RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF
CAMEROON
PAIX - TRAVAIL - PATRIE PEACE - WORK -
FATHERLAND
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UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ II
THE UNIVERSITY OF SUPÉRIEURS
YAOUNDE II
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Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques
Faculty of Law and
Politcal Sciences.
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DÉPARTEMENT DE DROIT PRIVÉ
FONDAMENTAL
DEPARTMENT OF
FONDAMENTAL PRIVATE LAW BP/ 18 SOA,
BP, 1365
P.B/ 18 SOA,
P.B 1365 Yaoundé
P. O BOX/ 18 SOA,
P. O University de Yaound
****************** Yaoundé
BOX 1365 Yaoundé
LES CONSÉQUENCES DU
PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ PÉNALE DES
PERSONNES MORALES EN DROIT CAMEROUNAIS
Mémoire rédigé et
présenté en vue de l'obtention du diplôme du master en
droit privé
Par :
TJAT LIMBANG Ivan De NGUIMBOUS
Sous la direction du Pr. TJOUEN
Alex-François Agrégé de droit privé et
des sciences criminelles Maitre de conférences à
l'Université de Yaoundé II
Année académique 2018-2019
L'Université de Yaoundé II n'entend donner
ni approbation ni improbation aux idées émises dans le
présent mémoire. Celles-ci demeurent propres à son
auteur.
DÉDICACES
moi.
À mes parents, Monsieur et Madame
NGUIMBOUS, qui sont prêts à tout sacrifier
pour
À tous les membres de ma famille pour le soutien qu'ils
m'ont toujours apporté
II
REMERCIEMENTS
Je souhaite exprimer ma profonde gratitude à tous ceux qui
de près ou de loin m'ont soutenu, et qui m'ont aidé à
parachever ce travail. Je pense particulièrement :
Au professeur TJOUEN ALEX-FRANÇOIS, pour
ses conseils et sa disponibilité malgré le contexte de crise
sanitaire actuel.
À monsieur Abanda, qui a su trouver du temps pour relire
mon travail en espérant recevoir une copie de sa thèse : le temps
dans la procédure pénale.
À mon père et ma mère.
À Mon oncle Joseph, qui m'a inspiré,
À mes grands frères Aristide et Brice avec qui j'ai
passé tellement de bons moments. À tous les autres membres de ma
famille.
À mes ami(e)s, Altine, Djamaal, Duviole Jean-Marc, Klaus,
Marc-Aurèle, Raymond, Vincent, Vigny, qui sont là même,
quand ils ne sont pas là. Et à tous ceux que je n'ai pas
cité.
III
PRINCIPALES DES ABRÉVIATIONS
Al. : Alinéa
APC : Archives de politique criminelle
Art : Article
AUSCGIE : Acte uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et groupements
d'intérêts économique
Cour de cass : Cour de cassation
CA : Conseil d'administration
Cass. Crim : Arrêt de la chambre criminelle de la Cour
de cassation
Ch.comm. : Chambre commerciale
D. : Recueil Dalloz
DG : Directeur Général
DGA : Directeur général adjoint
Dr. Pén. : Revue droit pénal
Ibid. : Au même endroit
JCP : Juris classeur périodique
LGDJ : Librairie générale de droit et de
jurisprudence
LPA : Les petites affiches
N° : Numéro
Obs. : Observations
OHADA : Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit
des affaires
p. : Page
Op.cit. : Cité plus haut
RSC : Revue de sciences criminelles
S. : Suivants
TGI : Tribunal de grande Instance
TPI : Tribunal de première instance
TM : Tribunal militaire
V. : Voir
iv
RÉSUMÉ
Étudier les conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales revient nécessairement à analyser la relation de cause
à effet entre sa consécration, et les différents enjeux et
personnages en présence. Mais, au-delà de cette relation de cause
à effet, il est surtout question d'analyser les différentes
exigences normatives que celui-ci impose. L'on est dès lors fondé
à se demander si le législateur camerounais a pris en compte
toutes les implications liées à la codification de la
responsabilité pénale des personne morales.
Au bout de l'analyse, il ressort que le législateur n'a
pris en compte que certaines de ces conséquences et en a ignoré
d'autres. L'on regrette que dans sa démarche, il se soit limité
à tirer les conséquences substantielles en ignorant
complètement les incidences procédurales. Le législateur
de 2016 s'est aussi embarrassé des définitions
développées dans d'autres branches du droit comme celle de la
personnalité juridique.
À l'ère de la post modernité, certains
systèmes pénaux n'ont pas hésité à se
départir des concepts classiques tels que la personnalité de la
répression en admettant la transmission de la responsabilité
pénale de la personne morale absorbée à la personne morale
absorbante d'une part. Et d'autre part, à étendre la notion de
personne morale à des groupements qui ne n'ont pas cette qualité
dans d'autres branches du Droit. Le législateur camerounais est
resté attaché à ces concepts classiques, ce qui pose le
problème de l'impunité en absence de personnalité
juridique. À défaut d'une rupture totale avec le principe de
personnalité, le droit pénal camerounais gagnerait à se
départir de la conception civiliste de la notion de personnalité
juridique, et à envisager des mécanismes d'imputation directe et
indirecte des infractions à la personne morale comme deux
systèmes compatibles et cumulables. Il devrait également
aménager des mécanismes procéduraux spécifiques
applicables à la personne morale délinquante. Pour parer à
l'instrumentalisation des opérations de fusion-scission mettant en
échec les poursuites pénales, le procureur de la
république sur la base des infractions de conséquence, pourra
poursuivre la société absorbante sous la qualification de recel
ou de blanchiment de capitaux, de telle sorte que le droit pénal ait
vocation à s'appliquer même dans le cas d'une infraction commise
par une personne morale qui n'existe plus.
V
ABSTRACT
Studying the consequences of the general principle of criminal
liability of legal persons necessarily means analyzing the causal relationship
between its consecration, and various issues and characters involved. But,
beyond this causal relationship, it is above all a question of analyzing the
various normative requirements it imposes. One is therefore justified in
wondering whether the Cameroonian legislature has considered all the
implications of the codification of the criminal responsibility of legal
persons.
At the end of the analysis, it emerges that the legislature
has considered only some of these implications and ignored others. It is
regrettable that in his approach, it has limited itself to drawing the
substantive consequences while completely ignoring the procedural implications.
The 2016 legislator has also been embarrassed by the definitions developed in
other branches of law such as that of legal personality.
In the post-modern era, some criminal systems have not
hesitated to depart from classical concepts such as the personality of
punishment by admitting the transmission of criminal liability from the
absorbed legal person to the absorbing legal person of the one hand. And on the
other hand, to extend the notion of legal person to groups which do not have
this status in other branches of the Law. The Cameroonian legislator has
remained attached to these classical concepts, which raises the problem of
impunity in the absence of legal personality. In the absence of a total break
with the principle of personality, Cameroonian criminal law would benefit from
moving away from the civilist conception of the concept of legal personality,
and from considering mechanisms for direct and indirect imputation of offenses
against the legal person as two compatible and cumulative systems. It should
also set up specific procedural mechanisms applicable to the delinquent legal
person. To counter the instrumentalization of merger-spin-off operations
defeating criminal proceedings, the public prosecutor based on consequential
offenses, may prosecute the absorbing company under the qualification of
receiving stolen goods or money laundering, such so that criminal law is
intended to apply even in the case of an offense committed by a legal person
which no longer exists.
vi
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LES CONSÉQUENCES DU
PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ PÉNALE DES
PERSONNES MORALES PRÉVUES PAR LE
LÉGISLATEUR 14
CHAPITRE I : UNE OBLIGATION DE SUBIR LA RÉPRESSION
REVIGORÉE. 16
Section 1 : Une vigueur découlant de la
précision des conditions de la responsabilité
pénale
des personnes morales 17
Section 2 : Une vigueur renforcée par
l'amélioration du régime de la sanction pénale des
personnes morales 34
CONCLUSION CHAPITRE I : 46
CHAPITRE II : UNE POSSIBILITÉ D'ÉCHAPPER
À LA RÉPRESSION LIMITÉE47
Section 1 : Une limitation consécutive à
l'extension du champ de la répression des personnes
morales 48
Section 2 : Une limitation inhérente à
l'admission d'un cumul de responsabilité entre les
personnes physiques auteurs des actes incriminés et
les personnes morales 61
CONCLUSION CHAPITRE II 71
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 72
DEUXIÈME PARTIE : LES CONSÉQUENCES DU
PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ PÉNALE DES
PERSONNES MORALES IGNORÉES PAR LE
LÉGISLATEUR 74
CHAPITRE III : L'IDENTIFICATION DES CONSÉQUENCES
IGNORÉES PAR LE
LÉGISLATEUR 76
Section 1 . L'insuffisance des règles fixant les
modalités procédurales de poursuite des
personnes morales mises en cause. 76
Section 2 : Le déficit des règles liées
aux moyens de défense de la personne morale 85
CONCLUSION CHAPITRE III 98
CHAPITRE IV : LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE DES
CONSÉQUENCES
IGNORÉES PAR LE LÉGISLATEUR 99
Section 1 : La posture attendue du législateur
100
Section 2 . L'attitude espérée des organes de
procédure pénale 115
CONCLUSION CHAPITRE IV 123
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE 124
CONCLUSION GÉNÉRALE 125
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
2
« L'office de la loi est de fixer par de grandes
vues, les maximes générales du droit : d'établir des
principes féconds en conséquence »
Portalis, discours préliminaire du premier
projet de code civil (1801)
1. « Les personnes morales sont devenues des
personnes immorales, qui peuvent tuer, blesser, ou violer
»1. Le législateur camerounais en a pris
conscience, au moins depuis l'adoption de loi du 29 décembre 1989
portant sur les déchets toxiques et dangereux, imputant les infractions
relatives à la manipulation desdites substances à la personne
morale2. Depuis lors, les contours de la responsabilité
pénale des personnes morales en droit camerounais ont été
progressivement tracés, de telle sorte que les réflexions sur
celles-ci visent majoritairement l'amélioration de son régime et
partant de son efficience3. Ce constat aurait pu paraitre paradoxal
il y a encore quelques années, quand on prend en compte les
différentes péripéties ayant entouré
l'entrée des personnes morales dans le champ pénal des
différents systèmes juridiques contemporains et surtout dans des
systèmes ayant influencé le droit pénal camerounais.
2. Du point de vue historique, il est possible de constater
que le problème soulevé par la responsabilité
pénale des personnes morales s'est posé depuis fort longtemps.
Que ce soit dans les pays d'inspiration romano-germanique que dans les pays de
la Common Law, deux questions fondamentales se sont posées de
façon successive.
La première qui apparait comme un préalable,
était celle de savoir s'il faut reconnaitre une existence propre
à un groupement ? La réponse à cette question a
été orientée par un double
1 SAUTEL (O.), « La mise en oeuvre de la
responsabilité pénale des personnes morales », D.
2002, p. 1147.
2 « Dans ce sens, l'article 2 de la loi du 29
décembre 1989, considère comme déchets toxiques et/ou
dangereux les déchets présentant un danger pour la vie des
personnes ». NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit pénal
camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » APC, 2011/1 n° 33, pp. 221 -
244.
3 En droit camerounais, sans prétentions
à l'exhaustivité, il s'agit des travaux de NTONO TSIMI (G.), La
responsabilité pénale des personnes morales : essaie d'une
théorie générale, mémoire de D.E.A,
université de Yaoundé II, 2005. NTONO TSIMI (G.), « Le
devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en
droit camerounais. Des dispositions spéciales vers un
énoncé général ? » ibid.
3
processus : le processus de personnification4 et
l'émergence du phénomène sociétaire5. Le
processus de personnification est celui par lequel l'on donne à des
entités abstraites des caractéristiques humaines6. Au
cours de ce processus, « une entité abstraite devient
concrète et (...) des entités différentes peuvent
être assimilées et représentées par un unique
symbole »7. Ce processus de personnification a
été développé dans des sociétés
primitives8 et dans la mythologie grecque et le
christianisme9 avec « Le mystère de la Sainte
Trinité (...) : Père, Fils et Saint Esprit, trois personnes n'en
formant qu'une »10. Bien que les répercussions du
processus de personnification soient très éloignées de la
notion de personnalité juridique telle que conçue de nos
jours11, il peut néanmoins être considéré
comme la logique qui sous-tend la systématisation de la
personnalité morale en droit12. À côté du
processus de personnification un véritable phénomène dit
sociétaire va prendre de plus en plus d'ampleur dans les civilisations
marchandes13. Ce phénomène se manifestait surtout par
la possibilité pour la victime de se faire indemniser par le groupement
en raison d'un dommage causé par une infraction de vol14,
mais aussi par le partage de risque entre les personnes physiques à bord
d'une embarcation15. À partir de ces deux processus, le droit
romain considéré comme le « berceau de la
personnalité morale »16 va systématiser le
concept de personnalité morale. À ce stade l'existence des
personnes morales est acquise, même si celles-ci sont
considérées plus comme des outils et des instruments du droit que
comme des sujets du droit17.
La reconnaissance de la personnalité juridique aux
groupements a logiquement soulevé une autre question fondamentale, celle
de savoir si la responsabilité pénale étant d'abord
perçue uniquement comme le fait de la personne physique, pouvait
également être le fait d'une
4 V. REINALDET DOS SANTOS (T-J), La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée franco-brésilienne, Thèse
de Doctorat, Université de Toulouse, 2017, p.16 et s.
5 Ibid.
6 Ibid. p.16. Il s'agit surtout des
sociétés situées au tour de la
méditerranée.
7 Ibidem.
8 Ibidem. Il s'agit de Dogons du Mali V.
GRIAULE (M.), Masques dogons, Paris : Institut d'ethnologie, 1938.
9 Ibidem.
10 BENARD (C.-M.), Les limites de la
personnalité morale en droit privé, Thèse Toulouse, 2003,
p. 10
11 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse, ibid.
p. 16.
12 Ibid. p. 17.
13 Ibidem. Ces sociétés
étaient régies par deux principales lois : Le code Hammourabi et
la loi rhodienne du jet à la mer.
14 Ibidem. V. également l'article
23 du Code Hammourabi « si le voleur n'est pas pris, le volé
déclare sous serment le montant de ses pertes ; alors la
collectivité [...] résidant sur le terrain et territoire ou
domaine, compense les biens volés ».
15 « Selon cette loi [loi rhodienne du jet à
la mer.], si pendant une tempête on devait jeter la marchandise
à la mer afin d'alléger le navire, les dépenses issues de
cette opération seraient partagées entre toutes les personnes
physiques à bord de l'embarcation. » REINALDET DOS SANTOS
(T-J), Thèse, ibid. p. 17.
16 Ibid. p. 18.
17 BENARD (C.-M.), Thèse, ibid. p.
10.
4
personne morale ?18 La réponse était
positive déjà dans l'ancien droit français sous
l'égide de l'ordonnance de 167019 qui admettait la
responsabilité pénale des groupements et prévoyait des
sanctions20.
En se servant des pratiques issues du moyen âge et du
droit canonique21, plusieurs villes françaises comme
Toulouse, Bordeaux et Montpelier vont être condamnées «
en raison des infractions commises par la ville elle-même
»22. Mais la responsabilité pénale des
groupements va disparaitre avec la révolution française et le
développement des droits de l'Homme qui seront à l'origine du
grand bouleversement dans la façon de penser le droit
pénal23. L'Homme est désormais le « coeur
» de la matière, non pas seulement en tant que
délinquant, mais aussi en tant que citoyen24. Les personnes
morales vont donc perdre toute l'importance acquise sous l'ancien droit
« non seulement à l'intérieur du droit pénal,
mais également au sein de l'ordre juridique »25. Le
Code pénal français de 1810 dans cette mouvance ne reconnait donc
« aucune capacité pénale »26 au
groupement, de telle sorte que l'adage societas delinquere non
potest27 était la règle au
XIXème et au XXème siècle.
18 SALVAGE (P.), « La responsabilité
pénale des personnes morales », in droit pénal
général, pp. 107 à 111.
19 Art. 1er de l'ordonnance criminelle
de 1670 « le procès sera fait aux communautés des
villes, bourgs et villages, corps et compagnies qui auront commis quelque
rébellion, violence ou autre crime ».
20 Ibid.
21 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse,
ibid. p.25, dans le moyen âge, les glossateurs ont
été les premiers commentateurs du droit romain mais n'avaient pas
une culture juridique ils ne faisaient aucune distinction entre les personnes
physiques et le groupe lui-même, raison pour laquelle l'infraction
pouvait être accomplie par le groupement, de telle sorte que plusieurs
villes ont été condamnées à cette époque
pour les actes illicites. REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse, ibid.
p.22 dans le droit canonique également, plusieurs communes ont
été condamnées en raison du fait qu'elles ont accomplies
une infraction. MESTRE (A.), Les personnes morales et le problème de
leur responsabilité pénale, Thèse, Paris, 1899, p.74.
22 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse,
ibid. p. 25 « Toulouse, en 1331, a été
déclarée coupable de la mort de l'étudiant Bérenger
par les Capitouls et fut privé du droit de corps et communauté,
avec confiscation, au profit du Roi de son patrimoine » Par un
arrêt du 26 octobre 1548, la ville de Bordeaux a été
condamnée « à perdre ses antiques privilèges par
suite d'une émeute » « En 1379, la ville de Montpellier se
souleva à l'occasion d'un impôt royal : les officiers royaux
furent massacrés au cours de l'émeute, et la ville fut
privée de son université, du consulat, de la maison commune et de
tous ses privilèges » MESTRE (A.), Thèse
op.cit., pp. 110-111.
23 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse, ibid.
p. 25.
24 Ibid.
25 Ibid. p. 25 « la loi le
Chapelier des 14 et 17 juin 1791 et le décret du 17 août 1791 vont
prévoir l'anéantissement complet de toutes les personnes morales,
de sorte qu'après la Révolution française les groupements
vont littéralement disparaître en droit personnalité morale
reconnue aux collectivités par l'Ancien droit, va être fermement
refusée par le nouvel ordre ».
26 SALVAGE (P.), « La responsabilité
pénale des personnes morales », in droit pénal
général, op.cit. pp. 107111.
27 « Societas delinquere non potest
» est un adage latin disposant que contrairement aux personnes physiques
les personnes morales ne peuvent pas commettre d'infraction.
5
Cette vision a été exportée dans la
plupart des colonies françaises et au Cameroun en particulier. En effet,
les puissances coloniales ont eu une attitude hostile à l'égard
du droit pénal traditionnel et ont rapidement instrumentalisé
leur propre droit pénal pour disaient-elles civiliser les populations
autochtones28. L'extension de l'application du code pénal
Napoléon aux autochtones de l'ex Cameroun oriental en était la
preuve, même si parallèlement dans l'ex
Cameroun occidental, les « customary Courts »
et les « Alkali Courts » ont appliqué le droit
pénal traditionnel29. L'individualisme prôné par
le législateur français de 181030 a
éliminé la possibilité de considérer la personne
morale comme un sujet pénalement responsable, et même comme un
sujet de droit tout court à la fois au Cameroun et en France.
3. La situation a duré jusqu'à
ce que la révolution industrielle du XIXème ne vienne
faire ressortir l'importance des groupements dans la vie courante et donc
nécessairement dans le droit31. Ainsi, par le truchement du
développement des activités économiques deux types de
groupement vont éclore : il s'agit des sociétés
commerciales et des syndicats32. Peu à peu, le
législateur français se sentira obligé de
règlementer leur activité33 et les personnes morales
(re)gagneront leur importance34 mais uniquement dans les domaines du
droit civil et du droit des affaires.
La révolution industrielle n'aura pas
réinstauré la responsabilité pénale des personnes
morales, mais aura entrainé plusieurs changements au sein du droit
pénal français35 et donc par ricochet au sein du droit
pénal camerounais. L'entreprise est depuis lors perçu comme un
cadre de perpétration des infractions « et cela avec une
particularité : des difficultés supplémentaires pour
trouver leur responsable »36, ce qui va entrainer
l'établissement de la responsabilité
28 MINKOA SHE (A.), Cours polycopié de droit
pénal général, dispensé en licence II, année
académique 20152016.
29 ibid. 30Ibid.
31 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse,
op.cit. p. 28.
32 Ibid., p. 30.
33 « D'un côté, la loi du 18 juillet
1856, laquelle réglementant les sociétés en commandite par
actions. De l'autre côté, la loi du 24 juillet 1867 sur les
sociétés anonymes. De la même manière, le droit
brésilien va lui aussi créer le Code de commerce de 1850, lequel
prévoyait plusieurs dispositions relatives aux groupements »
REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse, ibid. p. 28.
34 « Ce siècle écoulé aura bien
mérité d'être appelé le siècle des personnes
morales, comme jadis on désignait une période du nom d'une
personne physique : siècle de Périclès ou d'Auguste »
DU PONTAVICE (E.), « Une nouvelle personne morale, la
société de quirataires », in Revue trimestrielle de
droit civil, 1963, p. 3.
35 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse, ibid.
p. 32.
36 Ibid. « À partir de la
Révolution Industrielle, les choses ont changé. On commence
à avoir une délinquance au sein de l'entreprise. Le droit
pénal alors va penser à une solution pour résoudre ce
problème. La production industrielle va augmenter les
possibilités des infractions pénales et le droit pénal
devait répondre à cette nouvelle
6
pénale du chef d'entreprise37. Le droit
pénal a donc encore une fois de plus tenté de mater la
délinquance au sein du groupement en se basant uniquement sur les
personnes physiques38, la principale conséquence étant
que tous les débats étaient cristallisés sur le contraste
entre le libre arbitre ou le déterminisme, et les finalités de la
peine pour les personnes physiques39.
Pendant ce temps, sous la houlette des cours et
tribunaux40, le législateur anglais a admis la
responsabilité pénale des personnes morales avec «
l'interpretation Act »41. En France, le principe de
l'irresponsabilité pénale des personnes morales résiste
malgré l'émergence de plus en plus accrue de la
délinquance des groupements. Une thèse d'Achille
MESTRE42 sur les personnes morales et la
problématique de leur responsabilité, combinée avec
l'influence de l'évolution du droit anglais sur la question va venir
relancer les débats43, s'en suivra donc une longue
controverse doctrinale.
4. La « guerre » des
idées opposait la doctrine classique défavorable à
l'admission d'une responsabilité pénale des personnes morales,
à la doctrine moderne favorable à l'admission d'une telle
responsabilité. Une guerre qui a finalement et même logiquement
tournée à la faveur de la doctrine moderne.
D'abord majoritaire, la thèse hostile à
responsabilité pénale des personnes morales était
articulée autour de deux principaux arguments tous aussi pertinents. En
premier lieu, elle faisait
réalité de la délinquance »
SHECAIRA (S.), Responsabilidade penalda pessoa jurídica, São
Paulo : Revista do Tribunais, 1998. P19, Traduit par REINALDET DOS SANTOS
(T-J), Thèse, ibid.
37 « Si en général, chacun n'est
passible de peine qu'à raison de son fait personnel, cette règle
souffre exceptions en certaines matières ; notamment en fait de
profession industrielle, règlementée, les conditions où le
mode d'exploitation imposé à l'industrie obligent essentiellement
le chef ou le maitre de l'établissement qui est personnellement tenu de
les faire exécuter, et en cas d'infraction même par la faute de
ses ouvriers ou préposés, ce n'est pas moins lui qui est avant
tout réputé contrevenant ». Cour de cass., Ch. crim.,
28 janvier 1859. REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse, op.cit. p.
33. MANGA OMBALA (A.) La responsabilité pénale des dirigeants
sociaux en droit camerounais, Mémoire de Master, Université de
Yaoundé II, 2014 pp 12-36.
38 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse,
Ibid.
39 Ibid. p 33.
40 En effet, le droit anglosaxon est un droit
essentiellement jurisprudentiel.
41 « S'agissant du droit anglais, ce sont les
tribunaux et les cours qui ont dans un premier temps créé des
exceptions au principe de l'irresponsabilité pénale des personnes
morales. D'abord pour les délits d'omission « non feasance »,
ensuite pour les délits de commission « misfeasance ». Ce
n'est que dans un deuxième temps que le législateur anglais est
intervenu pour reconnaître la responsabilité pénale des
personnes morales dans « l'interpretation Act » de 1889 par le biais
d'une disposition générale (...) » NTONO TSIMI (G.),
« Le devenir de la responsabilité pénale des personnes
morales en droit camerounais. Des dispositions spéciales vers un
énoncé général ? » op.cit. pp 221 et
s. La jurisprudence a ensuite développée la théorie de
l'identification pour étendre la responsabilité pénale des
personnes morales. Sur la question V. NTONO TSIMI (G.), Mémoire de
D.E.A, op.cit. p. 9.
42 V. REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse,
op.cit. p. 25.
43 Ibid.
7
remarquer qu'il était impossible d'imputer une
infraction à un être immatériel. Cet argument se justifiait
car par définition, l'être collectif n'est pas doté de
volonté et n'a ni corps ni intelligence, ce qui en second lieu rendrait
inefficace toute tentative de sanction44. Les tenants de cette
thèse font ainsi remarquer qu'admettre la responsabilité
pénale des personnes morales revient à méconnaitre le
principe fondamental de la personnalité des peines car on serait
immanquablement amené à punir au moins indirectement les membres
d'une personne morale45, d'autant plus que majorité des
sanctions pénales et notamment l'emprisonnement sont inapplicables aux
personnes morales. Le premier facteur de déclin de ces
différentes idées est le temps et les changements qu'il entraine.
La doctrine moderne a démontré que celles-ci appartiennent
déjà à un autre âge46.
En effet, les tenant de la théorie favorable à
l'admission de la responsabilité pénale des personnes morales ont
proposé de changer la perception que la doctrine classique avait sur les
groupements collectifs, à travers l'abandon de la théorie de
fiction à la faveur de celle de la réalité47.
Cette vision a amené la doctrine à considérer les organes
et les représentants de la personne morale comme « son
incarnation institutionnelle, de sorte que leurs actions ou omissions ont
commencé à être interprétées par le droit
comme en étant les actions ou les omissions de l'être collectif
lui-même »48. Les organes et les
représentants sont également considérés comme des
personnes exprimant sa volonté à travers les votes et
délibérations et les actions allant dans le sens de la
prospérité du groupement49.
44 Ibid.
45 CHEVALIER, avait déjà fait
remarquer qu'il s'agissait d'un « détournement d'une technique
à finalité répressive (la responsabilité des
personnes physiques), au profit d'un système de versement
pécuniaire soit à titre rétributif au profit du
trésor, soit à titre indemnitaire au profit de la victime (la
responsabilité pénale des personnes morales) »
cité par NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp 221 et s. V. CHEVALIER
(J-Y.), « Fallait-il consacrer la responsabilité pénale des
personnes morales ? », in Les aspects organisationnels du droit des
affaires, Mélanges offerts à Jean PAILLUSSEAU, Paris,
Dalloz, 1998, p.109 et s.
46 « Le principe de
l'irresponsabilité pénale des personnes morales datait
manifestement d'une autre époque et contrastait avec les solutions des
grands Etats modernes ; il était inadapté face à la
prolifération et à la puissance des personnes morales, face
surtout à leur capacité de nuire », DESPORTES (F.), LE
GUHENEC (F.), Le nouveau droit pénal, T. 1, Droit pénal
général, Economica, Paris 2000.
47 (Cour de cass., 1e Ch. civ., 24
novembre 1953, pourvoi n° 54-07081) nul besoin n'est de rappeler que tous les
arrêts rendues par la Cour de Cass. Française d'avant 1960 font
office de jurisprudence au Cameroun, jusqu'à revirement de la Cour.
Sup. « En France, depuis un arrêt de 1954 la personne morale
n'était plus considérée comme une création
imaginaire, mais a obtenu le statut d'être réel, au moins pour le
droit ». REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse, op.cit.
p. 37. NTONO TSIMI (G.), ibid., pp. 221 à 244.
48 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse,
ibid., p. 37.
49 Ibid. p. 37 le « vote des
dirigeants de la personne morale a commencé à être
perçue par le droit comme la volonté du groupement lui-même
et non pas comme la volonté d'un tiers simplement attribuée
à la personne morale ».
8
L'assimilation des personnes morales aux personnes
physiques50 a permis d'attribuer à la personne morale un
caractère matériel et intellectuel, de telle sorte que l'argument
de la doctrine classique selon lequel le groupement n'avait ni existence
matérielle, ni volonté susceptible de caractériser sa
subjectivité criminelle51, est tombé en
désuétude. L'autre argument développé par les
tenants de la théorie de la responsabilité pénale des
personnes morales qui a sonné le glas de l'irresponsabilité est
lié au développement de nouvelles sanctions et la présence
d'un fort potentiel criminologique chez le groupement moral52. La
responsabilité pénale de la personne morale au-delà de
l'idée de faute peut être fondée sur sa
dangerosité53.
5. Les arguments des tenants de
théorie favorable à la responsabilité pénale des
personnes morales ont eu un écho favorable dans la plupart des droits
pénaux contemporains, que ce soit en France et au Cameroun
indépendant. Le projet du nouveau code pénal français de
1934 ; et la jurisprudence française admettaient la
responsabilité pénale des personnes morale pour les actes
illicites qu'elle aurait commis54. En suivant les pas des pays de
la Common Law55, la responsabilité pénale des
personnes morales a peu à peu été théorisée
dans plusieurs autres pays dont le Cameroun, et ce suivant la même
trajectoire, qui débute par l'admission d'une responsabilité
pénale des êtres collectifs à travers une affirmation
incomplète par le biais
50 « Avec la loi française du 24 juillet 1867,
les sociétés ont abandonné leur statut de contrat pour
devenir des personnes à part entière. Depuis lors, par l'effet
d'un réflexe de personnification, les groupements à qui la loi
accorde le bénéfice de la personnalité juridique sont
soumis au même vocabulaire que celui appliqué aux personnes
physiques : ils naissent, vivent et meurent, sont constitués de membres,
d'organes, voire de famille, sont dotés d'un patrimoine, jouissent d'une
santé bonne ou mauvaise. Cette assimilation aurait sans doute
été incomplète sans l'admission dans les systèmes
de droit positif, de la responsabilité pénale des personnes
morales. » NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 et s. Voir
également QUIEVY (J-F.), Anthropologie juridique de la personne
morale, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit
privé », Tome 510, 2009, 416 p.
51 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse,
op.cit, p. 38.
52 ibid.
53 NTONO TSIMI (G.) ibid. pp. 221 à
244. L'un des arguments utilité par les tenants de la théorie de
la responsabilité pénale des personnes morale est lié
« d'une part au développement de la pénologie ; et
d'autre part, au détachement de la faute ou de la culpabilité en
droit pénal, avait un sens plus pragmatique. En effet, pour ses
défenseurs, ce qui a permis de fonder la poursuite des personnes morales
devant les juridictions pénales, en qualité de prévenus,
c'est avant tout leur dangerosité et la menace qu'elles
représentent objectivement pour l'intérêt
général ». Sur la notion de dangerosité V.
DELMAS-MARTY (M.), Libertés et sûreté dans un monde
dangereux, Paris, Seuil, coll. « Points », 2010.
54 Cour de cass., Ch. crim., 24 décembre 1864, S. 1866,
1, p. 454 ; Cour de cass., Ch. crim., 18 février 1927, DH 1927, p. 225 ;
Cour de cass., Ch. crim., 6 mars 1958, D. 1958, p. 465. « La
possibilité de retenir la responsabilité pénale des
personnes morale en cas d'infraction matérielle », « Les
ordonnances des 5 mai, 30 mai et 30 juin de 1945, prises en matière
d'entreprises de presse coupable de collaboration avec l'ennemi, en
matière de réglementation des changes et enfin en matière
économique prévirent explicitement la possibilité de
condamner pénalement les personnes morales » REINALDET DOS
SANTOS (T-J), thèse, ibid. p.35.
55 Les pays de la Common Law sont les premiers avoir
admis la responsabilité pénale des personnes morales
9
des lois spéciales, et enfin par l'admission d'un
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales56.
À cet effet, la responsabilité pénale des
personnes morales a été affirmée de façon
spéciale en Grande Bretagne au XIXe siècle par la
jurisprudence57 avant d'être généralisée
par le législateur anglais à la faveur de l' «
Interpretation act » 58 ; il en est de même pour le Maroc avec
la réforme du code pénal réalisée par la loi de
1986, et des années plus tard la France avec un principe de
spécialité énoncé en 1994 dans le code
pénal, avant que celui-ci soit supprimé59 ; en Espagne
la responsabilité pénale des personnes morales avait une
portée restreinte donnée par la loi de 2010 avant d'être
étendu en 2012 ; et plus récemment encore au Cameroun, où
le législateur a d'abord admis la responsabilité pénale
des personnes morales à travers plusieurs textes
spéciaux60 avant de se décider définitivement
à sauter le pas en admettant un principe général de
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais
à la faveur de la refonte du code pénal issue des
indépendances qui a abouti en 2016 à l'article
74-161.
6. Le moins qu'on puisse dire c'est que
l'admission de la responsabilité pénale des personnes morales est
l'aboutissement d'un processus plus ou moins lent, mais aussi plus ou moins
récent62 marqué par un changement de paradigme sur la
criminalité63. Un tel changement
56 Sur le sujet V. NTONO TSIMI (G.) ibid. pp.
221 à 244.
57 « S'agissant du droit anglais, ce sont les
tribunaux et les cours qui ont dans un premier temps créé des
exceptions au principe de l'irresponsabilité pénale des personnes
morales. D'abord pour les délits d'omission « non feasance »,
ensuite pour les délits de commission « misfeasance » »
NTONO TSIMI (G.) in ibid. pp. 221 à 244.
58 V. les de développements de NTONO TSIMI
(G.), « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes
morales en droit camerounais. Des dispositions spéciales vers un
énoncé général ? » op.cit. pp 221 et s.
« l'interpretation act » de 1889.
59 Par le biais de la loi n°2004-204 du 9 mars
2004.
60 V. NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? », ibid., pp 221 et s. l'auteur donne de
façon chronologique une liste non exhaustive de dispositions
spéciales consacrant la responsabilité pénale des
personnes morales. Il s'agit principalement des « Lois n °89/27
du 29 décembre 1989 portant sur les déchets toxiques et dangereux
; n°94/01 du 10 janvier 1994 portant régime des forêts, de la
faune et de la pêche; n°99/015 du 22 décembre 1999 portant
création et organisation d'un marché financier ; n°05/015 du
29 décembre 2005 relative à la lutte contre la traite et le
trafic des enfants. A l'échelle sous-régionale, mention peut
également être faite, à titre illustratif, du
règlement communautaire CEMAC, n°01/031 du 4 avril 2003 portant
prévention et répression du blanchiment des capitaux et du
financement du terrorisme en Afrique centrale. Et depuis décembre 2010,
la loi n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la
cybersécurité et à la cybercriminalité
».
61 Loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant
Code pénal.
62 Du point de vue de sa consécration sous
la forme générale dans la plupart des droits étrangers, et
plus particulièrement en droit pénal camerounais.
63 Le paradigme désigne l'ensemble de
réflexions sur la base desquelles une théorie peut se
développer. La plupart des réflexions sur la criminalité
tournait autour de la personne physique, car seul lui avait à la fois
l'existence matérielle nécessaire et l'intelligence pour
commettre des infractions.
10
a entrainé des distorsions profondes au sein du droit
pénal moderne. La matière s'est montrée plus flexible,
plus souple par rapport à ses principes fondamentaux, mais aussi plus
pragmatique64.
7. Dans ce droit pénal qualifié de «
postmoderne »65, le principe de responsabilité
pénale des personnes morales riche en conséquence est
apprivoisé avec prudence et par des réajustements successifs.
Ainsi, s'étendant juste à un autre sujet de droit, la notion
même de responsabilité n'a pas changé de
définition.
Dérivée du latin respondere, La
responsabilité se définit comme l'obligation de répondre
de ses actes66. En matière pénale, elle désigne
« la qualité de ceux qui doivent (...) en vertu d'une
règle, être choisis comme sujets passifs d'une sanction
»67. Mise en relation avec les personnes morales, il
s'agira d'établir un ensemble de règles décrivant les
conditions d'engagement de la responsabilité pénale des
groupements dotés de la personnalité juridique, donc titulaires
eux-mêmes de droits et d'obligations abstraction faite de la personne des
membres qui le composent68 ; de déterminer, dans cette
catégorie, ceux des groupements concernés
bénéficient d'une « immunité ». Et
parce qu'ils ont une organisation, il sera aussi question pour le
législateur de régler le sort des personnes physiques ayant
commis les mêmes méfaits ; mais également d'édicter
des sanctions et des procédures spécifiques qui permettront de
mise en oeuvre la répression de ces derniers.
8. Fort de ce constat, il a donc fallu décider de la
méthode à employer pour admettre de façon
générale la responsabilité pénale des personnes
morales en droit camerounais. Le législateur guidé par des
travaux doctrinaux a opté pour une codification. Cette codification a
uniquement touché le code pénal, qui est la principale loi de
fond en la matière, à l'exclusion du code de procédure
pénale. Dès lors qu'on sait qu'autant le droit pénal de
fond que le droit pénal forme ont été construit autour de
la personne physique, une telle démarche semble être
64 REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse,
op.cit., p. 38 et s.
65 V. MASSE (M.), JEAN (J-P.) et GUIDICELLI (A.)
(dir.), Un droit pénal postmoderne ? Mise en perspective des
évolutions et ruptures contemporaines, Paris, PUF, coll. «
Droit et justice », 2009, p,400. V. NTONO TSIMI (G.), ibid. pp.
221 - 244. « La « postmodernité » (...) aujourd'hui,
est de plus en plus utilisée comme une grille de lecture dont la
prétention est de saisir les bouleversements qui affectent notre
perception des choses, notre raisonnement et les différentes solutions
que nous proposons aux grandes questions de société de l'heure.
»
66 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2018-2019, p.
1810.
67 FAUCONNET (P.), La responsabilité, Alcan,
1920, p.11.
68 Lexique des termes juridiques, ibid.
pp. 524-525, il s'agit généralement des : société,
association, syndicat, État, collectivités territoriales,
établissements publics.
11
mineure, surtout au regard de l'intérêt
accordé à la question de la répression de la
délinquance des êtres collectifs dans les législations
étrangères.
À cet effet, le contexte actuel marqué par
l'universalisation de la responsabilité pénale des personnes
morales rend compte de deux choses. La première est que la plupart des
études sur le régime de la responsabilité pénale
des personnes morales sont désormais tournées vers le droit
comparé69, la seconde est que ces études font
état de l'influence que la codification de responsabilité
pénale des personnes morales, peut avoir sur les principes et
règles préétablies, tels que les principes de la
personnalité de la répression, les règles classiques
d'imputation de l'infraction à l'agent, et les règles
procédurales existantes. Elles concluent presque toutes sur un
même constat qui se résume en l'impérieuse
nécessité d'un double encadrement substantiel et
procédural de la nouvelle responsabilité, mais également
la nécessité d'une rupture avec les concepts civilistes.
Pourtant ces réflexions se limitent le plus souvent
dans un cadre précis, il s'agit soit des analyses en droit pénal
de fond soit des analyses en droit pénal procédural, ou en droit
pénal spécial classique ou technique70, ce qui n'est
pas de nature à permettre au législateur d'avoir une vision
d'ensemble sur la responsabilité pénal des personnes morales. Ce
constat semble suffisant pour justifier une analyse globale des implications,
mieux des conséquences de l'adoption du principe général
de responsabilité pénale des personnes morales en droit
camerounais. Ainsi, même s'il faut louer la généralisation
de la responsabilité pénale des personnes morales, son
cantonnement au seul code pénal et à quelques lois pénales
spéciales de fond, mais aussi l'attachement de l'article 74-1 dudit code
à la notion classique de personne morale, lorsqu'on sait qu'une telle
institution impacte profondément toutes les règles
générales ou spéciales, de fond ou de forme, nous pousse
à nous poser la question suivante : le législateur
camerounais a-t-il tiré toutes les conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales ?
69 V. par exemples les travaux de GEEROMS (S),
« La responsabilité pénale des personnes morales : une
étude comparative », RIDC, n°48-3, 1996, pp.523-579,
DUNG HO (X.), La responsabilité pénale des personnes morales :
étude comparative entre le droit français et le droit Vietnamien,
Thèse de Doctorat, Université de Toulouse, 2010, Diop (M.), La
responsabilité civile et pénale des personnes morales, une
étude comparative du droit français et du droit
sénégalais, Thèse de Doctorat, Université de
Nantes, 2013. REINALDET DOS SANTOS (T-J), Thèse, op.cit.
70 Le droit pénal spécial classique
est celui qui est développé dans le code pénal, le droit
pénal spécial technique est celui développé en
dehors du code pénal, dans les textes spéciaux. Il s'agit du
droit pénal spécial de l'environnement, de l'entreprise par
exemple. V. NTONO TSIMI (G.), Mémoire de D.E.A, op.cit. p. 9 et
s.
9.
12
L'étude des conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales dans le contexte camerounais telle qu'orientée par cette
question centrale est intéressante sur triple plan juridique, pratique
et socio-économique.
