3.2.2.9- Cause culturelle
Selon l'anthropologue Revet cité par Augé Marc
(1994 p, 67), le territoire de Vargas est un lieu au sens anthropologique dans
le sens où « c'est un espace identitaire, relationnel et
historique, dans lequel un certain nombre d'individus se reconnaissent, sont en
relation et peuvent trouver les traces d'une histoire commune ». La
terre et les milieux physiques sont sacrés pour beaucoup des personnes
conservatrices de patrimoines légués par leurs ancêtres.
C'est l'attachement aux us et coutumes qui portent des coups durs à la
population. Les communautés du 9eme arrondissement comme
Massa, Mousgoum, Sara, Arabe et Kotoko sont connus par leur loyauté
envers leurs ancêtres. Donc, pour elles, tout ce qu'est
légué par les ancêtres est sacré et mérite
d'être conservé et protégé en laissant les traces
pour les générations à venir. Certains habitants
s'accrochent sur des espaces inondés sous prétexte que ces terres
sont des patrimoines légués par leurs ancêtres.
Malgré les dégâts des inondations, les populations
s'accrochent toujours prétextant que les crues sont passagères.
Au cours de notre recherche, Moun M, considéré comme un
conservateur de la tradition ancestrale affirme :
Où voulez-vous que nous partions ? Cette terre m'a
été léguée par mon père qui était
entre-temps, l'homme le plus réputé et respecté de son
village, un vrai garant de la tradition. Sur cette terre, on péchait et
chassait à l'époque et maintenant on cultive. Ma terre ne m'a
jamais trahie donc, je lui dois dévouement. Et d'ailleurs, Je ne sais
où aller parce que je n'ai plus de terrain ailleurs. C'est Dieu qui fait
pleuvoir et c'est le même Dieu qui nous a créés, il
veillera sur nous car c'est lui qui décide à notre place.
(Entretien avec Moun M, 68 ans, chef de terre, à Toukra, 15
septembre 2021).
Dans ces propos, nous pouvons retenir que dans cette
localité, la terre est considérée comme un
phénomène, un héritage, une transmission d'où la
population est contrainte d'y rester. Les biens légués par les
ancêtres méritent d'être conservé et protéger,
et c'est pourquoi certains se disent conservateurs, refusent de se
déplacer de leur espace malgré que leurs zones soient
inondables.
Il est a noté qu'avant le 9eme
arrondissement s'attache à la ville de N'Djamena, les autochtones
enterrent leurs proches dans leurs concessions ou espaces respectifs pour
montrer à leur proches voyagé dans l'au-delà leur amour
inconditionnel. Pour les habitants, le fait
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d'enterrer leurs proches dans leurs domiciles c'est pour
immortaliser leur présence et à tout moment ils auront besoin
d'eux. Pour certaines populations du 9eme arrondissement, les morts
ne sont pas morts, ils sont juste en voyage spécial. Malgré leur
voyage, ils sont toujours présents et ils servent de protecteurs. C'est
dans ce sillage que Moun M argumente ces propos en ce sens :
Nous avons les tombes de nos parents et de nos
grands-parents, on ne peut pas déplacer de notre maison et laisser les
tombes de nos parents à la merci des étrangers encore moins
déterrer leurs tombes et se déplacer avec. Leur présence
auprès de nous est primordiale et a une valeur qu'on ne peut pas
mesurer. Ils sont toujours présent avec nous et répondent
à nos besoins et ils nous protègent contre le mal. On ressent
leur présence dans nos activités. Les pensent que nous sommes ici
par ignorance ou par manque de moyen mais au contraire, nous avons nos raisons
et personne ne peut le comprendre à part nous. (Entretien avec Moun
M, 68 ans, chef de terre, à Toukra, 15 septembre 2021).
Selon ces propos nous pouvons retenir que les populations ont
leurs pleines raisons justifiables de résister aux inondations et
préfèrent ne pas quitter leurs espaces attachés à
leur socioculture. Pour notre informateur, il est impossible pour lui de
quitter son espace et laisser les tombes de ses parents sans protection moins
encore déterrer ces derniers et se déplacer avec. Donc, il est
condamné à vivre ainsi dans ce lieu quoi qu'ils adviennent.
