions quant à leur statut : « femme » ou « maîtresse » ?

Dans les versions 1 et 3, il s'agissait d'évoquer la femme disparue par un objet matériel toujours présent dans le lieu où vit le personnage principal lorsqu'il travaille.

Dans la version 2, ce plan est plus long et tente de révéler quelques traits de la personnalité de cette femme : ambitieuse, calculatrice, narquoise, joueuse.

Quelle que soit la version, il est intéressant de noter que l'incertitude apparaît nettement quant aux relations conjugales ou extraconjugales ou encore filiales entre le personnage principal et la femme photographiée. Le fait que la photographie soit en noir et blanc a pu modifier le contexte sensoriel d'où, pour certains spectateurs la conclusion que la femme photographiée était plus jeune (fille, maîtresse) ou plus vieille (mère, épouse) que le personnage principal.

Bien que la femme photographiée soit plus jeune (35-40 ans) dans les versions 1 et 3 que dans la version 2 dans laquelle elle a 40-45 ans, cela n'a pas d'effets mécaniques puisque, dans la version 2, il paraît plausible que la femme photographiée soit la fille du personnage.

En revanche, il est intéressant de noter que la construction du récit par le spectateur n'est pas perturbée par ce plan qui est toujours intégré dans une certaine logique de continuité.

Version 1 : le cadre débordé a sur son bureau une photographie probablement de son épouse (peut-être de sa maîtresse ou de sa fille)

Version 2 : le personnage qui est vraisemblablement le commanditaire d'un meurtre a sur son bureau la photographie, sans doute, de sa maîtresse (peut-être de sa femme, fille ou mère)

Version 3 : le personnage est tellement étrange qu'on hésite vraiment entre la femme et la maîtresse

K- Plan 11

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

11

M. Neuville s'avance en direction du meuble de bureau

M. Neuville s'avance en direction du meuble sur lequel est posé le cadre. Plan plus court que dans les 2 autres versions

Identique à la version 1

Sens perçu

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs

Apparemment sans effet particulier sur les spectateurs

Apparemment sans effet particulier sur les spectateurs.

Le réalisateur voulait, dans les versions 1 et 3, montrer l'attirance quasi-magnétique de la photographie pour le personnage principal. Il souhaitait également évoquer le fait que la photo de cette femme redonnait de l'énergie au personnage principal grâce à un panoramique. Dans la version 2, il souhaitait, en plus, donner par un plan plus court et un montage différent (la fin de la marche, plutôt que le début) une impression de décontraction au personnage, en accentuant également sa démarche féline.

Il n'est pas possible de conclure en l'absence d'influence. Elle n'a pas été verbalisée sur ce plan précis. La question est de savoir si ce plan n'a pas contribué à la construction du sens global du film, sachant que les 4 derniers plans de la première partie du court métrage sont quasi identiques.

L- Plan 12

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

12

M. Neuville se baisse

Identique

Identique

 

Apparemment sans effet particulier.

Apparemment sans effet particulier.

Apparemment sans effet particulier

L'idée du réalisateur était de donner du rythme par un plan très court montrant une action singulière dont on ne connait pas encore la raison. En réalité, ce plan 12 ne contribue certainement qu'à consolider la construction du sens global. Ainsi, dans la version 3, mais comme dans le plan précédent, il peut avoir accentué l'image du personnage («sa gestuelle est étonnante ») et son caractère étrange.

M- Plan 13

Dans les trois versions, le réalisateur souhaitait mettre en valeur un objet associé à un besoin urgent à assouvir : le besoin de boire. Dans la version 2, par un plan plus court, il voulait suggérer par les gestes du personnage et leur précision une certaine habitude de se servir un verre.

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

13

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre et une bouteille. Il ferme la porte du minibar. Des bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes

Gros plan sur un minibar de bureau. La main de M. Neuville ouvre le minibar et en sort un verre. Sa main plonge dans le minibar comme pour chercher une bouteille. Bruits de bouteille et de porte de minibar accompagnent les gestes. Plan plus court

Identique à la version 1

Sens perçu

Quelques spectateurs le remarquent mais plutôt comme un vice habituel : « ça me semble un rituel quotidien chez lui. Il doit aimer boire son verre chaque jour ».

L'association alcool-tristesse n'est donc pas

vraiment perçue.

Quelques spectateurs le remarquent. L'association alcool-tristesse n'est perçue que par quelques spectateurs qui voient le

personnage principal se noyer dans l'alcool. En revanche, l'alcoolisme mondain et cette mauvaise habitude au travail ne sont pas perçus.

Quelques spectateurs le remarquent mais pour mieux critiquer le comportement du mari.

Ce plan donne du personnage principal, mais uniquement dans les versions 1 et 2,

une image légèrement différente des plans précédents. Il l'humanise en montrant ses faiblesses. Ce qui n'était pas le but véritable, il faut l'avouer...

Version 1 : le cadre débordé qui est sans doute malheureux de la mort de son épouse, qui maîtrise ses réactions affectives et son stress en abusant régulièrement d'alcool.

Version 2 : le personnage qui est vraisemblablement le commanditaire d'un meurtre et qui, pour certains, semble avoir quelques remords qu'il tente de noyer dans l'alcool.

Version 3 : le personnage est vraiment étrange y compris en se préparant à boire de l'alcool.

N- Plan 14

Dans les versions 1 et 3, il s'agissait de montrer l'énergie dépensée par le personnage et la précision de ses gestes. Dans la version 2, le réalisateur voulait mettre en valeur la précision des gestes du personnage principal mais, également, évoquer par le bruit de la porte une certaine brutalité et, grâce à un fondu enchaîné, une ellipse temporelle pour laisser un doute sur ce qui se passe pendant ce temps sans image. Or, le fondu enchaîné est ni interprété, ni même remarqué.

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

14

M. Neuville ouvre sa bouteille

La main de M. Neuville ferme la porte du minibar. Bruits de porte du minibar. Plan plus court et gros plan

Identique à la version 1

Sens perçu

Dans la suite du plan précédent, certains voient davantage les habitudes d'alcoolisme « mondain » mais ils sont minoritaires.

Apparemment sans effet particulier sur les spectateurs.

Apparemment sans effet sur les spectateurs. Ce plan ne fait que confirmer les critiques à l'égard du personnage principal.

Autrement dit, ce plan n'apporte pas véritablement de complément de sens mais ne fait que confirmer le sens construit jusqu'alors.

O- Plan 15 (Fin de la première partie)

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

15 (A)

Il se sert un verre à proximité du cadre de la photographie

M. Neuville bouge les épaules verticalement à plusieurs reprises comme s'il avait une crise de sanglots

Identique à la version 1

Sens perçu

Apparemment sans effet particulier sur les spectateurs. Il ne fait que confirmer ce qu'ils pensaient

Effet nettement remarqué : «On avait l'impression qu'il pleurait, de dos... ».

Pas l'effet escompté. Il ne fait sans doute que confirmer ce qu'ils pensaient du mari depuis le plan 13 : « Il trinque devant la photo de sa femme et semble délivré ».

Dans les versions 1 et 2, le but du réalisateur était de montrer le lien entre ce besoin de boire de l'alcool et les retombées de l'annonce de la mort de sa femme.

Tandis que dans la version 3, le plan qui est très différent devait faire croire en de la tristesse, du chagrin tout en laissant planer une incertitude par une prise de vues particulière : le personnage est filmé de dos ce qui supprime toute expression du visage.

Dans les versions 1 et 3, ce plan confirme les interprétations faites jusque-là.

Version 1 : le cadre débordé qui est sans doute malheureux de la mort de son épouse, qui maîtrise ses réactions affectives et son stress en abusant régulièrement d'alcool.

Version 3 : le personnage est vraiment étrange y compris en buvant un verre devant le portrait de sa femme.

En revanche, dans la version 2, ce plan est porteur d'un message fort qui peut remettre en cause l'image du personnage. Le plan est majoritairement interprété comme le souhaitait le réalisateur : «On avait l'impression qu'il pleurait, de dos... ».

Seul, un spectateur émet un doute sur la réalité du chagrin du personnage en faisant référence à sa culture cinématographique : « il remue son shaker comme Charlie Chaplin dans un film où il est de dos et on a l'impression qu'il pleure parce que sa femme a eu un accident et en fait il se fait un cocktail ». Or, le réalisateur avait repris l'idée de Chaplin lors de la rédaction de l'un des scénarii.

Concernant la version 2, dont le dernier plan jette le doute sur le rôle exact du personnage dans la mort de son épouse (commanditaire du crime ou non), la question qui se pose avant d'analyser les résultats du test de l'histoire à compléter est donc de savoir si l'impact de ce plan a été suffisant pour modifier le sens global de la première partie.

Q- La comparaison des résultats aux tests de l'histoire à compléter

Avant de poursuivre l'analyse comparative plan par plan, nous pouvons comparer les fins des récits imaginées, construites par les spectateurs de chaque version.

Avec les mêmes éléments filmiques en tête, les spectateurs envisagent, selon l'interprétation qu'ils en ont faite, des fins dont la diversité peut étonner compte tenu de la logique qui semblait la leur.

Comparaison des résultats du test de l'histoire à compléter

Version 1

Version 2

Version 3

Les fins du film imaginées par les spectateurs après le fondu au noir du plan 15 sont très diverses :

- certains voient la tristesse et la solitude du mari. Deux d'entre eux vont jusqu'à penser au suicide. 

- D'autres imaginent une machination et une enquête policière 

- D'autres encore voient le mari se reprendre, se remettre rapidement ou, au contraire, se remonter le moral avec de l'alcool

- Certains pensent qu'il fera appel à quelqu'un et évoquent l'hypothèse qu'il appelle sa maîtresse

- Certains imaginent un suicide 

- D'autres voient le personnage principal se noyer dans l'alcool 

- D'autres pensent qu'il va reprendre sa vie routinière et bien réglée, éventuellement après un moment de tristesse

- D'autres encore, majoritairement des participants de sexe masculin, imaginent une vie extraconjugale qui apparaît au grand jour 

- Quelques uns, dans une perspective de film policier, croient en un meurtre

avec deux options possibles :

- soit une suite d'aventures, d'actions et de courses poursuites,

- soit une séquence émotion et remords 

- soit un mélange de remords et de vengeance.

Les différentes fins proposées sont :

- le personnage principal gère sa vie comme ses affaires, en agissant plus qu'en regardant le passé

- le personnage principal vit mal la mort de son épouse et veut mettre fin à ses jours : suicide ou alcoolisme

- Certains pensent que l'histoire est trop étrange, pour qu'une surprise n'ait pas lieu comme l'apparition d'une maîtresse, etc.

Le diagramme des fins possibles selon les versions

Solitude

V1 : cadre débordé

Tristesse de longue durée

Tristesse de courte durée

V2 : probable

commanditaire

Remords

V3 : personnage étrange

Suicide

Alcoolisme

Maîtresse

Enquête policière

Vengeance

Retour à la vie normale

Autres fins

Le tableau comparatif des résultats aux tests de l'histoire à compléter et le diagramme des fins possibles mettent en évidence plusieurs phénomènes :

1) La version la plus banale, c'est-à-dire la version 1, est celle qui fait l'objet de la plus grande variété de fins.

Trois explications peuvent être proposées :

- l'absence de véritable intrigue peut entraîner un doute sur la réalité de la situation présentée, le spectateur étant habitué à ce qu'un film raconte une histoire qui sorte de l'ordinaire.

- Cette version apporte le moins d'informations précises, le moins d'indices sur lesquels les spectateurs peuvent s'appuyer. Le test de l'histoire à compléter peut alors être considéré comme proche d'un test projectif. Or, on sait que ce type de technique repose sur l'acte perceptif et que la perception n'est pas une réception passive. C'est un « acte de la conscience, une construction personnelle dans laquelle le degré d'implication du sujet (ici le spectateur) varie en proportion inverse de l'information fournie par l'objet. Plus celui-ci (le film) est clair, net et précis, moins l'apport du sujet (le spectateur) est important. Au contraire, plus il est vague et flou, plus il nécessite d'efforts pour qu'on lui trouve un sens » (Sillamy, 1983, p.528).

- Le plan 7 au cours duquel le personnage principal ouvre complètement ses stores et regarde à la fenêtre a - en raison de son caractère abstrait et de son décalage par rapport aux normes socioculturelles habituelles - fait douter de la sincérité des sentiments du mari troublé par l'annonce de la mort de son épouse. Un homme malheureux qui se lève pour regarder à la fenêtre est forcément suspect, semblent nous dire certains spectateurs. D'aucuns suivent leur idée en imaginant, sans qu'il y ait le moindre indice dans le film qui puisse y faire penser, en la double vie du personnage principal. Nous n'irons pas jusqu'à dire que ce plan de la fenêtre soit une évocation sexuelle, involontaire de la part du réalisateur. Toutefois, rappelons que

de nombreux réalisateurs, notamment américains, ont utilisé la fenêtre pour suggérer l'acte sexuel (Cieutat, 1991).

2) La version 3, très proche de la version 1, génère un moindre éventail de possibilités de fins alors que la seule réelle différence vient de la voix off, de même timbre, mais qui tutoie le personnage principal et qui fait comprendre en sa non-participation aux soins (« ils »). Rappelons que le fait que la femme au téléphone ne se présente pas et tutoie le personnage principal a eu un effet incontestable et conduit un bon nombre de spectateurs à suspecter une relation extraconjugale entre elle et le personnage principal. Dès ce plan, n°3, le sens de la version 3 s'est différencié nettement de celui de la version 1.

A ce stade, en effet, nous avions :

Version 1 : il est insensible car il est choqué par la nouvelle qu'il vient d'apprendre et la brutalité avec laquelle elle a été annoncée ;

Version 3 : il est insensible parce qu'il s'y attendait (voire l'espérait).

Or, en fin de première partie, les spectateurs voient ce mari étrange de la version 3, somme toute, plus affecté qu'ils ne l'avaient décrit : tristesse, suicide, alcoolisme.

Il y a donc une sorte de rupture inexplicable entre ce qu'ils pensent du personnage et ce qu'ils pensent qu'il fera par la suite.

Plus logiques dans la continuité de leur propre récit, les participants masculins ont tendance à postuler pour une fin marquée par l'apparition au grand jour d'une maîtresse, ou pour une fin plus mouvementée encore.

L'hypothèse d'une projection dans l'avenir différente selon le sexe ne peut être totalement repoussée ; les hommes acceptant plus facilement une fin hors normes, tandis que les femmes préfèrent rêver en une fin plus conforme, plus romantique.

3) Dans la version 2, le nombre de fins possibles est assez élevé ce qui pourrait apparaître comme paradoxal avec nos commentaires de la version 1. Cette version 2 est, en effet, la plus précise, la plus directive avec ses éléments qui évoquent un crime prémédité (voix off, nous, musique du Parrain, etc.). Or, les fins proposées ne vont pas toutes dans ce sens : tristesse, suicide, alcoolisme, etc. L'explication de cette rupture ne peut venir que de la force du dernier plan, le plan 15A. Comme nous l'écrivions plus haut, ce plan est porteur d'un message fort qui remet en cause l'image très négative du personnage auprès d'un bon nombre de spectateurs. Le plan est majoritairement interprété comme le souhaitait le réalisateur : «On avait l'impression qu'il pleurait, de dos... ».

De précis, le film devient flou, son interprétation est donc aussi variée que ne le sont les spectateurs. Sans aller jusqu'à voir dans ce travail d'interprétation, dans cette attribution d'une signification au film ambigu un mécanisme psychique de projection, nous ne pouvons pas nier que l'ambiguïté générée par un seul plan, le plan 15A, a fait passer le nombre de fins possibles, de quelques unes à ressort policier, à de nombreuses dans lesquelles le spectateur semble jouer le rôle principal avec ses préoccupations, ses peurs, ses sentiments, etc. autrement dit sa personnalité ce qui explique les fins autres que policières.

R- Reprise : plan 15 B

La discussion entre les participants à la suite du plan 15A a-t-elle, par un changement dans le contexte des relations, modifié le processus de construction du récit des spectateurs ?

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

15 B

Il pose sa bouteille à proximité de la photographie.

Bruits de bouteille

M. Neuville secoue toujours ses épaules.

Bruits de liquide remué dans une bouteille.

Identique à la version 1

Sens perçu

Pas d'effet apparent

La crise de sanglots est, semble-t-il, plus clairement perçue que l'opposition avec le son hors champ diégétique

L'association alcool-tristesse n'est pas perçue mais plutôt le contraire... : « finalement il est soulagé d'un poids ».

Dans les versions 1 et 3, le réalisateur souhaitait insister sur l'association alcool-deuil. Le même plan n'a pas le même effet dans les deux cas.

Dans la première version, malgré l'influence de la discussion de groupe, les spectateurs ne semblent pas modifier l'image qu'ils ont du personnage : un cadre débordé qui est sans doute malheureux de la mort de son épouse, qui maîtrise ses réactions affectives et son stress en abusant régulièrement d'alcool. Autrement dit, la prise de boissons alcoolisées n'est pas liée à sa situation de deuil.

Dans la version 3, également malgré la manipulation du contexte relationnel (par la discussion de groupe) et celui du contexte temporel (par le test de projection dans l'avenir), le plan ne change pas l'interprétation faite jusqu'au test du récit à compléter : le personnage est vraiment étrange y compris en buvant un verre devant le portrait de sa femme. Il semble même soulagé. Une interrogation demeure ; de quoi est-il soulagé ? Que sa femme ne souffre plus ? Ou d'être libre ?

Il n'en demeure pas moins que malgré l'entracte, malgré le test de l'histoire à compléter, malgré la discussion parfois vive et contradictoire entre les participants, ces derniers semblent reprendre, comme si de rien n'était, le fil du récit qui leur est proposé et tel qu'ils l'ont interprété jusqu'à présent. Rappelons que le film est repris par une ouverture en fondu là où le film s'était arrêté (plan 15 A, fondu au noir). Cela a de l'importance, bien sûr, puisque après 35 minutes, en moyenne, de discussion collective, les spectateurs se replongent

là où ils en étaient.

Ce phénomène peut avoir plusieurs explications :

- d'abord, le spectateur a gardé en mémoire la partie du film qu'il avait visionnée avant l'entracte : ce qui est le signe de son intérêt et, surtout, d'une bonne mémorisation ;

- ensuite, le spectateur qui a été sans doute influencé par la manipulation du contexte relationnel (lors de la discussion de groupe) et du contexte temporel (par le test de l'histoire à compléter) n'en reste pas moins attaché au récit qu'il avait construit seul, à un moment donné.

Les contextes ont été manipulés mais dans un cadrage différent.

Au cours du film, le spectateur vit le récit :

Un Spectateur Film (récit, décors, prise de vues, lieux, moments, etc.)

Au cours de la discussion et du test, les spectateurs s'influencent, comparent leur vision des choses et se projettent dans l'avenir (avec leurs envies, leurs fantasmes, leurs goûts, etc.)

Des spectateurs Fin d'un film (le futur et non le présent du film, etc.)

En conséquence, il est vraisemblable qu'après avoir révélé ce qu'ils souhaitaient comme fin, les spectateurs reviennent spontanément dans les dispositions qui étaient les leurs au moment de l'entracte, ici et maintenant. Ce phénomène ne peut que faire penser à ces spectateurs, plus nombreux qu'on ne le pense, qui apprécient d'arriver à la fin d'une séance, de visionner la fin du film, et d'assister après un entracte, à la séance suivante, soit - le plus souvent - jusqu'à la fin du film, qu'ils voient donc deux fois, soit jusqu'au moment où ils sont arrivés..

Plans 1 à 15A Construction d'un récit par le spectateur

Test de l'histoire à compléter

Discussion de groupe

Construction de la fin du récit

Plan 15 B

Reprise

Quant au plan de reprise, dans la version 2, son influence est très nette, voire déterminante. Les spectateurs sont presque convaincus du chagrin du mari, qu'ils qualifiaient tous jusque là de criminel. Ce plan 15B fait, en quelque sorte, oublier le sens du plan 3 dans lequel ils avaient identifié la voix d'un tueur à gages.

S- Plan 16

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

16

Il boit son verre de la main gauche, à proximité de la photographie d'une femme brune

Gros plan sur la photographie de la femme blonde

Identique à la version 1

Sens perçu

Ce plan semble avoir touché certains spectateurs : « je ne le trouvais pas très affecté par la mort de sa femme, alors cela m'étonne », « il avait un coeur en tout cas, je ne le pensais pas », « je ne le voyais pas si insensible, tant mieux »

Apparemment sans effet particulier sur les spectateurs. Ne fait que conforter la perception de la femme photographiée : « elle avait vraiment l'air d'une garce sur la photo... » 

Apparemment sans effet sur les spectateurs

Dans les versions 1 et 3, le but recherché était de montrer avec pudeur, donc de dos, la tristesse supposée du personnage principal.

Alors que le plan est strictement identique dans les deux versions, dans la première il semble qu'il ait quelques effets : il rend le mari plus humain, plus sensible qu'il ne l'apparaissait jusque là.

Dans la version 2, le réalisateur souhaitait accentuer le contraste entre l'image de la femme décédée et le bruit, et ainsi créer un certain suspense, ou au moins le doute. Mais, l'effet fut différent : malgré la faible durée de ce plan, la femme apparaît sous un jour peu flatteur.

Alors que dans le plan 10, elle était perçue comme une femme, certes coquine, narquoise, etc.,

elle devient, à cause de ce plan 16 franchement, une « garce ». On en viendrait presque à plaindre son mari de pleurer la mort d'une telle épouse.

Ce plan très court est donc déterminant. Ce gros plan met en valeur la personnalité de la femme. Comment expliquer cet impact, dont la force avait été sous-estimée par le réalisateur ? Il souhaitait provoquer le doute, le suspense, et voilà qu'il donne aux spectateurs de quoi reconstruire totalement le récit.

De la pauvre épouse assassinée, la femme blonde devient la garce insupportable.

De mari criminel, le personnage principal devient presque victime, mari aimant et profondément touché par la mort de son épouse.

Ce phénomène nous renvoie au code de la bande image. Malgré les critiques dont fit l'objet la classification psycho-linguistique des cadrages, il faut reconnaître que l'effet du plan 16 de la version 2 rappelle l'idée de proximité affective et d'acuité visuelle maxima générées par le gros plan, idée défendue avec force par Deleuze (1983). Et les réactions de nos spectateurs se rapprochent de celle décrite par Epstein : « ce visage d'un lâche en train de fuir, dès que nous le voyons en gros plan, nous voyons la lâcheté en personne, le « sentiment-chose », l'entité » (Epstein, Ecrits sur le cinéma, tome I, Seghers, 1974, pp.146-147).

T- Plan 17

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

17

M. Neuville prend la photographie de sa main droite

Gros plan sur un shaker remué par M. Neuville et sur une bouteille de Chivas. Les mains de M. Neuville servent le cocktail dans un verre puis ferment le shaker.

Identique à la version 1

Sens perçu

Pas d'effet particulier, confirme le plan précédent, pour ceux qui jugent correctement le personnage principal

L'effet de surprise est total ou presque., excepté pour le cinéphile admirateur de Chaplin : « qu'est-ce que je vous avais dit : du Chaplin ! ».

Apparemment sans effet sur les spectateurs

Le plan 17 est strictement identique dans les versions 1 et 3. Le réalisateur souhaitait montrer que le mari ressentait le besoin de se souvenir, de toucher l'image de son épouse. Cette évocation affective ne semble pas réellement changer l'interprétation des spectateurs.

En revanche, le plan 17 de la version 2 est un nouveau coup de théâtre. Il met en contraste le décès de la femme et le comportement calme et satisfait du mari : ce dernier ne boit pas un verre quelconque pour se redonner du courage, il se prépare un cocktail.

L'effet de surprise est total, excepté pour le cinéphile admirateur de Chaplin : « qu'est-ce que je vous avais dit : du Chaplin ! ». L'influence du niveau de culture cinématographique sur

la construction du sens par le spectateur est parfaitement illustrée ici.

Un phénomène est intéressant à noter : celui du peu d'influence de l'autre sur le spectateur.

Malgré la discussion autour de la ressemblance avec le court métrage burlesque de Chaplin, les spectateurs du groupe auquel appartenait le cinéphile n'en ont pas tenu compte.

Comme si les spectateurs ne croyaient que ce qu'ils voient et entendent par eux-mêmes. Ils laissent leur instinct, leur imagination, leurs réflexes prendre le dessus sur la raison et l'anticipation basée sur la connaissance.

Un phénomène similaire est également très fréquent. Combien de spectateurs, bien qu'avertis par leurs voisins qui ont déjà vu le film, de l'imminence d'un effet de surprise (un monstre, un tueur caché, etc.) sursautent-ils, malgré tout, sur leur siège ? Il y en a même qui sursautent au nième visionnage ....

U- Plan 18

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

18

Gros plan sur la photographie de la femme brune

M. Neuville pose le shaker sur le meuble puis il prend son verre de la main droite

Identique à la version 1

Sens perçu

Pas d'effet particulier

Ce plan augmente, sans doute, le ressentiment que les spectateurs ont d'avoir été manipulés. Il est pour beaucoup dans les critiques sévères émises à l'encontre du personnage principal : « c'est un sacré dégueulasse »

Seul un spectateur réagit verbalement à ce plan mais pas dans le sens souhaité par le réalisateur. Il identifie la femme décédée.

Dans la version 1 et 3, le réalisateur souhaitait dans ce même plan montrer en gros plan la présumée femme du personnage principal. Il s'agissait de mettre en valeur la beauté et la jeunesse de la femme photographiée. En réalité, ce gros plan n'apporte pas grand-chose de plus que les spectateurs ne sachent déjà, d'où l'absence de véritables réactions.

En revanche, dans la version 2, le plan 18 est pour beaucoup dans le 3ème revirement du public vis-à-vis du personnage principal, et cela en une poignée de minutes : après avoir été mari criminel, puis mari victime d'une garce, il devient subitement « un sacré dégueulasse ».

L'impact d'un plan isolé sur le sens global du film est ici démontré.

V- Plan 19

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

19

M. Neuville est pris de soubresauts

M. Neuville prend de la main gauche le cadre de la photo et la regarde. Sa main droite tient toujours son verre.

M. Neuville regarde la photo et la repose sur le meuble. Il continue à boire son verre. Un bruit de porte qui s'ouvre se fait entendre. M. Neuville jette un coup d'oeil surpris vers la porte (hors champ)

Sens perçu

Les effets sont contradictoires selon l'idée générale que se fait du film chacun des spectateurs.

Les tenants du film policier continuent à croire en un crime, par empoisonnement ou en une simulation de malaise. Mais, la plupart des spectateurs adhèrent à la fin « romantique », même si certains trouvent la fin banale.

Apparemment sans effet particulier sur les

spectateurs. Ne fait que renforcer l'interprétation de la séquence de fin.

La plongée n'a pas non plus d'effet spécifique.

Le début du plan ne semble pas modifier l'image plutôt négative du mari.

La surprise sonore n'a pas été verbalisée ; les mimiques de surprise de l'acteur n'ont pas été citées par les spectateurs

Chaque version a un plan différent. L'épilogue est proche.

Dans la version 1, le but recherché était, en montrant furtivement les gestes du personnage principal à la vue de la photo, de laisser planer un doute sur les raisons de ces soubresauts : sanglots, etc.

Le doute est, en effet, installé mais les conclusions sont différentes selon la personnalité des spectateurs, leur préférence en matière de genre cinématographique, leur goût pour les  happy ends.

Dans la version 2, le réalisateur souhaitait resituer l'action dans le contexte de la disparition de la femme que les plans 15 B à 18 auraient pu faire oublier. Or, ce plan n'a pas eu les effets escomptés. Pourtant, l'angle de prise de vues avait été choisi en respectant le code des changements d'angles. L'angle de prises de vues, selon ce code, a un rôle expressif : « les fortes incidences angulaires doivent être justifiées par une nécessité quelconque de caractère dramatique ou psychologique » (Mitry , 2001, p.95). Nous avions donc opté pour la plongée pour mettre en valeur la victime (la femme même si c'est une garce) en contraste avec le mari (« dégueulasse » si ce n'est criminel). La plongée donne un sens symbolique de faiblesse, d'infériorité, d'écrasement psychologique, de peur, etc. Le sujet filmé est dominé, amenuisé, écrasé. Grâce à la plongée, nous voulions donc faire changer l'opinion plutôt négative que les spectateurs avaient de la femme blonde. Ce fut, reconnaissons-le, un échec : elle fut jugée jusqu'au bout assez détestable, bien que victime de son mari.

Comment l'expliquez autrement que par la mauvaise réalisation dont nous sommes le responsable ou par la méconnaissance de ce code stéréotypé de la plongée écrasante ou encore par le fait que la plongée est parfois utilisée «à contre-emploi, tant il est vrai que, là comme ailleurs, les règles sont floues et toujours réinterprétables » (Joly, 1994, p.120).

Dans la version 3, nous souhaitions évoquer le fait que le personnage principal tente de s'accrocher à sa femme, aux moments importants de leur vie. Evoquer aussi, dans le même plan, par un bruit hors champ de porte, la surprise du mari. Rien de tout cela n'est réellement apparu dans le discours des spectateurs.

W- Plan 20

Le plan 20 est le dernier plan dans la version 2.

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

20

M. Neuville pose sur le meuble son verre, puis le cadre violemment. Bruits de verre et du cadre qui sont posés sur le meuble. Puis, M. Neuville tombe en arrière

M. Neuville regarde la photo avec attention puis la repose sur le meuble. Il tape le cadre avec son verre comme pour trinquer.

M. Neuville trinque de nouveau devant la photo en esquissant un sourire narquois. Il boit son verre.

La porte s'ouvre.

Sens perçu

Cette rapidité est notée par certains spectateurs, mais plutôt comme un reproche : « c'est trop rapide.

il y a trop de questions sans réponse ».

La contribution de ce plan au sens de la séquence de fin et du film tout entier est très forte. Il dévoile les motivations du personnage principal, il montre sa satisfaction d'avoir eu le dernier mot. Le crime commandité et exécuté par un mafieux est admis par tous les spectateurs.

Ces images ne sont pas citées mais contribuent certainement au sentiment de suspense, d'ambiance étrange voire malsaine que la plupart des spectateurs ont éprouvé.

Dans la version 1, il s'agissait pour le réalisateur de montrer la rapidité et la brutalité avec lesquelles les événements allaient suivre. On ne peut pas dire que les spectateurs ne les aient pas ressenties mais certains les jugèrent négativement en matière esthétique et narrative.

Dans la version 2, ce plan long devait révéler la véritable personnalité et les motivations du personnage principal mais aussi évoquer son plaisir de se venger avec l'aide d'un tueur à gages.

Ce plan a parfaitement joué son rôle dans la construction du sens par le spectateur. Le personnage est bien perçu comme il est. Ce plan de fin est donc la preuve de son crime prémédité. Les spectateurs ne plaignent pas la victime, ils accusent le mari criminel. La compréhension du sens par les spectateurs fut générée en grande partie par le jeu de l'acteur (son geste de trinquer, son sourire sarcastique, etc.), et par ses manipulations de normes sociales : il a, en effet, un comportement considéré comme injustifiable dans notre société. La bonne compréhension de ce plan vient aussi, sans doute, de sa durée. Il est long par rapport aux autres (excepté le plan 8 de la première partie). Or, selon l'un des codes spécifiques de la bande image, un plan long laisse à penser que le réalisateur veut souligner, mettre en valeur son contenu narratif et/ou non-narratif. Il peut vouloir forcer le spectateur à voir et à réfléchir à quelque chose d'important à ses yeux (Bazin, Metz, Bordwell et Thompson, etc.)

C'est donc probablement la combinaison synergique de plusieurs éléments (jeu d'acteur, gestes, mimiques, longueur du plan, etc.) qui a contribué à la construction du sens chez le spectateur

Dans la version 3, le plan 20 devait laisser planer le doute sur la personne qui ouvrait la porte.

Il pouvait évoquer l'opposition possible entre la personne qui pénètre dans le bureau, en poussant la porte, avec un besoin d'ouverture vers l'autre, et le personnage principal surpris qu'on force sa porte alors qu'il est, sans doute, en phase de réflexion. A moins que le plan sur la porte soit utilisé comme une métaphore pour suggérer l'acte sexuel (Cieutat, 1991).

Des évocations très fréquentes dans le cinéma américain d'avant l'abrogation du Code Hays, en 1966, qui sont souvent aujourd'hui considérées comme de grossiers clichés.

Rien de tout cela n'apparaît réellement dans les propos des spectateurs.

X- Plan 21

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

21

M. Neuville tombe sur la moquette

FIN

M. Neuville regarde vers la porte

Sens perçu

Pas d'effet particulier

 

L'objectif est atteint. Selon les spectateurs, l'identité de la personne qui ouvre la porte varie sensiblement. Quelques uns apprécient cette ambiguïté qui attise le suspense. 

Dans la version 1, ce plan très court (moins d'une seconde), rapproché poitrine en plongée, devait insister sur la chute, comme vu du ciel. Les spectateurs ne semblent pas sensibles à cette combinaison d'éléments : est-ce la trop faible durée du plan ou la plongée qui, comme dans le plan 19 de la version 2, n'est pas interprétée comme prévu ? Il est difficile de le dire. Mais, ce plan court ne semble pas avoir eu la conséquence codique d'évoquer l'effet de surprise voire l'effet « subliminal » que certains auteurs continuent à défendre. La banalité de ce plan du point de vue narratif est sans doute davantage responsable :

Version 1 : le mari est malheureux, il a un malaise. Nous restons dans les normes socioculturelles.

Dans la version 3, le réalisateur, dont le but était de laisser planer un suspense sur l'identité de la personne qui entre dans la pièce, a plus de réussite. Le plan est guère plus long que dans la version 1 (moins d'une seconde également). La taille du plan est identique (plan rapproché poitrine). La différence vient de l'absence de plongée ce qui ne doit pas nous faire conclure en l'effet inverse de la plongée.

En revanche, ce plan contribue, avec le plan qui le précède, à créer le doute voire le suspense.

Le contexte relationnel est manipulé : qui entre dans le bureau ? Quels sont ses liens avec le personnage principal ? Des interrogations dont une des réponses au moins peut bouleverser les normes : est-ce sa maîtresse ?

Y- Plan 22

Ce plan est le dernier des versions 1 et 3.

Plan

Version 1

Version 2

Version 3

22

M. Neuville poursuit sa chute, son bras gauche s'étend au sol.

FIN

Des jambes de femme s'avancent vers les chaussures de M. Neuville.

La jupe de la femme est fendue, les chaussures élégantes. Les jambes s'écartent très légèrement lorsqu'elles arrivent près des pieds de M. Neuville

Sens perçu

Ce plan et les précédents ont quelques incidences et leur signification varie selon les spectateurs.

 

L'objectif est atteint. Ce plan sur de « belles jambes » de femme met à mal toutes les spéculations autour d'un homme « froid » mais « fidèle » en évoquant chez certains l'adultère, l'érotisme voire la pornographie.

La version 1 insiste sur la chute sans donner de fin véritable à cette version : simple malaise, suicide, empoisonnement ou crise cardiaque ? Or, force est de constater que ce plan conduit bien à plusieurs interprétations chez les spectateurs. L'objectif du réalisateur de laisser le spectateur sans véritable réponse finale semble donc atteint.

Mais, plus que ce constat, un phénomène apparaît : celui du retour des nombreuses fins imaginées par les spectateurs eux-mêmes en fin de première partie406(*).

Autrement dit, les spectateurs - après s'être replongés dans l'histoire dès le premier plan de la deuxième partie du film (plan 15B), en laissant pour la plupart d'entre eux de côté les fins qu'ils avaient imaginées lors du test de l'histoire à compléter, après avoir suivi le fil du récit qui leur était proposé par le réalisateur - reviennent à leur hypothèse de fin dès que le réalisateur le leur demande implicitement en n'imposant pas sa propre fin.

Processus que nous pouvons simplifier par le schéma suivant :

Sens s Sens s

Début

du film Test Reprise Fin énigmatique

Sens r Sens r

Fin de

la 1ère partie

Ce phénomène de double projection peut avoir plusieurs explications :

- le sens étant co-construit par le spectateur et le réalisateur, dès que le premier est libéré des orientations du second, sa personnalité, son histoire, ses expériences prennent le dessus sur le récit du réalisateur. En revanche, lorsque le réalisateur reprend son récit les spectateurs le suivent. Ils reviennent donc dans le cours proposé de l'histoire (comme ici, dès le plan 15B).

Ce constant aller-retour entre ce qui est vu et ce qui est construit par le spectateur ne peut que rappeler la définition de ce qu'est un bon film selon Emir Kusturica : « un film qui donne au spectateur le sentiment de renaître devant l'écran » (Quin, 2005).

- La projection dans l'avenir qui libère l'imagination des spectateurs est provoquée aussi bien par le test de l'histoire à compléter que par le suspense, le flou ou le doute créé dans une partie du film (dans cette version, le plan de fin) ;

- La projection dont nous avons fait allusion à plusieurs reprises sans vouloir être affirmatif, la technique projective étant, au sens strict, une méthode d'exploration de la personnalité. Sans avoir cette prétention, nous utilisons, par deux fois dans cette version 1, une méthode que certains qualifient de projective407(*) : la première en proposant un test d'histoire à compléter, la deuxième en diffusant en fin de film un plan flou. Or, comme l'écrit Alex Mucchielli (1996, p.174) : « les méthodes projectives considèrent que toutes les constructions imaginaires des individus et des groupes portent la marque de leur identité profonde et plus précisément de leur monde privé ». En puisant dans son imagination, le spectateur va construire un récit. Mais « son imagination n'étant pas informe et étant structurée elle imprime sa marque aux expressions » (Mucchielli, 1996, p.175). Il n'est donc pas étonnant dans ces conditions, qu'une fois stimulé, même par deux matériels starters différents (le test après le plan 15A et le plan 22 de fin), le spectateur reconstruise la même fin au récit, son imagination mettant à jour ses composantes personnelles cachées, ses préoccupations, ses désirs, ses craintes, ses sentiments, en un mot, sa personnalité. Or, la personnalité différencie un être humain de ses semblables et n'évolue que lentement sous l'effet du milieu social. C'est sans doute la raison pour laquelle :

- d'une part les fins possibles sont nombreuses (certes pas aussi nombreuses que les spectateurs interviewés)

- d'autre part l'interprétation du début du film et la construction d'une fin par le spectacteur, en tant que révélateurs de sa personnalité spécifique, ont tendance à ne pas changer (sauf en cas de plan à fort impact, comme dans la version 3).

Nous pouvons donc compléter le système de construction du sens que nous avions commencé à la suite de la fin de la première partie (plan 15A).

Plans 1 à 15A Construction d'un récit par le spectateur

Test de l'histoire à compléter

Discussion de groupe

Construction de la fin du récit

Plan 15 B

jusqu'au plan

21 inclus

Plan 22 de fin Reprise des fins imaginées

Dans la version 3, le plan de fin donne quelques informations sur la personne qui entre : c'est une femme, assez jeune, 30 à 40 ans, élégante avec une jupe fendue. Il évoque la possibilité d'un acte sexuel par des images insistantes sur les pieds et surtout les chaussures de la femme qui pénètre dans le bureau. Il n'en reste pas moins que le réalisateur a voulu faire planer le doute sur les intentions de cette femme et sur son identité afin de laisser le spectateur conclure par lui-même. C'est, en effet, ce qui se passe même si l'adultère est l'hypothèse la plus souvent citée. Il y a, toutefois, une sorte de résistance à croire que le mari était infidèle comme si ce plan final provoquait un conflit de normes. Jusqu'à ce plan, le mari était étrange, il semblait soulager que son épouse soit décédée mais une interrogation demeurait ; de quoi était-il soulagé ? Que sa femme ne souffre plus ? Ou d'être libre ? Notre contexte social pouvait faire douter les spectateurs qui imaginaient, en fin de première partie, des suites plutôt en faveur d'un bon mari : tristesse, alcoolisme, suicide. Tandis que l'adultère n'était qu'une fin parmi d'autres.

Ce plan de fin présente tous les attributs culturels et sociaux qui peuvent influencer un jugement : de belles jambes de femme, une jupe fendue, des talons aiguille, etc.

Avec une durée de près de 6 secondes, ce plan rapproché à gros plan sur des jambes écartées bouscule tous les contextes (relationnel, identitaire, spatial, etc.) ce qui conduit la majorité des spectateurs à voir dans cette femme une maîtresse (passée, présente ou future) et même certains d'entre eux à imaginer une fin érotique voire pornographique.

Autrement dit, contrairement au processus de la version 1, nous avons ici deux catégories de spectateurs : ceux qui se refusent à croire en une fin adultérine et ceux qui, compte tenu des indices laissés par le réalisateur, abandonnent totalement les fins qu'ils avaient imaginées (suicide, alcoolisme, tristesse, etc.) avant ce plan décisif.

Sens s Sens s

Début

du film Test Reprise

Sens r Sens r

Fin équivoque

Fin de à forte influence

la 1ère partie

Sens totalement différent s'

II- Analyse comparative des interviews suite à la diffusion des versions 4 et 5

A- Le plan 1

Plan

Version 4

Version 5

1

Identique à la version 5.

Le personnage principal marche alors que dans les versions 1, 2, 3, il est assis

Identique à la version 4

Sens perçu

Le personnage principal est, en effet, perçu par la plupart des spectateurs comme étant un chef d'entreprise, un homme d'affaires ou un cadre. 

En revanche, le fait qu'il marche de long en large dans son bureau est peu interprété et, en outre, de deux façons différentes. 

Le statut professionnel n'est pas identifié par tout le monde, bien que les titres de patron, de chef d'entreprise, de cadre soient souvent cités. Les objets et le bureau font croire à certains que le personnage puisse être un journaliste, voire un ouvrier. Les gestes évoquant son impatience, son attente d'une information importante à ses yeux sont souvent perçus comme du stress ou de la forte activité professionnelle.

Ce plan parfaitement identique destiné notamment à montrer le statut du personnage principal n'est pas vraiment interprété de la même manière. Aucune raison objective ne peut expliquer ce décalage hormis, peut-être, les différences en âges et en niveaux d'études des participants aux groupes de discussion.

Rappel de la composition des groupes

Version 4

Réunion N°1

6 F et 2 H

Deug

19-23 ans

1 film par mois

Réunion N° 3

5 F et 3 H

Deug

19-23 ans

1 film par mois

Réunion N°8

4 F et 4 H

Deug

19-23 ans

1 film par mois

Version 5

Réunion N°5

3 F et 5 H

3ème cycle

23-25 ans

1 film par mois

Réunion N° 9

4 F et 4 H

Licence

21-23 ans

1 film par mois

Réunion N°14

4 F et 4 H

Maîtrise

21-23 ans

1 film par mois

Toutefois, cette explication nous semble incertaine dans la mesure où le plan 1 est également identique dans les versions 1, 2 et 3 pour lesquelles nous n'avons pas remarqué de différences d'interprétation selon les profils des spectateurs.

B- Le plan 2

Plan

Version 4

Version 5

2

Identique à la version 5.

Montage plus rapide que dans les versions 1, 2, 3

Identique à la version 4

Sens perçu

Les spectateurs semblent avoir plus remarqué l'objet - le téléphone, en gros plan - que l'événement lui-même.

Ce plan atteint son objectif. Le gros plan est remarqué ; trop peut-être puisqu'il est souvent associé à l'idée qu'il s'agit d'un téléfilm ou d'une série.

Le réalisateur souhaitait dans ce plan 2 mettre en valeur, grâce au gros plan, l'événement qui va bouleverser la situation initiale. Or, le gros plan a un effet de loupe sur l'objet (Aumont, 2003). Aussi, l'association recherchée Téléphone annonce d'un événement, somme toute classique, est comme escamotée à la vue des détails matériels du téléphone. Et cela, au profit d'autres associations entre l'esthétique du téléphone et :

- le moment du récit (date plus reculée)

- le statut du personnage (moins élevé)

- le lieu du récit (hors de France).

Ces associations, dues à des manipulations de contextes, expliquent des écarts d'interprétation en matière d'espace, de temps et de statut chez les spectateurs.

C- Le plan 3

Plan

Version 4

Version 5

3

Identique à la version 5.

Montage moins découpé que dans les versions 1, 2, 3. Un seul plan comprend le contenu des plans 3 à 5 des versions 1, 2, 3.

Voix off masculine neutre s'impliquant « on »

Identique à la version 4

Sens perçu

Le manque de réaction du personnage principal est remarqué voire critiqué par la plupart des spectateurs. Sans indice autre que celui de la voix (intonation, paroles prononcées, vouvoiement), les spectateurs identifient la personne qui téléphone comme faisant partie du milieu des urgences.

Cette croyance tient à certains indices verbaux.

Ce plan est sans doute pour beaucoup dans les commentaires selon lesquels le personnage principal a un comportement étrange, hésitant entre stress et calme, indifférence et peine, froideur et inquiétude.

Le but du réalisateur était de mettre en opposition l'attitude impatiente, voire stressée, et dynamique d'un responsable d'entreprise et sa maîtrise après l'annonce de la mort de sa femme. Entre les versions 4 et 5, les différences d'interprétation ne sont pas assez significatives pour être signalées.

D- Le plan 4

Plan

Version 4

Version 5

4

Identique à la version 5.

Identique à la dernière partie du plan 6 des versions 1, 2 et 3

Identique à la version 4

Sens perçu

Ce plan est interprété très différemment, parfois d'une manière opposée à ce que recherchait le réalisateur.

Ce plan n'a pas réellement l'effet escompté

Le réalisateur voulait montrer qu'en se dirigeant vers la fenêtre de son bureau, le personnage principal avait besoin de réfléchir en sortant de son contexte de travail. Or, dans les six (2x3)

groupes, ce message n'est pas compris, voire est compris de travers du point de vue du réalisateur.

E- Le plan 5

Plan

Version 4

Version 5

5

Identique à la version 5.

Proche de la fin du plan 7 des versions précédentes, mais on voit en arrière-plan dans l'obscurité des feux d'automobile.

Identique à la version 4

Sens perçu

Apparemment sans effet sur les spectateurs

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Le réalisateur espérait en manipulant les contextes spatiaux et sensoriels montrer notamment

que la pensée du personnage principal quittait le bureau, pour l'extérieur, la ville, la nuit, et évoquer les oppositions lumière/obscurité, vie/mort, immobilité/mouvement. Or, les spectateurs qui constituent sa cible ne l'entendent pas de cette oreille.

F- Le plan 6

Plan

Version 4

Version 5

6

Identique à la version 5.

Identique aussi au plan 8 des versions 1, 2 et 3

Identique à la version 4

Sens perçu

Le flash back est remarqué par certains et même apprécié.

L'interprétation de cette scène est assez consensuelle et tourne autour du départ et de la mort

Cette scène a eu moins d'effets que prévu. Les participants semblent s'être plus attachés à identifier la femme et le lieu de l'action que de comprendre le sens.

Comme pour le plan 1, les groupes qui ont visionné la version 4 semblent s'attacher plus au sens du plan qu'à ses éléments objectifs et constitutifs contrairement aux groupes qui ont vu la version 5. Comme nous l'avons déjà dit, cette différence est difficilement explicable par le seul profil (âge, niveau d'études, sexe, fréquentation des salles) des participants aux groupes.

G- Le plan 7

Plan

Version 4

Version 5

7

Identique à la version 5.

Proche en plus long du plan 9 des versions 1, 2 et 3. Taille de plan différent.

Mouvement de caméra, panoramique vers la gauche.

Plan qui regroupe en fait des extraits des plans 9 et 11 des versions 1, 2 et 3.

Identique à la version 4

Sens perçu

Les effets ressentis, peu nombreux, sont plutôt opposés à ceux souhaités par le réalisateur.

L'effet sur les spectateurs n'est pas net.

En montrant le personnage principal fermer ses stores et traverser son bureau, l'idée du réalisateur était d'évoquer la fin de quelque chose puis le retour au réel. Les spectateurs, une fois encore, ne semblent pas interpréter comme il le souhaitait. Il est à noter que dans les versions 1, 2 et 3, les plans 9 et 11 n'eurent pas beaucoup plus d'effets que le plan 7 des versions 4 et 5.

H- Le plan 8

Plan

Version 4

Version 5

8

Plan en plongée assez long montrant le personnage principal se servir à boire.

Plan de poitrine de profil assez court ne montrant pas précisément ce que le personnage principal fait et prend.

Sens perçu

Apparemment sans effet sur les spectateurs.

Toutefois, est remarquée la

mauvaise habitude de boire de l'alcool, proche de l'alcoolisme professionnel et mondain.. Cet indice influence la projection dans l'avenir

Aucune remarque n'a été faite sur ce dernier plan de la première partie mais il a sans doute contribué à élargir les possibilités de fin imaginées par les spectateurs qui dévoilent le meilleur et le pire de l'homme.

Le plan 8 dans chacune des deux versions semble ne pas influencer le spectateur, tout au moins comme l'aurait aimé le réalisateur. Toutefois, étant le dernier de la première partie du film, il est intéressant d'analyser les effets de ce plan et de ceux qui l'ont précédés sur la construction du récit fait par les spectateurs.

J- La comparaison des résultats aux tests de l'histoire à compléter

La projection dans l'avenir demandée aux participants fait apparaître une grande variété de possibilités de fin. Nous avions constaté ce phénomène d'ouverture de l'éventail dans les constructions de fin de récit en analysant les résultats aux tests de l'histoire à compléter pour les trois premières versions (1, 2, 3).

Comparaison des résultats du test de l'histoire à compléter

Version 4

Version 5

Les fins dramatiques semblent être plus attendues que les fins policières :

- certains spectateurs voient le personnage principal se noyer dans l'alcool,

- quelques-uns imaginent même le pire : « il va se suicider »,

- d'autres, influencés par l'attitude froide du personnage principal, le voient plutôt se replier sur lui, ou se noyer dans le travail, ou se ressourcer en famille,

- d'autres anticipent une fin qui met en valeur l'indifférence ou la résignation d'un mari à l'annonce de la mort de sa femme,

- en revanche, les participants convaincus que le film appartient au genre policier imaginent une fin bien différente : une

enquête de police, ou une tromperie à l'assurance 

Selon leurs premières impressions, les participants imaginent différentes fins possibles :

- dans le meilleur des cas, du point de vue de la morale, celui où il tenait à son épouse, le personnage principal se précipite à l'hôpital, téléphone à sa famille et à ses proches, plonge dans ses souvenirs, se suicide, ou

se saoule puis à un accident de voiture,

- dans une version neutre : le personnage reprend son travail comme si de rien n'était, s'occupe des papiers pour le décès, la succession et/ou l'assurance, etc.

- dans le pire des cas, celui où il ne tenait pas à son épouse :

- le personnage principal rejoint sa maîtresse

- ou il se met en relation avec le tueur pour le payer de son crime, etc..

Le diagramme des fins possibles selon les versions

Alcoolisme

Suicide

Repli sur lui-même

V4 Mari planificateur

Retour à la vie normale

Enquête policière

Accident

Tristesse de longue durée

Gestion de la succession

V5 Mari sans état d'âme

Maîtresse

Tueur à gages

Cette représentation graphique du champ des fins possibles fait apparaître que l'éventail des récits imaginés par les spectateurs est plus large après la diffusion de la version 5 qu'après celle de la version 4. Il est difficile d'expliquer cet écart sachant que la seule différence entre la version 4 et la version 5 se situe au plan 8.

Examinons de plus près les différences entre les deux versions.

- Dans la version 4, nous avons :

Plan

Durée

Echelle

Contenu

Buts du réalisateur

Plan 8

Fin de la première partie

7 secondes 56

Plan rapproché en plongée

M. Neuville se baisse pour ouvrir son minibar. Il en sort une bouteille.

Bruits de porte et de bouteille.

Il prend un verre dans le meuble situé à gauche du minibar. Il pose le verre sur le meuble, ouvre sa bouteille et commence à se servir.

Bruits de capsule de bouteille et de verre.

Montrer l'opposition avec le rythme du plan précédent. Le plan est plus long en plongée alors que le précédent était un panoramique en contre-plongée.

Donner une impression de pesanteur, de poids à porter ou de regard de quelqu'un.

Montrer l'habitude prise par M. Neuville de se réconforter avec de l'alcool : précision des gestes, automatisme.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

- Dans la version 5, nous avons :

Plan

Durée

Echelle

Contenu

Buts du réalisateur

Plan 8

Fin de la première partie

1 seconde 30

Plan rapproché de poitrine de profil

M. Neuville se baisse pour prendre quelque chose

Montrer l'opposition avec le rythme du plan précédent plus long et en panoramique.

Laisser planer un doute sur ce que le personnage principal cherche.

Evoquer la fin de la première partie par un fondu au noir.

Dans la version 4, le plan 8 est de plus longue durée que dans la version 5 : 8 secondes contre 1 seconde 30. L'angle de prises de vues est également différent. Dans la version 4, le réalisateur a opté pour une plongée dans le but de donner un caractère d'écrasement psychologique (Mitry, 2001).

Dans la version 5, le plan est de même échelle (plan rapproché) mais le personnage est pris de profil et non de face comme pour cacher l'expression de son visage et jeter le doute dans l'esprit des spectateurs.

Le contenu narratif est également plus explicite dans la version 4 que dans la version 5 dans laquelle le spectateur est invité à deviner la raison pour laquelle le personnage principal se baisse pour prendre quelque chose.

En résumé, les éléments de la bande image (durée du plan, angle de prise de vues, etc.), de la bande son (bruits, etc.), du récit narratif sont beaucoup plus explicites dans la version 4 que dans la version 5.

L'éventail des fins possibles qui est plus ou moins large selon la version peut donc avoir une origine celle du degré de directivité imposé par le réalisateur. Autrement dit, plus les éléments filmiques vont dans la même direction, moins l'éventail des sens construits par le spectateur est large. Il n'en demeure pas moins qu'en dépit des efforts du réalisateur pour orienter l'interprétation des spectateurs, ces derniers conservent une liberté dans la construction du récit de fin. En outre, nous ne pouvons pas cacher la possible influence des profils des spectateurs, plus âgés et mieux instruits dans l'interprétation de la version 5.

Degré de directivité des éléments filmiques Degré inverse de liberté de

construction par les spectateurs des

fins possibles

?

Niveau culturel

et autres facteurs personnels

des spectateurs

Nous avions mis en évidence ce phénomène en analysant les tests de l'histoire à compléter des versions 1, 2 et 3 : « Plus (le film) est clair, net et précis, moins l'apport du sujet (le spectateur) est important. Au contraire, plus il est vague et flou, plus il nécessite d'efforts pour qu'on lui trouve un sens » (Sillamy, 1983). Des efforts d'imagination qui portent la marque de leur « identité profonde et plus précisément de leur monde privé » (Mucchielli, 1996).

Les effets de la plus ou moins grande directivité du réalisateur se font également sentir dans les réponses des participants concernant l'appartenance à tel ou tel genre cinématographique.

Après diffusion de la première partie de la version 4, les spectateurs l'ont classé principalement dans deux genres, le policier et le drame, avec un avantage pour ce dernier.

En revanche, la première partie de la version 5, moins directive que celle de la version 4, semble rendre plus difficile son classement dans un genre cinématographique : « court-métrage (...) spot publicitaire (...) drame (...) policier (...) polar (...) tragédie (...) série B (...) téléfilm, etc. »

Degré de directivité des éléments filmiques Degré inverse de liberté de

construction par les spectateurs des

fins possibles

Niveau culturel

et autres facteurs personnels

des spectateurs

dont :

Culture cinématographique

et audiovisuelle des spectateurs

Classement du film

dans un genre

cinématographique

K- Le plan 9 de reprise

Plan

Version 4

Version 5

9

Plan en plongée assez long en continuité avec le plan précédent

Plan américain montrant le document saisi.

Sens perçu

L'effet de surprise du à ce contraste gestuel provoque l'étonnement de certains, voire leur désapprobation.

Ce geste est bien remarqué.

Ce plan relance l'intérêt des spectateurs par un effet de surprise dû à une manipulation du contexte gestuel qui rompt la continuité de la première partie du récit.

L- Les plans 10 à 15

Ils donnent des détails sur les contrats d'assurances (obsèques et/ou décès), sur la façon dont le personnage principal les consulte, etc. Etant très différents d'une version à une autre, nous ne comparerons pas ces plans comme nous l'avons fait pour les plans précédents. Nous invitons le lecteur à se reporter aux analyses longitudinales des interviews de groupe.

En revanche, nous comparerons le plan de fin de chacune des versions 4 et 5.

M- Le plan de fin

Plan

Version 4

Version 5

De fin

Plan rapproché montrant l'intérêt du personnage pour le contenu du contrat (plan n°19)

Très gros plan sur le cadre qui tombe sur le contrat, comme un clap de fin (plan n°15)

Sens souhaité par le réalisateur

Montrer l'avidité du personnage principal, tout au moins son comportement de gestionnaire plus que celui du mari esseulé.

Laisser le spectateur conclure lui-même de la cause de la mort de sa femme : maladie, accident ou meurtre ?

Mettre en valeur le fait que le cadre tombe sur le contrat.

Laisser planer un doute sur la raison de la chute du cadre : le mari le fait tomber exprès ou il tombe alors qu'il souhaitait le prendre en main pour le regarder.

Sens perçu

L'objectif est atteint mais le doute subsiste quant aux mobiles du personnage principal : - se débarrasser des tâches administratives au plus vite ; - organiser les obsèques ; - toucher l'assurance décès. 

Cette liberté donnée aux spectateurs est bien comprise et même appréciée. 

Cette chute du cadre a frappé les esprits des participants.

Aucun doute n'est exprimé, la chute est le fait du mari. Son geste est jugé très négativement.

Dans les deux versions, le plan de fin est déterminant dans la construction du sens par les spectateurs.

Dans la version 4, il permet, comme le souhaitait le réalisateur, de réduire le champ des possibles sans imposer sa vision des choses. Le comportement « rationnel » du personnage principal élimine les éventualités du suicide et du refuge dans l'alcool évoquées lors des tests de l'histoire à compléter. Il ne reste donc plus que trois possibilités de fin : le retour à la vie normale, le repli sur lui-même, l'enquête policière, par exemple, suite à une escroquerie à l'assurance, possibilité qui sort renforcée grâce aux plans 13 à 19.

Dans la version 5, le très gros plan sur le cadre que le mari fait tomber - volontairement selon les spectateurs - est une manipulation du contexte normatif et culturel d'une telle force que les spectateurs éliminent la plupart des fins qu'ils avaient imaginées après la diffusion de la première partie. D'un éventail très large de fins possibles, nous passons, en effet, à une alternative : - le mari tourne la page (éventuellement suite à une longue maladie), - le mari a provoqué la mort de son épouse pour toucher la prime d'assurance.

