M. Ali Ataya
Thèse présentée en vue de l'obtention
du
grade de Docteur de l'Université du
Maine
sous le label de L'Université Le Mans
École doctorale : ÉCOLE
DOCTORALE Droit et Science politique« PIERRE
COUVRAT »(POITIERS)-ED 88.
Discipline : CNU "01-Droit privé et
sciences criminelles"
Unité de recherche : EA 4333 THEMIS
UNIVERSITE DU MAINE (THEMIS-UM).
Adresse : UFR Droit et Sciences Économiques,
Université du Maine - Avenue Olivier
Messiaen - 72 085 LE MANS Cedex 9.
Soutenue le 27 novembre 2013
Thèse N° : 19592
La légalité des moyens de preuve dans
le
procès pénal en droit français et
libanais.
JURY
Directeur de Thèse : Mme Valérie
LASSERRE-KIESOW, Professeur à l'Université du Maine.
Rapporteurs : M. Édouard VERNY,
Professeur à l'Université de Rennes, Doyen de la Faculté
de
Droit et science politique de l'Université de Rennes 1.
M. Sylvain JACOPIN, Maître de
conférences (HDR) à l'Université de Caen --
Basse-Normandie.
Examinateurs : Mme Rana CHAABAN, Maître de
conférences à l'Université du Maine.
Ali Ataya
La légalité des moyens de preuves dans le
procès pénal en droit français et libanais.
The legality of forms of evidence in the criminal
process in french and lebanese law.
Résumé
Que se passe-t-il si une preuve pénale a
été recueillie en violation de la loi ou sans respecter les
règles de procédure et les principes généraux?
Est-il possible ou interdit d'utiliser cette preuve en justice
? Voici une question délicate et compliquée qui a
déjà fait couler beaucoup d'encre. La preuve illégale, qui
a fait l'objet d'innombrables débats, demeure à ce jour
discutable et n'est pas encore tranchée. L'action pénale ou
publique vise à élucider la vérité. Pour ce faire,
il est nécessaire d'avoir une preuve confirmant la commission de
l'infraction et son attribution à son auteur. La recherche de la preuve
pénale est assujettie au principe de la liberté de la preuve.
Toutefois, la liberté de la preuve et la recherche de la preuve
pénale n'est pas une liberté absolue et illimitée, car il
est indispensable de concilier l'intérêt de la
société pour l'élucidation de l'infraction et son auteur
afin d'aboutir à la vérité, d'une part, pour mettre en
oeuvre le droit de l'État de recourir à la peine. D'autre part,
il est interdit la mise à profit des moyens de preuve qui constituent
une atteinte à la liberté des individus et à leur
sécurité corporelle sous couvert de la liberté de preuve.
A cet effet, la théorie de la légalité de la preuve
pénale a vu le jour car l'élucidation de la vérité
ne peut avoir lieu par l'utilisation d'un moyen illégal dans un
État de droit. Le principe de la légalité de la preuve
pénale est, en fait, un principe négligé dans la loi (le
droit). De plus, des doutes sont émis à propos de son existence
réelle dans le système juridique. La présente étude
ambitionne d'affirmer et de confirmer l'existence du principe de
légalité de la preuve pénale en droit libanais et
français à travers la définition d'un concept
précis et stable du principe de légalité de la preuve
pénale et l'étude de sa relation avec le principe de
loyauté de la preuve pénale et la mise en exergue des
différents aspects caractérisant le principe de
légalité de la preuve, le principe de loyauté de la preuve
et le degré de leur corrélation ; d'où la
nécessité de distinguer la preuve illégale moyennant la
définition d'un concept précis de la preuve illégale dans
la preuve pénale, en recouvrant toutes les violations des règles
substantielles, des règles procédurales et tous les moyens de
preuve illégaux. Après la définition du principe de
légalité de la preuve pénale et la notion de la preuve
illégale, nous passons dans la présente étude à la
recherche de l'exécution ou l'application pratique du principe de
légalité de la preuve pénale au Liban et en France.
Partant de ce principe, nous avons tenté d'apporter une contribution
rigoureuse à la confirmation de l'existence du principe de
légalité de la preuve pénale, ainsi que la
démonstration de sa valeur légale en droit libanais et
français. Par la suite, nous avons étudié le sort de cette
preuve illégale et l'évaluation des systèmes de
nullité adoptés au Liban et en France, le degré de leur
efficacité et la mise en oeuvre effective du principe de
légalité de la preuve pour répondre à la
problématique principale de cette étude, c'est-à-dire que
le principe de légalité de la preuve pénale correspond
à un vif besoin qui impose un appui législatif au Liban et en
France afin de consacrer la mise en oeuvre effective de ce principe. La
consécration législative du principe de légalité de
la preuve pénale avec une sanction procédurale innovante
constitue le seul moyen de vaincre la position de la jurisprudence, laquelle
s'efforce d'affaiblir le principe de légalité de la preuve
pénale et de marginaliser ce principe. D'où la
nécessité urgente et indispensable d'innover une nouvelle
technique et des outils juridiques qui permettent d'exclure la preuve
illégale.
Mots clés: Loyauté, Liberté,
Preuve, Légalité, Liban, France, sanction, Nullité,
Procédure.
Abstract
What happens if a criminal evidence has been obtained in
violation of law or with disregard for the procedural rules and the general
principles? Is it possible or forbidden to use such an evidence in court? This
constitutes, indeed, a complicated and a tricky question that has already been
widely discussed. The illegal evidence, which was subject to many debates,
remains still questionable and not yet solved. The criminal or public action
aims at clarifying the truth. Therefore, it is necessary to have an evidence to
confirm the commission of offence and its imputation to its perpetrator. The
search for criminal evidence is subject to the principle of freedom of
evidence. Yet, the freedom of evidence and the search for the criminal evidence
is not an absolute and unrestricted freedom, for it is vital to reconcile the
society's interest in order to clear the offence and its perpetrator to reach
the truth, in the one hand, and to implement the right of the State to resort
to punishment. Besides, it is prohibited to put to use the forms of evidence
which represent an infringement of freedom of individuals and their personal
safety under the freedom of proof. To that end, the theory of legality of
criminal evidence saw the light of the day since the clarification of the truth
cannot happen through the use of an illegal means in a State of law.
The principle of legality of criminal evidence is, basically,
a principle neglected in the law. Moreover, there are some doubts as far as its
real existence in the legal system is concerned. This very study is aimed for
asserting and confirming that the principle of legality of criminal evidence
exists, indeed, both in the Lebanese and French laws through the definition of
a specific and stable concept of the principle of legality of criminal
evidence, the study of its relationship with the principle of loyalty of
criminal evidence in addition to the emphasis on the various aspects
characterizing the principle of legality of evidence, the principle of loyalty
of evidence and the level of their interrelationship ; hence the need for
distinguishing illegal evidence via the definition of a specific concept of
illegal evidence in the criminal evidence, by covering the whole violations of
substantive rules, procedural rules as well as all forms of illegal evidence.
After the definition of the principle of legality of criminal evidence and the
concept of illegal evidence, we move on, in this study, to the search for the
implementation or the practical application of the principle of legality of
criminal evidence in Lebanon and France. Based on this principle, we have tried
to bring a strict contribution to the confirmation that the principle of
legality of criminal evidence exists indeed, besides, we have proved its legal
value in the Lebanese and French laws. Afterwards, we have examined the destiny
of this illegal evidence and the assessment of systems of invalidity adopted in
Lebanon and France, the level of their efficiency and the effective
implementation of the principle of legality of evidence so as to answer the
main issue of this study, otherwise said the principle of legality of criminal
evidence meets a vital need that requires a legislative support in Lebanon and
France in a bid to devote the effective implementation of this principle. The
legislative recognition of the principle of legality of criminal evidence with
an innovative procedural sanction is the only means for convincing the stance
of jurisprudence, which strives for weakening the principle of criminal
evidence and for marginalizing it. Thus, there is an urgent and vital need for
innovating a new technique and legal tools likely to exclude illegal
evidence.
Key Words: loyalty, freedom, evidence, legality, Lebanon,
France, Sanction, Nullity, Procedure.
L'Université Le Mans
L'université du Maine n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ;
ces opinions doivent être considérées comme propres
à leurs auteurs.
II
Dédicace
À mes parents, Hoda et Wehbi, voici le fruit de
tant d'années d'étude. Merci pour votre amour et support
inconditionnel.
III
Remerciements
Mes remerciements s'adressent en tout premier lieu
à Madame le Professeur Valérie Lasserre-Kiesow, ma directrice de
thèse, pour son aide à l'élaboration de cette
thèse, sa disponibilité, ses remarques stimulantes, pour ses
conseils, ses réflexions, et ses discussions que nous avons pu
échanger durant la thèse et qui m'ont guidé et
éclairé durant ces années de recherche.
Je remercie M. le Professeur Édouard Verny, Doyen
de la Faculté de droit et de science politique de l'Université
Rennes I et M. Sylvain Jacopin, Maître de conférences (HDR)
à l'Université de Caen Basse-Normandie, de m'avoir fait l'honneur
d'accepter d'être rapporteurs de cette thèse. Je remercie
également Mme Rana Chaaban, Maître de conférences à
l'Université du Maine, de me faire l'honneur de participer à mon
jury de thèse.
Bien entendu, je remercie ma famille (Wehbi, Hoda,
Mohammad, Christine, Zeina et Karim), pour leur irremplaçable et
inconditionnel soutien.
Un merci spécial pour des amis extraordinaires
(Mojtaba Mortada, Ali Chokor, Sami Alawiye, Ali Atwi, Ali Slim, Doreid Ghader
« Dodo », Nader Yaacoub, Hussein Dbouk, Hassan Dbouk, Ali Alaaeddine,
Hussein Nassrallah, Mohamad Ali chokr, Rana choker ...
Merci enfin aux personnels de la bibliothèque
universitaire du Maine pour leur disponibilité.
IV
Résumé et mots-clés - Abstract and
keywords
Résumé en français :
Que se passe-t-il si une preuve pénale a
été recueillie en violation de la loi ou sans respecter les
règles de procédure et les principes généraux?
Est-il possible ou interdit d'utiliser cette preuve en justice
? Voici une question délicate et compliquée qui a
déjà fait couler beaucoup d'encre. La preuve illégale, qui
a fait l'objet d'innombrables débats, demeure à ce jour
discutable et n'est pas encore tranchée. L'action pénale ou
publique vise à élucider la vérité. Pour ce faire,
il est nécessaire d'avoir une preuve confirmant la commission de
l'infraction et son attribution à son auteur. La recherche de la preuve
pénale est assujettie au principe de la liberté de la preuve.
Toutefois, la liberté de la preuve et la recherche de la preuve
pénale n'est pas une liberté absolue et illimitée, car il
est indispensable de concilier l'intérêt de la
société pour l'élucidation de l'infraction et son auteur
afin d'aboutir à la vérité, d'une part, pour mettre en
oeuvre le droit de l'État de recourir à la peine. D'autre part,
il est interdit la mise à profit des moyens de preuve qui constituent
une atteinte à la liberté des individus et à leur
sécurité corporelle sous couvert de la liberté de preuve.
A cet effet, la théorie de la légalité de la preuve
pénale a vu le jour car l'élucidation de la vérité
ne peut avoir lieu par l'utilisation d'un moyen illégal dans un
État de droit. Le principe de la légalité de la preuve
pénale est, en fait, un principe négligé dans la loi (le
droit). De plus, des doutes sont émis à propos de son existence
réelle dans le système juridique. La présente étude
ambitionne d'affirmer et de confirmer l'existence du principe de
légalité de la preuve pénale en droit libanais et
français à travers la définition d'un concept
précis et stable du principe de légalité de la preuve
pénale et l'étude de sa relation avec le principe de
loyauté de la preuve pénale et la mise en exergue des
différents aspects caractérisant le principe de
légalité de la preuve, le principe de loyauté de la preuve
et le degré de leur corrélation ; d'où la
nécessité de distinguer la preuve illégale moyennant la
définition d'un concept précis de la preuve illégale dans
la preuve pénale, en recouvrant toutes les violations des règles
substantielles, des règles procédurales et tous les moyens de
preuve illégaux. Après la définition du principe de
légalité de la preuve pénale et la notion de la preuve
illégale, nous passons dans la présente étude à la
recherche de l'exécution ou l'application pratique du principe de
légalité de la preuve pénale au Liban et en France.
Partant de ce principe, nous avons tenté d'apporter une contribution
rigoureuse à la confirmation de l'existence du principe de
légalité de la preuve pénale, ainsi
V
que la démonstration de sa valeur légale en
droit libanais et français. Par la suite, nous avons
étudié le sort de cette preuve illégale et
l'évaluation des systèmes de nullité adoptés au
Liban et en France, le degré de leur efficacité et la mise en
oeuvre effective du principe de légalité de la preuve pour
répondre à la problématique principale de cette
étude, c'est-à-dire que le principe de légalité de
la preuve pénale correspond à un vif besoin qui impose un appui
législatif au Liban et en France afin de consacrer la mise en oeuvre
effective de ce principe. La consécration législative du principe
de légalité de la preuve pénale avec une sanction
procédurale innovante constitue le seul moyen de vaincre la position de
la jurisprudence, laquelle s'efforce d'affaiblir le principe de
légalité de la preuve pénale et de marginaliser ce
principe. D'où la nécessité urgente et indispensable
d'innover une nouvelle technique et des outils juridiques qui permettent
d'exclure la preuve illégale.
Mots-clés en français :
Loyauté, Liberté, Preuve, Légalité,
Liban, France, sanction, Nullité, Procédure,
Title and Abstract:
The legality of forms of evidence in the criminal process
in french and lebanese law.
Abstract:
What happens if a criminal evidence has been obtained in
violation of law or with disregard for the procedural rules and the general
principles? Is it possible or forbidden to use such an evidence in court? This
constitutes, indeed, a complicated and a tricky question that has already been
widely discussed.
The illegal evidence, which was subject to many debates,
remains still questionable and not yet solved. The criminal or public action
aims at clarifying the truth. Therefore, it is necessary to have an evidence to
confirm the commission of offence and its imputation to its perpetrator. The
search for criminal evidence is subject to the principle of freedom of
evidence.
Yet, the freedom of evidence and the search for the criminal
evidence is not an absolute and unrestricted freedom, for it is vital to
reconcile the society's interest in order to clear the offence and its
perpetrator to reach the truth, in the one hand, and to implement the right of
the State to resort to punishment.
Besides, it is prohibited to put to use the forms of evidence
which represent an infringement of freedom of individuals and their personal
safety under the freedom of proof. To that end, the theory of legality of
criminal evidence saw the light of the day since the clarification of the truth
cannot happen through the use of an illegal means in a State of law.
VI
The principle of legality of criminal evidence is, basically,
a principle neglected in the law. Moreover, there are some doubts as far as its
real existence in the legal system is concerned.
This very study is aimed for asserting and confirming that the
principle of legality of criminal evidence exists, indeed, both in the Lebanese
and French laws through the definition of a specific and stable concept of the
principle of legality of criminal evidence, the study of its relationship with
the principle of loyalty of criminal evidence in addition to the emphasis on
the various aspects characterizing the principle of legality of evidence, the
principle of loyalty of evidence and the level of their interrelationship ;
hence the need for distinguishing illegal evidence via the definition of a
specific concept of illegal evidence in the criminal evidence, by covering the
whole violations of substantive rules, procedural rules as well as all forms of
illegal evidence.
After the definition of the principle of legality of criminal
evidence and the concept of illegal evidence, we move on, in this study, to the
search for the implementation or the practical application of the principle of
legality of criminal evidence in Lebanon and France. Based on this principle,
we have tried to bring a strict contribution to the confirmation that the
principle of legality of criminal evidence exists indeed, besides, we have
proved its legal value in the Lebanese and French laws.
Afterwards, we have examined the destiny of this illegal
evidence and the assessment of systems of invalidity adopted in Lebanon and
France, the level of their efficiency and the effective implementation of the
principle of legality of evidence so as to answer the main issue of this study,
otherwise said the principle of legality of criminal evidence meets a vital
need that requires a legislative support in Lebanon and France in a bid to
devote the effective implementation of this principle. The legislative
recognition of the principle of legality of criminal evidence with an
innovative procedural sanction is the only means for convincing the stance of
jurisprudence, which strives for weakening the principle of criminal evidence
and for marginalizing it. Thus, there is an urgent and vital need for
innovating a new technique and legal tools likely to exclude illegal
evidence.
Key Words:
Loyalty, freedom, evidence, legality, Lebanon, France, Sanction,
Nullity, Procedure.
VII
SOMMAIRE
INTRODUCTION . 1
PARTIE I
LA NOTION DE LÉGALITÉ DE LA PREUVE
45
TITRE I
LÉGALITÉ, LOYAUTÉ ET LA
LIBERTÉ DE LA PREUVE 53 Chapitre I
La légalité, un outil d'encadrement du
principe de la liberté de preuve 56 Chapitre II
La loyauté de la preuve en lien avec la
légalité de la preuve 89 TITRE II
NOTION DE PREUVE ILLÉGALE . 156 Chapitre
I
Preuve entachée d'une illégalité
formelle 160 Chapitre II
Preuve entachée d'une illégalité
matérielle . 225
PARTIE II
LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ
DE LA PREUVE 326
TITRE I
VERS UNE RECONNAISSANCE DU PRINCIPE DE
LÉGALITÉ 328 Chapitre I
Tentative d'affirmation de l'existence du principe de la
légalité des moyens de
preuve 329
Chapitre II
Vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation
du droit de la preuve
. 362
TITRE II
SANCTIONS DES PREUVES ILLÉGALES ET ILLICITES DANS
LE PROCÈS
PÉNAL .. 409
Chapitre I
La multiplication des sanctions des preuves
illégales . 411 Chapitre II
L'admission nuancée de la preuve
illégale .. 486
.
VIII
Liste des abréviations
AJ pénal Actualité juridique Pénal
Arch. phil. Droit
Archives de philosophie du droit
Arch.pol.crim. Archives de politique criminelle
C.C. lib Conseil Constitutionnel libanais
Cass. crim lib.,. Arrêt de la Chambre criminelle de la
Cour de Cassation libanaise
Chron Chronique
Conv. EDH Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'Homme
et des libertés fondamentales
CPP français Code de procédure pénale
français
CPP libanais Code de procédure pénale libanais
D. Recueil Dalloz
DC Décision du Conseil constitutionnel français
DDHC Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
dir. Direction
Doctr. Doctrine
DUDH Déclaration universelle des droits de l'homme
éd. Édition
Fasc. Fascicule
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Ibid. Au même endroit
IR Informations rapides du Recueil Dalloz
J.-Cl. Juris-Classeur
J.O Journal official
J.T Journal des tribunaux de Belgique
JCP G Semaine juridique Édition générale
Juris. Jurisprudence
L.G.D.J. Librairie générale de droit et de
jurisprudence
LPA Les Petites affiches
n° Numéro
obs. Observations
p Page
P.U.A.M. Presses Universitaires d'Aix-Marseille
P.U.F. Presses Universitaires de France
P.U.G Presses Universitaires de Grenoble
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
R.D.P.C. Revue de Droit Pénal et de Criminologie
R.D.U.S. Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
R.S.C. Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé
IX
Rép. pén. Dalloz Répertoire Dalloz de
droit pénal et de procédure pénale
Rev. Dr. ULg Revue de la faculté de droit de
l'université de Liège
RICPTS La Revue Internationale de Criminologie et de Police
Technique
et Scientifique.
RIDC Revue internationale de droit comparé
RIDP Revue Internationale de Droit Pénal
RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTDH Revue trimestrielle des droits de l'homme
Vol Volume
I
1
Introduction
1. Définition du principe. Selon M. Patrick
Morvan, il n'existe guère de mot plus employé que le mot principe
dans les disciplines de la connaissance. Il n'est de science qui ne
possède
1
ses principes . Le terme principe vient du mot latin
principium qui a tout à la fois le sens de commencement et de
commandement, et il retient de son étymologie une double relation avec
les idées de priorité et de supériorité, le
principe étant à la fois ce qui précède et ce qui
régit les choses qu'on lui rapporte. Donc, étymologiquement, le
mot principe vient du latin principium, lui-même
dérivé du mot princeps formés tous deux de
primo (premier) et de caps (de capio, capere
: prendre). In principio : au commencement. C'est le premier sens
du mot
2
qui a donné principe . Puis est venu le principe, le
principat - celui qui est premier - et après bien d'autres sens au
pluriel, les «principes» ont signé les
éléments fondamentaux, les règles
de base. Selon M. Gérard Cornu, le principe est une
règle juridique établie par un texte en
3
termes assez généraux destinée à
inspirer diverses applications et s'imposant avec une autorité
4
supérieure . En deuxième sens, le principe est une
maxime générale juridiquement obligatoire
bien que non écrite dans un texte
législatif5 . M. Philippe Jestaz souligne que le droit
français emploie les expressions les plus diverses: « principe
(sans autre précision), principe général (au singulier),
principes généraux (au pluriel), principe fondamental, essentiel,
directeur... Mais aucun esprit sensé n'imaginera qu'il puisse y avoir
là autant de notions distinctes: la
6
.
difficulté sera déjà assez grande de
cerner la notion de principe »
1 P. Morvan, Le principe de droit
privé, L.G.D.J., édit. Panthéon-Assas, 1999,
Préface de Jean-Louis Sourioux., p. 3.
2 I. Fadlallah, « Les principes
généraux en matière d'arbitrage international », in
Les dénominateurs communs entre les principes généraux
du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français, Conférence
prononcée au Centre d'études des droits du monde arabe, Colloque
sur « Les dénominateurs communs entre les principes
généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les
principes généraux du droit français », à
Beyrouth (Liban), le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ.
Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences
politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe.
Beyrouth. Liban, disponible en ligne sur:
http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/fadlallah.pdf
3 J.-M. Turlan, « Principe. Jalons pour
l'histoire d'un mot », in M. Boulet-Sautel, G. Cardascia et al., La
responsabilité à travers les âges, Économica,
Paris, 1989, préface de Jean Imbert, pp. 115 et s.
