CONCLUSION GÉNÉRALE
205.
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Par un lent processus ayant abouti en 2016 à une
codification, la responsabilité pénale des personnes morales a
désormais valeur de principe général en droit pénal
camerounais. Le chemin parcouru atteste de la volonté du
législateur à combattre de façon effective la
délinquance de personne dont l'existence relève de la fiction
mais la capacité de nuisance est bien réelle. Ainsi, «
même si une personne morale ne peut pas tenir une arme, personne ne doute
aujourd'hui du fait qu'elle puisse donner la mort. »461
ceci est vrai pour tous les êtres collectifs, de telle sorte
qu'opposé à la responsabilité pénale des
groupements ayant la personnalité juridique, la problématique de
l'impunité en matière criminalité collective prend
forme462. Le législateur camerounais de 2016 s'est
penché sur les questions substantielles, et à partir des
données existantes et de concepts adaptés il a su tirer certaines
conséquences que la démarche de codification d'une «
nouvelle » responsabilité entrainerait.
Parlant justement des conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales, elles sont de plusieurs ordres. Il fait peser le risque pénal
sur la personne désignée, et l'expose à la sanction
pénale. Il prend en compte les contingences liées à la
commission des infractions, détermine explicitement ou implicitement les
possibilités dans lesquelles l'agent devrait échapper à la
répression. Il entraine plus spécifiquement l'aménagement
d'un cadre répressif formel pour mettre en oeuvre le cas
échéant la responsabilité de la personne sur qui
pèse la menace en lui reconnaissant la possibilité de se
défendre.
206. À l'actif du législateur camerounais, la
précision des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité
pénale des personnes morales et l'élaboration d'un régime
de sanction propre applicables à celles-ci en fonction des infractions
et circonstances liées à cette dernière. Plus encore, la
détermination des personnes morales pénalement responsables et le
maintien de la pression pénale sur les personnes physiques auteurs des
mêmes faits. Au passif du législateur, la non prise en compte de
l'incompatibilité entre le responsable nouvellement admis et les
règles formelles de poursuite établies, et de ses
particularités structurelles avec la logique classique axée sur
la personne physique comme seul sujet de la responsabilité
pénale. Sur le plan théorique, l'obligation de subir la
répression s'est vu revigoré tandis que la possibilité
d'échapper à la répression s'est vu limitée. Sur le
plan pratique, l'inadaptation des règles de
461 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p.
8.
462 Tricot (J.) « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français » op.cit., pp 19 à 46
127
poursuites et la non prise en compte de moyens de
défense du nouveau responsable, limitent la mise en oeuvre de la
nouvelle responsabilité.
207. La capacité du droit pénal camerounais de
lege lata à tirer toutes les conséquences du principe
général de responsabilité pénal des personnes
morales et donc à mieux réprimer la délinquance des
groupements est réduite également par le choix du
législateur camerounais qui a opté pour un mécanisme
unique d'imputation malgré la dualité de systèmes qui
s'offraient à lui. Le législateur a joué avec la
flexibilité du droit pénal, mieux sa capacité à
s'adapter et à ajuster ses théories aux nouvelles formes de
criminalité, et a ainsi perdu de vu la nécessité de
s'approprier des concepts pensés et développés par
d'autres branches du droit. Ce qui implique tantôt l'attribution
d'immunité discutables, tantôt la consécration implicite de
l'impunité463. De ce fait, la personnalité morale,
point de départ de la construction du principe général
permet d'organiser « à peu de frais l'irresponsabilité
pénale d'opérateurs à forte capacité de nuisance
(...) [et] au-delà de l'immunité, par-delà
l'impunité, c'est l'effectivité de la responsabilité des
personnes morales, dont l'internationalisation est en marche, qui se joue
»464. L'étude des conséquences du principe
générale de responsabilité pénale des personnes
morales dans le contexte camerounais doit donc permettre de corriger les tares
qui empêche la répression effective de la délinquance des
groupements. Ainsi, le droit pénal devra redéfinir la notion de
personne morale, déterminer la procédure applicable lorsque la
personne morale est poursuivie, et surtout rien ne l'empêche dans la
recherche de l'efficience de se référer au droit étranger
pour revoir un système d'imputation qui est susceptible de varier selon
les infractions commises465.
208. L'avenir du principe général de
responsabilité pénale des personnes semble donc être
tracé. Il s'étendra aux personnes morales qui n'ont pas
nécessairement cette qualité en droit civil ou commercial, et
sera de moins de moins restreint par des principes et règles formelles
édictés pour les personnes physiques, si et seulement si le
législateur tire toutes les conséquences induites. En attendant,
la jurisprudence et le ministère public devront adapter avec les
institutions déjà établies pour limiter au maximum
l'impunité des groupements moraux.
463 TRICOT (J.) « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français » op.cit. pp. 19-46. « Sur le plan des
concepts, la responsabilité des personnes morales permet de souligner
que si l'impunité se distingue de l'immunité, celle-ci double ou
renforce bien souvent celle-là. Ainsi, quel que soit le modèle
d'imputation, le critère de la personnalité, point de
départ du raisonnement, expose d'emblée au risque
d'impunité par l'immunité de droit qu'il emporte ».
464 Ibid. pp. 19-46.
465 Ibidem.
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