Comparé au processus d'interprétation des trois premières versions, celui des version 4 et 5 semble plus se caractériser, à partir de la reprise de la seconde partie du film, par l'élimination successive des sens possibles au fur et à mesure de l'accumulation des éléments filmiques, narratifs ou non. Il est également marqué par l'importance des premiers plans de reprise dont l'effet de surprise agit comme une rupture de sens.

Sens s' : (s - r'')

Sens s

Début Sens r' Sens r''

du film Test Reprise

Sens r

Fin de

la 1ère partie

Eléments Construction Effet de Suite de Plan de fin

filmiques par les spectateurs surprise plans

proposés par des fins possibles

le réalisateur

Ce processus correspond sans doute davantage à ce qui se passe dans le cadre d'un visionnage normal de film, en dehors d'un test d'histoire à compléter.

Lors d'une projection, la construction des fins possibles par les spectateurs se fait, en effet, tout au long du film, sans qu'ils ne les expriment, voire sans qu'ils en aient véritablement conscience. L'éventail des possibles s'élargit moins les éléments filmiques sont directifs et rétrécie plus ils le deviennent, voire se réduit à une seule et unique signification lorsque le plan final est explicite, démonstratif et convaincant. De même, plus le spectateur est informé du contenu du film avant son visionnage, moins l'éventail des sens est large en début de séance.

Imaginons trois cas de figure :

1) Dans le cas d'un film dont les spectateurs ne savent rien par avance et pour lequel le réalisateur a décidé de laisser les spectateurs imaginer leur propre fin, l'évolution de l'éventail des sens sera la suivante :

L'inconnu et les premiers

plans

Elément déterminant

ou combinaison d'éléments

directifs

Non directivité

et ambiguïté

Eventail des sens construits par les spectateurs

Ce processus est celui que nous avons constaté à la fin de la version 4. Le fait que le réalisateur n'impose aucune fin, qu'il laisse le spectateur conclure lui-même de la cause de la mort de la femme du personnage principal pousse certains spectateurs à sortir de l'alternative film dramatique ou film policier dans laquelle ils s'étaient eux-mêmes placés :

Maladie ou accident Film dramatique

Meurtre Film policier

Liberté de conclure Film d'auteur : « [c'est inachevé]... mais c'est à toi de l'achever, c'est voulu », « oui je suis d'accord, dans ce genre de film, l'auteur ne finit pas exprès ».

2) Dans le cas d'un film dont les spectateurs ne savent rien par avance et pour lequel le réalisateur a un souci de manipulation, d'influence en utilisant tous les procédés filmiques directifs, allant dans le même sens, l'évolution de l'éventail de sens prendra - bien sûr, s'il n'y a pas de retournements ou de pivots (Seger, Field, Chion) - la forme d'un entonnoir sans pour autant aboutir à un sens unique pour tous :

L'inconnu du départ et les premiers

plans d'exposition

Suite d'éléments filmiques

directifs

Quelques sens

3) Dans le cas d'un film sur lequel les spectateurs ont déjà des informations (type du genre, critiques, bande-annonce, etc.) et pour lequel le réalisateur souhaite narrer une histoire de l'exposition à sa résolution (Roche et Taranger, 1999), l'éventail de sens évoluera :

La classification générique et

les préjugés de sens

Exposition

1er pivot

2ème pivot

Climax

Résolution

Eventail réduit de sens

III- Conclusion de l'analyse transversale :

Notre étude montre, ce qui paraîtra peut-être évident à certains, que les effets d'un film sur le spectateur sont à la fois personnels et collectifs.

Chaque spectateur construit le sens du film, selon la façon dont il vit cette expérience (expérience vis-à-vis du film lui-même, expérience vis-à-vis du dispositif mis en place pour l'étude que nous avons menée). Pour les spectateurs qui acceptent le dispositif (l'expérience dans le cadre universitaire) et le film, les effets de ce dernier sont rapides. Il entraîne le spectateur dans l'histoire qui est narrée, le mouvement, les plans successifs, la suite des événements. Le spectateur s'inscrit alors dans le film et vit la suite des plans selon sa personnalité, son passé, ses expériences, sa culture, etc.

La trop faible durée de notre film ne nous permet pas de dire qu' « un second moi se substitue au premier, qui n'existe que pendant la durée de la projection, et qui vit à l'intérieur du film » (Esquenazi, 1994) mais nous avons noté le travail du spectateur, ses efforts de perception, de mémorisation, de compréhension. Nous avons remarqué que le sens du film naissait des associations effectuées par le spectateur pendant toute sa diffusion, et pas seulement lors du plan de fin même si celui-ci est parfois déterminant. Nous avons également constaté que la mémoire jouait un rôle primordial dans la compréhension du film. Ainsi, nous avons été surpris de la facilité avec laquelle les spectateurs, ayant mémorisé les événements du film avant la pause, se sont replacés dans l'histoire qui leur était montrée après une discussion de groupe et un test de l'histoire à compléter. Nous avons noté l'aisance avec laquelle les spectateurs ont ré-ordonné les événements, sont passés des uns aux autres, et avec laquelle certains d'entre eux ont occulté les plans qui leur semblaient inutiles, ambigus ou qui menaçaient leur schéma d'interprétation.

A deux reprises, à la fin des deux parties du film, nous avons constaté que les effets d'un film sont également collectifs. Chacun des spectateurs a construit le sens du film et semble être étonné que les autres spectateurs ne lui donnent pas le même sens. La discussion sur la même expérience devient souvent passionnée et, malgré les échanges d'impressions et les rappels d'éléments mémorisés par certains, il est rare qu'un spectateur change d'avis, reconstruise le sens du film. Au mieux, il accepte l'interprétation de l'autre sans se l'approprier.

Un autre apport de notre étude concerne l'influence de l'obscurité et de la passivité des spectateurs, autrement dit le fait d'être assis dans une salle plongée dans l'obscurité (Pecha, 2000). La diffusion de notre film ne s'est pas faite pas dans les conditions normales d'une projection cinématographique - obscurité, confort d'un fauteuil, isolement, attention attirée vers une surface lumineuse de grande taille, etc. - mais dans des conditions qui pourraient être considérées comme spartiates : diffusion sur un téléviseur grand écran dans une salle de travaux dirigés, chaises et tables de « classe », etc. Or, malgré ces conditions peu cinématographiques, les spectateurs, pour la plupart, se sont inscrits dans le film et ont construit leur récit. Autrement dit, sans vouloir nier l'influence de l'obscurité, il nous est apparu que le spectateur arrivait à entrer dans le film même sans être plongé dans l'obscurité et sans être «hypnotisé » par une lumière vive (Metz, Mitry, Rittaud-Hutinet, De Voghelaer).

Comment expliquer alors le fait que notre film, de courte durée et de qualité artistique discutable, ait eu autant d'effets ? Nous écartons d'emblée l'hypothèse du pouvoir d'un message diffusé sur un écran de téléviseur - une espèce de fascination des techniques « modernes » plus que de l'institution télévisuelle puisque le film n'était pas diffusé par une chaîne de télévision - ainsi que celle d'un spectateur ne possédant aucune autonomie, ne pouvant pas recevoir le message autrement que ce que l'émetteur avait construit intentionnellement (Esquenazi, 1996). En revanche, nous ne pouvons pas exclure l'influence du contexte de réception : nos diffusions eurent lieu dans le cadre universitaire, dans des conditions matérielles particulières, pendant des séances de travaux dirigés au cours desquelles les étudiants sont susceptibles d'être évalués, mais en l'absence d'enseignant, etc.

Nos interviews de groupe ont montré que les participants se sont investis dans le récit qui leur était proposé. Que leur passivité physique sur leur chaise n'avait pas paralysé leur activité sensorielle et cérébrale (Cohen-Séat). Qu'ils avaient au contraire fortement participé à la reconnaissance du schème audiovisuel, faisant même des efforts particuliers de perception lorsque les plans étaient ambigus, et qu'ils avaient fait un travail de mémoire et d'agencement des différents plans.

Nous arrivons donc à considérer comme Esquenazi que «le travail du spectateur est nécessaire au film, c'est lui qui rend effectives d'éventuelles virtualités contenues dans ce dernier. Et cette activité psychique est quelque chose comme une activité de mesure : il est question d'évaluer telle image en fonction de précédentes, de lui donner son cadre, de scander ses différentes apparitions tout le long du film » (Esquenazi, 1994, p.54). Dans cet esprit, la perception dépend du travail de mémoire du spectateur : « toute perception saisie par la pensée s'appuie sur les connaissances accumulées dans la mémoire du sujet percevant ».

Nous pouvons reprendre l'analogie avec le montage faite par certains auteurs classiques (Albéra) qui considèrent que la perception et la compréhension d'un film sont liées à la formation d'un discours intérieur qui relie entre eux les cadres isolés, autrement dit à un montage mental effectué par le spectateur à la vue des plans montés par le cinéaste : « Le spectateur ne se contente pas de regarder attentivement chaque nouveau cadre pris séparément, il le confronte avec le précédent et le suivant. Le sens de chaque cadre dépend en grande partie de son lien avec ses voisins. Un même cadre peut avoir différentes nuances de sens selon ses rapports avec les autres. A charge pour le spectateur de deviner ce sens selon ses rapports avec les autres» (Eikhenbaum, 1926).

Nous pouvons en déduire que le réalisateur-monteur agence ses plans pour créer un sens et que le spectateur perçoit chacun des plans, les mémorise et les re-monte, les agence à sa manière. Le sens du film ne s'impose pas à lui. Il le construit. Le spectateur ne se contente pas, pour donner du sens à un récit, d'interpréter les éléments que le réalisateur lui montre. Il recrée des faits, imagine parfois des événements qui ne lui sont pas présentés dans le film. Il procède à un véritable travail interne de re-montage des événements, des images et des sons.

Le spectateur est donc loin d'être passif lors de la diffusion d'un film ; ce dernier le poussant dans une sorte de combinaison et d'enchaînement de perceptions, de mémorisations, d'imaginations, de constructions de sens qui l'amènent à construire sa propre histoire.

Et comme le fait remarquer Esquenazi408(*), citant Paul Ricoeur, toute incompréhension perceptive ou narrative conduit automatiquement le spectateur à ne pas « reconnaître le film (...) c'est l'enchaînement des perceptions qui n'est plus compris, et le film est jugé incohérent » (Esquenazi, 1994, p.50).

Le principe de cohérence est l'un des principes, pour ne pas dire conventions, à respecter en matière de réalisation de film de fiction. Car, « si un mouvement de film désorientait un spectateur au point qu'il constitue pour lui une énigme par rapport au reste du film, ce film perdrait son sens pour ce spectateur » (Esquenazi, 1994, p.224). Le respect de ce principe de cohérence n'exclut pas les oppositions, les conflits, la ciné-dialectique (Eisenstein) à condition que pour les spectateurs, « rien ne demeure ambigu. Le sens advient toujours au spectateur, selon des lignes émotionnelles et conceptuelles » (Vanoye et Goliot-Lété, 2001). En outre, comme le suggère Esquenazi, un spectateur peut accepter qu'un mouvement du film le désoriente s'il admet que le sens viendra dans la suite du film. Autrement dit, une fin qui viendrait trop perturber le spectateur pourrait entraîner un rejet de sa part, le film tout entier perdant son sens à ses yeux.

Nos interviews de groupe, en plus de valider l'importance du travail du spectateur et de son discours intérieur, ont montré que son imagination était essentielle dans la construction de l'histoire. Le spectateur complète le récit qui lui est proposé par le réalisateur. Nous l'avons bien sûr constaté lors des tests de l'histoire à compléter mais également lors de l'interprétation de certaines scènes. A diverses reprises, nous avons remarqué que l'imagination des spectateurs complétait spontanément ce qu'ils avaient perçu comme des oublis et/ou des incohérences.

C'est pourquoi, nous complèterons la distinction que font certains auteurs entre une histoire et un récit. Nous distinguerons l'histoire à l'origine du récit proposé par le réalisateur au spectateur et l'histoire construite par le spectateur lors du visionnage du film. Pour le réalisateur d'un film, le point de départ est tout ce qu'il sait de l'histoire qu'il veut raconter. Toutefois, pour différentes raisons qui lui appartiennent, il peut laisser de côté volontairement certains éléments, certains événements de l'histoire ou vouloir en cacher au spectateur. Il peut, au contraire, notamment dans une oeuvre de fiction, ajouter des éléments n'appartenant pas à l'histoire (musique, personnages imaginaires, etc.) avec le concours de professionnels du cinéma (cadreur, monteur, compositeur de musique, etc.). Comme Bordwell et Thompson (2000), nous envisageons le récit comme étant l'ensemble des événements présentés au spectateur, avec leurs relations causales, leur ordre chronologique, leur durée, leur fréquence et leurs situations spatiales, par le film au moyen d'images et de sons.

Construction par le réalisateur

Une Histoire Son Récit

La construction du récit, c'est-à-dire en réalité la fabrication du film, n'est pas le fait d'un seul homme, c'est généralement une oeuvre collective. Dans notre projet, nous avons rempli les tâches de différents corps de métier, excepté celui de comédien. Nous souhaitions faire surgir un sens en manipulant les contextes, dans un esprit de cohérence. A cet effet, la liste des éléments cinématographiques que nous avions classés par contexte nous a, lors du passage de l'histoire au récit, particulièrement aidé.

Les éléments cinématographiques du processus et les métiers du cinéma concernés

[ Sources : Mucchielli (2001), Chion (1990), Parillaud et Besson (2002) ]

Contexte

Exemples de processus

Métiers du cinéma concernés

Identitaire

- Façon d'être des acteurs,

- typage

- manière de parler,

- attitudes, gestes

- style, « look »

- habits,

- noms des personnages,  etc.

évoquant les valeurs, la vision du monde des personnages.

- Metteur en scène

- Directeur du Casting

- Comédiens, Répétiteur

- Réalisateur, Répétiteur

- Maquilleur, Coiffeur

- Costumier, Habilleur,

- Scénariste, etc.

Spatial

- Lieu de tournage : intérieur, extérieur, etc.

- Décors,

- aménagements,

- mise en scène,

- cadrage,

- travelling.

- Réalisateur, Repéreur,

- Décorateur, Menuisiers

- Peintres en décor, Tapissiers, Staffeurs, Serruriers, Machinistes, Effets spéciaux

- Chef constructeur, Ensemblier

- Metteur en scène et son assistant

- Cadreur, Opérateur Steadycam

- Opérateur de prises de vues, opérateur cadreur technocrane, chef machiniste etc.

Temporel

- Evocations historiques : costumes, coiffures, objets familiers de l'époque,

- flash back, ellipse, flash forward, fondus,

- jour/nuit, éclairage,

- alternance des séquences, etc.

- Costumiers, Perruquiers, Accessoiristes, Maîtres d'armes, Historiens, Taneurs, Créatrices de costumes

- Chef Monteur

- Réalisateur

- Chef opérateur, Electriciens

- Réalisateur et Producteur

Des positions respectives

- Evocations langagières (tu, vous, etc.).

- Attitudes et indices paralinguistiques du statut, de la culture,

- Indices du niveau social : costumes, habitation, lieu de travail, etc.

- Scénariste, Adaptateur

- Dialoguiste

- Metteur en scène, Comédiens, Storyboarder, Doublures, Figurants, Cascadeurs, etc.

- Costumiers, Décorateurs, Accessoiristes,

- etc.

Physique et sensoriel

- Bande image : plans, montage, etc.

- Bande son : voix, musique, etc.

- Cadreur, Chef opérateur, Pointeur, Monteur

- Ingénieur du son, Perchiste, Compositeur, Arrangeur, Chef d'Orchestre, Interprètes, etc.

- Directeur de plateau, Dialoguiste de doublage, Mixeur, Bruiteur, Concepteur Son

Normatif

- Les modes, les usages, les normes, les coutumes, etc.

- Les rappels de films cultes

- Les genres cinématographiques,

- la « grammaire » et les codes cinématographiques,

- Historien et Théoricien du cinéma, Réalisateur

- Historien du cinéma

- Producteur, Affichiste, Attaché de presse, Réalisateur de la bande- annonce, Réalisateur du making of

- Tous les métiers correspondant à un code : narrativité, montage, bande image, bande son, etc.

Relationnel

- Ambiance entre les personnages joués par les acteurs.

- Paroles, gestes et manières d'être à signification affective, etc.

- Intonations, mots à connotation.

- Manifestations de sympathie ou d'antipathie.

- Metteur en scène,

- Assistant metteur en scène

- Scripte

- Conseillers techniques

- Coach

Les cinq versions que nous avons diffusées sont donc des récits que nous avons construits à l'aide de ce guide d'éléments contextuels. Dans notre étude, comme dans la plupart des visionnages d'un film pour la première fois, l'histoire à l'origine du récit du réalisateur est donc ignorée du spectateur. Les rares films dont l'histoire est connue par le spectateur sont des films historiques ou des films relatant des faits réels bien que même dans cette catégorie de films, l'histoire puisse être plus ou moins bien connue par le spectateur selon sa culture, son niveau d'information, etc.

Le spectateur, en tant que sujet percevant, prend connaissance du seul récit, des éléments présentés par le film, appartenant ou non à l'histoire, autrement dit des éléments narratifs, sonores et visuels que le réalisateur a agencé lors du montage final.

A partir de ces éléments, le spectateur va construire sa propre histoire, différente de celle du réalisateur et de celle que créeront les autres spectateurs à partir des mêmes informations fournies par le récit.

Construction par le spectateur

Un Récit Son Histoire

L'histoire reconstruite par le spectateur est différente de celle dont s'est emparé le réalisateur pour créer son récit. « Du point de vue du sujet percevant (...) tout ce qui se présente à lui, c'est le récit, le film tel qu'il est lui donné à voir. Il crée l'histoire à partir des informations fournies par le récit. (...) » (Bordwell et Thompson, 2000, p.122).

Nous ajouterons que l'histoire est créée à partir de tous les éléments présentés dans le film et reconnus par le spectateur, c'est-à-dire perçus, mémorisés et compris par le spectateur, ou déduits voire imaginés par lui.

Le plan final (ou la séquence de fin) est bien entendu primordial à la construction de l'histoire par le spectateur. Si ce plan n'est pas explicite, nous avons constaté que l'imagination prend le dessus. Les fins imaginées font alors appel à l'identité profonde et au monde privé de chacun des spectateurs (Mucchielli, 1996), aux facteurs internes du spectateur. En revanche, lorsque le plan final est explicite, la vision du monde proposée au réalisateur s'impose souvent à moins qu'elle ne soit en opposition avec celle du spectateur qui la rejette pour son incohérence.

Pour simplifier, le spectateur construit son histoire à partir de facteurs externes (le récit du cinéaste, la bande image, la bande son, etc.) et de facteurs internes (sa personnalité, ses désirs, sa culture, ses capacités sensorielles et mémorielles, sa créativité). On comprend mieux dès lors que l'histoire vécue au travers un film est une expérience unique pour chaque spectateur, que les plans imaginés par le spectateur laissent souvent plus de traces mémorielles que le plan proposé par le cinéaste. Ainsi, le plan imaginé pour permettre un meilleur agencement avec les plans réels et/ou le plan final désiré et construit par le spectateur pour compenser le plan de fin du film jugé trop ambigu sont souvent ceux dont le spectateur se rappelle. Combien de spectateurs revoient-ils un film en s'étonnant que la fin qu'ils avaient aimée ne soit pas celle qu'ils visionnent ? Ils avaient rêvé que les deux amants partent ensemble, que la mère de famille guérisse, que ...et le réalisateur ne conclut pas, termine sur un plan qui laisse toutes les possibilités ouvertes. Alors, la déception est grande, le film est, d'un coup, moins apprécié. On en veut même parfois au réalisateur et/ou au diffuseur (la chaîne de télévision) d'avoir sali notre mémoire.

Processus de co-construction d'une histoire

Rédaction du scénario,

filmage et montage

Histoire à raconter Récit créé par le réalisateur

Diffusion

du film

Perception progressive par Mémorisation

le spectateur des plans, événements,

des événements présentés images, sons, etc.

par le réalisateur Au cours

Re-montage progressif du film par le spectateur de la

diffusion

Compréhension progressive du film

de la suite des plans, du premier jusqu'au

plan final

Sens du film construit par le spectateur

Histoire recréée par le spectateur

Lors des interviews que nous avons réalisées, les participants n'ont pas hésité à donner un jugement de valeur sur le film projeté, à exprimer un avis qualitatif sur le film, qu'il soit positif ou négatif, à proposer des améliorations et à émettre des regrets, etc. Cette attitude constructive est à souligner alors que les participants étaient interviewés dans un cadre universitaire dans lequel ils sont eux-mêmes évalués. 

Les participants se sont vite mis dans la peau d'un critique ce qui corrobore la thèse de François Truffaut selon laquelle chaque spectateur a deux métiers, le sien et celui de critique409(*). Il est vrai que le rôle de critique peut sembler, de prime abord, plus simple à exercer que celui d'analyste. Il s'agit, en effet, de porter un jugement esthétique sur un film ce qui à tort peut faire croire que c'est à la portée de tout le monde.

Indépendamment des jugements d'ensemble - qui se répartissent équitablement entre positifs et négatifs - sans grand intérêt puisque le but n'était pas de valider la qualité de notre court-métrage, nous avons relevé plusieurs points intéressants.

- Le premier est que les avis sont très variés et différents d'un groupe à un autre ainsi qu'au sein d'un même groupe. Il est fréquent que ce qui plait aux uns déplaise aux autres et vice versa. Ceci est d'autant plus remarquable que les participants étaient de la même tranche d'âge (19 - 25 ans) et avaient une formation comparable (de niveau supérieur dans la même filière, AES). De plus, nous n'avons noté aucun lien significatif entre l'un des critères de profil (le sexe, l'âge, le niveau d'études et la fréquentation des salles de cinéma) et les avis émis.

- Le deuxième est que ces avis spontanés concernent autant le récit, la structure narrative, le rythme, le filmage, le jeu des acteurs, les dialogues, les décors et costumes, la durée du film, etc. La plupart des éléments qui composent un film sont cités, mais avec, il est vrai, des imperfections terminologiques. Toutefois, aucun élément de la combinaison filmique ne semble réellement prépondérant dans le jugement final, même si certains participants semblent attacher plus de poids à telle ou telle composante. L'absence de facteur prééminent de jugement justifie de faire appel à des divers corps de métier pour fabriquer un film. La valeur d'un film, telle qu'elle est appréciée par le spectateur, est le résultat d'un ensemble de contributions, appelé chaîne de valeur (Creton, 2001, p.162). En matière de réalisation - l'une des trois étapes de la chaîne avec, en amont, le positionnement (choisir la valeur) et, en aval, la promotion (communiquer la valeur) - il est aisé de comprendre que pour fournir la valeur choisie par le couple producteur -réalisateur et attendue par le spectateur, dans une limite budgétaire déterminée, il soit nécessaire de gérer les compétences de professionnels aux métiers très différents et spécialisés. La valeur d'un film est donc le produit de la conjonction de multiples influences, de technicités et de talents (Creton, 2001, p.221-230).

La polysémie d'un film vient donc à la fois de la pluralité des spectateurs (Metz), de la variété de leur horizon d'attente, et de la polyvalence des compétences requises pour réaliser un film. Ces compétences multiples nécessitent généralement une équipe nombreuse et composée de membres de diverses corporations souvent attachées aux traditions et respectueuses de codes, règles ou conventions.

- Le troisième constat est que les participants donnent et justifient souvent leurs avis en se référant à des genres cinématographiques ou à des films ou des séries de télévision. Les interviewés font, en effet, souvent allusion à l'appartenance du film à tel ou tel genre cinématographique (film policier, cinéma d'auteur, etc.), à telle ou telle catégorie audiovisuelle (film cinématographique, téléfilm, série télévisuelle) , à tel ou tel format (court-métrage, spot publicitaire), à telle ou telle nationalité (série allemande, etc.), mais aussi à l'enveloppe budgétaire (film de série B410(*), etc.), ou à une ressemblance avec une série télévisuelle populaire (Derrick, Columbo, etc.).

Il semble que le spectateur se fixe un niveau d'aspiration filmique, un horizon d'attente, en fonction de la catégorie à laquelle il pense que le film fait partie. Ainsi, il admettra davantage une fin confuse pour un film d'auteur comme si s'appliquait la formule de Madame de Staël : « comprendre, c'est pardonner ». Il attendra une enquête de police s'il classe le film dans le genre des films policiers. La connaissance du genre cinématographique, nous l'avons vu, aide le spectateur à lire le film, à l'interpréter (Moine), à organiser son système d'attente (Casetti). Pour qu'il en soit ainsi, il est nécessaire que le spectateur ait une connaissance du genre, même partielle, et qu'il soit averti du genre du film avant son visionnage. Or, nos participants n'étaient pas avertis du genre du film qu'ils allaient voir. Ils ont donc, pour certains, chercher à reconnaître le genre auquel appartenait notre court-métrage avant de construire leurs attentes et d'interpréter le film, puis de le juger globalement voire esthétiquement. Cet effort de reconnaissance générique ne connaît aucune interruption du début à la fin du film, ce qui permet au réalisateur d'envisager de créer un doute, un suspens en faisant évoluer les caractéristiques de genre. En conséquence, cet effort, souvent récompensé en termes de compréhension et de plaisir filmique, fait partie du travail du spectateur et prouve que ce dernier est loin d'être passif pendant le visionnage (Mitry). Toutefois, il ne faut pas exagérer l'importance de cet effort d'identification générique ; avec un minimum de culture cinématographique, le genre d'un film est, somme toute, assez facile à reconnaître (Bordwell et Thompson, 2000).

Les conséquences de la connaissance en amont (vs ignorance) du genre

Connaissance du genre Non-connaissance du genre

avant la diffusion du film (par absence d'informations avant la

(grâce aux indicateurs de genre : projection ou volonté dur réalisateur de

bande annonce, affiches, etc.) surprendre les spectateurs)

Niveau d'attente, Effort d'identification générique,

niveau d'aspiration stylistique ou autre

Compréhension

Plaisir vs déplaisir

- Le quatrième constat est que de nombreux participants, quelle que soit la version, cherche à comprendre l'intention du réalisateur (manipuler, tromper, troubler, faire peur, faire réfléchir, faire imaginer la fin, etc.), voire son intérêt à organiser des interviews de groupe (montrer un extrait, montrer la fin et pas le début ou l'inverse en guise de preview ou de screen-test, pré-tester un message publicitaire en faveur d'une compagnie d'assurances, etc. ?). La plupart des participants à notre étude ont participé avec un certain enthousiasme aux interviews et certains ont même émis, pendant ou après l'interview, le souhait de voir le film dans son éventuelle intégralité et de participer à d'autres tests filmiques. En conséquence, le faible usage, en France, des sneak previews ne nous semble pas avoir pour justification les

difficultés d'organisation et de recrutement de volontaires. Nous ne pensons pas, non plus, que le fait que le réalisateur, en France, détienne la propriété intellectuelle de son oeuvre et que personne ne puisse le contraindre de modifier son film puisse expliquer complètement cette retenue vis-à-vis des pré-tests.

En réalité, compte tenu de la diversité et de l'hétérogénéité des avis que nous avons relevées dans notre étude, un réalisateur peut être troublé par les résultats d'un preview et ne plus savoir réellement ce qu'il doit modifier. Une situation que Joel et Ethan Coen ont mentionné pour expliquer leur prudence face aux avis extérieurs : « nous restons très imperméables aux commentaires extérieurs, quand on travaille sur nos films. Principalement parce que si vous demandez leur avis à cinq personnes, vous aurez cinq points de vue différents, et qu'il est très facile de se désorienter par ça ».

Diverses appréciations selon les groupes et versions diffusées

Version du film

 
 
 

Version 1

(mari effondré, crise cardiaque)

Réunion N°2 :

« c'est mal joué », « je suis pas d'accord », « le problème c'est l'intrigue. On ne la comprend pas bien », « on manque d'explications. En fait, ce n'est pas assez long », « ca manque d'actions aussi », « ca fait série télé, l'image, tout quoi », « il va y avoir une enquête de police », « Ah pas mal, j'aimerais bien aussi ».

Réunion N°4 :

« on aimerait en savoir plus », « c'est bizarre », « L'acteur est restreint. Il ne dit rien. Il est très introverti », « ça fait court-métrage à petit budget », « on dirait les courts métrages sur France 2 », « moi, j'ai bien aimé », « moi aussi, pour un film de quelques minutes, c'est bien », « en tout cas, cela vous a fait parler »

Réunion N°7 :

« cela manque de peps », « trop prise de tête », « c'est le genre qui veut cela », « oui mais tout est bizarre : même le cadrage, c'est étrangement filmé », « c'est fait exprès pour te déstabiliser, je pense », « c'est réussi, crois moi »

Version 2

(voix avec un accent sicilien et toast)

Réunion N° 10 :

« c'est court », « ça paraît court, mais quand même on se pose pas mal de questions... », « il n'y a pas beaucoup de dialogues alors on se pose plein de questions », « c'est trop lent pour moi », « non, moi j'aime bien, « le bureau fait un peu trop décor », « Rien me semble réel...le désert, etc. C'est étrange comme impression », « c'est vrai, ça fait pas un endroit utilisé tous les jours. C'est très froid. Un peu angoissant », « c'est un court-métrage assez prenant. On a l'impression d'être baladé : curieux ! », « il est plein de détails. Il faudrait le revoir, je crois, pour bien percuter »

Réunion N°13 :

« un Derrick », « ça reste toujours dans la logique des films des années 80. Avec cette suite de plans »,

« Si le tueur c'est lui, je ne vois pas trop un policier sauf si c'est un Colombo où on connaît le tueur dès le début », « c'est plutôt un policier. Donc un flic va apparaître à l'écran », « Le type au téléphone, ça doit être un tueur à gages », « il va venir chercher son fric et l'autre va le tuer pour ne pas laisser de trace... »

Réunion N°15 :

« On nous a bien trompé, c'est bien joué, on serait sur nos gardes si cela continuait.. », « on nous a bien manoeuvrés au départ pour que l'on croit aux sentiments de ce type alors qu'il cachait bien son jeu », «j'ai bien aimé en définitive », « j'aimerais bien en savoir plus. On peut voir la suite ? », « La fin est tellement surprenante que je ne sais pas en fait si c'est un film dramatique ou drôle », « oui, c'est vrai, on est partagé. C'était le but sûrement », « c'est un bon court métrage », « il faudrait de l'action car là c'est un peu endormant tout de même.. »

Version 3

(mari volage, jambes de femme)

Réunion N°6 :

« lent...mou ...angoissant », « intellectuel, on a beaucoup de questions. Il faut beaucoup réfléchir pour comprendre », « on se pose beaucoup de questions », « en tout cas, surprenant », « l'acteur ne dit rien », « la qualité de l'image n'est pas excellente », « j'aimerai bien le voir en entier, tout de même »

Réunion N° 11 :

«  il y a trop de clichés, je trouve, le désert, les jambes, tout quoi », « je ne trouve pas. En peu de temps, il crée une ambiance », « oui, assez lourde et étrange, on croit comprendre et puis hop, on est pris au piège », « c'est assez drôle, mais ça fait penser à un début de film porno...C'est peut-être la première scène porno qui va arriver avec le patron et sa secrétaire... », « je pense que c'est un court-métrage, mais ça pourrait être le début ou la fin d'un film plus long », « c'est un film troublant en tout cas, très psy... », « oui, en tout cas pas facile. Il parle de couple, de maladie, de mort... intéressant mais pas drôle »

Réunion N°12 :

« c'est franchement pas terrible. Y a pas d'action », « il nous manque un bout de film, je pense », « oui, il y a trop de questions sans réponse », «  la personne au téléphone au début, on n'est pas sûr de qui c'est. Sa femme ? », « Elle est morte, donc c'est la maîtresse, réfléchis... », « moi j'ai trouvé qu'en quelques minutes, le suspense était créé », « oui un court métrage intéressant qui interpelle quelque part.. », « un peu trop court à mon goût, mais bon c'était prévu pour, je suppose... »

Version 4

(mari intéressé, ouverture du contrat)

Réunion N°1 :

« Il n'y a pas de suspense. Tout est programmé », « c'est peut-être une pub pour les assurances », «  il n'est pas assez long, c'est dommage », « moi j'ai trouvé qu'il y avait trop de gros plans », « ça fait un peu série B, je trouve », « c'est mal joué, je trouve », « c'est peut-être fait exprès », «  soit c'est fait exprès et c'est un super acteur ou alors il ne vaut rien du tout. Ca serait bien de le savoir », « Il doit bien y avoir une fin, j'aimerais bien la connaître, c'est vrai ».

Réunion N° 3 :

« c'était bizarre », « il laisse une impression bizarre », « on ne cerne pas bien le personnage », «  je pense que c'est un extrait de film, on n'a ni le début, ni la fin », « bien mais très série allemande dans sa façon de raconter l'histoire »

Réunion N°8 :

« c'est un peu court. En plus, on a beaucoup de choses en si peu de temps », « d'un autre côté, c'est bien qu'il y ait plein de pistes », « c'est bizarre ce film : il est troublant », « c'est un bon court-métrage d'auteur : assez original », « en tout cas, il ne laisse pas indifférent », «  c'est inachevé. On n'a pas de réponses. Est-ce qu'on va voir la fin ? Ou bien est-ce le début d'un film plus long ? », « mais c'est à toi de l'achever, c'est voulu », « oui je suis d'accord, dans ce genre de film, l'auteur ne finit pas exprès », « c'est un film noir », « il m'a foutu la trouille »

Version 5

(mari sans état d'âme, chute du cadre avec la photo)

Réunion N°5 :

« on a beaucoup de questions sans réponse. On peut connaître la suite ? », « c'est trop court, c'est vrai », « le mec est ringard », « non, je le trouve assez crédible dans le rôle d'un patron », « c'est étrange, j'ai eu l'impression de l'avoir déjà vu », « l'histoire, les décors, tout cela me rappelle quelque chose », « c'est vrai, j'ai un peu la même impression ».

Réunion N° 9 :

« on dirait une partie d'échec. Tout semble calculé jusqu'à la fin qui fait un échec et mat », « c'est compliqué, il faut suivre... », « Dans Colombo, c'est pareil il y a un meurtre et on voit tout de suite le coupable », « c'est plus un film télé qu'un film de ciné. », « ça fait téléfilm », « je dirais plutôt un court-métrage », « c'est peut-être une pub pour l'assurance », « c'est pas mal, je trouve, mais on reste sur sa faim. On ne connaît pas la fin de l'histoire. C'est peut-être un extrait », « c'est un court-métrage et souvent on te laisse toi-même imaginer la fin »

Réunion N°14 :

«  il faudrait voir la suite ... », « je ne comprends pas encore très bien le message qui devait passer. L'acteur n'est pas génial, non plus », « disons que c'est un peu surjoué », « pas plus que Francis Huster et bien d'autres que vous admirez...non je l'ai trouvé assez crédible en mari intéressé », « ça fait réfléchir...on peut voir la suite ? », « c'est peut-être une pub pour les assurances »

- Cinquième constat : comme nous l'avons déjà souligné, notre étude n'avait pas pour objectif de mesurer la satisfaction (vs insatisfaction) des participants après qu'ils aient visionné notre court-métrage. Nous avons, toutefois, été surpris par la vivacité des réactions des participants à l'égard du film, qu'ils aient pris du plaisir à le voir ou du déplaisir. Il nous est difficile de conclure en « la parenté du film de fiction et du fantasme » (Metz, 2002, p.135), bien que l'on retrouve dans les causes principales du déplaisir filmique celles données par Christian Metz. Soit le film est jugé « terne », « ennuyeux » ou « quelconque », soit il est de mauvais goût, outrancier ou sadico-pornographique. Ce qui a permis à Metz de donner la formule du film générateur de plaisir : il est nécessaire que le « détail de la diégèse flatte suffisamment ses fantasmes conscients ou inconscients pour lui permettre un certain assouvissement pulsionnel, et il faut aussi que cet assouvissement reste contenu dans certaines limites, qu'il demeure en deçà du point où se mobiliseraient l'angoisse et le rejet » (Metz, 2004, p.136).

Un film qui déçoit les attentes d'un spectateur est un mauvais objet en créant un déplaisir filmique (Metz). Le déplaisir peut avoir des conséquences négatives sur le comportement futur du spectateur à l'égard des autres films proposés par l'institution cinématographique. Le spectateur déçu réduira sa fréquentation des salles, minimisera le risque d'être insatisfait en ne choisissant que des films à bonne presse ou à bouche à oreille favorable, visionnera le film après téléchargement sur Internet, y compris en toute illégalité et avec une image et un son de moindre qualité, et n'ira le voir dans une salle de cinéma que s'il juge qu'il en vaut la peine. Ce comportement de recherche de la gratuité grâce à Internet et aux échanges de personne à personne (échange de copies, duplication de contrefaçons, etc.) tend, en effet, à se développer chez les jeunes, composante importante du public, et défavorisera vraisemblablement les films d'auteur, les films dont la mise en scène ne sera pas à grand spectacle. L'insatisfaction du spectateur a des conséquences sur son comportement propre mais aussi sur celui de son entourage. Le déplaisir a un double effet négatif : sur le comportement individuel du spectateur mécontent et sur le comportement collectif..

Le plaisir (vs déplaisir) filmique du spectateur influence, généralement dans le même sens, l'avis (positif vs négatif) qu'il donnera à son entourage. Or, le bouche-à-oreille a des effets sur le comportement et notamment sur le choix d'un film parmi toute l'offre proposée par l'institution cinématographique. Jehoshua Eliashberg (2005) a montré que le bouche-à-oreille a souvent plus de poids que les critiques de cinéma : « L'avis d'un ami pourrait dissuader quelqu'un de voir un film en dépit de bonnes critiques ou au contraire le convaincre d'aller voir un film qui a déplu à la critique. Ainsi Hook de Spielberg a réalisé beaucoup d'entrées malgré des critiques essentiellement négatives, tandis que le Gettysburg de Maxwell, unanimement loué par la critique, a reçu un accueil médiocre du public ». En France, les recherches réalisées sur l'impact de la critique sur les entrées en salles donnent des résultats divergents (Debenetti et Larceneux, 2000), (Creton, 2000) mais plutôt en faveur d'une non-corrélation : « sur le marché du film en salles, il existe une non-corrélation indiscutable entre les avis des journaux spécialisés et le comportement général des spectateurs (Forest, 2000, p.63). En conséquence, le bouche-à-oreille est sans doute l'un des éléments les plus influents sur le choix d'un film, et cela même si le montant du budget de la campagne de communication est substantiel (Laurichesse, 2000).

Le déplaisir filmique éprouvé par un spectateur peut donc, par un phénomène de boule de neige, augmenter le risque d'échec commercial. Dès les premiers jours de diffusion, les avis négatifs vont influencer négativement le choix des spectateurs potentiels réduisant les chances du film de rester à l'écran. En tant que mauvais objet, le film qui crée du déplaisir est une « ratée de l'institution cinématographique » (Metz). En plus de menacer la survie du producteur, financeur du film, il risque, en outre, de mettre en danger l'ensemble des parties prenantes au film, et notamment celles qui sont facilement repérables par le public et l'institution cinématographique : le réalisateur, les acteurs principaux, etc. qui seront forcément moins bankables après cet échec. Il menace également les catégories auxquelles appartiennent le film : le genre, le sous-genre, le style, la nationalité du pays de production, la langue de production, le pays où a eu lieu de tournage, etc. comme s'il y avait un effet de halo négatif sur les caractéristiques qui ont fait le film.

Cette dynamique explique qu'un échec (vs succès) d'un film isolé puisse de proche en proche toucher des pans entiers de l'institution cinématographique et faire mourir (vs naître) une production nationale.

CONCLUSION GENERALE

Il est de coutume en fin de travail de comparer les objectifs de départ et les résultats obtenus. Notre objectif principal était de mieux comprendre le fonctionnement de la communication filmique et les mécanismes de construction de sens. Nous avions le sentiment qu'il existait un décalage entre certaines théories et l'expérience que nous avions en tant que spectateur et en tant qu'auteur réalisateur411(*). Une grande partie de la littérature cinématographique est, en effet, composée d'ouvrages et d'articles sur les techniques de prise de vues, de montage, de mise en scène, etc. et repose, au moins implicitement, sur le principe que seul le réalisateur produit du sens. Certains théoriciens et/ou réalisateurs sont même encore persuadés qu'ils peuvent imposer un sens à tous les spectateurs, qu'ils maîtrisent leurs émotions, leurs sentiments, leur compréhension par l'usage de procédés narratifs ou strictement techniques, tels que des mouvements de caméra, des échelles de plan, des liaisons, etc. Au cours de l'histoire du cinéma, les professionnels du cinéma, quel que soit leur métier, ont accumulé des connaissances qu'ils ont eu tendance à considérer comme le bon usage, comme des codes qu'il fallait respecter et qui constituèrent une grande partie de ce qui continue à être enseigné dans les écoles de cinéma.

La réalité est beaucoup moins simpliste pour de nombreuses raisons que nous avons relevées tout au long de notre recherche.

Un film est une oeuvre collective et résulte de la collaboration de professionnels aux spécialités et compétences diverses. Or, la plupart des métiers du cinéma ont leurs règles, leurs conventions, leur code de bon usage. Le scénariste n'est pas censé connaître le code du montage, comme le monteur n'est pas obligé de maîtriser le code de la musique, etc.

La plupart des réalisateurs considèrent donc que leur rôle de chef d'orchestre est de faire en sorte que le sens qu'il souhaite donner à un plan, une séquence, voire le film tout entier, soit la résultante des sens de tous les éléments qui le constituent. Autrement dit, dans cette conception, chaque élément filmique est considéré comme un vecteur de sens et le sens total est obtenu en faisant la somme de tous les vecteurs qui constituent une unité du film, quelle qu'elle soit. Certains pousseront plus loin l'analogie avec la théorie vectorielle en mathématiques en concluant que pour que la somme vectorielle soit forte, il est nécessaire que les vecteurs n'aillent pas dans des directions opposées. Toutefois, la pluralité des vecteurs filmiques de sens, la variété des possibilités d'angles de direction et de longueurs (ou modules), c'est-à-dire de force ou d'impact, rendent cette analogie avec la somme des vecteurs assez abstraite.

V1

V3 = V1 + V2

O

V2

Il n'en reste pas moins vrai qu'elle montre la difficulté pour un réalisateur de gérer un très grand nombre d'éléments filmiques afin de provoquer un effet optimal sur le spectateur. Ainsi, un film historique, relatant un événement qui s'est réellement passé au XVIIIème siècle, avec une combinaison d'éléments filmiques dosée avec précision, des décors et costumes d'époque, des dialogues au style châtié, etc. perdrait de sa force si des figurants étaient filmés et montrés avec des baskets aux pieds. Des ratés de ce type sont assez fréquents et font l'objet de rubriques amusantes dans certaines revues de cinéma.

V4

O'

V5 = V4 + V5

V5

Mais, une opposition de directions vectorielles peut également être un moyen de faire passer un message, comme c'est le cas dans le film L'Esquive (2002) d'Abellatif Kechiche dans lequel la pièce de Marivaux, Le Jeu de l'amour et du hasard (1730), est au centre du film et permet de traiter des minorités de banlieue en faisant appel à des oppositions langagières, gestuelles, comportementales, etc. : « chez Marivaux, les valets, les soubrettes, les paysans, les orphelins tiennent non seulement des rôles à part entière dans l'intrigue, mais il leur prête également une vie intime, une intériorité, des sentiments nuancés. (...) Il y avait plus d'audace dans sa démarche que dans ce qui se fait aujourd'hui dans la représentation des minorités. » (Kechiche).

Toutefois, en plus d'être difficile à mettre en oeuvre, cette conception vectorielle repose sur une hypothèse non vérifiée : celle que le spectateur comprend les éléments constitutifs, les interprètent correctement, c'est-à-dire comme l'espère le réalisateur. Or, notamment grâce à Roger Odin et à la sémio-pragmatique, nous savons que le film ne possède pas un sens en soi, la production de sens d'un film procédant à la fois de l'espace de la réalisation et de l'espace de la lecture spectatorielle. Même si le réalisateur parvient par des procédés filmiques à programmer le spectateur, à l'inciter à un mode de lecture par un ensemble de consignes, de références, explicites ou non (Casetti, Jauss), les études pragmatiques ont également montré que le spectateur peut à l'inverse, perturber cette lecture et agir sur le texte, notamment en construisant son histoire (Bordwell, Journot).

Les codes de la bande image et de la bande son, spécifiques ou non, sont loin d'être connus et acceptés par tous les réalisateurs. Derrière un semblant de consensus académique, les professionnels du cinéma sont loin d'être d'accord, entre eux, sur l'existence de codes, sur l'obligation de les respecter, sur les signes eux-mêmes et sur les significations qu'ils produisent. L'absence de consensus est d'autant plus criant lorsque ces professionnels appartiennent à des corps de métier différents ce qui peut entraîner des conflits au sein même d'une même équipe de tournage.

L'analyse des règles de bon usage au travers le temps montre également qu'elles ont sensiblement évolué sous l'influence des progrès technologiques et des remises en cause artistiques successives. Ainsi, les conventions du cinéma classique hollywoodien, entre les années vingt et cinquante, ne sont plus celles du cinéma hollywoodien actuel. Les ruptures avec ce qui précèdent ne sont pas rares. Songeons à la Nouvelle Vague (1958-1963) qui condamna la tendance académique du cinéma de Papa, dit également de qualité française412(*). Alors, jeune critique aux Cahiers du Cinéma dirigés par André Bazin, Truffaut dénonçait, dès 1954, la sclérose qu'imposait la tradition pourtant défendue par des cinéastes de renom tels que Autant-Lara, Delannoy, Clément, etc. Pensons aussi aux différents mouvements cinématographiques tels que le formalisme soviétique (Eisenstein, etc.), le réalisme poétique ou non (Carné, Renoir), le surréalisme (Bunuel, Cocteau), le néoréalisme italien (Rossellini, De Sica, Visconti), l'underground (Stan Brakhage, Andy Wharol) et, plus récemment encore, le dogme (Lars von Trier, Thomas Vinterberg). Si à cela nous ajoutons les conventions génériques et celles des sous-genres cinématographiques qui elles-mêmes évoluent avec le temps et selon les lieux de production (Hollywood, Bombay, Hong Kong, etc.), nous ne pouvons que conclure en la fragilité des éléments codiques et, dans une perspective d'évolution, à l'existence d'un certain cycle de vie. Dans l'histoire du 7ème Art, les conventions naissent d'une innovation artistique, souvent liée à un progrès technique. L'innovation est remarquée et appréciée par les autres cinéastes ou les spectateurs qui en assurent un certain succès commercial. L'innovation est alors reprise, imitée comme tout facteur-clé de succès, puis devient progressivement une convention, un code entre professionnels du cinéma, si possible partagé avec les spectateurs. Vient alors un artiste qui se rebelle contre les dogmes, les règles, les conventions et en transgresse ouvertement un certain nombre, souvent les plus normatifs, les plus représentatifs du système en place. Si ce réalisateur connaît le succès, un petit groupe se constitue autour de lui et en naît un style, puis de plus en plus de ses confrères l'imitent pour ne pas passer pour démodés, un mouvement se crée. Ses procédés, ses façons de raconter et de montrer deviennent alors des règles. Elles sont décrites dans des articles et des livres puis enseignées dans les écoles de cinéma, pour devenir à leur tour des conventions, voire une nouvelle théorie du cinéma, jusqu'au jour où un nouveau venu les bousculera, à son tour, et la roue du cinéma se remet à tourner.

Nous devons ces quelques apports principalement à une étude bibliographique et, c'est à nos yeux, une limite qui mériterait d'être comblée dans une étude ultérieure. Nous regrettons notamment de ne pas avoir interrogé nous-même des professionnels du cinéma, des théoriciens et des enseignants. Nous avons tenté de compenser ce manque par une analyse approfondie d'interviews réalisées par d'autres (Tirard, Ciment, Chion, etc.), de biographies, d'interviews journalistiques, etc.

Si nous n'avons pas procédé à des entretiens auprès de représentants de l'espace de la réalisation, c'est que nous souhaitions, dans une optique communicationnelle proche de la sémio-pragmatique, étudier les interactions entre le réalisateur et le spectateur.

Avec en mémoire les procédés que certains considèrent comme pouvant programmer le spectateur, l'inciter à un certain mode de lecture, voire lui imposer une signification, nous avons réalisé un court métrage de fiction en plusieurs versions de manière à étudier l'incidence d'une variation d'un élément filmique sur le sens global du film. Nous nous sommes posé la question de savoir si une telle démarche n'était pas trop expérimentale pour une recherche qualitative. Nous n'avons pas cherché pas à vérifier des hypothèses formelles et fines. Nous souhaitions obtenir des informations de la bouche même des spectateurs pour mieux comprendre les mécanismes de co-construction du sens, d'une part par un réalisateur qui utilise ses techniques dans un objectif de sens, d'autre part par des spectateurs qui découvrent les éléments filmiques qui leur sont montrés et qui se les approprient dans un objectif de plaisir.

Les conclusions auxquelles nous sommes parvenu sont nombreuses. Certaines d'entre elles apparaîtront sans doute comme des évidences, bien que de nombreux auteurs continuent à les nier.

Ainsi par exemple, nous avons vérifié que les spectateurs méconnaissaient les conventions, règles et codes filmiques. Ce qui signifie soit que le réalisateur qui les utilise se trompe en considérant le spectateur comme un « récepteur idéal », soit qu'il est persuadé qu'il n'est pas nécessaire de connaître, pour comprendre et pour être influencé (Metz, Odin).

Nous avons également constaté que même si certains plans, certains éléments filmiques n'étaient pas compris comme le souhaitait le réalisateur, ni consciemment perçus, ils pouvaient néanmoins influer sur l'interprétation de l'unité filmique concernée et les suivantes.

Les spectateurs n'attachent d'ailleurs pas tous la même importance aux éléments constitutifs d'un film. Les uns seront très attentifs aux décors ou aux costumes, les autres au jeu des acteurs sans que l'on sache précisément si ce sont bien les éléments les plus remarqués qui portent le plus de signification.

Les visionnages et les interviews ont eu lieu dans des conditions éloignées du dispositif cinématographique normal. C'est une limite méthodologique qu'il faut prendre en considération mais qui n'a pas empêché la plupart des spectateurs d'entrer dans le film, de se l'approprier. Toutefois, il aurait été intéressant en diffusant également le film dans une salle à grand écran avec une cabine de projection située dans le dos des spectateurs d'étudier les différences d'interprétation selon que le dispositif était cinématographique (et confortable) ou audiovisuel (et universitaire), de vérifier si l'identification primaire mais aussi l'espace-temps de la réception avaient des effets sur l'appropriation du film par le spectateur et le sens qu'il construit.

L'analyse des interviews de groupe a nécessité la retranscription intégrale des bandes audiovisuelles d'enregistrement, puis une catégorisation des idées émises en fonction du découpage plan par plan du court-métrage projeté. Nous avons conscience que cette forme de classement part d'une grille conceptuelle a priori, le découpage technique, ce qui est contestable dans une démarche qualitative. Mais, en adoptant ce classement, nous n'avions pas pour but de mettre en évidence les causes qui expliquent le phénomène observé, comme c'est le cas dans une approche positiviste. Ayant opté pour une approche compréhensive, opposée au paradigme positiviste, nous acceptions le principe de l'interdépendance de l'objet et du sujet, autrement dit du film et du spectateur. Le sens du film est dépendant des caractéristiques sociales et personnelles du spectateur (Mucchielli, 1996).

L'avantage que nous attendions du classement par plan est de pouvoir analyser, plan par plan, l'objectif de sens du réalisateur, les procédés qu'il utilisait pour les atteindre en prédisposant son lecteur/spectateur à un certain mode de lecture et, bien sûr, les effets ressentis et déclarés par les spectateurs. Nous ne cherchions pas à expliquer les phénomènes de construction de sens, à chercher à établir les lois, des relations de causes à effets, comme dans le paradigme positiviste, mais à mieux comprendre la complexité de la communication filmique en attachant une attention particulière aux acteurs (cinéaste et spectateur), à l'interface (le film et ses différents éléments) et aux significations.

Notre analyse fut double, successivement pour chacune des 5 versions, puis plan par plan, dans une optique comparative. 

Les études longitudinales des cinq versions ont confirmé un certain nombre de thèses que l'on retrouve notamment dans la sémio-pragmatique et l'esthétique de la réception.

Pour ne pas reprendre in extenso les conclusions de l'analyse longitudinale de la fin du chapitre 4, nous ne citerons que les principales : - la polysémie de l'image animée, d'un plan, voire d'un élément précis d'un plan ; - l'importance dans l'interprétation des variables personnelles du spectateur et de l'espace-temps dans lequel il se situe ; - la variabilité d'impact d'un élément filmique, voire d'un détail, d'un spectateur à un autre ; - la construction progressive du sens par le spectateur au fur et à mesure de l'avancement du film ; - l'influence des expériences cinématographiques et audiovisuelles du spectateur et de sa connaissance des genres cinématographiques sur son horizon d'attente et sur la réception d'un film.

L'analyse transversale, comparative plan par plan, en plus de confirmer les conclusions précédentes, permit de mettre en évidence : le rôle de la mémoire sur la perception (Esquenazi), le travail de re-montage intérieur effectué par le spectateur, la solidité de son interprétation individuelle y compris lorsqu'il est soumis à une pression groupale, la part non négligeable de l'imagination dans la construction du sens par le spectateur, la vivacité des jugements de valeur qui explique probablement l'importance du bouche à oreille dans le succès ou l'échec d'un film, etc.

Avec en tête l'inévitable interaction entre lui et la diversité de ses spectateurs, le réalisateur peut tirer profit des méthodes d'analyse et des codes filmiques. Reprenant des procédures spectatorielles de s'approprier une oeuvre, la narratologie s'avère être une aide précieuse à la rédaction d'un scénario. Il en est de même de l'analyse semio-contextuelle qui permet d'une part de réfléchir en amont aux différents contextes sur lesquels le réalisateur doit travailler, d'autre part de prendre conscience de l'importance de la combinaison interdépendante des processus et de la pluralité des actions contextuelles ainsi que du rôle essentiel du réalisateur, en tant que chef d'orchestre, dans la gestion des compétences hautement spécialisées nécessaires à la fabrication d'une oeuvre collective, sachant que ce qui est accessoire pour un spectateur peut être déterminant pour un autre.

Quant au débat relatif aux codes filmiques, cinématographiques ou non, à leur respect ou à leur transgression, compte tenu de la disparité des avis des professionnels et des théoriciens du cinéma, il nous semble que notre étude amène un éclairage nouveau. Il ne s'agit pas d'une affaire entre professionnels, entre métiers du cinéma, mais d'éléments contextuels. Nous avons montré que chaque code travaillait sur un ou plusieurs contextes. Nous avons également vérifié que « dans le même ensemble de contextes, on sera susceptible de trouver des acteurs (spectateurs) pour lesquels le sens émergent des contextes va être différent » (Mucchielli, 1998), qu'un élément codique pourra, servant de consigne ou de référence explicite ou non, prédisposer un spectateur à un certain mode de lecture (Jauss).

La difficulté pour un réalisateur n'est donc pas d'être respectueux des codes ou de ne pas l'être, autrement dit de choisir entre le classicisme formaliste et l'avant-gardisme, mais de choisir les codes où il le sera et ceux où il ne le sera pas. Dans le cinéma de fiction, les réalisateurs « avant-gardistes » en rupture, au moins partielle, avec la narrativité et le cinéma commercial prennent un grand risque de ne pas être compris et de ne pas attirer les spectateurs dans les salles de cinéma. Les réalisateurs classiques prennent un autre risque celui d'ennuyer leur public et de l'éloigner des salles, comme ce fut le cas dans les années cinquante en France, avec la qualité de la tradition cinématographique française.

Entre ces deux extrêmes, des combinaisons existent. L'une d'elles est qualifiée de post moderne et, comme en architecture, en peinture ou en littérature, son esthétique allie tradition et novation. Dans une fiction, il s'agira pour le réalisateur de sélectionner un certain nombre d'indices qui permettront au spectateur d'adopter un certain mode de lecture (Odin). Ces indices pourront être choisis parmi la liste des éléments des codes filmiques, par exemple un éclairage particulier, une réplique qui fait référence à un film culte, un appel à un ou plusieurs genres cinématographiques, etc. Réalisateur et spectateur seront chacun à l'origine de la production de sens. Le réalisateur imagine et crée un récit avec la volonté de communiquer avec le spectateur. Il l'aide par ce système d'indices, d'éléments contextuels à lire son oeuvre, mais le spectateur recrée en fonction d'eux, dans son imaginaire, une histoire. L'approche post-moderne, comme toutes les variantes alliant standardisation et différenciation (Creton), consiste donc à aider le spectateur dans son appropriation du film, à faciliter son plaisir filmique et favoriser son apprentissage cinématographique, qui fera de lui un spectateur différent lorsqu'il visionnera le film suivant...

Mais à la question de savoir quel système d'indices il faut proposer au spectateur, quels éléments des sept contextes il faut précisément travailler, nous n'avons malheureusement aucune réponse à apporter. Le choix du bon dosage entre tradition et novation, de la bonne combinaison d'éléments n'est sans doute que le résultat d'un mystérieux mélange de talent, de remise en cause personnelle et de communion avec le public. Et comme le reconnaît Woody Allen (in Tirard, 2004, p.78) : « je suis toujours surpris, voire stupéfait, par la façon dont le public réagit. Je pense que les gens vont aimer tel personnage et je m'aperçois qu'il leur est indifférent voire antipathique, mais qu'il préfère tel personnage auquel j'avais à peine pensé (...) Quelque part, c'est un peu frustrant. Mais d'un autre côté, c'est aussi ce qui rend ce métier si magique ».

