Droits de l’homme et conservation de l’environnement: cas des droits des peuples autochtones de la forêtpar Marthe Ngo Ngue Tegue Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales 2022 |
REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON ************************* **************** PAIX - TRAVAIL - PATRIE PEACE-WORK-FATHERLAND ***************** *************** MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR MINISTRY OF HIGHER EDUCATION ******************** ******************** INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU CAMEROUN Filière : « Coopération Internationale, Action Humanitaire et Développement Durable (CA2D) » 9ème Promotion (2018-2020) Option : Coopération Internationale et
Coopération Décentralisée pour
le THEME : Droits de l'homme et conservation de l'environnement au
Cameroun : cas PROJET WORK : Proposition d'un projet de coopération entre l'Etat et l'ONG ABC pour l'éducation et l'insertion professionnelle des pygmées de la localité de Mayos dans la région de l'Est du Cameroun (PACERP). Mémoire rédigé et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du Master en NGO NGUE TEGUE MARTHE Sous la direction de : Dr. INNOCENT FETZE KAMDEM Chargé de cours, département de droit
international Année académique 2020 - 2021 Pr. FELICITE KOURRA OWONA
MFEGUE Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt AVERTISSEMENT Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page i L'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) n'entend donner aucune approbation ni improbation aux options contenues dans ce mémoire ; celles-ci doivent être considérées comme propre à l'auteur. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page ii Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt DEDICACE A Mes parents : M. Gabriel TEGUE et Mme Haletou MVEGUERE Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page iii Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt REMERCIEMENTS La réalisation d'un travail scientifique engage toujours la seule responsabilité de son auteur. Pourtant sa finalisation est consécutive à d'innombrables contributions sans lesquelles, il n'aurait vu le jour. Dès lors, plus qu'un simple devoir, c'est une obligation d'exprimer ma reconnaissance infinie. Cette reconnaissance va à l'endroit de S.E. Daniel Urbain NDONGO, Directeur de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) ; J'exprime ma sincère gratitude à l'endroit du professeur Félicité Kourra OWONA MFEGUE qui a accepté de superviser ce travail ; Ce travail n'aurait jamais été ce qu'il est sans la disponibilité et la rigueur de notre encadreur le Dr Innocent FETZE KAMDEM. Je lui suis reconnaissante pour son humilité et le temps qu'il a consacré, malgré tous ses engagements et responsabilités ; Je remercie également tout le corps enseignant et administratif de l'IRIC ainsi que l'Université Ca Foscari de Padoue pour la qualité des enseignements et de l'encadrement dont j'ai bénéficié ; Je tiens également à remercier en particulier les personnels du MINEPDED, et du MINAS, pour avoir accepté de se plier aux exigences de mon guide d'entretien, sans oublier le coordonnateur de l'ONG OKANI pour la documentation et les conseils sur la question autochtone ; Un merci particulier à quelqu'un de très spécial dans ma vie, Jean-Marie BAKELEKI BOHIN, qui a su me motiver et m'encourager. Je lui suis éternellement reconnaissante. Aux grandes familles TEGUE et MOSSI, Monsieur Robert NKEN ; A messieurs Serge MAKUIKILA LUMPANAKIO, Bernadin ESSAMA, Steve NOUTAT NDJIGUI, Etienne TALLA TENE, Franck Cabrel TCHEKOUO KAPNANG, Gabriel TEGUE; Mesdames Halitou Delavil TCHUILANG, Aline Erna MWEMBE MAGNIGAM, Agnès Simone NGO PAGAL, Crescence NGO TEGUE, Océane YANGO pour tout le soutien du monde, lorsque plusieurs fois mes forces et mon engagement ont faibli. Voyez en ces mots le témoignage d'une profonde gratitude ; et mes amies de toujours Danielle NGUIDJOI ABWA, Amina NJIFON, Larissa MOULIOM ; Mes camarades de l'IRIC particulièrement ceux du CA2D, avec qui nous avons formé une famille ; A tous ceux qui y ont participé de près ou de loin à la réalisation de ce travail. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page iv Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt ABREVIATIONS, ACRONYME ET SIGLES C169 : Convention n°169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux CADDAP : Centre d'Action pour le Développement Durable des Autochtones Pygmées CADEG : Charte Africaine de la démocratie, des élections, et de la gouvernance CADH : Commission Africaine des Droits de l'Homme CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples CED : Centre pour l'Environnement et le Développement CDE : Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant CNULD : Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification CCNUCC : Convention-cadre des Nations sur les changements climatiques CEFDHAC : Conférence sur les écosystèmes des forêts denses et humides d'Afrique Centrale CNUED : Conférence des Nations Unies sur
