3- Les manifestations de la déviance dans la commune
de Ngwei
La délinquance vécue revêt plusieurs
formes à Ndjockloumbé, Seppe et Mbamblé, nous avons d'une
part la déviance verbale (injures publiques, incivilité des
jeunes) et d'autre part, la délinquance physique (bagarres au sein des
bars, extorsion des biens etc). Le vol est plus fréquent à
Ndjockloumbé, il se manifeste par l'introduction clandestine dans les
domiciles privés, des plantations et les magasins à l'absence des
propriétaires pour dérober des biens. Au cours du mois de juin
2020 à décembre 2021, On dénombre 7 voleurs qui ont
été arrêtés et présentés chez le chef
puis ont subi une bastonnade populaire. Il s'agit des individus qui
s'introduisent dans les plantations pour dérober des rejetons de bananes
plantains ainsi que les régimes de plantains, des fruits de palmiers
à huile et des bidons d'huile rouge. Le commandant de brigade nous
déclare que « Ces derniers entrent dans les maisons des gens
à leur absence pour voler des appareils électro-ménagers
à l'instar des machines à écraser, fer à repasser,
bouteilles à gaz, des téléviseurs et des
téléphones portables, au cours de l'année 2020 plus de 25
voleurs ont été arrêté ». En effet, les
moments des infractions sont aux heures des travaux champêtres c'est
à dire de 7H30 ou à 18H30 lorsque certains individus sont
occupés aux travaux champêtres et la nuit de 0h à 4h du
matin dans les domiciles privés à l'absence des
propriétaires.
Il faut dire qu'avec l'avènement de l'énergie
électrique, la nature des objets volés a changé. En outre,
le vol d'aliments fait progressivement place à la subtilisation des
produits tels que l'argent, appareils ménagers et électroniques.
La prédominance des infractions se fait selon une répartition par
classe d'âge, les plus jeunes dont l'âge est compris de 16 à
21 ans volent de l'argent et autre bien tel que les téléphones
portables. Quant aux voleurs dont l'âge est compris de 23 à 35 ans
ces derniers volent des motos, de l'argent et autre objet de valeur. La
consommation et la vente de drogues s'intensifient aussi dans la
localité.
L'impact négatif de l'électrification solaire se
manifeste dans les manières d'agir et de penser de certaines
populations. Des personnes ont déclaré qu'avant, il était
possible d'aller aux
108
champs en laissant les portes des domiciles ouverts. Cependant,
depuis l'arrivée de ces jeunes délinquants cela n'est plus
possible.
109
Nous pouvons retenir dans le cadre de ce chapitre que
l'électrification est considérée comme une condition
préalable à tout développement économique et social
d'une localité. Le chapitre qui précède était
composé de trois sections, dans la première section, il
s'agissait de rendre compte des atouts de l'énergie solaire dans
l'arrondissement de Ngwei. Il en ressorti que les activités domestiques,
commerciales et artisanales sont poursuivies après la tombée du
jour grâce à l'éclairage. En outre, l'accès à
une source fiable d'électricité a permis de lancer de nouvelles
activités économiques à l'exemple des bars et restaurants
et la conservation des produits agricoles par le froid grâce à des
appareils électriques adaptés ; ainsi les revenus
complémentaires générés contribuent à
réduire la pauvreté. L'éclairage public a favorisé
la lutte contre l'insécurité, notamment en réduisant le
nombre de vols. Outre cet avantage, l'énergie solaire favorise
l'auto-emploi dans les villages de Ngwei où le projet a
été implémenté. Nous avons la promotion de l'auto
emploi au travers des métiers de l'esthétique, de la couture, de
l'électronique et dans le domaine des NTIC.
Dans la deuxième section, il est apparu que
l'énergie solaire est un atout pour le développement durable dans
l'arrondissement de Ngwei. A travers notre recherche, il ressort que
l'électrification par énergie solaire dans la localité de
Ngwei permet au Cameroun d'atteindre les objectifs de développement
durable dans ses ensembles, par ailleurs, il constitue un véritable
atout pour le développement local.
La troisième partie avait pour but de montrer que le
projet a favorisé le retour de certaines personnes au village parmi
lesquelles des jeunes délinquants qui sont venus poursuivre leur
activité de grand banditisme en milieu rural créant des psychoses
au sein des populations qui ne peuvent plus vaquer à leurs
différentes occupations sans toutefois avoir la crainte de voir leurs
domiciles cambriolés.
