Les passerelles entre économie solidaire et économie collaboratvepar Eugenie Lobe Conservatoire national des arts et métiers - Master Sciences humaines et sociales 2017 |
II.2.c Les outils de l'économie collaborative :Quelle que soit la conception de l'économie collaborative à laquelle on adhère, et la segmentation apportée à celle-ci, quelques concepts phares demeurent cependant indispensables à la compréhension de sa dimension opérationnelle. 34 Afin d'atteindre une certaine dimension opérationnelle, l'initiative collaborative doit atteindre une certaine masse critique, correspondant à un nombre défini d'utilisateurs, représentant un gage de fonctionnalité de l'offre et permettant à la plateforme ou la structure, de fonctionner. Cette masse critique est rendue possible, pour de nombreuses structures et/ou plateformes par la démocratisation des nouvelles technologies, de l'usage du numérique et enfin la multiplication des terminaux (PC, portable, smartphones et leurs applications). Cette révolution technologique et numérique, en créant de véritables « places de marché Pair-à-Pair », a facilité le passage à une plus grande échelle et permis le déploiement, pour de nombreuses initiatives, de cette masse critique d'internautes par le biais d'un effet de réseau. La confiance est une monnaie immatérielle, indispensable au fonctionnement de l'économie collaborative. Le capital social est porté par les mêmes mécanismes de réseau, mais la confiance fait ici l'objet d'une merchandisation. Les échanges sur Internet reposent sur un système de réputation par points et/ou commentaires, permettant la création et le maintien de la confiance nécessaire entre utilisateurs de ces systèmes d'échanges, qui ne se connaissent pas entre eux. Cette monétisation de la confiance, rejoint certaines conceptions économistes, comme celle d'Arrow, pour qui la confiance est une marchandise qu'il nomme « externalités ». La confiance a une valeur économique réelle qui augmente l'efficacité du système. Fukuyama, quant à lui, décrit également la confiance comme un facteur essentiel de performance économique. Levier de coopération, la confiance serait selon Russel Hardin42 la résultante d'un calcul rationnel, à partir d'un certain nombre d'informations. Russel Hardin met en avant le concept de « communautés et réseaux de confiance », à travers l'enchâssement d'intérêts des différents agents, les poussant à la confiance mutuelle grâce à une concordance d'intérêts. Lorsque Frederic Mazella lance, en 2006, covoiturage.fr à destination des institutions ou entreprises, la plateforme stagne pendant deux ans, avant que l'équipe en charge du projet ne comprenne que la « relation de confiance » est au centre des principaux freins des voyageurs, qui appréhendaient de partager une telle promiscuité 42Théorie du choix rationnel : théorie qui analyse la conduite des agents suivant leurs motivations, qui s'expriment en termes d'intérêts (plus grand profit ou moindre mal). 35 avec des inconnus. Ils revoient donc leur stratégie autour de la création de liens sociaux, en intégrant un système de notation et d'appréciation. La plateforme devient Blablacar et rencontre le succès qu'on lui connaît. La confiance monétisée de l'économie collaborative se distingue cependant de la confiance générée par le capital social propre aux initiatives de l'économie solidaire, par sa finalité mercantile et non démocratique. L'externalité est une composante du système capitaliste, dont le modèle économique repose sur l'externalisation des coûts liés au transport, et non sur la production, dans le domaine du flux de matière et d'énergie. Le potentiel de développement du modèle pair-à-pair et la réussite de son modèle économique repose aussi sur ce principe, à l'exception de ses manifestations les plus vertueuses qui globaliseront ce qui est léger et localiseront ce qui est lourd. Enfin, l'économie collaborative, si l'on en réfère à Nadine Richez-Battesti43, suit deux modèles économiques de développement : ? Le premier est une interaction en réseau, au sein d'une plateforme animée par des acteurs non assujetti à une relation salariale, et où se développent des relations de type Peer to Peer. ? Le second modèle est celui d'une plateforme Peer to Peer, managée de façon centrale par un administrateur agissant sur la communication. Dans l'un comme l'autre des modèles, une transformation dans les modes d'organisation du travail s'opère, avec des structures privilégiant l'horizontalité à la verticalité, ainsi que la mutualisation des espaces, outils et des biens. Ce bouleversement des modèles économiques par le numérique nous pousse à repenser le travail, tant dans son mode d'organisation que dans la relation identitaire que nous entretenons avec lui. 43 Conférence européenne EMES POLANYI , au CNAM, 19-20 mai 2016 : 36 |
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