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Droit ohada et attractivite des investissements directs etrangers dans les etats-parties


par Marie Joëlle TRAORE
Université Saint Thomas d'Aquin  - Master en droit des affaires et fiscalité  2022
  

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Paragraphe II : Plaidoyer pour l'instauration d'une libre circulation des décisions de justice

L'instauration de la libre circulation106(*) des décisions de justice s'appuie sur la notion d'«espace» et postule qu'entre les Etats-parties à l'OHADA il n'existe plus de frontières juridiques en matière du droit des affaires. Dans un tel espace, les décisions rendues dans un Etat doivent automatiquement produire leurs effets dans les autres Etats parties.

L'instauration de cette libre circulation peut se faire selon le procédé de l'Union européenne. Premièrement, en matière d'injonction de payer, de délivrer ou de restituer, l'ordonnance rendue par le juge devrait être directement exécutoire sur l'ensemble des Etats-parties à l'OHADA. Le législateur OHADA devrait de ce fait supprimer l'exéquatur107(*) préalable et admettre la possibilité d'exécution immédiate une fois que le titre serait passé en force de chose jugée.

La première raison qui justifie la suppression d'une procédure d'exequatur pour les décisions rendues à l'issue des procédures simplifiées de recouvrement, est le caractère certain de la créance108(*). A la lecture de l'Acte uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement et voies d'exécution (AUPRSVE), la forte présomption, ou encore la certitude de la créance de somme d'argent ou d'objet meuble corporel, est à la base des procédures simplifiées de recouvrement. En effet, les articles 1 et 19 énoncent que toute personne qui se prétend titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible ou d'une obligation de délivrance ou de restitution d'un bien meuble corporel, peut intenter une procédure simplifiée de recouvrement. Si à la vue des documents produits, la demande lui paraît fondée, le président de la juridiction compétente peut rendre soit une décision portant injonction de payer, soit ordonner la délivrance ou la restitution du bien meuble corporel. C'est donc dire que l'utilisation de la procédure dépend de la forte présomption d'existence de la créance.

La procédure pourrait se dérouler comme suit : après que la décision portant injonction de payer ou de délivrer ait été signifiée au débiteur, si celui-ci ne forme pas opposition dans les 15 jours à compter de la date de la signification à personne, augmenté des délais de distance, la décision d'injonction de payer, de délivrer ou de restituer se transforme automatiquement en titre exécutoire, dont l'exécution peut être poursuivie dans tous les Etats parties de l'OHADA. Si le débiteur par contre forme opposition, la décision d'injonction de payer, de délivrer ou de restituer rendue à l'issue de l'opposition, deviendra un titre exécutoire OHADA, après l'expiration des trente jours réservés à l'appel, à compter de la date de la décision. Si dans le délai de trente jours, le défendeur fait appel, la décision survenue à l'issue de l'appel devient immédiatement exécutoire dans tous les Etats-parties à l'OHADA sans exequatur109(*).

Ensuite, lorsque le jugement a été rendu sur la base de débats contradictoires, et que le droit OHADA a été appliqué, la décision peut être revêtue automatiquement de l'autorité de la chose et de la force exécutoire dès lors qu'elle est passée en force de chose jugée. Cela peut être appliqué, lorsque les délais pour l'exercice des voies de recours ordinaires sont épuisés sans que le défendeur ait exercé un recours, ou alors lorsqu'une décision est survenue à l'issue de l'exercice des voies de recours.

Le demandeur d'exequatur devra produire à l'huissier ou à l'agent chargé de l'exécution dans l'Etat requis une copie certifiée conforme ou l'original de l'acte d'assignation à comparaître et de la notification de la décision au défendeur, et le cas échéant, un certificat de non appel, ou tout autre document attestant que le défendeur n'a pas exercé de voies de recours dans le pays d'origine. Un document attestant que la décision est exécutoire dans son pays d'origine. Ces documents devront être annexés au procès-verbal de saisie sous peine de nullité de la saisie. La procédure sera donc inversée et il appartiendra à la partie qui conteste la force exécutoire de la décision de saisir le juge de l'exécution pour demander une mainlevée de la saisie.