4 G. Cornu (Dir), Vocabulaire
juridique-Association H. Capitant, 8e éd.,
P.U.F., coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 673.
5 G. Cornu (Dir), Vocabulaire
juridique-Association H. Capitant, op. cit., p. 673.
6 P. Jestaz, « Principes
généraux, adages et sources du droit en droit français
», in Les dénominateurs communs entre les principes
généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les
principes généraux du droit
78
2. Notion de principe général du droit.
Selon le Petit Robert, ce qui est général: «
s'applique à l'ensemble, la majorité ou le plus grand nombre
de cas, mais se dit parfois de ce
9
qui est sans référence à une
réalité précisée ». M. Gérard
Cornu donne à son tour une définition juridique du mot
général, « ce qui est général est commun
à tous éléments d'un
ensemble » et « s'appliquant à toute une
série de cas semblables »
|
10
|
et convient au genre
|
11
entier, par opposition au particulier. Les principes
généraux découlent du droit naturel
12
souligne M. George Ripert , qui ajoute « ce sont des
règles traditionnelles, en droite ligne des adages, que l'on
reconnaît à leur âge, de vieilles règles, souvent en
forme latine, souveraines, pérennes, générales. D'essence
supérieure, elles s'imposent à tous, même au
législateur »
|
13
|
. Pour M. Jean-Louis Sourioux les vocables
principe et général nous mettent en
|
2
présence de termes qui ne sont pas juridiques par nature
mais seulement par la détermination
. La notion
14
des « faiseurs de systèmes » juridiques
ainsi que des poseurs de normes juridiques
de principes généraux du droit évoque
l'idée de normes éminentes de portée très
générale que
connaissent la plupart des systèmes juridiques
|
15
|
. M. Jean Boulanger note que les principes
|
français, v. spec. pp. 2 et 3,
Conférence prononcée au Centre d'études des droits du
monde arabe, Colloque sur « Les dénominateurs communs entre les
principes généraux du droit musulman et des droits des pays
arabes et les principes généraux du droit français »,
à Beyrouth, Liban, le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ.
Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences
politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe, à
Beyrouth (Liban), disponible en ligne sur:
http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/jestaz.pdf
7 V. F. Casorla, « Les principes
directeurs du procès pénal, Principes généraux de
droit? Essai de clarification », in Le Droit Pénal À
L'aube Du Troisième Millénaire - Mélanges Offerts À
Jean Pradel, Cujas, Paris, 2006, pp. 53-69 ; V. aussi : M. De Bechillon,
La notion de principe général en droit privé,
P.U.A.M., 1998, Préface de Bernard Saintourens.
8 Dictionnaire Alphabétique et analogique
de la langue française.
9 P. Robert, Le petit Robert 1, p.
858.
10 G. Cornu (Dir), Vocabulaire
juridique-Association H. Capitant, op. cit., p. 410.
11 V. B. Jeanneau, Les principes
généraux du droit dans la jurisprudence administrative,
L.G.D.J., 1954; A. Pellet, Recherches sur les principes
généraux de droit en droit international, Thèse de
droit, Université Paris II, 1974; R. Rodière, « Les
principes généraux du droit privé français »,
in R.I.D.C., 1980, vol. 2, n° spec., p. 309.
12 G. Ripert, Les forces créatrices
du droit, 2e éd., L.G.D.J., Paris, 1955, p. 325.
13 G. Ripert, Les forces créatrices
du droit, 2e éd., L.G.D.J., Paris, 1955, pp. 325 et
s.
14 J.-L. Sourioux, « Le concept de
principe général », in Les dénominateurs communs
entre les principes généraux du droit musulman et des droits des
pays arabes et les principes généraux du droit français,
v. spec. p. 1, Conférence prononcée au Centre
d'études des droits du monde arabe, Colloque sur « Les
dénominateurs communs entre les principes généraux du
droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français », à Beyrouth
(Liban), le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ. Université
Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA.
Centre d'études des droits du monde arabe, à Beyrouth (Liban),
disponible en ligne sur:
http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/sourioux.pdf
15 S. Jahel, « Les principes
généraux du droit dans les systèmes arabo-musulmans au
regard de la technique juridique contemporaine », in R.I.D.C.,
2003, Vol. 55, n° 1 Janvier-Mars, p. 106.
3
généraux, dont il constate aussi qu'ils
« empruntent une partie de leur majesté au mystère qui
les entoure », proviennent aussi d'une systématisation de
règles particulières, lesquelles dégagent des
généralités à des fins de clarification ; ces
principes généraux, qui font parfois référence au
droit naturel, voire au lieu commun, ne doivent pas nécessairement
être prévus par un texte pour exister ; ils s'appliquent
dès qu'ils sont identifiés par la jurisprudence, et constituent
des règles générales supportant des règles
particulières contraires, ce qui les ferait
16
.
de même nature
3.
17
. Les
Principes fondamentaux et principes généraux
du droit. Pour Mme Anne Beziz-Ayache, les principes fondamentaux sont des
principes dégagés par le Conseil Constitutionnel
principes généraux du droit sont des principes
dégagés par la Chambre criminelle de la Cour
de cassation 18 . A l'encontre de ce qui vient d'être
dit, à notre avis, l'expression principe fondamental ne
signifie pas strictement que le principe est dégagé par le
conseil constitutionnel, vu que la notion de droits fondamentaux est
une notion floue qui n'admet pas
19
de définition unique. Le droit fondamental
apparaît comme une notion complexe dans laquelle deux acceptions sont
mêlées: d'une part, celle de principes dégagés par
le Conseil constitutionnel ; d'autre part, celle de principes essentiels qui
sont l'expression de la base commune à toutes les règles qui
régissent le procès. Ainsi, à plusieurs
reprises, l'expression « l'ensemble des règles fondamentales
régissant la preuve » est utilisée en
interprétant le principe de la liberté de la preuve qui n'est
dégagé, ni par le Conseil Constitutionnel libanais et ni par le
Conseil Constitutionnel français.
4. Les principes du droit de la preuve. Il est
souvent affirmé que la preuve est libre en droit pénal. M.
Jacques Leroy va même plus loin en soulignant que le principe de la
liberté de la preuve s'applique non seulement à la preuve de
l'infraction mais également à la preuve des
16 J. Boulanger, « Principes
généraux du droit positif et droit positif », in Le
droit privé français au milieu du XXème
siècle, Études offertes à Georges Ripert,
L.G.D.J., Paris, 1950, t.1, pp. 51et s.
17 A. Beziz-Ayache, Dictionnaire de droit
pénal général et de procédure pénale,
Ellipses, Collection Dictionnaires de Droit, Paris, 2001, p. 144.
18 V. T. Meindl, La notion de droit
fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles
française et allemande, L.G.D.J., Paris, 2003, Préface de D.
Rousseau.
19 V. par exemple, l'usage du terme principe
fondamental par le Comité de Bâle ne désigne pas la valeur
constitutionnelle des vingt-cinq Principes fondamentaux d'un contrôle
bancaire efficace. Le Comité de Bâle a publié le 23
septembre 1997, dans leur version finale, les vingt-cinq Principes
fondamentaux d'un contrôle bancaire efficace, qui doivent servir de
référence aux autorités de contrôle bancaire du
monde entier.
moyens de défense 20 comme l'exige la garantie de
l'égalité des armes 21 . Il y a du vrai dans
4
cette phrase, mais une telle assertion ne peut être que
partiellement vraie dans un État de droit où nul ne concevrait
que la preuve puisse ne pas être régie par la loi. La
liberté de preuve doit
. La
22
forcement se concilier avec un principe fondamental qui est le
principe de la légalité
liberté de preuve n'est pas absolue et ne s'exerce pas
sans limite 23 . Elle ne saurait exister que
dans un cadre légal24 . La condition de
respecter le principe de légalité constitue sans doute un
correctif à la liberté de preuve, c'est pourquoi on peut parler
d'une liberté de preuve relative en matière pénale. En
effet, tous les moyens de preuve au sens large ne sont pas admis. M.
Jean-Claude Soyer a interprété l'idée de la
légalité en disant que la manière de se procurer les
preuves n'est pas entièrement libre parce qu'elles doivent être
obtenues suivant une procédure que la loi réglemente. La
réglementation a pour objet d'assurer l'efficacité de la preuve,
afin qu'elle soit incontestable, ou bien d'éviter les abus qui
pourraient résulter d'investigations
25
sans limites . Selon MM. Roger Merle et André Vitu, la
liberté de preuve comporte des limites, imposées soit par des
dispositions légales précises, soit par des principes
généraux
non écrits 26 . Le procès pénal est avant
tout un problème de preuve. Trois principes guident le droit de la
preuve, en France comme au Liban : le principe de légalité, celui
de la liberté de la preuve, et celui de l'intime conviction du juge qui
signifie la libre appréciation de la preuve, c'est à dire que le
juge dispose de la liberté d'accorder aux éléments de
preuve la valeur et le
20 J. Leroy, Procédure
pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 347,
p. 186 : « le principe de la liberté de la preuve s'applique
non seulement à la preuve de l'infraction mais également à
la preuve des moyens de défense comme l'exige la garantie de
l'égalité des armes. ».
21 V. sur le principe d'égalité
des armes en droit français : S. Lavric, Le principe
d'égalité des armes dans le procès pénal,
Thèse de droit, Université de Nancy, 2008, v. spec. le
résumé : « Le principe d'égalité des armes
a émergé, dans la procédure pénale
française, sous la double influence du droit européen des droits
de l'homme et de la jurisprudence constitutionnelle. Correctif du droit
à un procès équitable pour la Cour européenne,
l'exigence d'un équilibre des droits des parties, aujourd'hui
proclamée en tête du code de procédure pénale
».
22 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 551, p. 571.
23 V. M. Schwendener, « L'action de la
police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté
», in AJ Pénal, 2005, p. 267 : « La
première limite qui s'impose donc à l'enquêteur est celle
du respect du principe de légalité, qui conditionne sa
démarche investigatrice. Néanmoins cette seule limite suffit-elle
? La question est de savoir si, pour aboutir à la preuve,
l'enquêteur peut laisser libre cours à son imagination (voire
à sa ruse) dès lors qu'il ne contredit pas les normes de la
légalité ».
24 J. Leroy, Procédure
pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 348,
p. 186 : « Cette liberté ne s'exerce pas sans limite. Elle ne
saurait exister que dans un cadre légal. La violence pour l'obtention
d'une preuve est à exclure. ». « De même la recherche de
la preuve doit être loyale. ».
25 J-C. Soyer, Droit pénal et
Procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J.,
Paris, 2012, n° 746, p. 317.
26 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel, 4e éd., Cujas, Paris, 1979, t. 2
Procédure pénale, n° 129, p. 162.
27
poids qu'ils méritent selon sa conscience. Le principe de
légalité veut que le Code de
5
procédure pénale définisse à peine de
nullité l'ensemble des actes d'enquête, comme les auditions et les
interrogatoires, les perquisitions et les saisies, ou encore les
écoutes
28
téléphoniques et tous les moyens et les actes de
procédure liées à la récolte des preuves. En
principe, la loi réglemente l'emploi des divers modes de preuve et le
soumet à de nombreuses formalités. Donc le principe de
légalité consiste à respecter les règles qui
gouvernent
. À l'opposé, la liberté de preuve
autorise à faire appel
|
à n'importe
|
29
l'obtention des preuves
quel moyen de preuve sans aucun classement hiérarchique
des preuves et même sans lier le
30
juge ou son appréciation . En droit libanais, en
matière pénale, le principe prépondérant est celui
de la liberté de la preuve. L'article 179 du CPP Libanais énonce
que « les infractions alléguées peuvent être
établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose
autrement ... ». En droit français, la règle est celle
de la liberté. La recherche des preuves pénales est régie
par le principe de liberté. L'article 427 du CPP Français dispose
que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les
infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ».
Pourtant la liberté de la preuve des infractions est de plus en
plus strictement
encadrée affirme M. Emmanuel Molina. Il est clair que
cette liberté ne peut et ne doit pas
31
s'appliquer sans limites. La preuve dans la procédure
pénale est libre mais ce principe ne
32
signifie pas que n'importe quel procédé puisse
être utilisé, parce que les moyens employés pour rechercher
et produire les preuves de l'infraction ne peuvent déborder des cadres
posés
33
par le Code de procédure pénale et la jurisprudence
. En général, un régime de liberté de la
27 V. A. Hervé, « Du respect de
la légalité dans l'administration de la preuve pénale
» (À propos de l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de
cassation française en date du 12 décembre 2000), in
R.P.D.P., 2001, Bulletin de la Société
générale des prisons et de législation criminelle,
125e année, n° 3, pp. 590-606.
28 F. Jobard et N. Schulze-Icking, «
Preuves hybrides. L'administration de la preuve pénale sous l'influence
des techniques et des technologies (France, Allemagne, Grande-Bretagne)
», in Etudes et données pénales, 2004,
CESDIP, n° 96, p. 15.
29 V. M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset,
Manuel de procédure pénale, 3e éd.,
Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1036 : « Les preuves doivent avoir
été obtenus dans le respecter les règles qui gouvernent
l'obtention de chacune d'elles ».
30 V. G. Vidal, Cours de droit criminel
et de science pénitentiaire, 2e éd., Librairie
nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau, Paris, 1901, n°
723, p. 764 : « il ne faut pas confondre, à ce point de vue, la
fixation légale de la force probante des moyens de preuve, qui constitue
le système des preuves légales, avec la réglementation
légale des conditions d'admission et de production des moyens de preuve,
qui s'impose aux juges pour éviter les abus et les surprises, pour
sauvegarder les droits des parties ou d'autres droits également
respectables, sans altérer le caractère et la portée du
système de la preuve morale et de l'intime conviction ».
31 E. Molina, La liberté de la
preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse
de droit, Université Aix-Marseille 3, 2000, v. spec. le
résumé.
32 C. Ambroise-Castérot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 245, p. 171.
33 E. Verges, Procédure
pénale, Litec, 2005, n° 96, p. 75.
preuve en matière pénale conduit à la
liberté d'appréciation de la preuve parce que la libre
appréciation des preuves est le pendant de la liberté des moyens
de preuve. C'est aussi la
34
liberté, pour le juge, d'admettre ou de refuser une
preuve
. Le juge peut donc apprécier
librement la valeur des preuves qui lui sont soumises, rend
ses décisions selon son intime conviction.
5. Procès équitable. Le principe du
procès équitable dans le procès pénal constitue un
rempart contre tous abus de la liberté de preuve parce que
l'administration de la preuve pénale ne doit pas être fortement
axée vers la recherche à tout prix de la preuve. Pour
apprécier l'exigence du procès équitable, le juge ne doit
pas négliger l'importance de la légalité de la preuve.
Pour ce faire le juge doit prendre en compte la manière dont la preuve a
été obtenue et les circonstances dans lesquelles
l'irrégularité a été commise pouvant être
considérées comme contraires à l'exigence de
l'équité du procès pénal, comme par exemple les
preuves obtenues à la suite d'une provocation policière, en
violation du droit au silence de l'accusé ou encore au moyen d'actes de
torture. En résumé, l'efficacité de la justice ne justifie
pas l'usage des moyens non équitables. La notion de procès
équitable concerne non seulement la procédure
devant un tribunal
|
35
|
, mais encore la procédure dans son
intégralité depuis le commencement
|
(l'intervention des autorités) jusqu'au jugement final.
L'insuffisance manifeste du principe du contradictoire tant dans
l'enquête de police qu'au cours de l'instruction préparatoire ne
permet
36
pas de respecter un droit à la preuve juste et
équitable . Les droits de la défense font
intrinsèquement partie du procès équitable
et de l'égalité des armes
|
37
|
. M. Édouard Verny
|
6
souligne que « la pierre angulaire du droit à
un procès équitable est certainement l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme, interprété de
façon parfois audacieuse
38
par la Cour européenne des droits de l'homme.
»Selon Mme Dominique Karsenty, le principe du procès
équitable constitue la pierre angulaire de la Convention
européenne des
34 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 551, p. 571.
35 V. sur la notion de procès
équitable devant les Tribunaux Pénaux Internationaux : R. Adjovi
et G. Della-Morte, « La notion de procès équitable devant
les Tribunaux Pénaux Internationaux », in H. Ruiz- Fabri (dir.),
Procès équitable et enchevêtrement des espaces
normatifs, Éd. de la Société de Législation
comparée, 2003.
36 T. Didier, V. Bosc, C. Gavalda, P. Ramon,
A. Vaissière, « Les transformations de l'administration de la
preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004, n° 26, pp.
113-124, v. spec. p. 119.
37 XVIIIe Congrès International de
Droit Pénal, « Les principales transformations du système de
justice pénale en réponse à la globalisation »,
Istanbul (Turquie), 20-27 septembre 2009, V. spec. Section III sur les Mesures
procédurales spéciales et respect des droits de l'homme, point
15, p. 156.
38 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 9, p. 9.
7
3940
droits de l'homme. La notion de procès
équitablepermet au juge pénal de sanctionner certaines pratiques
dans le déroulement du procès pénal en matière de
mode de preuve. Pour
. L'expression
41
être équitable, l'institution judiciaire doit
assurer au procès certaines qualités
procès équitable a été
consacrée par l'art. 6 Conv. EDH. Malgré l'absence de principes
directeurs spécifiques à l'administration de la preuve en
matière pénale dans les articles de la Convention
européenne des droits de l'homme, il ressort de la jurisprudence des
instances européennes que le « mode de présentation des
moyens de preuve » doit revêtir un caractère
42
équitable . La Cour européenne des droits de
l'homme rappelle, dans une jurisprudence constante, que « la
recevabilité des preuves relève au premier chef des règles
du droit interne et il revient en principe aux juridictions nationales
d'apprécier les éléments recueillis par elles. La
tâche de la Cour consiste donc à rechercher si la procédure
examinée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des
moyens de preuve, revêtait un caractère
43
équitable ». En France, la Convention
européenne des droits de l'homme fait partie du droit interne
français, cependant si la Convention européenne des droits de
l'homme évoque le procès équitable dans la phase
décisoire, l'article préliminaire introduit en 2000 dans le Code
de procédure pénale français va beaucoup plus loin puisque
les principes directeurs sont
.
44
applicables à toutes les phases de la procédure
pénale y compris toute la phase préparatoire
Au Liban, le droit à un procès équitable
n'est pas enraciné dans le système pénal libanais qui
souffre de nombreuses lacunes du système empêchant la maturation
du principe fondamental
45
du droit à un procès équitable. Le
principe du contradictoiretrouve à s'appliquer en principe dès la
phase d'instruction, mais est particulièrement fort au cours de la phase
du jugement. Lors de cette phase, le contradictoire se traduit par la
possibilité pour les parties de défendre leurs
intérêts, ce qui implique leur présence, et la
possibilité de prendre la parole pour discuter des preuves. Le respect
de ce principe implique que chaque partie au procès puisse
débattre et contredire les arguments et preuves avancés par
l'autre partie. Le principe de l'oralité des
39 D. Karsenty, « Le droit au
procès équitable : Évolution récente de la
jurisprudence de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2001 de la
cour de cassation, publiée en 2002 dans le rapport annuel pour
l'année 2001.
40 Ce terme vise l'ensemble des garanties de
procédure imposées par l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme dans les matières
pénales.
41 C. Ambroise-Castérot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 204, p. 137.
42 T. Didier, V. Bosc, C. Gavalda, P. Ramon,
A. Vaissière, « Les transformations de l'administration de la
preuve pénale », op. cit., p. 121.
43 CEDH, Delta c/. France, 19/12/2009., rendu
à l'unanimité.
44 C. Ambroise-Castérot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 204, p. 137.
45 V. sur le principe du contradictoire : L.
Miniato, Le principe du contradictoire en droit processuel, L.G.D.J.,
2008.
débats renforce encore le droit à un
procès équitable, la finalité du principe de
l'oralité des débats est de rendre plus efficace la discussion
des preuves afin de permettre d'exercer pleinement les droits de la
défense et la liberté de produire toute preuve contraire. Lors
d'un procès pénal, une preuve obtenue par la torture entache
l'équité du procès.
6. L'importance de la preuve. La preuve en
matière pénale a une importance primordiale, le principe est que
le procès pénal est avant tout l'affaire de la
société et que la recherche de la
46
vérité est une affaire très
sérieuse . Soumise à l'appréciation souveraine des juges
du fond, elle permet soit de caractériser les éléments
constitutifs d'une infraction, soit, si elle n'est pas
suffisamment établie, d'entraîner la relaxe du
prévenu 47 . Le procès pénal a pour but essentiel la
découverte de l'infraction et de son auteur afin de présenter au
juge des preuves qui forgent sa conviction comme l'indique M. Édouard
Verny : « le procès pénal implique la découverte
de l'infraction et de son auteur avec le rassemblement d'éléments
suffisants pour emporter la
48
conviction du juge ». Selon M. Faustin
Hélie, le but de toutes les opérations judiciaires est
. M. François Fourment souligne que « le but
ultime
49
d'acquérir la connaissance de la vérité
50
du procès pénal est en effet de dire qui est
coupable et qui ne l'est pas ». Dans le procès pénal,
l'importance de la preuve n'est plus à dire puisque toutes les
règles de procédure n'ont
51
d'autre finalité que la recherche et l'administration
des preuves. M. Jean-Yves Chevallier souligne que « dans le domaine
répressif, la preuve tend à démontrer l'existence
d'une
infraction et à établir qui en est l'auteur
matériel et moral »
|
52
|
. Selon MM. Georges Levasseur,
|
8
Albert Chavanne et Jean Montreuil : « du début
du procès pénal jusqu'à sa fin, tous ceux qui collaborent
à la justice répressive sont obsédés par la
recherche et l'exploitation des moyens
46 M. Trevidic, « La recherche de la
preuve en droit français », in La preuve au coeur du
débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise
contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque
du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques
(a.f.d.d.).