CONCLUSION GÉNÉRALE
110
111
Parvenu au terme de cette recherche portant sur le
thème : « la contribution de l'énergie solaire au
développement local dans la commune de Ngwei (département de la
Sanaga-Maritime) ». Sur le plan empirique, nous sommes partis du
constat selon lequel la commune de Ngwei qui est ceinturée ou
entourée par les barrages hydroélectriques de Song Lou-Lou et
Edéa reste encore peu connectée au réseau
hydroélectrique. Au plan épistémologique, une revue
critique des travaux antérieurs montre que la thématique de
l'énergie solaire en milieu rural africain en général et
camerounais en particulier reste encore peu explorée en sciences
sociales. Au-delà de ce qu'il est apparu comme étant nos
principales motivations, nous avons formulés la question principale
ci-après comment comprendre et expliquer que l'approvisionnement en
énergie solaire par l'entreprise Huawei dans l'arrondissement de Ngwei
participe à son rayonnement socio-économique ? De cette question
principale découle quatre autres questions secondaires à savoir :
Quels sont les acteurs impliqués dans la mise en oeuvre de ce projet ?
Quels sont les enjeux et les logiques d'actions des différents acteurs
autour de ce projet ? Quels sont les perceptions et les représentations
locales des populations bénéficiaires dans le cadre de la
réalisation de ce projet ? Quelles sont les incidences sociales du
projet d'énergie solaire sur la localité de Ngwei ? Pour
répondre à cette question, nous avons postulé que le
projet d'énergie solaire sort les populations locales de
l'obscurité ou de «l'état ténébreux»,
accroit la production en huile de palme et développe l'économie
locale grâce aux petits commerces. De cette hypothèse de
recherche, nous avons formulé quatre hypothèses secondaires
à savoir : (i) Les différents acteurs impliqués dans la
mise en oeuvre de ce projet sont les autorités administratives et
municipales de la localité de Ngwei, les élites politiques
locales, la société Huawei. (ii) La mise en place du
présent projet engendre des contradictions qui opposent les acteurs en
présence. (iii) Le projet d'électrification en énergie
solaire est perçu comme une source d'enrichissement pour d'aucuns tandis
que d'autres par contre le saisissent comme un atout pour l'amélioration
des conditions de vie de la communauté toute entière. (iv) le
projet d'électrification en énergie solaire dans l'arrondissement
de Ngwei participe non seulement au développement des activités
commerciales mais aussi améliore le confort des populations locales.
Pour mener à bien notre travail, nous nous sommes
principalement adossés sur la théorie des conflits sociaux, la
théorie sociologique dynamiste et critique et enfin la théorie de
la
112
durabilité faible. La première nous a
particulièrement été fructueuse dans le cadre ce travail,
parce qu'elle nous a permis de saisir les oppositions des différents
acteurs locaux impliqués dans le projet d'électrification par
énergie solaire dans la commune de Ngwei. La seconde théorie nous
a permis de dévoiler le jeu d'intérêt de ces acteurs locaux
autour du projet. La troisième a été d'un apport
incommensurable dans la mesure où elle nous a permis de comprendre de
quelles manières les énergies solaires contribuent au
développement local et au bien-être des populations rurales. En
effet, les initiatives économiques et solidaires se fondent sur les
valeurs suivantes : l'éthique dans les relations humaines
c'est-à-dire que ces initiatives agissent pour une économie qui
place l'humain, et non le profit, au centre de sa démarche ; par
ailleurs, la théorie de la durabilité forte nous a permis
d'expliquer dans quel mesure le projet d'énergie solaire n'a aucune
incidence sur l'environnement. Car les ressources naturelles (forets) qui ont
été détruites ont été remplacées par
les centrales solaires qui fournissent de l'énergie électrique
aux populations et contribuent au développement local des villages de
Ngwei qui ont bénéficié du projet.
Dans le cadre de notre étude, nous avons eu recours
à une méthodologie combinant à la fois les outils de
collecte de données qualitative à travers l'observation directe
pendant notre enquête auprès des populations pour comprendre leur
manière de penser, d'agir et de sentir et de faire des populations de
Ngwei. Une analyse quantitative à travers le questionnaire qui a
été administré aux populations de l'arrondissement de
Ngwei (Ndjockloumbé, Seppe et Mbamblé). L'enjeu était de
comprendre comment les énergies solaires contribuent au
développement local. La population d'étude était de 297
personnes constituées de 147 agriculteurs et éleveurs, 23
commerçants, 46 élèves, 02 pasteurs, 03 Mbombogs, 03 chefs
de village, 21 conseillers municipaux, 43 travailleurs et 09 coiffeurs et
coiffeuses.
