Le transfert de compétences et de ressources demeure
l'un des chantiers inachevés de la décentralisation au
Bénin, à cause de l'ineffectivité intégrale de ces
transferts aux communes par l'Etat depuis 2003. Ce transfert est perçu
par les acteurs locaux et certains autres acteurs (y compris étatiques)
du processus de la décentralisation au Bénin comme une condition
indispensable pour la réussite de ce système. Cette question a
été plusieurs fois l'objet de situation conflictuelle entre
l'Etat et certaines autorités locales (cas de la commune de Cotonou
concernant la gestion des marchés). Précisons que cette situation
explique d'une part, le faible niveau de mobilisation des ressources propres
des communes aujourd'hui et d'autre part, l'état actuel du
développement local au Bénin. Pour répondre aux objectifs
de la présente étude, il importe d'une part, de passer en revue
les différents concepts relatifs à la décentralisation et
d'autre part, de faire le point, même synthétique, des
études déjà réalisées sur ce sujet sans
oublier les termes relatifs à la mobilisation des ressources.
En général, dans les communes
béninoises, il se pose la problématique de la qualité des
politiques de mobilisation des ressources propres. En effet, elles sont de plus
en plus insuffisantes pour exécuter les projets de développement
des autorités locales. C'est dans ce sens que, Tossou (2015) explique
que, ce problème de faiblesse des ressources est relatif à
certains facteurs liés à l'absence de transparence dans la
gestion communale. Le budget est resté toujours un document inaccessible
aux différents acteurs et principalement à la population. Les
textes relatifs à la mobilisation des ressources ne sont pas connus des
contribuables (paiement des acomptes provisionnels par exemple). Les programmes
d'investissement et leurs sources de financement sont mal connus. Il
règne autour de la gestion budgétaire une certaine opacité
telle que : l'absence de compte rendu de l'utilisation des impôts et
taxes payés. Dans le présent mémoire, il s'agira
d'identifier les raisons qui expliquent le niveau actuel des ressources propres
mobilisées dans la Commune d'Abomey-Calavi.
Selon Yatta(2000), « la faiblesse de ressources est
également liée à la crise financière que
connaissent les états et qui les met dans la quasi impossibilité
de transférer aux collectivités locales des ressources
qu'eux-mêmes ont du mal à réunir en raison du niveau
général de pauvreté des populations. De même la
pondération du secteur informel dans les économies Africaines
n'est sans doute pas étrangère à cette situation ».
Pour la présente recherche, il
Réalisé par : Fabrice D. DEGBEDJI & Franck P.
M. ATTINDEHOU 18
Analyse de mobilisation des ressources propres des
collectivités territoriales du Bénin : Cas de la
Commune
d'Abomey-Calavi.
s'agira de déterminer l'impact que peuvent avoir les
ressources de l'Etat sur les transferts opérés au profit des
communes, surtout financiers et de compétences.
Selon un rapport de la SNV(2000) sur la capacité de
financement des communes, la plupart des communes ont une très faible
capacité d'investissement sur ressources propres. La plus grande source
d'investissement des communes demeure les transferts financiers de l'Etat et
les programmes des bailleurs de fonds. Malheureusement, ces transferts sont
très faibles par rapport aux besoins réels de financement du
développement des communes. De même, lesdits transferts de l'Etat
accusent beaucoup de retard. Il s'agira ici de voir si la commune
d'Abomey-Calavi prend des dispositions pour pallier les problèmes
liés au transfert de ressources par l'Etat aux communes.
Toubala(2004)quant à lui, affirme que « les
finances locales garantes de l'autonomie financière des
collectivités locales apparaissent aussi comme la condition sine qua
none de réussite de la décentralisation ». Cela voudra dire
que la prospérité à la base sera une réalité
si la commune arrive à mobiliser les ressources nécessaires pour
couvrir ses charges. Dans ce sens, le moyen adéquat est le paiement des
impôts et taxes par les contribuables. Dans le présent
mémoire, il s'agira de mettre l'accent sur le niveau de mobilisation des
ressources propres de la Commune d'Abomey-Calavi témoignant sa
compétence d'autonomie financière.
Dembele(2009), les stratégies à adopter pour
améliorer la mobilisation des ressources propres des communes des pays
de l'Afrique se trouvent dans beaucoup de concepts de base. Mais pour lui, ces
stratégies se résument par :
- l'élaboration et l'adoption d'un plan local et/ou de
plan stratégique de développement (comprenant le plan d'action
prioritaire d'investissement communal, rationnel, objectif, la stratégie
de mise en oeuvre et d'évaluation) ;
- l'adoption de mesures spécifiques en conseil
municipal ou communal.