l'environnement CNDHL : Commission National des Droits de l'Homme et des Libertés CNCEDD : Commission Nationale consultative pour l'environnement et le Développement durable CDD : Commission pour le développement durable CDHC : Commission des Droits de l'Homme du Cameroun CIE : Comité interministériel de l'environnement CERAC : Cercle des Amis du Cameroun CPLE : Consentement Préalable, Libre et Eclairé DDPA : Déclaration sur les Droits des Peuples Autochtones DRSP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté FPP : Forest Peoples Program GIC : Groupement d'Intérêt Commun IWGIA : International Work Group for Indigenous Affairs JIPA : Journée Internationale des Peuples Autochtones MBOSCUDA : Mbororo Social and Cultural Development Association MINAS : Ministère des Affaires Sociales Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page v Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt MINEPDED : Ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable NASA : National Aeronautics and Space Administration ODD : Objectifs pour le Développement Durable ODM : Objectifs du Millénaire pour le Développement OIT : Organisation Internationale du Travail ONU : Organisation des Nations Unies ONG : Organisation Non Gouvernementale RACOPY : Réseau de Recherche d'Action Concertées des Pygmées UICN : Union International pour la Conservation de la nature Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page vi Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt RESUME Les peuples autochtones font parties de la tranche de la population mondiale la plus pauvre. De ce fait, la Communauté internationale toute entière lutte pour l'amélioration de leurs conditions de vie à travers l'édiction d'un certain nombre de textes de lois. Ce mode de développement instauré ne donne pas accès à un véritable épanouissement des Droits des peuples autochtones par la mauvaise mise en pratique de ses droits. D'où la pertinence de la réflexion sur la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones face à la conservation de l'environnement. Il faut noter que le sujet n'est pas nouveau, mais seulement l'on souhaite évaluer le niveau de prise en compte des droits des peuples autochtones de la forêt au Cameroun. En effet, le droit est une solution pour améliorer les conditions de vie des peuples autochtones en général et ceux de la forêt en particulier. Toutefois, les textes internationaux qui consacrent les droits des peuples autochtones exigent que les acteurs de ces droits intègrent pleinement la dimension liée à leur dignité humaine, au même degré que celle ayant trait à l'accès au bien-être qui participe à la conservation de l'environnement. Le Cameroun reconnait un ensemble de droit au peuple autochtone de la forêt, en tant que citoyens camerounais. Les pygmées baka de par leurs spécificités nécessitent une protection spéciale, pour que leurs droits soient pleinement réalisés à leur profit. Sans cette protection, la mise en oeuvre devient difficile et partielle. En observant les pygmées baka de Mayos, l'on constate que nombreux de leurs droits tel que la santé, l'éducation, l'accès à la justice ne sont pas véritablement appliqués à cause des spécificités qui leurs sont propres et à causes de certains problèmes liés à l'environnement. Les conséquences premières sont liées à la conception faite par la Constitution de « peuple autochtones », ensuite par la domination des bantous qui ne les considèrent pas comme peuple à part entière. Et enfin, le phénomène d'acculturation qu'ils subissent les rend dépendant vis-à-vis des donateurs. Dans la pratique, les droits des pygmées baka de l'Est s'avère limitée, et nécessite que des réformes soient adoptées pour que ce peuple puisse jouir du développement, selon leurs spécificités. Mots clés : Peuples autochtones, pygmées baka, acculturation, protection, spécificités culturelles, dignité humaine, environnement. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page vii Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt ABSTRACT Indigenous peoples are among the poorest segment of the world's population. As a result, the entire international community is fighting for the improvement of their living conditions through the enactment of a certain number of laws. This established mode of development does not give access to a real development of the rights of indigenous peoples through the poor implementation of these rights. Hence the. Relevance of the reflection on the implementation of the rights of indigenous peoples with regard to environmental conservation. It should be noted that the subject is not new, but only we wish to assess the level of consideration of the rights of indigenous peoples of the forest in Cameroon. Indeed, the law is a solution to improve the living conditions of indigenous peoples in general and those of the forest in particular. However, the international texts which enshrine the rights of indigenous peoples require that the actors of these rights fully integrate the dimension linked to their human dignity, to the same degree as that relating to access to well-being which contributes to the Conservation of the human being environment. Cameroon recognizes a set of rights to indigenous peoples of the forest, as Cameroonian citizens. As a result, a certain number of prerogatives are recognized to them, but the Baka pygmies by virtue of their specificities require special protection, so that these rights are fully realized for their benefit. Without this protection, its implementation becomes difficult and partial. By observing the Baka pygmies of Mayos, we see that many of their rights such as health, education, access to justice are not really applied because of their specific characteristics and because of certain environmental issues. The first consequences are linked to the conception made by the constitution of "indigenous people", then by the domination of the Bantus who do not consider them as a people in their own right. And finally, the phenomenon of acculturation they undergo makes them dependent on donors. In practice, the rights of the Baka pygmies in the East are limited, and requires reforms to be adopted so that this people can enjoy development, according to their specificities. Key words: indigenous peoples, Baka pygmies, acculturation, protection, cultural specificities, human dignity, environment. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page viii Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE 1 PREMIERE PARTIE : 19 LA CONSECRATION DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT 19 AUTOCHTONES ET LA NECESSAIRE CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT 21 SECTION I : LA NECESSAIRE CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT 21 SECTION II : LA CONSECRATION DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES 39 CHAPITRE II: LA PRISE EN COMPTE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LES STRATEGIES DE CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT
49 EN COMPTE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT 49 DE L'ENVIRONNEMENT 60 SECONDE PARTIE : 71 LES INSUFFISSANCES DE LA PRISE EN COMPTE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT ET PERSPECTIVES71 CHAPITRE III: LES LIMITES DE LA PRISE EN COMPTE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT 73 AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT 73 DE LA PRATIQUE DE TERRAIN 83 L'ENVIRONNEMENT 94 L'ENVIRONNEMENT 94 UNE AMELIORATION 104 CONCLUSION GENERALE 113 BIBLIOGRAPHIE 115 ANNEXES 127 TABLES DES MATIERES 162 INTRODUCTION GENERALE Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 1 Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 2 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt I/ CONTEXTE DU SUJET 1.1. La définition du sujet Les peuples autochtones sont les gardiens des ressources naturelles et leur droit au développement est un principe de base des droits de l'homme. Les difficultés auxquelles ils font face sont une question d'intérêt mondial. La problématique en Afrique est variable car elle réside non seulement sur la réelle identification des peuples autochtones. Mais aussi sur la difficulté de mise en oeuvre de leurs droits, des difficultés liées à la définition du concept de « peuples autochtones » ainsi qu'à l'accès à la justice1. Au regard de l'ensemble des dispositions prises tant au plan international qu'au plan national pour le cas du Cameroun, et en dépit de la prise en compte des peuples autochtones comme faisant partie intégrante du développement durable à l'horizon 20302, les peuples autochtones continuent de faire face à de nombreux problèmes notamment ceux liés tant à la diversité biologique et la diversité culturelle. Bien qu'étant interdépendant, on ne saurait conserver l'environnement sans prendre en compte les droits des peuples humains qui façonnent ce milieu3. L'on se rend compte de l'existence d'un double problème entre les règles de droit de l'homme et de préservation des ressources naturelles. Pour se faire, il faudrait permettre une conservation de l'environnement tout en respectant les droits des peuples autochtones. D'où l'étude portant sur les droits de l'homme face à la nécessité de conserver l'environnement au Cameroun. 1.2. Les notions opératoires La définition des termes clés est l'une des étapes de toute réflexion juridique4 comme le précise Charles EISENMANN, « il faut nécessairement commencer par résoudre clairement le problème de la fixation des concepts qui forment l'armature du texte sinon l'on discuterait dans l'obscurité et en vain5. Dans l'optique de mieux cerner et comprendre le sujet, il est important de définir les expressions « Droit de l'Homme », « Conservation de l'Environnement » et « Peuples Autochtones ». 1DISMAS NDAMYAMBAJE (Olivier), « La contribution de la reconnaissance des droits des peuples autochtones à la protection de l'environnement à la lumière de l'affaire Endorois c/ Kenya », Revue québécoise de droit international, Société québécoise de droit international, n°2, 2016, p.1. 2 Programme de développement durable à l'horizon 2030, Sept 2015. 3Cours de protection de l'environnement du MOOC de l'Institut de la Francophonie pour le Développement Durable, 2020. 4 ABA'A OYONO (Jean. Calvin), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, thèse de doctorat en Droit Public, Université de Nantes, 20 Juin1994, p 3. 5 ABA'A OYONO (Jean. Calvin), « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », Afrilex, 2000/02, p. 21. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 3 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt « DROIT DE L'HOMME » Le Lexique des termes juridiques définit selon la conception de la démocratie libérale, la notion de « Droit de l'Homme » comme un droit inhérent à la nature humaine, donc antérieure et supérieure à l'Etat, déclaré au plan national puis international, et protégé notamment par la voie juridictionnelle6 . Selon le Dictionnaire des sciences sociales, le concept de « Droits de l'Homme » renvoie à l'ensemble des droits considérés comme inhérents à l'être humain (le droit à la vie, à la liberté, à la propriété, etc.). Le droit public s'attache à en imposer le respect en conformité avec certains textes de portée universelle donc le plus important est la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme7. Selon le Haut-commissariat des Nations Unies des Droits de l'Homme, les Droits de l'Homme sont les droits inaliénables de tous les êtres humains quelques soient leur nationalité, lieu de résidence, leur origine ethnique ou national, leur couleur, leur religion, leur langue ou toute autre condition8. Nous avons tous le droit d'exercer nos droits de l'homme sans discrimination et sur un pied d'égalité. Ses droits sont intimement liés, interdépendants et indivisibles. Les Nations Unies définissent les Droits de l'Homme comme des droits inaliénables de tous les êtres humains, sans distinction aucune, notamment de race, de sexe, de nationalité, d'origine ethnique, de langue, de religion ou de tout autre situation. Les droits de l'homme incluent le droit à la vie et à la liberté. Ils impliquent que nul ne sera tenu en esclavage, que nul ne sera soumis à la torture. Chacun a le droit à la liberté d'opinion et d'expression, au travail, à l'éducation, etc. Nous avons tous le droit d'exercer nos droits de l'homme sur un pied d'égalité et sans discrimination9. Dans son préambule, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme parle de dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables qui constituent le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde10 . 6 GUINCHARD (Serge), lexiques des termes juridiques version française, Lyon, Dalloz, 25eme édition, 20172018, pp929-930. 7 DORTIER (Jean François), Dictionnaire des sciences sociales, dir, 38, rue Rantheaume, édition des sciences humaines, 2013, pp.102-103. 8 Haut-commissariat des Nation Unies des Droits de l'Homme sur les médias sociaux https://www.ohchr.org . 