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Revues consultées

(Liste non exhaustive des revues consultées au cours de la recherche)

· Brazil

· Bref

· Cahiers du cinéma

· Caméra Vidéo & Multimédia

· Ciné Live

· CNC Info

· Dimension Cinéma

· Filméchange

· Positif

· Les Lettres françaises

· Arts

· Franc-Observateur

· Cinéma

· Image et Son

· Trafic

· L'Avant-Scène du cinéma

· Cahiers de la cinémathèque

· L'Ecran fantastique

· Etudes cinématographiques

· Caméra-Stylo

· Le Film français

· Le Film

· La Revue du cinéma

· Nidinfo

· Vidéo Numérique magazine

· Vertigo

· Jeune cinéma

· Cinématographe

Netographie

(Liste non exhaustive des sites Internet visités au cours de la recherche)

Ø www.1001scenaristes.com

Ø www.1000films.com

Ø www.6nop6.com

Ø www.abc-toulouse.net

Ø http://www3.ac-clermont.fr/pedago/lettres/rtf/cine/elements_analyse_film.rtf

Ø www.ac-dijon.fr/pedago/lettres/cinema/cine1.htm

Ø www.ac-nancy-metz.fr/cinemav/

Ø www.acrif.org/fr/accueil.asp

Ø www.admi.net/jo/code/cinema/

Ø www.afcinema.com

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Ø www.annuairecine.com

Ø www.archive.org/details/movies

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Ø www.chicagoreader.com/movies/

Ø www.cineastes.net

Ø www.cinechronique.com

Ø www.cinecursus.ch/index.htm

Ø http://cinehig.clionautes.org/index.php3

Ø www.cinema.com

Ø www.cinema-quebecois.net

Ø http://cinemanageria.ifrance.com/

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Ø http://cinema.telerama.fr

Ø http://cinema.tiscali.fr

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Ø www.cinematheque.qc.ca

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Ø www.cinergon.net

Ø www.cine.studies.net

Ø http://classiques.uqac.ca/

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Ø http://comoedia.fr

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Ø www.crdp-lyon.cndp.fr/c/c4/articles/analyse_theorie_regine.pdf

Ø www.cvm.qc.ca/encephi/Syllabus/Mediacomm/Articles/vocabulairesonore.htm

Ø www.doublage.qc.ca

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Ø http://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9ma

Ø www.gros-plan.org/Lexique/langage.htm

Ø www.hollywood.com

Ø www.hollywoodreporter.com

Ø http://homepage.newschool.edu/~schlemoj/film_courses/glossary_of_film_terms/index.html

Ø www.horschamp.qc.ca

Ø www.imdb.com

Ø www.imagesmag.net

Ø www.institut-lumiere.org

Ø www.inst-jeanvigo.asso.fr/sommaire.html

Ø www.inst-jeanvigo.asso.fr/lexique/lexique.html

Ø www.l2tc.com

Ø www.lumiere.org/sommaire.html

Ø http://membres.lycos.fr/simonnet/sitfen/cinema/cinema.htm

Ø www.mrge.com

Ø www.mylinea.com/cybermercatique/marketing_cinematographique-_marketing_du_cinema_et_de_laudiovisuel/

Ø www.objetcif-cinema.net

Ø www.politique-cinema.net

Ø http://rasp.nexenservices.com/fr/index.php

Ø www.revuedecinema.com

Ø www.russomania.com/-Cinema-russe-

Ø www.sensesofcinema.com

Ø http://site.voila.fr/cineclub/

Ø http://site.voila.fr/larevueducinema/index.html

Ø www.surlimage.info/

Ø www.unesco.org/culture/industries/cinema/html_fr/divers.shtml

Ø www.univ-tlse2.fr/esav/net/

Ø www.univ-tlse2.fr/lara/index.php?menu=ok

Ø http://users.skynet.be/fralica/refer/theorie/theocom/lecture/lirimage/cinema.htm

Ø http://us.imdb.com

Ø www.vadeker.club.fr

Ø www.version-finale.com/accueil.php3

TABLE DES MATIERES

Introduction

Première partie : le cadre conceptuel et théorique des mécanismes de

construction de sens

Chapitre 1 : Les apports théoriques successifs à la connaissance du cinéma

I- Le cinéma : un langage d'art

II- Les premiers apports de la sémiologie du cinéma

A- Les apports de la sémiologie de l'image

B- Les autres fondements théoriques et pratiques de la sémiologie du

cinéma

III- Les apports de la sémio-linguistique du cinéma

IV- Les apports de la sémio-pragmatique du cinéma

V- Les apports de la pragmatique du film

VI- Les apports des recherches sur la communication

A- Le modèle de Sol Worth

B- Les apports de l'approche relationnelle de la communication

C- L'approche constructiviste du film

D- L'approche semio-contextuelle

1. Les processus de contextualisation spatiale

2. Les processus de contextualisation physique et sensorielle

3. Les processus de contextualisation temporelle

4. Les processus de positionnement et de structuration des relations

5. Les procédures d'appel, de construction ou d'émergence de normes

6. Les processus de la qualité des relations

7. Les processus d'expression identitaire

Chapitre 2 : Une approche historique et théorique des effets sur les

spectateurs

I- La perception primitive et le behaviorisme

II- Les influences recherchées

III- Les raisons invoquées de l'influence du cinéma sur le spectateur

A- La puissance de l'image et la passivité du spectateur

B- Les apports de la psychanalyse à l'étude de l'influence du cinéma

C- L'identification

D- Les degrés de participation-identification

E- Le déplaisir filmique

IV- L'estimation du plaisir (vs déplaisir) filmique grâce aux pré-tests

A- Les différents pré-tests

B- La censure économique

C- L'attitude des réalisateurs face aux pré-tests

D- Les pré-tests dans le cinéma français

V- L'expérience et la culture cinématographique des spectateurs français

A- L'apprentissage de la technologie du cinéma

B- L'apprentissage des codes filmiques

C- La culture cinématographique des français

1. Les films patrimoniaux

2. Les films qui attirent les cinéphiles érudits

3. Les films des jeunes

4. Les films qui plaisent surtout aux femmes

5. Les films qui plaisent surtout aux hommes

D- L'écart entre les goûts annoncés par les spectateurs et leur

comportement

Chapitre 3 : Le langage cinématographique et sa grammaire

I- Les caractéristiques du langage cinématographique

II- Les différents codes filmiques

III- La grammaire du cinéma vue par les réalisateurs

A- les réalisateurs qui pensent qu'une grammaire existe et la respectent

B- Les réalisateurs qui pensent qu'une grammaire existe mais peut,

voire doit évoluer

C- Les réalisateurs qui pensent qu'il n'existe pas de grammaire

cinématographique

D- Les réalisateurs qui s'imposent des règles pour s'obliger à être

plus créatifs

Chapitre 4 : L'approche narratologique

I- La distinction entre le récit et l'histoire

II- L'analyse des récits et l'écriture d'un scénario

A- Les fonctions de Propp

B- L'analyse actancielle de Greimas

C- Le paradigme ternaire de Field

D- La structure mythique pour les scénaristes

E- L'apport de la psychanalyse à la narration

F- Les apports de la narratologie modale

Chapitre 5 : Les éléments et les codes de la bande image

I- Image photographique et image cinématographique

II- La polysémie de l'image

III- De l'image à une combinaison d'images

IV- L'échelle de plan

A- Le choix de l'échelle de plan et les effets recherchés

B- Les effets des échelles de plan sur les spectateurs

C- Règles à respecter ou limites à franchir ?

V- La profondeur de champ et la distance focale

A- Le choix de la distance focale et les effets recherchés par le réalisateur

B- Les effets d'une combinaison de la distance focale et de la profondeur

de champ

VI- Le code des changements d'angle de prise de vues

VII- Le code des mouvements de caméra

A- Le panoramique

B- Le travelling

C- Le zoom

VIII- Les autres codes spécifiques de la bande-image

A- La durée du plan

B- La vitesse de défilement

1. Le ralenti

2. L'accéléré

VII- Le code du montage

A- L'effet Koulechov

B- La séquence

C- La grande syntagmatique

D- Les éléments de liaison : utilisations et significations

1. Les liaisons par fondu

2. L'ouverture/fermeture à l'iris

3. Le volet

E- L'utilité des raccords techniques 

F- Les règles pratiques de montage

1. La règle d'un changement important de la valeur de plan 

2. Le principe du champ-contrechamp.

3. La règle des 180°

4. La règle des 30 degrés, ou du changement d'angle important.

G- La théorie du montage intellectuel d'Eisenstein 

VIII- Les codes non spécifiques de la bande image

A- L'influence des couleurs

B- La lumière et l'éclairage

C- Le code gestuel

D- Le code des vêtements

E- Le code des effets spéciaux

Chapitre 6 : Les codes de la bande son

I- Les différents éléments de la bande-son

II- Les relations images-sons

III- Les sons synchrones et les sons post-synchronisés

IV- Les codes non spécifiques de la bande-son

A- Les voix et les paroles

B- Les bruits

C- La musique

Chapitre 7 : Les genres cinématographiques 

I- De la difficulté de définir un genre cinématographique

A- Les différentes classifications des genres cinématographiques

B- Les niveaux de différenciation des genres

C- Le modèle sémantico-syntaxique

II- L'utilité des genres et de leur analyse

III- La reconnaissance sociale d'un genre

IV- L'information donnée aux spectateurs : les indicateurs de genre

V- Le style : son influence sur les spectateurs et son analyse

Conclusion de la première partie

Deuxième partie : L'étude qualitative des mécanismes de construction de sens

Chapitre 1 : Réflexion et choix méthodologique

Chapitre 2 : la réalisation d'un film en plusieurs versions

I- Les scénarii

II- Les cinq versions filmées

A- Le découpage technique de la version 1 : le mari effondré

B- Le découpage technique de la version 2 : le mari commanditaire

C- Le découpage technique de la version 3 : le mari volage

D- Le découpage technique de la version 4 : le mari intéressé et

planificateur

E- Le découpage technique de la version 5 : le mari intéressé et sans état

d'âme

III- Différences et points communs entre les cinq versions

IV- Les objectifs de sens du réalisateur

A- Les objectifs de sens dans la version 1 

B- Les objectifs de sens dans la version 2 

C- Les objectifs de sens dans la version 3

D- Les objectifs de sens dans la version 4 

E- Les objectifs de sens dans la version 5 

Chapitre 3- L'organisation de chaque interview et le guide d'entretien

I- L'organisation matérielle et l'accueil des participants

II- Le guide d'entretien

III- Le nombre et l'organisation des réunions

Chapitre 4 : L'analyse longitudinale des cinq versions

I- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 1 

II- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 2

III- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 3

IV- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 4 

V- L'analyse des interviews suite à la diffusion de la version 5

VI- Conclusions des analyses longitudinales des cinq versions

Chapitre 5 : L'analyse transversale des cinq versions

I- L'analyse comparative des interviews suite à la diffusion des

versions 1, 2 et 3

A- Le plan 1

B- Le plan 2

C- Le plan 3

D- Le plan 4

E- Le plan 5

F- Le plan 6

G- Le plan 7

H- Le plan 8

I- Le plan 9

J- Le plan 10

K- Le plan 11

L- Le plan 12

M- Le plan 13

N- Le plan 14

O- Le plan 15 et fin de la première partie

Q- La comparaison des résultats aux tests de l'histoire à compléter

R- Reprise : le plan 15 B

S- Le plan 16

T- Le plan 17

U- Le plan 18

V- Le plan 19

W- Le plan 20

X- Le plan 21

Y- Le plan 22

II- L'analyse comparative des interviews suite à la diffusion

des versions 4 et 5

A- Le plan 1

B- Le plan 2

C- Le plan 3

D- Le plan 4

E- Le plan 5

F- Le plan 6

G- Le plan 7

H- Le plan 8

J- La comparaison des résultats aux tests de l'histoire à compléter

K- Le plan 9 de reprise

L- Les plans 10 à 15

M- Le plan de fin

III- Conclusion de l'analyse transversale 

Conclusion générale

Bibliographie

Ouvrages et thèses

Articles

Revues

Netographie

Annexes

Annexe I: L'analyse filmique

Annexe II : Les apports de la sémiologie et de la sémiotique

Annexe III : Une analyse historique des utilisations du cinéma dans un esprit

manipulateur

Annexe IV : Le genre des films policiers

Annexe V : La retranscription des quinze interviews de groupe

A- Réunion 1

B- Réunion 2

C- Réunion 3

D- Réunion 4

E- Réunion 5

F- Réunion 6

G- Réunion 7

H- Réunion 8

I- Réunion 9

J- Réunion 10

K- Réunion 11

L- Réunion 12

M- Réunion 13

N- Réunion 14

O- Réunion 15

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ANNEXES

Annexe I: L'analyse filmique

Annexe II : Les apports de la sémiologie et de la sémiotique

Annexe III : Une analyse historique des utilisations du cinéma

dans un esprit manipulateur

Annexe IV : Le genre des films policiers

Annexe V : La retranscription des quinze interviews de groupe

Annexe I : L'analyse filmique

De nombreux auteurs opposent le spectateur normal au spectateur-analyste. Ils avancent que le premier cherche avant tout à se faire plaisir tandis que le second a pour but de comprendre le film ou l'extrait d'un film afin de produire un document d'analyse. « Analyste et spectateur normal ne recevraient pas le film de la même manière puisque le premier cherche précisément à se distinguer du second, à ne plus se laisser dominer comme lui par le film » (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.12-13)

Spectateur normal

Spectateur-analyste

- Passif, ou plutôt, moins actif que l'analyste, ou plus exactement encore, actif de façon instinctive, irraisonnée.

- Il perçoit, voit et entend le film, sans visée particulière.

- Il est soumis au film, se laisse guider par lui.

- Processus d'identification

- Pour lui, le film appartient à l'univers des loisirs.

- Actif, consciemment actif, actif de façon raisonnée, structurée.

- Il regarde, écoute, observe, visionne le film, guette, cherche des indices.

- Il soumet le film à ses instruments

d'analyse, à ses hypothèses.

- Processus de distanciation

- Pour lui, le film appartient au domaine de la réflexion, de la production intellectuelle.

Plaisir

Travail

(Vanoye et Goliot-Lété, op cit, p.13)

Alors que le spectateur normal se laissera prendre par le film, le spectateur-analyste devra faire un effort sur lui-même. Comme l'écrit Raymond Bellour (1989, p.26-27), « l'analyse du film est une opération coûteuse. Il y a d'abord ce coût psychique de l'arrêt sur image qui a longtemps marqué un seuil et constitue la condition préliminaire de toute analyse (...) Il faut accepter d'interrompre le défilement, le fantasme si fort qui s'y attache, accepter de ne se situer ni du côté de la mouvance ni côté de la fixité, mais entre les deux ».

1- Le film en tant qu'objet d'analyse

Nous ne nous intéresserons pas à tous les films mais seulement aux films de fiction.

Cette limitation de notre champ de recherche était nécessaire tant les autres catégories de films - les films industriels, les films pédagogiques, les films expérimentaux, les films pornographiques et les films de famille - ont leurs propres spécificités. Elle se justifie aussi par le fait que pour la plupart des spectateurs « le seul cinéma qui compte, le cinéma tout court , c'est le film de fiction » (Odin, 1995, p.5-6). Film de fiction dont la formule de base fut donnée par Christian Metz : « une grande unité qui nous conte une histoire ».

Dans une perspective d'analyse, le film peut être considéré « comme une oeuvre artistique autonome, susceptible d'engendrer un texte (analyse textuelle) fondant ses significations sur des structures narratives (analyse narratologique), sur des données visuelles et sonores (analyse iconique) produisant un effet particulier sur le spectateur (analyse psychanalytique). » (Aumont et Marie, 2000, p.8)

Eléments à analyser

Type d'analyse

Texte

Analyse textuelle

Structures narratives

Analyse narratologique

Données visuelles et sonores

Analyse iconique

Effet sur le spectateur

Analyse psychanalytique

(D'après Aumont et Marie, 2000)

Ce découpage des éléments constitutifs d'un film et leur analyse respective omettent une réalité. Certains auteurs considèrent, en effet, qu'un film est, avant tout, le résultat d'une combinaison d'éléments (narratifs ou non, esthétiques, techniques, etc.) et que de leur interaction résulte une construction formelle qu'ils appellent le système stylistique413(*).

D'autres ajoutent une dimension poétique, voire métaphysique comme Agel (1994). Aussi propose-t-il une approche méthodologique rigoureuse qui rende compte de l'élément poétique : « l'essence du cinéma est poético-mythique ; c'est le repère que je donne, comme point de vue synthétique. Après, il y a le point de vue analytique : plan par plan. Voilà deux garde-fous : une idée-mère : fonction poétique et mythique du cinéma ; et, en même temps : vérification par l'écriture, la stylistique » (Agel, 1994, p.39).

Plus récemment, cette dernière a donné naissance à un autre type d'analyse : l'analyse stylistique (Bordwell et Thompson, 2000, p.431-364). Le style étant un système qui coordonne les techniques cinématographiques et qui se caractérise par un emploi répété et remarquable de certaines d'entre elles, dans un film ou dans toute l'oeuvre d'un cinéaste (ou d'un groupe de cinéastes), son analyse nécessite de nombreuses connaissances. En conséquence, un spectateur « normal» sera dans l'impossibilité de procéder à une analyse stylistique par manque de connaissances méthodologiques et techniques dans, toute ou partie, des différents types d'analyses, sans parler de son état d'esprit fondé davantage sur le plaisir que sur le travail. Autrement dit, il en aura ni le savoir-faire ni la volonté. On retrouve, dans ce constat, l'opposition que font de nombreux auteurs entre le spectateur normal et le spectateur-analyste, le premier cherchant avant tout à se faire plaisir. (Vanoye et Goliot-Lété, op. cit., p.12-13).

Les quatre étapes de l'analyse stylistique proposées par Bordwell et Thompson sont :

1- Déterminez la nature de l'organisation structurelle du film et de son système formel (narratif ou non-narratif)

2- Identifiez les procédés techniques remarquables

3- Décrivez les modes d'organisation de ces procédés remarquables

4- Proposez des fonctions pour les procédés techniques remarquables et les ensembles structurés qu'ils constituent.

Dans la première étape, il s'agit de comprendre de quelle façon le film forme un tout. Est-ce par la narration ou non ? Si c'est un film narratif, la narration fournira aux spectateurs un récit, c'est-à-dire des événements avec leurs relations causales, leur ordre chronologique, leur durée, leur fréquence et leurs situations spatiales. A partir de ce récit, qui peut être structuré de façon plus ou moins explicite - avec des ellipses, des parallèles, des omissions, etc. - le spectateur imaginera, reconstituera par déduction une histoire, c'est-à-dire l'ensemble des événements qui sont supposés avoir eu lieu. Dans l'hypothèse assez rare où il ne s'agirait pas d'un film narratif, par exemple dans le cas d'un film expérimental non-narratif, son organisation structurelle devra être cherchée, par exemple par thèmes et sous-thèmes traités, par motifs visuels, par émotions ou idées évoquées, etc.

Dans la deuxième étape, en s'appuyant sur ses connaissances cinématographiques et, notamment, des codes spécifiques, le spectateur, tout au long du visionnage du film, fera attention aux techniques utilisées, les identifiera, les nommera, distinguera celles qui correspondent à la grammaire de base, de celles qui transgressent les règles codiques, estimera leur importance et la fréquence de leur utilisation. «Il vous faut être capable d'observer précisément les couleurs, l'éclairage, le cadrage, le montage et le son, autant d'éléments que la plupart des spectateurs ne remarquent pas consciemment. Une fois que vous saurez les remarquer, vous pourrez les identifier comme techniques - repérer et nommer, par exemple, une musique extra-diégétique ou une contre-plongée » (Bordwell et Thompson, p.434-435). Il est surtout important dans une analyse stylistique de repérer les écarts, les inattendus, les transgressions, les non-conformités aux règles stylistiques classiques, les innovations, autrement dit tout ce qui fait que le film se distingue des autres par un style particulier, son originalité. Autrement dit, l'approche stylistique doit développer, chez le spectateur, une sensibilité aux procédés techniques.

Dans une troisième étape, l'analyse du style consiste à chercher comment les procédés techniques identifiés constituent des ensembles structurés. Sont-ils utilisés tout au long du film ou seulement dans une seule de ses parties ? Sont-ils associés à d'autres procédés techniques ? D'une manière classique ou d'une manière imprévue ? Par exemple, la rapidité du tempo musical est-elle liée ou non à l'accélération du montage ? Les flashbacks sont-ils précédés par un fondu enchaîné et leurs couleurs sont-elles modifiées (éventuellement le noir et blanc est-il adopté à la place) ? De plus, comme l'écrivent Bordwell et Thompson (2000, p. 436) : « Vous pouvez chercher à découvrir les façons dont le style vient renforcer des schémas narratifs ou non-narratifs. Dans n'importe quel film, la « ponctuation » entre les parties nécessite l'utilisation d'éléments stylistiques particuliers (des fondus, des raccords, des fondus enchaînés, des changements de couleurs, des ponts sonores, etc.). Dans un film narratif, les scènes sont généralement structurées, rencontre, conflit, résultat ; structuration que le style reflète souvent avec, par exemple, un montage de plus en plus marqué et des plans de plus en plus rapprochés ».

La quatrième et dernière étape de l'analyse stylistique a pour but de découvrir le rôle des procédés techniques employés et les fonctions des ensembles structurés qu'ils constituent.

Dans le film en cours d'analyse, les mouvements de caméra sont-ils utilisés pour leur fluidité ou pour créer un effet de suspense ? C'est à ce stade de l'analyse que l'on se rencontre que les procédés techniques sont parfois utilisés, en quelque sorte, à contre-emploi (par rapport à la grammaire de base). Une plongée ne signifie pas forcément l'infériorité et la contre-plongée la puissance. « Il n'y a pas de dictionnaire qui indiquerait la signification de tous les procédés stylistiques ; l'analyste doit observer minutieusement l'ensemble du film, la structuration de ses procédés techniques et les effets particuliers sur la forme. Le sens n'est qu'un type d'effet parmi d'autres, il n'y a aucune raison de s'attendre à ce que tout trait stylistique possède une signification thématique » (Bordwell et Thompson, 2000, p.437).

Ils considèrent, en effet, qu'un procédé technique - ou une combinaison de plusieurs procédés - peut avoir pour fonction principale, voire unique, d'attirer l'attention du spectateur : « Une partie du travail du réalisateur consistant à diriger notre attention, le style peut avoir une simple fonction perceptive, celle de nous faire remarquer des choses, de faire valoir un élément par rapport à un autre, de nous égarer ou nous éclairer, intensifier ou complexifier notre appréhension de l'action » (p.437-438).

Cette méthodologie de l'analyse stylistique nécessitant une assez bonne connaissance des techniques cinématographiques, elle ne nous semble pas être, contrairement à ce que prétendent ses auteurs, à la portée du spectateur normal, au sens de Vanoye et Goliot-Lété.

Et aurait-il ces compétences techniques, en aurait-il le courage et le goût, le spectateur normal cherchant avant tout en regardant un film à se faire plaisir ?

Combien de spécialistes du cinéma, universitaires et critiques, regrettent-ils, de ne plus pouvoir regarder un film « normalement, comme tout le monde », car trop habitués à appliquer une méthodologie ou grille d'analyse ? (Philippe, 1999).

2- L'analyse d'un film  

Le spectateur normal ne procède pas à une véritable analyse, quel qu'en soit le type. Dans le meilleur des cas, il peut échanger un avis avec d'autres spectateurs normaux. Cet échange de points de vue qui débouche, éventuellement, sur la formulation de critiques n'a que peu à voir avec une analyse filmique. D'où la boutade de Truffaut, chaque spectateur a deux métiers, le sien et celui de critique de cinéma.

L'analyse filmique est généralement définie de deux façons différentes (Vanoye et Goliot-Lété, 2001, p.9) :

- l'activité d'analyser un film ou un extrait,

- et le résultat de cette analyse.

a) L'activité d'analyse

Raymond Bellour (1989) dans son ouvrage intitulé L'analyse du film414(*) justifie ce titre en écrivant : « ces mots que j'ai choisis pour titre, supposent l'existence d'une activité propre, qui consisterait à analyser des films. Comme on analyse des textes, ou des tableaux. » (p.9).

L'analyse filmique est une activité principalement descriptive, « non modélisante, même là ou elle se fait parfois plus explicative » (Aumont, Marie, p.11), qui consiste à décomposer un film ou extrait en ses éléments constituants.

Comme l'écrivent Vanoye et Goliot-Lété (p.9-10) : « c'est mettre en morceaux, découdre, désassembler, prélever, séparer, détacher et nommer des matériaux qu'on ne perçoit pas isolément à l'oeil nu car on est happé par la totalité ». Après cette phase de déconstruction qui équivaut à la description, l'analyste cherche à établir des liens entre les différents éléments isolés et à comprendre comment ces derniers s'associent pour « faire surgir un tout signifiant ».

L'existence de ces deux phases, celle de déconstruction suivie de celle de reconstruction - que l'on appelle fréquemment l'interprétation - pourrait faire croire en l'existence d'une méthode universelle d'analyse de film. Il n'en est rien ; il n'existe pas plus de méthode universelle d'analyse filmique qu'il n'existe de théorie universelle du cinéma. « Il n'existe pas, malgré ce qui en a parfois été dit ici ou là, de méthode universelle d'analyse de films. Il existe des méthodes, relativement nombreuses, et de portée plus ou moins générale mais, du moins à ce jour, elles restent relativement indépendantes les unes des autres ». (Aumont et Marie, p.11).

La diversité des éléments constituants font du corps de l'analyse un « corps fuyant : on ne peut vraiment ni le citer, ni l'étreindre. Il est polysémique aussi, de façon excessive, et sa matière, pétrie d'iconicité, d'analogie fait échec au langage » (Bellour, 2002, p.19).

C'est sans doute l'une des raisons pour laquelle, certains voient dans l'analyse de film une sorte d' « art sans avenir », une « activité particulière », «un genre théorique à part », des références bibliographiques « utiles mais ambigus », « sans autre justification que la plénitude trompeuse liée à l'acte d'analyse même » (Bellour, 2002, p19)415(*).

b) Les buts et les résultats de l'analyse

L'activité ou la pratique de l'analyse fait souvent suite à une commande notamment d'institutions scolaires et universitaires, dans le cadre d'examens (baccalauréat), de concours (Capes, Agrégation, etc.) ou de recherches. Roger Odin, par exemple, parle de « l'analyse filmique comme exercice pédagogique »416(*).

Ainsi, l'épreuve écrite d'analyse filmique fait partie de la pré-admission du Concours National de la FEMIS (Fondation Européenne des Métiers de l'Image et du Son) et de l'écrit du concours d'admission, section cinéma, à l'Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière.

L'épreuve d'analyse - d'une durée de trois heures, hors le temps de la projection -

du concours d'entrée à la FEMIS « a pour visée d'évaluer chez les candidats l'acuité perceptive, le sens esthétique et l'intelligence des moyens de la mise en scène (...). Les candidats doivent montrer en quoi et comment les différents composants visuels et sonores de l'extrait proposé - qu'ils décriront avec la plus grande précision possible - concourent à donner à la scène sa forme, son sens et sa tonalité ».417(*)

Le résultat de l'analyse d'un film ou d'un extrait peut prendre différentes formes (document écrit, document audiovisuel, document mixte) mais sa forme la plus courante est celle d'un texte. Sa longueur dépend du temps dont dispose l'analyste pour l'élaborer, surtout lors d'une épreuve d'examen ou de concours. En trois heures, comme c'est le cas pour les concours d'entrée à la FEMIS et à l'Ecole Louis Lumière, il est rare que le nombre de pages ne dépasse quatre pages et encore moins six.418(*)

Son contenu dépendra également des instruments d'analyse utilisés par l'analyste, de leur nombre, de leur diversité, de leur utilisation plus ou moins approfondie.

Catégorie d'Instruments

Exemples d'informations et de données

Instruments descriptifs

- le découpage par plans,

- la segmentation, 

- la description des images,

- les tableaux, graphiques et schémas,

- etc.

Instruments citationnels

- l'extrait de film,

- le photogramme,

- les musiques originales des films,

- les bandes-sons,

- etc.

Instruments documentaires

- le scénario, le budget du film, le plan de production,

- les interviews, reportages sur le film, etc.

- les critiques, etc.

- les analyses déjà publiées, etc.

Aussi, la plupart des auteurs reconnaissent que l'analyse de film est interminable, « puisqu'il restera toujours à quelque degré de précision et de longueur que l'on atteigne, de l'analysable dans un film » (Aumont et Marie, p.29). Même dans le cadre d'une recherche approfondie, « jamais une analyse n'est parvenue à épuiser la richesse de l'oeuvre...La vérité n'est pas dans le résultat qui ne peut être jamais atteint, elle est dans la démarche » (Opritescu, 1997, p.17).

Les préoccupations du spectateur-analyste sont donc bien loin de celles du spectateur normal. Ce dernier profite du film dans son entier, sans tenir compte spécifiquement de ces différentes composantes, tandis que le spectateur-analyste, confronté à la variété des instruments, à la diversité des objets d'analyse et des voies d'approche d'un film, se doit de choisir un objet d'analyse (extrait, plan, etc.) et sa méthode d'analyse. Pour chaque film qu'il souhaite analyser, l'analyste est, en conséquence, confronté à des choix et donc prend des risques. Selon Aumont et Marie (p.66), « ce qui guette l'analyse de films, c'est donc entre autres la dispersion (quant à l'objet) et l'incertitude (quant à la méthode).

Le but des commandes scolaires et universitaires est la formation du spectateur et éventuellement de futurs professionnels du cinéma. Dans le premier cas, il s'agit de donner aux élèves et étudiants le savoir et le savoir-faire nécessaires pour qu'ils puissent procéder à une véritable analyse s'ils en ont la volonté ou, plus simplement, pour développer leur esprit critique.

En plus des institutions scolaires et universitaires, les commanditaires d'une analyse filmique peuvent être des organes de presse, des éditeurs, des sociétés de production, etc. qui souhaitent des analyses écrites (articles, critiques, livres, etc.), audiovisuelles ou mixtes d'un ou plusieurs films, voire de tous les films d'un même réalisateur, des bandes-annonces de films récents appartenant à un même genre cinématographique, etc. Les buts poursuivis sont, malgré tout, du domaine de la formation initiale ou continue, à travers l'information et l'analyse des films qui ont marché commercialement, l'analyse de genre, l'analyse de style, etc.

L'existence ou non d'une commande n'enlève rien à ce que certains considèrent comme le but premier de l'analyse filmique. Comme l'écrit Nicolas Opritescu : « le premier but de l'analyse est le nourrissement de la vocation et le progrès personnel ». Et ceci est tout aussi important, à ses yeux, pour :

- un jeune en formation qui se doit de tenter « de comprendre la façon dont travaillent les grands auteurs de films, leurs pourquoi et leur comment » (...) « Seul moyen pour qu'un jour il n'y ait plus de mauvais films » (Opritescu, p.2-3)

- que pour un metteur en scène, pendant la réalisation d'un film, qui n'a pas le droit à la recherche, au tâtonnement. « Quand ce n'est pas l'argent, c'est le temps qui lui manque. Alors on se nourrit des chefs d'oeuvre des autres (...) en essayant d'y déceler le ou les secrets (...). L'analyse filmique comme révélateur des manques personnels, source d'émulation secrète, Malher corrigeant Mozart, sublime impiété ! » (Opritescu, p.18-19).

Aussi, cette auto-construction de soi-même et l'auto-perfectionnement, grâce à l'analyse, sont-ils souvent avancés : « l'analyse accompagne, précède ou suit fréquemment le travail de création des films : il n'est pour s'en convaincre que de lire les textes ou entretiens de grands cinéastes, de Epstein ou Gance à Eisenstein, de Hitchcock à Fritz Lang ou Ingmar Bergman et Truffaut » (Vanoye et Goliot-Lété, p.8).

3- L'utilité réelle de l'analyse filmique et les critiques formulées à son égard

L'utilité réelle et la fiabilité de l'analyse filmique sont des sujets récurrents. A la question : pourquoi étudier les films ? « La réaction du bon sens serait de protester : le cinéma, comme les bananes, se consomme sur place. Inutile d'y revenir, trêve de ratiocinations. D'ailleurs à quoi cela sert-il ? L'autre question tout aussi meurtrière est : l'auteur a-t-il bien voulu dire ce que vous voyez dans cette oeuvre » (Liandrat-Guigues et Leutrat, 2001, p.157).

Le spectateur normal n'en a pas besoin pour prendre du plaisir à regarder un film. Le spectateur-analyste peut, à force de découpage, de déconstruction et de reconstruction, trouver des interprétations auxquelles le réalisateur lui-même n'avait pas pensé, voire créer des règles qui limitent la création.

Un constat que fit Pedro Almodovar : « J'ai répondu à des questions que des étudiants se posaient sur mes films. Or ce qui m'a frappé, c'est que, clairement, mon opinion ne ressemblait pas du tout à ce que leur avaient appris leurs professeurs. Je les sentais perdus, déroutés, non par la complexité de mes réponses, mais au contraire, par leur simplicité. Ils imaginaient que j'allais leur exposer toutes sortes de règles précises et mûrement réfléchies, mais la vérité, c'est qu'il y a soit trop, soit trop peu de règles, et que je connais des centaines d'exemples qui prouvent qu'en brisant chacune de ces règles, on peut quand même faire du bon cinéma. (...) « On peut apprendre le cinéma, dans une moindre mesure, en regardant des films. Le danger, néanmoins, quand on fait ça c'est que l'on risque de tomber dans le piège de l'hommage. On regarde la façon dont filment certains grands maîtres et ensuite, on essaie de les imiter dans ses propres films. » (Almodovar, in Tirard, 2004, p.30-31).

Les grands réalisateurs d'aujourd'hui sont, en effet, très partagés sur l'intérêt d'analyser les films pour apprendre la mise en scène.

Certains comme Emir Kusturica et David Lynch sont plutôt favorables à un apprentissage par l'analyse de films. Ainsi Emir Kusturica (in Tirard, 2004, p.83-84) déclarait lors d'une interview : « J'ai enseigné le cinéma pendant deux ans à l'Université de Columbia, à New York, et j'en ai retiré le sentiment qu'il est impossible d'offrir à quiconque un parcours fléché sur la façon de réaliser un film. En revanche, je crois qu'il est possible de projeter certains films et de les analyser afin de montrer, sur des exemples précis de scènes ou de plans, comment chaque auteur utilise son propre talent pour fabriquer un film (...). Si vous apprenez ensuite à distinguer et à comparer toutes ces approches du cinéma, au bout du compte, vous devez pouvoir arriver à déterminer et à fabriquer celle qui sera la vôtre en tant que cinéaste ». Quant à lui, David Lynch (in Tirard, 2004, p.122) avoue : « je n'ai pris qu'un seul cours de cinéma dans ma vie, avec un professeur qui s'appelait Franck Daniel. C'était un cours d'analyse, dans lequel il montrait des films aux élèves en leur demandant de ne se concentrer que sur un seul élément : la photo, le son, la musique, le jeu des acteurs, etc. Après, on discutait de l'utilisation de cet élément particulier dans le film, on comparait nos notes et on trouvait des tas de choses incroyables ».

D'autres, comme Jean-Pierre Jeunet et Jean-Luc Godard sont beaucoup plus réticents. Selon Jean-Pierre Jeunet : « C'est un grand danger des écoles de cinéma : j'ai l'impression qu'on dit aux élèves « il faut faire comme ça », alors qu'on devrait leur dire « moi je fais comme ça (...) Il n'y a aucune règle générale. Toutes les approches sont bonnes, du moment que le film fonctionne. C'est à chacun de trouver sa propre formule » (Jeunet, in Tirard, 2004, p.49-50). Jean-Luc Godard est plus catégorique encore : « L'idée de donner un cours tel qu'il se pratique dans les écoles, c'est-à-dire de projeter un film et d'en parler ensuite, c'est une idée qui me déplaît, voire qui me choque. Le cinéma, il faut en discuter en le voyant, concrètement, avec l'image devant soi. Dans la plupart de ces cours, les élèves ne voient rien : ils voient ce qu'on leur dit qu'ils ont vu. » (Godard, in Tirard, 2004, p.211).

Les réalisateurs ne sont pas les seuls à s'interroger sur l'utilité de l'analyse des films, à mettre en garde contre les interprétations abusives, la théorisation excessive, l'utilisation d'une terminologie d'exclusion plus que de démocratisation.

L'analyse des films n'est pas une activité nouvelle. « On pourrait presque dire, en forçant un peu les choses, qu'elle est née en même temps que le cinéma » (Aumont et Marie, 2000). Toutefois, la théorisation de l'analyse des films n'a débuté que vers 1965-1970, au travers des travaux et recherches universitaires ou para-universitaires, et « en étroite liaison avec les débuts de la théorie moderne de cinéma, d'un genre d'analyse, plus poussée, plus systématique, ce qu'on a parfois un peu abusivement appelé l'analyse structurale ».(Aumont et Marie, 2000, p.4)

Dès le milieu des années soixante dix, les termes d'analyse filmique sont entrés dans les moeurs en raison, selon certains, de « l'avantage d'une compréhension immédiate par l'analogie avec l'analyse littéraire bien connue et pratiquée par tous les bacheliers » (Opritescu, 1997, fascicule 1, p.17).

De nombreux auteurs le regretteront. « Le si prometteur mariage entre sémiologie, psychanalyse et marxisme cèdera la place à un académisme formaliste, enfermé dans le ghetto universitaire. Cherchant à serrer toujours de plus près, dans un geste se réclamant d'un statut scientifique, « le fonctionnement du texte filmique », ces travaux constituent, trop souvent, un véritable slalom pour contourner le sens, pour esquiver l'analyse thématique honnie. » (Burch, 1993, p.15). Pire selon Burch : « Imitant le formalisme littéraire, il sombre dans une quête dérisoire, de structures universelles qui seraient la source de « notre plaisir », celui du public atemporel, sans classe, sans sexe, sans visage ».

D'autres ont critiqué l'approche trop théorique. Louis Skorecki s'insurgea, dès la fin des années 70, contre l'approche structuraliste et les courants marxiste et psychanalytique et s'interrogea sur l'intérêt de décortiquer les films « avec dégoût hautain (sémiologiquement, avec Metzitude et ça-gesse419(*) ?) (Storecki, 2001, p.161). Henri Agel qui créa, en 1972, à Montpellier, le premier enseignement de cinéma dans une université française partage la même inquiétude quant à l'évolution de l'enseignement universitaire : « je pense aux fiefs de la sémiologie. En ce moment je me dis : tout de même, ce cinéma, il a mis bien du temps à s'imposer, mais il ne faudrait pas qu'il fût récupéré par des gens qui sont impitoyables, qui atomisent. Il n'y a pas d'exaltation. (...) Je ne crois pas que le structuralisme soit dilatant (...) Je pense que le cinéma est vibration, est bergsonien, dans la mesure où il n'est pas atomisant. » (Agel, 1994, p.37)  

Des critiques plus récentes viennent d'auteurs anglo-saxons et concernent principalement le style et la façon de s'exprimer de certains théoriciens et universitaires français. Jullier en cite quelques unes dans son ouvrage  Qu'est-ce qu'un bon film ?  : Gregory Currie parle de « beaucoup de jargon inexpliqué, utilisé d'une manière si peu systématique que le sens ne peut pas être inféré de l'usage » . Trevor Whittock regrette les efforts qu'il fit pour saisir ce que Christian Metz a voulu dire : « Tout cela n'aurait-il pas pu être dit sans jargon ». Ian Jarvie emploie le terme de frenchspeak comme synonyme de langage ésotérique et écrit « ne pas obliger le lecteur à avoir lu ce que j'ai lu et vu ce que j'ai vu pour comprendre ce que j'écris ».

David Bordwell « en appelle à Nietzsche (Les lecteurs ont tendance à trouver profond ce dont ils ne voient pas le fond) et propose que « chaque phrase soit impossible à comprendre de travers »420(*) (Jullier, 2004, p. 222-223).

Pédantisme, absence de vocabulaire commun, ces critiques sont fréquentes. Jullier enfonce le clou en concluant : « L'université, depuis qu'elle s'intéresse au cinéma, n'a pourtant pas réussi à banaliser hors de ses murs un seul terme spécialisé ; même le très utile « diégèse », lancé il y a cinquante ans par l'Ecole de filmologie, souffre encore de connotations péjoratives ».

Annexe II : Les apports de la sémiologie et de la sémiotique

Le terme de sémiologie est utilisé depuis l'Antiquité dans le domaine médical. Du grec séméion (signe) et logos (discours), la sémiologie médicale consiste à interpréter les signes des maladies, les symptômes et syndromes, associations de symptômes parfois complexes à diagnostiquer.

En sciences humaines, le terme de sémiologie est utilisé à partir du début du XXième siècle pour nommer « une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » (Saussure), une science générale des signes, de tous les signes avec lesquels nous communiquons.

Le développement de la sémiologie (non médicale) est souvent attribué à un linguiste, Ferdinand de Saussure421(*), et à un logicien et philosophe, Charles Sanders Peirce.

Saussure part de l'idée que nous ne communiquons pas seulement avec la langue mais aussi avec d'autres signes tels que ; « les rites symboliques, les formes de politesse, les signaux militaires, etc. » pour concevoir « une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale (...) qui nous apprendra en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent ». Cette science, Saussure la nomme la sémiologie. Il la considère comme une science générale des signes dont la linguistique - pourtant la spécialité de Saussure - ne serait qu'une branche.

Presque simultanément, Peirce a le même souhait, créer une science générale des signes, qu'il appelle Semiotics (Sémiotique).

Toutefois, la différence entre les deux approches, celle de Saussure et celle de Peirce, est plus importante qu'il n'y paraît, faisant dire à certains que « la sémiotique de Charles Sanders Peirce n'a quasiment rien à voir avec la sémiologie de Ferdinand de Saussure » (Odin, 1990, p.11). Et cette différence ira en augmentant avec leurs disciples respectifs, y compris dans les domaines de l'image et du cinéma (Gervereau, 2004).422(*) Les deux termes - sémiologie et sémiotique - ne sont donc pas synonymes. Leur histoire et leur usage sont différents.

La sémiotique, d'origine anglo-saxone, est « le terme canonique qui désigne la sémiotique comme philosophie du langage. (...). La sémiologie, d'origine européenne, a été longtemps comprise comme l'étude des langages particuliers non verbaux (images, gestuelle, théâtre, etc.), mais correspond plus à la première période « linguistico-structuraliste » de la réflexion (1960-1970), concentrée sur les notions de signe et de code qu'à la période suivante concentrée sur le problème de signifiance de l'image (1975-1990).» (Joly, in Mucchielli, dir., 1996, p.214423(*)).

Ferdinand de Saussure définit le signe comme une entité psychique à deux faces, avec

un signifiant et un signifié.

Ferdinand de Saussure424(*), pour les définir, prit l'exemple d'une pièce de monnaie qui possède un côté pile et un côté face, bien sûr, indissociables. Le signifiant ne peut être séparé de son autre face artificiellement isolée, le signifié, comme s'il s'agissait des deux versants d'une même réalité. L'ensemble du signifiant (forme du signe) et du signifié (contenu du signe) représente la signification que l'on peut saisir, qui est proposée à qui voudra bien comprendre (Dobiecki, 1996, p.39). La plupart des linguistes post-saussuriens considèrent toujours qu'un signe est constitué de deux éléments : une forme appelée le signifiant, qui est associée à un contenu, ou signifié.

Charles Sanders Peirce, quant à lui, s'est davantage intéressé à la façon dont les signes sont porteurs de sens et au rôle intermédiaire de la pensée. Selon lui, tout est signe dès lors que c'est saisi par la pensée. Aussi est-il souvent considéré comme celui qui a introduit le pragmatisme dans l'analyse des signes.

Contrairement aux saussuriens qui pensent que la signification est inhérente au signifiant, le pragmatisme s'intéresse aux rapports entre signe et individu, aux effets pratiques qu'il peut produire sur l'esprit de l'individu. Cette conception fut à l'origine de la sémiotique appliquée, notamment de la sémiotique de l'image.

Dans cette optique, Peirce considère que le signe est composé non pas de deux éléments (le signifiant et le signifié) mais de trois : le signifiant, l'objet ou référent, et le signifié. Le signifiant est la face perceptible du signe. L'objet ou référent est ce que le signifiant représente. Le signifié ou interprétant ce qu'il signifie.

Selon Martine Joly (in Mucchielli (dir.), 1996, p.209) : «Ce diagramme (ci-dessous) représente la dynamique minimale de tout processus sémiotique, dont la signification dépend aussi du contexte de son apparition, de l'attente de son récepteur, et ne se réduit jamais au seul référent. Celui-ci (ou dénoté) s'étoffe de toute une aura de signification (les connotations) liées au contexte, aux acteurs, et à la spécificité de chaque acte de communication ».

S

Signifié

Interprétant

St Objet

Signifiant Référent

Representamen

A la suite de Peirce, l'école percienne, américaine, se développe « grâce à Charles Morris dans trois directions principales : - la sémiotique pure qui concerne la linguistique et la philosophie du langage ; - la sémiotique descriptive, d'inspiration behaviouriste, qui étudie les comportements sociaux non verbaux (gestion socio-culturelle de l'espace, du temps, de la gestuelle), des langages non verbaux (image, vêtements...) ; - la sémiotique appliquée, intéressée par la pragmatique, les rapports entre signe et individu » (Joly, 1994, p.13).

L'école saussurienne, européenne, évolue, quant à elle, dans deux directions principales : la sémiologie de la communication et la sémiologie de la signification. Ainsi, il est fréquent que les post-saussuriens soient classés selon leur plus ou moins grande orthodoxie linguistique :

- « les plus orthodoxes425(*) n'étudient que la seule communication intentionnelle utilisant des codes composés d'un nombre fini d'éléments tels que les langues, le code morse, le code de la route, (...) et ainsi de suite. On parle d'une sémiologie de la communication».

- les plus souples contribuent à développer une sémiologie de la signification, « pour laquelle un code peut être un système ouvert, voire flou ; et peut toujours être considéré comme code ou champ d'observation structuré, dès lors qu'il produit des significations et qu'on le choisit comme objet d'étude426(*). (Joly, 1994, p.13)

Pour résumer, on peut donc dire que la sémiotique renvoie à la tradition peircienne et la sémiologie à la tradition saussurienne ; « l'opposition linguistique se double ici d'une opposition des pères fondateurs, mais aussi, plus fondamentalement, d'une opposition entre des modèles théoriques qui n'ont pas du tout le même corps de références : le pragmatisme américain dans le cas de Peirce, le structuralisme dans le cas de Saussure » (Odin, 1990, p.16).

Alors que Peirce, partant du principe que les signes n'avaient pas tous la même valeur, proposa une typologie des signes fondée sur le degré d'évocation (indice, icône, symbole), les post-saussuriens orthodoxes privilégièrent l'aspect intentionnel ou non du signe.

Dans cette optique, la sémiologie de la communication distingue les signes communicatifs des signes expressifs, selon que le signe est intentionnel ou non. « Même si un vêtement peut se faire le support ou le véhicule de significations socio-culturelles évidentes, il paraît peu probable (aux linguistes post-saussuriens « orthodoxes ») qu'il soit porteur d'un message intentionnel ; les tenues vestimentaires relèveraient donc d'une catégorie particulière de signes que Buyssens et Prieto nomme l'indice » (Meunier et Peraya, 1993, p.35). Un indice est : « un fait immédiatement perceptible qui nous fait connaître quelque chose à propos d'un autre fait qui ne l'est pas » (Prieto, 1966)427(*).

A ces indices, signes expressifs, ces auteurs distinguent les signes communicatifs, grâce auxquels se fait une véritable communication ; ils les appellent des signaux. Ces signaux sont des signes conventionnels produits volontairement par l'émetteur pour être reconnus par le destinataire (par exemple, le code de la route).

En conséquence, l'émetteur, ou destinateur, a un rôle essentiel puisqu'il donne au signe une valeur de signal par sa volonté, son intention de communication, « son intention et son degré de conscience » selon Umberto Eco428(*).

En matière cinématographique, cette distinction est toutefois sujette à caution. La tenue vestimentaire d'un acteur, considérée par ces post-saussuriens comme un indice, étant choisie parfois avec beaucoup de soins, de volonté, d'intention par le costumier, l'acteur, voire le réalisateur lui-même, serait plutôt un signal, selon leur propre définition.

Les post-saussuriens moins orthodoxes, plus souples au sens que leur a donné Joly (1994), ont développé une sémiologie de la signification. Roland Barthes en fut l'un des précurseurs. La sémiologie de la signification se refuse à réduire le champ de la sémiologie aux seules significations intentionnelles, autrement dit aux signaux. Cela d'une part parce que la distinction sur le critère d'intentionalité, très discriminant, n'est pas forcément adéquate, comme nous venons de le voir dans le domaine cinématographique, d'autre part parce que les significations sont loin d'être explicites.

Aussi, « sous la double poussée de la psychanalyse et du matérialisme historique, en pleine expansion tant théorique que méthodologique dans les années 70, la sémiologie de la signification se donne pour tâche d'analyser le système de signes en tant qu'ils sont produits par une classe sociale déterminée » (Meunier et Peraya, 1993, p.36). Autrement dit, l'objectif de la sémiologie de la signification est de découvrir la signification sous-jacente du système de signes. Elle part du principe que « chaque catégorie du texte (filmique, théâtrale, littéraire, etc.) possède son propre langage qui peut être déchiffré aux termes du contexte culturel dans lequel il est inséré » (Lazar, 1991, p.135).

Annexe III : Une analyse historique des utilisations du cinéma dans un esprit manipulateur

A- L'utilisation du cinéma à des fins politiques

Selon Liandrat-Guigues et Leutrat (2001, p.34), « Le cinéma a été considéré dans le même temps par des types de gouvernement très divers (mais se rejoignant bien quelque part, dans leur désir de contrôle et d'expansion), les Etats-Unis, l'Union soviétique et l'Allemagne nazie, comme un enjeu de taille : alphabétiser, unifier la nation, conquérir le monde. »

Il n'est donc pas étonnant que certains réalisateurs aient été en quelque sorte utilisés par les hommes politiques.

A la sortie de La Ligne générale, les consignes que Staline donna à Eisenstein avant son départ pour les Etats-Unis étaient claires : « Puisque vous avez l'intention de vous rendre aux Etats-Unis, étudiez le cinéma sonore en détail. C'est important pour nous. Lorsque nos héros seront dotés de la parole, la force de l'influence des films augmentera considérablement »429(*).

Revers inévitable de l'utilisation du cinéma comme média de propagande, la censure a sévi en URSS, comme dans tous les autres pays où les autorités politiques et/ou militaires avaient des arrière-pensées. Selon Max Ferro430(*), « Les lieux de censure et d'autocensure sont multiples en URSS, mais les cinéastes savent les contourner ; ils ne manquent pas non plus au pays de la liberté, dès qu'il s'agit des gestes de l'amour, de l'objection de conscience ou des conflits coloniaux - encore que là, on puisse se demander si l'autocensure ne vient pas surtout des spectateurs... ».

En Allemagne, le cinéma a été utilisé comme un outil de propagande, principalement de 1933 à l'effondrement du nazisme et cela comme tous les autres arts. Mais, comme le déclarait Fritz Hippler (Capitaine SS, Directeur de la section cinématographique du Ministère de la propagande de Goebbels ) « comparé aux autres arts, le cinéma par sa faculté d'agir directement sur le sens poétique et l'affectivité (et donc sur tout ce qui n'est pas intellectuel) a, dans le domaine de la psychologie des masses et de la propagande, un effet pénétrant et durable ».431(*) En plus de nombreuses interdictions de diffusion, de réalisation et d'exploitation de films pour des raisons diverses (antisémitisme, anticommunisme, etc.), l'Allemagne nazie a produit des films vantant les valeurs du national-socialisme en vue de construire le troisième Reich pour 1000 ans. Dès 1933, sort le premier film considéré comme national-socialiste, Hitlerjunge Quex (Le jeune hitlérien Quex). Réalisé par Hans Steinhoff qui s'est inspiré d'une histoire vraie d'un jeune écolier assassiné par des communistes en 1932, ce film mettait en exergue l'esprit de sacrifice de la jeunesse et donnait l'occasion à Hitler de rendre hommage aux allemands, y compris les plus miséreux, qui lui avaient permis son accession au pouvoir.

Le premier film de fiction antisémite semble être Die Rothschilds de Erich Waschineck (1940) qui relate l'origine de la banque au lendemain de Waterloo, ce qui permet de dénoncer en même temps la communauté juive et la Grande Bretagne, seule en guerre contre l'Allemagne. Toutefois, le film antisémite le plus célèbre est celui de Veit Harlan, Jude Süb (1941), une commande de l'Etat432(*), dans lequel les stéréotypes sont poussés à l'extrême : le rabbin est habillé en noir, fortement typé, constamment courbé, signe de fourberie, etc. autant « de signes connotés négativement afin d'élaborer un type juif, à la fois universel et éternel » (De Voghelear, 2001, p.106)

B- La censure morale aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la puissance des images fut à la fois crainte et utilisée ce qui explique que le cinéma fut sans doute l'art le plus touché par la censure, que cette dernière soit axée sur la morale, soit à buts idéologiques et politiques, ou utilise des moyens économiques. (Pecha, 2000)

Dès 1915, une censure morale se met en place aux Etats-Unis. Dans son arrêt de 1915, « Mutual Film Corporation vs Industrial Commission o f Ohio », la Cour Suprême décide que le cinéma « ne peut pas bénéficier de la protection de la liberté d'expression » et laisse penser de façon implicite que le cinéma peut être capable of evil .

En conséquence de quoi, le cinéma doit pouvoir être contrôlé, et cela d'autant plus qu'il attire un grand nombre de personnes et qu'il peut influencer facilement les gens (Lagayette et Sipière, 2002). ²Cette jurisprudence sera maintenue jusqu'en 1952 et eut des effets surprenants sur le sens d'un film : « Un film peut être complètement différent pour un spectateur de New York que pour celui de l'Ohio. (...) Ce qui est plus grave, c'est qu'un film peut perdre complètement son sens quand un sujet est banni d'un Etat. Par exemple, la Pennsylvanie n'accepte pas les références à la grossesse et coupe tout ce qui lui a trait. Ainsi le film de Cecil B. DeMille Kindling (1915) se voit amputé de plusieurs scènes puisqu'il raconte l'histoire d'une femme qui tombe enceinte. Se retrouvant dans le besoin, elle n'a d'autre solution que de voler son employeur. Une fois que ce dernier découvre qu'elle a fait cela pour partir avec sa famille dans un environnement plus sain, il abandonne les poursuites contre elle et finance même son voyage. Le spectateur de Pennsylvanie a dû rester perplexe devant son écran puisque, à aucun moment du film, il n'a pu découvrir que l'héroïne était enceinte ». (Pecha, 2000, p.20-21)

En 1921, pour éviter le pire, c'est-à-dire une réglementation stricte pleine d'interdits, les grands studios américains (Paramount, MGM, 20th Century Fox, Warner, RKO, Universal, United Artists et Columbia ) créent la MPPDA433(*), une association de producteurs et de distributeurs de films américains, dont le but était de moraliser l'industrie cinématographique.434(*)

En 1927, grâce au travail de la MPPDA, un code de bonne conduite est publié sous le nom de Don't and Be Carefuls (les choses à ne pas faire et les choses auxquelles il faut faire attention).

Les Don't and Be Carefuls

Les Don't.

Ne devraient pas figurer dans un film :

- les remarques de nature profane comportant les mots Dieu, Seigneur, Jésus, Christ

- Toutes les expressions profanes ou vulgaires

- Toute nudité licencieuse ou suggestive, visible ou en silhouette et toute remarque lubrique ou licencieuse émise par un personnage du film

- Les trafics de drogue

- Toute référence aux perversions sexuelles

- L'esclavage blanc

- Toutes les relations sexuelles et amoureuses entre Blancs et Noirs

- Les organes sexuels d'enfants

- Ridiculiser le clergé

- Toute offense à n'importe quelle race, nation ou croyance

Les Be Carefuls.

Il faut faire attention à la façon de traiter :

- L'utilisation du drapeau américain

- Les relations internationales. Il faut éviter de reproduire de manière non favorable la religion, l'histoire, les institutions, etc. d'un pays

- Les incendies volontaires

- L'utilisation des armes à feu

- Le vol, le braquage, etc.

- La brutalité et toute chose macabre

- Les techniques pour commettre un meurtre

- Les techniques de contrebande

- La sympathie pour les criminels

- L'évocation de personnes publiques et des institutions

- La sédition

- La cruauté apparente envers les enfants et les animaux

- La vente des femmes ou une femme qui vendrait sa vertu

- Le viol ou la tentative de viol

- Les scènes de la première nuit d'amour

- Un homme et une femme ensemble dans un lit

- Les dialogues sur la séduction des filles

- Les baisers excessifs et luxurieux

- L'institution du mariage

- Les opérations chirurgicales

- La consommation de drogues

- Les titres ou scènes ayant un rapport avec la loi ou des représentants de la loi.

En 1930, sous la pression des ligues féminines, religieuses et politiques, les grands studios s'accordent sur un nouveau code de la production : le Motion Picture Code. Ce code, plutôt que de faire une liste forcément incomplète de recommandations, donne des principes généraux de responsabilité du cinéma envers le public, notamment trois principaux :

- « On ne produira pas de film susceptible d'abaisser la moralité de ceux qui le verront. Ainsi, la sympathie du public n'ira jamais aux vices, au péché et au mal.

- On montrera un mode de vie décent, ne dépendant que des exigences de l'intrigue et divertissement.

- On ne ridiculisera pas la loi, naturelle ou humaine, et on ne créera pas de sympathie pour ceux qui la violent. ».

Toutefois, comme le fait remarquer Pecha (2000, p.27), le code de la production donne quelques applications précises concernant : le crime, la brutalité, le sexe435(*), la vulgarité, l'obscénité, le blasphème et le sacrilège, la religion, les costumes, les danses, les décors, le sentiment national, les titres et les sujets repoussants. Mais aussi, des indications concernant des éléments filmiques tels que les décors et les titres des films : « Certains endroits (chambres) sont associés de façon indéniable à la vie sexuelle et tout autre péché sexuel que leur utilisation doit être soigneusement limité. Les maisons de débauches, de prostitution ne sont pas des lieux convenables pour un drame. (...) Les titres salaces, indécents ou obscènes ne doivent pas être utilisés » (Pecha, 2000, p.164).

Ce code fut appliqué d'une manière assez stricte, les premières années, par la PCA436(*) (Guillen, 2001), une administration de la production créée par les studios d'Hollywood. 437(*)

Le Code Hays ne fut abrogé qu'en 1966 (Cieutat, 1988).

