Exploitation des especes lignieuses dans les mangroves du bois des singes (Douala - Cameroun) enjeux et impacts environnementauxpar Yannick Patient Chuitcheu Nitcheu Université de Douala - Master 2 2020 |
3 - Les usages domestiques et commerciaux des espèces ligneusesau Bois Des Singes :- Les usages domestiques du bois de mangrove : L'usage des espèces ligneuses pour des fins domestiques est très poussé au bois des singes. La population de cettezone dont le niveau de vie est relativement bas dépend aussi de la mangrove pour leurs besoins en combustibles ou bois de chauffe. Les Rhizophora, avicenniagerminans, sont les espèces les plus demandées. Le Rhizophora est plus sollicité en raison de sa capacité à brûler frais, c'est l'une des espèces les plus convoitées par les grilleurs de viande. Le bois de mangrove est aussi consommé par les pêcheurs et les ménages. C'est la raison pour laquelle les résultats de nos enquêtes de terrain nous amènent à dire que les ménages sont considérés comme les plus gros consommateurs du bois de chauffeet de sa dérivée (charbon de bois)au Bois Des Singes. Le graphique si dessous fait cette illustration avec 75 %de consommateurs de bois représenté par la couleur bleu, contre 2 % pour les autres sources d'énergies en couleur jaune, 15 % pour le pétrolelampant représenté par la couleur orange et 8 % pour le gaz domestique représenté par couleur grise. Source : enquêtes de terrain 2017-2018 Graphique 3: répartition des sources d'énergie. - Le commerce du « bois rouge » Le commerce du « Matanda7(*)»se fait en grande partie hors des zones de mangrove ; ce qui nous intéresse ici c'est la valeur économique actuelle que représente cette ressource de la mangrove auprès de la population du Bois Des Singesfût-elle des zones de mangrove ou non(fig. 7). Au nord de la ville, ce commerce est permanent dans les quartiers Deido, Bonamouang et Bonangang. Ces quartiers proches du fleuve Wouri sont avant tout des villages duala ; ici « matanda» est vendu devant plusieurs maisons, en petits tas de 3 ou 4 bûches au prix de 100FCFA. Ce commerce se fait le plus souvent en association avec celui de l'huile de palme. Ce bois n'a pas de concurrent dans ces quartiers en matière de bois de chauffe. Cette forme de commercialisation est aussi perceptible dans les villages de Bonambapè, Bonassama et Bonaminkano. A Akwa, et à Bonanjo, la vente de ce bois n'est pas perceptible à cause de l'existence de la grande ville ; mais l'on peut tout de même se rendre compte que plusieurs femmes qui font frire des beignets ou qui exercent dans la petite restauration de trottoir autour des centres administratifs et commerciaux utilisent ce bois. Sa forte valeur calorifique pousse les commerçants de viande à la braise à l'utiliser en grande quantité dans leur activité. Nous avons eu l'occasion de voir des personnes à bord de leur véhicule de luxe venir acheter ce bois aux points de distribution pour se rendre dans les quartiers « chics » tels que Bonapriso. Figure 10 :Répartition spatiale des zones de commercialisation du bois de Rhrizophora dans la ville de douala Sur le grand dépôt de la rive du Mgoua, au sud-est de la ville, le commerce du bois de mangrove prend une autre dimension. Il s'agit d'un véritable marché quotidien qui s'est mis en place : à longueur de journée, des femmes achètent du bois aux vendeurs, les « pousseurs » attendent la sollicitation de leur service, les « débiteurs » armés de leur hache et burin attendent que l'on leur propose à réduire en bûches quelques morceaux de bois. Un peu à l'écart, des femmes vendent les repas et les enfants vendent de l'eau fraîche. Ce dépôt constitue un véritable circuit économique; il s'agit des innovations et activités induites par l'exploitation de ce bois. Les morceaux de bois de 50 à 60cm de diamètre sur environ 70cm de long (à 1200FCFA l'un) sont achetés par un second groupe ; ces derniers armés de haches débitent les morceaux en bûches qu'ils vendent aux ménagères par tas de 100FCFA : un morceau de bois