Les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016 |
B-L'OPERATIONNALISATION DE LA FORCE MULTINATIONALE MIXTE DE LA CBLTL'Afrique est le continent le plus affecté par des crises et des conflits, et bon nombre d'initiatives de développement et de la lutte contre la pauvreté affrontent l'hypothèque de la permanence des violences sociopolitiques, militaires. Auxquelles s'ajoutent, d'autres menaces transversales. S'agissant de la menace terroriste de Boko Haram, sa montée en puissance au Nigéria et au Cameroun a amené les pays transfrontaliers à mener des initiatives nationales contre ce mouvement terroriste. Face à la régionalisation de cette menace transversale, la construction d'une réponse adaptée, donnant plus de place à la coordination, à la complémentarité et à la cohérence des politiques s'est avérée capitale. Dans cette perspective, les pays membres CBLT179(*), après le sommet extraordinaire des chefs d'Etats de la CBLT et du Benin, du 07 octobre 2014 à Niamey (Niger), ceux-ci ont décidé de conjuguer leurs efforts en opérationnalisant la FMM de sécurité du Bassin du Lac Tchad. En effet, la FMM est un dispositif offensif de stabilisation ayant pour objectif la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram et d'autres groupes qualifiés de terroristes dans les pourtours du bassin du lac Tchad. Sa mise en forme a été décidée lors du sommet des chefs d'Etats de gouvernements de la CBLT tenu à Niamey. Le 25 novembre 2014, le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union Africaine (UA) a apporté son plein soutien à son opérationnalisation180(*). Mais, ce n'est que lors de la réunion du 29 janvier 2015 que le CPS a formellement autorisé son déploiement pour une durée de 12 mois. Cette autorisation a été renouvelée le 14 janvier 2016 pour 12 mois supplémentaires181(*). Pour rappel, l'origine de la FMM date de 1994. La décision de mettre en place cette Force pour lutter contre la criminalité, le grand banditisme avait été prise en 1994182(*). Ce n'est que quatre ans plus tard, en 1998, que la Force sera effectivement mise en place. Toutefois, cette décision se traduit par peu d'actes concrets. La Force est demeurée dans une léthargie totale, se limitant à l'organisation de quelques patrouilles183(*). Il faut rappeler que le Cameroun, avait refusé de participer à ce mécanisme. Compte tenu des relations tendues qu'il entretenait avec le Nigéria, sur fond de différends frontalier et territorial portant sur la péninsule de Bakassi et dans la région du lac Tchad. Il aura donc fallu l'aggravation de la situation sécuritaire régionale dès le début de l'année 2014 pour que le réalisme l'emporte, et que la réactivation effective de la Force Multinationale Mixte connaisse un début de concrétisation. Ainsi, à l'issue de leur deuxième réunion organisée du 17 au 18 mars 2014 à Yaoundé, les ministres de la Défense et les chefs d'états-majors des pays de la CBLT ont approuvé la mise en place d'une Force multinationale avec pour mandat « d'assurer la paix et la sécurité dans le bassin du lac Tchad afin de garantir la libre circulation des biens et des personnes et le développement économique et social »184(*). La mise en oeuvre de ce mandat consiste entre autres, à effectuer des opérations militaires afin d'empêcher une expansion des activités du groupe terroriste ; conduire des patrouilles militaires ; prévenir tout transfert d'armes et de soutien au groupe ; rechercher et libérer tous les captifs, y compris les centaines de filles enlevées à Chibok en avril 2014 ; réaliser des opérations psychologiques visant à entrainer des défections des membres de Boko Haram185(*). La FMM devrait également mener des actions dans le renseignement, de la protection des droits humains et de la communication186(*). Chaque pays est appelé à contribuer au dispositif à la hauteur d'un bataillon de 700 hommes187(*). Des troupes nigériennes et tchadiennes seront déployées188(*) aux cotés des soldats nigérians dans la ville de Baga, située au Nigéria où avait été installé le quartier général de la Force. En ce qui concerne le champ d'intervention de la FMM, chaque contingent qui la constitue est déployé dans les limites de son territoire national et opère en priorité en l'intérieur de cet espace189(*). De ce fait, quatre secteurs ont été définis : le secteur n°1, appartient au contingent camerounais, avec pour poste de commandement la ville de Mora (Cameroun), le secteur n°2 localisé dans la ville de Baga-Sola (Tchad), le secteur n°3 positionné à Baga (Nigéria) et le secteur n°4 dont la base a été établie dans la ville de Diffa (Sud-Est du Niger). Il faut rappeler que le secteur camerounais de la FMM est placé sous le commandement du général de brigade Bouba Dobékréo. Et le contingent camerounais de la FMM est rattaché de fait sous le commandant de l'opération Emergence 4 dans la gestion quotidienne des soldats. De ce fait, la mise place de cette Force a eu pour retournement, la réduction considérable des capacités militaires du groupe terroriste Boko Haram. L'appui militaire tchadien, la mutualisation des forces, le réajustement des problèmes rencontrés sur le plan opérationnel, combinés à la mobilisation régionale et internationale ont eu pour retournement la décapitation des tentacules de Boko Haram. Cette situation a conduit la secte terroriste à opérer un revirement stratégique, par l'adoption des méthodes de combat de plus en plus irrégulières. * 179 Les pays membres de la CBLT sont composés du Nigéria, du Cameroun, du Niger, du Tchad, auxquels s'ajoute le Benin. * 180 Union Africaine, communiqué de la 469e réunion du CPS, 25 novembre 2014, www.peaceau./uploads/cps-469-com-terrorisme-25-11-2014.pdf * 181 Union africaine Communiqué de la 567e réunion du CPS sur le groupe terroriste Boko Haram, 14 janvier 2016, www.peaceau.org/fr/article567eme-reunion-du-cps-sur-le-groupe-terroriste-boko-haram * 182 Commission du bassin du lac Tchad, 8e Sommet des chefs d'Etats et de gouvernements de la CBLT, Abuja (Nigéria), 21-23 mars 1994, dans Répertoire des décisions des Sommets des chefs d'Etat et de gouvernement : vol. 11964-2010, N'Djamena, 2011, www.cblt.org/sites/default/files/conference_chefs_etat.decision.fr_.pdf * 183 Voir M Luntumbue, La CBLT et les défis sécuritaires du bassin du lac Tchad, Note n° 14, Bruxelles : Groupe de recherche d'information sur la paix et la sécurité, 2014, 6, www.grip.org/sites/grip.org/files/NOTES_ANALYSE/2014/Notes%20DAS%20-%20Afrique%20EQ/OB2011-54_GRIP_NOTE-14_CBLT.pdf. * 184 Yaoundé : réunion de sécurité, LCBC News Magazine, février-juillet 2014, 32, www.cblt.org/sites/défault/files/maquette_cblt_mag_vf_13.pdf. * 185 Rapport de la de la présidence de la commission de l'UA sur la mise en oeuvre du communiqué PSC/AHG/COMM.2 (CDLXXXIV) sur le groupe terroriste Boko Haram et les efforts internationaux connexes, voir point 9, 3 mars 2015, www.peaceau.org/fr/article/rapport-de-la-presidente-de-la-commission-sur-la-mise-en-oeuvre-du-communique-pcs-ahg-comm-2-cdlxxxiv-sur-le-groupe-terroriste-boko-haram-et-les-efforts-internationaux-connexes. * 186 Voir Concept stratégique d'opération de la force multinationale mixte de la commission du bassin du lac Tchad pour la lutte contre Boko Haram, 24 février 2015. * 187 Ibid. * 188 L'expansion du territoire de Boko Haram aura par la suite conduit le Niger et le Tchad à retirer leurs troupes un plus d'un mois plus tard avant la prise de Baga par Boko Haram survenue le 13 janvier 2015. Voir Nigéria : Boko Haram s'empare d'une base militaire sur les rives du lac Tchad, Radio France Internationale, 5 janvier 2015, http://www.rfi/afrique/20150104-nigeria-boko-haram-s-empare-une-base-militaire-rives-lac-tchad. * 189 Bien que chaque contingent national soit censé opérer à l'intérieur de ses frontières nationales, il leur est tout de même permis, selon des règles et les modalités particulières, d'opérer sur le territoire du pays voisin sur une distance inférieure à 25 km. |
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