Comme le fait remarquer Jean-Pierre Bourget (2002, p.127), « l'ensemble des interdits et recommandations concerne aussi bien la situation scénaristiques que l'image (le « langage cinématographique ») et, bien entendu, le langage proprement dit (mots tabous dans le dialogue).

C- Les effets de la censure sur la création cinématographique aux Etats-Unis

Pour échapper à cette censure morale qui limitait la création, les cinéastes eurent recours aux changements de contextes : spatial, temporel, normatif, identitaire, etc.

Concrètement, les cinéastes placèrent tout simplement l'histoire de leur film  dans une période ancienne ou dans une culture différente. « Le code Hays est alors tolérant, l'éloignement dans le temps et l'espace est un gage de liberté. Les orgies romaines, l'immoralité des villes bibliques de l'Ancien Testament sont acceptées sans difficulté. L'adultère est plus recevable hors du territoire américain, surtout s'il est situé dans des régions méditerranéennes où la passion semble plus indigène (Intermezzo). De même, les seins nus des femmes exotiques sont acceptables, comme pour les Polynésiennes de Mutiny on the Bounty ( Les Révoltés du Bounty) car il s'agit d'une tradition ethnique à « valeur documentaire ». (Pecha, 2000, p.45-46). Cela n'a pas empêché que Jane, interprétée par Maureen O'Sullivan, assez dévêtue dans Tarzan et sa compagne (Cedric Gibbons et Jack Conway, 1934), voit son pagne et sa chemise se rallonger deux ans plus tard dans Tarzan s'évade (Richard Thorpe, 1936).

Le Code eut également pour effet de stimuler « l'imagination des cinéastes (comme celle du spectateur) en rappelant qu'un euphémisme peut se transformer en litote, qu'il peut être plus efficace de suggérer que de montrer explicitement (...). C'est sans doute l'aspect le plus intéressant du Code dans sa conséquence esthétique : le recours à une rhétorique visuelle soit métonymique, soit métaphorique permettant de suggérer ce qu'il était interdit de montrer ou de dire, ce dont il fallait faire l'économie ou l'ellipse » (Bourget, 2002, p.2002).

Rappelons que la rhétorique existe depuis environ 2500 ans. Le traité d'Aristote (384 avant J.C.) sur la rhétorique comme art du discours et de la parole feinte fait toujours autorité.

Les figures classiques de rhétorique telles que l'ellipse, la métaphore, l'hyperbole, la métonymie, etc. furent adaptées au discours cinématographique.

Une rhétorique visuelle s'est alors codifiée notamment pour évoquer les relations amoureuses et l'acte sexuel.

La banalisation des formules en a fait des clichés : « étoffant et corsant la simple ellipse temporelle, l'accent peut être mis, de manière métonymique, sur l'environnement propice ou complice (plan romantique du clair de lune), et notamment sur le prélude amoureux (étreinte ou baiser passionné suivi d'un fondu au noir) ou, symétriquement sur la phase succédant à l'accomplissement (iconographie du feu de bois et de la peau d'ours devant la cheminée). » (Bourget, 2002, p.128). Autre cliché, la consommation de cigarettes ou d'alcool pour dénoter soit l'avant soit l'après, « avec le même effet de sens », selon Bourget (2002, p.128) mais aussi celui du lit défait aux draps froissés.

Certains réalisateurs utilisèrent également les métaphores pour suggérer l'acte sexuel proprement dit : une vague qui déferle, une porte forcée ou une fenêtre ouverte par l'orage, etc. Comme l'écrit Cieutat (1991, p.102) : « La fenêtre peut être un substitut sexuel efficace comme dans On the Beach ( Le Dernier rivage, Stanley Kramer, 1959) où l'une d'entre elles sépare Gregory Peck et Ava Gardner : elle s'ouvre d'un seul coup, le couple s'embrasse, la caméra les cadre en panoramiquement autour d'eux. Stanley Kramer obéit de la sorte au Code tout en étant très explicite : l'ouverture de la fenêtre signifie le proche accouplement et le mouvement d'appareil atténue la suggestion en fuyant leur tendre enlacement ».

Des évocations qui paraissent, souvent trop évidentes à certains qui les traitent, avec mépris, de clichés. Pourtant, les plus grands réalisateurs en firent usage. Cieutat (1991, P.102) cite, par exemple, le film Lolita (1962) dans lequel Stanley Kubrick « fait s'asseoir Sue Lyon sur le rebord d'une fenêtre, un pied sur la table de James Mason où figure en bonne place un autre symbole sexuel privilégié des cinéastes : une assiette avec un oeuf sur le plat »

Alfred Hitchcock fut également un virtuose du genre. Dans La mort aux trousses, il suggère l'acte prohibé par un train qui entre dans un tunnel au moment où Cary Grant entraîne Eva Marie Saint sur la couchette d'un wagon-lit.

Dans Les Enchaînés, il détourne la règle absurde imposant une durée maximale d'un baiser en demandant à Cary Grant et Ingrid Bergman de se toucher les lèvres que pendant les 3 secondes autorisées mais de répéter ce prude baiser plusieurs fois de suite, faisant de cette série l'un des plus longs baisers de l'époque...

Preuve s'il en était qu'un code cinématographique peut ne pas être respecté, voire n'a pas à l'être.

D- L'utilisation du cinéma américain à des fins politico-militaires

La deuxième utilisation du cinéma par les gouvernants américains fut plus idéologique et politico-militaire que morale.

Dès la seconde guerre mondiale, la production cinématographique fut très influencée par le débat stratégique et donna naissance à ce que certains appellent le cinéma de sécurité nationale. Lorsque la guerre éclata en Europe, un sondage Gallup révéla que 84% des Américains souhaitaient la victoire des Alliés, mais que 96% désiraient voir leur pays rester en dehors du conflit. C'est alors que le Président Roosevelt compta « sur le cinéma pour agir sur une opinion publique plus que réticente face à l'entrée en guerre des Etats-Unis » (d'Hugues, 1999, p.47).

Mais comme le fait remarquer Valantin (2003), ce n'est qu'à partir de 1942 qu'un lien étroit est créé entre les autorités militaires et le monde du cinéma : «  l'institution militaire américaine, composée de trois grandes armées (l'Army, la Navy, l'Air force), a « un rapport vital, organique, au cinéma qui permet d'articuler les forces de défense aux grands mythes, aux processus de légitimation politique et à l'actualité par la mise en scène héroïsante de leurs personnels et de leurs pratiques (...). Cette articulation remonte à 1942 (...) après que Franklin Roosevelt ait convoqué à la Maison-Blanche les plus grands réalisateurs de l'époque dont John Ford et Franck Cappa, pour leur passer commande de dizaines de films dans la perspective de la mobilisation psychologique du pays, le ministère de la Guerre installe un bureau de liaison à Hollywood. » (Valantin, 2003, p.18).

Depuis cette collaboration s'est à la fois intensifiée et diversifiée, aussi bien en matière d'objectifs poursuivis que de moyens mis en oeuvre. Elle fut également à l'origine de la célébrité de certains réalisateurs 438(*). L'un des effets le plus facilement mesurable sur les spectateurs, montrant la puissance du média-cinéma, est l'augmentation du nombre de volontaires pour la Navy qui subissait depuis la fin de la guerre du Vietnam une crise de recrutement. La Navy décida alors de participer à la production de Top Gun (1989) de Tony Scott. Elle lui prêta, comme dans un placement de produit (Chirouze, 2002), un porte-avions, des avions, des pilotes. La Navy mit au point des chorégraphies aériennes et de nouveaux moyens de filmer en vol. En contrepartie, elle demanda à Tony Scott de filmer les avions au décollage et à l'atterrissage du porte-avions, également pendant les scènes de combat au-dessus de l'océan, pour affirmer le caractère « Navy » du film. « Le succès de celui-ci fut tel que la Navy installa des bureaux de recrutement à la sortie des salles ; ce qui semble-t-il, d'après la Navy, joua un rôle non négligeable dans la résolution de sa crise de recrutement. » (Valantin, 2003, p.19).

L'utilisation idéologique du cinéma fut poussée à son paroxysme quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale, lorsque la lutte contre le communisme devint une priorité pour les autorités américaines. Alors que pendant la guerre, l'Union soviétique fut, à la demande du Président Roosevelt, plus que célébrée par Hollywood, une période de chasse aux communistes dans tous les secteurs d'activité y compris le cinéma débuta avec la guerre froide439(*) et dura plusieurs décennies. Cette période noire pour le cinéma américain, le maccarthysme, porte le nom du sénateur du Wisconsin JoeMacCarthy qui prit la tête de cette croisade de 1950 à 1954.

L'HUAC, une commission des activités anti-américaines, après de multiples auditions de professionnels du cinéma, dressa la fameuse liste noire des dix d'Hollywood. En réalité, la liste de dix professionnels du cinéma condamnés à des peines allant de 6 mois à 1 an de prison et à 1 000 et 10 000 dollars d'amende.440(*)

Il serait faux de croire que l'utilisation du cinéma à des fins idéologiques se soit achevée avec la disparition de l'URSS. Les cibles ont changé mais les pratiques demeurent.

Les attentats du 11 septembre 2001 sont un tournant dans les relations entre les autorités américaines et Hollywood. « Le 11 novembre 2001 se tient à Hollywood une rencontre entre des représentants des grands studios, le président du syndicat des acteurs, le puissant et redouté Jack Valenti, et Karl Rove, éminent conseiller politique du président George W. Bush. Le but de la réunion est la coordination de la politique étrangère américaine, dominée par la « guerre contre le terrorisme » avec les productions hollywoodiennes » (Valantin, 2003, p.137).441(*)

Conséquence plus inattendue de la nouvelle politique américaine, sous la présidence Bush, pour ses positions contraires aux « intérêts américains » en Irak, la France est devenue une cible que ne ménage pas un certain cinéma américain.

E- L'utilisation du cinéma à des fins idéologiques en France

La France, elle-même, n'a pas échappé à l'utilisation du cinéma à des fins idéologiques. Nous ne reviendrons pas ni sur les films d'après la première guerre mondiale, ni sur la période de l'occupation nazie, paradoxalement favorable au cinéma français442(*).

Citons, seulement le parti pris d'un de nos plus célèbres réalisateurs, Abel Gance qui avait réalisé en 1927 son Napoléon. Un film qui fut dès sa sortie à l'origine d'une polémique, qualifié par certains de chef d'oeuvre visionnaire pour lequel Gance invente le triple écran, ancêtre du « Cinérama » (Rapp et Lamy, 1999), par d'autres de film fasciste443(*). Gance persiste dans ses convictions politiques. « Dès le 11 novembre 1940, date choisie symboliquement, Abel Gance avait donné à Nice (en zone libre) le premier tour de manivelle de Vénus aveugle, 444(*) ambitieuse allégorie de la France souffrante et régénérée, dédiée au maréchal Pétain. » (d'Hugues, 1999, p.42).

Depuis les années cinquante, le cinéma est, en quelque sorte, plus revendicatif et contestataire, plus éloigné des pouvoirs, également plus éducatif que propagandiste. Certains auteurs expliquent ce phénomène par le manque d'enjeux ou par notre culture humaniste. Comme l'écrivent Liandrat-Guigues et Leutrat (2001, p.34-35), « Dans des pays comme la France, où l'esprit de conquête appartenait au passé et où l'influence des Lumières et de la tradition laïque était grande, on a pensé que le cinéma aurait une fonction éducative sur les « masses ». Y compris prophylactique (antialcoolique..) ».

Marc Ferro, dans la préface d'un ouvrage collectif consacré aux institutions de l'image (Bertin-Maghit et Fleury-Vilatte, dir., 2001), semble toutefois regretter que contrairement aux cinéastes américains qui chantent l'épopée de leur pays, soit par le Western, soit par des films de sécurité nationale445(*), « en France, pendant ces cinquante dernières années, rares sont les films qui ont porté sur ce qui a généré l'identité de la France : la défense des droits de l'homme et la Révolution française (à moins d'en stigmatiser les excès), les combats de la République (à moins d'en divulguer les scandales). Notre épopée cinématographique est la dénonciation, à juste titre souvent, des travers de toutes les institutions - l'armée, l'école, etc. (...) De sorte que le cinéma ne contribue guère au renforcement de la république, alors que ses cinéastes se veulent démocrates et libertaires, défenseurs de ses droits. »

Un avis que partage largement l'historien Max Gallo qui regrette que les Français et les différentes pages de leur histoire soient toujours montrés sous leur mauvais jour, par leurs propres compatriotes.

Ferro insiste également sur le fait que « la réception des images ou de ces récits change elle aussi avec le temps qui passe, et notre perception de l'histoire, car elle évolue avec notre expérience et nos sensibilités - ce que nous avions esquissé en comparant l'accueil fait à La Grande Illusion en 1938 et en 1946. »

La variable temps est, en effet, essentielle dans la perception des images par les spectateurs.

Les cinéastes le savent et les idéologues qui les poussent voire les manipulent et les financent également.

Sylvie Lindeperg (2001) le montre très bien en analysant le processus de production d'un film à l'aide d'une méthode dite du cinéma en action, qui emprunte à la cybernétique l'image de la boîte noire : « Plutôt que de considérer le cinéma comme une boîte noire dont on étudierait que les entrées (l'histoire du temps présent) et les sorties (les « films faits), il s'agit d'y pénétrer à l'intérieur afin d'atteindre le coeur du processus de fabrication du film.

Cette démarche suppose d'assembler les couches d'écriture de ce que j'appelle le film-palimpseste (les versions successives des scénarios et découpages ; les contrats et les budgets ; les dossiers de la commission de censure ; les correspondances croisées entre les réalisateurs, les producteurs et les éventuels commanditaires).

Une telle démarche permet de lire, en amont, les enjeux cristallisés autour du film-en-train-de-se-faire et d'envisager l'oeuvre présentée au public comme l'aboutissement d'une série d'arbitrages de nature politique, financière, professionnelle, personnelle, etc. » (Lindeperg, 2001, p.11)

Autrement dit, plutôt que de considérer le réalisateur (ou tout autre membre de la profession cinématographique) comme seul décideur et créateur de sens, Sylvie Lindeperg, grâce à cette approche analytique du processus de fabrication d'un film, met en exergue la multiplicité des intérêts et l'idée selon laquelle le film, et donc son sens, est une résultante de plusieurs vecteurs d'intérêts. Pour bien expliquer sa méthode et ses convictions, Sylvie Lindeperg les illustre par l'analyse du processus de fabrication du film de René Clément, La Bataille du Rail. Elle étudie, comme le veut sa méthode, les contrats et les budgets de La Bataille du Rail.

Elle remarque l'entrée successive dans le tour de table successive de commanditaires et financeurs ayant des stratégies politiques divergentes (la Coopérative Générale du Cinéma Français ; le groupement Résistance Fer ; la SNCF ; le Comac, commission militaire du Conseil National de la Résistance). « Ces archives suggèrent de nouvelles hypothèses explicatives quant à la translation stylistique (abandon de la voix off pour des dialogues, diversification des personnages, translation du documentaire vers la fiction, etc.) et narrative à l'oeuvre dans le film de René Clément ». Elle en conclut que l'objectif « idéologique » du groupe de résistance communiste a été dilué par l'entrée de nouveaux partenaires dans le financement du film. Ironie de l'histoire, le capital (certes d'une société nationale) prenait le dessus sur la lutte des classes. « Glissant d'une logique de classe à une logique d'entreprise, La Bataille du Rail, initiée par un groupe de Résistance communiste sous la forme d'un court-métrage documentaire souhaitant glorifier la classe ouvrière, se transformait en une fiction unanimiste chargée d'imposer le mythe d'une SNCF tout entière engagée dans la lutte contre l'occupant. » (Lindeperg, 2002, p.21).

Cet exemple montre que la volonté d'utiliser idéologiquement le cinéma est toutefois freinée par des considérations économiques.

Les producteurs ne se bornent pas à chercher les moyens financiers nécessaires à la réalisation d'un projet ; ils l'orientent et l'accompagnent de la genèse à la sortie du film. Leur participation à un projet dépendra de l'intérêt qu'ils lui trouvent, celui-ci pouvant être artistique, idéologique, mais étant le plus souvent financier.

Cette dépendance de la création cinématographique à l'égard des producteurs et, en conséquence par le biais du nombre d'entrées des spectateurs pousse certains auteurs dont Pecha (2000) à parler de censure économique que nous traiterons pour notre part ultérieurement dans le cadre de l'adaptation de l'offre cinématographique à la demande, aux goûts des spectateurs.

F- L'utilisation du cinéma à des fins macro-économiques

Un objectif, non pas marketing, mais macro-économique peut être également poursuivi par les gouvernants d'un pays grâce au cinéma.

Dans la préface de l'ouvrage de Philippe d'Hugues, L'envahisseur américain. Hollywood contre Billancourt, (1999), Hervé Lavenir de Buffon, Président du Centre d'études et d'action européenne, considère que les Etats-Unis ont « la volonté de conquête totale, non seulement du marché européen et mondial, mais - bien au-delà des domaines du film, de la télévision, de la communication par l'image et le son - de tout l'empire of mind que Winston Churchill désignait comme l'un des empires du futur ».446(*)

Cette volonté n'est pas nouvelle, elle remonte aux années vingt447(*), époque au cours de laquelle le Président Hoover déclarait : « Là où le film américain pénètre, nous vendons davantage d'automobiles américaines, plus de casquettes, plus de phonographes américains ».

Que dire, pour finir, des films qui ne semblent pas a priori véhiculer d'idéologie ?

Jean-Loup Bourget (2002, pp.149-179) semble considérer, dans un chapitre entier qu'il consacre à l'idéologie, que tous les films en ont une part : « De manière explicite ou sous-jacente, délibérément ou à leur insu, les films véhiculent une idéologie, ils sont inscrits dans un contexte social et politique, national et international, auquel ils ne sauraient entièrement échapper : faire un film d'évasion est encore une façon de réagir à ce contexte, de même que l' « apolitisme » est une attitude politique parmi d'autres » (Bourget, 2002, p.149).

Le contenu idéologique n'est pas seulement le fait des cinéastes, il peut être également celui des spectateurs, amateurs ou critiques, dès lors que ces derniers jugent qu'un film propage, même de manière diffuse et implicite, certaines valeurs, par exemple de l'American way of life, aux dépens d'autres valeurs, d'autres cultures (Bourget, 2002).

Annexe IV : Le genre des films policiers

Contrairement aux idées reçues, le genre des films policiers a des contours tout aussi mouvant que les autres genres cinématographiques. « Comme toutes les tentatives de classification, les contours des genres cinématographiques sont éminemment mouvants ; chaque auteur y allant de sa note personnelle. Il y a aura le thriller, le film criminel, le polar, le film de gangsters, celui de suspense, ou carrément noir, ou encore, plus classiquement le film d'enquête, etc. » (Philippe, 1999, p.40)

Olivier Philippe a analysé quarante films policiers français sortis entre 1965 et 1992448(*).

De cette analyse méticuleuse des 40 films à l'aide d'une classification automatique449(*), il ressort que les films policiers s'inscrivent dans des espaces particuliers, caractéristiques du genre.

L'auteur parle de spacialisation filmique. Il isole cinq classes d'endroits qu'il regroupe en trois types d'espace « riches de sens » : 1- Les espaces du désordre : - les endroits troubles450(*), les espaces de transit451(*) ; 2- les espaces policiers : - la maison policière (généralement un commissariat, un poste ou hôtel de police), la police et la rue ; 3- un monde à part : la province.

Les espaces policiers sont des lieux où s'expriment tous les rapports de travail entre personnages policiers (hiérarchie, autres policiers secondaires ou d'arrière-plan, héros policiers). La maison policière se caractérise par une circulation des policiers à l'intérieur d'un lieu clos, coupé de l'extérieur. L'espace de la rue côté police est, bien entendu, à l'extérieur, et représente le terrain de chasse des policiers.

La province constitue un monde à part qui se singularise par la large place faite aux membres de la société civile, aux notables et aux charmes discrets de la bourgeoisie.

L'analyse factorielle effectuée a permis de repérer trois axes de regroupement principaux correspondant aux trois indices d'inertie les plus élevés. Le premier axe touche à la nature des situations de mise en scène (Intérieur/Extérieur), ce qui somme toute est assez classique. Le deuxième axe d'inertie, également prévisible, concerne les situations proprement policières (Présence du corps policier/ Absence-Manque de la police). Quant au troisième, il se réfère à la nature des rapports sociaux (Structuration socio-politique ordonnée/ Structuration anomique).

Mais, ce qui est le plus intéressant dans cette étude approfondie sur un corpus important composé notamment de données chronométrées est qu'elle a permis « de dégager une sorte de loi générale de structuration des films policiers qui fait de ces derniers - dans la forme et dans le fond - de véritables allégories de l'ordre. » (Philippe, 1999, p.360)

L'allégorie de l'ordre s'inscrit dans un mouvement dramaturgique que l'on peut résumer ainsi :

1) un problème est posé (un désordre a lieu)

2) une recherche est entreprise pour résoudre le problème (un représentant de l'ordre est chargé de l'enquête)

3) le problème est résolu (l'ordre est rétabli).

Certes, on retrouve ici la structuration classique en trois actes qui rassure à la fois les cinéastes et les spectateurs. «L'idée d'une forme de structuration générale apparaît, par exemple, lorsque Alain Bonnot explique l'intérêt de réaliser un film policier : « Au départ, c'est le fait de pouvoir raconter les histoires qu'on veut, mais avec une charpente disons sécurisante pour le public ou même pour le cinéaste, tout simplement ». A l'évidence, la charpente dont il est question ici s'apparente à cette structuration générale que l'on cherche à dégager. (...) Cette charpente serait rassurante parce qu'elle est habituellement utilisée. Rassurante, elle favorisera aussi la réceptivité du spectateur. » (Philippe,1999, p.369)

Au-delà d'une application du paradigme ternaire, l'analyse statistique des résultats permet de préciser la structuration d'un film policier, plus exactement la structuration des films policiers français entre 1965 et 1992. De trois actes, la structuration passe à 5 périodes qui correspondent à l'apparition répétitive de certains éléments significatifs du genre policier.

La première période (entre 0 et 9mn) est celle de l'entrée en action. Elle se situe plutôt à l'extérieur, sur des voies de communication et avec différents types de véhicules. Il s'agit d'une période privilégiée pour les délits. La présence policière est limitée à des policiers de second rang. Les lieux de justice justifient les entrées ou sorties des tribunaux et prisons. L'atmosphère de cette période baigne dans la nuit avec une forte présence musicale.

La deuxième période (10 à 26mn) est celle de la mise en branle de la machine policière. Elle se situe à l'intérieur, dans les lieux de police où la hiérarchie policière organise des briefings pour les policiers de terrain qui participeront à l'enquête. Le héros policier fait son apparition dans le récit et se voit confier l'enquête. Des scènes d'intimité précisent la dimension humaine du héros. C'est également au cours de cette seconde période que les principaux traits du héros s'affirment. Le travail d'enquête commence généralement par les interrogatoires de suspects. Ces interrogatoires ont lieu dans les lieux de rencontres, souvent peu fréquentables.

La troisième période (27 à 73mn) est celle de l'enquête et de ses tâtonnements. Elle se situe toujours à l'intérieur. A côté des lieux de police et de rencontres apparaissent diverses habitations dans lesquelles ont lieu des interrogatoires de routine. Pour entrer dans l'intimité des personnages qu'il rencontre et faciliter leurs épanchements, le héros policier travaille seul.

La quatrième période (74 à 93mn) est celle de la veillée d'armes. Elle est également située à l'intérieur, dans les lieux de justice et/ou ceux de rencontre. Les moyens de transport réapparaissent mais en tant que lieux fermés et statiques. Les différentes catégories de personnages policiers sont présentes lors des briefings destinés à mettre au point les derniers préparatifs avant l'action.

La dernière période (94 à 98mn) est le temps du dénouement. Elle se situe à l'extérieur. On voit réapparaître les voies de communication et l'ensemble des moyens de transport. Toutes les catégories de policiers sont présentes lors de l'interpellation du héros délinquant. « Les lieux de justice symbolisent l'endroit vers lequel sont dirigés les criminels interpellés. Le retour à l'intimité du policier symbolise ici la fin du danger. C'est le retour à la lumière et l'achèvement en musique. L'ordre initialement troublé est rétabli. » (Philippe, 1999, p.373)

Tableau général de la construction spatio-temporelle du film policier

Extérieur

Intérieur

Intérieur

Intérieur

Extérieur

0 à 9mn

10 à 26 mn

27 à 73 mn

74 à 93 mn

94 à 98 mn

Voies de communication

Lieux de justice

Nuit

Autres policiers

Véhicules statiques

Véhicules en mouvement

Véhicules terrestres

Véhicules de police

Délits

Musiques

Lieux de police

Lieux de rencontres

Héros policiers

Hiérarchie

Autres policiers

Véhicules statiques

Interrogatoire suspect

Briefing entre policiers

Intimité de policiers

Lieux de police

Lieux de rencontres

Habitations

Héros policiers

Héros délinquants

Interrogatoire routine

Interrogatoire suspect

Lieux de police
Lieux de justice

Lieux de rencontres

Héros policiers
Hiérarchie
Autres policiers

Véhicules statiques

Véhicules terrestres

Briefing entre policiers

Voies de communication

Lieux de justice

Jour
Héros policiers
Hiérarchie
Autres policiers

Héros délinquants

Véhicules statiques

Véhicules en mouvement

Véhicules terrestres

Véhicules de police

Intimité de policiers

Interpellation

Musiques

L'entrée en action

La mise en branle

Le temps de l'enquête

La veillée d'armes

Le dénouement

Cette analyse met en évidence, en plus de la structuration en plusieurs étapes, des éléments caractéristiques du genre policier, en France, au cours de la seconde partie du XXème siècle : les personnages principaux et secondaires, les lieux de l'action, l'éclairage (intérieur vs extérieur, jour vs nuit), la musique (absence ou présence), etc.

Toutefois, ces caractéristiques ne sont pas des règles formelles. Un film peut appartenir au genre policer sans les respecter. Ce qui est d'ailleurs le cas de nombreux films ou téléfilms policiers réalisés depuis 1992. De même, il est tout aussi évident que des codes du genre policier peuvent être utilisés dans d'autres genres cinématographiques.

La construction et l'évolution des règles avec le temps, leur non-exclusivité à un genre particulier, ces constats peuvent être faits pour tous les genres cinématographiques y compris dans des genres singuliers tels que le cinéma X comme l'écrit Gérard Lenne452(*) : « Très vite, le X s'est codifié, à l'instar des grands genres cinématographiques » (Lenne, 2002, p.36).

C'est l'une des raisons pour laquelle certains genres, pourtant différents, sont parfois abusivement453(*) confondus. C'est le cas du cinéma gore et du cinéma porno (ou hardcore). Selon Rouyer (1997, p.178-179) : « ces deux genres affichent des intentions semblables : filmer l'infilmable, la mort ou la jouissance (la petite mort) (...) Pour attirer le spectateur, le film nouveau promet d'aller toujours plus loin (...) Ce souci partagé de tout montrer implique une même rhétorique du montage : le gros plan pour les détails et le plan d'ensemble pour éviter l'abstraction. (...) Avec, dans les gros plans, une alternance entre le lieu de l'action (les organes génitaux, les portions de corps mutilées) et le visage des participants qui traduit les résultats de la dite action ».

Dans l'étude d' Olivier Philippe n'apparaissent que très marginalement les codes vestimentaires, les codes gestuels et autres traits pertinents, morphologiques et autres, des personnages des films policiers.

En plus de s'intéresser à la structure narrative, à l'iconographie454(*) (objets, maquillage, coiffure, visages des acteurs, décors, sons et musiques etc.), Richard Dyer (1993, p.200-219) a dressé, pour sa part, la liste de quelques-uns des traits pertinents et des particularités iconographiques dans le film noir qui désignent les homosexuels.

L'homosexuel dans le film noir

Sexe du personnage

Titre du film

Nom du personnage

Traits caractéristiques

Féminin

Le Violent (Nicholas Ray, 1950)

Martha

Ossature lourde, cheveux tirés, voix dure et agressive

Rebecca (Alfred Hitchcock, 1940)

Mrs. Danvers

Aspect sévère, cheveux tirés, voix dure

Tony Rome est dangereux (Gordon Douglas, 1967)

Irene

Obésité, cheveux assez courts, grosse voix

Adieu ma jolie (Dick Richards, 1975)

Frances Amthor

Obésité, cheveux assez courts, grosse voix

La rue chaude (Edward Dmytryk, 1961)

Jo

Tailleur, cheveux courts, habillement précis, militaire

Masculin

Le Faucon Maltais (John Huston,1941)

Cairo

Habillement méticuleux, cheveux crêpelés, parfum

L'inconnu du Nord-Express (Alfred Hitchcock, 1951)

Bruno

Habillement méticuleux, ongles soignés

Laura (Otto Preminger, 1944)

Waldo

Habillement méticuleux, amour des arts, esprit « bêcheur » 

Adieu ma belle (Edward Dmytryk, 1945)

Lindsay

Habillement méticuleux, connaisseur en vêtements

La Corde (Alfred Hitchcock, 1948)

Shaw

Habillement méticuleux, connaisseur de vins et de bonne chère, humour morbide

Philip

Habillement méticuleux, amour de la musique, romantique, hypersensibilité

Syndicat du meurtre (John Guillermin, 1968)

Quel

Vêtements criards, coiffure compliquée

Les Démons de la Liberté (Jules Dassin, 1947)

Sergent Chef Munsey

Habillement méticuleux, amour des arts, de la musique

Toutefois, depuis quelques années, y compris dans les films noirs, la caractérisation homosexuelle est moins grossière et caricaturale, notamment en raison de l'évolution des moeurs, des lois et des normes sociales.

Ce qui tend à montrer, une fois encore, qu'un code est sujet à évolution et que les spectateurs eux-mêmes, individuellement ou collectivement par le biais des groupes de pression, sont fréquemment à l'origine de changements.

Annexe IV : La retranscription des quinze interviews de groupe

A- Réunion 1 : Scénario 4 (Contrat d'assurance - il ouvre le contrat)

Participants : Claire, Noémie, Julien, Carole, Agathe, Emilie, Céline, Ludovic

Age entre 19 et 23 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale.

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Consigne de départ : Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Claire : Il n'a pas l'air bien surpris d'apprendre la mort de sa femme. En plus, apprendre la mort de sa femme par téléphone, je trouve que ça ne va pas.

Noémie : C'est vrai qu'il me semble pas surpris, même si après il picole beaucoup.

Ludovic : le moins que l'on puisse dire est qu'il le prend avec philosophie.

Rires

Que diriez-vous du personnage principal ?

Noémie : Il semble assez calme

Claire : il n'a pas d'expression

Julien : Ca se voit que c'est un cadre qui travaille dans une entreprise

Carole : il est peut-être chef d'entreprise

Emilie : ou quelque chose comme cela.

Quels sont les indices qui vous font dire cela ?

Agathe : Il est tout seul dans son bureau, il est calme, tout seul. Il ne semble pas avoir beaucoup de travail

Julien : Il a un mini-bar dans son bureau, et ce n'est pas courant.

Oui, et encore ?

Claire : il a un beau fauteuil

Céline : en cuir, en plus

Carole : des stores

Claire : c'est un grand bureau avec peu d'affaires dessus.

Ludovic : il y a la photo de sa femme, dessus

Pouvez-vous décrire la femme sur la photo ?

Ludovic : elle semble plus jeune que lui

Carole : Ah oui, plus jeune

Céline : mieux aussi

Y a-t-il d'autres objets qui ont attiré votre attention ?

Ludovic : il y a un téléphone blanc également

Comment imaginez-vous la personne qui lui téléphone ?

Agathe : c'est un médecin

Carole : oui sûrement

Claire : ça peut être un pompier

Noémie : oui, ou quelqu'un du Samu

Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

Julien : à la façon de parler

Céline : oui, de le dire

Claire : oui c'est évident

En dehors du personnage principal et de la voix off, avez-vous identifié d'autres personnages ?

Emilie : il y a une femme qui marche sur un terrain vague

Ludovic : oui c'est vrai

Qui est cette femme selon vous ?

Carole : c'est sûrement sa femme ou alors son esprit.

Agathe : oui on la voit disparaître au loin

Julien : oui pour cet homme, c'est la représentation de sa femme qui s'en va.

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

Claire : je pense que c'était une relation assez distante. Ils vivaient ensemble mais c'est tout.

Ludovic : ou alors, ils étaient très proches mais l'homme savait que sa femme allait mourir depuis longtemps, à cause d'un grave maladie, comme un cancer ou quelque chose comme ça.

Julien : ah ouaih, c'est pas con.

Carole : on dirait qu'il s'en fout. Il a peut-être une double vie.

Agathe : sa façon de réagir est étrange, il ferme les stores, c'est anormal. Pour moi, il n'est pas plus touché que ça.

Céline : peut-être, mais le coup des stores, je ne suis pas sure.

A quelle période situez-vous l'action du film ?

Claire : ça se passe dans les années 90

Julien : oui, en tout cas pas récemment

Pourquoi ?

Julien : à cause du téléphone

Carole : les vêtements aussi sont un peu anciens

Céline : il n'est pas tendance

Rires

Emilie : Le mini-bar est ancien aussi, sa couleur fait âgée.

Ludovic : oui c'est un Philips en plus.

Dans quel genre placeriez-vous le film ?

Carole : c'est indéfinissable. Ca ne reflète pas vraiment la réalité. C'est un peu irréel.

Noémie : c'est assez tragique. Mais sa réaction est tellement étrange que ça pourrait être un policier.

Claire : en fait, ça dépend si c'est le début du film ou pas. Si c'est le début, il va peut-être y avoir une enquête policière.

Agathe : c'est peut-être un téléfilm

Julien : oui ça fait télé ? Une série des années 90. L'image fait années 90.

Céline : oui la musique n'est pas terrible

Ludovic : oui ça fait un peu les Feux de l'Amour.

Emilie : pour moi, c'est un mélo

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Claire : il va boire

Carole : oui, il va continuer. Ca fait très cliché.

Julien : non, il semble trop sur de lui.

Emilie : peut-être qu'il ne réalise pas encore. Il va réfléchir tout seul.

Noémie : oui possible

Agathe : je le verrai bien aussi devenir alcoolique

Céline : il va peut-être se noyer dans le travail.

Ludovic : oui ou dans sa bouteille de whisky

Rires

Diffusion de la fin

Que pensez-vous de cette fin ?

Carole : c'est un cliché. C'est pas surprenant

Claire : non , je ne suis pas d'accord, c'est surprenant

Emilie : oui, c'est surprenant, il ne ressent rien je trouve.

Julien : il n'est pas triste. Maintenant, il peut passer à autre chose

Cette fin vous choque-t-elle ?

Ludovic : non pas plus que ça.

Noémie : non ça colle bien avec le début

Globalement, comment trouvez ce film ?

Carole : c'est sur-joué. Il n'y a pas de suspense. Tout est programmé

Agathe : c'est sans véritable expression

Julien : c'est peut-être une pub pour les assurances

Céline : il n'est pas assez long, c'est dommage

Ludovic : moi j'ai trouvé qu'il y avait trop de gros plans. On voit trop sa bague. C'est complètement démodé en plus ce genre de bague pour un homme.

Carole : oui en plus, c'est mal joué, je trouve

Claire : oui mais c'est peut-être fait exprès. La bague ne me choque pas : il a l'âge d'en porter.

Emilie : ça fait un peu série B, je trouve

Julien : soit c'est fait exprès et c'est un super acteur ou alors il ne vaut rien du tout. Ca serait bien de le savoir.

Noémie : Il doit bien y avoir une fin, j'aimerais bien la connaître, c'est vrai.

Comment l'imagineriez-vous ?

Julien : il quitte son bureau. Il n'est pas très net. Il va peut-être rejoindre sa maîtresse

Noémie : tout de suite, vous les mecs ne pensez qu'à cela...

Rires

B- Réunion 2 : Scénario 1 - version crise cardiaque

Participants : Guillaume, Julia, Karim, Michel, Mounia, Julien, Thomas, Isabelle

Age entre 19 et 23 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale.

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Consigne de départ : Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Guillaume : j'ai trouvé ça assez lent.

Thomas : oui, ça m'a fait penser à Derrick à cause des réactions du personnage.

Isabelle : oui, c'est vrai, il y avait un peu de psychologie avec cette femme qui s'en va dans le désert

Que diriez-vous du personnage principal ?

Karim : il est étrange. Il n'a pas de réaction lorsqu'il apprend la mort de sa femme. Il va juste vers son frigo.

Michel : oui, il est aussi chaleureux que son frigo.

Rires

Julia : il est habillé comme un cadre dans un bureau

Mounia : c'est sûrement un cadre supérieur de 50 ans.

Que pensez-vous de l'aménagement du bureau ?

Guillaume : il fait ancien dans sa disposition.

Julien : il y a un vieux store qui semble abîmé

Thomas : il n'y a pas d'ordinateur ! Et de nos jours il y a toujours un ordinateur dans un bureau

Isabelle : il y a une plante aussi et un frigo Philips

Des objets ont-ils attiré votre attention ?

Karim : oui le frigo Philips me gêne en face du bureau. Il n'a rien à faire là je trouve.

Michel : je vois mal un frigo dans un bureau comme celui-là

Mounia : il y a un téléphone aussi. Il semble assez vieux aussi.

Julia : et une photo en face.

Pouvez-vous décrire cette photo ?

Guillaume : c'est une vieille photo en noir et blanc. Je pense que c'est sa femme.

Approbation des autres

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

Julia : il n'a pas l'air de la regretter.

Julien : en fait, il n'est pas très expressif

Karim : il ne me semble pas plus triste que ça

Thomas : ou alors il prend sur lui. Il ne veut pas montrer ses émotions.

Isabelle : oui, peut-être

A quelle époque situeriez-vous l'action du film ?

Guillaume : dans les années 80-90. A cause des habits et du bureau qui fait vieux

Approbation des autres

Toutes les séquences se situent-elles à la même époque ?

Michel : non , je ne crois pas. Il y a des retours en arrière, je crois

Mounia : oui un flash back avec la scène dans le désert

Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

Karim : un drame ou un policier

Guillaume : il faudrait voir la suite pour dire si c'est un policier, je pense

Julien : en tout cas, ce n'est pas un comique

Rires

Qu'avez-vous remarqué dans la bande son ?

Julia : il y a une musique chinoise

Guillaume : oui c'est une musique lente

Mounia : on l'entend beaucoup quand on voit la plage

Pourriez-vous me décrire cette plage ?

Michel : c'est en Bretagne, je pense. Ca doit être un souvenir de vacances

Julia : non je pense que ça a été tourné dans le sahara. Je connais bien le sahara et ça lui ressemble

Mounia : pour moi, c'est une plage mais pourquoi pas le désert aussi

Pourriez-vous me décrire cette femme qui marche ?

Julia : elle a un jean bleu. Elle semble avoir le même âge que l'homme au bureau

Julien : je pense qu'elle est plus jeune

Guillaume : difficile à dire on ne la voit que de dos

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Julia : il va pleurer longtemps je pense et rester dans son bureau

Guillaume : ou alors il a tué sa femme et on va le savoir.

Karim : oui, il a peut-être fait appel à un tueur

Michel : il pourrait se suicider aussi

Mounia : je le verrai bien se suicider aussi

Julie : vous êtes sinistres moi je sais pas, mais je le verrai se remettre

Thomas : ou faire la fête

Isabelle : ben voyons, non, il aura du mal à s'y faire.

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Mounia : c'est un peu ce que j'avais dit

Karim : non tu avais dit qu'il se suicidait et là il est victime d'une crise cardiaque

Mounia : l'esprit y est, il meurt

Guillaume : je ne le trouvais pas très affecté par la mort de sa femme, alors cela m'étonne

Isabelle : c'est un peu loupé, je trouve, c'est trop banal

Vous semble-t-elle conforme au début du film ?

Michel : pas trop, car il ne semblait pas trop atteint. Donc ça me semble pas logique.

Guillaume : moi, je trouve ça surprenant. Il y a peut-être quelque chose que l'on ne sait pas encore.

Julia : oui, il y a des zones d'ombre avec ce désert qui reste mystérieux

Globalement comment trouvez-vous ce film ?

Thomas : c'est mal joué

Guillaume : oui, il n'est pas terrible

Michel : je suis pas d'accord. Il n'a pas grand chose à faire aussi. Il ne parle pas beaucoup.

Karim : le problème c'est l'intrigue. On ne la comprend pas bien

Isabelle : on manque d'explications. En fait, ce n'est pas assez long.

Julien : ca manque d'actions aussi.

Mounia : ca fait série télé, l'image, tout quoi.

Comment imaginez-vous la suite ?

Guillaume : je pense que cela s'arrête là, il meurt

Karim : oui, en fait ce qui nous manque c'est le début

Mounia : nous n'avons que la fin et pas toutes les pièces du puzzle

Julia : je ne suis pas d'accord, à mon avis, il va y avoir une enquête de police

Isabelle : Ah pas mal, j'aimerais bien aussi.

C- Réunion 3 : Scénario 4 (Contrat d'assurance - il ouvre le contrat)

Participants : Samira, Elodie, Séréna, Cécile, Valérie, Vincent, Sylvain, Simon

Age entre 19 et 23 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale.

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Samira : la réaction du personnage est étrange. Il ne réagit pas. Il semble s'y attendre

Elodie : oui, mais c'est normal. A sa place, je n'aurais pas en eu de réaction non plus

Vincent : mais pour cela il fallait qu'il sache que sa femme allait mourir

Cécile : c'est assez clair, non ?

Valérie : oui, je le pense

Sylvain : si tu veux, mais en revanche, je ne vois pas pourquoi il se dirige vers la fenêtre

Simon : c'est une image

Sylvain : ah oui laquelle ?

Simon : l'horizon, la mort

Vincent : oulala (admiratif)

Que diriez-vous du personnage principal ?

Simon : c'est quelqu'un qui semble nerveux

Sylvain : c'est un homme d'affaires

Séréna : il ne me semble pas très sportif

Samira : oui, il ne doit pas sortir souvent de son bureau

Elodie : il s'attendait à recevoir un coup de fil car il marchait dans son bureau

Vincent : non pas forcément. Moi, je pensais qu'il attendait un coup de fil professionnel

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Cécile : c'est certainement un médecin. Il précise qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour la sauver. Donc ils devaient l'opérer mais l'opération ne s'est pas bien déroulée.

Séréna : en tout cas, c'est soit un pompier, soit un secouriste, soit un médecin.

Approbation générale

Avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Samira : oui, il y a une femme dans le désert

Elodie : non, je pense que c'est un homme

Sylvain : un homme, tu plaisantes

Séréna : non, c'est une femme. Elle porte un foulard

Simon : c'est une femme bien sûr, sûrement sa femme qui s'en va

Vincent : Simon, tu m'impressionnes vraiment

Que pensez-vous du lieu où se déroule l'action ?

Elodie : c'est un désert

Samira : non, c'est une plage. Il y avait de l'herbe

Sylvain : il y a beaucoup de sable quand même

Valérie : c'est son imagination. C'est un lieu symbolique. Ce lieu n'existe pas.

Elodie : je pense que c'est lui qui s'en va dans un désert. Il part très loin pour s'isoler. A mon avis, c'est un homme

Vincent : mais puisqu'on te dit que c'est une femme avec un foulard

Rires sauf Elodie

Y a-t-il d'autres personnages ?

Séréna : oui, il y a une femme sur une photo

Sylvain : ce doit être une photo de vacances

Samira : je croyais que c'était un enfant..

Elodie : moi, j'ai vu une femme et un homme

Vincent : je crois que tu devrais changer de lunettes, il n'y avait qu'une femme et sans foulard cette fois

Rires sauf Elodie

Elodie : j'ai vu une femme et un homme. Parce que je ne vois pas pourquoi il mettrait sa femme sur un réfrigérateur !

Simon : pour une bonne raison, ça c'est une bonne raison

Rires

Que pensez-vous des relations que le personnage principal entretenait avec sa femme ?

Samira : ça devait être mitigé

Elodie : c'est sûr qu'il ne semble pas effondré.

Sylvain : sa réaction d'aller vers la fenêtre est curieuse

Simon : non, elle est symbolique, je pense.

Vincent : il est assez froid. Sa femme ne devait pas compter beaucoup pour lui

Cécile : il est dans son bureau et c'est un homme d'affaires. Il ne peut pas trop en montrer aussi

Valérie : je le pense aussi. Il y a un doute donc.

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Samira : il y a le bureau avec des posters partout

Séréna : il est très impersonnel, je trouve

Elodie : le bureau n'est pas très beau. Il n'est pas très gai

Vincent : oui, il y a des objets métalliques

Sylvain : il y a ce téléphone en gros plan. En plus, il a une sonnette très forte

Valérie : il n'est pas très bien organisé

Simon : pas bien rangé, non plus

A quelle période situez-vous ce film ?

Elodie : de nos jours

Séréna : oui, en tout cas c'est assez récent.

Sylvain : dans les dix dernières années

Approbation générale

Toutes les séquences se situent-elles à la même période ?

Sylvain : non, il y a le flash back à la plage

Elodie : c'est plutôt une vision de l'avenir pour lui

Vincent : avec son foulard sur la tête..

Rires sauf Elodie

A quels moments de la journée, pensez-vous que l'action se déroule ?

Samira : en fin de journée

Elodie : dans l'après-midi

Simon : franchement, je ne sais pas

Cécile : plutôt en fin d'après-midi, je pense

Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

Valérie : c'est un drame, sans aucun doute

Elodie : ou un policier. Ca fait Derrick !

Sylvain : oui c'est vrai, on dirait un truc allemand

Cécile : on en voit plein à la télé en ce moment

Qu'avez-vous remarqué dans la bande son ?

Samira : je n'ai pas remarqué de musique

Elodie : si j'ai entendu une musique, ça fait suspense

Séréna : ça ne devait pas être assez fort alors

Vincent : il y avait une musique, c'est vrai

Sylvain : j'ai surtout entendu la sonnette du téléphone. Elle était vraiment très forte

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Simon : il va méditer

Vincent : il va surtout finir son verre et se saouler

Samira : il va se suicider

Séréna : je ne suis pas sûr qu'il l'aime assez pour cela

Elodie : il va rester pensif. Il va réfléchir. Il va rentrer chez lui et prévenir ses enfants

Sylvain : je vois bien une enquête de police

Cécile : oui moi aussi

Valérie : ou une tromperie à l'assurance

Sylvain : ah oui, pas mal

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Séréna : c'est assez triste. Pour lui, tout était prêt d'avance.

Valérie : il reste toujours aussi froid, professionnel

Samira : cela me semble prémédité

Elodie : c'est pas net. Il l'a peut-être tué

Cécile : ou elle est morte d'une longue maladie, donc tous les papiers étaient préparés

Sylvain : en tout cas, il ne perd pas de temps

Simon : time is money

Vincent : sacré mec, tout de même

Cette fin vous choque-t-elle ?

Séréna : oui, ça met mal à l'aise

Vincent : il n'a pas de scrupule, c'est un peu choquant

Sylvain : il est peut-être assureur

Rires

Cette fin vous semble-t-elle conforme avec le début du film ?

Samira : ça concorde un peu. Le personnage reste le même.

Valérie : sans réaction

Sylvain : la moustache, le flegme, il est sans doute britannique

Vincent : il ne perd pas le nord

Elodie : je ne suis pas d'accord

Simon : tiens c'est étonnant !

Rires sauf Elodie

Elodie : tout dépend de la conception de la mort que l'on a

Cécile : vu sous cet angle, et puis c'était probablement une mort annoncée

A quel film, cette fin fait-elle penser ?

Séréna : ça fait série Télé. On s'attend à un prochain épisode

Vincent : dans lequel, il va dépenser la prime d'assurance aux Bahamas

Rires

Oui, comment imaginez-vous la suite ?

Samira : il va sans doute continuer à ranger ses papiers

Cécile : à vivre dans son bureau

Sylvain : non, il va souscrire une nouvelle police pour sa nouvelle femme

Rires

Globalement, comment trouvez-vous ce film ?

Valérie : c'était bizarre

Séréna : oui, il laisse une impression bizarre

Simon : on ne cerne pas bien le personnage

Sylvain : mari sous le choc ou crapule organisée ?

Cécile : je pencherai plutôt pour un mari qui est assommé et qui continue machinalement

Vincent : moi plutôt pour une fraude à l'assurance

Elodie : moi, je pense que c'est un extrait de film, on a ni le début, ni la fin

Samira : bien mais très série allemande dans sa façon de raconter l'histoire.

D- Réunion 4 : Scénario 1 - version crise cardiaque

Participants : Age entre 23 et 25 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 3ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Participants : Nadia, Emilie, Carole, Séverine, Fabien, Houcine, Alain, Eric

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Nadia : je trouve le fait de donner une telle nouvelle par téléphone beaucoup trop brutale

Carole : oui, on ne peut pas donner une telle nouvelle par téléphone

Approbation générale

Que diriez-vous du personnage principal ?

Nadia : il semble abattu. Il va se servir un cognac

Eric : il est abattu, rien ne nous dit qu'il avait l'habitude de boire avant ça

Emilie : il a quand même son frigo bien visible avec des verres. Donc ça me semble un rituel quotidien chez lui. Il doit aimer boire son verre chaque jour

Fabien : à mon avis, ce mec, c'est pas un acteur. Il joue trop mal. Il n'a pas l'air réel

Carole : non je ne pense pas. Il y a des gens qui réagissent comme ça dans la vie. Ca me semble assez crédible

Séverine : il me semble qu'il s'attendait à tout ça. Sa façon de marcher au début. Tout était réglé d'avance pour lui.

Eric : oui, c'est pour cela qu'il ne semble pas surpris quand il reçoit le coup de fil.

Carole : il a l'air d'être très investi dans son travail. Il a sûrement une place importante dans cette entreprise. Pour avoir un réfrigérateur dans son bureau, c'est sûrement un homme très bien placé. Peut-être le PDG

Houcine : il est très bien habillé en plus. C'est le patron c'est sûr !

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Carole : c'est un docteur

Fabien : ou une infirmière

Houcine : c'est une femme en tout cas

Eric : on ne le sait pas, pourquoi pas un homme ?

Houcine : l'appel vient d'un hôpital

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

Houcine : il n'est pas perturbé par la mort de sa femme. Ca ne devait plus aller entre les deux

Carole : il semble affecté quand même. Mais il le cache

Eric : sa femme devait encore compter un peu. Même si son boulot passait avant sa femme, il ne souhaitait pas qu'elle meure non plus

Houcine : je pense que la relation semblait spéciale entre les deux

Alain : il se pose aucune question. Tout est simple pour lui. Il est dans son bureau au lieu d'être à l'hôpital

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Alain : il y a une photo, un bureau assez vide, avec un téléphone

Fabien : c'est un studio de tournage, il y a un poster noir pour faire nuit

Eric : Ah,  si tu le dis !

A quelle époque situez-vous l'action du film ?

Emilie : Ca se passe de nos jours

Carole : non c'est plus vieux. Ca ne se passe pas en 2004. Quand on voit les meubles, le téléphone ; non, c'est plus ancien que ça

Alain : disons 10 ans à peu près

Eric : je pense comme Emilie, ça se passe de nos jours, à mon avis

Des objets ont-ils attiré votre attention ?

Carole : le frigo. On voit bien la marque Philips. Il est marron en face du bureau

Fabien : la marque sponsorise le film

Eric : j'ai surtout remarqué le vide sur le bureau

Carole : c'est le signe de son niveau hiérarchique

Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

Alain : un drame

Carole : c'est sûr c'est pas comique

Emilie : un policier

Fabien : un film noir

Alain : c'est un court-métrage

Fabien : l'image n'est pas terrible, c'est pas du Hollywood

Qu'avez-vous remarqué dans le montage du film ?

Nadia : il y a un ralenti quand on voit une femme qui marche

Fabien : on ne comprend pas ce qu'elle fait là, qui elle est. Pourquoi c'est ralenti ? C'est étrange

Eric : c'est une évocation de la personne qui part. Cela symbolise le passage de la vie à la mort

Fabien : tu comprends cela toi ?

Séverine : oui cela semble logique. C'est classique comme procédé. Alors toi le cinéphile ?

Rires

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Nadia : il va continuer à boire

Fabien : moi, je le verrai bien appeler quelqu'un..

Carole : sa maîtresse peut-être ?

Rires

Alain : il s'en fout tellement, à mon avis, il va finir sa bouteille

Séverine : je le vois bien appeler quelqu'un, moi aussi, mais qui je ne sais pas ?

Houcine : il va aller à l'hôpital finalement ou bien se suicider

Emilie : se suicider pourquoi pas

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Nadia : c'est bien rapide ! C'est quoi un whisky empoisonné ?

Carole : non c'est une crise cardiaque

Alain : certainement

Eric : je croyais que le whisky était bon pour le coeur ?

Rires

Nadia : c'est trop rapide.

Fabien : il y a trop de questions sans réponse. En plus, il tombe en arrière. Or, il devrait tomber en avant.

Emilie : tu ne confonds pas avec l'absinthe ?

Houcine : il avait un coeur en tout cas, je ne le pensais pas

Séverine : Eh oui, je ne le voyais pas si insensible, tant mieux

Selon vous, quels sont les sentiments que le personnage principal avait pour sa femme ?

Séverine : il l'aimait sinon il ne serait pas mort

Nadia : bof ! pas terrible leur relation, tout de même

Alain : il s'en fiche un peu

Houcine : c'est difficile à dire, il semble peiné à la fin

Eric : c'est le moins que l'on puisse dire

Rires

Fabien : il n'est peut-être pas mort. C'est peut-être juste un malaise

Cette fin vous semble-t-elle conforme avec le début ?

Carole : au début, on croyait qu'il était peu attaché à sa femme et plus à son boulot. Alors qu'en fait il est très affecté par la mort de sa femme...

Séverine : oui c'est presque romantique comme fin

Rires

A quel film cette fin vous fait-elle penser ?

Nadia : à l'inspecteur Derrick plutôt

Rires

Alain : oui, dans les Derrick, il y a toujours un téléphone en gros plan

Rires

Comment imaginez-vous la fin ?

Fabien : il va se réveiller, il n'est pas mort, je pense. Juste tombé dans les pommes

Nadia : il va retourner dans le désert où il allait avec sa femme

Eric : tu veux dire qu'il va la rejoindre au cimetière

Rires

Globalement, comment trouvez-vous ce film ?

Houcine : on aimerait en savoir plus

Nadia : c'est bizarre

Carole : on aimerait plus d'informations. L'acteur est restreint. Il ne dit rien. Il est très introverti

Fabien : ça fait court-métrage à petit budget

Alain : on dirait les courts métrages sur France 2

Séverine : moi, j'ai bien aimé

Eric : moi aussi, pour un film de quelques minutes, c'est bien

Emilie : en tout cas, cela vous a fait parler

E- Réunion 5 : Scénario 5 (contrat d'assurance et le mari fait tomber le cadre)

Participants : Age entre 23 et 25 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 3ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Participants : Cécile, Christophe, Séverine, Olivia, Jimmy, Stéphane, Pascal, Thierry

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Cécile : le manque de réaction du personnage est flagrant

Stéphane : oui, et le bureau de directeur de je ne sais quoi

Pascal : c'est vrai qu'il n'est pas mal

Que diriez-vous du personnage principal ?

Christophe : ça a l'air d'être quelqu'un qui a une bonne situation.

Thierry : il doit être important dans son entreprise pour avoir un aussi grand bureau

Séverine : il a l'air de bien connaître les lieux

Jimmy : en tout cas, il n'est pas concerné par la mort de sa femme. Ca n'a pas l'air de le gêner.

Olivia : c'est encore à voir. Un homme d'affaires est toujours un peu comme cela quelles que soient les circonstances.

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Cécile : c'est un médecin

Séverine : ou peut-être un parent

Olivia : on dirait que c'est quelqu'un de proche car elle dit ça très simplement, avec facilité

Christophe : non, le coup de fil est trop bref. C'est un médecin. Un parent aurait parlé plus longtemps.

Jimmy : et pourquoi pas une infirmière ?

Thierry : une infirmière, oui pourquoi pas.

Avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Cécile : il y a une femme qui marche dans le sable

Christophe : c'est sa femme. A mon avis, ça représente la femme malade.

Pascal : oui, il savait qu'elle était malade depuis longtemps. Et ça représente l'éloignement du couple.

Séverine : oui, mais il n'a pas l'air de souffrir beaucoup

Olivia : tu lis dans ses pensées ?

Séverine : non mais ça se voit tout de même

Jimmy : oui, je suis d'accord

Des objets ont-ils attiré votre attention ?

Christophe : oui, il y a un téléphone. Il est important dans l'histoire

Thierry : un cadre à photo aussi

Stéphane : moi, le minibar m'a bien plu

Rires

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Cécile : c'est assez simple comme décors ; il y a le bureau qui n'est pas extraordinaire

Stéphane : je le trouve grand au contraire

Olivia : il n'est pas très bien rangé

Thierry : ah bon, je n'ai pas vu trop de papiers sur son bureau, c'est rare

Christophe : on sent tout de même un certain laisser-aller chez la personne. Il doit être perturbé par sa femme depuis un moment

A quelle période situez-vous l'action du film ?

Christophe : il y a dix ans. Les couleurs du bureau font dix ans.

Olivia : c'est un peu ancien comme bureau

Pascal : vous exagérez, je le trouve bien son bureau. Non, cela se situe actuellement à deux ans près.

Olivia : pour quelqu'un qui semble haut placé, le bureau ne lui convient pas vraiment

Thierry : qu'est ce qui te fait dire qu'il est haut placé alors ?

Olivia : un ensemble de choses 

Cécile : c'est comme pour le téléphone. Je ne sais pas où ils l'ont trouvé

Jimmy : il est classique, c'est tout

A quel moment de la journée pensez-vous que l'action se déroule ?

Cécile : le soir

Stéphane : ou très tôt le matin, c'est une question de luminosité

Approbation générale

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

Olivia : cela ne devait pas aller fort

Christophe : ou alors il cache ses sentiments. Il intériorise peut-être

Cécile : son travail devait passer avant tout. Que fait-il dans son bureau à ce moment-là ?

Jimmy : tu es marrante, il ne pouvait pas être toujours à l'hôpital si sa femme était malade depuis longtemps

Qu'avez-vous remarqué au niveau de la bande son ?

Olivia : la musique est différente entre le début et la fin. Au début, elle est angoissante quand il marche dans son bureau. Ensuite, la musique est plus douce.