9 Nations Unies paix, dignité et égalité sur une planète saine www.un.org . 10 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, ONU- 10 Déc. 1948 TEXTE INTEGRAL, p.1. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 4 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples11 en son article 4 stipule que « la personne humaine est inviolable. Tout être humain à droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit » ; son article 5 poursuit en disant « tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique ». Selon le Professeur OWONA MFEGUE, les droits de l'homme sont l'ensemble de libertés qu'un Etat peut reconnaitre soit dans son ordre juridique interne, soit dans son ordre juridique international aux individus qu'il a l'obligation de protéger12. « CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT » Pour tenter d'apporter des éclaircissements à cette notion de « conservation de l'environnement », il faudrait essayer de définir conservation et environnement afin de comprendre ce concept. Selon la Convention sur la diversité biologique en son article 2 on distingue deux types de conservation à savoir : la conservation in situ13 et la conservation ex situ14. La conservation de la diversité biologique exige essentiellement in situ des écosystèmes et des habitats naturels, ainsi que le maintien et la reconstitution de populations viables d'espèces dans leur milieu naturel et, dans le cas des espèces domestiquées et cultivées dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs. Tandis que la conservation ex situ est la conservation d'éléments constitutifs de la diversité biologique en dehors de leur milieu naturel.15 D'une manière générale, la conservation ou préservation est l'acte qui consiste à maintenir un élément dans un état constant. L'environnement quant à lui se définit selon le dictionnaire Robert16, comme « l'ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (socioculturelles) dans lesquelles les organismes vivants (en particulier l'homme) se développent ». 11 Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Nairobi, KENYA, Juin 1981, p. 4. 12 OWONA MFEGUE (Félicité), Cours de système de protection des Droits de l'Homme africain 2020. 13 Interne. 14 Externe. 15 Article 2 de la Convention sur la diversité biologique Nations Unies, 1992, p. 3. 16 ROBERT (Paul), Dictionnaire Robert, Paris (France), édition française, 2007. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 5 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt L'article 4(k) de la loi n°96/12 du 05 Août 1996 sur la gestion de l'environnement17 définit l'environnement comme « l'ensemble des éléments naturels ou artificiels et des équilibres biochimiques auxquels ils participent, ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui favorisent l'existence, la transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités humaines ». La Convention de Lugano de 1993 sur la
responsabilité civile pour les dommages résultant
d'activités dangereuses pour l'environnement18
prévoit que : « l'environnement comprend : -les ressources
naturelles abiotiques et biotiques, telles que l'air, l'eau, le sol, la faune
et la flore, et les interactions entre les mêmes facteurs , « PEUPLES AUTOCHTONES » Il n'existe pas une définition universelle de la notion de peuples autochtones mais pour des besoins scientifiques il est nécessaire de donner des éléments de réponse à cette notion. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 199219 ne définit pas peuple autochtone. La raison avancée par le groupe de travail sur les populations autochtones est que des définitions strictes seront susceptibles d'empêcher des groupes reconnus comme tels dans les pays de jouir des droits reconnus dans ladite Déclaration. Toutefois, l'on retrouve une tentative de définition dans l'étude relative au Problème de la discrimination contre les populations autochtones, réalisée par José Martinez Cobo. Celle-ci fait ressortir quatre critères d'identification suivants : la continuité de l'occupation d'un territoire remontant avant la colonisation, l'auto identification, la non-dominance ou la vulnérabilité, la volonté de conserver leur territoire et de perpétuer leur identité ethnique à travers leurs institutions et leur culture. Mais, cette définition présente des inconvénients, notamment du fait qu'elle limite la reconnaissance de la qualité d'autochtones et subjectivise l'appréciation des caractéristiques culturelles, sociales et économiques20. Par ailleurs, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples souligne l'importance des droits des peuples sans mentionner l'expression « peuples autochtones ». Et la définition de la notion de « peuples autochtones » reste complexe. Toutefois, la définition 17 Article 4(k) de la loi n°96/12 du 05 Août 1996 portant loi cadre relative à la gestion de l'environnement. 