47 H. Pelletier, Juris-Classeur
Procédure pénale, Art. 427 à 457, n° 1.
48 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 34, p.
25.
49 F. Helie, Traité de
l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction
criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de l'instruction
écrite et de la détention préalable, p. 399.
50 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 2, p.
7.
51 A. Decocq, J. Montreuil, J. Buisson, Le
droit de la police, 2e éd., Litec, Paris, 1998, n°
1372, p. 671.
52 J.-Y. Chevallier, « La preuve en
procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour
les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit
pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes
du Séminaire International organisé par l'Institut
Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse
(Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 44.
de preuve »
53
. Le juge répressif applique l'adage « pas de
preuve pas de droit », en principe «
9
54
pas de punition sans preuve ». Dans le
procès pénal, si la preuve est-elle mal ordonnée, la
sentence du juge, au lieu de la vérité, peut
décréter l'erreur ; au lieu du coupable, condamner l'innocent. La
preuve est donc considérée un thème central du
procès pénal : « le particularisme du procès
pénal se manifeste tout d'abord dans le domaine des preuves, car la
preuve revêt, en droit pénal, une importance capitale, du fait
qu'elle peut entraîner soit la
55
condamnation à une peine, soit l'acquittement ou la
relaxe de l'accusé ou du prévenu ». Mme Haritini
Matsopoulou et M. Bernard Bouloc expriment l'importance de la preuve en
matière pénale en disant que « le droit de la preuve
présente donc un particularisme certain et revêt une importance
capitale. Du début du procès pénal jusqu'à sa fin,
tous ceux qui collaborent à la justice répressive sont
obsédés par la recherche et l'exploitation des moyens de preuve.
On comprend que, dans certains pays (anglo-américains notamment), le
droit de la
56
preuve constitue une branche spéciale des sciences
criminelles. ». Un droit ne sert à rien s'il
57
ne peut pas être prouvé. Ce qui ne peut être
prouvé n'existe pas, soulignant toute
58
l'importance de la preuve dans un procès pour faire valoir
ses droits. Selon l'expression de
M. Rudolf Von Jhering, juriste allemand du 19e
siècle : « la preuve est la rançon des droits
. La preuve revêt une importance capitale, elle est bien
souvent considérée comme la clé du
59
»
60
procès pénal. En droit, « la preuve est
la clé du succès, c'est en tout cas la clé du
procès ». MM. Marcel Planiol et Georges Ripert expriment et
illustrent parfaitement l'importance de la preuve en écrivant: «
c'est la même chose de n'avoir point de droit ou de n'avoir point
de
53 G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil,
B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et
procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002,
n° 432, p. 176.
54 C.-J.-A. Mittermaier, Traité de
la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des
principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A.
Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 1.
55 G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc,
Procédure pénale, 23e éd., Dalloz,
2012, n° 27, p. 27.
56 B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit
pénal général et Procédure pénale,
18e éd., Sirey, Paris, 2011, n° 432, p. 252.
57 M. Boissavy et T. Clay, Reconstruire la
justice, Odile Jacob, coll. La 6e République, Paris,
2006, p. 69.
58 V. sur le particularisme de la
théorie de preuve : en droit libanais (en langue arabe) : D. Becheraoui,
Procédure pénale - une étude comparative, op.
cit., pp. 90 et s.; V. en droit français : J. Patarin, « Le
particularisme de la théorie des preuves en droit pénal »,
in G. Stéfani (dir), Quelques aspects de l'autonomie du droit
pénal. Études de droit criminel, Dalloz, Paris, 1956, pp.
7-76.
59 Cité par M. Boissavy et T. Clay,
Reconstruire la justice, op. cit., p. 69 et cité par
R. Legeais, Les règles de preuve en droit civil : permanences et
transformations, Thèse de droit, Poitiers, 1954, éd.
L.G.D.J., 1955, p. 3.
60 B. Pacteau, « Preuve », in
Encyclopédie Dalloz. Contentieux administratif, 1985, t. 2, p.
2.
61
preuve » . En théorie, l'absence de droit et
l'absence de preuve sont des choses différentes.
10
Elles se rejoignent néanmoins dans la pratique. Un
droit n'est rien sans la preuve de l'acte ou
62
du fait dont il dérive, la preuve vivifie le droit, elle
constitue par voie de conséquence, le
coeur de tout procès et la condition sine qua
non63 d'une bonne administration du système judiciaire.
L'absence de preuve est traditionnellement considérée comme ayant
un effet
64
déterminant sur la procédure,
révélé par la maxime latine « idem est non esse
et non probari ». Cet adage permet à M. Pierre Pactet
d'affirmer « qu'un droit ne représente pour son titulaire
d'utilité véritable que pour autant qu'il peut être
établi en justice : un droit qui ne
65
peut être prouvé est un droit pratiquement
inexistant ». Comme le rappelait encore le doyen
M. Jean Carbonnier à propos de l'adage
précité : « les droits sont comme s'ils n'existaient
pas
66
s'ils ne peuvent être prouvés ». M.
Henri Lévy-Bruhl, auteur d'ouvrages de sociologie criminelle, affirmait
: « la preuve est inséparable de la décision judiciaire
: c'en est l'âme, et
67
la sentence n'est qu'une ratification ». M.
Pierre Bouzat affirme que la preuve pénale dans le système
juridique revêt un rôle capital: « Sans preuve en effet,
pas d'imputabilité et pas
68
d'application d'une sanction ». La preuve
rapportée au procès pénal doit être l'unique base de
la sentence pénale. Pour rendre une sentence juste, le juge doit se
fonder et se baser sur des preuves contrairement à l'utilisation abusive
de la justice militaire qui historiquement prononce sa sentence arbitraire
malgré l'insuffisance ou l'absence de preuve. La diversité des
finalités et étapes des différentes phases du
procès pénal vise à rechercher des éléments
de preuve. À notre avis, la preuve est l'élément de
légalité de la sentence et la pierre angulaire de tous les
droits. La preuve donne accès aux droits devant la justice et contribue
largement à la protection des droits. Celui qui ne peut faire la preuve
d'un droit est dans la même situation
61 M. Planiol et G. Ripert, Traité
élémentaire de droit civil: conforme au programme officiel des
facultés de droit, Librairie générale de droit &
de jurisprudence, Paris, 1932, Vol. 2, p. 19.
62 D. Mougenot, Droit des obligations -
La preuve, Tiré à part du Répertoire notarial,
3e éd., Larcier, revue et mise à jour par D.
Mougenot, Bruxelles, 2002, p. 64.
63 Condition sine qua non (la
condition nécessaire) était à l'origine un terme juridique
latin signifiant « sans laquelle cela ne pourrait pas être ».
Dans plusieurs langues, telles l'italien, le français et l'anglais,
l'expression est utilisée dans tous les domaines, incluant le droit et
l'économie.
64 T. Didier et al., « Les transformations
de l'administration de la preuve pénale », op. cit., p.
3.
65 P. Pactet, Essai d'une théorie
de la preuve devant la juridiction administrative, Thèse de droit,
Éditions A. Pedone, Paris, 1952, p. 3.
66 J. Carbonnier, Droit civil - Introduction
- Thémis, 25e éd., P.U.F, Paris, 1997, pp. 308 et
s.
67 H. Lévy-Bruhl, La preuve
judicaire. Etude de sociologie juridique, Librairie Marcel Rivière
et Cie., Paris, 1964, p. 7.
68 P. Bouzat, « La loyauté dans la
recherche des preuves », in Mélanges Legros, Sirey, 1964,
p. 155.
11
69
juridique que celui qui n'a pas de droit. La preuve, au sens
large, est aujourd'hui définie comme l'établissement de la
réalité d'un fait ou de l'existence d'un acte juridique. Dans un
sens plus restreint, on peut entendre par ce terme le procédé
utilisé à cette fin. La preuve en droit consiste donc en une
démonstration destinée à convaincre le juge de la
véracité ou de la fausseté d'un fait, afin qu'il impose
à chacun la reconnaissance de ce qui lui est dû, selon
70
l'expression latine « suum cuique tribuere ».
Cette définition rejoint celle que donnait M. Jean Domat,
célèbre juriste du XVIIe siècle, pour qui la
preuve était « ce qui persuade l'esprit
71
d'une vérité ». La preuve est
nécessaire dans tous les domaines de la vie quotidienne, chacun peut
être amené à prouver ses connaissances, son amitié,
sa sincérité et une multitude d'autres choses. Mais elle acquiert
une importance particulière en droit, car elle se trouve alors au coeur
du procès où elle est notamment nécessaire à la
reconnaissance juridique d'un droit
subjectif72
|
. La preuve peut donc s'analyser comme un élément
ou un document qui établit la
|
réalité de la commission d'un fait ou d'un acte
juridique. M. Jean Pradel affirme que le droit de la preuve est l' «
ensemble des règles applicables à la constatation d'une
infraction, que
73
.
cette constatation soit relative aux faits ou à la
personnalité de la personne poursuivie »
74
7. La vérité comme objectif de la
preuve. Selon M. Romain Rolland, la vérité est en
première, ensuite vient la justice ou plus exactement, il n'y a de
justice qu'autant qu'il y a de
7576
vérité. M. Charles Pegy écrivait dans les
cahiers de la quinzaine en 1900, « dire la vérité, toute
la vérité, rien que la vérité ; dire bêtement
la vérité bête, ennuyeusement la vérité
ennuyeuse, tristement la vérité triste...Quand on manque à
la vérité, on manque forcément à
77
la justice : à vérité incomplète,
justice incomplète, c'est-à-dire injustice ». Du mot
latin
78
veritas, la vérité signifie ce qui est
vrai, Mme Valérie Lasserre-Kiesowcroit qu'il est plus
69 P. Dupont Delestraint, Droit civil: les
obligations, Dalloz, 1986, p. 84.
70 C'est-à-dire donner ou attribuer
à chacun ce qui lui revient.
71 J. Domat, Les lois civiles dans leur
ordre naturel, éd. veuve Cavelier, Paris, 1771, t. 1, p. 204.
72 M. Parquet, Introduction
générale au droit, 4e
éd., Bréal, Paris, 2007, p. 83.
73 J. Pradel, Droit pénal
comparé, 2e éd., Dalloz, Paris, 2002, p. 429.
74 V. R. Gassin, « Considération
sur le but de la procédure pénale », in Le Droit
Pénal À L'aube Du Troisième Millénaire -
Mélanges Offerts À Jean Pradel, Cujas, Paris, 2006, pp.
109-120.
75 R. Rolland, Charles Péguy,
Albin Michel, 1944, Vol. 1, p. 64.
76 Les Cahiers de la Quinzaine est une revue
bimensuelle française disparue d'inspiration dreyfusarde fondée
et dirigée par Charles Péguy.
77 C. Péguy, Lettre du provincial, in
Les Cahiers de la quinzaine, Janvier 1900.
78 V. Lasserre-Kiesow, « La
vérité en droit civil », in D., 20 Avril 2010,
n° 15, pp. 907-912.
facile pour définir la vérité de commencer
par ce qu'elle n'est pas
79
. La vérité selon Mme
Valérie Lasserre-Kiesow « s'oppose à
l'erreur, à l'illusion, à l'ignorance, à l'invention, au
mensonge, à l'imposture. La vérité est au contraire
synonyme de justesse, d'absolu, de réalité
et de conformité avec une donnée de fait
»
80
. Dans toute preuve, quelle qu'elle soit, on voit
81
poindre l'idée d'une vérité formelle ou
d'une vérité matérielle qui en serait l'objet. La
vérité
82
en justice n'a probablement qu'une valeur relative. M.
Gérard Cornu écrit : « si la vérité
est
83
l'or du Droit, le Droit est, en échange,
l'orfèvre de la vérité ». La
vérité pour M. Faustin
84
Hélie, n'est autre chose que la conformité des
idées qui représentent les faits avec les faits eux-mêmes,
et consiste, dans une instruction criminelle, dans la certitude que tel fait
existe ou
n'existe pas, que tel individu est ou n'est pas coupable
|
85
|
. Mme Gaëlle Dalbignat-Deharo dans
|
12
sa thèse intitulée «
vérité scientifique et vérité juridique
», croit que le rôle du juge est de dire le vrai en cherchant
une solution juste : « la justice est saisie pour dire le vrai,
frapper le coupable de son glaive, donner raison à l'un par la
condamnation de l'autre ; la mission du
86
.
juge est de trouver la bonne réponse à la
question qui lui est posée, « LA » solution juste
»
Selon MM. Alessandro Baratta et Ralph Hohmann, «
vérité signifie, selon une tradition qui
79 Selon M. Yves Chartier, conseiller
honoraire à la Cour de cassation française : « La place
faite à la vérité dans l'application du droit est d'autant
plus difficile à déterminer qu'il n'existe de définition
incontestable, ni de la notion même de vérité, ni de son
contenu. On conçoit donc que la loi s'abstienne de la définir,
alors même qu'elle la prend, de façon d'ailleurs exceptionnelle,
directement en considération sous des vocables divers, mais d'ambition
souvent plus modeste, comme par exemple la vraisemblance, ou l'évidence
». V. Y. Chartier, « Avant-propos (études sur le
thème de la vérité) », in Rapport annuel 2004 de
la cour de cassation, pp. 37-40, v. spec. p. 37.
80 V. Lasserre-Kiesow, « La
vérité en droit civil », in D., 20 Avril 2010,
n° 15, p. 907.
81 C.-J.-A. Mittermaier, Traité de
la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des
principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A.
Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 8.
82 E. Molina, La liberté de la
preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse
de droit, op. cit., n° 5, p. 7.
83 G. Cornu, « Rapport de
synthèse », in Des amis de la culture juridique
française- la vérité et le droit (journées
canadiennes), Travaux de l'Association Henri Capitant, Economica, 1987, t.
38, p. 11.
84 Pour M. Faustin Hélie, «
En général, la certitude d'une vérité n'acquiert
point par la démonstration de cette vérité un
caractère plus absolu ; car, après comme avant la
démonstration, il n'y avait aucun doute. Mais si la démonstration
n'ajoute rien à la certitude, elle la confirme et la rend plus
inébranlable. Il y a quelque différence entre l'esprit qui
affirme instinctivement et celui qui affirme après vérification.
Il est clair que le premier est plus réellement le maître de la
vérité qu'il a ainsi conquise que l'autre ne l'est de celle qu'il
a reçue sans examen et sans contrôle. Pourquoi les
géomètres démontrent-ils quelquefois une proposition par
elle-même évidente? c'est qu'elle gagne quelque chose à
être démontrée ; elle ne devient plus certaine, mais le
doute devient plus impossible ». V. F. Hélie,
Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code
d'instruction criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de
l'instruction écrite et de la détention préalable,
pp. 402-403.
85 F. Hélie, Traité de
l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction
criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de l'instruction
écrite et de la détention préalable, p. 399.
86 G. Deharo-Dalbignat,
Vérité judiciaire et vérité scientifique,
Thèse de droit, Université Paris I, 2002, n° 28, p.
28.
remonte à Aristote, l'adéquation entre la
pensée et l'objet de la pensée. La «juris-diction» dans
le cadre d'un procès pénal, se fonde, selon un principe qui se
retrouve dans tous les Codes de procédure pénale, sur la
recherche de la vérité. Rechercher le vrai est une
nécessité qui s'exprime à trois niveaux: constatation des
faits, appréciation des preuves et fixation de la peine. La
manifestation de la vérité apparaît ainsi comme un objectif
central du procès pénal.
87
Du moins en théorie ». De tout temps, la
quête de la preuve a constitué un objectif
privilégié
. La preuve ne porte pas
88
pour ceux qui ont en charge la responsabilité de la paix
sociale
directement sur l'existence des droits, mais sur l'existence des
faits ou des actes de volonté
89
qui donnent naissance aux droits ou aux obligations. La preuve
juridique est une preuve judiciaire et se situe au carrefour des règles
de fond du droit et des règles de procédure. La
90
preuve est donc ce qui sert à établir qu'une
chose est vraie. M. Michel Van De Kerchove pose la question « la
manifestation de la vérité apparaît-elle comme un objectif
central, voire
exclusif, du procès pénal? »
|
91
|
. M. Jeremy Bentham estimait que « le
juge, le plus sensible et le
|
13
plus humain, ne doit être ni l'ami ni l'ennemi du
prévenu : il n'est que l'ami de la vérité et des
92
lois. Il ne cherche ni un innocent ni un coupable. Il veut
trouver ce qui est ». Pour M. Faustin
93
Hélie la procédure pénale n'a qu'un but, la
recherche de la vérité. L'objectif poursuivi par la
est d'aboutir à un degré raisonnable de certitude
eu égard aux faits et à la
94
procédure pénale
87 A. Baratta et R. Hohmann, «
Vérité procédurale ou vérité substantielle
», in Déviance et Société, Genève,
2000, Vol. 24, n° 1, pp. 91-93. A. Baratta et R. Hohmann ajoutent encore
que « la nouvelle parole magique dans le champ du procès
pénal est «communication». On ne débat pas sur la
vérité, on la négocie. La discussion publique et
contradictoire sur ce qui s'est «vraiment» passé, laisse la
place à un compromis savamment élaboré ».
88 F. Falletti, « L'apport de la police
scientifique dans l'enquête et le procès pénal », in
R.I.C.P., Genève, 2001, vol. 54, n° 2 (Avril - Juin), pp.
145-151, v. spec. p. 146.
89 R. Houin, « Le progrès de la
science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Janvier-mars
1953, vol. 5, n° 1, pp. 69-75.
90 I. de Lamberterie, «
Préconstitution des preuves, présomptions et fictions », in
Sécurité juridique et sécurité technique :
indépendance ou métissage, Conférence
organisée par le Programme international de coopération
scientifique (CRDP /CECOJI), Montréal, 30 septembre 2003, p. 3.
91 M. Van De Kerchove, « La
vérité judiciaire: quelle vérité, rien que la
vérité, toute la vérité? », in
Déviance et société, Genève, 2000, Vol.
24, n° 1, pp. 95-101, v. spec. pp. 97-98.
92 J. Bentham, Traité des preuves
judiciaires, Traduit par P.-E.-L. Dumont, 3e éd.,
Société Belge de librairie. Hauman & Cie, Bruxelles, 1840, t.
2, p. 366.
93 V. F. Hélie, Traité de
l'instruction criminelle, Charles Hingray Librairie Editeur, Paris, 1858,
vol. 8, p. 231 : « Quel est le but de la procédure, le but de
toute ses précautions et de toutes ses formalités? C'est la
recherche de la vérité ».
94 V. Objet de la procédure
pénale (en langue arabe) : H. Madi, procédure
pénale, 2e éd., Sader Publisher, Beyrouth, 2002,
pp. 13 et s.
personne qu'on juge, ce qui passe par un recueil et un examen de
preuves pénales
95
. À l'instar
14
des autres disciplines du droit processuel, la preuve est au
coeur du procès pénal dont l'objectif
9697
premier consiste dans la découverte de la
vérité. Le droit tend à la recherche de la
vérité, prouvée et démontrée, mais il
n'exclut pas la possibilité quand cela est nécessaire d'une
vérité
98
construite. L'objet de la preuve est la recherche de la
vérité. Mais la preuve juridique se distingue des preuves
scientifiques ou historiques en ce que ces dernières laissent une
possibilité de ne pas conclure, alors qu'en droit la
vérité doit obligatoirement être établie. M. Jean
Domat affirme qu'il y a cela de commun à toutes les différentes
sortes de vérités et que la
99
vérité n'est autre chose que ce qui est. Pour
connaître une vérité, M. Jean Domat croit que «
c'est simplement savoir si une chose est ou n'est pas, si elle est telle qu'on
dit, ou si elle est différente. En plus, les preuves qui conduisent
à la connaissance des vérités dans les faits, sont bien
différentes de celles qui établissent les vérités
qu'on enseigne dans les sciences parce que dans les sciences toutes les
vérités qu'on peut y connaître ont leur nature fixe et
immuable, et sont toujours les mêmes nécessairement, et
indépendamment du fait des hommes, et de toute sorte de changement.
Ainsi, les preuves de ces vérité se tirent de leur nature
même; et on les connaît, ou par leur propre évidence, si ce
sont des premiers principes, et des vérités claires par
elles-mêmes; ou si elles dépendent d'autres vérités,
leurs preuves consistent dans l'enchaînement qui les lie entre elles, et
qui les fait connaître les unes par les autres. Mais dans les faits qui
peuvent arriver ou n'arriver point, comme dépendants de causes dont les
effets sont incertains, ce n'est pas par des principes sûrs et immuables,
d'où dépendit ce qui est arrivé, qu'on peut le
connaître. C'est pourquoi il faut venir à des preuves
100
. M.
d'une autre nature et c'est par d'autres voies qu'il faut
découvrir toute sorte de vérité »
Édouard-Louis-joseph Bonnier écrit : «
Nous découvrons la vérité, lorsqu'il y a conformité
entre nos idées et les faits de l'ordre physique ou de l'ordre moral que
nous désirons
95 M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 226, p. 237 : « L'objectif poursuivi par la
procédure pénale est d'aboutir à un degré
raisonnable de conviction eu égard aux faits et à la personne
qu'on juge. Il passe par un recueil et un examen de preuves pénales.
».
96 P. Bonfils et E. Verges, Travaux
dirigés de droit pénal et de procédure pénale,
1er éd., Litec, 2004, Thème 18.
97 V. sur la vérité : G. Cornu,
L'art du droit en quête de sagesse, P.U.F., Paris, 1998.
98 I. de Lamberterie, «
Préconstitution des preuves, présomptions et fictions », in
Sécurité juridique et sécurité technique :
indépendance ou métissage, Conférence
organisée par le Programme international de coopération
scientifique (CRDP /CECOJI), Montréal, 30 septembre 2003, p. 1.
99 J. Domat, Les lois civiles dans leur
ordre naturel, Première édition In-octavo, Revue,
corrigée et augmentée Par M. Carre, Chez Erasme Kleffer
éditeur, Paris, 1823, titre 2, De la séparation des biens du
défunt, et de ceux de l'héritier entre leurs
créanciers, t. 4, pp. 148-149.
100 J. Domat, Les lois civiles dans leur
ordre naturel, titre 2, De la séparation des biens du
défunt, et de ceux de l'héritier entre leurs créanciers,
t. 4, op. cit., pp. 148-149.
connaitre. Prouver, c'est établir l'existence de cette
conformité. Les preuves sont les divers
101
moyens par lesquels l'intelligence arrive à la
découverte de la vérité »
. La vérité
scientifique entretient avec la vérité
judiciaire des relations profondes et complexes au point qu'est souvent
dénoncé le risque d'une démission du juge au profit de
l'ingénieur. Les certitudes scientifiques paraissent susceptibles de
jouer un rôle déterminant sur l'activité juridictionnelle
en imposant une certitude indiscutable au juge ; pourtant, les
complexités de la
102
.
notion de vérité judiciaire ne se satisfont pas de
la seule connaissance d'une vérité
8. Problèmes de preuve à partir des
questions posées. Pour que la loi pénale puisse être
appliquée, il faut que l'infraction soit constatée et que la
culpabilité du prévenu soit reconnue. L'autorité doit donc
rechercher les crimes, les délits et les contraventions, en rassembler
les preuves, s'assurer, s'il y a lieu, de la personne des inculpés et
les livrer aux tribunaux chargés
. Le procès pénal comprend trois phases principales
et distinctes il débute par
104
l'exercice d'une action; il se poursuit par une instruction; il
se termine par un jugement
103
de les punir
. En
effet, «tout procès pénal est
dominé par le problème de la preuve. Il en est ainsi depuis la
plus
haute antiquité »
|
105
|
. Toute étude concernant la preuve et le droit
de preuve pose trois
|
questions essentielles liées au problème de la
preuve pénale : qui doit prouver, que doit-on prouver et comment prouver
? Qui, comment, jusqu'à quand et pourquoi faire sont autant de
questions qui sont appliquées au sujet de la recherche
de la preuve
|
106
|
. Mme Michèle-Laure
|
15
Rassat a exposé cette idée: tout problème
de preuve, quel que soit le cadre juridictionnel dans lequel il se situe, pose
inévitablement trois questions : qui doit prouver? Comment doit-on
prouver? Jusqu'où doit-on apporter la preuve de ce qu'on affirme?
À ces trois questions du droit processuel des preuves, la
procédure pénale apporte trois réponses sous la forme de
trois
107
principes. À la question «qui doit prouver?
» la procédure pénale répond par le principe de
la présomption d'innocence. La personne pénalement poursuivie
doit être présumée innocente
101 É.-L.-J. Bonnier, Traité
des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd.,
Plon, 1873, n° 1.
102 G. Dalbignat-Deharo,
Vérité scientifique et vérité judiciaire en
droit privé, Thèse de droit, op. cit., v. spec le
résume ; V. G. Dalbignat-Deharo, Vérité scientifique
et vérité judiciaire en droit privé, L.G.D.J., 2004,
préface de L. Cadiet.
103 R. Garraud, Précis de droit
criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, p. 537.
104 R. Garraud, Précis de droit
criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, n° 291, p.
538.
105 G. Levasseur et A. Chavanne, Droit
Pénal et Procédure Pénale, éd. Sirey, Paris,
1963, p. 90.
106 M. Trevidic, « La recherche de la
preuve en droit français », in La preuve au coeur du
débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise
contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque
du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques
(a.f.d.d.).
107 M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 226, p. 237.
16
jusqu'au moment où elle sera effectivement
déclarée coupable. Par conséquent, il appartient aux
autres acteurs du procès pénal d'apporter la preuve de la
culpabilité d'une personne mise
108
en cause. À la question « comment doit-on
prouver? », la procédure pénale répond par le
principe de la liberté de la preuve. Les modes de preuve admissibles ne
sont pas limités. Tout élément de preuve est donc
susceptible d'être utilisé, quelle que soit sa consistance.
À la question « jusqu'où doit-on prouver? »,
la procédure pénale répond par le principe de l'intime
conviction du juge. Il n'existe ni reine des preuves, ni preuve absolue : les
magistrats se déterminent en fonction de l'effet qu'a produit, sur leur
intime conviction, la balance des
109
.
moyens de preuves
9. Les modèles de procédure pénale.
Le procès pénal est considéré comme le trait
d'union entre l'infraction qui a été commise et la
réaction de la société contre cette infraction. On
et le
110
distingue traditionnellement deux modèles de
procédure : le système accusatoire
111
système inquisitoire . Deux grands systèmes
procéduraux se sont succédé, au long de
108 M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 230, p. 241.
109 M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 230, p. 241.
110 V. J. Leroy, Procédure
pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 17,
p. 16 : La procédure accusatoire : « C'est le système le
plus fréquent de la période féodale. L'exercice de
l'action publique est attribué directement à la partie
lésée elle-même ou, si elle décédée,
à son lignage. Le procès criminel n'est qu'un débat entre
la victime et le coupable. La victime allègue l'infraction, offre la
preuve et réclame le châtiment ».
111 V. D. Bonnaire, Le modèle
accusatoire et l'instruction préparatoire, mémoire de
D.E.A., Université de Limoges, 2001 ; J.-F. Burgelin, « Evolution
de la procédure pénale française de l'inquisitoire vers
l'accusatoire », in Gaz.Pal., 19 février 2005, n° 1,
doctr. pp. 206-207 ; J-F. Burgelin, « Un faux problème :
accusatoire contre inquisitoire », in Regards sur
l'actualité, n° 300, La Documentation française, Paris,
avril 2004, pp. 49-55 ; F. Casorla, « Inquisitoire-accusatoire : un
écroulement des dogmes en procédure pénale? Le cas
français. L'approche du magistrat », in R.I.D.P., 1997,
pp. 83-101 ; F. Esquerre, Les procédures accusatoire et
inquisitoire, Mémoire de D.E.A., Université Paris 2, 1997 ;
J.-P. Ghenassia, « Inquisitoire-accusatoire : un écroulement des
dogmes en procédure pénale? Le cas français. L'approche du
policier », in R.I.D.P., 1997, pp. 103-110 ; J. Luc, « De la
procédure inquisitoire à la procédure accusatoire ou la
réforme de la mise en état des affaires pénales de Madame
Guigou », in Gaz.Pal, 22 octobre 1998, p. 2 ; J. Lamarque, «
Le procès du procès », in Études offertes
à Jean-Marie Auby, Dalloz, Paris, 1992, pp. 149-180 ; J. De
Maillard(Dir), « Défense et illustration de la procédure
inquisitoire », in Justice et politique : l'impossible cohabitation
?, Arléa, Collection Panoramiques, n° 63, Paris, 2003, pp.
118-123; J. De Maillard (Dir), « Du système accusatoire au
système inquisitoire. L'aveu » in Justice et politique :
l'impossible cohabitation?, Arlea collection Panoramiques, n° 63,
Paris, 2003, pp. 124-132 ; H. Mariotte, Le principe inquisitoire, son
évolution dans le droit français (essai d'introduction aux
projets de réforme du Code d'instruction criminelle), Thèse
de droit, Société française d'imprimerie et de librairie,
Paris, 1902; M. Porret, « Mise en images de la procédure
inquisitoire », in F. Chauvaud, S. Vernois (dir.), La Justice en
images, Sociétés & Représentations, octobre 2004,
n° 18, , pp. 39-62; J. Pradel, « Défense du système
inquisitoire », in Regards sur l'actualité, avril 2004,
n° 300, Editeur : La documentation française, pp. 57-62 ; J-L.
Sauron, « Les vertus de l'inquisitoire ou l'État au service des
droits », in Pouvoirs, revue Française d'études
constitutionnel et politique, 1990, n° 55, pp. 53-64; D.
Soulez-Larivière, « Les nécessités de l'accusatoire
», in Pouvoirs, revue Française d'études constitutionnel
et politique, n° 55, 1990, pp. 65-79 ; G. Champy, «
Inquisitoire-accusatoire devant les juridictions pénales internationales
», in R.I.D.P., 1997, Vol. 68, n° 1-2, Association
internationale de droit pénal, Erès, pp. 149-193 ; J. Pradel,
« Inquisitoire-
17
112
l'histoire, dans les divers pays d'Europe : le système
accusatoire et le système inquisitoire . Il faut rappeler que les
modèles de procédure pénale ont une influence remarquable
sur l'administration de la preuve pénale et donc sur la
légalité de cette preuve, parce que la légalité de
la preuve est en relation directe avec les principes qui caractérisent
les modèles de
procédure pénale. La procédure
pénale est dite accusatoire 113 lorsqu'elle est déclenchée
par
114
une accusation. Les caractères principaux de la
procédure accusatoire sont l'oralité, le
contradictoire et la publicité. Dès lors,
s'affrontent celui qui accuse (la victime de l'infraction par exemple) et qui a
saisi la justice, et la personne accusée, désignée comme
étant l'auteur ou
115
.
le complice de l'infraction parce que cette procédure est
orale, publique et contradictoire
Traditionnellement, la procédure accusatoire est un
système de justice qui apparaît protectrice des droits de la
personne poursuivie, c'est un système qui présente trois
caractères essentiels : il se repose sur une procédure publique,
orale et contradictoire. Le système accusatoire présente
toutefois des inconvénients notamment en ce que l'enquête à
charge repose sur la victime accusatrice ; le manque de moyens pourrait la
dissuader de poursuivre l'auteur de l'infraction, conférant une certaine
immunité de fait aux délinquants. À l'opposé de
ce
système, la procédure est dite
inquisitoire116 lorsqu'elle repose sur une formalité initiale
dont
Accusatoire: une redoutable complexité », in
R.I.D.P., Toulouse, 1997, Vol. 68, n° 1-2, Association
internationale de droit pénal, Erès, pp. 213-229.
112 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel: problèmes généraux de la
législation criminelle, droit pénal général,
procédure pénale, Éditions Cujas, 1967, p. 58.
113 V. E. Chedieu, « La commission de
réforme du code d'instruction criminelle en France », in Revue
de droit international et de législation comparée, 1870,
vol. 2, t. 2, pp. 441-451, v. spec. p. 442 : « Jusqu'au XIIe
siècle, le système accusatoire a été seul
pratiqué; à partir du règne de Saint-Louis commence la
procédure inquisitoriale ».
114 M. Delmas-Marty, « La phase
préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment
réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009,
n° 34, pp. 2 et s : Procédure accusatoire (dite de
Common Law) : « l'enquête est menée par chaque partie
(l'accusation - à l'origine privée, mais le plus souvent
représentée par la police ou le procureur- et la défense)
; tandis que le juge, cantonné au rôle d'arbitre,
n'apparaît, pour l'essentiel, qu'à la phase de jugement. La phase
préparatoire peut cependant comporter des actes coercitifs, y compris la
détention provisoire de l'accusé, qui doivent alors être
autorisés par un juge ; mais cette phase est courte, aucun dossier
n'étant transmis à la juridiction de jugement qui doit rechercher
elle-même les preuves au cours de l'audience. C'est pourquoi la phase de
jugement est en principe longue et complexe ; en pratique elle est toutefois
simplifiée, dans la majorité des cas, par le « plaider
coupable » (guilty plea) qui évite de rechercher les
preuves de culpabilité. D'où la pratique pour l'accusation de
négocier avec la défense en promettant, en échange du
« plaider coupable », de renoncer à une partie des charges ou
de demander une peine moins sévère que le tarif légal
(plea bargaining ».
115 H. Madi, procédure
pénale, op. cit., p. 15.
116 M. Delmas-Marty, « La phase
préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment
réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009,
n° 34, pp. 2 et s : Procédure inquisitoire (tradition dite
continentale): « l'enquête est menée par une
autorité publique (traditionnellement un juge d'instruction) qui joue un
rôle actif pour réunir les éléments à charge
et à décharge et décider des mesures coercitives, puis du
renvoi en jugement. Le dossier ainsi établi est transmis à la
juridiction de jugement au sein de laquelle les juges jouent également
un rôle actif à l'audience, notamment dans l'interrogatoire de
l'accusé et des témoins. La phase préparatoire est
18
dépend le déroulement du procès et sa
solution : l'inquisitio ou l'enquête. Cette enquête est
confiée à un magistrat spécialisé qui mène
l'instruction de manière écrite et secrète. Cette
procédure n'est pas contradictoire. Le juge n'est plus un simple arbitre
mais un acteur de la procédure, celui qui met tout en oeuvre pour
parvenir à la manifestation de la vérité. L'esprit du
système inquisitorial est celui-ci : ni accusateur, ni accusé,
mais une personne soupçonnée; le juge se mettant en
enquête, cherchant, interrogeant, couchant par écrit ses
procès verbaux; nul débat contradictoire; secret pour le public,
pour les témoins, pour la personne poursuivie, à l'égard
de laquelle on commence par la capture. Cette procédure est connue sous
le nom de l'information « probablement, disait avec ironie la premier
président de Thou, parce que la preuve qu'on en tire est une preuve sans
forme, sur laquelle on ne peut asseoir un bon
117
jugement ».
10. Distinction accusatoire et inquisitoire. Le
célèbre pénaliste M. Henri Donnedieu de
118
Vabres définissait la procédure accusatoire
comme « ramenant le procès pénal à un duel entre
deux parties privées : la personne lésée par le
délit, qui est demanderesse, et l'auteur de l'infraction, qui joue le
rôle de défendeur. Les deux parties font valoir leurs
prétentions
librement, oralement, publiquement, devant le juge »
119 . Selon M. René Garraud, le système accusatoire a deux
caractères principaux. Il correspond à la notion
élémentaire du procès pénal qui n'est, tout
d'abord, qu'un combat simulé entre deux adversaires, combat auquel le
juge met fin en donnant tort à l'un ou à l'autre. Il implique, au
début, la confusion des deux procédures, pénale et civile,
lesquelles, engagées l'une et l'autre par action privée, se
déroulent primitivement, dans les mêmes formes, devant les
mêmes juges et tendent à obtenir
120
les mêmes satisfactions . Le système dit
accusatoire ramène le procès pénal, fort proche du
procès civil, à un duel entre la victime et l'auteur de
l'infraction, en présence d'un juge simple
souvent longue, entraînant de longues
détentions provisoires, en revanche la phase de jugement est
généralement plus courte que dans la procédure
accusatoire, car il s'agit seulement de compléter le dossier
déjà établi ».
117 E. Chedieu, « La commission de
réforme du code d'instruction criminelle en France », in Revue
de droit international et de législation comparée, 1870,
vol. 2, t. 2, pp. 441-451, v. spec. p. 442.
118 V. les auteurs libanais sur le
système accusatoire (en langue arabe) : M. Awji, Leçons de
procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques
Halabi, Beyrouth, 2002, pp. 33 et s.; D. Becheraoui, Procédure
pénale - une étude comparative, 1er éd.,
Sader Éditeurs, Beyrouth, 2003, pp. 40 et s.; P. Nasr, Les principes
des procès pénaux. Étude comparative et
d'analyse, 1999, op. cit., p. 11 ; A. Nakkib,
Procédure pénale (étude comparative), 1993,
Beyrouth, pp. 38 et s ; S. Alye et H. Alye, La théorie
générale la procédure pénale et les
caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire
d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 180.
119 H. Donnedieu De Vabres, Traité
élémentaire de droit criminel et de législation
comparée, 3e éd., Librairie Sirey, Paris, 1947,
n° 1027, p. 577.
120 R. Garraud, Traité
théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure
Pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 8, p.
11.
arbitre passif. Il assure ainsi une complète
égalité entre l'accusation et la défense, si bien qu'il
121
est le plus protecteur des droits de l'accusé
. Ce type de système a donné son nom à la
procédure accusatoire parce que l'État, la
Cité en tout cas, exige que les poursuites pénales
122
soient déclenchées par un accusateur et
uniquement par un accusateur . La procédure accusatoire étant
sous le contrôle du peuple devant lequel l'accusé répond de
ce qui est reproché, il était naturel que les juridictions
chargées de le juger soient composées de juges non
professionnels, élus ou tirés ou sort. C'est le
cas des jurés de la Cour d'assises en
123
France . C'est une procédure qui présente un
caractère public (non secrète), oral et
124 125
contradictoire . Dans le système Inquisitoire , le juge
peut se saisir lui-même et la société est
représentée, pendant le procès, par le ministère
public. La procédure est écrite, secrète, à
l'égard du public comme du suspect, si bien qu'elle est non
contradictoire et divisée en
plusieurs phases, au cours desquelles le juge recherche
activement les preuves 126 . Le système
de procédure dit inquisitoire 127 est plus
scientifique et plus complexe 128 . La procédure inquisitoire prend son
nom de la formalité préliminaire qui va influencer tout le
processus
129
ultérieur . Le système inquisitoire est
basé sur la procédure de l'enquête préalable
(inquisitio) qui place les intérêts de la
société au-dessus des intérêts individuels
|
130
|
. L'examen
|
19
du juge n'est pas limité aux preuves produites devant
lui, ce système donne au juge le pouvoir de diriger l'instance parce que
le juge procède d'office et suivant certaines règles à
121 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 22, p. 12.
122 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 22, p. 38.
123 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 25, p. 39.
124 V. sur l'application du modèle
accusatoire : S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale,
9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 23, p. 38 :
« Une procédure publique, orale et contradictoire.
».
125 V. en droit libanais : P. Nasr, Les
principes des procès pénaux. Étude comparative et
d'analyse, op. cit., p.12.
126 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 23, p. 13.
127 V. les auteurs libanais sur le
système inquisitoire (en langue arabe) : M. Awji, Leçons de
procédure pénale, 1er éd., Halabi Law Publisher,
Beyrouth, 2002, pp. 36 et s.; D. Becheraoui, Procédure pénale
- une étude comparative, 1er éd., Sader Editeurs,
Beyrouth, 2003, pp. 44 et s ; P. Nasr, Les principes des procès
pénaux. Étude comparative et d'analyse, 1999, p. 12
; A. Nakkib, Procédure pénale (étude
comparative), 1993, Beyrouth, pp. 40 et s.; S. Alye et H. Alye, La
théorie générale la procédure pénale et les
caractéristiques de la nouvelle loi 2001, op. cit., p. 181.
128 R. Garraud, Traité
théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure
Pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 14, p.
16.
129 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 32, p. 43.
130 M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset,
Manuel de procédure pénale, 3e éd.,
Larcier, Bruxelles, 2009, p. 22.
.
.
l'instruction (écrite et secrète)
c'est-à-dire à toute recherches de preuves admises par la
loi131
132
Le secret « dans le système inquisitoire »
est destiné à renforcer son poids et son efficacité
En ce qui concerne les pouvoirs du juge dans le système inquisitoire, ce
dernier joue un rôle actif, tant dans la recherche des preuves que dans
leur appréciation. Il a l'obligation d'utiliser tous les moyens
d'investigations que la loi lui fournit pour instruire à charge comme
à
décharge et dispose de pouvoirs importants en
matière d'appréciation des preuves
|
133
|
. Dans le
|
20
système inquisitoire, la vérité demande
confirmation, et dans le système accusatoire,
élaboration 134 . La différence entre
les deux procédures réside essentiellement dans le régime
des preuves. Dans le système accusatoire, la preuve est le fardeau de la
partie lésée. Dans le
135
.
système inquisitoire, elle sera le fruit de
l'investigation qui est faite ou dirigée par le juge
11. Les conséquences des tendances accusatoires ou
inquisitoires sur la preuve. Le choix entre système accusatoire et
système inquisitoire se traduit dans le processus de recherche des
preuves. Leurs différences résultent surtout de l'office du juge
et, par conséquent, du rôle respectif des parties dans ces deux
instances. L'administration de la preuve fait toujours l'objet de règles
précises qui diffèrent selon le choix de système de la
procédure. Dans une procédure pénale de type accusatoire,
la direction du procès et la charge de la preuve
131 R. Garraud, Traité
théorique et pratique d'instruction criminelle et de procédure
pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 17, p.
17.
132 V. D. Soulez Larivière,
Justice pour la Justice, Éditions du Seuil, Paris, 1990, pp. 95-110
: « Dans le système inquisitoire, l'information du public est
monopolisée par l'accusation, et la manipulation du secret est
destinée à renforcer son poids et son efficacité. Ce
secret est aujourd'hui impossible à tenir pour des raisons techniques et
démocratiques. Ce que les multiples commissions de réforme n'ont
jamais voulu voir, tant elles sont engluées dans le bain culturel
inquisitorial, c'est que le secret de l'instruction recouvre deux marchandises
différentes : la juridiction et l'investigation. Voilà l'essence
même du système inquisitoire. Le juge d'instruction, parce qu'il
est juge, décide des mises en détention, des inculpations, des
renvois devant le tribunal ou la cour. C'est sa fonction juridictionnelle. Mais
il procède aussi à des enquêtes, lui-même ou avec
l'aide des policiers, il entend ou fait entendre des témoins, il
procède à la reconstitution des faits. Il ordonne des expertises.
C'est sa fonction d'investigation. Dans un État démocratique, la
juridiction est publique, et c'est en cela que le système inquisitoire
est antidémocratique. Mais pour les investigations, même dans les
pays les plus démocratiques, la règle technique est celle du
secret, car on ne chasse pas avec un tambour. La raison pour laquelle la
discussion sur le secret de l'instruction est vaine, c'est que les têtes
pensantes des réformes ne peuvent aborder cette contradiction
essentielle mettant en cause la logique même du système
inquisitoire qui réunit dans les mains d'un juge d'instruction des
fonctions qui ne peuvent être soumises au même régime de
publicité et de secret ».
133 Y. Schuliarp, La coordination
scientifique dans les investigations criminelles. Proposition d'organisation,
aspects éthiques ou de la nécessité d'un nouveau
métier, Thèse de Science Forensique, Université paris
Descartes thèse en cotutelle avec l'université de Lausanne
(Swiss), 2009, p. 33.
134 Y. Schuliarp, La coordination
scientifique dans les investigations criminelles. Proposition d'organisation,
aspects éthiques ou de la nécessité d'un nouveau
métier, Thèse de Science Forensique, Université paris
Descartes thèse en cotutelle avec l'université de Lausanne
(Swiss), 2009, p. 89.
135 A. Mellor, La torture: son histoire,
son abolition, sa réapparition au XXe siècle, Éditeur
: Les Horizons littéraires, Paris, 1949, Préface du colonel
Rémy, p. 72.
appartiennent aux parties. Le rôle essentiel est donc sur
l'épaule des parties. Dans une procédure inquisitoire, la
direction du procès et la charge de la preuve appartiennent au juge.
Dans la procédure accusatoire, ce sont les parties qui saisissent le
juge conformément à
136
l'ancien adage du droit Germanique « sans plaignant, pas
de juge »
. Au sein du système
21
accusatoire, le procès est la chose des parties qui
prennent l'initiative de préparer leur dossier en en rassemblant les
éléments de preuve. Les parties doivent fournir les preuves de
leurs prétentions et le juge doit uniquement apprécier leur
pertinence. Il ne peut en rechercher lui même de nouvelles, ni les
compléter. Avec le triomphe de la procédure inquisitoire sur la
procédure accusatoire propre à l'Ancien Régime, la France
est passée du système des preuves légales à celui
de la liberté de la preuve. Dans le système inquisitoire, le juge
a un rôle très actif surtout dans la recherche de preuves, plus
particulièrement dans la recherche de la vérité. C'est une
procédure basée sur l'enquête dans la recherche de la
preuve parce que l'accusation est confiée à des fonctionnaires de
l'État qui veulent défendre les intérêts de la
société. L'enquête repose sur des interrogatoires, ceux des
témoins et ceux des suspects, en plus chaque interrogatoire peut donner
lieu ensuite à des vérifications par des contre-interrogatoires,
tous les actes de recherche de preuve sont menés par un juge dans le
plus
grand secret et sont consignés par écrit 137 .
Il s'agit des magistrats qui vont intervenir en tant que parties. La loi va
donner au juge pénal des prérogatives importantes en
matière d'administration de la preuve, le juge procède à
ordonne toute mesure d'investigation et d'instruction nécessaire
à la manifestation de la vérité. Des parallèles
saisissants peuvent toujours être opérés entre le
régime de la preuve et l'état de la société,
à un moment donné. L'historien M. Bruno Lemesle croit que le
système de preuve est toujours une construction
intellectuelle élaborée à un moment
donné de l'évolution d'une société 138 . Selon M.
Max
139
Weber
|
, c'est avant tout le droit formellement
réglementé de la preuve qui est à l'origine du
|
formalisme juridique dans le procès. La preuve
s'apparente donc moins à la découverte objective d'un objet
préconstitué, matériel ou immatériel, qu'à
une élaboration subjective de critères selon lesquels elle
devient acceptable pour traduire la vérité judiciaire. La
preuve
136 B. Rolland, Procédure
civile, 2e éd., Éditeur : Studyrama - Vocatis,
coll. Panorama du Droit, 2005, p. 75.
137 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 37, p. 45.
138 B. Lemesle (Dir), « La preuve en
Justice de l'Antiquité à nos jours », in La preuve en
justice de l'Antiquité à nos jours, P.U.R., 2003, p. 10.
139 Max Weber (1864-1920), juriste de
formation puis sociologue et économiste, est considéré
comme le fondateur de la sociologie compréhensive. Voir Sociologie du
droit, Cet ouvrage, traduit de l'allemand et introduit par Jacques Grosclaude,
préfacé par Philippe Raynaud Editeur : P.U.F., 2007 ; Voir encore
J.-P. Heurtin et N. Molfessis (Dir), La sociologie du droit de Max
Weber, Dalloz-Sirey, Paris, 2006; V. encore P. Bouretz, « La preuve,
rationalisation et désenchantement : autour de Max Weber »,
In Droits, 1996, n° 23, pp. 99-106.
22
informe sur les régimes de vérité qu'une
société se donne à un moment de son histoire. Cela
signifie encore plus profondément qu'elle est un instrument
subordonné, un objet construit et modelé par les juristes suivant
les rationalités successives de chaque époque, suivant la
façon répond chacune d'entre elles, en fonction des valeurs
privilégiées par le groupe, à la question du rôle du
juge dans la recherche de la vérité ainsi qu'à la question
de la relation entre le droit et le fait de société. On peut
ainsi dénouer le fil d'une évolution de la rationalité
juridique et de la société, depuis la preuve irrationnelle
magique ou religieuse de l'Antiquité jusqu'à la
140
.
preuve formelle dont Max Weber disait qu'elle était
à l'origine de la rationalité moderne
12. La naissance progressive d'un système mixte
141 . Chacun des deux types de systèmes de procédure a ses
qualités et ses défauts ; aucun ne contient en lui-même les
garanties nécessaires à l'administration de la justice
criminelle. Aussi, le progrès dans la voie de la civilisation juridique,
consiste à emprunter à chacun de ces types de procédure
leurs meilleurs éléments et à organiser un type mixte dont
une partie de la procédure est empruntée au système
inquisitoire et dont l'autre reprend toutes les garanties et toutes les
qualités du
142
système accusatoire . M. Faustin Hélie disait sur
la naissance du système de procédure
143
mixte : « pourquoi ne pas emprunter à chacun
de nos deux systèmes ses mesures les plus salutaires, ses formes les
plus utiles? ... Enfin, pourquoi ne pas coordonner leurs règles
différentes en ne demandant à chacune d'elles que la puissance
qu'elle possède et en la renfermant dans ses limites essentielles? On
voit qu'il s'agit d'établir une procédure mixte
144
». Selon MM. Merle et Vitu, on
appelle mixte une procédure qui combine, en des
140 E. Jouannet, « La preuve comme
reflet des évolutions majeures de la société
internationale », in J.-M. Sorel et H. Ruiz Fabri, La preuve
devant les juridictions internationales, Pedone, Coll. Contentieux
international, Paris, 2007, p. 239.
141 M. Delmas-Marty, « La phase
préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment
réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009,
n° 34, pp. 2 et s.: Procédure mixte : « au fil
des réformes, des combinaisons fort diverses ont tenté de
corriger les défauts de chaque modèle. L'idée
générale étant que les pays de tradition accusatoire ont
renforcé, à la phase préparatoire, le rôle du juge
afin de vérifier la régularité de la procédure et
de décider du renvoi en jugement ; tandis que les pays de tradition
inquisitoire ont introduit des éléments de contradiction à
la phase préparatoire, en admettant un avocat dans le cabinet du juge
d'instruction et parfois en supprimant l'institution elle-même pour
créer, sous des noms divers, un juge arbitre entre l'accusation
(parquet) et la défense ».
142 R. Garraud, Traité
théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure
pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 21,
pp. 20-21.
143 V. sur le système mixte en langue
arabe : P. Nasr, Les principes des procès pénaux.
Étude comparative et d'analyse, 1999, p. 13 ; A. Nakkib,
Procédure pénale (étude comparative), op.
cit., pp. 43 ; D. Becheraoui, Procédure pénale - une
étude comparative, op. cit., pp. 47et s.
144 F. Hélie, Traité de
l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction
criminelle, Charles Hingray Libraire-Editeur, Paris, 1853, Vol. 5 De
l'instruction écrite et de la détention préalable,
pp. 52-53.
proportions variables, les traits des deux types
procéduraux (accusatoire et inquisitoire)145
.
23
146
Dans le système mixte
|
, on applique le sy
|
stème inquisitoire pendant toute la phase du
procès
|
pénal qui précède l'audience de jugement,
cependant on applique le système accusatoire lors
147
de l'audience dans la phase de jugement.
13. Contradiction du système mixte. Le
problème du système pénal libanais et français
réside principalement dans la procédure mixte adoptée,
phase d'instruction préparatoire sur la base d'une procédure
inquisitoire écrite, secrète et non contradictoire et phase de
jugement apparaîssant plutôt accusatoire du fait de son
caractère public, oral et contradictoire. M. Faustin Hélie
résume la contradiction qui réside au niveau de la preuve dans le
système de procédure mixte en écrivant : « il
faut remarquer, d'abord, que si la procédure criminelle est indivisible
en ce sens que tous ses actes tendent à un même résultat,
se lient les uns les autres pour former une même preuve, un même
tout jusqu'au jugement, elle se partage néanmoins en deux phases
distinctes, en deux séries d'actes et de formalités, et cette
division est tellement inhérente à la nature, qu'elle se retrouve
dans toutes les législations. Ces deux parties de la procédure
n'ont ni le même caractère ni la même fin; l'une est
préparatoire, l'autre est définitive; l'une se borne à
recueillir les éléments de la mise en accusation, l'autre a pour
mission de débattre les preuves et de les apprécier...Or, que
fait le système mixte? Il se borne à soumettre à une forme
différente ces deux instructions distinctes, qui n'ont pas le même
objet, qui ne doivent pas fournir la même preuve; il limite l'emploi de
la forme de l'enquête à la recherche des indices et l'emploi de la
forme du débat à la discussion des preuves. Est-ce que cette
distinction, si simple en elle-même, puisqu'elle ne fait qu'appliquer
chaque forme aux choses pour lesquelles elle est faite, est contraire à
la pureté des principes du droit? Est-
148
ce qu'elle tend à en troubler l'harmonie?
».
14. Le recul du modèle strictement accusatoire ou
inquisitoire. A vrai dire, nous partageons l'idée et l'avis de Mme
Coralie Ambroise-Castérot dans sa thèse intitulée
« de
145 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel: problèmes généraux de la
législation criminelle, droit pénal général,
procédure pénale, Éditions Cujas, 1967, p. 73.
146 V. notion du système mixte (en
langue arabe) :S. Alye et H. Alye, La théorie générale
la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle
loi 2001, op. cit, p. 182.
147M. Franchimont, A. Jacobs, A.
Masset, Manuel de procédure pénale, 3e
éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 22 : système mixte : «
Dans ce système ..., on applique le système inquisitoire
à toute la phase du procès pénal qui
précède l'audience de jugement, et le système accusatoire
à la procédure d'audience. ».
148 F. Hélie, Traité de
l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction
criminelle, Charles Hingray Libraire-Editeur, Paris, 1853, vol. 5 De
l'instruction écrite et de la détention préalable,
pp. 54-55.
24
l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction
préparatoire », qui souligne que « la distinction
entre procédure accusatoire et procédure inquisitoire semble
faire partie de l'inconscient collectif juridique. Tout juriste la connait
nécessairement ; c'est par son prisme qu'est systématiquement
abordée la procédure pénale. Ainsi, l'instruction
initialement inquisitoire serait désormais pénétrée
d'accusatoire. Autrement dit, elle serait mixte. Or, cette distinction,
révélatrice de cet attachement du droit aux oppositions binaires,
parait être bien plus affective que cognitive. En effet, prétendre
que l'instruction préparatoire est inquisitoire
pénétrée d'accusatoire ou mixte ne permet en aucun cas au
chercheur de connaitre sa nature
149
». Elle continue à dire qu'en
réalité, l'opposition procédurale est inapte à
qualifier et à classer les procédures et elle est à la
fois erronée et dépassée. Cette incapacité à
distinguer et à appréhender les procédures s'explique par
deux raisons. Tout d'abord, l'opposition procédurale n'est pas
juridiquement fondée ; l'accusatoire et l'inquisitoire sont seulement
nés de déformations historiques ; ensuite cette dichotomie est
inutile car elle ne peut saisir les réalités procédurales.
Enfin, elle conclut que, pour saisir si la nature de l'instruction est
accusatoire ou inquisitoire, il est donc nécessaire de se tourner vers
des instruments modernes de distinction qui soient clairs, précis et
pertinents et qu'il s'agit de la vérité recherchée et des
droits de l'homme. Seuls ces nouveaux instruments de qualification permettront
de comprendre
. De surcroît, nous ajoutons, qu'il faut trouver un
150
l'instruction préparatoire contemporaine
nouvel instrument conceptuel dont les critères de
qualification sont basés sur la légalité,
l'impartialité, l'égalité et l'équité du
procès pénal. Nous pensons que le système de
procédure pénale à notre époque doit adopter une
approche basée sur les droits de l'homme qui constitue un cadre
conceptuel pour le processus de développement procédural efficace
et équitable en même temps, parce que les droits de l'homme
constituent progressivement une base commune internationalement reconnue aux
niveaux politique et juridique. Les critères précédents
sont efficaces pour bien juger, distinguer et réformer un système
complexe comme le système pénal151.
149 C. Ambroise-Casterot, De
l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire,
Thèse de droit, Université de Bordeaux 4, 2000, spec. le
résumé.
150 C. Ambroise-Casterot, De
l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire,
Thèse de droit, Université de Bordeaux 4, 2000, spec. le
résumé.
151 V. C.-J.-A. Mittermaier,
Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition
comparée des principes de la preuve en matière criminelle,
traduit par C.-A. Alexandre,De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 5 :
« Les motifs qui guident le législateur traçant les
règles de la preuve, sont les mêmes motifs généraux
qui ont présidé à toute l'organisation du procès
criminel. C'est : l'intérêt de la société, la
nécessité de la punition de tout coupable; c'est 2 la protection
due aux libertés individuelles et civiles, qui pourraient se trouver
gravement compromises par l'effet du procès criminel ; c'est enfin et
par suite, 3° la nécessité de ne jamais infliger la peine
à un innocent ».
25
15. Système de procédure mixte au Liban et
en France. La procédure criminelle au Liban et en France
correspond-elle plutôt au modèle inquisitoire ou au modèle
accusatoire de procédure? Une procédure seulement accusatoire ou
seulement inquisitoire est déséquilibrée,
privilégiant à l'excès tantôt les droits de la
défense, tantôt les intérêts de la
société. La
tentative de les concilier caractérise les
systèmes mixtes 152 , qui, en tant qu'ils sont intermédiaires,
sont fort divers. En substance, les systèmes mixtes se
caractérisent par la division de la procédure en plusieurs
étapes, qui appliquent alternativement les principes de la
procédure inquisitoire (instruction) et accusatoire (jugement) et par la
possibilité reconnue à la
victime comme au ministère public de déclencher
les poursuites 153 . Ce système ne permet pas à la défense
de participer à l'enquête, comme dans le système
inquisitoire, mais la partie poursuivante y est tout de même
partiellement associée, comme c'est le cas dans le système
154
accusatoire . Ce système de droit mixte est actuellement
en vigueur au Liban comme
souligne MM. Mustafa Awji et Samir Alye
|
155
|
et en France comme le démontre M. Patrick
|
156
Beau
|
: le système de procédure pénale
français résulte de mélange entre deux systèmes
de
|
référence, l'accusatoire et l'inquisitoire.
Comme cela a été très judicieusement souligné, les
proportions entre la phase préparatoire et la phase de jugement sont
parallèles à celle qui partage la dominante accusatoire et la
dominante inquisitoire. La part du contradictoire s'est renforcée dans
la phase préparatoire de la procédure pénale
française, ce qui correspond à une
reconnaissance légitime des droits de la défense
157 . L'adoption de systèmes mixtes en droit libanais et français
constitue une véritable et puissante cause d'affaiblissement des
garanties procédurales dans la recherche et l'administration de la
preuve parce qu'un système de procédure pénale mixte ne
présente pas les mêmes garanties dans la recherche de la preuve
lors les différentes phases du procès pénal. La
procédure pénale libanaise est une procédure pénale
marquée par le caractère inquisitoire aux stades décisifs
de l'enquête et de l'instruction
152 V. en droit Libanais (en langue arabe) :
D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude
comparative, op. cit., pp. 83 et s.
153 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 24, p. 13.
154 E. Martin, Le rôle du juge des
libertés et de la détention en procédure pénale,
mémoire Master 2 droit Université Pierre Mendès
France (Grenoble), 2006, p. 11.
155 V. en droit libanais (en langue arabe) :
M. Awji, Leçons de procédure pénale, op.
cit., p. 37 ; S. Alye et H. Alye, La théorie
générale la procédure pénale et les
caractéristiques de la nouvelle loi 2001, op. cit., p. 183.
156 Procureur de la République
près le tribunal de grande instance d'Amiens et président de la
Conférence National des Procureurs de la République.
157 P. Beau, intervention devant
l'Académie des sciences Morales et politique le 25 mai 2009
consacrée à la réforme de l'instruction.
alors que la phase de jugement se rattache davantage au
système accusatoire. On peut conclure que, le Liban a adopté un
système dit mixte, mélangeant l'inquisitoire lors de
l'enquête et l'accusatoire lors de la phase de jugement. En France, la
procédure pénale est caractérisée par sa forme
inquisitoire au cours de l'instruction et sa forme accusatoire au cours du
procès pénal. Bien évidemment, le système mixte
souffre d'un déséquilibre entre la phase préparatoire et
la phase décisoire comme le dit Mme Mireille
Delmas-Marty « le déséquilibre
du système pénal sape l'État de droit
»158. Le système mixte doit être
réformé afin de garantir et renforcer tout au long de
l'enquête les droits de la défense et les droits à un
procès équitable lors de la phase préparatoire en
respectant l'égalité des armes entre les différentes
parties intervenantes au procès pénal.
16. La définition de la preuve. Selon M. Carl
Joseph Anton Mittermaier, « toutes les fois qu'un individu apparait
comme l'auteur d'un acte auquel la loi attache des conséquences
afflictives, et qu'il s'agit de lui en faire l'application, la condamnation
à intervenir repose sur la certitude des faits, sur la conviction
produite dans la conscience du juge. La somme des
motifs producteurs de la certitude se nomme la preuve
»
|
159
|
. Pour M. Edouard-Louis-Joseph
|
26
Bonnier, lorsqu'on parle de la théorie des preuves, on
n'entend pas s'occuper de la preuve du droit. Le but qu'on se
propose, c'est la recherche des meilleurs moyens que l'on peut employer
pour vérifier les faits qui sont l'objet des
débats judiciaires 160 . Le nom de preuve est ordinairement
réservé aux modes de démonstration, soit simples, soit
légaux, qui s'appuient
161
sur la foi dans le témoignage . Selon le professeur
égyptien de grande réputation M. Abdel-Razeq Al-Sanhouri, en
droit positif, la preuve consiste à démontrer devant une
juridiction et par des procédures établies par la loi,
l'existence d'un fait juridique qui a produit des
conséquences 162 . Il est donc bien évident que
les moyens de preuves, la manière de prouver et l'appréciation de
la preuve ont considérablement évolué au cours du temps,
en fonction des croyances et des événements historiques, en
fonction des mentalités individuelles et collectives, mais aussi en
fonction des données spécifiques de la procédure. En
outre, dans le domaine pénal, cette définition doit être
complétée puisque la preuve consiste alors à
158 M. Delmas-Marty, « Le
déséquilibre du système pénal sape l'État de
droit », in Le Monde, 25 novembre 2010.
159 C.-J.-A. Mettermaier, Traité
de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des
principes de la preuve en matière criminelle, Éditeur :
Imprimerie et librairie générale de jurisprudence De Cosse et N.
Delamotte, Paris, 1848, traduction de l'allemand en Français par C.A.
Alexandre, pp. 62-63.
160 E.-L.-J. Bonnier, Traité
théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit
criminel, op. cit., p. 13.
161 E.-L.-J. Bonnier, Traité
théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit
criminel, op. cit., p. 17.
162 A. Sanhourî,
L'intermédiaire dans l'interprétation du droit civil,
Vol. 2, Le Caire, 1952, pp. 13-14.
27
démontrer non seulement l'existence d'un fait, mais
encore son imputation à une personne ainsi que, la plupart du temps,
l'intention de celle-ci de commettre un tel fait. Certes, pour
163
l'essentiel, la preuve ne concerne que le fait.
17. Proposition d'une nouvelle définition de la
preuve. Nous proposons une définition de la preuve pénale
sous le rapport de la conviction du juge et qui s'appuie également sur
l'exigence du procès équitable. Alors nous définissons la
preuve pénale comme une façon crédible qui est susceptible
de convaincre le juge ou le jury par tous les moyens obtenus légalement,
loyalement et contradictoirement débattus et discutés servant
précisément à déterminer la culpabilité ou
l'innocence lors d'un procès pénal en assurant l'exercice le
plus
164
.
efficace et le plus effectif du droit de la preuve contraire
18. Une inévitable nécessité de la
liberté de preuve. La preuve des faits juridiques
nécessite
la liberté de preuve
165
. Contrairement au droit judiciaire civil, la procédure
pénale ne prévoit,
en effet, aucune réglementation générale
des preuves 166 . L'objet de la mise en état des affaires pénales
consiste à établir l'existence ou la véracité d'un
fait de nature délictueux en même
temps que son imputation à une personne
déterminée 167 . M. Jean-Yves Chevallier souligne
163 V. J. Buisson, « Preuve », in
Rép. Pén. Dalloz, février 2003, p. 2.
164 V. sur la notion de la preuve contraire
en procédure pénale: P. Bolze, Le droit à la preuve
contraire en procédure pénal, Thèse de droit,
Université Nancy 2, 2010,
v. spec. la recherche d'un fondement au
droit à la preuve contraire dans les principes de présomption
d'innocence et de droits de la défense pp. 19-101 et v. spec.