En effet, dans sa vision de recherche de politique de
mobilisation des ressources propres des communes, ressortent les outils d'aide
de mobilisation des ressources qui existent déjà dans les pays de
l'Afrique comme le cas au Bénin et au Ruanda, des Registres Fonciers
Urbains (RFU). Comme d'autres outils d'aide de mobilisation des ressources
propres, il y a : les applications fiscales, foncières et de gestion
urbaine ; le logiciel de gestion des finances locales, et exécution de
formation. Dans la présente recherche, il s'agira de proposer à
la commune
Réalisé par : Fabrice D. DEGBEDJI & Franck P.
M. ATTINDEHOU 19
Analyse de mobilisation des ressources propres des
collectivités territoriales du Bénin : Cas de la
Commune
d'Abomey-Calavi.
d'Abomey-Calavi de nouvelles stratégies et de nouveaux
outils de mobilisation des ressources propres.
Au cours d'un séminaire sur « les finances
locales, moteur de développement » tenu à
l'université Senghor d'Alexandrine du 15 au 16 Septembre 2010 par
l'Association Internationale des Maires Francophones(AIMF), il a
été relevé que «les difficultés pour mobiliser
les ressources propres ne sont pas de nature occasionnelle, mais au contraire
de nature structurelle. Pour cette raison, les conditions globales de
mobilisation des ressources locales propres découlent de :
- la relation directe de proximité de
l'exécutif des collectivités locales avec les populations ;
- la promotion d'une démarche participative;
- la transparence et la bonne gouvernance qui incite au
civisme fiscal;
- le développement d'une authentique démocratie
locale. La présente étude notifiera à la Commune
d'Abomey-Calavi que ces difficultés de mobilisation des ressources
propres découlent du climat de confiance entre les populations et les
élus locaux.
Sawadogo (2002) s'interroge sur « comment atteindre une
souveraineté fiscale ? ».Selon lui, «Si les affaires sont
socialement acceptées et correspondent aux aspirations fondamentales des
populations et légitimées collectivement, on devrait assister
logiquement à l'engagement d'une fiscalité qui ne serait plus une
imposition de l'extérieur, mais une pratique intégrée dans
les consciences collectives». Cela signifie qu'il faille que les
populations elles-mêmes décident de leurs affaires et y voir
claire. Ce sont les populations elles-mêmes qui savent ce qui leur
convient le mieux et non forcément les élus locaux. La
présente étude montrera à la Commune d'Abomey- Calavi
qu'on ne peut atteindre la souveraineté fiscale s'il y a une forte
implication des populations dans les affaires locales.
Selon un rapport de la SNV, « Par rapport aux affaires
communales, elles sont encore aggravées par le système
d'opacité dans la gestion des ressources financières par les
responsables. Une vision erronée mais vérifiée dans la
pratique des candidatures aux élections communales explique quelque peu
ce comportement des élus communaux. C'est une vision selon laquelle il
est prévu que les candidats élus à l'issue des
élections communales et principalement les membres du bureau communal se
fassent rembourser les sommes d'argent
Réalisé par : Fabrice D. DEGBEDJI & Franck P.
M. ATTINDEHOU 20
Analyse de mobilisation des ressources propres des
collectivités territoriales du Bénin : Cas de la
Commune
d'Abomey-Calavi.
injectées dans leurs campagnes. Pour procéder
à ce remboursement et s'enrichir, les organes dirigeants, avec la
complicité de certains agents des services de la mairie,
développent des modes de gestions qui ne permettent aucune transparence
dans l'utilisation des ressources financières communales. Face à
cette situation, les citoyens développent le doute, la résistance
et même le refus de payer les taxes et impôts, à plus forte
raison, de faire une contribution financière spécifique par
rapport à telle ou telle entreprise de développement communal
». Pour cette présente recherche, il sera notifié à
la Commune d'Abomey-Calavi que les difficultés qu'elle rencontre sur le
terrain lors des recouvrements donnent raison à la gestion des
ressources financières par les élus locaux une fois
installés après les élections.
Dans le but d'améliorer les outils de gouvernance (la
reddition des comptes, plan de communication), nos recherches s'accentueront
autour de la thématique la gouvernance. En effet, la gouvernance
publique peut affecter positivement ou négativement la mobilisation de
ressources locales propres. Ainsi, de nombreux pays en développement
sont affectés par une forte corruption qui va à l'encontre de la
mobilisation de ressources fiscales. Le Bénin n'est pas une exception
parmi les Etats africains au sud du Sahara où la réalité
de l'Etat est en cours d'affirmation dans un contexte souvent difficile. Cette
relation négative entre la corruption et la mobilisation fiscale a
été vérifiée notamment par Ghura (1998) et Attila,
Chambas, Combes (2006). Cependant les outils de gouvernance (la reddition des
comptes, le plan de communication et le rapport de l'avancement du PDC)
contribuent à une bonne mobilisation de ressources locales propres, en
particulier le plan de communication. En effet, le plan de communication se
définie comme un moyen ou des stratégies mises en oeuvre pour
diffuser ou transmettre une information dirigée vers la mobilisation des
ressources. La communication joue un rôle très important dans la
mobilisation des ressources propres dans la mesure où elle permet
à la population :
? d'appréhender le rôle de l'élu et les
problèmes de la commune ;
? d'apprécier les élus locaux sur leur
manières de gérer le patrimoine commun, de résoudre le
problème de développement ;
? de connaître le niveau d'évolution de la commune
;
? de participer et de contribuer au développement de
sa localité connaissant ses forces et ses faiblesses.