18 Article 2(10) de la Convention de Lugano de 1993 sur la responsabilité civile. 19 Déclaration de Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, un manuel à l'intention des institutions nationales des droits de l'homme, Sydney (Australie) Août 2013, pp. 6-7. 20 KOLOKOSSO (Marielle), Peuples autochtones et droit au développement au Cameroun: cas des pygmées BAKA de l'Est Cameroun, Master II en Droit de l'homme et Action Humanitaire, 2010 UCAC (Yde), p. 9. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 6 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt retenue est celle de l'auto identification21. Ainsi, selon Albane Geslin dans un commentaire sur l'avis de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, les éléments de l'auto identification des peuples autochtones sont: l'attachement spécial et l'utilisation de leur territoire traditionnel. Alors que leurs terres ancestrales ont une importance capitale pour leur survie collective, physique et culturelle en tant que peuples; le phénomène d'assujettissement, de marginalisation, de dépossession, d'exclusion ou de discrimination sont un problème parce que ces peuples ont différentes cultures, divers mode de vie, par rapport à l'hégémonie nationale et au modèle dominant22. La Convention N°169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989 en son Article 1 indique que le « sentiment d'appartenance indigène ou tribal doit être considéré comme un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels s'appliquent les dispositions de la (...) convention »23. Samuel NNAH24 quant à lui relève que la notion de peuples autochtones est très controversée en Afrique. Certains sont des autochtones libérés des puissances coloniales. Alors que d'autres ne le sont pas. Ils soulignent qu'il est difficile de déterminer qui est autochtone en Afrique. Les peuples autochtones de la forêt au Cameroun sont composés de Baka, Bagyeli, Bakola et Bedzang, aussi appelés péjorativement pygmées, qui sont des chasseurs-cueilleurs, vivant principalement dans les régions boisées du Sud, du Centre et de l'Est du pays25. De ce qui précède, l'on constate que le mode de développement qui est instauré par les acteurs politiques et internationaux ne permet pas un véritable épanouissement des Droits des peuples autochtones car il leur impose un mode de vie qui ne correspond pas toujours à leurs coutumes. D'où la pertinence de la réflexion sur la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones face à la conservation de l'environnement. 21 Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, 27 juin 1981, 1520 RTNU 218 (entrée en vigueur : 21 octobre 1986). 22 GESLIN (Albane), « La protection internationale des peuples autochtones : de la reconnaissance d'une identité transnationale autochtone à l'inter culturalité normative », 2011 56:1 AFDI, pp. 658-664. [Geslin], citant CADHP, Avis juridique de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 2007, 41e session, p. 4. 23 Convention N°169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989. 24 Les expériences des peuples autochtones d'Afrique en matière de politiques de sauvegarde: les exemples du Cameroun et du bassin du Congo 28 Avril2013, en ligne: Forest peoples programme WWW.forestpeoples.org 25 La situation des peuples autochtones de la forêt du Cameroun - Fiche d'information. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 7 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt II/ OBJECTIFS DE RECHERCHE ET PROBLEMATIQUEL'analyse de ce sujet nous permettra d'acquérir un ensemble de connaissances sur la culture et le savoir-faire des peuples autochtones; et une mise en oeuvre des droits des peuples autochtones, car étant un moyen de « respect des savoirs, des cultures et des pratiques traditionnelles autochtones pour une meilleur valeur durable et équitable de l'environnement et à sa bonne gestion »26. Il sera aussi question de mettre en avant les droits qui sont les leurs en leur donnant la possibilité d'avoir un droit spécifique qui leur sera propre et qui prendra en compte au mieux leur cadre de vie sans toutefois les dénaturaliser. 