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Utilisation des monnaies virtuelles a l'epreuve du droit monetaire congolais: une étude des crypto-monnaies bitcoin et ethereum


par Oscar UFOYURU
Université de Kisangani (UNIKIS) - Licence 2022
  

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CHAPITRE I. CADRES THEORIQUES ET JURIDIQUES

Ce chapitre aborde la question de cadres théoriques dans sa section 1ère, où il touche la théorie du Système monétaire congolais en développant la notion de la monnaie, les princes du Droit monétaire congolais et il expose la compréhension des monnaies virtuelles. Ensuite il aborde le Cadre juridique congolais, incluant les instruments juridiques congolais applicables aux activités liés aux crypto-monnaies dans sa seconde section.

Section I. Cadres théoriques

Cette section est scindée en deux paragraphes, qui s'articulent respectivement sur le Système monétaire congolais (§1) et sur la compréhension des monnaies virtuelles (§2).

I.1 Le Système monétaire congolais

Dans ce cadre, sont abordées successivement : la notion de la monnaie en général (point 1) et les princes du Droit monétaire congolais (point 2).

I.1.1 Notion de la monnaie

On ne cessera jamais de se demander ce qu'est la monnaie et on sera toujours embarrassé d'y répondre, dit H. GUITON, cité par Pr. KATO-KALE Lutina, dans son ouvrage « Le Système monétaire et financier du Congo, évolution environnemental et problèmes ».

La réponse à cette question fondamentale dépendrait selon que l'on se retrouve face aux sociologues, économistes ou juristes. Ces derniers donnent des réponses forts divergentes qui tiennent à des préoccupations non identiques, a fait remarquer D. CARREAU. Le sociologue, par exemple, insistera avant tout sur l'attitude du groupe face au phénomène monétaire, le juriste sur le rôle de l'Etat14. Pour cet auteur donc, le terme « monnaie » renferme plusieurs approches possibles : « l'approche sociologique, numismatique, mythologique, juridique etc. ».

J. DAVID et P. JAFFRE estiment que définir la monnaie est une entreprise difficile sans doute impossible avec une parfaite rigueur. Mais ils estiment qu' « il est donc commode de définir la monnaie par les fonctions qu'elle remplit », puisque « les formes que prend la monnaie sont nombreuses et changeantes ». Ils évoquent que : « la notion de monnaie appartient à un groupe de notions qui s'appréhendent plus qu'elles ne se décrivent. Certains objets trouvent souvent dans l'usage qu'on en fait leur meilleure définition, c'est le cas de la monnaie15.

Après avoir souligné que la réponse à la question de la définition de monnaie ne peut être immédiate et concise vu les diverses façons de l'appréhender, les économistes admettent unanimement que ce concept a évolué pour se cristalliser autour de trois fonctions principales : « unité de compte, intermédiaire des échanges, réserve de pouvoir d'achat ».

14 KATO-KALE Lutina, Le système monétaire et financier du Congo, 1er éd. Bémaf, Kinshasa, 2018, p.32.

15 Idem.

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Il est à noter que cette conception fonctionnelle de la monnaie a traversé des siècles, née dans l'antiquité avec Aristote16. Le Pr. KATO-KALE estime qu'elle continue d'être la conception la plus couramment admise dans l'analyse économique contemporaine. Il cite ainsi G. BRAMOULLE et D. AUGREY qui soutiennent, eux aussi, que « la monnaie se définit par les fonctions qu'elle remplit »17.

Les éléments de la triade fonctionnelle peuvent être ramenés à un diptyque formé de deux seules fonctions dans l'espace, à savoir : « un étalon des valeurs et un agent de circulation ».

En effet, il n'y a de la monnaie que si ces deux éléments sont tous présents. Et quelques soient les formes que peut revêtir la monnaie, ils s'individualisent parfaitement à toutes les époques de l'histoire de la monnaie.

De ce qui précède, il y a lieu d'affirmer que « la monnaie est définie par ses fonctions », comme le souligne B. NOGARO. En d'autres termes, la monnaie existe du point de vue de l'économie, dans toutes les forces du terme, lorsque les dites fonctions sont assurées.

Au-delà, de l'approche fonctionnelle, apparaît « l'approche conceptuelle », puisque l'approche fonctionnelle peut apparaître incomplète dans la mesure où sur le plan économique, elle conduit à considérer la monnaie comme une voile et amène à la théorie quantitativiste de la monnaie. Il est donc nécessaire, chez les économistes, de compléter l'étude de ce que fait la monnaie par celle de ce qu'elle est en tant que phénomène économique. Cette approche conceptuelle, opposée à l'approche fonctionnelle, n'est pas suffisante aussi à elle seule, pour définir la monnaie sans référence à ses fonctions. Mais elle permet d'aborder de nouveaux aspects qui donnent une vision plus complète de la nature des moyens d'échange congolais, estime le Pr. KATO-KALE18.