La commune qui nous a servi de cadre de recherche avait
été créée le 24 avril 2007, aujourd'hui, elle n'a
que 15 ans d'âge. Comme toutes les communes du Cameroun, celle-ci est
composée de plusieurs ethnies ; il s'agit des populations du Sud, du
Centre, celles du grand Nord et enfin celles de l'Ouest. La présence de
celles-ci dernière se justifie par trois raisons, la première
raison est économique en effet, les populations du grand Nord Cameroun
ont migré vers les villages de la commune de Ngwei pour le commerce. La
seconde raison est la culture du palmier à huile et le cacao qui sont
les principales activités agricoles qui dominent dans cette partie du
territoire ; le manque de mains d'oeuvre locale oblige les propriétaires
des plantations à importer la main d'oeuvre. La troisième raison
se sont des femmes venues en mariage. Les principales activées
économiques sont les cultures du palmier à huile, du cacao, celle
du plantain et du manioc. Pour s'éclairer, les populations utilisent les
lampes à pétrole, les bougies,
113
les lampes solaires, les groupes électrogènes et
dans certaines parties de la commune l'énergie électrique,
malgré le fait que certaines ont des conséquences
négatives. D'après nous recherches, il convient de retenir d'une
part que, depuis de nombreuses années il y a sous-exploitation et sous-
valorisation du potentiel naturel existant dans l'arrondissement de Ngwei. En
effet, le problème que pose l'écosociologue Samuel-Beni ELLA
(2017), est le même dans l'arrondissement de Ngwei. D'autre part, on
constate la politique énergétique du Cameroun met en oeuvre de
nombreux programmes, organes et acteurs en matière
d'électrification cependant, cette politique souffre d'un manque de
coordination entre ces acteurs et un manque de moyens économiques.
Il est à relever que la commune de Ngwei disposait
déjà des installations électriques mais une grande
majorité de ces installations ne fonctionnaient pas à plein
régime à cause de leur vétusté, l'insuffisance de
la maintenance, la surcharge des installations et la mauvaise protection
électrique entrainant des délestages fréquents. Le
délabrement des canalisations, le manque de pièces de rechange,
le remplacement par des pièces non conformes, la mauvaise manipulation
des équipements crée également des avaries sur le
réseau. Ces différents problèmes soulevés
entraînent une réticence de la clientèle quant aux
paiements des factures. Par conséquent, la société en
charge de la distribution de l'énergie électrique ne peut pas
générer suffisamment de recettes pour la réalisation de
certaines actions de développement (électrification rurale par
exemple) d'après le Maire. En outre, certains ménages n'avaient
pas des compteurs ; ce qui engendre des facturations forfaitaires qui ne
permettent pas de couvrir l'ensemble des coûts d'exploitation par
Enéo.
D'après l'analyse documentaire sur le secteur
énergétique au Cameroun, on constate que sa politique a beaucoup
évolué entre le Plan Energétique National de 1990 et la
Vision Cameroun Horizon 2035, en passant par le Document de Stratégie
pour la Croissance et l'Emploi (DSCE). Malgré le fait que ces derniers
documents traitent très globalement du développement au Cameroun,
cependant on note une place accordée au déploiement des
énergies renouvelables, un signe que le gouvernement dans sa politique a
intégré ce secteur d'activités dans son programme. Par
ailleurs, la vision politique du Cameroun sur la décentralisation est un
facteur stimulant pour le développement des énergies
renouvelables dont les disponibilités sont probantes dans chaque
région ou localité. Les populations bénéficient de
l'approvisionnement en électricité selon l'organisation
régionale communale ou communautaire. La loi du 14 décembre 2011,
régissant le secteur de l'électricité a consacré
plusieurs de ses dispositions à la promotion des énergies
renouvelables, institutionnellement l'on peut noter la création d'une
direction chargée de la maîtrise de l'énergie et de la
promotion
114
des énergies renouvelables au MINEE dont le
siège est situé à la nouvelle route Omnisport. A cela
s'ajoute le projet de création d'une Agence de Promotion des Energies
Renouvelables ; même si cela est évoqué au conditionnel
dans la loi. Des mesures ont été également prises dans la
loi de finance de 2012 (article 128, alinéa 17) pour exonérer de
la taxe sur la valeur ajoutée, les matériels et
équipements d'exploitation des énergies solaire et
éolienne. En 2009, sur les 13634 localités rurales que compte le
Cameroun, moins 3000 étaient électrifiées V. NKUE et D.
