VI-2. Revue des ouvrages
Le champ de notre étude est l'économie
internationale et nous travaillons sur l'intégration régionale et
l'accroissement des échanges entre les états membres de la CEMAC.
Notre travail sera guidé par la théorie libérale de
l'intégration régionale et particulièrement par la
théorie des unions douanières élaborée par VINER.J
(1950)4
L'auteur analyse les unions douanières et fait la
distinction entre les effets d'augmentation du commerce et les effets de
diversion.
D'après VINER, le critère de l'union
douanière est le gain provenant de l'union. Ce gain est la
différence entre le commerce créé et le commerce
détourné. L'effet de création se réfère
à une augmentation du commerce entre les membres de l'union et l'effet
de détournement, à une réduction du commerce avec le reste
du monde.
VINER.J a montré que la mise en place d'une zone de
libre échange est susceptible d'augmenter le bien-être des pays
qui l'intègrent lorsque la demande d'importation est élastique,
le niveau du droit de douane initial est élevé et la
différence entre les coûts de production du partenaire et du reste
du monde est faible.
4 VINER.J - The Customs Union Issue- (1950)
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Comme tout précurseur, il a dû simplifier la
réalité et raisonner à partir d'hypothèses
très simplificatrices.
La contribution principale de VINER.J consiste dans la
définition et la distinction des effets de création et de
détournement d'échanges. Mais il ne prend pas en
considération le niveau du tarif douanier commun (TDC). Il raisonne
selon une approche statique, sans tenir compte des réactions de l'offre
et de la demande et ne considère qu'un seul produit, indépendant
des autres produits. C'est une analyse d'équilibre partiel. Enfin, il ne
mesure pas l'ampleur de ces deux effets.
Selon MUNDELL5 (1954), dans une union
douanière entre deux pays, les termes de l'échange des deux pays
s'améliorent, mais davantage ceux de celui qui a le droit le plus bas ;
dans le cas de droits égaux, c'est le plus petit membre de l'union qui
retire le plus grand bénéfice .La théorie des droits de
douane suppose, quant à elle, que le droit améliore les termes de
l'échange dans des conditions normales.
La théorie de VINER.J a été
complétée dans un premier temps par MEADE J.E
(1955)6
MEADE.J.E, s'il a critiqué la méthode de VINER,
il n'a pas répudié pour autant son clivage principal. Sa
méthode cependant, tout en acceptant de considérer au point de
vue du bien-être les effets de détournement comme négatifs
et ceux de création comme positifs, tend à faire apparaître
un « indicateur global d'opportunité » qui tient compte de ce
que les différents types de biens correspondant au trafic «
détourné » ou « créé » n'affectent
pas de la même façon le bien-être de la
société . C'est MEADE.J.E qui, le premier, a supprimé
l'hypothèse simplificatrice de VINER.J sur la constance de l'offre et de
la demande totale lors de la formation de l'union douanière. Mais il l'a
fait de manière très littéraire.
MEADE.J.E apporte trois précisions à l'analyse de
VINER.J :
- l'existence d'un effet de consommation : si la demande
augmente parce que l'union douanière se traduit par une baisse de prix
dans le pays A, la consommation s'accroit ;
- la progressivité des variations ; - l'accroissement du
bien-être.
5 Tariff preferences and the terms of trade,the
manchester school of Economic and Social studies, vol.32.1954.
6 The Theory of Customs Unions North Holland
Publishing 1955 pp 57
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L'augmentation de la production et de la consommation se
répercute favorablement sur le bien - être des sujets
économiques dans l'union douanière.
LIPSEY et GEHRELS(1956)7 se sont surtout
préoccupés des phénomènes de substitution entre
biens (et non plus seulement entre pays), et donc des effets de consommation
entraînés par l'union douanière. Ils ont, en fait,
prolongé l'analyse de VINER, en tenant compte de ce que les changements
de source d'approvisionnement risquent à partir des modifications de
prix relatifs qui s'opèrent à l'intérieur du même
pays, de modifier toute la structure des consommations.
