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En quoi les nouveaux modes de travail ont transformé le processus d'intégration des nouvelles recrues


par Laurianne Giteau
CNAM - Master 2 RH 2023
  

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1.1.2. L'intégration comme levier de socialisation

Comme nous l'avons vu avec la théorie des « quatre C » et la théorie des « trois C », la connexion et la socialisation sont des éléments importants pour une intégration réussie. Cette connexion et cette socialisation passeront par de l'interaction et de la communication. Déjà en 2011, Hemphill & Begel parlaient de l'importance de la communication et de la visibilité dans leur article « Not seen and not heard : Onboarding challenges in newly virtual teams ». Leur étude avait mis en avant la préférence des collaborateurs travaillant en équipe virtuelle pour les interactions visuelles. Cependant, à l'époque il était noté de nombreux problèmes avec la technologie et le manque d'outils dédiés aux besoins des équipes virtuelles.

Un autre problème identifié, est le manque de communication « non-work orientated » avec les nouvelles recrues intégrées dans une équipe virtuelle (Hemphill & Begel, 2011). En effet, le contenu des échanges entre le manager et une nouvelle recrue est plus formel et le fait d'être à distance n'encourage pas les échanges plus informels. Les interactions en face à face font souvent parties des choses qui manquent le plus aux membres des équipes virtuelles. Afin d'aider les nouvelles recrues à faire face à ce manque, Hemphill & Begel (2011) préconisent des rendez-vous informels en « one-on-one » avec différents membres de l'organisation identifiés par le managers. Ces rendez-vous informels permettent à la nouvelle recrue d'identifier les différents rôles de chacun et de créer des liens avec ses nouveaux collègues. L'importance des échanges informels dans l'intégration des nouvelles recrues est donc mis en avant par Hemphill & Begel (2011). La communication synchrone des membres d'une équipe virtuelle, permet de réduire l'anxiété, d'augmenter la productivité et de réduire le sentiment d'isolement des nouvelles recrues.

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Hemphill & Begel (2011) parlent également de la visibilité. L'importance de l'observation de ses collègues et de la façon dont sont faites les choses est mis en avant. L'apprentissage de la culture de l'organisation, des rituels et des processus de travail se fait plus difficilement dans les équipes virtuelles. La nouvelle recrue ne peut pas apprendre en observant et en imitant ses collègues. Les processus de travail doivent donc être bien documentés et mis à jour régulièrement afin d'aider la nouvelle recrue à s'intégrer plus rapidement.

Lorsque l'on parle d'intégration il est souvent fait référence à la socialisation et à l'orientation. On peut considérer que l'intégration regroupe ces 2 concepts. Cependant, l'orientation repose plus sur la présentation du nouvel employé à son nouveau poste, la socialisation quant à elle repose plus sur la présentation du nouvel employé à un nouveau groupe (Bauer & Erdogan, 2011). Pour Chaos (2012) la socialisation est plus individualisée et requiert un effort individuel, tandis que l'orientation fait référence à un effort collectif et organisationnel pour faciliter l'intégration de la nouvelle recrue.

Historiquement le terme de socialisation décrit le processus par lequel la nouvelle recrue va acquérir les comportements, attitudes et les savoirs nécessaires afin de devenir un participant à part entière de l'entreprise (Van Maanen & Schein, 1979). Les travaux de Van Maanen et Schein ont mis en avant 6 dimensions du processus de socialisation organisationnelle (Tableau 3).

Tableau 3 - Les 6 tactiques de socialisation organisationnelle (Van Maanen et Schein, 1979)

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Ces 6 tactiques de socialisation organisationnelle identifiées par Van Maanen et Schein, représentent les principales tactiques mises en place par les organisations consciemment ou inconsciemment.

1. Les tactiques collectives vs les tactiques individuelles : A la différence des tactiques individuelles ou un individu est isolé dans son processus d'intégration, lorsqu'un groupe d'individus est amené à être intégré ensemble nous parlons alors de socialisation collective. Van Maanen et Schein (1979) suggèrent alors que la socialisation sera influencée de manière substantielle par le groupe et ses différents acteurs.

2. Les tactiques formelles vs les tactiques informelles : Van Maanen et Schein (1979) définissent la socialisation formelle comme étant les « processes that are typically found in organizations where specific preparation for new status is involved and where it is deemed important that a newcomer learns the «correct» attitudes, values, and protocol associated with the new role.» Quant aux tactiques informelles, elles sont plus utilisées lorsque les frontières entre le nouveau rôle et l'ancien rôle sont floues voir presque inexistantes.