Du côté du maire, la communication lui permet de
:
Réalisé par : Fabrice D. DEGBEDJI & Franck P.
M. ATTINDEHOU 21
Analyse de mobilisation des ressources propres des
collectivités territoriales du Bénin : Cas de la
Commune
d'Abomey-Calavi.
- faire connaître le plan d'action communal ; - de
s'imprégner des réalités de la commune ; - de
s'évaluer et de se corriger.
Dans cette même logique de mobilisation des ressources
locales propres, il est recommandé le « recensement et
évaluation exhaustifs de la matière imposable » comme ce fut
le cas dans les recommandations issues de l'atelier de formation de
l'Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB), tenue à
Cotonou (Bénin) en Septembre 2010. La présente étude de
recherche mettra l'accent sur le recensement, la reddition des comptes et
l'élaboration d'un plan de communicationafin de montrer à la
Commune d'Abomey-Calavi que ceux-ci constituent une bonne politique de
mobilisation des ressources propres.
KPATCHA (2007) dans son mémoire intitulé «
Problématique du transfert de compétence aux communes :
stratégie des acteurs et perspectives : cas des communes du Zou »,
consacré essentiellement à l'épineuse question des
transferts de compétences au Bénin. Sur la question, KPATCHA
préconise l'instauration d'un creuset de négociation
quidéfinit les champs d'actions ainsi que les chronogrammes
adaptés. Nous pensons à cet effet que, dans les conditions de
gouvernance politique actuelle de notre pays, les rapports de forces
astreignent les autorités communales à dépasser les
exigences en optant pour la collaboration. C'est donc dans un creuset de
dialogue constructif que les priorités peuvent être
déterminées ainsi que les conditions de réalisation.
Pour ADEGNIKA (2005) dans son mémoire intitulé
« Décentralisation au Bénin : la question du transfert des
compétences et des ressources par l'Etat aux communes »
écrit que la capacité de mobilisation des ressources propres des
communes témoigne de leur stabilité et de leur viabilité
financière. Au regard des finances locales des communes, les ressources
traditionnelles provenant de la décentralisation ne sont pas de nature
à les aider à avoir une véritable autonomie
financière et à une gestion efficace. Il ajoute que « les
composantes les plus importantes des ressources locales propres sont les
recettes des marchés et les recettes tirées de
l'établissement des actes administratifs ». Autrement dire, il
s'agit des recettes non fiscales. Ces recettes, s'il existe une bonne politique
des communes pour leur recouvrement et leur gestion, seraient d'un appoint
inestimable pour la gouvernance locale. Mais force est de constater que
l'incivisme des populations, la pauvreté et le défaut d'une
sociologie de décentralisation des élus locaux constituent un
obstacle pour la mobilisation des ressources propres.
Réalisé par : Fabrice D. DEGBEDJI & Franck P.
M. ATTINDEHOU 22
Analyse de mobilisation des ressources propres des
collectivités territoriales du Bénin : Cas de la
Commune
d'Abomey-Calavi.
D'après l'Institut royal des tropiques, Kit (2004) :
« le développement à la base n'est véritablement
possible que lorsque les communes disposent de ressources financières
suffisantes pour réaliser les investissements. Elles doivent mobiliser
des ressources financières locales. Les ressources sont le premier
instrument de la politique de développement local qui constitue la
finalité de la décentralisation. Une commune qui n'arrive pas
à mobiliser suffisamment de ressources financières cesse de
fonctionner et ne peut plus investir dans le développement ». Il
s'agit de rechercher l'amélioration permanente des conditions de vie des
populations par un développement de l'économie locale,
grâce au volume des ressources qui sont tirées par voie fiscale,
afin de financer le Plan de Développement Communal (PDC).
Dans cette même logique, des recommandations du manuel
de la formation à l'endroit des élus et du personnel en son
module intitulé :«Mobilisation des ressources
financières» organisée par le Programme d'appui au
Démarrage des communes (PRODECOM) en juillet 2005 seront
utilisées pour une forte mobilisation des ressources d'investissement en
particulier et celle des ressources financières en
général.
Ainsi, nous pouvons retenir avec Agrawad et Ribot (1999) que,
la décentralisation est une stratégie de gouvernance pour
faciliter le transfert de pouvoir tout près de ceux qui sont les plus
affecté par son exercice. Ce transfert pourrait se résumer par un
principe d'équilibre d'exercice de pouvoir entre l'Etat et les
collectivités locales.