SCITOVSKY.T (1958) considère que quelques soit le sens
des effets induits par la formation de l'union, ceux-ci agissent de
façon marginale sur le bien-être régional et/ou mondial.
Pour SCITOVSKY.T, l'essentiel de l'union douanière réside dans
les mouvements de facteurs de production qu'elle entraîne
(l'hypothèse d'immobilité des facteurs est ici levée).
L'auteur concentre son attention sur les mouvements de capitaux, à
l'origine, selon lui, d'une rationalisation poussée de la production et
de la réalisation d'économies d'échelle. L'accroissement
des investissements au sein de l'union est censé entraîner une
variation des coûts de production (effets de différenciation des
coûts de production) et par un accroissement du niveau de vie. Les
capitaux étrangers iront de préférence là où
le potentiel de retour sur investissement sera le plus prometteur (taille
importante du marché, rendement d'échelle significatif, pouvoir
d'achat élevé). Comme chez VINER.J, l'élévation du
bien-être au sein de l'union devrait exercer à long terme des
effets bénéfiques sur le reste du monde. Les travaux de HUMPHREY
et FERGUSON(1960) ont formalisé la théorie de J.E MEADE
Les auteurs pensent que, en raisonnant sur un seul bien, un
graphique de type H.G JOHNSON(1962) ou HUMPHREY et FERGUSON peut illustrer le
jeu des effets de production et de consommation et arriver à une
évaluation de l'incidence nette. Il faut pour cela supposer que les
fonctions d'offre et de la demande sont linéaires et que le pays pivot A
à des coûts croissants tandis que les deux autres pays B et C sont
constants et donc des offres infiniment élastiques.
BALASSA BELA (1964) divise son ouvrage en trois parties. Dans
la première, il examine les effets de l'intégration d'un point de
vue statique (répartition des ressources à l'intérieur et
à l'extérieur de l'union, avec étude séparée
des effets de la levée des barrières commerciales,
7 The theory of customs union Trade Diversion and Welfare -
Economic journal, Février 1957 et Grehels : Custom union from a single
country viewpoint - the review of economic studies, 1956
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puis de la mobilité des facteurs de production). Dans
la seconde partie, il étudie ces effets d'un point de vue dynamique
(relation entre la taille des nations et la croissance économique,
problème des économies externes et internes, effets de
l'intégration sur la structure des marchés, le progrès
technologique, le commerce extérieur, les investissements...). Enfin,
dans la troisième partie, il expose les problèmes de politiques
économiques posés par l'intégration : développement
régional, harmonisation des politiques sociales, fiscales et
monétaires, problèmes des balances des paiements, coordination
des politiques de stabilité et de croissance.
En prolongeant les arguments de LIPSEY.R.G, d'autres auteurs
sont arrivés à des conclusions proches. BOURGUINAT.H(1968) montre
que les processus d'intégration entraînent d'infinies solutions
possibles8.
À partir d'arguments différents de ceux
développés par LIPSEY.R.G et ses prolongateurs, d'autres auteurs
ont complété la théorie des unions douanières.
C'est le cas de R.G. AKKIHAL(1973) qui montre que si, suite
à la formation de l'union, la nouvelle source d'approvisionnement est
plus éloignée du lieu de consommation que ne l'était
l'ancienne, alors les effets de création et de détournement de
commerce seront moins intenses que ceux prévus par
VINER.J9
PERROUX.F (1982) conteste, quant à lui, l'idée
que les effets sur le commerce définis par VINER.J, MEADE.J.E et
LIPSEY.R.G puissent être bénéfiques pour le bien-être
national, régional ou mondial. Pour F. PERROUX, l'intégration
régionale risque de se traduire non pas par l'élimination des
entreprises les moins «efficientes», mais par les moins
«puissantes» Cette dernière critique débouche
rapidement sur un débat plus général qui est celui de
savoir si le libre-échange rapproche du bien-être mondial ou en
éloigne.
LUTZ.M et WONNACOTT.P (1989), en appliquant les arguments de
LIPSEY.R.G aux seuls biens intermédiaires, montrent que les
détournements de commerce n'entraînent pas nécessairement
une perte nette d'efficience.
8 Bourguinat (Henri), Les marchés
communs des pays en développement, Genève : Droz, 1968
9 Locational effects in the theory of customs union and welfare
analysis» , Indian Economic Journal (The), 21 (1), july-september
1973.
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Dans la filiation d'AKKIHAL.R.G, KRUGMAN.P (1991), par
exemple, insiste sur la nécessité de tenir compte des
économies de coûts de transfert et de communication
réalisées lors de la formation de l'union.
En accord avec les conclusions de LIPSEY.R.G, KOWALCZYK.C
(2000) montre que certains effets provoqués par la formation de l'union
ne sont ni des effets de création, ni des effets de détournement
de commerce. Il en va ainsi des achats nouveaux, que l'union réalisera
auprès des pays tiers, pour certains produits complémentaires
à ceux bénéficiant d'effets de création,
d'expansion et de détournement de commerce au sein de l'union
(volume-of-trade effects). C. KOWALCZYK insiste également sur les
variations (provoquées par la formation de l'union) des prix mondiaux
des biens échangés entre les partenaires de l'union et les pays
tiers (terms-of-trade effects). En combinant ces deux effets, C. KOWALCZYK
lève au passage la contradiction apparente entre la proposition de
LIPSEY.R.G (nécessité d'un commerce mutuel fort avant l'union) et
celle de RIEZMAN.R (nécessité d'un commerce mutuel faible avant
l'union) puisque désormais tout dépend de la taille des pays
formant l'union et de leur capacité à influencer les prix
mondiaux.
Les travaux de DEMELLO [1993), VENDABLES [1999], KRUGMAN
[1991], HUGON [2002 ,2003] ont poursuivi l'analyse de VINER.J et ont
réussi à démontrer que le processus d'intégration
régionale génère des bénéfices pour les pays
membres. Pour ces auteurs, même si les arrangements d'une
intégration régionale sont parfois conduits principalement par
des soucis non reliés aux simples facteurs économiques, ils ont
pourtant de grandes implications économiques aussi bien pour les pays
membres que pour les pays non membres.
VENABLES A.J. (1999, 2003) complète l'analyse de Viner
tout en démontrant que les gains et les pertes au sein d'une zone de
libre 'échange dépendent des avantages comparatifs de chaque pays
membre relativement aux autres pays membres de la région et au reste du
monde.
DISSOU et ROBICHAUD (2004) ont montré que l'impact
'économique d'une zone de libre échange (Union douanière)
sur les économies des Etats membres dépend, entre autres, de
caractéristiques 'économiques et, en particulier, du
fonctionnement du marché de travail (structure du marché de
travail).
JUYUONG CHEONG et KAR-YIU WONG (2007) par contre, examinent la
relation entre le volume de détournement des échanges et le
changement du bien- être en utilisant deux différents types de
modèles : le commerce inter-industrie en présence de la
concurrence pure
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et parfaite et le commerce intra-industrie avec l'oligopole
(concurrence imparfaite). Ils ont trouvé que si le commerce est du type
»inter-industrie», un plus grand volume des échanges
détournés d'un pays tiers (le reste du monde) plus efficace, en
raison d'un plus petit tarif initial et d'une plus grande taille du
marché local, diminue l'amélioration du bien-être qu'un
pays peut obtenir en intégrant une zone de libre-échange. Si par
contre le volume des échanges détournés est petit, le
changement dans le bien-être pourrait être positif.
GUILLOCHON.B et KAWECKI. A (2009) aborde dans le même
sens que MUCHIELLI et MAYER, tout en stipulant que l'intégration exerce
des effets complexes sur les économies des Etats membres et des pays
tiers, effets qui peuvent-être 'étudiés en statique (effet
de d'détournement et de création de trafic) ou en dynamique
('économie d'échelle et concurrence imparfaite).
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