2.1. Etat de la recherche sur la question étudiée L'analyse de la prise en compte des droits des peuples autochtones dans la protection de l'environnement n'est pas la pionnière en la matière. Plusieurs auteurs ont eu à discuter sur la question tels que : L'article de Victoria TAULI-CORPUZ, rapporteuse spéciale de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, et John KNOX rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme et l'environnement soulignent que les Droits de l'Homme « s'appliquent non seulement aux mesures qui visent à exploiter les ressources, mais également aux mesures tenant à la conservation » et que les titulaires d'obligation ont le devoir de respecter les droits de « ceux qui ont une relation proche et de long-terme avec les territoires ancestraux »27. Ils insistent également sur l'aspect indivisible et interdépendant d'écosystèmes en bonne santé et sur l'exercice des Droits de l'Homme ainsi que sur l'importance primordiale de garanties en Droit de l'Homme28. C'est dire que les droits des peuples autochtones doivent être respectés non seulement dans le cadre de la conservation de l'environnement mais aussi à leurs droits pour une meilleure garantie des Droits de l'Homme. Dans ses travaux29, monsieur NJOYA Cédric défend l'idée selon laquelle la protection des droits de l'homme est un instrument normatif qui s'appuie sur la dignité de l'être humain à la limite générale et globale, il faut protéger l'homme dans tous les aspects de sa vie, le traiter avec humanité dans son environnement et ses différences. Il promeut le respect des droits de l'homme dans l'ordre juridique national mais aussi international dans le cadre de son 26 DISMAS NDAYAMBAJE (Olivier), op.cit. note2, p. 6. 27MACKAY (Fergus), Droits des Peuples Autochtones et Conservation, in Développements Récents en Jurisprudence des Droits de l'Homme, 29 Novembre, 2017, p. 1. 28 Ibid., p.2. 29 NJOYA (Cédric), La compétence du tribunal militaire au Cameroun et le droit international des droits de l'homme : Recherches sur le droit applicable, thèse de doctorat Ph.D en Droit Public, UYII, 2016, p. 3. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 8 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt application. Bien que n'étant pas aisé, le préambule constitutionnel30 camerounais démontre que « le peuple camerounais affirme son attachement (...) à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et à toutes conventions y relatives et dûment ratifiés (...) »31. Toutefois, l'application effective de ces droits, malgré l'édiction dans les normes juridiques n'est pas démontrée. A ce problème, la convention n°169 de l'OIT appelle les gouvernements32 à garantir le respect des droits fondamentaux des peuples autochtones à son art 2(1) en énonçant qu'« il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité ». Les gouvernements sont ainsi appelés à entreprendre une action coordonnée et systématique afin de garantir l'application pleine et entière de toutes les dispositions de la convention33 à travers une révision intégrale des lois, des politiques, des programmes et des projets 34 afin de garantir les droits des peuples autochtones. Dans son ouvrage intitulé Pygmées : le droit à la différence, chapitre 4 le Pr Séverin Cécile ABEGA présente des initiatives au lendemain de l'indépendance35 avec le projet d'appui à l'intégration socio-économique des pygmées et le programme sectoriel forêt-environnement, visite du CERAC36 et des synergies Africaines37. Mais, aucun programme ni projet gouvernemental initié, ni de réalisations concrètes. Cela montre à suffisance à quel point la question de la protection des peuples autochtones38 est inquiétante au Cameroun. Ce point de vue du Pr ABEGA est important dans la mesure où il montre comment est organisé la protection des peuples autochtones au Cameroun et le déficit des politiques publiques qui entrave la mise en oeuvre de la garantie des droits des peuples autochtones et la conservation de l'environnement. 30 Ibid., p. 9. 31 Préambule de la Constitution loi n°96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 Juin 1972, modifiée et complétée par la loi n°2008/001 du 14 Avril 2008. 32 Convention n°169 de l'OIT sur la responsabilité gouvernementale, Département des normes internationales du travail, Droit des peuples autochtones et tribaux dans la pratique. PRO 169, 2009, p. 30. 33 Ibid. p.32. 34 Ibid., p. 35. 