L'OHADA n'est pas qu'un simple outil technique de sécrétion du droit. Par l'institution de la CCJA, et par l'uniformisation de certaines procédures, l'OHADA a réussi à mettre sur pied un véritable espace judiciaire. La CCJA à qui l'OHADA a conféré d'importants pouvoirs en matière d'interprétation et d'application des Actes uniformes, en la matière se substitue non seulement aux juridictions suprêmes nationales par la voie du recours en cassation, mais aussi aux juridictions nationales de fond à travers le pouvoir d'évocation dont elle dispose. Toutes ces attributions ont été contestées par la doctrine parce que favorisant des rapports et les juridictions nationales110(*). Toujours est-il que cette hiérarchisation introduisant une structure pyramidale au sommet de laquelle se trouve la CCJA, et à la base les juridictions nationales de fond, contribue à l'émergence d'un espace judiciaire OHADA. Aussi l'uniformisation des voies d'exécution permet la pratique uniforme des procédures d'exécution sur l'ensemble de l'espace géographique OHADA, ainsi que la force des arrêts de la CCJA dans tout l'espace OHADA.

Conclusion chapitre II :

L'espace judiciaire OHADA est loin d'être achevé dans la mesure où de nombreuses lacunes entravent la réalisation de cet espace. C'est notamment le cas de l'absence d'harmonisation de la carte judiciaire des Etats-parties et l'absence de coopération entre les juges des Etats-parties à l'OHADA. Cette absence de coopération conduit les juges nationaux des Etat-parties à évoluer en vase clos, ce qui a des conséquences néfastes sur la circulation des décisions. Si l'incitation et l'accueil des investissements est l'objectif principal de l'OHADA, il serait alors préférable que les institutions de l'OHADA concentrent leurs efforts sur l'essentiel. Nous avons envie de penser à la réforme des institutions et des procédures judiciaires garantes de la sécurité juridique.

Conclusion de la deuxième partie :

La sécurité judiciaire est entrée dans l`esprit du droit de l'OHADA par effraction111(*) et peine à entrer par conviction dans les moeurs des justiciables et des praticiens.

L'OHADA et son droit ne peuvent etre attractifs des investissements étrangers qu'à la condition que la sécurité judiciaire soit partagée en copropriété par la CCJA et les juridictions nationales des Etats parties. S'il est vrai que la sécurité juridique constitue un critère d'attractivité des investissements étrangers, seul la sécurité judiciaire peut en garantir la réalité et l'efficacité. Associé à la sécurité juridique, la sécurité judiciaire est un avantage comparatif décisif pour l'attractivité des investissements dans un contexte mondialisé de concurrence entre les systèmes juridiques.

Si les pouvoirs publics africains veulent vraiment que la sécurité judiciaire ne soit pas un vain concept, le législateur OHADA devrait de concert avec les Etats parties, prendre des mésures adéquates et efficaces visant à faire des institutions judiciaires la tete de pont des éléments d'attraction des investissements dans l'espace OHADA. Le système juridique de l'OHADA n'est pas réductible à la seule sécurité juridique, celle-ci doit se coupler avec la sécurité judiciaire pour qu'enfin les fruits annoncés tiennent toute la promesse des fleurs portées par les textes du droit substanciel harmonisé commun aux Etats parties.

* 106 La libre circulation désigne la possibilité pour chaque titre de circuler, au mieux de produire des effets dans les Etats requis sans procédures intermédiaires, entendus ici comme des procédures de reconnaissance ou exécution.

* 107Il convient de rappeler que l'exéquatur n'a pas pour vocation de réviser le jugement au fond mais plutôt d'examiner si la décision rendue dans le respect des droits de la défense, si elle est conforme à l'ordre public communautaire.

* 108 Articles 1, 2, 5, 19 et 23 de l'AUPRSVE.

* 109Cette proposition résulte de l'analyse des articles 7, 9, 10, 14, 15, 23 et 25 de l'AUPRSVE.

* 110 Joseph KAMGA, op.cit., p.4.

* 111En effet aucun article du corps du traité OHADA ne parle de la sécurité judiciaire. Seul le premier considérant du préambule réaffirme la détermination du législateur OHADA à accomplir des nouveaux progrès en vue de renforcer la sécurité juridique et judiciaire.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery