Master Métiers Enseignement Éducation
Formation Mention : « Pratiques et ingénierie de formation
» Parcours CADEF
Identité professionnelle des PE
spécialisés,
SEGPA et Inclusion
Foursin Séverine N° étudiant : 22113039 Sous
la direction de Patricia Tavignot Session septembre 2022 Année
universitaire 2021-2022
Pour toi, maman.
Remerciements :
Je tiens à remercier en premier lieu ma directrice de
mémoire, Madame Patricia Tavignot, qui a toujours su être
présente quand j'en avais besoin, qui m'a épaulée dans les
moments les plus difficiles. Je la remercie pour sa bienveillance et sa
disponibilité.
Je remercie également mes formateurs et formatrices qui
m'ont permis de mener un chemin réflexif sur moi-même et sur ma
posture en tant que professionnelle. Ces rencontres ont été
fructueuses, riches de sens et de découvertes.
Je remercie toutes les personnes qui ont acceptées de
mener des entretiens car sans elles, il m'aurait été difficile de
valider ou d'invalider mes hypothèses !
Je remercie mes quatre enfants, Louis, Pierre, Enguerrand et
Mathieu qui m'ont poussée à réaliser ce Master et qui
n'ont jamais eu de cesse de croire en moi et en mes capacités mais qui
l'ont regretté parfois pour mon manque de disponibilités !
Je remercie Christophe pour son soutien inébranlable, ses
relectures, ses corrections sur un sujet qui à priori ne
l'intéressait pas ! Je remercie Valérie, Albane, Katheline,
Ophélie, François, Franck, Mélisa pour leur aide et
soutien.
Je remercie mon parrain qui, lorsque j'étais au plus bas,
m'écoutait sans relâche et me portait toujours plus haut.
Je remercie mes collègues du Master. J'ai fait de
très belles rencontres qui m'ont apporté de la joie, des sourires
et une solidarité dans l'épreuve de cette année.
« Toute méthode est regrettable
qui prétend faire boire le cheval qui n'a pas
soif. Toute méthode est bonne qui ouvre l'appétit de
savoir et aiguise le besoin puissant de travail. »
Célestin Freinet.
Table des matières
1. Introduction 10
1.1 Genèse du questionnement 10
1.2 : Observation de l'évolution de mon milieu
professionnel 11
1.3 : Les enjeux de l'inclusion et les
conséquences sur l'identité professionnelle 12
1.3.1 : Expérience personnelle 12
1.3.2 : Les enseignants du secondaire 13
1.3.3 : Entre le dire et le faire 13
1.4 : Du questionnement à la démarche de
recherche 14
2. Le cadre notionnel 15
2.1 : L'éducation inclusive : un cheminement
lent, pavé d'embûches 15
2.1.1: L'origine des principes de l'école inclusive
15
2.1.2 : L'évolution des textes institutionnels et une
prise de conscience en France 16
2.2 : La SEGPA, une structure spécialisée
dans une école à visée inclusive ? 18
2.2.1 : L'origine de la SEGPA 18
2.2.1.1 : L'origine du tri des élèves
18
2.2.1.2 : La création des Sections d'Enseignement
Spécialisés 19
2.2.1.3 : Les SEGPA, un tournant 7 21
2.2.2 : Analyse des textes institutionnels 22
2.2.3 : L'organisation interne de la SEGPA 24
2.2.4 : La SEGPA : D'un système intégratif
à un système inclusif 7 25
2.3 : Des expériences de terrain 29
2.3.1 : L'expérience de Laville et Saillot 29
2.3.2 : L'expérience de Berzin 31
2.3.3 : L'académie de Lille, pionnière en
matière d'inclusion 33
2.3.4 : Des éléments de controverses scientifiques
37
3. Problématisation et cadre théorique
38
3.1 : le cadre théorique : PLC et PE face à
une école inclusive 39
3.1.1: Concepts d'intégration et d'inclusion
39
3.1.2 : Identité et changement 42
3.1.3: Définition des théories de
l'identité 44
3.1.4 : Les PLC et les enseignants spécialisés
de SEGPA , une mutation profonde 7 46
3.1.4.1: L'identité professionnelle des PLC 46
5.2 : Une identité professionnelle ancrée
dans une histoire 74
3.1.4.2: L'identité professionnelle des enseignants
spécialisés en SEGPA 47
3.1.4.3 : L'enseignant spécialisé : un empan
liminal 48
3.1.4.4 : le concept de bienveillance 49
3.1.4.5: L'identité du nouvel enseignant
spécialisé 51
3.2 : Question directrice pour le mémoire et
hypothèses 51
3.3 : Les hypothèses 52
4. Définition d'un projet de méthodologie
de recherche 53
4.1 : Rappel succinct de l'objet de notre recherche
53
4.2 : la position du chercheur 53
4.3 : Le protocole de recherche 55
4.4 : Les techniques d'enquête 55
4.4.1 : La réalisation des questionnaires exploratoires
55
4.4.1.1 : L'émergence du questionnement 55
4.4.1.2 : Le public visé 56
4.4.1.3 : Les objectifs et modalités 56
4.4.2 : Le questionnaire quantitatif en décembre 2021
58
4.4.3 : L' entretien semi-directif 59
4.5 : Le choix des acteurs pour les entretiens
semi-directifs 60
4.5.1 : L'échantillon des personnes
interrogées 61
4.5.2 : Présentation de chaque enseignant 63
4.5.3 : L'entretien implique de la confiance 64
4.6 : Le traitement des données 65
4.6.1 : les questionnaires 65
4.6.2 : Les entretiens semi-directifs 65
4.7 : Les conditions pour valider nos hypothèses
66
5. Analyse des données des questionnaires
67
5.1. La SEGPA, un modèle à promouvoir
68
5.1.1 : L'utilité de la SEGPA 68
5.1.2 : Répondre à l'inclusion 69
5.1.2.1 : les leviers 69
5.1.2.2 : Les freins 70
5.1.3 : Une pédagogie à part 72
5.2.1 : Des qualités communes 74
5.2.2 : Une crise identitaire chez les PE
spécialisés en SEGPA ? 75
5.2.3 : Un empan liminal 76
6. Analyse longitudinale des entretiens 77
6.1. Présentation 77
6.2. Analyse longitudinale des données par
enseignant 79
6.2.1 : Les PE spécialisés 80
6.2.2 : Les PLC 90
7. Analyse transversale 95
7.1 : La SEGPA, un modèle de fonctionnement
95
7.1.1 : Déterminer les forces de la SEGPA 95
7.1.1.1 : Redonner confiance 96
7.1.1.2: La SEGPA, un fonctionnement bien
huilé 96
7.1.2 : La SEGPA, un modèle d'inclusion ? 99
7.2 :Une identité professionnelle à la
marge 102
7.2.1 : Une perception commune de l'élève de
SEGPA 102
7.2.2 : Les qualités du PE spé 103
7.2.3 : Une identité héritée 105
7.2.4 : Un empan liminal ? 107
7.2.5 : La perception des PLC par les PE spé
109
7.2.6 : Les PE spé face aux injonctions
ministérielles 109
7.2.7 : Conclusion de cette partie 111
7.3 : Des réponses à l'inclusion
113
7.3.1 : Une crise identitaire liée à la
politique inclusive ? 114
7.3.2 : Intégration ou inclusion ? 116
7.3.3 : Le tout inclusif 117
7.3.3.1 : Les raisons évoquées 118
7.3.3.2 : Les leviers et les freins 120
8. Conclusion : 123
9. Bibliographie : 125
10. Annexes 132
Annexes :
Annexe 10.I: Analyse comparative des circulaires de
1996, 2006 ET 2015 .
Annexe 10.II : Schéma de l'exclusion vers
l'inclusion. (source :
http://romy.tetue.net/exclusion-inclusion
)
Annexe 10.III : Les préconisations
envisagées par la Mission (2018)
Annexe 10.IV : Questionnaire aux enseignants ayant
participé à une sixième SEGPA inclusive
Annexe 10.V : Questionnaire destiné aux
enseignants du collège où j'exerce
Annexe 10.VI : Questionnaire destiné aux
élèves de SEGPA.
Annexe 10.VII : Entretien semi-directif d'une
élève de troisième SEGPA
Annexe 10.VIII : Guide d'entretien
Annexe 10.IX : les thèmes abordés lors des
entretiens
Annexe 10.X : Réponse au questionnaire de
l'identité professionnelle
Annexe 10.XI : Verbatims des entretiens
Annexe 10.XII : Tableau synthétique des
entretiens
Annexe 10.XIII : Tableau croisé des entretiens
Index des figures
Figure 1: Les modalités d'enseignement 21
Figure 2: Modèle de 6ème inclusive
30
Figure 3: Interprétation des expériences de
sixième inclusive 33
Figure 4: les rôles du PE spé et du
professeur de collège dans un collège inclusif 35
Figure 5: Dispositif inclusif "plus de maîtres que
de classes" 35
Figure 6: La structure SEGPA a t-elle sa raison
d'être ? 68
Figure 7: Les dispositifs mis en place dans les
collèges répondants à l'inclusion 69
Figure 8: Carte mentale de E1 81
Figure 9: Carte mentale E3 82
Figure 10: Carte mentale E4 84
Figure 11: Carte mentale E6 85
Figure 12: Carte mentale E7 86
Figure 13: Carte mentale E8 88
Figure 14: Carte mentale E9 89
Figure 15: Carte mentale E10 90
Figure 16: Carte mentale E2 91
Figure 17: Carte mentale E5 93
Figure 18: Carte mentale E11 94
Figure 19: L'identité professionnelle du PE
spé 113
Index des tableaux
Tableau 1: De l'ancien paradigme au nouveau paradigme
26
Tableau 2: Objectifs des questionnaires papier 56
Tableau 3: Concours de recrutement des personnels
enseignants du 1er degré en 2017 62
Tableau 4: Échantillonnage des personnes
interrogées 62
Tableau 5: Catégorisation 66
Tableau 6: Présentation du panel interrogé
71
Tableau 7: Pratique de la co-intervention dans les
collèges 71
Tableau 8: Le savoir-faire et savoir être du PE
spé 74
Tableau 9: Les catégories des participants
75
Tableau 10: Analyse longitudinale E3 78
Tableau 11: Les forces de la SEGPA 95
Tableau 12: Les qualités du PE spé
104
Tableau 13: Lien entre identité biographique et
identité professionnelle 105
Tableau 14: Un empan liminal 107
Tableau 15: Les PE spé et l'institution 109
Tableau 16: Le tout inclusif 118
1. Introduction
Afin de mieux cerner le questionnement qui a été
le mien je vais, dans cette introduction, présenter mon cheminement
professionnel et intellectuel et les questions qui m'ont amenée à
mon étude de recherche. Dans un premier temps, j'expliquerai la
genèse de mon questionnement, ensuite j'observerai le milieu dans lequel
j'exerce depuis vingt ans et son évolution, notamment à travers
différentes lois. Enfin, j'expliquerai comment je suis passée du
questionnement à ma démarche de recherche.
1.1 Genèse du questionnement
A mes débuts professionnels, j'ai enseigné
pendant deux ans dans des classes dites « ordinaires » puis je me
suis très vite orientée vers des élèves ayant des
difficultés scolaires et comportementales. J'exerce donc depuis vingt
ans comme professeur des écoles spécialisée en
SEGPA1.
Mon rapport au savoir a toujours été très
compliqué et, compte tenu de mon parcours scolaire pavé
d'embûches, je devais donner un sens à mon métier. Quel
était le rêve que je me faisais à propos de l'école
? J'imaginais une école sans ségrégation, sans exclusion,
sans étiquettes, où chaque enfant pourrait, en fonction de sa
propre singularité, évoluer dans une école où il ne
serait pas jugé en fonction de ses capacités ou
incapacités. Je rêvais d'une école qui aurait oublié
de hiérarchiser les élèves, de les sélectionner
selon des critères porteurs d'exclusion. Je rêvais d'une
école où chaque élève serait traité comme un
humain quelles que soient ses potentialités car, selon moi, chaque
différence est un atout pour progresser, évoluer et partager.
Force est de constater que mon rêve resterait à
l'état de rêve. L'école dont je rêvais et dont je
rêve ne peut exister si la société et l'école
elles-mêmes ne sont pas prêtes à l'accepter. Cette
société qui porte en-elle historiquement les germes de
l'exclusion, qui parque les individus dès qu'ils sont
diagnostiqués « à la marge » en est toujours aux
premiers balbutiements. Or, « il n'y a pas de vie majuscule sans vie
minuscule » (Gardou). L'école est un tout, somme de plusieurs
parties et, sans ces parties, le tout n'existe pas. Néanmoins, le tout
inclusif, comme le préconisent certains chercheurs est-il la bonne
réponse contre la ségrégation ? L'école dispose
t-elle des moyens nécessaires pour inclure tous les élèves
? Comment les enseignants envisagent-ils l'école inclusive ? Tous les
élèves ont-ils intérêt à être inclus
dans des classes ordinaires au risque d'être une fois de plus mis
à la marge ?
1 SEGPA : Section d'Enseignement Général
Professionnel et Adapté
Face à cette école qui fabrique en son sein des
inégalités, des discriminations, des exclusions, il fallait que
je donne un sens à ma quête de justice et d'équité.
Ce sens, je l'ai découvert en enseignant auprès
d'élèves que la société et l'institution avaient
décidé d'étiqueter et de parquer à l'écart
des élèves qui correspondant à la norme établie. Je
suis devenue enseignante spécialisée, à la marge des
enseignants ordinaires. J'ai toujours considéré que, quelles que
soient les difficultés inhérentes à l'élève,
qu'elles soient d'ordre psychologique, familiale, cognitive ou comportementale,
l'élève est avant tout une personne qui est capable d'apprendre.
Encore faut-il trouver les moyens à mettre en place pour favoriser les
apprentissages et que l'école ne soit pas à nouveau cette
institution qui, pour beaucoup d'élèves, est synonyme de rejet.
Dans ce cadre précis, l'inclusion des élèves de SEGPA en
milieu ordinaire serait-il pertinent ? Les enseignants du secondaire sont-ils
prêts à accueillir ces élèves, non pas comme une
classe, mais comme des individus greffés au sein d'une classe comportant
déjà une forte hétérogénéité
souvent difficile à gérer ?
1.2 : Observation de l'évolution de mon milieu
professionnel
Lorsque j'ai obtenu ma certification pour enseigner
auprès d'élèves en difficultés scolaires, il y a
vingt ans, il était courant d'entendre déjà à cette
époque que les SEGPA allaient disparaître. C'est encore le cas
aujourd'hui, mais cela devient plus tangible, compte tenu du contexte
évolutif de l'école à visée inclusive. Comment
peut-on promouvoir une école à visée inclusive en laissant
exister des structures dites « ségrégatives » ? Or,
lorsqu'on considère les leviers pour que l'école devienne
inclusive, la SEGPA porte en elle tous ces leviers : pédagogie
adaptée et différenciée, travail en équipe, heures
de synthèse et de coordination, réunions avec les principaux
partenaires qui encadrent un élève, élaboration de
projets, coopération. Mais la SEGPA pose problème dans le sens
où elle génère une certaine stigmatisation liée
à l'étiquetage et va à l'encontre des principes inclusifs,
mais les politiques (rapport Tolmont) sont conscients de son fonctionnement
pérenne et contribuent à son maintien.
Les lois de 2005 sur l'égalité des droits et des
chances, de 2013 et de 2019, portent en elles des continuités mais
surtout des accélérations vers le processus d'une école
inclusive. Des expériences sont menées à certains endroits
pour inclure les élèves pré-orientés SEGPA dans les
classes de l'ordinaire. La structure SEGPA fait désormais l'objet
d'observations (bilan des SEGPA de Abraham et Desprez, 2018), de
préconisations et de critiques, ainsi Puig et Benoit parlent d'une
« structure archaïque » qui n'a pas su évoluer avec son
temps.
1.3 : Les enjeux de l'inclusion et les
conséquences sur l'identité professionnelle.
Dès lors, nous pouvons nous interroger sur la
façon dont se sont mises en place les tentatives d'inclusions. Les
enseignants spécialisés et les enseignants de collège
étaient-ils partie prenante dans le processus ? Etait-ce sur la base du
volontariat ? Comment les enseignants du secondaire ont-ils été
accompagnés ? Quelles sont les nouvelles missions des enseignants
spécialisés ?
S'intéresser à l'école à
visée inclusive va donc de pair avec l'évolution de la
construction de l'identité professionnelle des enseignants du
secondaire, formés et non formés à l'inclusion.
1.3.1 : Expérience
personnelle
Enseigner en SEGPA a été un choix construit et
mûrement réfléchi. Forte de mes années
d'expériences, mon identité professionnelle s'est construite sur
la base d'un groupe classe où je pouvais mener des pédagogies
innovantes sans crainte d'un non respect des programmes. Bien que
l'enquête PISA de 2018 estime que les résultats des
élèves de SEGPA seraient les mêmes si ces derniers avaient
suivi une scolarité dans l'ordinaire, je reste persuadée que les
graines que nous avons semées, à savoir la confiance en soi,
l'intérêt pour l'école, l'engagement dans des projets, la
valorisation et l'estime de soi, l'autonomie, la découverte
professionnelle, ont pu germer chez un certain nombre d'entre-eux.
Or, mon identité professionnelle semble devoir subir
des transformations inhérentes aux volontés portées par
les politiques. En effet, si l'inclusion se généralise à
toutes les classes de SEGPA, que deviendra alors ma mission en tant que
professionnelle ? Quelles seront mes nouvelles fonctions ? Aurai-je toujours
une classe ?
1.3.2 : Les enseignants du
secondaire
Le même enjeu peut être posé aux
enseignants du secondaire qui, pour la plupart, ne sont pas formés pour
accueillir ces jeunes « ayant des difficultés graves et
persistantes » (circulaire, 2016). Bien souvent ces enseignants
travaillent déjà avec les élèves de SEGPA. Ils
connaissent le profil de ces élèves et ne rechignent pas
forcément à leur faire cours. En général, ils
mettent en place des pédagogies adaptées et cherchent avant tout
à les intéresser. Mais lorsqu'ils font cours à ces
élèves, ils ont devant eux « un groupe classe » bien
défini avec des caractéristiques propres et singulières.
Or, avec la visée inclusive, ces élèves de SEGPA ne
seraient plus un groupe classe mais des individus avec leur singularité,
insérés dans une classe ordinaire, avec la difficulté pour
l'enseignant de gérer encore une fois une
hétérogénéité massive. La construction
identitaire des enseignants s'est formée sur l'image qu'ils se faisaient
du métier et de la transmission du savoir à apporter aux
élèves. Les enseignants « véhiculent un ensemble de
valeurs et de croyances partagées par d'autres, compatibles avec leur
pratiques professionnelles ou personnelles et repérables à
travers les représentations du métier, des autres et
d'eux-mêmes » (Cattonar, 2001,p.44). Ils se construisent avec une
« identité pour soi » et « une identité pour
autrui » (ibid, 2001,p.44). Or, leur construction identitaire est
questionnée, malmenée, et chez certains on observe une
véritable crise identitaire. Désormais, ces enseignants doivent
faire face à de nombreuses évolutions :
détérioration des conditions d'exercices et d'emploi,
dévalorisation de leur statut social, modification du public scolaire,
désinstitutionnalisation de l'école. Toutes ces transformations
ont non seulement modifié la teneur de l'exercice professionnel mais ont
aussi complexifié et rendu plus incertains la tâche et le
rôle des enseignants, elles semblent aussi avoir ébranlé
les bases de leur identité traditionnelle. (Cattonar, 2001, p.50). Ils
doivent sans cesse répondre à des injonctions paradoxales. Ainsi
on leur demande de « contribuer à l'amélioration de la
performance de l'école pour lui permettre de tenir son rang dans la
comparaison internationale et de participer à une école
accueillante de toutes les différences » (Ramel, 2010 ,p.390), on
leur demande d'abandonner la posture de l'enseignant « magister »
pour devenir le pédagogue ou le « praticien réflexif
».
1.3.3 : Entre le dire et le faire
La plupart des enseignants partagent le même
désir d'une école pour tous. Mais les discours portés par
les institutions ne disent rien des pratiques réelles, or les
contradictions sont notables entre les « belles paroles, les bons
sentiments » (Cifali, 2020) et la réalité de terrain. Ce
n'est pas en prononçant le mot « école inclusive » que
tout se mettra en place. Il ne suffit pas « de dire pour
transformer ». Nous avons besoin d'illusions et elles
peuvent être créatrices mais elles ne sont pas la
réalité, elles nous guident, nous portent. Elles portent notre
quête. Nous vivons constamment des tensions entre nos rêves et la
réalité.
Vivre avec un handicap n'est pas être une victime.
L'école devrait rester une institution, dans le sens noble du terme, qui
ne soit pas aux mains des uns ou des autres, mais qui crée les
conditions pour que chacun trouve sa place , « l'institution doit
être garante de la violence lorsque les humains travaillent ensemble et
doit veiller à ce qu'elle-même ne soit pas porteuse de
destruction. » (Cifali, 2021)
Accepter l'autre, accepter les différences, est un
cheminement long qui n'en est encore qu'à ses balbutiements. Une
école à visée inclusive nécessite des remaniements
importants, tant sociétaux que professionnels et politiques. Les
enseignants sont-ils prêts à ce changement ? Le projet d'une
école à visée inclusive dans la France d'aujourd'hui
est-il réalisable ? Et si oui quels en sont les enjeux ?
1.4 : Du questionnement à la démarche de
recherche
L'école à visée inclusive conduit
nécessairement, comme nous l'avons déjà exprimé,
à de multiples changements, dont celui de l'identité
professionnelle. Identité professionnelle des professeurs non
formés à l'inclusion et identité professionnelle des
enseignants formés à l'inclusion. D'où mon questionnement
: En quoi l'école inclusive impacte t-elle l'identité
professionnelle des enseignants de collège non formés et
formés à l'inclusion ?
Pour pouvoir passer d'une démarche réflexive
à une démarche scientifique, nous clarifierons dans un premier
temps le cadre institutionnel et le cadre notionnel afin d'élaborer la
problématique, des hypothèses et un protocole de recherche en vue
de récolter des données à analyser.
Nous définirons à la fois les concepts
d'inclusion et d'intégration mais aussi l'évolution des textes
institutionnels en lien avec l'inclusion mais également de la SEGPA. Les
chercheurs donnent-ils tous la même définition de ces deux
concepts ? Peut-on mettre en place le « tout inclusif » ? Quels sont
les principes sous-jacents qui animent l'école inclusive ? La SEGPA a
t-elle encore un rôle à jouer dans ce processus ?
Dans un second temps, nous aborderons l'identité
professionnelle, sa construction et son évolution. Comment les
identités professionnelles des enseignants du secondaire
spécialisés ou non se construisent-elles aujourd'hui ? Existe
t-il une ou plusieurs identités en fonction de si nous sommes
spécialisés ou non ? Quelles sont les différences, les
points communs entre un enseignant
de collège et un professeur des écoles
spécialisé ? Peut-il y avoir des points de convergences ? Si oui,
lesquels ?
2. Le cadre notionnel
Aujourd'hui, les termes « inclusion », «
inclusif », « école inclusive » font partie de notre
quotidien. Oserions-nous dire que ce sont des termes « à la mode
» ? Probablement que pour certaines personnes, il est de bon aloi
d'utiliser ces termes mais ils relèvent surtout d'une idéologie
basée sur des principes d'humanité et d'équité.
Dans cette partie, nous étudierons les fondements de
l'inclusion, les notions d'intégration et d'inclusion à travers
leurs différences et leurs points communs et nous aborderons ce qui est
au coeur de notre étude, la structure SEGPA qui porte en elle plusieurs
paradoxes, à savoir qu'elle génère à la fois la
stigmatisation et l'étiquetage mais qu'elle dispose aussi de tous les
éléments dans son fonctionnement pour être inclusive.
2.1 : L'éducation inclusive : un cheminement
lent, pavé d'embûches
2.1.1: L'origine des principes de l'école
inclusive
Lorsqu'on cherche à comprendre les tenants et les
aboutissants d'une éducation inclusive, il nous semble a priori que
c'est une volonté récente des politiques et des chercheurs. Or,
l'éducation inclusive est une ambition générale
d'éducation globale, mondiale, porteuse d'idéaux universalistes
ancrée depuis la Renaissance. Magdalena Kohout-Diaz en 2018, lors d'une
conférence explique que l'UNESCO porte cette notion d'éducation
inclusive depuis qu'elle a émergée en Grande-Bretagne et en
Italie dans les années 1970. Cet idéal d'éducation
inclusive trouve sa genèse chez le philosophe, théologien et
pédagogue de la fin de la Renaissance, Coménius. Il a produit un
ouvrage, La grande didactique, dont le sous-titre est
Traité de l'art universel d'enseigner tout à tous,
discipline qu'il appellera Pampeadia. Cette discipline était
insérée dans un grand ensemble philosophique de réforme
générale de la conception du monde humain, dont les
éléments centraux étaient l'universalisme, la fin des
discriminations, l'humanisme.
A l'instar de ces principes universalistes prônés
par Coménius, la déclaration de Salamanque marque un tournant
dans la prise en compte de la diversité et de l'égalité
des chances pour tous les élèves à l'échelle
internationale. Les membres ayant rédigé cette déclaration
affirment les éléments suivants :
Ø « L'éducation est un droit fondamental
de chaque enfant qui doit avoir la possibilité d'acquérir et de
conserver un niveau de connaissances acceptable.
Ø Chaque enfant a des caractéristiques, des
intérêts, des aptitudes et des besoins d'apprentissage qui lui
sont propres.
Ø Les systèmes éducatifs doivent
être conçus et les programmes appliqués de manière
à tenir compte de cette grande diversité de
caractéristiques et de besoins.
Ø Les personnes ayant des besoins éducatifs
spéciaux doivent pouvoir accéder aux écoles ordinaires,
qui doivent les intégrer dans un système pédagogique
centré sur l'enfant, capable de répondre à ces besoins.
Ø Les écoles ordinaires ayant cette orientation
intégratrice constituent le moyen le plus efficace de combattre les
attitudes discriminatoires, en créant des communautés
accueillantes, en édifiant une société intégratrice
et en atteignant l'objectif de l'éducation pour tous ; en outre, elles
assurent efficacement l'éducation de la majorité des enfants et
accroissent le rendement et, en fin de compte, la rentabilité du
système éducatif tout entier. »
Il est à noter que le terme « inclusion » ou
« école inclusive » n'est pas utilisé. Seul le terme
intégration est noté. Toutefois, tous les éléments
de la déclaration seront repris ultérieurement dans les principes
d'une école à visée inclusive.
2.1.2 : L'évolution des textes
institutionnels et une prise de conscience
en France
La déclaration de Salamanque a conduit la France
à poser les jalons des principes d'une école inclusive.
L'école est une chance et un droit auxquels tous les enfants peuvent
prétendre. La loi pour l'égalité des droits et des chances
du 11 février 2005 a affirmé le droit pour chacun à une
scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à
un parcours scolaire continu et adapté. Elle s'est fixé pour
objectif d'inclure tous les élèves sans distinction, même
si le terme inclusion n'est toujours pas utilisé. Il faut attendre la
loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de
la République du 8 juillet 2013 pour aller plus loin et améliorer
encore les conditions d'accès à l'enseignement des
élèves en situation de handicap et pouvoir y lire le terme
d'inclusion. Le terme inclusion y est utilisé en indiquant que « le
service public d'éducation veille à cette inclusion scolaire de
tous les enfants, sans aucune distinction ». Par ailleurs, dans cette loi
de juillet 2013, il est indiqué que « pour garantir la
réussite de tous, sous-entendu une inclusion pour tous, l'école
doit s'enrichir et se conforter par le dialogue et la coopération entre
tous les acteurs de la communauté éducative ».
Cette volonté de promouvoir une école inclusive
est confortée par la loi sur l'école de la confiance de juillet
2019. Cette loi permet d'engager à la fois une transformation profonde
des conditions d'accompagnement des élèves en situation de
handicap ou élèves à besoins éducatifs particuliers
et une amélioration significative des conditions de recrutement, de
formation et de travail de leurs accompagnants qui créent les bases d'un
véritable service public de l'école inclusive.
En France, bien que le terme « inclusion » et
« éducation inclusive » soient récents, force est de
constater que les pouvoirs publics mettent tout en oeuvre pour tendre vers cet
idéal d'une école sans discrimination, sans exclusion.
L'éducation inclusive ambitionne une société soucieuse du
respect de ses membres et de la dignité humaine qui fait maîtriser
par tous les élèves les compétences et la culture
nécessaires pour être acteurs de leur devenir, transformer leurs
relations avec autrui et participer à la constitution même de
cette société.
En conséquence, la question qui peut se poser
réside toujours entre le « dire et le faire ». Comment les
politiques peuvent-elles ambitionner de mettre en place une école
inclusive alors qu'en son sein, les principes ségrégatifs
élitistes perdurent ? Quels sont les moyens à déployer
afin que la marge cohabite avec la norme définie par la
société ?
2.2 : La SEGPA, une structure
spécialisée dans une école à visée
inclusive ?
Avec la loi de 2005, l'enseignement spécialisé
est à un tournant de son histoire. La loi pose la
nécessité d'un transfert de compétences des milieux
spécialisés vers le milieu ordinaire. En France, le modèle
binaire prédomine : le « two-track approach » (Benoit). D'un
côté la voie ordinaire, de l'autre la voie spéciale.
L'objectif de l'école inclusive est de tendre vers le « one- track
approach » (une seule et unique voie pour tous les élèves).
Dès lors, nous nous questionnons sur l'avenir de la structure SEGPA qui
porte en son sein les stigmates de la ségrégation, par sa
structure et son fonctionnement bien à elle, par l'étiquetage des
élèves qui en font partie et aussi par l'identité bien
spécifique des enseignants spécialisés qui y
enseignent.
2.2.1 : L'origine de la SEGPA
L'histoire des SEGPA fait partie de la politique de lutte
contre les échecs scolaires et est étroitement liée aux
histoires d'élèves dont les résultats scolaires ne
correspondent pas aux normes attendues par le système scolaire. Des
terminologies diverses se sont succédées au fil du temps à
travers les textes officiels pour dénommer ce genre de public :
arriérés, débiles légers, déficients
intellectuels... puis on a parlé de retard léger, d'échec
scolaire, d'élèves inadaptés, en difficultés....
2.2.1.1 : L'origine du tri des
élèves
L'origine du tri des élèves date de la fin du
XIXème siècle. Un certain nombre d'enfants, bien que
dans l'âge de l'obligation scolaire, se retrouvent rapidement «
hors-loi » scolaire ou encore considérés comme non
scolarisables. A cette époque, on utilise le terme «
inéducable ». (Gardet, 2019, p.283). Ces enfants «
inéducables » sont pris en charge par les orphelinats et les
colonies pénitentiaires qui bénéficiaient, à
l'époque, d'une grande bienveillance des pouvoirs publics car ils
étaient reconnus pour leur mission d'assistance. Ces
établissements se géraient à l'interne et utilisaient
parfois des techniques cinglantes.
Entre 1881 et 1882, Jules Ferry, ministre de l'Instruction
publique, rend l'école obligatoire pour les élèves
âgés de six à treize ans. Une prise de conscience de
certains politiques apparaît. Ainsi, Léon Bourgeois (ancien
ministre de l'instruction publique mais à l'époque ministre
des
La solution la meilleure à cet égard consiste
à scolariser ces enfants dans des conditions
affaires étrangères) adresse un courrier
à Aristide Briand, nouveau ministre de l'Instruction Publique et dit :
« jusqu'à ce jour, les enfants anormaux se trouvent hors la loi,
puisqu'ils ne peuvent être instruits dans des écoles
ordinaires et qu'aucune école publique n'est mise
à leur disposition. » (Gardet, p. 283).