L'affirmation du droit au procès équitable comme fondement du
droit à la preuve contraire pp. 103-172 ; V. encore le
résumé de la thèse : « Le droit de la preuve,
imprégné par le principe de la présomption d'innocence,
est généralement présenté comme le moyen pour
l'accusation de prouver la commission des infractions à la loi
pénale. L'étude d'un droit à la preuve contraire renverse
par conséquent ce schéma de pensée afin de consacrer un
droit, pour la personne poursuivie, de combattre les éléments de
preuve présentés par l'accusation et, in fine, de rapporter tout
élément de preuve de nature à établir son
innocence. Le droit à la preuve contraire, fondé sur le principe
de l'égalité des armes issu de la notion européenne de
droit au procès équitable, tend à assurer un
équilibre entre la nécessaire efficacité de la
répression et la prévention de l'injuste condamnation d'un
innocent. La notion de droit à la preuve contraire consacre un
rôle actif de la personne mise en cause dans l'organisation de sa
défense en lui permettant à la fois de produire et d'obtenir tous
les éléments de preuve qui lui sont favorables. Il impose de
permettre à toute personne mise en cause d'être mis en mesure de
se défendre efficacement. D'une recherche active de la preuve, des
demandes d'actes formulées dans le cadre de la procédure à
la liberté de produire les éléments en défense et
à la juste réception par l'autorité judiciaire des moyens
produits, le droit à la preuve contraire constitue une exigence
d'équité. Ce principe doit pouvoir être opposable au
législateur comme au juge. La procédure pénale
française est marquée par un certain nombre de réformes
dont la finalité est d'assurer l'équilibre nécessaire
entre l'intérêt collectif et la préservation des
libertés individuelles. Sous l'impulsion du droit européen des
droits de l'Homme, ce mouvement consacre la réalité et la
pérennité du droit à la preuve contraire ».
165 V. E. Nammour, Cour criminelle
(étude comparée), op .cit., n° 1326.
166 L. Kennes, La preuve en matière
pénale, op. cit., p. 5.
167 F. Debove et F. Falleti, Précis
de droit pénal et de procédure pénale, 2e
éd., P.U.F., Paris, 2006, p. 505.
que « tout le monde s'accordera pour
considérer que la liberté de la preuve se justifie très
simplement et très rationnellement par le fait que dans le domaine
répressif il s'agit, non pas de prouver des actes juridiques comme en
droit civil par exemple, mais de prouver des faits matériels ou
psychologiques, et que l'auteur véritable n'étant guère
coopératif, il faut donner au juge le maximum de moyens pour apporter la
preuve. Donc, tous les modes de preuve doivent être en principe admis.
Mais les droits qui l'affirment haut et fort, à l'instar du droit
français, sont bien obligés d'en fixer les limites qui tiennent
d'ailleurs à des considérations
très variables »
|
168
|
. Dans un arrêt rendu en 1826, la Cour de cassation a
déclaré « qu'il résulte
|
de l'esprit général du Code fondé sur
les principes du droit naturel que l'accusé et son conseil ont le droit
de dire tout ce qui peut être utile pour sa défense
»169. C'est un arrêt qui affirme que la
liberté de preuve est un principe qui prospère dans le
débat devant la Cour depuis longtemps. Donc depuis à peu
près deux cents ans, la liberté de preuve est un concept
prisé qui a joué un rôle fondamental dans le procès
pénal. Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre du Chambon, c'est
l'intérêt supérieur de la société et
l'intérêt du présumé innocent, convergeant pour que
devant la vérité, tout obstacle juridique tenant aux modes de
preuve soit
aplani à travers l'adoption du principe de la
liberté de preuve
|
170
|
. M. Carl Joseph Anton
|
28
Mittermaier affirme que plus les règles de la preuve
sont sévères, plus le nombre des preuves
171
admissibles est restreint . La preuve en matière
pénale ne pouvait être envisagée identiquement à la
preuve en matière civile. La preuve pénale tend essentiellement
à établir l'existence d'un fait réprimé par la loi
et la participation à ce fait de la personne poursuivie. Ce qui est
logique, quand il s'agit essentiellement de prouver des faits pour lesquels
aucune preuve ne peut normalement être préconstituée. La
nécessité de lutter efficacement contre la
172
.
délinquance explique l'adoption de la liberté de
preuve par le législateur en matière pénale
Ensuite, les intérêts supérieurs de la
société commandaient que la répression ne fût pas
désarmée par un système de preuve trop rigide si la
justice pénale ne pouvait agir, faute de pouvoir prouver par tout moyen,
à l'égard de délinquants inventifs qui font tout pour
effacer
168 J.-Y. Chevallier, « La preuve en
procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour
les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit
pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes
du Séminaire International organisé par l'Institut
Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse
(Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 50.
169 Cass, 20 Juillet 1826, Rapp M.
Brière, J. P., t. 20, p. 710, cité par F. Hélie,
Traité de l'instruction criminelle, Charles Hingray,
Libraire-Editeur, Paris, 1858, Vol. 8, p. 525.
170 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 48, p. 32.
171 C.-J.-A. Mittermaier, Traité
de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée
des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A.
Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 5.
172 V. en même sens : E. Molina, La
liberté de la preuve des infractions en droit français
contemporain, Thèse de droit, op. cit., n° 9, p.
14.
les traces de leurs infractions et qui n'hésitent pas
à anéantir les preuves existantes après leur
173
action
. Nous ajoutons, qu'il est impossible de limiter la recherche de
la preuve pénale par
certaines méthodes ou règles pour assurer un
équilibre nécessaire dans les outils de recherche et le
délinquant, tandis que le délinquant a commis l'infraction en
toute liberté ou par divers modes et moyens. M. Jacques Buisson affirme
que s'il n'y avait pas le principe de la liberté de preuve, la personne
poursuivie elle-même pouvait trouver quelque intérêt
à une telle souplesse du régime de la preuve afin de faire valoir
tous moyens de nature à démontrer sa non-
174
implication dans les faits reprochés.
19. Portée du principe de la liberté des
preuves. Le principe de la liberté de la preuve en matière
pénale, signifie qu'hormis les cas où la loi en dispose
autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de
preuve et que c'est au juge d'apprécier, en se fondant
175
sur son intime conviction, la valeur à attribuer aux
preuves fournies . Les parties du procès pénal peuvent faire
appel à n'importe quel moyen de preuve, sans qu'il y ait une quelconque
hiérarchie dans la valeur probante des divers moyens utilisés
pour prouver. M. Jean Pradel disait que, l'administration de la preuve
constitue l'opération intellectuelle par laquelle un fait
176
est censé être vrai et peut fonder une condamnation
. Ainsi toutes les preuves sont
recevables, notamment les plus usuelles qui sont l'aveu et le
témoignage
|
177
|
. Il faut ajouter que
|
selon la Cour de cassation française, les constatations
directes et les indices sont des faits et circonstances qui, sans fournir la
preuve directe de la culpabilité, permettent de conclure par
raisonnement inductif qu'elle doit être reconnue
|
178
|
. Les indices, appelés encore présomptions
|
29
du fait de l'homme, ne doivent pas être confondus avec les
présomptions légales, mode de
173 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 555, p. 573 : fondements de la liberté de la
preuve : « La preuve ne pouvait être envisagée
identiquement dans les deux matières civile et pénale. D'abord
parce que, en droit pénal, il s'agit essentiellement de prouver des
faits pour lesquels aucune preuve ne peut normalement être
préconstituée. Ensuite, et surtout, parce que les
intérêts supérieurs de la société
commandaient que la répression ne fût pas désarmée
par un système de preuve trop rigide face à des
délinquants qui n'hésitent pas à anéantir les
preuves existantes après leur action. Enfin, on a fait remarquer que la
personne poursuivie elle-même pouvait trouver quelque
intérêt à une telle souplesse de la preuve afin de faire
valoir tous moyens de nature à démontrer sa non-implication dans
les faits reprochés. ».
174 J. Buisson, « Preuve », op.
cit., n° 46, p. 10.
175 M. Trevidic, « La recherche de la
preuve en droit français », in La preuve au coeur du
débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise
contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque
du 24 mars 2010 organisee par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).
176 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 405, p.
350: « on dira que l'administration de la preuve est
l'opération intellectuelle par l'effet de laquelle un fait est
censé être vrai et peut fonder une condamnation ».
177 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 406, p.
351.
178 Cass. crim., 13 mars 2007, B.C.,
n° 80, p. 397.
preuve plus rarement admis et qui s'analyse en un renversement
de la charge de preuve. Les indices gagnent aujourd'hui en importance avec les
développements de la technique : il peut s'agir d'un enregistrement par
magnétophone comme l'affirme la Cour de cassation française,
« attendu que la partie civile a remis au juge d'instruction un
enregistrement sur bande magnétique de propos d'ordre professionnel,
tenus par l'avocat X... lors d'une conversation ayant eu lieu dans son cabinet
avec la partie civile et qui ont été recueillis à son insu
; que le juge d'instruction a fait procéder à la transcription de
cet enregistrement et l'a annexée à la procédure ; Attendu
qu'il est vainement fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas
avoir ordonné le retrait de la transcription d'un enregistrement qui,
selon la chambre d'accusation, ne caractérisait aucune infraction
pénale, dès lors que le juge d'instruction ne peut refuser
d'annexer à la procédure des documents produits par les parties
à l'appui de leur défense, auraient-ils été obtenus
par des procédés déloyaux ; que la transcription,
ordonnée en l'espèce par le juge et rendue nécessaire pour
la consultation de l'enregistrement saisi, ne
179
constitue qu'un indice de preuve pouvant être
contradictoirement discuté par les parties »
.
Il peut également s'agir d'un bande vidéo comme
l'affirme la Cour de cassation française : « Attendu qu'il
ressort des pièces de la procédure qu'a été saisie
et versée à l'information une bande vidéo
enregistrée automatiquement par la caméra de surveillance de
l'agence bancaire, dont l'origine, contrairement à ce qui est
allégué au moyen, est connue et dont l'authenticité n'a
pas été contestée ; que c'est dès lors, à
bon droit que cette pièce à conviction a été
retenue par la chambre d'accusation comme élément de preuve pour
être soumise au débat contradictoire ; D'où il suit que le
moyen ne saurait être accueilli ... que la procédure est
180
. Il
régulière et que les faits objet de
l'accusation sont qualifiés crimes et délit par la loi
»
peut aussi s'agir d'un enregistrement par écoute
téléphonique : « La mise sur écoutes
téléphoniques du domicile d'un inculpé à laquelle
il a été procédé sur commission rogatoire du juge
d'instruction ne saurait constituer une cause de nullité de la
procédure lorsque cette mesure d'investigation a été
exécutée sous le contrôle de ce magistrat sans artifice ni
stratagème et que rien ne permet d'établir que ce
procédé ait eu pour résultat de
181
compromettre les conditions des droits de la défense
»
|
182
. Ou même par cinémomètre
|
. M.
|
30
Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer
exposent le principe de la liberté de preuve en disant que l'article 427
du CPP français qui énonce le principe de la liberté de
179 Cass. crim., 11 février 1992,
B.C., n° 66, p. 166.
180 Cass. crim., 4 avril 1990, Non publié
au bulletin, N° de pourvoi: 90-80126.
181 Cass crim., 9 octobre 1980, B.C.,
n° 55 ; V. Précédents jurisprudentiels : Cass. crim.,
12 juin 1952, B.C., 1952, n° 153, p. 258.
182 Cass. crim., 24 mars 1999, B.C.,
n° 55, p. 135.
preuve, ne définit pas le contenu des modes de preuve
admissibles, il ne signifie donc pas que
183
n'importe quel moyen serait autorisé pour établir
la preuve d'une infraction
. Selon M.
31
Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer,
l'article 427 du CPP français signifie « plus modestement que
l'existence d'une infraction peut être établie par les modes de
preuve admis par la loi, sans qu'aucun d'eux ne soit exclu ou au contraire
privilégié et sans qu'il y ait à distinguer selon que la
preuve résulte des investigations des magistrats et
. L'article
184
officiers ou agents de police judicaire ou qu'elle soit
avancée par les parties »
427 du CPP pénal français n'est en
définitive rien d'autre que la consécration législative en
matière pénale de la solution retenue en matière civile
pour la preuve des faits purs et
simples 185 . Mais que désigne les
faits purs et simples? L'article 1341 du Code civil interdit aux parties de
prouver par témoins ou par présomptions les obligations portant
sur une somme supérieure à 1.500 €. Cette
règle de preuve n'est pas applicable qu'aux manifestations de
volonté ayant pour but immédiat et direct, soit de créer
ou de transférer, soit de confirmer ou de reconnaître, soit de
modifier ou d'éteindre des droits ou des obligations, manifestations
terminologiquement qualifiées par la doctrine d'« actes
juridiques ». En revanche, cette règle de preuve ne concerne
pas la preuve des faits purs et simples, que la doctrine qualifie de faits
juridiques, qui correspondent à diverses situations emportant des
conséquences juridiques non voulues par les parties, et qui peuvent
être établis par tout mode de preuve légalement admis et
notamment par témoins. La notion de faits juridiques s'oppose
ici à celle de faits purs et
186
simples pouvant être admis par tous les modes de preuve
légaux, notamment par témoins
.
183 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : « Il ne faut pas se
méprendre toutefois sur la portée de l'article 427, parfois
conçu comme une auberge espagnole. Son objet n'est pas de définir
le contenu des modes de preuve admissibles. Il ne signifie donc pas que
n'importe quel moyen serait autorisé pour établir la preuve d'une
infraction. ». « Les principes supérieurs de
légalité et de loyauté imposent des limites dont le
législateur ne peut s'émanciper. ».
184 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405.
185 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405.
186 Cass. civ. 1er 27 avril 1977,
B.C., n° 192, p. 151 : « en l'état de la vente
d'une chose mobilière qui n'a pas fait l'objet d'un acte écrit
mais n'est cependant pas déniée, suivie de la contestation qui
oppose le vendeur, marchand professionnel, à l'acquéreur, le
premier soutenant que la somme versée lors de la remise de la chose ne
constituait qu'un acompte le second au contraire prétendant que cette
somme correspondait au prix convenu, doit être cassé l'arrêt
qui, pour condamner l'acquéreur à verser un complément de
prix, se fonde sur les conclusions de l'expert désigné pour
évaluer la valeur de la chose, au motif qu'une difficulté se
produisant sur l'interprétation du contrat, il convenait de rechercher
quelle était la commune intention des parties, alors qu'il s'agissait
d'un litige portant, non sur les modalités de la vente ou sur
l'interprétation de clauses obscures ou ambiguës d'un acte,
nécessaire pour en rechercher la portée, mais sur
l'étendue de l'obligation du débiteur, dont la preuve, qui
incombait à la venderesse, ne pouvait être rapportée que
dans les conditions prévues par l'article 1341 du Code civil, applicable
aux faits juridiques, c'est-à-dire à ceux qui ont pour
résultat immédiat et nécessaire soit de créer ou de
transférer, soit de confirmer ou de reconnaître, soit de modifier
ou d'éteindre des obligations ou des droits ».
De ce qui précède, nous trouvons que la
rédaction actuelle de l'article 172 du CPP libanais nous permet
d'adopter en droit libanais, l'avis précédent de MM.
Fréderic Desportes et de Me Laurence Lazerges-Cousquer concernant
l'article 427 du CPP français et le concept général du
principe de la liberté de preuve en matière pénale. En
comparant la rédaction actuelle de
l'article 427 du CPP français avec l'article 179 du CPP
libanais 187 , nous avons remarqué que les deux articles emploient en
réalité des styles différents pour un même contenu.
L'article 179 CPP libanais dispose « les infractions
alléguées peuvent être établies par tout mode de
preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement. Le juge ne peut
fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait
l'objet d'un débat contradictoire en audience publique. Le juge
apprécie les preuves pour former son intime conviction ».
L'article 427 du CPP français dispose quant à lui «
hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent
être établies par tout mode de preuve et le juge décide
d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision
que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et
contradictoirement discutées devant lui ». À notre
avis, la liberté de preuve en matière pénale ne peut
être qu'une liberté relative de l'administration de la preuve qui
permet d'utiliser tous les modes de preuves admis par la loi pour justifier ou
démonter les infractions alléguées sans consacrer aucune
hiérarchie entre les divers modes de preuve et sans que la loi exige une
preuve préconstituée.
20. La consécration législative et
jurisprudentielle du principe de liberté de la preuve en droit
Libanais. Le procès pénal libanais est dominé par le
système de preuve libre, c'est une
liberté dans l'administration de la preuve
|
188
|
. Les parties au procès pénal peuvent rapporter
les
|
32
preuves par tout mode de preuve, c'est-à-dire tout
moyen peut être accueilli comme mode de preuve afin de convaincre le
juge. C'est une liberté, de produire toute preuve, d'activité de
recherche et d'administration de la preuve. Ce qui caractérise la
théorie de la preuve, dans l'ordre pénal, c'est la liberté
des preuves. Si la loi civile détermine des modes de preuves, leur
admissibilité et leur valeur probante, en revanche en droit pénal
tous les modes de preuves sont permis, pourvu que celles-ci soient recueillies
légalement et régulièrement, et qu'elles puissent
être librement et contradictoirement débattues. Selon M.
Élias Nammour, le principe de la liberté des preuves en droit
pénal signifie que tous les modes de preuve sont permis; comme les
témoignages, les documents écrits, les présomptions et
qu'elles revêtent toutes la
187 L'article 179 CPP libanais énonce le
principe de la liberté de preuve en matière pénale en
droit libanais.
188 V. sur le principe de la liberté
de preuve en droit libanais (en langue arabe) : T.-Z. Saffi, Les tendances
actuelles en procédure pénale, op. cit., pp. 345 et s ; E.
Nammour, Cour criminelle (étude comparée), op. cit.,
n° 1323 et s.; H. Madi, Procédure pénale, op .cit.,
p. 303 et s ; V. liberté de preuve en droit libanais avant la loi
2001 :A. Nakkib, Procédure pénale (étude
comparative), op. cit., pp. 321-322.
même valeur. Il incombera au juge, en toute
indépendance, d'en tirer les résultats, selon son
189
intime conviction
. L'article 179 du CPP Libanais énonce le principe de
liberté de la preuve
« les infractions alléguées peuvent
être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi
n'en dispose autrement. Le juge ne peut fonder sa décision que sur les
preuves dont il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat
contradictoire en audience publique...». Ce texte constitue le
190
a
fondement juridique du principe de la liberté de preuve.
Le Conseil judiciaire Libanais
également affirmé le principe de la liberté
de preuve dans le procès pénal. Le Conseil
judiciaire Libanais (c'est une juridiction
d'exception)191 a affirmé explicitement dans l'affaire de
l'assassinat de M. Dani Chamoun ce principe en jugeant que « la preuve
est libre dans le
192
procès pénal, tous les moyens sont admis
à prouver...»
|
193
. Le Conseil judicaire libanais
|
a
|
33
validé le principe de la liberté de preuve par
sa décision rendue dans l'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier
ministre M. Rachid Karami en 1987 (L'affaire est confiée au conseil
judiciaire) en précisant que « la Cour de justice,
apprécie souverainement la valeur probante des éléments
provenant de l'enquête puisque la preuve est libre en matière
pénale, la Cour
194
.
peut retenir ce qu'elle considère admis et convaincu
ou les écarter comme non probants »
Quant à la Chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise, elle affirme que, tous les
189 V. E. Nammour(en langue arabe), Cour
criminelle (étude comparée), Sader Éditeurs,
Beyrouth, 2005, n° 1325, t. 2, p. 914.
190Au Liban, c'est le conseil des
ministres qui renvoie les dossiers devant le conseil judiciaire
conformément à l'article 355 du CPP libanais qui dispose :
« Une affaire est renvoyée devant le Conseil judiciaire sur
décret pris en Conseil des ministres ».
191 Le Conseil judicaire en droit libanais :
A sa tête le premier président de la Cour de Cassation qui est
aussi le président du Conseil supérieur de la magistrature. Ce
conseil statue sur les atteintes à la sécurité
extérieure et intérieure de l'État ainsi que sur les
atteintes à la sûreté générale et les crimes
qualifiées importantes par le gouvernement. Les décisions rendues
par le Conseil de justice ne sont pas susceptibles d'appel et ne peuvent pas
être annulées. L'Article 356 du CPP libanais dispose : «
Le Conseil judiciaire connaît des infractions suivantes : a) les
infractions visées par les articles 270 à 336 inclusivement du
Code pénal ; b) les infractions visées par la Loi du 11 janvier
1958 ; c) toutes les infractions liées aux transactions concernant des
armes ou équipements opérés ou allant être
opérés par le Ministère de la défense nationale,
ainsi que les infractions liées ou qui en découlent, notamment
celles visées aux articles 351 à 366 inclusivement, aux articles
376, 377 et 378 et aux articles 453 à 472 inclusivement du Code
pénal, ainsi qu'aux articles 138 et 141 du Code de justice militaire
».
192 Décision du Conseil judiciaire
Libanais du 24/6/1995(103 p.), V. spec. p. 29. Le juge-président M.
Phillipe Khairallah, juge-assesseur M. Hikmat Harmouch, juge-assesseur m.
Kassoufs, juge-assesseur M. Zein et juge-assesseur M. Kawwase ; V. en
même sens la décision du conseil du justice du 12/4/1994 (affaire
: les 2 frères Antonios), et du 19/10/1994 (affaire : Omran Mouayta).
193 Encore appelé Conseil de justice.
194 Décision du Conseil judiciaire
Libanais du 25/6/1999(190 p.). Le juge-président Mounir Honein,
juge-assesseur Ahmad al-Moallem, juge-assesseur Hussein Zein, juge-assesseur
Ghassan Abou Alwan et juge-assesseur Ralph Riachy.
moyens de preuve sont acceptés sans limites pour apporter
la preuve de l'existence de
195
l'infraction.
