L'une des particularités de la forêt par rapport
à d'autres ressources, est en effet son caractère
multifonctionnel. Dépositaire de culture, de symboles, d'émotions
esthétiques ; réservoir de la diversité des espèces
; réserve foncière ; régulatrice de l'écologie ;
productrice
88Idem.
89Les savoirs traditionnels des pygmées autre
fois secrets sont aujourd'hui exploités en laboratoire par des
grandes firmes internationales sous le couvert d'ONG
sensées les protégés.
90Ibid., p. 5.
91Ibid., p. 6.
32
de bois (matériau, combustible), de gibier, de
fourrage, de fruits et autres produits. La forêt est ressource et milieu,
produit de base et abri.
Comment hiérarchiser au niveau mondial
l'utilité respective de ces fonctions ? Et comment définir le
groupe des usagers ? Au simple niveau local, ces questions soulèvent
déjà des problèmes redoutables92. Rien n'est
donné, tout est à construire pour les pays du bassin du Congo.
Par exemple, le périmètre de forêt gérée en
commun est à délimiter. Le groupe de ses usagers est à
définir. Les intérêts sont divers, les droits se
chevauchent et sont en compétition. Lorsqu'on parle de forêt
communautaire au Cameroun par exemple, on a beaucoup de mal à expliquer
de quelle communauté il s'agit. Le village ? Combien de villages ? Les
familles ? Combien de familles ? Et que fait-on des Églises, qui s'en
mêlent un peu partout en Afrique subsaharienne ? Des municipalités
et autres collectivités territoriales décentralisées? La
gestion d'une forêt est donc d'abord la gestion de conflits sociaux,
conflits d'intérêt, conflit de légitimité.
Sur un point au moins, un consensus se fait. Associations
d'exploitants, écologistes, organisations internationales, se rejoignent
pour estimer que l'abattage illégal, la production et le transport
illicites des produits forestiers sont l'un des grands fléaux de la
forêt tropical du bassin du Congo. Certaines ressources fauniques en
particulier sont aujourd'hui menacées d'extinction par des
réseaux clandestins de chasse et le braconnage. C'est le cas des grands
singes comme le chimpanzé ; notre plus proche cousin d'après la
théorie de l'évolution humaine.
PARAGRAPHE II: LES CONFLITS HOMME/HOMME (HH) ET HOMME/
GRANDS SINGE (HGS)
D'après le professeur Yves Paul Mandjem93,
« La sécurité est une valeur essentielle et
suprême de toute société »94.
La sécurité humaine est aujourd'hui au centre
des préoccupations mondiales en raison des effets de la COVID-19. Cette
assertion du professeur spécialiste de la résolution pacifique
des conflits et des questions de sécurité en Afrique trouve tout
son sens en périphérie de la grande majorité des aires
protégées du bassin du Congo.
Dans ce paragraphe nous observerons l'état actuel des
conflits homme/homme (A) et celui des conflits homme/grands singes (B) en
périphérie de certaines aires protégées au
Cameroun.
A. Les conflits homme/homme (CHH) 1. C'est quoi un
conflit ?
92Christophe Gauchon, « Conclusion - Des
causes du conflit aux conditions de l'acceptation. » In: Collection
EDYTEM. Cahiers de géographie, numéro 10, Espaces
protégés, acceptation sociale et conflits environnementaux, 2010,
p. 8.
93Le Pr. Yves Paul Mandjem, notre encadreur est
major CAMES et directeur de la coopération à l'Institut des
Relations Internationales du Cameroun (IRIC).
94 Yves Paul Mandjem, /KAS, « Les offres
et espaces alternatifs de production de la sécurité en Afrique de
l'ouest et centrale : Étude des marginalités, informalités
et complémentarités locales à l'action des forces de
défense et sécurité (FDS) », ABESS,
no 1 (03), 2021, p. 1.
33
Alors qu'appelle-t-on précisément un conflit? On
peut définir un conflit comme un désaccord qui se traduit par un
antagonisme suffisamment conflictogène et durable pour qu'il en vienne
à structurer la position et le jeu des acteurs. Cette définition
ne ferme pas sur un type de conflit en particulier ni sur ses modalités,
ne préjuge pas de sa cause (ou de ses causes) ni de son issue(ou de
l'impossibilité d'une issue). Mais la durée et le
caractère structurant du conflit apparaissent comme deux
éléments centraux du conflit, et ils expliquent que sa
résolution parfois difficile puisse nécessiter l'intercession ou
la médiation d'un tiers.
J. Freud, dans sa Sociologie du conflit (1983), n'envisageait
pas le cas des conflits environnementaux, mais il était très
clair sur le fait que le conflit incorpore nécessairement une composante
de violence : « Le recours à la violence, même s'il n'a
pas lieu et qu'il reste à l'état de menace, est
inséparable de la substance même du conflit ».
Parfois le conflit nait réellement des enjeux de
l'espace à protéger, mais il arrive aussi que l'hostilité
vienne d'une sorte de transfert politique incompatible depuis un autre
système. Les causes de ces conflits sont assurément multiples, et
dépendent tout autant du contexte que des outils de protection mis en
oeuvre et des enjeux identifiés. Par exemple, Au Cameroun, les
revendications pour l'implication des populations Baka (en
périphérie du parc national de Lobéké) dans les
prises de décision et la gestion communautaire du parc ont
été à l'origine des premiers accords signés entre
le service de la conservation nationale et une organisation de la
société civile (OSC) typiquement autochtone.
ASBABUK (Association Sanguia Baka Buma'a Kpode) est
née de cette dynamique. Cependant, dans de nombreux parcs nationaux du
bassin du Congo, la gestion des conflits homme/homme exige encore une mise
à niveau des stratégies de gestion des enjeux coutumiers,
juridiques et socio-anthropologiques qui gravitent autour de ces conflits.