NJOMO (2009). C'est ainsi que quelques années plus tard, l'Agence
d'Électrification Rurale verra le jour : l'une de ses principales
missions vise à réduire la pauvreté et améliorer la
qualité de vie des populations locales à travers
l'électrification rurale, car l'électrification rurale est un
enjeu crucial pour l'émergence du territoire.
Comme il a bien été analysé dans le
document de politique du secteur de l'électricité, les principaux
problèmes auxquels le pays est confronté dans ce domaine peuvent
être résumés de la manière suivante : Le cadre
légal et institutionnel actuel est inadapté à
l'évolution du secteur (absence de régulation, de règles
sur la concurrence dans le secteur, définitions claires des droits et
obligations de chacun etc.). Cette inadéquation rend difficile
l'intégration des stratégies sectorielles de développement
et cause également une coordination insuffisante des activités.
En outre, les programmes et le faible pouvoir d'achat des populations rurales
qui rend difficile le retour sur investissement et tend donc à maintenir
le faible taux d'électrification en milieu rural. Ce dernier constitue
un handicap majeur au développement économique et social du pays
et à la réduction de la pauvreté. La vétusté
des infrastructures électriques (production, transport, distribution) et
l'obsolescence de certains équipements rendent une faible qualité
de service. Un écart important existe également entre les
capacités installées et exploitées, et l'évolution
de la demande résultant de la croissance démographique.
Notre réflexion dans cette recherche s'est
recentrée autour du jeu entre les acteurs locaux dans la commune de
Ngwei et des enjeux socio-économiques induits par
l'électrification par énergie solaire, principalement dans les
localités rurales de Ndjockloumbé, Seppe et Mbamble.
L'expérience de terrain, dans des régions qui
regroupent une très grande part de la population mondiale, l'Afrique
sub- saharienne et l'Asie du Sud, montre que la vision centralisatrice
optimiste qui a conduit à donner la priorité à la
construction des grands réseaux électriques interconnectés
ne fonctionne pas de manière satisfaisante. Cette situation est un
échec fois parce que les compagnies électriques se
révèlent être incapables de recouvrer leurs couts et parce
qu'elles ne parviennent pas à faire face de manière satisfaisante
à la demande qui Leur est adressée or une majorité de la
population rurale vit encore dans des localités non
électrifiées ; ce qui est une contrainte majeure pour atteindre
les objectifs du développement
115
durable ; à savoir réduire les
inégalités d'accès à l'électricité et
la pauvreté dans les milieux ruraux afin d'accéder à une
croissance économique. Comme tous les pays subsahariens, le Cameroun se
caractérise par une faible consommation d'énergie par habitant,
du fait notamment de l'absence d'accès à
l'électricité dans les régions rurales mais
également de l'insuffisance des infrastructures
énergétiques. On note par ailleurs que la demande en
énergie est en forte hausse, en particulier dans le secteur de
l'électricité ; cela conduit l'État camerounais à
faire appel aux producteurs indépendants pour développer la
production électrique à partir des barrages
hydro-électrique. Au lendemain de la COP 21, le gouvernement camerounais
mis en place des projets pilotes de construction des centrales solaires dans
1000 localités rurales au Cameroun à travers un accord de
partenariat économique entre le gouvernement chinois et camerounais
piloté par la société Huawei, ceci a permis au plus grand
nombre de ménages d'avoir accès à
l'électricité. L'ensemble de ces initiatives constituent de
véritables outils de redynamisation territoriale et de
développement local rural. Même si la politique
énergétique a suscité la mise en oeuvre de programmes
d'électrification sur le territoire, il semble que cette politique
souffre d'un manque de coordination entre les acteurs locaux. Malgré
l'important potentiel énergétique du pays. L'accès
à l'énergie électrique demeure un problème
sévère en milieu rural camerounais. Au Cameroun, 76,6% des
ménages ruraux n'ont pas accès à
l'électricité. Pourtant, l'électricité est
perçue comme une ressource essentielle et vitale pour l'homme. Sans
elle, les individus et communautés se voient privés d'un grand
nombre de services et conforts, considérés comme
élémentaires dans le monde développé. Ainsi,
l'accès à l'énergie électrique est à ne
point douter un facteur clé du développement
socioéconomique local. Une autre raison essentielle qui justifie la
faiblesse du taux d'électrification dans certaines zones rurales du
Cameroun est le coût élevé de la mise en oeuvre des
infrastructures. En effet, les extensions de réseau pour les
agglomérations de faible densité de populations (densité