En 1880, sur l'effectif total des colonies
pénitentiaires publiques et privées qui est de 7 215 colons, il
est estimé l'existence de 2 580 mineurs de moins de 12 ans (36%) et de 2
384 mineurs de 14 ans (33%). Si une instruction primaire est
théoriquement prévue, l'éparpillement de ces jeunes
enfants dans les différentes structures entraînant une prise en
charge indifférenciée avec les mineurs n'étant plus
d'âge scolaire, en rend l'application difficile. A partir de cette date,
l'État doit faire face à un nombre important d'enfants qui ne
réussissent pas à l'école, c'est pourquoi, en 1905, deux
médecins, Binet Alfred et Simon Théodore élaborent la
première échelle métrique afin de mesurer le
développement de l'intelligence des enfants en fonction de leur
âge. Ce test, appelé test Binet-Simon, permettra d'identifier les
enfants « retardés mentaux » afin de les orienter vers des
classes spécialisées. Le 15 avril 1909, le gouvernement adopte
une loi instituant les classes de perfectionnement pour enfants «
arriérés ». Ces classes de perfectionnement fonctionneront
jusque dans les années 70.
2.2.1.2 : La création des Sections d'Enseignement
Spécialisés
A partir des années 1940, le métier
d'éducateur spécialisé voit le jour. Les instituteurs
réclament alors une place sur les questions d'éducation incluant
le domaine de l'inadaptation. Deux centres sont
créés pour former ces instituteurs : le centre de Beaumont-en
Oise en 1947 et le centre de Suresnes (qui continue encore à former
aujourd'hui des enseignants spécialisés) en 1954. Ces centres ont
pour vocation de former un front laïque revendiquant la constitution d'une
nouvelle coordination de l'enfance sous tutelle du seul ministre de l'Education
Nationale.
En janvier 1959, l'obligation de scolarisation est
portée de 14 à 16 ans. Nombre d'adolescents arrivent alors dans
les établissements du secondaire et certains avec des retards scolaires
importants. Les élèves avec une déficience intellectuelle
arrivent des classes de perfectionnement, jusque-là limitées
à l'école élémentaire.
Entre 1965 et 1966, Labrégère (ancien
instituteur, puis inspecteur, puis formateur des maîtres
spécialisés) applique à l'enfance inadaptée les
mesures en vigueur pour l'ensemble du système scolaire. Des
recommandations sont émises (Heurdier, 2016, p.135) :
aussi proches que possible de la normale,
c'est-à-dire en évitant de les séparer de leur milieu
naturel, familial et scolaire, et de leur imposer la ségrégation
qui en résulte de leur placement en établissement
spécialisé, ségrégation qui risque d'aggraver leur
désadaptation. Il est de plus indispensable d'assurer à ces
élèves une formation professionnelle adaptée à leur
état et à leurs aptitudes [...] C'est pourquoi, il convient de
prévoir la multiplication des classes spéciales d'externat
annexées à des établissements ordinaires dans tous les cas
où la santé des enfants et des concentrations des effectifs le
permettent.
Ces recommandations ont été suivies et elles
sont encore aujourd'hui les bases de la SEGPA (professionnalisation, classes
annexées à un établissement scolaire ordinaire). A cette
époque un consensus apparaît sur la pédagogie
spécialisée. La catégorie des « débiles
légers » aboutira à introduire l'expression « en
difficulté » jusque dans la dénomination des nouvelles
options en 1987 (cette expression évoluera vers la notion de «
besoins éducatifs particuliers »). A contrario, certains acteurs
ont oeuvré à cette époque pour un reflux de l'enseignement
spécialisé s'appuyant sur le principe d'étiquetage, sur la
ségrégation et le caractère sociologiquement marqué
de l'orientation dans le spécialisé (Heurdier, p. 147).
Il est donc nécessaire de créer une nouvelle
structure pour les accueillir : les Sections d'Enseignement
Spécialisées (SES) apparaissent dans la circulaire de septembre
1965 (Il faudra attendre vingt-cinq ans pour que cette circulaire soit
abrogée). Les SES dispensent alors un enseignement général
et un enseignement professionnel et reçoivent comme public des
élèves reconnus comme « déficients intellectuels
légers ne présentant pas de handicaps associés importants
» (circulaire, 1967).
Figure 1: Les modalités d'enseignement
En 1970, le rapport du Vème plan met en
avant les finalités éducatives, curatives et préventives
avec la généralisation des dépistages qui se doivent
d'être réalisés le plus tôt possible. Le tableau
dressé fait état des « carences » du système,
parmi lesquelles « [le] caractère trop souvent définitif des
«étiquettes» qui situent l'enfant dans une classification et
risquent de l'y maintenir quels que puissent être les erreurs de
diagnostic ou les résultats de la cure. [...] système abusivement
ségrégatif où le placement en internat est trop souvent
choisi plus en raison d'habitudes ou de certaines facilités qu'il
apporte que de critères objectifs. » (Heurdier, p.138).
2.2.1.3 : Les SEGPA, un tournant
?
Les SEGPA sont apparues en 1996 suite à la disparition
des SES2. La loi d'orientation de 1989 repense alors l'organisation
interne de l'enseignement spécialisé. Le nouveau régime
juridique devient l'intégration individuelle et collective. Il y est
écrit que « l'éducation est la première
priorité nationale [...]. Le droit à l'éducation est
garanti à chacun [...]. L'acquisition d'une culture
générale
2 SES : section d'enseignement spécialisé
et d'une qualification reconnue est assurée à
tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou
géographique. »
2.2.2 : Analyse des textes
institutionnels
Trois circulaires définissent les modalités de
la SEGPA depuis sa création : celles du 20 juin 1996, du 29 août
2006 et du 28 octobre 2015. Ces circulaires sont les corollaires des lois
promulguées pendant ces mêmes années.
Hypothétiquement, il est d'ailleurs possible d'imaginer , que suite
à la loi sur l'école de la confiance de 2019, une circulaire voit
le jour avec de nouvelles modalités pour la SEGPA. En comparant les
trois circulaires de 1996, 2006 et 2015, nous pouvons observer des expressions
qui relèvent du nouveau paradigme de l'école inclusive et celles
qui relèvent des anciennes logiques de séparation. (Annexe I).
Le public accueilli dans ce type de structure n'a pas
évolué, il est toujours défini de la même
façon : ce sont des « élèves présentant
des difficultés scolaires graves et persistantes auxquelles n'ont pu
remédier les actions de prévention, de soutien, d'aide et
d'allongement des cycles dont ils ont pu bénéficier. Ils
présentent sur le plan de l'efficience intellectuelle des
difficultés se traduisant par des incapacités et des
désavantages ». En revanche, le terme de SEGPA inclusive
apparaît dans la circulaire de 2015 ainsi qu'une refonte des missions de
l'enseignant spécialisé et des enseignants du collège
à qui on demande dès lors de travailler de concert. Il est
écrit que « Si la Segpa permet aujourd'hui la mise en oeuvre
d'une pédagogie attentive aux besoins des élèves qui en
relèvent, elle doit nécessairement évoluer pour mieux
répondre à leurs besoins éducatifs particuliers [...] Au
sein d'un collège plus inclusif, la Segpa, bien identifiée comme
structure, doit permettre, pour les élèves issus de classes de
CM2 pré-orientés en Segpa, de poursuivre les enseignements du
cycle de consolidation, et pour l'ensemble des élèves en
situation de grande difficulté scolaire d'être mieux pris en
compte dans le cadre de leur scolarité en collège ». La
seconde partie de la phrase indique que désormais, même si la
SEGPA est bien identifiée, elle se doit de contribuer à aider
tous les élèves du collège, y compris ceux qui ne sont pas
orientés SEGPA. Dans la même visée, en 2017, a
été créé le CAPPEI3, une certification
commune aux enseignants du premier et second degré afin de
répondre aux exigences d'un collège inclusif. Ainsi, les
enseignants formés à l'inclusion deviennent garants
collectivement de la qualité des enseignements dispensés en
construisant ensemble des progressions et des projets d'enseignement
adaptés. Par ailleurs, il est mentionné que « La Segpa
ne doit en effet pas être conçue comme le lieu unique où
les enseignements sont dispensés aux élèves
3 CAPPEI : certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques
de l'éducation inclusive.
qui en bénéficient. Ces
élèves sont accompagnés dans leurs apprentissages par les
enseignants spécialisés, soit dans leur classe au sein de la
Segpa, soit dans les temps d'enseignement dans les autres classes du
collège, soit dans des groupes de besoin. On veillera à ce que,
pour chaque élève de la Segpa, la classe dans laquelle il suit
les cours avec les autres élèves soit la même tout au long
de l'année et que tous les élèves d'une division de la
Segpa ne soient pas intégrés dans une même classe, afin de
faciliter l'inclusion dans le groupe et le sentiment d'appartenance ».
La nécessité d'apporter cette précision vient du fait
que toutes les SEGPA ne fonctionnement pas de manière identiques. En
effet, certains enseignants spécialisés sont amenés
à enseigner plusieurs matières (français,
mathématiques, physique-chimie, histoire-géographie....).
Dès lors, lorsqu'un élève inscrit en SEGPA peut suivre des
cours dans l'ordinaire, il sera rattaché à une classe de
référence et ce durant toute l'année. Cela permet ainsi
une meilleure inclusion SEGPA-ordinaire.
Enfin, le rôle des enseignants
spécialisés est redéfini dans la circulaire de 2015. Fort
de ses compétences en matière de différenciation et de
pédagogies adaptées, l'enseignant spécialisé peut
désormais « favoriser, au travers d'échanges au sein de
l'équipe enseignante, la mutualisation des compétences
professionnelles sur les difficultés des élèves, sur la
manière de les surmonter, les objectifs à atteindre et sur les
aménagements à mettre en oeuvre dans le cadre de la
différenciation pédagogique ». « Les
enseignants spécialisés ont ainsi la possibilité
d'intervenir, en lien avec le professeur de la discipline, au sein des autres
classes du collège sous forme de co-intervention ou de groupe de besoins
».
Tout en gardant une certaine spécificité, la
SEGPA évolue vers une inclusion de plus en plus forte et les politiques
publiques s'aperçoivent de la nécessité de cette
structure. Dans le rapport de Sylvie Tolmont à l'Assemblée
Nationale en 2014, elle considère que la disparition des SEGPA serait
« une perte sèche irréparable ». Elle explique que les
SEGPA constituent « une chance, voire un modèle pour l'école
d'aujourd'hui, car elles permettent la mise en oeuvre d'une pédagogie
exceptionnellement attentive aux besoins des élèves » mais,
paradoxalement, cette structure adaptée est « anormale » au
regard des principes de l'inclusion (Delaubier, 2014 dans rapport de 2014). A
travers la lecture de la circulaire de 2015, il apparaît que la structure
SEGPA vise à être maintenue, comme une forme possible de
différenciation des parcours au sein du collège.
Bien que la structure SEGPA soit encore aujourd'hui
valorisée dans son fonctionnement par les politiques, la nouvelle
certification CAPPEI définit l'enseignant spécialisé comme
une personne ressource et experte en pédagogie. Dans le cadre d'un
collège inclusif, on peut se demander alors quelles seront les nouvelles
missions de l'enseignant spécialisé. Aura t-il toujours une
classe face à lui ? Sera t-il un collègue expert qui apportera
ses connaissances didactiques et pédagogiques pour
pallier l'hétérogénéité
grandissante ? Dans quel but expérimente t-on dans plusieurs
collèges, les 6ème SEGPA en inclusion totale ?
2.2.3 : L'organisation interne de la
SEGPA
L'équipe pédagogique de la SEGPA est
constituée d'un directeur adjoint, de professeurs des écoles
spécialisés et de professeurs de lycée professionnel. Sous
l'autorité du chef d'établissement, le directeur adjoint
chargé de la SEGPA assure (circulaire, 2015) :
Ø « l'organisation pédagogique de la
SEGPA. Il est associé au projet d'établissement et participe aux
travaux de l'équipe de direction, dont il est membre.
Ø La cohérence de l'ensemble du projet de
fonctionnement de la SEGPA
Ø Le suivi et la coordination des actions mises en
place par les PE spécialisés4 et les professeurs des
classes concernées pour les élèves du collège
bénéficiant de la SEGPA.
Ø L'organisation et la planification des stages en
milieu professionnel, la conduite de la transmission des bilans annuels aux
familles et à la CDOEA5 si une révision d'organisation
est envisagée.
Ø La liaison avec les autres établissements
dispensant une formation et le suivi du devenir des élèves sortis
de la SEGPA. »
Une partie de l'enseignement général est
assuré par des enseignants spécialisés, titulaires ou non
du CAPPEI6 qui adaptent leur enseignement en passant par
l'aménagement des situations, des supports et des rythmes
d'apprentissage. Ces adaptations privilégient des pratiques
d'individualisation et de différenciation pédagogique. A partir
de la classe de 4ème, les élèves de SEGPA
bénéficient d'enseignements professionnels assurés par des
PLP7 dans des domaines variés : l'habitat, la restauration,
la peinture, l'agriculture... Les activités qui sont proposées
permettent à l'élève de commencer à construire son
projet professionnel qui sera conforté pendant l'année de
3ème. Les élèves construisent de nouveaux
apprentissages à partir de situations concrètes.
Afin de répondre aux objectifs des champs
professionnels, les élèves sont amenés à
découvrir le monde de l'entreprise en réalisant des stages tout
au long de l'année. En 4ème, ce sont des stages de
découverte qui visent à l'acquisition d'attitudes sociales et
professionnelles ainsi qu'à
4 PESPE : professeur des écoles
spécialisé
5 CDOEA : commision départementale d'orientation vers les
enseignements adaptés
6 CAPPEI : certificat d'aptitude professionnelles aux pratiques
de l'école inclusive.
7 PLP : professeur de lycée professionnel.
l'appréhension à un niveau adapté de
connaissances techniques. En 3ème, ce sont des stages
d'application qui ont pour objectif « l'articulation entre les
compétences acquises dans l'établissement scolaire et les
langages techniques et les pratiques du monde professionnel » (circulaire,
2015). Les PLP encadrent, accompagnent et orientent les élèves en
fonction de leurs aspirations mais aussi de leurs possibilités en tenant
compte de leurs besoins éducatifs particuliers. Lors des réunions
de synthèse et de coordination qui ont lieu toutes les semaines,
l'équipe pédagogique analyse, échange et permet le suivi
de chaque élève à travers ses possibilités
d'évolution, les soutiens et les aides diverses susceptibles de lui
être apportés.
Cette organisation bien spécifique et
caractérisant la SEGPA, ne concerne que les élèves
orientés en SEGPA. Dans le cadre d'une école inclusive, nous
pourrions nous demander dans quelle mesure cette organisation bien rodée
ne pourrait pas s'étendre aux élèves de tout le
collège et pourrait favoriser ainsi la découverte des
métiers dans son ensemble alors que les préconisations actuelles
tendraient plus vers la disparition des ateliers qui ne répondent pas
aux exigences des attendus du socle commun en fin de troisième.
2.2.4 : La SEGPA : D'un système
intégratif à un système inclusif?
Comme nous avons pu le voir précédemment, les
paradoxes sont nombreux concernant la structure SEGPA. D'un côté,
ses potentiels sont mis en avant par les institutions (organisation bien
huilée, meilleure intégration, des enseignants de qualité)
et de l'autre une structure qui ne répond pas aux objectifs d'un
collège à visée inclusive. Dès lors, quels sont les
moyens qui permettraient de rendre la SEGPA inclusive ? Quels sont les freins
inhérents à la SEGPA ?
L'académie de Lille (2016), bien avant le rapport
remis par deux inspecteurs sur les SEGPA, a mis en place un dispositif inclusif
pour les 6ème SEGPA : les 6ème
pré-orientés SEGPA étaient inclus dans les classes de
6ème ordinaires. (Annexe II). Dans le
vadé-mécum, un tableau explicatif compare le modèle ancien
de la SEGPA avec le modèle attendu dans une SEGPA inclusive :
Tableau 1: De l'ancien paradigme au nouveau paradigme
Le fonctionnement ancien
|
Le fonctionnement nouveau attendu
|
Des élèves qui ne se mélangent pas aux
autres ou très peu.
|
Des élèves davantage inclus parmi leurs
camarades du collège.
|
Un parcours de scolarisation identique pour tous.
|
Une personnalisation des parcours de scolarisation avec une
élévation du degré d'ambition (DNB8
professionnel et bac professionnel).
|
Des enseignants spécifiques (PE
spécialisés + Professeur de lycée professionnel) qui
travaillent peu en équipe avec les autres professeurs du
collège.
|
Une mutualisation des compétences professionnelles dans
le cadre d'un travail en équipe à construire et à
développer.
|
Une structure distincte des autres classes du collège
avec des objectifs et une organisation propre, disposant d'une DHG9
fléchée.
|
Une structure (continuant de disposer d'une DHG
fléchée) fonctionnant davantage en mode « dispositif »
et contribuant à un fonctionnement du collège plus inclusif.
|
|
Deux ans après ce vadémécum, en 2018,
l'Inspection Générale a remis au Ministre de l'Education
Nationale un rapport concernant les SEGPA, rédigé par Mme Abraham
et M. Desprez. Ce bilan propose des pistes de réflexion pour permettre
à la SEGPA de devenir plus inclusive. Deux inspecteurs, en 2018, ont
été missionnés pour effectuer un bilan sur les SEGPA. Leur
mission était de chercher à analyser « comment les
acteurs repensent, depuis la circulaire de 2016, la scolarisation des
élèves qui bénéficient de l'orientation en EGPA,
leurs parcours de formation et d'orientation et comment la structure SEGPA
s'organise et fonctionne dans le respect du principe d'inclusion
énoncé par la loi du 8 juillet 2013 ». Le
vadémécum de Lille a été un des points d'appui pour
aborder les modalités de l'inclusion. La méthode qui a
été retenue a été une enquête de terrain
où la mission s'est déplacée dans différentes
académies : dix SEGPA ont été visitées. Des
entretiens ont été menés avec des équipes de
direction, des directeurs adjoints de SEGPA et des équipes
enseignantes.
L'objectif de ce bilan porte sur les évolutions
possibles de la SEGPA tout en ne remettant pas en cause le bien-fondé de
cette structure. Les inspecteurs souhaitent confirmer les SEGPA dans leur
capacité à répondre au principe d'une école
inclusive énoncé par la loi de 2013 en communiquant et
démontrant que la SEGPA reste en capacité de traiter et
résorber la grande difficulté scolaire et conduire à la
réussite. La mission constate que l'inclusion des élèves
de SEGPA en classe ordinaire reste marginale pour plusieurs raisons :
Ø Les parents d'élèves des autres
classes, qui méconnaissent l'enseignement spécialisé,
s'opposent parfois de manière radicale aux tentatives et formes
d'inclusion qui tendent à se
8 DNB : Diplôme national du brevet
9 DHG : Dotation Horaire Globale
développer parce qu'ils ont des difficultés
à accepter que des élèves de SEGPA soient «
intégrés » ou « inclus » dans la classe de leur
enfant.
Ø Les professeurs, qui parfois méconnaissent ce
public, et ont le plus souvent une image dépréciative des
élèves qui le composent. Outre leur méconnaissance, les
professeurs ont peur d'avoir une difficulté supplémentaire
à gérer en terme de gestion de classe.
Ø Certaines équipes enseignantes ne souhaitent
pas que se développent le modalités d'inclusion qui permettent
aux élèves de SEGPA de poursuivre une scolarité ponctuelle
ou totale au sein des classes de collège.
Or, selon la mission, ces inclusions sont des valeurs
ajoutées. Mais certains enseignants ne le perçoivent pas comme
tel et souhaitent le maintien en l'état de la structure SEGPA qu'ils
considèrent « comme une chance pour les élèves
», proche « d'un cocon » (ce que reprochent d'ailleurs à
la SEGPA les tenants de l'inclusion...)
Les expériences dont nous avons parlées,
notamment celle de l'académie de Lille, se développent en France.
Néanmoins, la mission observe que certains enseignants se
découragent pour rejoindre le dispositif car ils sont habités par
la crainte de perdre leur identité professionnelle en enseignant en
binôme auprès d'un public à BEP. Le rôle des chefs
d'établissement est alors de rassurer, dissiper les craintes concernant
l'incertitude qui pèse sur l'évolution de cette structure et des
postes d'enseignants. A l'instar du vadémécum de Lille, la
mission constate de nombreux points positifs à inclure les
élèves de sixième pré orientés SEGPA en
classe ordinaire :
Les préconisations envisagées (Annexe III) par
la mission correspondent en tous points à celles qui ont
été mises en place par l'académie de Lille. Ces
préconisations tendent à démontrer à la fois
l'utilité de la SEGPA tant dans son fonctionnement que dans son approche
pédagogique en
lien avec le traitement de la grande difficulté
scolaire et la possibilité d'une évolution vers une meilleure
inclusion des élèves qui composent cette structure. Il semble que
les conclusions ne se portent pas sur une éventuelle disparition des
SEGPA mais plutôt vers une uniformisation des SEGPA. En effet, les
disparités qui existent sur le plan national, avec notamment la prise en
charge de ces élèves par les professeurs de collège,
doivent évoluer afin que ces élèves puissent
bénéficier d'un enseignement riche et varié. Suite
à cette enquête de terrain qui a duré dix ans, basée
sur des entretiens auprès d'équipes de direction, de directeurs
de SEGPA, d'enseignants spécialisés et d'élèves, il
serait intéressant de se demander toutefois pourquoi les enseignants du
secondaire n'ont pas fait partie du panel interrogé, sachant qu'ils
interviennent auprès de ces élèves et qu'ils ont
certainement un avis à exprimer... Néanmoins, ce bilan apporte
des éléments objectifs qui peuvent éclairer la situation
actuelle des SEGPA.
Le premier point qui a été interrogé
porte sur l'élève de SEGPA avec ses « difficultés
graves et persistantes ». Les inspecteurs s'interrogent sur d'autres
élèves de l'ordinaire qui parfois ne se distinguent pas tant que
cela des élèves de SEGPA dans leur profil. Le second point
indique que les parents n'adhèrent pas facilement à la
proposition de l'orientation en SEGPA (préjugés, image de la
SEGPA, enfants à la marge). Le troisième point indique que la
place de la SEGPA au sein du collège est variable ainsi que son
fonctionnement. Certains collèges favorisent les passerelles (passage
d'un élève de SEGPA vers l'ordinaire) alors que d'autres s'y
opposent.
Les inspecteurs notent que malgré des textes
institutionnels communs, chaque SEGPA dispose d'un fonctionnement propre. Il
n'existe pas d'uniformité nationale. On peut émettre
l'hypothèse que les impulsions vers une meilleure inclusion pourraient
venir à la fois de l'équipe de direction mais aussi des
enseignants eux-mêmes en mettant en place un travail d'équipe, une
meilleure concertation, une ouverture d'esprit aux changementx et aux
évolutions inéluctables liées à ces changements.
Par ailleurs, dans une enquête PISA de 2018, les résultats
concernant l'obtention des diplômes indiqueraient que
l'élève de SEGPA aurait eu des résultats similaires s'il
avait suivi un cursus ordinaire. Tous ces éléments d'observation
tendent à démontrer que la structure SEGPA n'a plus vraiment sa
raison d'être. Or, les politiques savent pertinemment que le travail
mené par les enseignants spécialisés tout au long du
cursus de l'élève portent ses fruits. Si les élèves
de SEGPA venaient à être inclus totalement dans l'ordinaire, les
enseignants du secondaire pourraient-ils remplir les mêmes fonctions
sachant qu'ils doivent déjà faire face à un grand nombre
d'élèves en difficulté ?
2. 3 : Des expériences de
terrain
2.3.1 : L'expérience de Laville et
Saillot
Plusieurs chercheurs ont mené des enquêtes de
terrain sur l'inclusion des SEGPA, uniquement délimitée aux
sixièmes. Laville et Saillot (2019) ont effectué une recherche
dans un collège de la région parisienne situé en
REP10. Dans ce collège s'est mise en place une
démarche visant la mise en oeuvre de modalités de scolarisation
inclusive avec les SEGPA. L'objectif du collège était de «
favoriser l'acquisition d'une culture commune à tous les
collégiens afin de prévenir les risques de décrochage et
d'exclusion scolaire de l'ensemble des élèves ».
Le projet a vu le jour suite aux attentats de Charlie Hebdo,
dans l'objectif d'améliorer le climat scolaire. Il a engendré des
réflexions autour de l'inclusion des élèves de SEGPA, tant
au niveau des pratiques enseignantes qu'au niveau de sa mise en oeuvre
organisationnelle. Ce projet s'est mis en place sur la base du volontariat.
Tous les élèves de SEGPA ont été inscrits dans une
classe de référence dans l'ordinaire et chaque professeur
spécialisé était mandaté pour être professeur
principal dans une classe de l'ordinaire. On pourrait schématiser ce
projet de la façon suivante :
Figure 2: Modèle de 6ème inclusive
10 REP : Réseau d'Education Prioritaire
Les collègues enseignants ont mal perçu ces
initiatives car cela leur a été imposé sans concertation
préalable. Les chercheurs se sont appuyés sur deux concepts pour
analyser la situation : celui de liminalité (situation d'entre-deux),
emprunté à l'anthropologie et celui de dilemme emprunté
à Clot en clinique de l'activité.
Les constats observés chez les enseignants :
Ø Impression d'être emmenés de force par
leur direction
Ø Sentiment d'être insuffisamment formés
Ø Pouvoir d'agir limité pour accueillir l'ensemble
des élèves En discutant avec les enseignants, les chercheurs ont
noté deux dilemmes :
Ø Le paradoxe entre les valeurs inclusives qu'ils
défendent et la réalité praxéologique du terrain
· L'accueil des élèves de SEGPA,
vécu comme précipité et comme un « écran
masquant »
· L'hétérogénéité de
profil des élèves inclus
Ø Les difficultés organisationnelles
· Budget
· Constitution des emplois du temps
· Institutionnalisation des réunions
· Articulation des exigences des textes officiels entre
élèves à « BEP » et ordinaires
De plus, l'identité des principaux acteurs de terrain
est bouleversée : les professeurs de collège constatent que
certains de leurs élèves ont parfois les mêmes
problématiques que les élèves de SEGPA, ce qui n'est pas
surprenant car l'orientation d'un élève en SEGPA est tributaire
de l'accord parental. Paradoxalement, c'est grâce à
l'étiquetage SEGPA que peuvent se développer des pratiques
d'enseignement dans le collège. Les échanges avec les professeurs
de collège « laissent entrevoir le poids des représentations
sociales du handicap, son aspect déficitaire » (Laville et Saillot,
p. 318), dans le sens où il est moins culpabilisant de ne pas faire
progresser un élève d'ULIS11 qu'un élève
de SEGPA... La situation des élèves de SEGPA agit alors comme un
révélateur de la tension entre le genre professionnel des
enseignants d'éducation prioritaire qui repose sur la défense des
valeurs de lutte contre l'inégalité et les nouvelles situations
d'enseignement auxquelles les professeurs disent être confrontés.
Les élèves de SEGPA, quant à
11 ULIS : Unité Localisée pour l'Inclusion
Scolaire
eux, s'inscrivent dans un principe de liminalité : ils
sont dans un « entre deux ». Il est « confortable d'appartenir
à un groupe défini et confortable aussi d'aller chercher la norme
» (Ibid,p.319). Un an après cette expérience, le
chef d'établissement a fait machine arrière dans le processus
inclusif.
2.3.2 : L'expérience de
Berzin
Berzin (2015) a mené une enquête sur la Picardie
concernant la politique d'inclusion sur des élèves à
besoins éducatifs particuliers (BEP). Une cinquantaine d'entretiens
semi-directifs a été réalisée auprès de
parents, d'enseignants et de directeurs d'école. Elle constate que dans
le second degré, « l'accueil des élèves à
BEP12 relevait encore davantage du militantisme que d'une
réelle connaissance d'un droit à l'éducation »
(p.79). Outre l'insuffisance des moyens d'accompagnement, les
témoignages recueillis mettaient avant tout l'accent sur les
difficultés de collaboration à l'intérieur même de
l'établissement.
L'analyse des représentations des enseignants a
montré que la plupart d'entre eux imputent les difficultés
d'apprentissage à des caractéristiques intrinsèques des
élèves et interrogent rarement les situations
d'apprentissage-enseignement mises en oeuvre (Monfroy, 2002, in Berzin, p.81).
Afin qu'une école inclusive puisse voir le jour et fonctionne, il est
nécessaire de croiser les regards et « d'articuler deux
systèmes : l'ordinaire et le spécialisé » (p. 84).
Suite aux entretiens, Berzin aborde des pistes de
réflexions. Elle note des évolutions significatives :
Ø Une meilleure connaissance des lois et du rôle de
l'enseignant spécialisé
Ø Une évolution dans la manière de voir
l'élève à BEP
Ø Des enseignants bienveillants et à
l'écoute
Ø Des décloisonnements, des projets
Ø Des adaptations de supports qui profitent à
tous les élèves Toutefois, certaines limites restent
prégnantes et visibles :
Ø Le manque de temps pour les enseignants
Ø La difficulté à mobiliser les
équipes
Ces expériences ont vu le jour dans plusieurs
établissements, mais devant la complexité du fonctionnement, les
résistances des uns et des autres, la peur du changement, le processus
inclusif
12 BEP : Besoins Educatifs Particuliers
ne s'est pas encore inscrit de façon pérenne
car « l'enseignant peut penser en toute
bonne foi que l'inclusion scolaire est une valeur à défendre et
à promouvoir... mais qu'il n'a pas de motifs valables de changer ses
habitudes dans la mesure où l'histoire de l'éducation des jeunes
à BEP est dominée par une logique ségrégative
» (Zaffran, 2013, in Laville et Saillot, p.319). Par ailleurs, un
élément très important à prendre en compte dans la
mise en place du dispositif inclusif pour les 6ème SEGPA est le nombre
d'élèves pré-orientés. En effet, si 4
élèves sont pré-orientés SEGPA, il est plus facile
de les inclure dans l'ordinaire que s'ils sont 16, surtout si aucune ouverture
de classe n'est prévue dans l'ordinaire... Dès lors, le
schéma ci-dessous, à l'instar de L. Cuban sur le cycle des
innovations, peut illustrer ce qui se passe dans différents
établissements qui tentent de mettre en place ces dispositifs
inclusifs.
Figure 3: Interprétation des expériences de
sixième inclusive
2.3.3 : L'académie de Lille,
pionnière en matière d'inclusion
La parution des textes relatifs à la SEGPA vient
modifier en profondeur les parcours de scolarisation des élèves
qui en bénéficient et, par là même, la façon
dont s'articule le fonctionnement de la SEGPA avec les autres classes du
collège.
L'académie de Lille n'a pas attendu ces textes, elle
avait déjà anticipé en incluant les 6ème SEGPA
appelées « 6ème inclusives ». Ce dispositif
a mobilisé 14 établissements. La personnalisation du parcours de
scolarisation d'un élève de SEGPA est un objectif de la
réforme. Comment se traduit-il?
Ø Mise en place d'un projet pédagogique individuel
établi pour l'élève
Ø Un emploi du temps
Ø Les documents relatif au parcours Avenir (inscrit dans
les projets d'établissement)
Ø L'ensemble des documents sur l'élève
(compte rendu de synthèse...)
Un pilotage du parcours de l'élève qui
implique:
Ø Une communication renforcée avec la famille
Ø Une communication entre les enseignants
Pour mener à bien ce projet, il est nécessaire
qu'il y ait partage d'informations relatives à la connaissance des
élèves :
Ø Pendant l'acte d'enseignement
Ø En amont et en aval de l'acte d'enseignement
Le travail en amont et en aval des séquences
d'enseignement devient très important : en amont, l'enseignant doit
bâtir des progressions communes, préparer des séances en
co-intervention, se mettre d'accord sur le type d'intervention de chaque
professionnel, le partage des tâches et en aval, l'analyse
réflexive des séances, l'échange sur les pratiques.
Le vadémécum insiste sur le temps a
déployer pour parvenir à ces objectifs et préconise de
l'institutionnaliser dans l'emploi du temps, prévoir des temps de
concertation communs pris sur le temps de concertation ou sur le temps
personnel. Dans l'optique de cette inclusion des élèves de SEGPA,
quels sont les rôles de l'enseignant spécialisé et du
professeur de collège ?
Figure 4: les rôles du PE spé et du professeur
de collège dans un collège inclusif
Dans ce vadé-mécum il nous est proposé
deux modalités d'expérimentations : une inclusion totale et une
inclusion avec des regroupements au sein de la SEGPA. Par ailleurs, des
modalités d'intervention sont proposées s'inspirant du dispositif
« plus de maîtres que de classes » : co-intervention /
co-animation / co-enseignement :
Figure 5: Dispositif inclusif "plus de maîtres que de
classes"
Il est précisé toutefois que ces modalités
d'enseignement peuvent être source d'inquiétude pour les
enseignants :
Ø Le PLC n'est plus le seul enseignant dans sa classe et
doit envisager son programme, ses méthodes, ses séances avec un
autre enseignant et lui faire une véritable place.
Ø Le PE spécialisé n'a plus sa classe et
doit s'adapter aux méthodes et exigences de son collègue tout en
trouvant sa place au sein d'une classe qui n'est pas la sienne.
L'expérience a donc été mise en place et
les tenants de cette expérimentation ont interrogé les principaux
acteurs pour avoir leur point de vue :
Les apports de l'inclusion pour les élèves
(point de vue des enseignants) :
Ø « Les élèves se sont
adaptés naturellement, ils ont deux enseignants. La présentation
s'est faite naturellement le jour de la rentrée.
Ø Les élèves du dispositif ne sont pas
stigmatisés dans les autres disciplines.
Ø Les échanges entre les enseignants facilitent
la compréhension des élèves en difficulté.
Ø Les élèves en difficulté osent
participer, le climat de classe est propice aux échanges. L'erreur a
été dédramatisée, les enseignants ont pris
conscience pour certains élèves de la difficulté et non de
« la non volonté ».
Ø Constat d'un bon climat de classe, de « bonnes
mentalités ».
Ø Le dispositif a permis de repérer et d'aider des
élèves non identifiés en CM2 ». Les apports
de l'inclusion pour les enseignants ont été les suivants
:
Ø L'inclusion permet la mutualisation des
compétences et l'enrichissement de chacun : le PE
spécialisé apporte sa spécificité dans la gestion
de la grande difficulté scolaire, le PLC sa maîtrise de la
didactique. « Je peux rester un moment sans intervenir et juste
écouter le cours, je vois l'histoire autrement. Je ne verrai plus les
angles de la même façon ! ».
Ø Prendre conscience que dans la classe, il y a plus
d'élèves en difficulté, c'est « déstabilisant
mais l'aide du PE spécialisé a apporté un éclairage
sur l'adaptation des cours pour permettre une meilleure compréhension
pour certains élèves ».
Toutefois, malgré une expérience qui semble avoir
réussi, quelques points de vigilance sont notés :
Ø Les temps de préparation et de concertation
gagnent à être clarifiés dans l'emploi du temps.
Ø Les programmations gagneraient à être
uniformisées.
Ø Les adaptations ne doivent pas s'arrêter au
niveau de la sixième.
Ø Des enseignants ne sont pas encore prêts
à modifier leurs pratiques et à questionner les besoins de
l'élève.
Comme nous pouvons le constater, mettre en place une
politique inclusive n'est pas chose aisée. Elle nécessite
d'importantes transformations tant au niveau organisationnel que
pédagogique. De plus, cela implique un changement de mentalités,
de pratiques et une collaboration importante.
2.3.4 : Des éléments de controverse s
scientifiques
Les politiques imposent mais ne se demandent pas ce que cela
fera dans la singularité des personnes. L'inclusion peut être une
belle idée mais peut être catastrophique dans les faits. Exister
dans un groupe avec une petite différence c'est compliqué alors
avec une grande différence... compliqué pour l'enseignant et pour
l'élève. Les institutions peuvent devenir maltraitantes par leurs
injonctions car elles ne prennent pas le temps de comprendre dans quoi nous
sommes. (Cifali, 2021).
Entre le dire et le faire, le pas est grand même si la
volonté est louable. Nous verrons dans cette partie, à la fois
que la charge de travail des enseignants, sans école inclusive, est
déjà très difficilement réalisable et que des
expériences de terrain sur l'inclusion des élèves de SEGPA
qui ont vu le jour se sont révélées fort peu
constructives.
Le travail réel et les conditions de travail
des enseignants sans fonctionnement inclusif
Comme nous l'avons vu dans l'expérience
pionnière de Lille, les exigences en matière de travail pour
parvenir à atteindre les objectifs d'une inclusion réussie sont
nombreuses et quasi irréalisables tant le travail demandé en
amont et en aval est important. Torres (2014) parle d'une «
dévaluation sociale du métier ». En effet, il constate
qu'avec la massification des publics, les enseignants font face à des
classes chargées en effectif et de plus en plus
hétérogènes (amener le plus d'élèves d'un
groupe classe au baccalauréat). De plus, le pouvoir d'achat des
enseignants baisse régulièrement. Enfin, la reconnaissance
sociale du métier est précarisée.
Dans une synthèse de Maroy en 2006, ce dernier
explique que l'enseignant doit « tenir sa classe » et « faire
apprendre aux élèves » ce qui implique une activité
d'une grande complexité qui varie selon l'environnement, le public, les
buts et les moyens fixés pour les atteindre (Maroy, 2006, p.114). Il est
un exécutant devant tenir compte des injonctions, des missions de
l'école et son travail s'inscrit dans une organisation disciplinaire des
programmes. Néanmoins, c'est un travail de l'humain. On se soucie des
besoins de l'enfant et de sa psychologie. Aujourd'hui, les tenants de
3.1 : le cadre théorique : PLC et PE face
à une école inclusive
l'inclusion reprochent aux enseignants
spécialisés d'être trop dans la bienveillance, de vouloir
redorer l'estime de soi aux élèves.
L'enseignant est déjà fortement
sollicité en charge de travail : l'activité de l'enseignant,
notamment du secondaire, se joue au moment des préparations en amont du
cours et au moment de faire cours. Cela implique aussi une mise en forme
pédagogique des savoirs (Barrère, 2002). Avant de parler
d'école inclusive, les chercheurs comme Lang, Dubet, Barrère,
constatent un déplacement du coeur du métier avec une
transformation de l'enseignant « magister » vers l'enseignant «
pédagogue ». Le praticien réflexif est promu au
détriment de modèles anciennement valorisés comme celui du
« maître instruit ». Désormais, l'enseignant est
amené à travailler en équipe (projets
pluri-disciplinaires) et s'investit plus dans la gestion de son
établissement. Dès lors, l'enseignant doit davantage s'investir
dans des taches administratives et de gestion scolaire. (Eurydice, 2005).
A l'instar de Lang, Dubet et Barrère, Rayou et Van
Zanten (2004) évoquent une « gestion de classe plus
hétérogène et plus difficile ». Le travail des
enseignants devient tout autant émotionnel qu'intellectuel car il faut
mobiliser, outre les savoirs académiques, des connaissances et
savoir-faire divers pour assurer des interactions qui rendent les
apprentissages possibles. L'intensification du travail contribue à
rendre parfois les conditions de travail difficiles : manque de temps,
surcharge chronique, remplacement du temps passé devant les
élèves par la réponse aux demandes administratives,
diversification de leur expertise, curriculum et pédagogie
formatée et cadrée (Hergreaves, 1994). Cette intensification des
taches demandées tend vers une remise en cause de l'identité
professionnelle des enseignants, c'est pourquoi au regard de ce que
préconise l'école inclusive en matière d'investissement
tant professionnel que personnel, cela ne peut se faire sans heurts.
3. Problématisation et cadre
théorique
Ce mémoire s'inscrit à la fois dans un contexte
institutionnel et professionnel dans lequel nous sommes investis. Il vise
à mieux comprendre le rôle de la SEGPA et des acteurs qui en font
partie directement ou indirectement, à savoir les professeurs des
écoles spécialisés et les professeurs de collège
qui interviennent auprès du public SEGPA dans un contexte de politique
inclusive.
L'étude que nous réalisons porte sur les
changements de l'identité professionnelle, à la fois des
professeurs de collège et surtout des enseignants
spécialisés travaillant en SEGPA, qui vont naître de la
politique inclusive défendue d'une part, par les institutions et d'autre
part, par un nombre important de chercheurs.
L'identité professionnelle des enseignants serait mise
à mal dans ce contexte d'école inclusive, semble t-il, selon
certains chercheurs. Nous allons essayer de comprendre pourquoi, en
définissant dans un premier temps ce qu'est l'identité
professionnelle, puis dans un second temps, les conséquences
éventuelles sur l'identité de nos acteurs professionnels. Nous
notons cependant que la littérature scientifique est très pauvre
dans l'analyse de l'identité professionnelle des enseignants
spécialisés en SEGPA et qu'il est parfois difficile, voire
impossible, de trouver matière à enrichir les hypothèses
de notre étude.
3.1.1: Concepts d'intégration et
d'inclusion
Dans le cadre de notre étude, il est important de
définir ces deux termes afin, d'une part, de positionner la SEGPA dans
notre champ d'analyse et d'autre part, comprendre dans notre analyse de
récoltes de données empiriques pourquoi les enseignants sont
amenés à associer de manière identique ces deux concepts
et quel(s) questionnement(s) le processus inclusif pose t-il dans leur
construction identitaire ?
Au travers de nos lectures, les articles sont nombreux
à évoquer la nécessité de devoir définir les
termes inclusion et intégration. Est-ce juste une querelle
sémantique ou ces deux notions sont-elles vraiment antinomiques ?
Dans la déclaration de Salamanque (juin 1994), on
parle d'« intégration », or les tenants de l'inclusion ont les
mêmes visées que celles décrites dans la
déclaration, à savoir le combat des discriminations, une
visée humaniste et une école identique pour tous. Selon Armstrong
(2006), « l'inclusion s'oppose à l'intégration car les
enfants intégrés peuvent en effet être perçus comme
« des visiteurs » en provenance de milieux spécialisés
et non comme des membres à part entière de la communauté
scolaire. L'éducation inclusive implique une double transformation : des
écoles, pour qu'elles deviennent des communautés ouvertes
à tous sans restriction et des pratiques, pour permettre les
apprentissages de tous dans la diversité. » (in Boutin et Bessette,
2009, p 18). A l'instar d'Armstrong, les tenants de l'inclusion totale
préconisent une transformation majeure des pratiques pédagogiques
courantes. Ces pratiques doivent être modifiées pour s'inscrire
« dans un plan de transformation complète de la
société » (Gardou et Poizat, 2007, in Boutin et Bessette,
2009, p.21). « La notion d'inclusion repose sur un principe éthique
: celui du droit pour tout enfant,
quel qu'il soit, à fréquenter l'école
ordinaire. » (Plaisance, Belmont, Vérillon, Schneider, 2007,
p.160). « L'inclusion, à la différence de
l'intégration, suppose non seulement l'intégration physique mais
aussi pédagogique afin de permettre à tous les
élèves d'apprendre dans une classe correspondant à leur
âge ceci quelque soit leur niveau scolaire. » (Thomazet, 2006,
p.20). Pour Stainback et Stainback (1992), « une école ou une
classe inclusive accueille tous les élèves dans un même
lieu. Aucun d'eux, qu'il s'agisse des élèves en difficulté
ou des autres, n'est exclu et placé dans des dispositifs ou classes
spéciales. » (Boutin et Bessette, 2009, p.52). D'après tous
ces chercheurs, dans le processus inclusif, c'est l'école et la
société qui s'adaptent à l'élève et à
ses besoins particuliers et non l'inverse, ce qui implique un changement
radical du positionnement de l'école mais aussi de la
société dans son ensemble.
A contrario, les tenants de l'intégration
défendent l'idée que l'école doit tout mettre en oeuvre
pour que l'élève puisse s'adapter à son environnement
actuel, le comprendre et l'accepter. « On permet à des
élèves en difficulté de fréquenter la classe
ordinaire ou d'autres dispositifs destinés à favoriser leur
apprentissage et leur développement. L'intégration requiert la
collaboration de l'enseignant de la classe ordinaire avec les
spécialistes avant même la mise en place de quelque dispositif que
ce soit. On associe l'intégration au processus de normalisation. »
(Boutin et Bessette, 2009, p.28). Certains auteurs parlent aussi de la
théorie du behaviorisme (comportementalisme) qui s'oppose au
socio-constructivisme que défendent les tenants de l'inclusion.
La position de l'école inclusive implique des
modifications ou des transformations au niveau des contenus d'enseignement, des
stratégies, et des structures éducatives. Les modalités
pour une école inclusive peuvent se résumer en un certain nombre
de dispositifs selon Boutin et Bessette (2009, p.57) :
Ø Création un climat favorable à
l'acceptation de la diversité.
Ø Modalités d'intervention concernant
méthodes et techniques pédagogiques (enseignement mutuel, travail
d'équipe, apprentissage coopératif).
Ø Place importante donnée à
l'individualisation et à la différenciation.
Ø Pédagogie de projet.
Ø Dispositif organisationnel destiné à
favoriser une inclusion responsable.
Toutefois, Gillig (2006) n'est pas convaincu de la
faisabilité de l'inclusion sous sa forme radicale car elle requiert une
transformation de l'école et de la communauté toute
entière. Elle préconise une modification importante des contenus,
des approches et des méthodes d'enseignement (Boutin et Bessette, 2009,
p.61). Nous pouvons nous demander, en effet, si la société est
prête à ce changement radical. Il en est de même pour
l'ensemble de la communauté éducative : sans formation, sans
préparation, sans moyens supplémentaires, peut-on raisonnablement
penser que cet idéal d'école inclusive pourra se mettre en place
? Plusieurs auteurs
insistent sur le fait qu'une inclusion totale, surtout si
elle est mal orchestrée, risque d'avoir des répercussions
négatives sur le fonctionnement de la classe. Crouzier explique certains
obstacles à l'inclusion qui se résument à la
difficulté de transfert des savoir-faire spécialisés vers
les pratiques des enseignants ordinaires. (Crouzier, 2010, p.39). En effet,
l'identité professionnelle des enseignants, notamment dans le
secondaire, s'est construite en opposant ceux qui ont développé
des compétences avérées en faveur d'élèves
en difficulté de ceux pour qui c'est inutile, puisque pour eux ces
élèves doivent avoir une place à part. Cette construction
identitaire, dont nous reparlerons, est encore en proie à de nombreuses
résistances. De plus, la formation mise en place pour cette
évolution ne semble pas préparer et sécuriser suffisamment
les personnels.
Jean Pierre Peyroulou, chercheur à l'EHESS va plus
loin en disant que « l'inclusion scolaire est incompatible avec les seules
performances scolaires et par conséquent avec un système
pensé et fonctionnant sur l'unique principe de la sélection, du
scolaire de compétition et d'une course d'obstacles du primaire au
supérieur » (Crouzier, 2010, p.188). Or, d'après Plaisance,
« La notion d'éducation inclusive reflète l'exigence faite
au système éducatif d'assurer la réussite scolaire et
l'insertion sociale de tout élève, indépendamment de ses
caractéristiques individuelles ou sociales » (Ebersold, S,
Plaisance, E, Zander, C, 2016, p.10). Cette contradiction entre les exigences
d'un système éducatif sélectif et des valeurs
éthiques anime les chercheurs.
Plaisance (2020) cite à plusieurs reprises Cury,
spécialiste brésilien du droit à l'éducation, qui
explique que l'exclusion et l'inclusion « entretiennent des relations
dialectique, que l'une n'existe pas sans l'autre et que par conséquent,
une réflexion qui s'appuie sur la notion d'éducation inclusive ne
peut ignorer les termes de l'inégalité et de la discrimination
précisément pour les contrecarrer ». Cury donne une
définition de l'éducation inclusive : « Dans son
principe, l'éducation inclusive correspond à une modalité
de scolarisation où ceux qui étudient ont les mêmes droits
que leurs pairs, sans discrimination de sexe, de race, d'ethnie, de religion et
de capacité. Ils disposent donc du droit de fréquenter les
mêmes établissements et de participer aux activités de leur
âge » (Cury, 2009, p.42).
Notons que la volonté de tendre vers une école
inclusive questionne beaucoup et qu'aucun consensus n'est admis pour attester
de son bien-fondé (Desombre, 2011 et Mazereau, 2015 in Chevallier et
Rodriguez, 2016, p.230). De plus, quelques chercheurs notent un décalage
trop important entre l'idéologie inclusive et la pratique (Plaisance,
2012 in Ibid, p.230).
Que nous parlions d'intégration ou d'inclusion, les
chemins qui nous amènent à ces deux concepts sont proches et leur
objectif est sensiblement identique : que les élèves aient les
mêmes droits et le même accès au savoir. Il nous semble que
la différence notable entre ces deux concepts est l'universalité.
En effet, l'inclusion est un concept universel d'où la difficulté
de la mettre en place.
Le processus intégratif est en place en France et le
concept d'inclusion fait son chemin dans les esprits. Désormais, la
question qui se pose est sa mise en place concrètement. Si on se
réfère aux tenants de l'inclusion totale, les classes et les
structures spécialisées doivent fermer et la collaboration
étroite entre tous les partenaires de l'école doit être la
garante de la réussite de tous les élèves à besoins
éducatifs particuliers. Or, force est de constater qu'une inclusion
« non réfléchie, non anticipée et non acceptée
par l'ensemble des acteurs concernés peut représenter une mise en
danger ressentie et objective de la personne » (Ventoso et Fumey, 2016,
p.100). De nombreuses questions émergent alors : Les enseignants
sont-ils prêts à ce changement radical ? Quels sont les objectifs
des pouvoirs publics dans la mise en oeuvre de cette école inclusive ?
Quelles sont les formations mises en place ou qui verront le jour ? Dans quelle
mesure peut-on passer d'une idée, d'un concept, à une mise en
pratique sur le terrain par les enseignants quand ces derniers ne sont ni
préparés, ni formés ? Quel est le devenir de la SEGPA, de
ses enseignants spécialisés, de ses élèves ?
3.1.2 : Identité et
changement
L'analyse de la littérature scientifique semble
montrer, d'une part, la difficulté intrinsèque à mettre en
place une école inclusive dans une école qui se veut toujours
sélective et ségrégative, et d'autre part, une
identité professionnelle chez les enseignants qui se voit
bouleversée, questionnée par ce paradigme inclusif.
La difficulté de notre étude réside dans
l'analyse de deux corps de professionnels bien distincts en proie à des
changements qui vont affecter leur identité : les professeurs de
collège appartenant au second degré et les professeurs des
écoles spécialisés appartenant au premier degré
mais travaillant dans le second degré. Bien que ces deux corps aient
désormais un référentiel commun depuis 2015, les
formations initiales conservent leur particularité propre et
singulière. Le professeur des écoles spécialisé est
amené, par sa polyvalence, à travailler en projet, à
mettre en place des décloisonnements, à travailler en
équipe, à se réunir avec des partenaires extérieurs
à l'école alors que le professeur de collège est
centré sur sa discipline dans laquelle il excelle
généralement et le programme qu'il doit mener à bien
durant une année. Si les SEGPA venaient à se transformer ou
à disparaître, quelles seraient alors les conséquences sur
l'identité professionnelle des professeurs des écoles
spécialisés et sur les enseignants du second degré non
spécialisés qui devraient accueillir en totalité les
élèves de SEGPA ?
Dans sa thèse, Zimmermann (2013) parle de la
polyvalence comme caractéristique de l'identité professionnelle
des professeurs des écoles. Il souligne que cette polyvalence est un
élément récurrent des textes officiels depuis une dizaine
d'années et qu'il existe un lien explicite
entre cette polyvalence et cette construction de
l'IP13(Zimmermann, 2013, p.11). Cette polyvalence est une force pour
le professeur des écoles spécialisé en SEGPA car, à
la différence de ses collègues du collège, ce dernier met
des liens spontanément entre les matières et voit au-delà
de la simple transmission didactique de la discipline pure.
Centré sur le PE non spécialisé,
Zimmermann constate les difficultés pour l'enseignant du premier
degré à trouver sa place entre ce qui lui est prescrit par les
textes officiels et sa façon de se construire en tant que professionnel.
Tardif et Lessard (1999) montrent que les enseignants ne peuvent
simultanément répondre à l'ensemble des exigences parfois
contradictoires qui se posent à eux. Il leur faut donc trouver un
équilibre entre ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils doivent faire. Ces
tiraillements provoquent un sentiment d'impuissance à répondre
aux exigences du métier (Zimmermann, 2013, p.31). D'où une
transformation de l'enseignant qui ne cesse d'être dans l'adaptation et
qui petit à petit façonne une identité plurielle. Tardif
et Lessard parlent de « caméléon professionnel ». Il
change de peau , s'adapte aux situations, aux interlocuteurs, modifie sa
posture. Selon Roux-Pérez (2003), l'IP est à la fois
considérée comme la manière de se définir au
travail et celle dont les autres nous voient au travail. Cette théorie
rejoint celle de Dubar quant à la reconnaissance d'autrui dans la
construction identitaire. L'enseignant s'appuie sur une revendication
d'appartenance au groupe, tantôt sur des formes de
différenciation, tantôt sur l'affirmation d'une singularité
de leur contexte professionnel. Selon cette auteure, les enseignants
construisent leur IP selon trois échelles :
Ø Une échelle collective, où
l'identité se constitue sur des représentations collectives et
des valeurs communes afin de défendre le groupe professionnel au sein de
l'école.
Ø Une échelle de sous-groupes professionnels,
en raison de clivages importants au sein de ce groupe.
Ø Une échelle individuelle qui prend en compte
les itinéraires professionnels singuliers (Zimmermann, 2013, p 36).
Roux-Pérez explique donc qu'il ne peut y avoir une IP
mais plusieurs IP car le développement des sous-identités est
souvent source de tensions et incompatibles.
Dubar nous explique que l'identité de métier
est plus complexe qu'il n'y paraît. Il associe les processus
biographiques de construction d'une « identité pour soi » et
les mécanismes structurels de reconnaissances des «
identités pour autrui ». Les identités dépendent des
relations avec les autres et de la perception subjective de sa situation et
aussi des rapports au pouvoir. L'identité, c'est la marque
d'appartenance à un collectif qui permet aux individus d'être
identifiés par les autres mais aussi de s'identifier face aux autres. On
ne peut dissocier l'identité personnelle de l'identité
13 IP : Identité Professionnelle
professionnelle, elles se construisent et évoluent
ensemble. On note, selon Dubar, une construction à la fois dynamique et
relationnelle.
3.1.3: Définition des théories de
l'identité
La notion d'identité est polysémique. Bret
(2015) définit l'identité ainsi : l'identité est «
ce qui définit un individu à la fois dans sa
singularité et dans son appartenance à une catégorie plus
large qu'est son clan, sa société, sa famille [...] ; c'est aussi
ce qui ne peut pas être défini parce qu'elle est toujours
engagée dans des variations subtiles » (Clerc, 2000, p. 27).
Produit des socialisations successives, construite à partir de son
groupe d'appartenance et du groupe de référence
espéré, elle prend des colorations différentes selon que
l'on se penche sur son aspect personnel, social... ou professionnel (Bret,
2015, p.6).
Pour tenter de définir l'identité, plusieurs
versants peuvent être abordés. Nous en retiendrons deux : le
versant psychologique et le versant social.
Selon le versant psychologique, Iannccone, Tatéo et
Marsico (2008) avancent que l'expérience familiale de l'enfance de
l'enseignant ainsi que le souvenir de soi comme élève constituent
les principales sources pour construire son IP. Les éléments
biographiques, en interaction avec des éléments du contexte,
joueraient un rôle essentiel, en générant
différentes stratégies des enseignants leur permettant de faire
face aux difficultés qu'ils rencontrent. Il existerait une co-habitation
entre le « soi-élève » et le « soi-enseignant
».
Selon le versant social, l'identité professionnelle se
définit à la fois pour « soi » et pour « autrui
» (Dubar, 1991 in Cattonar, 2001, p.44). Elle évolue, se transforme
et porte en elle une dynamique qui permet à l'enseignant de «
maîtriser le cours de son existence » (Gaujelac, 2002, in Piroux,
2017, p.6). Kaddouri (2006) explique que l'identité se construit entre
« soi et autrui, entre continuité et changement, entre unité
et multiplicité ». Tenter de comprendre l'identité
professionnelle des enseignants, c'est « tenir compte à la fois
de la position des individus à l'intérieur du champ
institutionnel et de la trajectoire sociale et scolaire antérieure
à l'entrée dans ce champ et surtout de la reconstruction
subjective de cette trajectoire » (Dubar, 1992, p.520 in Bret, 2015,
p.10). Bret, en s'appuyant sur les analyses de Ion et Gohier, explique que les
conditions familiales, biographiques et institutionnelles (accès au
métier, instituts de formation, associations et syndicats) sont d'une
importance centrale dans sa construction, sa légitimation et sa
consolidation (Ion, 1990) qui se réalisent, lors des relations, au
travers de l'identification, « processus par lequel la personne se
reconnaît des ressemblances avec ses différents groupes de
référence [...] et intériorise certains
de leurs attributs ou de leurs caractéristiques »
d'où un sentiment d'appartenance et de l'identisation, « processus
par lequel l'individu tend à se singulariser, à se distinguer des
autres », conduisant à l'autonomie et l'affirmation de soi (Gohier
et al., 2000, pp.118-123).
La fonction identitaire selon Albric « sert à
la construction et au maintien de l'identité d'un groupe social. Chacun
élabore une image de soi en accord avec celle que, selon lui, les autres
lui attribuent » (Cattonar, 2001, p.43). Ce qui rejoint la
définition que donne Dubar de l'identité professionnelle qui
résulte selon lui d'une double transaction : d'une part d'ordre
biographique (projeter un désir de soi, en rupture ou en
continuité) et d'autre part d'ordre relationnel (faire reconnaître
par les autres la validité de l'identité visée par le
professionnel) (Piroux, 2017, p.6). L'enseignant n'a souvent d'autres choix que
de se conformer aux attentes du groupe social qu'il va intégrer.
Néanmoins, la difficulté est de trouver la bonne association
entre la singularité propre à l'enseignant et le groupe social
d'appartenance. Les dynamiques présentes chez l'enseignant le poussent
à développer des stratégies visant à maintenir un
sentiment d'unité et de cohérence. Toutefois, la mutation de la
politique éducative, qui passe d'une « two tracks approach »
(Benoit, 2002, p.67), deux voies de scolarisation distinctes, l'une ordinaire,
l'autre spécialisée, à un « one track approach »
qui consiste à scolariser systématiquement les enfants et
adolescents à besoins éducatifs particuliers dans les classes
ordinaires, peut engendrer des retentissements dans la manière
d'approcher l'enseignement. Les enseignants sont alors confrontés
à bon nombre d'interrogations sur leurs pratiques face à un
métier en pleine mutation et qui ne ressemble probablement pas aux
motivations exprimées lors de leur formation initiale.
3.1.4 : Les PLC et les enseignants
spécialisés de SEGPA , une mutation profonde?
La mission des enseignants, depuis la loi de 2005, influe sur
le vécu identitaire des professionnels. Même si l'enseignant porte
en lui des valeurs éthiques et morales et qu'il pense en toute bonne foi
selon Zaffran « que l'inclusion scolaire est une valeur à
défendre et à promouvoir » (Laville et Saillot, 2019,
p.320), force est de constater qu'entre le dire et le faire, le pas est grand
et questionne les professionnels dans leur identité.
Dans un rapport d'information (Gonthier-Maurin, 2012), le
rapporteur y observe un déplacement du coeur du métier de
professeur, de la transmission du savoir d'un expert en direction d'un novice,
vers une prise en charge élargie d'un élève devenu
singulier au sein d'un groupe classe de plus en plus
hétérogène. Elle constate une crise du métier qui
se traduit par de nombreux
dilemmes, notamment un sentiment d'impuissance, d'une
pression évaluative et de solitude. Le défi de l'école
inclusive interroge aussi sur la professionnalité des enseignants. En
effet, les expériences de terrain menées par des chercheurs et
les analyses qu'ils en font (Crouzier, Goémé et Saint-Denis,
Maroy, Perez, Faure-Brac et Gombert et Roussey, Guillot, Cros et Aubin, Jaboin,
Laville et Saillot, Chevallier-Rodriguez, Delbury, Berzin, Piroux) montrent que
le défi qui attend les professionnels est d'envergure et les freins
et/ou obstacles sont parfois des montagnes infranchissables. En effet, la
politique d'inclusion affecte en profondeur les missions des enseignants.
3.1.4.1 : L'identité professionnelle des PLC
Dans le second degré, depuis le décret du 25
mai 1950, le statut des enseignants n'a pas changé. Or, Torrez constate
une « inadéquation entre un statut inchangé et la
réalité fonctionnelle de leurs missions qui a été
modifiée ». L'incertitude du métier suscite des
interrogations et des angoisses. En effet, l'enseignant « magister »
a disparu au profit de l'enseignant « pédagogue » ou «
réflexif ». Il doit désormais, avec la massification des
élèves, former le « tout venant », instruire les
élèves quels que soient leurs projets et/ou leurs besoins
(Torrez, 2014, p.146). De plus, avec le référentiel de 2015,
commun à tous les enseignants, l'enseignant doit répondre
à d'autres missions toujours plus complexes les unes que les autres.
Désormais il est clairement exprimé que les enseignants doivent
travailler en équipe. Le verbe « coopérer » est
utilisé dans trois compétences et le développement
professionnel y est envisagé comme une démarche individuelle et
collective dans laquelle l'enseignant est invité à s'engager.
Goémé et Saint-Denis (2014) étayent ce
référentiel en nous expliquant que lors de la formation initiale
des professeurs de collège, ces derniers reçoivent une nouvelle
culture à promouvoir, celle de :
Ø pouvoir éduquer tous les
élèves.
Ø favoriser le sens de l'activité plus que le
discours.
Ø concevoir que le métier de l'enseignant ne se
limite pas uniquement à la classe.
Ø penser le métier enseignant comme
exerçant dans un cadre collectif où la responsabilité
éducative est partagée.
donner du temps à la réflexion.
Les lois de 2005, 2013 et 2019 renforcent un sentiment
d'incompétence chez les enseignants qui « naviguent de la
ressemblance à l'étrangeté » (Piroux, 2017, p.8). La
liberté pédagogique qui est le ciment de leur identité
tend à s'amoindrir et on assiste à des tensions entre les
injonctions « verticales provenant de l'institution et les revendications
d'ordre identitaire » (Piroux, 2017,
p.10). Piroux rajoute que « la difficulté pour
l'enseignant dans l'accueil des élèves à besoins
éducatifs particuliers va être d'agréger ses propres
constituants identitaires avec les identités prescrites par les autres
significatifs en désaccord bien que rencontrés dans le même
milieu professionnel de manière à pouvoir établir une
projection de soi, validable par son environnement de travail » (Piroux,
2017, p.7).
3.1.4.2 : L'identité professionnelle des
enseignants spécialisés en SEGPA
Avant toute tentative de définition,
l'intérêt porté aux enseignants spécialisés
quant à leur identité professionnelle est très pauvre dans
la littérature scientifique. Nous n'avons pas trouvé dans nos
lectures scientifiques d'articles parlant de l'IP des professeurs
spécialisés en SEGPA.
Jaboin (2010) nous dit qu'enseigner dans le second
degré pour les professeurs des écoles c'est « endosser un
héritage », celui des pratiques sédimentées et des
valeurs léguées par la tradition de l'enseignement
spécialisé ». Ainsi, dans leurs exigences et leurs
finalités, les enseignements adaptés ne sont pas aussi normatifs
que l'école élémentaire (Jaboin, 2010, p.148).
L'enseignant spécialisé en SEGPA est comme l'élève
de SEGPA, à la « marge » (Benoit, 2021). Bien qu'il soit issu
du premier degré, force est de constater, qu'il ne se revendique ni du
premier degré ni du second degré. Il est à part. Il adapte
les savoirs en fonction de chaque élève, leur redonne confiance,
et est souvent dans la bienveillance. De plus, l'enseignant
spécialisé, comme nous l'avons expliqué en introduction,
porte en lui les principes défendus par les tenants du tout inclusif :
il est habitué à travailler en équipe, à partager,
à ouvrir sa porte aux collègues, à coopérer. Les
enseignants spécialisés « accordent une place de choix
à la classe spécialisée comme lieu de respiration et de
restauration de la confiance en soi » (Mazereau, 2010, p.23). Lorsque la
scolarisation est partielle, c'est toujours le modèle de
l'intégration qui fonctionne pour les enseignants ordinaires qui
accueillent ces élèves. C'est ce que reprochent des chercheurs
comme Puig et Benoit (stage MIN à Suresnes, octobre 2021) qui, pour
défendre une école inclusive, constatent d'une part que la SEGPA
a un fonctionnement intégratif et non inclusif, et d'autre part
reprochent aux enseignants spécialisés une trop grande
bienveillance et des exigences moindres envers le public SEGPA.
Face au paradigme de l'école inclusive, les
enseignants spécialisés voient leur identité
professionnelle se transformer, « se bouleverser mettant parfois à
mal leur expertise supposée. » (Soyez, 2018). Dorison parle d'une
« segmentation des identités professionnelles ». L'enseignant
spécialisé doit donc devenir un levier au service d'un
collège inclusif d'où la nécessité d'un «
transfert de compétences entre les enseignants spécialistes de
leur discipline et des professeurs des
écoles experts dans le traitement de la grande
difficulté scolaire » (Soyez, 2018, p86). Aujourd'hui, avec
notamment la certification CAPPEI, l'expertise de professeur des écoles
spécialisé ne peut plus être circonscrite à son
domaine d'intervention. Sa légitimité repose désormais sur
le repérage, l'identification et l'analyse des besoins éducatifs
particuliers de tous les élèves d'un établissement. Etre
ainsi professeur ressource, c'est d'abord informer, voire former les
équipes pédagogiques de l'établissement pour
répondre aux difficultés rencontrées sur le terrain.
(Soyez, Puig, Benoit, Jellab).
3.1.4.3 : L'enseignant spécialisé : un
empan liminal
L'enseignant spécialisé de SEGPA est un
enseignant du premier degré de part sa formation initiale, toutefois, il
enseigne dans le second degré. Il n'appartient dans les faits, ni au
premier degré, ni au second degré. Il est dans un entre-deux.
Dans sa thèse, Saint Martin (2014) explique l'origine du concept. Le
concept de liminalité est un concept anthropologique
énoncé par Van Gennep sous le terme de liminarité pour
décrire les rites de passage. Le mot vient de l'anglais liminal «
au niveau du seuil », lui même dérivé du latin limen
« seuil » qui désigne le pas de la porte.
Étymologiquement, il renvoie donc à la notion de limite entre
l'intérieur et l'extérieur.
Van Gennep (1909) s'intéresse au déroulement
des rites de passage. Parmi les rites qu'il développe, celui qui nous
intéresse est le rite de marge qui constitue un rite liminaire, un
« entre-deux », dans lequel l'individu se trouve
dépossédé de son statut antérieur, sans en avoir
acquis encore un nouveau. C'est donc la période de tous les dangers : il
flotte entre deux mondes. Ce rite assure un changement d'état ou de
position sociale, en passant par une période où l'individu est
placé en dehors de la société. Il a donc une fonction
d'insertion dans une société donnée, à des moments
particuliers de la vie d'un individu, qui sort d'un monde pour entrer dans un
autre (Saint Martin, 2013, p.18). En 1969, Turner reprend les rites de passage
de Van Gennep et précise l'étape du rite de marge employant les
termes de liminalité et liminarité. Elle se caractérise
par une absence de statut, qui permet le passage d'un statut initial à
un autre plus élevé.
La définition de ce concept nous permettra de mieux
appréhender la situation d'ambivalence qu'entretient le PE
spécialisé de SEGPA entre sa formation initiale et le rôle
qui lui est dévolu dans sa fonction de spécialisé dans le
secondaire. Afin de mieux cerner le rôle du PE spécialisé,
nous devons également définir le concept de bienveillance, terme
récurrent dans le langage de ce dernier.
3.1.4.4 : le concept de bienveillance
Nous tenterons de démontrer dans notre partie analyse que
la bienveillance fait partie inhtégrante des qualités humaines de
l'enseignant spécialisé de SEGPA. Mais que met-on derrière
le
terme de bienveillance ? Les enseignants de SEGPA sont-ils
maternants ou bienveillants ? Selon
Roelens (2019), la bienveillance est pensée comme le
moyen de soutenir le devenir autonome d'un autrui vulnérable. Roelens
émet une distinction entre « bien veiller, bien veiller sur et bien
veiller
à ». Dès 1830, Guizot, ministre de
l'Instruction Publique, écrit aux instituteurs quant aux relations
qu'ils doivent avoir avec les parents d'élèves,
en leur disant que « la bienveillance y doit présider : s'il ne
possédait la bienveillance des familles, son autorité sur les
enfants serait compromise, et le
fruit de ses leçons serait perdu pour eux » (P.
Kahn, cité par Roelens, 2019, p.22). Guizot reconnaît
ainsi la légitimité de l'institution mais aussi
de l'action éducative. Mais la bienveillance a
souvent été dépeinte comme une menace directe ou
indirecte envers l'autonomie individuelle et ses
conditions d'exercice, autrement dit comme une
vulnérabilité en elle-même. Aldo Naouri,
pédiatre,
nous dit que la bienveillance n'est que le masque d'une «
sollicitude maternelle sans borne qui permet de satisfaire
l'intégralité des besoins et des désirs et qui
provoquerait chez l'individu la
fixation au stade infantile ». Donc l'absence
d'autonomie, au contraire de l'école traditionnelle qui se veut plus
stricte avec un nombre important de limites. Eirick Prairat critique cette
thèse en disant que la bienveillance n'est pas complaisance (ibid,
p.25).Roelens en vient à définir ses trois notions afin de
définir précieusement le concept de bienveillance.
Bien veiller :
Il s'agit tout d'abord de se donner les moyens de percevoir les
vulnérabilités de l'autre. Cela implique de la présence,
« art d'être présent, [...] disponible [...], impliqué
», prêt à donner «de son énergie, de sa patience,
de son savoir-faire, de son expérience » , ainsi que de
l'attention, ce qui signifie à la fois se soucier de ce que peuvent
être les besoins des autres et prendre conscience des siens. Il s'agit
ensuite de construire le socle d'un agir pertinent et non contre-productif
quant à l'autonomie d'autrui. (ibid, p.28)
Bien veiller sur :
Inscrire les rapports interindividuels dans une double
logique de prendre soin de l'autre et d'avoir soin de la relation avec l'autre,
au sein d'un processus d'accompagnement et de protection de l'autonomie
individuelle. Bien veiller sur l'autre implique d'être en relation avec
lui et avoir soin de la relation avec lui. Il témoigne d'une
volonté de trouver, dans toute médiation culturelle et
symbolique, une position d'équilibre qui permet, lorsqu'on s'adresse
à quelqu'un, de pouvoir à la fois « garder le contact,
conserver la confiance » et en même temps « le respecter dans
son identité
et son intimité, [...] maintenir une distance
symbolique qui est toujours pour lui une distance protectrice » (Ibid,
p.29)
Bien veiller à :
L'autonomie individuelle se déploie dans un temps
où elle est inscrite et dans un monde où l'individu doit se
diriger. Si la bienveillance vise à étayer l'autonomie
individuelle d'autrui, celle-ci ne peut s'envisager sans la transmission d'un
certain nombre de savoirs et leur compréhension, par l'appropriation
singulière d'un héritage.
3.1.4.5 : L'identité du nouvel enseignant
spécialisé
Puig (2021) défini le nouvel enseignant
spécialisé, titulaire du CAPPEI ainsi : Il est une personne
ressource pour l'éducation inclusive :
Ø Comprend et peut appliquer la politique inclusive.
Ø A une connaissance des partenaires de l'école et
des ressources de son environnement.
Ø Sait travailler avec les familles.
Il est à même de mobiliser une connaissance
approfondie des besoins particuliers et des réponses pédagogiques
:
Ø Expertise didactique.
Ø Expertise méthodologique.
Ø Expertise pédagogique,
psycho-neuro-cognitiviste.
Il professionnalise son adaptation à divers types de
dispositifs et de configurations.
Quel est le profil de l'enseignant inclusif ? (Source :
EuropeanAgency for SpecialNeedsand Inclusive Education 2021)
Ø Il valorise la diversité des apprenants : les
différences entre les élèves constituent une ressource et
un atout pour l'éducation.
Ø Il accompagne tous les apprenants.
Ø Il travaille avec les autres : collaboration et
travail en équipes sont des approches essentielles pour tous les
enseignants.
Ø Il poursuit sa formation professionnelle personnelle
continue.
3.2 : Question directrice pour le mémoire et
hypothèses
Afin de comprendre l'évolution des identités
professionnelles des acteurs travaillant en SEGPA, notre démarche sera
à la fois herméneutique, nous donnerons du sens
aux faits, aux événements, aux comportements et aux pratiques et
praxéologique, nous explorerons les possibles pour
agir, pour modifier les actions et les pratiques quotidiennes.
Pour aller dans le sens de l'inclusion définie par les
textes institutionnels, la SEGPA qui porte en elle les stigmates de
l'étiquetage et de la stigmatisation questionne. Des
expérimentations sont menées pour inclure les 6èmes
pré-orientés SEGPA dans des classes de référence en
ordinaire. Dès lors, le devenir des enseignants
spécialisés et des professeurs de collège accueillant ces
élèves à besoins éducatifs particuliers est
interrogé.
Au regard du paradigme inclusif et de sa complexité
sur les acteurs professionnels, la problématique de notre mémoire
sera de répondre à la question suivante :
En quoi le fonctionnement de la SEGPA avec le
rôle des professeurs des écoles spécialisés
traduit-il les objectifs d'une école inclusive?
Pour répondre à cette question, nous allons
mettre en place une démarche élaborée à partir de
questionnaires et d'entretiens puis d'analyses. Deux analyses
systémiques retiendront notre attention :
Ø Une analyse systémique de la SEGPA
Ø Une analyse systémique des acteurs qui
interviennent en SEGPA : nous nous demanderons si les PE14
spécialisés vivent une crise identitaire ou si cette crise
identitaire existe, concerne t-elle tous les autres acteurs ?
3.3 : Les hypothèses
Afin de répondre à la question, nous formulerons
trois hypothèses :
Ø Hypothèse n°1 : Compte
tenu des principes de l'école inclusive, la SEGPA dans son
fonctionnement est à considérer comme un modèle pour les
enseignants du collège.
Ø Hypothèse n° 2 :
Malgré une formation initiale commune, les PE spécialisés
se situent dans un entre-deux.
14 PE : Professeur des Ecoles
Ø Hypothèse n° 3 :
L'inclusion doit être réfléchie et anticipée et pas
à n'importe quel prix.
4. Définition d'un projet de
méthodologie de recherche
Afin de pouvoir répondre à notre
problématique et aux hypothèses formulées, nous avons
élaboré d'une part des questionnaires à visée
quantitative, d'autre part des entretiens semi-dirigés.
4.1 : Rappel succinct de l'objet de notre
recherche
Notre question de départ porte sur la SEGPA, les
acteurs qui interviennent en SEGPA et un changement majeur, l'inclusion, qui
influe sur l'identité professionnelle des professeurs
spécialisés en SEGPA. En s'appuyant sur les concepts
théoriques de l'inclusion par Gardou, Plaisance, Thomazet, on constate
que la structure SEGPA porte en elle un modèle de l'inclusion à
la fois dans son fonctionnement et le rôle des enseignants
spécialisés. D'où notre hypothèse n°1 : Compte
tenu des principes de l'école inclusive, la SEGPA dans son
fonctionnement est à considérer comme un modèle pour les
enseignants du collège.
Par ailleurs, l'enseignant spécialisé en SEGPA
est d'abord un enseignant du premier degré, ayant suivi une formation
initiale à l'INSPE ou l'IUFM au même titre que ses
collègues qui enseignent dans le premier degré et pourtant ce
dernier se retrouve dans le second degré. D'où notre
hypothèse n°2 : Malgré une formation initiale commune, les
PE spécialisés se situent dans un entre-deux.
Enfin, l'inclusion des élèves à besoins
éducatifs particuliers pose questions. Elle est un changement majeur qui
peut impacter en profondeur l'identité professionnelle. D'où mon
hypothèse n°3 : L'inclusion doit être réfléchie
et anticipée et pas à n'importe quel prix.
4. 2 : la position du chercheur
Comme nous l'avons vu précédemment, nous nous
positionnerons dans un paradigme à la fois herméneutique
consistant à donner du sens à ce que nous allons entendre et qui
nous permettra de valider ou d'invalider nos hypothèses et
praxéologiques car avec l'analyse des résultats, notamment des
entretiens, il nous sera possible d'explorer des pistes qui nous permettront
d'agir.
Notre posture sera de comprendre en quoi le fonctionnement de
la structure SEGPA répond aux exigences de la politique inclusive et
quelles en sont les conséquences sur l'identité professionnelle
des principaux acteurs qui travaillent en lien avec cette structure.
L'objectif de notre recherche est de poser un regard
réflexif sur les résultats obtenus dans les questionnaires et sur
les réponses données par les interviewés qui donneront
lieu à une analyse interprétative, une reconstruction, «
une oeuvre qui part d'un état de la question ou d'une tension et
propose un montage inédit d'éléments de langage
architecturaux et représentationnels qui se veulent constituer une
nouvelle proposition, solution ou question » (Paillé, 2006, p
109).
4.3 : Le protocole de recherche
Comme nous l'avons vu précédemment, au sein de
la structure SEGPA, des professeurs des écoles spécialisés
y travaillent. Généralement, deux types de structure existent :
la SEGPA 48 (48 élèves) avec deux professeurs des écoles
et la SEGPA 64 (64 élèves) avec trois professeurs des
écoles. Chaque SEGPA est administrée par un directeur de SEGPA,
à mi-temps (sur deux SEGPA) ou à plein temps. En fonction de la
dotation horaire globale, des heures sont allouées aux professeurs de
collège pour intervenir en SEGPA, soit sur la base du volontariat, soit
contraints. En conséquence, les enseignants spécialisés
peuvent intervenir sur plusieurs matières, en fonction de la
répartition interne du collège.
L'objet de nos recherches nous amène à
élaborer un protocole de recherche aux fins de mener des questionnaires
à visée quantitatives et des entretiens semi-directifs. Le choix
du terrain, ainsi que les personnes interrogées et la
méthodologie des entretiens réalisés, ont
été pensés à la suite des questionnaires
qualitatifs et quantitatifs réalisés à la fin de mon M1.
Ces questionnaires exploratoires viendront s'ajouter dans la phase d'analyse et
de réflexion aux données obtenues dans cette recherche
approfondie et présentée ci-après.
4.4 : Les techniques d'enquête
4.4.1 : La réalisation des questionnaires
exploratoires 4. 4 .1.1 : L 'émergence du
questionnement
L'émergence de notre questionnement a commencé
durant l'année 2020-2021. Nous étions en Master 1 à
l'université de Caen et la formation portait sur les
élèves à besoin éducatifs particuliers. Avant de
cibler le sujet qui nous intéressait, nous nous sommes posés des
questions sur les représentations qu'avaient les enseignants à la
fois de l'inclusion et aussi des élèves de SEGPA. Nous nous
sommes aussi aperçus que dans la ville où nous habitons,
certaines expérimentations d'inclusions totales ou partielles avaient vu
le jour ces dernières années, c'est-à-dire des
élèves pré-orientés SEGPA inclus dans une classe
ordinaire.
4. 4 .1.2 : Le public visé
A partir de ces constats et questionnements, ont
été réalisés des questionnaires exploratoires, cinq
pour être précis :
Ø Un questionnaire papier destiné aux
enseignants ayant participé à l'expérience d'une
sixième SEGPA inclusive (Annexe IV)
Ø Un questionnaire papier destiné aux
enseignants du collège où j'exerce (Annexe V)
Ø Un questionnaire quantitatif destiné aux
enseignants de Normandie dont le collège a une SEGPA (
https://docs.google.com/forms/d/1VlRd4mdoLjZq6VJ__Q8DuETtr7iYMitL1Oj7_E8h9_w/
edit)
Ø Un questionnaire quantitatif destiné aux
directeurs de SEGPA de Normandie (
https://docs.google.com/forms/d/1vfEtzOLyVxRdkH5Mlv0WklaoCizZjLpKUZEznMGjk5
Y/edit)
Ø Un questionnaire destiné aux
élèves de SEGPA ( de mon collège) de la sixième
à la troisième (Annexe VI)
Afin de compléter ce panel de questionnaire durant la
première année de Master, nous avons réalisé un
entretien semi directif avec une élève de troisième SEGPA.
(Annexe VII)
4. 4 .1.3 : Les objectifs et modalités
Ø Les questionnaires papiers :
a) Les objectifs
Tableau 2: Objectifs des questionnaires papier
Questionnaire enseignants/directeurs
|
Questionnaire élèves
|
- définition de l'inclusion
|
- sa perception de lui
|
- perception des enseignants sur les élèves de
|
- vivre en SEGPA
|
SEGPA
|
- la confiance en soi
|
- la formation / aux injonctions ministérielles
|
- une volonté de retourner dans l'ordinaire ou pas
|
- les freins et leviers de la SEGPA
|
- l'estime de soi
|
- les freins et les leviers de l'enseignant
spécialisé
|
- le rôle des enseignants
|
|
Les questionnaires ont été distribués
dans les casiers des enseignants. Ils avaient pour consigne de nous les
remettre dans notre casier directement (cas de notre collège) et pour le
collège
b) Les modalités
ayant une sixième inclusive, nous sommes passée
par une collègue qui a transmis puis récolté les
questionnaires.
Ø Les questionnaires exploratoires quantitatifs :
Pour cerner au mieux le sujet que nous souhaitions traiter,
nous avons pensé continuer par un questionnaire exploratoire quantitatif
auto-administré avec recours à internet que nous expliquons
ci-dessous. L'accord auprès de tous les inspecteurs de Normandie avait
été sollicité. Plusieurs types de questionnaire existent
mais ce dernier a retenu notre attention pour plusieurs raisons :
Ø Les personnes questionnées
bénéficient d'un support visuel.
Ø On cible un nombre important de gens.
Ø Le budget est limité.
Ø La collecte des données est rapide et analysable
facilement. Mais ce mode de passation peut engendrer certains
inconvénients :
Ø Faible taux de réponses.
Ø On peut avoir des réponses partielles.
Ø Les interrogés peuvent se méfier du
caractère anonyme (internet = pas fiable).
Ø Attention des interrogés volatile, c'est
pourquoi nous avons essayé de réaliser un questionnaire qui se
fasse « rapidement ».
Le thème principal de ces questionnaires
exploratoires :
Ø L'impact de la politique inclusive sur les enseignants
et directeurs de SEGPA. Les sous thèmes abordés :
(5)
Ø Questions générales sur l'identité
de l'enseignant et son collège
Ø Le collège et la SEGPA : les freins et les
leviers
Ø L'organisation pédagogique
Ø L'organisation en cas de 6ème SEGPA incluse
totalement
Ø La perception que peuvent avoir les enseignants d'un
élève de SEGPA. Le public :
Ø Enseignants de collèges intervenant
auprès des élèves de SEGPA et élèves
à BEP,
Ø Enseignants spécialisés de SEGPA
Ø Directeurs de SEGPA. Une approche quantitative
:
Ø Tous les collèges de Normandie, regroupant
les départements de la Seine-Maritime, Eure, Orne, Manche et Calvados,
comprenant une structure SEGPA.
Ø Nombre : 23 collèges enBasse-Normandie et 50
collèges enHaute-Normandie. Détermination du mode de
collecte :
Ø Questionnaire auto-administré avec recours
à internet (google form) Choix des questions :
Ø Fermées en majorité avec quelques
ouvertes où le questionné peut répondre librement.
Règles d'éthique :
Ø Courrier auprès de tous les inspecteurs pour
expliquer notre démarche et le cadre institutionnel dont nous faisons
partis, et solliciter leur consentement (autorisation).
Ø Respect de l'anonymat des réponses
Explication aux questionnés de notre
démarche et de notre but : (petit texte d'introduction avant de
répondre).
Ø Je suis en première année de
Master à Caen et j'ai besoin de recueillir des données de terrain
afin de compléter mes données théoriques dans l'optique de
la réalisation de mon mémoire sur l'inclusion et plus
particulièrement la place de la SEGA dans ce processus inclusif. Ce
questionnaire prend environ 15 minutes et est totalement anonyme. Je vous
remercie par avance du temps que vous y passerez et qui me permettra sans nul
doute une meilleure analyse des problèmes et des solutions
envisageables.
Nombre de personnes ayant
répondu:
Ø 31 enseignants ont répondu à ce
questionnaire. (moins de 1%) dont 61,3 % de PLC et 19 % de PE
spécialisés.
Ø 27 directeurs/trices ont répondu. (19,8%)
4.4.2 : Le questionnaire quantitatif en
décembre 2021
A l'instar des questionnaires exploratoires de juin, nous
avons utilisé la même méthodologie. Toutefois, notre sujet
étant délimité et précisé, nos questions ont
été orientées sur l'identité professionnelle des
enseignants de SEGPA et des professeurs de collège intervenant en SEGPA.
(questionnaire sur l'identité professionnelle)
98 enseignants ont répondu au questionnaire sur
l'identité professionnelle (75,5 % de PLC et 19,1 % de PE
spécialisés).
Les questions ont été élaborées
suite à nos lectures scientifiques. Nous nous sommes inspirée
notamment de l'article de Cattonar (2001) sur les identités
professionnelles enseignantes.
4.4.3 : L' entretien semi-directif
L'entretien peut être tenu comme une méthode de
collecte d'informations (Boutin, 2006 ; Mucchielli, 2009) qui se situe dans une
interaction entre un intervieweur et un interviewé (Boutin, 2006 ;
Poupart, 1997 ; Savoie-Zajc, 2009) en vue de partager un savoir expert et de
dégager une compréhension d'un phénomène
(Savoie-Zajc, 2009).
Trois arguments justifient le recours à l'entretien
(Poupart, 1997, in Baribeau et Royer, 2012, p 25) :
1) l'argument épistémologique, qui permet
l'exploration en profondeur de la perspective de l'acteur;
2) l'argument éthique et politique, qui ouvre à
la compréhension et à la connaissance de l'intérieur des
dilemmes et des enjeux auxquels fait face l'acteur;
3) l'argument méthodologique, qui donne un
accès privilégié à l'expérience de
l'acteur.
Notre entretien semi-directif s'appuie sur un guide
d'entretien (Annexe VIII) déterminé au préalable de
façon à obtenir des informations sur les thèmes
considérés comme importants dans le cadre des hypothèses
de recherche. Il est donc orienté et se structure autour d'une consigne
de départ et une liste de quelques thèmes repérés
pour lesquels l'entretien doit permettre d'obtenir des informations de la part
de l'interviewé.
Nos questions :
Les questions de notre entretien sont élaborées
en fonction de nos trois hypothèses de départ. Elles portent sur
les différents aspects qui nous intéressent :
Ø Le fonctionnement de la SEGPA
Ø L'impact de l'inclusion sur le fonctionnement des
enseignants
Ø L'identité professionnelle des professeurs
des écoles spécialisés et des professeurs de
collège en lien avec l'inclusion
Ces questions vont nous permettre d'avoir accès
à la conception générale de l'interviewé dans ses
aspects pragmatiques mais également au niveau de son système de
valeurs sous-jacent et ses fondements théoriques.
Les entretiens réalisés se sont basés sur
une grille d'entretien (Annexe IX) qui nous a permis de délimiter notre
sujet de recherche.
Notre rôle pendant l'entretien :
Nous avons veillé à ne pas poser des questions trop
inductives pour permettre à l'interviewé de
répondre en totale liberté. Il nous est
arrivé parfois de ne pas suivre le guide d'entretien car la personne
parlait librement et d'elle-même abordait les questions de mon guide. Il
nous est arrivé aussi de relancer l'interviewé suite à ce
qu'il venait de dire et qu'il nous semblait intéressant d'approfondir.
Nous présentons dans le guide d'entretien en annexe déjà
citée, les modalités de la restitution des résultats ainsi
que les règles déontologiques (anonymat).
4. 5 : Le choix des acteurs pour les entretiens
semi-directifs
Pour réaliser nos entretiens, nous avons
contacté, par le biais de l' inspecteur du pôle inclusif, des
directeurs de SEGPA. Nous avons expliqué que dans le cadre d'un Master
Conception et Animations des Dispositifs d'Enseignement et de Formation (CADEF)
à l'INSPE de Rouen, nous souhaitions interroger à la fois des
enseignants spécialisés en SEGPA et des professeurs de
collège qui intervenaient auprès des élèves de
SEGPA. La thématique de notre mémoire a été
transmise aux directeurs qui se sont chargés de demander à leurs
collègues s'ils étaient d'accord pour réaliser un
entretien. Les directeurs nous ont communiqué les adresses mail des
personnes puis nous sommes entrés en contact afin de définir soit
un entretien en visio (distance géographique), soit en direct.
4.5.1 :
L'échantillon des personnes interrogées
Les débuts ont été laborieux. Il a fallu
attendre deux mois avant de trouver des personnes qui acceptent de
répondre à l'entretien. Avec l'appui des directeurs de SEGPA qui
ont su trouver les mots auprès de leur équipe, nous avons pu
obtenir des accords nous permettant de mener à bien notre
réflexion. Onze personnes ont accepté de mener l'entretien.
Lorsque les rendez-vous ont été pris, les entretiens ont
été menés. A chaque entretien, l'autorisation d'être
enregistrée a été formulée.
Les entretiens se sont déroulés soit en visio
à cause de la distance géographique ou du COVID, soit en
présentiel. Dans chaque collège où nous sommes
allés, nous avons toujours reçu un très bon accueil et les
entretiens ont toujours été riches et fructueux. Ce qu'il est
ressorti des entretiens, c'est que bon nombre d'interviewés
étaient heureux de pouvoir enfin parler de leur métier et de
leurs conditions de travail mais aussi d'être écouté.
L'entretien s'est toujours déroulé de la même façon
: présentation de l'intervieweur, présentation de la recherche
puis questions. Bien que nous disposions d'une grille de questions, le
répondant était libre de parler comme il le souhaitait. Parmi les
répondants, nous avons huit professeurs des écoles
spécialisés ou en cours de spécialisation et trois
professeurs de collège. Nous avons choisi un panel représentatif
de la population enseignante en matière d'âge notamment car au
regard des transformations qui se mettent en place dans l'enseignement
spécialisé en SEGPA, il nous semblait pertinent d'interroger
différentes générations.
Dans le tableau présenté ci-dessous, nous avons
respecté l'anonymat des répondants en leur attribuant chacun un
code. Les enseignants interrogés travaillent tous dans un collège
ayant une SEGPA et les PLC interviennent avec des élèves de
SEGPA.
E3, E7, E9 sont des jeunes enseignants en
SEGPA qui passent l'examen du CAPPEI15. Cet examen leur permettra
d'être nommé à titre définitif en tant que titulaire
d'un poste de SEGPA.
E4, E6, E8, E10 sont titulaires du
diplôme d'enseignant spécialisé. En fonction de leur
âge, ils sont titulaires soit du CAPSAIS16(E4, E8, E6), soit
du CAPA-SH 17(E10).
E5, E2 et E11 sont des professeurs de
collège titulaires du CAPES18.
Sur les huit personnes interrogées parmi les
professeurs des écoles, six sont de sexe féminin, deux sont de
sexe masculin. Ce panel correspond à la représentativité
des genres dans le premier degré19, comme nous pouvons le
voir dans le tableau présenté ci-dessous.
15 CAPPEI : Certificat d'Aptitude professionnel aux pratiques de
l'Education Inclusive
16 CAPSAIS : Certificat d'Aptitude aux Actions
Pédagogiques Spécialisées d'Adaptation et
d'Intégration Sscolaire
17 CAPA-SH : Certificat d'Aptitude Professionnel pour les Aides
spécialisées et la scolarisation des élèves en
situation de Handicap.
18 CAPES : Certificat d'Aptitude au professorat de l'enseignement
du second degré.
19 proportion homme/femmes dans le premier degré
Tableau 3: Concours de recrutement des personnels enseignants
du 1er degré en 2017
Tableau 4: Échantillonnage des personnes
interrogées Légende du tableau :
PLC interrogés PE non titulaire du CAPPEI PE
spécialisés
4.5.2 : Présentation
de chaque enseignant.
E1 est professeur des écoles spécialisé
depuis quatorze ans en SEGPA dans une zone REP+. Elle a
enseigné treize ans en école primaire. Elle a
exercé pendant deux ans la fonction de directrice adjointe de la SEGPA
dans l'établissement dans lequel elle était PE
spécialisée. Elle aime travailler avec des élèves
en difficulté, croit dans les vertus de la SEGPA et ce qu'elle apporte
à ces derniers.
E3 est professeur des écoles depuis quatre ans
et elle passe le CAPPEI. Elle a toujours travaillé en SEGPA,
deux ans en REP+ puis deux ans en milieu rural. Elle a un regard plutôt
aiguisé sur les professeurs des collèges quant à la prise
en charge de l'élève en difficulté.
E4 est professeur des écoles spécialisé
depuis trente-deux ans. Il a enseigné d'abord
auprès d'enfants délinquants (une année) puis en SEGPA. Il
enseigne en milieu rural avec des taux de catégories
sociaux-professionnels proche des collèges en REP+. Il ne connaît
pas le primaire. Il est passionné par son travail, défend
l'identité de la SEGPA et vit une profonde crise identitaire.
E6 est professeur des écoles spécialisé
depuis vingt-deux ans. Elle a effectué une année
dans le primaire où elle s'est sentie inutile.La SEGPA lui offre une
sécurité, un bien-être. Elle est très timide et n'a
aucune confiance en-elle.
E7 est une jeune enseignante depuis trois ans
Elle n'a jamais enseigné dans le primaire et a choisi la
spécialisation au bout d'un an de SEGPA. Motivée, elle croit au
bien fait de la structure SEGPA.
E8 est professeur des écoles spécialisé
depuis vingt-quatre ans. Il a travaillé pendant sept ans en
EREA20 puis en SEGPA. Il revendique le fonctionnement de la SEGPA.
Il considère qu'il n'y a pas qu'une seule forme d'intelligence et met en
avance les transferts de compétences qu'il peut y avoir entre les
ateliers de la SEGPA et ce que mettent en oeuvre les PE spé.
E9 est professeur des écoles spécialisé
en SEGPA depuis quatorze ans. Elle n'a jamais enseigné
en primaire. Elle a déjà passé le CAPPEI mais l'a
râté, elle recommence cette année. Convaincue des bienfaits
de la SEGPA, elle considère que l'enseignant spécialisé
doit évoluer pour aller vers d'autres missions, notamment plus
inclusives.
E10 est professeur des écoles spécialisé
depuis quatorze ans dans le milieu spécialisé.
Elle a d'abord enseigné auprès d'adolescents ayant un handicap
moteur puis en SEGPA. Elle n'a jamais enseigné en primaire. Elle est
ouverte d'esprit, se pose beaucoup de questions sur le bien-être des
élèves, est convaincue du bien fondé de la structure
SEGPA.
E3 est professeur de physique-chimie depuis sept
ans. Elle n'a connu qu'un seul collège situé en
20 EREA : Établissement régional d'Enseignement
Adapté
REP+ et travaille avec des SEGPA. Elle vit, malgré son
jeune âge, une crise identitaire, prisonnière entre ce que lui
demande l'institution et ce qu'elle peut réellement faire sur le
terrain.
E5 est professeur de mathématiques depuis huit
ans. Elle n'a connu qu'un seul collège, s'y sent bien. Elle
travaille avec une sixième inclusive, sur la base du volontariat. Elle
vit une crise identitaire, prisonnière entre ce que lui demande
l'institution et ce qu'elle peut réellement faire sur le terrain.
E11
|
est professeur d'anglais depuis quatorze ans.
Elle a travaillé dans un collège « protégé
»
|
|
pendant un an et ensuite elle a été
envoyée dans un collège à Bobigny situé en REP+
où elle est restée un an. Depuis elle enseigne dans un
collège de REP+ et travaille avec des SEGPA. Elle vit une crise
identitaire, prisonnière entre ce que lui demande l'institution et ce
qu'elle peut réellement faire sur le terrain.
4.5.3 : L'entretien implique de la
confiance
Selon Vermesch (1994), l'entretien d'explicitation est une
technique d'aide à la verbalisation de l'action dans une démarche
de recherche pour une prise de conscience des éléments implicites
de l'action. La relation que nous avons élaborée entre
l'interviewé et l'intervieweur est une relation de confiance. le contrat
de communication implicite repose « sur la confidentialité, le non
jugement, la bienveillance et le respect » (Vermesch, 2000). Ce que nous
souhaitions avant tout c'est que les répondants s'expriment avec naturel
et disent ce qu'il ressentaient en fonction de leur vécu. Il nous est
arrivé, dans plusieurs entretiens, que des répondants nous disent
: « J'ai le droit de dire ça ? » ou bien certains
attendaient mon approbation à ce qu'il venait de dire : «
J'imagine que c'est ça ? » Il fallait alors les rassurer
en leur disant qu'ils avaient le droit de tout dire et qu'en aucun cas, nous ne
porterions de jugement , « Je ne porte pas de jugement, je pose juste
des questions ».
Les deux premiers entretiens que nous avons menés sur
notre secteur ont été compliqués car d'une part
c'était intimidant pour nous, d'autre part, nous avons senti une
certaine défiance de la part des répondants. Au fur et à
mesure de l'avancée dans les entretiens, nous nous sommes mis de plus en
plus en retrait et sommes moins restés figés sur notre grille de
questions laissant place à un espace dialogique plus serein.
Généralement, les répondants avaient bien cerné le
sujet et y répondaient aisément en toute sincérité.
Nous avons constaté qu'il était plus simple pour nous
d'interroger des personnes qui ne vivaient pas dans la même ville et dont
nous ne connaissions rien. Ils étaient plus à même de nous
raconter leur vécu sans nécessairement faire de parallèle
avec le collège où nous enseignons. En effet, les
interrogés travaillant dans la même ville que nous avaient
tendance à nous impliquer : « Oui, dans ton collège, t'as eu
tel élève ? », « On te l'a envoyé », «
C'est pareil que chez toi ». Par ailleurs, E1 n'a pas
hésité à nous dire « Ton entretien est redondant, il
va falloir le
revoir ! ».
La plus grande difficulté que nous avons
traversée fut la mise à distance entre notre profession et mon
implication dans notre métier et notre posture de chercheur. Nous avons
constaté qu'au fur et à mesure des entretiens, la posture de
chercheur l'a emporté et a permis une meilleure analyse de ce que nous
pouvions entendre. Cela revient à écouter et entendre. Nous avons
rebondi sur les termes qu'ils employaient pour savoir ce que cela sous-tendait
dans leurs esprits. Nous notons également que tous les entretiens sauf
E1 se sont passés dans la bienveillance avec beaucoup
de rire et de sourires. Les répondants étaient contents de
pouvoir parler. E6, bien que n'étant pas à
l'aise à l'oral, a joué le jeu et s'est détendue au fur et
à mesure de l'entretien. On a senti de la gêne, elle était
mal à l'aise. Lorsqu'elle a mentionné le fait qu'elle
était tombée amoureuse : « Je n'ai pas validé,
mais je suis tombée amoureuse. » [elle rit à en
pleurer, très gênée par ce qu'elle vient de dire] ou
E3, qui autour d'un café éclate de rire,
honteuse de ne pas connaître les textes de loi alors qu'elle est en
formation CAPPEI, « [rire] ça y me les faut pour le CAPPEI en
plus ! »
4.6 : Le traitement des données.
4.6.1 : les
questionnaires
Notre première entrée sera basée sur
l'analyse des questionnaires. Ces questionnaires à visées
quantitatives ont été réalisés sur Google drive.
Nous avons recensé les réponses dans un tableur. A partir des
tableaux et des données récoltées, nous avons pu
réaliser des tableaux croisés dynamiques qui permettent de
sélectionner des colonnes et d'obtenir ainsi d'affiner la recherche.
4.6.2 : Les entretiens
semi-directifs
Les entretiens semi-directifs, au nombre de onze ont
été retranscrits intégralement (Annexe X). Ils portent une
lettre afin de respecter l'anonymat. Pour analyser chaque entretien, nous avons
élaboré des catégories afin d'extraire les verbatims de
chaque interviewé. La difficulté ou complexité de notre
sujet est qu'il regroupe plusieurs thématiques et liens :
l'identité professionnelle des PE spé et le fonctionnement de la
SEGPA dans un contexte inclusif.
Tableau 5: Catégorisation
H1 : Compte tenu des principes de l'école
inclusive, la SEGPA dans son fonctionnement est à considérer
comme un modèle
|
Catégories
|
Sous catégories
|
Les forces de la SEGPA
|
- une pédagogie adaptée
|
- des effectifs réduits
|
- du temps / programme
|
- utilité de la SEGPA
|
Répondre aux exigences de l'inclusion
|
- la co-intervention
|
- un travail d'équipe
|
- les expériences (PASS, sixième inclusive)
|
H2 : M
algré une formation initiale commune, les PE
spécialisés se situent dans un entre-deux
|
La définition des élèves de SEGPA
|
- par le PE
- par le PLC
|
La perception du PLC par le
PE
|
|
L'identité professionnelle
|
- lien entre identité biographique et identité
professionnelle
- un sentiment d'appartenance à un groupe défini
|
Les qualités du PE spécialisé
|
|
H3 : L'inclusion doit être réfléchie
et anticipée et pas à n'importe quel prix.
|
Une réflexion sur l'inclusion
|
|
Les injonctions ministérielles
|
|
Une crise identitaire
|
|
4.7 : Les conditions pour valider nos
hypothèses.
L'analyse transversale où nous allons croiser les
résultats de l'analyse longitudinale vont nous permettre d'infirmer ou
de confirmer la validation de nos hypothèses.
Hypothèse 1 : Compte tenu des principes de
l'école inclusive, la SEGPA dans son fonctionnement est à
considérer comme un modèle pour les enseignants du
collège.
Pour valider notre hypothèse n°1, cela suppose :
Ø Que les interviewés trouvent des forces dans la
SEGPA.
Ø Que les interviewés estiment que la SEGPA porte
en elle, dans son fonctionnement, les
Parmi les personnes interrogées, nous avons des
enseignants de collège, des enseignants spécialisés et des
directeurs de SEGPA. Nous nous sommes limités aux réponses des PE
spécialisés
principes d'une école inclusive.
D'où notre hypothèse n°2 :
Malgré une formation initiale commune, les PE spécialisés
se situent dans un entre-deux.
Pour valider notre hypothèse 2, cela suppose :
Ø Qu'il existe une identité
héritée
Ø Qu'il existe des qualités professionnelles
communes et une même vision de l'élève
Ø Que les interviewés perçoivent de la
même façon les PLC
Ø Qu'ils ont une méconnaissance du premier
degré
D'où notre hypothèse n°3 :
L'inclusion doit être réfléchie et anticipée et pas
à n'importe quel prix.
Pour valider notre hypothèse 3, cela suppose :
Ø Que les interviewés aient une même
définition de l'inclusion
Ø Qu'ils vivent une crise identitaire liée au
prescrit institutionnel
Ø Qu'ils aient une ouverture d'esprit
Pour cela, nous nous appuierons sur les réponses
faites lors des entretiens et des questionnaires. Dans une première
partie d'analyse des données, nous nous attacherons à
décortiquer les résultats des différents questionnaires,
puis dans une seconde partie, nous utiliserons les réponses des
interviewés que nous rassemblerons avec des intitulés d'analyse
que nous avons définis à la fois pour les questionnaires et les
entretiens semi-directifs.
5. Analyse des données des questionnaires
Dans un premier temps, nous étudierons et analyserons
les réponses aux questionnaires détaillés
précédemment.
5.1. La SEGPA, un modèle à
promouvoir
et directeurs de SEGPA.
5.1.1 : L'utilité
de la SEGPA
27 directeurs de SEGPA ont répondu à notre
questionnaire. Les directeurs de SEGPA, qui sont à la fois
chargés de coordonner les actions de l'ensemble de l'équipe
pédagogique et d'assurer le suivi des élèves, pensent
très majoritairement (à plus de 95%) que la SEGPA a sa raison
d'être.
Sur ce graphique, nous notons l'importance des dispositifs mis
en place dans de nombreuses
Figure 6: La structure SEGPA a t-elle sa raison d'être
?
Ils mettent en avant comme leviers principaux que la SEGPA
permet de redonner confiance aux élèves, qu'une adaptation de la
pédagogie est mise en place et que les réunions de coordinations
et de synthèse facilitent le travail d'équipe. Toutefois, ils
regrettent l'étiquetage et constatent que les élèves
restent trop entre eux.
5.1.2 : Répondre à
l'inclusion
5.1. 2.1 : les leviers
D'après la définition de Thomazet, «
L'inclusion, à la différence de l'intégration, suppose non
seulement l'intégration physique mais aussi pédagogique afin de
permettre à tous les élèves d'apprendre dans une classe
correspondant à leur âge ceci quel que soit leur niveau scolaire.
» (Thomazet, 2006, p.20), la SEGPA répond à cette
définition. Les dispositifs mis en place, l'ouverture d'esprit des PE
spécialisés répondent aux exigences de l'inclusion.
SEGPA de la Normandie et nous observons que, quelles que
soient les disparités entre les SEGPA, cette dernière tend vers
un fonctionnement toujours plus inclusif tout en préservant le
bien-être de l'élève qui est la préoccupation
majeure des équipes SEGPA. Pour répondre aux principes de
l'école inclusive, les SEGPA s'ouvrent au collège et inversement
avec la mise en place de dispositifs :
Figure 7: Les dispositifs mis en place dans les
collèges répondants à l'inclusion
Comme nous pouvons le constater, des dispositifs innovants
permettent des liens entre les élèves de SEGPA et les
élèves de l'ordinaire. Les élèves de SEGPA
fréquentant leurs pairs sont à moyenne échéance de
moins en moins stigmatisés. De plus, avec la réformes des cycles,
les élèves pré-orientés SEGPA ne redoublent plus,
en conséquence, ils sont tous dans la même tranche d'âge. De
part leurs spécificités pédagogiques et leurs
manières d'appréhender l'élève en
difficultés, les PE spécialisés répondent aux
exigences de l'inclusion en apportant leur savoir faire. Les directeurs de
SEGPA sont enclins à partager cette noble idée d'inclusion,
toutefois ils restent prudents. Ils expliquent qu'il « faut tendre
à être le plus possible inclusif, mais pas au
détriment du bien être des élèves et aussi,
il faut s'appuyer sur le savoir faire des enseignants du 1er
dégré, et garder la formation pré-professionnelle. Mise en
oeuvre des classes de 6è inclusives dans lesquelles les PE interviennent
en co-enseignements avec les PLC quelques heures par semaine et à
d'autres moment prennent en charge les élèves de 6è
pré-orientés uniquement ».
De plus, pour inclure un élève, cela doit
être réfléchi et préparé en amont : «
inclure un élève, ce n'est pas seulement le placer dans une
autre classe à certaines heures, il faut un véritable
accompagnement, un travail en collaboration étroite entre l'enseignant
de la classe de référence et celui de la classe d'accueil ; parce
que les élèves de SEGPA sont trop nombreux ; parce qu'il me
semble beaucoup plus intéressant de favoriser la coopération
entre les classes d'un même niveau, la construction de projets communs et
le co-enseignement ». La SEGPA fonctionne en groupe classe, ce qui
est une des bases de la réussite de nos élèves. Nous
l'avons vu , les élèves de SEGPA sont à «
réparer », c'est pourquoi tout doit être
réfléchi : Le groupe classe en SEGPA est la base de
l'enseignement adapté surtout en 6ème
où les élèves sont souvent en souffrance dans le
système scolaire et ont besoin ensemble de se reconstruire et de prendre
conscience de leur capacité à réussir. L'inclusion, pour
être bénéfique, doit répondre à une projet
comme le DNB-pro, la confrontation au milieu ordinaire, l'approfondissement de
connaissances ou compétences dans une discipline...
5.1 .2.2 : Les freins
Dans le cadre des sixièmes pré-orientés
SEGPA qui ont fait l'expérience d'une sixième inclusive, les
directeurs de SEGPA constatent de nombreux freins, à la fois chez les
PLC et les PE spécialisés :
Ø Une image dévalorisée des
élèves, un manque de moyens humains et financiers
Ø La peur de disparaître chez les PE spé.
Ø Trop d'heures d'enseignement par jour pour les
élèves (fatigabilité, concentration limitée)
Ø Des classes ordinaires surchargées
Ø La difficulté pour se repérer dans les
emplois du temps
Ø Le manque d'investissement des PLC
Ø Les PLC préfèrent travailler avec
l'élite
Ø Le manque de formation des enseignants
Ø L'impossibilité de mettre en place une
sixième inclusive si trop de pré-orientés
Ø Le manque de soutien réel des institutions et
des textes encadrants
Ø Le manque d'investissement des équipes
Ø Le manque de travail collectif
Ces freins nous les retrouvons dans les analyses de Saillot
et Laville (2019) sur un collège ayant mené des
expériences de sixième inclusive. Dans le tableau ci-dessous,
nous avons répertorié les réponses des enseignants sur le
souhait ou non de voir les élèves de SEGPA totalement inclus dans
le collège.
31 personnes ont répondu au questionnaire
Tableau 6: Présentation du panel
interrogé
Vous êtes
|
Nombre
|
PLC
|
19
|
PLP
|
6
|
PE spé
|
6
|
|
A la question : Souhaiteriez-vous que les
élèves de SEGPA soient totalement inclus dans les classes
ordinaires et pratiquez-vous de la co-intervention ?, nous notons les
réponses suivantes :
Tableau 7: Pratique de la co-intervention dans les
collèges
Vous êtes
|
Nombre
|
Inclusion totale des élèves de SEGPA
|
Co-
intervention
|
|
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
PLC
|
19
|
|
18
|
9
|
9
|
PLP
|
6
|
|
6
|
1
|
5
|
PE spé
|
6
|
|
6
|
3
|
2
|
|
Aucun des enseignants interrogé ne souhaite
l'inclusion totale des élèves de SEGPA. Or, si l'ensemble de la
communauté éducative n'est pas prête à ce
changement, si les institutions ne donnent pas les moyens humains et financiers
pour mener à bien ce projet, l'inclusion totale ne peut aboutir et nous
pourrions nous interroger sur le bien fondé de cette inclusion totale
souhaitée par nos politiques et de nombreux chercheurs (Puig par
exemple).
Au regard de ce qui vient d'être analysé,
nous pouvons affirmer que notre hypothèse n°3 est
validée. Les directeurs adjoints de la SEGPA sont enclins
à faire évoluer la SEGPA vers des dispositifs toujours plus
inclusifs mais à certaines conditions:
Ø Préserver le bien être de
l'élève
Ø L'inclusion doit être réfléchie,
préparée et anticipée et au cas par cas.
La SEGPA a une organisation bien à elle et un
fonctionnement qui a fait ses preuves. La SEGPA, de par son fonctionnement,
offre des conditions de travail propices au développement de
5.1.3 : Une pédagogie à
part
l'enfant. Un directeur explique que « les
élèves ont besoin d'être rassurés, de reprendre
confiance en eux et donc de travailler en petits effectifs », «
ils ont besoin d'un enseignement adapté dont ils ne peuvent pas
bénéficier la plupart du temps dans une classe
générale », l'enseignement apporté aux
élèves relève d'une « plus grande souplesse
». Il est nécessaire de « favoriser la
coopération entre les classes d'un même niveau, la construction de
projets communs et le co-enseignement ».
La SEGPA semble s'apparenter à une famille, «
la SEGPA peut apparaître parfois comme "un cocon un
peu trop protecteur" mais, après tout, à quoi bon vouloir
supprimer une structure adaptée et, en effet, sécurisante pour
ces élèves en difficultés ? » . « Les
élèves ont besoin de stabilité et repères
» grâce notamment au PE spécialisé qui
généralement les suit pendant quatre années et s'investit
dans une relation de confiance. Dans l'hypothèse d'une inclusion totale
des élèves de SEGPA, ces derniers perdraient ce qui fait la force
de la SEGPA car « le groupe classe en SEGPA est la base de
l'enseignement adapté surtout en 6ème où les
élèves, souvent en souffrance dans le système scolaire,
ont besoin ensemble de se reconstruire et de prendre conscience de leur
capacité à réussir ». Les élèves
de SEGPA bénéficient de conditions de travail qui leur sont
bénéfiques dans leur construction identitaire : Ils
bénéficient « d'effectifs moindres, d'une prise en
compte individuelle, du temps pour chaque élève, la construction
d'un véritable projet d'orientation professionnelle, un travail
important sur l'estime de soi, de la bienveillance, une écoute attentive
et une compréhension de chaque besoin ». Ce fonctionnement
intrinsèque à la SEGPA semble porter ses fruits dans la
construction de l'identité de l'élève mais aussi chez le
PE spécialisé qui ne semble pas vivre une véritable crise
identitaire. Or, nous nous rendons compte que les PLC ne vivent pas si bien
toutes les transformations sociétales et les répercussions
qu'elles peuvent avoir dans leur classe. Le PLC, expert de sa discipline, ayant
une formation initiale calée sur le profil « magister » semble
aujourd'hui en proie aux difficultés et aux doutes. Son travail
s'intensifie, se diversifie et se complexifie. (Maroy, 2006, p.126). Il
découvre un nouveau « public scolaire » et les «
difficultés de réaliser les missions de l'école dans une
société en mutation » expliquent en partie son
mal-être.
A la différence des PE spécialisés qui
ont de petits effectifs et qui sont habitués à gérer
l'hétérogénéité , « la gestion de
classe devient de plus en plus difficile et elle implique des
compétences très diverses » (Maroy, 2006, p.123). Le travail
des PLC « devient tout autant émotionnel qu'intellectuel car il
faut mobiliser, outre les savoirs académiques, des connaissances, des
savoir-faire divers pour assumer les interactions qui rendent possible
l'apprentissage » (Rayou et Van Zanten, 2004, p.31). Hargreaves, en 1994,
décrit l'intensification du travail des enseignants par les corollaires
suivants :
Ø Manque de temps pour le développement des
compétences
Ø Surcharge chronique
Ø Remplacement du temps devant élèves par
des tâches administratives
Ø Diversification de leurs expertises
L'enseignant du secondaire est , semble t-il, obligé
de développer des compétences auxquelles il n'est pas
préparé. Or, l'enseignant de SEGPA, lui, développe ces
compétences en permanence car le fonctionnement de la SEGPA le lui
permet : des effectifs allégés, du temps accordé aux
élèves, une pression moindre des programmes, des réunions
d'équipe, un directeur adjoint de la SEGPA qui permet aux PE
spécialisés de mieux appréhender les difficultés du
quotidien, une pédagogie individualisée et personnalisée.
Désormais le PLC qui travaille notamment en banlieue avec des conditions
de travail de plus en plus difficiles doit, quant à lui , s'adapter dans
« le domaine du maintien de l'ordre par des stratégies plutôt
masculines de domination directe ou par des stratégies de contrôle
des classes par des techniques plus douces ». Les PLC doivent « faire
le deuil des modèles et projets pédagogiques forgés en
formation initiale » (Maroy, 2006, p.126).
Au regard de ce qui vient d'être analysé, nous
pouvons affirmer que notre hypothèse 1 est
validée, à savoir que la SEGPA porte en elle un
fonctionnement à promouvoir et qui peut servir de modèle afin de
palier à la fois à
l'hétérogénéité et aux difficultés
grandissantes au sein des classes. Les PE spécialisés et le
fonctionnement de la SEGPA portent en eux les clés de la réussite
dans une société en profonde mutation.
5.2 : Une identité professionnelle
ancrée dans une histoire
5.2.1 : Des qualités
communes
Nous utiliserons pour analyser le rôle des PE
spécialisés en SEGPA, les réponses aux questionnaires des
directeurs et des enseignants (PLC et PE).
Les PE spécialisés en SEGPA ont des
qualités professionnelles communes et, comme avec leurs
élèves, ils savent s'adapter aux nouvelles exigences ou
transformations. Ils « co-interviennent » et « adaptent les
documents si nécessaire », ils ont « des connaissances sur la
façon d'aborder et de remédier aux difficultés
rencontrées par les élèves de SEGPA » mais aussi les
autres élèves en cas de co-intervention. Ils « sont garants
du projet individuel de l'élève ». Ils travaillent dans
« la bienveillance ».
A l'aide d'un tableau, nous avons recensé les
réponses des enseignants : Tableau 8: Le savoir-faire et savoir
être du PE spé
PLC
|
|
A reçu une formation, des compétences que nous
n'avons pas.
|
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Apport de pratiques et de connaissances
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Approches différentes
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Compréhension plus large de l'enfance et de
l'adolescence
|
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Ressource essentielle pour le collège
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Porte un autre regard sur
l'élève
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Nous apporte des clés.
|
|
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Meilleure prise en charge de la difficulté scolaire
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PE spécialisés
|
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Préparé à la gestion d'élèves
en difficultés
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|
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Porte un regard bienveillant
|
|
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Un certain savoir-faire.
|
|
5.2.2 : Une crise identitaire chez les PE
spécialisés en SEGPA ?
Pour répondre à cette question, nous avons
utilisé en partie le questionnaire sur l'identité professionnelle
et nous avons, à l'aide d'un tableau, regroupé les
réponses afin de répondre aux questions. (Annexe X)
Dans le tableau ci-dessous, nous avons récapitulé
les participants et le corps auquel ils appartiennent :
Tableau 9: Les catégories des participants
Catégorie
|
Hommes
|
Femmes
|
professeur du second
degré
|
30
|
50
|
Professeur spécialisé du premier degré
|
6
|
12
|
|
Afin de mieux cerner le sujet et d'en délimiter les
contours, nous avons fait le choix de n'utiliser que les réponses des PE
spécialisés. Nous constatons que la crise identitaire nait de
deux causes :
La première est institutionnelle.
Les PE spécialisés expriment une «
volonté à peine déguisée de détruire
l'école publique en la rendant toujours moins efficace [...] de
manière à favoriser la migration des élèves et des
personnels vers le privé ». Ils reprochent la « non
reconnaissance » par la hiérarchie qui explique selon eux le
manque de vocation dans l'enseignement mais aussi la multiplication des
phénomènes
de résistance (Maroy, 2006, p.132). Les mots «
mépris, ne pas se sentir reconnu » sont récurrents dans les
réponses apportées. Par ailleurs, les enseignants font remarquer
qu'il existe un « fort décalage entre les attentes
institutionnelles, la réalité de terrain et les besoins de notre
société ». Dans les réponses ouvertes les PE
spé. critiquent les lois sur l'inclusion et les conséquences sur
leur identité professionnelle mais aussi sur le bien-être des
élèves. Un des répondants écrit que « les
lois sur l'inclusion ne sont qu'un outil déguisé pour faire des
économies sur le dos des plus faibles. Cette loi (Il parle de la loi de
2005), sous couvert d'une éthique qui se veut humaniste et
incontestable, permet de supprimer des places en établissements
spécialisés (IME, IMPRO, ITEP...) et d'envoyer tout ce petit
monde vers les établissements dits "ordinaires". La situation est
d'autant plus perverse qu'aucun personnel de l'éducation nationale ne
peut refuser un jeune en situation de handicap. Qui peut dire : je ne veux pas
de "machin" par qu'il en fauteuil ou parce qu'il est autiste ? Personne ! On
passerait pour des monstres. La conséquence sur mon identité
professionnelle, c'est que maintenant, je me sens dépassé,
submergé par des situations de plus en plus nombreuses, sources de
souffrance des élèves. Je n'ai pas les moyens de leur permettre
à tous d'évoluer sereinement à mes côtés. Je
dois faire des choix, des sacrifices. Ca me désole, j'en ai honte. Je ne
suis pas en mesure de répondre à la mission qui est la mienne. Le
plus grave dans cette affaire, c'est qu'on bousille des jeunes sur le long
terme ! C'est juste scandaleux d'agir de la sorte, de se cacher derrière
l'humanisme des gens pour faire des économies », d'autres se
questionnent sur l'avenir de la SEGPA....
La seconde est sociétale : «
On nous fait passer pour des privilégiés accrochés
à leurs privilèges vacanciers, on dénigre nos missions et
leur importance et dans l'ignorance générale
véhiculée par l'air ambiant des réseaux sociaux de
l'idiocratie, on assiste à au détachement du soutien des familles
à notre égard. » Les PE spécialisés sont
habitués à gérer
l'hétérogénéité et sont habitués
à prendre « l'élève tel qu'il est » (Rayou et
Van Zanten, 2004). La difficulté dont ils font part n'est pas tant dans
la gestion de classe ou les conditions de travail mais plutôt dans la non
reconnaissance affichée de l'institution et la non prise en compte du
bien-être de l'élève. A l'instar des enseignants du
secondaire qui, comme le soulignent Rayou et van Zanten en 2004 évoluent
dans « la prise en compte de l'élève, demandant plus de
concertation sur la discipline, sont moins honteux et plus enclins à
avouer leurs échecs ou leurs faiblesses en classe », alors que
paradoxalement, ils ont le sentiment de « perte de statut », et de
« dévalorisation de leur profession » (Tardif, 1998), les PE
spécialisés en SEGPA ressentent à travers cette non
reconnaissance, cette dévalorisation de leur métier, cette crise
intérieure, identitaire qui provoquent chez eux un certain mal
être. Dans nombre d'enquêtes d'opinion, le corps enseignant,dans
son ensemble, semble ressentir cette crise (Maroy, 2006, p.134). La crise
identitaire ressentie par de nombreux PE spécialisés est à
mettre en relation également avec le statut même du PE
spécialisé, à
savoir le corps auquel il appartient. Mais nous notons que
cette crise identitaire n'est pas liée au changement que provoque les
lois sur l'inclusion.
5.2.3 : Un empan liminal.
Comme nous l'avons vu précédemment, le PE
spé. a reçu une formation initiale correspondant au corps du
premier degré. Il appartient donc au premier degré mais il est
amené à enseigner dans le second degré avec un
fonctionnement très éloigné du premier degré
(emploi du temps, personnel administratif et de direction, public
adolescent...). Dans ces conditions, nous sommes amenés à nous
interroger sur son identité professionnelle. Comment se situe le PE
spé ? A quel corps appartient-il ? Se sent-il encore dans le premier
degré ou plutôt plus proche du second degré ?
Van Gennep développe le rite de marge qui constitue un
rite liminaire, un « entre-deux », dans lequel l'individu se trouve
dépossédé de son statut antérieur, sans en avoir
acquis encore un nouveau. C'est donc la période de tous les dangers : il
flotte entre deux mondes.
Dix enseignants sur dix-huit interrogés dans le
questionnaire sur l'IP21, répondent qu'ils se sentent
à la marge. Ce sont des « enseignants hybrides » qui
bénéficient de la « richesse et de la polyvalence » du
premier degré, « spécialistes dans plusieurs types
d'approches pédagogiques » avec une « capacité
d'adaptation dans un milieu encore trop magistral » mais dont le statut
est « batard », souvent trop « lourd à porter ». De
plus, et nous le verrons dans l'analyse des entretiens, une grande
majorité des PE spé. n'a jamais enseigné en primaire. Une
fois la formation initiale terminée, ils ont été «
balancés » (E3) dans le spécialisé. Ils s'y sont
adaptés et généralement y sont restés. Les PE
spé. sont conscients de leurs forces émanant de leur formation
initiale comme le montre Zimmermann dans sa thèse sur l'identité
professionnelle des professeurs des écoles, toutefois, un certain nombre
ne se retrouvent pas dans le second degré. Ils sont dans un «
entre-deux » et flottent entre deux mondes.
Compte tenu des réponses ouvertes des
répondants, nous serions tentés d'infirmer notre
hypothèse 2, à savoir que le PE spé en
SEGPA est dans un entre-deux. Ces premières données
exploitées à partir des questionnaires vous nous permettre de
mieux définir notre sujet et répondre à notre
problématique en analysant désormais les entretiens que nous
avons fait passer.
21 IP : identité professionnelle
6. Analyse longitudinale des entretiens 6.1.
Présentation
La méthodologie d' analyse des onze verbatims comporte
plusieurs étapes :
Ø Lire les verbatims (annexe XI)
Ø Faire le portrait de chaque enseignants (neuf PE
spé. et trois PLC)
Ø Recenser leurs représentations de la SEGPA
Ø Relever leurs propos sur leur identité
professionnelle et ses éventuels changements
Ø Elaborer un tableau synthétisant les
données de chaque enseignant autour des questions
suivantes :
· la SEGPA est-elle un modèle de fonctionnement
à promouvoir ?
· Quelles sont les forces de la SEGPA ?
· Quelles sont les qualités des PE spé ?
· Comment perçoivent-ils les élèves
?
· Vivent-ils une crise identitaire et si oui, comment se
traduit-elle ?
· Sont-ils dans un entre-deux ?
· Comment perçoivent-ils le professeur de
collège ?
· Existe t-il un lien entre leur construction biographique
et leur construction
professionnelle ?
· Comment vivent-ils les injonctions ministérielles
?
· Que mettent-ils en place pour répondre à
l'inclusion ?
· Quels sont selon eux les leviers et les freins à
une école inclusive dans le cadre de la
SEGPA ?
A l'aide des verbatims, nous avons trié les
réponses des interviewés en fonction des thèmes. Nous
avons dans un premier temps réalisé des tableaux en reprenant de
nombreux verbatims correspondants aux thématiques puis nous les avons
regroupés dans des tableaux plus synthétisés. (Annexe
XII)
A titre d'exemple, nous vous proposons le tableau de E3 :
Tableau 10: Analyse longitudinale E3
Les forces de la SEGPA
|
Les qualités des PE spé
|
La perception des élèves de
SEGPA
|
Une crise identitaire
|
- avoir des classes à petits effectifs
- les élèves ont le temps de pouvoir
échanger entre eux
- travailler le projet professionnel
- redonner confiance aux élèves
- adapter les contenus
- importance d'avoir un groupe classe
- marcher en atelier - marcher en projet
- un enseignement qu'est hyper adapté à leurs
besoins. - un travail d'équipe
- transfert de compétences avec les ateliers
-individualisation -personnalisation
|
- motivant
- patience
- bienveillance
- prise en compte de l'individualité de chaque
élève
- donner envie à un élève de rentrer dans sa
classe
- d'être heureux
|
- troubles du comportement,
grosses grosses difficultés scolaires
- qui ont besoin de l'enseignant
|
- balancé dans le second
degré
- obligée de m'adapter
- je ne me sens pas légitime pour être personne
ressource - peur de ne plus faire le
même métier en cas d'inclusion
- AESH de luxe
- peur de perdre sa liberté pédagogique
|
Un entre-deux
|
La perception des PLC
|
Un lien entre deux identités
(biographique et professionnelle)
|
Les injonctions
ministérielles
|
- jamais connu le premier degré.
- je suis polyvalente
- je suis à la marge parce que je ne travaille pas dans le
premier degré.
|
- expert de leur discipline
- refus de se remettre en
question
- les PLC ne sont pas prêts
- mauvaise perception des
élèves en difficultés
- pas d'individualisation
|
- j'étais un cancre
- j'aimais l'école
- les cours étaient balancés
- pas de manipulation
- cracher leur savoir
- les PLC ne savent pas
s'adapter au public
|
- pas d'accord avec
forcément ce que les supérieurs nous demandent.
- les lois sont balancées - pas de retour
- les lois sont connues un peu
|
La SEGPA une réponse à
l'inclusion
|
L'image de la SEGPA
|
Le tout inclusif
|
Leviers/freins à l'inclusion
|
- le système de barrette - présenter la SEGPA pour
éviter la stigmatisation - on propose des PASS
- plusieurs types d'inclusionsd'apprendre, possibles
- dépend du nombre d'élèves - la
co-intervention : les deux
enseignants qui co- construisent quelque chose ensemble.
|
- la SEGPA c'est quand
même un petit cocon
- Leur redonner envie
de travailler
- réparer un peu des élèves qui ont
été blessés dans leur vie
|
- les élèves ne peuvent pas être tous
inclus
- c'est quoi l'école ordinaire ?
|
- l'étiquette SEGPA - inclusion inversée
|
6.2. Analyse longitudinale des données par
enseignant
Nous avons choisi, à partir de l'analyse longitudinale de
chaque enseignant de réaliser une carte mentale pour chacun d'eux afin
de repérer les grands thèmes :
Ø Le PE spécialisé
Ø
Figure 8: Carte mentale de E1
La construction identitaire
Ø Les forces de la SEGPA
Ø La SEGPA, une réponse à l'inclusion
Nous commencerons par les cartes mentales des PE
spécialisés : E1, E3, E4, E6, E7, E8, E9 et E10 puis les cartes
mentales des PLC : E2, E5, E11.
6.2.1 : Les FE
spécialisés
E1 est une professeur expérimentée qui a connu
à la fois le premier degré et le second degré. Elle
considère appartenir au premier degré et s'est retrouvée
en SEGPA suite à une recommandation de son inspecteur qui lui a dit
« Est- ce que vous avez pensé à la suite ? ».
Son objectif était de « ne pas s'enterrer dans un poste »
et ne plus passer son temps « à réconforter des
vieilles instits en fin de carrière aigries qui font mal leur boulot
alors qu'elles ont été excellentes ». Elle a
vécu l'expérience de la 6ème inclusive dans son
collège et en tire une conclusion globalement positive pour les
élèves au niveau de la stigmatisation, « l' inclusion a
favorisé les gamins qui ont fait une sixième inclusive, ils
connaissent tous les sixièmes donc ils connaissent toute leur cohorte en
fait ». En revanche, elle est convaincue du bien fondé de la
SEGPA « qui est une chance que tous les élèves devraient
avoir ». Elle met en avant la polyvalence, les petits effectifs, la
prise en compte de la difficulté scolaire. Elle se sent utile.
E3 est une jeune collègue qui n'a jamais exercé
en primaire, elle considère « avoir les compétences de
quelqu'un du premier degré » et être «
polyvalente ». Elle met en place des « projets »
et « n'est pas du tout une PLC ». Elle se sent «
à la marge ». E3 perçoit les PLC comme des experts
de leur discipline qui « crachent leurs savoirs » et «
balancent les cours sans se préoccuper des élèves
». Elle ressent une aversion contre les PLC, liée à son
expérience personnelle. Les qualités du PE spé sont
sociales et humaines avant tout avec « la bienveillance ». Travailler
en SEGPA est « motivant », elle veut faire «
progresser » les élèves et se «
démener pour eux ». Elle se sent utile. Elle ne «
pense pas que tous les élèves puissent être inclus
» car la SEGPA est un « cocon » et que le
bien-être de l'élève est prioritaire. Elle «
répare des élèves qui ont été
blessés ».
Figure 9: Carte mentale E3
E4 est un professeur expérimenté,
fatigué et usé par les injonctions mais toujours aussi
motivé par son travail auprès des élèves. C'est sa
« motivation ». Sa SEGPA est « ouverte » avec des mises en
barrettes et une sixième inclusive sauf en maths et en français
où « les élèves sont sortis ». Il se
définit comme un « vieux machin », (le mot
vieux est un terme récurent dans ses propos) qui se
« bat contre lui-même », qui a « peur de
perdre l'identité de la SEGPA », qu'on lui « vole
» son savoir-faire pour le donner aux PLC. E4 est en «
souffrance ». Il se demande avec l'inclusion ce
qu'il va devenir, « j'ai vraiment très peur,
qu'est-ce qu'on va devenir, qu'est ce que vont devenir nos élèves
? ». Il « se remet en question » en permanence, ce
qui crée chez lui « un mal-être » profond. Son
travail est centré sur l'élève dans sa
globalité : « l'élève arrive
avec sa valise de problèmes, il est encombré, il faut faire le
tri avant de pouvoir entrer dans les apprentissages ».
L'élève « doit avoir confiance ».
Ses réactions envers les PLC sont très claires
: « ce sont de très bons élèves, excellents dans
leur domaine mais qui ne savent pas faire passer leur savoir car ils le
maîtrisent trop ». En SEGPA l'enseignant a « un autre
regard » sur l'élève, il dispose d'une «
liberté de fonctionnement » et ne subit pas la «
pression des programmes » d'où une certaine liberté
: « faire du français ou parler de la pluie, du beau temps, il
peut le faire. Ou si il veut les emmener dehors, il peut le faire ».
L'inclusion lui fait peur, il trouve que l'expérience de la
sixième inclusive « est une perte de temps »
puisqu'ils reviennent ensuite en 5ème SEGPA. Il se demande si
derrière cette « belle idée » contre laquelle
« personne ne peut être en désaccord » ne se
cachent pas « des histoires d'argent et d'économie ».
Pour ne pas perdre son identité, « il tire les ficelles »
pour ne perdre la main, « je me bats contre moi-même pour
essayer encore trouver de me convaincre, de dire Allez, si je m'investis,
j'aurai encore le pouvoir ».
Figure 10: Carte mentale E4
E6 est une professeur expérimentée, timide, qui
à la base ne voulait pas répondre à mes questions. Son
directeur l'a motivée et l'entretien s'est très bien
passé. Elle n'a fait qu'une seule année en primaire et n'a jamais
quitté la SEGPA car elle « s'y sent utile ». Ses
élèves sont « ses doudous » et
sa famille c'est « l' équipe SEGPA
». La SEGPA est dans le bâtiment principal mais ils ont une
salle des professeurs SEGPA. Elle n'arrive pas à s'affirmer et prendre
confiance en elle, elle est « encore mal à l'aise par rapport
aux élèves » et « se sent parfois
démunie ». Ce qu'elle veut par-dessus tout c'est que ses
élèves « soient heureux dans sa classe » et
qu'elle-même y soit heureuse. Elle se définit comme « un
coeur de cible ». L'élève de SEGPA est «
atypique », « attachant, à qui il faut donner une
chance pour le faire progresser ». Elle rajoute « qu'il faut
changer le regard qu'ils portent sur eux ». C'est pourquoi, le PE
spé se définit comme « à l'écoute, je sens
les choses, j'ai une intuition, une empathie, j' aime les élèves
» et pour ce faire « je suis souple et patient ».
Son identité semble héritée. Elle a
toujours été une bonne élève avec un «
parcours très lisse » pour « faire plaisir
à maman ». La SEGPA selon elle « permet aux
élèves en difficultés de mettre en valeur des
compétences qu'ils ont déjà en eux, de leur redonner
confiance, ce qui, dans la vie, est complètement indispensable sinon tu
ne peux pas être heureux ». Sa perception du PLC est qu'il est
"expert dans sa discipline" , c'est " sa matière qui
prime", et que "leur degré d'exigence finalement est une forme
de maltraitance". L'inclusion, elle n'est pas contre,
mais elle doit "être réfléchie et
anticipée".
Figure 11: Carte mentale E6
E7 est une jeune professeur qui passe le CAPPEI et qui se
qualifie de « bébé de l'éducation nationale
». Elle n'a jamais enseigné dans le primaire et a un sentiment
d'appartenance à la SEGPA. Elle « ne connaît pas les
enseignants du premier degré ».
Elle était terrifiée lorsqu'elle a su qu'elle
allait enseigner à des adolescents, « mais qu'est-ce-que c'est
un adolescent ? Comment je travaille avec eux ? J'adapte comment ? ».
« L'envie de sourire et de pleurer » dit-elle.
Lorsqu'elle parle de son identité, elle utilise le mot
« challenge » et lorsqu'elle parle de ses
élèves, elle utilise le mot « défi ».
Elle est ouverte d'esprit et se questionne sur la pédagogie à
mettre en place pour « motiver ses élèves ».
Elle pense que « si je n'avais pas eu le parcours que j'ai eu , je ne
pourrais pas travailler avec des enfants qui sont en difficultés
scolaires ». Le PE spé est « bienveillant »
et elle rajoute que « la bienveillance, elle devrait être
partout ». Elle est « dans la compréhension »,
Elle a de « la patience », et une «
capacité à s'adapter en proposant différents supports
». Il est nécessaire d'avoir beaucoup de « motivation
». Oui à la co-intervention qu'elle trouve « hyper
enrichissante » qui est basée sur des projets. Elle aime
travailler avec les PLC car ils sont « experts dans leur discipline
» et de son côté, elle leur apporte « la
méthodologie et la pédagogie ». Elle apprécie
avant tout « le partage » plutôt que « la
discipline ».
Figure 12: Carte mentale E7
E8 est un enseignant expérimenté qui n'a connu
que l'enseignement spécialisé « avec un public
spécifique depuis vingt-deux ans ».
L'inclusion c'est « que l'on vive tous ensemble
» et surtout « que l'on tienne compte des
spécificités de chacun pour pouvoir y répondre au mieux et
pouvoir donner une chance à tous ». « C'est une belle
idée, mais derrière cette belle idée, y a des remaniements
et des suppressions de postes et des élèves se retrouvent
placés avec d'autres sans bénéficier d'adaptations
». L'inclusion passe selon lui par « la
différenciation des parcours » et non « l'uniformisation
». La SEGPA est une force dans les « liens » qu'elle
met en oeuvre et il souhaiterait qu'elle « soit plus ouverte aux
autres élèves ». Travailler en SEGPA est pour lui une
« fierté ».
Son identité s'est construite sur le modèle du
second degré, néanmoins il se sent très différent
de ses collègues PLC qu'il appelle « les profs de l'autre
côté ». Il n'envisage pas de « retourner en
primaire car le public et les méthodes de travail sont différents
». Si la SEGPA venait à évoluer dans un tout inclusif,
il « changerait de métier et deviendrait cuistot ! ».
Toutefois, ce serait pour lui « une trahison ». Cette
inclusion deviendrait pour lui synonyme « d'inégalitaire
».
Il établit un lien fort entre sa construction
biographique et professionnelle. L'expérience qu'il a vécu en
6ème l'a marqué profondément. Il a « fait partie
d'une classe expérimentale avec une inclusion inversée
mêlant des élèves de CPPN22 et des
élèves ordinaires ». Cette expérience a
été « une expérience marquante » car,
issu d'un milieu social classique (parents enseignants), il a découvert
d'autres types d'élèves qui « savaient faire plein de
choses avec leurs mains » et il a pris conscience qu'il n'y avait pas
« qu'une seule forme d'intelligence ».
Les qualités du PE spécialisé sont
l'amour des enfants et le fait de savoir qu'il y a plusieurs formes
d'intelligence. Son discours est paradoxal sur la crise identitaire car, d'un
côté, il est toujours aussi motivé par le travail qu'il met
en oeuvre avec ses élèves et souhaite qu'ils «
réussissent et progressent » et de l'autre, il a le
sentiment d'un « mépris et d'une non reconnaissance de
l'institution ».
22CPPN : Classe Pré Professionnelle de Niveau
Figure 13: Carte mentale E8
E9 est enseignante depuis quatorze ans. Elle est très
impliquée dans le processus inclusif et met en place de la
co-intervention avec les collègues PLC. Elle se qualifie de «
caméléon professionnel », elle change de posture
régulièrement pour contribuer à faire évoluer les
comportements et attitudes de ses collègues.
L'inclusion, selon elle, doit être «
ponctuelle ». « Ce n'est pas tout beau , tout propre, cela
demande beaucoup d'investissements, de temps et on n'a pas de retour sur les
expériences. Tout dépend du besoin des élèves
». Le collègue PLC « apporte le savoir » et
elle apporte « la pédagogie, le savoir-faire ».
Certains PLC freinent des quatre fers pour la co-intervnetion car ils ont
peur du « jugement ». Le PLC est « là pour
faire cours, pour suivre le programme et malheureusement , il n'a pas le temps
de s'occuper des élèves à BEP. Individualiser, il ne sait
pas faire ». En SEGPA, « on n'a pas cette pression des
programmes ». La perception de l'élève et le travail
sont différents : « on est en petits effectifs, on a le temps
de s'adresser à chacun des élèves durant la
journée, on a le temps de réparer ce qui a été
blessé ». La SEGPA c'est un « cocon ».
Elle ne subit pas de crise identitaire car elle se «
qualifie de personne ressource » et apprécie «
ses nouvelles missions ». Néanmoins, elle s'interroge sur
« le devenir de la SEGPA ». « On a tendance à se dire
(si on continue les pré orientés 6ème) si on fait
la même chose en cinquième, en quatrième, en même
temps, est-ce que la SEGPA va disparaître ? ». Selon elle, les
PE spé vivent une « vraie crise identitaire » due aux
changements qui incombent aux nouveaux professeurs à travers leurs
nouvelles missions. Son sentiment d'appartenance tend vers le premier
degré car « elle
n'a pas le même travail que les professeurs du
collège, pas la même formation et des visions totalement
différentes ». Néanmoins, elle rajoute que, face au
premier degré, elle « se sent à la marge ».
Les qualités du PE spé sont dans l'observation, l'écoute
et la bienveillance car l'élève de SEGPA est un
élève « abîmé par pleins d'échecs et
qu'il a une mauvaise estime de soi ».
Figure 14: Carte mentale E9
E10 est enseignante depuis quatorze ans. Elle n'a jamais
travaillé dans le primaire. Dans son collège a été
menée l'expérience de la classe miroir. En début
d'année, des évaluations sont réalisées sur deux
classes, SEGPA et ordinaire. En fonction des résultats, les enseignants
répartissent les élèves en fonction des besoins. c'est une
inclusion inversée. Elle propose des idées intéressantes
comme élaborer des progressions communes afin d'aider au mieux les
élèves. Les leviers ont été nombreux : «
Une bonne communication entre les enseignants. Des échanges
fructueux, des petits projets qui ont été mis en place
». Néanmoins, elle pense que l'inclusion à tout prix ce
n'est « ni judicieux, ni possible » car
l'élève, quand il arrive en SEGPA, pour « la
première fois, il est ravi de venir à l'école, il
progresse, il ne vient pas avec la boule au ventre », et ce dont elle
a peur c'est qu'en cas d'inclusion totale, les élèves repartent
dans leurs difficultés et leurs appréhensions de l'école,
selon elle, c'est « les envoyer au casse pipe ». Elle
qualifie la SEGPA de « cocon » que les élèves
de SEGPA ont « du mal à quitter ». Le PE spé.
développe des qualités d'écoute, d'adaptation, une
certaine façon d'être. Entre sa formation initiale et aujourd'hui,
elle considère qu'il n'y pas eu de
Elle est ouverte d'esprit et trouve que l'inclusion dans
« la théorie » est une « super idée
». Mais elle a peur que ce soit dans « un objectif de
réduction des moyens avec la fermeture des
« transformation mais une création
». Elle n'a pas de sentiment d'appartenance au premier degré
même si elle en a les compétences et la polyvalence. Elle ne se
sent pas appartenir non plus au second degré. La SEGPA lui permet une
« liberté pédagogique, la non pression des programmes
». Elle aime la relation avec ses élèves, c'est une
source de « motivation ». Par ailleurs, elle aime «
le travail d'équipe et se sent bien dans l'équipe SEGPA
».
Figure 15: Carte mentale E10
6.2.2 : Les PLC
E2
|
est enseignante depuis 8 ans. Elle est dans le même
collège depuis sa titularisation.
|
|
|
Elle enseigne la physique-chimie et a toutes les classes du
collège une heure par semaine dont les SEGPA. Elle en très
contente car « tous les élèves doivent pouvoir
accès aux sciences ». Ce qui apparaît majoritairement
dans son profil est que, malgré son jeune âge dans la profession,
elle est en « souffrance ». « C'est de plus en plus
difficile, tout le monde a plein de choses à faire ». Elle est
arrivée avec beaucoup de connaissances qui ne lui servent pas. Elle a du
axer ses contenus sur l'aspect « pédagogique ».
établissements spécialisés pour
pouvoir mettre tous les élèves dans l'ordinaire ». Elle
pense qu'il faut garder la structure SEGPA car sinon, les élèves
« couleront ». C'est « une chance de
réussite pour des élèves qui n'auraient pas pu suivre en
ordinaire ». Les élèves de SEGPA sont des
élèves qui « ne seront peut-être pas cadres et
alors... on n'est pas heureux quand on n'est pas cadre ?".
Elle aime son travail, se sent «
hypervalorisée de pouvoir apprendre des choses », en
revanche elle ne supporte plus le regard de la société, «
ah , t'es encore en vacances ? ». Elle rêve de faire
correctement son travail mais elle est « freinée par tout : le
nombre d'heures, le nombre d'élèves, le budget à la nage,
la récupération du matériel... ». Elle
déplore le fait de « ne pas être formée
». Elle se « remet en question de façon permanente, a
l'impression de ne pas faire correctement son travail » et n'arrive
pas à conjuguer les demandes institutionnelles et la
différenciation qu'elle doit mettre en place pour motiver les
élèves.
Figure 16: Carte mentale E2
E5
|
est enseignante depuis huit ans. Elle a toujours
travaillé dans le même collège. Elle est
|
|
|
professeur principal d'une classe de sixième incluant
des élèves pré-orientés SEGPA. A la base,
c'était imposé, puis elle a accepté librement. Elle est
professeur de mathématiques.
Elle apprécie la co-intervention avec les deux PE
spé de qui elle apprend beaucoup. Pour elle, « c'est un plus de
communiquer avec eux ». Elle remarque que les PE spé
travaillent d'abord « sur le positionnement de l'élève
», « ils n'entrent pas dans la discipline tant que les
élèves ne sont
pas dans la posture d'élève ».
Elle regrette d'avoir « la pression des programmes, de toujours devoir
avancer et de ne pas avoir le temps de se concentrer sur le bien-être de
l'élève ». Le fait d'avoir « des visions
totalement différentes permet de se questionner et savoir comment on
pourrait faire autrement ».
L'inclusion, elle y est favorable mais pas pour tous les
élèves. « Pour certains élèves, c'est
bénéfique, ça leur permet de travailler à leur
rythme et de voir qu'ils sont capables de suivre dans certaines disciplines
». Pour d'autres, elle parle de « souffrance ».
Elle pense que « l'inclusion doit être réfléchie
et qu'elle ne convient pas à tous les élèves ».
Si tous les élèves devaient être inclus, elle parle de
« catastrophe », car elle « ne saurait pas les
gérer au regard du nombre dans la classe et elle n'aurait pas la
patience ».
Concernant son métier, le mot «
compliqué » est utilisé de nombreuses fois dans son
verbatim. Elle dit que « tant qu'on n'est pas sur le terrain, on ne
sait pas ce que c'est que le métier de professeur ». Elle se
« questionne de façon permanente », elle est «
épuisée » car elle a l'impression de mal faire son
travail et de laisser des élèves sur la touche. Sa souffrance
réside dans le fait qu'elle ne « peut faire progresser ses
élèves comme elle le voudrait, qu'elle a du mal à
gérer l'hétérogénéité et qu'elle n'a
pas les moyens nécessaires pour y arriver ». Le PE est
essentiel dans l'approche qu'il peut avoir avec les élèves en
difficulté. Il est « dans l'écoute, il veut faire
progresser ses élèves et il les connaît en profondeur
».
Figure 17: Carte mentale ES
E11
|
est enseignante depuis 14 ans. Après une année
sur un poste protégé, elle s'est «
trouvée
|
|
|
balancée » dans un collège
REP+, « jetée dans l'arène ». Elle est
professeur d'anglais et choisit d'avoir chaque année une classe de
SEGPA.
Elle ne voit pas comment mettre en place de la
co-intervention car elle « a bien à faire dans son cours
et qu'elle ne trouve pas le temps », toutefois, elle pense
que ce « serait un plus considérable ». Les
élèves de SEGPA sont des élèves qui « sont
capables d'assimiler les choses mais peut-être sur un temps plus long et
avec une quantité limitée ». L'inclusion, elle n'est
pas contre, bien au contraire, car elle constate des difficultés
similaires entre sa classe « profil » et les élèves de
SEGPA. Cela lui « paraît pertinent ». Mais elle se
« sent perdue ». Elle se demande « justement dans
quelle mesure les élèves en difficultés de l'ordinaire ne
devraient pas être en SEGPA avec toutes les adaptations qu'il peut y
avoir ». Elle s'interroge sur l'orientation dans l'ordinaire des
élèves en difficultés en constatant « qu'ils vont
rester dans l'ordinaire toute leur scolarité, toute leur vie, alors
qu'ils auraient eu besoin d'un enseignement adapté, un rythme
adapté, une classe plus petite pour pouvoir exister ».
L'enseignement n'est pas une vocation mais elle aime
enseigner. Elle est très exigeante envers elle-même et envers ses
élèves. Néanmoins, elle traverse une crise identitaire.
Les « injonctions de différenciation et le peu de moyens qu'on
nous donne pour faire cette différenciation, c'est révoltant
». Elle est au « bord de la souffrance professionnellement
». Un
mépris de l'institution, « on nous
lâche, on nous berce d'illusions tout le temps et puis on nous promet des
choses qu'on n'a jamais ». Elle n'arrive pas « à
faire confiance à son ministre de tutelle pour faire en sorte d'avoir
les bonnes conditions pour aider les gamins et les faire progresser
».
Figure 18: Carte mentale E11
7. Analyse transversale
Après avoir étudié les différents
entretiens, nous allons dans cette étape croiser nos données afin
de valider ou d'invalider nos hypothèses. Sur la méthodologie,
nous avons procédé en deux temps : tout d'abord, nous avons
choisi d'attribuer une couleur pour chaque catégorie et nous avons
repris chaque entretien. Ensuite, dans un tableau mis en annexe XIII, nous
avons croisé, en fonction de chaque catégorie, tous les
entretiens. En fonction des catégories que nous avions définies,
nous allons croiser les réponses de nos répondants et tenter de
répondre ainsi à nos hypothèses. Nous tentons tout d'abord
de répondre à notre première hypothèse
:
Ø Compte tenu des principes de l'école
inclusive, la SEGPA dans son fonctionnement est à considérer
comme un modèle pour les enseignants du collège.
7.1 : La SEGPA , un modèle de
fonctionnement. 7.1.1 : Déterminer les forces de la
SEGPA
Dans un tableau, nous reprenons les réponses de nos
répondants afin de les comparer et de les croiser. Nous avons
demandé aux répondants quelles étaient pour eux
les forces de la SEGPA et en quoi elle répondait à l'inclusion
? A cette question, les PE spé ont répondu les
éléments suivants :
Tableau 11: Les forces de la SEGPA
|
E1
|
E3
|
E4
|
E6
|
E7
|
E8
|
E9
|
E10
|
RAPPORT
|
Petits effectifs
|
X
|
X
|
|
X
|
|
|
X
|
X
|
5/8
|
Du temps
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
X
|
X
|
6/8
|
Non pression des programmes
|
X
|
|
X
|
|
|
X
|
X
|
X
|
5/8
|
Travail d'équipe
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
X
|
|
X
|
6/8
|
Individualisation/personnalisation
|
|
X
|
|
|
X
|
X
|
|
X
|
4/8
|
Redonner confiance
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
8/8
|
Changer le regard
|
|
|
X
|
X
|
|
X
|
|
|
3/8
|
Pédagogie basée sur le projet
|
|
X
|
|
|
X
|
|
|
|
2/8
|
Un lieu agréable
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
X
|
X
|
6/8
|
Transfert de compétences
ateliers/général
|
X
|
X
|
X
|
|
|
X
|
|
|
4/8
|
Ouverture d'esprit des PE
|
X
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
7/8
|
|
E1, E3,E4, E6, E9, E10 utilisent l'expression
« avoir du temps » dans leur entretien. Cette
E2, E5 et E11
sont éloignés dans leur perception. Ils donnent un
rôle prépondérant aux PE qui selon E5 sont
un « point de repère pour les élèves »
et E11 pense que les PE spé « ont une
relation plus intime avec les élèves ». Ils semblent
avoir une méconnaissance du travail réalisé par les PE et
le fonctionnement interne de la SEGPA. Néanmoins, ils sont conscients de
son utilité : E5 pense que si la structure
disparaissait, « les élèves de SEGPA qui auront des
difficultés vont couler si on les met dans une classe ordinaire. La
SEGPA est une chance de réussite pour des élèves qui
auraient eu du mal à réussir dans un parcours classique
». E11 rajoute que parfois des élèves
de l'ordinaire, mal orientés, « vont rester dans une
scolarité toute leur vie, alors que eux ils auraient eu besoin d'un
enseignement adapté, un rythme adapté, une classe plus petite
pour pouvoir exister dedans. »
7.1.1.1 : Redonner confiance
Toutes les personnes interrogées mettent en avant
qu'une force de la SEGPA est de redonner confiance aux élèves.
E3 l'exprime clairement. E6 explique que la
SEGPA « permet aux élèves en difficultés de
mettre en valeur les compétences qu'ils ont déjà en eux,
de redonner confiance en eux, ce qui dans la vie est complètement
indispensable pour être heureux ». On note d'ailleurs que le
mot « heureux » est employé par E3, E4, E6, E7,
E10. E8 rajoute : « C'est l'essence
même du taf ! ». Une élève de troisième
SEGPA est très claire sur ce point : elle dit se « sentir bien
en SEGPA et n'avoir jamais envisagé l'ordinaire » car « les
professeurs s'occupaient d'elle », notamment les professeurs des
écoles spécialisés, et surtout elle avait « peur
de perdre ses repères ». Elle a été
stigmatisée dès la primaire, non par les enseignants, mais par
les élèves qui la « frappait, l'insultait et la
harcelait ». Lorsqu'elle est arrivée en sixième, elle
pensait qu'elle était « conne », « différente
», « bête ». Avec les quatre années en SEGPA,
elle a repris confiance en elle et a pris conscience de ce qu'elle était
capable de réaliser. Mazereau (2010) conforte ce point en expliquant que
l'enseignant spécialisé accorde une place de choix à la
classe spécialisée comme lieu de respiration et de restauration
de la confiance en soi.
Nous pouvons nous interroger alors sur ce qui permet de redonner
confiance aux élèves. 7.1.1.2 : La SEGPA, un
fonctionnement bien huilé
Parmi les élément structurants de la SEGPA et
qui peuvent être des forces pour la réussite
d'élèves en difficultés, nous observons dans les
réponses des répondants quatre variables :
L e temps :
E4, E6, E8 ont clairement exprimé que le
changement de regard était important dans
notion de temps est à mettre en corrélation avec
la liberté pédagogique dont bénéficient les PE
spé avec des programmes adaptables. E3 : « Les
élèves ont le temps de pouvoir échanger entre eux, de
pouvoir dire ce qu'ils pensent, d'argumenter ». E4 :
« c'est la liberté de fonctionner. Et si je veux faire
du français ou si je veux parler de la pluie, du beau temps, je peux le
faire. Ou si je veux les emmener dehors, je peux le faire ».
E6 : « Ils ont besoin qu'on ait du temps. J'ai
du temps pour chacun d'entre eux, c'est énorme. Du coup, je ne me sens
pas déchirée, partagée ». E9 :
« on n'a pas cette pression des programmes, etc. On va
vraiment prendre l'élève et le but c'est de le faire progresser
en fait ». E10 : « Alors évidemment,
on n'avance pas forcément au même rythme, c'est que l'effectif
réduit permet un travail plus individualisé, d'avoir des
interlocuteurs peut-être plus disponibles. Ils sont rassurés,
c'est des gamins qui ont besoin de repères, de temps ».
E1 : « S'il n'y a pas une trace écrite
récente, c'est pas grave. Si on n'évalue pas tout exactement, ce
n'est pas grave non plus, voilà c'est cette liberté là,
pédagogique ».
A contrario, les professeurs de collège
interrogés clament dans leurs entretiens qu'ils n'ont pas assez de
temps. Ce manque de temps provoque chez eux des difficultés
d'organisation et met à mal leur professionalisme.
Les petits effectifs :
E1, E3, E6, E9 et E 10
mettent en avant les petits effectifs. Le fait d'être en petits
effectifs permet aux élèves de « prendre plus la parole
» (E3). « D'entrer plus facilement dans les
apprentissages » (E4), « d'avoir les
mêmes bases d'apprentissage que les autres mais en adaptant les contenus
des cours et les outils utilisés », « de
transférer les compétences" (E3), de
« renforcer la complémentarité »
(E8) entre les ateliers et les cours de
mathématiques et de français, « le projet professionnel
qui est commencé très tôt dans la scolarité »
(E3). E9 rajoute que les petits
effectifs lui permettent « tous les jours de s'adresser à
chacun des élèves » et dans sa journée, elle
doit « s'adresser au moins une fois à chacun de ses
élèves pour les réparer, rétablir leur estime de
soi ». Pour E10 « les élèves
n'avancent pas au même rythme, ils ont un travail individualisé,
des interlocuteurs plus disponibles et ils sont rassurés ».
Quant à E7, elle fonctionne « en projet
et en plan de travail ».
Les classes à effectif réduit sont une demande
des enseignants du secondaire depuis des années, qui permettrait de
mieux gérer l'hétérogénéité
grandissante. Ramel (2010) explique dans son article que les enseignants
"regrettent la suppression des classes à effectif réduit car
cette suppression a entraîné des effets négatifs sur les
élèves en difficulté, sur les autres et sur les
professeurs".
Un autre regard sur
l'élève
l'évolution de l'élève. Les autres
répondants, bien que n'ayant pas utilisé explicitement
l'expression « changer de regard » ont la même approche dans
leurs propos. E7 : « permettre à
l'élève d'aller le plus loin possible », E10 :
« en fonction de ses capacités », E1 :
« les voir progresser ».
La SEGPA, une famille
Cette approche pédagogique qui semble appartenir
à la SEGPA se retrouve dans la perception de la SEGPA elle-même.
Les répondants sont nombreux à avoir utilisé les mots
« cocon », « famille », « équipe ». Et
cette perception de la SEGPA se retrouve également chez les
élèves. E6 explique qu'en cas de sixième
inclusive, les élèves « ne veulent pas y aller. Ils sont
trop bien. Ils sont un groupe ». La SEGPA fait « partie de
l'identité du collège, c'est important d'avoir un groupe classe,
d'avoir un petit cocon dans lequel on peut se retrouver, auquel on peut se
référer » (E3), lorsque les
élèves pré-orientés sont dans une sixième
inclusive, les élèves « sont rassurés que je sois
dans la classe, quand ils vont intervenir, quand ils vont parler »
(E9). La SEGPA « c'est plus familial, c'est
presque obligé puisqu'on a un fonctionnement d'instit ».
« c'est dur pour eux de quitter leur petit cocon de SEGPA »
(E10).
Les parents viennent conforter parfois le travail
réalisé en SEGPA. E10 nous dit que «
les parents arrivent en disant : pour la première fois, mon enfant
est ravi de venir à l'école, il est content, il a pas la boule au
ventre, il trouve qu'il arrive à progresser ».
Nous constatons ici un des problèmes fondamentaux par
rapport à la perception et au vécu des PLC. E2,
E5 et E11 s'expriment largement sur leur
manque de temps, qu'ils n'arrivent pas à faire face aux injonctions
prescrites. Torres (2014) parle d'une « dévaluation sociale du
métier ». En effet, il constate qu'avec la massification des
publics, les enseignants du secondaire font face à des classes de plus
en plus chargées en effectif et de plus en plus
hétérogènes, ce qui amène une souffrance au
travail. Or, ce sentiment de souffrance, dont nous reparlerons, n'est pas
exprimé par les PE spécialisés. En réalité,
les PLC souhaiteraient des conditions de travail similaires aux PE
spécialisés (temps, effectifs, moins de pression
institutionnelle) mais compte tenu des lois sur l'inclusion, la politique de
l'éducation nationale ne se dirige pas vers ce type d'organisation.
7.1.2 : La SEGPA, un modèle
d'inclusion?
Rappelons les principes d'une école inclusive : les
modalités pour une école inclusive peuvent se résumer en
un certain nombre de dispositifs selon Boutin et Bessette (2009, p.57) :
Ø créer un climat favorable à l'acceptation
de la diversité
Ø modalités d'intervention concernant
méthodes et techniques pédagogiques (enseignement mutuel, travail
d'équipe, apprentissage coopératif)
Ø place importante donnée à
l'individualisation et à la différenciation
Ø pédagogie de projet
Les interviewés, dans les forces de la SEGPA, citent
le travail en équipe (E1, E3, E4, E6, E8, E10) qui se
met en place au sein de la SEGPA, et au sein du collège avec des projets
pluridisciplinaires. E3 : « on avait fait un projet
en anglais sur Thanksgiving et du coup, avec le collègue PLP en HAS, on
a fait toute une matinée de la cuisine et on avait préparé
des repas, enfin des plats typiques de cinq villes. C'est un peu un
mélange de tout : atelier, projet, pas trop de frontal, faire en sorte
que ce soit l'élève qui construise un peu son savoir ».