L'approche conceptuelle recouvre trois conceptions de la monnaie qui en font soit un bien, soit un actif, soit encore une institution.

Comme « bien » et « actif », la monnaie est à la fois un étalon des valeurs, c'est-à-dire une marchandise, et cela avant d'être un intermédiaire des échanges, une unité de compte et un réservoir de valeur. Et parce qu'elle remplit la fonction de réserve de pouvoir d'achat, qu'elle soit détenue ne fut-ce que temporairement, la monnaie entre dans le patrimoine de son détenteur et peut donc être qualifiée d' « actif » monétaire19.

Comme « institution » : cette conception procède de l'absence de la sanction par l'Etat d'une unité de compte. On fera ressortir ici le caractère conventionnel de la monnaie, lequel n'implique point une intervention de la puissance publique20.

16 Wikipédia, monnaie, [en ligne], 2023. Disponible sur: https://.fr.m.wikipedia.org (consulté le 21 aout 2023).

17 KATO-KALE Lutina, op. cit. p.33

18 Ibid.

19 Ibid.

20 Ibid.

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Au départ la monnaie était une marchandise qui avait une valeur propre, comme des « troupeaux, l'or... », Puis avec le temps celle-ci a changé de forme et des chiffres apposés sur du papier sont venus remplacer la marchandise échangée contre la marchandise. Le papier pouvait, désormais être échangé contre la marchandise, à l'instar de certificats-or. De nos jours, la monnaie est devenue fiduciaire, c'est-à-dire que la valeur de la monnaie repose sur la confiance du public en sa valeur, car celle-ci n'est plus intrinsèque à la monnaie. La monnaie fiduciaire est donc la monnaie émise par une autorité centrale. La confiance est l'élément central des systèmes monétaires fiduciaires21.

Toutefois avec l'avènement de l'internet et l'avancée technologique sont apparus de nouveaux systèmes monétaires, différents des systèmes monétaires fiduciaires. Ces nouveaux systèmes monétaires sont numériques et virtuels qui seront développés dans les points qui suivront.

Afin, en dehors de tous ces éléments évoqués, analysé du point de vue événementiel, le décret du 27 juillet 1887 instaurant le franc congolais dans l'Etat Indépendant du Congo22 contenait en germe des principes issus de quatre faits, les quels bouleversèrent l'univers monétaire congolais. Il y a notamment « la souveraineté monétaire, la territorialité monétaire et le nominalisme monétaire ». Ces faits seront développés dans le point suivant.

I.1.2 Principes du Droit monétaire congolais

Avant d'aborder les théories contemporaines, nous allons d'abord exposer les principes issus de quatre faits, dans le décret du 27 juillet 1887 analysés par le Pr. KATO-KALE, notamment « la souveraineté monétaire, la territorialité monétaire et le nominalisme monétaire23 ».

a. Principes de la souveraineté monétaire

Historiquement, avant le décret du 27 juillet 1887, il n'y avait manifestement pas existé de titulaire de pouvoir monétaire dans l'ancien bassin du Congo.

L'Etat Indépendant du Congo était une monarchie absolue comme ses devanciers dans le Bassin.

En légiférant sur la monnaie de l'Etat, Léopold II fit de celle-ci un attribut de la souveraineté. Cette souveraineté monétaire entraina une triple conséquence:

- Rejet de la théorie sociologique de la monnaie. Ainsi, la théorie selon laquelle il n'y avait de monnaie que par l'usage commun et la confiance d'un groupe social déterminé (l'idée d'une monnaie exclusivement fiduciaire) était à rejeter. La monnaie était devenue désormais un fait du principe.

21 ERWAN Jonchères, op. cit. pp.1-10.

22 E.I.C, le décret du 27 juillet 1887 instaurant le franc congolais, Bulletin officiel, 1887.

23 KATO-KALE Lutina, op. cit. pp.90, 523.

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- La monnaie propriété du souverain. L'article 2 du décret précité renferme des dispositions comme suit : « nous nous réservons de frapper, pour l'Etat Indépendant du Congo, une monnaie de paiement en or de 20 francs, des monnaies divisionnaires... ». Par ces dispositions, Léopold II s'attribua le droit régalien de battre monnaie.

- La monnaie, attribut du pouvoir souverain. Autrement dit, la définition de la monnaie congolaise devait désormais faire intervenir la notion de l'Etat ou, de façon générale, du pouvoir souverain de jure ou de facto. Ainsi, la monnaie qui devrait circuler sur le territoire de l'E.I.C, n'était juridiquement de la monnaie que si son émission était créée ou autorisée par l'Etat, a contrario, que la monnaie ne pouvait perdre ce caractère qu'à la suite d'une démonétisation formelle.

En effet, de nos jours, la RDC exerce la souveraineté en matière monétaire en émettant et contrôlant sa propre monnaie, le franc congolais. La Banque Centrale du Congo est chargée de veiller à la stabilité de la monnaie nationale et de prendre des mesures pour préserver la valeur du franc congolais24 25.

Pr. KATO-KALE estime que le concept même de la monnaie ne se saurait être étudié sans aucune référence à l'autorité territoriale suprême de jure ou de facto, le plus souvent, au phénomène étatique. Tel est le point de départ de la doctrine qui a fondé le principe de la souveraineté.

En plus, la souveraineté de l'Etat en matière monétaire a été reconnue depuis longtemps par les plus hautes instances nationales et internationales. En conséquence les lois nationales doivent produire les effets qui sont reconnus par les Etats étrangers et leur sont opposables.

b. La territorialité monétaire

La notion de territorialité et son insertion dans la définition « légale » de l'unité monétaire du Congo, datent une fois de plus avec l'avènement du franc. Outre la notion de la souveraineté monétaire, le décret précité s'articulait également sur celle de « monnaie et territoire », dès qu'il portait l'adoption d'un système monétaire pour « l'E.I.C ».

De nos jours, la même règle est consacrée dans l'article 170 de la constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 et l'article 61 alinéa 2 de la loi organique n°18/027 du 13 décembre 2018 portant organisation et fonctionnement de Banque Centrale du Congo, combinés, qui disposent que : « les billets de banque et les pièces de monnaie émis par la Banque ont... le pouvoir libératoire sur toute l'étendue du territoire congolais ».

24 RDC, Constitution de la RDC du 18février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011, article 176, In JO de la RDC, numéro spécial, Kinshasa, 5 février 2011.

25 RDC, Loi organique n°18/027 du 13 décembre 2018 portant organisation et fonctionnement de Banque Centrale du Congo, article 63, in JO de la RDC, 1ère partie, numéro spécial, Kinshasa, 28 décembre 2018.

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c. Le nominalisme monétaire

Le décret du 27 juillet 1887 contenait en germe le principe nominaliste. D'après ce principe, la monnaie a une valeur qui est déterminée, imposée par le souverain.

L'unité monétaire, comme l'écrit le Doyen Carbonnier, c'est avant tout un mot, le nom monétaire. Sur ce postulat repose le principe du nominalisme monétaire selon lequel une unité monétaire est toujours égale à elle-même dès que son appellation n'a pas changé.

Ce principe est consacré, de nos jours, aussi dans les mêmes dispositions de l'article précité de la constitution de la RDC et dans le 1er alinéa de l'article 61 de la même loi organique, qui disposent : « le franc congolais est l'unité monétaire de la RDC ».

Après l'évolution du système monétaire congolais et les différentes reformes monétaires, se sont ajoutés, aux trois principes ci-hauts, « la théorie de monnaie légale, de monnaie fiduciaire, la liberté de la détention de monnaie étrangère (dollarisation), prévention de la fraude et du blanchiment d'argent etc.».

d. Principes de la monnaie légale

Ce principe est fondé sur l'idée que seule la monnaie émise par l'Etat a cours légal. Ce principe est le corollaire de la souveraineté monétaire.

Les mêmes articles cités au point b. (art.170 de la constitution et l'article 61 al. 2 de la loi organique n°18/027 du 13 décembre) consacrent ce principe. Ils stipulent que « les billets de Banque et les pièces de monnaie émis par la Banque ont « cours légal » et le pouvoir libératoire sur toute l'étendue du territoire congolais ».

e. Principes de la monnaie fiduciaire

Cette théorie est basée sur la confiance (fidus) que les gens ont dans la monnaie. Son pouvoir est conféré par l'usage commun et la confiance du groupe social (la théorie sociologique de la monnaie).

En à croire l'idée derrière ce principe, certaines cryptomonnaies, à l'occurrence du Bitcoin dont la confiance ne cesse de progresser, pourraient être qualifiées de monnaies fiduciaires. Par contre, lorsqu'on analyse les dispositions des articles des textes sous examens, dans l'esprit du législateur congolais, la notion de la monnaie fiduciaire n'est pas la même avec celle développée dessus.

L'article 63 de la loi organique précitée, dans son 2ème alinéa, stipule que la Banque assure l'entretien de la « monnaie fiduciaire » et gère la bonne qualité de sa circulation sur l'ensemble du territoire national. Ici la loi assimile ou qualifie simplement la monnaie de la Banque Centrale du Congo, le franc congolais, de la monnaie fiduciaire.

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f. La liberté de la détention de monnaie étrangère (dollarisation)

La détention des monnaies étrangères, les transactions et les prestations de services sur le territoire national sont libres.

Les transactions se déroulant sur le territoire congolais, les prestations des services s'expriment, se dénouent, sont évalués et rémunérés en monnaie nationale. Elles peuvent également l'être en monnaies étrangères selon les modalités édictées par la BCC26 27.

La liberté de la détention des monnaies étrangères a pour corollaire, la légalisation de la concurrence monétaire multiple. Et donc, lieu est d'affirmer que le marché de change congolais est également libre.

Par contre, la règlementation du change de la RDC précise, dans son article 4 point 3, que ces monnaies étrangères ou unités des concepts doivent être cotées par la BCC qui en publie quotidiennement le cours de change28.

En effet, l'histoire nous renseigne que, de prime abord, les présidents de la RDC, en fonction, ont usé de leur compétence pour réagir, chacun, à ce phénomène.

- Contre le principe de la liberté .
·
les présidents J.D MOBUTU et L.D KABILA qui ont respectivement pris l'OL n°66/584 du 14 octobre 1966 et le DL n°177 du 8 janvier 1999, tous relatifs au régime des opérations en monnaie congolaise ou nationale.

- Pour le principe de la liberté .
·
le président J. KABILA avec son décret n°004/2001 du 31 janvier 2001 relatif au régime des opérations en monnaie nationale et « étrangères » en RDC.

Il faut noter que ce décret a été signé sous pression des institutions de Bretton Woods, selon Pr. KATO-KALE, afin que la RDC renouât avec le « libéralisme économique ».

Il conclut que ce décret qui a officialisé la dollarisation de la RDC a causé du tort à l'économie nationale en violation de l'art. 170 de la constitution du 18 février 2006 et porte atteinte au droit seigneuriage de l'Etat Congolais et d'office à quelques-uns des principes précités. Il renchérit, que ce décret fait de la RDC, une colonie de la communauté monétaire internationale, puisque le dollar américain, l'euro, toutes les monnaies de 9 pays limitrophes (le franc CFA, le franc rwandais, le kwanza angolais, le kwacha zambien, le shilling ougandais, etc.), et autres monnaies cotées par la BCC circulent concomitamment sur le territoire national29.

26 RDC, Décret-loi n°004/2001 du 31 janvier 2001 relatif au régime des opérations en monnaie nationale et étrangères en RDC, Les articles 1er et 2ème, in codes Larcier, tome III.

27 BCC, la règlementation du change en RDC, article 4 point 1, in J.O de la RDC, n° spécial, 28 mars 2014.

28 Ibid.

29 KATO-KALE Lutina, op. cit. pp. 523-527.

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A cela, la Banque Mondiale ajoute, pour le déplorer, que quatorze ans après l'entrée en vigueur du décret-loi en question :

- Le volume exact des monnaies étrangères dans l'économie congolaise n'est pas connu des pouvoirs publics ;

- La dollarisation réduit la capacité de la BCC à agir comme préteur en dernier recours et accroit la vulnérabilité du système monétaire et financier congolais.

g. Prévention de la fraude et du blanchiment d'argent

Le droit monétaire et financier congolais met l'accent sur la lutte contre la fraude financière, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Les institutions financières sont tenues de mettre en place des mesures de contrôle interne, de diligence raisonnable et de déclaration des transactions suspectes afin de prévenir ces activités illicites.

La loi n° 04/016 du 19 juillet 2004 portant sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme définit un cadre juridique permettant la prévention, la détection et, le cas échéant, la répression des actes constitutifs de financement du terrorisme. Elle s'inspire de textes juridiques et réglementaires internationaux tout en respectant les réalités nationales30.

Au nombre des mesures arrêtes pour la prévention de l'infraction du blanchiment de capitaux, figurent notamment, la fixation des seuils pour les transactions en espèces et l'obligation de vigilance à charge des établissements de crédit et autres personnes physiques ou morales assujetties31.

Dans sa philosophie, cette prévention vise à garantir la transparence des relations économiques notamment en assurant que le droit des sociétés et les mécanismes juridiques de protection des biens ne permettent pas la constitution d'entités fictives ou de façade32.

h. Protection des intérêts des consommateurs

Le droit monétaire congolais prévoit des dispositions visant à protéger les intérêts des consommateurs de services financiers. Cela inclut des réglementations sur la transparence des frais bancaires, la divulgation d'informations aux clients ainsi que des mécanismes de résolution des différends entre les clients et les institutions financières.

30 MUGISA Richard, Règlementation du change, cours inédit, Faculté de Droit, L2 D.E.S, UNIKIS, Année 2022, p. 47.

31 Ibid.

32 Ibid.

33 Légifrance, loi n°2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au Droit de l'Union européenne en matière économique et financière, JORF, n°0024 du 29 janvier 2013.

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I.2 Compréhension des monnaies Virtuelles

Ce second point s'articulera sur trois sous-points respectivement : « La clarification des concepts opérationnels,

I.2.1 La clarification des concepts opérationnels

a. Monnaie Virtuelle ? Prélude

En RDC, la monnaie virtuelle est considérée comme une unité de compte n'ayant pas de statut légal, en se référant au communiqué de la BCC sur les crypto-monnaies. A ce titre ces monnaies ne sont pas régulées par la BCC et ne sont ne sont pas délivrées par des établissements financiers.

Ainsi, elle se distingue de la monnaie électronique qui est valeur monétaire, et ne doit pas être confondue avec elle.

Au sens de la réglementation du change en RDC du 25 mars 2014, dans son article 1er point 34 et l'article 3 point 23 de la loi n°18-019 du 9 juillet 2018 relative aux systèmes de paiement et de règlement-titres, on entend par la monnaie électronique : « valeur monétaire qui est chargée sous une forme électronique, représentant une valeur sur émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d'opérations de paiement qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que son émetteur ».

Il importe de noter que cette définition la monnaie électronique est une copie parfaite de l'article 315-1 du Code monétaire et financier français puis de l'article 5 de la loi n°2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au Droit de l'Union européenne en matière économique et financier33

Le Pr. KATO-KALE a écrit que « le système monétaire congolais s'est enrichi de la circulation d'une nouvelle forme de monnaie, que d'aucuns appellent informatique ou monnaie électronique... lancé aux USA, la monnaie électronique n'est autre que la monnaie sculpturale informatisée car les chèques et les virements ne sont plus écrits à la main, mais enregistrés par un code spécial sur les ordinateurs ».

Ainsi, il y a lieu de comprendre que les monnaies électroniques sont exprimées dans les unités de compte que la monnaie fiduciaire et qu'elles ne sont qu'un moyen de paiement et non un instrument.

? Définition et type des monnaies virtuelles

Il n'existe aucune part dans les sources congolaise, où la monnaie virtuelle est définie, suite à notre fouille. Ainsi, nous avons recouru à des définitions des institutions extranationales.

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La Banque Centrale Européenne soulève trois critères pour définir les monnaies virtuelles notamment : « absence de régulation par un banque centrale, ne sont pas délivrées par les établissements financier et la suppression de l'organisme d'échange34 ».

En 2012, la BCE a défini la monnaie virtuelle comme « un type de monnaie numérique non réglementée, émise et généralement contrôlée par ses développeurs, utilisée et acceptée par les membres d'une communauté virtuelle spécifique35 ».

En 2013, le Financial Crimes Enforcement (FinCEN), un bureau du Trésor américain, contrairement à sa réglementation qui définit la monnaie en papier des Etats-Unis ou de tout autre pays désigné comme ayant cours légal et qui circule et habituellement utilisée et acceptée comme moyen de d'échange dans le pays d'émission, a défini la monnaie virtuelle comme « un moyen de paiement qui fonctionne comme une monnaie dans un pays36 ».

En 2014, l'Autorité bancaire européenne a défini la monnaie virtuelle comme « une représention numérique de la valeur qui n'est ni émise par une banque centrale ou une autorité publique, ni nécessairement rattachée à une monnaie officielle mais qui acceptée par les personne physiques ou morales comme moyen de paiement et qui peut être transférée, stockée ou négociée électroniquement37.

La BCE distingue, ainsi, trois types de monnaie virtuelle38 :

? La monnaie virtuelle fermée utilisée dans les jeux vidéo. Elle a une existence limitée au cadre du jeu.

? La monnaie virtuelle avec un flux unidirectionnel peut être achetée avec une devise

légale, à un taux de change défini, mais ne peut être reconvertie en monnaie légale.

? La monnaie virtuelle avec un flux bidirectionnel, (les crypto-monnaies). C'est cette

dernière catégorie qui fera l'objet de cette étude.

b. Cryptomonnaie

Une cryptomonnaie (crypto-actif, crypto-devise ou encore cybermonnaie) est un actif numérique ou virtuelle émise de pair à pair, sans nécessité le contrôle des banques centrales, utilisable au moyen d'un réseau numérique décentralisé. Elle qui utilise la technologie de cryptographie comme sécurité et associe l'utilisateur aux processus d'émission et de règlement des transactions39.

34 Banque Centrale Européenne, Virtual Currency Schemes (schémas de devises virtuelles), Rapport BCE, octobre 2012, une analyse ultérieure, BCE, février 2015. Disponible sur www.theses.fr/pdf consulté le 27 juillet 2023.

35 Banque Centrale Européenne, op. cit.

36 Wikipédia, monnaie virtuelle, [en ligne], 2023. Disponible sur disponible sur: https://www.fr.m.wikipedia.org (consulté le 21 aout 2023).

37 Wikipédia, monnaie virtuelle, op. cit.

38 DA SILVA Sigolène, monnaie électronique et monnaies virtuelles, in billet de banque, 12 novembre 2015, Disponible sur www.panorabanque.com, consulté le 27 juillet 2023.

39 ANDERSON James, op.cit. p.10.

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Les crypto-actif sont des actifs numériques ou monnaies virtuelles dont la particularité est de fonctionner sur la blockchain. Le concept « crypto-actif » désigne de

manière neutre et générique à la fois les crypto-monnaies et les tokens40.

Les idées de monnaie virtuelles sont nées vers 1980. Le cryptographe américain David Chaum a inventé aux Pays-Bas la première forme de monnaie virtuelle en 1889 : le DigiCash. Sa technologie étonnante et son produit eCash ont très vite attiré l'attention des médias. Néamoins DigiCash a échoué dans son projet d'adoption massive et son entreprise a vite fait faillite en 1998.

Avec la crise économique de 2008 aux Etats-Unis et la mise en lumière du comportement impitoyable des évangélistes de la finance mondiale. De cette crise a émergé en 2009 un livre blanc publié par un développeur (ou un groupe développeur) utilisant le pseudonyme de Satoshi Nakamoto expliquant le concept, la technologie et le code source pour l'implémentation de la chaîne de blocs (blockchain). Parallèlement, il a introduit le Bitcoin, la première crypto-monnaie au monde.

La blockchain se heurte à la difficulté inhérente de remplacer toutes les formes d'autorité centrale par un protocole de confiance de type peer-to-peer et open source décentralisé. Il y a environ 16 millions de bitcoins en circulation à ce jour qui génèrent une capitalisation boursière totale d'environ 50 milliards de dollars américains41.

Bref, crypto-monnaies sont reparties en trois générations dont la première est représentée par le Bitcoin (2009) solidement implantée et considérée comme initiateur de l'engouement médiatique. La deuxième génération présente soit les améliorations mineures, soit les innovations technologiques permettant des nouvelles fonctionnalités (2011). L'archétype de cette génération est l'Ethereum qui est dérivé de code source de contrats intelligents. La troisième génération (2017) des nouvelles crypto-monnaies ont vu le jour, comme EOS.IO, Cardano (ADA) AION, etc.42.

c. Cryptographie

Le code du numérique congolais définit la cryptographie comme « l'ensemble des principes, moyens et méthodes de transformation des données, dans le but de cacher leur contenu, d'empêcher que leur modification ne passe inaperçue et/ou d'empêcher leur utilisation non autorisée43 ». La cryptographie permet à deux personnes d'échanger des messages sans que ceux-ci puissent être interceptés par des tirs. Elle consiste à déterminer un algorithme pour crypter les messages et un autre pour décrypter44.

40 QUINIOU Mattieu et DEBONNEUIL Christophe, glossaire blockchain, Chaire UNESCO ITEN, éd. de l'immatériel, Paris, avril 2019, p.18.

41 SAUREL Sylvain, tout sur le Bitcoin : crypto-monnaie de 3ème génération, de quoi parle-ton ? [En ligne]. Disponible sur: https://www.toutsurlebitcoin.fr (consulté le 07 juillet 2023).

42 Ibid.

43 RDC, OL n°23/010 du 13 mars 2023 portant code du numérique, article 2 point 23, Kinshasa, palais de la nation 13 mars 2023.

44 QUINIOU Mattieu et DEBONNEUIL Christophe, op. cit. p.19.

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d. Bitcoin45

Le Bitcoin est un système de transaction électronique fonctionnant sur le principe de la blockchain ou de chaîne de blocs, qui est une technologie de stockage et de transmission d'information sans organe central de contrôle.

Le Bitcoin (avec une majuscule) désigne la première blockchain dont la description a été publiée en 2008 sous le nom « Bitcoin : un système de monnaie virtuelle en pair à pair.

Le bitcoin (avec une minuscule) désigne l'actif numérique transféré sur la blockchain Bitcoin. Le nombre total de bitcoins a été fixé arbitrairement par son créateur à 21 millions. Ceux-ci sont émis actuellement à un rythme de 12,5 bitcoins toutes les 10 minutes environ et servent à récompenser le mineur ayant constitué le bloc le plus récent.

e. Ethereum

Est un protocole d'échanges décentralisés permettant la création par les utilisateurs de contrats intelligents. Ces contrats intelligents sont basés sur un protocole informatique permettant de vérifier ou de mettre en application un contrant mutuel. Ils sont déployés et consultables publiquement dans une blockchain46.

f. Blockchain

Une blockchain est un registre distribué basé sur une structure de données appelée chaîne de blocs. Il existe des blockchains publiques et privées. Plusieurs groupes de la grande distribution et du secteur bancaire ont déjà créé leur blockchain privée47.

I.2.2 Caractéristiques et fonctionnement des monnaies virtuelles sélectionnées a. caractéristiques

Ces monnaies présentent quelques caractéristiques spécifiques qu'il convient de décortiquer :

? Autorégulation : le mécanisme d'autorégulation est expliqué par le fait que ces monnaies ne dépendant pas de banques centrales.

Les monnaies « classiques » sont émises par la banque centrale, sous l'autorité ou par délégation d'un gouvernement. Dans le cas des crypto-monnaies, ce pouvoir central n'existe pas48 ;

45 Ibid.

46 Wikipédia, Ethereum, [en ligne], 2023. Disponible sur disponible sur: https://www.fr.m.wikipedia.org (consulté le 21 aout 2023).

47 QUINIOU Mattieu et DEBONNEUIL Christophe, op. cit. p.12.

48 LEVY-LANG André et MATEU Jean-Bernard, « Monnaie électronique et supervision monétaire (chap 9) », in : CHAMBON Jean-Louis, Désordre dans les monnaies, éd. Eyrolles, Paris 2019, p.125.

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+ Irréversibilité des transactions : le réceptionnaire de la monnaie ne peut pas subir d'annulation. Inversement le donneur d'ordre ne peut rétracter son paiement ;

+ Lobby bancaire s'opposant à l'utilisation de ce type de monnaie et défendant les systèmes de paiement utilisant les monnaies dotées de cours légal ;

+ Absence de plafond et minima dans les transferts.

b. Processus de qualification (Fonctionnement) b.1. Les crypto-monnaies comme toutes les autres monnaies49

Partant de la définition économique (fonctionnelle) de la monnaie, certaines crypto-monnaies à l'occurrence du bitcoin répondent, quoi qu'imparfaitement, aux trois fonctions économiques de la monnaie. Il sert en effet d'50 :

+ Un moyen d'échange : il sert d'un instrument de paiement dans le système Bitcoin ;

+ Une réserve de valeur : puisqu'il crée sa propre masse monétaire ; + Une unité de compte, permettant d'évaluer les biens et services.

Donc économiquement, le bitcoin, l'ethereum et les autres crypto-actifs portent parfaitement cette appellation de « monnaie virtuelle et crypto-monnaie », si ce n'est que la trop forte volatilité de certaines d'entre elles qui les empêche d'être une monnaie stable.

En tant que juriste, il importe, de se demander qu'en est-il donc juridiquement ? la seule prise que le droit ait sur la monnaie concerne le caractère absolu de son pouvoir libérale, cette prise est d'ailleurs plus politique que juridique : « il s'agit du cours légale », conformément aux dispositions des articles et principes évoqués au 1er point de ce chapitre.

Il y a lieu de déduire de ces dispositions que le bitcoin, l'ethereum et les autres ne sont pas des monnaies légales, leur acceptation en paiement n'est donc pas garantie par la loi.