Sur le plan juridique d'abord, cette étude permet
à partir de l'analyse des sources positives du droit, de déceler
les forces et les faiblesses des dispositions qui encadrent la lutte contre la
criminalité des personnes morales. Il est donc question d'inviter le
législateur à revoir sa copie, soit en prenant nouvelles mesures
nécessaires qui viseront surtout l'aspect procédural du droit
pénal ; soit en renforçant les mesures existantes.
Sur le plan pratique ensuite, l'analyse permet de
déceler à partir des prévisions du législateur, les
mécanismes qui pourront être mis en oeuvre par la défense
ou l'accusation durant le procès pénal. Elle permettra
également aux magistrats du siège de savoir quelle posture
adopter face à un délinquant sans existence matérielle.
Sur le plan socio-économique enfin, l'application du
régime dicté par le principe général de
responsabilité pénale des personnes morales a des
conséquences sur les personnes physiques composant la personne morale,
qu'elles soient organe ou représentant ou simple salarié ; et
mêmes sur les personnes physiques externes à la personne morale
que sont les différents partenaires et les clients. Parce que les
personnes morales sont des acteurs économiques importants, l'application
de la sanction pénale à cette dernière peut avoir des
répercussions économiques sérieuses. Les peines d'amendes
pour ne prendre que cet exemple peut mettre en difficulté des
entreprises in bonis ou aggraver les difficultés des entreprise in
malis.
10. Dans le cadre de cette recherche, il sera surtout
question de démontrer que le législateur camerounais n'a pris en
compte que partiellement les conséquences qui découlent du
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales. Ce constat n'a été possible qu'après
analyse des textes applicables en la matière. La méthode
analytique a ainsi permis de déceler ce que le législateur a
prévu et ce qu'il n'a pas prévu. L'exploration d'autres
systèmes juridiques à travers la méthode comparative a
également permis de mettre en lumière les lacunes de certaines
prévisions du législateur en même temps qu'elle a permis de
relever l'importance des éléments que le législateur
camerounais n'a pas prévu.
11. Ainsi, partant du constat que toute responsabilité
pénale fait peser le risque pénal sur la tête de la
personne désignée comme admissible à la
responsabilité pénale, en même temps qu'elle implique aussi
la possibilité pour cette dernière d'échapper à la
répression : soit en
13
l'excluant du champ de la répression, soit en lui
donnant les moyens de se défendre pour éviter la sanction
pénale consécutive à la déclaration de
culpabilité. La dualité des méthodes ainsi
employées ont permis dans un premier temps, de faire un état des
lieux, avant dans un second temps de rechercher des pistes
d'amélioration.
Nous basant donc sur les résultats obtenus, il est
apparu nécessaire d'analyser dans un premier temps les
conséquences du principe général de responsabilité
pénale des personnes morales prévues par le législateur
(première partie), avant d'étudier les conséquences du
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales ignorées par le législateur (deuxième
partie).
PREMIÈRE PARTIE : LES CONSÉQUENCES
DU PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ PÉNALE
DES PERSONNES MORALES PRÉVUES PAR LE LÉGISLATEUR
14
12.
15
En droit pénal, la répression ne s'exerce que
contre des personnes pénalement responsables71, et ce dans
les conditions prévues par la loi, en vertu du principe de la
légalité criminelle. Cette exigence préalable est d'autant
plus complète lorsqu'elle est contenue dans le code pénal,
« coeur du droit pénal étatique et noyau dur d'une
politique criminelle plus large »72, de surcroit « source
du droit [pénal] la plus accessible »73. Dans ce
sens, la volonté du législateur de systématiser
l'institution d'une nouvelle responsabilité pénale des
groupements moraux en l'intégrant dans le Code pénal sous la
forme d'un énoncé général, a au moins donné
plus de visibilité et de contours à ce qui n'était jusque
que là un principe de spécialité74.
13. À cet effet, il a de fort belle manière su
tirer certaines conséquences d'une telle manoeuvre en décrivant
dans le principe général des éléments fondamentaux.
Ces éléments fondamentaux ont eu pour impact direct d'agir sur la
répression des groupements moraux, non seulement en revigorant
l'obligation pesant sur la personne morale de subir la répression
(chapitre 1), mais aussi en limitant la possibilité d'échapper
à cette répression (Chapitre 2).
71 Article 74 du code pénal camerounais
« aucune peine ne peut être prononcé qu'à
l'encontre d'une personne pénalement responsable ».
72 CARTUYVELS (Y.), « Eléments pour une
approche généalogique du code pénal »,
déviance et société, 1994 vol. 18, N°4, pp.
373-396.
73 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 à 244.
74 Le principe de spécialité est un
principe en vertu duquel, les personnes morales ne pouvaient être
pénalement responsables qu'en vertu des infractions
énoncées dans des dispositions spéciales.
16
CHAPITRE I : UNE OBLIGATION DE SUBIR LA
RÉPRESSION REVIGORÉE.
14. D'un point de vue général, la
répression est l'action de réprimer75, de punir.
Mieux, c'est l'acte de sanctionner les infractions. Pris dans ce sens, la
répression se confond avec l'un des principaux moyens
généralement mobilisés pour lui assurer son
effectivité : la sanction. Analysée du point de vue de son
objectif, la répression c'est tout à la fois punir, purger,
protéger, prévenir76. « L'action [de
réprimer] est exercée sur autrui »77 qui est
considéré comme le sujet passif de la répression.
Affirmer que la personne morale a une obligation de subir la
répression78 revient d'abord à constater qu'elle peut
par des moyens de coercitions, être contrainte, à exécuter
la sanction prononcée contre elle. Ensuite, il apparait que
l'infraction, qui est une action ou omission violant une norme de conduite
strictement définie par un texte d'incrimination entraînant la
responsabilité pénale de son auteur79, cause
également un tort à la société. C'est ce tort qui
doit être réparé par le groupement, qui fonde l'obligation
de subir la répression, et le cas échéant de subir une
sanction qui aura une fonction rétributive,
préventive80, punitive, ou d'expiation. La répression
suppose donc d'abord qu'une infraction commise ou du moins tentée puisse
être imputée à une personne. Elle suppose ensuite du point
de vue dynamique de mettre en cause l'agent afin de déterminer s'il est
apte à être soumis à un « jugement de reproche
»81.
15. Il apparait donc que positivement, la présence de
certains facteurs donne toute sa vigueur à l'obligation de subir la
répression. Mais négativement, leur absence peut entrainer sa
dilution. C'est ainsi que dans la répression de la délinquance
des groupements moraux, l'absence souvent constatée des conditions de
mise en oeuvre de la responsabilité des êtres
75 Définition proposée par le Centre
National de Ressources Textuelles et Lexicales.
76 Définition proposée sur le site
Fr.jurispedia.org/index.php/droit_p%C3%A9nal.
77 Ibid.
78 « La responsabilité pénale des
personnes morales n'est rien d'autre que l'obligation juridique qui pèse
sur une personne morale de répondre de ses actes délictueux en
subissant une sanction pénale dans les conditions et formes prescrites
par la loi ». NTONO TSIM (G.), La responsabilité pénale
des personnes morales en droit camerounais : esquisse d'une théorie
générale, op.cit. p. 7.
79 Lexique des termes juridique, ibid.
p.468.
80 V. DESPORTES (F.) et LE GUNEHEC (F.), Droit
pénal général, Droit pénal
général, Paris : Économica, 2009. p.391 et s ; PRADEL
(J.), Droit pénal général, Paris, 15e éd.,
Cujas, 2004, p.367 et s.
81 REINALDET DOS SANTOS (T. J.), La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne op.cit.
p.45.
17
collectifs ne participaient pas au rayonnement de l'obligation
qui était faite aux groupements contrevenants auxdites lois de subir la
répression. Il s'agit par exemple de la loi n°99/015 du 22
décembre 1999 portant organisation des marchés financiers et la
loi n°94/01 du 10 janvier 1994 portant régime des forêts, de
la faune et de la pêche qui se contentaient simplement d'indiquer que les
personnes morales sont pénalement responsables sans autres
précisions82. Cette absence de conditions de mise en oeuvre
de la responsabilité pénale des groupements et même parfois
de sanctions spécifiques faisait apparaitre l'incapacité du
législateur à concilier non seulement la nature matérielle
de l'infraction, mais aussi les exigences psychologiques de l'imputation avec
le caractère désincarné desdits
groupements83.
L'obligation de subir la conséquence pénale qui
pesait sur les personnes morales contrevenantes auxdites loi semblait donc
diluée en absence de règle concrètes encadrant la mise en
oeuvre de leur responsabilité. Le législateur en consacrant le
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales a réussi à donner plus de vigueur à
l'obligation de subir la répression. Cette vigueur découle de la
précision des conditions de la responsabilité pénale des
personnes morales (Section1) ; et parce que la finalité de toute
répression est de punir les personnes reconnus pénalement
responsables, l'amélioration du régime de la sanction
pénale applicables aux personnes morales est venue renforcer cette
obligation (Section 2).
Section 1 : Une vigueur découlant de la
précision des conditions de la responsabilité pénale
des personnes morales
16. L'article 74-1 du Code pénal
camerounais intitulé « Les personnes morales pénalement
responsables » a choisi d'harmoniser tous les éléments
relatifs à la responsabilité pénale des personnes morales,
et ce en commençant d'abord par les conditions d'une telle
responsabilité. À cet effet, le législateur avait le choix
entre plusieurs théories développées par la doctrine comme
la théorie de l'identification, la théorie des organisations, la
théorie de la responsabilité par ricochet84.
Au-delà de ces théories, l'analyse du contenu de l'alinéa
(a) de l'article 74-1 du Code pénal camerounais de 2016 décrivant
le mécanisme d'imputation de
82 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. p. 221 - 244.
83REINALDET DOS SANTOS (T. J.), La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne op.cit.
p.45.
84 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
générale ? », ibid.
18
l'infraction à la personne morale laisse transparaitre
une certaine cohérence (§1) et celle de
l'application des conditions de responsabilité pénale des
personnes morales lui donne une certaine effectivité
(§2).
§1 : La cohérence dans le contenu des
conditions de responsabilité pénale des personnes
morales
17. L'alinéa (a) de l'article 74-1 du code
pénal dispose que « Les personnes morales sont responsables
pénalement pour les infractions commises, pour leur compte, par leurs
organes ou représentants ». À l'analyse, il ressort que
cet alinéa pose une condition matérielle nécessaire (A) et
une condition morale primordiale (B).
A- La nécessité de la condition
matérielle de responsabilité pénale des personnes
morales
18. La condition matérielle de responsabilité
pénale de l'être moral se résume en la commission de
l'infraction par ses organes ou ses représentants. Cette condition est
logique parce que du point de vue général, pour engager la
responsabilité pénale d'une personne, que ce soit en tant
qu'auteur, co-auteur, complice, ou même receleur, il faut qu'elle ait
commise personnellement ; tenter de commettre une infraction ; aidé
à la commission d'une infraction ou même disposé du produit
de l'infraction85. La condition matérielle est
nécessaire parce qu'elle permet d'abord de rattacher la personne morale
à la commission d'une infraction (1) mais aussi parce qu'elle
protège la personne morale en permettant de l'exclure de certaines
infractions commises en son sein (2).
1- Une condition permettant de faire le lien entre la
personne morale et la commission de l'infraction
19. Pour être pénalement responsable, la
personne morale a besoin de participer à la commission matérielle
de l'infraction, or en tant qu'être immatériel cela parait
impossible. Dans ce sens, le législateur camerounais avait donc une
équation difficile à résoudre qui se résumait en
une seule question, celle de savoir comment faire endosser à un
être qui n'a aucune existence matérielle la qualité
d'auteur co-auteur ou de complice ?
Logiquement, la personne morale a besoin d'une intervention
humaine. Le législateur camerounais a donc opté pour
l'utilisation d'un substratum humain qui va offrir à la personne
85 Même si la loi reconnait des
hypothèses de responsabilité du fait d'autrui comme la
responsabilité du supérieur hiérarchique en droit
pénal international.
19
morale le support physique nécessaire pour
réaliser une action ou une omission proscrite par la norme
pénale86 . Le législateur de 2016 en disposant dans
l'alinéa (a) de l'article 74-1 du code pénal que les personnes
morales sont responsables pénalement des infractions commises par leur
organes ou représentants systématise ainsi une condition qui
était déjà présente dans plusieurs textes
spéciaux87 et par la même occasion a créé
un pont qui va servir à relier d'un côté
l'élément matériel de l'infraction et de l'autre le
caractère immatériel du groupement88.
20. Constatant donc ainsi que certaines personnes physiques
composant la personne morale -les organes et représentants- sont
l'incarnation institutionnelle de l'être collectif89 et
détiennent un pouvoir de contrôle et de direction, l'article 74-1
alinéa (a) a fini par faire d'eux « l'instrument » de
la responsabilité pénale du groupement moral90. Le
législateur n'apporte aucune précision ni définition des
deux notions « organes » et « représentant
»91, tout simplement parce qu'une telle
démarche ne présente que très peu d'intérêt
en termes de conséquence pénale92, car en effet
« les personnes morales voient leur responsabilité
pénale engagée de la même façon suivant que
l'infraction a été commise pour leur compte par un organe ou
représentant »93. Bien plus, les qualités
d'organe et de représentant peuvent être réunies chez la
même personne94.
21. Dans ces circonstances, il est nécessaire qu'on
s'intéresse à la volonté du législateur de 2016. Il
ressort que les termes « organes » ou «
représentants » ne renvoient pas à des concepts
figés, mais plutôt à toute personne ayant un pouvoir
difficile à ignorer au sein du collectif, c'est-à-dire qui
pèse dans la prise des décisions, dans la direction95,
et dans l'exécution
86 V. FAIVRE (P.) « La responsabilité
pénale des personnes morales », in RSC, 1954, p. 548.
87 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 à 244.
88 BAJO FERNÁNDEZ (M., FEIJÓO
SANCHEZ(B.) et GÓMEZ-JARA DÍEZ (C.), Tratado de
responsabilidad penal de las personas jurídicas, Navarra : Thomson
Reuteurs, 2012 op.cit., p. 217.
89 DREYER(E.), Droit pénal
général, Paris : LexisNexis, 2012, p.741, REINALDET DOS
SANTOS (T-J.), Thèse, op.cit. P.46
90 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp.221 à 244.
91 PLANQUE (J.), La détermination de la
personne morale pénalement responsable, Paris : L'Harmattan, 2003.
p. 224. DALMASSO (T.), note ss T. Corr. Strasbourg 9 février 1996,
Petites Affiches 1996, n° 38, p.19. La jurisprudence en France et
au Brésil ne donne pas une définition générale des
notions de représentant ou d'organe, mais parfois elle énonce
à qui ces notions pouvaient s'appliquer. REINALDET DOS SANTOS (T-J.), La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne, op.cit.
.46
92 Ibid.
93 DREYER (E.), ibid., p. 729.
94 RIPPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de
Droit Commercial, Paris : LGDJ, 2004, n° 695.
95 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne, ibid.,
p.68.
20
desdites décisions. Se faisant, il peut ainsi
être comparé au cerveau de la personne morale, en anglais
« mind » 96. Les termes « organes »
ou « représentants » renvoient donc aux
personnes physiques qui représentent le « directing mind will
»97 (l'âme dirigeante) du groupement
moral98 soit parce qu'ils occupent une position
privilégiée dans la structure du groupement, soit parce qu'ils
ont reçu un pouvoir spécifique, une sorte de mandat leur
permettant d'incarner le collectif. Les autorités de poursuites peuvent
donc soit s'attarder sur la structure de la société en
s'intéressant aux postes et fonctions occupées par les personnes
physiques en accord avec les statuts, soit s'atteler à savoir si la
personne physique indépendamment de sa situation dans le groupement
détient ou non un pouvoir de direction ou de contrôle au sein de
l'être collectif99. C'est sans doute ce qui a poussé la
jurisprudence étrangère à s'attarder sur les cas de
délégation de pouvoir et celui du dirigeant fait.
De façon générale s'il s'agit d'une
société ou d'une entreprise, les organes susceptibles de servir
de substratum humain varient selon leur type. Pour les sociétés
anonymes, il s'agira surtout l'organe de gestion collectif qui est le CA et du
représentant qui peut être le PDG, le DGA ou encore le PCA, le DG
et l'administrateur général. Pour les sociétés de
personne et les S.A.R.L l'organe collectif est constitué de
l'assemblée des associés, dirigé par un ou plusieurs
gérants. Il s'agira pour un parti politique, d'une association du
président du partis, de l'association, les membres du bureau,
l'assemblée générale, le comité directeur (...)
22. il s'agira aussi d'inclure des personnes
qui n'ont pas forcément une place privilégiée dans
l'organisation du groupement conformément à ses statuts mais qui
ont des droits spécifiques comme certains créanciers munis de
sûretés négatives conférant un droit de véto
ou de regard100 leur permettant d'influencer la gestion et la
direction des groupement. On y inclue aussi les mandataires ou des
salariés bénéficiant d'une délégation de
pouvoir pour agir au nom de la société101 et qui
peuvent également participer à l'administration et la gestion de
la
96 Ibid. P.46.
97 GEEROMS (S.), « La responsabilité
pénale de la personne morale : une étude comparative »,
in Revue internationale de droit comparé, 1996, p. 546.
98 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne, ibid.
p.67.
99 Ibid. p.68.
100 KENMOGNE SIMO (A.), « La désolidarisation
entre participation au capital social et source du pouvoir en droit OHADA
», bulletin de droit économique, 2017, p. 9.
101 DREYER (E.), op.cit., p. 730., REINALDET DOS
SANTOS (T-J.), La responsabilité pénale à l'épreuve
des personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne
op.cit. p.71.
21
société102. Le mandataire peut tirer
son pouvoir de différentes sources, statutaire, légale, ou encore
d'une décision de justice103. Ainsi, l'administrateur
judiciaire ou le liquidateur de la personne morale104
considérés comme représentant de la personne morale
peuvent engager la responsabilité de cette dernière.
23. Enfin, s'il est constant que seules les
personnes qui dirigent le groupement, à l'exclusion des simples
subordonnés105 peuvent lui servir de support humain, il se
pose cependant problème de la légitimité des dirigeants
susceptibles d'engager la responsabilité pénale des groupements.
Il s'est posé la question de s'avoir si un dirigeant de fait, peut
commettre une infraction au nom de la personne morale. En effet, le dirigeant
de fait est celui qui au mépris des statuts de l'être collectif,
intervient dans le contrôle et la gestion du groupement106. Il
s'agit alors d'opposer une réalité factuelle à une
réalité formelle107.
La Cour de Cassation française108 a
plutôt opté pour une réalité
factuelle109. Ainsi, les juges français admettent
l'engagement de la responsabilité de la personne morale du fait du
comportement de son dirigeant de fait à certaines conditions. Tout
d'abord, il faut que le dirigeant intervenant au mépris des statuts soit
reconnu par les organes ou représentants de droit de la
société. Bien plus, il est nécessaire que les actes de
direction et de gestion effectués par le
102 PLANQUE (J.), op.cit., p. 233. REINALDET DOS
SANTOS (T-J.) La responsabilité pénale à l'épreuve
des personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne
ibid. p.71.
103 DREYER (E.), op.cit., p. 730. Il faut souligner
que pour les personnes morales de droit public il est plus probable que la
source du pouvoir de représentation soit la loi, tandis que pour les
personnes morales de droit privé c'est plutôt les statuts de la
société qui va prévoir qui sont les représentants
et les organes de celle-ci. Dans le même sens DE SANCTIS (F.), op.cit.,
p. 23 et BONICHOT (J.-C.), « La responsabilité pénale des
personnes morales de droit public », in Gazette du palais,
mercredi 9, jeudi 10 juin 1999, p.35 REINALDET DOS SANTOS (T-J.) La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne ibid.
p.71.
op.cit. p.71.
104 ROBERT (J.-H.), Droit pénal
général, op.cit. p.380.
105 DESNOIX (E.), « Plaidoyer (français) pour la
consécration de l'infraction de corporate killing en Angleterre
»,
in Revue pénitentiaire et de droit pénal,
janvier/mars 2007, p.134.
106 SAINT-PAU (J.-C.), « La responsabilité des
personnes morales : réalité et fiction, in le risque
pénal dans l'entreprise Paris : Ed. Jurisclasseur », 2003
p.80. Selon certains auteurs, il est plus difficile d'imaginer une telle
situation concernant les personnes morales de droit public, voir RAGUÉ
(R.) i VALLÈS, Atribución de responsabilidad penal en estructuras
empresariales, in Nuevas tendencias del derecho penal económico y de
la empresa, Peru : Ara Editores, 2005, p. 144. Voir encore REINALDET DOS
SANTOS (T-J.) La responsabilité pénale à l'épreuve
des personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne
op.cit. p.74.
107 MARÉCHAL (J.-Y.), « Responsabilité
pénale des personnes morales », Paris : LexisNexis, 2010,
p.18
108 Cour de cass., Ch. crim., 17 décembre 2003, pourvoi
n° 00-87872, voir également Cour de cass., Ch. comm., 2 novembre 2005,
pourvoi n° 02-15895 et CA Douai, 26 février 2003, JurisData n°
2003-214506. MARÉCHAL (J.-Y.), Responsabilité pénale des
personnes morales, ibid. p. 18.
109 . MARÉCHAL(J.-Y.), Responsabilité
pénale des personnes morales, ibid. p. 18. REINALDET DOS SANTOS
(T-J.), Thèse, op.cit. p.74.
22
dirigeant de fait n'aient pas été
contestés par les organes de représentants de droit de la
personne morale110. Cette solution semble pertinente dans la mesure
où elle permet non seulement de tirer les conséquences de la
passivité des dirigeants de droit, mais aussi distinguer les cas
où la personne morale n'est que la victime du dirigeant de fait, de ceux
où elle serait coupable. Au Cameroun, la jurisprudence ne s'est pas
encore exprimée sur la question, mais la notion de dirigeant de fait
n'est pas étrangère au droit pénal des affaires où
les dirigeant de fait sont pénalement responsables. On peut imaginer que
la jurisprudence camerounaise adopte la même posture.
Positivement, la condition matérielle de
responsabilité pénale des personnes morales permet l'engagement
de la responsabilité des personnes morales pour certaines infractions.
Négativement, elle permet aussi d'exclure cette même
responsabilité pour certaines infractions commises en son sein.
2- Une condition permettant d'exclure la personne morale de
la commission de certaines infractions en son sein
24. Plusieurs infractions peuvent être commises par des
personnes rattachées à la personne morale. Mais toutes ne peuvent
pas lui être imputée. Dans ce sens il y a des infractions qui
n'engagerons pas la responsabilité pénale de l'être
collectif. En attribuant aux seuls organes et représentants de la
personne morale la possibilité de servir d'instrument de la
responsabilité pénale de la personne morale, le
législateur camerounais empêche ainsi à l'être
collectif de voir sa responsabilité mise en jeux par des personnes qui
ne caractérisent nullement son existence matérielle.
25. Partant de ce constat, la responsabilité
pénale de la personne morale est exclue lorsque l'infraction est commise
par toute personne n'ayant pas de pouvoir de direction ou d'orientation des
activités du groupement, comme ceux qui ne sont payés que pour
exécuter les ordres. Ainsi, les personnes ayant la qualité
d'employé, sont assimilées aux « mains » qui
s'occupent
110 PLANQUE (J.), op.cit., p. 261.
L'intérêt d'une telle exigence est « d'exclure
précisément le cas dans lequel la personne morale fait
plutôt figure de victime que de coupable », en raison d'une
contrainte sur elle. V., DELMAS-MARTY (M.), « Les conditions de fond de
mise en jeu de la responsabilité pénale », in Revue des
Sociétés, 1993, p. 306. GEEROMS (S.), op.cit., p
551. DESPORTES (F.) et LE GUNEHEC (F.), Droit pénal
général, op.cit. n° 606 et RASSAT (M.-L.), Droit
pénal général, Paris : Ellipses, 2006, n°422.
SAINT-PAU (J.-C), « La responsabilité des personnes morales :
réalité et fiction », op.cit. p. 98. REINALDET DOS
SANTOS (T-J.), Thèse, ibid. p75.
23
uniquement de l'exécution des tâches «
purement matérielles »111 ne peuvent pas en
principe engager sa responsabilité pénale.112 Bien
plus, un simple membre d'une association ; un militant de partis politique,
d'une coopérative, un volontaire d'une ONG ne faisant pas parti du
bureau ou même une personne n'ayant aucun lien avec le groupement ne
saurait engager la responsabilité pénale de l'être
collectif.
Il faudrait également exclure certains actionnaires ou
associés qui bien qu'ayant participés au capital social n'ont ni
droit de vote, ni mandat statutaire, légal ou judiciaire d'incarner la
personne morale. Ceci se justifie par le fait que la participation au capital
social d'une société n'est pas forcément la mesure du
pouvoir que l'on y exerce113.
La lecture de l'alinéa (a) de l'article 74-1 du code
pénal de 2016 permet également d'en déduire une seconde
condition qui peut s'analyser comme une condition morale.
B- La condition morale de la responsabilité
pénale des personnes morales : une condition primordiale
26. L'alinéa (a) de l'article 74-1
exige qu'en dehors du fait que l'infraction soit commise par une personne qui
incarne l'être moral, il faut également qu'elle soit «
commise pour [son] compte ». Cette condition comme l'ont
déjà fait remarquer certains auteurs, était
déjà présente dans plusieurs lois pénales
spéciales114 telles que la loi sur la cybercriminalité
notamment en son article 64 alinéa 1115 ; la loi
n°2005/015 du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le
trafic et la traite des enfants en son article 7 116. Cette
condition nous parait primordiale au moins pour deux raisons. D'abord parce
qu'elle permet de rattacher l'infraction à l'existence même de la
personne morale (1) ensuite parce qu'elle permet d'établir la
volonté illicite de la personne morale (2).
111 ROBERT (J.-H.), Droit pénal
général, op.cit. p. 380. REINALDET DOS SANTOS
(T-J.) La responsabilité pénale à l'épreuve des
personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne
ibid. p75.
112 Ibid., p.62.
113 KENMOGNE SIMO (A.) « La désolidarisation entre
participation au capital social et source du pouvoir en droit OHADA »,
op.cit., p.3.
114 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit., p. 221 - 244.
115 « Les personnes morales sont pénalement
responsables des infractions commises pour leur compte, par leurs organes
dirigeants ».
116 « ... les personnes morales peuvent être
déclarées pénalement responsables (...) lorsque les
infractions auront été commises par (leurs) dirigeants, agissant
dans l'exercice de leurs fonctions ».
24
1- Une condition permettant de rattacher l'infraction
à l'existence même de la
personne morale
27. Les êtres collectifs sont
généralement créés dans un but précis et
pour des activités précises. Les sociétés
commerciales par exemples sont créées pour faire du profit qui
sera partagé entre ses différents associés ou
actionnaires, les partis politiques pour conquérir le pouvoir. En
exigeant comme condition de la responsabilité pénale des
personnes morales la commission d'une infraction pour leur compte, le
législateur laisse ainsi comprendre que l'infraction pour être
imputable à la personne morale doit être liée à
l'existence même de celle-ci.
28. À cet effet, compte tenu des différents
objectifs poursuivis par l'existence des groupements, l'infraction commise pour
le compte de la personne morale peut d'abord être
considérée comme celle qui apporte une plus-value qui peut
être pécuniaire ou non pécuniaire. Celle qui donne une
meilleure visibilité de l'entreprise ; ou toute infraction ayant une
conséquence positive pour le groupement117. De ce point de
vue, il parait pertinent d'analyser les notions d'intérêt social
ou intérêt du groupement, et celui de profit. L'infraction peut
également être commise pour le compte de la personne morale
lorsqu'elle rentre dans le domaine son domaine d'activité, de telle
sorte qu'elle découle de la réalisation de son objet social. De
cet autre point de vue, la notion d'objet social peut nous aider à
examiner les contours de « l'infraction commise pour le compte de la
personne morale ».
29. L'idée d'intérêt social ou
l'intérêt du groupement justifie aisément la
deuxième condition, surtout lorsqu'on sait que les groupements sont des
acteurs économiques importants. Une infraction commise par un organe ou
un représentant parait donc être la première étape
pour accabler la personne morale en tant qu'auteur matériel, si cette
infraction est en plus commise dans l'intérêt ou au profit de la
personne morale, elle ajoute un côté intellectuel118
rassemblant ainsi tous les ingrédients d'une responsabilité
pénale. À cette effet, l'infraction commise pour le compte de la
personne morale est celle qui sert l'intérêt sociale. Mais
qu'est-ce que l'intérêt social ? Deux approches principales sont
utilisées pour la définir, la première
117 Rien n'empêche qu'une infraction
n'entrainant pas de conséquences positives pour les groupements puisse
être commise pour le compte de la personne morale.
118 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée Franco-brésilienne op.cit. p.146.
25
est celle qui considère l'intérêt sociale
comme « le seul intérêt convergent des associés
» l'autre « celui de l'institution sociétaire
»119.
30. L'approche considérant l'intérêt
social comme intérêt commun des associés a pour fondement
les articles 1832 et 1833 du code civil. En effet, il ressort d'après
l'article 1832 du Code civil que « La société est un
contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque
chose en commun, en vue de partager le bénéfice qui pourra en
résulter » ; l'article 1833 in médium dispose que
« toute société (...) doit être contractée
pour l'intérêt commun des parties (...) » Cette approche
fait prévaloir le caractère contractuel du groupement. Il parait
clair pour les tenants de cette approche que la société ne peut
avoir d'autres buts que celui de satisfaire l'intérêt des
personnes qui l'ont créé ou de ceux qui participent à son
capital social ou à sa direction et à son fonctionnement et qui
« ont seule vocation à partager entre eux le
bénéfice »120 .
31. Pour la seconde approche, l'intérêt de
social ne saurait être limité à l'intérêt des
associés qu'elle transcende nécessairement. Dans ce sens
l'intérêt social est l'intérêt supérieur du
groupement de telle sorte « qu'il tendrait à assurer la
prospérité et la continuité de l'entreprise
»121 cette approche est soutenue en partie par le
législateur OHADA lorsqu'il censure les abus de
majorité122 et de minorité ou même
d'égalité123 qui se définissent par le fait
qu'un groupe d'actionnaires paralysent ou favorisent la prise de
décision dans leur seul intérêt, et au mépris de
l'intérêt de la société.
En absence de définition précise par le
législateur, les autorités de poursuite peuvent opter pour une
conception protéiforme à contenu variable de la notion
d'intérêt social. Dans ce sens,
119 CADET (I.), « L'intérêt social, concept
à risque pour une nouvelle forme de gouvernance », Laboratoire
Groupe INSEEC-ECE LYON n° 13- juillet-décembre 2012 p. 17.
120ROUSSEAU (S.) TCHOTOURIAN (I.) «
L'intérêt social » en droit des sociétés :
Regards transatlantiques cours polycopié. P.9.
121 PAILLUSSEAU (J.), « Les fondements du droit moderne
des sociétés », in J.C.P., éd. E., 1993,
n°14193, p.165, ROUSSEAU (S.) TCHOTOURIAN (I.), cours polycopié ;
ibid. p.9.
122 Article 130 de l'acte uniforme OHADA relatif au droit des
sociétés commerciales et groupements d'intérêts
économique « il y a abus de majorité lorsque les
associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul
intérêt, contrairement aux intérêts des
associés minoritaires sans que cette décision ne puisse
être justifiée par l'intérêt de la
société ».
123 Article 13 « il y a abus de minorité ou
d'égalité lorsque, en exerçant leur vote, les
associés minoritaires ou égalitaires s'opposent à ce que
les décisions soient prises, alors qu'elles sont
nécessitées par l'intérêt de la
société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt
légitime ».
26
ils pourraient retenir la notion d'intérêt social
soit dans le sens de l'intérêt commun des associés ou plus
largement l'intérêt de l'institution
sociétaire124.
32. l'infraction peut également être
considérée comme commise pour le compte de la personne morale
lorsque celle-ci entre dans le champ d'activité quotidien du groupement
mieux, dans le cadre de la réalisation de son objet social. Autrement
dit, l'être moral est créé pour un objectif
déterminé. Et pour accomplir cet objectif, il doit mener des
activités, décrites dans l'objet social et
délimitées par lui en vertu du principe de
spécialité de l'existence des personnes groupements moraux. Selon
cette vision, toutes les infractions commises dans le cadre de cet objet social
doivent être mises au passif de la personne morale.
33. Sauf qu'une partie de la doctrine a vite constaté
que la loi exige la licéité de l'objet social du groupement. Ce
qui exclut l'existence de groupement avec un objet social qui est contraire
à la loi, et donc aucune activité délictueuse ne pouvait
être menée dans le groupement en vertu du principe de
spécialité dicté par son objet social125. De ce
fait, « dès qu'une infraction serait commise par un organe ou
un représentant, on devrait enlever l'écran de la
personnalité morale afin d'engager la responsabilité des
personnes physiques car le groupement devrait demeurer pénalement
irresponsable »126.
À première vue, cette analyse peut paraitre
pertinente, sauf à préciser que l'être collectif n'a pas
besoin d'avoir pour objectif la réalisation d'un acte illicite pour
qu'une infraction soit commise pour son compte127 d'une part.
D'autre part, l'observation du phénomène criminel permet de
comprendre que certains groupements ne sont créés que pour
commettre des infractions128 de telle sorte que dans la
réalisation de son objet social le groupement peut effectuer des
activités réprimées par la loi pénale et qui de
surcroit lui profite. Dès lorsqu'il y a du profit, le groupement doit en
assumer les conséquences comme le pensait déjà
SALEILLES « je ne vois pas pourquoi, du point de vue
de l'équité, celui qui devait profiter du délit n'en
subirait pas la sanction ; et ici celui qui devait profiter au délit, ce
n'est pas l'agent qui l'a commis, c'était la collectivité pour
laquelle il le commettait (...) avant tout, la peine doit
124 ROUSSEAU (S) TCHOTOURIAN (I) « L'intérêt
social » en droit des sociétés : Regards transatlantiques
» ibid. p.9.
125 RONTCHEVSKY (N.), « La notion d'entité
personnifiée », in LPA, 11 décembre 1996, n°149,
p.9.
126 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), Thèse, op.cit.
p.149.
127 Ibid. p.159 et 160.
128 Sociétés écrans par
exemples.
27
atteindre le patrimoine qui devait profiter du
délit, c'est-à-dire celui de la personne juridique appelée
à en bénéficier »129.
Si la seconde condition de la responsabilité
pénale des personnes morales permet de la rattacher la commission d'une
infraction, comment met-elle en exergue la volonté groupement ?
2- Une condition permettant d'établir la
volonté illicite de la personne morale
34. La seconde condition de la
responsabilité des personnes morales peut être
considérée comme une condition psychologique dans la mesure
où elle permet de savoir si la volonté du groupement se cache
derrière l'infraction et si ladite infraction laisse transparaitre la
« subjectivité criminelle de la personne morale
»130.
Une infraction commise pour le compte de la personne morale
permet de caractériser sa volonté illicite, lorsqu'on se rend
compte que les notions d'intérêt supérieur du groupement et
d'objet social constituent en quelque sorte l'esprit qui se cache
derrière tous les actes passés par la personne morale. La
personne morale sera déterminée à effectuer, par
l'entremise de ses organes ou représentant des actes qui lui procurent
une plus-value économique et incontournables dans la réalisation
de son objet social. Les organes et les représentants en tant
qu'âme dirigeante de la personne morale ressentiront toujours ce besoin
d'agir dans le sens de l'intérêt du groupement pour lui assurer
d'atteindre la béatitude, de ce fait, toutes les infractions
réalisées pour l'accomplissement de l'intérêt de
groupement ou la réalisation de son objet peuvent être
considérées comme ayant été accomplis pour
satisfaire sa volonté.
Ce constat nous permet d'exclure les infractions commises par
les organes ou représentant qui ne satisfont que leur
intérêt personnel ou l'intérêt d'une tierce personne
au groupement, dans ces cas la personne morale est la victime et non l'auteur
de l'infraction.131
129 SALEILLES (R.), De la personnalité Juridique
histoire et théorie, Paris : Éditions la mémoire du
droit, 1992, p. 10.
130 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), Thèse, ibid.,
p. 149 ; AFCHAIN (M.-A.), La responsabilité de la
société, Thèse Tours, 2006, p. 157, p. 235.
131 « Dans cette hypothèse, la personne morale
peut, par ailleurs, se constituer partie civile contre la personne physique
représentant ou organe » REINALDET DOS SANTOS (T-J.),
Thèse, op.cit. p. 158 (voir Cour de cass., Ch. crim., 20 juin
2007, Dr. pén. 2007, comm. 142, obs. M. Véron).
28
§2 : L'effectivité dans la mise en oeuvre des
conditions de la responsabilité pénale des personnes
morales
35. L'énoncé de l'alinéa (a) de
l'article 74-1 du code pénal de 2016 harmonise les conditions qui
étaient déjà énoncées dans plusieurs lois
spéciales. Cette harmonisation revigore l'obligation de subir la
répression en ce qu'elle a une certaine effectivité.
Étudier l'effectivité d'une règle peut d'abord vouloir
dire interroger son application132 (A) mais également,
l'atteinte d'un résultat escompté lors de la création de
la règle (B)
A- L'effectivité dans l'application des
conditions de la responsabilité des personnes
morales
36. Si l'ineffectivité peut s'entendre de la non
application d'une règle par les autorités en charge de son
implémentation, de son contrôle et même des magistrats
compétents pour poursuivre et sanctionner leur violation,
l'effectivité repose quant à elle, comme l'affirmait
déjà le Doyen Jean Carbonnier sur « l'application
»133 de la règle ; le contrôle ou la
conformité des différents acteurs aux dispositions de cette
règle134. De ce point de vue, parler de l'effectivité
des conditions de la responsabilité pénale des personnes morales
revient à constater que le juge exige effectivement l'identification
d'une personne physique agissant es qualité pour se prononcer sur la
culpabilité de la personne morale (1) ou encore, lorsque l'application
stricte semble compromise, se base sur des présomptions qui permettrons
l'application des dispositions légales (2).
1- L'identification formelle de la personne physique
agissant es qualité, une exigence première de la
jurisprudence
37. Pour mettre en oeuvre la responsabilité
pénale personnes morales, le législateur exige que l'infraction
commise pour son compte soit commise par un organe ou un représentant.
Pour l'application de cette condition, la plupart des jurisprudences
étrangères135 ont exigé pour cela que la
personne physique servant de substratum humain à la personne morale soit
formellement identifiée. Elles ont ensuite exigé que l'intention
coupable soit recherchée chez l'organe
132 AMSELEK (P.), Perspectives critiques d'une
réflexion épistémologique sur la théorie du
droit, Paris : LGDJ, 1964, p. 340.
133 CARBONNIER (J), Flexible droit. Pour une sociologie du
droit sans rigueur, Paris : LGDJ, 9 éd., 1998, p. 133.
134 LEROY (Y), « La notion d'effectivité du droit
» in Droit et société 2011/3 n° 79, pp. 715 -
732.
135 En Angleterre la vicarios liabylity exige même la
condamnation de personne physique comme condition de la condamnation des
personnes morales.
29
dirigeant la personne morale ou le représentant de
celle-ci plutôt que chez la personne morale
elle-même136. À cet effet, une faute distincte de la
personne morale n'avait pas besoin d'être établie pour que
celle-ci soit rendue responsable137, ce qui favorise aussi plus
souvent l'engagement de la responsabilité des personnes physiques. La
jurisprudence camerounaise, devrait donc opter pour la même technique de
l'identification pour que l'alinéa (a) de l'article 74-1 reçoive
une application littérale.
38. Pourtant, pour des raisons d'opacité dans la
gestion de la personne morale138, les jurisprudences
étrangères ont décidé de procéder par un
raisonnement par déduction en présumant la commission d'une
infraction par un organe ou un représentant de la personne morale
lorsque la situation ne permettait pas une identification formelle.
2- La présomption d'identification de la personne
physique agissant es qualité, une exigence palliative de la
jurisprudence
39. L'utilisation de la présomption d'identification
est le résultat d'une évolution réalisée en
étapes successives, et presque imperceptibles139. Les juges
de fond d'instance et des cours d'appel ont commencé à raisonner
comme si l'infraction était commise en tous ses éléments,
par la personne morale elle-même. Ce changement de vision des juges de
fond, s'est répercuté sur les hautes juridictions. En France, la
Cour de cassation a en effet rejeté un pourvoi qui reprochait à
l'arrêt rendu par la cour d'appel de n'avoir pas fait le constat que
l'infraction avait été commise par un organe un
représentant. La haute juridiction a en effet jugé que dans ce
cas d'espèce nul besoin n'était de prouver formellement
l'implication d'une personne physique lorsque les circonstances laissaient
clairement apparaitre que l'infraction a « nécessairement
été commise par un organe ou un représentant
»140.
Cette analyse faite par la haute juridiction semble
pertinente. Elle a vocation à s'appliquer à des infractions qui
n'étaient pas forcément destinées à être
perpétrées par des êtres sans chair comme les homicides,
les coup et blessures involontaires. Il est donc possible de condamner la
136 Cass. crim. 18 janvier 2000, Bull. n° 28.
137 Ibid.
138 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français », op.cit. 36.
139 Ibid. P.52.
140 - V. égal. cass. crim. 24 mai 2000, Bull. n° 203,
RSC 2000, p. 816 obs. Bouloc (B.).
30
personne morale parce qu'il peut être supposé que
celle-ci n'a pas « par ses organes ou représentants, accompli
toutes les diligences qui s'imposaient à elle en matière de
sécurité »141, ou même parce que
l'infraction ayant été commise dans le cadre « de la
politique commerciale des sociétés et ne peuvent, dès
lors, avoir été commises, pour le compte des
sociétés, que par leurs organes ou représentants
»142.
40. La présomption de commission de l'infraction par
l'organe ou le représentant semble donc être une astuce pour
assurer l'application de l'alinéa (a) l'article 71-1 du code
pénal camerounais, dans les cas où, il est difficile de
l'appliquer stricto sensu. Il semble intéressant pour la jurisprudence
camerounaise d'explorer la même piste, même si de
sévères critiques doctrinales ont été
portées sur le raisonnement par présomption ont été
portées143.
Tout compte fait, il semble que les conditions de
responsabilité pénale des personnes morales décrites par
le législateur pourraient être appliquées soit de
façon stricte soit de façon plus large par les
présomptions, ce qui lui confère une certaine effectivité
et qui renforce la répression des personnes morales. Mais sont-elles
effectives dans ce sens où elle permet une imputation de l'infraction
à la personne morale ?
B- L'effectivité dans l'atteinte des
résultats escomptés par l'application desdites
conditions
41. Les conditions décrites par le législateur
si elles sont appliquées, visent à établir le lien entre
la commission d'une infraction et la personne morale. Ces conditions ont
été élaboré d'abord pour permettre de faire
endosser à la personne morale la qualité d'auteur de coauteur ou
de complice. Ensuite pour établir en vertu de l'imputation, que la
volonté de la personne morale se cache bien derrière l'acte
illicite. Partant de cette précision, il convient de relever que si dans
la plupart des cas, la double condition énoncée par
l'alinéa (a) de l'article 74-1 du code
141 Ch. Crim., 13 septembre 2005.
142 Des sociétés différentes
étaient poursuivies, elles ont été condamnées par
la Cour d'Appel qui s'est basée exclusivement sur la relation existante
entre cette société pour déduire que seule des personnes
physiques organes ou représentants aurait pu commettre de telle
infraction. Cette solution a été confirmée par la Cour de
Cassation, Dans un arrêt du 25 Juin 2008. MARÉCHAL (Y) «
L'exigence variable de l'identification de la personne physique » in
Dépénalisation de la vie des affaires et responsabilité
pénale des personnes morales, (dir.) de MORGANE DAURY-FAUVEAU et
MIKAËL BENILLOUCHE CEPRISCA, p.52.
143 Lire à cet effet, le professeur MAYAUD (Y), -
RSC 2006, p. 825. MATSOPOULOU (H.), « Le non renvoi de la QPC
tendant à constater l'imprécision de l'article 121-2 du Code
pénal au Conseil constitutionnel », JCP 2010. II. 1031.
31
pénal Camerounais abouti effectivement à un tel
résultat (1) dans d'autres cas par contre on observe une
ineffectivité desdites conditions (2).
1- Des conditions permettant effectivement l'imputation de
l'infraction à la personne morale dans la majeure partie des cas
42. Les personnes morales, ont pour la plupart une structure
et une organisation définies par la loi, ou par les statuts. Elles
agissent par définition par l'intermédiaire de leurs organes ou
de leurs représentants de telle sorte que les conditions fixées
à l'alinéa (a) de l'article 74-1 du Code pénal, trouvera
toujours application. Et lorsqu'une infraction a été commise en
son sein, elles permettront après analyse de la structure
sociétaire et des statuts de faire ressortir la volonté de la
personne morale, lorsque celle-ci en a profité. Et même dans les
cas où des difficultés surviendraient, dans l'identification de
la personne physique agissant es qualité, la logique
suggérée par la jurisprudence permet de se contenter d'une
identification abstraite basée sur les présomptions.
2- L'ineffectivité constatée de la double
condition de la responsabilité pénale des personnes dans certains
cas
43. Le rattachement de la responsabilité pénale
de la personne morale au modèle identificatoire pose des
difficultés dans son application. Ces difficultés sont de
plusieurs ordres, elles vont de l'impossibilité souvent constatée
d'identifier l'organe ou le représentant ayant agi es qualité ou
même de présumer son intervention ; jusqu'à
l'impossibilité de condamner la personne morale apparemment coupable. Ce
qui a poussé la doctrine à proposer un autre critère
d'imputation de l'infraction à la personne morale
Tout d'abord, il est possible de remarquer que le dispositif
décrit à l'alinéa (a) de l'article 74-1 ne permet pas
d'appréhender ce qui devrait constituer le noyau dur de la
délinquance des groupements, ce que Geneviève
GIUDICELLI-DELAGE décrit comme étant la
délinquance d'entreprise 144 « c'est-à-dire des
infractions dont la consommation est incontestable mais qu'il est impossible
pour des raisons d'anonymat ou de dilution des responsabilités d'imputer
à une personne physique »145.
144 CONSIGLI (J.) « La responsabilité
pénale des personnes morales pour les infractions involontaires :
critères d'imputation », Revue de science criminelle et de
droit pénal comparé 2014/2 n° 2, pp 297 - 310.
145 Giudicelli-Delage (G.), « La responsabilité
pénale des personnes morales en France », in Aspects nouveaux
du droit de la responsabilité aux Pays-Bas et en France, Paris :
LGDJ, 2005., p. 193.
32
Ainsi, dans l'hypothèse où l'identification du
représentant ou de l'organe est impossible soit parce que l'infraction
résulte d'une série d'actes eux-mêmes non fautifs mais donc
l'addition constitue une infraction146, ou dans les cas où
l'opacité dans la gestion de la personne morale ne suggère guerre
qu'une infraction a pu être commise par l'organe où le
représentant147. Dans cette hypothèse
précisément, on aboutirait inévitablement à une
impossibilité de la condamner. L'institution de la responsabilité
pénale de l'être collectif semble vidée de son
utilité, dans la mesure où le groupement verra sa
responsabilité exclue pour des infractions qui parfois « ne
pourront être réalisées que par des personnes morales
» 148.
44. Face à ces difficultés, une
partie de la doctrine a émise l'hypothèse d'une
responsabilité pénale directe de la personne morale sans
représentation fondée sur un défaut
d'organisation149. La théorie organisationnelle ainsi
nommée prône l'engagement de la responsabilité
pénale des personnes morales chaque fois, qu'une infraction peut
être rattachée à une organisation interne
déficiente150. Cette théorie part du principe qu'il
devrait exister des conditions d'imputations propres à la personne
morale qui doivent nécessairement être différentes de
celles applicables aux personnes physiques151. Elle permet de
démontrer que la personne morale a fait un usage inadéquat de sa
faculté d'organisation justement pour des finalités contraires
à la loi.
La thèse de l'imputation basée sur un
défaut d'organisation part ainsi du principe selon lequel les personnes
morales sont libres dans le choix de leur structuration, et dans l'exercice de
cette liberté, elles peuvent faire des choix ne respectant ni les
obligations sécuritaires légalement prévues ni les
dispositions indispensables pour empêcher la commission d'infractions en
son sein152. La théorie organisationnelle semble
néanmoins poser quelques
146 CONSIGLI (J.) « La responsabilité
pénale des personnes morales pour les infractions involontaires :
critères d'imputation », ibid. pp 297-310.
147 Ibid.
148 COUVRAT (P), « La responsabilité pénale
des personnes morales - un principe nouveau », in Petites
Affiches, 6 octobre 1993, n° 120. p. 15. LOMBOIS (C.), Droit
pénal général, Hachette, 1994, p. 73 : «
Rien n'exclut, textuellement, la possibilité d'infractions propres aux
personnes morales ».
149 CONSIGLI (J.) « La responsabilité
pénale des personnes morales pour les infractions involontaires :
critères d'imputation » ibid.
150 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? op.cit. p 221 et s.
151 « Une culpabilité distincte, autonome, la
personne morale commettant sa propre faute rattachée à la
même infraction, mais produit de sa structure, de son modèle de
gouvernement » COEURET (A.) « La responsabilité
pénale en droit pénal du travail : vers un nouvel
équilibre entre personnes physiques et personnes morales », in
Dépénalisation de la vie des affaires et responsabilité
pénale des personnes morales, Paris : PUF, 2009, p.306. L'auteur
utilise l'appellation « culpabilité » pour faire
référence à ce qu'on appelle « imputabilité
».
152 « L'élément matériel de
l'infraction accomplie par la personne morale est un défaut dans son
organisation » BAJO FERNÁNDEZ (M.), FEIJÓO SANCHEZ (B.)
et GÓMEZ-JARA (C.) DÍEZ, op.cit., p. 122.
33
difficultés dans ce sens où elle peut tendre
à l'extension du champ de la responsabilité pénale des
personnes morales tout comme elle peut la limiter drastiquement153.
En effet, toutes les infractions commises pour le compte de la personne morale
par des personnes qui l'incarne n'engagera pas la responsabilité de
celle-ci si elle ne relève pas d'un défaut d'organisation, cela
reviendrait à exclure la personne morale de la plupart des
activités criminelles en son sein.
45. D'un autre côté la
théorie de l'organisation défectueuse, si elle peut s'appliquer
aisément pour les infractions consommées surtout les infractions
d'imprudence (dans la mesure où le défaut dans l'organisation
peut caractériser une faute d'imprudence qui augmente le risque de
commettre l'infraction), parait moins adaptée aux infractions simplement
tentées154. La répression de la tentative dans le cas
des personnes morales s'avèrera plus compliquée, en effet,
comment démontrer que la personne morale à tenter de commettre
une infraction en créant un défaut d'organisation ? L'imputation
par une organisation défectueuse semble poser autant de problème
qu'elle n'en résout, raison pour laquelle le législateur
camerounais ne l'a pas consacrée, selon nous, il serait
préférable d'adopter une vision nuancée en appliquant le
modèle d'imputation par identification pour les infractions
intentionnelles et le modèle d'imputation pour défaut
d'organisation pour les infractions d'imprudence. D'autres systèmes
pénaux utilisent le défaut d'organisation comme un système
d'organisation subsidiaire lorsque l'identification de la personne physique
agissant es qualité est impossible155.
La précision des conditions de la responsabilité
des personnes morales a entrainé de façon directe une
revigoration de l'obligation de subir pesant sur les personnes morales, tout
ceci grâce à sa cohérence mais aussi à son
effectivité. Même si elle présente quelques limites, la
double condition imposée par l'alinéa (a) de l'article 74-1
parait difficile à remplacer surtout
153 « Le modèle organisationnel peut, de
façon concomitante, limiter ou élargir le champ d'application de
la responsabilité pénale des groupements. D'un côté,
si l'on pense au lien de causalité global proposé par un tel
modèle, on peut dire qu'une telle idée de causalité va
élargir l'application de cette responsabilité, car finalement la
structure de la personne morale peut être à l'origine de toutes
les infractions accomplies au sein du groupement. Néanmoins, d'un autre
côté, le modèle organisationnel exige la
démonstration d'un défaut dans l'organisation ou dans la
structure du groupement pour sa responsabilité pénale, une telle
exigence va nécessairement limiter l'application d'une telle
responsabilité, notamment dans le cadre de la théorie de la faute
distincte. En effet, on crée une condition additionnelle pour la
reconnaissance de la responsabilité pénale de la personne morale,
alourdissant par conséquent le mécanisme de la
responsabilité » REINALDET DOS SANTOS (T-J.) La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne op.cit.
7 p. 136. SAINT-PAU (J.-C.), « La responsabilité des personnes
morales : réalité et fiction », op.cit. p. 86.
154 La tentative regroupant toutes les hypothèses
d'exécution infructueuse de l'infraction à savoir la tentative
interrompue, la tentative manquée, la tentative impossible.
155 Code pénal suisse article 102 alinéa 1
« un crime ou un délit qui est commis au sein d'une entreprise
dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts est
imputé à l'entreprise s'il ne peut être imputé
à aucune personne physique déterminée en raison du manque
d'organisation de l'entreprise (...) ».
34
par un mécanisme d'imputation basé sur un
défaut d'organisation. Pourtant il nous semble qu'elle pourrait
néanmoins être complétée pour combler ses lacunes
dans le cadre des infractions d'imprudence ou lorsque l'impossibilité
d'identifier l'organe ou le représentant sera inévitable. Un
autre facteur également prévu par le législateur a fait
retrouver toute sa vigueur à l'obligation de subir la
répression.
Section 2 : une vigueur renforcée par
l'amélioration du régime de la sanction pénale des
personnes morales
46. Qui dit obligation de subir la répression dit
nécessairement, le cas échéant l'assujetissement à
la sanction pénale. Ainsi, le développement de la
pénologie des personnes morales a considérablement
renforcé cette obligation, d'autant plus que le législateur de
2016 en s'appuyant sur les lois spéciales l'a mené à bout
non seulement en déterminant les sanctions applicables aux personnes
morales ce qui constitue un terreau de la répression des personnes
morales (§1), mais aussi en déterminant les
modalités ayant permis l'application effective desdites sanctions
à la personne morale ( §2).
§1 : La détermination des sanctions
applicables à la personne morale, terreau de la répression des
personnes morales
47. Du point de vue statique, la sanction est liée
à une incrimination156, dans ce sens elle est fixée de
façon objective en prenant en compte la gravité de l'acte
réprimé, et son objectif principal est d'infliger une souffrance
à celui qui la subit, en même temps qu'elle permet de
prévenir la criminalité ou même de faire cesser
l'état délictueux. C'est dans cette optique que le
législateur camerounais de 2016 a érigé un cadre
général de la sanction pénale applicable aux personnes
morales (A) et a ensuite permis l'autonomisation desdites sanctions (B).
156 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp 221 et s.
35
A- La détermination d'un cadre
général de sanction pénale applicable à la
personne
morale
48. En matière de sanction pénale, la
première remarque est celle liée au fait que chaque
législateur détermine un régime général des
peines applicables aux délinquants157. Ce régime est
dressé dans la partie générale du Code pénal et est
appelé à s'appliquer indépendamment des domaines. De
façon abstraite, le législateur envisage des sanctions de types
différents (1) et les circonstances qui les aggraves (2).
1- La typologie des sanctions applicables à la
personne morale
49. Le législateur impose une distinction
théorique entre peine principale, peine alternative et peine accessoire
mais aussi les mesures de sûretés. Cette distinction
théorique est clairement affichée dans les articles 18 et
suivants du Code pénal camerounais.
La peine principale c'est celle qui est attachée
à titre fondamentale à une incrimination158. C'est
elle qui permet de déterminer la nature de l'infraction (crime,
délit contravention). La peine principale est prévue par chaque
texte incriminateur159. Elle doit être expressément
prononcée par le juge pour pouvoir s'appliquer au condamné. La
peine accessoire est une peine qui découle de plein droit du
prononcé d'une peine principale qu'elle vient renforcer sans que le juge
ait à la maintenir dans son jugement. Elle se distingue ainsi de la
peine alternative qui s'ajoute principale mais ne découle pas de plein
droit de la condamnation160.
L'intérêt de la distinction peine et mesure de
sûreté dans le cadre de la sanction pénale de la personne
morale permet, d'agir « ante délictum
»161, c'est à dire à des personnes
qui n'ont pas commis une faute ou qui ne peuvent pas commettre de faute mais
présentent un état dangereux162. À cet effet,
les mesures de sûretés peuvent être décidées
avant la déclaration de culpabilité et même à
l'encontre des personnes qui ne sont pas pénalement responsables
comme
157 Ibid. pp. 221 et s.
158 MINKOA SHE (A.), cours polycopié de droit
pénal général, dispensé en Licence II droit
privé, année académique 2015-2016.
159 Ibid.
160 Ibid.
161 Ibid.
162 Ibid.
36
le dément ; des groupements dont le fonctionnement
représente un danger pour l'ordre public qu'ils soient dotés ou
non de la personnalité juridique.
50. L'autre question soulevée par la distinction entre
peine et mesure de sûreté est de savoir si on admet seulement
l'emploi alternatif de la peine et de la mesure de sûreté ou si on
peut infliger à la fois les deux types de sanctions ? Le
législateur n'a pas apporté une réponse précise
pour les personnes morales, mais il est possible d'appliquer les deux types de
sanctions de façon alternative dans certains cas et de façon
cumulative dans d'autres cas.
2- La détermination de cause d'aggravation de la
sanction pénale des personnes
morales
51. Au-delà la détermination d'un régime
général de la sanction applicable à la personne morale, le
législateur anticipe sur les causes qui pourraient influencer cette
dernière. À cet effet, le législateur Camerounais s'est
limité expressément à l'aggravation de la sanction
applicable à la personne morale et n'a décidé que d'une
seule cause : la récidive. L'article 88 du code pénal de 2016 qui
traite de la récidive des personnes physiques et morales prend soin de
définir le récidiviste et les effets de la récidive.
Le législateur prend le soin de distinguer la
récidive suivant la gravité des infractions, à cet effet,
une distinction est faite entre la récidive des crime et délits,
et la récidive des contraventions. Ainsi est considérée
comme récidiviste toute personne morale condamnée pour un crime
ou délit, qui commet un nouveau crime ou délit à la date
de sa condamnation définitive ou avant l'expiration d'un délai de
cinq (05) ans après l'exécution de la peine prononcée ou
de sa prescription163. Mais aussi toute personne morale qui connait
une nouvelle condamnation après avoir déjà
été condamnée pour contravention à compter de la
date à laquelle la condamnation est devenue définitive et
jusqu'à 12 mois après l'exécution de la peine
prononcée ou sa prescription164.
163 Article 88 alinéa 1 (a) du code pénal
camerounais de 2016 « est récidiviste toute personne physique
ou morale qui, après avoir été condamnée pour crime
ou délit, commet une nouvelle infraction qualifiée de crime ou de
délit dans un délais qui commence à courir à
compter de la date de la condamnation définitive et qui expire cinq (05)
ans après l'exécution de la peine prononcée ou de sa
prescription ».
164 Article 88 alinéa 1 (b) du code pénal
camerounais de 2016 « est récidiviste (...) toute personne
physique ou morale qui, après avoir été condamnée
pour contravention, commet une nouvelle contravention dans un délai qui
commence à courir à compter de la date de la condamnation devenue
définitive, qui expire douze (12) mois après l'exécution
de la peine prononcée ou sa prescription ».
37
Toute personne morale reconnue comme récidiviste,
encoure le double du maximum de la peine prévue165.
52. La volonté du législateur de décrire
un cadre général de la sanction pénale applicable aux
personnes morales pénalement responsable est louable, et à
côté de cette consécration explicite des circonstances
aggravant la sanction des personnes, l'on peut déceler implicitement que
les mesures tendant à effacer la condamnation et ou la sanction comme la
réhabilitation ou même l'amnistie peuvent également
être étendue à la personne morale.
Au-delà de la détermination
générale se déployant dans un cadre théorique, le
législateur détermine aussi de façon concrète les
sanctions qui seront appliquées le cas échéant à la
personne morale.
B- La détermination concrète des
sanctions pénales applicables à la personne morale
53. Concrètement, le législateur camerounais
envisage plusieurs façons de punir la personne la personne morale.
À cet effet, la punition peut avoir une connotation économique,
politique (...) Une analyse des article 18 et suivant du code pénal
camerounais de 2016 laisse paraitre à côté des sanctions
visant le patrimoine de la personne morale (1), les sanctions visant son
existence et son honorabilité (2).
1- Les sanctions visant le patrimoine de la personne
morale
54. Généralement, la personne morale est
constituée à but lucratif, lorsqu'elle permet à ses
membres de faire du profit ou non lucratif, lorsqu'elle ne vise pas un
quelconque profit pécuniaire. Indépendamment de la divergence des
objectifs, la personne morale a besoin de capitaux pour fonctionner. Pour punir
la personne morale il est donc possible d'envisager des sanctions qui touchent
ses biens, mieux son patrimoine et même la paralysie de ses
activités et les investissements.
55. Dans ce sens, le législateur Camerounais a
prévu dans les mesures répressives applicables à la
personne morale, la peine d'amende comme peine principale pour toucher la
personne morale en son portefeuille166 et ainsi réduire le
plus possible sa propension à violer la
165 Article 88 alinéa 2 « En cas de
récidive, le maximum de la peine prévue est doublé
».
166 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 et s.
38
loi pénale. Elle est définie comme «
une peine pécuniaire en vertu de laquelle le condamné, personne
physique ou morale, verse ou fait verser au trésor public une somme
d'argent déterminée par loi »167. L'amende
constitue à n'en point douter un outil efficient de prévention et
de punition des personnes morales, elle est avec les confiscations des moyens
de contrainte de la personne morale. Parlant justement des confiscations, elles
sont envisagées comme mesure de sûreté et peuvent donc
être appliquée « ante delictum ». Elles peuvent
viser le « corpus délicti », les instruments ayant
permis à la personne morale de perpétrer une infraction et
même les bénéfices découlant de l'infraction.
D'autres mesures touchant les activités de la personne morale, peuvent
être envisagée. Elles ont des répercussions sur le
patrimoine de la personne de la personne morale en ce qu'elle vise soit la
cessation d'activité, le placement sous assistance judiciaire et
même l'interdiction d'investissement.
56. Pour ce qui est de la cessation
d'activité, le législateur camerounais pour punir la personne la
personne morale, érige comme peine accessoire la fermeture
d'établissement et même des succursales ayant servi à la
commission des infractions incriminées168. Il faut entendre
par établissement, la personne morale169 et non une usine une
simple boutique. Ainsi, de telles sanctions visant l'activité des
personnes morales, retentissent nécessairement sur son patrimoine
dès lors qu'elles seront amputées de l'apport financier desdits
établissements et succursales. La pertinence d'une telle sanction n'est
plus à démontrer, en effet, par rapport aux fonctions de la
sanction pénale, elle vise la cessation de l'état
délictueux, et partant à prévenir la commission de
nouvelles infractions par les établissements et succursales
concernées.
Le législateur envisage également comme peine
accessoire des interdictions d'investir directement et même indirectement
dans l'une ou plusieurs des activités prévues par son objet
social170. Le législateur entend donc toucher la raison
d'être de la personne morale. Cette mesure, parce qu'elle est
limitée dans le temps, peut permettre à la personne morale de
s'amender ou même d'adopter des mesures plus respectueuses des normes
pénales171, et permet en même temps, de réaliser
la fonction d'amendement de la sanction pénale. Le législateur
camerounais envisage enfin, pour ce qui est des sanctions visant
l'activité des personnes
167 Article 25-1 code pénal de 2016.
168 Article 19 alinéa b code pénal de 2016.
169 Voir article 25 alinéa 3 code pénal de 2016.
170 Article 19 alinéa b.
171 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. p. 221 et s.
39
morales et par ricochet son patrimoine, le placement de la
personne morale sous surveillance judiciaire, pendant une durée
déterminée, pour lui permettre de revoir sa copie.
Au-delà des sanctions portant atteinte au patrimoine de
la personne morale, le législateur a envisagée le renvoie
à des textes spéciaux pour sanctionner la personne morale sur son
patrimoine il s'agit ainsi des exclusions des marchés financiers
à titre temporaire ou définitif172, l'interdiction de
faire appel à l'épargne (...) Il a également prévu
des sanctions qui vont toucher l'existence même de la personne morale,
ainsi que son honorabilité.
2- Les sanctions visant l'existence et
l'honorabilité de la personne morale
57. Pour sanctionner la personne morale, le
législateur a envisagé des mesures tendant à porter
atteinte à son image « de marque »173 mais
également sa vie. Ces deux sanctions sont adaptées l'une parce
que la personne morale est très attachée à l'opinion que
ses partenaires, ses clients se font d'elle, et de surcroit toute leur
activité est basée sur la relation de confiance qui existe avec
les différents partenaires174. Le législateur en
prévoyant des peines accessoires comme la publication de la
décision condamnant la personne morale ou sa diffusion par voie de
média, vise comme l'ont affirmé certains auteurs la
stigmatisation sociale qui découlerait de l'annonce publique de
l'indignité de la personne morale et des manoeuvres illicites dont elle
use175.
58. L'autre sanction à savoir la dissolution,
envisagée comme peine principale semble être l'une des plus
lourde. La dissolution semble être la peine capitale pour la personne
morale. Elle suppose de mettre un terme définitif à l'existence
de la personne morale. Elle parait nécessaire pour la
préservation de l'ordre public, et parait justifiée lorsqu'il est
établi que la personne morale n'a été créé
que pour commettre des infractions ; lorsque la personne morale est une source
de criminalité organisée et assure l'impunité de ses
membres176.
172 Lire à cet effet, la loi de 2010 sur la
cybercriminalité en son article 64 (4) : « Peuvent être
prononcées contre les personnes morales, l'exclusion des marchés
publics à titre définitif ou pour une durée de cinq (05)
ans au moins ».
173 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. p. 221.
174 Ibid.
175 Ibid., FISSE (B.), « The use of publicity as
a criminal sanction against business corporations », 8 Melb.
University Law Review, 1971, p.107 et s.; MIESTER (D.J.), « Criminal
liability for corporations that kill », 64 Tulane Law review,
1989, p.424. COFFEE (J.C.), « No soul to damn, no body to kick : an
unscandalized inquiry into the problem of corporate punishment », 79
Michigan Law Review, 1981, p.424.
176 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » ibid.
40
La vigueur retrouvée de l'obligation de subir la
répression découle aussi de la prévision par le
législateur des modalités d'application de la sanction à
la personne morale.
§2 : L'application des sanctions pénale
à la personne morale
59. Au-delà de la détermination d'un cadre
général et d'un cadre concret des sanctions applicables aux
personnes morales délinquantes, le législateur de 2016, a
mené à bout tous les éléments importants d'une
pénologie des personnes morales, à cet effet il a fixé les
modalités de calcul de l'amende pour les personnes morales, mais
également déterminé les sanctions pénale applicable
aux personnes morales pour les infractions qui ne lui était pas
jusqu'à l'admission du principe général imputable.
Tous ces éléments visent de favoriser une
effectivité dans l'application des sanctions pénales à la
personne morale, mais il convient de préciser que si l'application des
sanctions à la personne morale parait facile dans certaines
hypothèses (A) dans d'autre, elle parait plus laborieuse (B).
A- Les hypothèses d'application de la sanction
pénale à la personne morale
60. Dans certaines circonstances il apparait que faire
appliquer la sanction à une personne morale déclarée
pénalement responsable parait simple (1) dans d'autres cas, elle parait
plus laborieuse (2).
1- L'application commode des sanctions pénales
à la personne morale
61. L'Etat ayant le monopole de la contrainte
légitime, il peut faire facilement exécuter toute décision
de justice pénale177 à l'encontre personnes morales
ayant leur siège sur le territoire camerounais178, surtout
partant du fait que les personnes morales contrairement aux personnes physiques
sont immobiles.
Il nous parait également commode d'appliquer la
sanction à la personne morale lorsqu'elle est « in bonis
». On dit d'une personne physique ou morale qu'elle est « in
bonis » lorsqu'elle
177 SOH FOGNO (D. R.) « La sanction pénale des
personnes morales en droit camerounais » in LE NEMRO Revue
Trimestrielle de Droit Economique Janvier/mars 2020, p. 62.
178 Voir l'article l'art. 7 al. 2 du code pénal, sont
compris dans le territoire de la République du Cameroun, en plus de la
terre ferme, les eaux territoriales et l'espace aérien au-dessus de ce
territoire et de ces eaux, ainsi que les navires et aéronefs
immatriculés au Cameroun.
41
est maitresse de son patrimoine, parce qu'elle peut faire face
à ses dettes179. Pour les sociétés commerciales
ou les entreprises, elles sont dites « in bonis » lorsqu'ils
ne sont pas dessaisis de leur patrimoine, et qu'ils ne font pas l'objet d'une
procédure collective d'apurement du passif180. En tout
état de cause le paiement d'une amende, l'interdiction d'investissement
peut être mieux supportée par les personnes morales in bonis.
62. Mais la sanction pénale peut entrainer des
difficultés chez la personne morale, en effet, le paiement d'une amende
trop élevée peut entrainer la cessation de paiement la
liquidation des biens de la société. Le juge devra donc
nécessairement, compte tenu de l'importance de la personne morale et de
la nature de l'infraction sanctionner la personne morale en fonction de son
capital social ou de son chiffre d'affaire181. À
côté de ces hypothèses d'application plus ou moins
aisées, il existe des hypothèses d'application laborieuse des
sanctions pénales à la personne morale
2- L'application laborieuse des sanctions pénales
à la personne morale
63. Les hypothèses d'application laborieuse des
sanctions pénales recouvrent les cas où la personne morale n'a
pas son siège sur le territoire camerounais, et celles où la
personne morale serait déjà en difficulté ou « in
malis » et donc engagée dans une procédure collective
d'apurement du passif182.
64. Tout d'abord, pour ce qui est de l'application de la
sanction pénale à la personne morale n'ayant pas son siège
sur le territoire camerounais, la difficulté vient du fait que le code
pénal pose le principe de l'application territoriale de la loi
pénale camerounaise. Si cette limitation est compréhensible pour
les personnes physiques, parce que leur nationalité parait
subsidiaire183, il suffit que la totalité ou une partie de
l'infraction soit commise ou réputé commise au Cameroun, et leur
mobilité peut être facilement résolue par la
procédure d'extradition active ou passive184. Il n'en est pas
de même pour les personnes morales qui ne se déplacent pas, et de
ce fait le critère de territorialité de la loi pénale est
limité par le fait que la personne morale ait son siège à
l'étranger. À cet effet, pour ces personnes morales là,
l'on ne
179 Lexique juridique des expressions latines, 6ème
édition, Paris, LexisNexis, 2014, p. 141.
180 Vocabulaire juridique, sous la direction de
Gérard CORNU, Association Henri Capitant, 10ème édition,
Paris, PUF, 2014, p. 528 et Lexique des termes juridiques
op.cit., p. 527.
181 SOH FOGNO (D. R.) op.cit. p. 75.
182 Ibid. p.78.
183 Ibid.
184 Ibid. p. 71.
42
saurait demander d'extradition, de sorte que même si
elles sont jugées au Cameroun il serait difficile de faire
exécuter la sanction dans les pays où elles ont leurs
sièges social185, d'autant plus que l'article
14186 du code pénal lui-même ne reconnait que des
hypothèses limitées dans lesquelles des sentences
étrangères peuvent être appliquées au Cameroun.
65. Pour les personnes morales « in malis
», la difficulté de l'application de la sanction
prononcée à leur encontre dépend du fait que leur
situation soit ou non irrémédiablement compromise, l'application
de la sanction pénale peut précipiter la cessation paiement et
même diminuer les chances des créanciers de la personne morale de
se voir rembourser, qu'ils soient chirographaires ou munis de
sûreté187. Au-delà des hypothèses
d'application de la sanction pénale, se trouve le problème des
modalités d'applications desdites sanctions.
B- Les modalités d'application des sanctions
pénales à la personne morale
66. La détermination des modalités
d'application des sanctions pénales aux personnes morales, marque un
tournant décisif. Cette détermination a redonné à
l'obligation pesant sur les personnes morales de subir la répression
toute sa splendeur. À ce sujet, le législateur fixe les
modalités d'application des sanctions patrimoniales (1) et celles
extra-patrimoniale (2).
1- Les modalités d'application des sanctions
patrimoniales
67. Dans cette catégorie, l'on classe les sanctions
qui touchent directement le patrimoine et donc le portefeuille de la personne
morale à savoir l'amende, les confiscations, et mêmes celles qui
retentissent indirectement sur le patrimoine de la personne morales comme les
sanctions touchant l'activité de la personne morale.
68. Pour ce qui est de l'amende, le législateur de
2016 indique que le taux maximum de celle appliquée à la personne
morale doit être égal au quintuple de celui prévu pour
les
185 V. SOH FOGNO (D-R.), La résolution des conflits de
lois dans l'espace en matière d'extradition passive, Mémoire de
Maîtrise en droit privé et carrières judiciaires,
Université de Dschang, 1998-1999.
186 Article 14 code pénal de 2016 « Les sentences
pénales prononcées contre quiconque, par des juridictions
étrangères, ne produisent d'effet sur le territoire de la
république que si : le fait est qualifié de crime ou de
délit de droit par la loi pénale de la République ; la
régularité de la décision, son caractère
définitif et sa conformité avec l'ordre publique de la
république sont constatés par la juridiction saisie d'une
poursuite à l'encontre de la même personne ou par la Cour d'Appel
du lieu de résidence du condamné saisie par le ministère
public.
187 SOH FOGNO (D. R.) « La sanction pénale des
personnes morales en droit camerounais », op.cit. p.79.
43
personnes physiques188. Bien plus, lorsque la
personne morale est coupable d'un crime pour lequel seul la peine
d'emprisonnement est prévue, le législateur préconise que
le juge lui applique une amende dont le montant oscille entre un million (1 000
000) à cinq cents million (500 000 000) de francs189. Ces
différentes amendes semblent dérisoires si l'on considère
la taille de certaines personnes morales, mais elles peuvent également
être lourdes pour d'autre190. Le juge devra donc
nécessairement, dans le choix du montant de l'amende applicable aux
personnes morales, jouer avec les taux plancher et plafond, en fonction des
personnes morales, soit pour éviter que la peine d'amende ne soit trop
légère, soit pour éviter qu'elle ne pousse la personne
morale à la cessation de paiement. Mais le critère principal
devrait rester le degré de gravité de l'infraction.
69. Pour ce qui est des confiscation, l'article 35 du Code
pénal camerounais prévoit que cette sanction s'applique sur tous
les biens meubles ou immeubles appartenant au condamné, lesquels biens
sont saisis lorsque ceux-ci ont servi d'instrument pour commettre l'infraction
ou qu'ils en sont le produit. Cette sanction est facile à mettre en
oeuvre lorsque le « corpus delicti » se trouve au Cameroun.
La personne morale peut n'être que propriétaire apparent des biens
confisqués ayant servis à la commission de l'infraction. Mais si
les biens ont été volé au véritable
propriétaire, on envisagera bien que ces derniers lui soient
restitués.
70. D'autres sanctions visant l'activité de la
personne morale et retentissant sur son patrimoine sont également
appliquées suivant des modalités particulières. Il s'agira
donc pour les instances compétentes de faire appliquer les peines telle
la fermeture d'établissement, ou de succursales ayant servi à la
commission des faits incriminés, le placement sous assistance judiciaire
et l'interdiction de s'investir dans une activité précise pour
une durée déterminée.
Pour être appliqué la fermeture
d'établissement ne dois pas excéder cinq (05) ans, pendant
lesquels la personne morale sera interdite d'exercer l'activité à
l'occasion de laquelle l'infraction a été commise191.
Le placement sous assistance judiciaire nécessite pour son application
la désignation d'un mandataire de justice dont la mission de
contrôle et la durée
188 Article 21-1 CP alinéa 2 code pénale de 2016
« Le maximum de l'amende applicable aux personnes morales est
égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques
».
189 Article 25-1 alinéa 3 code pénal de 2016
« Lorsqu'une personne morale est coupable d'un crime pour lequel seule
une peine d'emprisonnement est prévue, l'amende encourue est d'un
million (1 000 000) à cinq cents millions (500 000 000) de franc
».
190 SOH FOGNO (D. R.) « La sanction pénale des
personnes morales en droit camerounais » op.cit. p.79
191 Article 25-3 code pénal de 2016.
44
seront précisée par la juridiction de
jugement192. Le mandataire doit rendre compte au parquet de
façon régulière de l'accomplissement de sa
mission193, cette mission ne pouvant porter que sur
l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a
été commise. Le parquet compétent saisit à la fin
de la mission du mandataire et sur la base du compte rendu de celui-ci la
juridiction qui a prononcé le placement sous surveillance judiciaire,
laquelle relève la personne morale de ladite mesure194.
L'application de la peine d'interdiction pour la personne
morale de s'investir directement ou indirectement porte sur l'une ou plusieurs
activités prévues par son objet social. Il s'agit donc de toucher
la personne dans sa raison d'être. L'interdiction peut devenir
perpétuelle en cas de récidive195. Le
législateur a aussi envisagé l'application des sanctions extra
patrimoniales.
2- Les modalités d'application des sanctions
extrapatrimoniales
71. Les sanctions extrapatrimoniales, sont celles qui ne
touchent pas le patrimoine. Elles visent en partie l'existence de la personne
morale, mais aussi son image de marque.
S'agissant l'existence de la personne morale, elle est
atteinte par la peine de dissolution. Son application consiste en « la
mise à mort de la personne morale »196.
Concrètement, pour appliquer la peine de dissolution, la décision
la prononçant doit comporter le renvoi de celle-ci devant la juridiction
compétente pour procéder à la liquidation à la
diligence de la personne morale197. Les règles applicables
à la dissolution dépendront de la nature de la morale et de sa
situation financière. Ainsi dans le cas des sociétés
commerciales in bonis, il s'agira d'appliquer les articles 266 et
suivants, 902 et suivants de l'AUSCGIE.
72. S'agissant de l'image de marque de la personne morale,
elle est atteinte par la publication de la décision sanctionnant la
personne la sanctionnant. Cette sanction est appliquée pour une
durée de deux (02) mois au maximum en cas de crime ou délit, et
de quinze (15) jours au maximum en cas de contravention. Cette publication peut
aussi se faire par voie de presse
192 Article 34-1 alinéa 1 CP « la peine de
placement sous surveillance judiciaire est applicable aux personnes morales
pénalement responsable et consiste dans la désignation d'un
mandataire de justice dont la mission de contrôle et la durée sont
précisées par la juridiction de jugement ».
193 Article 34-1 alinéa 2 CP.
194 Article 34-1 alinéa 4 CP.
195 Voir Article 36 alinéa 3 et 4 CP.
196 SOH FOGNO (D. R.) « La sanction pénale des
personnes morales en droit camerounais », op.cit. p. 60.
197 Article 25-2 alinéa 3 du code pénal de 2016.
au frais du condamné et peut se limiter au dispositif
de la décision. Et tous commentaires objectifs de la décision
sont libres198.
45
198 Article 33 alinéa 1, 2, 3, 4, 5, 6 CP.
46
CONCLUSION CHAPITRE I :
73. La précision des conditions de la
responsabilité pénale des personnes morales, et l'aboutissement
de la pénologie sous la baguette du législateur camerounais de
2016 ont fortement revigoré l'obligation qui est faite à la
personne morale de subir la répression. L'une à travers sa
netteté, l'autre à travers la détermination des mesures
effectives de répression.
Cette première conséquence du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales prévue par le législateur a des implications
différentes en fonction de la personne morale. Parce que l'obligation de
subir la répression expose la personne morale au rouleau compresseur
qu'est l'appareil répressif, et parce qu'elle a un ancrage social non
négligeable cela rebondit nécessairement sur les personnes qui la
constitue ou pour qui elle se déploie.
C'est ainsi que la fermeture ou la dissolution et même
une peine d'amende, une interdiction de s'investir d'une entreprise va mettre
au chômage les travailleurs, ou va impacter les populations qui
bénéficient des bienfaits de la personne morale et même
l'économie ne sera pas épargnée par l'entrée dans
le champ répressif des personnes morales. Force est donc de constater le
sort réservé à la personne morale pénalement
responsable va rejaillir parfois sur des personnes innocentes, mais c'est dans
l'ordre des choses, car pour parler comme Henri DONNEDIEU DE VABRES
« il est dans la nécessité des choses que
l'infliction d'une peine ait des répercutions sur les tiers innocents.
Quand un chef de famille est frappé, sa femme, ses enfants en subissent
les conséquences matérielles et morales
»199. Ce n'est pas pour autant dire qu'il n'y a qu'un
côté négatif. L'obligation de subir la répression,
fait peser sur les personnes morales le risque pénal et a ainsi une
fonction préventive, en ce que la société sera moins
enclin à créer le trouble ; d'un autre côté dans les
cas où la personne morale présente un réel danger, il sera
question de la mettre hors d'état de nuire et de lui appliquer une
sanction qui aura une fonction rétributive.
74. Ainsi, au regard des implications ambivalentes de cette
première conséquence, le juge aura un travail de fond à
faire afin de trouver le juste milieu pour que la répression des
personnes morales ne soit ni trop rigide, ni trop souple en fonction des
circonstances pour assurer le maintien d'un certain équilibre. Le
législateur de 2016 a également prévu la
possibilité d'échapper à la répression, qui parait
limitée à bien des égards.
199 Traité de droit criminel et de législation
pénale comparée, op.cit., p. 148.
47
CHAPITRE II : UNE POSSIBILITÉ D'ÉCHAPPER
À LA RÉPRESSION LIMITÉE
75. Être pénalement responsable entraine une
obligation et une possibilité. L'obligation est celle-là qui
pèse sur tout contrevenant à la norme pénale de subir la
répression. La possibilité est celle-là qui leur est
offerte d'échapper à la répression.
Ces deux cas ont été envisagés et
même prévus par le législateur camerounais. Pour ce qui est
de la possibilité d'échapper à la conséquence
pénale, elle contient deux pans. D'abord la possibilité
d'éviter d'être la cible de l'appareil répressif, mais
aussi la possibilité d'éviter de subir la sanction pénale.
De façon claire, la possibilité d'échapper à la
répression s'entend non seulement de l'irresponsabilité
pénale, mais aussi, pour ceux qui sont identifiés comme
pénalement la responsables, la possibilité de se défendre
et donc, le cas échéant d'éviter que lui soit
appliqué une peine.
76. Lors de la consécration du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales, le législateur a décrit des situations dans lesquelles
les personnes morales pénalement responsables, sur qui il pèse
normalement une obligation de subir la répression, peuvent
échapper à cette dernière. Mais le constat est que
contrairement à ce qui se faisait sous l'ère du principe de
spécialité, la possibilité d'échapper la
répression semble limitée sous l'empire du principe
général de telle sorte que l'impunité qui régnait a
été jugulé, du moins, en apparence. Les disparités
observées dans le contenu des différentes lois spéciales
laissaient planer le doute sur le domaine précis de la
responsabilité pénale des personnes morales, le
législateur a donc dû se servir des différentes lois
spéciales, qui contenaient déjà un embryon de
régime comme appuie légistique pour avoir une vue d'ensemble. Il
a opté pour une vision élargie200 du champ de la
nouvelle responsabilité pénale des personnes morales Cela se
manifeste d'abord par l'extension du Champ de la répression des
personnes morales (Section 1), mais aussi par l'admission d'un cumul de
responsabilité (Section 2) cette double extension a limité la
possibilité d'échapper à la répression.
200 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. p.221 et s.
48
Section 1 : Une limitation consécutive à
l'extension du champ de la répression des personnes morales
77. Parler du champ de la répression
des personnes morales revient à déterminer
précisément contre quelle personne morale elle va s'exercer, et
pour quelles infractions. Le législateur de 2016 a fait le choix
d'adopter une vision élargie du domaine de la nouvelle
responsabilité. Par ce choix, il prône une extension rationae
personae et une extension rationae materiae. À l'analyse, il ressort que
contrairement à l'extension rationae materiae qui est plus
poussée (§-2), l'extension rationae personae quant
à elle parait plutôt mesurée
(§-1).
§-1 : L'extension rationae personae mesurée
78. L'intitulé donné à l'article 74-1 du
code pénal camerounais socle du principe général de
responsabilité pénale des personnes est assez parlant :
« Personnes morales pénalement responsables » laisse
entrevoir que la menace pénale représentée par
l'obligation subir la répression pèse sur toutes les personnes
morales. Positivement, l'article inclut les personnes morales de droit public
comme de droit privé, civiles comme commerciales, nationales comme
étrangères. Négativement le principe exclut toute
entité morale non dotée de la personnalité morale. Plus
loin, l'alinéa (b) de l'article 74-1 exclut l'Etat et ses
démembrements du champ de la nouvelle responsabilité. Le principe
général de responsabilité pénale des personnes
morale fait donc le choix d'une extension mais une extension mesurée par
des frontières strictes. Ainsi, seule la personnalité morale
limite cette extension (A) et seule l'Etat et ses démembrements
constituent une exception à l'exercice de la répression (B).
A- La personnalité morale : seule limite
à l'extension rationae personae de la
répression
79. L'une des options retenues par le législateur dans
la construction d'un nouveau responsable pénal est le préalable
la personnalité juridique qui est la capacité reconnue à
une personne à être titulaire de droits et d'obligations. Cette
option est lourde de conséquence car si elle correspond à une
vision légaliste, elle prend le risque de ne pas saisir toute la logique
même de l'institution d'une responsabilité des groupements. Ainsi,
si le préalable de la personnalité morale est un choix
justifié (1) ce choix peut néanmoins être questionné
(2).
49
1- Un choix justifié
80. Le choix de la personnalité juridique comme un
préalable à la responsabilité pénale des
groupements permet d'éviter certaines difficultés liées
à l'entrée d'un nouvel agent aux caractéristiques propres
dans le champ pénal, mais aussi de se prévaloir de
l'égalité de toutes personnes morales devant la loi pénale
201. Le préalable de la personnalité morale met
également sur un même pied d'égalité les personnes
physiques et les personnes morales, dans la mesure où on n'envisage pas
de mettre en oeuvre la responsabilité pénale d'un individu avant
sa naissance ou après sa mort. Il parait donc logique que l'existence
légale des entités collectives encadre cette innovation majeure.
Ainsi, volontairement ou non, le législateur respecte le principe
constitutionnellement consacré d'égalité de tous devant la
justice, ce qui n'est pas anodin, dans une époque dont la dynamique
s'inscrit dans la constitutionalisation des droits202.
L'entrée des groupements dans un Code pénal
pensé au départ uniquement pour les personnes physiques s'est
donc faite avec prudence de telle sorte que le champ d'application classique de
la responsabilité ne soit pas complètement chamboulé. En
effet, l'acquisition de la personnalité morale par le groupement, lui
faisant bénéficier des droits, et l'assujétissant à
des obligations, dont celle de respecter les règles et par ricochet
celles du droit pénal, justifie aisément que celle-ci soit la
première exigence de toute responsabilité pénale. Le droit
pénal ne s'est pas enrichit d'un nouveau concept sur les
préalables de la responsabilité, mais a plutôt fait le
choix d'adapter un concept déjà bien ancré. Il apparait
que le législateur a fait le choix de la facilité.
2- Un choix questionnable
81. À la réalité, si l'objectif qui se
cache derrière le déclin de l'adage « societas
delinquere non potest » consistait pour la plupart des
législations contemporaines de prendre en compte criminalité
collective de groupe ou en groupe203. Il parait clair que le
préalable d'une existence légale du groupe vient réduire
amplement sa réalisation. Ainsi, lorsqu'on sait que l'acquisition de la
personnalité juridique par le groupement dépend parfois de
simples formalités comme l'immatriculation au registre du commerce et du
crédit mobilier pour les sociétés
201 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français », Revue de science criminelle et de droit
pénal comparé 2012/1 n° 1, pp. 19 - 46.
202 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit pénal
camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 et s.
203 V. dans ce numéro : H. Dumont, Criminalité
collective et impunité des principaux responsables : est-ce la faute du
droit pénal ?
50
commerciales204 ; la déclaration à la
préfecture du lieu de leur siège ou l'autorisation pour les
associations205. Les groupements qui n'ont pas accomplis ces
formalités ne sont pas admissibles à la nouvelle
responsabilité. Le choix du législateur de la subordonner la
nouvelle institution à l'existence légale du groupement parait
plutôt être une fuite en avant, dans la mesure où au lieu
d'apporter des réponses aux questions que pourrait soulever la
responsabilité pénale de tous les êtres collectifs, il a
préféré simplement les éviter.
Au fond, le champ rationae personae de la
responsabilité pénale des personnes morales garde une assiette
considérable même si l'on exclue les entités non
dotées d'une existence légale. En principe, toute personne morale
peut voir sa responsabilité pénale engagée, en exception,
il faudra exclure du champ de cette responsabilité l'Etat et ses
démembrements, qui constituent les seules exceptions.
B- L'Etat et ses démembrements : seules
exceptions échappant à la répression
82. Au nom du principe de l'égalité de tous
devant la justice, toutes les personnes morales de droit privé comme de
droit public sont comptables devant les juridictions pénales. Mais, d'un
point de vue pratique, il ne semble pas commode de placer l'Etat au même
niveau que toutes les personnes morales. Ainsi, l'exclusion exceptionnelle de
ce dernier du champ de la nouvelle responsabilité trouve sa
justification dans plusieurs raisons (1) et a une étendue bien
précise (2).
1- Les raisons discutées de l'exclusion de l'Etat
et de ses démembrements
83. Plusieurs raisons peuvent être invoquées au
soutien de l'irresponsabilité pénale de l'Etat et de ses
démembres.
En premier lieu, la menace pénale ne devrait pas peser
sur l'Etat et ses ramifications tout simplement parce que cela pourrait
provoquer une confusion entre le sujet passif et le sujet actif de la
réponse pénale206. En effet, ne pas donner
d'immunité à l'Etat aboutirait à des situations
204 Article 98 de l'AUDSCGIE. « Toute
société jouit de la personnalité juridique à
compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit
mobilier, à moins que le présent acte uniforme n'en dispose
autrement ».
205 Art. 5, alinéa 2, 3 de la loi n° 90-53 du 19
décembre 1990, portant sur la liberté d'association au
Cameroun.
206 « L'État, en ayant le monopole de la
puissance publique, détient aussi le monopole de la répression
» HERMANN (J.), op.cit., p. 196. REINALDET DOS SANTOS (T.
J.) « la responsabilité pénale à l'épreuve des
personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne
» op.cit. p.146.
51
particulières dans lesquelles il serait amené
à se punir lui-même207, car garant de
l'exécution des décisions de justice et donc des décisions
du juge pénal. Mais à la réalité cet argument sur
la possible confusion chez l'Etat des qualités de sujet actif et passif
de la sanction pénale comme une justification de
l'irresponsabilité pénale de ce dernier ne résiste pas
à toutes les critiques. En effet, il est possible de remarquer que
l'Etat peut s'infliger lui-même une sanction208.
D'autres auteurs pensent également que toute peine
appliquée à l'Etat perdrait sa fonction rétributive. En
prenant l'exemple de la peine d'amende, elle n'aboutirait à aucun
appauvrissement de l'Etat dans la mesure où les fonds utilisés
pour payer l'amende sortent pour ensuite faire leur retour dans les mêmes
caisses209. Mais cette vision n'est pas tout à fait exacte
dans la mesure où l'Etat est constitué de différentes
entités qui se distinguent les unes des autres210. Dans le
cas précisément du paiement d'une amende, la caisse de sortie ne
sera pas forcément la caisse d'entrée. Il pourrait avoir un
appauvrissement de l'Etat ou du moins d'une entité de l'Etat et ainsi la
fonction rétributive de la peine pourrait retrouver tout son
sens211.
Bien, plus toute autre sanction pénale pourrait mettre
à mal l'exercice des activités régaliennes de l'Etat et
pourrait entrainer la disparition du contrat social. Ainsi, au mieux les
sanctions comme les fermetures temporaires pourrait nuire à la
continuité du service public212. Au pire les sanctions comme
la dissolution pourrait entrainer la fin de l'Etat. Il parait donc logique au
regard de cela d'accorder une immunité pénale à l'Etat.
Pour autant rien n'empêche d'instituer une responsabilité
pénale au moins en dehors des activités régaliennes de
l'Etat, et l'érection de sanctions spécifiques213. Et
pour ce qui est de la paralysie que pourrait engendrer certaines sanctions,
elle dénote plus de « l'inaptitude de la société
politique à être l'objet de
207 V. COUVRAT (P.), « La responsabilité
pénale des personnes morales - un principe nouveau », op.cit.
p. 1.
208 V. GEEROMS (S.), op.cit. p. 558.
209 « Une peine d'amende n'aurait eu aucune
portée rétributive, pour correspondre à une sortie du
Trésor public, immédiatement destinée... au Trésor
public » MAYAUD (Y.), Droit pénal
général, op.cit. p. 365. Déjà en
1899, MESTRE avait souligné cette question, MESTRE (A.), thèse
op.cit. p. 261. REINALDET DOS SANTOS (T. J.) « la
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne »
op.cit. p 436
210 MARÉCHAL (J.-Y.), « Responsabilité
pénale des personnes morales », op.cit. p. 5.
211 « Une peine d'amende n'aurait eu aucune
portée rétributive, pour correspondre à une sortie du
Trésor public, immédiatement destinée... au Trésor
public » MAYAUD (Y.), Droit pénal
général, op.cit. p. 365. Déjà en 1899, MESTRE
avait souligné cette question, voir A. MESTRE, Thèse op.cit.
p. 261. REINALDET DOS SANTOS (T.J.) La responsabilité pénale
à l'épreuve des personnes morales : étude comparée
Franco-brésilienne, op.cit. p 436.
212 « D'autres sanctions porteraient atteinte à la
continuité du service public et iraient au-delà de ce que le juge
administratif lui-même n'aurait jamais imaginé pouvoir faire
» BONICHOT (J.-C.), op.cit., p. 36.
213 « Une éventuelle extension de la
responsabilité pénale des personnes morales à
l'État aurait supposé une réflexion sur les peines
applicables à ce dernier » MARÉCHAL (J.-Y.), «
Responsabilité pénale des personnes morales », ibid.
p. 6.
52
certaines sanctions, mais non pas son incapacité
à devenir pénalement responsable. Par conséquent, une fois
déterminées les peines compatibles avec les particularités
de l'État, rien n'empêcherait sa responsabilité
pénale » 214.
En second lieu, il parait logique d'exclure l'Etat du champ de
la nouvelle responsabilité, l'une des conditions de ladite
responsabilité nécessitant que l'infraction soit commise pour le
compte de la personne morale, ce qui pousse à interroger les notions
d'intérêts social. Or l'Etat visant nécessairement la
satisfaction de l'intérêt général, cela passe
à fortiori par le « respect scrupuleux des normes qui
délimitent sa spécialité fonctionnelle
»215. Il y a donc une incompatibilité entre
« le but illégal d'une infraction et la finalité
générale de l'Etat »216. Pourtant, là
encore force est de constater que l'Etat peut trouver un intérêt
dans l'accomplissement d'une infraction directement ou
indirectement217.
La dernière raison développée repose sur
la séparation des pouvoirs, en vertu duquel il est interdit aux
détenteurs du pouvoir judiciaire de contrôler grâce au juge
pénal l'action des autres pouvoirs218. Mais cet argument
semble relatif dans la mesure où un tel contrôle est
déjà admis dans d'autres branches du droit219. Bien
plus, en vertu de l'état de droit représenté par le
principe de juridicité, l'Etat doit se soumettre aux lois qu'il a
lui-même édicté y compris les normes
pénales220. La séparation des pouvoirs
n'empêchant pas la soumission de l'Etat aux lois civiles,
214 REINALDET DOS SANTOS (T. J.), op.cit. p. 440.
Lire aussi « L'impossibilité matérielle d'appliquer une
peine ne saurait entrainer l'irresponsabilité pénale »
de l'État. Voir, MESTRE (A.), Thèse op.cit. p.
201.
215 L'État, « lié par l'obligation
d'agir dans le respect scrupuleux des normes qui délimitent sa
spécialité fonctionnelle, se trouverait de ce fait dans
l'incapacité juridique d'avoir une volonté délictuelle
sous prétexte que ces normes législatives ou
réglementaires ne peuvent jamais lui donner compétence pour
commettre des infractions » FERRIER (B.), op.cit., p.402.
REINALDET DOS SANTOS (T. J.), Thèse, ibid. p 436.
216 Ibid. p 436.
217 Ibid. p. 439.
218 « Jl fut d'abord
considéré que la séparation des pouvoirs n'eût pu
que souffrir d'une telle responsabilité, l'autorité judiciaire
n'ayant pas à connaîtredes actions ou omissions de l'État
dans l'exercice de ses autres fonctions, législative et exécutive
» MAYAUD (Y.), Droit pénal général,
op.cit. p.407.
219 « Certaines activités de
l'État sont déjà soumises à un contrôle et
peuvent donner lieu à des condamnations prononcées à
l'encontre de la Société politique par les tribunaux de l'ordre
judiciaire » REINALDET DOS SANTOS (T. J.), ibid. p. 438.
220 « C'est d'ailleurs le propre de l'État de
droit que de s'autolimiter et, à ce titre, de s'autosanctionner »
PICARD (E.), op.cit., p. 276. « L'administration
participe à l'élaboration des bases légales de la
répression, mais n'en demeure pas moins susceptible de tomber sous le
coup de la loi pénale dans la mesure où cette participation ne se
fait pas selon les formes et conditions prescrites par la Constitution, les
principes généraux du droit, la loi, ou toute autre source de
droit applicable ». FERRIER (B.), « Une grave lacune de notre
démocratie : l'irresponsabilité pénale des personnes
administratives », in Mélanges offerts à Pierre
Montané de la Roque, Toulouse : Presses de l'institut d'études
politiques, 1986 p. 401.
53
et administratives, elle ne devrait pas non plus
empêcher la soumission de l'Etat aux normes de droit pénal.
Au regard de ce qui précède force est de
constater que le choix du législateur de 2016 est justifié par
des raisons qui se défendent aisément mais qui ne font pas
toujours l'unanimité au sein de la doctrine. Il nous semble
nécessaire de maintenir l'immunité pénale de l'Etat mais,
la limiter aux activités régaliennes et établir un
régime de responsabilité pénale à son
égard221. Pourtant nonobstant tous ces contres arguments
à l'irresponsabilité pénale de l'Etat et ses
démembrements, le législateur camerounais l'a érigé
et a même défini son étendue.
2- L'étendue de l'exclusion de l'Etat et ses
démembrements
84. L'alinéa (b) de l'article 74-1 du
Code pénal, exclu à la fois l'Etat camerounais mais aussi de
facto les Etats étrangers. Cela se justifie par le principe de
l'égalité entre les Etats, peu importe leurs formes simple (Etats
unitaire) ou composé (Etat fédéral ;
confédération d'Etats, les Etats régionaux). Les Etats
fédérés, seraient également exclus du champ de la
nouvelle responsabilité.
Il ne reste plus alors qu'à élucider le sort des
communautés ou des Unions, l'intégration régionale et sous
régionale constituant désormais « un effet de mode,
matérialisé par la prolifération des organisations dites
d'intégration notamment en Afrique francophone
»222. On peut citer à titre d'exemple en Afrique
centrale : la Communauté Économique des États de l'Afrique
Centrale (CEEAC)223, la Communauté Économique et
Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)224 ; En Afrique de
l'ouest : Communauté Économique des États de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO)225, l'Union Économique et Monétaire
Ouest-Africaine (UEMOA)226.
221 PICARD (M.) « La responsabilité pénale
des personnes morales de droit public : fondements et champ d'application,
in Revue des sociétés, 1993 énonce : «
Sur le plan plus spécifiquement pénal, pourquoi cette
souveraineté générale de l'État justifie-t-elle
encore son irresponsabilité pour celles de ces activités qui ne
sont justement pas souveraines (...) » p. 276.
222 ONDOUA (A-F.), Cours de droit communautaire
institutionnel, dispensé en 3e année licence droit
public, version numérique, année académique 2019-2020, p
1.
223 Traité de Libreville du 18 octobre
1983, révisé dans la même capitale le 18 Décembre
2019.
224 Traité de N'Djamena du 16 mars 1994,
révisé principalement à Yaoundé le 25 juin 2008
puis à Libreville le 30 janvier 2009.
225 Traité de Lagos du 28 mai 1975, révisé
à Cotonou le 23 juillet 1993.
226 Traité de Dakar du 10 janvier 1994,
révisé le 29 janvier 2003.
54
Définit comme « une association d'États
au sein de laquelle ceux-ci mettent en commun certaines de leurs
compétences, acceptent qu'un nombre important de décisions soit
pris à la majorité qualifiée, que ces décisions
s'insèrent dans les ordres juridiques nationaux sans formalité
particulière, et qu'elles l'emportent sur les normes nationales
contraires »227, la communauté ou l'union jouit de
la personnalité juridique228 interne et internationale. Aux
termes de l'article 9 du traité UEMOA il ressort que « L'Union
a la personnalité juridique... » La personnalité
juridique est également reconnue par le traité CEDAO aux articles
88, & 1 du traité « L'Union a la personnalité
juridique internationale... » c'est également le cas du
Traité CEMAC révisé en son article 3.
La question qui se pose est alors celle de savoir si les
communautés ou unions bénéficient des immunités ?
stricto sensu, la majeure partie de la doctrine s'accorde sur le fait que
l'union n'est pas un Etat229, et pour l'heure le flou règne
sur la nature juridique de la communauté ou de l'union, l'on s'accommode
à penser qu'elle est une entité sui generis230.
Mais il s'agit là au fond d'un autre ordre juridique, la
communauté ne doit être pénalement responsable que si les
dispositions du traité le permettent, de lege lata, le
Traité CEMAC révisé ne fait allusion qu'à la
possibilité de mettre en oeuvre la responsabilité civile
contractuelle de l'union.
L'alinéa (b) inclut également les
démembrements de l'Etat. Pour déterminer exactement quels sont
les démembrements de l'Etat, il convient de s'attarder sur la forme de
l'Etat. La République du Cameroun étant un Etat unitaire
décentralisé231, pour déterminer quels sont les
démembrements non susceptibles d'être pénalement
responsables il convient d'inclure les personnes morales reconnues par la loi
à qui l'Etat a transféré une portion de sa
compétence et qui s'administrent librement. D'autres ramifications de
l'Etat unitaire peuvent également être cités comme les
autorités déconcentrées. En réalité, ceux-ci
n'ayant aucune existence propre et donc pas de personnalité morale sont
donc de facto exclus du champ de la responsabilité.
227 ONDOUA (A-F.), ibid. p. 21
228 Cour de justice de l'UEMOA (Avis n° 002/2000 du 22
mars 1999, Demande d'avis complémentaire du Président de la
Commission de l'UEMOA relative à l'interprétation de l'article 84
du traité de l'UEMOA) « ...l'Union constitue en droit une
organisation de durée illimitée, dotée d'institutions
propres, de la personnalité et de la capacité juridique et
surtout de pouvoirs issus d'une limitation de compétences et d'un
transfert d'attributions des EM qui lui ont délibérément
concédé une partie de leurs droits souverains pour créer
un ordre juridique autonome qui lui est applicable ainsi qu'à leurs
ressortissants ». V. ONDOUA (A-F.), ibid. p 19.
229 Ibid. p 20 « si l'organisation
d'intégration dispose de plus en plus de certains attributs de
l'État, elle ne saurait pour l'instant être analysée comme
une entité étatique ». les articles 07 UEMOA ; 58 CEMAC
et 91 CEDEAO donnent raison à cette doctrine.
230 Ibid.
231 Article 1er alinéa 2 de la loi
n°96/ 06 du 18 janvier 1996 Portant révision de la Constitution du
02 juin 1972, modifiée et complétée par la loi
n°2008/001 du 14 avril 2008.
55
85. Le législateur camerounais a aussi
opté pour une exclusion totale de l'Etat et ses démembrements. Il
n'a pas envisagé le cas particulier des collectivités
territoriales décentralisés232 que sont les
régions et les communes233 et leurs démembrements,
contrairement au législateur français qui opte pour une
distinction en excluant du champ de la répression les
collectivités territoriales décentralisées, lorsqu'une
infraction a été commise au sein d'une activité non
délégable, mais en admettant leur responsabilité pour les
infractions qui ont été commises dans le cadre d'une
activité susceptible de faire l'objet d'une délégation de
pouvoir234. C'est dire qu'en droit français, les
collectivités territoriales décentralisées ne
bénéficient que d'une immunité limitée aux
activités de puissance publique. L'immunité ici porte donc sur
les activités de police générale235, les
activités effectuées pour le compte de l'Etat236
telles que la tenue des registres d'état civil, mais aussi toute
activités régaliennes237. Ce choix du
législateur camerounais de ne pas mentionner les collectivités
territoriales décentralisées peut-il être
interprété comme étant favorable à l'admission
d'une telle responsabilité ? Rien n'est moins sûr.
La nouvelle responsabilité pénale des personnes
morales est étendue quant aux personnes sur lesquelles elle devra
s'appliquer. Mais cette extension s'est voulue prudente et s'est posée
comme seule frontière la personnalité morale, et comme seule
exception l'Etat et ses
232 Article 55 alinéa 2 de la loi n°96/ 06 du 18
janvier 1996 Portant révision de la Constitution du 02 juin 1972,
modifiée et complétée par la loi n°2008/001 du 14
avril 2008. Les collectivités territoriales décentralisées
sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent de l'autonomie
administrative et financière pour la gestion des intérêts
régionaux et locaux. Elles s'administrent librement par des conseils
élus et dans les conditions fixées par la loi.
233 L'alinéa 1er du même article.
« Les collectivités territoriales décentralisées
de la République sont les régions et les communes. Tout autre
type de collectivité territoriale décentralisée est
créé par la loi ».
234 Article 121-2 du code pénal français qui
dispose « les collectivités territoriales et leurs groupements
ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans
l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de
délégation de service public ».
235 Voir dans ce sens, Cour de cass., Ch. crim., 6 avril 2004,
pourvoi n° 03-82394. « Rares sont, d'un strict point de vue, les
fonctions qu'une collectivité territoriale ne peut en aucun cas
déléguer : ses missions de police à l'intérieur
desquelles celles de sécurité, l'état civil, les
attributions dans le domaine électoral, édiction de
réglementations, notamment d'urbanisme, la délivrance
d'autorisations, comme le permis de construire » BONICHOT (J.-C.),
op.cit., p. 34. V. CA Amiens, 9 mai 2000, Gaz. Pal. 2000., 2, 1413,
note S. Petit.
236« Les activités de service public
insusceptibles d'être déléguées sont celles dans
lesquelles l'autorité territoriales intervient en tant
qu'autorité déconcentrée et agit à ce titre au nom
et pour le compte de l'État » LÉVY (A.), «
L'état de la jurisprudence sur la responsabilité pénale
des personnes publiques dix ans après l'entrée en vigueur du Code
pénal de 1994 », in Droit Administratif, 2004,
étude 12.
237 V. Cour de cass., Ch. crim., 12 décembre 2000,
pourvoi n° 98-83969 ; et Cour de cass., Ch. crim., 11 décembre 2001,
pourvoi n° 00-87707. V. RENOUT (H.), Droit
pénalgénéral, Bruxelles : Larcier, 2013, p. 184.
56
démembrements. Le législateur a opté
à contrario à une extension rationae materiae plus
poussés.
§-2 : L'extension rationae materiae plus
poussée
86. Au-delà de la question de savoir quelles sont les
personnes morales concernées par le principe général de
responsabilité pénale des personnes morales, se greffe une autre,
celle de la détermination des atteintes pouvant entrainer cette
responsabilité.
À cet effet, l'idée de base était que
les personnes morales n'étaient pénalement responsables que pour
des infractions limitativement énumérées ou
décrites dans les lois spéciales. Il semblait impossible pour les
personnes morales de commettre des infractions d'une certaine nature qui
constituent des atteintes spécifiques238. Parlant
précisément de la détermination de ces atteintes,
celles-ci ont été étendue par l'abandon du principe de
spécialité (A), tant les lois spéciales elles même
ont multipliés le nombre d'infractions imputables à la personne
morale, toute chose qui a justifié l'adoption d'une vision
générale (B).
A- Une extension marquée par l'abandon
progressif du principe de spécialité de la délinquance des
personnes morales
87. Nécessaire à la base car l'admission de la
responsabilité pénale des personnes morales faisait ses premiers
pas dans la plupart des législations pénales, le principe de
spécialité a permis que l'on puisse aménager lentement
mais sûrement un régime de responsabilité qui
originairement n'était prévu que pour les personnes
physiques239. Mais le principe de spécialité a
très vite posé certains problèmes qui ont justifiés
son abandon (1) un abandon qui s'est fait de façon progressive (2).
1- Un abandon justifié par les limites du principe
de spécialité
88. Le principe de spécialité a très
vite posé des problèmes. Il est une source
d'inégalité entre les personnes pénalement responsables,
mais il posait aussi des problèmes particuliers aux autorités
judiciaires et aux personnes morales elle-même.
238 La personne morale ne saurait se rendre coupable
d'adultère par exemple.
239 JEANDIDIER (W.), « La longue gestation de la
responsabilité pénale des personnes morales », in
Cahiers de droit de l'entreprise, n° 1, Janvier-Février, 2006 p.
26.
57
En effet, en limitant la responsabilité pénale
des personnes morales pour des infractions bien précises, le
régime de responsabilité pénale des personnes morales
paraissait bien plus souple que celui des personnes physiques240.
Bien plus, les personnes morales pourraient en vertu du principe de
spécialité échapper à la répression, tout
simplement parce que les actes illicites qu'elles ont posées ne leur
étaient pas imputables. Cela donnait donc une sorte d'immunité
aux personnes morales pour les infractions qui n'étaient pas
expressément prévues à leur endroit.
D'un autre côté, le principe de
spécialité, couplé à un des principes fondamentaux
du droit pénal qui est le principe de la légalité entraine
nécessairement une inflation législative. Une telle situation
s'avère compliqué autant pour les autorités de la justice
pénale qui sont obligé de scruter les nouvelles réformes
législatives241, d'autant plus que les lois éparses
sont des outils privilégiés par le législateur quand il
s'agit de développée de nouvelles institutions. Face à
l'expansion des dispositions spéciales « dynamiques
»242, les magistrats devraient donc être à
l'affut de nouveaux textes pour déterminer non seulement quelles sont
les nouvelles infractions imputables à la personne morale mais aussi,
suivant quel mécanisme d'imputation. La même difficulté se
pose pour les personnes morales à la différence que contrairement
aux autorités judiciaires, elles ne sont pas forcément des
spécialistes en droit243.
De ce qui précède, force est de constater que le
principe de spécialité dans la responsabilité
pénale des personnes morales était appelé à
disparaitre dans la mesure où il pose autant si ce n'est plus de
problèmes qu'il en résout. C'est pourquoi le législateur
camerounais l'a progressivement délaissé.
240 « Enfin, l'énoncé limitatif des
infractions imputables aux personnes morales apparaît contraire au
principe d'égalité devant la loi pénale dans la mesure
où les personnes morales sont parfois mieux traitées que les
personnes physiques à partir de critères dont nous avons
montré l'arbitraire » CARTIER (M.-E.), « La
responsabilité pénale des personnes morales : évolution ou
révolution », op.cit. p. 33.
241 Ibid.
242 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 et s.
243 CARTIER (M.-E.), « De la suppression du principe de
spécialité de la responsabilité pénale des
personnes morales. Libres propos », in Les droits et le Droit :
mélanges dédies à Bernard Bouloc, Paris : Dalloz,
2007, p. 98. p. 105. « Les services juridiques de nos entreprises se
disent incapables de définir et de mesurer, au jour le jour, le risque
pénal encouru par leurs groupements. Que dire des petites et moyennes
entreprises qui n'ont pas de service juridique ou n'ont pas les moyens d'avoir
un service juridique suffisant ».
58
2- Un abandon progressif suggéré par les
textes spéciaux
89. L'élargissement matériel du
champ de la répression des personnes morales par le principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales est le résultat d'un processus amorcé dès les
premières lois spéciales. En effet, l'option choisie par le
législateur de 2016 généraliser les atteintes pouvant
justifier la mise en jeu de la responsabilité pénale des
personnes morales vient du fait de l'accroissement qualitatif mais aussi
quantitatif244 des atteintes qui leur sont imputables par les textes
spéciaux.
Le développement des lois spéciales dans le
domaine divers a rendu les personnes morales responsables des atteintes
couvrant les domaines économique, environnementaux, la
cybercriminalité245, mais aussi des atteintes qui ne sont pas
normalement imputables à la personne morale comme les atteintes à
l'intégrité physique, à l'intégrité morale
des personnes humaines246.
Pour ce qui est des atteintes dans le domaine de
l'environnement, la loi du 29 décembre 1989 portant sur les
déchets toxiques et dangereux interdit à la fois la production,
l'exploitation des déchets toxiques sous toutes ses
formes247. Dans le même domaine de l'environnement, le
législateur a multiplié les lois chronologiquement248,
il s'agit de la loi du 30 janvier 1995 portant sur la radioprotection et la
loi-cadre sur l'environnement de 1996249 qui réprime la
pollution, la dégradation ou l'altération de la terre et de
l'air250. Pour les atteintes relatives à l'activité
économique, il peut s'agir des infractions portant atteinte aux droits
des investisseurs ou à l'activité des
investisseurs251. Ces infractions sont prévues par la loi
n°99/015 du 22 décembre 1999 portant création et
organisation du marché financier.
244 V. NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de
la responsabilité pénale des personnes morales en droit
camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? ». op.cit. p.221 et s.
245 Cette extension était déjà
analysée comme un des indices de la généralisation de la
responsabilité pénale des personnes morales. V. NTONO TSIMI (G.),
La responsabilité pénale des personnes morales en droit
camerounais : Esquisse d'une théorie générale, op.cit.
p. 18
246 Ibid.
247 Article 1er de la loi, V. NTONO TSIMI (G.)
« Le devenir de la responsabilité pénale des personnes
morales en droit camerounais. Des dispositions spéciales vers un
énoncé général ? » op.cit. p. 221 et
s.
247 Ibid.
248 Ibid.
249 Ibid. Voir article 80, 81, 82.
250 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » Ibid. pp 221 et s.
251 Ibid. Article 7 « Nonobstant la
responsabilité pénale de leurs dirigeants, les personnes morales
peuvent être déclarées pénalement responsables et
condamnées aux amendes ci-dessus prévues lorsque les infractions
ont été commises par lesdits dirigeants, agissant dans l'exercice
de leurs fonctions ».
59
Un palier est franchi en 2005 avec la loi n°05/015 du 29
décembre 2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite
des enfants252 et en 2010 avec la loi sur la
cybersécurité et la cybercriminalité. Tandis que la loi de
2005 prévoit des infractions relatives à l'exploitation des
enfants et fait ainsi entrer dans les domaines déjà assez
étendus des atteintes imputables à la personne morale les
atteintes à l'intégrité des personnes253. La
loi de 2010 quant à elle vise les atteintes à la
sécurité des personnes, à leur vie privée, à
leur honneur254. En somme, on observe d'un point de vu chronologique
l'extension du champ matériel de la répression des personnes
morales, suggéré par la prolifération des textes
spéciaux invitait nécessairement le législateur à
rechercher un énoncé général confirmant cette
tendance.
B- Une extension du champ matériel de la
responsabilité fruit d'un choix tranché
90. Le législateur de 2016 avait des
raisons suffisantes au soutien de l'abandon du principe de
spécialité de la répression des personnes morales, mais
aussi l'appuie légistique nécessaire que lui fournissait les
textes spéciaux. Il ne lui restait donc qu'à définir
comment est-ce qu'il allait envisager l'abandon, mais aussi comment allait
désormais se faire la répression des personnes morales pour les
infractions qui ne leur était pas jusque-là imputable.
Dans ce sens, le législateur camerounais avait le choix
entre l'abandon partiel comme le législateur
brésilien255 ou un abandon total comme le législateur
français256 ; il a fait le choix d'un abandon total (1) du
principe de spécialité. Il avait également le choix entre
l'entreprise ardue de revoir toute sa législation en la matière
afin de déterminer les modalités de répression de la
personne morale pour les infractions qui ne leur était pas
jusque-là applicable ou alors tout simplement énoncer un cadre
général de répression de toutes ces infractions ; il a
fait le choix de la simplicité (2).
252NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » Ibid. pp 221 et s.
253 Ibid.
254 Ibid.
255 L'article 41 du projet de nouveau Code pénal,
brésilien dispose « les personnes morales de droit privé
sont pénalement responsables pour les infractions accomplies contre
l'administration publique, l'ordre économique, le système
financier et l'environnement ». V. Projet de Loi au Sénat (PLS) n°
236/2012.
256 V. l'article 54 de la loi du 9 mars 2004 supprimant le
principe de spécialité en France.
60
1- Le choix d'un abandon total du principe de
spécialité
91. Affirmer que le législateur a fait le choix de
l'abandon total du principe de spécialité, signifie que
désormais, la personne morale ne sera plus responsable pénalement
uniquement pour une certaine catégorie d'infraction définies par
les lois pénales éparses. Mais ce n'est pas pour autant dire la
personne morale peut commettre toutes les infractions.
Une fois la précision faite, l'abandon du principe de
spécialité n'a pas emprunté le chemin d'une simple
extension du domaine des atteintes imputables à la personne morale, ni
même par une vaste énumération de ces atteintes. Une telle
démarche n'aurait marqué qu'un abandon partiel, qui ne constitue
qu'une première étape vers l'inéluctable qui est le rejet
total du principe de spécialité. Le code pénal camerounais
de 2016 a opté pour une formulation générique retenant la
responsabilité pénale des personnes pour « des
infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants
»257 sans identifier lesdites infractions. L'on penserait
à tort que c'est un oubli du législateur de 2016, mais il s'agit
là d'un choix bien tranché qui donne un sens nouveau à la
responsabilité pénale des personnes morales. L'article 74-1 du
code pénal exprime ainsi le choix d'un abandon total du principe de
spécialité de la responsabilité des personnes en droit
camerounais.
Pourtant une difficulté majeure se présente, en
effet, malgré l'innovation majeure qu'il sous-tend, l'abandon du
principe de spécialité pose un problème, comment
réprimer les personnes morales pour des infractions qui n'étaient
imputables que jusque-là à des personnes physiques ? le
législateur a apporté une réponse simple mais
pertinente.
2- Le choix de la simplicité dans la
résolution des difficultés nées de l'abandon du principe
de spécialité
92. Deux difficultés majeures se sont
présentées, la première est celle de savoir, si pour les
infractions nouvellement applicables à la personne morales, il fallait
leur imposer la même peine d'amende (même montant) que celle
infligé aux personnes physiques. La seconde plus complexe, posait le
problème de savoir quelle sanction appliquer à la personne morale
lorsque seule une peine d'emprisonnement était prévue ?
257 Voir L'article 74-1 du code pénal de 2016.
61
Parmi les solutions envisageables, il y avait celle d'une
révision législative qui consistait à procéder au
cas par cas pour fixer les sanctions à chacune de ces infractions, en
plus d'être trop laborieuse cette solution n'apportait pas grand-chose en
termes d'efficience. Il ne restait donc plus qu'à déterminer de
façon générale le montant de l'amende applicable à
la personne morale, et la sanction applicable à la personne morale
lorsque seule une peine de prison était prévue. À cet
effet, il fallait nécessairement un référent, et le
législateur en a trouvé un en la personne physique. Ainsi, le
calcul de l'amende se fera à partir du montant fixé pour la
personne physique, partant du principe que le montant de l'amende applicable
à la personne morale doit nécessairement être plus
élevée 258et ou en fonction aura un montant stable
lorsque seule une peine d'emprisonnement est fixée.
93. Le législateur a su adapter cette sanction au
principe de proportionnalité des peines. Ainsi, en fonction de la
gravité de l'infraction le juge pourra moduler l'amende entre le maximum
et le minimum.
Au fond, les précisions apportées par le
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales ont permis une extension du champ de la répression des
personnes morales tant sur le personnel que sur le plan matériel, ce qui
a pour effet de limiter la possibilité pour la personne morale
d'échapper à la répression. Mais cet élargissement
n'est qu'une étape, car dans la responsabilité des groupements,
d'autres acteurs que sont les organes et les représentant sont à
prendre compte. En ce qui leur concerne, même eux peuvent difficilement
se servir du principe général pour échapper à la
répression, celui-ci ayant admis un cumul de responsabilité.
Section 2 : Une limitation inhérente à
l'admission d'un cumul de responsabilité entre les personnes physiques
auteurs des actes incriminés et les personnes morales
94. La possibilité d'échapper à la
répression ne doit pas uniquement s'envisager sous le prisme de la
personne morale. En effet, le choix de l'utilisation de la personne physique
comme substratum humain et même comme « instrument
»259 de la responsabilité pénale des
personnes morales, laisse ainsi planer le doute sur la possibilité
d'engager sa responsabilité sous le fondement de l'infraction qu'elle a
commise pour le compte de la société.
258 Cinq fois plus élevé que le maximum
prévu pour les personnes physiques v. supra n°67.
259 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 et s.
62
95. Ainsi, soit l'on admet que la personne
physique organe ou représentant auteur des infractions imputables
à la personne morale se confond avec celle-ci et donc elle ne devrait
pas être considérée de façon singulière comme
pénalement responsable. Soit on considère que la personne
physique servant de support humain est différente de la personne morale,
la responsabilité pénale des personnes morales deviendrait alors
une responsabilité du fait d'autrui d'où le cumul de
responsabilité entre les personnes morales et des personnes physiques.
L'idée retenue était alors que la responsabilité
pénale des personnes morales est une responsabilité pénale
du fait personnel et celle des personnes physiques se trouve diluée voir
même absorbée par celle de la personne morale.
À la réalité, ces deux hypothèses
n'ont de séduisante que leur simplicité. Car au fond suivant la
logique employée par le législateur ce n'est pas la personne
physique qui serait assimilée à la personne morale, mais le
personnage ou l'institution qu'il incarne260. Ainsi la distinction
doit plutôt être faite entre l'institution de l'organe ou du
représentant et la personne qui incarne cette institution, de telle
sorte que la faute de l'organe ou du représentant
considérée comme la faute de la personne morale puisse cohabiter
avec la faute de la personne physique. C'est dans cette hypothèse qu'on
envisage le cumul de responsabilité pour juguler la
dépénalisation que l'admission généralisée
de la responsabilité pénale des personnes morales pourrait
entrainer pour les personnes physiques auteurs des actes incriminés
(§-1), mais aussi comme outil pouvant servir à
leur répression (§-2).
§-1 Le cumul de responsabilité comme parade du
législateur face la dépénalisation implicite des
agissements des organes et représentant
96. La dépénalisation est
l'action de dépénaliser, c'est-à-dire retirer à un
comportement son caractère délictueux, de le soustraire à
la sanction pénale. C'est l'acte par lequel le législateur
renonce à la voie pénale, cette renonciation peut être
totale ou partielle. Elle est intégrale lorsque le législateur
pénal sort complètement de la voie pénale. Elle est
partielle lorsqu'il est demandé au législateur de mesurer sa voie
pénale261.
260 « D'une part, les organes et représentants
se confondent avec la personne morale qui est alors personnellement responsable
par leur représentation, c'est-à-dire à travers eux.
D'autre part, les personnes physiques se distinguent des organes dont elles
sont membres ou de la qualité de représentant qu'elles endossent
et cette dissociation conduit à envisager l'imputation d'une autre
responsabilité » SAINT-PAU (J.-C.), La responsabilité
des personnes morales : réalité et fiction, op.cit. p.
105.
261 NTONO TSIMI (G.), Les contraintes internationales des
politiques criminelles nationales. La normativité des
obligations des juges supranationaux, séminaire de
grands problèmes pénaux contemporains, Master II année
académique 2018-2019.
63
Dans le cadre de notre analyse, la
dépénalisation est synonyme d'impunité dans la mesure
où la responsabilité pénale des personnes morales est
susceptible de soustraire la personne physique à la sanction
pénale, ce qui a le même effet qu'une dépénalisation
proprement dite262. Ainsi, l'extension du champ de la
responsabilité pénale des personnes morale, s'accompagne de
l'extension de la possibilité d'échapper à la
répression pour la personne physique, dans la mesure où la
personne morale étant désormais responsable pour toutes les
atteintes aux valeurs sociales vient servir d'écran à la personne
physique. Ceci se manifeste par dépénalisation qu'elle induit (A)
et ce rendant compte de cela, le législateur a trouvé une -ou du
moins a cru trouver263-parade dans le mécanisme du cumul de
responsabilité, qui a eu des effets sur cette
dépénalisation (B).
A- La dépénalisation induite par
l'admission généralisée de la responsabilité
pénale des personnes morales
97. Derrière la question du champ d'application de la
responsabilité pénale des personnes morales se joue
l'épineuse question de la répartition des responsabilités
au sein de l'être collectif. Selon François
ROUSSEAU, la répartition des responsabilités
dans l'entreprise se fait soit par une logique d'addition, soit par une logique
de substitution264.
Lorsqu'on s'attarde aux motifs ayant servi
d'implémentation de la responsabilité pénale des personnes
morale, c'est la logique de substitution marquée par la disparition de
la pression pénale exercée sur les personnes physiques organes ou
représentants (1) et un transfert de la responsabilité
pénale des personnes physiques vers la personne morale (2).
1- Une dépénalisation marquée par une
disparition de la pression pénale sur les organes et
représentant
98. Dès la genèse de l'institution, la
responsabilité pénale des personnes morales a été
instrumentalisée afin d'aboutir à un relâchement de la
menace pénale pesant exclusivement sur
262 « Cette pénalisation des
personnes morales conduit parfois à une dépénalisation du
comportement des personnes physiques qui bénéficient ainsi d'un
bouclier ou d'un parapluie protecteur, puisque si, à l'origine, le
législateur annonçait la juxtaposition des deux types de
responsabilités, (bref, qu'en termes gastronomiques ce serait fromage et
dessert), force est d'observer que de plus en plus fréquemment c'est
fromage ou dessert au point que, parfois, la responsabilité
pénale des personnes morales vient jeter un voile impudique sur celle
des personnes physiques » MAISTRE DU CHAMBON (P.), « Rapport
introductif sur la dépénalisation » in
Dépénalisation de la vie des affaires et responsabilité
pénale des personnes morales, collection Ceprisca, puf, 2009,
p.9.
263 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français » op.cit. pp 19 et s.
264 ROUSSEAU (F.) « La répartition des
responsabilités dans l'entreprise », in RSC, 2010.
64
les dirigeants sociaux. Au lieu d'en faire un instrument au
service de la prévention de la délinquance des groupements, et de
la mise en place d'un fonctionnement vertueux de la personne
morale265, la responsabilité pénale a
été limitée à une simple « technique
redistribution du risque pénal au profit de la personne physique en
position de décideur »266.
En France par exemple, une formule célèbre de
Robert BADINTER exprime suffisamment la volonté du
législateur français de réduire « la
présomption de responsabilité pénale qui pèse en
fait aujourd'hui sur des dirigeants à propos d'infractions dont ils
ignorent parfois l'existence ». Ainsi, on observe donc un
déplacement de la présomption de responsabilité des
personnes physiques vers les personnes morales, diminuant ainsi le risque
pénal qui pèse sur chaque personne lors de l'accomplissement
d'une activité. Cette diminution du risque marque un point de
départ vers une déresponsabilisation des personnes physiques.
2- Une dépénalisation exprimée par le
transfert de responsabilité du substratum humain vers la personne
morale
99. Le dirigeant qui était avant
l'admission de la responsabilité pénale des personnes morales la
cible privilégiée du législateur pour les infractions
commises dans le groupement et même par le groupement, se trouve
soulagé lorsqu'il a commis une infraction pour le compte de la personne
morale. On assiste donc à un paradoxe, consacré par une
législation alliant répression et
dépénalisation267 qui tient en ce que «
personnalité morale forme un écran qui permette aux dirigeants de
commettre des faits générateurs de responsabilité en toute
impunité »268.
La responsabilité pénale des personnes morales
par le truchement du principe général offre une sorte
d'immunité à la personne physique agissant es qualité,
mais cette immunité présente de nombreux désavantages. Ce
rendant compte de cela le législateur camerounais a réagi en
envisageant un cumul de responsabilité entre les personnes physiques
auteurs des actes incriminés et les personnes morales, qui a eu des
effets sur le mouvement de dépénalisation.
265 CONSIGLI (J.) « La responsabilité
pénale des personnes morales pour les infractions involontaires :
critères d'imputation » op.cit. pp. 297 - 310.
266 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français », ibid. pp.19 - 46.
267 ROUSSEAU (F.) « La répartition des
responsabilités dans l'entreprise », op.cit. pp. 10 et
s.
268 AFCHAIN (M.-A.), La responsabilité de la
société op.cit. p. 217.
65
B- Les effets du cumul sur la
dépénalisation
100. Le mécanisme décrit à
l'alinéa (c) de l'article 74-1du code pénal camerounais laisse
supposer que la commission d'une seule et même infraction peut donner
lieu à la mise en jeu de la responsabilité de personnes
différentes. Ce qui ne serait pas une curiosité en droit
pénal dans la mesure l'on envisage déjà répression
de la coaction. L'idée principale étant de s'écarter de la
logique de substitution de la responsabilité pénale des
décideurs à celle de la personne morale, pour envisager une
logique d'addition des deux responsabilités. Le cumul de
responsabilité a donc pour impacte d'empêcher la
dépénalisation des agissements des personnes physiques tout
d'abord à travers une raniment de la pression pénale pesant sur
eux (1), mais aussi en imposant un cumul de sanction (2).
1- L'exclusion de la dépénalisation
à travers la réanimation de la pression pénale pesant sur
les personnes physiques auteurs des actes incriminés
101. Aux termes de l'article 74-1 alinéa (c)
« La responsabilité pénale des personnes physiques,
auteurs des actes incriminés, peut se cumuler avec celle des personnes
morales. » il exclut donc du moins principiellement la
dépénalisation en ce qu'il maintien constante la pression
pénale sur les décideurs. Cette démarche est
intéressante dans la mesure où reconnaitre la part de
responsabilité des personnes morales pour les infractions commises en
son sein ne doit pas être synonyme d'impunité pour les personnes
physiques ayant participé à l'infraction, même si
c'était pour le compte de la personne morale269.
102. Bien plus, la solution du cumul a une importance
préventive certaine, elle constitue un moyen de discipliner les
personnes physiques organes ou représentants, qui agiront en
connaissance de ce qu'elles doivent respecter les prescriptions légales.
Comme l'affirmait déjà Juliette TRICOT
« [le cumul de responsabilité] tisse un filet de
sécurité pour retenir dans ses mailles les personnes physiques
dont il serait choquant et « contre-préventif » de les voir
échapper à leurs responsabilités
»270. Cela est d'autant plus important que dans la
codification de la responsabilité pénale des personnes morales
sur le plan international retient le cumul de responsabilité entre les
personnes physiques auteurs des faits incriminés et les personnes
269 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. pp. 281 et s.
270 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français » op.cit., p. 44. Et s.
66
morales. Sans prétention à l'exhaustivité
il s'agit du deuxième protocole joint à la Convention relative
à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes271 ; de la Convention sur la
lutte contre la traite des êtres humains272. Le cumul de
responsabilité influe également sur la sanction pénale.
2- Le cumul de sanction
103. Le cumul de sanction implique que la personne morale et
la personne seront soumis chacune à une sanction prononcée par le
juge pénal. Mais, il peut aussi avoir cumul de sanction de nature
différentes entre sanction pénale et sanction fiscale par
exemple.
Tout d'abord le principe général de
responsabilité pénale des personnes morales en faisant d'abord le
choix d'abandonner le principe de spécialité expose la personne
morale à une double sanction, qui pourrait être administrative et
pénale. Ensuite en admettant la règle du cumul de
responsabilité des personnes physiques et morales, il accentue la
répression de telle sorte qu'elle peut même paraitre excessive. En
effet, même lorsque les poursuites ont été engagées
contre la personne physique, la personne morale peut faire l'objet d'une
sanction fiscale pour les mêmes faits273. Ce qui pourrait
être analysé comme une violation du principe du « non bis
in idem ». S'il faut reconnaitre que le cumul de
responsabilité permet sanctionner deux fautes distinctes, l'on regrette
qu'elle ne se soit pas accompagnée d'une vision globale de politique
criminelle qui aboutirait à une seule réponse à la
criminalité afin d'éviter le cumul de sanction administratives et
pénales274. Au fond il faut saluer la réforme en
elle-même et espérer que les autorités de poursuites en
font un usage rationnel.
§-2 : Le cumul de responsabilité comme un
outil de répression entre les mains des autorités de
poursuites
104. Le premier constat qui est fait sur l'alinéa (c)
de l'article 74-1 est son extrême souplesse. En effet, il peut aboutir
soit à un cumul excessif, soit à un décumul non
justifié. Ce
271 « La responsabilité de la personne morale
en vertu des paragraphes 1 et 2 n'exclut pas les poursuites pénales
contre les personnes physiques ».
272 L'article 22, §4 « cette
responsabilité est établie sans préjudice de la
responsabilité pénale des personnes physiques ayant commis
l'infraction ».
273 Ch. Crim. C.cass. 6 décembre 2017.
274 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français », op.cit. pp. 44 et s.
67
qui dans le dernier cas viderait l'admission du cumul de sa
substance. Au fond, si le législateur ne s'est pas attardé sur la
question, c'est pour mieux s'en remettre aux organes comme le ministère
public et le juge, ainsi l'un grâce à son opportunité de
poursuites pourrait aménager l'option à lui offerte (A), et
l'autre par son impérium l'organiser (B).
A- L'aménagement de la possibilité du
cumul par le biais de l'opportunité des poursuites reconnue au
ministère public
105. Dans d'autres pays notamment en France,
l'activité des parquets en matière de cumul de
responsabilité est guidée par une circulaire de 2006 du garde des
sceaux275. Au Cameroun, le procureur pourrait s'appuyer sur certains
critères pour guider son choix en matière de cumul, ainsi il
choisira de poursuivre soit l'un soit l'autre ou alors deux en fonction du
caractère de l'infraction (1) ou en fonction de la possibilité
d'identification des personnes physiques auteurs des actes incriminés
(2).
1- Le critère basé sur le caractère
de l'infraction
106. Objectivement, le procureur de la république peut
faire le choix ou ne pas faire le choix du cumul en fonction de la nature de la
nature d'infraction. Dans ce sens, il est généralement admis sous
le prisme du droit comparé que le cumul de responsabilité entre
personne physique et personne morale s'impose si l'infraction est
intentionnelle, mais est exclu si l'infraction revêt un caractère
non intentionnel, de telle sorte que seule la responsabilité
pénale de la personne morale devrait être mise en jeu. C'est le
cas par exemple du modèle belge qui n'admet le cumul que pour les
infractions intentionnelles276 mais aussi du modèle
français277.
Toutes les infractions caractérisées par une
imprudence sont imputées uniquement à la personne morale. Ce qui
revient à déresponsabiliser la personne physique pour les
infractions
275 L. n° 2004-204 du 9 mars 2004
généralisant la responsabilité pénale des personnes
morales, CRIM 2006. 03 E8/13-02-2006 (NOR : JUSDO630016C.
276 V. STRETEANU (F.), « La responsabilité
pénale des personnes morales en droit roumain », in Revue de
droit pénal et de science pénitentiaire, n° 2,2007 p.
340.
277 V. La loi du 10 Juillet 2000 et la Circulaire CRIM 200603
E8 du 13 février 2006, Ministère de la Justice. ROBERT(J.-H.),
« Le coup d'accordéon ou le volume de la responsabilité
pénale des personnes morales », in Les droits et le Droit :
mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Paris :
Dalloz, 2007, p. 986.
68
non intentionnelles mais, aussi à courir le risque d'un
cumul injustifié. Un autre critère pourrait guider l'exercice de
l'opportunité des poursuites.
2- Le critère basé sur l'identification des
personnes physiques auteurs des actes
incriminés
107. Suivant ce critère les cas dans lesquels la
personne morale sera seule poursuivie se limitent à ceux où
l'identification de la personne physique ayant commis l'infraction est
impossible, en premier lieu lorsque l'enquête n'a pas pu les identifier,
ou lorsqu'à l'exercice du pouvoir politique le vote se fait sous
bulletin secret278.
Le cumul sera moins envisageable lorsque l'organe est
constitué d'un groupe de personne -comme le conseil d'administration-
surtout lorsque l'infraction résulte d'une décision collective
prise à la majorité ou à l'unanimité. Poursuivre
toutes les personnes physiques ayant participé au vote, ou uniquement
ceux qui ont voté favorablement ou même défavorablement
cumulativement avec la personne morale aboutira à une chasse aux
sorcières qui s'avèrera contreproductif surtout du point de vue
financier, le coût du procès pénal pesant sur l'Etat. La
question est alors résolue par un autre principe, celui de
l'opportunité des poursuites. Le procureur de la république aura
donc libre choix quant au cumul.
D'autres questions se posent notamment celle de savoir si les
deux responsabilités sont liées de telles sortes qu'elles
aboutiraient aux mêmes sanctions, ou à la même
décision au fond ? ces questions seront réglées par le
juge.
B- La réalisation du cumul par le biais de
l'impérium reconnu au juge pénal
108. Il est nécessaire pour le juge de pouvoir faire
la différence entre le sort réservé à la personne
morale et celui des personnes physiques poursuivies pour les actes
incriminés. De telle sorte que le cumul de responsabilité ne
devrait pas être assimilé à une identité de sanction
(1) ou même à une identité des décisions au fond,
les deux responsabilités étant autonomes (2).
278 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p. 118.
69
1- Le choix de sanctions différentes pour des
sujets différents
109. Le juge doit nécessairement dans le choix de la
sanction, et ce malgré la liberté qui lui est reconnu en ce
domaine différencier les peines et mesures de sûreté
applicables à la personne physique et à la personne morale
reconnue coupable. Ceci d'abord à cause du principe de
l'individualisation de la peine, qui recommande au juge d'adapter la peine
ainsi que ses modalités d'exécutions à la
personnalité de l'auteur de l'infraction et aux circonstances de
celle-ci. Ensuite à cause de l'inadéquation entre les peines
applicables aux personnes physiques et la nature de la personne morale.
Ainsi, des circonstances atténuantes
bénéficiant aux personnes physiques ne s'étendrons pas
nécessairement aux personnes morales ou même les circonstances
aggravantes, enfin, le juge devra se référer à la
pénologie particulière de chaque type de justiciable pour
attribuer une peine.
2- Autonomie des responsabilités
110. Logiquement, l'admission d'un cumul de
responsabilité ne doit pas laisser envisager l'hypothèse dans
laquelle l'acquittement de la personne morale entrainerait l'acquittement de la
personne physique et vice versa279. En effet, l'hypothèse du
cumul nécessite de détacher la personne physique en tant
qu'individu, du personnage d'organe ou de représentant dont il assume le
rôle, et donc dans ce sens, d'arriver à des mécanismes
d'imputation différents, des culpabilités différentes et
donc à des sanctions différentes. Ainsi donc la personne morale
sera responsable pénalement et le cas échéant reconnue
coupable, parce qu'elle a personnellement commise une infraction à
travers des personnes lui servant de support physique pour matérialiser
sa volonté de faire du profit ou de mener à bien sa politique. Il
lui sera donc appliqué des sanctions spécifiques. La personne
physique quant à elle sera pénalement
279 « Par ailleurs, il faut dire que ces deux
responsabilités sont indépendantes - de sorte que la relaxe
prononcée en faveur de l'une n'a pas d'autorité à
l'égard de l'autre. Dans le sens contraire, la condamnation
prononcée contre la personne physique n'a pas d'autorité par
rapport à la personne morale et vice versa ». REINALDET DOS
SANTOS (T. J.), Thèse, op.cit. p 288. MARÉCHAL (J.-Y.),
« Responsabilité pénale des personnes morales »,
op.cit. p. 27. On rencontre cette indépendance entre la
responsabilité de la société et celle des dirigeants
sociaux aussi en droit civil, voir par exemple Cour de cass., 2e Ch.
civ., 17 juillet 1967, Gaz. Pal. 1967, p. 235. Par ailleurs, le paragraphe
premier de l'article 41 du projet de nouveau Code pénal brésilien
(Projet de Loi au Sénat n° 236/2012) souligne cette indépendance
en énonçant que « la responsabilité des personnes
morales n'est pas dépendante de la responsabilité des personnes
physiques ». DOS SANTOS (T. J.), Thèse, op.cit.
p.288.
70
responsable parce qu'elle a agi librement et consciemment et
sera le cas échéant coupable parce qu'elle a commise une faute.
On retrouve donc ici chez elle les notions classiques de discernement et de
libre arbitre.
Dans ce sens l'on pourra aboutir à des cas où la
culpabilité de personne physique ayant commis les actes
incriminés est prouvée parce qu'elle a agi volontairement au
mépris des dispositions légales, mais celle de la personne morale
sera exclue parce qu'elle a pu démontrer que sa volonté illicite
ne peut être établit, l'infraction n'ayant pas été
réalisé pour son compte par le personnage lui servant de
substratum humain.
Tout comme dans une autre hypothèse, la
responsabilité de la personne morale pourra être engagée et
sa culpabilité démontrée mais celle de la personne
physique ne sera même pas envisagée parce qu'il n'avait pas la
capacité de discernement, ou alors parce que sa volonté
était abolie.
71
CONCLUSION CHAPITRE II
111. La généralisation de la
responsabilité pénale des personnes morales laisse planer un
double spectre de pénalisation et de dépénalisation. La
volonté de responsabiliser la personne morale ne devrait pas s'envisager
via la déresponsabilisation des dirigeant -de droit de fait, ou
délégué. Pourtant, le choix opéré par le
législateur de 2016 qui met au coeur de la responsabilité
pénale des personnes morales, les personnes physiques organes ou
représentant semble laisser croire que le législateur a fait le
choix de responsabiliser la personne morale pour déresponsabiliser la
personne physique en assimilant le décideur à la personne
morale.280 Ainsi au-delà de limiter la possibilité
pour les groupements dotés de la personnalité juridique ayant
commis des infractions d'échapper à la répression, il
accorde une sorte d'immunité à l'organe et au représentant
qui ne sont plus auteurs matériels parce qu'assimilé l'être
collectif.
Face à ce constat le législateur a cru bon de
résoudre le problème avec la pichenette du cumul de
responsabilité entre les personnes physiques auteurs des actes
incriminés et les personnes morales, mais là encore cela ne
parait marcher qu'à moitié soit parce que pour certaines
infractions, il est difficile d'identifier la personne physique qui se cache
derrière l'écran, soit parce que même quand elle est
identifiée sa faute se trouve diluée dans le fonctionnement de la
personne morale. Ainsi Certains auteurs pensent même que la construction
du principe de la responsabilité pénale des personnes morales
« semble avoir manqué l'occasion de responsabiliser la structure
afin précisément de (mieux) responsabiliser ceux qui y
détiennent le pouvoir de décision »281 cela
n'empêche, l'abandon du principe de spécialité et
l'admission du cumul de responsabilité limitent l'impunité et
partant la possibilité d'échapper à la répression,
indépendamment de la dépénalisation qu'ils pourraient
induire.
280 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français », ibid. p. 19 et s.
281 Ibid.
72
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE
112. À l'analyse des dispositions légales ayant
trait directement ou indirectement à la responsabilité
pénale des personnes morales, il ressort que le législateur
camerounais a su prévoir certaines conséquences d'une entreprise
qui s'avérait périlleuse : celle de la consécration d'un
énoncé général de responsabilité
pénale des personne morales.
Ainsi, l'un des motifs principaux de l'institution d'un
principe général étant une meilleure prise en compte de la
délinquance des groupements dotés de la personnalité
juridique, la première conséquence que cela induit et que le
législateur a identifié est le renforcement de la pression
pénale qui apparaissait légère sous l'empire du principe
de spécialité, à travers la détermination claire et
précise des conditions d'imputation de l'infraction à la personne
morale, mais aussi l'adoption de sanctions spécifiques. La pression
pénale ainsi renforcée a eu pour effet d'apporter plus de vigueur
à l'obligation de subir la répression pesant sur les personnes
morales. Cette conséquence peut être analysée comme
étant positive en ce qu'elle permet en partie de contenir la
délinquance des personnes morales, mais aussi comme étant
négative parce que faire peser sur la personne morale une obligation
aussi vigoureuse peut s'avérer contreproductif pour l'économie ou
pour les personnes physiques pour qui elle se déploie.
113. La seconde conséquence d'un principe
général qui veut saisir dans sa globalité la
criminalité collective et mieux la sanctionner est celle qui a trait
à la limitation au maximum la possibilité d'échapper aux
mailles du filet qu'il pose. Ainsi, les personnes morales étant
désormais responsables pour toutes les atteintes aux valeurs sociales
protégées et les personnes physiques responsables cumulativement
avec les personnes morales, la possibilité de déjouer la
répression est ainsi limitée. Cette deuxième
conséquence peut également être analysée
positivement, mais aussi négativement. Positivement elle permet à
chaque protagoniste d'assumer sa part de responsabilité dans
l'entreprise, négativement, elle s'adapte mal avec le système
d'imputation utilisé pour revigorer la répression.
Au demeurant, s'il faut reconnaitre l'effort du
législateur, il est tout aussi nécessaire de relever les
manquements de sa démarche. Ainsi, Au-delà des questions sur le
choix du modèle d'imputation, les modalités d'application des
sanctions et l'exclusion de certaines personnes morales qui sont
traitées différemment par la plupart des législations
contemporaines ayant admis de façon générale la
responsabilité pénale des personnes morales. Il apparait que le
législateur camerounais a limité là son entreprise
à la construction d'un nouveau responsable
pénal282, une démarche purement
substantielle qui ne lui a pas permis de tirer certaines conséquences
73
282 Ibid.
DEUXIÈME PARTIE : LES CONSÉQUENCES
DU PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ PÉNALE
DES PERSONNES MORALES IGNORÉES PAR LE LÉGISLATEUR
74
114.
75
Dans le processus de pénalisation des agissements de la
personne morale, toute l'attention du législateur camerounais semble
avoir été cristallisé sur la construction d'un nouveau
responsable, et des sanctions qui pourraient lui être affligées.
Cette démarche se justifie certainement par l'orientation du
débat autour de la responsabilité pénale des personnes
morales.
En effet, les arguments développés pour exclure
la personne morale du champ pénal tenaient sur deux axes principaux.
D'abord, l'impossibilité d'imputer une infraction à un groupement
moral, tout simplement parce que celui-ci ne peut pas matériellement
commettre une infraction ; mais aussi l'impossibilité de punir un
être qui n'a aucune existence matérielle283. Ainsi,
selon les tenants de cette théorie, le droit pénal ne serait pas
apte à tirer les conséquences d'une responsabilité
pénale des personnes morales et donc ceux-ci devraient rester
pénalement irresponsables. Le législateur s'est donc lancé
dans un travail de fond qui a commencé de façon chronologique par
le développement de la responsabilité des personnes morales dans
les lois spéciales et pour des infractions précises, avec des
critères d'imputation variables, pour aboutir à un principe
général284. Le législateur a donc
focalisé sa démarche sur le plan substantiel.
115. Pourtant, un constat mérite d'être fait. Le
développement des lois spéciales reconnaissant la
responsabilité pénale des personnes morales a exercé sur
le Code pénal une influence énorme285, de telle sorte
que le législateur s'est finalement lancé dans un processus de
codification de la responsabilité pénale des personnes morales.
La même logique aurait dû suivie avec les nouvelles institutions
réceptionnées dans le code pénal qui nécessite un
aménagement procédural spécifique. En effet,
au-delà des rapports entre les lois spéciales et le Code
pénal, se trouve les rapports entre les lois substantielles et les lois
procédurales, ou de façon générale entre le Code
pénal et le code de procédure pénale. Le fait que le
législateur soit resté muet sur la question et n'a prévue
aucune disposition procédurale spécifique à l'encontre des
personnes morales, pousse nécessairement à faire une
identification des conséquences ignorées par le
législateur (chapitre 3) avant d'explorer la façon de prendre en
compte ces conséquences (chapitre 4).
283 NTONO TSIMI (G) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales morale en droit
camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » ibid. pp. 221-244.
284Ibid. 285 ibid.
76
CHAPITRE III : L'IDENTIFICATION DES
CONSÉQUENCES IGNORÉES PAR LE LÉGISLATEUR
116. Le terme identification vient du verbe identifier, qui
signifie établir l'identité286, préciser la
nature de quelque chose, son existence. L'identification des
conséquences du principe général de responsabilité
pénale des personnes morales ignorées par le législateur
revient donc à les établir leur non prise en compte par le
législateur camerounais, mais aussi la relation de cause à effet
avec le principe général de responsabilité pénale
des personnes morales.
Dans ce sens, si le principe général a
accentué la menace pénale pesant sur les personnes morales et
limité leur possibilité de contourner la répression, cela
se traduit sur le plan formel par l'expansion du contentieux devant les
juridictions répressives. Toute chose qui nécessite de
déterminer la procédure criminelle à suivre lorsqu'une
personne morale est mise en cause, mais aussi dans la mouvance du procès
pénal, prendre en compte les moyens de défense de la personne
morale, qui pourrait faute d'un encadrement légal rigoureux
déjouer les poursuites pénales.
117. À cet effet, lorsqu'on analyse le droit positif,
il apparait que l'insuffisance des mesures procédurales applicables
à la mise en oeuvre de la responsabilité pénale des
personnes morales (Section 1) et le déficit des règles encadrant
les moyens de défense de la personne morale (Section 2) dénotent
de la non prise en compte de certaines conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales par le législateur camerounais.
Section 1 : L'insuffisance des règles fixant
les modalités procédurales de poursuite des personnes morales
mises en cause.
118. Ce qui manque le plus dans le processus de
répression de la personne morale, c'est la mise en place d'une dynamique
répressive qui prendrait en compte toutes les spécificités
de la personne morale. Contrairement au législateur français, qui
en prenant en compte l'instauration de la responsabilité pénale
des personnes morales a procédé à l'ajout d'un ensemble
d'articles dans le Code de procédure pénale consacrés aux
règles de procédures
286 Généralement, l'identification pour les
personnes se fait grâce au nom, prénom au domicile.
77
particulières applicables aux personnes
morales.287 Le législateur camerounais n'a effectué
aucune modification allant dans ce sens. Ainsi les autorités de
poursuites seront enclin à adapter des règles initialement
prévues pour les personnes physiques, et parce que toutes les
règles décrites dans les lois de formes ne peuvent pas s'adapter
aux personnes morales, la limitation est d'abord quantitative
(§1). Ensuite, parce que les règles
adaptées à la personne morale ne prennent pas en compte sa
spécificité, leur limite est aussi qualitative (§
2).
§- 1 Une limitation quantitative des règles
adaptables à la personne morale
119. La limitation quantitative s'exprime par l'insuffisance
des règles adaptables à la personne morale. Aucune disposition
n'étant spécifiquement établie pour être
appliquée à la personne morale poursuivie, une première
interprétation des textes reviendrait à admettre que toutes les
dispositions établies par les lois procédurales lui sont
applicables, à moins d'avoir été expressément
exclues par le législateur288. Cette interprétation
n'est pas tout à fait vraie. Il apparait que seules certaines
dispositions générales applicables aux personnes physiques sont
adaptables à la personne morale avant la mise en mouvement de l'action
publique (A) et après la mise en mouvement de l'action publique (B).
A- L'adaptation des règles procédurales
à la personne morale avant la mise en mouvement de l'action publique
120. La personne morale qui endosse le statut de suspect peut
se voir appliquer les règles classiques de compétence (1) et
d'enquête (2) en fonction des atteintes qu'elles ont commises.
1- Les règles de compétence adaptables
à la personne morale
121. La compétence peut être définie
comme l'aptitude légale pour une autorité publique ou une
juridiction, à accomplir un acte ou à instruire et juger un
procès289. En matière pénale, la
compétence est d'ordre public et d'intérêt
général290, c'est-à-dire que les parties ne
peuvent pas déroger aux règles de compétence d'un commun
accord. Les principales conséquences étant
287 L'article 78 de la loi n° 92-1336 du 16
décembre 1992 a créé un titre XVIII du code de
procédure pénale français intitulé « de la
poursuite, de l'instruction et du jugement des infractions commises par les
personnes morales ».
288 BENILLOUCHE (M.), « La poursuite des personnes
morales », in la dépénalisation de la vie d'affaire et
la responsabilité pénale des personnes morales, sous la
direction de DAURY-FAUVEAU et Mikaël BENILLOUCHE, 2009, p.18.
289 Lexique des termes juridiques, Dalloz 20117-2018, p.
467.
290 GARRAUD (R.), Traité théorique et pratique
d'instruction criminelle, Paris, Sirey, t.3, p.423.
78
que tout manquement aux règles de compétence
doit être soulevé d'office, par toute juridiction qui a
l'obligation de vérifier sa compétence et aussi par les parties
au moyen d'un déclinatoire de compétence ou d'une exception
d'incompétence. La violation d'une règle de compétence est
sanctionnée par la nullité de l'acte qu'elle affecte, sans que
soit exigé la condition d'un grief291.
122. Il existe des principes particuliers qui gouvernent la
compétence en matière pénale qui sont la
territorialité qui sous-tend que toutes les infractions commises au
Cameroun292 relèvent des lois et juridictions pénales
camerounaises. Le principe de personnalité qui lie la compétence
des lois et juridiction à la nationalité293. Ces
règles doivent être combinées avec celles fixées par
la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation
judiciaire qui fixe la compétence des juridictions répressives en
fonction de la gravité des infractions, leur nature et le lieu de
commission ; mais aussi avec les articles 289 et suivants du code de
procédure pénale et l'article 21 du code pénal sur la
classification des infractions.
Ainsi, des règles de compétence, les atteintes
de droit commun seront prises en charge en instance par le Procureur de la
république du TPI294 du lieu de commission de
l'infraction295. S'il s'agit d'un délit c'est-à-dire
d'une atteinte qui dont le maximum de la peine d'amende encourue est
supérieur à vingt-cinq mille (25000) francs, mais aussi des
contraventions lorsque la peine d'amende n'excède pas vingt-cinq (25000)
francs ; par le Procureur de la république du TGI, en cas de crime,
défini uniquement par rapport à la peine de mort ou à la
peine d'emprisonnement.
123. Les atteintes spécialisées seront prises
en charge principalement soit par le Procureur général
près le TCS lorsque la personne morale est suspectée de
détournement de bien public d'un montant minimum de cinquante millions
(50.000.000) de FCFA qui exerce les
291 NTONO TSIMI (G), Fiche de TD de procédure
pénale de troisième année licence, année
académique 20162017, p.5.
292 Art. 7, 8 C.P camerounais de 2016.
293 Art. 10 C.P camerounais de 2016.
294 L'article 13 et 15 de la loi n°2006/015 du 29
décembre 2015 portant organisation judiciaire fixant la
compétence rationae materiae et rationae loci du TPI.
295 Art. 140 du CPP camerounais article 140 « (1) Est
compétent, le Procureur de la République :
a) soit du lieu de commission de l'infraction ;
b) soit du lieu du domicile du suspect ;
c) soit du lieu d'arrestation du suspect.
(2) En cas de saisine concurrentielle, la priorité
revient au Procureur de la République du lieu de commission de
l'infraction ».
79
attributions du Procureur de la république lors de
l'enquête et de l'information judiciaire296 ; soit par le
Commissaire du Tribunal militaire lorsque sera commise une des atteintes
édictées l'article 8 de la loi n°2017/012 du 12 juillet 2017
portant code de justice militaire. Si les règles de compétences
sont facilement adaptables parce que d'ordre public, les mesures
d'enquête adaptables à la personne morale sont moins
importantes.
2- Les règles d'enquête adaptables à
la personne morale suspecte
124. La phase d'enquête est la
première phase du procès pénal. Encore appelée
phase policière, elle est menée par les police judiciaire, sous
la direction du Procureur de la république, ou du Procureur
général près le TCS297. Mais aussi par le
commissaire du gouvernement, s'il s'agit du TM. L'enquête s'ouvre pour
établir s'il y a des liens entre l'infraction et le suspect entendu
comme celui contre qui il existe des renseignements ou indices susceptibles
d'établir qu'il a pu commettre une infraction ou participer à la
commission de celle-ci298.
La loi distingue des types d'enquêtes qui sont
l'enquête de flagrance qui concerne principalement les délits qui
se commettent ou qui viennent de se commettre299 et l'enquête
préliminaire qui est le régime de droit commun300.
Pour appliquer une mesure d'enquête à la personne
morale, il faut que celle-ci soit ouverte. L'enquête ne peut
débuter qu'après la saisine des autorités de police
judiciaire ou du Procureur de la République301. Une fois
ouverte, les mesures d'enquêtes applicables à la personne morale,
sont les perquisitions, des fouilles prévues aux articles 104-1
(f)302 du Code
296 Art. 6 al. 2 Loi N°2011/028 du 14 décembre
2011 portant création d'un Tribunal Criminel Spécial. Le
procureur général près le TCS « exerce les
attributions du Procureur de la République lors de l'enquête
préliminaire ou de l'information judiciaire ». Art. 7 al. 1
« Toute plainte, toute dénonciation ou toute requête
relative à une des infractions visées à l'article 2, doit
faire l'objet d'une enquête judiciaire ordonnée par le Procureur
Général près le Tribunal ».
297 L'article 79 donne des précisions sur la
qualité de police judiciaire, ces précisions sont
complétées par le décret n°213/131 du 03 mai 2013
portant organisation et fonctionnement du corps spécialisé
d'Officier de police judiciaire du Tribunal militaire.
298 Art. 9 al. 1 CPP camerounais.
299 Art. 101 al. 1, 2 CPP camerounais.
300 Art. 116 du CPP et suivant.
301 Art. 135 du CPP le procureur de la république est
saisit par « une dénonciation écrite ou orale ; - une
plainte ;
- un procès-verbal établi par une autorité
compétente.
(b) Il peut également se saisir d'office ».
80
de procédure pénale et l'article 12 du Code de
justice militaire qui peuvent être mené dans les locaux
appartenant à la personne morale.
Une fois l'enquête clôturée, le Procureur
de la république peut décider de poursuivre la procédure
contre la personne morale, elle change alors de statut.
B- L'adaptation des règles procédurales
à la personne morale suspecte après la mise en mouvement de
l'action publique
125. Lorsque le Procureur de la république estime
avoir suffisamment d'éléments lui permettant d'établir la
participation de la personne morale à la commission de l'infraction,
celui-ci peut alors décider de la poursuivre, en mettant en mouvement
l'action publique. Cette dernière tend à faire prononcer contre
l'auteur d'une infraction une peine ou une mesure de sûreté
édictée par la loi303. Au cas contraire,
c'est-à-dire s'il décide de classer sans suite304, la
victime pourra mettre en mouvement l'action publique contre la personne morale
par le biais d'une plainte avec constitution de partie civile. Un dernier
acteur vient se greffer aux personnes susceptibles de mettre en mouvement
l'action publique : Il s'agit des administrations spéciales. Le
Procureur de la république, la victime, l'administration spéciale
peuvent choisir la voie de l'information judiciaire, la personne morale sera
alors inculpée, et le juge d'instruction pourra lui appliquer certaines
règles liées à l'instruction (1) ou faire le choix de
saisir directement la juridiction répressive, la personne morale aura
alors le statut de prévenu ou accusé (2).
1- Les règles procédurales adaptables
à la personne morale inculpée
126. L'inculpé est le suspect à qui le juge
d'instruction notifie qu'il est présumé désormais comme
étant soit auteur ou co-auteur, soit complice d'une
infraction305. Ainsi, plan formel, la personne morale est
inculpée lorsque le juge d'instruction lui a notifié sa situation
par un acte d'inculpation306. Le juge d'instruction est saisi in
rem et non in personam comme
303 Art. 59 du CPP camerounais.
304 Art. 141 al. C CPP camerounais « Le Procureur de
la République saisi, dans les conditions prévues aux articles
135, 139 et 140, peut: décider du classement sans suite d'une affaire et
le faire notifier au plaignant; copie de toute décision de classement
sans suite est transmise dans le mois au Procureur Général
près la Cour d'Appel ».
305 Art. 9 al. 2 CPP camerounais « L'inculpé
est le suspect à qui le Juge d'Instruction notifie qu'il est
présumé désormais comme étant soit auteur ou
co-auteur, soit complice d'une infraction ».
306 Art. 67 CPP camerounais.
81
pour les personnes physiques par le Procureur de la
république par un réquisitoire introductif d'instance ou par une
plainte avec constitution de partie civile.307
Une fois inculpée, elle peut voir ses locaux
perquisitionnés, certains de ses biens saisis, en l'occurrence ceux
ayant servi à commettre l'infraction308. Toutes les
règle ne visant pas spécifiquement l'inculpé peuvent
également être appliquées comme l'audition des
témoins. L'information judiciaire terminée, la personne morale
peut être renvoyée devant la juridiction de jugement par une
ordonnance de renvoi du juge d'instruction, elle change ainsi de statut.
2- Les règles adaptables à la personne morale
prévenue ou accusée
127. Un prévenu ou un accusé
est toute personne qui doit comparaître devant une juridiction de
jugement pour répondre d'une infraction. Lorsque cette infraction est
qualifiée de délit ou de contravention la personne a le statut de
prévenu, lorsque cette infraction est qualifiée de crime, la
personne a le statut d'accusé309.
La personne morale peut être citée310
devant la juridiction de jugement délivrée à la
requête du ministère public, de la personne lésée
par l'infraction, ou par toute autre personne
intéressée311. La citation peut lui être servi
à personne par le biais d'un organe, ou à la mairie du lieu de
son siège social ou même à parquet.312 La
citation adaptée à la personne morale doit contenir non pas le
nom, mais la dénomination de la personne morale et son siège
social. Elle doit également mentionner les faits incriminés et
vise le texte de loi qui les réprime, elle doit également
contenir les indications prévues à l'alinéa 2 de l'article
40 du code de procédure pénale313. La personne morale
peut également se faire signifier les actes de procédures
conformément aux articles 56 et suivants du code de procédure
pénale.
307 Art. 157 CPP camerounais « (1) Toute personne qui
se prétend lésée par un crime ou par un délit peut,
en portant plainte, se constituer partie civile devant le Juge d'Instruction
compétent.
(2) La plainte avec constitution de partie civile met en
mouvement l'action publique.
(3) La règle édictée à
l'alinéa (1) n'est applicable ni aux contraventions, ni aux infractions
dont la poursuite est réservée au seul Ministère Public
».
308 Article 177 et suivants du code de procédure
pénale camerounais
309 Art. 9 Al. 3 ibid.
310 Article 40 ibid. « (1) La citation est une
sommation à comparaître devant une juridiction.
(2) Elle est délivrée par exploit d'huissier
à l'inculpé, au prévenu, à l'accusé,
à la partie civile, aux témoins, au civilement responsable et
éventuellement à l'assureur ».
311 Art 40 al. 3, ibid.
312 Art. 40 al. 4, ibid.
313 Art. 41 al. 2 « La citation énonce les faits
incriminés et vise le texte de loi qui les réprime.
82
À l'audience, la personne morale a droit aux garanties
accordées à la défense314, à la
présomption d'innocence, et les règles de preuves reconnus.
§-2 Une insuffisance qualitative des règles
applicables à la personne morale
128. La faiblesse qualitative tient de ce qu'il n'est
érigé aucune règle spécifique applicables à
la personne morale d'une part (A) mais aussi de l'inadaptation des mesures
procédurales coercitives destinées à assurer une bonne
administration de la justice (B).
A- L'absence des règles spécifiques
applicables à la personne morale
129. Les mesures spécifiques sont celles qui
s'opposent aux mesures générales adaptables à plusieurs
situations. Parler de mesures spécifiques à la personne morale
revient à envisager des mesures qui ne s'appliqueraient qu'à
elle, mais aussi qui correspondraient avec le caractère
immatériel. Ces mesures qui visent la nécessaire
représentation de la personne morale (1) et la contrainte des personnes
morales (2) font malheureusement défaut.
1- L'absence de règles sur la
représentation de la personne morale
130. Le mis en cause doit comparaitre en personne devant les
juridictions répressives. Le principe n'engendre pas de
difficulté lorsqu'il s'agit des personnes physiques. En revanche pour
les personnes morales, cela parait impossible, vu qu'ils n'ont pas de corps
physique.
La représentation ainsi envisagée est
distinguée de la représentation par un avocat dans la mesure
où elle vise d'abord la présence même de l'agent au
tribunal. La personne morale doit donc comparaitre personnellement par
l'intermédiaire d'un représentant à qui sera
adressé tous les actes de procédure, de telle sorte que sans
représentant les règles sur la citation ou l'assignation ne
sauront s'appliquer à la personne morale.
L'intérêt d'ériger des règles sur
la représentation des personnes morales devant la justice pénale
tient du fait que le représentant légal en raison du cumul de
responsabilité, peut voir des poursuites engagées contre lui pour
les mêmes faits. Il y aura donc conflit d'intérêt entre le
représentant et la personne morale.
Elle indique en outre, suivant le cas, le Juge
d'Instruction ou la juridiction de jugement saisie, détermine les lieu,
heure et date de l'audition et précise que la personne est citée
en qualité d'inculpé, de prévenu, d'accusé, de
partie civile, de civilement responsable, de témoin ou d'assureur.
»
314 Il s'agit d'une catégorie juridique
constitué du droit à un juge, du droit à un procès
équitable.
83
Le défaut de mesures applicables au représentant
de la personne morale est donc de nature à limiter l'application des
mesures générales comme les significations. D'autres
défauts viennent s'ajouter à celui-ci.
2- L'absence des mesures formelles coercitives contre la
personne morale
131. Les mesures coercitives sont celles qui visent à
contraindre la personne morale. Elles ne sont envisagées pour l'instant
que sous le prisme de la sanction pénale et non pas, comme des
procédés procéduraux. Chaque phase de la procédure
pénale est accompagnée de mesures spécifiques à but
contraignant qui ont pour objectifs la collecte et la préservation des
preuves, et d'assurer la représentation du mis en cause.
Sans prétention à l'exhaustivité, ces
mesures pour la personne morale
consisteront. la désignation
d'un mandataire de justice pour contrôler l'activité de la
société afin d'éviter la dissimulation de
preuve315, qui pourra aussi assurer la représentation de la
personne morale ; du placement de la personne morale sous contrôle
judiciaire avec des obligations telles que l'interdiction d'émettre des
chèques, d'exercer certaines activités pour s'assurer qu'aucune
autre infraction ne sera commise.316 Pourtant aucune mesure formelle
allant dans le sens n'a été prise par les le législateur
camerounais. Celui-ci n'envisage le placement sous surveillance judiciaire ou
l'interdiction d'activité qu'en guise de peines. L'absence des mesures
formelles coercitives spécifiques applicables aux personnes morales
n'est pas comblée, car il est impossible d'adapter les principales
mesures coercitives existantes qui ne visent par leur nature les personnes
physiques.
B- L'impossibilité d'adapter les principales
mesures coercitives à la personne
morale.
132. De l'enquête au jugement et même à la
phase d'exécution du jugement, en passant par l'instruction, un ensemble
de mesures visant la contrainte du mis en cause afin d'assurer
l'effectivité de la justice pénale sont établies. La
plupart de ces mesures se résument soit en une privation de
liberté (1) soit en la limitation des libertés (2), l'une comme
l'autre de ces mesures sont inadaptées à un délinquant
sans chair.
315 L'article 706-45 du code de procédure pénal
français prévoit déjà ces mesures.
316 Ces dispositions sont déjà applicables dans
des législations étrangères comme en France avec l'article
78 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 a créé un
titre XVIII du code de procédure pénale français
intitulé « de la poursuite, de l'instruction et du jugement des
infractions commises par les personnes morales ».
84
1- L'impossibilité d'adapter les mesures coercitives
visant la privation de liberté
133. Le terme liberté doit être entendu ici
comme la capacité reconnue à se mouvoir, se déplacer,
d'aller et de venir. À cet effet, pour favoriser la manifestation de la
vérité, la principale mesure d'enquête envisagée par
le législateur est la garde à vue. Elle consiste à retenir
une personne dans un local de police judiciaire pour une durée
déterminée sous la responsabilité d'un officier de police
judiciaire à la disposition de qui il doit rester.317
Cette mesure semble inadaptée à la personne
morale qui n'a pas d'existence matérielle. Il parait également
inefficace de l'appliquer aux organes de la personne morale, dans la mesure
où si elle se limite au seul organe suspecté d'avoir commis
l'infraction pour son compte, la personne morale par ses autres organes
pourrait se déployer à soustraire les éléments de
preuve nécessaires à la manifestation de la vérité
; si elle s'étend sur tous les organes elle aboutirait à une
privation de liberté arbitraire qui paralyserait l'activité
même de la personne morale.
134. À l'instruction, à la phase de jugement ou
et exceptionnellement en cas de flagrant délit la principale mesure
coercitive envisagée est la détention provisoire. Elle est une
mesure exceptionnelle qui consiste à garder l'inculpé
enfermé dans un établissement pénitentiaire318.
Elle a pour but la préservation l'ordre public, la
sécurité des personnes et des biens ou d'assurer la conservation
des preuves ainsi que la représentation en justice de
l'inculpé319. Le constat reste le même, il est
impossible d'étendre l'application de cette mesure à la personne
morale.
La question qui se pose alors est celle de savoir, quelles
sont les mesures qui applicables à la personne morale inculpée
pourront protéger l'ordre public, la sécurité des
personnes et des biens ou d'assurer la conservation des preuves et sa
représentation en justice ? les mesures limitatives de liberté ne
répondent pas non plus la préoccupation.
2- L'impossibilité d'adapter les mesures limitatives
de liberté
135. D'autres mesures ne visent pas une
privation stricte des libertés. Ainsi des mesures comme la
liberté sous caution permet à toute personne légalement
détenue à titre provisoire peut bénéficier de la
mise en liberté moyennant une garantie.
317 Art. 118 al. 1. CPP camerounais.
318 Article CPP camerounais.
319 Art. 218 et suivants du CPP camerounais.
85
Elle a pour but d'assurer la représentation de la
personne devant un officier de police judiciaire ou une autorité
judiciaire compétente320. D'autres mesures visent la
limitation des déplacements avec la surveillance judiciaire comme ne pas
sortir des limites territoriales déterminées par le Juge
d'Instruction, s'abstenir de conduire tous véhicules ou certains
véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son
permis de conduire contre récépissé ; se soumettre
à des mesures d'examen, de traitement ou de soins, même sous le
régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de
désintoxication et de traitement des maladies
contagieuses321.
De façon générale, le législateur
semble avoir ignoré l'entrée des personnes morales dans la
sphère de la répression en se contentant uniquement de
définir les modalités substantielles de la répression.
Certaines mesures procédurales devront donc être adaptées
à la circonstance, mais cette adaptation ne suffit pas à prendre
en compte toutes les implications découlant de l'entrée d'un
nouveau responsable dans le procès pénal.
Section 2 : Le déficit des règles
liées aux moyens de défense de la personne morale
136. Les moyens de défense
désignent toutes les méthodes suivant lesquelles une personne
compte organiser sa défense. Elles lui permettront de riposter à
l'attaque en justice dont elle fait l'objet322. En principe, toute
personne a le droit d'organiser sa défense comme elle le souhaite et
autant le juge que son adversaire doit lui reconnaitre cela. Cette
reconnaissance en droit pénal est assurée par deux principes
généraux que sont la présomption d'innocence et le
principe des droits de la défense323.
Toutes les règles existantes liées à la
garantie des droits de la défense ne sont pas critiquées en tant
qu'elles ne permettent pas à la personne morale d'assurer effectivement
sa défense, mais parce qu'elles ne permettent pas de conserver
l'égalité des armes qui sous-tend la dynamique du procès
pénal. Le ministère public est souvent désarmé
lorsque la personne
320 Art. 224 et suivant du CPP camerounais.
321 Art. 246 et suivants du CPP camerounais.
322 Lexique des termes juridiques, Dalloz 20117-2018, P.
683
323 Article 8 « Toute personne suspectée
d'avoir commis une infraction est présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès où toutes
les garanties nécessaires à sa défense lui seront
assurées » Les droits de la défense désigne les
droits appartenant à la défense mais aussi l'ensemble des
garanties procédurales permettant au mis en cause d'assurer
effectivement sa défense.
86
morale utilise des moyens non conventionnels
(§-2) et la personne morale désavantagée
lorsqu'il s'agit des moyens conventionnels (§-1).
§-1 Les moyens de défense conventionnels
limités défavorisant la personne morale
137. Les moyens de défense conventionnels sont les
plus usuels, les plus attendues devant les juridictions répressives.
Ainsi, la charge de la preuve pesant sur l'accusation en vertu du principe de
la présomption d'innocence, la défense peut soit se contenter de
faire front et contester chacun des éléments de l'accusation afin
d'obtenir un acquittement. Cette stratégie est plus souvent
utilisée dans les cas où il existe des dissonances dans les
éléments apportés par l'accusation et dans la
procédure324. Il sera donc question pour le mis en cause de
contester sa culpabilité sous la base de ce que aucun
élément de preuve ne le relie à la commission de
l'infraction.
La défense peut aussi ne pas contester les
éléments de preuve présentés et admettre sa
participation à l'infraction mais invoquer une cause
d'irresponsabilité objective ou subjective. Cette stratégie est
très souvent utilisée pour éviter de nier les
évidences, de reconnaitre ce qui est incontestable et concentrer sa
défense sur les circonstances atténuantes les faits
justificatifs, les causes de non imputabilité325.
Appliquée à la personne morale, celle-ci comme
moyen de défense au regard des modalités d'imputation de
l'infraction posées par le législateur ne peut que se contenter
de contester sa participation à l'infraction ou la nullité de la
procédure (A) car elle peut difficilement faire valoir des causes
objectives ou subjectives d'irresponsabilité (B).
A- La contestation comme moyen de défense
ouvert à la personne morale
138. Contester c'est nier, réfuter. Ainsi, la personne
morale étant responsable pénalement des infractions commises pour
son compte par ses organes ou représentants326, la
contestation portera sur des motifs différents suivant qu'elle ait des
intérêts communs (1) ou divergents (2) avec la personne physique
organe ou représentant.
324 Daoud (E.) Les stratégies et modes de défense
pénale, interview Dalloz Actu étudiant, 19 juillet
2018
325 BENBOUZID (M.), petit manuel de défense
pénal, International Bridges to Justice, version numérique
www.justicemarkers.net
switzerland, p. 19
326 Art. 74-1 CP camerounais.
87
1- La contestation en cas de convergence
d'intérêts entre la personne morale et la personne physique organe
ou représentant
139. Les intérêts de la personne
morale peuvent converger avec ceux des personnes physiques organes ou
représentants lorsque seule la responsabilité du groupement est
engagée. Ce cas existe soit parce que le procureur aura fait le choix de
poursuivre uniquement l'être collectif, soit lorsque que l'organe ou le
représentant n'a pas pu être identifié. Ainsi, la personne
morale contestera chaque élément présenté par
l'accusation ayant pour but d'établir que l'infraction a bel et bien
été commise par un organe ou le représentant de la
personne morale.
La personne morale pourra aussi, par le biais de son
défenseur, contester la qualité d'organe ou de
représentant de la personne physique auteur des actes incriminés
lorsque cette personne n'est qu'un employé, ou un préposé
ne bénéficiant d'aucune délégation de pouvoir. La
contestation ne portera pas sur les mêmes éléments si les
intérêts sont divergents.
2- La contestation en cas de divergence
d'intérêts entre la personne morale et la personne physique organe
ou représentant
140. Il y a divergence d'intérêts lorsque la
personne physique est mise en cause cumulativement avec la personne morale pour
les mêmes faits. Pour se dédouaner, la personne morale contestera
les éléments tendant à démontrer que l'organe ou le
représentant a agi es qualité pour son compte. Il s'agira alors
de rejeter toute la faute sur la personne physique car elle aura agi dans son
propre intérêt au mépris des intérêts du
groupement. Dans ce cas la personne morale sera la victime.
141. Comme moyen de défense, elle peut aussi
évoquer des dissonances dans la procédure sur le fondement de
l'article 3 alinéa 1 du code procédure pénal327
; mais aussi invoquer les différentes nullités, et les autres
causes d'extinction de l'action publique énoncés à
l'article 59 du code de procédure pénale camerounais. Pour ce qui
est des causes
327 Article 3 CPP « (1) La violation d'une
règle de procédure pénale est sanctionnée par la
nullité absolue lorsqu'elle :
a) Préjudicie aux droits de la défense
définis par les dispositions légales en vigueur ;
b) Porte atteinte à un principe d'ordre
public.
(2) La nullité prévue au paragraphe 1 du
présent article ne peut être couverte. »
Elle peut être invoquée à toute phase
de la procédure par les parties, et doit l'être d'office par la
juridiction de jugement ».
88
d'irresponsabilité et circonstances atténuantes,
elles semblent moins adaptées à la personne morale.
B- Les causes exclusives de responsabilité
comme moyen de défense fermé aux personnes morales
142. Les causes d'irresponsabilité pénale, sont
des facteurs qui excluent la responsabilité pénale. Le
législateur les regroupe dans les causes qui suppriment ou
atténuent la responsabilité pénale.328 Certains
de ces facteurs neutralisent le préalable légal de l'infraction
en retirant à celui-ci son caractère délictueux, il s'agit
des faits justificatifs (1). D'autres jouent sur la volonté, il s'agit
des causes de non imputabilité (2). Il semble impossible pour la
personne morale de faire jouer une cause d'irresponsabilité pour se
dédouaner.
1- L'incompatibilité entre la nature de la
personne morale et les causes objectives d'irresponsabilité
143. Les causes objectives d'irresponsabilité sont
celles qui ne sont pas liées aux personnes, mais à l'infraction.
En effet, il existe des causes qui viennent retirer le caractère injuste
de l'action ou de l'omission incriminé, en supprimant le
préalable légal. Il peut s'agir de causes postérieures
à l'infraction comme l'abrogation de la loi. Mais le plus souvent le
préalable légal va disparaitre du fait d'éléments
contemporains à l'infraction c'est notamment le cas des faits
justificatifs329.
Ainsi, le fait justificatif est une circonstance
matérielle qui vient faire obstacle à la qualification de
l'infraction330. Il s'agit soit d'une
obéissance331 soit une permission ou une
tolérance332. À côté de ces faits
justificatifs généraux il existe des faits justificatifs
spéciaux333. Généraux ou spéciaux, les
faits justificatifs jouent pour tous les auteurs, co-auteurs, complices
328 Chapitre II du titre III du code pénal camerounais.
329 MINKOA SHE (A.), Cours polycopié de droit pénal
général, dispensé en L2, année académique
2015-2016.
330 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p. 293.
331 Dans cette catégorie on distingue
l'obéissance à la loi (article 76) de la loi n°2016/007 du
12 juillet 2016 portant code pénal, le commandement de l'autorité
légitime (article 83).
332 Dans cette catégorie l'on range la légitime
défense (Article 81(1)), l'état de nécessité
(article 86) et le consentement de la victime.
333 Les faits justificatifs spéciaux sont liés
à des domaines précis, en matière de sport par exemple
dans un combat de boxe, le boxeur ayant respecté les règles du
combat, ne pourra pas être poursuivi pour coup et blessure, en
matière de diffamation, l'exceptio véritatis constitue un fait
justificatif.
89
et même receleurs, à toutes les phases de la
procédure. Il n'est pas nécessaire pour qu'il soit reconnu
d'aller jusqu'au stade du jugement. Si le procureur de la république
constate que les conditions d'effectivité d'un fait justificatif sont
réalisées, il n'engage pas les poursuites et classe sans suite.
Si c'est le juge d'instruction qui constate que ces conditions sont remplies,
il rend une ordonnance de non-lieu. Enfin, si c'est la juridiction de jugement,
elle rend une décision de relaxe ou d'acquittement334.
144. La question est donc de savoir si un
fait justificatif peut être caractérisé directement
à l'égard d'une personne morale. Le législateur n'a pas
apporté de précision sur la question, et la doctrine semble
partagée. En effet, on imagine mal une personne morale commettre une
infraction par légitime défense, toutefois des auteurs ont
tenté de démontrer que la personne morale peut commettre une
infraction par nécessité. L'exemple est celui-ci d'une personne
morale qui fraude le fisc pour payer le salaire de ses employés en
période de crise économique335. Cette solution est
déjà applicable en droit brésilien qui admet la
justification de l'infraction de défaut de paiement des impôts
dans le but d'assurer les salaires des employés de l'entreprise dans un
contexte de crise financière 336.
Il semble difficile d'admettre une telle solution, de telle
sorte que les faits justificatifs ne peuvent pas être utilisés au
cours d'un procès par la personne morale pour obtenir un acquittement.
Par contre elle pourra pour bénéficier d'un acquittement faire
valoir un fait justificatif chez son organe ou représentant poursuivi
pour les mêmes faits. Le fait justificatif neutralise à la fois la
responsabilité de l'organe mais aussi de tous ceux qui sont poursuivis.
On dit que le fait justificatif opère in rem337. La
jurisprudence est toujours hésitante à ce sujet. Sous le prisme
du droit comparé, une seule décision dans le sens de la
communication d'un fait justificatif à la personne morale338.
Quid des causes subjectives ?
334 MINKOA SHE (A.), Cours polycopié de droit pénal
général, dispensé en L2, année académique
2015-2016.
335 REINALDET DOS SANTOS (T-J), la responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p. 296.
336 Ibid.
337 « Les faits justificatifs font perdre le
caractère délictueux au fait générateur. Les
éléments de l'infraction ne sont pas constitués, l'acte
est conforme au droit (...) en principe, ils doivent être transmis
à la personne morale. Comme ces faits justifient l'infraction, celle-ci
n'est pas constituée et ne peut pas être imputée à
la personne morale » AFCHAIN (M.-A.), La responsabilité de la
société op.cit. p. 110.
338 CA Paris, 28 mai 2009, Jurisdata n° 2009-004993 ; JCP G
2009, n° 36, 186, obs. MARÉCHAL (J.-Y.).
90
2- L'incompatibilité entre la nature de la personne
morale et les causes subjectives d'irresponsabilité
145. Les causes subjectives contrairement aux causes
objectives ne sont pas liées à l'infraction mais à la
personne, à ses aptitudes. Elles sont encore appelées causes de
non imputabilité. L'existence d'une cause de non imputabilité va
faire obstacle à ce que « l'ordre juridique adresse un jugement
de reproche à l'encontre de l'agent qui a accompli un acte illicite
»339 pour des raisons telles que le défaut
d'intelligence340 ou de volonté341. La coloration
illégale de l'action ou de l'omission demeure mais ne sera pas
blâmée.
L'une des questions qui se pose est celle de savoir si un
être immatériel peut soulever au cours de l'instance une cause de
non imputabilité destinée aux personnes physiques ? La
réponse semble à priori négative. D'abord, si l'on se
fonde sur le mécanisme d'imputation morale de l'infraction à la
personne morale, celle-ci doit être commise pour son compte, ce qui fait
plus ressortir l'idée de profit, d'intérêt. Alors que
l'imputation morale chez les personnes physiques repose sur l'intelligence et
la volonté342. Pourtant, une partie de la doctrine milite
pour l'admission des causes de non imputabilité à la faveur de la
personne morale. L'argument se fonde sur l'égalité de tous devant
la justice.
146. Certains auteurs ont fait observer qu'une infraction
commise suite à une décision du conseil d'administration d'une
personne morale prise sous la base d'information erronée fourni par une
autorité administrative pourrait constituer une erreur de
droit343. D'autres ont soulevé l'hypothèse dans
laquelle une société mère impose une décision
à une filiale, laquelle décision aboutira à la
consommation d'une infraction qui profitera à toutes les
sociétés du groupe. Mais, parce que la filiale a une existence
propre seule sa responsabilité pénale sera retenue, la
société mère a ainsi l'occasion de faire supporter
à la seule filiale la conséquence pénale344.
Pour contrer cette situation, qui est « une aubaine pour la
société mère ainsi épargnée d'avoir à
supporter, à l'échelle du groupe les conséquences
patrimoniales ou
339 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p. 421.
340340 Dans ces causes on regroupe la disparition de la
capacité de compréhension soit par le fait de la démence
(78(1)) CP camerounais, soit par l'intoxication involontaire (art 79) CP
camerounais. Mais aussi la minorité (art. 80) C.P camerounais.
341 Dans ces causes on regroupe la contrainte (art 77) CP
camerounais.
342 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales, op.cit.
p. 423
343 ibid. p. 423.
344 BOULANGER (A.), Restructurations
sociétaires et responsabilité pénale, op.cit. pp 497
et s.
91
organisationnelles d'une amende ou d'une sanction
spécialement prévue »345, la doctrine
propose que la contrainte346 soit reconnue comme cause de non
imputabilité à la faveur de la société filiale. Et
parce que les causes de non imputabilité ne se communiquent pas, rien
n'empêche de poursuivre les personnes physiques auteurs des actes
incriminés, la société mère quant à elle
peut être poursuivie en tant qu'auteur moral.
Il reste donc que par rapport aux personnes physiques, les
personnes morales ne peuvent pas invoquer des causes subjectives
d'irresponsabilité, et ne peuvent pas se prévaloir de l'admission
d'une cause de non imputabilité à l'égard de l'organe ou
du représentant, parce que contrairement aux faits justificatifs qui se
communiquent, ceux-ci agissent in personam, donc uniquement à
l'égard de la personne au bénéfice de laquelle elle est
reconnue.
Il apparait donc que les moyens de défense
conventionnels de la personne morale sont limités, le droit pénal
ne lui accorde pas suffisamment de marge de manoeuvre en la matière et
elle semble défavorisée. Son caractère immatériel
semble être donc la paralyser dans un sens, mais présente des
avantages dans un autre.
§- 2 : les moyens de défense non
conventionnels de la personne morale mettant à mal les autorités
de poursuite
147. Les moyens de défense non conventionnels sont
ceux que la personne morale peut utiliser pour contourner la répression,
il s'agit de la ruse. Ces moyens de défense propres à la personne
n'ont pas été prévues par le législateur
camerounais. Elle a trait tout d'abord à la nature de la personne morale
mais aussi l'exigence de personnalité juridique posée par le
législateur. Ainsi, pour contourner le champ pénal, les organes
et représentants peuvent commettre l'infraction avant d'effectuer les
formalités légales liées à l'acquisition de la
personnalité morale (A) ou instrumentaliser les opérations de
restructuration pour échapper à la répression (B).
A- La commission d'infraction avant l'acquisition de
la personnalité juridique
par l'être moral
148. En utilisant l'expression « personne morale
», le législateur fait ainsi le choix d'exclure les
groupements non dotés de la personnalité juridique. Positivement
les autorités de
345 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, op.cit. pp 497 et s.
346 V. CARTIER (M.-E.), « La responsabilité des
personnes morales : évolution ou révolution », op.cit.
p. 26.
92
poursuite doivent vérifier ou apporter la preuve de
l'existence légale du groupement au moment de la commission de
l'infraction. Négativement, la personne morale devra juste apporter la
preuve de l'absence de personnalité juridique au moment de la commission
de l'infraction. Ainsi, si cela apparait comme un moyen de défense
intéressant pour les personnes morales (1), il a des effets pervers en
termes de criminalité (2).
1- La preuve de la commission de l'infraction avant
l'acquisition de la personnalité morale comme moyen de défense
intéressant pour les personnes
morales
149. Naturellement, la charge de la preuve appartient
à celui qui accuse. Mais rien n'interdit à la défense de
produire des moyens de preuves. Ainsi, elle parait intéressante parce
qu'elle est facile. Il suffit juste de se référer à la
date inscrite sur le récépissé de déclaration ou la
date l'immatriculation. Elle peut même servir de preuve
préconstituée dans la mesure où les organes et
représentants ont volontairement effectués des actes
incriminés avant l'acquisition de la personnalité morale.
150. Il en est de même pour les groupements
déjà constitués mais à qui la loi ne reconnait
aucune existence propre. Ceux-ci n'auront même pas besoin de fournir une
quelconque preuve. L'un des exemples les plus marquants est celui des
succursales et du groupe de société.
La succursale est définie par l'AUSCGIE comme
étant un établissement d'exploitation industrielle, commercial,
ou de prestation de service appartenant à une autre personne morale ou
une personne physique347 qui n'ont pas de personnalité
juridique distincte des personnes physiques ou morales propriétaires. On
a donc une entité qui existe dans la légalité, qui a une
autonomie de gestion348, mais qui lorsqu'elle commettra une
infraction celle-ci sera considérée comme celle de la personne
physique ou morale qui en ait propriétaire.
Ce moyen de défense se base sur le fait qu'un
être qui ne vit pas ne saurait commettre des infractions. Par analogie,
admettre la responsabilité pénale des groupements non
dotés de la personnalité morale s'assimilerait à admettre
la responsabilité pénale d'un foetus. Tout comme la
personnalité juridique est nécessaire pour les personnes
physiques, elle est tout aussi pour les personnes morales. Pour être
pénalement responsable il faut d'abord exister
347 Art. 116 de l'AUSCGIE.
348 Art. 117 al. 1 de l'AUSCGIE.
93
légalement, et parce qu'elle existe légalement,
la personne morale a un patrimoine ; est titulaire des droits et obligations et
est donc « admissible à la responsabilité pénale
»349. Il est également possible d'assimiler
à cette situation, les fermetures frauduleuses et dissolution
frauduleuses, c'est-à-dire cette à dire celles qui sont
instrumentalisée par l'être collectif pour éluder les
poursuites. Ainsi, pour échapper à la répression, la
personne morale pourra provoquer sa dissolution pour mieux « renaitre
» sous un autre nom avec une personnalité juridique
différente.
Toutefois, l'absence de personnalité morale n'exclut
pas la responsabilité des personnes physiques auteurs des actes
incriminés. En effet, seul ceux-ci seront poursuivis et leur
responsabilité pourra être établie. L'absence d'existence
légale constitue donc une sorte d'immunité pour la future
personne morale à naitre. Cette conception présente un
réel problème du point de vue de la criminalité.
2- Les effets pervers de l'exclusion des groupements non
dotés de la personnalité juridique du champ de la
responsabilité pénale
151. Si l'exclusion des entités
morales non dotés de la personnalité morale se justifie par un
souci d'égalité devant la justice ; il n'en demeure pas moins
regrettable que le législateur camerounais n'ait pas été
plus rigoureux dans la rédaction de l'article 74-1 alinéa (a) du
Code pénal. Comme le remarquait déjà un auteur, «
un discours idéologique de personnalité et
d'égalité est venu habiller une volonté pragmatique
d'engager la responsabilité pénale des entreprises, sans que pour
autant l'on ait cessé d'avoir ces dernières en ligne de mire et
en référence, et sans que l'on ait mesuré les
conséquences qu'engendrerait cet habillage »350.
Elle est un facteur d'impunité et permet pas d'appréhender la
criminalité collective.
Tout d'abord parce qu'il peut être utilisé par
une pléthore de groupement, qui du point de vue criminologique jouent un
rôle conséquent dans le processus de passage à
l'acte351, mais aussi parce qu'il tend à exclure une autre
garantie à la partie civile car le patrimoine de la personne morale ne
sera pas pris en compte dans le calcul des dommages-intérêts. Ce
moyen de défense peut être utilisé à par les
personnes de bonne comme de mauvaise foi. C'est le cas
349 Ibid. DESPORTES (F.) Le GUNEHEC ((F.) Droit
pénal général, op.cit. p. 562, n°
588.
350 Giudicelli-Delage (G.), « La responsabilité
pénale des personnes morales en France », op.cit., p.
189.
351 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 121 et s.
94
par exemple des infractions commises par les
sociétés en formation c'est à dire des
sociétés qui ne sont pas encore constituées, celles dont
les statuts ne sont pas encore signés et adoptés par
l'assemblée générale352, des
sociétés déjà constituée comme les
sociétés de fait qui sont considérées comme
« des sociétés de droit
dégénérée, une conséquence du non-respect du
formalisme légal qui préside à la constitution d'une
société »353. La société de
fait est celle dans laquelle les constituants de mauvaise foi veulent profiter
des avantages d'une société régulièrement
constituer sans accomplir les formalités
nécessaires354. Les sociétés
créées de fait sont celles dans lesquelles les constituants sont
de bonne foi, ils se sont mis en société sans s'en rendre
compte355. Et les sociétés en participation qui sont
celle dans lesquelles les constituants conviennent de pas l'immatriculer au
RCCM356.
152. Le droit pénal camerounais semble
désarmé face à ces situations. Dans d'autres branches du
droit, il est possible d'attribuer les actes passés par les constituants
avant l'acquisition de la personnalité morale par le groupement, c'est
le cas par exemple en droit des sociétés, lorsque les
sociétés une fois immatriculées reprennent les engagements
pris par leur représentant durant la période de formation.
Bien plus, comme il est possible pour les personnes physiques
d'invoquer une cause de non imputabilité comme moyen de défense
ou un fait justificatif, cela pourrait très souvent être une cause
d'impunité. C'est le cas par exemple pour les constituants d'une
société de fait qui en commettant des infractions lors de la
constitution de la société invoque l'erreur comme fait
justificatif.
B- L'instrumentalisation des opérations de
restructuration comme moyen de contournement de la répression pour la
personne morale
153. Restructurer c'est aménager une nouvelle
structure, donner une nouvelle organisation sur le plan économique ou
technique.357 Elle revêt diverses modalités parmi
352 Art. 100 de de l'AUSCGIE.
353 POUGOUE (P-G.), ANOUKAHA (F.) et alt., Acte uniforme du 30
janvier 2014 relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d'intérêt économique, in OHADA Traité et
actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, premier semestre
2016, p. 697.
354 SOH FOGNO (D.R) « La sanction pénale des personne
morales en droit camerounais » op.cit. p. 48.
355 Ibid.
356 Art. 854 al. 1 de l'AUSCGIE.
357 Dictionnaire encyclopédique pour tous, Petit
LAROUSSE illustré, Paris 1979, P.891.
95
lesquelles la transformation, les fusions-scissions, l'apport
partiel d'actifs, l'administration provisoire.
154. La transformation désigne un changement de forme.
La forme d'une personne morale est son vêtement358 elle peut
donc la changer pour s'adapter aux contingences du moment, l'hypothèse
est plus fréquente dans le cadre des entreprises. La transformation se
fait généralement par une modification des statuts. Parce qu'elle
n'entraine pas la création d'une nouvelle personnalité, la
responsabilité pénale s'applique à elle peu importe la
forme prise par la société. La transformation ne pose donc pas
à priori un problème du point de vu de la mise en oeuvre de la
responsabilité pénale des personnes morales. Il en est de
même pour les apports partiels d'actifs359 et administration
provisoire360.
Les opérations de restructuration qui mettent à
l'épreuve le droit pénal sont donc celles qui entrainent la
création d'une nouvelle personnalité morale titulaire du
patrimoine de l'ancienne personne morale, il s'agit des opérations de
fusion et de scission.
155. La fusion est l'opération par laquelle au moins
deux personnes morales en l'occurrence les sociétés se
réunissent pour n'en former qu'une seule soit par création d'une
société nouvelle, soit par absorption de l'une par
l'autre.361 Elle entraine transmission à titre universel du
patrimoine de la société qui disparaît aux
sociétés existantes ou nouvelles ; elles entraînent
dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent, et
simultanément l'acquisition par les associés des
sociétés qui disparaissent, de la qualité
d'associés des sociétés bénéficiaires dans
les conditions déterminées par le contrat de
fusion362. La scission est l'opération par laquelle le
patrimoine d'une société est partagé entre plusieurs
sociétés existantes ou nouvelles363. Elle entraine les
mêmes effets que la fusion.
Ces opérations peuvent être utilisées pour
des fins autres qu'économiques. Ainsi, lorsqu'elles interviennent
pendant les poursuites mettent en échec l'action publique (1)
358 POUGOUE (P-G.), ANOUKAHA (F.), NGUEBOU TOUKAM (J),
société commerciale et GIE, cours en ligne
http://www.ohada.com/presentation-droit-ohada/categorie/3/societe-commerciale-et-gie.html,
p29.
359 Il s'agit de l'opération par laquelle une
société fait apport d'une branche autonome d'activité
à une société préexistante ou à
créer. La société apporteuse ne disparaît pas du
fait de cet apport. Art. 195 AUSGIE.
360 Art. 160-1 AUSGIE.
361 Art. 189 al.1 AUSCGIE.
362 Art. 189 al. 3.
363 Art. 191 AUSCGIE.
96
lorsqu'elles interviennent après la condamnation sont
de nature à perturber l'application de celle-ci (2).
1- L'utilisation des mécanismes de fusion et de
scission pour mettre en échec
l'action publique
156. La fusion et la scission peuvent
permettre à une personne morale contre qui est dirigé des
poursuites de mettre en échec l'action publique. Ainsi ce n'est pas les
mécanismes en eux même qui posent problème en droit
pénal camerounais, mais leur instrumentalisation. Comme on l'a
vu364, la fusion et la scission entrainent la dissolution d'une
personne morale et la transmission de son patrimoine à une ou à
plusieurs autres personnes morales.
Le problème soulevé par cette opération
est lié au sort de l'action de publique lorsque celle-ci était
engagée contre la société absorbée. Ainsi si
pendant le procès pénal deux sociétés s'entendent
pour fusionner ou alors pour se partager le capital d'une société
pour permettre à celle-ci d'échapper aux poursuites
pénales, l'action publique pourra-t-elle être redirigée
contre la société absorbante ou les nouvelles
sociétés bénéficiaires ?
En l'état actuel du droit pénal positif
camerounais la réponse à une telle question ne peut être
que négative. Car cela reviendrait à poursuivre la
société absorbante ou la nouvelle société pour une
infraction qu'elle n'a pas commise, et même pour une infraction dont elle
ignorait peut-être l'existence jusqu'à la fusion, cela
s'apparenterait donc une responsabilité pénale du fait d'autrui.
Non pas que la responsabilité pénale du fait d'autrui soit
étrangère en droit camerounais365, mais parce qu'en ce
qui concerne les personnes morales au regard des dispositions de l'article 74-1
du code pénal de 2016, elles sont pénalement responsables de leur
propre fait. Bien plus, l'une des causes d'extinction de l'action publique est
la mort du suspect de l'inculpé, du prévenu ou de
l'accusé366, pour la personne morale c'est
l'équivalent de la dissolution et donc de la perte de la
personnalité morale, même si la loi ne vise pas
expressément ce cas de figure367. Pourtant la question de la
transmission de la responsabilité pénale des personnes morales
mérite d'être posée avec acquitté, en raison de leur
capacité à disparaitre
364 N°164.
365 En effet il existe une responsabilité pénale
du fait d'autre en l'occurrence celle du chef d'entreprise. Lire à cet
effet NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la responsabilité
pénale des personnes morales en droit camerounais. Des lois
spéciales vers un énoncé général ? »
op.cit. pp. 221 et s.
366 Art. 62 CPP camerounais.
367 Là encore c'est une preuve que le code de
procédure pénale camerounais est taillé à la mesure
de la personne physique.
97
pour mieux renaitre368 il serait contreproductif de
leur appliquer tous les principes propres aux êtres humains. La fusion et
la scission peuvent également intervenir avant l'exécution de la
sanction pénale.
2- L'utilisation des mécanismes de fusion et de
scission pour mettre en échec l'application de la sanction
pénale
157. La responsabilité pénale
et la sanction pénale sont tous deux régies par le principe de la
personnalité. Ainsi, si nul n'est pénalement responsable que de
son propre fait, nul ne devrait être sanctionné pour une
infraction qu'il n'a pas commise de telle sorte que l'absorption de la personne
morale condamnée empêche l'application de la sanction
pénale, puisque le sujet passif sur qui elle pèse n'existe
plus.
Pourtant un mécanisme permet bien de reconnaitre la
responsabilité civile des personnes morales pour les amendes
prononcées à l'encontre de leurs organes. Celle-ci assume donc
les sanctions pécuniaires alors qu'aucune peine n'a été
prononcée contre elle369.
La difficulté principale avec les opérations de
fusion et scission est qu'elle entraine dissolution sans liquidation. Or la
durée de la liquidation peut permettre d'appliquer la sanction à
la personne morale dans la mesure où la personnalité morale
existe jusqu'à la fin des opérations de liquidation, de telle
sorte que la société dissoute garde sa personnalité
juridique pour des besoins de liquidation.
368 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale. Nouvelle édition [en ligne].
Toulouse : Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2019
(généré le 29 avril 2020). DESPORTES (F.) LE GUNEHEC (F.),
Droit pénal général, op.cit. p562,
n° 588.
369 Lire à cet effet NTONO TSIMI (G.) « Le devenir
de la responsabilité pénale des personnes morales en droit
camerounais. Des lois spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp 221 et s. Dans une affaire
concernant le délit de déclarations mensongères, abus de
fonction, complicité de déclarations mensongères, le juge
du TPI/CA a, par jugement n° 2265/COR du 28 novembre 2007,
déclaré la société AES SONEL civilement responsable
des condamnations pécuniaires prononcées contre son agent
déclaré coupable, inédit. Dans le même sens, le TPI
d'Edéa a, par jugement n° 931/COR du 20 juin 2006,
déclaré la personne morale civilement responsable des
condamnations pécuniaires prononcées contre ses agents reconnus
coupables de corruption, d'abus de fonction et refus de service,
inédit.
98
CONCLUSION CHAPITRE III
158. Le législateur camerounais dans la construction
d'un nouveau responsable largement s'est déployé à
définir les conditions substantielles nécessaires pour
l'entrée des personnes morales dans l'arène de la
répression. Ce faisant il a complétement ignoré les
conséquences formelles qu'une telle démarche entraine.
Ainsi, admettre la responsabilité pénale des
personnes morales sous forme d'énoncé général
nécessitait de prévoir des modalités poursuites
spécifiques à des êtres désincarnés qui de
surcroit peuvent se métamorphoser. Il n'en n'est rien, de telle sorte
que seule une adaptation des règles prévues pour la personne
physique est envisageable à l'heure actuelle. Dans certains cas
l'adaptation est possible, dans d'autres elle est à exclure. Mais au
fond, la majorité des règles adaptées n'ont qu'une
efficience relative, dans la mesure où les dispositions coercitives qui
les accompagne ne sauraient être appliquées à la personne
morale.
159. La forte assimilation de la personne morale à la
personne physique permet dans un certain sens de parvenir à une sorte
d'égalité de tous devant la justice. Mais elle apparait
limitée, car elle prend moins en compte l'équité. Tandis
que dans certaines situations, le sort réservé à la
personne physique semblerait meilleur, dans d'autres situations, la personne
morale paraitrait favorisée. Le droit pénal camerounais, tel
qu'il est conçu semble mal armé face à la
délinquance des groupements et nécessite de se pencher les
différentes failles d'ordre substantielles qui se répercute sur
le plan formel ou celles qui sont formelles de nature. Comment donc y parvenir
?
99
CHAPITRE IV : LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE
DES
CONSÉQUENCES IGNORÉES PAR LE
LÉGISLATEUR
160. La question de la responsabilité
pénale des personnes morales n'est pas propre au droit camerounais. Elle
s'est posée avec autant d'emphase si n'est même plus qu'en droit
interne dans la quasi-totalité des droits étrangers. Mais si la
question de la responsabilité pénale des personnes morales semble
universelle370, les difficultés liées à la
prise en compte des conséquences qu'elle induit semblent tout aussi
l'être. En fonction des réponses apportées par les
systèmes pénaux étrangers, il est possible d'envisager des
pistes d'amélioration sur le plan interne. Même si certaines
solutions semblent venir de l'intérieur à l'observation du
travail jurisprudentiel et doctrinal qui est fait371.
Si au regard des précédents
développements, l'urgence d'une prise en compte de toutes les
implications du principe général de responsabilité
pénale des personnes morales se précise, celle-ci doit
nécessairement se faire par une vision à la fois cohérente
et globale de la politique criminelle. Même si aucune proposition
dégagée par la doctrine et même par les droits
étrangers ne semble avoir permis de saisir de façon indiscutables
toutes les conséquences de l'admission de la personne morale dans le
champ répressif, il parait clair que certains principes doivent
être écartés même s'ils méritent d'être
rappelés, là ou d'autres pourront être retenus.
Au demeurant, seule l'intervention du législateur
supplée par la jurisprudence et les institutions de poursuite pourra
armer le droit pénal face à la délinquance des
groupements. Il apparait alors en vertu du principe de la
légalité criminelle que l'intervention du premier conditionne
celle des autres. De ce fait, en se basant sur les acquis des
conséquences prévues par le législateur, et ce qu'il y a
à acquérir dans les conséquences ignorées, il
apparait que la répression de la délinquance peut être
boostée. Nous attendons plus du législateur qui doit adopter une
certaine posture (Section 1) et le cas échéant nous
espérons des organes de la procédure pénale une certaine
attitude (Section 2).
370 Sur l'universalité du problème de la
responsabilité pénale des personnes morales lire BOULANGER (A.),
Restructurations sociétaires et responsabilité pénale.
Nouvelle édition [en ligne]. op.cit. p. 419. Plusieurs
études de droit comparé ont également été
menée dans ce sens, V. à cet effet GEEROMS (S.), « La
responsabilité pénale de la personne morale : une étude
comparative » in RIDC 1996, p. 533 et s. LEGEAIS (R.), « Les
réponses du droit anglais et du droit allemand aux problèmes de
la responsabilité pénale des personnes morales », in
Rev. sociétés 1993, p. 371.
371 V. Jugement ADD/COR du 12 octobre 2010 rendu par le TPI
d'Ebolowa.
100
Section 1 : La posture attendue du
législateur
161. La prise en compte des conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales suit de façon globale le même cheminement dans la plupart
des systèmes pénaux. En effet, c'est à coup de
réajustement que les différentes législations s'adaptent
peu à peu aux implications d'une responsabilité pénale des
personnes dépourvues d'existence matérielle. Ces
réajustements portent principalement sur deux pans : le système
d'imputation et la procédure applicable aux personnes morales. La
question de la sanction semble avoir été entièrement
réglée.
162. Certains ont fait le choix de l'anticipation en
procédant en même temps à des modifications substantielles
et procédurales372. D'autres ont réagi aux
nécessités qui s'imposaient.373 Bien plus les juges
camerounais ont déjà envisagé la représentation de
la personne morale devant la justice pénale et la doctrine a
apporté des solutions concernant les modalités d'imputation.
Ainsi, quels éléments pourraient être tirés des
droits étrangers pour une meilleure prise en compte des implications de
la responsabilité pénale des personnes morales374 ? Il
semble que les pistes pouvant améliorer la prise en compte des
conséquences du principe général de responsabilité
pénale des personnes morales en droit camerounais ont trait tout d'abord
à l'élaboration de règles particulières de
procédure applicables aux personnes morales (§-1)
mais également à la recherche des solutions d'un système
d'imputation (§- 2).
372 C'est le cas du législateur français qui en
prenant compte de l'instauration de la responsabilité pénale des
personnes morales dans le code pénal et aux adaptations
nécessités par celle-ci a créé dans le livre IV du
code de procédure pénale un titre XVIII consacré aux
règles particulières de procédure applicables aux
personnes morales comprenant les articles 706-41 à 706-46. Par la suite,
les dispositions des articles 550 et suivants sur les citations et les
significations ont fait l'objet d'adaptation pour être appliquées
aux personnes morales. Robert (J -H.), « La représentation devant
les juridictions pénales des personnes morales ou le syndrome de Pyrrhon
», in Apprendre à douter. Questions de droit, questions sur le
droit. Etudes offertes à Claude LOMBOIS, PULIM, 2004, pp.
539548.
373 C'est le cas du législateur anglais qui est
intervenu pour reconnaitre la responsabilité pénale des personnes
morales dans « l'interpretation Act » 1889 par le biais d'une
disposition générale, pour ensuite introduire plus tard quelques
« statutes » relatifs à la procédure à suivre,
ainsi que de nouvelles infractions (the criminal Justice Act 1991. s.25 ; The
financial services Act 1986 ; the companies Act 1985-89). Lire à cet
effet NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la responsabilité
pénale des personnes morales en droit camerounais. Des dispositions
spéciales vers un énoncé général ? »,
op.cit. pp. 221 et s.
374 D'autres auteurs se sont déjà
intéressés sur l'apport du droit étranger sur le
perfectionnement du régime juridique de la responsabilité
pénale des personnes morales sur leur droit interne. Voir dans ce sens
BOULANGER, (A). Restructurations sociétaires et responsabilité
pénale, op.cit. p. 420.
101
§- 1 La prise en compte à traves
l'élaboration de règles particulières de
procédures applicables à la personne morale
163. Le législateur camerounais devrait adopter une
posture claire sur les règles de procédure en matière de
poursuite des personnes morales et ne plus laisser le champ à une
adaptation parfois infructueuse des règles édictées pour
les personnes physiques. C'est ainsi que dans une affaire relative au
contentieux des accidents de la circulation, le juge après avoir
condamné la personne morale solidairement responsable aux
dépends, a décerné un mandat d'arrêt contre la
personne morale375 et en totale violation de l'article 569 du code
de procédure pénale376.
Pour prendre en compte l'une des conséquences du
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales, qui est l'expansion de la possibilité de poursuivre
la personne morale, pour éviter que ces violations ne se reproduisent,
le législateur doit prendre de mesures procédurales claires et
précises. Ainsi, il pourrait s'inspirer des différents
modèles instaurés par les droits étrangers, qui
malgré leurs divergences visent soit la représentation de la
personne morale (A) et aussi l'exercice de l'action publique contre la personne
morale (B).
A- L'élaboration des règles
particulières concernant la représentation de la
personne morale
164. Pour assurer l'identification de la personne morale par
le juge pénal377 il est nécessaire que celle-ci soit
représentée. Mais la particularité de la
représentation de la personne morale devant les juridictions
répressives fait en sorte qu'un régime spécifique soit
aménagé, ainsi au regard de la jurisprudence camerounaise et des
droits étrangers concernant la représentation des personnes
morales, il est nécessaire d'abord de prescrire les modalités
qui
375 Affaire Compagnie Professionnelle d'Assurance et Mendouga
c. Andela Marie, TPI/Acc. CA, du 10 février 2009, inédit. Voir
NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la responsabilité pénale
des personnes morales en droit camerounais. Des lois spéciales vers un
énoncé général ? » op.cit. pp. 221 et
s.
376 Art. 569 du CPP camerounais « La contrainte par
corps ne peut être prononcée contre :
a) les civilement responsables ;
b) l'assureur de responsabilité. »
377 Phrase empruntée à NTONO TSIMI (G.) «
Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en
droit camerounais. Des lois spéciales vers un énoncé
général ? » ibid. pp. 221 et s.
102
encadrent le choix du représentant de la personne
morale (1) mais également les mesures qui peuvent être prises
contre lui (2).
1- Les règles encadrant le choix du
représentant de la personne morale
165. Pour déterminer le
représentant de la personne morale, autant le code pénal
algérien378, que le législateur
français379 ont décidé de se placer à
l'époque des poursuites. Les juges camerounais ont adopté une
position légèrement différente. Dans un jugement rendu le
12 octobre 2010 par le TPI d'Ebolowa, le juge affirmait que « La
représentation en justice de la personne morale est normalement
assurée par son représentant légal à
l'époque des faits de la poursuite (...) »380. Ce
choix semble limité dans la mesure où le représentant en
exercice à l'époque des faits de la poursuite, peut ne plus
être le même au moment de l'exercice de l'action publique du fait
justement des divers changements qui peuvent intervenir entre les faits
reprochés et la mise en mouvement de l'action publique381.
Bien plus, des précisions méritent d'être
apportées. Lorsque les poursuites sont engagées contre le
représentant, il va de soi qu'à cause du conflit
d'intérêt qui peut en découler, la personne morale et
même le représentant peuvent solliciter la désignation d'un
nouveau représentant382. Ce dernier peut être un
mandataire de justice lorsqu'il se pose des situations où la personne
morale n'a aucun représentant habilité à la
représenter. Lorsque que le changement de mandataire est effectué
en cours de procédure ce dernier doit bien évidemment faire
connaitre son identité à la juridiction saisie383. Le
représentant peut également être un mandataire
bénéficiant conformément à la loi ou aux statuts de
la personne morale d'une
378 Voir l'article 65 quater de la loi n°04-14 du 10
novembre 2004 (JO n°71, p,5) « la personne morale est
représentée dans les actes de procédure par son
représentant légal ayant cette qualité à
l'époque des poursuites ».
379 Article 706-43 du code de procédure pénale
français modifié par l'ordonnance n°2019-964 du 18 septembre
2019 « l'action publique est exercée à l'encontre de la
personne morale prise en la personne de son représentant légal
à l'époque des poursuites p. Ce dernier représente la
personne morale à tous les actes de procédure ».
380 V. Jugement ADD/COR du 12 octobre 2010 rendu par le TPI
d'Ebolowa.
381 En effet, la personne morale peut changer de
représentant ou même se restructurer.
382 Cette possibilité accordée à la
personne morale et au représentant est applicable en droit
français. L'article 70643 in medio du CPP français dispose
« ( ...) toutefois, lorsque des poursuites pour des mêmes faits
ou des faits connexes sont engagées à l'encontre du
représentant légal, celui-ci peut saisir par requête le
président du tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un
mandataire de justice pour représenter la personne morale... »
; Art. 65 quinquies du CPP Algérien « lorsque les poursuites
sont engagée en même temps à l'encontre de la personne
morale et de son représentant légal ou à défaut de
personne habilitée à la représenter, le président
du tribunal, sur réquisition du ministère public désigne
un représentant parmi le personnel de la personne morale » cette
solution a déjà été proposé en droit
camerounais, V. NTONO TSIMI (G.), La responsabilité pénale des
personnes morales : essaie d'une théorie générale,
op.cit. pp. 78 et s.
383 Art. 64 quater in fine du CPP algérien «
(...) En cas de changement de représentant légal en cours de
procédure, son remplaçant est tenu d'en informer la juridiction
saisie ».
103
délégation de pouvoir à cet effet. Rien
n'empêche qu'un employé puisse représenter la personne
morale, par le mécanisme de délégation de
pouvoir384 .
166. Le législateur camerounais dispose donc
d'éléments intéressants pour encadrer le choix du
représentant de la personne morale devant les juridictions
reprécises. Il pourra également déterminer les
formalités suivantes lesquelles le représentant devra faire
connaitre son identité. À ce propos les différents
systèmes pénaux étudiés proposent des solutions
différentes. Certains ne requièrent aucune formalité
particulière, d'autres précisent que le nouveau
représentant doit faire connaitre son identité à la
juridiction saisie par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception.385 Au fond pour des nécessités
procédurales, les moyens laissant trace écrite, doivent
être privilégiés par le législateur camerounais.
Au-delà de la question du choix de représentant
permettant d'assurer la représentation de la personne devant la justice
pénale, se pose la question des différentes règles
à lui applicable.
2- Les mesures susceptibles d'être prises à
l'endroit du représentant
167. La question des mesures susceptibles d'être prises
à l'endroit des représentants de la personne morale est d'une
importance capitale. D'abord parce que ceux-ci ne sont pas mis en cause et donc
ne devrait pas subir les effets de la répression. Ensuite parce que pour
les besoins du procès ceux-ci doivent nécessairement être
à la totale disposition des autorités. Entre ces deux enjeux,
s'impose la nécessité de prendre des mesures suffisamment
flexibles pour s'adapter aux droits d'une personne contre qui aucun reproche
n'est personnellement formulé mais qui doit néanmoins se
soumettre à la procédure en cours.
168. Le législateur camerounais a le choix en
créer un statut particulier pour les représentants des personnes
morales ou l'assimiler aux témoins ou civilement
responsable386. La deuxième solution parait la plus juste. En
effet, créer un statut spécifique pour des personnes dont la
responsabilité pénale n'est pas mise en jeux alors qu'un
régime suffisamment abouti
384 Art. 706-3 al. 2 CPP français.
385 Art. 706-3 al. 3 CPP.
386 V. NTONO TSIMI (G.), La responsabilité
pénale des personnes morales : essaie d'une théorie
générale, op.cit. pp 80 et s.
Cette solution est celle retenue par le législateur
français. V art. 706-44 du CPP français « le
représentant de la personne morale poursuivie ne peut en cette
qualité, faire l'objet d'aucune mesure de contrainte autre que celle
applicable au témoin ».
104
pour des personnes dans la même situation est
déjà élaboré, pourrait s'apparenter à une
surenchère législative. Tout compte fait, conformément aux
articles 92 alinéa 4 et 569 du code de procédure pénale
camerounais applicables au témoin, le représentant de la personne
morale ne peut faire l'objet ni d'une garde à vue ni d'une
détention provisoire, sauf s'il est soupçonné de perturber
la recherche des preuves387. Le représentant peut aussi
être sommé à comparaitre ou interdit de s'éloigner
pour les besoins d'enquête.
Une fois les règles sur la représentation en
justice de la fixées, il est nécessaire pour le
législateur de poursuivre la manoeuvre et d'édicter les
règles relatives à l'exercice de l'action publique contre des
êtres dépourvus de chair et de sang, afin de mieux cerner les
conséquences de la mise en jeux de la responsabilité
pénale des personne morales.
B- L'élaboration de règles
spécifiques liées à l'exercice de l'action publique contre
les personnes morales
169. Dans l'expression exercice de l'action
publique l'on inclut la phase d'instruction et la phase de jugement à
l'exclusion de l'enquête. Dans ce sens où suivant les modes de
mise en mouvement de l'action publique que ce soit par le ministère
public, la victime ou les administrations spéciales388 visent
tous soit la saisine du juge d'instruction, soit la saisine directe de la
juridiction de jugement389. Si les moyens de mise en mouvement de
l'action publique sont les mêmes pour les personnes physiques et les
personnes morales, il n'en n'est pas de même pour les mesures
particulières qui peuvent être prisent pendant la phase de
l'information judiciaire (1) ou à la phase de jugement (2).
1- Les mesures spécifiques applicable à la
phase de l'information judiciaire
Comme il a déjà été
démontré, à l'exclusion des règles
générales sur la recherche des preuves390, aucune
disposition spécifique n'est établie par le législateur
camerounais. Cette
387 Art. 11 CPP du code de procédure pénale
camerounais.
388 Il peut s'agir de l'administration fiscale, des eaux et
forêts...
389 Il s'agit de la plainte avec constitution de partie civile
visé à articles 157 du CPP camerounais l'alinéa 2 de cet
article précisant que la plainte avec constitution de partie civile met
en mouvement l'action publique et la citation directe visé aux articles
114 de la victime qui saisit pour la première le juge d'instruction,
pour la seconde la juridiction de jugement. Le réquisitoire introductif
d'instance du procureur de la république visé à l'article
144 qui saisit le juge d'instruction la citation directe à parquet
visé à l'article 291 qui saisit le procureur la juridiction de
jugement.
390 Fouilles, perquisition, confiscations.
105
absence de dispositions spécifiques est de nature
à limiter les effets d'une phase qui a pour principal objectif est de
mettre en état le dossier de procédure, à travers la
vérification des premiers éléments matériels et
personnels liés à la commission de l'infraction391.
170. Pour pallier à cette carence, certaines mesures
doivent être prises par le législateur camerounais, non seulement
dans l'optique de préserver les droits de la victime, qui occupe de plus
en plus importante dans le procès pénal392 ; pour
prévenir la commission des infractions, et le cas échéant
des sanctions en cas de violation de ces mesures. Il s'agira surtout du
placement de la personne morale sous contrôle judiciaire avec des
obligations telles que le dépôt de cautionnement, de
sûreté réelles, personnelles destinées à
garantir les droits de la victime, l'interdiction d'émettre des
chèques, l'interdiction d'exercice de certaines activités lorsque
l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion
de ces activités393.
La plupart de ces mesures sont prévues par le
législateur mais seulement comme peine, ce qui suppose que pour
s'appliquer, la personne morale doit avoir été condamnée.
Le législateur gagnerait donc à envisager ces mesures au cours de
la procédure pour donner plus de vigueur à celle-ci. Le principe
étant qu'elles ne soient envisagées à titre
exceptionnelles comme les garde à vues et les détentions
provisoires pour les personnes morales. Pour faire respecter ces mesures, le
législateur camerounais pourrait également y attacher des
sanctions. Des mesures doivent aussi être envisagées à la
phase de jugement.
2- Les mesures spécifiques applicables à la
phase de jugement
171. Les mesures spécifiques applicables aux personnes
morales visent surtout les citations et les significations, mais aussi les avis
aux représentants du personnel.
391 NTONO TSIMI (G.), cours polycopié de
procédure pénale dispensé en L3, année
académique 2016-2017, NTONO TSIMI (G.), La responsabilité
pénale des personnes morales : esquisse d'une théorie
générale op.cit. pp. 78 et s.
392 Sur la place de la victime dans le procès
pénal lire CARIO (R.), « Partie civile » Rép.
Pen. 2011, n°27, CONTE (Ph.) « La participation de la victime au
processus pénal : de l'équilibre procédural à la
confusion des genres », RDPD 2009, n°3, p. 539, § n°11 :
« la victime, longtemps oubliée du législateur, est
devenue son enfant chéri » ; VERIN (G.), une politique
criminelle fondée sur la victimologie et sur l'intérêt des
victimes », RCS 1981n p.895 et s. cf. aussi SAOUSSANE (T.) La
place de la victime dans le procès pénal, thèse de
doctorat, université de Montpellier I, 2014.
393 Ces mesures sont déjà prévues en
droit algérien à l'art. 64 sixties du CPP « le juge
d'instruction peut soumettre la personne morale à une ou plusieurs
mesures suivantes : - le dépôt de sûreté
réelle destinées à garantir les droits de la victime ; -
l'interdiction d'émettre des chèques ou d'utiliser des cartes de
paiement, sous réserve des droits des tiers ; - l'interdiction
d'exercé certaines activités professionnelles ou sociales avec
rapport avec l'infraction. » Voir également l'article
706-45.
106
Pour ce qui est des significations et des notifications, elles
doivent porter les indications de la dénomination et du siège
sociale de la personne morale à qui elle s'adresse, la signification
lorsqu'il est exigée qu'elle soit faite à personne doit
être délivrée par exploit d'huissier au représentant
légal, à un fondé de pouvoir de celui-ci ou à tout
autres personnes habilitée à recevoir l'acte394. La
signification à domicile doit être faite au lieu du siège
social de la personne morale, et dans les rares hypothèses où le
siège de la personne morale ne serait pas connu, lorsque le siège
de la personne morale se situe dans un territoire étranger, les
citations pourraient être faites à parquet395.
172. Pour ce qui concerne les
représentants du personnel, ceux-ci doivent être avisées de
la date d'audience à l'avance. Les systèmes étrangers
prévoient que cette signification doit être faite au moins 10
jours avant la tenue de l'audience396. Si la plupart des
conséquences du principe général de responsabilité
pénale des personnes morales que le droit pénal n'arrive pas
jusque-là à prendre en compte sont liées à la
procédure, certaines ne sont que des conséquences liées
aux choix substantiels d'imputation.
§- 2 La prise en compte à travers une
reconsidération du système d'imputation
173. Dans l'optique d'adopter une vision
générale de la responsabilité pénale des personnes
morales, le législateur camerounais a fait le choix de
l'anthropomorphisme, pour tirer les conséquences que cette
responsabilité pouvait entrainer. Pour faire peser l'obligation de subir
la répression sur la personne morale, le législateur a
adapté des principes prévus à la base pour s'appliquer
à la personne physique. Il s'agit principalement du principe de la
personnalité, qui se décline en un triptyque,
responsabilité du fait personnel, personnalité de la sanction et
personnalité juridique.
Ainsi, seuls les groupements dotés de la
personnalité juridique peuvent voir leur responsabilité
pénale engagée, ce qui entraine des effets pervers tels que la
mise en échec des
394 BENILLOUCHE (M.), « La poursuite des personnes morales
» op.cit. p. 33.
395 Sur la même question voir par exemple les Art. 550
et suivant du CPP français. Ces précisions nécessitent un
léger réaménagement des dispositions existantes sur les
citations énoncées aux articles 40 et suivants du CPP
camerounais.
396 Voir par exemple L'article R. 131-53, CP prévoit,
en cas d'existence de représentants du personnel, que ces derniers sont
avisés par lettre recommandée adressée dix jours au moins
avant la date de l'audience. Lorsque le personnel de la personne morale est
régi par les dispositions du code du travail relatives à la
représentation des salariés, cet avis est adressé au
secrétaire du comité d'entreprise ou, le cas
échéant, au secrétaire du comité central
d'entreprise et, en l'absence de tels comités, aux
délégués du personnel titulaires. BENILLOUCHE (M.), «
La poursuite des personnes morales » op.cit. p.34.
107
institutions de poursuite. De ce fait, il est
nécessaire dans la prise en compte de certaines conséquences du
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales, de revoir le préalable de la personnalité
juridique (A). Bien plus, pour adapter le principe de la personnalité de
la responsabilité pénale, le législateur a fait le choix
d'assimiler la personne physique organe ou représentant à la
personne morale, or cette vision ne permet pas toujours de saisir la
délinquance d'entreprise, ainsi, il est possible de revoir aussi le
système d'imputation (B).
A- La nécessaire reconsidération du
préalable de personnalité juridique
174. Admettre que seuls les groupements
dotés de la personnalité morale sont pénalement
responsables présente l'avantage de mettre sur un même pied
d'égalité personnes physiques et personnes morales. Mais se
limiter à la conception civiliste de la personnalité juridique
pousse nécessairement le législateur à ignorer les
spécificités même des personnes morales.
Il parait nécessaire de rechercher comment d'autres
systèmes pénaux ont abordé la question de la
personnalité morale. Il ressort que certains systèmes, pour
lutter contre l'impunité des groupements collectifs appliquent la
responsabilité pénale indépendamment de la
personnalité juridique397 (1). Et pour résoudre la
problématique de l'instrumentalisation des opérations de fusion
et scission mettant en échec la nouvelle responsabilité, d'autres
systèmes sont favorables à la transmission de la
responsabilité pénale de la personne morale absorbée vers
la personne morale absorbante (2). Ces deux visions se détachent ainsi
du principe de personnalité.
1- L'apport des systèmes appliquant la
responsabilité indépendamment de la personnalité
morale
175. Au regard de nombreux problèmes
soulevés par le choix du terme « personne morale »
par le législateur camerounais, celui-ci doit nécessairement
pouvoir se séparer de la conception classique de personnalité
juridique comme préalable de la responsabilité pénale des
groupements. La doctrine a déjà proposé que le droit
pénal camerounais se saisisse du concept « personne morale
» afin de lui donner un sens propre en droit pénal compatible
avec les
397 Plusieurs analyses doctrinales vont dans le sens de la
recherche des différentes facettes de la responsabilité
pénale des personnes morales dans les systèmes étrangers.
Ainsi, certains systèmes assimilent dans l'expression personne morale
tous les groupements de telle sorte que la personnalité morale n'est
plus un préalable de mise en oeuvre de la responsabilité
pénale des groupements. Lire à cet effet lire BOULANGER (A.),
Restructurations sociétaires et responsabilité pénale.
Nouvelle édition [en ligne]. Op.cit.
108
exigences de la responsabilité
pénale398. Le droit pénal a déjà
effectué une telle manoeuvre avec la notion de domicile en lui donnant
un sens différent que celui donné par le droit civil, ou
même à la notion de fonctionnaire qui a sens différent en
droit pénal qu'en droit de la fonction publique399.
176. Des systèmes pénaux étrangers
appliquent déjà cette conception. La responsabilité
pénale des groupements non doté de la personnalité
juridique peut être engagée en droit belge, dans la mesure
où le législateur pénal belge a adopté une
définition complètement différente de la notion de
personne morale. Aux termes de l'article 5 du Code pénal applicable sur
le territoire belge, « toute personne morale est pénalement
responsable », « sont assimilées à des personnes
morales : 1°) les associations momentanées et les associations en
participation ; 2°) les sociétés visées à
l'article 2, alinéa 3, des lois coordonnées sur les
sociétés commerciales, ainsi que les sociétés
commerciales en formation »400. Le droit belge ne
s'est attardé ni sur les concepts civilistes de la personnalité
morale, ni sur les formalités imposées par le droit des
sociétés commerciales.
Pour lutter contre l'entité collective ou le
groupement qui « éluderait volontairement la
personnalité morale en vue de se soustraire à la
responsabilité »401 d'autres systèmes ont
fait le même choix. Le droit anglais402 permet aussi d'engager
la responsabilité pénale des groupements n'ayant pas la
personnalité juridique au sens classique du terme. Selon
l'Interpretation Act de 1978, sont pénalement responsable
« non seulement les personnes physiques et les personnes morales, mais
tout (uncorporated association) groupement n'ayant pas la personnalité
morale »403.
177. Cette solution peut être adopté par le
législateur camerounais, afin de lutter pleinement contre la
délinquance des êtres collectifs. Elle présente l'avantage
de saisir la personne morale
398 « La question fondamentale est de savoir si le
droit pénal ne devrait pas s'approprier le concept même de «
personne morale » afin de lui donner un sens opératoire
adapté aux exigences de la responsabilité pénale ? Cette
question, qui suppose une autonomisation des concepts pénaux,
résulte de la prise en compte de la théorie de la
réalité criminelle pour rendre opportun et pertinent
l'entrée dans le champ pénal des personnes morales »
NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la responsabilité
pénale des personnes morales en droit camerounais. Des lois
spéciales vers un énoncé général ? »
op.cit. p. 221 et s.
399 Sur l'autonomisation des concepts pénaux NTONO
TSIMI (G.), La responsabilité pénale des personnes morales :
essaie d'une théorie générale, op.cit. p. 36 et
s.
400 Voir également Document législatif n°
11217/6, Proposition de loi instaurant la responsabilité pénale
des personnes morales, Sénat de Belgique, 10 mars 1999, disponible en
ligne :
www.senat.be, spéc. p. 7.
401 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, op.cit. p. 418.
402 Ibid. p. 419.
403 Ibid. p. 419 et s.
109
dans sa globalité. Cette vision n'est pas
étrangère au droit pénal camerounais comme l'on a
déjà indiqué, dans la mesure où ce dernier a
déjà à plusieurs reprise brisé les standards
définitionnels posés par d'autres branches du Droit. L'une des
difficultés qui pourrait par contre se poser c'est que certains
groupements de fait n'ont pas de patrimoine, dès lors, toute sanction
serait dirigée contre le patrimoine des personnes physiques. Mais cette
difficulté semble surmontable. D'abord parce que les sanctions
pécuniaires ne sont pas les seules qui peuvent être
imposées aux groupements d'une part ; et d'autre part, une partie de la
doctrine a fait remarquer, chaque groupement a nécessairement une masse
de bien sur lequel peuvent s'appliquer les sanctions
patrimoniales404. Cette solution permettra au droit pénal
camerounais de prendre en compte une « part potentielle de
délinquance »405, mais celui-ci devra
nécessairement l'adapter au paysage interne. Ne restera alors que la
question des moyens de défense non conventionnels utilisés par la
personne morale pour déjouer l'appareil répressif que sont
l'instrumentation des opérations de restructuration. Dans ce cadre aussi
un tour d'horizon des systèmes pénaux étrangers peut
apporter des réponses au droit camerounais.
2- L'apport des systèmes ayant réglé
la question des restructurations sociétaires
178. Lorsqu'on interroge le sort de la responsabilité
pénale des personnes morales en cas de restructuration sociétaire
sous le prisme du droit comparé, l'on est toute suite saisie par la
créativité dont fait preuve certains législateurs. Deux
visions assez proches cristallisent l'attention. Il s'agit du système de
transmission partielle de responsabilité pénal applicable aux
États-Unis et du système de transmission totale de
responsabilité pénale applicable en Espagne.
179. Aux Etats-Unis, la société qui acquiert
une partie des actifs d'une autre pourra voir sa responsabilité
pénale engagée pour des violations au Foreign Corrupt
Practices Act406 commises antérieurement à la
cession par le cédant. Le mécanisme vise à mettre en jeu
« la responsabilité du successeur (ou successor
liability)407 au titre de laquelle le cessionnaire hérite des
manquements de la société cible qu'il acquiert
»408. Le dispositif est intéressant dans la mesure
où il constitut un moyen dissuasif qui implique pour les repreneurs de
procéder à des
404 Ibid.
405 ibid.
406 Le Foreing Corrupt Practice Act (FCPA) est une loi
fédérale américaine de 1977 pour lutter contre la
corruption d'agents publics à l'étranger.
407 Ibid.
408 TOLLET (N.), FINANCE (G.), « Évaluer et se
protéger des risques de corruption en cas d'acquisition d'une entreprise
industrielle », RLDA 2015, n° 103, p. 57, spéc. p.
58.
110
audits avant d'acquérir des actifs d'une
société cible409. Il semble pour le moins
difficilement applicable en droit camerounais, parce qu'en faisant peser le
risque pénal sur des personnes morales n'ayant aucun lien avec
l'infraction, elle pose non seulement la question d'une responsabilité
pénale du fait d'autrui, en même temps qu'elle limite les
opérations de reprise d'entreprise. Certains auteurs ont fait remarquer
que la responsabilité du successeur ne devrait être engagée
uniquement s'il a continué l'activité dans la
société cessionnaire410.
180. En droit espagnol, la question du sort
de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de
dissolution de celles-ci est réglée par le principe du transfert
de responsabilité, lorsque qu'il peut être établi que la
dissolution n'est qu'apparente411 de telle sorte qu'en droit
ibérique « la transformation, fusion, absorption ou scission
n'éteint pas la responsabilité pénale, sinon qu'elle se
transmet à la nouvelle entité »412 si
celle-ci (la société absorbante) « poursuit son
activité économique, avec une activité substantielle de
clients, de fournisseurs et d'employés »413. Selon
cette vision, la société absorbée transférera sa
responsabilité pénale à la société
absorbante ou aux nouvelles sociétés ainsi créées
si le caractère fictif de l'opération de restructuration peut
être prouvée414.
Il semble que la solution adoptée par le
législateur ibérique pour régler la question de
l'instrumentalisation des opérations de restructuration
sociétaires mettant en échec la responsabilité
pénale peut être adaptée au paysage camerounais. Mais le
législateur, la doctrine et ou la jurisprudence devront faire un travail
de fond pour établir les conditions qui permettrons de savoir s'il y a
ou non continuité de la personnalité morale dans la nouvelle
structure415. Le législateur camerounais, peut donc se servir
des bases posées par son homologue espagnol pour dégager une
solution exploitable par les institutions judiciaires, de telle sorte que la
409 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale. Nouvelle édition [en ligne].
Op.cit.
410 BRAUMILLER (A), « How to buy a violation : successor
liability under the FCPA », BRAUMILLER LAW GROUP, disponible
à l'adresse suivante (en anglais) :
www.lexology.com/library/detail.aspx?g=2fded3b4-0d95-4910883b-288e8dba1e1f.
411 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale. Nouvelle édition [en ligne].
Op.cit.
412 Article 131 du code pénal traduit par M. ORTUBAY in
« La responsabilité pénale des personnes morales en droit
espagnol » Travaux de l'institut de sciences criminelles et de la justice
de Bordeaux - La responsabilité pénale des personnes morales,
étude comparée, n° 4 dir. scientifique SAINT PAU (J.C.),
éd. Cujas, 2014, p. 175 et s. BOULANGER (A.), Restructurations
sociétaires et responsabilité pénale, op.cit. p.
418
413 Article 131.2 du code pénal traduit par M. ORTUBAY
in « La responsabilité pénale des personnes morales en droit
espagnol » ibid.
414 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, op.cit., p. 418 et s.
415 Ibid. p. 418 et s.
111
transmissibilité soit l'exception et « le
principe doit rester l'intransmissibilité de la responsabilité
pour éviter toute atteinte à la présomption d'innocence
»416.
181. Il apparait alors que pour prendre en compte de
façon plus large les conséquences d'une admission de la
responsabilité pénale des personnes morales, il est
nécessaire de souvent faire prévaloir l'activité du
groupement plutôt que son existence légale417. Cette
première démarcation qui doit être faite par le
législateur doit nécessairement s'accompagner d'une analyse plus
poussée sur les mécanismes d'imputation proprement dits.
B- La possibilité de revisiter le
système d'imputation en place
182. Si le système d'imputation actuel de l'infraction
à la personne moral basé sur la personne physique a une certaine
efficience, il n'en demeure pas moins qu'elle présente des faiblesses
certaines qui ont déjà été relevés. Le choix
du législateur de faire de la personne physique l'instrument de la
responsabilité pénale des personnes morales418
rejaillit sur la punissabilité des infractions commises par les
personnes physiques, et même celle des personnes morales.
L'impossibilité de rattacher l'infraction à un organe ou
même de présumer la commission l'infraction par un organe ou
représentant, empêche la condamnation de cette dernière.
Face à ces problèmes, le législateur
camerounais peut adopter une posture s'inspirant à la fois des
systèmes d'imputations proches du sien (1), que ceux qui lui sont
dissemblant (2).
1- L'exploration des solutions découlant des
législations appliquant des mécanismes d'imputation proche du
droit interne
183. Le point commun entre tous les systèmes qui
appliquent ou qui ont appliqué le modèle d'imputation indirecte
est qu'ils consacrent comme condition de la mise en oeuvre de la
responsabilité des groupements la commission d'une infraction par un
organe ou représentant pour le compte de la personne
morale419. Le caractère indirect du modèle
d'imputation dépend
416 Ibid.
417 Ibid.
418 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des lois spéciales vers un énoncé général ?
» op.cit. p. 221- 244.
419 C'est le cas notamment du système français
avec l'article 121-2 du CPP français, du système espagnole
Article 31 bis 1. Alinéa 1er du Code pénal espagnol, traduit par
Clinter, Ministerio de Justica - Secretaría General Técnica,
112
d'abord au sens strict, de l'utilisation du substratum humain
qui commettra l'infraction pour la personne morale, de telle sorte que la
responsabilité pénale de la personne morale serait établie
dès lors que le juge acquiert la conviction que l'acte incriminé
n'a pu être commis que par un organe ou un représentant.
184. Ensuite, le caractère indirect du
système d'imputation dépendra, lato sensu de
l'interprétation que la jurisprudence donne à ces conditions. Si
elle impose d'abord la condamnation ou même l'identification du dirigeant
ou du représentant en tant qu'auteur ou complice des actes
incriminés comme préalable à la reconnaissance de
culpabilité de la personne morale, il s'agira d'un système
d'imputation indirect. La Cour de cassation française l'a d'ailleurs
déjà consacré en ces termes « [Il] est
nécessaire de caractériser les éléments
constitutifs de l'infraction non à l'encontre de la personne morale,
mais à l'encontre de l'un de ses organes ou représentants
»420. Pourtant cette solution semble limitée, aussi
bien la doctrine française que d'autres législations
européennes proposent que les éléments constitutifs de
l'infraction soient caractérisés chez la personne
morale421. Même s'il est nécessaire que la personne
morale se sert d'un être physique pour commettre l'infraction, celle-ci
« possède une consistance propre, distincte de celle de ses
membres, de nature à lui permettre de prendre des décisions
autonomes et de poursuivre les objectifs qu'elle se fixe
»422.
Les mécanismes d'imputation de l'infraction à la
personne morale proches de ceux choisis par le législateur camerounais,
lui offre peu de marge de manoeuvre dans l'hypothèse d'un
réaménagement. Mais du point de vue pratique, elle peut servir
aux juges, qui pour interpréter l'énoncé de
l'alinéa (a) de l'article 74-1, ne devront pas exiger l'identification
de la personne physique, et rechercher la volonté cachée de la
personne morale. Cela semble être une
2013. « Les personnes morales sont pénalement
responsables des délits commis en leur nom ou pour leur compte, et
à leur profit, par leurs représentants légaux et
administrateurs de fait ou de droit »
420 Crim., 15 févr. 2011, n° 10-85.324, RTD com.
2011. 653, obs. B. Bouloc; Dr. pénal 2011. comm. n° 62, M. Veron,
dans une affaire de blessures involontaires impliquant la SNCF. Le pourvoi
rejeté par la Cour invoquait explicitement la théorie de la
responsabilité par ricochet. Cette décision est
intéressante parce qu'elle fait l'écho à une autre affaire
d'homicide involontaire impliquant la SNCF : Crim., 18 janv. 2000, n°
99-80.318, Bull. crim. n° 28 ; cette Revue 2000. 816, obs. Bouloc (B.) ;
RTD com. 2000. 737, obs. B. Bouloc ; D. 2000. 636, note J.-Saint-Pau (C.) :
« La responsabilité pénale des personnes morales
est-elle une responsabilité par ricochet ? ». À «
partir d'une argumentation rigoureusement identique la position de la Chambre
criminelle est diamétralement opposée ; peut-être faut-il
relever que dans la première affaire, c'est un voyageur qui fut la
victime, tandis que dans la seconde il s'agissait d'un salarié ? »
Voir TRICOT (J.) « Le droit pénal à l'épreuve de
la responsabilité des personnes morales : l'exemple français
» op.cit.
421 C'est la solution donnée en droit espagnol et en droit
belge. Lire à cet ibid.
422 JACOBS (A.), « La responsabilité pénale
des personnes morales en droit belge », La responsabilité
pénale des personnes morales ibid. p. 20 et s.
113
tâche ardue, raison pour laquelle l'on recherchera des
solutions dans les législations ayant adoptés des
mécanismes d'imputation différents du droit interne.
2- L'exploration des solutions découlant des
législations appliquant des mécanismes d'imputation
différents du droit interne
185. Il s'agit des législations
appliquant des mécanismes d'imputation directe de l'infraction à
la personne morale. Elles ne font pour la plupart même pas intervenir le
terme « organe » ou « représentant »
dans l'énoncé des conditions de mise en oeuvre de la
responsabilité pénale des personnes morales423, pour
certaines. Et pour d'autres fondent la responsabilité pénale des
groupements sur l'idée de faute diffuse424.
L'un des exemples les plus marquant est tiré du Code
pénal belge qui ne fait pas d'entrée de jeu allusion à
l'implication d'un organe ou d'un représentant. Son article 5 dispose
que « Toute personne morale est pénalement responsable des
infractions qui sont intrinsèquement liées à la
réalisation de son objet, ou à la défense de ses
intérêts ou de celles dont les faits concrets démontrent
qu'elles ont été commises pour son compte »425.
Le législateur belge a pourtant fait montre de prudence dans la
mesure où cette responsabilité directe n'est applicable
qu'à titre « subsidiaire »426. Elle ne
s'applique pas dans les cas où la personne physique auteur des actes
incriminés est identifiable. Dans ce cas l'imputation ne se fera pas de
façon directe, mais par identification427. En fonction du
degré de la faute commise par la personne physique, il y aura ou non
cumul de responsabilité428.
423 D'autres auteurs n'envisagent le caractère indirect
que sous cet angle, ainsi pour eux, lorsque la responsabilité
pénale du dirigeant n'est pas une condition de celle de la personne
morale, on est en présence d'une condition d'imputabilité
directe. Il nous semble néanmoins que l'imputation directe de
l'infraction à la personne morale est celle dans laquelle on n'envisage
même pas la notion d'organe ou de représentant.
424 SAINT-PAU (J-C), La responsabilité des personnes
morales : réalité et fiction, op.cit. p. 96.
425 Même si pour certains auteurs belges, l'article 5
fait implicitement allusion aux organes et aux représentant car selon
eux, seul ces derniers peuvent légitimement engager la
responsabilité pénale du groupement. Voir dans ce sens MASSET
(A), « Consécration du principe de la responsabilité
pénale des personnes morales en droit belge : le principe, les peines et
les particularités procédurales », La responsabilité
pénale de la personne morale - enjeux et avenir, L'Harmattan, 2015,
Comité international des pénalistes francophones.
1615. A. Jacobs, « La loi belge à l'aune de la
jurisprudence », La responsabilité pénale de la personne
morale - enjeux et avenir, op.cit., p. 113 et s.
426 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, op.cit. p. 419- 415.
427 Voir TRICOT (J.) « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français » op.cit. 19 et s.
428 Art. 5 al. 2 du CP belge « Lorsque la
responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en
raison de l'intervention d'une personne physique identifiée, seule la
personne qui a commis la faute la plus grave est
114
186. Dans certaines législations
anglo-saxonnes, un mode d'imputation directe de l'infraction pour «
faute diffuse », c'est-à-dire une faute de la
structure429 est envisagé. Cette vision s'est
développée en droit Australien430, puis en droit
anglais431. Aussi qualifiée de « corporate culture
»432, elle se fonde sur « la politique de
l'entreprise en tant que volonté de la structure
»433. Elle ne concerne que la responsabilité
pénale des personnes morales434. Ce texte dispose que la
personne morale sera pénalement responsable lorsque la façon dont
ses activités sont organisées cause la mort d'une personne ou
découlent de la violation « grossière » d'une
obligation de sécurité ayant entrainé la
mort435.
Dans les deux cas suscités les législateurs
émettent des réserves à chaque fois, tout simplement parce
que les activités de l'entreprise sont nécessairement
organisées par les personnes physiques dirigeantes436. Au
fond, aucune des solutions envisagées par les différents
systèmes étrangers ne saurait être
considérées comme la panacée. Le législateur
camerounais, pour optimiser les mécanismes d'imputation de l'infraction
à la personne morale, pourra adopter un mécanisme hybride
admettant la faute diffuse lorsque l'identification de l'organe ou du
représentant est impossible à établir. Pour l'heure, et en
attendant une réaction du législateur, les organes de la
procédure pénale devront adopter une certaine attitude pour
palier eux même à certaines carences.
condamnée. Si la personne physique
identifiée a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut
être condamnée en même temps que la personne morale
responsable ».
429 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, ibid. p. 419 et s.
429 Ibid.
430 Article 12§3 du Code pénal australien aux
termes duquel l'infraction pourra être imputée à la
personne morale lorsque « il est prouvé que ... c) une culture
d'entreprise existant au sein de la personne morale a commandé,
encouragé, toléré ou conduit à la violation de la
réglementation... ; ou d) s'il est prouvé que la personne morale
a échoué dans la création ou le maintien d'une culture
d'entreprise qui exigeait la mise en conformité avec la
réglementation ».
431 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, op.cit. pp. 497 et s.
432 Elle permet « L'imputation directe de
l'infraction à la personne morale en cas d'homicide involontaire ».
Propos emprunté à BOULANGER (A.) ibid., p. 419 et s. V.
également la Corporate Manslaughter and corporate homicide Act.