Parvenu au terme de ce chapitre, il était question de
présenter les différentes origines et facteurs des inondations
dans le 9eme arrondissement de la ville de N'Djamena. Nous sommes
parties des origines culturelles et naturelles. S'agissant des facteurs, il en
ressort de facteurs naturels et anthropiques. Le chapitre suivant nous
amènera à montrer les impacts des inondations dans ledit
arrondissement.
![](Recrudescence-et-gestion-endogene-des-inondations-dans-le-9e-arrondissement-de-NDjamena-contrib20.png)
CHAPITRE 4 : IMPACTS DES INONDATIONS DANS LE APITRE
4 IMPACTS DES INONDATIONS DANS LE 9
9eme ARRONDISSEMENT DE N'DJAMENA '
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Dans le présent chapitre, il est question pour nous de
montrer les impacts des inondations sur la population du 9eme
arrondissement de la ville de N'Djamena. Plusieurs types d'impacts menacent la
vie de la population dudit arrondissement et leur milieu physique. Il s'agit
d'impacts culturels, matériels et environnementaux, sanitaire et enfin
impacts humains. Dans la ville de N'Djamena en général et le
9eme arrondissement en particulier, les inondations constituent un
phénomène destructeur partout où elles apparaissent. Dans
ledit arrondissement, les impacts des inondations sont bien nombreux que les
facteurs évoqués dans le chapitre précédent.
4.1- IMPACTS CULTURELS DES INONDATIONS DANS LE
9eme
ARRONDISSEMENT
Au cours de la période d'inondation, la population du
9eme arrondissement fait face à des destructions de bien et
objets culturels très estimables et valeureux à leurs yeux. La
perte du patrimoine culturel, archéologique, historique et ressources
esthétiques d'importance culturelle, religieuse et de lieux
sacrés tels que le cimetière, l'église, la mosquée,
case a fétiche, espace rituel, maison de la culture. Le cas du
cimetière de Ngonba est alarmant, à chaque période
d'inondation, les habitants qui vivent dans les environs du cimetière se
plaignent des odeurs qui se dégagent de ce cimetière. Certaines
tombes qui ne sont pas bien cimentées, lâchent et ce qui provoque
des mauvaises odeurs. Pendant la saison pluvieuse et surtout la période
de débordement des cours d'eau, nous observons la dégradation de
l'environnement dans cet arrondissement. Ce débordement des cours d'eau
détruit les sols, les plantes et les animaux dans les quartiers. En
effet, ce sont les quartiers des bas-fonds ou les gens pratiquent l'agriculture
qui connaissent le plus d'inondation. Nous pouvons dire que les atteintes aux
patrimoines écologiques, culturels et esthétiques sont
également importantes, mais restent difficile à évaluer
avec précision. La destruction des arbres et monuments culturels sont
visibles pendant les fortes pluies et jouent négativement sur la
sociabilité des habitants. C'est dans ce sens que Moun M affirme :
A quelque mètre de chez moi ici, nous avons un
grand arbre ou les jeunes et les enfants viennent souvent pour donner des
conseils, faire des réunions qui concerne la commune, parfois je leur
raconte les histoires, les contes et bien d'autre, on allumait le feu, ce c'est
qu'on appelle arbre à palabre. Sous cet arbre, on faisait les
prières collectives par exemple en cas de rupture de pluie et même
quand il y a les cérémonies genre le baptême, la dot, le
mariage et bien d'autre, c'était sous cet arbre là qu'on
étalait nos nattes. Nous avons interdit aux enfants de monter sur cet
arbre et aux femmes de couper. Il est considéré comme notre
patrimoine ou chacun prend soin sans condition. Maintenant que
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la pluie l'a démonté, nous avons perdu
franchement nos sens de sociabilité dans notre quartier. (Entretien
avec Moun M, 68 ans, chef de terre, à Toukra, 15 septembre 2021).
Selon les propos de notre informateur, les inondations ont un
impact néfaste sur l'environnement dans cet arrondissement.
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