3.1.1- Origines culturelles des inondations
Nous entendons par origine culturelle dans le contexte de
notre recherche, toutes les pratiques culturelles qui provoquent les
inondations dans le 9eme arrondissement de la ville de N'Djamena.
Sur ce, nous avons plusieurs. Nous pouvons citer :
3.1.1.1- Colère des génies
Les mythes de catastrophes sont extrêmement
répandus et font partie de la mémoire collective de
l'humanité. On y trouve généralement l'histoire d'un monde
ancien anéanti et d'une société humaine renaissant de ses
cendres grâce à quelques survivants. Les mythes donnent une
dimension cosmique à des cataclysmes bien réels : tremblements de
terre, éruptions volcaniques, épidémies, inondations...
L'immersion des terres par les eaux ou leur destruction par le feu s'expliquent
par une faute des hommes qui a provoqué la colère des dieux. Le
mythe du Déluge met en scène la fondation d'un monde nouveau et
une forme de « régénération » de
l'humanité.
Jamais auparavant, le 9eme arrondissement de
N'Djamena, on avait été sujet à autant de catastrophes
comme de nos jours. Des inondations par-ci, des incendies par-là, sans
compter les accidents de voitures. Face à tous ces malencontreux
événements, certaines personnes prétendent que cela
découle de la colère des « génies »
présents dans les eaux, les terres et les forêts dans le
9eme arrondissement. Ces génies sont les symboles protecteurs
du Tchad tout entier. Ils inspirent crainte et respect aux habitants, surtout
lorsque ces derniers traversent les cours d'eau. Seulement, il semble que les
génies protecteurs soient rentrés dans une colère noire.
Car pour les anciens, les esprits des eaux, de la terre, de la forêt, ne
sont pas contents et le font savoir. Ce qui est surement à l'origine des
fortes montées des eaux de Chari et Logone
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pour le compte du 9eme arrondissement de la ville
de N'Djamena. Certains riverains disent avoir vu le débit du cours d'eau
augmenter alors qu'il n'y a pas de pluie ce qui est une preuve palpable de
l'intervention des dieux qui réclament leur espace ; c'est dans cette
perceptive que notre informateur Doung, soutient ces propos en ce sens : «
c'était vraiment étrange pour moi ce jour-là de voir
la montée des eaux alors qu'on n'était même pas à la
saison de pluie. Âpres de longue réflexion avec les grands
parents, nous avons concluent que c'était les dieux de l'eau qui veulent
occuper leur espace ». La persistance des inondations dans la commune
du 9eme arrondissement, montre que la nature, après avoir longuement
subi les attaques et les humiliations de l'homme, mettant en colère les
génies de l'eau, ces derniers ont décidé de sortir de leur
silence pour réagir violemment. Cette guerre écologique et
mystique qui a toujours opposé l'homme et la nature tourne maintenant en
faveur de cette dernière. La preuve de cette «
guerre/colère » est que les inondations n'ont
épargné ni les lieux de cultes, ni les maisons des pauvres, ni
les vivres, ni les bébés et ni les personnes
âgées.
Dans la cosmogonie Massa, l'eau, fondatrice du mythe, est
à la fois semence divine et force vitale. En effet, Le gouvina,
génie de l'eau, dont l'apparence habituelle est le serpent-python,
peuplent tous les points d'eau. Selon la croyance, s'ils « quittent le
puits ou la mare, l'eau ne va pas tarder à tarir ». C'est dans
cet angle d'idée que notre informateur affirme ainsi :
Le gouvina n'apparait pas n'importe où et surtout
pas pour rien, quand il apparait c'est surement un malheur qui va s'abattre sur
nous. Dans les années dernières, je ne me souviens pas
exactement, il s'est apparu sur un ancien arbre (Baobab) du quartier et
seulement au lendemain de son apparition, un petit vent qui n'était
même pas violent a démonté cet arbre et causé des
à 3 enfants, une voiture saccagé et une partie de concession
écroulé. En 2012, nous avons aperçu cette fois 2 gouvina
quelque part dans le fleuve Chari, cette même année, la commune a
connu des inondations dramatiques qui a causé des pertes en vies
humaines par écroulement des maisons. Dans ce fleuve, l'année
2020, pendant la saison pluvieuse, 6 enfants dont 2 filles ont
été noyé dans ce fleuve, 2 jeunes garçons qui sont
porté disparus. Après deux jours des longs rites, les 2 jeunes
ont été retrouvés sans vie à Bakara18
là-bas. (Entretien avec Doung, délégué de
Walia, à Walia le 23 septembre 2021).
D'après les propos de notre informateur, l'apparition
ou la présence du dieu de l'eau (gouvina) dans un lieu
quelconque, est signe de malheur qui s'abattra dans ce lieu où
environnant dans les brefs délais. Les esprits ou dieux de l'eau
manifestent leur colère à travers
18 Un petit village situé à la sortie de
Sud-Est de la ville de N'Djamena
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la noyade, débordement d'eau provoquant les
inondations. Cette colère des génies suscite la colère des
ancêtres.
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