d'abonnés potentiels inférieurs à 20 habitants/km)
éloignées des points de distribution (distances
supérieures à 10 km), représentent de lourds
investissements et ne sont pas rentables pour la compagnie nationale
d'électricité ENEO. En effet, le déploiement des
technologies solaires photovoltaïques a été
présenté comme une alternative plausible pour
l'électrification des localités rurales camerounaises non
électrifiées. L'accès à un meilleur
éclairage est la première manifestation d'accès à
l'électricité. L'éclairage impacte directement les
performances dans les domaines de l'éducation, la santé, les
activités socio-économiques et culturelles, contribuant ainsi au
bien-être de la population et au combat contre la pauvreté. Il est
donc indispensable de réfléchir sur de nouvelles technologies
d'électrification rurale décentralisées, à moindre
coûts, compatibles avec le développement durable ; ceci pour la
116
satisfaction des besoins en lumière des populations
rurales, afin qu'elles ne soient plus dépendantes du pétrole
lampant. C'est dans cette optique que le projet d'électrification
solaire sera mis sur pied dans les localités rurales camerounaises pour
les ménages ruraux n'ayant pas accès à
l'électricité ou comme système palliatif des
délestages récurrents que vivent les populations rurales. Il
s'agit d'un projet pilote financer par Bank Of China un accord de prêt
d'un montant de 123,3 millions de dollars US environ 73,95 milliards de francs
CFA. Dans notre démarche, nous avons tenté de mettre en
évidence les succès et limites de l'électrification en
milieu rural.
La deuxième partie de notre travail consiste à
l'étude des dynamiques locales autour du projet d'énergie solaire
dans les localités de Ngwei qui ont bénéficié du
projet. Il en ressort de nos analyses au travers des acteurs intervenant dans
le projet d'électrification dans la commune de Ngwei que le projet a
été à l'origine de nombreuses tensions en raison de
l'implication de ces acteurs ayant des intérêts particuliers
poursuivis par chacune des parties avec des logiques et des enjeux divergents.
Les relations entre ces acteurs s'inscrivent dans des jeux complexes et de
conflits dans la mesure où, pour certains acteurs,
l'intérêt individuel passe avant celui de la communauté
toute entière. L'arrivée de nouveaux pouvoirs locaux
(élites) sur la scène du projet a créé une
situation de tension entre eux et les chefs traditionnels qui se sont
placés en situation de compétition et de rivalité pour le
contrôle et le pouvoir de décision, notamment celui relatif
à la gestion de la centrale solaire.
Par ailleurs dans le domaine de l'énergie
électrique, nous avons par ailleurs montré que, si
l'électricité jouait les premiers rôles dans la
réduction de la pauvreté et donc dans le développement
humain, le contexte spécifique du Cameroun imposait également de
reconsidérer le modèle décentralisé et de
rapprocher les centres de production des sites de consommation. En gardant
à l'esprit l'idée préalablement établie d'une
perception des énergies renouvelables sur le plan strictement
énergétique et non politique, nous avons confirmé que ces
ressources et les systèmes associés pouvaient représenter,
au sein d'un paradigme décentralisé, une solution technique et
économique pertinente, paramètres semblant les plus essentiels
à l'heure actuelle dans des pays où la pauvreté
multidimensionnelle est très importante. Cependant, la solution
renouvelable semble a priori appropriée au cadre rural.
Au terme du chapitre quatre, nous pouvons dire que l'impact de
l'électrification sur les populations étudiées est visible
en termes de progrès économique et social puisqu'elle contribue
à l'amélioration de leurs conditions de vie. C'est un puissant
vecteur de lutte contre la pauvreté qui sévit actuellement dans
les localités de Ngwei dans la mesure où elle permet de
créer la richesse et l'emploi à travers l'entrepreneuriat et les
activités génératrices de revenus. Un autre
117
aspect aussi important de l'accès à
l'électricité est la promotion du genre se traduisant par
l'amélioration du niveau de vie des femmes et des enfants surtout par
une meilleure condition éducative et sanitaire ainsi que
l'éclairage domestique. En termes d'impacts, cette étude
révèle que l'électrification a permis de freiner l'exode
rural dans les localités enquêtées. La plupart des
personnes investissent dans des activités économiques comme les
buvettes, les boutiques qui leur procurent des revenus, ce qui contribue
également à valoriser le village et donc favoriser le
développement local. Désormais, on dispose de plus de temps
à travers la suppression des déplacements pour le rechargement
des batteries des téléphones portables en ville et le maintien de
la jeunesse non scolarisée par un confort domestique couplé
à de nouvelles opportunités économiques.
