Paragraphe II : La violation des règles
relatives au paiement de l'indemnité
Il s'agit du non-paiement des indemnités de
déménagement (A) et du non-respect du principe de l'indemnisation
préalable (B).
A- Le non-paiement des indemnités de
déménagement
Le juge de l'expropriation, au moment de la fixation du
montant des indemnités détermine également le montant que
l'autorité expropriante doit payer aux victimes au titre
d'indemnité de déménagement. L'expropriation occasionne
inévitablement un déplacement involontaire de la population. Il
est de toute évidence logique que les frais de
déménagement soient à la charge de l'administration.
L'article 9 du décret n° 67 prévoit d'ailleurs que : «
[...] il peut être de plus accordé des indemnités de
déménagement ». Mais l'application de cette disposition est
restée lettre morte dans le cas des expropriés de Nguéli.
Les victimes
92 « La commission d'évaluation des
indemnités est présidée par le sous-préfet ou, dans
les communes le maire, ou leurs représentants. Elle comprend : un
représentant du service de cadastre, si possible un représentant
du service des domaines, un représentant du service des travaux publics
ou le chef des services techniques municipaux dans les municipalités qui
en comportent, le délégué de quartier, chef de quartier ou
chef de canton, suivant les cas, et enfin d'un représentant choisi parmi
les occupants déguerpis ».
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n'ayant guère bénéficié
d'indemnité pour leur déménagement. Il faut en plus
mentionner que les sites attribués aux expropriés seraient
situés dans des zones d'inondations et non à proximité des
structures sociales (écoles, hôpitaux, marchés, etc.).
B- Le non-respect du principe de l'indemnisation juste et
préalable
L'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen pré cité dispose que : « La
propriété étant inviolable et sacrée, nul ne peut
en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité
publique légalement constatée, l'exige et sous la condition d'une
juste et préalable indemnité ». Les mêmes
dispositions ont été reprise à l'article premier de la loi
n° 25 du 22 juillet 1967 en ces termes : « Nul ne peut être
privé de la propriété des immeubles ou de l'usage du sol,
sans que l'intérêt public l'exige, qu'il y ait indemnisation et
que les dispositions légales soient appliquées ». Ce
principe d'indemnisation juste et préalable est contenu dans plusieurs
autres législations. Le législateur, en posant ce principe
voudrait s'assurer que les victimes d'expropriation aient une garantie de
retrouver leur niveau de vie initiale avant de céder leurs immeubles
à l'autorité expropriante. Comme nous l'avons mentionné
précédemment, la finalité de l'indemnité
d'expropriation est bien évidemment d'offrir aux expropriés les
moyens de reconstruire de nouveaux logements et de pouvoir se
réinstaller. La prise de possession est par conséquent
conditionner par le paiement de cette indemnité.
Le Professeur André TIENTCHEU NJIAKO souligne à
cet effet que : « la règle de l'indemnisation préalable
telle que prévue à l'article 2 de la loi de 85, fait de
l'indemnisation une condition de l'expropriation et non une conséquence
de celle-ci. C'est en application de cette règle qu'il est exigé
à tout département ministériel désireux
d'entreprendre une opération d'utilité publique, de s'assurer de
la disponibilité des crédits d'indemnisation tout en indiquant
l'imputation budgétaire ou tout autre moyen d'indemnisation. Cette
exigence de la disponibilité des moyens d'indemnisation à
n'entreprendre les opérations d'expropriation qu'après
s'être assuré que les expropriés seront indemnisés
avant leur éviction »93. Au Tchad, ce principe
d'indemnisation préalable devient l'exception. Dans de nombreux cas
d'expropriations intervenus, parmi lesquels celle de Nguéli, les
expropriés sont expulsés de leurs logement sans qu'une
indemnité ne leur soit allouée. Expropriées depuis 2013,
les victimes n'ont reçu point d'indemnité, et toutes les
tentatives amiables et judiciaires par elles entreprises pour entrer en
possession de leurs droits ont été vaines jusqu'à ce
jour.
93 TCHIENTCHEU NJIAKO André, Droits fonciers
urbains au Cameroun, PUA, Yaoundé, 2003, p. 421.
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