CONCLUSION
Le rap est une musique récente, puisqu'il est apparu
avec la culture hip-hop au début des années 80' en France. Ce
milieu a depuis ses début une image masculine, «C'était un
esprit maschiste de base, genre, j'emmène pas ma meuf au concert de
NTM»38. Pourtant, les femmes ont toujours participé
à son développement. L'absence des rappeuses dans l'industrie
musicale française est plutôt une question de visibilité.
Effectivement, nous avons constaté que les rappeuses sont bien
présentes, avec plus de 350 actives en France aujourd'hui, et plusieurs
centaines d'autres qui postulent à des tremplins ces deux
dernières années. Cependant, leur présence ne se ressent
pas dans les ventes et dans les featurings des rappeurs plus largement
écoutés.
De nombreux freins empêchent les rappeuses d'avoir une
forte visibilité. Le rap subit des stéréotypes qui
décrédibilisent les femmes qui se lancent dans le milieu, en plus
de constituer des dangers pour celles qui y évoluent, du fait de la
misogynie, de leur minorité et d'une exposition forte du métier
d'artiste (exposition sur les réseaux sociaux, lieux avec beaucoup
d'hommes). C'est en réalité un problème bien plus large,
puisque les femmes connaissent des freins et des enjeux similaires dans
d'autres métiers et styles musicaux. Selon les chiffres du Mama
Festival, en 2019, seules 17 % des compositrices sont inscrites à la
SACEM, seules 16 % des Victoires de la musique du meilleur album sont
décernées à des femmes, et les projets musicaux
portés par des femmes représentent 25 % des subventions totales.
On se rend compte que l'industrie n'ose pas assez prendre les devants pour
promouvoir les rappeuses, alors qu'elles ont le potentiel de diversifier la
proposition artistique et attirer un nouveau public vers le rap, tout comme de
plaire à celui existant.
Je pense que l'industrie musicale a une responsabilité
envers le public, puisque la musique joue un rôle essentiel dans notre
culture. Nous avons le devoir de faire du milieu musical une safe place d'une
part, et d'offrir une parité et une diversité dans les genres et
propositions artistiques des artistes que l'on produit. On sait que les
médias jouent un rôle clé dans la construction de l'image
des artistes auprès du public, donc dans la manière dont ils
représentent les artistes femmes. De leur côté, les
rappeuses peuvent exploiter les évolutions technologiques et tous les
38 JOEYSTARR, MANOEUVRE Philippe, Mauvaise
réputation, 2022
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outils existants pour se construire d'elles-même et
revendiquer leur proposition, si ça plaît au public, l'industrie
suivra.
La place des femmes dans le rap semble devenir un sujet
à la mode. On voit de plus en plus de débats et
conférences sur ce thème. Il ne faut pas oublier cependant, que
l'on ne représente pas le grand public quand on est un passionné
ou un professionnel de la musique. En effet, les personnes qui assistent
à ces conférences constituent un public averti ou concerné
non représentatif du marché. Il faut continuer jusqu'à ce
que les rappeuses soient démocratisées auprès du public
rap. Je suis en tout cas optimiste sur l'évolution de la place des
femmes et des rappeuses dans l'industrie musicale française ces
prochaines années. De nombreuses femmes abordent ces sujets, des
solutions sont mises en place. On voit des rappeuses remporter la 1ère
place de tremplins mixtes comme Eesah Yasuke pour Buzzbooster ou YEND pour le
concours TracexRekYou. D'autres comme Leys, même si elles ne gagnent pas
se sont démarquées lors de concours et on sent un engouement du
public. Moona ou Laeti bénéficient aussi d'une exposition
dûe à leur rôle dans des séries. Enfin, LeJuiice,
Doria, Davinhor et pleins d'autres commencent à faire du bruit
auprès du public. Ce qui est sûr, c'est que les prochaines
années seront déterminantes et ce sujet concerne pleinement ma
génération, les producteurs, journalistes, directeurs artistiques
en formation. Je pense donc que c'est important d'en parler et de sensibiliser
à ce sujet les jeunes qui souhaitent travailler dans l'industrie
musicale. Il est fort possible que dans quelques années, une femme qui
rap ça ne choquera plus.
On pourrait aussi étudier le rôle de la
communauté LGBTQIA+ dans l'industrie musicale, qui elle aussi est
largement oubliée ou mise dans des cases.
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