3. Les tactiques séquentielles vs les tactiques aléatoires : Les tactiques séquentielles ont lieu lorsque les nouvelles recrues doivent passer un certain nombre d'étapes prédéfinies avant de pouvoir prendre pleinement les rênes de leur nouveau poste. A l'inverse, les tactiques aléatoires ont souvent lieu lorsque la nouvelle recrue arrive pour occuper un nouveau poste pour lequel elle n'a pas de prédécesseur. La création d'un nouveau poste fait que bien souvent le chemin pour arriver à l'intégration de la nouvelle recrue au poste est encore inconnu ou incertain et peut changer à tout moment.

4. Les tactiques fixes vs les tactiques variables : Les tactiques fixes sont souvent liées aux tactiques séquentielles et permettent à la nouvelle recrue de savoir exactement quel chemin emprunter afin d'arriver à la socialisation organisationnelle. Contrairement aux tactiques fixes, les tactiques variables ne répondent pas à une timeline prédéfinie et peuvent varier en fonction de nombreux facteurs contingents.

5.

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Les tactiques en série vs les tactiques disjointes : Avec les tactiques en série, les nouvelles recrues ont accès à un tuteur, un mentor afin de les aider dans leur processus d'intégration. Ces aidants ne sont pas disponibles dans les organisations utilisant les tactiques disjointes.

6. Les tactiques d'investiture vs les tactiques de désinvestiture : Avec les tactiques d'investiture, l'identité et la personnalité des nouvelles recrues sont célébrées et reconnues alors qu'avec les tactiques de désinvestiture, l'identité de l'organisation est plus importante et l'individu doit s'adapter à cette dernière.

Pour Van Maanen et Schein (1979) c'est à l'organisation que revient la responsabilité de l'intégration sociale des nouvelles recrues en mettant en place des tactiques et pratiques de socialisation organisationnelle bien précises.

Tactiques relatives
au/à :

Les tactiques
institutionnalisées

Les tactiques
individualisées

Contexte

Collectif
Formel

Individuel
Informel

Contenu

Séquentiel
Fixe

Aléatoire
Variable

L'aspect social

En série
Investi

Disjoint
Désinvesti

Rôle orienté vers :

Préservation des traditions
Conservatisme

Innovation

Tableau 4 - Le modèle des 6 tactiques de socialisation organisationnelle de Van Maanen &
Schein (1979) révisé par Jones (1986).

En prolongement des travaux de Van Maanen et Schein (1979), Jones (1986) répartit les 6 tactiques de socialisation organisationnelle dans deux catégories bien distinctes : les tactiques institutionnelles et les tactiques individuelles (Tableau 4).

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En ce qui concerne les tactiques individuelles, les organisations vont adapter leur processus d'intégration à l'individu et à ses besoins, apports particuliers. Avec les tactiques individuelles, la nouvelle recrue doit avoir un rôle proactif et être acteur de sa socialisation organisationnelle (Ashford et Black, 1996). A l'inverse, les tactiques institutionnelles vont reprendre un modèle bien précis et commun à tous au sein de l'organisation. Avec ces tactiques c'est l'individu qui doit s'adapter au processus d'intégration de l'organisation.

A ces différentes approches, nous pouvons ajouter l'approche interactionniste (Reichers, 1987) qui met en avant les interactions entre la nouvelle recrue et son environnement, ses nouveaux collègues. Cette approche interactionniste parle de l'effet combiné des tactiques organisationnelles et individuelles sur la socialisation de l'individu. Selon l'approche interactionniste, l'organisation résulte des multiples interactions entre les individus qui la composent, et ce sont ces interactions qui créent l'organisation et non l'organisation qui crée ces interactions. La fréquence de ces interactions va favoriser et accélérer l'apprentissage de l'individu (Reichers, 1987).

L'importance de la proactivité de l'individu est également mise en avant (Lacaze D, 2005). La recherche de Lacaze (2005) vise à mettre en avant les tactiques individuelles d'intégration et la responsabilisation des individus dans la gestion de leur intégration. Les comportements proactifs semblent favoriser la réussite de l'intégration et accélérer le processus. Parmi ces comportements proactifs nous retrouvons la recherche d'information, l'auto-management ou encore l'expérimentation. Ces comportements sont liés entre eux et vont s'influencer. En effet, en recherchant l'information, la nouvelle recrue va améliorer la compréhension de son rôle et cela va mener à l'auto-management puis à l'expérimentation.