Cependant il faut à l'instar de G. Martin cité par A. Perrin51 il faut opérer une distinguo entre le pouvoir libératoire et le cours légal. En effet la notion de pouvoir libératoire est plus large que le cours légal, puisqu'elle désigne « l'habileté d'une monnaie à désintéresser le créancier ». Or la plus part des crypto sont acceptés en paiement par une communauté d'utilisateur, ils disposent ainsi d'un certain pouvoir libératoire.

Si l'on considère, en prenant parti pour la théorie sociologique, l'absence de cours légal de ces dites monnaies n'exclut pas leur qualification de monnaie lorsqu'elle se définit avant tout comme un consensus social. Ce serait « une monnaie du fait des usagers » autrement, la notion de la monnaie fiduciaire serait remplie.

49 Ibid.

50 PERRIN Amaury, op. cit.

51 Ibid.

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Ainsi notamment l'idée de l'ensemble des utilisateurs du bitcoin qui accorde une confiance au système, c'est un acte de foi dans le fait que ce bien sera accepté dans les échanges et un acte d'espérance dans les le fait qu'il ne se dépréciera pas.

Dans un arrêt de la cour de justice de l'Union européenne, du 22 octobre 2015, n° C264/14, Skattverket c/ David H. la question se posait à la cour de savoir si la conversion de bitcoins en monnaie traditionnelle était soumise à la TVA, celle-ci a répondu par la négative en qualifiant le bitcoin de devise virtuelle. Dès lors, en France, les opérations portant sur le bitcoin relèveraient du régime d'exemption de TVA prévu pour les opérations sur devise52.

En titre de conclusion J. Huet, en tire que le bitcoin est une monnaie privée, une monnaie contractuelle53. Néanmoins, A. Perrin estime que qualifier le bitcoin de monnaie conventionnelle ne satisferait pas le processus de qualification juridique puisqu'aucun régime ne découle d'une telle qualification.

Quant à la qualification de monnaie électronique, la question était déjà éclairée dans la partie « monnaie virtuelle ».

Si les crypto-monnaies satisfont aux fonctions monétaires, il n'en est pas moins également un actif spéculatif. L'administration fiscale française les considère comme un bien dont la cession est imposée au titre des plus-values54.

b.2. Les crypto-monnaies comme instrument financier

La forte attractivité du bitcoin et l'augmentation du nombre de ses utilisateurs, a conduit à la constitution de plates-formes d'échanges permettant la cotation de cet actif. Conçu comme monnaie virtuelle, sa démocratisation a entraîné un phénomène spéculatif incontrôlable. Aujourd'hui la plus part de ces crypto ne sont pas recherchées pour leurs caractéristiques de monnaie d'échange, mais bien plus pour leurs qualités d'actifs spéculatifs. L'acquéreur de certaines comme le bitcoin est d'ailleurs qualifié « d'investisseurs » et son objectif est principalement de faire du profit sur une cession ultérieure55.

Ce caractère spéculatif vivement critiqué n'a pas empêché la grande banque américaine Goldman Sachs d'ouvrir un bureau proposant des services liés au bitcoin, selon A. Perrin. Le but est de permettre son utilisation, aux investisseurs, comme sous-jacent de contrat financier en spéculant sur son cours.

Ces éléments poussent à examiner la piste de l'instrument financier comme qualification et régime juridique de ce « crypto-monnaies ».

52 Ibid.

53 HUET Jérôme, Le Bitcoin, dont la légalité paraît admise, est une sorte de monnaie contractuelle, RDC 2017, n°113 v4, p.54.

54 PERRIN Amaury, op. cit.

55 Ibid.

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L'article 3 point 19 de la loi n°18-019 du 9 juillet 2018 relative aux systèmes de paiement et de règlement-titres cite une liste exhaustive des instruments de paiement notamment : « chèque, lettre de change, billet à ordre, ordre de virement, avis de prélèvement et carte de paiement ». C'est le 20ème point qui définit l'instrument de paiement électronique comme tout dispositif qui, permet d'effectuer des paiements par voie électronique ou numérique. Mais les conditions de l'émission de ces instruments de paiement électronique font exclure ces monnaies virtuelles de ces qualifications suite à l'absence de leurs émetteurs.

Comme actifs également, elles ne correspondent pas pour être qualifiées du contrant financiers aux termes de la loi précitée.

Ainsi, il importe de noter que ces monnaies virtuelles présentent extrêmement de risques, liés à sa nature complexe, qu'un encadrement spécial est indispensable. Cependant, les catégories juridiques existantes semblent toutes trop étroites et pour cause, la technologie de blockchain et la régulation ne font pas bon ménage.

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