Ce schéma résume de manière brève
la manière dont l'accès à l'électricité
semble être un outil efficace en vue d'améliorer les services de
santé. Il permet d'approvisionner les villages en eau potable, ou encore
d'améliorer les moyens de communication permettant de lutter plus
efficacement contre les pandémies. A l'heure actuelle, les centres de
santés ruraux ont accès à l'électricité.
L'énergie solaire permet d'améliorer les conditions de traitement
des patients, notamment les conditions sanitaires, la stérilisation des
instruments ou la conservation des vaccins à l'aide de
réfrigérateurs. Le confort lié à
l'électricité a permis également d'attirer des docteurs
plus qualifiés et plus expérimentés. On note aussi des
effets indirects de l'électrification, liés par exemple à
un niveau d'éducation accru : plusieurs études montrent ainsi un
lien étroit entre le niveau d'alphabétisation des femmes et la
mortalité infantile, la mortalité maternelle, et la
prévalence du SIDA ; une femme éduquée étant plus
à même de prendre soin de son enfant. Plusieurs études
menées aux Philippines et au Vietnam ont montré que les enfants
provenant de ménages électrifiés gagnent environ deux ans
d'éducation par rapport aux enfants provenant de familles non
électrifiées (Cabral, 2005). On constate donc une
corrélation importante entre accès à
l'électricité et le niveau d'éducation. La demande pour
l'électricité est davantage tirée par le désir
d'une qualité de vie accrue plutôt que par des
considérations économiques.
D'après les données recueillies à travers
notre enquête dans la localité de Ngwei, plus
précisément les villages de Ndjockloumbé, Seppe et
Mbamblé on retient que :
- Le niveau d'éducation semble être
influencé favorablement par l'accès à l'énergie
;
- L'électricité permet de réduire de
manière importante le temps consacré aux tâches
ménagères permettant d'améliorer le niveau
d'égalité homme-femme. Les femmes étant les
premières concernées, leur participation aux projets
d'électrification est nécessaire ;
118
- L'électrification rurale est une condition
nécessaire mais pas suffisante pour l'émergence d'une
activité économique locale ;
- L'électrification entraîne un meilleur
accès à l'éducation et une amélioration des
conditions de vie sanitaires.
En outre, Il ressort que l'adoption des systèmes
solaires photovoltaïques offre plusieurs avantages pour le pays et les
populations rurales. On peut citer : La renaissance ou la redynamisation des
activités culturelles autour de points lumineux publics dans les zones
rurales, l'éducation par la création de conditions
adéquates à l'apprentissage des enfants dans les familles,
l'information par la présence de moyens de communication de
connaissances techniques et d'appui à la production à moindre
coût (films documentaires, émissions radio...). En effet, les
activités économiques des villages électrifiés
diffèrent de celles des localités non électrifiées.
Ainsi, grâce à l'électrification en milieu rural,
apparaissent de nouveaux appareils électroménagers
(réfrigérateurs, ventilateurs, etc), des équipements
électriques de transformation agricole, des structures de
conditionnements agricoles, des dépôts frigorifiques et des
réseaux d'adduction d'eau courante ; la santé par
l'amélioration du service des centres de santé de base
(conditions de travail, conditions séjour des patients, accroissement de
la couverture vaccinale dans les périmètres de santé).
Dans les zones rurales, les besoins énergétiques
de l'éclairage étaient assurés par du pétrole dans
les lampes à pétrole et des piles dans les lampes-torches. Ceux
des équipements audio étaient assurés à l'aide des
piles. L'adoption des systèmes solaires dans ce contexte permet
d'éviter l'achat de ces produits et entraîner des économies
familiales. En effet, selon notre étude menée auprès des
ménages ruraux, quatre à six litres de pétrole sont
mensuellement consommées par les ménages utilisant les lampes
pour leur éclairage; neuf à dix-huit d'unités de piles
sont nécessaires au fonctionnement des équipements. Les
dépenses mensuelles occasionnées par ses besoins
s'échelonnent entre environ 2 000 à 3000 FCFA pour le
pétrole, 3500 à 4000 FCFA pour les piles.