Séverine : comme si la mort de sa femme était une délivrance

Pascal : cela ne veut pas dire pour autant qu'il est heureux, il peut être soulagé que sa femme ne souffre plus

Cécile : ben voyons, solidarité masculine

Rires

Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

Jimmy : un drame

Thierry : un polar, plutôt

Olivia : peut-être une pub ?

Stéphane : non c'est trop long pour une pub

Cécile : alors un court-métrage

Christophe : une série B

Rires

Christophe : oui, c'est très banal. Le message est simple et on voit toujours les mêmes plans

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Christophe : il va réfléchir à la succession

Rires

Christophe : oui, vu qu'il s'en fout. Il y a peut-être des biens à aller récupérer

Thierry : je ne vois pas cela du tout, désolé. Je pense qu'il va se précipiter à l'hôpital

Cécile : oui, il va voir sa femme

Olivia : ou sa maîtresse...

Séverine : il est tellement chiant comme type que si ça se trouve, il va retourner bosser !

Rires

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Cécile : c'est brutal !

Olivia : il a sans doute assassiné sa femme

Christophe : ou anesthésié

Thierry : peut-être ou peut-être pas

Jimmy : c'est vrai que ce geste n'est pas élégant mais cela rappelle quand on arrêtait les horloges

Thierry : lui, il aurait tendance à les remettre à l'heure et à remettre les compteurs à zéro

Rires

Cette fin vous choque-t-elle ?

Olivia : oui un peu

Christophe : moi, non, je m'en doutais. Ca fait téléfilm. Le coup de l'assurance c'est fréquent

Pascal : c'est peut-être une assurance obsèques, vous voyez le mal partout

Stéphane : il ne peut plus regarder la photo de sa femme, c'est fréquent après un décès

Séverine : vous êtes bien gentils avec lui, c'est un salaud, point barre

Rires

Cécile : c'est possible. Il a tué sa femme pour l'assurance

Quels sont les sentiments que le personnage principal avait pour sa femme ?

Cécile : il s'en foutait. Il voulait la tuer

Olivia : il voulait toucher un héritage

Jimmy : vous jugez bien vite ; cela dépend de la durée de la maladie de sa femme

Comment imaginez-vous la suite ?

Cécile : il va voir quelqu'un 

Pascal : oui sans doute les pompes funèbres

Olivia : mais non, sa maîtresse l'attend avec l'argent

Séverine : non, il a des papiers à faire avant. Tout est réglé je pense. Il va donc faire attention

Jimmy : attention à quoi ?

Séverine : à ne pas se dévoiler. C'est un meurtrier

Stéphane : quelle imagination !

Rires

Globalement, comment avez-vous trouvé ce film ?

Jimmy : on a beaucoup de questions sans réponse. On peut connaître la suite ?

Christophe : c'est trop court, c'est vrai

Cécile : le mec est ringard

Thierry : non, je le trouve assez crédible dans le rôle d'un patron

Olivia : c'est étrange, j'ai eu l'impression de l'avoir déjà vu.

De l'avoir déjà vu ?

Olivia : oui, l'histoire, les décors, tout cela me rappelle quelque chose

Séverine : c'est vrai, j'ai un peu la même impression

Stéphane : je te l'ai déjà dit ; tu as trop d'imagination

Rires

F- Réunion 6 : Scénario 3 - jambes de femme - photo de femme brune

Participants : Age entre 20 et 23 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale.

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Participants : Laure, Séverine, Claire, Greg, Meidi, Elodie, Christophe, Ludovic

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Laure : c'est bizarre. La réaction du type est bizarre

Séverine : à mon avis, il savait qu'elle allait mourir

Claire : je suis choquée par ce film. La réaction du personnage n'est pas normale. Il doit préparer quelque chose

Ludovic : et que veux-tu qu'il prépare : l'enterrement ?

Elodie : un mauvais coup, sans doute

Que diriez-vous du personnage principal ?

Laure : on dirait un prof

Séverine : ou plutôt un homme d'affaires

Greg : sa gestuelle est étonnante. Il semble embarrassé

Christophe : je le verrai plutôt vendeur. Il a le look d'un vendeur.

Meidi : oui, un peu, tu as raison.

A quelle période situez-vous l'action de ce film ?

Laure : de nos jours

Elodie : plutôt il y a quelques années

Ludovic : en tout cas c'est récent

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Greg : il n'a rien d'extraordinaire. Il y a un vieux téléphone blanc

Laure : oui, c'est étonnant qu'il possède un téléphone comme ça.

Meidi : il n'y a pas d'ordinateur non plus. Son affaire ne doit pas bien marcher

Rires

Christophe : oui il ressemble à un PDG en plus. Son mobilier ne colle pas

Séverine : il y a un vieux frigo en plus. Philips, je crois.. Il est blanc et marron. Il se sert un verre pour oublier après...

Claire : il est un peu en désordre son bureau

Ludovic : ah ! je n'ai pas trouvé

Greg : ou alors c'est un mec qui aime garder ses affaires. Il a son petit bureau et ses petites affaires depuis le début. Il ne veut pas changer ses meubles...C'est possible.

Elodie : oui, peut-être. En tout cas, il a l'air d'être assez chiant

Meidi : cela dit vu la situation, il n'est pas là pour blaguer...Et puis son bureau est normal je trouve, il est classique

En dehors du personnage principal, avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Laure : il y a la femme sur la plage. Ce doit être un souvenir d'elle

Greg : non, il la voit partir. C'est une représentation de la mort

Séverine : elle est brune, elle a un foulard. Elle porte du noir

Laure : non du bleu

Greg : elle n'est pas blonde ?

Laure : elle est pieds nus aussi

Christophe : on ne voit pas ses cheveux avec le foulard. Elle est de dos mais semble plus jeune que lui.

Ludovic : tu vois ça à sa démarche ?

Christophe : oui entre autres, mais surtout à sa silhouette

Sifflets

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Laure : c'est l'hôpital

Séverine : non, la personne le tutoyait. C'est quelqu'un de la famille ou une amie

Greg : c'était une femme

Meidi : peut-être une femme médecin qu'il connaît

Greg : vu la thune qu'il doit avoir, il a sans doute des copains toubib

Quelle relation le personnage entretenait avec sa femme ?

Laure : il n'y en avait plus

Séverine : très distante, vu sa façon de dire « merci de m'avoir prévenu ». Il s'en foutait un peu.

Greg : ou alors elle était malade depuis très longtemps

Elodie : pourquoi il n'est pas à son chevet ?

Christophe : il faut bien qu'il travaille aussi

Meidi : c'est sûr que si sa femme est malade depuis longtemps, c'est parfois difficile

Dans quel genre situeriez-vous ce film ?

Laure : c'est un court métrage. Ce n'est pas très étoffé comme histoire

Ludovic : ça doit être un extrait seulement qu'on nous a montré là je crois

Greg : mouaih bof... une pub mais je ne vois pas trop pour quoi

Christophe : pour Philips peut-être

Séverine : tu plaisantes tu as vu le frigo

Rires

Qu'avez-vous remarqué dans la bande son ?

Laure : il y a une musique derrière

Claire : une musique douce

Meidi : ça manque d'action

Elodie : elle semble ancienne aussi

Ludovic : elle n'était pas mal, une musique de circonstance, quoi

Qu'avez-vous remarqué dans le montage du film ?

Laure : il n'y a pas de changement de plans.

Elodie : les couleurs sont trop vives

Greg : c'est assez froid d'ambiance, au contraire

Séverine : à la télé, on voit ce genre de couleurs

Greg : oui des Derrick !

Rires

Greg : c'est aussi chiant

Laure : non pas autant !

Rires

Christophe : en fait, ça fait téléfilm américain. Le gros chef d'entreprise qui perd sa femme...c'est fréquent

Greg : dans un téléfilm américain, le bureau serait différent et plus moderne

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Greg : soit il va à l'enterrement, soit il se suicide

Laure : il va finir son verre

Séverine : pleurer un peu dans son bureau

Christophe : non il va regarder Derrick à la télé

Rires

Elodie : il va réfléchir et téléphoner à sa famille

Meidi : je le verrai bien faire quelque chose de plus original

Ludovic : et quoi par exemple, aller boire un verre dans une boîte ?

Rires

Projection

Que pensez-vous de cette fin ?

Elodie : il semblait triste alors qu'en fait non. Il trompait sa femme !

Meidi : on ne voit que des jambes, rien ne prouve que c'est sa maîtresse

Laure : elle s'approche beaucoup de lui, tout de même

Christophe : ou alors il a tué sa femme

Ludovic : à moins que ce soit la femme aux jambes qui l'ait tuée

Claire : ou alors c'est sa femme que l'on voit. Elle n'est pas morte

Cette fin vous surprend-elle ?

Greg : oui un peu quand même

Meidi : tiens toi qui trouvait que c'était pas assez original

Greg : ouaih, la fin est surprenante

Séverine : ça laisse une impression étrange

Laure : ce film est bizarre du début jusqu'à la fin. Il rend mal à l'aise

Mal à l'aise ?

Laure : oui, je sais pas. L'ambiance est malsaine

Cette fin, vous semble-t-elle conforme avec le début ?

Elodie : si c'est sa maîtresse, oui

Christophe : elle est jeune aussi. C'est peut-être sa fille

Claire : c'est peut-être un canular...C'est sa femme qui lui a fait une blague

Meidi : quel humour ?

Ludovic : ou une arnaque aux assurances

Greg : on ne peut pas savoir, faut voir la suite

Comment imagineriez-vous la suite ?

Elodie : il y aura un peu de dialogues...Ca aiderait à comprendre. On a beaucoup de zones floues

Greg : ouaih, mais c'est voulu ça. Ils te trimballent comme cela

Laure : moi je pense, que sa maîtresse ou sa fille va lui parler

Ludovic : et si c'est sa secrétaire, tout bêtement

Meidi : elle le consolera

Rires

Comment avez-vous trouvé ce film ?

Laure : lent...mou ...angoissant

Elodie : intellectuel, on a beaucoup de questions. Il faut beaucoup réfléchir pour comprendre

Greg : on se pose beaucoup de questions

Meidi : en tout cas, surprenant

Séverine : l'acteur ne dit rien

Claire : faut savoir si c'est l'effet recherché, sinon c'est une daube

Elodie : la qualité de l'image n'est pas excellente

Christophe : c'est sûrement le poste de télé qui fait cela

Ludovic : j'aimerai bien le voir en entier, tout de même

G- Réunion 7 : Scénario 1 - Femme au téléphone-hôpital/crise cardiaque

Participants : Age entre 21 et 24 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale.

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Participants : Anne, Nadia, Séverine, Claire, Franck, Sébastien, Denis, Karim

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Anne : la réaction du personnage est étrange. Il n'est pas très émotif.

Nadia : c'est le moins que l'on puisse dire. Il me semble pas triste du tout

Claire : oui, il va voir à sa fenêtre comme si de rien n'était

Karim : c'est pour regarder le lointain, c'est une image du temps qu'on ne peut pas rattraper

Nadia : ouaih, si tu veux

Que diriez-vous du personnage principal ?

Claire : on dirait un cadre

Franck : oui un responsable de quelque chose d'important. Il a son bureau personnel. Il doit avoir une belle situation

Sébastien : il semble âgé. Il a les cheveux grisonnants. Il a une moustache

Franck : un petit ventre aussi

Séverine : il n'y a pas que lui..

Rires

Avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Franck : oui, il y a une femme sur le sable

Claire : ce doit être sa femme

Sébastien : c'est peut-être sa maîtresse

Denis : vu qu'il ne semble pas touché...c'est peut être ses futures vacances qu'il voit

Karim : non, je ne crois pas. C'est le souvenir de sa femme et encore une image de son départ dans l'immensité

Nadia : on a un philosophe parmi nous

Rires

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Franck : c'est quelqu'un de l'hôpital : une secrétaire

Claire : plutôt un médecin

Denis : oui sûrement le médecin qui suivait sa femme

Séverine : plutôt une infirmière

En dehors du personnage principal et de ces personnages cités, avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Nadia : peut-être la photo...je ne sais plus trop. Il y avait une femme, je crois

Franck : oui elle avait des cheveux blancs

Karim : la photo était en noir et blanc.. et en plus, elle était brune

Rires

Sébastien : elle est blonde, plutôt et pas mal

Anne : c'est une photo de sa femme, sans doute

Claire : oui, je pense dans son bureau il ne pourrait pas mettre une autre photo tout de même

Séverine : de sa fille, pourquoi pas.

Denis : ton papa a une photo de toi dans son bureau ?

Séverine : ah, c'est drôle

Rires

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

Claire : assez froides

Franck : il n'y avait plus grand chose entre eux. En fait, on ne croit pas à l'accident. On s'attend à quelque chose d'autre.

Karim : désolé, mais je ne suis pas d'accord. Tout indique au contraire, qu'il tenait à elle : le coup de la fenêtre, le regard dans le vide, l'image de la femme qui s'éloigne...

Nadia : je ne sais pas trop. C'est sans doute l'idée du film : laisser planer le doute.

A quelle période situez-vous l'action du film ?

Sébastien : Dans les années 80. Avec un mobilier comme ça...Et pas d'ordinateur non plus...

Franck : non c'est plus récent. Et puis tu as vu un ordinateur sur un bureau de ministre, toi ?

Denis : oui mais ce téléphone. Il est vieux. Avec des trucs pour noter les noms dessus

Franck : attends, c'est normal s'il a une secrétaire et des collaborateurs à joindre directement

Claire : ce frigo avec cette marque très visible...Il est assez ringard...Vous me direz cela colle bien avec le personnage

Karim : vous devriez sortir un peu et aller dans une entreprise, vous auriez des surprises. C'est un bureau tout à fait correct au contraire

Franck : oui, c'est un bureau de directeur pas de milliardaire

Rires

A quels moments de la journée pensez-vous que l'action se déroule ?

Franck : le soir. Ca doit être en ville. On voit de la lumière dehors.

Séverine : ou tôt le matin.

Denis : l'un ou l'autre, ou dans la journée mais en hiver

Karim : sauf pour la scène avec la femme sur le sable

Nadia : oui là c'est dans la journée

Franck : la femme sur le sable est peut-être un rêve.. mais je ne suis pas sûr

Sébastien : en tout cas, vu les vêtements qu'elle porte ce n'est pas en été

Karim : c'est un flash back intemporel

Claire : un quoi ?

Karim : un flash back, un retour dans le temps

Claire : Ah !

Rires

Qu'avez-vous remarqué dans la bande son ?

Claire : il y a une musique qui va bien avec le film...Mais je ne sais plus ce que c'est...

Séverine : oui une musique douce qui colle bien

Approbation générale

Dans quel genre situeriez-vous ce film ?

Anne : comique parce que je trouve qu'il joue mal

Rires

Séverine : non, c'est une tragédie

Franck : un sitcom

Sébastien : ou non, un téléfilm allemand. Ou un petit Columbo. C'est çà ?

Denis : oui ça fait bien atmosphère Derrick. Ca sent l'allemand...

Karim : Columbo n'est pas allemand et puis est-ce un drame policier ? Ce n'est pas sûr

Nadia : y a rien de policier la dedans je trouve : c'est un drame

Claire : c'est très banal alors comme drame

Karim : tout est dans l'atmosphère

Denis : « atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère »

Rires

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Claire : il va se saouler. Et prendre sa voiture pour aller dans le désert

Séverine : ou sa maîtresse va arriver

Franck : oui forcément un truc comme cela

Nadia : non il faut que cela se termine mal : c'est un drame

Karim : oui je suis plutôt de cet avis. A moins qu'il y ait un contraste très fort avec le début pour faire rire, par exemple...

Sébastien : Ah, parce que tu trouves cela drôle, toi ?

Karim : non justement

Denis : décidément, je ne comprends rien

Rires

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Franck : il simule une crise cardiaque...c'est pas possible

Claire : oui, en plus, il fait mal le mort

Denis : c'est quoi ce truc ? C'est pour nous tester ? C'est pour la Prévention Routière ?

Claire : c'est peut-être chinois, la musique est chinoise ...

Sébastien : deux morts en 5 minutes, c'est un peu morbide

Karim : pas plus que cela, c'est dans la logique des choses

Nadia : oui, un drame est un drame

Séverine : c'est un peu mélo, mais bon, je le disais c'est une tragédie

Anne : j'aurai préféré une autre fin

Comment imaginez-vous la suite ?

Denis : il va se réveiller, c'est un cauchemar

Nadia : tu cherches toujours le happy end

Rires

Anne : étant donné qu'ils sont morts tous les deux, je ne vois pas ce qu'il pourrait se passer maintenant

Karim : on pourrait imaginer un retour en arrière sur plusieurs années

Sébastien : pourquoi pas, mais avec plus d'actions alors

Rires

Globalement comment trouvez-vous ce film ?

Franck : oui cela manque de peps

Denis : trop prise de tête

Karim : c'est le genre qui veut cela

Anne : complètement

Séverine : je suis d'accord, moi aussi

Claire : oui mais tout est bizarre : même le cadrage, c'est étrangement filmé

Karim : c'est fait exprès pour te déstabiliser, je pense

Sébastien : c'est réussi, crois moi

Rires

H- Réunion 8 : Scénario 4 (Contrat d'assurance - il ouvre le contrat)

Participants : Julie, Agnès, Samia, Céline, Guilhem, Sylvain, Nicolas, Kevin

Age entre 19 et 23 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale.

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Guilhem : il y a un décalage entre l'annonce de la mort de sa femme et la réaction du personnage, je trouve. Et puis, l'image dans le désert, je ne sais pas ce que ça fait là. On ne sait pas qui est cette femme.

Kevin : c'est sa femme qui s'en va définitivement, c'est une allégorie

Sylvain : oui, une image

Nicolas : on avait compris

Rires

Que diriez-vous du personnage principal ?

Julie : il a l'air insensible. Il n'a pas de réaction

Nicolas : ce n'est pas parce qu'il est sans réaction qu'il est insensible

Agnès : on dirait qu'il s'y attendait. Elle était peut-être malade depuis longtemps

Guilhem : oui ou alors c'est lui qui a l'a tuée

Rires

Samia : non elle devait être malade

Que diriez vous d'autre du personnage principal ?

Agnès : c'est un cadre dans une entreprise

Guilhem : oui c'est quelqu'un d'important. Il a son propre bureau. Il est bien habillé avec son petit whisky dans son bar..

Julie : il fait vieux jeu

Céline : oui avec sa moustache surtout

Comment imaginez-vous la personne au bout du fil ?

Céline : c'est sûrement un médecin

Guilhem : non c'est un complice

Samia : tu vois trop de films policiers

Rires

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Agnès : il y a un frigo marron. Des stores ..un téléphone

Julie : il y a un poster

Samia : non c'est une photo je crois...je ne sais plus

Kevin : la photo d'une femme, mignonne, brune, mieux que lui

Céline : sans sa moustache, il aurait du charme..

Rires

En dehors du personnage principal et de la voix off, avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Agnès : il y a une femme qui marche dans le désert

Julie : oui, c'est sa femme. C'est une image d'elle qu'il a parce qu'elle vient de mourir

Samia : elle semble assez jeune. Mais elle est habillée stricte

Kevin : elle a un ensemble en jean, c'est pas strict le jean

Sylvain : c'est le foulard qui fait cela

Guilhem : elle portait un foulard ?

Céline : oui un carré

D'autres personnages encore ?

Nicolas : peut-être une femme sur une photo mais je ne suis pas sur

Julie : il y avait deux personnes sur la photo, je crois

Samia : non je ne crois pas

A quelle période situez-vous le film ?

Agnès : dans les années 90

Julie : ou même 80

Samia : oui peut-être, le téléphone et les stores font ringards. La musique aussi, la décoration est vieille

Guilhem : pas d'accord, son bureau est pas mal du tout, je trouve. Il fait vrai au moins pas comme dans certains téléfilms où tout est nickel. Je pense que cela se passe de nos jours

Sylvain : oui à deux ou trois ans près

Julie : le bureau ...fait vraiment ancien !

Céline : pas vraiment, y a des choses plus anciennes que d'autres dans son bureau, c'est tout

Kevin : oui, comme dans tous les bureaux

Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

Guilhem : un policier

Julie : oui, un policier peut-être...ou un téléfilm

Kevin : c'est un drame, policier peut-être mais un drame

Agnès : l'acteur ne joue pas très bien. Il fait pas naturel. Et puis ce gros plan sur le téléphone ça fait répété à l'avance..

Nicolas : c'est classique, tu vois cela partout ce type de plan

Samia : cette musique qui revient sans arrêt, c'est moche...

Céline : c'est fait exprès, je pense, elle est lancinante

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Julie : il pourrait se suicider...mais je ne le crois pas tellement il le prend bien

Guilhem : se prendre une bonne cuite

Rires

Agnès : il prend son verre et rentre chez lui, comme d'hab, c'est tout

Sylvain : oui, il est tellement résigné qu'il va finir son verre et puis dormir chez lui

Céline : il a peut-être des enfants. Alors il va les voir peut-être

Nicolas : soit il rentre chez lui. Soit il se saoule dans son bureau

Samia : à mon avis, c'est un rituel chez lui son verre. Il doit en boire un tous les soirs

Guilhem : ou il va roder dans des bars..

Céline : non, je le verrai bien aller à l'hôpital tout de même

Agnès : pourquoi faire, c'est trop tard à moins que ce soit pour le constat de décès

Rires

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Agnès : ça colle bien avec l'individu

Julie : en tout cas, il s'attendait bien à la mort de sa femme. Il semble avoir tout prévu

Samia : il ne perd pas de temps

Céline : c'est un contrat du type « mes dernières volontés en cas de décès », c'est normal qu'il le lise

Guilhem : un peu précipité tout de même

Kevin : dans ces circonstances, on ne sait pas trop comment on va réagir

Cette fin vous surprend-elle ?

Agnès : non, pas du tout

Guilhem : il a peut-être supprimé sa femme pour toucher le pactole

Nicolas : non, je ne pense qu'il ait tué sa femme, même si son attitude est troublante

Kevin : c'est une fin qui jette un doute, tout de même

Approbation générale

Selon vous, quels sont les sentiments que le personnage avait pour sa femme ?

Agnès : pas terrible. C'est pas de l'amour en tout cas..

Guilhem : à mon avis, il n'en avait plus trop. Il savait que c'était fini...

Nicolas : ce qui me choque c'est la rapidité qu'il met pour ouvrir son contrat. Il ne prend même pas le temps de se recueillir

Céline : oui, mais, il va peut-être régler ça rapidement et ensuite il aura le temps pour avoir du chagrin

Samia : c'est une façon de voir les choses. Il se débarrasse des papiers tout de suite

Sylvain : oui ...enfin, sa carrière devait passer avant tout..

Julie : je pense que tout était clair dans sa tête...Il attendait le coup de fil et ensuite il remplissait les papiers

Kevin : Il me déçoit un peu, c'est sans doute pour relancer l'histoire

A quel film, cette fin vous fait-elle penser ?

Guilhem : c'est très conventionnel.. Mais en même temps, ça fait cinéma d'auteur avec cette scène dans le désert.. On ne voit pas d'images comme cela dans les téléfilms...Là c'est un peu intime...ça doit être un court-métrage d'auteur

Agnès : oui un court-métrage, c'est assez réaliste

Julie : moi, je vois bien un détective privé...Il ferait une enquête ensuite...peut-être un film policier alors.. D'ailleurs en y réfléchissant, la personne au bout du fil, c'était peut-être lui ...le détective

Kevin : je suis assez d'accord c'est un film d'auteur. Le scénario et les images font cela, oui

Approbation générale

Comment imagineriez-vous la suite ?

Julie : une enquête policière ou d'un détective de la compagnie d'assurance

Agnès : il va voir un notaire

Nicolas : il va boire son héritage

Rires

Globalement comment trouvez-vous ce film ?

Samia : c'est un peu court. En plus, on a beaucoup de choses en si peu de temps..

Sylvain : d'un autre côté, c'est bien qu'il y ait plein de pistes

Agnès : c'est bizarre ce film : il est troublant

Kevin : c'est un bon court-métrage d'auteur : assez original, je trouve

Guilhem : en tout cas, il ne laisse pas indifférent

Julie : c'est inachevé. On n'a pas de réponses. Est-ce qu'on va voir la fin ? Ou bien est-ce le début d'un film plus long ?

Kevin : mais c'est à toi de l'achever, c'est voulu

Céline : oui je suis d'accord, dans ce genre de film, l'auteur ne finit pas exprès

Nicolas : c'est un film noir. Bon, c'est une question de goût, moi je n'ai pas trop aimé, il m'a foutu la trouille

Rires

I- Réunion 9 : Scénario 5 (contrat d'assurance et le mari fait tomber le cadre)

Participants : Age entre 21 et 23 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 2ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Participants : Christine, Jean, David, Nisma, Valérie, Florence, Nicolas, Alexandre

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Christine : je n'ai pas compris la scène dans le désert. D'ailleurs, je n'ai rien compris à ce film

Nicolas : tout de suite, tu exagères...

Nisma : oui, c'est pourtant simple

Christine est vexée...

Que diriez-vous du personnage principal ?

Jean : il est moustachu

David : il est grand et assez costaud. Il doit avoir 50 ans..

Nisma : il doit être chef d'entreprise. Il semblait inquiet aussi. Il attendait cet appel.. Mais il semble déçu au fond.

Alexandre : oui, il est contrarié, on dirait

Comment imaginez-vous la personne qui téléphone ?

Nisma : c'est un médecin, je pense

Jean : sa maîtresse

Nisma : non, c'est la voix d'un homme

David : un vieux pote à lui alors..

Valérie : oui quelqu'un de proche

Nicolas : oui qu'il connaît au moins

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Jean : il y a le bureau. Il est assez simple

Nisma : oui, c'est pas terrible. Il manque de charisme ce bureau

Valérie : il y a un téléphone avec un vieux cadran

Florence : Ah, non, il est moderne je trouve

Alexandre : oui, c'est un téléphone, quoi, avec plusieurs lignes

Avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Nisma : il y a la personne sur la plage, dont Christine parlait tout à l'heure

Florence : c'est une femme, je crois, mais la personne est de dos

Jean : elle a une jupe et un foulard

David : ça doit être sa femme

Valérie : ou sa maîtresse ...

Christine : vous voyez que ce n'est pas clair...

David : si, il pense à sa femme. C'est plus un au revoir je pense....ou un lointain souvenir d'elle dans le passé

Nicolas : oui, il la voit partir

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

Florence : il avait l'air d'être inquiet

David : ils étaient peut-être divorcés

Valérie : ça ne devait pas aller fort

Nisma : non, il avait l'air assez triste, je trouve

Christine : bof, pas vraiment...

Nisma : pourquoi il n'est pas à l'hôpital avec elle ? Il l'a peut-être tuée..

Nicolas : si ça se trouve c'était un tueur au téléphone

Rires

Florence : non ! Impossible

David : oui, enfin, il y a peut-être une histoire d'argent...Sa femme était peut-être très riche..

Nisma : le fait de dire « on a tout fait pour qu'elle ne souffre pas ... » C'est pas très net.

Alexandre : c'est une phrase de toubib

David : ou d'un tueur professionnel...

Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

Florence : une tragédie

David : moi, un policier

Valérie : ou un drame. Ca fait un peu Les Feux de l'amour

Nisma : oui un peu, d'ailleurs le comédien ressemble à un acteur américain...de cette série, je crois

Qu'avez-vous remarqué dans la bande son ?

Valérie : il y a une musique mystérieuse

David : un peu envoûtante, chinoise je crois

Nicolas : oui, elle apparaît après l'annonce au téléphone

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Valérie : il va passer des coups de fil

Florence : il va préparer les papiers pour le décès

Jean : il va peut-être toucher une assurance

Nisma : il va s'asseoir et se plonger dans ses souvenirs

Alexandre : si c'est le tueur, je le vois bien appeler la police..

David : il va appeler sa famille. Ensuite, il va partir. Il va peut-être payer le tueur

Nicolas : oui, je vois bien cela aussi, il paye le tueur

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

David : Là, on a la preuve qu'il avait prévu la mort de sa femme. Il avait prévu un contrat

Valérie : oui, il tourne la page en tombant le cadre. A mon avis, ce n'est pas un meurtre, elle était malade depuis plusieurs mois

Florence : oui, tout était prévu. Il va toucher les droits. Mais sa femme ne comptait plus pour lui

Nicolas : en tout cas, c'est pas évident que c'était un médecin tout à l'heure au téléphone. C'était pas si évident

Valérie : il y avait quand même le cadre de sa femme dans son bureau. Donc, elle comptait encore pour lui.

Alexandre : Ca ne veut rien dire ça ! C'est peut-être une ruse

Jean : son geste n'est pas rassurant : il s'en foutait ou voulait se débarrasser d'elle

Nisma : oui c'est triste pour elle

Cette fin vous semble-t-elle conforme avec le début ?

Nisma : oui, il reste très froid du début à la fin

Florence : on dirait une partie d'échec. Tout semble calculé jusqu'à la fin qui fait un échec et mat

Christine : c'est compliqué, il faut suivre...

A quel film cette fin vous fait-elle penser ?

David : Columbo ou Les Feux de l'amour

Rires

David : oui, c'est filmé pareil

Valérie : oui, les acteurs, la musique ça fait vraiment ça

Nicolas : il y a trop de plans fixes. Ca ne bouge pas assez.

Alexandre : Dans Columbo, c'est pareil il y a un meurtre et on voit tout de suite le coupable.

Jean : c'est plus un film télé qu'un film de ciné.

Globalement, comment avez-vous trouvé le film ?

Nisma : ça fait téléfilm.

Nicolas : je dirais plutôt un court-métrage, mais on en voit rarement au ciné, dommage !

Valérie : c'est peut-être une pub pour l'assurance

Alexandre : c'est pas mal, je trouve, mais on reste sur sa faim. On ne connaît pas la fin de l'histoire. Il doit manquer un bout du film. C'est peut-être un extrait

Florence : non, c'est un court-métrage et souvent on te laisse toi-même imaginer la fin..

J- Réunion 10 : Scénario 2 (il trinque à la Chaplin)

Participants : Age entre 22 et 25 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 3ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une à deux fois par mois, mais l'un d'entre eux, cinéphile, va au cinéma au moins une fois par semaine et visionne de nombreux films en vidéo et sur le satellite

Participants : Vincent, Corinne, Nico, Marie, Guillaume, Stéphanie, Myriam, Brice

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Vincent : l'absence totale de réaction du personnage après l'annonce de la mort de sa femme...c'est curieux

Corinne : il y a une musique asiatique qui fait penser aux années 70

Nico : oui, on dirait un film américain, le mini bar Philips aussi ça fait penser à ça ; le téléphone aussi, il fait très States

Myriam : j'ai déjà vu cela en France. Je crois plutôt que cela se situe dans un pays du sud avec le désert, etc.

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Vincent : c'est une personne qui appelle des urgences, je pense

Corinne : ah, non ! Moi, je pense que c'est une gare

Marie : ah bon ? Il aurait fait flinguer sa femme !?

Guillaume : la personne au téléphone ne se nomme pas, on dirait que c'est un contrat...

Stéphanie : en tout cas, le mari était très tranquille, je trouve. Et puis, le désert, ça symbolise sa longue traversée du désert qu'il a eue pendant plusieurs années avant de flinguer sa femme.

Guillaume : oui, ensuite, il se sert un verre, je ne sais pas ce que c'est ...Un Woody Mary avec le sang de sa femme ?

Rires

Que diriez-vous d'autre du personnage principal ?

Vincent : c'est un homme d'affaires

Myriam : oui ou un chef d'entreprise. Il travaille dans son bureau. Il est bien placé en tout cas.

Que diriez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Guillaume : il y a un bureau normal avec un téléphone, une plante verte...Très banal

Corinne : les rideaux sont fermés. Il faisait nuit, je crois

Brice : le téléphone est énorme, je trouve

En dehors du personnage principal et de la voix au téléphone, avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Guillaume : à part l'homme au téléphone, il y a une femme sur une photo. Elle est blonde, je crois.

Brice : l'air coquine aussi

Rires

Corinne : il y a aussi la femme dans le désert. C'est quelque chose dans le passé. C'est un souvenir de sa femme

Vincent : oui, c'est un flashback

Marie : elle est habillée en noir

Nico : non, en bleu marine avec un fichu sur la tête

Guillaume : elle présente bien. Elle va bien avec le mec. Elle marche vite en tout cas, c'est pas une personne âgée

Stéphanie : c'est pas très clair. C'est un désert ou une plage ?

Myriam : oui le Maroc ou l'Espiguette ?

Corinne : l'Ile de Ré...

A quelle période situez-vous l'action du film ?

Guillaume : dans les années 90. Ca fait un peu kitch

Marie : ou 80, La moustache, la coiffure, les habits font larges aussi. Ce bar fait 80

Vincent : et puis la photo aussi

Brice : oui elle est sur le bar

Guillaume : Ensuite il remue son shaker comme Charlie Chaplin dans un film où il est de dos et on a l'impression qu'il pleure parce que sa femme a eu un accident et en fait il se fait un cocktail. Il y a une histoire de doubles dans ce film...Ca me fait penser à ça ce film...

A quel moment de la journée pensez-vous que l'activité se déroule ?

Vincent : la nuit

Corinne : oui, il fait nuit dehors

Nico : oui, sauf la séquence de la femme dans le désert. C'est le jour. Mais c'est un flashback

Stéphanie : oui c'est sa femme que l'on voit dans le cadre sur son bureau

Myriam : non c'est pas sûr, ça peut être sa fille. Elle paraît plus jeune, non ?

Brice : sa maîtresse ?

Vincent : non, pas dans son bureau. Trop risqué..

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage avec sa femme ?

Marie : pas terrible, le mec au téléphone, c'est peut être un tueur alors ...

Guillaume : oui, je le vois bien nettoyeur

Rires

Corinne : oui, Victor nettoyeur ! C'est vrai que ça fait un peu ça. Il a la voix d'un tueur

Nico : non, c'est pas sûr, il dit « on a tout fait pour qu'elle ne souffre pas » ...Un tueur ne dit pas ça..

Myriam : si, les pros !

Guillaume : Myriam, tu n'as pas honte

Rires

Stéphanie : elle était peut-être malade depuis longtemps...Un cancer ou une maladie grave

Brice : le gars avait un accent bizarre, c'est pas net.

Nico : ou alors elle était hospitalisée en Italie, l'accent faisait italien

Vincent : oui, mafioso

Rires

Dans quel genre placeriez-vous le film ?

Marie : un policier

Guillaume : je ne sais pas, j'hésite en fait

Brice : ça fait très série américaine ou un truc sur M6

Guillaume : c'est un peu psychologique, style Z

Stéphanie : non, t'es fou ! La musique m'énerve. Ca va pas avec le film. Ca se passerait en Asie, d'accord, mais là...

Guillaume : non, ça passe, de toute façon on ne l'écoute pas la musique..

Corinne : parle pour toi, moi, je la trouve pas mal

Qu'avez-vous remarqué dans le montage du film ?

Marie : il y a des fondus lorsque l'on voit la femme qui marche. C'est assez régulier

Corinne : oui c'est pas continu

Guillaume : Ce sont peut-être ses fermetures de paupières lorsqu'il regarde à la fenêtre

Marie : T'as fumé toi !

Rires

Nico : il y a un gros plan sur le téléphone et le frigo aussi

Stéphanie : la photo, non ? Je ne sais plus ..

Guillaume : A mon avis ce n'est pas un policier, un thriller...vous vous plantez.

Comment imaginez-vous la fin du film ?

Brice : il va retrouver son amante. Il est libre maintenant

Corinne : il va peut-être regretter ce qu'il a fait en se souvenant des bons moments avec sa femme. Il va retrouver le tueur et se venger...

Guillaume : il se sert un verre, se met de l'arsenic et retrouve sa femme

Myriam : Son manque d'enthousiasme m'étonne un peu. Alors il va peut-être se suicider. Il semble blasé..

Vincent : je le sens mitigé. Finalement, on se dit qu'il regrette ce qu'il a fait et s'il avait vraiment envie de la tuer...

Stéphanie : s'il voulait la tuer alors pourquoi pleure-t-il à la fin ?

Guillaume : bonne question !

Marie : moi, je vois bien sa maîtresse arriver dans le bureau. C'est peut-être la femme à la photo d'ailleurs...

Nico : pour que tout le monde le sache.... ? Arrête !

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Marie : finalement, il a l'air content

Guillaume : qu'est-ce que je vous avais dit : du Chaplin !

Myriam : c'est peut-être sa maîtresse sur la photo ...alors !

Stéphanie : il trinque avec sa maîtresse et maintenant une nouvelle vie commence pour eux...

Corinne : Moais...je crois plutôt que c'est sa femme sur la photo et il trinque en pensant : Ah ! je l'ai bien eue...

Brice : oui, surtout qu'elle avait vraiment l'air d'une garce sur la photo...

Cette fin, vous surprend-elle ?

Marie : oui, un peu

Corinne : je le trouve trop content

Guillaume : non pas du tout, je la trouve plutôt sympa

Stéphanie : sympa ? Ignoble, tu veux dire

Myriam : en tout cas inattendue...pour moi, en tout cas

Quels sentiments le personnage principal avait-il pour sa femme ?

Brice : je pense qu'il l'aimait bien au fond...

Guillaume : oui, enfin...morte ! Je pense que c'est un tueur quand même au téléphone

Marie : oui, c'est un polonais ou un russe

Vincent : non ! un corse ou un italien. Il y a une annonce derrière, d'un aéroport

Guillaume : c'est un lieu public

Nico : un jetkiller à la Léon

Myriam : sauf qu'on ne voit pas Jean Réno

Comment imaginez-vous la suite ?

Vincent : il fait ses valises et change de vie

Marie : il va chercher ses dollars

Guillaume : moi, j'attends un autre personnage. Il manque quelqu'un je pense

Nico : moi, je pense qu'il va partir avec quelqu'un et changer de vie

Stéphanie : oui un truc comme cela, bien immoral...

Rires

Globalement comment trouvez-vous le film ?

Marie : c'est court

Vincent : ça paraît court, mais quand même on se pose pas mal de questions...

Stéphanie : il n'y a pas beaucoup de dialogues alors on se pose plein de questions

Brice : Ah moi, j'aurai zappé, c'est trop lent pour moi

Corinne : non, moi j'aime bien

Myriam : le bureau fait un peu trop décor. Rien me semble réel...le désert, etc. C'est étrange comme impression

Marie : c'est vrai, ça fait pas un endroit utilisé tous les jours. C'est très froid. Un peu angoissant ..

Nico : c'est un court-métrage assez prenant. On a l'impression d'être baladé : curieux !

Guillaume : mouais...il est plein de détails. Il faudrait le revoir, je crois, pour bien percuter.

K- Réunion 11 : Scénario 3 (les jambes)

Participants : Age entre 22 et 25 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 2ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une à deux fois par mois

Participants : Julie, Sarah, Cécile, Valérie, Benoît, Philippe, Samir, Mathias

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Julie : c'est une atmosphère étrange, l'histoire semble banale mais on sent que quelque chose est anormal

Sarah : oui, c'est vrai, le mari est étrange.

Philippe : l'acteur joue mal, je trouve. Il est inexpressif

Samir : c'est ce qu'on lui demandait, pour brouiller les pistes

Que diriez-vous d'autre du personnage principal ?

Benoît : il est un peu hésitant. Dans sa manière de bouger surtout. Sinon c'est sûrement un cadre dans une entreprise

Mathias : oui c'est un directeur ou un chef d'entreprise

Valérie : il a un bureau de directeur et tout, ses gestes, sa façon de parler le montrent

Comment imaginez-vous la personne qui téléphone ?

Philippe : la voix est une voix de femme. Mais ça semble un peu robotisé. Ce n'est pas naturel. Ca fait un peu voix de répondeur.

Cécile : oui, c'est une voix de femme.

Sarah : elle ne cherche pas à dialoguer, on a même l'impression qu'elle est pressée

Benoît : ça doit être un médecin sans état d'âme, il fait son boulot et ne veut pas communiquer

Valérie : oui une infirmière surchargée

Samir : moi, je verrai plutôt quelqu'un de la famille qui se dévoue pour annoncer la mauvaise nouvelle

Julie : oui et qui attendra le mari à l'hosto pour les formalités

Avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Benoît : oui, il y a une femme qui marche dans le désert

Valérie : pourquoi un désert, ce peut être en bord de mer, n'importe où

Philippe : bon, c'est assez cliché...La femme qui s'en va...

Mathias : non, j'ai bien aimé cette image, en plus c'était bien filmé avec des sauts

Sarah : ça rappelle un peu la mythologie ancienne avec cette femme qui part vers l'au-delà.

Cécile : c'est une vieille dame avec un foulard

Samir : pas si vieille que cela à mon avis

D'autres personnages encore ?

Mathias : oui, il y a une femme sur une photo. C'est une photo en noir et blanc. Je ne sais pas si elle a un rôle là-dedans

Valérie : c'est sûrement sa femme

Samir : oui sûrement, et elle n'était pas mal..

Rires

Quelles relations le personnage principal avait avec sa femme ?

Julie : ça devait être assez neutre ou alors il était introverti

Benoît : en tout cas, il ne semble pas effondré par la nouvelle

Samir : non, c'est vrai, il boit son verre, ok, mais il n'y a rien qui montre sa tristesse

Philippe : à mon avis, il savait depuis longtemps qu'elle allait mourir. Il savait même que c'était pour ce soir, donc il était préparé...

Sarah : oui, c'est vrai, il joue bien ce registre

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Cécile : ça doit être tourné dans un immeuble je pense. Sinon le bureau est aseptisé, ça fait pas réel

Philippe : oui, tout est rangé, il n'y a pas de papiers. Il ne travaille jamais dedans, c'est pas possible

Mathias : tu n'as jamais vu un bureau de directeur, on dirait. C'est toujours comme cela....

Julie : sa secrétaire doit avoir tous ses dossiers

Benoît : sinon, la femme marche près d'une plage, je pense. C'est pas un désert, en fait

Philippe : tu disais le contraire, tout à l'heure

Benoît : et alors, je peux pas me tromper...

Samir : ok ! Dans le bureau, le store fait placé exprès. Il prend une place importante. En plus, il le ferme tout de suite après l'avoir ouvert. C'est étrange comme réaction.

Sarah : ou alors il est très maniaque...

Philippe : l'ambiance est artificielle à cause de cela

Valérie : non, je ne trouve pas, il agit machinalement, c'est normal, non ?

A quelle période situez-vous l'action du film ?

Julie : de nos jours

Sarah : oui à quelques années près

Philippe : le frigo Philips fait années 80. On s'attarde dessus en plus. Mais la photo de sa femme fait presque années 50...

Samir : tout de suite, c'est pas parce que c'est en noir et blanc que c'est vieux...c'est une photo d'art, peut-être

Benoît : il va bientôt nous dire que c'est la photo de sa mère...

Philippe : oui, j'y pensais, pourquoi pas...En tout cas ça a bien 10 ans

Cécile : il n'y a pas d'ordinateur aussi, et ses vêtements font un peu anciens

Valérie : ce n'est pas le film qui est ancien, c'est le type qui fait vieux, tu veux dire

Cécile : ouaih, c'est un peu cela...

Mathias : les cadres sont rarement habillés marrant....

Rires

Mathias : sinon, je pense que cela se passe le matin, on voit le jour je crois derrière le store

Philippe : je pensais plutôt le soir, on voit la nuit tomber

Mathias : tu me cherches ...

Rires

Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

Philippe : ça fait un peu série B policière. Un téléfilm de 21H. à la télé

Julie : je ne vois pas ce qu'il y a de policier là-dedans : je pense plutôt à un drame

Sarah : oui, éventuellement à une comédie dramatique

Benoît : où tu vois le côté comédie, toi ?

Rires

Samir : je pense à un drame aussi, un peu psy sur les bords

Philippe : les décors font téléfilm et l'acteur n'est pas terrible non plus

Cécile : tu disais « mauvais » tout à l'heure...il s'est amélioré depuis..

Rires

Philippe : c'est très lent aussi. Le gros plan sur le téléphone, ça me rappelle la télé.

Mathias : y a pas qu'à la télé qu'il y a des gros plans, man !

Valérie : je trouve que c'est intimiste, y a pas assez d'extérieur. On ne voit que l'intérieur du bureau

Cécile : non, on voit aussi le bord de mer ou un désert, je ne sais pas. Je trouve que cela fait un peu série américaine ou allemande. Le gars avec son verre dans son bureau, ça rappelle Dallas. Mais l'acteur a une tête de français quand même...

Qu'avez-vous remarqué dans le montage du film ?

Philippe : les gros plans sur le frigo et le téléphone. Ils sont très voyants

Mathias : moi, j'ai bien aimé les effets quand la femme marche dans le sable

Sarah : oui, c'est pas mal

Samir : c'est vrai, c'est à la fois joli et évocateur : le passage

Philippe : Lalane, va ... !

Rires

Qu'avez-vous remarqué dans la bande son

Benoît : il y avait une petite musique de fond

Philippe : oui, elle me rappelle la musique d'American Beauty

Julie : des bruits de verre aussi

Philippe : oui, mais ils semblent rajouter

Mathias : ah, oui ? Et qu'est-ce qui te fait dire cela ?

Philippe : ils sont trop forts mais tu as raison avec un bon micro...

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Sarah : il va peut-être annuler ses rendez-vous pour partir à l'hôpital

Mathias : oui ou sa secrétaire va peut-être arriver.

Philippe : à mon avis, on va rester dans le bureau. Il ne semble pas vouloir sortir

Julie : il va rester dans ses visions à réfléchir sur le passé

Samir : et nous allons avoir un retour arrière, dix ans plus tôt, par exemple..

Valérie : oui ce serait pas mal

Cécile : mouaih pourquoi pas..

Benoît : ou alors, y a pas de fin, c'est à nous de l'imaginer...

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Julie : je savais bien qu'il y avait quelque chose d'anormal. Il a sans doute une maîtresse...

Philippe : la personne à la photo c'est bien la femme qui est morte ...

Benoît : ce n'est pas forcément sa maîtresse. On voit des jambes et alors ?

Sarah : oui, mais c'est troublant tout de même

Samir : en plus, elle a de belles jambes ...

Rires

Cette fin vous semble-t-elle conforme avec le début ?

Cécile : oui, il continue à boire son verre

Mathias : la secrétaire, je m'y attendais un peu. Mais, ce qui n'était pas prévu c'est le comportement de la secrétaire. Elle est très près de lui. Il doit y avoir une complicité

Samir : oui mais laquelle ? dans la mort de la femme ? ou plus intime ?

Rires

Philippe : En plus, elle ne dit rien. Une secrétaire n'agit pas comme ça. A mon avis, ils sont amants.

Julie : Ca explique pourquoi il a réagi comme cela quand il a appris la mort de sa femme

Selon vous, quels sont les sentiments que le personnage principal avait pour sa femme ?

Mathias : difficile à dire. Il en avait sans doute, au moins au début. C'est peut-être pour cela qu'il revoit le passé

Philippe : il semble finalement content. On aimerait en connaître plus

Samir : oui, on ne voit que les jambes, pas le reste...

Rires

Valérie : je pense que c'est un couple comme les autres. Mariés depuis longtemps et, en plus, la femme malade

Julie : c'est pas une raison pour la tromper, au contraire

Sarah : c'est peut-être la secrétaire qui se fait des idées maintenant que la voie est libre..

Cécile : oui pourquoi pas, mais j'en doute, il va craquer si ce n'est déjà fait...

Globalement, comment trouvez-vous ce film ?

Philippe : il y a trop de clichés, je trouve

Comme ?

Philippe : le désert, les jambes, tout quoi

Sarah : je ne trouve pas. En peu de temps, il crée une ambiance

Julie : oui, assez lourde et étrange, on croit comprendre et puis hop, on est pris au piège

Samir : c'est assez drôle, mais ça fait penser à un début de film porno...C'est peut-être ça. C'est peut-être la première scène porno qui va arriver avec le patron et sa secrétaire...

Valérie : mais, tu ne penses qu'à cela..

Rires

Benoît : je pense que c'est un court-métrage, mais ça pourrait être le début ou la fin d'un film plus long

Cécile : c'est un film troublant en tout cas, très psy...

Mathias : oui, en tout cas pas facile. Il parle de couple, de maladie, de mort ...intéressant mais pas drôle.

L- Réunion 1 2 : Scénario 3 (les jambes)

Participants : Age entre 22 et 25 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 2ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une à deux fois par mois

Participants : Francesca, Julie, Maïté, Séverine, Louis, Marc, Sylvain, Medhi

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Louis : ce film joue sur l'abstrait. Mais c'est un peu ennuyeux

Marc : c'est pas très clair non plus

Francesca : c'est pourtant simple, il apprend que sa femme vient de mourir

Julie : oui, le scénario n'est pas compliqué

Sylvain : c'est un mari qui se débarrasse de sa femme

Séverine : oui ça fait un peu cela

Medhi : on ne sait pas vraiment, en fait

Maïté : oui c'est difficile à dire

Que diriez-vous du personnage principal ?

Marc : il doit avoir 50 ans et il semble être un cadre

Louis : oui, il a l'air à l'aise dans son bureau

Medhi : je pense qu'il est plus que cadre, directeur peut-être ?

Maïté : oui, une sorte de patron, vu son bureau

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Marc : le mobilier du bureau est simple. Il y a un pot de fleurs, je crois

Francesca : il y a un frigo aussi. Il y a de l'alcool dedans

Louis : oui, c'est curieux d'ailleurs. C'est peut-être le patron d'une grande boîte ?

Medhi : je le crois oui. Il a le look d'un directeur

Séverine : en tout cas il n'est pas net. On dirait que c'est lui qui a monté le coup

Maïté : il est étrange mais peut-être pas jusqu'au point de la tuer

Julie : en plus la musique fait film policier, je trouve

Qu'avez-vous remarqué d'autres dans la bande son ?

Marc : le rythme de la musique fait meurtre prémédité

Sylvain : oui, un peu maintenant que vous me le dites

Medhi : je ne trouve pas mais bon...

Francesca : il y a aussi cette voix au téléphone

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Francesca : à mon avis c'est l'amante

Marc : oui c'est sa maîtresse. Il sort le whisky pour fêter la bonne nouvelle

Julie : elle le tutoie. Elle ne se présente pas. C'est forcément sa maîtresse

Louis : non ce n'est pas sûr. On n'en sait pas assez. Il boit peut-être pour se soulager. On ne connaît pas les circonstances de la mort de sa femme

Medhi : en plus, ce n'est pas parce que tu tutoies quelqu'un que tu es sa maîtresse..

Sylvain : moi, j'aimerai bien voir la suite pour juger...

En dehors du personnage principal et de la voix off, avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Maïté : il y a la femme sur la plage. Ca représente la femme qui s'en va. C'est une délivrance. Elle était peut-être malade..

Sylvain : c'est peut-être sa pensée

Medhi : son âme tu veux dire

Sylvain : oui un truc comme cela

Séverine : oui la pensée du mari ?

Marc : la femme est filmée de dos. On a du mal à savoir qui c'est. ..C'est peut-être sa maîtresse aussi ?

Quelle relation entretenait le personnage principal et sa femme ?

Marc : les relations ne devaient pas être bonnes. Il trinque devant la photo de sa femme et semble délivré

Julie : c'est bien qu'il y avait un problème. Cette fois, elle semble bien partie et ça l'arrange

Francesca : oui, finalement il est soulagé d'un poids

Louis : il semblait être en position d'attente, tout de même

Maïté : c'est vrai que l'on se demande ce qu'il fait dans son bureau à un moment si grave. Il n'est pas au chevet de sa femme. C'est étrange..

Medhi : vous êtes bien sévères....

Sylvain : oui, je trouve aussi

A quelle période situez-vous l'action du film ?

Marc : c'est assez moderne

Julie : non ça a lieu il y a vingt ans

Louis : oui le frigo fait vieux

Medhi : d'abord ce n'est pas un frigo mais un minibar

Louis : et alors, il fait vieux, je trouve..

Marc : disons que ça n'a pas été tourné hier mais c'est assez récent, disons 5 ans maximum

Maïté : le téléphone est ancien aussi. C'est curieux pour un patron quand même..

Séverine : il n'y a pas d'ordi aussi

Sylvain : mais un patron n'en a pas forcément besoin

Louis : il me semble pas y être souvent dans ce bureau

Francesca : il semble y travailler seulement le soir assez tard. Mais ça pourrait être un bon alibi justement.

Dans quel genre placeriez-vous le film ?

Marc : une série française à la télé

Louis : ça peut-être un policier aussi

Francesca : je pense à un policier aussi

Medhi : c'est plutôt un drame, je trouve

Sylvain : oui plutôt un drame

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Sylvain : je verrai une fin tragique : un suicide par exemple

Medhi : ou une plongée dans l'alcool

Marc : non, on reste dans le cliché. La maîtresse arrive maintenant..

Louis : oui la secrétaire semble être sa maîtresse

Francesca : le problème, c'est que l'on n'a pas vraiment d'explications sur la femme dans le désert. J'aurais aimé en savoir plus sur cette femme.

Julie : oui c'est vraiment étrange comme histoire...

Maïté : il peut y avoir une surprise

Séverine : on sent le suspense...

PROJECTION

Comment imaginez-vous la suite ?

Marc : ça peut tomber dans le film érotique. C'est possible...

Louis : oui, les jambes ça fait penser à ça

Francesca : c'est filmé pour ne montrer que les jambes. On ne voit pas son visage donc il n'y a que le corps de la femme qui intéresse l'homme.

Julie : en plus, elle est très près de lui

Medhi : ce peut être fait exprès pour que le suspense demeure. On ne sait pas qui elle est : sa secrétaire, sa maîtresse, une copine, sa fille ... ?

Sylvain : en fait chacun peut imaginer ce qui lui plait, c'est bien amené..

Séverine : en tout cas, je pense qu'avec sa femme, ça ne devait plus être ça

Francesca : ça devait être très mauvais, tu veux dire. Il est trop satisfait de sa mort

Julie : il est possible aussi que la femme en question soit sa femme justement ! Elle n'est pas morte et elle vient se venger

Rires

Marc : non, impossible, l'histoire est simple ici...

Medhi : en revanche, cela peut être un deuxième flash back, il revoit sa femme entrer dans son bureau

Marc : oulala ! Que vas-tu inventer ?

Sylvain : non ce n'est pas con..

Globalement comment trouvez-vous ce film ?

Marc : c'est franchement pas terrible. Y a pas d'action, on zappe tout de suite.

Maïté : il nous manque un bout de film, je pense

Louis : oui, il y a trop de questions sans réponse

Maïté : oui, par exemple, la personne au téléphone au début, on n'est pas sûr de qui c'est. Sa femme ? Sa maîtresse...

Séverine : sa femme ? Elle est morte, donc c'est la maîtresse, réfléchis...

Maïté : c'est flou... Elle le tutoie mais elle ne dit presque rien

Séverine : et que veux-tu qu'elle dise, y a pas grand chose à dire dans ces circonstances. Elle ne va pas lui parler de la pluie et du beau temps, tout de même

Medhi : non, moi j'ai trouvé qu'en quelques minutes, le suspense était créé.

Sylvain : oui un court métrage intéressant qui interpelle quelque part..

Francesca : un peu trop court à mon goût, mais bon c'était prévu pour, je suppose...

M- Réunion 13 : Scénario 2 (il trinque à la Chaplin)

Participants : Age entre 22 et 25 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 3ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une à deux fois par mois, mais l'un d'entre eux, cinéphile, va au cinéma au moins une fois par semaine et visionne de nombreux films en vidéo et sur le satellite

Participants : Julie, Emilie, Vanessa, Myriam, Fabrice, Rémi, François, Christophe

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Fabrice : le personnage n'a pas l'air touché par la mort de sa femme

Rémi : oui, on dirait qu'il a tué sa femme ou qu'il a ordonné qu'on la tue

Vanessa : oui, enfin, je dirais plutôt qu'il s'en fout un peu qu'elle soit morte. Ca ne lui pose pas de problèmes

Myriam : je ne suis pas certaine qu'il s'en foute moi

Emilie : oui, ce n'est pas évident

Que diriez-vous du personnage principal ?

Fabrice : il porte un costume. Il a son bureau. Il a la possibilité de s'isoler. Il doit être le patron

Julie : il n'a pas l'air très sensible non plus. Il doit avoir un coeur de pierre

Rémi : il semble être sur ses gardes. Il regarde aux rideaux pour voir si on ne l'observe pas. Il se sent espionné

Christophe : oui c'est possible. Ensuite il pense à sa femme

Emilie : oui c'est curieux. Il pense à la mort de sa femme par cette représentation dans le désert

Que diriez-vous des lieux où se déroule l'action ?

François : il est classique. Avec une plante verte. Il n'y a rien d'exceptionnel. Il est juste bien rangé.

Julie : il y a un téléphone et la photo de sa femme

Myriam : un frigo

Rémi : un mini bar Philips, oui

Vanessa : et des stores

Emilie : il y a aussi ce passage dans le désert

Myriam : dans le désert, pas sûr...ce peut-être en bord de mer

Fabrice : je dirai plutôt dans le désert, tout de même

Comment imaginez-vous la personne qui téléphone ?

Christophe : elle a un accent étranger

François : elle prend un accent plutôt...comme si elle voulait camoufler sa voix...

Vanessa : dans quel intérêt ?

François : ça je ne sais pas encore..

Rémi : il y a des bruits de fond aussi

Julie : oui, je pense que ça venait d'un hôpital

Emilie : il n'y a pas la musique du Parrain dedans ?

Fabrice : la personne dit « on a tout fait pour qu'elle ne souffre pas » donc oui ça peut venir d'un hôpital

Myriam : ce qui est curieux, c'est que la personne ne se présente pas au téléphone

Vanessa : c'est peut-être quelqu'un d'autre. Moi j'ai entendu : « votre femme a été tuée », non ?

Myriam : moi non.. 

François : il s'attendait à ce coup de fil. L'accent est italien

Rémi : oui, un peu mafieux

Julie : moi je voyais bien un docteur

Emilie : un mafieux plutôt

Qu'avez-vous remarqué d'autres dans la bande son ?

Rémi : la musique est asiatique

François : non, plutôt suspense

Myriam : les sons étaient étranges, en tout cas

En dehors du personnage principal et de la voix-off, avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Vanessa : il y a la photo

Fabrice : elle est blonde, 40 à 45 ans. Elle est assise à un bureau. Elle tient un stylo. C'est peut-être une journaliste

Julie : c'est peut-être sa maîtresse ?

Vanessa : sa femme tout simplement...