433 DESNOIX (E.), « Plaidoyer (français) pour la
consécration de l'infraction de corporate killing en Angleterre »,
Rev. pénit. 2007, n° 1, p. 131, spéc. p. 135.
434 « Et non celle des personnes physiques qui restent
responsables suivant les fondements de l'infraction de la common Law »
BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité
pénale, Op.cit. p. 419 et s.
435 Article 1§1 du projet de loi sur la Corporate
Manslaughter and corporate homicide Act, traduit par J. Pradel, op.cit.,
spéc. p. 193, n° 127.
436 Article 1§1 du projet de loi sur la Corporate
Manslaughter and corporate homicide Act, traduit par J. Pradel, op. cit.,
spéc. p. 193, n° 127.
115
Section 2 : L'attitude espérée des
organes de procédure pénale
187. Les organes de la procédure pénale sont
toutes les autorités investies d'un pouvoir particulier par la loi, et
qui ont vocation à intervenir au cours du procès pénal.
Ils sont de deux ordre à savoir les organes non
juridictionnels437 et les organes juridictionnels438. Ils
ont indiscutablement un rôle à jouer dans le traitement des
conséquences du principe générale de responsabilité
pénale des personnes morales ignorées par le législateur.
Il semble en effet que ceux-ci doivent nécessairement trouver des pistes
pour rattraper les défaillances liées à
l'aménagement actuel du droit pénal. Ainsi, les autorités
de poursuites peuvent apporter une réponse à la question
déjà posée par Aliénor BOULANGER,
qui est celle de savoir « comment le droit pénal a vocation
à s'appliquer pour des faits commis par la personne morale en
dépit de sa disparition ? »439.
En effet, si les personnes morales jouent de malice pour
pouvoir contourner la répression, le ministère public doit encore
se monter plus malin. Afin de trouver des moyens de vaincre « la
fraude à la loi pénale »440 sous tendue par
l'instrumentalisation des opérations de restructuration. Une analyse
approfondie du droit pénal camerounais de lege lata et
guidée par des études doctrinales, laisse transparaitre que les
organes de la procédure pénale disposent à la fois de
moyens issus du droit pénal441 qui leur permettent de lutter
contre les causes d'irresponsabilité non conventionnelles touchant la
personne morale (§-1), mais aussi des moyens propres
à la structure442 touchant les personnes physiques
(§2).
§-1 La riposte des autorités de poursuites
contre les causes d'irresponsabilité non conventionnelles par les
moyens touchant la personne morale
188. Les causes d'irresponsabilité conventionnelles
sont celles qui ne sont pas liées aux causes d'irresponsabilité
objectives et subjectives classiques. Il s'agira pour les autorités de
poursuites de préparer une riposte contre les personnes morales
délinquantes n'ayant pas de
437 Il s'agit des organes de la police judiciaires sous
l'autorité du ministère public.
438 Il s'agit des magistrats du siège ou plus largement
des juridictions répressives.
439 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, op.cit. p 419 et s.
440 Ibid.
441 Ibid.
442 Ibid.
116
personnalité morale, ou ayant perdu leur
personnalité morale avant, pendant ou après la mise en mouvement
de l'action publique.
En attendant que le législateur prenne ses
responsabilités pour mettre fin aux failles du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales qu'il semble avoir omises, il semble que des moyens certes
limités peuvent être mis en oeuvre pour trouver une solution
à l'irresponsabilité des personnes morales liées à
la question de la disparition de la personnalité juridique. Ces
solutions peuvent être jurisprudentielles (B), mais elles peuvent en
amont venir du ministère publique (A).
A- Les solutions pouvant être utilisées
par le ministère publique
189. Lorsqu'on adopte un regard tourné vers le droit
pénal spécial, l'on se rend compte que certaines infractions
contenues dans le code pénal, et même hors code dépendent
de la réalisation ou de la tentative de réalisation
première infraction. Il s'agit ainsi des infractions de
conséquences et de la complicité. De ce fait, plusieurs
infractions de conséquences peuvent être
caractérisées chez l'entreprise qui a absorbé ou repris
les actifs d'une personne morale délinquante (1), dans d'autres cas,
elle peut même être poursuivie en tant que complice (2).
1- La poursuite de la personne morale absorbante ou
détenant des actifs d'une société délinquante par
le biais des infractions de conséquences
190. Les infractions de conséquences sont celles qui
nécessitent l'existence d'une infraction préalable dite
principale. Il est très souvent question pour que l'infraction de
conséquence soit caractérisée, que l'agent dispose soit du
produit d'une première infraction, soit du délinquant ayant
commis une infraction. Les deux archétypes sont le recel et le
blanchiment de capitaux. Pour mettre en oeuvre la responsabilité
pénale de la personne morale absorbante ou détenant des actifs
d'une autre société incriminée, le ministère public
doit d'abord caractériser une infraction préalable chez la
personne morale absorbée.
191. De ce fait, la personne morale absorbante pourrait
être poursuivie pour recel de malfaiteur 443, si elle a en
connaissance de cause acceptée l'opération de fusion, ou
accepté de recevoir le patrimoine d'une société par le
biais de la scission dans l'optique de soustraire celle-ci à toute
responsabilité pénale444. Pour caractériser le
recel de malfaiteur, nul besoin que la
443 Art 100 et art 194 CP camerounais.
444 Cette solution est également envisagée par
la doctrine française, V. BOULANGER (A.), Restructurations
sociétaires et responsabilité pénale. Nouvelle
édition [en ligne]. Op.cit 497 et s.
117
personne morale absorbée ne soit déjà
condamnée ou bien que l'action publique ait déjà
été mise en mouvement. Selon les termes de l'article 100 du code
pénal camerounais, il suffit de soustraire le malfaiteur aux recherches.
Appliquée à la personne morale, le fait qu'une plainte ait
déjà été déposée ou que l'infraction
d'origine soit punissable445 peuvent permettre la qualification de
recel. La responsabilité pénale de la société
absorbante peut également être engagée pour recel de chose
dans la mesure où les opérations de fusion entrainant
transmission à titre universel du patrimoine, la société
absorbante ayant eu connaissance l'origine infractionnelle des biens
constituant le patrimoine de la société qu'elle a absorbée
se rend coupable de recel.
La responsabilité de la société
absorbante peut également être engagée pour blanchiment de
capitaux si celle-ci réinvestit dans des activités légales
des capitaux acquis de façon illégale par la
société absorbée446. Les qualifications de
recel et de blanchiment de capitaux peuvent également être retenue
contre les personnes morales organisent leur propre dissolution et qui rouvrent
sous un autre nom avec une nouvelle personnalité juridique, mais
fonctionnent avec le même patrimoine et les mêmes membres qu'avant
la fermeture. Dans le même sens, la personne morale nouvellement admise
comme telle, peut se voir poursuivie pour recel lorsqu'elle reprend certains
engagements pris pendant la période de formation447. La
personne morale absorbante peut également être poursuivie pour
complicité.
2- La poursuite de la personne morale absorbante ou
détenant des actifs d'une société délinquante en
tant que complice
192. Le complice « est celui qui
provoque, de quelque manière que ce soit, la commission de l'infraction
ou donne des instructions pour la commettre ; celui qui aide ou facilite la
préparation ou la consommation de l'infraction »
448. La personne morale peut avoir
445 BOULANGER (A.), ibid. Gallois (A.), « La
responsabilité pénale de la société absorbante en
cas de fusion-absorption », Dr. sociétés 2010,
ét. 7, spéc. n° 20.
446 V. le règlement communautaire CEMAC n°01/031 du 4
avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment des
capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale.
447 V. KOLB (P.) LETURMY (L.), Cours de droit pénal
général, Issy-les-Moulineaux, Lextenso, 5e éd. 2020.
p. 225 « Par principe, la personne morale en cours de formation ne
répond pas pénalement des engagements passés en son nom.
Toutefois, au moment de la « reprise » de ces engagements, elle
pourrait très bien être poursuivie par exemple pour recel (la
reprise portant sur des biens volés) ou un peu plus largement pour des
infractions se réalisant pleinement après la reprise (remise de
la chose, résultat d'une escroquerie) voire pour des infractions
continues (puisqu'elles se renouvellent d'instant en instant). ».
448 Art. 97 CP camerounais.
118
facilité la consommation de l'infraction par la
personne morale absorbée si celle-ci par ses organes ou
représentant a aidé le passage à l'acte par une promesse
de fusion, par la fourniture de moyen ou de structure sociétaire pour
l'aider à dissimuler une démarche
délictueuse.449
Pour être appliqué le magistrat doit se rassurer
que l'aide apportée soit bien antérieure à la commission
ou concomitante de l'infraction, ce qui distingue le recel de la
complicité. La jurisprudence a également un rôle à
jouer dans cette dynamique.
B- Les solutions pouvant être
dégagées par le juge
193. L'apport de la jurisprudence dans la
systématisation de la responsabilité pénale des personnes
morales n'est plus à démontrer, Elle y a même souvent
joué un rôle moteur.450 Dans les systèmes
étrangers, il se développe une théorie jurisprudentielle
de fraude à la loi pénale dans le cas des opérations de
restauration. Cette théorie mérite qu'on y accorde une importance
particulière (1) même si elle est difficilement applicable (2).
1- Le développement prétorien de la
théorie de la fraude à la loi pénale
194. La fraude à la loi est déjà
appliquée dans d'autres branches du droit451, et très
souvent sanctionnée soit par la nullité soit
d'inopposabilité. En droit international privée elle s'entend de
la manipulation d'un facteur de rattachement pour évincer une loi qui
avait normalement vocation à s'appliquer452.
Transposée en droit pénal, et dans le contexte de notre analyse,
la fraude à la loi pénale peut se matérialiser lorsque la
personne morale adopte un comportement qui a vocation à mettre en
échec les poursuites qui pourraient être engagées contre
elle453.
Le mécanisme renvoi donc à l'instrumentalisation
d'une opération de restructuration pour dans le but d'éluder les
poursuites. En France, le ministère public avait requis la
nullité de l'opération de restructuration dans une affaire dans
laquelle une société avait été dissoute sans
liquidation au profit d'une autre à peine cinq jours après son
renvoi devant le juge pénal. Le tribunal de commerce de Versailles avait
donné suite favorable par un jugement daté du 18
449 BOULANGER (A.), op.cit. pp. 497 et s.
450 En dans le système anglais, ce sont les juges qui
ont posé les jalons de l'abandon de ce qui était à
l'époque le principe de l'irresponsabilité pénale des
personnes morales d'abord pour les infractions d'omission puis ensuite pour
ceux de commission. Ensuite seulement le législateur est intervenu.
451 Il s'agit surtout du droit civil, du droit fiscal, et du
droit international privé.
452 KENFACK (P-E.), cours polycopié de de droit
international privé, dispensé en Master I, année
académique 2017-2018.
453 Pour plus de précision sur la possible fraude
à la loi pénale voir BOULANGER (A.), Restructurations
sociétaires et responsabilité pénale. op.cit. pp.
497 et s.
119
mars 2015. Mais la Cour d'Appel infirma le
jugement454. Cette théorie semble néanmoins difficile
à admettre en droit pénal.
2- Une théorie difficilement admissible
195. Plusieurs auteurs ont déjà
démontré que la loi pénale étant
d'interprétation stricte, celui « qui ne fait pas exactement ce
que la loi pénale interdit ne commet pas d'infraction, ne viole aucune
règle obligatoire »455. Ainsi la frontière
entre la fraude et l'habilité doit nécessairement être
tracée456.
Une telle institution aura du mal à s'imposer si tant
est qu'elle s'impose un jour. Le seul moyen de l'admettre tient de la
pénalisation même de la restructuration frauduleuse, ce qui
s'avère être plus compliqué car il faudra pour le
législateur en définir les contours457. Même si
les contours d'une telle infraction sont définis, comment les
autorités de poursuite vont-ils apporter les preuves concrètes
qu'une telle infraction aurait été commise par une
société qui dès lors n'existe plus ? Pour pallier le vide
du droit pénal camerounais, les organes ne la procédure
pénale peuvent également user de mécanismes contournement
liés à la structure du groupement afin de juguler
l'impunité.
§- 2 La riposte des autorités de poursuites
contre les causes d'irresponsabilités non conventionnelles touchant
les personnes dirigeantes
196. Il faut le reconnaitre, la mise en oeuvre de la
responsabilité pénale de la personne morale en cas de
restructuration est difficilement envisageable dans l'état actuel du
droit positif camerounais. Il ne reste donc plus que de se retourner contre les
personnes physiques et ainsi, toucher la personne morale au moins
indirectement.
À cet effet, le premier constat à faire est
celui suivant lequel la restructuration de la personne morale, n'a pas d'effet
extinctif sur l'action publique engagée contre la personne ayant
454 V. ibid.
455 Vidal (J.), Essai d'une théorie
générale de la fraude en droit français : « le
principe fraus omnia corrumpit », (préf. G. Marty), Dalloz, 1957,
p. 103 et s.
456 LE NABASQUE (H.), « La règle de la
personnalité des poursuites et des peines ne permet pas, sauf fraude,
d'appliquer des sanctions aux sociétés qui sont issues d'une
scission lorsque les manquements constatés sont ceux de la
société scindée », note sous CA Paris, 14 mai
1997, SNC Compagnie générale d'immobilier George V et autres c/
Agent judiciaire du Trésor, op.cit.
457 V. BOULANGER (A.), ibidem. L'auteur a essayer de
ressortir un régime applicable à la fraude à la loi.
120
la qualité « d'organe » ou
« représentant » en cas de cumul de
responsabilité, et ne saurait même constituer une cause
d'impunité pour ceux-ci. Le deuxième constat est celui suivant
lequel aussi bien les personnes physiques et les personnes morales ayant la
qualité d'organe et représentant peuvent déléguer
leur pouvoir. Fort de ce constat, une première analyse nous permet
d'envisager d'abord comme riposte, l'engagement de la responsabilité
pénale du dirigeant (A) avant celui du délégataire de
pouvoir (B).
A- L'engagement de la responsabilité
pénale du dirigeant comme alternative à l'irresponsabilité
organisée de la personne morale
197. Parce que pénalisation des agissements de la
personne morale n'entraine pas la dépénalisation de ceux de la
personne organe ou représentant la responsabilité pénale
de celui-ci peut être engagé pour les mêmes faits. Cette
solution permet de lutter contre l'impunité des organes qui aurait
été à l'origine de la restructuration frauduleuse (1) mais
elle pourrait néanmoins être source d'injustice (2).
1- Une solution permettant de lutter contre
l'impunité organisée de l'organe
198. Comme l'on a vu, un des critères du cumul
suggéré au ministère public est la nature intentionnelle
ou non intentionnelle de l'infraction. Ainsi, le cumul sera exclu lorsque
l'infraction commise est non intentionnelle. Dans ce cas, seule la
responsabilité pénale de la personne morale devra être
recherchée qui elle-même pourra être mise en échec
par une opération de restructuration.
On aboutirait donc à un duo de délinquant
potentiellement irresponsable. Cette possibilité peut être
annihilée, en envisageant la responsabilité pénale des
dirigeants en dehors du cadre du principe général de
responsabilité pénale des personnes morales, c'est-à-dire
que l'organe sera responsable pénalement de son propre fait pour toutes
les infractions intentionnelles ou non, peu importe le cadre ayant servi
à la commission de celles-ci. Ce constat vient encore renforcer
nécessité de revoir les critères d'imputation de
l'infraction à la personne morale pour que celle-ci soit un peu plus
autonome.
2- Une solution aux conséquences
ambivalentes
199. La personne physique et la personne morale sont toutes
deux en droit camerounais responsables pénalement de leur propre fait.
Mais cette responsabilité semble ne pas produire
121
le même effet. Là où la
responsabilité pénale de la personne morale s'éteint,
celle de la personne physique demeure.
Une partie de la doctrine a fait remarquer que « La
solution, d'une logique juridique implacable, permettra de viser de
manière tout à fait pertinente le véritable coupable
lorsque la structure servira à dissimuler des affaires frauduleuses,
mais de façon bien plus discutable, en présence d'une infraction
non intentionnelle commise dans le cadre strict d'une activité
économique normale, le dirigeant personne physique »458.
La conséquence ne sera pas la même pour le dirigeant personne
physique que pour le dirigeant personne morale, qui pourra user des mêmes
moyens pour déjouer les poursuites, et créer ainsi une sorte de
cercle vicieux. En tout état de cause, le dirigeant organe ou
représentant pourra être déresponsabilisé par le
mécanisme de la délégation de pouvoir.
B- L'engagement de la responsabilité
pénale du délégataire des pouvoirs comme alternative
à l'irresponsabilité organisée de la personne morale
200. Il parait nécessaire d'analyser la
responsabilité pénale en cas de délégation de
pouvoir, dans la mesure cela permettra aussi de comprendre l'articulation des
responsabilités suggéré par le principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales. S'il apparait clair que la restructuration ne saurait
déresponsabiliser le délégataire même en cas de
changement de déléguant, il convient de s'appesantir sur le sort
du délégataire et du subdélégataire.
201. La spécificité du mécanisme de
délégation de pouvoir est que celle-ci permet d'exonérer
l'organe de toute responsabilité pénale en même temps que
le délégataire sera responsable de son propre fait. « La
délégation de pouvoirs consiste en un transfert des missions de
surveillance et de direction »459 et parce que le
délégataire dispose ainsi d'un pouvoir de direction et de
contrôle il peut ainsi engager la responsabilité pénale de
la personne morale. En matière de restructuration, la
responsabilité pénale du délégataire demeure de
telle sorte que celui qui n'était à la base qu'un
préposé devient pénalement responsable de son propre chef,
alors que ni la personne morale, ni le délégant ne sera
poursuivi.
458 BOULANGER (A.), op.cit. pp. 446 et s.
459 MANGA OMBALA (A.) La responsabilité pénale
des dirigeants sociaux en droit camerounais, mémoire master II,
université de Yaoundé 2, 2014, P.58
202. Le subdélégataire est
celui à qui le délégataire a transmis ses pouvoirs de
délégué460 pour que l'opération soit
valide, l'organe ayant délégué une partie de ses pouvoir
au délégataire doit avoir autorisé celui-ci à
déléguer à son tour les pouvoirs à lui transmis.
À cet, effet en l'absence d'un choix plus large de sujet passif, en cas
de dissolution de la société, le subdélégataire
verra sa responsabilité engagée pour endiguer
l'impunité.
Si les délégataires et
subdélégataires peuvent passer pour des boucs émissaires,
la solution peut avoir une portée préventive majeure, parce que
le but de la délégation n'étant pas de diluer le risque
pénal qui pèse sur les organes ou représentant, la
possibilité de poursuivre tous les maillons de chaine appellera à
un peu plus de responsabilité et de prudence.
122
460 Ibid.
123
CONCLUSION CHAPITRE IV
203. Les drames du principe
général de responsabilité pénale de personne morale
en droit camerounais tiennent du fait que, celui-ci s'est embarrassé de
concepts développés dans d'autres branches du droit et pour des
finalités différentes qui ne cadrent pas toujours avec les
exigences de responsabilité pénale d'une part. Et d'autre part de
la forte assimilation des personnes morales aux personnes physiques. Ainsi le
législateur camerounais a décidé développer un
principe d'ensemble bâti sur des concepts préétablis et
prédéfinis, le seul mouvement de création issu du
processus de codification de la responsabilité pénal des
personnes morales semble être le choix du mécanisme d'imputation
morale de l'infraction qui prône l'idée de profit,
d'intérêt au lieu de l'intelligence et du libre arbitre. Pour le
reste l'adaptation semble avoir été la formule, tant sur plan des
sanctions que de la responsabilité du fait personnel et même de la
procédure. Une relation de cause à effet peut donc être
établi entre le principe général de responsabilité
pénale des personnes morales sous-tendu principalement par une logique
d'adaptation et les manquements procéduraux et pratiques observés
en sus.
Le principe général de responsabilité
pénale des personnes morales a donc pour conséquence de sublimer
les limites formelles liées à la mise en oeuvre de la
responsabilité des êtres moraux. Ce qui nécessite
nécessairement que le législateur prend au bras le corps le
problème pour parer à ces limites, mais aussi acteurs du
procès pénal de s'adapter au nouveau responsable qui entre dans
l'arène des prétoires.
124
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE
204. Les conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales ignorées par le législateur sont liées à la
procédure, mais également à certains choix dans la
codification de la nouvelle responsabilité.
Pour ce qui est de la procédure, le législateur
semble complètement avoir ignorée que l'entrée d'un
nouveau responsable dans le champ pénal, entrainerait de facto
l'inadaptation de certaines des règles de procédures existantes.
La procédure à suivre en cas de poursuite des personnes morale
devra donc être définie par le législateur camerounais, et
pour ce faire, il pourra s'appuyer sur les recommandations de la doctrine, mais
également se tourner vers le droit comparé.
Certains choix dans la codification de la nouvelle
responsabilité devront également être redéfinis. Il
en est ainsi de la notion de personne morale, et des conditions de mise en
oeuvre de la nouvelle responsabilité. Le législateur peut opter
à la fois pour l'utilisation du substratum humain, mais aussi pour un
mécanisme d'imputation réellement direct sur un défaut de
structure. Le juge et le procureur de la république devront eux aussi,
faire preuve d'imagination pour saisir la criminalité collective dans sa
globalité.
La prise en compte des conséquences ignorées par
le législateur permet ainsi de mieux armer le droit pénal
camerounais qui parait pour l'heure fragile.
125
CONCLUSION GÉNÉRALE
205.
126
Par un lent processus ayant abouti en 2016 à une
codification, la responsabilité pénale des personnes morales a
désormais valeur de principe général en droit pénal
camerounais. Le chemin parcouru atteste de la volonté du
législateur à combattre de façon effective la
délinquance de personne dont l'existence relève de la fiction
mais la capacité de nuisance est bien réelle. Ainsi, «
même si une personne morale ne peut pas tenir une arme, personne ne doute
aujourd'hui du fait qu'elle puisse donner la mort. »461
ceci est vrai pour tous les êtres collectifs, de telle sorte
qu'opposé à la responsabilité pénale des
groupements ayant la personnalité juridique, la problématique de
l'impunité en matière criminalité collective prend
forme462. Le législateur camerounais de 2016 s'est
penché sur les questions substantielles, et à partir des
données existantes et de concepts adaptés il a su tirer certaines
conséquences que la démarche de codification d'une «
nouvelle » responsabilité entrainerait.
Parlant justement des conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales, elles sont de plusieurs ordres. Il fait peser le risque pénal
sur la personne désignée, et l'expose à la sanction
pénale. Il prend en compte les contingences liées à la
commission des infractions, détermine explicitement ou implicitement les
possibilités dans lesquelles l'agent devrait échapper à la
répression. Il entraine plus spécifiquement l'aménagement
d'un cadre répressif formel pour mettre en oeuvre le cas
échéant la responsabilité de la personne sur qui
pèse la menace en lui reconnaissant la possibilité de se
défendre.
206. À l'actif du législateur camerounais, la
précision des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité
pénale des personnes morales et l'élaboration d'un régime
de sanction propre applicables à celles-ci en fonction des infractions
et circonstances liées à cette dernière. Plus encore, la
détermination des personnes morales pénalement responsables et le
maintien de la pression pénale sur les personnes physiques auteurs des
mêmes faits. Au passif du législateur, la non prise en compte de
l'incompatibilité entre le responsable nouvellement admis et les
règles formelles de poursuite établies, et de ses
particularités structurelles avec la logique classique axée sur
la personne physique comme seul sujet de la responsabilité
pénale. Sur le plan théorique, l'obligation de subir la
répression s'est vu revigoré tandis que la possibilité
d'échapper à la répression s'est vu limitée. Sur le
plan pratique, l'inadaptation des règles de
461 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p.
8.
462 Tricot (J.) « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français » op.cit., pp 19 à 46
127
poursuites et la non prise en compte de moyens de
défense du nouveau responsable, limitent la mise en oeuvre de la
nouvelle responsabilité.
207. La capacité du droit pénal camerounais de
lege lata à tirer toutes les conséquences du principe
général de responsabilité pénal des personnes
morales et donc à mieux réprimer la délinquance des
groupements est réduite également par le choix du
législateur camerounais qui a opté pour un mécanisme
unique d'imputation malgré la dualité de systèmes qui
s'offraient à lui. Le législateur a joué avec la
flexibilité du droit pénal, mieux sa capacité à
s'adapter et à ajuster ses théories aux nouvelles formes de
criminalité, et a ainsi perdu de vu la nécessité de
s'approprier des concepts pensés et développés par
d'autres branches du droit. Ce qui implique tantôt l'attribution
d'immunité discutables, tantôt la consécration implicite de
l'impunité463. De ce fait, la personnalité morale,
point de départ de la construction du principe général
permet d'organiser « à peu de frais l'irresponsabilité
pénale d'opérateurs à forte capacité de nuisance
(...) [et] au-delà de l'immunité, par-delà
l'impunité, c'est l'effectivité de la responsabilité des
personnes morales, dont l'internationalisation est en marche, qui se joue
»464. L'étude des conséquences du principe
générale de responsabilité pénale des personnes
morales dans le contexte camerounais doit donc permettre de corriger les tares
qui empêche la répression effective de la délinquance des
groupements. Ainsi, le droit pénal devra redéfinir la notion de
personne morale, déterminer la procédure applicable lorsque la
personne morale est poursuivie, et surtout rien ne l'empêche dans la
recherche de l'efficience de se référer au droit étranger
pour revoir un système d'imputation qui est susceptible de varier selon
les infractions commises465.
208. L'avenir du principe général de
responsabilité pénale des personnes semble donc être
tracé. Il s'étendra aux personnes morales qui n'ont pas
nécessairement cette qualité en droit civil ou commercial, et
sera de moins de moins restreint par des principes et règles formelles
édictés pour les personnes physiques, si et seulement si le
législateur tire toutes les conséquences induites. En attendant,
la jurisprudence et le ministère public devront adapter avec les
institutions déjà établies pour limiter au maximum
l'impunité des groupements moraux.
463 TRICOT (J.) « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français » op.cit. pp. 19-46. « Sur le plan des
concepts, la responsabilité des personnes morales permet de souligner
que si l'impunité se distingue de l'immunité, celle-ci double ou
renforce bien souvent celle-là. Ainsi, quel que soit le modèle
d'imputation, le critère de la personnalité, point de
départ du raisonnement, expose d'emblée au risque
d'impunité par l'immunité de droit qu'il emporte ».
464 Ibid. pp. 19-46.
465 Ibidem.
128
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VII- JURISPRUDENCE
1- Cour de cass., Ch. crim., 28 janvier 1859.
2- Cour de cass., 1e Ch. civ., 24 novembre 1953,
pourvoi n° 54-07081.
3- Cour de cass., Ch. crim., 24 décembre 1864, S. 1866,
1, p. 454.
4- Cour de cass., Ch. crim., 18 février 1927, DH 1927, p.
225.
5- Cour de cass., Ch. crim., 6 mars 1958, D. 1958, p. 465.
6- Cour de cass., Ch. crim., 17 décembre 2003, pourvoi n°
00-87872.
7- Ch. comm., 2 novembre 2005, pourvoi n° 02-15895
8- CA Douai, 26 février 2003, JurisData n°
2003-21450
9- Cour de cass., Ch. crim., 20 juin 2007, Dr. pén. 2007,
comm. 142, obs. M. Véron
VIII- LÉGISLATION
1- LÉGISLATION CAMEROUNAISE
1- La loi du 29 décembre 1989 portant sur les
déchets toxiques et dangereux
2- La loi n°2005/015 du 29 décembre 2005 relative
à la lutte contre le trafic et la traite des enfants
3- Loi n°2005/007 du 27 juillet 2007 portant code de
procédure pénale
4- Loi n°2016/007 du 12 juillet 2007 portant code
pénal
5- L'acte uniforme OHADA relatif au droit des
sociétés commerciales et groupement d'intérêts
économique
6- Loi n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative
à la cybersécurité et à la
cybercriminalité
7- La Loi n° 2006-015 du 29 décembre 2006 portant
organisation judiciaire du Cameroun
8- La Loi n?2012/011 du 16 juillet 2012 modifiant et
complétant certaines dispositions de
9- La loi n?2011/028 du 14 décembre portant
création d'un tribunal criminel spécial ;
10- Loi n°96/ 06 du 18 janvier 1996 Portant révision
de la Constitution du 02 juin 1972, modifiée et complétée
par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008
11-
136
Le décret n°213/131 du 03 mai 2013 portant
organisation et fonctionnement du corps spécialisé d'Officier de
police judiciaire du Tribunal militaire
12- Loi n°96/ 06 du 18 janvier 1996 Portant révision
de la Constitution du 02 juin 1972, modifiée et complétée
par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008
2- TRAITÉS COMMUNAUTAIRES
1- Traité de Libreville du 18 octobre 1983,
révisé 18 Décembre 2019.
2- Traité de N'Djamena du 16 mars 1994,
révisé à Yaoundé le 25 juin 2008 puis à
Libreville le 30 janvier 2009.
3- Traité de Lagos du 28 mai 1975, révisé
à Cotonou le 23 juillet 1993.
4- Traité de Dakar du 10 janvier 1994,
révisé
3- LÉGISLATION FRANÇAISE
1- L'ordonnance criminelle de 1670
2- La loi du 18 juillet 1856, laquelle réglementant les
sociétés en commandite par actions
3- La loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés
anonymes
4- Ordonnances des 5 mai, 30 mai et 30 juin de 1945
5- L. n° 2004-204 du 9 mars 2004 généralisant
la responsabilité pénale des personnes morales.
4- LÉGISLATION BELGE
1- Document législatif n° 11217/6, Proposition de loi
instaurant la responsabilité pénale des personnes morales,
Sénat de Belgique, 10 mars 1999
5- LÉGISLATION ANGLAISE
1- The interpretation Act 1889
2- The criminal Justice Act 1991. s.25;
3- The financial services Act 1986; the companies Act 1985
137
Table des matières
DÉDICACES i
REMERCIEMENTS ii
PRINCIPALES DES ABRÉVIATIONS iii
RÉSUMÉ iv
ABSTRACT v
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LES CONSÉQUENCES DU
PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ PÉNALE DES
PERSONNES MORALES PRÉVUES PAR LE
LÉGISLATEUR 14
CHAPITRE I : UNE OBLIGATION DE SUBIR LA RÉPRESSION
REVIGORÉE. 16
Section 1 : Une vigueur découlant de la
précision des conditions de la responsabilité pénale
des
personnes morales 17
§1 : La cohérence dans le contenu des
conditions de responsabilité pénale des personnes morales
18
A- La nécessité de la condition
matérielle de responsabilité pénale des personnes morales
18
1- Une condition permettant de faire le lien entre la personne
morale et la commission de
l'infraction 18
2- Une condition permettant d'exclure la personne morale de la
commission de certaines infractions
en son sein 22
B- La condition morale de la responsabilité
pénale des personnes morales : une condition
primordiale 23
1- Une condition permettant de rattacher l'infraction à
l'existence même de la personne morale 24
2- Une condition permettant d'établir la volonté
illicite de la personne morale 27
§2 : L'effectivité dans la mise en oeuvre des
conditions de la responsabilité pénale des personnes
morales 28
A- L'effectivité dans l'application des conditions
de la responsabilité des personnes morales 28
1- L'identification formelle de la personne physique agissant es
qualité, une exigence première de
la jurisprudence 28
2- La présomption d'identification de la personne
physique agissant es qualité, une exigence
palliative de la jurisprudence 29
B- L'effectivité dans l'atteinte des
résultats escomptés par l'application desdites conditions
30
1- Des conditions permettant effectivement l'imputation de
l'infraction à la personne morale dans la
majeure partie des cas 31
2- L'ineffectivité constatée de la double
condition de la responsabilité pénale des personnes dans
certains cas 31
Section 2 : une vigueur renforcée par
l'amélioration du régime de la sanction pénale des
personnes morales 34
138
§1 : La détermination des sanctions
applicables à la personne morale, terreau de la répression
des
personnes morales 34
A- La détermination d'un cadre
général de sanction pénale applicable à la personne
morale 35
1- La typologie des sanctions applicables à la personne
morale 35
2- La détermination de cause d'aggravation de la sanction
pénale des personnes morales 36
B- La détermination concrète des sanctions
pénales applicables à la personne morale 37
1- Les sanctions visant le patrimoine de la personne morale
37
2- Les sanctions visant l'existence et l'honorabilité de
la personne morale 39
§2 : L'application des sanctions pénale
à la personne morale 40
A- Les hypothèses d'application de la sanction
pénale à la personne morale 40
1- L'application commode des sanctions pénales à
la personne morale 40
2- L'application laborieuse des sanctions pénales
à la personne morale 41
B- Les modalités d'application des sanctions
pénales à la personne morale 42
1- Les modalités d'application des sanctions
patrimoniales 42
2- Les modalités d'application des sanctions
extrapatrimoniales 44
CONCLUSION CHAPITRE I : 46
CHAPITRE II : UNE POSSIBILITÉ D'ÉCHAPPER
À LA RÉPRESSION LIMITÉE47 Section 1 : Une limitation
consécutive à l'extension du champ de la répression
des
personnes morales 48
§-1 : L'extension rationae personae mesurée
48
A- La personnalité morale : seule limite à
l'extension rationae personae de la répression 48
1- Un choix justifié 49
2- Un choix questionnable 49
B- L'Etat et ses démembrements : seules exceptions
échappant à la répression 50
1- Les raisons discutées de l'exclusion de l'Etat et de
ses démembrements 50
2- L'étendue de l'exclusion de l'Etat et ses
démembrements 53
§-2 : L'extension rationae materiae plus
poussée 56
A- Une extension marquée par l'abandon progressif
du principe de spécialité de la délinquance
des personnes morales 56
1- Un abandon justifié par les limites du principe de
spécialité 56
2- Un abandon progressif suggéré par les textes
spéciaux 58
B- Une extension du champ matériel de la
responsabilité fruit d'un choix tranché 59
1- Le choix d'un abandon total du principe de
spécialité 60
2- Le choix de la simplicité dans la résolution
des difficultés nées de l'abandon du principe de
spécialité 60
139
Section 2 : Une limitation inhérente à
l'admission d'un cumul de responsabilité
entre les personnes physiques auteurs des actes
incriminés et les personnes morales
61
§-1 Le cumul de responsabilité comme parade
du législateur face la dépénalisation
implicite des agissements des organes et
représentant 62
A- La dépénalisation induite par l'admission
généralisée de la responsabilité pénale
des
personnes morales 63
1- Une dépénalisation marquée par une
disparition de la pression pénale sur les organes et
représentant 63
2- Une dépénalisation exprimée par le
transfert de responsabilité du substratum humain vers la
personne morale 64
B- Les effets du cumul sur la
dépénalisation 65
1- L'exclusion de la dépénalisation à
travers la réanimation de la pression pénale pesant sur les
personnes physiques auteurs des actes incriminés 65
2- Le cumul de sanction 66
§-2 : Le cumul de responsabilité comme un
outil de répression entre les mains des
autorités de poursuites 66
A- L'aménagement de la possibilité du cumul
par le biais de l'opportunité des poursuites
reconnue au ministère public 67
1- Le critère basé sur le caractère de
l'infraction 67
2- Le critère basé sur l'identification des
personnes physiques auteurs des actes incriminés 68
B- La réalisation du cumul par le biais de
l'impérium reconnu au juge pénal 68
1- Le choix de sanctions différentes pour des sujets
différents 69
2- Autonomie des responsabilités 69
CONCLUSION CHAPITRE II 71
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 72
DEUXIÈME PARTIE : LES CONSÉQUENCES DU
PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ PÉNALE DES
PERSONNES MORALES IGNORÉES PAR LE
LÉGISLATEUR 74
CHAPITRE III : L'IDENTIFICATION DES
CONSÉQUENCES IGNORÉES PAR LE
LÉGISLATEUR 76
Section 1 : L'insuffisance des règles fixant
les modalités procédurales de poursuite des
personnes morales mises en cause. 76
§- 1 Une limitation quantitative des
règles adaptables à la personne morale 77
A- L'adaptation des règles procédurales
à la personne morale avant la mise en mouvement de
l'action publique 77
1- Les règles de compétence adaptables à la
personne morale 77
140
2- Les règles d'enquête adaptables à la
personne morale suspecte 79
B- L'adaptation des règles procédurales
à la personne morale suspecte après la mise en
mouvement de l'action publique 80
1- Les règles procédurales adaptables à la
personne morale inculpée 80
2- Les règles adaptables à la personne morale
prévenue ou accusée 81
§-2 Une insuffisance qualitative des règles
applicables à la personne morale 82
A- L'absence des règles spécifiques
applicables à la personne morale 82
1- L'absence de règles sur la représentation de la
personne morale 82
2- L'absence des mesures formelles coercitives contre la
personne morale 83
B- L'impossibilité d'adapter les principales
mesures coercitives à la personne morale 83
1- L'impossibilité d'adapter les mesures coercitives
visant la privation de liberté 84
2- L'impossibilité d'adapter les mesures limitatives de
liberté 84
Section 2 : Le déficit des règles
liées aux moyens de défense de la personne morale 85
§-1 Les moyens de défense conventionnels
limités défavorisant la personne morale 86
A- La contestation comme moyen de défense ouvert
à la personne morale 86
1- La contestation en cas de convergence d'intérêts
entre la personne morale et la personne
physique organe ou représentant 87
2- La contestation en cas de divergence d'intérêts
entre la personne morale et la personne physique
organe ou représentant 87
B- Les causes exclusives de responsabilité comme
moyen de défense fermé aux personnes
morales 88
1- L'incompatibilité entre la nature de la personne
morale et les causes objectives d'irresponsabilité 88
2- L'incompatibilité entre la nature de la personne
morale et les causes subjectives
d'irresponsabilité 90
§- 2 : les moyens de défense non
conventionnels de la personne morale mettant à mal les
autorités de poursuite 91
A- La commission d'infraction avant l'acquisition de la
personnalité juridique par l'être moral 91
1- La preuve de la commission de l'infraction avant
l'acquisition de la personnalité morale comme
moyen de défense intéressant pour les personnes
morales 92
2- Les effets pervers de l'exclusion des groupements non
dotés de la personnalité juridique du
champ de la responsabilité pénale 93
B- L'instrumentalisation des opérations de
restructuration comme moyen de contournement de
la répression pour la personne morale
94
1- L'utilisation des mécanismes de fusion et de scission
pour mettre en échec l'action publique 96
2- L'utilisation des mécanismes de fusion et de scission
pour mettre en échec l'application de la
sanction pénale 97
141
CONCLUSION CHAPITRE III 98
CHAPITRE IV : LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE DES
CONSÉQUENCES
IGNORÉES PAR LE LÉGISLATEUR 99
Section 1 : La posture attendue du législateur
100
§- 1 La prise en compte à traves
l'élaboration de règles particulières de
procédures
applicables à la personne morale 101
A- L'élaboration des règles
particulières concernant la représentation de la personne morale
. 101
1- Les règles encadrant le choix du représentant
de la personne morale 102
2- Les mesures susceptibles d'être prises à
l'endroit du représentant 103
B- L'élaboration de règles
spécifiques liées à l'exercice de l'action publique contre
les
personnes morales 104
1- Les mesures spécifiques applicable à la phase
de l'information judiciaire 104
2- Les mesures spécifiques applicables à la phase
de jugement 105
§- 2 La prise en compte à travers une
reconsidération du système d'imputation 106
A- La nécessaire reconsidération du
préalable de personnalité juridique 107
1- L'apport des systèmes appliquant la
responsabilité indépendamment de la personnalité morale
107
2- L'apport des systèmes ayant réglé la
question des restructurations sociétaires 109
B- La possibilité de revisiter le système
d'imputation en place 111
1- L'exploration des solutions découlant des
législations appliquant des mécanismes d'imputation
proche du droit interne 111
2- L'exploration des solutions découlant des
législations appliquant des mécanismes d'imputation
différents du droit interne 113
Section 2 : L'attitude espérée des organes
de procédure pénale 115
§-1 La riposte des autorités de poursuites
contre les causes d'irresponsabilité non
conventionnelles par les moyens touchant la personne
morale 115
A- Les solutions pouvant être utilisées par
le ministère publique 116
1- La poursuite de la personne morale absorbante ou
détenant des actifs d'une société délinquante
par le biais des infractions de conséquences 116
2- La poursuite de la personne morale absorbante ou
détenant des actifs d'une société délinquante
en tant que complice 117
B- Les solutions pouvant être
dégagées par le juge 118
1- Le développement prétorien de la théorie
de la fraude à la loi pénale 118
2- Une théorie difficilement admissible 119
§- 2 La riposte des autorités de poursuites
contre les causes d'irresponsabilités non
conventionnelles touchant les personnes dirigeantes
119
142
A- L'engagement de la responsabilité pénale
du dirigeant comme alternative à l'irresponsabilité
organisée de la personne morale 120
1- Une solution permettant de lutter contre l'impunité
organisée de l'organe 120
2- Une solution aux conséquences ambivalentes 120
B- L'engagement de la responsabilité pénale
du délégataire des pouvoirs comme alternative à
l'irresponsabilité organisée de la personne
morale 121
CONCLUSION CHAPITRE IV 123
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE 124
CONCLUSION GÉNÉRALE 125
BIBLIOGRAPHIE 128
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