35 KOLOKOSSO (Marielle), note5, op.cit., p. 4. 36 Le CERAC est le Cercle des amis du Cameroun. C'est une association qui regroupe les épouses des membres du Gouvernement, des Ambassadeurs et des personnalités de la République. Elle est présidée par Mme Chantal BIYA. Elle a assisté les populations Baka dans l'établissement des cartes nationales d'identité à la veille de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004. 38 KOLOKOSSO (Marielle), note5, op.cit., p. 5. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 9 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt 2.2. Postulat de départ, objectifs et question de recherche On présentera succinctement le postulat de départ, les objectifs de la recherche ainsi que la question tout autour de cette recherche. - Postulat de départ Dans une lettre ouverte, les titulaires des mandats des procédures spéciales du conseil des droits de l'homme soulignent que la lutte contre les changements climatiques constitue « un des plus grands défis de notre temps en matière de droits humains39. De ce fait tous les pays concernés par les changements climatiques, un rapport du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l'Homme démontre comment ceux en développement sont touchés par ce phénomène40. Les conséquences négatives se font ressentir chez les personnes vulnérables ou en situation de minorité comme les peuples autochtones. Ils subissent les atteintes à leurs droits, particulièrement ancestraux du fait d'exploitations extractives, minières, forestières, hydroélectriques et des constructions de barrages entraînant une dégradation de l'environnement de ces peuples. Les mesures visant à protéger l'environnement et respecter les droits des peuples autochtones sont un objectif de développement durable dont le but est de lutter contre la pauvreté41. Cependant, sur les plans international et national, un ensemble de normes juridiques a été élaboré pour les peuples autochtones pour la conservation de l'environnement afin de protéger au maximum leurs droits. Bien que dans la pratique lesdits peuples continuent d'être victimes d'inégalité, de discrimination et aussi de la non-participation, voire de la non consultation telle que prévue à la convention N°169 de l'OIT en ses articles 6 et 742. - Objectifs Dans le cadre de ce travail, il faut noter que le sujet n'est pas nouveau ; il a déjà fait l'objet de nombreux questionnements en sciences sociales, seulement il sera question pour nous d'évaluer le niveau de prise en compte des droits des peuples autochtones de la forêt au 39 Lettre ouverte de la part des titulaires de mandat au titre de procédures spéciales du conseil des droits de l'homme adressée aux Etats parties à la CCNUCC à l'occasion de la réunion du groupe de travail ad-hoc sur l'appel effectif de la déclaration et du programme d'action de Durban à Bonn, un nouvel accord sur le changement climatique doit inclure la protection des droits de l'homme pour tous 17 octobre 2014. 40 Voir rapport du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l'homme, étude analytique sur les liens entre les droits de l'homme et l'environnement, A/HRC/19/34, 16 Déc. 2011. 41 Voir ODD des Nations Unies objectif 17 du Programme de développement durable à l'horizon 2030. 42 Convention n°169 de l'OIT, note8, op.cit., p. 60. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 10 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt Cameroun. Pour essayer de meubler ce raisonnement, un état des lieux du dispositif institutionnel en matière des droits des peuples autochtones et protection de l'environnement sera fait. Il sera suivi une analyse critique de la situation de prise en compte des droits des peuples autochtones et la conservation dans la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones du Cameroun. - Question de recherche Pour atteindre nos objectifs, l'on part du constat selon lequel les droits des peuples autochtones sont consacrés mais leur véritable garantie présente encore quelques manquements surtout lorsqu'on prend en compte l'exigence de la protection de l'environnement. L'on se trouve donc confronter à une ambiguïté notamment celle de la prise en compte des droits des peuples autochtones dans l'objectif de conservation de l'environnement. Dès lors on se pose la question de savoir si les droits des peuples autochtones de la forêt sont véritablement pris en compte face à la nécessité de conserver l'environnement au Cameroun ? |
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