Emilie : non, je ne pense pas. Je n'ai pas l'impression que la femme que l'on voyait sur les dunes soit la même que la photo ...ce sont deux personnes différentes

Rémi : oui, c'est vrai que sur la photo, elle fait blonde et sur la dune, il me semblait qu'elle était brune.

Myriam : mouais, non je pense que c'est la même quand même..

Christophe : y a un doute, tout de même

François : la femme sur la dune, ce n'est peut-être pas sa femme non plus... Ca représente peut-être une femme en général...

Vanessa : Disons que lorsqu'il ouvre son store, il a peut-être envie de réfléchir à autre chose

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

Emilie : platonique

Rémi : non, il s'en fout complètement

François : le problème, c'est que l'on ne sait pas qui est la femme sur la photo. Si c'est sa femme, c'est la personne qui est sur la dune et sur la photo c'est une autre femme avec qui il a refait sa vie, les relations ne devaient pas être bonnes

Julie : oui c'est possible. La femme sur la photo, c'est peut-être une autre femme

Vanessa : ce ne serait que des indices mais cela ne prouverait rien

Myriam : oui mais si c'est la même, dans ce cas, il tenait à elle...

Approbation

A quelle période situez-vous l'action de ce film ?

Rémi : ça doit avoir 20-25 ans

François : je dirai fin des années 80

Emilie : oui le téléphone fait 90

Julie : oui le frigo Philips fait vieux. Il n'y a pas d'ordinateur non plus.

Vanessa : le design fait assez ancien, je trouve. Tout le bureau fait un peu vieillot

Myriam : vous exagérez un peu

Fabrice : oui, je trouve aussi, je dirais dans les années 90, peut-être même début 2000

Christophe : Le téléphone est trop gros. Il n'a pas de portable. Non, c'est plus vieux que cela

Julie : je pense que cela se situe en automne. Il a des habits qui se portent à cette saison

Vanessa : il fait nuit aussi

Approbation

Dans quel genre situeriez-vous ce film ?

Rémi : un policier, style Navarro

Julie : un film de série B comme Dallas

Fabrice : Ca fait série policière allemande Le Renard (rires). Le look du mec fait allemand

François : C'est sûr que Comédie ça semble difficile

Christophe : C'est vrai que tout fait très strict alors pourquoi pas en Allemagne...

Myriam : peut-être mais la femme qui marche fait mexicaine...c'est bizarre

Emilie : les couleurs font vives et un peu ternes en même temps. Ca fait télé

Vanessa : attention, on le voit sur une télé aussi

Rémi : oui...ça fait film allemand

Qu'avez-vous remarqué dans le montage du film ?

Fabrice : il y a deux moments où on insiste beaucoup sur le téléphone et le frigo. L'image reste longtemps dessus

Emilie : oui ça fait un peu cliché. Il attend son coup de fil. Il boit son Scotch. C'est un peu comme dans les films américains

Rien d'autres ?

Réponse négative de l'ensemble du groupe

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

François : je vois bien un suicide. C'est bien dans le rythme du film

Julie : oui, pourquoi pas

Rémi : moi, je le vois bien se barrer avec sa maîtresse. Il fait ses valises et il s'en va...

Emilie : oui moi aussi je vois ça...

Christophe : il faut être cohérent, soit il s'en foutait et il est content, soit il l'aimait et ne peut pas être content

Fabrice : oui, alors, il continue sa petite vie dans son bureau. Il finit son verre et il se remet au boulot. Un truc comme ça...

Vanessa : pourquoi pas

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Fabrice : il a l'air bien content. Il trinque comme s'il fêtait une victoire

Emilie : il y a une pub derrière le bureau non ? Il me semble qu'il a mis un cachet dans son verre...

François : il trinque peut-être parce qu'il se dit : j'en ai plus pour longtemps moi aussi je vais te rejoindre et puis il se suicide

Rémi : non pas du tout ! C'est plutôt je t'ai bien eue ! Et il fête sa victoire

Vanessa : oui il est ironique, cynique aussi

Julie : je dirai même qu'il a enfin une émotion ! Il a un sourire en coin

Myriam : il est plus dynamique aussi

Christophe : oui il cachait bien son jeu, il faisait presque pitié

Cette fin vous surprend-elle ?

François : un peu oui

Rémi : non pas plus que ça. Il aurait pu faire ça avec en plus sa maîtresse qui entrait dans le bureau

Christophe : rien ne dit qu'il a une maîtresse, il peut être seulement content de retrouver sa liberté, point barre

Myriam : c'est un sacré dégueulasse

Fabrice : tout de suite...

Rires

Selon vous, quels sont les sentiments que le personnage principal avait pour sa femme ?

Rémi : il ne l'aimait plus. Il voulait s'en débarrasser

François : pas forcément

Emilie : oui, on dirait une vengeance. On dirait qu'il lui en voulait. A sa manière de trinquer. Ca fait un peu, c'est moi qui ai eu le dernier mot

Christophe : Hasta la Vista Baby

Rires

A quel film, cette fin vous fait-elle penser ?

Rémi : un Derrick

François : ça reste toujours dans la logique des films des années 80. Avec cette suite de plans

Julie : Si le tueur c'est lui, je ne vois pas trop un policier sauf si c'est un Columbo où on connaît le tueur dès le début

Fabrice : c'est plutôt un policier. Donc un flic va apparaître à l'écran

Myriam : il doit y avoir une affaire d'héritage. Le type au téléphone, ça doit être un tueur à gages

Christophe : il va venir chercher son fric et l'autre va le tuer pour ne pas laisser de trace...

Rires

N- Réunion 14 : Scénario 5 (contrat d'assurance et le mari fait tomber le cadre)

Participants : Age entre 21 et 23 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 2ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une fois par mois

Participants : Isabelle, Virginie, Sofia, Fanny, Nicolas, Pierre, Ousmane, Brice

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Nicolas : la mort semblait prévue. Sa réaction est étrange

Fanny : il me semble peu surpris, c'est vrai. Disons qu'il s'y attendait

Approbation

Que diriez-vous du personnage principal ?

Nicolas : il a son bureau personnel. Il est bien habillé. C'est sûrement un patron d'une grande boîte ou d'une PME

Pierre : il y a une revue je crois que j'ai vue. Il est peut être journaliste pour une revue de management...

Sofia : oui, c'est possible, mais les cadres lisent ce type de magazine, donc...

Pierre : je ne le vois pas patron. Son bureau est trop petit. Il a l'air d'être stressé. Il doit courir à l'info souvent. Il ne sourit pas...

Isabelle : oui, enfin, sa femme vient de mourir, il ne va pas sourire..

Rires

Virginie : il travaille tard aussi. Il fait nuit je crois

Ousmane : il est trop calme. Ca cache un truc. Il répond au téléphone. Il ne dit presque rien...Ensuite tranquillement il va vers sa fenêtre et pense à sa femme..

Brice : moi, je dirai plutôt que c'est quelqu'un d'autre. Rien ne dit que c'est sa femme...

Fanny : étrange tout cela...

Des objets ont-ils attiré votre attention ?

Brice : oui il y a un gros téléphone. Il a plusieurs boutons. Il doit avoir plusieurs lignes

Nicolas : il y a des stores

Brice : la femme sur la plage était voilée...enfin il me semble

Fanny : ce n'est pas un voile

Rires

Sofia : un carré ou un foulard, il n'y a rien de religieux là-dedans je pense...

Isabelle : il n'y a pas une photo ? Non ? Je ne sais plus

Virginie : si, tu as raison, une photo de femme

Fanny : mais est-ce la sienne ? Mystère...

A quelle période situez-vous l'action du film ?

Nicolas : au XXème siècle

Pierre : pas aujourd'hui. Il n'y a pas d'ordinateur. Dans les années 90 alors...

Ousmane : oui c'est pas un bureau d'aujourd'hui. On dirait un bureau d'ouvrier...

Fanny : tu plaisantes, j'espère...

Brice : pas d'ouvrier, mais il n'y a pas d'ordinateur sur le bureau...C'est un comble aujourd'hui

Sofia : et qui te dis qu'il n'a pas un portable high-tech dans un tiroir. Non, moi, je pense que cela se passe aujourd'hui.

Virginie : c'est vrai qu'un ordinateur fixe, ça fait secrétaire maintenant, sortez un peu ....

Isabelle : oui, pas faux, ça doit se passer de nos jours à deux-trois ans près..

Dans quel genre placeriez-vous ce film ?

Nicolas : un Derrick ?

Rires

Nicolas : la situation de la mort de la femme...Et puis il y a cette lenteur..

Isabelle : non, moi je dirai un drame

Brice : une série américaine ou allemande, ou un téléfilm de l'après-midi

Ousmane : c'est vrai qu'il y a beaucoup de stéréotypes aussi .....

Comme ?

Ousmane : le mari et sa femme, et....

Silence

Sofia : moi, je pense que c'est soit un policier soit un drame

Fanny : oui ou le début d'un film, donc difficile à dire...

Qu'avez-vous remarqué dans le montage du film ?

Nicolas : il y a un trucage dans le désert. Il y a un carton dessiné, je pense..

Brice : non, je ne pense pas. J'ai trouvé ça assez naturel. En plus, il y a des espaces verts dans ce désert ...Peut-être une oasis ?

Ousmane : ce sont des joncs ou des roseaux. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit un désert.

Fanny : une plage peut-être. Dans les Landes, tu as des paysages comme cela..

Qu'avez-vous remarqué d'autres... dans la bande son ?

Isabelle : il y a une musique assez lente. Elle correspond à la situation

Virginie : lente et un peu étrange aussi, un peu asiatique, je pense..

Approbation

Sofia : il y avait aussi cette voix au téléphone : étrange aussi...Qui est-ce ? On ne sait pas. Tout est étrange dans ce film, c'est un peu angoissant même...

Approbation

PROJECTION

Quelle fin verriez-vous à ce film ?

Isabelle : il va sortir de son bureau. Il va aller à l'hôpital

Ousmane : il pourrait se suicider...

Brice : ça manque d'action...Peut-être que ça va commencer...

Virginie : Je ne le vois pas aller à l'hôpital maintenant. Il va s'enfiler plein de Whisky.

Sofia : oui peut-être

Fanny : et avoir un accident de voiture, tellement il sera saoul

Rires

Pierre : il va voir sa maîtresse

Nicolas : d'un autre côté, on ne voit pas qui est morte...C'est peut-être sa chienne ?

Rires

Virginie : si, si le gars dit que sa femme est morte

Brice : exact !

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Isabelle : c'est un médecin

Sofia : oui sans doute...

Nicolas : un tueur ?

Brice : Ah ! Je verrais bien cela oui...

Pierre : on ne sait pas trop : l'un ou l'autre...

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Brice : c'est révélateur. Il y a une histoire d'argent. Il sort tout de suite son contrat d'obsèques.

Fanny : il y a une histoire de capital aussi. Sa femme devait avoir des parts dans la boîte. Bon, je ne sais pas s'il l'a tuée, mais ça l'arrange bien tout ça ...

Pierre : il ne l'a pas tuée mais peut-être fait tuer...différence

Sofia : le résultat est le même

Rires

Virginie : Il n'y avait pas de sentiment en tout cas...

Oui, selon vous, quels sont les sentiments que le personnage principal avait pour sa femme ?

Isabelle : ça doit être fini depuis longtemps. Et puis elle devait être malade depuis longtemps..

Ousmane : oui, il avait préparé ses papiers..

Brice : bon, de là à se précipiter vers son contrat, c'est quand même un peu louche ! Et puis, on insiste sur le contrat avec un gros plan...

Nicolas : je pense aussi qu'il est bien content de toucher l'assurance. Non, y avait plus rien entre eux, sauf le contrat...

Brice : d'assurances ou du tueur ?

Rires

A quel film, cette fin vous fait-elle penser ?

Ousmane : à un Dallas

Isabelle : Ah oui, un peu !

Brice : Les feux de l'amour ! La femme est morte et le type se précipite pour toucher son capital. C'est tout à fait ça !

Nicolas : quoique là, il n'a aucun sentiment on dirait. Dans ces feuilletons, le mec a parfois quelques remords. Alors que là, il s'en fout complètement..

Sofia : non, moi ça me rappelle des films noirs, j'en ai la chair de poule...

Rires

Virginie : ou un film sans fin comme parfois il y en a pour pousser les gens à penser...

Pierre : tu vas mal dormir cette nuit ?

Rires

Comment imaginez-vous la suite ?

Nicolas : il va continuer à boire, ensuite, je vois bien une enquête de police...

Brice : oui la mort est suspecte. On ne sait pas grand chose de ce qu'il s'est passé. Je vois de l'action maintenant..

Isabelle : il va consulter un notaire ?

Fanny : oui, la compagnie d'assurance et l'entreprise de pompes funèbres...

Ousmane : et c'est là que le pot aux roses est levé...

Virginie : et que débute la suite, le Numéro 2...

Rires

Globalement comment avez-vous trouvé ce film ?

Brice : il faudrait voir la suite ...

Nicolas : je ne comprends pas encore très bien le message qui devait passer.. L'acteur n'est pas génial, non plus

Brice : oui il débute

Rires

Nicolas : non, disons que c'est un peu surjoué ....

Fanny : pas plus que Francis Huster et bien d'autres que vous admirez...non je l'ai trouvé assez crédible en mari intéressé

Isabelle : ça fait réfléchir...on peut voir la suite ?

Sofia : c'est peut-être une pub pour les assurances

Brice : oui possible. C'est un peu tourné à la dérision alors ...avec pour slogan : pour rester froid à la mort de votre femme, assurez-vous !

Rires

O- Réunion 15 : Scénario 2 (il trinque à la Chaplin)

Participants : Age entre 19 et 23 ans

Enseignement Supérieur

Formation universitaire : Administration et Economie Sociale. 2ème cycle

Fréquentation du cinéma : en moyenne une à deux fois par mois

Participants : Christophe, Pauline, Kristel, Mamadou, Paul, Fabien, Amélie, Christine

Qu'avez-vous remarqué dans ce film ?

Christophe : je trouve la réaction du personnage curieuse. Il me semble pas réagir comme quelqu'un de normal quand il apprend la mort de sa femme.

Pauline : oui, c'est étrange comme comportement. On dirait qu'il s'y attendait.

Kristel : à moins qu'il soit très préoccupé par son boulot, mais bon, c'est vrai c'est une attitude bizarre.

Approbation générale

Que diriez-vous d'autres du personnage principal ?

Mamadou : c'est un cadre ou un patron d'entreprise.

Amélie : il est en costume cravate. Il travaille tard dans son bureau. Oui, c'est quelqu'un qui a des responsabilités dans sa boîte

Christine : il était marié, puisqu'on nous dit que sa femme est morte. Il a peut-être des enfants..

Christophe : il a sûrement une vie bien rangée

Fabien : c'est un cadre comme il y en a des millions, dévoué corps et âme à son entreprise

Kristel : bien forcé non ? Tu crois pas ?

Pauline : peut-être, mais cela n'excuse pas son attitude..

Comment imaginez-vous la personne au téléphone ?

Christophe : C'est un type avec un fort accent

Fabien : oui un accent italien, on aurait presque dit un mafieux

Pauline : Ah ! non, moi j'ai pas trouvé. Ce n'est pas parce que tu as un accent italien que tu es forcément un tueur. Bonjour, les stéréotypes !

Christine : c'était peut-être un médecin. Il y avait du bruit derrière aussi. Un bruit de foule, comme dans le hall d'entrée d'un hôpital, enfin je crois..

Kristel : non, non, il appelait d'une gare.

Mamadou : je dirais plutôt un aéroport. Il y avait même une annonce je crois..

Paul : Il dit « qu'il a tout fait pour qu'elle ne souffre pas » donc c'est soit un médecin soit un tueur. Mais vu son accent, je miserais plutôt sur le tueur.

Pauline : Tout de suite ! Tous les mêmes... Je ne pense pas qu'il a tué sa femme...

Paul : mais moi non plus, il l'a fait tuer ...

Rires

En dehors du personnage principal et de la voix au téléphone, avez-vous remarqué d'autres personnages ?

Fabien : oui, il y a la femme dans le désert. Je vois pas trop ce qu'elle fout là d'ailleurs, mais bon..

Christine : ça représente la femme qui part...Il imagine sa femme partir vers un monde meilleur peut-être

Paul : en tout cas, cela fait penser à un départ, pour où ? C'est autre chose...

Amélie : c'est une image du départ, je pense ou alors un souvenir qui lui revient

Mamadou : ce n'était pas un désert, je pense que c'était une plage plutôt...

Kristel : désert, plage, qu'importe ! L'image reste...

Pauline : en tout cas, c'est sa femme sur le sable

Christophe : c'est pas sûr

Pauline : il y a une photo d'elle dans son bureau

Paul : Exact, mais sur la photo elle est blonde, alors que sur le sable, elle me semble brune

Kristel : cela ne veut rien dire, elle a pu se faire faire une couleur entre temps..

Paul : sur la photo, elle est plus vieille que la femme dans le sable. Non, je pense plutôt que c'est deux personnes différentes.

Fabien : peut-être sa mère alors.

Paul : ouaih, et après avoir hérité de sa mère, il se débarrasse de sa femme. C'est trop !

Christine : Arrêtez de dire n'importe quoi. C'est sa femme sur la photo !

Surprise, silence.

Que pensez-vous des relations qu'entretenait le personnage principal avec sa femme ?

Christophe : quand on voit sa réaction au téléphone, on se dit que ça ne devait plus aller fort depuis longtemps..

Pauline : c'est vrai qu'on a l'impression qu'il s'attendait à ce coup de fil. Mais, je pense que sa femme était très malade et que la fin était proche.

Amélie : oui, je pense la même chose

Paul : moi, je pense qu'il s'est débarrassé de sa femme pour toucher l'héritage.

Kristel : au moins toi, tu as de la suite dans les idées...

Rires

Mamadou : c'est difficile à dire, en fait. Les deux sont possibles. J'aimerais en savoir plus pour juger...

Que pensez-vous des lieux où se déroule l'action ?

Christine : il travaille dans son bureau. Un grand bureau même..

Pauline : il a un téléphone à plusieurs lignes et une belle plante verte dans un coin.

Fabien : oui, ça fait trop bien rangé pour être vrai. Je pense que c'est tourné en studio

Paul : moi, j'ai remarqué un minitel et un minibar. Donc cela se passe en France et c'est quelqu'un d'important. Tout le monde n'a pas un minibar dans son bureau.

Mamadou : il y a aussi la plage avec le sable, mais je ne crois pas que ce soit un désert.

Amélie : tu l'as déjà dit. En tout cas, c'est une grande étendue de sable et comme on ne voit pas d'eau, on peut tout imaginer...

Des objets ont particulièrement attiré votre attention ?

Paul : Ah oui, le minibar ! C'est un Philips. Il est en bois

Christine : de l'imitation bois...

Fabien : ok, mais il semble assez ancien tout de même

Pauline : il a le droit d'aimer boire un petit remontant de temps en temps

Kristel : moi j'ai remarqué un minitel et pas d'ordinateur, cela me semble bizarre tout de même

A quelle période situez-vous l'action du film ?

Kristel : ben justement il n'y aurait pas ce minitel, j'aurais dit de nos jours mais là je ne sais plus..

Paul : une dizaine d'années...

Fabien : ouaih, pas d'ordi, pas de palm, ni d'écran plat...Tout ça fait un peu ringard...Je dirai : il y a 10-15 ans ; et cette moustache : quelle horreur !

Pauline : Ben quoi ! Il a le droit d'avoir une moustache ! Non en définitive, moi, je trouve que ça fait récent.

Amélie : sa cravate est à la mode. Ses vêtements aussi, non, c'est récent...

Mamadou : ça se passe peut-être ailleurs qu'en France. Dans un pays de l'Est par exemple...

Christine : y a pas de minitel ailleurs qu'en France....

Paul : exact !

Dans quel genre placeriez-vous le film ?

Christine : un drame ou une comédie dramatique

Amélie : oui quelque chose comme ça

Paul : Non, moi je pense plutôt à un policier

Fabien : à un téléfilm policier style Columbo ou Derrick

Pauline : ce peut être une saga de l'été avec plein de rebondissements

Mamadou : moi, je pense que c'est un court métrage comme on en voit parfois, dont la fin est trouble...

Christophe : je pense comme toi. Mais, en plus, je sais pas mais ça me rappelle des films de Godard, un peu intello..

Qu'avez-vous remarqué dans le montage du film ?

Paul : il y avait un effet lorsque l'on voit la femme dans le désert

Kristel : oui, des images superposées

Silence

Et ?

Silence

Qu'avez-vous remarqué dans la bande son ?

Amélie : la musique. Elle est à la fois étrange et relaxante.

Fabien : oui, on dirait de la musique chinoise

Mamadou : c'est toujours la même musique pendant tout le film

Christophe : j'ai pas fait attention...

Quoi d'autres ?

Silence

Comment imaginez-vous la fin du film ?

Paul : il va faire ses valises et quitter le pays

Fabien : oui, je vois bien cela aussi et le tueur le poursuivre pour récupérer son argent ou le faire chanter

Christine : pas du tout, vous regardez trop les séries américaines....Je pense au contraire qu'il va s'effondrer, il commence d'ailleurs à pleurer...Puis, il se reprendra pour prévenir ses enfants..

Mamadou : oui, je pense comme Christine. Il va préparer les papiers et l'enterrement

Christophe : à moins qu'il se saoule en vidant son minibar...

Rires

PROJECTION

Que pensez-vous de cette fin ?

Pauline : je suis assez étonnée. Je ne pensais pas qu'il avait fait ça...

Christine : çà alors, je suis plus qu'étonnée. On avait l'impression qu'il pleurait, de dos...

Mamadou : il s'est bien foutu de nous en fait

Fabien : ouaih ! C'est clair ! Il l'a fait descendre...

Paul : oui pas de doute, cette fois

Christophe : ça ressemble à une vengeance. Elle a dû lui faire quelque chose de terrible pour qu'il réagisse comme ça...

Cette fin, vous surprend-elle ?

Amélie : complètement

Kristel : oui beaucoup aussi..

Paul : c'était évident. Vous n'avez pas remarqué le sourire bizarre de sa femme sur la photo. Elle tient une balle de tennis et le nargue. Il a pété un plomb à force d'être traité comme cela..

Quels sentiments le personnage principal avait-il pour sa femme ?

Paul : de la haine, bien sûr !

Pauline : oui, il faut bien le reconnaître, il la détestait

Mamadou : ce devait être insupportable entre eux.

Christine : cela dit cette fin était imprévisible, il semblait si bien

Christophe : il faut se méfier des apparences

Rires

Comment imaginez-vous la suite ?

Paul : il va y avoir une enquête policière : de l'action, enfin !

Mamadou : je crois qu'il va rester dans son bureau et faire comme si de rien n'était. Il a gagné : il peut savourer sa victoire ...

Kristel : les deux sont possibles : mais je penche plutôt pour cette fin-là. On nous a bien trompés, c'est bien joué, on serait sur nos gardes si cela continuait..

Pauline : Oui, on nous a bien manoeuvrés au départ pour que l'on croit aux sentiments de ce type alors qu'il cachait bien son jeu.

Globalement comment trouvez-vous le film ?

Pauline : ben, j'ai bien aimé en définitive.

Fabien : j'aimerais bien en savoir plus. On peut voir la suite ?

Amélie : La fin est tellement surprenante que je ne sais pas en fait si c'est un film dramatique ou drôle.

Kristel : oui, c'est vrai, on est partagé. C'était le but sûrement.

Mamadou : c'est un bon court métrage mais je ne sais pas ce que cela donnerait si on augmentait la durée du film.

Paul : il faudrait de l'action car là c'est un peu endormant tout de même...

* 1 Le documentaire se fixe pour but de faire état d'une réalité, de montrer les choses telles qu'elles sont sans intervenir sur le déroulement de leur apparition. Le documentaire est le plus souvent de caractère didactique et informatif. Il s'oppose donc à la fiction qui veut recréer une narration pouvant donner l'illusion de la réalité grâce à un scénario et à une mise en scène. Toutefois, les critères permettant de distinguer le documentaire et la fiction manquent, pour certains auteurs, de rigueur et de pertinence. Ainsi, dans un documentaire, le cinéaste peut choisir lors du filmage et du montage ce qu'il veut montrer de la réalité. Dans une fiction, certaines prises de vues en décors naturels restituent la réalité.

* 2 En sémio-pragmatique, la fictionnalisation est le mode de réception choisi par le spectateur du film qui lui permet « de vibrer au rythme des événements fictifs racontés » (Odin, in Journot, op.cit).

* 3 Mouvement d'études cinématographiques, né après la Libération, sous l'impulsion de Gilbert Cohen-Séat, qui élabora notamment un vocabulaire propre tel que la distinction « fait filmique / fait cinématographique », et, surtout, la notion de «diégèse ». (in Bibliothèque du film, www.bifi.fr, d'après GARDIES, André et BESSALEL, Jean, 200 mots-clés de la théorie du cinéma, Paris, Cerf, 1992). En distinguant l'afilmique - tout ce qui existe dans le monde réel et qui est sans rapport avec l'art cinématographique - et le profilmique - tous les éléments spécialement agencés pour le tournage (décors, accessoires, etc.) - la filmologie oppose le documentaire à caractère afilmique et le film de fiction marqué par le profilmique.

* 4 Avertissement : nous invitons le lecteur intéressé par les méthodes d'analyse à lire l'annexe I consacré à l'analyse filmique.

* 5 Ricciotto Canudo, intellectuel italien, installé en France et ami d' Apollinaire, fut l'un des premiers critiques de cinéma. Dans son premier livre intitulé « La naissance du sixième art » (1911), il défendit l'idée selon laquelle le cinéma réalisait la synthèse des « arts de l'espace » (architecture, peinture et sculpture) et des « arts du temps » (musique et danse). Puis, il ajouta la poésie comme art fondateur et écrivit Le manifeste des 7 arts qui a consacré l'expression « 7e art » pour le cinéma. En 1922, il fonda la Gazette des sept arts qui fut l'une des premières revues de cinéma. Certains auteurs considèrent que Canudo s'est inspiré de la classification des arts du philosophe allemand Georg Wilhelm Friedrich Hegel ( 1770 - 1831) qui, dans son Esthétique, classe les arts selon une double échelle de matérialité décroissante et d'expressivité croissante : 1- architecture, 2- sculpture, 3- peinture, 4- musique, 5 danse, 6, poésie.

* 6 Dans son manifeste de 1921, Dziga Vertov décrit « le Cinéma-oeil - Cinéma - je vois (je vois à travers l'appareil) - le Cinéma-j'écris (j'écris sur la pellicule) - le Cinéma-j'organise (je monte un film)...Ciné-oeil -

peinture de faits - mouvement pour le film sans jeu dramatique » (Ropars-Wuilleumier, 1970, p.14). Selon lui, le cinéma est un instrument d'analyse du monde. Mais pour montrer il faut avoir vu réellement, ce qui le conduit à affirmer que l'opérateur de cinéma, le kinok, est une sorte de super-oeil.

* 7 Alexandre Astruc, « Naissance d'une nouvelle avant-garde ; la caméra-stylo », L'Ecran français, N°144, 30 mars 1948.

* 8 Parce qu' « il n'existe pas de stocks de mots et de formes syntaxiques. Il n'existe pas de lexique ni de grammaire, pas de réservoir d'images et de formes qui permettent de constituer le film » (Journot, 2004, p.72)

* 9 dont une version française et complétée a été publiée sous la direction de François Albéra (1996)

* 10 Extrait du site Manageria : «  Le plus important représentant de la sémiologie du cinéma, et son «fondateur», est Christian Metz : Essais sur la signification au cinéma (1968-1972), Langage et cinéma (1971), L'Énonciation impersonnelle (1991). Citons également U. Eco, La Structure absente (La Struttura assente, 1968) ; P. Wollen, Signs and Meanings in the Cinema (1969) ainsi que des écrits de G. Bettetini et E. Garroni. Les sémiologues actuels du cinéma reconnaissent comme leurs précurseurs Eisenstein et les formalistes russes, la Revue internationale de filmologie, ainsi que les écrits de Jean Mitry (Esthétique et psychologie du cinéma, 1963-1965) ». ( http://cinemanageria.ifrance.com/)

* 11 Francesco Casetti (2000, p.8) : « A bien y regarder, le cinéma n'est pas une langue (...) Il ne l'est pas au moins pour deux sortes de raisons. D'une part, il ne possède pas ce trait fondamental des langues naturelles qu'est la double articulation : alors qu'un discours verbal peut être subdivisé d'abord en unités particulières dotées de sens, les monèmes (pour être plus clairs : les mots) et ensuite en unités privées de signifié mais capables de construire des signifiants arbitraires, les phonèmes (toujours pour plus de clarté, les sons), le cinéma ne possède ni unités de sens fixes (chaque plan est toujours un cas en soi), ni unités privées de signifié (chaque portion de plan possède déjà un sens). »

* 12 Groupe u, Traité du signe visuel. Pour une rhétorique de l'image, Seuil, 1992

* 13 Joly (1994, p.134) : « L'image n'est pas un signe mais un texte, tissu mêlé de différents signes et qui peut nous parler « secrètement ».

* 14 Roland Barthes, Rhétorique de l'image, Communications N°4, Paris, Seuil, 1964, p.40-51

* 15 Meunier et Peraya (1993, p. 153) : « C'est au niveau de la connotation que la question du code devient véritablement pertinente. C'est du reste sur ce niveau que Barthes a centré son attention, cherchant à découvrir des signes dont la conventionnalité est d'une autre nature que celle qui préside à la transformation graphique, signes de connotation reposant sur un savoir. De tels signes s'enracinent dans notre histoire sociale et c'est pour cela que Barthes entrevoyait dans la sémiologie une sémioclastie. »

* 16 La polysémie n'est pas la spécificité de l'image, même comparée au mot (selon le contexte, un même mot peut avoir plusieurs significations). En réalité, ce qu'on appelle image (ou même signe iconique) est un texte visuel : « La preuve en est que son équivalent verbal n'est pas un simple mot mais au minimum une description (qui peut être infinie) ou un énoncé et parfois même tout un discours » Umberto Eco, La production des signes, Paris, Poche, 1992

* 17 Laurence Bardin, Le texte et l'image, in Communication et langages, n°26, Paris, Retz, 1975, article analysé par Lugrin et Pahud (2001)

* 18 Selon Bardin, la dénotation désigne la signification fixée, explicite et partagée par tous alors que la connotation correspond à l'auréole de sens, plus ou moins importante, qui flotte autour du sens immédiat et officiel.

* 19 Laurence Bardin va jusqu'à établir une classification des récepteurs en quatre catégories selon qu'ils sont plus sensibles au régime dénotatif ou au régime connotatif et qu'ils s'attachent plus au texte qu'à l'image.

Types de récepteur :

 

Propension à la dénotation

Propension à la connotation

Code préférentiel : Verbal

Dénotateur verbal

Connotateur verbal

Code préférentiel : Imagier

Dénotateur imagier

Connotateur imagier

* 20 « Une image sollicite de la part du spectateur une accommodation perceptive (qui enveloppe toute activité mimétique de projection/identification dépendant à la fois des éléments perçus et de l'expérience du sujet) et celle-ci fait surgir l'une ou l'autre configuration significative cohérente, enveloppant à la fois le visible et l'invisible » (Meunier et Peraya, 1993, p.177).

* 21 Joly (1994, p.6) : « L'étude du cinéma, de la vidéo, de l'image de synthèse, des images en séquence sous toutes leurs formes, présuppose une bonne connaissance de l'image fixe dans la mesure où ces différents arts en constituent la prolifération, les passages, la combinaison, les interactions ».

* 22 Umberto Eco, Sémiologie des messages visuels, Communications, N°15, 1970, p.11-51

* 23 Des taxinomies des multiples codes qui composent l'image publicitaire ont été proposées dont celle de Peninou (1972) : - le code chromatique : choix des couleurs et qualité optique de celles-ci ; - le code typographique : choix des caractères, mise en page et disposition spatiale de ceux-ci dans la composition générale ; - le code photographique : utilisation sélective des plans ; - le code morphologique : géographie particulière de l'image publicitaire et organisation du parcours visuel.

Cette classification est toutefois différente, donc en quelque sorte complémentaire, de celle de Bergala, ce qui prouve qu'aucune d'elle n'est exhaustive : - les codes de mise en page : rapport photo/page et photo/texte ; - les codes photographiques : éclairage, cadrage, point de vue, angle de prises de vue, couleurs et codes chromatiques ; - les codes socioculturels : attitude, type, âge, milieu social, vêtements ; - les textes : caractères typographiques, mise en page, contenu du message, codes rhétoriques.

* 24 Barthes R., Rhétorique de l'image, Communications, N°4, Paris, Seuil, 1964, p.40-51

* 25 Peninou G., Physique et métaphysique de l'image publicitaire, Communications, N°15, 1970, p.96-109

* 26 Peninou G., Intelligence de la publicité, Paris, Robert Laffont, 1972

* 27 ODIN, Roger, Cinéma et production de sens, Paris, Armand Colin, Collection « Cinéma et Audiovisuel », 1990, 287 pages

* 28 Selon Odin (1990, p.16), on appelle langues naturelles, les langues comme le français, l'anglais. Elles s'opposent aux langues artificielles comme le langage informatique. Alors que la linguistique étudie les langues naturelles, la sémiologie étudie les langages qui ne sont pas des langues naturelles, telles que la peinture, la musique, la photographie et bien sûr le cinéma, etc.

* 29 ODIN (1990, p.13) : « Il existe d'autres approches sémiologiques du cinéma (...). C'est par l'approche sémio-linguistique qu'a commencé la sémiologie du cinéma. On peut considérer l'article de Christian Metz : « Le cinéma : langue ou langage ? » (Communications n°4, Recherches sémiologiques, 1964, pp.52-90) comme l'article fondateur de ce courant ; ce n'est que beaucoup plus tard à une date qui correspond à la publication d'un autre numéro de Communications, le n°23 : « Psychanalyse et Cinéma » (1975) qu'est apparue l'approche sémio-psychanalytique ».

* 30 ODIN, Roger, L'Analyse Sémiologique des films. Vers une sémio-pragmatique, Thèse de Doctorat ès lettres, sous la direction de Christian Metz, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1982, 3 volumes, 711 pages.

* 31 A.J. Greimas, V. Vasarely, Eisenstein, Groupe Mu, U. Eco, etc.

* 32 Ch. Metz, etc.

* 33 Sol Worth, etc.

* 34 Roger Odin (1982, p.689) : « Nous nous sentons donc légitimé à considérer que l'hétérogénéité institutionnelle du champ cinématographique est elle-même structurée. Les variations repérables dans le champ cinématographique sont donc doublement codées :

a) à l'intérieur de chaque institution, le traitement filmique acceptable est déterminé par la fonction sociale de cette institution,

b) une loi de co-détermination intervient entre les institutions (il est probable que le cinéma dominant joue, dans cette relation, le rôle d'un référent privilégié pour les autres institutions).

Il est désormais possible de se faire une idée un peu plus précise du programme de recherche que devrait remplir une sémio-pragmatique du cinéma.

On peut attendre de la sémio-pragmatique du cinéma :

a) qu'elle recense les institutions qui constituent l'espace cinématographique global,

b) qu'elle précise leur niveau d'intervention tant sur le l'axe diachronique que sur l'axe synchronique,

c) enfin qu'elle décrive le fonctionnement de ces institutions en tenant compte de la loi de co-détermination. »

* 35 Claude Shannon, un linguiste, et Warren Weaver, un informaticien, ont écrit en 1949, The Mathematical Theory of Communication (University of Illinois-Press, 1949). Leur modèle de l'émetteur-récepteur très critiqué depuis, souvent appelé avec un peu de mépris le modèle télégraphique, présente un processus linéaire de communication avec une codification du message par l'émetteur, en fonction du canal de transmission choisi, et une décodification par le récepteur.

* 36 Laswell Harold D. (The Structure and Function of Communication of Society, in Bryson, Lyman, The Communication of Ideas, New York, Harper and Row, 1948, pp.37-51) dont les 5 questions, les 5 W, pour analyser toute communication sont : Who says What through What channel to Whom with What effect, schéma traduit par Qui dit Quoi par Quel canal à Qui avec Quel effet ?

* 37 Roger Odin (1982, p.136) : «  Les travaux de Sol Worth semblent assez peu connus en France et en Europe. Il faut dire que ces travaux dispersés à travers toute une série d'articles sont assez difficiles à réunir. »

* 38 Sol Worth, « The Developpement of a Semiotic of Film », in Semiotica, 1969, I-3, p.289

* 39 Sol Worth, « Pictures Can't Say Ain't », in Versus, 12/5, p.88

* 40 Roger Odin (1982, pp.144-145) : « Sol Worth donne quelques exemples de relations au film que la sémiologie du cinéma devrait être capable d'expliquer. Si le Sujet ignore tout de ce qu'est un film, il percevra des images mais sans songer à le structurer (...) , il peut même être incapable de reconnaître les représentations qui lui sont données de voir. (...). Si le Sujet percevant sait ce qu'est un film, c'est-à-dire s'il présuppose que les images qu'il voit se conforment à une intention de communication, alors un très large éventail de possibilités s'ouvre à lui : - le sujet percevant peut, par exemple, trouver le film stupide et décider de rentrer chez lui. Dans ce cas, il y a bel et bien eu stratégie de communication de la part du Destinataire, mais le jugement négatif porté a conduit à une rupture de cette stratégie ; - le sujet percevant peut également se montrer perplexe face à la signification à attribuer au film ... »

* 41 Le Désert rouge (Deserto rosso », drame psychologique de Michelangelo Antonioni (1964)

* 42 Roger Odin (1982, p.148) : « Nous utilisons le terme d'actant pour bien marquer qu'il ne s'agit pas là d'un individu (l'auteur du film, le spectateur « en chair et en os »), mais d'une structure qui peut être plus ou moins complexe suivant le sous-ensemble institutionnel dans lequel s'effectue la communication cinématographique (l'actant-réalisateur d'un film de fiction commercial est extrêmement complexe - cf . l'énumération des participants au générique - alors que l'actant réalisateur d'un film de famille se réduit le plus souvent à un seul individu : le père de famille. » En outre, il appelle: « - film-réalisation, le film doté de sens tel qu'il est produit dans l'espace de la réalisation par l'actant réalisateur ; - film-projection, le film comme ensemble de vibrations (lumineuses ou sonores) tel qu'il apparaît sur l'écran dans l'attente d'un investissement signifiant de la part de l'actant lecteur ; le film-projection est donc, en lui-même, non doté de sens ; - film-lecture, le film doté de sens tel qu'il est produit dans l'espace de la lecture par l'actant lecteur. »

* 43 « 1- Une consigne de lecture est émise à travers l'institution dans laquelle se déroule la projection. 2- Conformément à cette consigne, différentes opérations inférentielles sont tentées par le spectateur ; ces inférences s'appuient à la fois sur les contenus de la compétence encyclopédique (qui jouent en quelque sorte le rôle de présupposés) et sur la structure interne du film-projection : les diverses opérations inférentielles tentées sont soumises à un examen de compatibilité avec cette structure interne. 3- L'inférence jugée compatible (s'il y en a une) est alors effectuée et du sens se trouve alors produit. » (Odin, 1982, p.155).

* 44 Vera Cruz, western réalisé par Robert Aldrich en 1954 avec Gary Cooper et Burt Lancaster. Gérard Lenne, critique de cinéma, a écrit au sujet de ce film : « Vera Cruz marque une étape dans l'histoire des westerns, en mettant en scène de vraies crapules dont l'avidité est le seul mobile » (in Rapp et Lamy, 1999, p.1302)

* 45 Pour plus de détails : voir le chapitre consacré à l'approche narratologique

* 46 in Albéra (1996, p.206)

* 47 Eikhenbaum prévoyait que ce travail allait s'accroître avant l'évolution du cinéma : « Le cinéma exige du spectateur une technique particulière dans l'art de deviner ; et, bien sûr, avec l'évolution du cinéma, cette technique se compliquera. Dès à présent (en 1927), les réalisateurs se servent souvent de symboles et de métaphores dont le sens est directement emprunté aux métaphores verbales courantes ».

* 48 Mucchielli, Corbalan et Ferrandez (1998 pp.7-8) : « La théorie des processus de la communication essaie de rendre compte, d'une manière systémique et constructiviste, des phénomènes communicationnels qui concourent à l'apparition du sens accompagnant tout élément de communication. Cette théorie repose d'abord sur un postulat que l'on peut énoncer ainsi : la quasi-totalité des expressions humaines : productions en tout genre, réalisations concrètes, objets techniques, manipulations des réalisations et des objets, conduites et actions, écrits multiples, discours et paroles, attitudes et divers paralangages...sont des communications, c'est à dire des éléments communicationnels qui peuvent se comprendre (se lire), si on les rapporte à des contextes pertinents dans lesquels justement ils prennent leurs sens »

* 49 La cinémathèque de la rue d'Ulm, celle de Chaillot et des ciné-clubs spécialisés tels que le Nickel Odéon, etc.

* 50 du latin prolepsis (d'origine grecque) qui signifie anticipation. La prolepse est une figure de rhétorique par laquelle on prévient une objection en la réfutant d'avance

* 51 Dans Michel Vaillant, par exemple

* 52 Série de courts métrages burlesques d'une ou deux bobines (300 à 600m) avec Stan Laurel et Oliver Hardy, 1927-1935. Puis quatre longs métrages : Laurel et Hardy, au farwest (1937), conscrits (1939), chefs d'îlot (1943), en croisière (1940).

* 53 Dans le film N d'Antoine de Caunes (2003), ce procédé est utilisé dans un long dialogue entre Napoléon et Sa jeune amie anglaise.

* 54 D'après les personnages imaginés pour le théâtre par Jean Poiret, La Cage aux folles est une série de trois films : le premier fut réalisé par Edouard Molinaro en 1978, le deuxième par le même réalisateur en 1980 et enfin La Cage aux folles III par Georges Lautner en 1985.

* 55 Le typage consiste à choisir un comédien doté de traits physiques caractéristiques d'une classe ou d'un groupe social. C'est « une technique de jeu propre au cinéma soviétique des années 20 » (Bordwell et Thompson, 2000, p.589)

* 56 Ce rôle est, aux Etats-Unis, partagé entre le producteur, dont le poids est souvent prépondérant, et le réalisateur.

* 57 Bordat (1998, pp.275-276) : « L'intérêt de Chaplin pour les mots se manifeste encore dans son choix des noms propres (...) L'éclat bruyant du nom du dictateur Hynkel est contredit par la connotation maladive de son prénom : Adenoid (en anglais, végétations) (...) On remarque aussi le détournement des noms de Goebbels et Göring, le premier devenant Garbitsch (qui fait penser à garbage, les ordures, et à bitch, chienne ou putain), le second Herring (hareng, en anglais) ».

* 58 ODIN, Roger, « Pour une sémiopragmatique du cinéma », Iris, vol.1, N°1, 1983, pp.67-82

* 59 ODIN, Roger, « Il était trois fois, numéro deux », Revue Belge du cinéma, N°16, 1986

* 60 Le premier film publicitaire au cinéma fut réalisé par les Frères Lumière en faveur du savon Sunlight, en 1897.

* 61 Rittaud-Hutinet (1985, p.211) : « Au loin, on aperçoit de la fumée, puis la locomotive de l'express et, en quelques secondes, le train se rue à l'intérieur (de la salle) si rapidement que, comme la plupart des gens des premiers rangs, je m'agite sur mon siège, fort mal à l'aise, dans l'attente d'un accident de chemin de fer » écrit un chroniqueur anglais.

A l'intérieur même de l'émotion suscitée par un réalisme dont il s'épouvante, le spectateur voit les silhouettes « grandeur nature ». Un article écrit à Paris (Le Radical, 30 septembre 1895) : « quelle que soit la scène ainsi prise et si grand que soit le nombre de personnages ainsi surpris, vous les revoyez en grandeur naturelle, avec les couleurs, la perspective, etc. »

* 62 Behaviorisme de l'anglais Behaviour qui signifie comportement

* 63 Rittaud-Hutinet (1985, p.215) : « Il ramène l'inconnu au connu de son expérience : il « actualise » psychologiquement sa perception, la réfère à ce qu'il sait ; autrement dit, il croit, pour un instant, à la réalité immédiate d'une durée révolue, en l'existence matérielle et présente d'une ombre. »

* 64 Rittaud-Hutinet (1985, p.215) : « Dans l'hallucination, en effet, le sujet perçoit comme actuels et réels des faits anciens enregistrés par sa mémoire et resurgissant soudainement à sa conscience lors d'une situation pathologique déterminée. Le Cinématographe, qui « donne le portrait enfin vivant »65, s'impose donc comme une réalité-durée révolue, mais néanmoins enclavée dans une réalité présente, un fragment de vie à la fois détaché et enchâssé dans une pérennité faisant confondre une image avec l'existence même de ce qu'elle représente. »

* 66 Félix Mesguich, Tours de manivelle. Souvenirs d'un chasseur d'images, Paris, Grasset, 1933 in Rittaud-Hutinet (1985)

* 67 Boris Eikhenbaum, La culture cinématographique (Eléments pour un débat), 1926, in Albèras (1996, p. 223-226)

* 68 Boris Filippov, réponse in Albèras (1996, p.224)

* 69 Une synthèse des travaux de Tchakhotine est disponible sur le site : wwww.attention-spna.net, rubrique PSYOPS

* 70 propos tenus au sujet de son film Psycho (1960)

* 71 Cité par Liandrat-Guigues et Leutrat (2001)

* 72 Dont le plan est : 1) L'utilisation du cinéma à des fins idéologiques et politiques ; 2) La censure morale aux Etats-Unis ; 3) Les effets de la censure morale sur la création cinématographique ; 4) L'utilisation du cinéma américain à des fins politico-militaires ; 5) L'utilisation du cinéma à des fins idéologiques en France ; L'utilisation du cinéma à des fins macro-économiques.

* 73 Liandrat-Guigues et Leutrat (2001, p.34) : « On a beaucoup parlé de la puissance hypnotique du cinéma ou de l'abrutissement résultant de son spectacle. »

* 74 Lendrevie et de Baynast( (2004, p.282) : « Certaines études montrent qu'un film de cinéma publicitaire a un taux de mémorisation prouvée généralement supérieur à 50% alors qu'il n'est, en moyenne, que de 15% pour un 30 secondes à la télévision ».

* 75 Il écrivit un article sur les films Lumière dans le quotidien, Nijegorod-skilistok, le 4 juillet 1996.Un article, signé sous le pseudonyme Pacatus, dans lequel il relate ses impressions lors de sa première expérience du cinéma, pendant la foire de Nijni-Novgorod.

* 76 Château (2003, p.34-35) : «Dans la République, Platon décrit une caverne ouverte vers le haut où, depuis leur enfance, des prisonniers sont si bien enchaînés qu'ils ne peuvent ni bouger, ni tourner la tête ; ainsi forcés à regarder devant eux, ils ne peuvent rien soupçonner de ce qui se passe derrière : entre eux et un feu qui brûle en haut, il y a une route montante barrée par un mur, comme la cloison que les montreurs de marionnettes placent devant les hommes qui manoeuvrent celles-ci. (...) Ces marionnettistes plus ou moins bavards promenant derrière le mur des objets fabriqués (statues, animaux de pierre, etc.), les prisonniers n'entendent d'autres sons que leurs voix et n'ont d'autre vision que celle des ombres que le feu fait se projeter sur la paroi de la caverne qui leur fait face. Supposons maintenant qu'on libère un de ces enchaînés, qu'on le force à se lever et à se tourner vers la lumière, d'abord, il souffrira en raison des éblouissements, il sera impuissant à regarder lesdits objets dont autrefois il ne voyait que les ombres... »

* 77 Metz (2002, p.142-143 ) : « La situation filmique porte en elle certains éléments d'une inhibition motrice, et elle est en cela un petit sommeil, un sommeil éveillé. Le spectateur est relativement immobile, il est plongé dans une relative obscurité (...) ; pendant la durée de la projection, il sursoit à tout projet d'action. (...) Chez le spectateur, les manifestations motrices se réduisent peu à peu : changements de position dans le fauteuil, modifications plus ou moins conscientes de l'expression du visage, commentaires éventuels à mi-voix, rire, poursuite en pointillé d'une relation verbale ou gestuelle avec le voisin de fauteuil, etc. (...) Sortir d'un cinéma, c'est un peu comme se lever : pas toujours facile (sauf si le film était vraiment indifférent ».

* 78 Gilbert Cohen-Séat, Essai sur les principes d'une philosophie du cinéma, Paris, PUF, 1958, in Esquenazi (1994, p.49) :  « Ne voir que torpeur et fièvre dans l'état morbide indéniable qu'on observe devant le film, c'est ignorer la diversité d'une longue suite d'états que le spectateur ne cesse de traverser pendant toute la durée du spectacle. C'est confondre les effets directs d'innombrables phénomènes successifs, compliqués, subtils, rapides, tantôt imperceptibles, tantôt d'une extrême violence, avec le résultat de leur accumulation ». Gilbert Cohen-Séat, Essai sur les principes d'une philosophie du cinéma, PUF, 1958, p.100.

* 79 Henri Agel (1994, p.14), parlant de sa mère : «Maman était très sensible au mirage cinématographique. On partageait le mystère du cinéma ; nous allions là comme à une célébration. La salle de cinéma, c'était un autre monde ; le noir (...) Jamais ma mère ne m'a dit un mot pendant une projection ; elle était devant le film dans une attitude quasi religieuse » 

* 80 Michotte Van Den Berck A., « La participation émotionnelle du spectateur à l'action représentée à l'écran. Essai d'une théorie », Revue Internationale de filmologie, avril-juin 1953, p.87 in Meunier et Peraya (1993, p.137)

* 81 Morin E., Le cinéma ou l'homme imaginaire, Paris, Gonthier, 1965

* 82 Christian Metz, dans Le Signifiant imaginaire (2002, p.37-60) distingue plusieurs sortes d'études psychanalytiques sur le cinéma : 1) les études qui permettent de remonter à la névrose du cinéaste ou du scénariste ; 2) les analyses de scénario (« Le scénario ressemble au rêve...en tant que signifiant pour l'interprétation » (Metz, 2002, p.43) ; 3) les analyses de l'ensemble du matériel filmique manifeste et non pas seulement du seul scénario. « C'est le film tout entier qui est maintenant constitué en signifiant » (Metz, 2002, p.46).

* 83 Lebovici (S.), Psychanalyse et cinéma, Revue Internationale de Filmologie, 5, 1949, cité par Casetti (2000)

* 84 Toutefois, comme l'écrit Christian Metz (2002, p.123) : «  le rêveur ne sait pas qu'il rêve, le spectateur du film sait qu'il est au cinéma : première et principale différence entre situation filmique et situation onirique. » Mais ajoute-il (p.131) : « l'état filmique et l'état onirique tendent à se rejoindre quand le spectateur commence à s'endormir (bien que la langue commune, à ce degré ne parle pas de sommeil) ou quand le rêveur commence à se réveiller ».

* 85 Baudry J.-L., « Le dispositif », Communications, n°23, Paris, Le Seuil, 1975, p. 69, cité par Meunier et Peraya (1993, p.126-127)

* 86 Metz (2002, p.65) : « L'enfant, dans le miroir, aperçoit les objets familiers de la maison, et aussi son objet par excellence, sa mère, qui le tient dans ses bras devant la glace. Mais il aperçoit sa propre image. C'est de là que l'identification primaire (la formation du Moi) tient certains de ses caractères majeurs : l'enfant se voit comme un autrui, et à côté d'un autrui ».

* 87 Nicolas N. Dracoulidès (in Sillamy, 1983, p.338) distingue trois étapes à ce processus : - l'identification primaire (jusqu'à trois ans environ), - l'identification structurante (depuis l'âge oedipien à quatorze ans) où le moi et le sur-moi s'organisent en fonction du modèle donné par les adultes de l'entourage, - l'identification indépendante (après la puberté) où le moi de l'adolescent, fort de sa propre expérience, se valorise à l'égal de ses modèles au lieu de se soumettre à eux.

* 88 Château (2003, p.40) : « Cette critique idéologique fut abondamment glosée dans la théorie du dispositif des années 1960-1970, qui, parfois combinées avec les théories de la représentation perspectiviste et la théorie psychanalytique peu ou prou lacanienne du sujet, attribuèrent à la caméra ou au projecteur le rôle d'instrument de l'idéologie bourgeoise. Il s'ensuivit entre les partisans et les adversaires de cette conception idéologique des instruments techniques une polémique qui paraît aujourd'hui quelque peu désuète.(...) Pour résumer le débat a deux enjeux : le dispositif cinématographique a-t-il un effet idéologique par lui-même, une thèse impliquée tautologiquement dans l'idée que l'appareil de base qui englobe le dispositif est idéologique, mais dont certains contestent le déterminisme ? Si ce déterminisme est admis par hypothèse, peut-on y échapper, et si oui, comment ? Certains cinéastes y parviennent-ils, certains « grands auteurs » et surtout des expérimentateurs ? »

* 89 Metz (2002, p.70) : « Appareil que le spectateur a derrière lui, derrière sa tête soit à l'endroit exact où se trouve, fantasmatiquement, le foyer de toute vision ».

* 90 Brassart (2004, p.16-17) : « A la fin des années 1950, par exemple, de nombreuses jeunes filles imitent la coiffure, la tenue vestimentaire voire le comportement de la star Brigitte Bardot. »

* 91 Edgar Morin semble en désaccord avec Jean Mitry selon lequel l'identification secondaire ne peut se faire qu'avec les individus de son propre sexe ( ?), en prétextant des « considérations psychanalytiques hors de propos » qu'il se garde bien de développer.

* 92 Bourget (2002, pp.132-133) : «Il a fallu attendre 1985 pour que Rock Hudson, mourant du Sida, soit le premier à sortir du placard et explique comment, dans les années cinquante, son image de star virile mais familiale, à la sexualité saine implicitement opposée à celle des Brando, Clift et autres James Dean, était entièrement fabriquée par Universal-International, qui avait notamment veillé à ce que l'acteur se marie. Et jusqu'à sa mort en 1986, Cary Grant maintint la fiction de sa normalité sexuelle, fiction elle aussi nourrie des mariages successifs de la star » (...) « Le secret de l'homosexualité de Cary Grant était bien gardé, il fallait que les apparences soient sauves et les stars hollywoodiennes irréprochables » (p.19)

* 93 Jean Mitry (2001, p.121-126), pour sa part, voit une relation entre les conditions de réception dans lesquelles le spectateur se trouve et sa participation au film, voire à son identification (secondaire) avec les personnages : « Il est évident que la participation est d'autant plus vive, sinon, plus active, que le spectateur est plus près de l'écran. (...) Il semble que les meilleures places soient situées entre le 5ème et le 15ème rang à partir de l'écran - du moins pour les spectateurs ayant une vue normale. » Dans ces conditions, selon lui, l'impression de la réalité est flagrante.

« Au contraire, la situation au fond de la salle n'éloigne pas seulement l'image au sens géométrique du mot, mais aussi au sens psychologique. L'image est alors perçue presque toujours comme d'une réalité étrangère insérée dans un monde auquel elle ne se substitue absolument pas, même si la salle est maintenue dans une obscurité totale. (...). Mitry compare alors ces conditions de réception au fond d'une salle à celles devant un téléviseur : « C'est encore ce qui se passe devant l'écran minuscule d'un appareil de télévision. Le film vu au téléviseur et vu des premiers rangs d'une salle de cinéma n'a pas du tout le même effet. Ce n'est plus le même film... »

* 94 Cesare Musatti, Le cinéma et la psychanalyse, Revue Internationale de Filmologie, 1949, 6, cité par Casetti (2000)

* 95 Mitry (2001, p.126) : « De toute façon, ce n'est pas moi, en tant qu'individu, qui m'identifie au héros ; c'est un vouloir inassouvi, un moi idéal que je reconnais en lui. Tout se passe comme si l'acteur était notre double, l'incarnation de notre moi intentionnel ».

* 96 Jagot (1936, réed.1986, p.15) : « Pour qu'une suggestion engendre des effets, il faut qu'elle détermine l'assentiment d'une tendance ou du moins qu'elle n'éveille aucune disposition antagoniste »

* 97 Pecha (2000, p.7) : « De nombreuses voix se sont alors élevées pour dénoncer l'influence néfaste des films violents (...) Cette attaque portée à l'industrie cinématographique a été soutenue par des personnalités de la plus haute importance ; les anciens présidents Jimmy Carter et Gerald Ford ont ainsi signé une pétition visant à restreindre la violence des programmes audiovisuels. (...) Quant au Sénat, il a voté à l'unanimité qu'une enquête soit effectuée pour déterminer l'impact des films violents, des jeux vidéos et de la musique sur les jeunes. »

* 98 D'autres utilisations de la psychanalyse par le cinéma. La plus simple consiste à l'introduire dans le récit comme l'a fait le cinéma américain dès les années quarante et cinquante, lorsque la psychanalyse connut un succès populaire. Ce fut le cas dans des films comme Le Mystérieux Docteur Korvo (Otto Preminger, 1949) dans lequel une kleptomane est psychanalysée par le Docteur Korvo qui la fait accuser d'un crime qu'elle n'a pas commis. Ou dans Le Septième Voile (Compton Bennett, 1945) qui narre l'histoire d'un jeune médecin qui guérit par auto-suggestion la névrose d'une pianiste célèbre. Ou encore, dans Les Trois Visages d'Eve (Nunnalys Johnson, 1957), drame psychologique basé sur les trois visages différents d'une femme qui souffre de troubles de la personnalité jusqu'à ce qu'un médecin la guérisse.

Janet Walker (1993, pp.220-240) distingue plusieurs périodes dans l'incorporation à l'intrigue des concepts psychanalytiques :

- A la fin des années quarante, « les films psychanalytiques sont souvent structurés, selon elle, autour d'un traumatisme situé dans le passé d'un personnage et dont les racines inconscientes et sexuelles doivent être mises à jour pour assurer la cure psychologique et le résolution du récit. » (Walker, 1993, p.239)

- Dans les années cinquante, « les films psychanalytiques vont embrayer encore plus clairement sur les discours auto-descriptifs et contradictoires dans le contexte de la psycho-sexualité féminine. La cas clinique sera mis davantage en évidence. S'ajoute à la notion d'événement passé, empruntée à la psychanalyse, celle de la personnalité multiple », comme dans Les Trois Visages d'Eve (op.cit.)