E6 : « On est une équipe, on arrive
à discuter tous ensemble avec des points de vue différents
». E4 : « On a ouvert dans les classes un
grand trou dans le mur, j'interviens avec ma collègue pour un même
groupe » E10 : « travail d'équipe, travail
d'équipe, c'est intéressant et motivant ». E1 : «
quand il y avait la 6ème inclusive.le travail en équipe avec
l'équipe français. Et en maths, si on cherchait, on y arriverait
aussi, ça se fait très bien ».
L'individualisation et la
différenciation
E3 : « J'ai envie de me
démener et de faire en sorte de pouvoir répondre à tous
leurs besoins. Donc oui, c'est motivant, leur permettre d'avoir les mêmes
bases d'apprentissage que les autres, mais en adaptant, en adaptant les
contenus de cours, les outils utilisés, d'adapter son enseignement pour
que chaque élève puisse acquérir les mêmes
connaissances, mais par des chemins différents ». E10
: « pouvoir adapter le programme et que l'élève
suive désormais ses apprentissages à son rythme, en fait en
fonction de ses capacités ». E3 : «
on va quand même proposer des aménagements et des adaptations
pour qu'il puisse suivre le même enseignement que les autres
».
Une ouverture d'esprit
E3 : « Et on avait émis
l'idée de pouvoir casser tout un niveau pour faire des groupes de besoin
», E8 : « On a deux systèmes de
co-intervention, heu... un triple système de co-intervention. Avec les
profs d'atelier, la deuxième intervention qu'on a c'est entre PE, on a
un projet sur le développement durable », E6 :
« on a eu une réunion avec des parents dont les
enfants avaient des dys. Moi, j'ai adoré ce moment-là parce qu'un
moment d'échange et de partage, l'association qui nous donne des pistes
pour voir comment on peut travailler ensemble ». E9 :
« On a vraiment essayé de communiquer, de construire
des choses ensemble, pour tous les élèves. Le but n'était
pas du tout de juger l'un ou l'autre quoi. Je le fais déjà un
petit peu, donc ça serait un peu poursuivre une mission, peut-être
les étendre vers d'autres défis à relever ».
E7 : « Oui, un gros projet avec le
Sous l'impulsion des PE spé et leur ouverture
d'esprit se mettent en place des dispositifs inclusifs qui amènent les
élèves à être des collégiens à part
entière, tout en adaptant leur pédagogie
prof de physique-chimie en 6ème, on a
mélangé deux classes, on a fait cours tout le temps à deux
avec 33 élèves Je vais pouvoir plus aller voir les
élèves, les aider, les accompagner, leur dire ce qu'il faut
faire, comment se comporter tout en chuchotant. Je pense que ça a un
impact important pour les élèves de SEGPA, où on voit que
certains sont très bien inclus dans la classe. C'est hyper enrichissant.
On se répartit les rôles : il a plus commencé à
mener parce que c'était des thèmes sur lesquels je n'étais
pas à l'aise ». E10 : « on a
créé une sixième miroir : donc c'est une sixième,
la 6ème SEGPA, qui a un emploi du temps en miroir avec une
sixième ordinaire sur quasiment toutes les matières. C'est de
faire une progression commune au niveau des notions ».
Les PE Spé. utilisent beaucoup le terme «
motivation » et sont ouverts d'esprit. Ils sont habitués à
un fonctionnement en équipe (entre les 2 PLP et les 2 ou 3 PE
spé) et n'hésitent pas à impulser des idées,
toujours dans l'intérêt des élèves. Toutefois, on ne
peut omettre des freins à ce que souhaitent mettre en
oeuvre les PE :
Lorsque les PE spé proposent des co-interventions, ils
se retrouvent devant des réponses négatives de la part des PLC
qui « ont peur du jugement » (E6, E9).
E3 explique que « les collègues n'ont pas
spécialement envie de faire la co-intervention, c'est les
collègues qui ne veulent pas ». E6 avait
demandé mais « C'était prévu : le prof est pas
trop chaud, quoique un peu timide... ça lui semble un petit peu
compliqué ». E10 nous explique qu'il y a des
« couacs dans les emplois du temps. Il y a plein de choses qui
n'avaient pas été prises en compte et du coup, les barrettes,
l'emploi du temps barrette, sixième SEGPA et sixième miroir
». E9 rajoute que cela lui « ajoute une
somme de travail considérable ».
Les PE spé semblent convaincus du bien fondé de
la SEGPA. Pour répondre à l'inclusion telle que la définit
Plaisance, à savoir « que la notion d'école inclusive repose
en premier lieu sur un principe éthique : celui du droit pour tout
enfant, quel qu'il soit, à fréquenter l'école ordinaire
», la SEGPA, de part son rôle et son fonctionnement interne,
répond à ce droit. D'ailleurs, E3 se questionne sur la notion
même d'école ordinaire, elle se demande « C'est quoi
l'école ordinaire ? » , elle trouve ça « un
peu bizarre qu'on dise l'école ordinaire. C'est dire que les
élèves qui sont en SEGPA ne sont pas dans une école
ordinaire ? ». Comme Zaffran, les PE spécialisés sont
persuadés que l'inclusion est une valeur à défendre et
à promouvoir , mais ils se retrouvent parfois face à des
enseignants de collège qui refusent de modifier leurs pratiques (mission
2018) et qui subissent des tiraillements répétés entre ce
qu'ils peuvent faire et ce qu'ils doivent faire (Tardif et Lessard).
aux difficultés de leurs élèves. Comme
le souligne E3, « cette pédagogie devrait être mise en
place aussi au niveau des collégiens de l'ordinaire ». Les PE
spé sont conscients des problématiques de leurs
élèves et oeuvrent par leur pédagogie et par le
fonctionnement même de la SEGPA (petits effectifs, du temps, des
programmes allégés, de la différenciation, de
l'individualisation) à la réussite de tous les
élèves. Les enseignants de collège vivent une profonde
"redéfinition de leur rôle et de leurs missions [...] La crainte
accompagnée souvent de résistance que suscite chez beaucoup
d'enseignants la volonté d'intégrer un plus grand nombre
d'élèves présentant des difficultés est celle de
voir leur métier changer en profondeur, touchant par
là-même à la nature de leur métier et donc à
leur identité professionnelle" (Ramel, 2010, p.385).
Les PE spé donnent du sens à ce qu'ils mettent
en place et même s'ils sont conscients d'une mutation profonde de leur
métier, ils travaillent dans l'adaptation. Or, force est de constater
que cette adaptabilité les incite à mieux gérer les
changements qui les attendent. A la différence du professeur de
collège, le PE spé n'a pas à renoncer "au mythe de
l'homogénéité" (Ramel, 2010, p.389), ce qui l'amène
ainsi à considérer les tâches liées à
l'inclusion comme possible à réaliser.
Pour valider notre hypothèse n°1 : Compte
tenu des principes de l'école inclusive, la SEGPA dans son
fonctionnement est à considérer comme un modèle pour les
enseignants du collège, il fallait d'une part que les
répondants reconnaissent des forces à la SEGPA et d'autre part
qu'ils estiment que de par son fonctionnement, la SEGPA porte en elle les
principes inclusifs. Compte tenu des réponses, nous
considérons que notre hypothèse 1 est validée.
Désormais, nous allons tenter de valider ou
d'invalider notre hypothèse n°2 qui porte sur l'identité
professionnelle du PE spé. Comme nous l'avons dit
précédemment dans notre cadre théorique, les
données scientifiques sur l'IP des PE spé sont minces. Nous nous
appuierons sur le concept d'identité défini par Dubar
(identité héritée) et le versant psychologique
défini par Iannccone, Tatéo et Marsico (2008). Concernant l'empan
liminal, les travaux de Gennep nous seront utiles.
7.2 : Une identité professionnelle à la
marge
Une définition de l'élève de
SEGPA :
7.2.1 : Une perception commune de
l'élève de SEGPA.
Dans la circulaire de 2015, l'élève de SEGPA
est défini comme « présentant des difficultés
scolaires graves et persistantes auxquelles n'ont pu remédier les
actions de prévention, d'aide et de soutien ».
Qu'en pensent nos répondants ? Le mot «
difficultés » n'est quasiment pas employé quand on leur
demande ce qu'est un élève de SEGPA. En revanche, les termes
employés portent plus sur la globalité de l'élève.
E4 parle de « désordre total dans leur
tête, qu'ils sont encombrés, qu'ils s'empêchent de
réfléchir et qu'il faut trier, faire du rangement, ils sont
abîmés ». E3 « répare
des élèves qui ont été blessés dans leur vie
», E7 les décrit comme des
élèves « ayant des difficultés d'apprentissage et
qu'ils ne sont pas, comme elle peut l'entendre parfois, des
imbéciles ». E9 reprend le même terme
que E4, à savoir « abîmés
», « ils ont une mauvaise estime de soi, souvent
découragés, ils cumulent tous les problèmes ».
Le mot « attachant » est repris par E8, E6, E9
et E10. Nous pouvons noter que les mots employés par les
répondants sont violents : « abîmés,
réparés, blessés ». Les PE spé semblent
avoir une relation plus psycho-sociale que disciplinaire. A contrario, les PLC
sont beaucoup plus sur le côté « attente disciplinaire »
: E5 définit l'élève comme «
ayant besoin de plus de temps ». E2 : «
ils ont du mal à avoir des règles, lever la main, travailler dans
le silence, se concentrer » et E11 rejoint
E5 en disant « ils sont capables d'assimiler des tas
de choses mais sur un temps plus long avec une quantité plus
limitée ».
Certes, les PE spé. sont conscients des
difficultés scolaires de leurs élèves, mais leur vision
est élargie aux différentes problématiques qui touchent
les élèves de SEGPA. Ils cumulent en effet, comme le disent les
répondants, des problèmes cognitifs, sociaux, économiques.
Zaffran (2010) corrobore ce constat sur l'élève de SEGPA. A
défaut d'analyses sociologiques poussées sur les
élèves de SEGPA, il remarque, en établissant une
étude comparative entre les élèves qui se dirigent vers la
voie ordinaire et les élèves qui sont orientés vers le
spécialisé, que les difficultés ne sont pas uniquement
liées aux résultats scolaires mais bien plus à des
difficultés sociales. Pour justifier son analyse, il explique qu'il
« suffit de souligner la forte proportion d'élèves dont le
chef de famille est ouvrier non qualifié ou inactif, par comparaison aux
employés, de noter l'effet de la taille de la famille et de la
composition du ménage sur l'orientation (les élèves de
Segpa vivent plutôt dans une famille recomposée ou monoparentale,
ils ont trois frères ou soeurs ou plus).) » (Zaffran, 2010, p.86).
De cette perception de l'élève découle une perception du
travail différente à la fois des PLC mais aussi des PE de
l'ordinaire. Ce qui nous a surpris lors de la retranscription des entretiens,
ce sont l'utilisation des termes « heureux », « contents »
et « motivation ». E3, E6, E1 pensent que la mission
principale de l'enseignant, « c'est de donner envie à
l'élève de rentrer dans la classe et d'être heureux dans sa
classe, heureux d'apprendre de nouvelles choses ».
Les répondants ont envie de « se
démener en classe ». Pour eux, c'est une véritable
source de motivation (E3, E6, E8, E10). Ils prennent
l'élève dans sa globalité avec « ses
difficultés, ses connaissances, ses capacités, la famille »
(E10, E4). Nombreux disent également que pour eux
c'est important de se « sentir utile » (E6, E1, E10,
E3). D'ailleurs, E6 explique très bien que son
premier poste qui était un poste protégé dans une
école de campagne, où tout s'était bien passé,
était beaucoup moins gratifiant pour elle car « ce sont les
élèves qui lui apprenaient et qu'elle ne servait à rien
». Dans cette perception du travail, tous les répondants
parlent de « réussite et de progrès ». Compte tenu de
la définition donnée par la circulaire, au regard des
réponses, nous pouvons dire que la perception du travail mais aussi de
l'élève va bien au-delà du constat de «
difficultés ». Cette dimension psycho-sociale où
l'élève est pris dans sa globalité, où le contexte
de l'élève est pris en compte, modifient à la fois
l'attitude de l'enseignant mais a aussi une répercussion sur
l'élève dans ses apprentissages. Ce qui nous amène
à nous interroger sur les qualités intrinsèques de
l'enseignant spécialisé de SEGPA.
7.2.2 : Les qualités du FE
spé.
A la question : « Donnez deux ou trois qualités
de l'enseignant spécialisé en SEGPA », voici les
réponses des répondants :
Tableau 12: Les qualités du PE spé
Qualités
|
E1
|
E3
|
E4
|
E6
|
E7
|
E8
|
E9
|
E10
|
RAPPORT
|
Bienveillance
|
|
X
|
X
|
|
X
|
|
|
|
3
|
Patience
|
X
|
X
|
|
X
|
X
|
|
X
|
|
5
|
Etre à l'écoute
|
X
|
|
|
X
|
|
|
X
|
X
|
4
|
Aimer les enfants
|
X
|
|
X
|
X
|
|
X
|
|
X
|
5
|
Observateur
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
1
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Comprendre
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X
|
X
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X
|
|
|
X
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4
|
|
La définition de bienveillance du
dictionnaire Larousse est la suivante : « Disposition d'esprit inclinant
à la compréhension, à l'indulgence envers autrui ».
Roelens (2019) propose une conceptualisation de la « bienveillance »
pensée comme un « moyen de soutenir le devenir autonome d'un autrui
vulnérable et de faire face à certains défis, comme
l'éducation ».
La patience est définie comme suit
dans le dictionnaire Larousse : « Aptitude à ne pas
s'énerver des difficultés, à supporter les
défaillances, les erreurs ». Entre la perception du travail et la
perception de l'élève, les répondants se sentent investis
d'une mission, celle de donner à l'élève
l'envie de croire en lui, en ses capacités et que
même s'il ne correspond pas à la norme établie par la
société, il a des choses en lui qui font qu'il est un être
unique. E8 explique qu'il « n'y a pas qu'une seule
forme d'intelligence », E6 : « que chaque
élève a des compétences, il faut juste savoir les mettre
en valeur, leur redonner confiance ». Il n'est donc pas surprenant de
constater que les réponses reflètent une approche de
l'élève basée sur la bienveillance, sur l'écoute,
mais aussi sur la patience. Cette bienveillance passe aussi par « un
autre regard » (E4, E9). Un regard qui tolère
la différence et qui permet à l'élève de prendre
confiance en lui et ainsi d'entrer dans les apprentissages.
Au regard des définitions du Larousse et de Roelens,
les PE spé. comprennent, font preuve d'indulgence et amènent
l'élève durant ces quatre années à acquérir
les bases de l'autonomie. E4 utilise la métaphore de la
maison avec « les fondations ». Il construit les «
fondations de la maison durant les années de sixième,
cinquième, quatrième. Puis en troisième, les fondations
sont là, et on peut se poser et travailler pour l'avenir ».
Nous pouvons noter E9 qui ne donne qu'une qualité
: l'observation. Elle se positionne dans le cadre d'une sixième
inclusive où elle travaille beaucoup en co-intervention auprès de
deux professeurs d'histoire-géographie ainsi qu'une professeure de
mathématiques. Lorsqu'elle parle des co-interventions, elle explique la
pédagogie des deux enseignants d'histoire et elle note qu'elle a «
un regard différent et une notation différente. Pour les
élèves pré orientés, ça les rassure qu'elle
soit là dans la classe quand ils vont intervenir, qu'ils vont parler
». Grâce à son observation, elle a un regard qu'elle ne
pourrait pas avoir si elle avait la classe entière et cela lui permet de
constater que pour certains, l'inclusion est une réussite et pour
d'autres, un échec.
En conclusion de cette sous partie, nous pouvons
dégager certains traits caractéristiques de l'identité
professionnelle des PE spé : ils prennent l'enfant dans sa
globalité, sont dans la bienveillance, dans la patience et dans
l'écoute de l'élève. Ils souhaitent avant tout son
bien-être, qu'il soit bien dans l'école et dans sa tête et
qu'il réussisse. Qu'en est-il de l'identité professionnelle du PE
spé ? Y a t-il un lien entre l'identité héritée et
l'identité professionnelle ? Traverse t-il une crise identitaire ? Si
oui, est-elle liée à l'inclusion et une éventuelle peur de
la disparition de la structure SEGPA ? Se considère t-il comme
appartenant au premier degré, de par sa formation initiale, ou au second
degré ? Quelle regard porte t-il sur les PLC ?
Tableau 13: Lien entre identité biographique et
identité professionnelle
7.2.3 : Une identité
héritée.
|
E1
|
E3
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E4
|
E6
|
E7
|
E8
|
E9
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E10
|
RAPPORT
|
parcours chaotique
|
|
X
|
X
|
|
X
|
|
X
|
|
4/8
|
parcours sans incident
|
X
|
|
|
X
|
|
X
|
|
X
|
4/8
|
|
Compte tenu des réponses, il semble que que quel que
soit le parcours, a priori cela ne joue pas sur l'incidence à enseigner
en SEGPA et surtout à vouloir y rester. Il nous semble
intéressant de nous concentrer sur E1, E6, E8 et E10. Quand on regarde
le parcours de E8, il est assez révélateur. En
dehors du fait qu'il n'ait jamais eu de soucis scolaire (Kagne- Hypokagne), il
se sent attiré irrémédiablement vers l'élève
en difficulté. En sixième, il a vécu une expérience
qui a marqué et sa voie professionnelle et sa façon de voir la
vie et notamment les normes établies de la société. Issu
de milieu enseignant, rien de mieux qu'une reproduction du schéma
social. Or, en sixième, il a « fait partie d'une classe
expérimentale au collège. Le chef d'établissement avait
mixé la moitié des CPPN et la moitié des
élèves classiques, l'inclusion à l'époque. Ils
étaient tous des enfants très sages qui sont devenus des
élèves pas très sages ! ». Il est
persuadé que cette expérience lui a appris « à
faire toutes les bêtises mais voir plein de trucs de la vie, qu'il
trouvait génial, notamment la construction de meubles ». A
partir de cette expérience, il a vu les choses différemment et a
constaté qu'il y avait « plusieurs formes d'intelligence
».
E1 et E10 ne donnent aucune raison pour
expliquer leur appétence à enseigner dans le
spécialisé. E1 explique que sa première
motivation pour devenir enseignante c'était « les vacances
», puis une quinzaine d'années dans le primaire pour se
tourner ensuite vers la SEGPA pour « éviter de devenir une
vieille enseignante aigrie et fatiguée ». Quant à
E10, après avoir travaillé avec des adolescents
handicapés, elle s'est tournée naturellement vers les SEGPA pour
continuer « l'orientation professionnelle ». E6
tient un discours qui est implicite. Il est possible
d'interpréter et de lire entre les lignes. Elle admet « n'avoir
aucune confiance en elle » et bien qu'elle ait été
toujours une bonne élève, c'était « pour faire
plaisir à maman et faire ce que maman lui disait ». Elle se
définit comme un « coeur de cible » et parle de ses
élèves comme « ses doudous ». Les mots qu'elle
emploie sont emprunts de souffrance : elle utilise les mots «
blessure, démunie, mal à l'aise » la concernant. Ce
vocabulaire et son manque de confiance en elle peuvent expliquer son envie
d'enseigner auprès d'élèves en difficultés
où elle se « sent utile » et peut-être pouvons
nous supposer ce sentiment d'exister pour elle et pour autrui.
Concernant les quatre autres répondants, on constate des
points de convergence :
Ø Ils n'ont pas confiance en eux mais se
considèrent tous comme « des élèves moyens, qui
aiment l'école mais que l'école n'était pas adaptée
à eux ».
Ø Enseigner en SEGPA est un « défi,
c'est challengeant ». E7 dit avoir voulu faire un
« bac scientifique parce que c'était challengeant et surtout on
lui a dit qu'elle n'y arriverait pas. Ensuite, elle a passé deux
fois le concours, « elle avait trop peur de dire ce qu'elle pensait
car elle était persuadée qu'en face, le jury savait mieux qu'elle
et qu'elle allait avoir l'air ridicule ». Elle affirme clairement que
« si elle n'avait pas eu le parcours qu'elle a eu , elle n'aurait
peut-être pas pu travailler avec des élèves qui sont en
difficultés scolaires. Elle pense mieux comprendre les
élèves, elle fait attention quand elle s'adresse à eux
». Elle ajoute « qu'il est nécessaire d'avoir
traversé des difficultés dans sa vie pour pouvoir comprendre les
difficultés d'autrui ».
Ø Un système éducatif qui ne convient
pas. E3 et E4 se qualifient de «
rebelles ». Les deux répondants, avec une grande
différence d'âge, ont été parachutés ou
« balancés » dans le spécialisé
dès leur première affectation. Durant leur scolarité, ils
ont établi les mêmes constats : « c'était
l'excellence qui primait, les prof crachaient leurs savoirs, il n' y avait
qu'un seul chemin ». Comme E7, leurs parcours
biographique a influé sur leurs parcours professionnels dans le sens
où ils comprennent mieux leurs élèves, n'ont pas envie de
reproduire un schéma qu'ils ont détesté et oeuvrent pour
le respect des différences en adaptant leur pédagogie.
Au regard des réponses, finalement, le lien entre
identité biographique et identité professionnelle existe. On peut
donc parler, comme le mentionne Dubar, d'identité
héritée.
7.2.4 : Un empan liminal?
Les travaux de Gennep, repris dans la thèse de
Saint-Martin, nous ont interrogés sur le positionnement professionnel du
PE spé. Gennep parle de rite de passage, de flottement entre deux mondes
: les enseignants spécialisé en SEGPA sont-ils dans cet empan
liminal ? Se définissent-ils clairement comme appartenant au premier
degré ? Travaillant dans le second degré, se
considèrent-ils comme des PLC ? Jaboin (2010) nous dit qu'enseigner dans
le second degré pour les professeurs des écoles , «
c'est endosser un héritage, celui des pratiques
sédimentées et des valeurs léguées par la tradition
de l'enseignement spécialisé. »
Tableau 14: Un empan liminal
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E1
|
E3
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E4
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E6
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E7
|
E8
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E9
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E10
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J'appartiens au premier degré
|
X
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|
|
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J'appartiens au second degré
|
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|
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|
Je suis entre les deux
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
en partie X
|
|
E1 est la seule à affirmer clairement
appartenir au premier degré. Sa réponse est en cohérence
avec son parcours professionnel. A la différence des autres
répondants qui ont, soit été directement «
balancés » (E3 et E4) en SEGPA après leur
année de formation initiale, soit ont eu une seule année dans
l'ordinaire, E1 a passé quatorze années dans le
primaire. A sa dernière inspection, « l'inspecteur lui a
demandé de réfléchir à la suite de sa
carrière en lui expliquant qu'elle avait la chance d'avoir un
métier qui lui permettait de pouvoir enseigner en maternelle, changer de
ville, de quartier et qu'il ne fallait pas s'enterrer dans un poste
». E1 justifie son appartenance au premier degré en disant
« qu'elle a gardé le rituel d'écrire la date au tableau
tous les matins ». E9 est partagée. Elle
enseigne depuis huit ans en SEGPA. Elle est arrivée sur le poste au
troisième mouvement sans l'avoir demandé mais aujourd'hui «
elle ne le regrette pas et souhaite y rester ». Elle explique :
« j'appartiens au premier degré, je n'ai pas le même
travail que les professeurs de collège. On n'a pas eu la même
formation et je pense que nos visions sont totalement différentes. Mais
en même temps, j'ai envie de dire, je suis un peu à la marge. J'ai
l'impression d'être un peu un caméléon ».
E9 est très investie dans le processus d'inclusion
et est amenée à travailler en co-intervention avec ses
collègues PLC. Et elle constate, comme le mentionnent Tardif et Lessard,
qu'elle change de posture en fonction de l'interlocuteur qu'elle a en face
d'elle. D'où son expression de « caméléon
». Les autres répondants mettent en avant la polyvalence du PE
ainsi que ses compétences comme des forces. E4 et
E8 affirment que si la SEGPA venait à trop se
transformer, ils changeraient de travail : E8 ferait «
cuistot », quant à E4, « ce n'est pas
envisageable » pour lui de retourner en primaire. Il ne se voit pas
« réécrire la date au tableau tous les matins »
car il devrait « réapprendre à écrire
correctement et pour lui ce serait une catastrophe ». Ils disent tous
qu'ils sont à la marge. Parallèlement, ils affirment ne
ressembler en rien au PLC. E8 parle d'eux en les appelant
« les profs de l'autre côté ». E6 nous dit
« n'avoir jamais enseigné en primaire, qu'elle ne connaît
aucun enseignant du primaire et qu'elle n'est même jamais allée
dans une école de secteur ». Son sentiment d'appartenance est
auprès de ses collègues de SEGPA.
Parmi les répondants qui se qualifient être
à la marge, nous pouvons faire les constats suivants :
Ø Aucune ou une année d'expérience dans le
primaire
Ø Une méconnaissance de l'enseignement en
primaire
Ø Un sentiment d'appartenance à l'équipe
SEGPA
Ø Des visions très différentes entre PLC et
PE spé.
Ø Une richesse provenant de la polyvalence et de leurs
compétences pédagogiques (qui sont en lien avec la perception de
l'élève en difficultés).
Il semble donc que les PE spé interrogés se
trouvent, comme le définit Gennep, dans un rite de passage mais
où ils restent acculés. De même, leur perception de leur
métier, leurs objectifs d'éducation semblent, comme nous
l'explique Jaboin, appartenir à un héritage. Nous avons pu lire
que les PE spé se distancient des PLC. Nous allons tenter de voir quelle
perception ont-ils de ces professeurs de collège et pourquoi se
sentent-ils si différents ?
7.2.5 : La perception des PLC par les PE
spé.
En premier lieu nous aborderons la définition d'un PLC
par un PE spé : Le professeur de lycée et collège est
défini comme « un bon élève », «
excellent dans son domaine » qui « maîtrise un
savoir technique sur sa discipline ». Ils « ont des
degrés d'exigence plus pointilleux sur les évaluations
». En second lieu, nous pouvons constater que les répondants
sont nombreux à signifier qu'ils n'ont pas la même approche en
terme de pédagogie. E4 E3 et E6 sont
très virulents dans leurs propos : « les PLC , dans leur
tête, ils n'ont qu'un seul type d'élève en face d'eux, ils
crachent leurs cours [...] avec un seul type de document, avec un seul chemin
à prendre » (E3). E4 :
« le PLC maîtrise tellement bien son savoir qu'il n'arrive pas
à le faire passer, qu'il commence à rencontrer les
problèmes de l'hétérogénéité et la
difficulté sauf qu'il n'a pas les moyens de fonctionner comme un PE
spé car il a pas l'habitude ». E6 va
juqu'à utiliser le mot « maltraitance ». Il n'est pas
surprenant de lire les propos de E4 et de E3
compte tenu de ce qu'ils ont vécu durant leur parcours
scolaire. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, le
système scolaire ne leur convenait pas et il reste une certaine
amertume, un regard très critique envers les enseignants de
collège.
En conséquence, les PE spé n'expriment aucun
point commun avec les PLC en terme de vision pédagogique et
éducative. En revanche, ils sont conscients pour certains qu'ils peuvent
s'apporter des choses mutuelles. E7 le fait remarquer
lorsqu'elle dit « le PLC apporte le savoir et qu'elle apporte la
pédagogie ».
7.2.6 : Les PE spéface aux injonctions
ministérielles.
Nous entendons par injonctions ministérielles tout ce
qui émane de l'Institution et nous nous posons les deux questions
suivantes :
Ø Comment les PE spé réagissent-ils aux
lois et textes qui définissent leurs missions ?
Ø Comment perçoivent-ils leur relation avec leur
hiérarchie ?
Tableau 15: Les PE spé et l'institution
|
E1
|
E3
|
E4
|
E6
|
E7
|
E8
|
E9
|
E10
|
Connaissance des lois et des textes notamment sur
l'inclusion
|
dans les
grandes lignes
|
pas
vraiment
|
pas
vraiment
|
pas
vraiment
|
dans les grandes lignes
|
pas
vraiment
|
|
|
Incompréhension des PE/aux demandes
hiérarchiques
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
X
|
|
X
|
|
Les PE spé. aimeraient plus de visibilité sur
ce que l'institution leur demande de mettre en oeuvre. Le sentiment de
"naviguer à vue" est ressenti par certains qui se posent la question du
pourquoi ?Dans quel but ? E3 prend l'exemple des
expériences sur les sixièmes inclusives en disant « j'ai
l'impression qu'on nous force mais on va nous demander de la faire sans
forcément qu'il y ait de retour ». Les injonctions sont «
balancées ». L'exemple du Diplôme National du Brevet
professionnel (DNB pro) a été cité par E3, E8
et E10. Désormais, l'institution demande
à ce que les élèves de troisième SEGPA soient
présentés au DNB pro. Or, jusqu'à présent, les
élèves de troisième devaient sortir de leur cursus avec
l'acquisition des compétences de cycle 3. Désormais, il est
demandé aux PE spé de préparer leurs élèves
en travaillant des compétences de cycle 4. Or, les PE spé n'y
sont pas préparés : « on doit tous les présenter,
mais on ne nous propose pas de cadres pour mieux les préparer »
(E3), « il n'existe pas de
référentiel en français et en maths pour le DNB pro »
(E8). E10 s'interroge également
en se demandant « si on inscrit tous nos élèves de SEGPA
au DNB pro, quel est l'intérêt de garder la structure SEGPA ?
». Les injonctions tombent sans mettre les moyens en oeuvre pour
aider les enseignants. Ces derniers regrettent « le manque de
formation, de concertation entre collègues ».
Nous notons également le sentiment d'un manque de
soutien de l'institution chez certains, notamment E4 qui vit
difficilement le fait « d'aller prêcher la bonne parole aux PLC
et d'expliquer comment ça fonctionne un élève en
difficultés ». E8 reproche à
l'institution sa défiance envers les enseignants et un manque de
reconnaissance, il dit que « le système n'est pas performant,
que le gel du point d'indice témoigne clairement de la reconnaissance de
l'Etat sur l'utilité de notre travail » et il se questionne
sur la reconnaissance qui pour lui est « une vraie interrogation
». Hormis deux répondants qui n'ont pas évoqué
le lien avec l'institution, les autres affichent nombres de questionnement sur
les objectifs du gouvernement qui ne sont pas toujours explicités.
Néanmoins, on remarque toujours cette ouverture d'esprit, à
savoir que, malgré certains désaccords ou certaines
incompréhensions, les PE spé. appliquent ce qu'on leur demande de
faire, tout en restant conscients
Le versant social : étayé par
Dubar, l'IP y est présentée dans une double transaction,
biographique (avec soi-même) et relationnelle (avec autrui, dans la
manière dont se forge la reconnaissance de soi
que parfois, ce n'est peut-être pas la meilleure chose
à faire. Comme dirait E4, « on est
fonctionnaire, on doit donc fonctionner et appliquer les lois ».
7.2.7 : Conclusion de cette partie
Dans cette partie, nous avons tenté de valider ou
d'invalider notre hypothèse 2 : Malgré
une formation initiale commune, les PE spécialisés se situent
dans un entre-deux.
Le concept de liminalité est un concept
anthropologique énoncé par Van Gennep sous le terme de
liminarité pour décrire les rites de passage. Le mot vient de
l'anglais « au niveau du seuil », lui-même dérivé
du latin « limen » qui désigne le pas de la porte.
Etymologiquement, il renvoie donc à la notion de limite entre
l'intérieur et l'extérieur (Saint-Martin, 2014, p.18). Pour
valider notre hypothèse, dans les rites de passage décrit par Van
gennep, celui qui nous intéresse est le rite de marge qui constitue un
rite liminaire, un « entre-deux » dans lequel un individu se trouve
dépossédé de son statut antérieur, sans en avoir
acquis encore un nouveau. Il flotte entre deux mondes. Les PE spé
répondent-ils à ce changement d'état ? Sont-ils entre deux
mondes ? Par ailleurs, pour valider notre hypothèse, nous sommes
amenés à nous interroger sur l'identité professionnelle
des PE spé. Deux versants étayent notre interrogation :
Le versant psychologique :
étayé par Iannconne, Tatéo et Marsico (2008) qui avancent
que l'expérience familiale de l'enfance de l'enseignant ainsi que le
souvenir de soi comme élève constituent les principales sources
pour construire son identité professionnelle. Selon ces trois auteurs,
les éléments biographiques, en interaction avec des
éléments du contexte, joueraient un rôle essentiel, en
générant différentes stratégies des enseignants
leur permettant de faire face aux difficultés qu'ils rencontrent. Ces
éléments sont repris dans les travaux de Blanchard-laville (2001)
qui rendent compte de l'IP sous l'angle de processus psychiques pour la plupart
inconscients. Ce serait une « co-habitation » du «
soi-élève » et du « soi-enseignant ». (Zimmermann,
2013, p 38). Hormis E1, les répondants expliquent leur
lien entre une expérience de soi comme élève et le futur
enseignant qu'ils sont devenus. Les échecs qui ont jonchés leur
parcours d'élèves ou les expériences qu'ils ont
vécues ont façonné leur identité professionnelle.
Leur construction prend en compte leurs itinéraires singuliers. Ainsi
ils aménagent, recomposent les éléments constitutifs de
leur identité en fonction des situations et des interactions, pour
s'adapter et construire un monde cohérent, entre contraintes, valeurs et
ressources dans lesquelles ils peuvent orienter leurs actions et trouver des
voies d'implication porteuses de sens pour eux-mêmes et pour les autres.
(Balleux et perez-Roux, 2011, in Zimmermann, op.cit).
par les partenaires de l'activité). Dans ce cadre,
l'identité se définit comme « le résultat
à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, biographique et
structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement,
construisent les individus et définissent les institutions ».
Ce modèle avance que la dynamique identitaire relève de deux
mécanismes apparemment contradictoires (Tap, 1988) :
l'identisation, qui correspond à la reconnaissance du
caractère unique de la personne, et l'identification,
qui correspond à la reconnaissance de sa similitude avec les autres
(Zimmermann, 2013, p.41). Le processus d'identification des PE spé se
retrouve dans leur sentiment d'appartenance à la SEGPA. Ils
n'appartiennent ni au premier, ni au second degré. En revanche, ils
appartiennent à la SEGPA qui a son identité propre.
Figure 19: L'identité professionnelle du PE
spé.
Compte tenu des différents concepts théoriques
définis précédemment en lien avec nos observations,
nous pouvons valider l'hypothèse 2 : malgré une formation
initiale commune, les PE spé travaillant en SEGPA se situent dans un
entre-deux.
Dans notre dernière partie, nous allons valider ou
invalider notre hypothèse 3 : L'inclusion doit être
réfléchie et anticipée et pas à n'importe quel
prix. Pour répondre à cette hypothèse, nous
avions émis l'idée que les PE spé pouvaient vivre une
crise identitaire liée aux lois sur l'inclusion et une éventuelle
peur de la disparition des SEGPA. Nous nous étions également
posé la
question à propos des nouvelles missions
définie par le CAPPEI, à savoir que le PE spé. allait
désormais devenir une personne ressource et être amené
à remplir de nouvelles missions. Enfin, nous souhaitions savoir quel
était leur avis sur le « tout inclusif » et ce qu'ils
envisageaient de mettre en place compte tenu des lois.
7.3 : Des réponses à
l'inclusion
7.3.1 : Une crise identitaire liée à
la politique inclusive?
Nous sommes partis des différences entre les concepts
d'inclusion et d'intégration définis par Thomazet, Plaisance,
Boutin. « La notion d'inclusion repose sur un principe éthique :
celui du droit pour tout enfant, quel qu'il soit, à fréquenter
l'école ordinaire. » (Plaisance, Belmont,Vérillon,
Schneider, 2007, p160). « L'inclusion, à la différence de
l'intégration, suppose non seulement l'intégration physique mais
aussi pédagogique afin de permettre à tous les
élèves d'apprendre dans une classe correspondant à leur
âge ceci quel que soit leur niveau scolaire. » (Thomazet, 2006,
p.20). Pour Stainback et Stainback (1992), « une école ou une
classe inclusive accueille tous les élèves dans un même
lieu. Aucun d'eux, qu'il s'agisse des élèves en difficulté
ou des autres, n'est exclu et placé dans des dispositifs ou classes
spéciales. » (Boutin et Bessette, 2009, p.52). D'après tous
ces chercheurs, dans le processus inclusif, c'est l'école et la
société qui s'adaptent à l'élève et à
ses besoins particuliers et non l'inverse, ce qui implique un changement
radical du positionnement de l'école mais aussi de la
société dans son ensemble. Compte tenu de ces concepts, notamment
celui de l'inclusion, les élèves de SEGPA ne sont pas inclus mais
intégrés. En effet, ils sont dans une classe
spécialisée avec des enseignants spécialisés. Les
différentes expériences de sixième inclusive (Laville et
Saillot) laissent supposer que le gouvernement souhaite peut-être
étendre ces expériences afin de les généraliser et
quid alors de l'avenir de la SEGPA ? Désormais, les enseignants
spécialisés sont formés à l'inclusion et deviennent
ainsi des personnes ressources, experts en pédagogie (circulaire de
2016).
Comment se positionnent les répondants par rapport aux
nouvelles missions qui leur sont confiées ? E9 se
démarque très nettement de tous les autres répondants.
Elle assume pleinement ses nouvelles missions : « notre rôle, il
a évolué pour d'autres missions qui ne sont pas
déplaisantes ». Elle rajoute qu'elle ne vit pas de crise
identitaire mais qu'en revanche, elle constate « qu'il y a une vraie
crise identitaire chez les enseignants spécialisés ».
En revanche, elle n'est pas concernée. E3, E6
, E4 et E7 ne se « sentent
pas légitimes » dans cette nouvelle posture de personne
ressource. E3,
avec humour, dit « qu'elle se sent trop jeune,
qu'elle ne sera pas écoutée ». Les répondants
sont prêts à « aider, partager des documents »,
mais ne se voient pas comme personne ressource.
Par ailleurs, on note une crainte émanant directement
de cette nouvelle posture : que vont-ils devenir ? Quelle sera
réellement leur mission ? Ils sont plusieurs (E3, E4, E6, E10 et
E1) à exprimer leur crainte de « devenir une AESH de
luxe ». Comme le dit E6, elle a l'impression «
qu'on lui enlèverait une partie de ses capacités car un
public SEGPA reste un public SEGPA ». E4 se
distingue nettement des autres et est en opposition à
E9. E4 est en « souffrance »
par rapport à l'inclusion. Il a l'impression d'être «
manipulé », « qu'on l'utilise pour former les
profs du collège et une fois qu'il aura formé tous les prof, que
va t-il rester de la SEGPA ? ». Il a « peur ». Il
semble perdu car il avoue ne pas pouvoir être contre l'inclusion car en
théorie, c'est une belle idée et « on ne peut pas
être contre » et en même temps il est persuadé de
« scier la branche sur laquelle il est ». Selon Zaffran
(2013), « l'enseignant peut penser en toute bonne foi que l'inclusion
scolaire est une valeur à défendre ( ce qui nous disent tous nos
répondants) et à promouvoir...mais qu'il n' pas de motifs
valables de changer ses habitudes dans la mesure où l'histoire de
l'éducation des jeunes à BEP est dominée par une logique
ségrégative » (Laville et Saillot, 2017, p.319). Il
souhaiterait démissionner comme son collègue l'avait fait avant
lui, mais « il n'a pas le cran ». L'inclusion provoque chez
lui un « mal-être » au point que désormais il
ne rentre plus chez lui, comme avant, l'esprit tranquille : «
j'emmène avec moi les problèmes de l'école,
je ressasse. Ma difficulté actuelle pour moi c'est de me dire
j'accepte, je vois le bien fondé de l'inclusion et j'essaie d'y apporter
quelque chose en étant le garant de la SEGPA. Je me bats contre
moi-même, je suis seul, je suis vieux, pour moi, c'est une souffrance
». Le discours de E4 ne se retrouve chez aucun autre
répondant. Certes, nous notons que les autres se posent des questions,
s'interrogent sur la direction que prend l'inclusion et les conséquences
qui pourraient en découler mais nous ne notons pas un malaise aussi
criant que nous pouvons le voir chez E4.
Si nous nous intéressons de plus près aux PLC,
les réactions sont très différentes des PE spé. Les
trois répondants marquent une vraie crise identitaire. Elle sont jeunes
dans le métier (entre huit et dix ans d'expériences) et pourtant
vivent très mal les injonctions ministérielles et leurs
conditions de travail. Les pressions auxquelles est confronté
l'enseignant déclenchent et alimentent de multiples dilemmes : travail
autonome, hétérogénéité grandissante, suivi
de la prescription, éducation ou instruction, maintien de l'ordre. Les
auteurs montrent que les enseignants sont régulièrement
contraints d'aller au-delà des rôles qui leur sont prescrits, qui
définissent leur tâche ou relèvent de leur statut. Il leur
faut trouver le bon équilibre entre ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils
doivent faire. (Tardif et Lessard). E2 nous dit : «
je ne sais même pas comment faire une heure de cours, gérer
les élèves qui sont moins bons et des élèves qui
ont des besoins particuliers qui sont
pas forcément moins bons mais qui ont des
difficultés pas comme les autres. J'ai l'impression de ne pas
faire correctement mon travail, j'ai l'impression de ne plus faire le
disciplinaire qu'on me demande, j'arrive pas à faire les deux.Je trouve
que j'ai trop de classes et puis faire de la différenciation, ça
prend un temps fou... je me bats pour avoir du matériel, tout pour moi
est un obstacle ». A l'instar de Maroy, 2006, qui explique que
l'enseignant doit « tenir sa classe » et « faire apprendre aux
élèves » ce qui implique une activité d'une grande
complexité. Lang, Dubet, Barrère, constatent un
déplacement du coeur du métier avec une transformation de
l'enseignant « magister » vers l'enseignant « pédagogue
». Désormais, l'enseignant est amené à travailler en
équipe (projets pluri-disciplinaires) et s'investit plus dans la gestion
de son établissement. Compte tenu de la formation initiale du PLC, ce
dernier n'est pas préparé à cette transformation du
métier. Toutefois, les PLC essaient de donner un sens à leur
métier. E2 l'exprime clairement : « je me suis
adaptée de plus en plus [euh] au niveau, je me suis un peu
éloignée de ce que, théoriquement, [euh] ce qui serait
beau qu'on puisse faire avec [euh] tous les élèves et je me suis
adaptée un peu plus au terrain, je me suis plus tournée vers
l'aspect [euh] purement pédagogique je m'intéresse beaucoup plus
à la pédagogie qu'au disciplinaire.
E2 , E5 et E11
ne « cessent de se remettre en question ». Ils
subissent « la pression des programmes avec des classes toujours trop
chargées et ont l'impression de ne pas faire progresser les
élèves ». E11 dit que « la
situation est révoltante, car les injonctions de différenciation
et le peu de moyens qu'on nous donne pour faire cette différenciation,
c'est révoltant ». E5 et E11
parlent de « souffrance au travail ».
Nous pourrions supposer, au regard de ce que nous disent les
PLC, une différence notable avec les PE spé qui, de par leur
polyvalence et leur adaptabilité, sont prêts à accueillir
des publics d'élèves en difficultés et ont un savoir faire
que les PLC n'ont pas. Leur formation initiale centrée sur l'aspect
disciplinaire ne les prépare pas à
l'hétérogénéité de masse aggravée par
l'inclusion car l'institution ne leur donne pas les moyens de faire
correctement leur travail. Les PE spé, par leur souplesse et leur
ouverture d'esprit ne traversent pas de réelle crise identitaire car ils
mettent en oeuvre des dispositifs qui leur permettent à la fois de
répondre au prescrit, tout en utilisant et gardant l'utilité de
la SEGPA.
7.3.2 : Intégration ou
inclusion?
Selon Petit (2001), dans le domaine scolaire, le principe de
« normalisation » et son corollaire « l'intégration
», nécessitent une adaptation de la formation aux besoins des
personnes concernées. Le processus d'intégration se traduit donc
par des projets individualisés soutenus par une gamme de services qui
vont de l'enseignement en classe ordinaire à l'enseignement en
école
spécialisée, favorisant l'environnement le plus
« normal » possible par l'aménagement de passerelles
autorisant un retour au cursus régulier ou dans une classe ordinaire.
Selon les cas, la « ségrégation » dans une classe
spéciale peut s'avérer plus efficace dans l'optique d'une «
normalisation », qu'une « intégration » dans une classe
ordinaire. Selon Charles Gardou une école est inclusive lorsqu'elle
module son fonctionnement, se flexibilise, pour offrir, au sein de l'ensemble
commun, un « chez-soi pour tous, sans toutefois neutraliser les besoins,
désirs ou destins singuliers ». L'école s'adapte aux besoins
de l'élève et non l'inverse. « La notion d'inclusion repose
sur un principe éthique : celui du droit pour tout enfant, quel qu'il
soit, à fréquenter l'école ordinaire. » (Plaisance,
Belmont,Vérillon, Schneider, 2007, p160). « L'inclusion, à
la différence de l'intégration, suppose non seulement
l'intégration physique mais aussi pédagogique afin de permettre
à tous les élèves d'apprendre dans une classe
correspondant à leur âge ceci quel que soit leur niveau scolaire
» (Thomazet, 2006, p.20).
Chez nos répondants, nous constatons une certaine
confusion entre ces deux termes très usités : E1
définit un élève inclu comme «
posé là dans une classe » et un élève
intégré est un élève « pour qui on met en
place des choses pour que ça fonctionne dans ce groupe ».
E7 confond les deux, pour elle, « c'est la même
chose ». E3, E10, E8
ont des visions plus globales : « l'inclusion c'est de ne pas
faire de différence entre les enfants, qu'ils sont tous sur un
même pied d'égalité, c'est d'avoir des escabeaux de taille
différentes pour voir tous à la même hauteur »
(E3). « L'inclusion c'est de vivre tous ensemble
en tenant compte des spécificités de chacun pour pouvoir y
répondre au mieux et pour pouvoir donner une chance égale
à tous » (E8). Les répondants sont
quasi-unanimes pour dire que « c'est une belle et noble idée
» mais certains se questionnent sur ce qui se cache derrière
cette volonté d'inclure les élèves à tout prix.
E8 et E4, E6 pensent que c'est pour faire des
économies, « derrière la belle idée, j'ai peur
qu'il y ait des remaniements et des suppressions de poste et que ça
s'avère malheureusement être la réalité sous couvert
d'inclusion : on récupère des postes et au final, nos
élèves se retrouvent placés avec d'autres sans
bénéficier du coup d'adaptation »
(E8), « je ne peux pas m'empêcher de
penser que c'est plus financier qu'une super idée pédagogique
» (E4, E6, E2). Certaines craintes sont
affichées sur ce qu'il y a vraiment derrière cette idée
d'inclusion. Néanmoins, les PE spé sont conscients du
caractère stigmatisants de la SEGPA et s'ouvrent, comme nous l'avons
dans la partie 7.1.2, vers l'inclusion à travers des dispositifs
innovants (classes miroirs), des passerelles, des co-interventions et le
partage des disciplines avec les PLC.
7.3.3 : Le tout inclusif
Désormais, il convient de se demander ce qu'ils
pensent du tout inclusif ? E4, E1 et E9 ont vécu
l'expérience de la sixième inclusive, nous étudierons leur
réaction après le tableau ci-dessous qui indique les
réponses à la question : êtes vous pour le tout inclusif
?
Tableau 16: Le tout inclusif
|
E1
|
E3
|
E4
|
E6
|
E7
|
E8
|
E9
|
E10
|
E2
|
E5
|
E11
|
Etes vous pour le tout inclusif ?
|
non
|
non
|
non
|
non
|
non
|
non
|
non
|
non
|
non
|
non
|
non
|
Une inclusion dans les deux sens?
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
X
|
|
|
|
|
7.3.3.1 : Les raisons évoquées
Plus de souplesse dans le fonctionnement interne
de l'établissement:
E8 dit que « mettre tout le monde
ensemble deviendrait tout simplement ingérable pour les collègues
car tu devrais faire trop de différenciation », «
certaines vont trouver leur voie sur des thématiques en sport ou en
musique, pourquoi pas ? mais en français et en maths, ça va
être difficile. Notre structure est riche et sous exploitée
».
E1, E3, E8, E6, E7 et E10 évoquent
l'inclusion inversée, c'est-à-dire donner la possibilité
aux élèves de l'ordinaire qui seraient attirés par les
métiers manuels de profiter des ateliers de la SEGPA ou
bénéficier d'un enseignement adapté quelques heures dans
la semaine. E1 évoque l'idée de «
proposer les ateliers à des enfants qui seraient dans l'ordinaire et
qui seraient manuels ou tout simplement qui auraient envie de faire autre chose
», E3 parle « d'offrir la
possibilité à des élèves du collège de
pouvoir suivre des heures en SEGPA, de mélanger tout le monde, que les
classes soient mouvantes », E8 parle de son
expérience de BAR (Bureau d'Aide Rapide) installé sur le temps du
midi où les enseignants « aident les élèves de
SEGPA mais aussi les autres et on se rend compte que eux aussi, de l'autre
côté, ils sont aussi en demande ». E8
rajoute que ce qui le ronge c'est l'idée «
d'uniformisation de la société derrière l'inclusion,
et ce parcours uniforme est insupportable ».
Les conséquences du tout inclusif sur les
élèves:
E10 se dit « Oh, mon dieu, les
pauvres ! Ils vont galérer... On va se retrouver avec beaucoup plus
d'élèves en échec scolaire, ils vont perdre le goût
de venir à l'école alors que là, ils l'avaient enfin ! Je
pense que ce ne serait pas judicieux. Inclure pour inclure, non. Beaucoup de
parents viennent me voir pour me dire, pour la première fois, mon enfant
est ravi d'aller à l'école. Il est content, il n'y va pas la
boule au ventre, il trouve qu'il arrive à progresser ».
E6 est contre le tout inclusif car c'est une
démarche qui doit s'effectuer « dans la réflexion et
maîtrisée avec d'autres
collègues. Ce serait moins traumatisant pour les
élèves. Je pense que ça ne bouge pas dans le bon sens,
dit-elle, le tout inclusif pour moi, c'est pas une solution. Pour moi,
on est tous différent, alors pourquoi vouloir mettre tout le monde dans
le même moule ? ». E3, E10, E8, E4, E7 et E9, E5, E11
pensent que tous les élèves ne peuvent pas être
inclus et qu'ils se retrouveraient en souffrance. Pour E5
« ce serait catastrophique si on en arrivait là.
Certains, mal orientés et qui sont dans l'ordinaire sont
déjà en souffrance, c'est peut-être aussi pour ça
qu'ils développent une aversion pour l'école. Les
élèves ont vraiment besoin de voir l'école autrement et
nous PLC on n'est pas en mesure de leur montrer un visage différent. Le
tout inclure ne serait pas bénéfique pour eux ».
E2 parle de « violence folle » faite
aux élèves.
E10, pour avoir vécu l'inclusion,
parle d'anticiper la démarche et que celle-ci doit être
réfléchie et au cas par cas. Même E9 qui
met tout en oeuvre pour que l'inclusion se développe dans son
collège n'est pas favorable à l'inclusion totale car certains
enseignants ne sont pas prêts. Quant aux élèves, ils ne
peuvent pas tous suivre. Selon elle, un fonctionnement tout inclusif «
pourrait être destructeur pour nombre d'élèves, c'est
pourquoi elle doit être réfléchie et accompagnée
». E1 qui a fait l'expérience de la
sixième inclusive (celle-ci a duré un an car les effectifs
l'année suivante en SEGPA était trop nombreux) est
partagée. Elle nous dit « qu'une fois les élèves
arrivés en cinquième SEGPA, ils sont soulagés ».
Certains élèves lui ont même dit après cette
expérience « j'y arrive pas, c'est trop dur et on m'avait
promis que j'y arriverai ». E4, qui comme
E1, a vécu la sixième inclusive, pense que
« c'est une perte de temps » puisque les
élèves reviennent ensuite en cinquième SEGPA.
7.3.3.2 : Les leviers et les freins
Les leviers à
l'inclusion:
E9 travaille chaque année pour ouvrir
les esprits et travailler de concert avec ses collègues PLC. Dans le
cadre de la sixième inclusive, elle a impulsé la co-intervention,
ce qui est préconisé par les théoriciens de l'inclusion.
E7, E8, E5, E4, E3 proposent des co-interventions aux
collègues. E7 et E8 voient ces
co-intervention comme une richesse dans le partage pédagogique et
disciplinaire. E7 a mélangé deux classes, ils
ont trente-trois élèves à deux enseignants. Elle «
peut aller aider les élèves, les accompagner, leur dire ce
qu'il faut faire, comment se comporter tout en chuchotant ».
E6 est consciente qu'il « faut conserver la
structure en l'adaptant pour répondre au prescrit ».
Les freins à l'inclusion sont plus
nombreux:
Les PLC constatent que, s'ils ne sont pas
épaulés par un PE spé dans leur classe, c'est trop
difficile à gérer (E5) . Certains enseignants
refusent catégoriquement de travailler avec des élèves de
SEGPA. E3 rapporte des propos très durs de ses
collègues : ce « sont des délinquants, des
débiles, je me fais chier avec eux. Je ne peux pas faire mon programme
». Selon E4, « les profs de collège
sont parfois loin des difficultés de nos élèves et qu'ils
préfèrent avoir une classe ordinaire ». La
co-intervention est difficile à mettre en place : E3
explique que selon elle la co-intervention c'est « quand deux
enseignants co-construisent quelque chose ensemble. Mais j'ai peur que ce soit
les collègues PLC qui donnent les directives ».En effet, le
problème de la légitimité a été
évoqué par nombres de répondants. Même si le PLC est
devenu plus « pédagogue » que « magister » (Tardif
et Lessard), il n'en demeure pas moins qu'il souhaite garder le contrôle
de la classe.Le PLC devant l'élève en difficulté ressent
« un sentiment d'incompétences qui augmente et il navigue de la
ressemblance à l'étrangeté. » (Piroux, 2017,p.8) Ce
sentiment pourrait être allégé par « la
présence de l'enseignant spécialisé qui peut permettre le
transfert du problème posé » (Ibid), ce que fait
remarquer E9. E9 s'est battue pour mettre en
place de la co-intervention car un des enseignants avec qui elle travaille
« avait peur du jugement ». Il lui a dit « j'ai
l'impression que t'étais là pour me juger, que je faisais quelque
chose de mal et qu'en gros t'étais là pour me corriger, ce n'est
pas facile d'avoir quelqu'un dans sa classe qui va te juger, te dire ce qui va
pas, pointer tes difficultés, tes défauts ou autre chose qui
fonctionnent pas très bien ». L'idée que
préconise E9 est de « réussir à
pointer les professeurs, sans leur jeter la pierre mais essayer d'être un
caméléon discrètement, de leur apporter des choses et puis
d'apporter des choses aux élèves. Je change, je veux dire, je
change de personnalité en fonction du professeur que j'ai en face de moi
».
E6 et E7 disent oui
à la co-intervention mais pour E6, « tout
dépend de la personne, car c'est très intéressant, on peut
tirer profit de l'échange, ce n'est pas impossible mais ça
peut-être difficile ». E7 affirme qu'on «
ne peut pas toujours travailler avec des gens qu'on n'apprécie pas.
On doit être en accord sur la gestion de classe, avoir des
affinités. C'est un métier où la personnalité de
chaque enseignant peut être très différente et suivant qui
fait que la classe, elle va pas être menée de la même
façon ».
L'inclusion demande du temps de préparation et
de l'anticipation :
Mettre en place de la co-intervention est chronophage. Selon
E9, « il ne faut pas penser que l'inclusion c'est
tout beau tout propre, ça me demande beaucoup de temps, beaucoup
d'investissement, beaucoup d'heures et on n'a rien de chiffré sur les
apports que ça peut avoir sur les élèves ».
Pour réussir l'inclusion, « les objectifs
d'apprentissage doivent être anticipés, le travail en
équipe est nécessaire, voire indispensable et que les acteurs
soient partis prenantes » (Piroux, 2017, p.10). Si les acteurs subissent,
les réactions seront préjudiciables à la fois à la
communauté pédagogique mais aussi aux élèves
(Laville et Saillot, 2019, p.309).
Pas ou peu de moyens supplémentaires
:
E11 trouve qu'en théorie, l'inclusion
est une très belle idée, comme E2 d'ailleurs,
mais pour qu'elle puisse se mettre en place, « il faut des effectifs
réduits, des aides en plus des petits groupes pour progresser en
lecture, des petits groupes pour la graphie » et E11
rajoute qu'elle « ne trouve pas qu'on aille vers cela. On ne
peut pas dire que l'éducation nationale soit pour la dépense pour
aider les gamins en difficultés qu'on va inclure. Oui, pour l'inclusion
avec des aides, des béquilles nécessaires ». E2
complète en disant : « il ne faut pas réduire
les moyens, avoir une vraie aide car on n'a pas les moyens de suivre ces
élèves ». Derrière ce discours récurent
se cache probablement une réelle peur du changement qui attend ces
professionnels. Selon Gendron (2007), « le refus de vouloir inclure serait
peut-être une mesure de protection face à un monde professionnel
toujours plus envahi » (Ramel, 2010, p.389). Afin de passer d'une
situation de crise identitaire à un projet fédérateur
comme le souhaiteraient Puig, Benoit, Gardou, il est indispensable de mettre en
place des « renforts pédagogiques et des soutiens
spécialisés » (Ibid).
En conclusion de cette partie, voici les constats que nous
pouvons énoncer :
Ø Une crise identitaire :
· les PLC vivent une crise identitaire liée
à l'hétérogénéité grandissante et
à leur manque de formation dans la mise en place de pédagogies
adaptées à la difficulté scolaire.
Ø Le tout inclusif
· les répondants unanimement sont contre. En
revanche, ils émettent deux idées : x L'inclusion peut être
inversée (ouverture ordinaire et spécialisé) x L'inclusion
oui mais elle doit être réfléchie, accompagnée et au
cas par cas.
Il est à noter que dans les articles portant sur
l'inclusion, les chercheurs n'évoquent pas la piste d'une inclusion
inversée. Dans le cadre d'une école inclusive, ce qui pose
actuellement problème à l'institution (rapport d'Abraham et
Despres) et aux chercheurs, c'est le devenir des ateliers en quatrième
et troisième SEGPA qui « constituent un obstacle de taille pour
rendre effective une organisation inclusive tout au long de la scolarité
des élèves. » (Laville et Saillot, 2019, p317).
A l'instar de Zaffran, les répondants croient et
défendent la belle idée de l'inclusion pour tous, le « one
track approach » (Benoit, 2002). Toutefois, sa réalisation semble
difficile et complexe car elle dépend de nombreux facteurs :
institutionnels (politique), direction du collège (gestionnaire),
équipe pédagogique (pratique) et temps social
(sociétal).
Même si à l'instar de Gardou, nous pouvons
affirmer qu'il n' y a pas « de vie majuscule sans vie minuscule »,
« il ne peut y avoir de changements dans un système éducatif
sans prise en compte des représentations des acteurs, sans travail sur
les différentes composantes d'une identité professionnelle
enseignante » (Piroux, 2017, p.11).
En conséquence, nous pouvons dire que notre
hypothèse 3 : L'inclusion doit être réfléchie et
anticipée et pas à n'importe quel prix est en partie
validée.
8. Conclusion :
La réflexion qui a porté ce mémoire a
évolué durant l'année et continue de cheminer compte tenu
des analyses que j'ai pu entreprendre. Le sujet a évolué non pas
tant dans la problématique que dans les hypothèses que je
m'étais fixées. Mon cheminement réflexif m'a amenée
à mieux cerner mon sujet et mieux appréhender les objectifs que
je poursuivais.
J'ai tout d'abord commencé une approche quantitative
avec la réalisation de questionnaires à réponses ouvertes
et fermées puis une approche qualitative basée sur des entretiens
semi-directifs. J'étais donc dans une approche herméneutique,
interprétative. Par ailleurs, je souhaitais réfléchir au
positionnement à la fois des PLC et des PE spécialisés en
SEGPA tant dans leur évolution identitaire que dans leur implication
dans une école inclusive.
Or, je me suis rendue compte au fil du temps que je devais
faire des choix méthodologiques afin qu'apparaisse dans ma
réflexion une certaine pertinence au regard de ce que je voulais
démontrer. La réalisation des questionnaires m'a
été utile pour poser les bases de ma réflexion mais leur
exploitation est selon moi, insuffisante. Quand aux entretiens semi-directifs
avec les PLC, je n'ai conservé que leur rapport à leur
identité professionnelle.
Je note certaines limites à mon sujet. En effet,
aborder à la fois l'identité professionnelle, la SEGPA et
l'inclusion mais aussi avoir eu une entrée basée à la fois
sur des questionnaires et des entretiens semi-directifs ont rendu le travail
difficile et complexe, ce qui ne m'a pas permis d'approfondir mes
réflexions comme je l'aurai souhaitée. Concernant le guide
d'entretien que j'avais élaboré dans le cadre de mes recherches,
il s'est révélé utile au début pour me permettre
d'avoir un cadre, puis je m'en suis détachée, laissant une parole
plus libre aux répondants, tout en restant dans le cadre de mon sujet.
Mais de nombreuses questions en lien avec mon cheminement réflexif sont
apparues a posteriori des entretiens.
Lors de l'analyse longitudinale, j'ai pris conscience que des
similitudes sémantiques (dans les termes employés) par les
répondants étaient récurrentes et que bien que ne se
connaissant pas et n'ayant pas nécessairement les mêmes conditions
de travail, nombreux étaient les points communs tant dans leurs
approches pédagogiques, qu'humaines et sociales.
Le rapport au savoir est également au coeur de notre
recherche. Bien que n'ayant pas eu une approche clinique dans mon
mémoire, on ne peut l'occulter et elle peut offrir des pistes de
réflexion pour l'avenir. De nombreuses thèses décrivent
les enjeux psychiques et les conflits personnels et professionnels
éprouvés par les praticiens auprès des
élèves. Certains chercheurs ont démontré que
travailler avec des élèves « hors normes » induisait
chez les enseignants une identification
inconsciente aux élèves et un contre-transfert
qui prenait une forme éducative et non plus instructrice, les faisant
quitter leur place d'enseignant (Simon, 1999).
Lors de l'écriture de mon rapport de stage, je me suis
documentée sur l'histoire des SEGPA. Son fonctionnement et les PE qui y
travaillent sont inscrits consciemment ou inconsciemment dans une histoire qui
leur est propre. Nous pourrions parler d'identité groupale (dans le sens
de professionnalisation propre) ou d'identité héritée mais
pas uniquement sur le plan biographique. Oserions-nous parler de
déterminisme social où tout est imbriqué ?
Compte tenu des données récoltées lors de
mes entretiens semi-directifs et en réalisant l'analyse transversale,
j'envisage de prolonger mes réflexions et de les approfondir sur la
professionnalisation. S'intéresser à la professionnalisation et
à la professionnalité des enseignants de SEGPA, permettrait
à la fois de mieux définir cette profession, de faire
reconnaître socialement ce métier et d'en définir ses
compétences mais aussi d'en connaître les gestes professionnels
avec l'apprentissage de terrain, les acquis d'expérience, les
éléments identitaires de la profession ainsi que ce qui la
compose.
En effet, les enseignants spécialisés de SEGPA
interrogés semblent être dans un empan liminal. Il serait donc
intéressant d'étendre cette recherche pour en connaître les
causes dans une approche à la fois sociologique et historique. Cette
recherche pourrait mettre en avant une professionnalisation certaine avec un
sentiment d'appartenance à un groupe bien défini identitairement
et professionnellement.
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