En effet, un meilleur accès à la recharge de
téléphones participe à l'accroissement de
l'activité économique des villages par le développement de
petits business tels que les call-box. En termes d'impacts, cette étude
révèle que l'électrification a permis de freiner l'exode
rural dans les localités enquêtées. Dans les
localités non électrifiées, on assiste à une
émergence de nouveaux moyens d'accès à
l'électricité. Les populations rurales se tournent vers les
technologies solaires photovoltaïques qui constituent une solution de
pré- électrification. Cette solution décentralisée
rencontre actuellement un succès incontestable au Cameroun et
particulièrement dans les milieux ruraux. Ce type de solutions solaires
en leasing est très
119
répandu en Afrique où le paiement mobile est
l'un des plus développés au monde. Ce modèle permet aux
familles de payer leur facture grâce au porte-monnaie électronique
sans se déplacer. Ainsi, l'utilisation des systèmes solaires
constitue une alternative pour renforcer la consommation électrique sur
le territoire camerounais et surtout en milieu rural ; ce qui nous amène
à conclure que l'électrification des localités rurales de
Ngwei aboutie pour le moment avec de bons résultats est fortement
entravé par les comportements déviant de la part de certains
individus.
Sur le plan environnemental, le projet d'énergie
solaire contribue à la réduction des émissions de CO2 par
substitution de l'éclairage traditionnel basé sur la combustion
directe de pétrole. L'accès à l'électricité
solaire permet également l'accès aux équipements modernes
dont l'usage contribue à l'amélioration des conditions de vie de
ses bénéficiaires. Les énergies solaires, notamment celles
qui jouissent du caractère d'« énergie propre »,
viennent en général en substitution aux sources polluantes
telles que le bois, le charbon, les énergies fossiles, et fournissent
dans ce contexte de meilleures conditions sanitaires, ou de confort. Les
sources renouvelables sont de plus en plus recherchées non seulement
pour l'atteinte des objectifs économiques, mais également pour la
lutte contre le réchauffement climatique. Les énergies solaires
contribuent de manière significative à la croissance
socio-économique en milieu rural. L'énergie est le support
central du développement et du fonctionnement des chaines de valeur dans
les unités modernes de transformation, créatrices des richesses.
Dans un contexte mondial désormais dominé par le
développement durable et la transition énergétique, les
sources d'énergies renouvelables constituent un ancrage dont la
croissance connaît une accélération de plus en plus forte,
grâce au développement technologique dont l'impact immédiat
est la réduction des coûts de développement et
d'exploitation
Les énergies solaires sont une passerelle pour
l'atteinte de tous les ODD. Dans son initiative visant à rendre
l'énergie universellement accessible, les Nations Unies ont
défini comme objectif pour 2030, à travers l'ODD 7, de faciliter
l'accès universel aux services énergétiques modernes, de
doubler le taux d'amélioration de l'efficacité
énergétique et de multiplier par deux la partie renouvelable dans
le bouquet énergétique mondial. Dans le cadre de cette
initiative, chaque pays devra prendre des engagements forts et établir
des partenariats public-privés pour encourager les investissements
privés.
La prise en compte par les autorités, des enjeux du
développement des sources d'énergies renouvelables
démontre que l'importance de la question de leur exploitation est
fondamentale pour assurer l'atteinte des objectifs de développement
durable, mais également de l'émergence du Cameroun en 2035. En
effet, il est démontré qu'un accès à
l'énergie moderne
120
permettrait d'assurer l'atteinte directe et indirecte de tous
les autres ODD. La place des énergies renouvelables est importante dans
cette vision.
Pour finir, il convient d'attirer l'attention sur certains
manquements observés durant cette étude. Une critique peut
être formulée à l'endroit des acteurs du secteur de
l'énergie qui ont été très réticents du fait
de la confidentialité des informations, données et documents ; ce
qui nous a amené à modifier légèrement notre sujet
autour de la question de l'électrification en milieu rural. Cette
réorientation a permis de surmonter l'obstacle de la réticence
des acteurs à l'achèvement de ce travail de recherche. Cela se
traduit par le fait qu'il y a encore des détails dans leurs
stratégies qui ont échappé à notre
réflexion. La méthodologie demeure centrée sur les
utilisateurs/consommateurs et sur les données transmises par l'AER. Les
méthodes de traitements utilisées ont quelques fois montré
des limites et les résultats escomptés n'ont pas toujours
été obtenus notamment sur la notion d'enjeu qui a fait l'objet
d'un développement partiel. Il serait donc objectif et fiable de pousser
plus loin nos réflexions. Malgré les faiblesses liées
à de nombreuses contraintes, cette réflexion sociologique sur la
problématique de l'accès à l'électrification pour
le développement des localités rurales, est une contribution qui
apporte un éclairage à la connaissance des enjeux
socio-économiques et pour l'amélioration des conditions de vie
des populations par l'électrification dans les localités
éloignées du réseau électrique.