- Au début des années soixante, « la croissance des organisations psychanalytiques commence à ralentir (...) La thérapeutique de groupe ou celle par téléphone se joignent au behaviorisme et à la psychologie humaniste. » (Walker, 1993, p.240) Les thèmes évoluent donc. Dans Trente Minutes de Sursis (Sydney Pollack, 1965), un étudiant (Sidney Poitier), de permanence à la station S.O.S. Amitié, reçoit un appel d'une jeune femme qui vient de tenter de se suicider. Ce récit fut tiré d'un fait divers authentique. Au cours de cette période, la folie des malades s'étend aux médecins et aux infirmiers, voire à la société elle-même, par exemple dans Lilith (Robert Rossen, 1964). Les critiques émises à l'encontre de certains praticiens sont également reprises dans des films.

* 99 Jehoshua Eliashberg (in Augros, 2000, p. 81) : « En général, l'industrie du cinéma s'est montrée jusqu'ici réticente à adopter des techniques prévisionnelles et des systèmes d'aide à la prévision. Les dirigeants doutent de la capacité de prévision des outils modernes et des modèles mathématiques en matière d'accueil du public et se fient souvent à leur jugement, à l'expérience et aux idées reçues »

* 100 Joel et Ethan Coen (in Tirard, 2004, p. 94) «  Ca doit plaire au public. Mais ça doit nous plaire à nous. En fait, je pense que ça doit d'abord nous plaire à nous !  (rires) »

* 101 Lars Von Trier (in tirad, 2004, p.153) : « Bien sûr la notion de public est souvent liée à la question économique. Et aucun cinéaste ne peut décemment ignorer cette question. (...) En ce qui me concerne, j'essaye toujours de faire des films qui rapportent à peu près ce qu'ils ont coûté à fabriquer. Si un film rapporte beaucoup plus qu'il n'a coûté, ça devient de l'avidité, et pour moi, ça ternit un peu l'image de ce film. Mais s'il rapporte beaucoup moins qu'il n'a coûté, alors vous ne pourrez peut-être plus tourner d'autre film. C'est donc un exercice périlleux ».

* 102 Journaliste à Studio magazine, Laurent a réalisé, en 2004, son premier long métrage produit par Luc Besson : Mensonges et trahisons et plus si affinité...avec Edouard Baer, Marie-Josée Croze et Clovis Cornillac.

* 103 Pecha (2000, p.133) : « Le système serait excellent si tous les réalisateurs pouvaient l'utiliser comme l'a fait Francis Ford Coppola. Lors de la projection de Apocalypse Now, il déclare au public : « C'est une invitation à vous demander de m'aider à finir le film. Je ne tiendrai pas compte de vos réponses de façon stricte. Je suis à la recherche de vos opinions qui serviront à former ma propre opinion sur le film. Je vous considère de la même façon que les centaines d'artistes qui travaillent avec moi sur le film. » Ceux qui comme Coppola sont libres d'écouter ou non l'opinion du public sont rares.

* 104 Marketing & Télévision, 24 rue Daniel Stern, 75015 Paris. « Marketing et Télévision a réalisé depuis 1991 près de 100 interventions sur les différents programmes de télévision et contenus audiovisuels : fiction (cinéma, policiers, sagas, séries, dessins animés, etc.), programmes d'information, programmes et divertissement, présence des annonceurs (modules-jeux, placement de produit, parrainage TV). Marketing & Télévision réalise des pré-tests et des post-tests de programmes à partir de deux grands types de techniques :

- des techniques d'études sur la perception des programmes : réunions de groupe (groupes projectifs de 7 à 10 personnes), des interviews en profondeur et des entretiens semi-directifs d'une heure trente, des interviews quali-quanti (interviews de 20 minutes sur 100 à 200 téléspectateurs actuels ou potentiels, des screen-tests (projection du programme auprès d'un panel de 100 à 200 personnes en salle, par petits groupes ou individuellement)

- des techniques d'études sur le contenu et le fonctionnement des programmes : l'analyse de contenu des programmes fait appel selon les besoins à des techniques sémiotiques, narratologiques, sémantiques, pragmatiques, etc. ». Pour plus de détails voir le site de Marketing & Télévision à l'URL suivante :

http://www.qualiquanti.com/mt

* 105 « Dans le monde entier, au Royal Institute de Londres, à New York, en Espagne, en Suède, la locomotive venant droit sur la caméra arrachait des cris de terreur aux spectateurs. Aucun film n'impressionnait plus le public que ce fameux train » (Leyda, 1976, p.25). Rittaud-Hutinet (1985) qui, rappelons-le, considère que ces premières années du cinéma sont une époque de perception primitive au cours de laquelle le spectateur subit l'illusion des images animées, rapporte les écrits d'un chroniqueur anglais : « Au loin, on s'aperçoit de la fumée, puis la locomotive de l'express, en quelques secondes, le train se rue à l'intérieur (de la salle) si rapidement que, comme la plupart des gens des premiers rangs, je m'agite sur mon siège, fort mal à l'aise, dans l'attente d'un accident de chemin de fer ». Georges Sadoul (1964, p.49) y voit, pour sa part, le résultat de l'instinct de Louis Lumière à comprendre l'importance de l'utilisation dramatique de la profondeur de champ.

* 106 Michel Larouche, IMAX ou le cinéma plus vrai que vrai, in Garel et Paquet (dir., 1992, p.257-265) : « Le cinéma IMAX, technologie canadienne développée par une société indépendante, Imax Corporation, constitue l'aboutissement du cinéma spectaculaire grand format. (...) Il rappela à la mémoire le cinématographe géant de 21 m sur 15 installé par Lumière dans les Galeries des machines à l'Exposition universelle de Paris en 1900.

(...) Le slogan de la société Imax, « du cinéma plus vrai que vrai » apparaît hautement justifié et explique le succès renversant de cette technologie dont les débuts remontent à l'Exposition universelle de 1967, à Montréal.

(...) Le système IMAX diffère d'abord de tous les autres par le format de la pellicule. La pellicule 70 mm standard est utilisé comme support....Au rythme de 24 images par seconde, 102,6 m de pellicule défilent par minute (la vitesse de défilement du 35 mm est de 27,43 m et celle du 70 mm standard, 34,1m). Pour une heure de projection il faut plus de 6 000 m de pellicule. (...) Le projecteur grand format renvoie également une image grand format : l'écran de la première salle IMAX à Toronto mesure 18 m sur 24, ce qui équivaut à un immeuble de 7 ou 8 étages. (...) La dimension actuelle des écrans des salles permanentes va de 10,5 m sur 17,7 à 21,5 m sur 29,3, le nombre de sièges variant de 159 à 980 et ne correspondant pas forcément à la dimension de l'écran.

L'OMIMAX, une variante de l'IMAX, a été conçu pour les dômes panoramiques genre planétarium.

* 107 Préface de l'ouvrage de Jean-Michel Guy, La culture cinématographique des français, Paris, La Documentation française, 2000.

* 108 Guy (2000, p.18) : « une telle posture pourra paraître iconoclaste à ceux-là mêmes, professeurs de cinéma, rats de cinémathèque, qui ont de facto, en matière de cinéma, des connaissances plus étendues mieux structurées et plus précises que le commun des français ».

* 109 Préface de Jean-Pierre Hoss, in Guy (2000, p.15)

* 110 Moine (2002, p.77) : « Véritable opium du peuple, il (le genre) anesthésierait, quasiment par nature, toute lecture buissonnière, critique, divergente, toute possibilité de réception multiple. L'approche rituelle pose un problème analogue : dire qu'un genre règle sur un plan symbolique des problèmes courants ou des conflits culturels, qu'il répond en cela à une attente du public qu'il fédère dans un spectacle ritualisé, c'est postuler pour ce genre un public homogène, qui partage les mêmes valeurs, qui est sensible aux mêmes conflits...On peut certes objecter que les genres hollywoodiens ...s'adressent à un public jeune et que ces spectateurs, puisqu'ils constituent une audience segmentée, forment une communauté fédérée par des modèles culturels semblables. (...) Comment comprendre sinon le succès des genres hollywoodiens à l'étranger, c'est-à-dire à l'extérieur de la culture américaine ? Les spectateurs français, hongkongais et américains ne se retrouvent sans doute pas de la même manière dans un western ou un film d'arts martiaux  »

* 111 Le Centre National de la Cinématographie a lancé ou soutenu de nombreuses opérations comme «Collèges au Cinéma », « Lycéens au cinéma » ou encore « Un été au ciné ».

* 112 De Voghelaer (2001, p.41) : « Plusieurs témoignages de proches de Goebbels confirment que ce dernier était fasciné par le film d'Eisenstein, Le Cuirassé Potemkine. D'aucuns affirment même qu'il était le film préféré du Ministre de la propagande. Selon eux, Goebbels aurait examiné attentivement les effets que les films révolutionnaires pouvaient avoir sur le peuple soviétique afin d'en tirer quelques leçons au service de la propagande allemande. »

* 113 Michel Marie (in Rapp et Lamy, 1999, p.317-318) : « C'est surtout le choix privilégié du cadrage en plans de détails et en plans serrés, leur articulation dans un montage au rythme très rapide, quasi paroxystique dans les scènes de violence (scènes de la révolte sur le cuirassé, scène de la répression sur l'escalier) qui caractérisent à la fois la démarche radicale du cinéaste et l'impact produit sur le public, littéralement bouleversé et soulevé par un enthousiasme communicatif, dans des conditions voisines de celle de l'exécution d'une partition musicale ».

* 114 Préface de Guy (2000, p.15)

* 115 Jullier (2002, p.62) : « Les deux premiers (critères) reflètent certaines pratiques courantes, spontanées du spectateur ordinaire comme expert ; les deux suivants ont la faveur de tous les critiques, professionnels ou pas ; enfin, les deux derniers se rapportent à certaines pratiques de justification savante ».

* 116 Jullier (2002, p.13-14) : « Venant d'un milieu où littéralement il ne va pas de soi qu'Eric Rohmer soit un génie ; les critiques que j'écrivais pour mon seul plaisir, adolescent, montrent rétrospectivement que je n'osais pas m'opposer à ceux des choix qui étaient exprimés par les revues cinéphiliques que je lisais alors. Et plus tard, à l'université, il s'est passé bien des années avant que je confesse combien la vision des films de Rohmer m'était un supplice, seulement parce qu'une fois de plus il allait de soi, parmi les gens qui m'entouraient alors, que l'on prît un immense plaisir aux films de ce cinéaste, et parce que la sûreté de leurs allusions à son oeuvre laissait entendre quel plouc serait quiconque s'avisât de les rejeter ».

* 117 IMDB, Internet Movie DataBase, www.imdb.com; Site visité par deux millions d'internautes chaque semaine.

* 118 Jullier (2002, p. 67 )  :  « Dans la section « Et si les spectateurs n'étaient pas si bêtes ? » d'un essai intitulé Le cinéma américain est imbattable parce que nous l'aimons (in Th. Paris, dir., Peut-on lutter contre l'hégémonie hollwoodienne ? Paris, CinemAction, 2002), Fabrice Montebello (estime) que pour savoir ce qu'est un bon film il suffit de faire un sondage, et de prendre en compte les réponses majoritaires ; les gens aiment les « grands films ». (...) Cependant l'expertise du grand nombre souffre d'une limite : elle n'opère qu'au sein des productions les mieux distribuées, les blockbusters, et n'implique pas, par contrecoup, que la lanterne rouge du box-office soit un mauvais film. Je me refuse en outre à prendre pour seul instrument de mesure de la qualité artistique le sondage ; mentir est si tentant, on l'a vu, et le contexte d'enquête si influent... »

* 119 Odin (1982, p.13) : « Il existe des langages à images multiples et à signifiant non temporalisé : c'est le cas, par exemple, de la bande-dessinée ou des triptyques dans lesquels la temporalisation est introduite par le mouvement de lecture sans que le signifiant soit lui-même temporalisé ».

* 120 Odin (1990) p.141 : « Deux grandes différences séparent les langues des codes :

- Première différence : Si les codes sont des systèmes substitutifs, les langues sont, elles, des systèmes directs. Alors que dans les codes on part toujours d'un message déjà formé pour aboutir à un autre message exprimé par des symboles différents, dans les langues, c'est au point d'arrivée seulement qu'on constate la présence d'un message, sur le point de départ duquel on ne sait à peu près rien.

- Deuxième différence : Dans les langues, les relations bi-univoques entre signifiant et signifié sont l'exception ; il est très rare que l'on ait une correspondance terme à terme entre la série des unités du signifiant et celle du signifié : tantôt, il y a plusieurs signifiés pour un seul signifiant (cf. le phénomène de l'homonymie : le mot « cousin » peut désigner des parents ou une variété d'insectes), tantôt il y a plusieurs signifiants pour un seul signifié : auto, voiture, bagnole, etc. (nous ne parlons ici que des signifiés de dénotation ; au niveau connotatif, ces termes ont des signifiés différents). »

* 121 « A l'une des extrémités, se retrouveront les codes qui n'ont que peu de relation avec la matière du signifiant du langage qui leur sert de support, c'est-à-dire les codes non spécifiques pour ce langage. ...par exemple, le code de la narrativité, les codes sémantiques : la musique, etc. A l'autre extrémité, se retrouveront les codes par rapport auxquels tous les traits de la matière de l'expression propre au langage considéré sont pertinents - de telle sorte que ces codes n'ont aucune latitude de manifestation dans d'autres langages - c'est-à-dire les codes à spécificité maximale » (Odin, 1990, p.154)

* 122 Lendrevie et de Baynast (2004, pp.8-14)

* 123 Georges Méliès (1861-1938) tourna près de 500 films entre 1896 et 1913 et construisit les premiers studios de cinéma à Montreuil (Rey, 1996)

* 124 Mark Sennet, King of Comedy, 1954 in Chardère (1995, p.370) selon lequel cette phrase fut longtemps attribuée à tort à Louis Lumière...

* 125 Quelques exemples cités par Odin (1990) : « Quand on panoramique dans un sens, de gauche à droite par exemple, l'image qui enchaînera devra, elle aussi, comprendre le mouvement dans le même sens ». « On ne doit pas passer directement d'un ensemble à un gros plan »...

* 126 une catégorie de cinéastes expérimentaux ou d'avant-garde

* 127 vraisemblablement grâce à une grille d'interview (guide d'entretien) prévoyant d'aborder le thème de la grammaire cinématographique.

* 128 David Wark Griffith (né dans le Kentucky en 1875, mort à Hollywood, Californie, en 1948) est considéré comme le créateur le plus fécond du langage cinématographique aux Etats-Unis, avec Thomas Ince (inventeur du western). « Distinguant dans l'art du cinéma un mode d'expression différent de celui du théâtre, il en affirma l'autonomie par la nouveauté et la diversité des thèmes, une solide direction d'acteurs, et par un usage magistral de quelques procédés techniques transformés par lui en éléments d'expression d'une haute valeur esthétique : échelle des plans, découpage analytique, montage alterné et parallèle, travellings. Il ouvrait ainsi la voie aux plus grandes réalisations des cinéastes soviétiques (Eisenstein), allemands (Murnau), américains (von Stroheim) et français (Gance) qui devaient plus tard se reconnaître pour ses disciples » (Rey, dir., 1996, p.880)

* 129 Boorman (in Tirard, 2004, p. 64) : « Quand on regarde un film comme Armagedon, il est incroyable de voir à quel point plus aucune règle n'est appliquée. C'est un cinéma que j'ai surnommé « néo-brutalité » et qui fonctionne en fait sur une sorte de naïveté, parce qu'il est fait par des cinéastes qui, par défaut ou par choix, n'ont pas voulu apprendre les règles de base du langage cinématographique. Leur grammaire visuelle est celle de MTV, où, en gros, tous les coups sont permis si l'on peut arriver à un résultat excitant. »

* 130 Sydney Pollack (in Tirard, 2004, p.42) : « Par exemple, si je veux créer une certaine tension dans une scène, je vais cadrer le personnage sur le côté droit de l'image, et je vais justement le faire regarder à droite, ce qui va à l'inverse du principe de composition classique et crée un sentiment de déséquilibre et de malaise. Ou alors, je vais faire parler un personnage hors-champ, et ne le montrer qu'après qu'il ait fini de parler. A nouveau, les règles voudraient que l'on montre à l'écran celui qui parle, mais en filmant comme ça, on peut réussir à augmenter l'intensité dramatique de ce qui est dit »

* 131 Scorsese (in Tirard, 2004, p.22) : « Je pense principalement à Oliver Stone et au montage fantasmagorique de films comme Tueurs nés ou Nixon. Il y a une image de Nixon qui me vient à l'esprit, c'est cette scène où le président hallucine, et l'on voit un plan de sa femme qui lui parle, puis un autre plan, puis une image en noir et blanc, et l'on revient sur sa femme et on continue de l'entendre parler...sauf qu'à l'image, elle est muette. Et ça, c'est très intéressant, parce que c'est une façon de créer une émotion forte à partir d'une image silencieuse, et ce uniquement grâce à la juxtaposition d'autres images autour de ce plan. »

* 132 Takeshi Kitano (in Tirard, 2004, p.186) : « Je sais par exemple que dans les écoles de cinéma, au Japon en tout cas, on enseigne toujours que ce que la caméra filme doit représenter le point de vue de quelqu'un. Or, parfois, je filme certains personnages en plongée, c'est-à-dire vus d'en haut, et pourtant il n'y a personne en haut. Mais ça marche. Le public trouve ça normal. »

* 133 Pedro Almodovar (in Tirard, 2004, p.174) : « La mise en scène est une expérience purement personnelle, on doit découvrir le langage du cinéma par soi-même, et on doit se découvrir soi-même à travers ce langage. Si vous voulez apprendre le cinéma, un psy vous sera donc peut-être plus utile qu'un professeur ! »

* 134 Jullier (2002, p.82) : « même dans une revue comme les Cahiers du Cinéma : « Proche, tout proche de zéro, Belphégor l'est selon les critères de l'art (...) Le réalisateur rate tous ses raccords, même les plus élémentaires et se montre d'un niveau inférieur au technicien rapide et efficace » » (Cahiers du cinéma, N°557, mai 2001)

* 135 Jump cut : méthode de montage fonctionnant à l'opposé des règles classiques, selon lesquelles une différence minimum d'angle ou de taille doit exister entre deux plans pour être raccordés de façon invisible. Le Jump Cut provoque au contraire des coupures frappantes, en supprimant quelques images au milieu d'un plan, et crée souvent de déroutantes ellipses à l'intérieur même d'une scène. La saute, ou jump cut, est devenue une pratique discursive, une signature stylistique dans A bout de souffle de Jean-Luc Godard : les mouvements des personnages y ont un aspect saccadé, la continuité visuelle n'est plus assurée, le passage de plan à plan perd de sa fluidité.

* 136 Ce mouvement informel se méfie du savoir-faire technique et prône la réalisation de films en utilisant des modèles de l'audiovisuel amateur et du reportage pris sur le vif.

* 137 Les trois premiers films Dogma : Festen (Fête de famille), de Thomas Vinterberg (1998), prix spécial du jury ex æquo, Cannes 1998. - Les Idiots, de Lars Von Trier - Mifune, de Soren Kragh-Jakobsen

* 138 Bordwell et Thompson (2000, p.580) : « Les jeunes réalisateurs les plus commerciaux perpétuèrent la tradition du cinéma hollywoodien classique. Le montage par continuité restait la norme, comme la manière de signaler clairement les changements temporels et les nouveaux développements du récit. »

* 139 Ropars-Wuillermer, Marie-Claire (1970, p.3) : « Bien loin d'être, comme tous les arts, une manifestation spontanée et individuelle de l'activité humaine, il (le cinéma) ne doit son existence qu'à la convergence d'un certain nombre de techniques, rendues possibles par des découvertes scientifiques, et dont la complexité ne cesse de croître ».

* 140 De fait, elle reprend le langage sartrien, en affirmant que « si la peinture et la musique sont du côté des choses, et la littérature du côté des signes, il semble bien que le cinéma ait penché, dès sa naissance, vers les signes ».

* 141 GAUDREAULT, André, JOST, François, Le Récit cinématographique, Nathan, 2ème édition, 2000, p.13 : «C'est au cours des années soixante, dans la foulée du courant structuraliste impulsé par Claude Lévi-Strauss, que l'intérêt pour les questions du récit, pour les problèmes que pose ce que l'on appelle la narrativité, se cristallise, notamment avec deux importantes livraisons de la revue Communications (le numéro 4, Recherches sémiologiques,1964, et le numéro 8 L'Analyse structurale du récit, 1966) chez des chercheurs comme Genette, Todorov, Greimas, Metz, mais aussi Roland Barthes, Claude Bremond et Umberto Eco. C'est aussi l'époque de la découverte, en France, de l'important ouvrage du russe Vladimir Propp, Morphologie du conte et des travaux des formalistes russes Tynianov, Eikhenbaum, Chklovski et Tomachevski ».

* 142 Propp, Vladimir, Morphologie du conte, Paris, Le Seuil, 1970 : « Les éléments constants, permanents, du conte sont les fonctions des personnages, quels que soient ces personnages et quelle que soit la manière dont ces fonctions sont remplies ».

* 143 Journot ( (2004, p.84) : « L'aspect modal de la narratologie concerne aussi la sphère de la réception, avec la sémio-pragmatique, qui étudie les relations entre le texte et son récepteur, les problèmes de croyance, la façon dont se noue le contrat de lecture ».

* 144 L'analyse, selon Roche et Taranger, permet en effet : « - en situation de spectateur, de percevoir de l'intérieur et donc de mieux comprendre les solutions retenues par tel ou tel film ; - en situation de scénariste, de connaître et de maîtriser davantage les ressources dont vous disposez ».

* 145 Certains auteurs dont Roland Barthes ont fait remonter l'origine de l'analyse structurale des récits aux travaux en langue russe de Vladimir Propp (1928). C'est, selon Aumont et Marie (1999, p.96), le prix d'un malentendu : « Publiée en 1958, la première traduction (en anglais) arrivait en même temps que les prémices de la vague structuraliste, et ce n'est pas un hasard si, dès 1960, Claude Lévi-Strauss faisait état de sa stupéfaction, en reconnaissant chez Propp des formules proposées dans les années 50 dans le contexte de l'analyse structurale de la littérature orale. (...) Le malentendu devint vite évident. Lévi-Strauss critiqua Propp pour être trop formaliste et se préoccuper trop peu des contenus. »

* 146 Opristecu, Nicolas, L'analyse filmique : méthode et contenu, PREMIS, CNED, Tome 3, p.87. et p.91-125 pour une analyse matricielle de Une partie de campagne, film de Jean Renoir, d'après une nouvelle de Guy de Maupassant

* 147 Roche et Taranger, op cit : « cela ne signifie pas qu'il faut le suivre aveuglément, même si l'on se propose de composer un success-story ». 

* 148 Greimas, Algirdas-Julien, Sémantique structurale, Paris, Larousse, 1966

* 149 Sidney Field, Screenplay, The foundations of screenwriter's handbook, A step-by-step guide, Delta Book, Dell Publishing Co, New York, 1979 in Chion (1985)

* 150 Syd Field, Comment reconnaître, Identifier et Définir les Problèmes liés à l'écriture de Scénario, Paris, Dixit, 2000.

* 151 Deleuze classe le « film policier » dans la petite forme et le « film criminel » dans la grande forme.

* 152 Linda Seger est consultante de scénarios depuis 1983. Elle a travaillé avec des compagnies, des scénaristes et des producteurs tels que Ray Bradbury, Tony Bill, ITC Productions, Charles Freis Entertainment, TriStar Pictures, Sundance Institute, etc.

* 153 SEGER, Linda, Faire d'un bon scénario un scénario formidable, Paris, Editions Dixit, 2000, 256 pages.

* 154 Le climax (échelle en grec) correspond, pour les écrivains, au point culminant ou au dernier événement important d'une oeuvre. Le climax est le moment à partir duquel la tension peut retomber car les problèmes sont résolus, les réponses aux questions du départ sont apportées.

* 155 Michel Chion propose la traduction d'implant à ce terme sans équivalent français.

* 156«  la quête du compagnon parfait, le retour chez soi, la recherche d'un accomplissement, la poursuite d'un idéal, le fait de chercher à réaliser ses rêves ou de partir à la chasse au trésor »

* 157 Christopher Vogler, en tant qu'analyste d'histoires, a évalué plus de 6000 scénarios pour les principaux studios du cinéma dont Walt Disney, Warner Bros, 20thCentury Fox, United Artists, Orion Pictures, the Ladd company, Touchstone Pictures et Hollywood Pictures.

* 158 CAMPBELL, Joseph, The Hero With a Thousand Faces, Princeton University Press, 1968

* 159 VOGLER (2002, p.20) : « Campbell s'appuie sur les théories du psychologue suisse Carl G.Jung concernant les archétypes : des personnages et des énergies se répétant sans cesse, présents dans les rêves de chacun et les mythes de toutes les cultures. Jung suggéra que ces archétypes révélaient différentes facettes de l'esprit humain que notre personnalité peut adopter pour jouer la pièce de sa propre existence. Il remarqua une correspondance étroite entre les personnages rêvés par ses patients et les archétypes de la mythologie. Jung émit alors l'hypothèse que les rêves de ses patients et les archétypes de la mythologie provenaient d'une origine plus profonde : l'inconscient collectif de la race humaine. Les personnages bien connus de la mythologie mondiale, tels que le jeune héros, le sage vieillard, l'intrigant et l'antagoniste ténébreux sont identiques à ceux qui peuplent nos rêves et nos fantasmes. C'est pourquoi les mythes et la plupart des histoires bâties sur le modèle mythique ont la résonance de vérités psychologiques ».

* 160 Rappelons, à ce propos, que les trois éléments nécessaires pour qu'un film soit un succès commercial sont, selon Linda Seger (2000, p.146) : la créativité, la structure du scénario et la possibilité de commercialisation. « Si un seul de ces éléments manque, il y a de grandes chances pour que ce scénario ne se vende pas et que même s'il se vend, il n'ait pas de succès ».

* 161 VOGLER, Christopher, p.30 : « Les montagnes russes donnent aux passagers l'impression de mourir puis de survivre. L'émotion ainsi ressentie génère un grand frisson de plaisir ».

* 162 Des adaptations cinématographiques des romans de J.K. Rowling : Harry Potter à l'école des sorciers (Chris Columbus, 2001), Harry Potter et la chambre des secrets (Chris Columbus, 2002), Harry Potter et le prisionnier d'Azkaban (Alfonso Cuaron, 2004), Harry Potter et la coupe de feu (Mike Newell, sortie prévue le 30 novembre 2005) et, déjà planifié, Harry Potter et l'ordre du Phoenix (David Yates, sortie prévue 2007).

* 163 Ce terme a été donné par Jung, en 1919, pour désigner les images primordiales communes au moins à tout un peuple ou à toute une époque, ce qu'il appelait auparavant « dominante de l'inconscient collectif ».

* 164 SOLIE, Pierre, « Carl Gustav Jung et la psychologie analytique », in MOUSSEAU, J., et MOREAU,

P.F. (dir.), L'inconscient de Freud aux techniques de groupe, 1976, p. 312-346

* 165 Du grec khataros, pur. Ce terme était utilisé dans la Grèce antique pour désigner une cérémonie de purification à laquelle devaient se soumettre les candidats à l'initiation aux mystères, aux cultes secrets. Aristote employa ce mot pour définir l'effet bienfaisant de la tragédie sur les spectateurs qui en s'identifiant à l'un des acteurs, en éprouvant ses émotions, se libéraient de leurs propres craintes, pitiés, peurs, etc. Les rires, les pleurs, les frissons de terreur et, plus globalement, toutes les expressions physiques des émotions sont les déclencheurs les plus efficaces de la catharsis.

* 166 Comme l'écrit Linda Seger (2000) : « Dans les meilleurs films, l'un des personnages au moins est transformé (...), il s'agit en général du héros ». (p.216) ». Elle a, par ailleurs, constaté que « les critiques aiment massacrer un film en disant que le personnage n'évolue pas. » (p.217)

* 167 HAMON, Philippe, Pour un statut sémiotique du personnage. Poétique du récit, Paris, Le Seuil, 1976

* 168 Jean-Claude Carrière et Pascal Bonitzer, Exercice du scénario, Paris, Femis, 1990, p.29 in Vanoye (1995)

* 169 Dans son épilogue, Regard en arrière sur le voyage, Vogler (2002, p.201-214) analyse en utilisant la structure

du Voyage du Héros, deux films, l'un d'aventures - The Last of the Mohicans - et l'autre une comédie surnaturelle : Death Becomes Her. Il met ainsi en évidence les étapes principales, les archétypes ainsi que d'autres composantes de la structure tels que l'exposition, les tournants décisifs de l'histoire et le climax ainsi que ce qu'il considère comme les forces et les faiblesses de ces deux histoires-scénarios.

* 170 En narratologie, on appelle cela la focalisation interne (Genette) ou l'ocularisation interne (Jost)

* 171 Dans ce film, les images sont vues à travers les yeux du personnage : « Nous ne connaissons de lui que les mains, les bras, quelques reflets dans des glaces et sa voix. Quand il reçoit un coup de poing ou qu'il boit un peu trop, c'est déformée par son regard que la réalité nous parvient » (Rapp et Lamy, 1999, p.323)

* 172 La narratologie thématique s'intéresse, nous venons de le voir, à l'histoire racontée, aux actions, aux rôles des personnages, aux relations entre eux, etc. et utilise des modèles, des théories, des principes de l'écriture littéraire. Comme l'écrit Michel Marie, dans la préface de l'ouvrage de Gaudreault et Jost (1990, 2ème édition), les modèles qui s'appuient sur les hypothèses de Propp « envisagent la structure d'une histoire comme relativement indépendantes des techniques qui la prennent en charge, qu'il s'agisse d'un roman, d'un film ou d'une pièce de théâtre »

* 173 Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972

* 174 Gérard Genette, Nouveau discours du récit, Paris, Seuil, 1983

* 175 Genette a utilisé ce terme d'optique pour désigner le foyer narratif du récit, autrement dit le point de vue cognitif qui le construit : le savoir. A ce point de vue cognitif, les narratologues du cinéma (Jost, Ropars-Wuilleumier, etc.) ont ajouté le point de vue physique : le voir ou ocularisation et l'écouter ou auricularisation.

* 176 METZ, Christian, L'énonciation filmique ou le site du film, Méridiens-Klinscksieck, 1991

* 177 Le terme cinéaste a été utilisé par Louis Delluc pour désigner toutes les personnes travaillant dans le cinéma. Toutefois, ce terme est également utilisé comme synonyme de réalisateur ou de metteur en scène.

* 178 Journot (2004, p.44-45) cite en plus du regard-caméra : - les cadrages inhabituels, les effets trop marqués et qui laissent percevoir le style du réalisateur, - les citations d'autres films qui signalent une relation particulière du film avec d'autre film, - le générique qui affiche la fabrication du film.

* 179 Mitry (2003) p.31 : « Il est évident que le cinéma ne saurait être un langage si l'on s'en tient à la définition classique qui veut que le langage n'utilise que des signes abstraits de forme fixe et de signification constante. » (...) p.331 « Il est temps que la définition linguistique, trop exclusive le cède à une définition logique plus générale (...) On peut dire, de la sorte, qu'un langage est un moyen d'expression dont le caractère dynamique suppose le développement temporel d'un système quelconque de signes, d'images ou de sons (de gestes au besoin, tel le langage des sourds-muets), l'organisation dialectique de ce système ayant pour objet d'exprimer ou de signifier des idées, des émotions ou des sentiments. »

* 180 La bande image est la partie du support pelliculaire sur laquelle sont enregistrées les images.

* 181 La piste sonore de 3 mm de large environ est alors située entre les perforations de la pellicule et la bande image.

* 182 Les photogrammes sont les unités minimales non significatives du cinéma. Il s'agit en fait de photographies.

* 183 « Les psychologues de l'école gestaltique ont identifié cet effet de perception d'un mouvement apparent (qu'ils nommèrent effet phi) comme résultant des stimuli visuels produits par les déplacements des images qui permettent aux cellules du cortex visuel d'interpréter ces différences comme mouvement » (Journot, 2004, p.42)

* 184 Roland Barthes, La Chambre claire, p.89-90 cité par Bellour (2002, p.75)

* 185 Bellour (2002, p.75-76) cite l'exemple suivant : « Prenons Letter from an Unknown Woman (Max Ophüls, 1948, avec Louis Jourdan et Joan Fontaine). Le pouvoir du cinéma y est à son comble : bâti sur un flash-back (le prétexte est une lettre que le héros reçoit dès la séquence d'ouverture), le film nous rend ainsi présents des moments du passé. Le flash-back est constamment relancé : on voit à plusieurs reprises le héros lire la lettre de la femme inconnue (en réalité oubliée). (...) Au milieu du film à peu près, le héros apprend que cette femme qu'il a délaissée après une nuit d'amour a accouché d'un enfant dont il est le père : il regarde, en plan rapproché, à la loupe, des photos jointes à la lettre : trois photos, que l'image tend au spectateur. D'abord, dans un ovale, un enfant d'environ un an, de face, les yeux grands ouverts. Puis, l'enfant, plus grand, avec sa mère dans une nacelle. Enfin, l'enfant seul à nouveau, maintenant presque adolescent.

A quoi servent ces photos ? A l'histoire, bien sûr....Les photos font office de charnière entre les deux grandes parties du récit : elles expriment le passage du temps...Elles ouvrent en fait un autre temps : un passé du passé. Un temps second et différent. Ainsi elles fixent un instant le temps du film : nous arrachant à son déroulement, elles nous situent par rapport à lui. Il y a, à cela, trois raisons. La fixité soudaine de l'image d'abord. ...Cette fixité est contraire au mouvement du film, qui veut que les figures bougent. Ensuite, ces images nous regardent (la première surtout) du fond du temps perdu de l'enfance (le temps de la photo par excellence), avec ce regard-caméra qu'on ne voyait alors (presque) jamais au cinéma. Enfin..., ce que ces photos attestent le bouleversent (le héros) ; il est, à la pensée de ce qu'elles éveillent, pétrifié. Moi qui m'identifie à lui, je suis comme lui pétrifié. »

* 186 Umberto Eco, La production des signes, Paris, Poche, 1992

* 187 Mitry (2001, p.70) «  Barthes affirme, un peu imprudemment à mon sens, la synonymie éventuelle de l'image. Certes, un signifié peut s'exprimer à travers plusieurs signifiants. Dans le film d'Eisenstein, par exemple, les bougies cassées (qui éclairent le piano dans le salon des officiers) et l'assiette brisée par les matelots, au réfectoire, suggèrent, tout comme le lorgnon, la faillite de la classe possédante....Cette synonymie toute relative est purement accidentelle : elle n'existe que dans le film. Hors du Cuirassé Potemkine il n'y a aucun rapport, aucune analogie signifiante d'aucune sorte entre un lorgnon qui se balance, une assiette brisée et des bougies écrasées. Barthes d'ailleurs le reconnaît implicitement en précisant : « la synonymie n'est esthétiquement valable que si, pour ainsi dire, on le truque : le signifié est donné à travers une série de corrections et de précisions successives, dont aucune ne répète vraiment l'autre ».

* 188 Mitry (2001, p.93) : « Cette notion de plan est relative à l'histoire du cinéma. Lorsqu'après les premières tentatives de D.W. Griffith, le cinéma commença à prendre conscience de ses moyens (...) on enregistra les scènes selon des points de vue multiples, les techniciens durent qualifier ces différentes prises afin de les distinguer entre elles. Pour cela, on se référa à la situation des personnages principaux en divisant l'espace selon des plans perpendiculaires à l'axe de la caméra. D'où le nom de plans. C'est en quelque sorte la distance privilégiée d'après laquelle on réglait la mise au point ».

* 189 Opritescu (1997, p.45-46) : « Au cinéma, le cadre de la caméra et le cadre de la projection sont rigoureusement identiques. A la télévision, les limites du cadre à la projection varient, en fonction des réglages, sur chaque téléviseur qui « mange » plus ou moins les bords haut-bas et/ou gauche-droite de l'image. Ce malheureux phénomène amène une dégradation esthétique à celle causée par l'important rapetissement de l'image obligeant la composition de l'image uniquement au centre du cadre avec des larges plages de « sécurité » (donc neutres) sur les bords du cadre ».

* 190 Bessière (2000, p.41) : « Le champ se différencie du cadre dans la mesure où il résulte de celui-ci. En effet, la prise de vues est une mise en cadre, l'inclusion d'une portion de la réalité dans le cadre créé par l'objectif de la caméra. Il s'agit d'un acte énonciatif. Le champ est le résultat de cette mise en cadre, son contenu et relève de l'énoncé, de la fiction racontée par le cinéaste. La prise de vues (ou mise en cadre) ne forme en rien « une fenêtre sur le monde » ou un miroir qui le reflèterait plus ou moins fidèlement. Elle détermine un choix, une fragmentation de la réalité et cette portion de réalité devient un champ organisé esthétiquement et appartenant à l'espace/temps de la fiction. Aussi n'a-t-on pas affaire à la même dimension spatio-temporelle quand on parle de hors-cadre et de hors-champ. Le hors-cadre relève du filmage, renvoie à tout ce qui n'a pas été prélevé par la caméra, autour de son cadre technique (...) ; tandis que le hors-champ renvoie à ce qui est censé être contigu au champ et appartient à l'espace-temps de la fiction. »

* 191 Mais, en réalité, cela est vrai aussi bien pour les êtres humains que pour les objets, les animaux, etc.

* 192 Michel Wyn (1972, p.258-259) constatant qu les appellations ne sont pas standardisées propose de distinguer deux sortes de plans : 1- les plans dont l'échelle est rapportée au personnage (plan moyen, plan américain, plan rapproché, gros plan, très gros plan) ; 2- les plans dont l'échelle est rapportée au décor (plan d'ensemble, plan grand ensemble, plan général).

* 193 D'autres auteurs distinguent : le gros plan (visage), le plan taille (visage jusqu'à la taille), le plan épaule (visage jusqu'aux épaules), le plan poitrine (visage jusqu'à la poitrine), le plan général.

* 194 Ce plan tirerait son appellation des westerns dans lesquels on cadrait les personnages de la tête au revolver.

* 195 dans ce cas, plutôt appelé plan italien, sans doute en référence aux westerns spaghetti dans lesquels les personnages étaient souvent habillés de longs manteaux.

* 196 Un gros plan ou un très gros plan sur un objet est plutôt appelé insert

* 197 Parfois appelé également plan serré

* 198 Pascal Bonitzer, Le Champ aveugle, Cahiers du cinéma-Gallimard, 1982, p. 26 cité par Aumont (1998, p.21)

* 199Aumont (1998, p.22 et p.46) : « La caméra du cinématographe qu'on vantait pour son pouvoir d'abstraction et de mécanisation de l'optique (la théorie du super-oeil) devient aussi, via le concept de vision haptique (d'un mot grec qui veut dire « toucher », un prolongement du sens du toucher. Le cinéma s'est souvent servi de la force haptique du gros ou du très gros plan, mais dans les dernières décennies, l'usage direct de ce pouvoir, est souvent le fait de films de genre, où les traits stylistiques sont accentués (chez Leone ou King Hu, par exemple). (...) Le super-oeil est l'apogée du savoir humain en matière de rendu des apparences (...) mieux que l'oeil humain ».

* 200 Bernard Chardère (1995, p.370)

* 201 Mark Sennet, King of comedy, 1954,, in Chardère (1995, p. 370)

* 202 Louis Lumière, Où va le cinéma français ?, 1937, in Chardère (1995, p.370)

* 203 Cette classification se rapproche, sans être parfaitement similaire selon Mitry (2001), de la classification anglosaxone : Close Up, Medium Shot, Long Shot.

* 204 Opritescu (1997, p.62) : « il n'est pas rare que, dans la réalité, la fonction du plan change pendant le déroulement de celui-ci, ou qu'un plan endosse plusieurs fonctions en même temps. Exemple : un panoramique reliant deux gros plans fait glisser la fonction analytique en fonction relationnelle.»

* 205 on la définit aussi comme la portion d'espace située devant l'objectif à l'intérieur de laquelle la mise au point des objets et personnages photographiés est possible, autrement dit où ils apparaissent nets.

* 206 Georges Sadoul, Louis Lumière, Paris, Seghers, 1964, p.49

* 207 Le terme « grand angle » s'appliquant plutôt à des focales inférieures à 18 mm

* 208 Les longues focales sont comprises entre 75 et 250 mm. A partir de 135 mm, on parle de très longue focale ou de téléobjectif

* 209 On distingue habituellement les distances focales moyennes (les objectifs standards), courtes (les grands-angles) et longues (les téléobjectifs).

* 210 C'est un code réellement spécifique au cinéma contrairement aux précédents. Les caractéristiques telles que la perspective, la relation entre un champ et un hors-champ, la taille du plan se définissent aussi en peinture, en photographie ou en bande dessinée.

* 211 Une grue permet de placer la caméra en hauteur ou dans un endroit difficile d'accès. Un axe de rotation et un contrepoids soulèvent une plateforme sur laquelle s'installent une ou plusieurs personnes et une caméra. Certaines grues sont téléguidées depuis le sol. La Louma qui fut utilisée pour la première fois par René Clément, en 1971, est une grue articulée sur un chariot dont le bras télescopique supporte la caméra dont les prises de vues sont télécommandées.

* 212 Il s'agit d'un stabilisateur de caméra porté par un homme. Le caméraman ou opérateur enfile un système de harnais autour du torse. Le steady cam, de la marque déposée Steadicam ou non, lui permet alors de réaliser des mouvements très fluides en supprimant les vibrations. Lorsque le caméraman marche ou court, la caméra reste horizontale et donne une impression de fluidité. Ce système a été utilisé pour la première fois dans le film Rocky avec Sylvester Stallone, notamment dans le scène où ce dernier monte un grand escalier. Depuis, il est utilisé dans de nombreux films et téléfilms.

* 213 Bessière (2000, p.48) : « Il est convenu que l'image filmique se lit de gauche à droite comme l'écrit en Occident et que les mouvements de caméra explorent l'espace avec ou pour les personnages de gauche à droite, les événements, les protagonistes nouveaux survenant à droite, lieu de tous les possibles, point d'ancrage de l'avenir. Cependant les réalisateurs commettent des écarts par rapport à cette « norme » afin de faire sentir un malaise chez les personnages, hantés par leur passé ou en désarroi physique et psychologique ».

* 214 Bächler (2001, p.336) : « Mitry le constatait dans le tome 2 « Les formes », 1963 : « un travelling suivant à distance égale et à vitesse égale des personnages (une diligence) en mouvement est une autre forme de plan fixe : c'est le paysage qui a l'air de se déplacer ». Par contre, nous ne l'assimilons pas comme lui à un « faux travelling » que nous appelons « transparence » (voiture et caméra immobile et projection en transparence du paysage et des arbres qui défilent). Le premier plan y est perçu comme fixe et le deuxième plan est clairement dissocié du premier et perçu comme mobile. Dans le travelling accouplé au mobile, sans la transparence, le mouvement apparent du véhicule est annulé, mais son mouvement réel imaginé est perçu comme solidaire du déplacement du paysage. »

* 215 Bernardo Bertolucci (in Tirard, 2004, p.135) : «Je n'utilise presque jamais le zoom. Je ne sais pas pourquoi mais je trouve qu'il y a quelque chose de faux dans son mouvement. Je me souviens d'un jour, sur le tournage du Stratagème de l'araignée (1970), où j'ai eu envie de mettre le zoom, pour changer. J'ai passé une heure à jouer avec, et puis ça m'a rendu malade. Je l'ai enlevé et j'ai dit que je ne voulais plus jamais voir cet objectif ».

* 216 La distance focale est l'écart, exprimé en millimètres, entre le plan de la pellicule et le centre optique (virtuel car un objectif généralement est composé de plusieurs lentilles). On distingue habituellement les distances focales moyennes (les objectifs standards), courtes (les grands-angles) et longues (les téléobjectifs).

* 217 Bien qu'il ne faille « ici aussi, se garder de faire des associations automatiques entre le contenu et la distance focale (...), hors contexte fictionnel, les distances focales longues connotent les paparazzi traqueurs de princesses, les reporters en mal d'images-chocs, le safari-photo, les images de sportifs en compétition - toutes formes, au mieux de capture d'images en milieux inhospitaliers (guerre) ou interdits (plages privées, stades), au pire, de voyeurisme distal. Quant aux distances focales courtes, elles connotent à l'inverse une forme de rapport proximal à l'objet visé, sinon à l'immersion (reporter plongé dans une foule de manifestants) - mais elles sont aussi l'apanage des caméras de surveillance (voyeurisme proximal). » (Jullier, 2002, p.73)

* 218 Les plans longs sont généralement filmés en plan moyen ou en plan d'ensemble. Le spectateur a ainsi le temps de découvrir de lui-même les éléments qui vont l'intéresser.

* 219 Le ralenti est un trucage du temps qui s'obtient en augmentant la cadence de prises de vues et en conservant la cadence normale de projection (24 images par seconde).

* 220 L'accéléré est un trucage du temps qui s'obtient en projetant à vitesse normale des images filmées à une vitesse inférieure.

* 221 Païni (2002, p.101-102) : « Jean Epstein est allé le plus loin, à ce jour, dans la description poétique et plastique du ralenti. (Selon lui, dans Intelligence d'une machine) la régression temporelle que le ralenti impose à la représentation du corps en mouvement, fait dépasser le stade animal. Le ralenti fait retrouver dans « les déploiements du torse, de la nuque, l'élasticité active de la tige ; dans les ondulations de la chevelure, de la crinière agitées par le vent, les balancements de la forêt ; dans les battements des nageoires et des ailes, les palpitations des feuilles ; dans les enroulement et les déroulements des reptiles, le sens spirale de toutes les croissances végétales » ( Ecrits sur le cinéma).

* 222 Jean Epstein, Ecrits sur le cinéma, Tome 2, Seghers, 1974

* 223 Jean Vigo (1905-1934), cinéaste français, réalisateur notamment de A propos de Nice (1929) : une application de la théorie du ciné-oeil de Vertov

* 224 Dziga Vertov (1896-1954), cinéaste soviétique. Il proclamait que le rôle essentiel du cinéma était de saisir la vie à l'improviste par l'oeil impartial de la caméra. A l'origine de la théorie du ciné-oeil, Kinoglaz

* 225 Emmanuel Ray, dit Man Ray, (1890-1976), peintre et photographe américain, réalisateur de films courts qui révéla son anti-conformisme.

* 226 Mauriz Stiller, cinéaste suédois (1883-1928), il révéla Greta Garbo dans son film intitulé La légende de Gösta Berling, 1924

* 227 Un cinéma venant de Corée du Sud, des trois Chines - Hong Kong, Taïwan, la Chine continentale - et du Japon.

* 228 Nosferatu le vampire, film fantastique allemand réalisé par Friedrich Wilhelm Murnau en 1922. Une adaptation illégale du roman de Bram Stocker, Dracula, où le changement de titre.

* 229 Boris Kazanski, « La nature du cinéma », in Albéra (1996, p. 121-122)

* 230 Boris Eikhenbaum, « Problèmes de ciné-stylistique », in Albéra (1996, p. 61)

* 231 Lev Koulechov écrivit un ouvrage, en 1929, intitulé L'Art du cinéma dans lequel il présente à la fois toute son expérience, ses pratiques et procédés (en matière de montage, d'éclairage, de prise de vues, de mise en cadres, de scénario, de mise en scène et direction d'acteurs) et les résultats de ses réflexions théoriques ainsi que ses travaux en laboratoire dont l'un d'eux conduisit à l'énoncé de l'effet qui porte son nom : l'effet Koulechov. L'ouvrage de Koulechov est, avec ceux de Bél Balàzs et Vsevolod Poudovkine, parus en même temps, à l'origine de ce que l'on appelle les « grammaires du cinéma » dont celle de Raymond J. Spottiswoode publiée en 1935.

* 232 Cité par Liandrat-Guigues et Leutrat (2001, p.38)

* 233 Certaines rumeurs - mais est-ce de la jalousie ? - circulent comme quoi Brad Pitt n'ayant pas de très beaux mollets, on lui aurait « échangé » avec des mollets plus musclés dans le film Troie, grâce à un montage astucieux.

* 234 Interrogé par Ciment (2003, p.53)

* 235 Egalement chorégraphe dans Matrix

* 236 Boris Eikhenbaum, « Littérature et cinéma », 1926, in Albéra (1996, p. 203-208)

* 237 Boris Eikhenbaum, « Le mot et le cinéma », 1926, in Albéra (1996, p.209-211) : « Le spectateur qui regarde l'écran effectue un travail cérébral complexe en réunissant les cadres qui défilent devant lui en des sortes de ciné-phrases (...) Le spectateur doit assembler cette chaîne, sinon il ne comprendra rien. Ce n'est pas un hasard s'il y a des gens qui « ne comprennent pas » ; un tel travail cinématographique de l'intellect leur est inaccessible, inhabituel et désagréable. Le cinéma a sa propre syntaxe, sa propre grammaire ».

* 238 Un film expérimental de huit heures qui relate huit heures de la vie de l'Empire State Building de New York, vu de l'extérieur et filmé en plan fixe.

* 239 Ce film expérimental canadien de 3 heures se passe dans une région désertique du Québec. Une caméra fixée sur un dispositif à bras mobile balaye l'espace à différentes vitesses, dans des panoramiques incessants et grisants (Rapp et Lamy, 1999, p.1038)

* 240 Le film L'Arche russe a été tourné en une seule fois le 23 Décembre 2001 dans le musée de l'Hermitage de Saint Petersbourg. Comme l'a avoué Alexandre Sokurov : « J'ai eu alors une idée, mais elle était très coûteuse et extrêmement difficile à réaliser. L'idée était de tourner le film, disons, sans reprendre son souffle".Relatant l'histoire russe sur plusieurs générations pendant un long plan séquence de 96 minutes, ce film a nécessité une organisation lourde et précise : plusieurs mois de répétitions, trois orchestres, 22 assistants à la réalisation et 867 acteurs et figurants. Aucune erreur durant le tournage n'était permise, aussi bien pour les acteurs que pour les techniciens. Il n'y eut ni coupure, ni montage.. Selon Samuel Blumenfeld (Le Monde du 26.03.2003) : « L'Arche russe représente d'abord un tour de force technique. Réalisé avec une caméra compacte haute définition, enregistré sur un système de disque dur portable capable de stocker jusqu'à 100 minutes d'images, chose impossible sur le support 35 mm, le film porte l'expérimentation à un niveau inédit. ».

* 241 Pour des exemples, voir Bordwell et Thompson (2000, p.332-381)

* 242 Flashback : modification de la continuité chronologique d'une histoire par un retour dans le passé. Autrement dit, le récit revient sur un événement antérieur au présent de l'action. En narratologie = analepse

* 243 Flash-forward : modification de la continuité chronologique d'une histoire par une projection dans le futur. Autrement dit, le récit présente des événements futurs puis revient au présent de l'action. En narratologie = prolepse

* 244 « On appelle relation syntagmatique toute relation qui s'établit entre des éléments co-présents de façon proche à l'intérieur d'un même message (...) Le langage cinématographique articule à chaque instant plusieurs matières de l'expression : des images, des mentions écrites, des paroles, des bruits et de la musique ; toutes ces matières sont capables de mobiliser des relations syntagmatiques de succession : relations entre plans, relations entre textes écrits (dans un générique par exemple), relations entre phrases de dialogue ou de commentaire, relations entre bruits, relations entre moments musicaux » (Odin, 1990, p.103-105)

* 245L'ouvrage de Christian Metz édité en 2003 est une réédition. Initialement parus en deux tomes, les Essais furent édités, pour le tome I, la première fois en 1968. C'est la première étape dans l'effort de Metz pour fonder une approche sémiologique du fait-cinéma. Le tome II est paru en 1972, on y voit se dessiner à travers un jeu d'avancées et de retours autocritiques, les contours de la « seconde sémiologie » à quoi l'auteur s'est attaché par la suite et qu'il développera dans Le Signifiant imaginaire (1977).

* 246 Bessière (2000, p.52) : « c'est-à-dire de séquences dès lors qu'elles ne sont pas interrompues par un élément de ponctuation (fondus enchaînés, au noir, ouverture/fermeture à l'iris, etc.) » 

* 247 Il reprend ce terme de la linguistique structurale où il désigne un groupe de mots formant une unité à l'intérieur d'une phrase. En sémiologie du cinéma, le syntagme, selon Metz, est un ensemble de plans.

* 248 Selon Jean-Luc Godard (Ciment, 2003, p.53), le style de Wells dépend largement des difficultés qu'il a rencontrées lors du tournage : « S'il commence La Soif du mal (Touch of Evil) par un plan-séquence, c'est qu'il a une durée de tournage très réduite et qu'un plan-séquence, s'il est bien réglé, peut faire gagner cinq à six jours ».

* 249 Metz (2003, p.131) : « Dans les milieux cinématographiques, le terme de séquence s'est fixé pour désigner une construction proprement filmique, et par opposition à la scène du théâtre ; mais, par la suite, ce mot en est venu à désigner n'importe quelle suite de plans formant une unité, c'est-à-dire n'importe quel segment autonome à l'exception du plan autonome ; la séquence au sens courant est donc ce que nous appellerions un syntagme autonome et notre tableau en comporte 7 sortes. »

* 250 Préface de Roger Odin in Bächler (2001, p.8) : « On sait que Christian Metz définissait la sémiologie du cinéma comme « comprendre comment le film est compris » (Langage et cinéma, Larousse, 1971, p.56), mais on sait aussi qu'il n'entendait nullement étudier ce qui se passe dans la tête du spectateur et s'en tenait à l'analyse du travail codique que le film mobilise »

* 251 Mitry (2001, p.100) : « On appelle séquence l'ensemble des images intéressant les événements situés dans un même lieu ou même décor quels que soient les changements d'angles ou de champs, c'est-à-dire des plans qui ont pu intervenir au cours des prises de vues relatives à cet ensemble ».

* 252 Une ellipse est une coupure dans le temps du récit qui permet au réalisateur d'enlever des événements de l'action. Le spectateur compense en imagination ces omissions.

* 253 Dans le film N , Napoléon (de Caunes, 2001) , un fondu enchaîné interrompt un long dialogue entre les deux personnages principaux, sans volonté elliptique, donc très probablement pour cacher un collage de deux prises de vue de la même scène, rendu nécessaire vraisemblablement par une maladresse de l'un des deux acteurs.

* 254 Un plan s'assombrit progressivement jusqu'à ce que l'écran soit noir.

* 255 Un écran noir est progressivement remplacé par un plan.

* 256 Jullier (2002,p.54) : « Une figure aujourd'hui tombée en désuétude, courante dans les films hollywoodiens classiques, consistait à l'associer à un flou progressif sur la queue de A et un net progressif sur le début de B, qui passait pour signaler au spectateur un retour vers le passé, un passage dans un monde mental alternatif. Un cas particulier de fondu enchaîné combine un plan à un à-plat couleur (fréquemment un noir). Il permettait conventionnellement, dans le cinéma classique de marquer des seuils de début et/ou de fin de séquence (et souvent du film lui-même) et de signaler les ellipses, surtout grâce à la combinaison A/N au début - N/B à la fin, où N est le noir - on parle alors d'ouverture au noir et de fermeture au noir.. Dans des films modernes, on voit de tels couples simplement utilisés à des fins plastiques, expressives, sans connexion à des anachronies du récit ; on voit également des seuils se matérialiser sans fondus, un noir encadré par deux cuts séparant brutalement A de B. Des couleurs y remplacent parfois le noir, comme le blanc ou le rouge (Cris et chuchotements, Ingmar Bergman, 1972) »

* 257 Iouri Tynianov, Les fondements du cinéma, in Albéra (1996, p.80)

* 258 Le volet est notamment utilisé dans Les sept Samouraïs (1954), un film d'aventures d'Akira Kurosawa, Oscar du meilleur film étranger en 1955.

* 259 Tous les plans montrant le premier personnage de face dans le montage sont considérés comme des champs. Tous les plans montrant le second personnage de face sont des contrechamps.

* 260Un truc de professionnel : Les deux protagonistes figurant dans le cadre, il est conseillé pour rendre l'image plus harmonieuse que la pointe du nez du personnage en amorce ne dépasse pas de la bordure du visage.

* 261 Généralement, dans ce cas, on commence le premier plan (champ) en externe puis on prend le contrechamp en interne, et on inverse au fur et à mesure de l'avancée de la discussion. Pour resituer la scène dans son décor, il peut être nécessaire de revenir de temps en temps à un plan d'ensemble.

* 262 Dans la majorité des cas, il faut considérer l'autre côté de la ligne imaginaire comme une zone interdite. Pour connaître des moyens de correction lors du montage, voir Gérard Galès, Tout sauver au montage. Inverser le sens d'un plan, Caméra, N°176, novembre 2003, p.36

* 263 Le Jump cut est un raccord elliptique qui donne l'impression d'une simple interruption dans un même plan. Par exemple, les acteurs changent instantanément de place et le fond reste le même, ou c'est le fond qui change alors que les acteurs ne bougent pas.

* 264 Un montage elliptique élimine une partie d'une action lors du passage entre deux plans, ce qui produit une ellipse dans le temps du récit.

* 265 Un montage intellectuel est une juxtaposition d'une série d'images sans lien apparent, ce qui génère une idée abstraite

* 266 Un insert extradiégétique est un ou plusieurs plans insérés dans une séquence montrant des objets ou des personnages ne faisant pas partie de l'espace du récit.

* 267 Le ralenti (ou l'accéléré) n'est que le résultat d'une diminution (ou d'une accélération) du rythme de présentation des images. Le ralenti est souvent utilisé pour décomposer les étapes d'un événement, d'une action, d'un mouvement, d'un geste afin de les mettre en valeur, d'accentuer l'effet dramatique (par exemple, la mort d'un personnage, une chute, un combat violent, etc.). Le ralenti peut être également choisi par le réalisateur pour sa valeur psychologique, pour suggérer le rêve, une atmosphère onirique, etc.

* 268 L'intertitre est un des deux types de cartons. Un carton est une incrustation textuelle à l'écran, soit sur un fond uni (noir, blanc ou de couleur), soit surimprimée à l'image. Le carton a une fonction informative (indication du lieu, du jour, de l'heure, par exemple). S'il fournit des informations pendant le film proprement dit (hors générique), le carton est appelé intertitre. Les cinéastes soviétiques des années 20 ont beaucoup utilisé les intertitres pour informer (exemple : « Le commandant Golikov »), certes pour compenser l'absence de dialogues, mais aussi pour faire prendre conscience, interpeller, notamment par des intertitres de questionnement, les spectateurs, à l'aide de métaphores visuelles. Les intertitres dans le cinéma soviétique de cette période ironisent, jugent, formulent des slogans, des maximes, etc. 

* 269 Marie-Claire Ropars, « L'ouverture d'Octobre ou les conditions théoriques de la révolution », in Octobre,

écriture et idéologie, Paris, Albatros, 1976 cité par Aumont et Marie, 2000, p.131.

* 270 Sergueï Eisenstein, La Non-indifférente Nature, UGE, collection 10/18, 2 volumes, 1976-1978 cité par Aumont (2002, p.88)

* 271 Paul, Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert

* 272 du grec antique, dionusiakos, qui est relatif à Bacchus : propre à l'enthousiasme et à l'inspiration

* 273 Selon Jean-LucGodard, « le ralenti n'est pas seulement question de vitesse ou de musicalité, il est aussi une sorte de prothèse du voir. Ralenti, c'est voir les moments décisifs, c'est surtout, voir l'ensemble du processus mieux (et pas seulement les moments que l'on ralentit) ; c'est donc intervenir sur l'événement montré pour en délivrer le sens. Le ralenti est là pour guider la perception du spectateur mais sans la contraindre » (Aumont, 2002, p.45)

* 274 S.M. Eisenstein, « une approche dialectique de la forme filmique », Film Form, London, Dennis Dobson, 1929, p.54 cité par Opritescu (1997, p.76-77)

* 275 Vanoye et Goliot-Lété (2001, p.22) : «  Par rapport au film classique, le film soviétique des années 20 n'offre pas de repères spatio-temporels stables permettant de construire un univers diégétique plein. Les données sont claires, mais lacunaire, abstraites. (...) Les plans montrent des éléments non diégétiques (la roulette, la pluie de lait) »

* 276 cité par Opritescu, 1997, tome 2, p.9

* 277 Pour plus de détails, voir Ekchajzer (2004, p.50-52)

* 278 Groupe u, Traité du signe visuel. Pour une rhétorique de l'image, Paris, Seuil, 1992, cité par Martine Joly (1994)

* 279 Michel Pastoureau, Dictionnaire des couleurs de notre temps, Symbolique et société, Ed. Bonneton, 1992, cité par Marrtine Joly (1994)

* 280 Evguéni Mikhaïlov et Andréi Moskovine, « Le rôle de l'opérateur de cinéma dans l'élaboration du film », in Albèra (1996, p.163-174) : « une lumière fade, plate, pauvre en contrastes dégage une impression d'ennui et de médiocrité. Une lumière douce, riche et tout en demi-tons produit une impression de quiétude. Une lumière contrastée, avec des éclats vifs et des ombres épaisses provoque un sentiment de trouble, etc. (...) Calculée et étudiée à l'avance, la lumière, élément inséparable du film, renforcerait l'action exercée sur le spectateur ».

* 281 Bordwell et Thompson (2000, p. 586) définissent la mise en scène comme : « Tout ce qui concerne les éléments se trouvant devant la caméra pour être filmés : le décor et les accessoires, la lumière, les costumes et les maquillages, le jeu des acteurs. »

* 282 Dans un scénario : - Le terme INTERIEUR est une indication de lieu toujours écrit en premier et mis en opposition avec le terme EXTERIEUR. - Le terme APPARTEMENT est aussi une indication de lieu, plus précise que la précédente. - Le terme NUIT est une indication de temps précise qui vient toujours en 3ème position après les deux indications de lieu. Cette indication (JOUR/NUIT) peut varier et être plus précise en utilisant des termes comme : AUBE, SOIREE, MATIN, APRES-MIDI ou encore CREPUSCULE. Toute indication temporelle précise nécessitera un travail particulier en matière d'éclairage. Pour plus de détails voir Parent-Altier (2001, p.18-20)

* 283 Surface brillante qui renvoie la lumière produite par les projecteurs ou éventuellement par le soleil vers le champ, pour compenser la déperdition de lumière.

* 284 Henri Alekan, Des lumières et des ombres, Paris, La librairie du collectionneur, 1991

* 285 Selon Martine Joly (1994, p.106), l'éclairage directionnel « sensualise la représentation dans la mesure où la lumière réagit aux matériaux qu'elle rencontre : réfléchie par certains, réfractée par d'autres ou encore absorbée ou rasante, elle fait vibrer les textures diverses et sollicite le toucher, au-delà de la vue. »

* 286 Dans ce cas, la lumière d'appoint n'est pas utilisée ou très faiblement puisque son but est de rééquilibrer.

* 287 ou de diffuseurs ou de filtres diffuseurs (comme le spun, un tissu en fibre de verre) qui servent à renvoyer la lumière dans différentes directions et permettent ainsi d'obtenir une lumière beaucoup plus douce.

* 288 Boris Eikenbaum, Problèmes de ciné-stylistique, in Albéra (1996, p.48)

* 289 Les gestes sont des mouvements du corps, principalement des bras, des mains, de la tête. Les mimiques sont des gestes expressifs, des jeux de physionomie et concernent plutôt les traits et l'aspect du visage. Les postures sont des attitudes du corps, des positions particulières du corps.

* 290 Meunier et Peraya (1993, p.121) « Dans ses Vingt leçons sur l'image et le sens, Gauthier (Gauthier G., 20 leçons sur l'image et le sens, Paris, Edilig, 1982) montre comment les petites variations graphiques de l'oeil de Linus, petit personnage de bande dessinée, induisent des significations différentes. »

* 291 Merleau-Ponty M., Phénoménologie de la perception, Gallimard, 1945, p.216

* 292 E.T. Hall, La Dimension cachée, Paris, Seuil, 1969

* 293 Odin (1982, p.106) : « Un second dénombrement suggère que les gestes indiciels sont avant tout : - des affects displays (exprimant la réaction passive à une stimulation très forte : peur, joie, tristesse..), - des alter-directed adaptors (mouvements actifs de réponse à une attaque), - des self adaptors : gestes moteurs, mettant l'individu en relation avec lui-même et traduisant un effort d'adaptation ou une volonté de défense face à une quelconque perturbation.(...) Self-adaptors et affects displays ont essentiellement pour siège, le visage car le visage est dans notre imaginaire culturel le lieu privilégié de l'expression de la personnalité, de l'intelligence et de la conscience. »

* 294 Prix de la critique internationale, Venise, 1968

* 295 Anne Kieffer, « Une histoire venue d'Afrique », in Rapp et Lamy, 1999, p.754

* 296 Chion (1990, p.132) : « Dans le meilleur des cas, le budget ne dépasse pas cinquante mille francs pour un film français moderne. Aussi beaucoup préfèrent-ils recourir au shopping, aux stocks de vêtements et aux loueurs ».

* 297 Louis Delluc, «La Foule devant l'écran » in Le cinéma et les cinéastes, Ecrits cinématographiques I, Paris, Cinémathèque Française, 1985, p.73

* 298 Egalement appelé cinéma des premiers temps ou, en anglais, early cinema, le cinéma primitif est le cinéma des années 1895 (invention du cinéma) à 1914 (début de la première guerre mondiale).

* 299 Scénariste et réalisateur français (1861-1938). Illusionniste, il dirigea le théâtre Robert-Houdin. « Créateur de la mise en scène cinématographique, inventeur d'ingénieux trucages, constructeur des premiers studios de cinéma (à Montreuil) » (Rey, 1996, p.1356)

* 300 Ecran opaque placé devant la caméra ou la tireuse qui masque une partie du photogramme et modifie la forme de la partie impressionnée de l'image. La zone masquée est généralement noire à l'écran, mais elle peut aussi être blanche ou colorée.

* 301 La transparence ou rétropojection est une technique permettant de combiner sur une même image une action se déroulant en fond de plan filmée antérieurement. Le premier plan est filmé en studio devant un écran sur lequel est projetée, par derrière, l'image représentant l'action de l'arrière-plan. La transparence est l'inverse de la projection frontale qui est un procédé complexe - avec un miroir concave et un miroir semi-transparent - où les images censées représenter le décor au fond d'un plan sont projetées frontalement sur un écran ; les personnages et les objets situés au premier plan sont devant l'écran filmés suivant le même axe. La fabrication d'un grand miroir concave nécessitant un budget énorme, des améliorations techniques furent réalisées à partir des années quarante, notamment avec le Scotchlite.

* 302 Matériau réfléchissant recouvert de milliards de micro-billes, breveté par la société 3M, qui permet la projection frontale à moindre coût mais dont la fragilité fut critiquée

* 303 Ecran composé de tuiles triangulaires en Scotchlite collées sur une toile de Dacron et recouverte d'une pellicule de Mylar, donc moins fragile que le grand écran en bandes de Scotchlite.

* 304 Système qui permet de synchroniser les mouvements de deux zooms montés sur la caméra et sur le projecteur d'un équipement de projection frontale. Il fut utilisé pour le tournage de Superman (Richard Lester, 1978).

* 305 Double projection frontale sur un écran géant d'une part et sur un écran de plus petite taille d'autre part. Ce procédé fut utilisé notamment dans le film Outland (Peter Hyams, 1981).

* 306Le plan composite (ou image composite) est un truquage où les différentes parties d'une image (généralement les acteurs et le décor) sont filmées séparément et associées en laboratoire, notamment grâce aux procédés cache-contrecache, connus des photographes dès 1850.

* 307 On retrouve cette typologie des effets recherchés dans l'oeuvre de Georges Méliès. Sur les quelque 500 films qu'il tourna entre 1896 et 1913, trois thèmes généraux se dégagent : la féerie (Cendrillon, Le Palais des Mille et Une Nuits, La Fée Libellule), la fiction scientifique (Le Voyage dans la Lune, Le Voyage à travers l'impossible, 20 000 lieues sous les mers, La Conquête du pôle), l'histoire (L'Affaire Dreyfus, La Civilisation à travers les âges). .

* 308 Le Matte painting consiste à remplacer par une peinture des portions de décor qui n'existent pas, autrement dit à rallonger un décor par une peinture réaliste dans un objectif de réduction des coûts. Avec le numérique, les images de synthèse ou les photographies des lieux réels complètent les décors réalisés en petite dimension.

* 309 Le warping (déformation) consiste à étirer une partie de l'image afin de donner au sujet (objet ou acteur) un aspect plus ou moins réaliste.

* 310 Le morphing revient à déformer, progressivement, une image en une autre de manière continue pour créer l'illusion d'une transformation, par exemple pour transformer un être humain en un monstre terrifiant, ou une 2CV en une voiture de sport, etc.

* 311 Norbert Multeau (2001, p.207) : « Les réalisateurs sont concurrencés, parfois dépassés, d'un côté par la violence et la barbarie réelles de notre époque, de l'autre par l'évolution des sciences et la sophistication des techniques. Il leur faut donc constamment surenchérir dans la terreur, et dans le perfectionnement des effets de terreur. Ces infinies possibilités de trucage et de maquillage, appelées « effets spéciaux », ont donné naissance à un Grand Guignol toujours plus réaliste et plus saignant, nommé Gore ».

* 312 In Chardère (1995, p.369)

* 313 In Albéra (1996, p.17)

* 314 Le bonimenteur commentait le film muet pour faciliter sa compréhension. Le besnhi, dans le cinéma muet japonais, allait plus loin : il improvisait les dialogues en imitant les voix des personnages.

* 315 Dès 1928, Eisenstein imaginait des rapports de non-coïncidence entre l'image et le son et prônait  « la création d'un nouveau contrepoint orchestral d'images-visions et d'images-sons ».

* 316 Pourtant Chaplin était plutôt hostile au parlant : « Le parlant ? On peut dire que je le déteste. Il signe l'arrêt de mort du plus vieux et du bel art du monde, celui de la pantomine » in Bordat (1998, p. 266) : « Chaplin, en 1929, dit tout le mal qu'il pense des talkies. ». Il pensait surtout que son personnage de Charlot n'en survivrait pas : « Le premier mot qu'il prononcerait ferait de lui quelqu'un d'autre » (Chaplin, 1964, p.361). Car, en réalité, il s'est toujours intéressé au parlant avant de l'utiliser pleinement, pour la première fois, dans son film Le Dictateur (1940). Comme l'écrit Deleuze (1983, p.336), Chaplin est de ceux qui « en ont fait un usage radical, original ».

* 317 Lacombe et Porcile (1995, p.239-240) : « Il peut être au départ de pure contradiction : « Il me semble qu'il faudrait avec les mots dire je vous aime, mettre une musique qui dise je m'en fous » a déclaré Jean Renoir. (...) De ce type de contradiction apparemment sommaire, François Truffaut fit une belle utilisation dans Tirez sur le pianiste (1966) où la voix intérieure de Charlie annonce exactement le contraire de ce qu'il va faire la seconde qui suit. Contradiction de sens qui peut s'exprimer aussi par une opposition de couleur, de timbre.(...). Contrepoint de timbre et d'intensité qui représente en fait le contre-pied des habitudes courantes en matière de musique de film. »

* 318 Boris Eikhenbaum (in Albéra, 1996, p. 44) cite « l'histoire de ces sourds muets qui, assistant à une projection en Angleterre, avaient protesté contre la teneur des dialogues prononcés qui ne correspondaient absolument pas à l'action sur l'écran. Pour eux le cinéma était un art plus « verbal » que le théâtre où, en raison des conditions du spectacle (distance entre la scène et le spectateur), ils ne pouvaient pas voir nettement les mouvements articulatoires ».

* 319 Certains auteurs préfèrent parler de paroles

* 320 Dans un film narratif, la diègèse est, rappelons-le, le pseudo monde de l'histoire racontée dans le film. Elle comprend tous les événements qui sont présentés aux spectateurs mais aussi ceux qui sont supposés avoir été présentés ainsi que ceux ne sont pas montrés à l'écran mais qui appartiennent à l'espace-temps du récit.

* 321 Le flashback sonore consiste à associer une image du présent avec un son du passé

* 322 Le flashforward visuel consiste à associer une image du futur avec un son du présent

* 323 Le pont sonore se situe soit au début d'une scène, soit à la fin d'une scène. Au début, il s'agit d'un débordement du son (musique, bruits, voix, etc.) de la scène précédente. A la fin d'une scène, le son de la scène suivante débute avant qu'elle ne soit terminée. Le pont sonore est généralement utilisé pour créer des transitions plus fluides ou pour surprendre et désorienter le spectateur.

* 324 Le chevauchement sonore est un raccord de montage qui consiste à conserver les sons d'un plan A sur les images d'un plan B qui, bien sûr, n'en montre plus la source.

* 325 Le flash-forward sonore consiste à prendre un son futur (par exemple du plan 13) pour accompagner les images d'un plan antérieur (par exemple du plan 2). Jean-Luc Godard l'utilise dans Bande à part (1964) : le rugissement d'un tigre est entendu, en hors champ, plusieurs plans avant que le spectateur ne voit l'animal.

* 326 Le flashback visuel consiste à montrer des images du passé avec un son du présent, généralement le son de l'action en cours qui se prolonge nonobstant le flashback visuel.

* 327 Laurent Jullier (1995, p.7-8) : « Depuis le début des années quatre-vingt, la théorie du cinéma s'intéresse de près à la composante sonore des films. (...) La vague structuraliste elle-même, et pour être plus précis le courant sémiologique qui se proposait, dans les années soixante, d'adapter les méthodes de la linguistique structurale à d'autres objets que le langage verbal, avait à peine effleuré le sujet. C'est que la bande-son ne se présente pas comme un objet découpé, ainsi que peuvent l'être une phrase avec des blancs entre ses mots, ou même une image dont les quatre bords tranchent les objets pris dans le cadre et induit une dialectique champ/hors champ.

(...) Jusqu'à une date récente, la parade favorite des chercheurs consistait à choisir comme objet d'étude des sons filmiques un peu particuliers (...) En premier lieu, la voix qui sert de support aux mots et permet à l'analyste de convoquer toute une batterie d'outils théoriques élaborés par la linguistique et la narratologie, sans oublier la psychanalyse ; en second lieu la musique, de manière plus marginale car ces chercheurs étaient plus fréquemment linguistes que musicologues. »

* 328 interrogé par Ciment (2003, p.325)

* 329 Belà Balazs, Theory of the Film, Dover Publication, 1970, p.212, cité par Odin (1990, p.239-240)

* 330 ajout de sons après le montage des images : doublage des voix, musique diégétique et bruits. La postsynchronisation est l'inverse du son direct qui est un son enregistré en même temps que sa source est filmée.

* 331 Le mixage consiste à regrouper divers éléments, sons et images, sur un même canal : bande magnétique, fichier vidéo type AVI ou, pour les films cinématographiques, un support celluloïd

* 332 d'Hugues (1999, p.27-28) : « La Paramount préféra opérer sur place, en choisissant de s'implanter dans la banlieue parisienne et en engageant, à grands frais, ce qu'elle pensait être les meilleures équipes françaises du moment : scénariste, réalisateurs, comédiens et techniciens....La Paramount française s'installa à la hâte dès 1930 à Joinville-le-Pont, pour exploiter au plus vite la vogue immédiate et irrésistible du cinéma parlant. ...

Chaque film était réalisé en deux ou trois versions, au minimum, et souvent, en une demi-douzaine, les équipes de chaque nationalité se succédant sur le plateau à un rythme accéléré. »

* 333 Jean Cocteau, Ce soir, 12 juillet 1938, cité par Lacombe et Porcile (1995, p.235)

* 334 Type de synchronisation entre d'une part la musique et les voix des personnages de films d'animation , d'autre part leurs mouvements, dont le but est d'atteindre une coordination parfaite, qui fut développé par Walt Disney dans les années trente.

* 335 Litwin (2002, p.187) : « Glossaire. Correspondance : Mise en rapport d'un événement musical et d'un événement cinématographique pour illustrer ou appuyer dramatiquement ce dernier. Lorsque les deux passages exigent un suivi à la seconde près ou qu'ils présentent des événements ponctuels ou instantanés, la correspondance devient synchronisme ».

* 336 interrogé par Ciment (2003, p.30)

* 337 Marcel Pagnol, L'Eau des sources, tome 1 et tome 2. Marcel Pagnol les mit en scène au cinéma sous le seul titre de Manon des Sources en 1953. Cette version originale durait 3H20 et fut interprétée par Jacqueline Pagnol, Raymond Pellegrin et Rellys.

* 338 Claude Bailblé (1979, p.53) cité par Jullier (1995)

* 339 La prosodie est la musique des mots, la quantité et la mélodie des sons.

* 340 Opritescu (1997, p.131) : « Le commentaire a par contre un rôle de tout premier plan dans le cinéma documentaire et les sujets de reportage où il fonctionne comme un squelette logique. »

* 341 Lacombe et Porcile (1995, p.23-24) : « Les directeurs de salle de prestige ne se satisfaisaient pas seulement de la présence d'un orchestre. Ils voulaient offrir aux spectateurs une vraie bande sonore. Charles Vanel évoque cet aspect : « Le bruitiste, comme le baptisa la presse de l'époque, était loin d'être un minus ! (...) Il créait l'illusion parfaite, faisant arriver le cheval au galop et le train en gare, lever l'ancre du navire, s'écrouler une maison, tirer des salves d'artillerie (...). Tu comprends, petit, disait Barat, « ils en ont plein la vue, mais il faut leur en mettre plein les oreilles ! ». Il y avait là les cloches, les chaînes, la sphère de tôle avec des plombs à l'intérieur ...pour les vagues ; une planche à roulettes tournant sur une plaque de tôle ...pour le train, des cordes à vilon tendues sur une toile métallique pour la brise légère ou le vent de tempête selon le doigté. Ce Barat était un as. » 

* 342 Vendus dans le commerce. Il existe également des sites Internet spécialisés dans les bruitages libres de droit,  tels que www.findsounds.com et www.luunerouge.org/sons .

* 343 Exemples cités par Lionel Allorge (2003, p.527-528)

* 344 Lacombe et Porcile (1995, p.15) : « Ce 28 décembre 1895 (...) la lanterne magique n'était pas sans avoir déjà une dimension sonore. Elle cliquetait, vrombissait et résonnait du fonctionnement de ses engrenages mécaniques. Sans oublier le contrepoint sonore que représentait le public. Non contemplatif, il exprimait par la voix et des bruits divers ses émotions ou son amusement devant cette nouvelle attraction). » (...) p.16 :  « Pour l'heure, la musique est en dehors de la salle. Fanfares constituées, bateleurs ou hommes-orchestres s'efforçaient d'attirer le badaud »

* 345 Selon les genres, burlesque, dramatique, historique ou documentaire, l'instrumentaliste, généralement un pianiste, choisissait des « tempi ». « Inconsciemment, en accumulant les redites et les pléonasmes, les pianistes des circuits d'exploitation du XXème siècle créaient une sorte de répertoire. Mieux ils imposaient et codifiaient des habitudes de mise en situation musicale.. » (Lacombe et Porcile, 1995, p.26)

* 346 Bordat (1998, p.301) : « Chaplin composa dans sa vie une centaine de chansons. Beaucoup sont reprises dans les rééditions sonores de ses films (...) Le cinéaste a signé toutes les musiques de ses films à partir des Lumières de la ville, (1931) puis celles des rééditions sonores de ses oeuvres du muet. »

* 347 Aumont et Marie (2000, p.151) : « La principale fonction de la musique des films commerciaux moyens est d'accentuer l'effet d'unité recherché par ailleurs également au niveau de la narration et de l'image. D'innombrables films américains de « série B », dans les années 40 et 50, ont ainsi une bande-musique quasi ininterrompue, soulignant ici ou là tel événement ».

* 348 « Il connaît d'autant mieux les limites de l'image qu'il a été dessinateur de sous-titres pour films muets entre 1920 et 1922 avant de passer à la réalisation » (Eugène, 2000, p. 13)

* 349 1929-1938 avec des films tels que : L'Homme qui en savait trop (1934), Les Trente-neuf Marches (1935), Quatre de l'espionnage (1935)

* 350 Tony Thomas, Music for the Movies, New York, A.S. Barnes, 1973, cité par Eugène (2000, p.15)

* 351 Une musique originale définit une partition lorsqu'elle est composée spécialement pour le film. On la distingue de la musique du répertoire qui est une oeuvre musicale existante que l'on inclut dans le film et de la musique dite au mètre que certains éditeurs proposent dans leurs catalogues généralement spécialisés par genre : musiques pour l'aventure, musiques romantiques, musiques pour le sport, etc.

* 352 « Ces impressions marginales ne passent pas l'attention mais elles arrivent pourtant à son cerveau et imprègnent son esprit. Les automobilistes connaissent bien cette perception marginale qui leur permet de conduire tout en pensant à autre chose » (Litwin, 1992, p. 91-92)

* 353 Il appelle registre le caractère que la musique transmet : joie, plaisir, nostalgie, tristesse, angoisse, peur, mais aussi amour et exaltation.

* 354 Selon lui, dans une certaine mesure, la correspondance entre ces émotions et les images musicales qui les provoquent peut être expliquée par des lois musicales ou acoustiques.

* 355 Sandrine Mollet, VSD, n°1458, 3 au 9 août 2005, p.28

* 356 Adrian Piotrovski, « Vers une théorie des ciné-genres », in Albèra (1996, p.143- 162)

* 357 Bernard Tavernier et Jean-Pierre Coursodon, 5O ans de cinéma américain, N, 1991, 2 volumes in LIANDRAT-GUIGUES, Suzanne, LEUTRAT, Jean-Louis, op.cit., p.114-115

* 358 La screwball comedy posséderait un caractère farfelu et absurde alors que la sophisticated comedy serait fondée sur des ressorts essentiellement psychologiques.

* 359 Jean-Claude Romer, l'un des meilleurs spécialistes du genre, distingue six catégories de films fantastiques : 1- le fantastique proprement dit avec des phénomènes incompatibles avec les lois naturelles (fantômes, sorcières, maisons hantées) ; 2- la science-fiction dans laquelle l'intelligence humaine intervient pour créer des phénomènes incompatibles avec les lois naturelles (voyages intergallactiques, etc.) ; 3- l'anticipation (univers futuriste) ; 4- l'insolite (erreurs de perception) ; 5- le merveilleux (contes de fées, mythologie, extravagances poétiques) ; 6- l'épouvante ou l'horreur. « Le point commun à tous, qui est une composante essentielle du fantastique : la peur. Le frisson est l'essentiel du plaisir que procure un film fantastique» (Multeau, 2001, p.206-207)

* 360 Philippe Rouyer définit « le cinéma gore comme un sous-genre de l'horreur qui soumet la thématique du film d'horreur à un traitement formel particulier ; à intervalles plus ou moins réguliers, la ligne dramatique du film gore est interrompue ou prolongée par des scènes où le sang et la tripe s'écoulent des corps meurtris et mis en pièces » (Rouyer, 1997, p19)

* 361 Certains auteurs considèrent que suivant les pays, différents styles de cinéma apparaissent clairement et que les films produits en Europe et aux États-Unis prétendent, en général, montrer des scènes vraisemblables ; alors que ce n'est pas le cas dans les cinémas d'autres cultures, notamment dans les films produits en Inde, où la vraisemblance de l'action n'est pas primordiale. http://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9ma

* 362 800 films sont produits par an à Bombay (Etat du Maharashtra) surnommé Bollywood. 150 millions d'Indiens fréquentent chaque semaine les salles de cinéma.

* 363 Citations reprises de la présentation écrite du film Lagaan de Ashutosh Gowariker (2001) qui a obtenu sept prix aux Oscars indiens 2002, les Zee Cine Awards, et qui a connu un très grand succès commercial aux Etats-Unis et en Grande Bretagne où il fut le premier film indien a entré dans le Top Ten britannique.

* 364 Bibliothèque du film, 100 rue du faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris

* 365 Jean-Marie Schaeffer, Qu'est-ce qu'un genre littéraire ?, Paris, Seuil, 1989, p.80-115 cité par Moine (2002)

* 366 En réalité, les 5 W de Laswell sont : WHO says WHAT through WHAT CHANNEL to WHOM with WHAT Effect, ce qui se traduit par QUI dit QUOI par Quel canal à QUI avec Quel effet ?

* 367 Pour un catalogue détaillé des éléments sémantiques du western, voir Jean-Louis Leutrat et Suzanne Liandrat-Guigues, Les Cartes de l'Ouest. Un genre cinématographique : le western, Paris, A. Colin, 1990, p11-73

* 368 Rick Altman, La Comédie musicale hollywoodienne, Paris, A. Colin, 1992

* 369 Altman définit la comédie musicale à partir de cinq paramètres sémantiques et de cinq paramètres syntaxiques, chacun des deux niveaux renvoyant évidemment à l'autre. (Altman, 1992, p.117-126).

Les cinq critères sémantiques sont :

- le format : la comédie musicale est un récit (une histoire) ;

- la longueur : la comédie musicale doit intégrer plusieurs chansons au récit et seule la forme du long métrage le permet en général ;

- les personnages : l'intrigue est construite autour d'un couple d'amoureux dans une société humaine ;

- le jeu de comédiens : il combine le réalisme (comportement non dicté par la musique) et les mouvements rythmiques (comportement dicté par la musique) ;

- la bande sonore : la comédie musicale mêle les sons qui composent la musique et ceux qui sont extérieurs à l'expression musicale.

Les cinq paramètres syntaxiques sont  :

- la stratégie narrative : le film procède par alternance, confrontation et parallélisme entre personnages de sexe opposé, chacun d'eux étant porteur d'une valeur culturelle distinctive.

- Le couple/récit : la comédie musicale établit une relation de cause à effet entre la formation réussie du couple et le succès de péripéties.

- La musique/récit : la musique et la danse sont des agents actifs de la production du sens. Elles expriment la joie individuelle ou collective.

- L'image/son : la comédie musicale inverse la hiérarchie du récit classique entre image et son aux dépens de l'image.

* 370 Altman (1992, p.132-133)

* 371 Rick Altman, Film/Genre, Londres, BFI, 1999

* 372 Adrian Piotrovski, « Vers une théorie des ciné-genres », in François Albéra(dir.), Les formalistes russes et le cinéma. Poétique du film, Paris, Nathan, 1996, p.144 : « On appellera ciné-genre un ensemble de procédés touchant à la composition, au style et au sujet, liés à un matériau sémantique et à une visée émotionnelle spécifiques, mais entrant entièrement dans un système générique précis de l'art, celui du cinéma. Pour établir les ciné-genres (...), nous examinerons donc l'utilisation de l'espace, du temps, des hommes et des objets, en fonction des différents genres, du point de vue du montage et de la photogénie ; la disposition des parties du sujet ; les rapports qui s'instaurent entre les différents éléments à l'intérieur du genre » 

* 373 Moine (2002, p.48) : « Une telle approche privilégie les scénarios des films au détriment de leurs images. Le reproche inverse pourrait d'ailleurs être formulé à l'encontre des analyses iconographiques qui définissent les genres par la récurrence d'images symboliques dotées d'une même signification d'un film à l'autre : le cheval au galop dans le désert ou la figure de John Wayne pour le western, le sabre et le kimono pour les films d'arts martiaux, la gabardine du privé ou du commissaire pour le film policier, le vaisseau spatial dans l'espace intersidéral pour le film de science-fiction, etc. »

* 374 Moine (2002, p.61) : « On affirme souvent que les genres sont au cinéma un modèle efficace de production industrielle parce qu'ils offrent aux producteurs une formule qui précède et programme la production industrielle : en appliquant à un sujet nouveau une recette éprouvée qui garantirait le succès d'un film, les producteurs minimiseraient les risques et rationaliseraient la production. »

* 375 Bordwell et Thompson (2000, p. 77) : « Le mélange de genres est courant dans les films populaires. Il y a des westerns musicaux (les films de Roy Rogers, avec leurs cowboys chanteurs), des mélodrames musicaux (Yentl, Barbra Streisand, 1983), des films d'horreur musicaux, etc. Alien est une combinaison de films d'horreur, de film de science-fiction et de thriller (Alien, Ridley Scott, 1979). »

* 376 Moine (2002, p.83) : « Il arrive donc que le régime spectatoriel ne rencontre pas le régime auctoriel. Dans ce cas les attentes génériques, déçues, rendent impossible l'interprétation du film, si elles ne sont pas relayées par un autre système d'interprétation : par exemple, un certain nombre de spectateurs de La ligne rouge (Terence Mallick, 1998), qui est sorti sur les écrans peu de temps après le succès du film de guerre Il faut sauver le soldat Ryan ( Spielberg, 1998), s'attendaient, à cause de cette proximité temporelle et parce que l'affiche et le thème du film ne pouvaient le laisser penser, à voir un film de genre - un film de guerre. Comme j'ai pu moi même en juger par les réactions mécontentes et impatientes de la salle (l'action attendue ne venait pas), suivies de nombreux départs, le réglage des régimes auctorial et spectatoriel, qui était inadéquat, n'a pu se faire par la suite. »

* 377 Sachant que le générique peut être sur fond d'image(s) fixe(s) ou mouvante(s) ; qu'il peut également être

placé quelques instants après le début du film.

* 378 Vanoye et Goliot-Lété proposent, dans un encadré, une sorte de grille d'analyse d'un générique de film.

* 379 Eugène (2000, p.163-163) : « Pour Hitchcock la musique doit se justifier (...) Certaines séquences où le silence nous surprend parce qu'un autre cinéaste et son compositeur auraient mis de la musique, là où le silence presque total au point devenir ...assourdissant crée le suspense que le maître recherchait ».

* 380 Même si l'un de ses rédacteurs, Lars Von Trier, considère que le Dogme est avant tout une liste écrite de règles : « je pense que tout cinéaste, consciemment ou non, travaille avec ses propres règles. Disons que moi j'appelle ça des règles, et que d'autres appellent ça ...un style. » (Lars Von Trier, in Tirard, 2004, p.155).

* 381 Bordwell et Thompson proposent une méthodologie d'analyse de style en quatre étapes principales : voir annexe I.

* 382 Or, « pour le critique littéraire allemand Hans-Robert Jauss (Hans-Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978), le sens d'une oeuvre se construit par un dialogue entre le texte lui-même et le lecteur. L'oeuvre cesse ainsi d'être considérée, à l'instar des structuralistes, comme un système clos, indépendant de sa situation de production. L'intérêt de cette théorie est que l'analyste prend en compte la polysémie du texte, chaque lecteur (en fonction de sa position sociale, culturelle et de son identité sexuée) pouvant réaliser une lecture différente. La réception d'une oeuvre est soumise à un double « horizon d'attente » pour le lecteur (ou le spectateur), en fonction de sa culture (pas seulement cinématographique) mais également de son expérience de sa vie quotidienne » (Brassart, 2004, p.20-21)

* 383 En ce qui concerne le cinéma, l'analyse de la réception d'un film pourrait faire appel à des outils sociologiques qui nous permettraient de mener à bien une enquête auprès d'un certain nombre de spectateurs pendant ou après la projection. Outre les problèmes que peuvent poser cette méthode (nous connaissons tous la difficulté de donner un avis clair sur un film juste après la projection...Nous avons été contraints d'adopter une démarche moins scientifique. » (Brassart, 2004, p.20-21)

* 384 « Puis à la libération, des ciné-clubs d'adultes ont fonctionné (...) Nous avons présenté des films, tous les mois. Beaucoup de gens venaient : des étudiants, des professeurs, des avocats, des médecins. Tout le monde parlait : c'était l'anarchie de joutes verbales subjectives ; la notion de ciné-club structuré, méthodique et pédagogique, n'avait pas cours. »

* 385 http://enfa.mip.educagri.fr/agri-culture/Ressources/document/image-mouvement.html

* 386 Ce film, en 35 millimètres, est en noir et blanc et a dans sa distribution artistique : Jean Réno, Maïté Nhayr et Vernon Dobdtcheff. Les dialogues sont en volapük : langage international composé d'éléments de différentes langues. Selon Bessière (2000, p.4), « ces dialogues en volapük traduisent chez Didier Flamand un désir bien venu de travailler la notion de langage en général ». 

* 387 Ce court métrage fut primé dans de nombreuses manifestations en France et à l'étranger (Prix SACD en 1998, nominé aux Césars en 1999)

* 388 ARMANDET, Yves, AUCOUTURIER, Annie, BRISSE, Joël, et al., Apprendre à lire les images en mouvement, CD Rom et cassette vidéo du court métrage Les pinces à linge de Joël Brisse, Clermont-Ferrand, Sauve Qui Peut le Court Métrage, CRDP d'Auvergne, 2000

* 389 Othnin-Girard (1993, p.17-32) : « Le scénario est un traitement du sujet dans sa continuité (...) Le découpage fournit en principe des indications précises sur le traitement cinématographique des diverses séquences du film. Il peut revêtir différents aspects. Le découpage technique précis, comportant pour chaque séquence, plan par plan, la description des positions de caméra, des tailles de plans (plan général, plan américain, etc.), des mouvements de caméra (travelling, panoramique, grue, etc.). Le découpage sous forme de story board, constitué de dessins reproduisant les plans et mouvements de caméra souhaités par le réalisateur », etc.

* 390 Notamment : Cieutat (1991), Linder (1994), Pinel (1995), Rapp et Lamy (1999), etc.

* 391 Sidney Field, Screenplay, The foundations of screenwriter's handbook, A step-by-step guide, Delta Book, Dell Publishing Co, New York, 1979 in Chion (1985)

* 392 Un mariage de Robert Altman, 1978

* 393 Sauf pour les versions 4 et 5

* 394 et bien d'autres réalisateurs comme Alfred Hitchcock, etc.

* 395 Le dispositif cinématographique est composé de la salle de cinéma, de l'écran et de la cabine de projection située dans le dos des spectateurs et projetant les images par-dessus leur tête. De cette organisation matérielle de la projection résultent des effets de la réception du film sur les spectateurs.

* 396 Le format normal du récepteur télévisuel est de 1 x 1,35 (1 pour la hauteur et 1,35 pour la largeur). Pour éviter de perdre de la surface visuelle, par des marges de noir au-dessus et en dessous de l'image, nous avons décidé de tourner le film en format télévisuel et de le monter sans réduction de l'image.

* 397 organisées avec l'aide des membres du Ceric de l'Université Montpellier 3 Paul-Valéry

* 398 Pour plus de détails, voir sur http://www.cinenow.com/fr/formatcinefr.php3, une animation sur les formats cinéma et leur diffusion sur des écrans de télévision 4/3 et 16/9.

* 399 Des spots publicitaires utilisent ce format, par exemple le film en faveur de la nouvelle Corolla de Toyota dont l'idée publicitaire repose sur le fantastique et la présence de monstres terrifiants mais aussi les spots en faveur de la 307 Peugeot et de plus en plus de marques qui cherchent à générer une image de star....

* 400 http://www.son-video.com/Conseil/HomeCinema/FormatsCinema2.html : « Le format 16:9 est conçu pour visionner les films à la TV. C'est l'écran des cinéphiles. Son Ratio 1,77:1 est très proche du 1,85:1 et permet donc une anamorphose légère (et quasi imperceptible). Même l'écran 16:9 ne restitue pas entièrement le format cinéma d'origine. On perd ici le personnage de l'extrême gauche de l'image. Le choix du 16:9 tient aussi au fait qu'il s'agit d'un multiple de 4:3 (4:3x4:3 = 16:9). Le format 4:3 (soit un ration de 1,33:1) ne peut donc reproduire qu'une partie de l'image cinéma. Certains producteurs utilisent la technique "pan & scan" pour conserver toute la hauteur d'image. Il faut alors déplacer le cadrage pour conserver le personnage principal. La partie grisée de l'image est perdue pour le téléspectateur ! Pour éviter de recadrer l'image, on peut aussi insérer des bandes noires en haut et en bas. C'est ce qu'on appelle le format cinéma du DVD. Notons, cependant, que l'ajout de bandes noires est beaucoup moins gênant avec un écran 16:9. »

* 401 Léon, drame policier de Luc Besson, 1994

* 402 Film politique de Costa-Gavras (1968) : Oscar du meilleur film étranger et du meilleur montage 1969, Prix du Jury, Cannes, 1969

* 403 Rappel : vrai cadre, vrai décor Espiguette, vrai bureau, AGF (tourné dans le bureau du directeur d'AGF Montpellier, tournage en fin de journée (19H-20H), Espiguette dans l'après-midi en décembre, tournage novembre-décembre 2003

* 404 Rappel : il s'agit de la première version du scénario 4 : le mari intéressé

* 405 Rappel : il s'agit de la deuxième version du scénario 4 : le mari intéressé

* 406 Rappelons que cette version avait généré le plus grand nombre de fins possibles : solitude, alcoolisme, maî tresse, retour à la vie normale, suicide, enquête policière, vengeance, remords, etc.

* 407 notamment les spécialistes des études de marché et de marketing

* 408 Esquenazi (1994, p.223-224) : « A chaque état du film correspond un ensemble d'interprétations et d'attentes du spectateur vis-à-vis du film. Comme si chacun de ces états définissait un point de vue sur la « mémoire » du film et impliquait une compréhension du passé du film et de son futur. Les états de mémoire ne peuvent pas être séparés de ces interprétations et attentes successives, qui manifestent le devenir du sens du film (...) Les événements du film se succèdent, prennent, plutôt que leur sens, du sens. Car ce sens ne cesse pas d'être repris, réinterprété, traduit, sa formation est toujours en cours. Il y a donc deux dimensions du sens : en même temps que le spectateur interprète et comprend le film selon les configurations qu'il forme, un mouvement survient qui fait voir cette interprétation sous une nouvelle lumière ».

* 409 La critique de cinéma est née pendant la Première Guerre Mondiale avec la rubrique de Louis Delluc dans Paris-Midi. Certains critiques de talent ont fait progresser la théorie du cinéma comme, par exemple, André Bazin, Serge Daney.

* 410 Le film de série B est apparu, dans les années trente aux Etats-Unis, alors que deux films étaient successivement projetés à chaque séance. A ce double programme, le film A à plus fort budget et au meilleur casting était projeté avant le film B à budget plus réduit. Cette pratique de programmation, bien que disparue, a laissé l'expression « film de série B » pour désigner un film de genre, réalisé avec des moyens limités, et généralement de qualité médiocre. Il n'en demeure pas moins vrai que certains films de série B ont connu un réel succès commercial et sont devenus de véritables films cultes.

* 411 Alexandre Chirouze a écrit et réalisé un film de fiction d'une durée de 2 H18, en numérique, intitulé « Premières Armes ». Ce film fut diffusé à plusieurs reprises sur Canal Satellite et Free-box

* 412 Bien que cette expression s'applique également au cinéma allemand, pour la période entre 1945 et 1962, en RFA, selon Bernard Eisenshitz (2004, p.78-86).

* 413 Bessières (2000, p.4) insiste sur le fait qu' « il faut bien distinguer les analyses de contenus (analyse du récit, bio/filmographie du réalisateur, genèse d'écriture et de fabrication, situation du film dans l'histoire du cinéma, dans les mouvements esthétiques connexes qui l'auraient influencé - littérature, musique, arts plastiques) de l'analyse stylistique de l'oeuvre elle-même (l'organisation de l'image y compris dans son rapport au son, le montage des articulations visuelles-sonores, la mise en scène et la direction d'acteurs, l'appartenance à un genre avec éventuellement des écarts de ton ».

* 414 BELLOUR, Raymond, L'analyse du film, Paris, Editions Albatros, Collection CA Cinéma, 1989, 319 pages

* 415 Bellour, Raymond, « L'analyse flambée », 1984, in Bellour, Raymond, L'Entre-images, Editions de la Différence, 2002 : « Cela ne tient pas seulement au défaut de génie des analystes, mais surtout à la résistance inusitée du matériel. Cette résistance a conduit trop souvent l'analyse de film à s'enfermer sur elle-même. Aux illusions, aux fatalités propres à l'accumulation et au ressassement du savoir, s'est ainsi ajoutée une fascination particulière pour le cercle dans lequel depuis ses débuts l'analyse de film n'a pas pu s'empêcher de tourner. Au point qu'il lui arrive encore de se prendre pour ce qu'elle n'est pas. A dire vrai, il n'y a plus, il ne devrait plus y avoir d'analyses de film ».

* 416 Odin, Roger, « L'analyse filmique comme exercice pédagogique », CinéAction, n°47, Cerf-Corlet, 1988

* 417 ZAMMOUR, Françoise (dir.) , Les Annales du concours. Années 86/00, Ecole Nationale Supérieure des Métiers de l'Image et du Son, La Femis, 2000, p. 29-31

* 418 « La limite des six pages est dans la pratique une contrainte bien moins pesante que la limite de temps. Avec le passage du temps, la vitesse de réflexion et d'écriture, même entraînée, suit une courbe descendante qui situe sa limite maximum approximative autour de six pages justement ». (Opritescu, p.20)

* 419 Skorecki s'attaque en réalité à la sémiologie du cinéma de Christian Metz et à la Revue ça-cinéma, de ligne structuraliste, marxiste et psychanalytique.

* 420 Gregory Currie, Image and Min.Film, Philosophy and Cognitive Science, Cambridge University Press, New York, 1995, p. XVIII ;

Trevor Whittock, Metaphor and Film, Cambridge University Press, New York, 1990, p. 93 ;

Ian Jarvie, Philosophy of the film. Epistemology, Ontology, Aesthetics,Routledge, 1987, p. XII et XIII ;

David Bordwell, «Preface», in Noël Carroll, Theorizing the Moving Image, Cambridge University Press, New York, 1996, p. XII.

* 421 Les cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure sont publiés en 1916. Saussure voit la sémiologie (étude des signes) comme une science générale.

* 422 Gerverau (2004, p.23-24) : « Les considérations de logique de Peirce n'auraient pas eu grande conséquence sur l'étude de l'image si, après la Seconde Guerre Mondiale, Algirdas Julien Greimas et Roland Barthes, alors enseignants, ne s'étaient rencontrés à Alexandrie. Greimas fait lire en effet à Barthes Ferdinand de Saussure. (...) Cette rencontre capitale provoque - avec Claude Levi-Strauss et le structuralisme qui lie anthropologie et linguistique - une prise de conscience méthodologique. Par ailleurs, à la suite des travaux du Belge Eric Buyssens (Les langages et les discours, 1943), Luis-J. Prieto (Messages et signaux, 1966) développe une sémiologie du signal (enseigne, logotype, diagramme, code de la route, numérotation de chambre d'hôtel...). Ainsi, Prieto et Barthes, tous deux héritiers de Saussure, s'intéressent, l'un à des images codées vecteurs de communication, l'autre davantage à des phénomènes sociologiques ».

* 423 Joly, Martine, « Sémiologie de l'image », in Mucchielli A. (dir.), Dictionnaire des méthodes qualitatives en, sciences humaines et sociales, 1996, pp. 208-214

* 424 de Saussure, Ferdinand., Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 3ème édition, 1969

* 425 Comme Buyssens, Mounin, Martinet, Prieto, etc.

* 426 Parmi les premiers représentants de ce courant, citons Roland Barthes et Christian Metz en ce qui concerne l'image et le cinéma ainsi que l'Ecole de Paris avec Greimas.

* 427 Prieto Luis.J., Messages et signaux, Paris, Presses Universitaires de France, 1969, p.30

* 428 Eco U., Le signe, Paris, Le Seuil, 1990, p.47 et sv., in Meunier et Peraya (1993, p.35)

* 429 Liandrat-Guigues et Leutrat (2001, p.34-35) : « Hitler confie la direction et le contrôle du cinéma du Troisième Reich à Goebbels, pour qui « la propagande cesse d'être efficace à l'instant où sa présence devient visible ». (...) « Luis Trenker, Hans Steinhoff, Veit Harlan, Leni Riefenstahl ont été les cinéastes officiels du régime nazi. Le cinéma américain a été l'un des meilleurs propagateurs de l'image positive des Etats-Unis et de l'idée de l'American Way of life était la solution idéale pour le monde entier. Le cinéma a servi à caricaturer l'adversaire et à le rendre haïssable (le Japonais, le bolchevik, l'alien, le juif, l'Allemand, etc.) »

* 430 Préface de Bertin-Maghit et Fleury-Vilatte (2001) 

* 431 in De Voghelaer (2001, p.37)

* 432 De Voghelaer (2001, p.117) : « Goebbels, selon Veit Harlan, intervient autant dans le découpage, le tournage que dans le montage du film. Quoiqu'il en soit la patte de Veit Harlan est facilement reconnaissable à travers, par exemple, les scènes de foules avec des figurants innombrables, trouvés pour la plupart dans les ghettos »

* 433 Ce nom change en 1945 pour devenir la MPAA

* 434 Pecha (2000, p.23-24) : « Ils en proposent la direction à William Hays (ancien ministre des Postes du président Harding). Hays raconte dans ses mémoires qu'il se décide réellement un matin de Noël lorsqu'il voit son fils et ses neveux se disputer pour savoir qui aura le rôle du héros William S. Hart quand ils joueront aux cow-boys : « J'ai réalisé en ce matin de Noël, que les films avaient une aussi forte influence sur nos enfants et sur d'innombrables adultes que la presse. Cela a confirmé mes sentiments et mes peurs que la formidable industrie cinématographique puisse aussi facilement corrompre nos futures générations que leur donner une influence bénéfique. ». (...) Le Hays Office se met alors au travail. »

* 435 Pecha (2000, p.33) : « Hays et ses adjoints estiment que les metteurs en scène peuvent mettre par exemple autant de sexe dans leurs films qu'ils le souhaitent du moment qu'ils prennent la précaution de ne pas le glorifier ou même de l'excuser. De même le péché peut être montré du moment que son auteur est puni. Le mal doit toujours être puni....Ainsi, l'un des principes généraux issus du code est que quelle que soit l'histoire filmée, à la fin, le gentil doit gagner et le méchant doit perdre et être sévèrement puni. On peut faire ici la relation avec les fameuses happy endings (fins heureuses) du cinéma hollywoodien. Ce que Hays veut et accepte, c'est que le public puisse voir par exemple 80 minutes de vices mais alors que lors des dernières minutes tout cela soit renié et critiqué. »

* 436 Production Code Administration

* 437 Pecha (2000) cite plusieurs exemples d'excès et de dérives, notamment des souvenirs de Raoul Walsh « A mes débuts, on me supprimait régulièrement presque une bobine par film. Il était extrêmement difficile de montrer quoi que ce soit pendant une scène d'amour. On ne pouvait par exemple faire figurer un lit dans le décor, même s'il se trouvait au fond du plan. Un garçon et une fille ne pouvaient pas s'embrasser pendant plus de trois secondes. » Mais aussi, le fait que Le réalisateur Douglas Sirk se plaint que les décolletés soient mesurés et qu'il doit utiliser un mètre pour savoir si celui de Lana Turner ne dépasse pas les deux centimètres autorisés. »

* 438 Valantin (2003, p.18) : « Les modalités de coopération entre l'appareil de sécurité et les grands studios sont multiples, complexes et ne cessent de s'accroître au fil des décennies. Elles concernent toutes les étapes de la production : la coopération est logistique, mais implique aussi des réalisateurs, des scénaristes et des acteurs assez largement spécialisés dans ce genre particulier. L'armée peut fournir des matériels, des entraînements, des plates-formes de combat (aussi bien des régiments de chars que des escadrilles d'avions ou des porte-avions).

Le début des années 80, avec l'offensive reaganienne idéologique, politique, technologique, financière et médiatique contre « l'empire du mal » a renforcé cette tendance. D'importants réalisateurs comme James Cameron, John Milius, John McTiernan, Richard Donner, Tony Scott, Edward Zwick, Oliver Stone, Philip Noyce se sont imposés entre 1983 et 1994 en réalisant certains des films les plus forts de cette catégorie, comme Rambo II (1985) et Rambo III (1988), Alien, le retour (1986), Top Gun (1986), Predator (1987), Piège de cristal (1988), Glory (1990), A la poursuite d' « Octobre rouge » (1990) ... »

* 439 D'Hugues (1999) : « En avril 1948 , Maurice Thorez dénonçait dans un discours le cinéma américain qui « non content de réduire nos techniciens au chômage, empoisonne littéralement l'âme de nos enfants, de nos jeunes gens, de nos jeunes filles, dont on veut faire des esclaves dociles des milliardaires américains.. »

* 440 La liste des dix d'Hollywood : Bessie Alvah, Biberman Herbert J., Cole Lester, Dmytryk Edward, Lardner JR Ring, Lawson John Howard, Maltz Albert, Ornitz Samuel, Scott Adrain, Trumbo Dalton.

* 441 Valentin (2003, p.138) : « Le pouvoir cinématographique ne peut se permettre de s'aliéner le public (en allant contre le consensus forgé par les attentats, qui s'est établi en faveur des positions de l'administration Bush).

Cette prudence est à l'origine de la décision de différer la sortie de deux grosses productions portant sur le thème du terrorisme, La Somme de toutes les peurs (2001) de Phil Alden Robinson et Dommage collatéral (2001) d'Andrew Davis. Ces deux films, produits et réalisés à la fin de la période Clinton, donc avant les attentats, deviennent des objets politiques très sensibles en raison de l'incapacité, aussi bien des spécialistes de l'opinion publique de la Maison-Blanche que des responsables de marketing des grands studios, à anticiper les réactions du public. »

* 442 D'Hugues (1999, p.46) : « En deux ans, redevenu maître chez lui, bien avant la Libération, le cinéma français avait quasiment chassé l'envahisseur (américain) de ses écrans. Avec deux cent quatre-vingts millions de spectateurs en 1942 et plus de trois cents millions en 1943, il pulvérisait les records de fréquentation d'avant-guerre. ...C'est dire l'attrait de cette production nationale pour son public, un public à qui le cinéma américain semblait en somme n'avoir pas trop manqué. »

* 443 « Il n'y a pas dans le film un seul passage sans originalité technique » écrivait Léon Moussinac, en 1927, qui pourtant a également prétendu, avec d'autres, que le Napoléon était un film fasciste (Rapp et Lamy, 1999, p.841-842)

* 444 Venus Aveugle, 1943 : un mélodrame avec Viviane Romance.

* 445 Max Ferro, préface de Bertin-Maghit et Fleury-Vilatte (2001) : « Jean-Luc Godard notait naguère que la France a produit de grands cinéastes, mais pas de grand cinéma. Par là, il voulait dire qu'aux Etats-Unis au contraire, tout en produisant des films critiquant les travers de la démocratie et de la société, le film n'avait pas manqué de chanter l'épopée des Américains ».

* 446 Une conquête qui selon lui est favorisée par l'attitude même des professionnels du cinéma européen. « En plus de l'hégémonie américaine et, parfois, du manque de moyens suffisants, il n'est pas excessif de dire que le déclin actuel du cinéma européen et français provient de ce qu'il a trop cru habile de sacrifier à la vulgarité au misérabilisme, au « beuroquartiérisme » ambiants, alors que, pour la majorité de son public, le cinéma souhaité, attendu, exigé comme une évasion, une échappée vers le rêve, la beauté, la nostalgie ou la gaîté. »

* 447 Colin Browne (in Garel et Pâquet, 1992, p.173-187) : « Dans ses articles pour L'Ami du peuple et dans son livre Un oeil neuf sur l'Amérique, Paul Achard (Paul Achard, A New Slant on America, Chicago, Rand McNally & Company, 1931, p.117) ne tarissait pas de louanges envers les politiciens étasuniens qui voyaient dans ce moyen d'expression une industrie lucrative. (...) Il a reproduit plusieurs pages d'un discours de Will H. Hays, président de la Motion Picture Producers and Distributors Association et lobbyiste le plus puissant de l'industrie. La mission internationale de Hays consistait en la promotion du cinéma hollywoodien pour des « raisons idéologiques ». (...) « Séduit par les battements de cils hollywoodiens, Achard s'est fait le porte-parole volontaire de l'industrie cinématographique U.S. (...) « On a souvent critiqué les Etatsuniens pour avoir fait du cinéma une marchandise. Ce serait là un reproche justifiable s'il était formulé par des gens capables de produire quelque chose à la fois artistiquement et monétairement valable. Au lieu de nous glorifier de notre mission qui veut purifier l'art, nous devrions constater l'échec de notre capacité à en faire un succès rentable. Les producteurs qui se sont emparés du cinéma en France n'ont pu en faire ni de l'art et encore moins des profits ». (...) « En France, nous avons trop souvent tourné des films d'élite plutôt que de masse. N'y règnent ni art ni gaîté. C'est par le rire, l'humour et la santé que le cinéma étasuniens nous a conquis ».

* 448 Les quarante films analysés sont :

1. Compartiments tueurs (Costa-Gravas, 1965)

2. Le Pacha (Lautner, 1968)

3. Le Cercle rouge (Melville, 1970)

4. Dernier domicile connu (Giovanni, 1970)

5. Un Condé (Boisset, 1970)

6. Max et les ferrailleurs (Sautet, 1971)

7. Il était une fois un flic (Lautner, 1972)

8. Un flic (Melville, 1972)

9. Deux hommes dans la ville (Giovanni, 1973)

10. L'horloger de Saint-Paul (Tavernier, 1974)

11. Adieu Poulet (Garnier-Deferre, 1975)

12. Peur sur la ville (Verneuil, 1975)

13. Police Python 357 (Corneau, 1976)

14. Tendre Poulet (de Brocca, 1978)

15. Flic ou voyou (Lautner, 1979)

16. La Guerre des Polices (Davis, 1979)

17. La Femme Flic (Boisset, 1980)

18. Inspecteur La Bavure (Zidi, 1980)

19. Pile ou Face (Enrico, 1980)

20. Une sale affaire (Bonnot, 1981)

21. Garde à vue (Miller, 1981)

22. Une affaire d'hommes ( Ribowski, 1981)

23. La Balance (Swain, 1982)

24. Tir groupé (Missiaen, 1982)

25. Un Dimanche de flics (Vianey, 1983)

26. La crime (Labro, 1983)

27. L'Indic (Leroy, 1983)

28. Le marginal (Deray, 1983)

29. Liste noire (Bonnot, 1984)

30. Pinot, simple flic (Jugnot, 1984)

31. Les Ripoux (Zidi, 1984)

32. On ne meurt que deux fois (Deray, 1985)

33. Police (Pialat, 1985)

34. Spécial Police (Vianey, 1985)

35. Inspecteur Lavardin (Chabrol, 1986)

36. Le Solitaire (Deray, 1987)

37. Flag (Santi, 1987)

38. Les Keufs (Balasko, 1987)

39. Ne réveillez pas un flic qui dort (Pinheiro, 1988)

40. L'Union sacrée (Arcady, 1989)

* 449 Pour faire cette étude, Philippe a retenu la technique de l'analyse factorielle des correspondances multiples AFCM qui permet de dégager statistiquement dans un ensemble quantitativement important d'informations quelques axes privilégiés de regroupement de données (axes d'inertie).

* 450 « Il est des lieux et des personnes qu'il vaut mieux ne pas fréquenter, telle pourrait être la morale résultant de la mise en scène de cette classe des endroits troubles. Ce que suggère cette appellation, c'est l'absence de clarté des lieux concernés. Ce n'est pas un hasard si la nuit, mais surtout le non-jour, caractérisent particulièrement ce type d'espace. Les lieux de rencontre : bars, boîtes de nuit, cabarets, restaurants en sont une part non négligeable. Plus largement, ce qui se dégage, c'est l'idée de lieux confinés, sombres, où des individus viennent se terrer. » (Philippe, 1999, p. 313)

* 451 « Les espaces de transit : la plupart des moyens de transports comme les automobiles et les transports collectifs, comme le train par exemple, sont particulièrement représentés dans cette classe. (...) Le transitoire se situe dans l'espace de non-ville, dans un entre-deux-mondes. » (Philippe, 1999, p. 315)

* 452 LENNE , Gérard, « Esquisse de sociologie, économie, psychopathologie et fondements esthétiques du spectacle X », in Zimmer Jacques (dir.), Le cinéma X, Paris, La Musardine, 2002, p27-41.

* 453 Philippe Rouyer (1997, p.179) : « un bon film gore est un bon film tout court. Il vaut plus que la somme arithmétique de ses scènes sanglantes contrairement à la plupart des films pornos qui n'ont d'intérêt que leurs scènes de sexe ».

* 454 Richard Dyer (1993, p.205) : « Le concept d'iconographie, tiré de l'oeuvre de l'historien Erwin Panofsky (L'oeuvre d'art et ses significtaions, Paris, Gallimard, 1969), s'est avéré particulièrement utile à l'examen des genres cinématographiques (...) L'iconographie peut se définir comme l'étude d'un ensemble d'images (objets, individus, décors), de sons et de musiques communs à une série de films et qui constituent ceux-ci en genre ».






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