donne après débitage en moyenne 15 à 16 tas de 100FCFA. Le bois qui au départ coûte 1200FCFA est donc vendu à 1500 ou 1600FCFA après un effort de débitage ; sur le coup, un bénéfice de 300FCFA au moins est réalisé par morceau. Les femmes impliquées dans ce commerce achètent le morceau de bois à 1200FCFA, avec le service d'un « pousseur », le bois est transporté jusqu'à destination à raison de 100 ou 200FCFA le morceau selon la distance. A destination, le débitage est assuré par des hommes spécialisés dans cette tâche car la régularité des bûches conditionne la formation des tas ; un morceau de bois est débité à 100FCFA et peut correspondre à 20 tas de 100FCFA, on comprend que les tas de bois retrouvés dans les quartiers ne sont pas de même volume que ceux retrouvés au dépôt. La vente du morceau de bois revient donc à 2000FCFA auxquels il faut soustraire le coût des services de transport et de débitage ; le bénéfice que tirent ces femmes est donc de l'ordre de 400FCFA par morceau. En termes de valeur économique, les 24 accostages en moyenne que reçoit le dépôt sur le Mgouareprésentent environ 240 morceaux de bois. Etant donné que chaque morceau coûte 1200FCFA, c'est en moyenne 288000FCFA qui représente la perte journalière de Rhizophora dans la mangrove de Douala. Soit 8640000FCFA par mois et environ 103680000FCFA par an. Par chargement de pirogue, un bûcheron empoche environ 12000FCFA ; si nous considérons les coûts additionnels de transport et de débitage à 200FCFA par morceau, pour 240 morceaux journaliers, le coût de ces services est évalué à 48000FCFA par jour. Pour les revendeurs, le bénéfice réalisé par morceau est d'environ 300FCFA par jour soit environ 72000FCFA par jour dans l'ensemble. Un bûcheron qui encaisse environ 12000FCFA par jour fait des rentrées de 360000FCFA par mois soit 4320000FCFA par an. Photo1: morceaux de bois de Rhizophora mesurant photo 2 : Activités liées au commerce du bois. Le bois entre 60 et 100 cm de diamètre, destinés au chauffage.est débité en bûches pour être vendu en tas. Photo 4: Grand marché de bois de Rhizophora au Bois Des SingesPhoto3: Perche de bois de Rhizophora stockés. Ils sont achetés pour la construction des logements en matériaux provisoires et surtout utilisés Comme étais pour la construction des dalles Figure 11 ClichéDzallaNgangue (2007-2010) Planche 3 : Exploitationduboisdemangrove (Rhizophora) Nous constatons que d'importantes sommes d'argent se brassent dans cette activité, or ce commerce échappe totalement à la comptabilité nationale et se développe en marge de toute légalité. Il entretient de ce fait une exploitation non contrôlée des ressources floristiques, en non-conformité avec l'article 63, chapitre 5 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant loi cadre de la gestion de l'environnement au Cameroun. Cet article dispose que « les ressources naturelles doivent être gérées rationnellement de façon à satisfaire les besoins des générations actuelles sans compromettre la satisfaction de ceux des générations futures. » Dans les quartiers comme Bonabéri, Bonamouang, Deido où le commerce du Rhizophora se présente de manière dispersée, il est difficile d'apprécier la valeur économique de cette activité qui apparemment négligeable constitue une source de revenus pour un bon nombre de citadins. Par conséquent, la commercialisation du bois de Rhizophora dépasse largement le cadre de l'espace contigu à la mangrove pour s'étendre à l'intérieur de la ville. Cliché : ChuitcheuNitcheu, (février 2018) Figure 12:commercialisation du bois de Rhizphora en plein centre-ville de douala Source : Moutila Beni Luc, (Août 2009) Figure 13 : Schéma récapitulatif des différents usages de la mangrove * 7Appellation de Rhizophora en langue duala, ce même mot désigne la mangrove en cette langue et en toutes les langues dérivées ; ceci montre que selon les locaux, la mangrove est assimilée au Rhizophora : c'est donc l'arbre emblématique de la mangrove. |
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