Histoire du groupement de mukangala dans la chefferie de Luindi en territoire de Mwanga de 1930-2019par Alexandre Mukamba Mulungula Institut supérieur pédagogique de Bukavu - Graduat 2021 |
I.3.1. Origines des BahofaSelon la tradition orale, qui n'en donne qu'une seule version, les Bahofa seraient venus de Kitutu, chez les Bakute de la famille de Lubemba. Ils auraient suivi le chemin menant vers Luhwinja à la recherche de la sécurité, car les Bahofa s'étaient disputés à Kitutu avec les Bakute. Ceux-ci formaient des groupes composés des véritables guerriers qui étaient de plus en plus sollicités pour des renforts. Après un temps passé à Luhwinja, ils jugèrent bon de rentrer chez eux à Kitutu. En cours de route, les Bahofa firent une esclave à Lwindi où ils avaient été attirés par le milieu et avaient décidé de s'installer à trois endroits différents, à savoir : Ngendje, Kanenge et Ilemba. Pendant ce temps, le chef du groupe Bahofa soutenait fort le mwami de Luindi. Il lui soigna sa plaie dite incurable et guérit son fils qui souffrait de l'épilepsie pendant plusieurs années. Il a aussi combattu énergiquement du côté du mwami et arracha beaucoup de victoires en sa faveur. Devant cette campagne victorieuse remportée grâce à son ami guerrier, le mwami sollicita encore Bahofa de combattre Muhindo qui occupait illégalement Ihanga et Mukangala. A l'issue de la bataille, cette entité revint à Lisasu Lubula grand frère de Bahofa, et Ihanga échut à Bahofa en guise de récompense pour la victoire gagnée27(*). I.4. Origines des Lega : Bunyoro28(*)Les historiens affirment que les Bantu avaient fui la désertification du Sahara vers le deuxième millénaire avant notre ère. Dans cette fuite, ils ont pris deux directions : Une tranche s'est dirigée vers le Sud-ouest du Sahara et a atteint la région de Bénoué (NOK). C'est elle qui forma le noyau bantu occidental. Une autre tranche s'est orientée vers Sud-est du Sahara et a abouti au Nil moyen (Kouch). Elle aurait formé dans le Bunyoro le noyau bantu oriental. Les Lega auraient appartenu à ce groupe. Nous considérons donc Bunyoro comme le milieu originel des Lega pour deux raisons. D'une part, parce que c'est à partir de ce site que le non Lega serait attribué à un petit groupe qui, plus tard, désignera toute une tribu. D'autre part, parce que c'est le premier noyau des Lega. Le Bunyoro s'étendait entre le lac Albert à l'Ouest et l'Ouganda à l'Est, le fleuve Nil et le lac victoria au Nord, et le royaume de Toro au Sud. C'est une région très favorable, par la nature, à cause de son sol volcanique assez bien arrosé permettant une bonne culture des bananes. Cette fertilité de sol peut justifier l'installation des Bantu dans cette région. L'installation des Bantu dans le Bunyoro n'est pas définitive suite aux attaques extérieures des Selluk et Dinka ; une grande partie de la population bantu parmi laquelle les Lega, quitte la région et se lance à la quête de nouveaux territoires. Ceci est affirmé par Lybeth en ces termes : « Au XVe siècle sous la poussée des Silluk et Dinka, les bantu de l'entre Albert-Victoria se mettent en route par la tracée de Ruwenzori. Ils forment les groupes Bakumu et Warega »29(*). Causes des migrations des LegaSans entrer en détail, nous citons à titre d'exemple, les causes principales de migrations lega. a) Opposition entre membres de la famille ou opposition ainé-cadet. Elle met aux prises les enfants d'une même famille, c'est-à-dire l'ainé et cadet. Elle résulte surtout du conflit de pouvoir. Des fois, il arrive qu'après la mort du père, le cadet ne veut pas accepter l'autorité de l'ainé. Il s'oppose à lui et veut même le dominer. Devant cette situation, l'opinion publique peut être partagée. Les uns soutiennent l'ainé, les autres le cadet. A cause de son pouvoir légitime, si le père ne l'avait pas déshérité, l'ainé peut avoir beaucoup de partisans. Le contraire peut être aussi et cela compte tenu des qualités du cadet : sagesse et justice. Dans tous les cas, l'un parvient après tout à s'imposer sur l'autre. Le vaincu est souvent obligé de quitter le pays, il va fonder avec son groupe un nouveau village. Toutefois, ils se reconnaissent comme des frères et entretiennent parfois de bonnes relations. Le cas des Bashikumbilwa et des Bashimwenda en territoire de Mwenga. Comme nous venons de le voir, l'opposition ainé-cadet peut provoquer la scission d'un groupe. b) Opposition intra-groupe30(*) Elle n'est autre chose que le conflit qui éclate à la l'intérieur d'un même groupe opposant les jeunes et les vieux. Parlant de ce genre d'opposition, Darcet écrit : « Les générations actuelles ne veulent pas obéir aux lois mises en place par les hommes de vieilles générations dans une société qui n'évolue pas beaucoup pendant toute la vie »31(*). Dans les sociétés dites traditionnelles, l'homme n'est jamais isolé ; il passe sa vie dans une unité sociale ayant ses us et coutumes. Ceux-ci constituent le fil conducteur de l'unité sociale ; tout membre est obligé de les observer pour la bonne marche du groupe. Leur violation doit être sévèrement punie par la société. Parfois, l'individu quittait avant que des mesures du groupe ne soient prises. Roger Sendegeye aborde dans le même sens en affirmant : « la non obéissance aux lois étai sévèrement sanctionnée des menaces de calamités sur le milieu social. Certains gens ou des familles entières partent avant que le poids des sanctions ne pèse sur elles. » Et Mulungbati d'ajouter : « un exemple si intéressant peut illustrer nos propos sur la scène qui s'est passé à Mawe. Il s'agit d'un homme répondant au nom de Kitunde Mukambilwa qui était tombé amoureux de sa belle-soeur », l'épouse de son petit frère. Etant donné qu'il ne pouvait pas le lui dire, il garda ce sentiment à coeur tout en préparant son coup. Un jour aux environs de dix heures, Kitunde s'était rendu au champ où sa « belle-soeur » était seule. Là, il fit appel à l'épouse de son petit frère qui vint, car elle ne n'attendait pas à l'événement qui devait arriver. Lorsqu'elle se trouvait déjà à quelques mètres de son beau-père, ce dernier sauta sur elle et commença à la déshabiller. C'est lorsque la femme se rendit compte du but poursuivi par son « beau-père », elle poussa des cris. Aussitôt, les hommes accoururent et trouvèrent la femme entrain de pleurer alors que l'homme s'était déjà sauvé. La femme expliqua la scène. Arrivée au village, ces gens trouvèrent Kitunde Mukambilwa déjà parti pour Kamituga. L'acte posé par Kitunde Mukambilwa est énergiquement condamnable par la société lega, qu'on appelle « Muzombo », c'est-à-dire un acte délicieux même s'il n'avait pas atteint son but, celui d'avoir une relation sexuelle avec sa « belle-soeur ». Il l'avait après tout violé, car il avait osé le faire. Cette tentative suffisait. Ayant avalé les conséquences de sa faute : sanction et humiliation ; il avait jugé bon de se réfugier à Kamituga où il se trouve actuellement depuis ce jour-là. Semble-t-il qu'il n'est plus jamais retourné à Mawe. Comme on peut le remarquer, la contradiction entre les intérêts personnels et les lois des groupes était un motif pour qu'un individu soit écarté ou s'écarte du groupe. c) Opposition intergroupe31(*) Nous venons de voir que l'opposition ainé-cadet et l'opposition intra-groupe peuvent occasionner le départ d'une fraction du groupe. Cependant, l'installation des migrateurs dans la « région d'exil » n'est pas toujours pacifique, car celle-ci est déjà une cause d'opposition aux premiers occupants de la région. A ces propos Amselle note : « La prise en considération des problèmes migratoires conduit naturellement à opposer les migrants à la société d'accueil »32(*). Après un affrontement, les vaincus sont obligés, soit de se soumettre, soit d'abandonner le lieu. Pour la plus part des cas, la seconde solution est adoptée. C'est le cas des Bashikumbilwa. Après cette analyse de différentes causes, présentons succinctement les itinéraires des migrations lega, car elles ont déjà fait de plusieurs études antérieures. 1. Itinéraires des migrations des Lega32(*) Vers le XVIème siècle, écrit Tshimanga wa Tshimanga, les populations lega venues du Nord-est du Zaïre se sont avancés jusqu'au Mniéma. Mais, avant d'atteindre le Maniema, ils se seraient heurtés aux hostilités de Wakasamale, une population à peau claire dans la région du Haut-Zaïre (Uélé) et se sont scindés en deux tranches qui se seraient encore retrouvés à Kakolo au confluent de la Lugulu et de l'Ulindi, parmi les ouvrages et les travaux qui parlent des migrations lega, citons : Tshimanga wa Tshimanga et Banamwezi L. Le premier groupe lega est passé par la voie orientale à l'Ouesr des grands lacs pour déboucher à Kakolo, lieu de leur dernière dispersion. L'autre groupe avait gagné de l'Uélé et remonta le fleuve Zaïre par se rive droite jusqu'à l'embouchure de l'Ulindi pour s'installer enfin à Kakolo. C'est la voie occidentale. Ceci a amené Polepole Iginzi à dire que les Lega ont une certaine fraternité avec plusieurs tribus de la région du Haut-Zaire telles que les Bakumu, les Mituku, les Baleka et les Balokele.33(*) La tradition orale recueillie chez les Lega raconte que le lega, ancêtre éponyme des Lega, avait eu deux fils : Kendakenda (ainé) et Lulimba. Le premier avait pour fils Mwema père de Sungu grand-père de Bulambo. Lega et la famille de son fils Lulimba auraient suivi la voie orientale et les membres de la famille de Kendakenda auraient emprunté la voie occidentale. L'arbre généalogique ci-dessous décrit la descendance de lega. * 27Bubala Kazamwali, op.cit., pp.21-22. * 28 CHIK.A.D., L'Afrique noire précoloniale, Présence Africaine, Paris, 1960, p162. * 29 Leybeth, L'Afrique coloniale, Paris, 1962, p.89. * 30 Darcet, B., Les conflits de générations, PUF, Paris, 1963, p.7. * 31 Mukamba,R., Histoire du groupement des Babulinzi dans la chefferie de Basile en territoire de Mwenga, 1960-2010, TFE, Histoire-Sciences Sociales, inédit, ISP/Bukavu, 2015, p.8. * 32Poleole, I., Histoire politique de la collectivité des Wamuzimu fin 19ème S-1960, TFE, Histoire-Sciences Sociales, inédit ISP/Bukavu, 1976, p.18. * 33 TSHIMANGA W. TSH., Histoire du Zaïre, éd. du CERUKI, Bukavu, 1976, p.23. |
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