L'énergie est le poumon de l'économie, et sans
énergie, il n'y a point d'activités. Plus il y a des
activités, plus la demande énergétique pour la
satisfaction des besoins est grande. Le Cameroun se trouve dans une phase
importante de sa croissance dans un contexte mondial dominé par le
développement durable. Pour soutenir cette croissance, le pays s'appuie
sur son vaste potentiel énergétique, riche et varié.
Au Cameroun en général et dans la
localité de Ngwei en particulier, des échanges mutuels existent
entre les entrepreneurs économiques qui font la politique et les
populations locales. Après avoir accumulé de nombreuses
ressources, les entrepreneurs les redistribuent sous forme de dons en direction
de leur localité et établissent ainsi des rapports de
clientèles auprès de leurs populations et s'assurent le patronage
ou l'amitié des autorités traditionnelles. Tout don appelant un
contre-don, les bénéficiaires offrent dans l'immédiat au
donateur des remerciements, tout en lui assurant leur soutien plus tard
à travers les suffrages qu'ils lui accorderont lors des
compétitions politiques locales. Cette stratégie d'échange
a permis à des entrepreneurs d'accéder à des postes
politiques de maires ou de députés dans leur localité et
de devenir ainsi des entrepreneurs-politiciens ; tel est le cas de nombreux
hommes politiques camerounais qui font des promesses de réalisation de
projet. En effet, de nombreux hommes
121
politiques sont élus sur la base de leurs projets par
exemple avec le Président de la République en 2007,
c'était « le Cameroun des grandes ambitions » en 2011
« le Cameroun des grandes réalisations ». C'est aussi
le cas des élus locaux qui font des promesses de route, forages d'eau
potable, électrification, et la construction des infrastructures telles
que les hôpitaux, les écoles et autres. En d'autres termes, le
clientélisme politique s'entend ici comme une faveur justifiée
accordée aux populations en échange de leur vote. J-L BRIQUET et
F. SAWICKI, (1998 :5) « Le clientélisme politique fait partie
de pratiques informelles et illégales et sont largement
considérées comme antidémocratiques, faussant le jeu
d'élections libres ». Les populations locales sont souvent
parfois accusées de client politique en faveur de leurs
administrés locaux, en faisant pression sur le gouvernement pour
l'obtention de crédits en faveur de leur circonscription. Dans bien des
régions, les liens de clientèle politique basés sur le
service rendu passent d'une génération à l'autre.
Dans le cadre du projet d'énergie solaire dans
l'arrondissement de Ngwei, on ne parle pas de clientélisme politique
dans la mesure où aucune élite politique ne s'est
présentée comme étant celui qui a apporté le projet
dans les localités. Il s'agit d'une action du gouvernement qui vise
à améliorer le bien-être des populations locales de
l'arrondissement de Ngwei.
Notre enquête du projet d'approvisionnement en
électricité solaire photovoltaïque dans localité de
Ngwei, présentée ci-dessus permet de tirer quelques leçons
d'après les entretiens faits avec le chef de village Seppe :
- Les communautés bénéficiaires,
malgré les besoins manifestés, doivent prendre conscience de leur
problème et accepter les nouvelles solutions qu'on leur propose.
- Les communautés bénéficiaires doivent
être sensibilisées avant et après une étude de
faisabilité, sur les implications du projet, sur les aspects culturels,
économiques et les transformations sociales que le projet est
susceptible de générer dans la localité.
- Le manque de personnes maîtrisant la technologie
solaire photovoltaïque dans la localité est un obstacle à la
pérennisation du projet. Il faut pouvoir former les représentants
des populations pour intervenir régulièrement en cas de panne de
compteur ou autres ; car cela constitue un facteur d'appropriation du projet
par les populations bénéficiaires.
- Il faudrait prendre en considération le fait que,
compte tenu de la croissance de la population et des besoins
économiques, la demande dépasse très vite la puissance
installée lorsque le projet d'énergie renouvelable commence
à être opérationnel. Une étude de la demande
prévisionnelle doit être menée au préalable.
122
- La décentralisation de ce projet, car tout se
gère au niveau du MINEE par exemple lors des branchements solaires, il
faut voyager jusqu'à Yaoundé et faire une demande de
branchement.
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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