La proactivité de l'individu peut être liée au désir de contrôle (Ashford & Black, 1996). Contrôler son environnement est un moyen de diminuer l'incertitude. L'incertitude est un sentiment qui est souvent associé au début d'un individu dans une entreprise. Ce désir de contrôle va motiver les individus à être proactifs (White, 1959). En effet, la recherche de la maîtrise de son environnement, afin de diminuer l'incertitude, sera une source de motivation pour la nouvelle recrue. Van Maanen (1979) décrit l'entrée dans une organisation comme étant un état de transition qui va «thrust(s) one from a state of certainty to uncertainty; from knowing to not knowing; from the familiar to the unfamiliar". L'individu va chercher à diminuer ce stress et cette anxiété en ayant un rôle proactif dans son intégration et en essayant de limiter l'incertitude par la maîtrise et le contrôle de son nouveau rôle. Cela va le motiver à chercher l'information et à établir des relations, ce qui l'amènera vers une clarté de son rôle, une maîtrise

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de ses tâches ainsi qu'une plus grande connaissance de son organisation et une meilleure intégration sociale. Cependant, nous ne sommes pas tous égaux face au désir et au besoin de contrôle. Certains individus seront plus à l'aise que d'autres dans une situation incertaine. Leur besoin de certitude et de contrôle sera donc moins important. Cela pourrait, à court et à moyen terme, avoir un effet sur leur processus d'intégration.

En effet, la recherche d'information et de retours va permettre un apprentissage plus rapide et une plus grande maîtrise et clarté du rôle de l'individu dans son nouvel environnement. Cela aura pour effet d'accélérer le processus d'intégration (Morrison, 1993). Plus l'individu comprend rapidement ce qu'il doit faire et comment les choses sont faites dans sa nouvelle organisation, plus il pourra rapidement s'adapter et atteindre les objectifs qui lui sont demandés. On retrouve donc une adéquation entre la recherche d'information, de retours et la rapidité d'intégration de l'individu. Les individus qui recherchent de manière pro-active les retours de leurs pairs et/ou hiérarchie vont plus rapidement comprendre les demandes de leur nouveau poste et cela aura pour effet d'accélérer leur efficacité et leur intégration. Les aspects positifs de la proactivité du nouvel entrant ne s'arrêtent pas là, en effet, en accélérant la compréhension de leur nouveau rôle, les individus vont augmenter leur satisfaction au travail ce qui aura pour conséquence d'accroître le taux de rétention des nouvelles recrues (Morrison, 1993).

Un autre aspect important de la proactivité et de l'auto-management de la nouvelle recrue est la recherche active de socialisation et de liens avec son nouvel environnement et les personnes qui le composent. C'est en créant des liens et en se socialisant que l'individu va apprendre les comportements recherchés de sa nouvelle organisation et les compétences attendues de son nouveau poste (Reichers, 1987) . Cela aura pour effet encore une fois d'accélérer le processus d'intégration et la satisfaction au travail.

Nous retrouvons donc une corrélation entre la recherche d'information et la recherche de socialisation. En effet, la volonté d'obtenir de nouvelles informations, et d'améliorer la compréhension et la maîtrise des tâches de son nouveau poste, va amener l'individu à développer les interactions avec les membres de son organisation. La meilleure façon d'obtenir l'information nécessaire afin de développer la compréhension de son nouveau poste, est de créer des liens et de développer des relations avec les membres de son organisation (Morrison, 1993). Cela aidera à comprendre plus rapidement son rôle, mais également les valeurs, les codes et les relations de pouvoir au sein de l'organisation. La recherche d'information est donc intrinsèquement liée au développement du réseau social de l'individu dans sa nouvelle organisation.

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Cela amène à un cercle vertueux qui fait qu'en recherchant l'information, l'individu améliore et accélère le processus de socialisation et d'intégration tout en accroissant la connaissance de sa nouvelle organisation et de ses responsabilités et par la même occasion sa satisfaction au travail.

Cela met donc en avant l'importance dans le processus d'intégration, non seulement de l'organisation, au travers de procédures organisationnelles de socialisation, mais également de l'individu au travers de comportements proactifs et d'auto-management. Les individus avec un besoin de contrôle et de maîtrise important seront plus actifs dans la recherche d'information et de socialisation au sein de l'organisation (White, 1959). Cette proactivité amène une intégration plus rapide et une satisfaction au travail plus importante. La personnalité de la nouvelle recrue joue donc un rôle, si ce n'est primordial, tout du moins important dans le succès du processus d'intégration (Ashford & Black, 1996). On parle de responsabilisation de l'individu dans son processus d'intégration (Lacaze, 2005).

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery