SECTION I : LE CONTEXTE INTERNATIONAL DE LA
CONSERVATION DE LA
BIODIVERSITE
La diplomatie contemporaine sous sa forme multilatérale
englobe aujourd'hui de façon croisée tous les acteurs et enjeux
internationaux : guerre et paix, droits humains, commerce, environnement, etc.
Stricto sensu, la diplomatie multilatérale met en relation un
minimum de trois États. En pratique, elle rassemble couramment des
dizaines d'États (représentés par leurs diplomates et
leurs délégations mais aussi des multinationales) et un nombre
croissant d'acteurs non étatiques. La diplomatie multilatérale a
longtemps été organisée sous forme de conférences
ad hoc. Depuis la création de la Société des
nations (SDN) puis de l'Organisation des Nations Unies (ONU), elle s'incarne
aussi beaucoup dans les organisations internationales111.
La conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo
dans cet ordre d'idée fait
intervenir un nombre important d'acteurs et d'instruments
internationaux. Les accords et
111FranckPetiteville,D., Placidi-Frot,« La
diplomatie multilatérale », in Balzacq, T. (dir.) et al.,
Manuel de diplomatie, Paris, Science Po, 2018, p. 53.
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conventions comme le protocole de Nagoya et la CITES,
ratifiés par les États membres du bassin du Congo sont ou
devraient être adaptés au contexte sous régional par les
institutions supra nationales comme la COMIFAC (Commission des Forêts
d'Afrique Centrale).
Dans cette section nous ferons une analyse du protocole de
Nagoya et de la CITES (Paragraphe I) puis une tentative de décryptage de
leur appropriation au niveau de la COMIFAC (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : TENTATIVE D'INTERPRETATION DU PROTOCOLE DE
NAGOYA ET DES OBJECTIFS D'AICHI
D'après Jose Do Nascimento, « Durant la
colonisation, les puissances coloniales avaient organisé la mise en
valeur des ressources africaines selon une logique d'exploitation qui ne
produisait des bénéfices et avantages qu'au seul profit des
grandes compagnies concessionnaires et des métropoles coloniales. La
mise en valeur des ressources africaines sous l'angle de la rentabilité
externe est encore aujourd'hui la logique selon laquelle les multinationales
mettent en valeur les ressources africaines dans un contexte post colonial
».112
A. Le protocole de Nagoya et les objectifs d'Aichi en
2022 1. Les objectifs du protocole
La Convention sur la diversité biologique (CDB) a
été ouverte à la signature le 5 juin 1992, lors de la
Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement (le « Sommet planète Terre » de Rio) et
est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. La Convention est
encore le seul instrument international complet sur la diversité
biologique. La Convention a trois objectifs : la conservation de la
diversité biologique, l'utilisation durable de ses
éléments constitutifs et le partage juste et équitable des
avantages découlant de l'utilisation des ressources
génétiques113. À la suite de la CDB, de
nombreux accords internationaux vont tenter d'enrayer la perte continue de la
biodiversité. Le protocole de Nagoya reste l'un des plus ambitieux de
ces dernières décennies.
Le Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources
génétiques et le partage juste et équitable des avantages
découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la
diversité biologique a été adopté à la
dixième réunion de la Conférence des Parties, le 29
octobre 2010, à Nagoya, au Japon, après six ans de
négociations. En encourageant l'utilisation des ressources
génétiques et des connaissances traditionnelles associées
à celles-ci, et en consolidant les occasions de partage juste et
équitable des avantages découlant de leur utilisation, le
Protocole devait contribuer à stimuler la conservation de la
diversité biologique, l'utilisation durable de ses
éléments constitutifs, accroitre la contribution de la
diversité biologique au développement durable et au
bien-être humain.114Mais rendu en 2022 quel est le bilan de
cette convention rendu à son terme en 2020 ?
112José Do Nascimento,« La pensée
politique de Cheikh Anta Diop », Paris, l'Harmattan, 2020, p. 113.
113 CBD, Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources
génétiques et le partage juste et équitable des avantages
découlant de leur utilisation relatif à la convention sur la
diversité biologique, Montréal, 2012, p. 1.
114 Ibid., p. 1.
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L'UICN dans l'un de ses rapports sur le protocole de Nagoya
précisait qu'au niveau national, les États signataires
s'engageaient à :
« Améliorer la qualité de la
gouvernance des AP, ainsi qu'à garantir la participation pleine et
entière des communautés locales et autochtones aux structures de
gestion et de gouvernance des AP de façon à améliorer
leurs moyens de subsistance, leur accès aux ressources naturelles, ainsi
qu'un partage équitable des avantages tirés des aires
protégées ».115
Il était déjà nécessaire de porter
sans attendre toute l'attention à l'élaboration d'un cadre, de
normes, d'instruments et d'indicateurs internationaux pour l'évaluation
sociale des aires protégées, et d'en tenir compte pour
évaluer l'efficacité de la gestion des AP. Il demeure à ce
jour important de fournir des renseignements sur l'évaluation sociale
des projets et programmes de conservation. Que des données
précisent sur les avancées majeurs et les retours
d'expériences de terrain soient introduits dans la base de
données mondiale sur les aires protégées (WDPA) afin
d'améliorer les négociations au niveau international et la prise
de décision au niveau national.
Figure 04 : Mécanisme d'accès et de
partage des avantages des AP. Source : Introduction à l'accès
et au partage des avantages, Montréal, Secrétariat de la
Convention sur la diversité biologique, 2011, p. 4.
115UICN, « Améliorer la contribution
des aires protégées à la conservation de la
biodiversité- Le rôle du Programme de travail sur les aires
protégées (PTAP) de la CDB : déclaration de position
», p. 1.
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Du protocole de Nagoya va déboucher le Plan
stratégique 2011-2020 de la mise en oeuvre des « Objectifs d'Aichi
». Il proposait que pour inverser la perte continue de la
biodiversité, il était impératif d'aborder les causes
sous-jacentes comme la pauvreté et l'éducation. Il
préconisait déjà de commencer à prendre des mesures
stratégiques, afin de gérer, dans une perspective de long terme,
les causes sous-jacentes de l'appauvrissement de la diversité biologique
dans les zones prioritaires de la biodiversité comme les bassins de
l'Amazonie, du Congo et du Mékong. Toute chose qui nécessitait
une cohérence des politiques générales, ainsi que
l'intégration de la diversité biologique dans l'ensemble des
politiques et stratégies de développement national, dans les
secteurs économiques, et à tous les niveaux de planification des
gouvernements.
Les approches stratégiques pour parvenir à ceci
devaient alors inclure nécessairement la communication,
l'éducation et la sensibilisation du public, la coopération, etc.
Les parties prenantes de tous les secteurs des gouvernements, de la
société et de l'économie, y compris le milieu des
affaires, devaient être impliquées en tant que partenaires, pour
mettre en oeuvre ces mesures. Les conservateurs et les citoyens devaient
être mobilisés pour contribuer à la conservation et
l'utilisation durable de la diversité biologique afin de réduire
considérablement l'empreinte écologique et soutenir l'action des
gouvernements.
2. Les recommandations du protocole
En 2022, Les enjeux pour les pays du bassin du Congo restent
les mêmes. Pour rappel, il serait important de ne pas oublier que :
« L'utilisation des ressources
génétiques est bien souvent associée à des
connaissances traditionnelles. Bien avant l'exploitation à grande
échelle de certaines ressources génétiques par le secteur
biotechnologique occidental, nombre de communautés autochtones et
locales (CAL), dans le monde entier, identifiaient déjà les
propriétés particulières des ressources naturelles
disponibles dans leur environnement pour en développer des utilisations
et des innovations. »116
La nécessaire implication totale des populations
locales et autochtones demeure une recommandation fondamentale
héritée du protocole de Nagoya.
D'autres recommandations des évaluations sur
l'efficacité de la gestion des aires protégées dans le
bassin du Congo devraient être mises en oeuvre et intégrées
dans d'autres évaluations (Par exemple: Financement durable et
innovant), afin d'attirer et d'orienter l'allocation des ressources
financières destinées à la mise en oeuvre de ces
recommandations. L'UICN souligne cependant la nécessité de
coordonner la mise en oeuvre des stratégies locales avec d'autres
conventions, accords et programmes relatifs à l'environnement (RAMSAR,
Convention du patrimoine mondial de l'UNESCO, Programme pour l'homme et la
biosphère de l'UNESCO, CCNUCC et CDD, etc.), ainsi qu'avec d'autres
programmes de travail de la CDB comme la CITES, afin d'améliorer
l'efficacité des actions117.
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