21. Avis exceptionnel sur l'adoption du principe de
liberté de preuve en droit libanais. A l'encontre de ce qui vient
d'être dit, et sur la base de l'article 6 du nouveau Code de
procédure civile libanais qui impose de suivre les règles
générales du Code de procédure civile en l'absence de lois
et de règles juridiques, M. Elias Abou-Eid considère que le
système de preuve pénal libanais est soumis au régime de
la preuve légale et considère que l'article 179 du CPP libanais
ne consacre pas la liberté de preuve dans le système pénal
libanais. M. Élias Abou-Eid précise que les juges libanais
n'appliquent pas l'article 6 du Code de procédure civile, car les juges
sont faussement convaincus que le législateur a adopté le
principe de la
liberté de la preuve en matière pénale
dans l'article 179 du CPP libanais
|
196
|
. Selon M. Élias
|
Abou-Eid, la liberté de preuve pénale n'est
fondée sur aucun texte de la loi, ni consacrée par un texte
explicite en droit libanais; aucun texte du Code de procédure
pénale libanais ne consacre explicitement et directement le principe de
la liberté de preuve. Pour ces motifs, face au silence du
législateur libanais, on se réfère au Code de
procédure civile conformément à l'article 6 du nouveau
Code de procédure civile libanais. Voilà pourquoi, du point de
vue de M. Elias Abou-Eid, il faut appliquer le système de preuve
adopté en matière civile au procès
197
pénal en droit libanais, c'est-à-dire le
régime ou le système de la preuve légale. Le Conseil
constitutionnel libanais a consacré la solution générale
adoptée par l'article 6 du nouveau Code de procédure civile
libanais qui dispose : « Les principes généraux du Code
de procédure civile s'appliquent dans l'hypothèse où il y
a une lacune dans les autres Codes et
lois de procédure »
|
198
|
. La solution imposée par l'article 6
précédent et la position de la
|
34
jurisprudence du Conseil Constitutionnel libanais sont
applicables en cas de lacune ou du silence du législateur. Il en
résulte que le Conseil constitutionnel libanais considère que le
Code de procédure civile constitue le droit commun auquel il convient de
revenir lorsque les
195 V. en langue arabe: Cass. crim., arrêt
n° 131 du 08/03/1955.
196 V. E. Abou-Eid, Théorie de
preuve en procédure civil et pénal, 3e
partie, Publication Zein, 2005, n° 16 et s., p. 179 et s ; au
contraire v. E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé,
Liban et France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n°
1327, n° 1328 et n° 1329, p. 914 et s.
197 V. en langue arabe : E. Abou-Eid,
Théorie de preuve en procédure civil et pénal,
3e partie, op. cit., n°16 et s., pp .179 et s.; V. au
contraire, E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé,
Liban et France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n°
1327, n° 1328 et n° 1329, pp. 914 et s.
198 C.C. lib., n° 2, 3 Avril 1996.
règles de procédure applicables devant lui
souffrent de lacunes
199
. Au regard de tout ce qui
35
précède, pour appliquer l'article 6 du Code de
procédure civile libanais, il faut examiner si le Code de
procédure pénale libanais souffre de graves lacunes et silences
du législateur en matière de preuve pénale. Contrairement
au point de vue de M. Elias Abo-Eid, la majorité des auteurs
spécialisés en procédure pénale et la jurisprudence
considèrent que le principe de la liberté de la preuve
pénale correspond à celui du système de preuve
pénal libanais, mais en
200
écartant toute discussion relative à l'adoption
du principe par le législateur libanais . Seul M. Elias Nammour
considère que la liberté de preuve en matière
pénale est fondée sur les
principes généraux du droit pénal et
l'article 179 du CPP libanais. En ce qui nous concerne,
201
on ne peut pas accepter l'idée selon laquelle le
régime de la preuve légale doit être appliqué en
matière de preuve pénale au Liban. La solution de M. Elias
Abou-Eid n'est pas logique et n'avait aucune base juridique parce que les
dispositions de l'article 6 du nouveau Code de procédure civile Libanais
est applicable en cas de silence de texte de procédure pénale
libanais. Mais la question essentielle est de savoir si le Code de
procédure pénal libanais ne consacre pas le principe de la
liberté de preuve pénale pour appliquer l'article 6 du nouveau
Code de procédure civil libanais et si l'on peut considérer qu'il
y a une lacune dans le Code de procédure pénale libanais?
L'article 179 du CPP Libanais qui pose le principe de la liberté de
preuve, se situe dans le chapitre IV du Code de procédure pénale
libanais qui est relatif à la procédure de jugement et
vérification de la preuve devant le juge unique. Le juge connaît
des
202
délits et contraventions , mais la jurisprudence de la
Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise en a forgé un
principe général de droit comme dans l'arrêt rendu par la
Cour de cassation numéro 38 du 23/02/1999, l'arrêt qui a admis la
preuve de la mort par tout
moyen de preuve 203 . Sans aucun doute, le système de
preuve libre est appliqué en droit libanais lorsqu'il s'agit de prouver
en matière pénale. Mais nous pensons souhaitable que le
législateur libanais consacre la liberté de preuve dans le
procès pénal en des termes clairs et
199 F. Hage-Chahine, «
Constitution et droit privé », in Les constitutions
des pays arabes, colloque organisé par CEDROMA au mois de
février 1998 à Beyrouth est fondamental par son thème: Les
Constitutions des pays arabes, Éditeur : USJ. Université
Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA.
Centre d'études des droits du monde arabe. Beyrouth. Liban, Date de
publication : 2006, V. p. 21.
200 V. en droit libanais (en langue arabe) :
H. Madi, Procédure pénale, op .cit., p. 306 ; D.
Becheraoui, Procédure pénale - une étude
comparative, op. cit., pp. 95-97.
201 V. en droit libanais (en langue arabe) :
E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé, Liban et
France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n° 1327,
n° 1328 et n° 1329, pp. 914 et s.
202 En droit libanais, l'infraction punie
d'une peine d'emprisonnement de trois ans au plus, d'une peine d'amendes et des
peines complémentaires.
203 V. en langue arabe : Cass. crim.,
7e Chambre, arrêt n° 38, 23/02/1999, in Les
arrêts des Chambres criminelles de la Cour de Cassation pour
l'année 1999, éd. Sader, p. 304.
36
précis, pour confirmer que la liberté de preuve
est applicable devant toutes les juridictions pénales non seulement
devant le juge unique pénal. Il semble opportun de consacrer la
généralité de l'application du principe de la
liberté de preuve par un texte législatif clair et précis
sur les bases d'une exigence de clarté de la loi. Le
législateur doit faire des textes bien conçus, clairement
écrits et juridiquement solides. Nous proposons la même solution
en droit français, parce que l'article 427 (alinéa 1) du CPP
français qui énonce le principe de liberté de la preuve se
situe dans le chapitre relatif au jugement des délits. A vrai dire, le
principe de la liberté de preuve pénale est consacré de
façon explicite dans le Code de procédure pénale libanais
surtout dans l'article premier qui dispose « ce Code réglemente
également la constatation des faits pénaux et des
éléments de preuve aux fins de l'application des lois
pénales ». Conformément à cet article, les
règles générales de la preuve sont
réglementées dans le Code de procédure pénale ce
qui nous conduit à rejeter l'idée de M. Elias Abou-Eid
d'appliquer le système de la preuve légale en matière
pénale.
22. La consécration législative et
jurisprudentielle du principe de liberté de la preuve en droit
Français. Par ce principe de la liberté de la preuve, le
législateur signifie aux policiers, aux magistrats de la poursuite, de
l'instruction ou du jugement, comme à la partie poursuivie,
204
que sont admissibles tous les modes de preuve . L'article 427 du
CPP français énonce le
205
principe général de la liberté de la preuve
en matière pénale. Cet article se situe dans le
206
chapitre relatif au jugement des délitset la
jurisprudence française en a forgé un principe
général de droit. Le principe directeur est celui de la
liberté qui concerne le mode de preuve utilisé pendant le
procès pénal. Ce principe permet l'utilisation des
différents moyens de preuves, preuve par oral ou par écrit,
preuve par constatation directe, par témoignage, par ouï-dire ou
par procès-verbal, preuve authentique, par expertise ou encore par
l'aveu. Seules les très petites infractions que sont les contraventions
ne peuvent être établies que par procès-verbaux ou
rapports, ou par témoins à défaut de rapports et
procès-verbaux, ou à leur appui.
204 J. Buisson, « Preuve », op.
cit., n° 47, p. 10.
205 L'article 427 du CPP français
dispose : « hors les cas où la loi en dispose autrement, les
infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le
juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder
sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours
des débats et contradictoirement discutées devant lui »
; V. sur la preuve en matière douanière droit français :
J. Pannier, « La preuve en matière douanière », D.,
2009, n° 23, chron. pp. 1552-1556.
206 Infraction punie d'une peine
d'emprisonnement de trois ans au plus, d'une peine d'amendes et des peines
complémentaires.
37
207
Par ailleurs, le principe de liberté vise la
manière dont la preuve a été obtenue. Donc le principe de
la liberté de la preuve en droit français, est clairement
formulé par l'article 427(alinéa 1er) du CPP Français
à propos de la procédure correctionnelle, mais est applicable
à toutes procédures devant la juridiction répressive. Le
principe de la liberté de preuve a été consacré en
droit français avant même qu'il ne fût formellement
exprimé dans l'article 427 du
CCP Français 208 « hors les cas où la
loi en dispose autrement les infractions peuvent être établies par
tout mode de preuve ». La liberté de la preuve laisse aux
parties le choix entre les moyens de preuve et le juge est libre pour former sa
conviction. Or, en matière pénale, il ne s'agit pas de prouver
des actes juridiques, mais des faits. Il faut réunir des preuves
permettant de préciser les circonstances matérielles de la
commission de l'infraction, d'en découvrir l'auteur et de qualifier les
faits. Tous les modes de preuve permettant d'établir la
prévention sont donc admis (témoignage, écrits, expertise,
aveu, indice...), ce qui est conforme à la nature de l'infraction
pénale - fait juridique. En revanche, s'il se trouve dans les
éléments constitutifs ou dans les conditions préalables de
l'infraction un acte juridique (un contrat pour l'abus de confiance par
exemple), la preuve de celui-ci doit être apportée au juge
pénal conformément aux règles civiles. Une autre
justification du principe de liberté tient à la nature des
intérêts en cause. Alors que, dans un procès civil ou
commercial, sont essentiellement concernés des intérêts
particuliers, le procès pénal met en jeu l'ordre public et la
sécurité de la collectivité. L'intérêt
supérieur de la manifestation de la vérité justifie la
recevabilité de tout moyen de preuve209. La
jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation française
en matière de preuve a fait une application large de la notion de la
liberté de preuve. « Aucune disposition légale ne permet
aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par
les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de
façon illicite ou déloyale, il leur appartient seulement d'en
apprécier la valeur probante, après les avoir soumis à
la
discussion contradictoire » 210 . Tous
les modes de preuve sont admis en droit pénal, à moins que la loi
en dispose autrement. Si ce principe connaît des exceptions concernant
les autorités publiques, la jurisprudence refuse d'y apporter la moindre
restriction s'agissant des
207 J. Lelieur, « L'application de la
reconnaissance mutuelle à l'obtention transnationale de preuves
pénales dans l'Union européenne : une chance pour un droit
probatoire français en crise ? », in Zeitschrift für
Internationale Strafrechtsdogmatik, 2010, n° 9, p. 592.
208 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 555, p. 573 : « Aussi a-t-on
consacré le principe de la liberté de preuve avant même
qu'il ne fût formellement exprimé dans l'article 427 du Code de
procédure pénale ... ».
209 G. Clément, « Le secret de la
preuve pénale », in Mélanges dédiés
à Bernard Bouloc, Dalloz, Collection : Études,
mélanges, travaux, 2006, p. 194.
210 Cass. crim., 11 juin 2002, B.C.,
n° 131, p. 482.
38
particuliers, obligeant ainsi le juge pénal à
admettre la recevabilité d'éléments de preuve obtenus de
manière illicite ou déloyale. Mais en France, il faut bien
souligner l'impact indirect mais efficace de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme sur l'application arbitraire ou absolue
de la liberté de preuve par les juridictions française. Dans
toutes ses décisions rendues en ce domaine, la Cour européenne
des droits de l'homme souligne que la recevabilité des preuves
relève, en premier lieu, des règles du droit interne et qu'il
revient, en principe, aux juridictions nationales d'apprécier les
éléments recueillis par
211
elles . Elle constate ainsi que la tâche de la Cour
européenne consiste à rechercher si la procédure
envisagée dans son ensemble, y compris le mode de présentation
des moyens de preuve, revêt un caractère équitable. Elle
précise, par ailleurs, que les éléments de preuve doivent
être produits devant le prévenu en audience publique, en vue d'un
débat contradictoire
212
.
et que ce principe ne peut comporter d'exceptions que sous
réserve des droits de la défense
23. Problématique de la thèse.
La preuve pénale est une nécessité
primordiale pour juger un accusé, cependant, le moyen de preuve qui nous
mène à la vérité n'est pas accessible d'une
quelconque manière car la preuve doit être recueillie d'une
manière légale. La loi a cerné les moyens de preuve dans
un cadre juridique à travers le Code des procédures
pénales ainsi que d'autres Codes et lois, en dépit du
contrôle et de la domination du principe de la liberté de la
preuve dans le droit pénal libanais et français. Cette
thèse aborde une problématique importante concernant le droit
répressif, et particulièrement la procédure pénale
: l'illégalité de la preuve pénale. Bien que la
problématique essentielle et fondamentale traitée dans cette
étude porte sur le problème de la légalité de la
preuve pénale, l'on ne peut l'aborder directement sans étudier
des sujets qui lui sont étroitement liés.
Quelles sont les limites à ne pas franchir et ou
s'arrête la liberté de la preuve pénale? Dans un
État de droit, durant la recherche et l'administration de la preuve
pénale, incontestablement la police et la justice doivent respecter
soigneusement les lois et les règles de procédure. Les questions
soulevées ci-dessus mènent à une autre question logique :
si le principe général est que la preuve est libre dans le
système pénal français et libanais, la liberté de
la preuve est-elle absolue et sans limites? La réponse à cette
question est évidemment catégoriquement négative, car la
liberté absolue ne peut être accordée pour prouver en
matière pénale. Cette réponse conduit vers une question
logique : quelles sont la base et la source de ces restrictions
211 H. Pelletier, Juris-Classeur
Procédure pénale, Art. 427 à 457.
212 CEDH, 23 avr. 1997, n° 21363/93, Van
Mechelen et autres c/ Pays-Bas.
39
que rencontre la liberté de la preuve et quelles sont
ces restrictions? La réponse est que la restriction principale est
d'ordre juridique. Elle consiste dans le principe de la légalité
de la preuve pénale que l'on voit comme une extension du principe de la
légalité criminelle qui domine le système pénal
dans ses deux pôles : objectif (Code pénal) et formel
(procédure pénale). Le principe de la légalité de
la preuve pénale que nous allons prouver dans cette étude est
tout à fait différent du système des preuves
légales qui est étroitement lié à la force probante
de la preuve et à la hiérarchie entre les éléments
de preuve. Le principal défi dans cette étude est de trouver une
réponse claire, satisfaisante et convaincante à la question
fondamentale et primordiale qui concerne l'existence
du principe de la légalité de preuve pénale. Y'a-t-il
vraiment un principe juridique connu sous le nom de la légalité
de preuve dans la procédure pénale qui cohabite avec le principe
fondamental de la liberté de la preuve qui domine la procédure
pénale? Quelle est la notion de légalité de preuve
pénale ? Peut-on considérer que le principe de la
légalité de preuve constitue un outil juridique pertinent et
indispensable afin d'éviter l'arbitraire qui peut résulter de la
liberté absolue de la preuve pénale? La légalité
constitue incontestablement une limite à la portée du principe de
la liberté de preuve pénale. Faut-il commencer à utiliser
les termes « liberté de preuve encadrée
légalement »? Faut-il réformer ou reformuler la notion
classique et extrême de la liberté des preuves en matière
pénale? Le principe de la légalité de preuve est-il une
nécessité pour protéger les libertés, la vie
privée et le respect de la dignité humaine dans la recherche de
la preuve pénale? Quelles sont les raisons et les motivations qui
expliquent l'importance de la conciliation entre liberté et
légalité de preuve? Comment comprendre la notion de la
légalité de la preuve pénale?
En outre du principe de la légalité de la preuve
pénale en tant que contrainte à la liberté de la preuve
pénale, vient un autre principe qui est celui de la loyauté des
preuves pénales qui est un principe de nature morale, ce qui exige une
définition claire, explicite et cohérente. Quelles sont les
différences et les convergences entre légalité et
loyauté? Pourquoi la loyauté dans la recherche de la preuve
pénale est-elle un principe controversé? Quels sont les facteurs
les plus déterminants dans la genèse du principe de
loyauté? Quel est le rôle de la jurisprudence dans la
création du principe de loyauté? Quels sont les fondements
juridiques du principe de loyauté? Quelles sont les causes du
déclin du principe de loyauté? Est-ce qu'il peut y avoir
contradiction entre loyauté et efficacité dans la recherche des
preuves? Est-ce que le principe de loyauté tend vers la
consécration d'une notion stable dans la recherche des preuves qui
signifie que la fin ne justifie pas les moyens? La loyauté interdit la
tromperie et la provocation dans la recherche et l'administration de la preuve
pénale. Quel est le rôle de l'émergence de la
40
notion de preuve pénale de la dangerosité ou de
l'ennemi dans cette tendance? Est-ce que l'augmentation et l'évolution
de la criminalité a joué un rôle dans la
légalisation des outils de recherche de preuve pénale non
compatibles avec le principe de loyauté?
La définition ou la précision de la notion du
principe de légalité de la preuve pénale exige
également l'identification précise d'un autre concept, celui de
preuve illégale. Il est, en effet, nécessaire de trouver les
critères permettant minutieusement de distinguer la preuve correcte qui
est en conformité avec le principe de la légalité de la
preuve c'est-à-dire la preuve légale, de la preuve
illégale. Comment peut-on juridiquement appréhender la notion de
preuve illégale? Comment se caractérise
l'illégalité formelle en matière de preuve pénale?
Comment peut-on déterminer les cas où la recherche et
l'administration de la preuve pénale portent atteinte à la
légalité procédurale? Quelles sont les atteintes
susceptibles de former l'illégalité formelle pendant le
déroulement de la recherche de la preuve pénale qui font l'objet
d'une inobservation de la loi? Dans quelles hypothèses
l'illégalité peut-elle faire en sorte qu'une preuve porte
atteinte au droit à un procès équitable? Le principe de la
légalité de la preuve pénale impose le respect des grands
principes : le débat contradictoire, l'oralité, la
publicité.
La violation du droit au respect de la vie privée dans
la recherche de la preuve constitue-t-elle une source
d'illégalité formelle? L'encadrement légal de
l'écoute téléphonique par le législateur en
matière de preuve pénale empêche de considérer la
preuve en résultant comme illégale. Comment les
législateurs libanais et français ont-ils
réglementé certaines hypothèses de mise sur écoute
téléphonique? Est-ce que la preuve obtenue par l'enregistrement
clandestin est compatible avec le principe de la légalité de la
preuve pénale? Les enregistrements audio peuvent être
considérés comme preuve pénale, mais les enregistrements
clandestins ont-ils valeur de preuve?
Quels sont les critères et les hypothèses qui
caractérisent une preuve entachée d'une illégalité
matérielle? Les procédés de preuve
considérés comme attentatoires à la
liberté individuelle et à la dignité humaine
constituent-ils des preuves illégalement acquises? Quelles sont les
conditions de l'admission de l'aveu comme preuve pénale
conformément au principe de la légalité de preuve
pénale? Quelles sont les pratiques, procédés et modes
utilisés pour obtenir un aveu qui rendent cette preuve entachée
d'illégalité? Peut-on accepter l'idée que l'aveu puisse
être obtenu sous la contrainte morale? La jurisprudence accepte-t-elle un
aveu qui a été obtenu d'une manière illégale? Le
recours à certains procédés scientifiques pour obtenir des
preuves met en péril ou ouvre la question de la légalité
de la preuve pénale acquise
41
par ces procédés scientifiques. Est-il permis
d'affaiblir ou d'anéantir la volonté du suspect ou de
l'accusé afin d'obtenir une preuve? Le recours au sérum de
vérité (la narco-analyse) dans le but d'obtenir
des éléments de preuve constitue une violation du principe de la
légalité de la preuve pénale. De même, une audition
effectuée sous hypnose a été qualifiée de moyen de
preuve illégal. Les atteintes à l'inviolabilité du corps
humain et à l'inviolabilité de la pensée sont-elles
admises pour obtenir une preuve? L'utilisation du polygraphe en
procédure pénale est-elle compatible avec le principe de la
légalité de la preuve pénale? Un texte de loi strict et
clair peut-il légaliser l'emploi du polygraphe pour obtenir des preuves
pénales? Le recours à l'ADN dans l'établissement de la
preuve en matière pénale est-il compatible avec le principe de la
légalité de la preuve pénale? Est-ce que le fait de
refuser de se soumettre à un test ADN est permis même en
présence d'un texte de loi qui oblige le prévenu ou
l'accusé à effectuer le test? L'emploi de la force ou de moyens
de coercition pour pousser le prévenu ou l'accusé à
effectuer un test d'ADN est-il compatible avec le principe de la
légalité de la preuve pénale?
Si le principe de légalité de la preuve
pénale existe de manière générale, la question se
pose de savoir si ce principe existe vraiment en droit libanais et
français. Le principe de la légalité de preuve
pénale souffre-t-il
d'un problème d'existence ou d'un problème de reconnaissance? Le
réel problème est celui de la reconnaissance juridique de ce
principe. Quelles sont les positions doctrinales et jurisprudentielles
vis-à-vis de la reconnaissance du principe de la légalité
de preuve pénale? Comment prouver et affirmer l'existence du principe de
la légalité de la preuve pénale? Comment le principe de la
légalité de preuve pénale peut-il atteindre une
reconnaissance juridique suffisante? Le principe de la légalité
de la preuve pénale est-il une dérive, un composant ou un aspect
du principe général de la légalité criminelle?
Quelle est la relation entre le principe général de la
légalité criminelle et le principe de la légalité
de la preuve pénale? Le principe de la légalité de la
preuve pénale est-il un des aspects juridiques du grand principe de la
légalité criminelle? Peut-on considérer que le principe de
la légalité criminelle est applicable à la
procédure pénale? Peut-on parler d'une reconnaissance de la
légalité procédurale qui consolide définitivement
la reconnaissance de la légalité de preuve pénale?
A travers ce qui a été exposé, on posera
la question majeure et l'épineux dilemme : quel est le sort de la preuve
illégale? Il est logique de dire que l'application pratique des
principes juridiques révèle la vraie valeur que la justice
attribue au principe juridique indépendamment de la valeur juridique
réelle. Par conséquent, toute évaluation de l'application
effective ou pratique du principe de la légalité de la preuve
pénale et l'acceptation ou l'admission de la
42
preuve illégale et même les
éléments de preuve obtenus illégalement par la justice
exigent d'abord l'étude de la valeur juridique du principe de la
légalité en droit libanais et français afin de
procéder ensuite à l'étude des applications pratiques du
principe de la légalité de la preuve pénale et de
l'évaluation de la position de la justice par rapport à celui-ci.
Est-ce qu'on peut parler d'une tendance vers la constitutionnalisation et la
conventionnalisation du droit de la preuve et si oui quelle est la
manifestation de cette tendance? Quels sont les fondements conventionnels et
constitutionnels du principe de la légalité de preuve en droit
libanais et français? Quelle valeur juridique revêt le principe de
légalité en droit libanais et français? Quel est l'impact
de la Charte internationale des droits de l'homme sur la valeur juridique du
principe de la légalité de preuve en droit libanais? Quel est
l'impact du préambule de la Constitution libanaise sur la valeur
juridique du principe de légalité en droit libanais? Le principe
de légalité faisant partie du bloc de constitutionnalité
en droit libanais, quelles en sont les conséquences sur la valeur
juridique du principe de légalité en droit libanais? La
Convention européenne des droits de l'homme
a-t-elle un impact sur la valeur juridique du
principe de la légalité de preuve en droit français? Quel
est l'impact du préambule de la Constitution française sur la
valeur juridique du principe de légalité en droit
français? Le principe de légalité appartient-il au bloc de
constitutionnalité en droit français? Quelle est l'influence
exercée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du
26 août 1789, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
(la Constitution de la IVe République) et le préambule de la
Constitution française du 4 octobre 1958 sur la valeur juridique du
principe de légalité en droit français?
Sans doute faut-il étudier les applications pratiques
du principe de la légalité de la preuve pénale et
l'évaluation de la position de la justice par rapport à celui-ci.
Cela nécessite l'évaluation des solutions offertes par la
théorie de l'annulation (La théorie des nullités en
matière pénale) et les applications jurisprudentielles du
principe de la légalité de la preuve pénale et de
diligence dans la loi libanaise et française. Quelles sont les sanctions
procédurales possibles ou prévues en droit libanais et
français? Quel est l'effet du choix du régime des sanctions?
Quelle est l'incidence de la théorie des nullités adoptée
par les législateurs libanais et français sur la sanction des
preuves illégales? Les nullités textuelles et les nullités
substantielles contribuent à sanctionner les preuves obtenues de
manière illégale. Quelle est la conséquence de la
qualification et de la distinction entre nullités absolues et
nullités relatives sur les sanctions des preuves obtenues de
manière illégale? Est-ce que l'application de la sanction
concernant la preuve illégale peut varier selon l'auteur de la preuve?
Est-ce que
43
l'application de la sanction concernant la preuve
illégale peut varier selon l'objet de la preuve illégale (entre
preuve d'innocence et preuve de culpabilité)?
Il sera intéressant de connaître la mesure dans
laquelle la théorie des nullités en matière pénale
peut assurer l'application effective et exacte du principe de la
légalité de la preuve pénale. Cela débouchera
logiquement sur la discussion relative à la nécessité de
développer le rôle et le cadre de la théorie de
l'annulation judiciaire pour assurer l'application effective et
espéré du principe de légalité de la preuve
pénale ou de sortir du cadre de la théorie générale
des nullités en droit de la procédure pénale pour trouver
des outils ou des mécanismes juridique innovants et capable d'assimiler
le problème de la légalité des preuves pénales et
d'assurer l'application effective du principe de la légalité de
la preuve pénale en rapport avec sa valeur juridique réelle. Nous
abordons là les idées et propositions juridiques
développées pour dépasser la théorie de la
nullité classique et arriver à une étape stable et
permanente sur le sujet de la preuve pénale dont le résultat dans
la pratique effective devant la justice serait la reconnaissance totale et
évidente de l'idée selon laquelle l'accès à la
vérité et à la recherche et l'administration de la preuve
pénale ne peut pas se faire par l'utilisation de moyens et de preuves
illégales, même si la preuve reflète la
vérité réelle, ce qui dans un sens veut dire que ces
nouveaux instruments juridiques devraient être en mesure d'exclure la
preuve illégale et de supprimer sa valeur probante. Comment peut-on
comprendre le traitement de la preuve illégale? Quelles sont les raisons
qui motivent l'admission d'éléments de preuve obtenus
illégalement? Est-ce que l'absence de texte explicite en droit libanais
et français autorisant le juge à exclure du procès des
éléments de preuves obtenus de façon illégale
justifie l'admissibilité d'un élément de preuve recueilli
de manière illégale? Est-ce que la liberté souveraine
d'appréciation du juge en matière de preuve pénale qui est
aussi appelée système de la preuve morale ou de l'intime
conviction adopté en droit libanais et français permet au juge la
liberté entière, absolue et illimitée d'apprécier
la force probante de chacune des preuves offertes malgré son origine
illégale? Est-il possible de fixer des critères stables qui
justifient l'exclusion de la preuve illégale? Et, au contraire, est-il
possible de fixer des critères stables qui justifient l'admission de la
preuve illégale? Faut-il réformer le système des
nullités en procédure pénale libanaise et
française? Y a-t-il vraiment une
nécessité de moderniser l'ensemble du système des
nullités en procédure pénale dans le but
d'améliorer l'efficacité de l'application effective du principe
de la légalité de la preuve pénale? Les
législateurs libanais et français doivent veiller à
l'application effective du principe de la légalité de la preuve
pénale et doivent trancher la question de l'admissibilité d'une
preuve recueillie de manière illégale. Ils doivent ensuite
proposer d'adopter de nouvelles modalités et de nouveaux moyens
44
juridiques qui permettraient clairement au juge d'exclure un
élément de preuve obtenu illégalement. Cependant,
l'application effective du principe de la légalité de la preuve
pénale peut avoir pour effet de permettre à un délinquant
d'échapper à la sanction pénale.
24. Les enjeux de cette étude. Cette
étude est une contribution au renforcement et à l'enracinement du
principe de légalité de la preuve pénale. Il s'agit de
montrer que la recherche de la preuve pénale pour atteindre la
vérité ne peut se faire à n'importe quel prix et en
recourant à tous moyens ou par le biais la violation des droits et des
libertés individuelles des dispositions de la loi et des principes
généraux. Cette étude constitue un complément aux
études effectuées en France sur le principe de la
légalité de preuve pénale. Elle traite toutes les
problématiques relatives à l'existence du principe de la
légalité de la preuve pénale. S'agissant du droit
libanais; cette étude soulève une question qui constitue un
supplément qualitatif à la loi libanaise. Rares sont en droit
libanais les études ou les articles sur le principe de la
légalité de la preuve pénale ou de son concept à
l'exception des rares idées dans certains livres de procédures
pénales qui ne dépassent pas l'allusion à ce principe et
qui sont littéralement traduits des livres français de
manière incomplètes et peu claires et souvent de manière
ambiguë sans distinction avec le principe de la loyauté de la
preuve pénale. Cette étude a donc vocation à combler une
lacune dans la bibliothèque juridique libanaise. Elle vise au
déploiement et à la consécration de ce principe en
l'expliquant de façon claire et objective, alors qu'il a
été négligé par la jurisprudence et la doctrine
pénale libanaise. Cette étude est donc venue pour mettre fin
à des années de marginalisation de ce principe fondamental dans
la quête et l'administration de la preuve pénale, et cela
constitue un nouveau départ effectif pour une tentative de
consécration du principe et de diffusion de celui-ci.
Dans la première partie de cette thèse, nous
étudierons la notion de légalité de la preuve. La seconde
partie de cette thèse portera sur la mise en oeuvre du principe de
légalité de la preuve.
45
Partie I
La notion de légalité de la
preuve
25. Exposé du problème de la
légalité de preuve. Il est clair que la liberté de
preuve comme principe domine tout le procès pénal, mais
normalement il n'y a pas de liberté dans la recherche de la preuve
pénale sans limite parce qu'une liberté totale en matière
de preuve sans
limite et borne risque vite de se transformer en abus 213 .
Selon M. Jérôme Bénédict, les États
démocratiques confèrent à leurs agents des pouvoirs
étendus, mais en même temps avec
214
fermeté, parallèlement, ils fixent des limites
strictes à leur action
.
26. Distinction entre légalité des preuves
et preuves légales. Il est important de remarquer qu'il ne faut pas
confondre les notions de « légalité des preuves »
et de « preuves légales ». Le problème de
la légalité des preuves a trait à la question de
l'admissibilité de ces dernières, et
215
non à celle de leur valeur probante . Les limites
à la liberté des preuves découlant des principes
généraux sont beaucoup plus importantes que celles
résultant des textes juridiques. Les premières (découlant
des principes généraux) s'appliquent, à toutes les
infractions et devant toutes les juridictions pénales à tous les
autres stades de la procédure pénale. Les organes
étatiques et judiciaires doivent les respecter, quel que soit le moyen
de preuve, tels que les interrogatoires, la détection sensorielle et la
perquisition. Le principe de la légalité de preuve tend à
éliminer les moyens illégaux et d'autres moyens scientifiques du
cadre du procès pénal. En ce qui concerne la personne poursuivie,
c'est le respect des libertés individuelles, de la
sécurité physique et morale de l'individu et des droits de la
défense qui l'imposent. Pour la justice pénale, c'est la
dignité et les valeurs fondamentales de la civilisation moderne qui les
justifient. La question ne concerne pas seulement le recensement
216
.
de la preuve, mais comprend aussi les manières dont ces
preuves sont obtenues
213 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes
de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 879, pp.
711-712 : «... la liberté de preuve ne permet pas toutes
recherches. Dans ce domaine, les principes généraux condamnent,
outre la torture, l'astreinte, le serment imposé au prévenu, le
duel judiciaire ».
214 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, Thèse de
droit, Université de Lausanne, Éditions Pro Schola, Lausanne,
1994, p. 18.
215 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
23.
216 V. en langue arabe : E. Nammour, Cour
criminelle. Etude comparative, 1e éd., Éditions
Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2005, t.2, n°1347, p. 929.
27. Comment trouver le bon équilibre? On peut
dire d'une manière générale que la procédure
pénale a pour objet de concilier deux intérêts
présentés comme antagonistes afin de
217
trouver l'équilibre le plus satisfaisant
. Selon M. Jean Pradel, « la preuve est peut-être
de
46
toutes les branches de la procédure pénale,
celle qui est la plus vivante et surtout la plus complexe et, par
conséquent, la moins sûre, la moins fixée. On doit rappeler
en effet que la preuve se trouve au confluent de deux logiques antagonistes :
celle des droits de l'individu (à l'intégrité corporelle,
à la vie privée) et celle des droits de la société,
ces droits que l'on est tenté de défendre en profitant des
technologies modernes et en bâtissant au profit des
218
autorités de police et de justice un système
de pouvoirs importants » . La procédure pénale donc a
pour mission de réaliser l'équilibre le plus satisfaisant
possible entre deux exigences opposées : la nécessité de
protéger la société contre les délinquants et les
criminels qui la menacent d'un part, et celle de garantir les droits de
l'individu et le respect de la personne
humaine d'autre part 219 . Plus précisément, la
problématique qui concerne la recherche de la preuve s'articule autour
de l'idée de trouver l'équilibre entre la liberté et la
légalité dans la recherche et l'administration de la preuve en
matière pénale. Un autre concept d'équilibre s'exprime par
un juste équilibre entre les intérêts publics et
privés qui est à notre avis une
. Pour
220
notion ou un critère de distinction ambigu et qui reste
toujours un équilibre difficile
mettre en oeuvre cet équilibre souhaitable, comment
chercher efficacement une solution qui n'affaiblit pas le principe de la
légalité de la preuve? Il faut trouver une solution juridique qui
permet ou a pour objet de déterminer minutieusement le sort des preuves
illégales dans le procès pénal. Certains auteurs, comme M.
Jérôme Bénédict considèrent que s'agissant
d'une preuve illégale, dans un cas comme dans l'autre, il est possible
d'envisager deux solutions extrêmes et opposées, suivant que l'on
entend faire prévaloir l'intérêt de la
société ou celui de l'individu : 1° : Poursuivre et juger
les délinquants est un objectif prioritaire, de telle sorte
217 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 274, p. 121 : «
L'intérêt social voudrait une procédure rapide, mais une
certaine prudence est nécessaire car il faut laisser à la
personne poursuivie la possibilité d'organiser sa défense
».
218 J. Pradel, « La preuve en
procédure pénale comparée (Rapport général)
», in Revue internationale de droit pénal,
1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du
Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur
International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25
janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 13.
219 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, Thèse de
droit, Université de Lausanne, Éditions Pro Schola, Lausanne,
1994, p. 18.
220 V. C. Robinson et A. Eser, « Le
droit du prévenu au silence et son droit à être
assisté par un défenseur au cours de la phase
préjudiciaire en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique
», in R.S.C., juillet-septembre 1967, n°3, pp. 567-618, V.
spec. p. 581 : « Combien il est difficile de trouver un
équilibre satisfaisant, entre d'une part l'intérêt public,
qui exige une enquête vigoureuse et sans entraves, et d'autre part
l'intérêt individuel du suspect qui a besoin d'un appui pour sa
défense ».
qu'il convient d'admettre tout moyen de preuve propre à
asseoir la conviction des juges, sans
221
tenir compte du vice dont il pourrait être
entaché
. 2° : Lorsque le législateur a adopté la
47
règle transgressée, c'était la protection
des individus qu'il avait en vue ; or, ce but ne peut être vraiment
atteint que si l'on soustrait à l'appréciation du tribunal les
preuves obtenues par des
222
procédés illégaux . En effet, la seule
réponse serait de dire clairement que la légalité comme
principe fondamental dans le procès pénal surtout dans la
recherche de preuve peut vivre et exister à côté de la
liberté de preuve sans pour autant perdre l'efficacité de la
procédure pénale dans la recherche et l'administration des
preuves, mais à condition que le principe de la liberté de la
preuve qui domine la procédure pénale soit sous le contrôle
et la limite imposés par le principe de la légalité qui
nécessite à son tour d'être appliqué de
manière stricte, obligatoire et de façon satisfaisante. De cette
manière, on peut trouver un équilibre satisfaisant entre
l'efficacité du système pénal et l'effectivité des
droits accordés à l'individu, c'est-à-dire un
équilibre entre légalité et efficacité. À
notre avis, cet équilibre introuvable aujourd'hui en droit libanais et
français nécessite indéniablement le renforcement du
principe de légalité de preuve. Cela signifie renforcer les
outils de l'exclusion de la preuve obtenue d'une manière illégale
en droit libanais et français, dans la mesure où il semble que la
théorie des nullités telle qu'elle est en vigueur aujourd'hui au
Liban et en France ne peut assurer la sanction des formalités
prévues par la loi et ne constitue pas une règle efficace
d'exclusion de toutes les preuves illégales.
28. Une approche de la notion de principe de la
légalité de la preuve. La procédure pénale a
pour objectif principal la recherche de la vérité judiciaire et
non celle d'une culpabilité, à savoir la preuve de la
vérité. La preuve en matière pénale est libre, ce
qui implique le libre choix des moyens de preuve. Mais cette liberté de
preuve signifie que tous les moyens de preuve sont admissibles, sous
réserve d'avoir été légalement obtenus parce que la
preuve ne
223 224
doit pas être obtenue de façon illégale . La
recherche de la preuve en matière pénale revêt
221 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit.,
pp. 19-20.
222 J. Benedict, Ibid., p. 20.
223 V. en ce sens : A. Leborgne, «
L'impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité
ou le double visage d'un grand principe », in RTD Civ.,
juillet-septembre 1996, n°3, p. 535 : « En procédure
pénale, liberté des preuves ne peut signifier
illégalité ».
224 V. définition preuve : E.
Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit
civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Éditeur et
Maresc Ainé Éditeur, Paris, 1873, t.1, n°6, p. 6 :
« Le mot preuve, pris dans le sens le plus large, désigne tout
moyen direct ou indirect d'arriver à la connaissance des faits »
; V. J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, traduit
par Etienne Dumont, Bossange frères Libraires-Éditeurs, Paris,
1823, t. 1, p. 16 : « Qu'est ce qu'une preuve ? Dans le sens le plus
étendu qu'on puisse donner à ce mot, on entend par là un
fait supposé vrai, que l'on considère comme devant servir de
motif de crédibilité sur l'existence ou la nonexistence d'un
autre fait ».
une importance décisive 225 et qui mérite d'attirer
toute l'attention 226 parce que cette preuve
48
227 228
doit décider de la culpabilité ou de l'innocence de
la personne accusée pour avoir commis
une infraction 229 . La liberté de la preuve
pénale dominant sur l'opération de la recherche de la preuve
pénale signifie liberté dans le choix des moyens de preuve,
à cause de l'impossibilité
de limiter ceux-ci à un type défini d'infraction
en général230. En effet, la raison logique est que la
perpétration de l'infraction constitue souvent des actes dont la forme
est inattendue, et par conséquent, il était impératif de
faire place à la liberté du choix des moyens de preuve pour la
recherche de la preuve pénale et pour prouver les éléments
constitutifs de l'infraction. Une question s'impose selon Mme Coralie
Ambroise-Castérot : « prouver avec quelles preuves? Le principe
est celui de la liberté de la preuve, .... Mais il convient de ne pas se
méprendre sur le
225 V. E. Mathias, Procédure
pénale, 2e éd., Bréal, 2005, p. 8 :
« Une infraction (crime, délit ou contravention) prévue
par le Code pénal ou par un autre texte est commise. Cet acte
pénalement sanctionné ne doit pas demeurer impuni : il faut
chercher son auteur et le juger, c'est-à-dire constater son
éventuelle culpabilité et lui appliquer une sanction dans les
limites abstraitement formulées par le texte d'incrimination
».
226 V. S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 515, p. 557 : importance de la preuve : «
La preuve revêt dans le procès pénal une importance qu'elle
n'a dans aucune autre matière. Parce qu'elle touche aux garanties des
personnes, notamment à la présomption d'innocence à
laquelle elle peut porter atteinte, comme elle concerne directement l'ordre
public. Parce que toutes les règles de procédure n'ont, en
définitive, d'autre finalité que la recherche et l'administration
de la preuve. Ainsi, s'explique sans doute l'unité de la théorie
de la preuve, dans son principe comme dans ses règles, à toutes
les étapes de la procédure pénale, depuis la phase de la
police judiciaire jusqu'à celle du jugement définitif ; car on ne
peut concevoir une preuve qui soit, en amont du procès pénal,
différente de celle qui régira la phase de jugement. La logique
juridique rejoint le bon sens commun pour affirmer l'unité du
régime de la preuve, que commande la finalité globale et unique
de la procédure, à chacune de ses phases.».
227 A. Decocq, J. Montreuil et J. Buisson,
Le droit de la police, Litec, Paris, 1991, n°1050 : MM.
André Decocq, Jean Montreuil et Jacques Buisson expriment très
clairement cette idée d'importance de la preuve particulièrement
dans le contentieux pénal : «Depuis la constatation de
l'infraction jusqu'au jugement de son auteur, toute la chaîne
pénale est articulée autour de la question cardinale de la
preuve, et le régime de la preuve est nécessairement identique
à toutes les hauteurs de la procédure, même en amont du
procès pénal : dans la phase policière,
c'est-à-dire dans la phase préparatoire de ce
procès».
228 V. sur l'mportance de la preuve
pénale : R. Merle et A. Vitu, Traité De Droit Criminel,
5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2
Procédure Pénale, n°140, p. 177 : « La
procédure pénale tout entière gravite autour du
problème de la preuve, ce qui explique la place éminente que lui
réservent certains droits étrangers, par exemple anglo-saxons
».
229 V. G. Danjaume, « Le principe de la
liberté de la preuve en procédure pénale », in
D., 1996, chron., pp. 153156. V. spec. p. 153 :« En
procédure pénale, la preuve revêt une importance toute
particulière dans la mesure où elle va permettre de statuer sur
la culpabilité. Ainsi, la preuve constitue le point central du
procès pénal ».
230 V. en ce sens : J. Buisson, «
Perquisitions : Pouvoirs de l'officier de police judiciaire. Constatation d'une
infraction prévue par une loi spéciale », Note sous Cass.
crim., 25 juin 2003, M., non publié, in R.S.C., 2004,
p. 424 :« Ce principe de la liberté de la preuve, qui doit
être concilié avec celui de la légalité, s'est
imposé en droit pénal non seulement parce qu'il s'agit de prouver
des faits pour lesquels aucune preuve ne peut normalement être
préconstituée, mais aussi parce que les intérêts
supérieurs de la société exigent de ne pas désarmer
la répression par un système de preuve trop rigide tandis que les
droits du prévenu commandent de lui permettre de faire valoir tous
moyens de nature à démontrer sa non-implication dans les faits
reprochés ».
sens et la portée de ce principe » 231 .
Cependant, cette liberté de la preuve pénale n'est pas
49
hasardeuse, étant donné qu'elle doit
dépendre de moyens harmonieux ou compatibles avec les droits de l'Homme,
ainsi qu'avec les textes de la loi et les principes généraux. On
ne peut pas considérer que la violation de l'intégrité du
corps du suspect, la violation de sa liberté, de sa volonté, de
son droit à la vie privée, ou encore les droits de la
défense consacrés à son
avantage font partie de la liberté de la preuve 232 .
Les outils juridiques prescrits par le législateur pour la recherche de
la preuve doivent permettre d'atteindre la vérité lors d'un
procès pénal, c'est-à-dire convaincre le juge qu'une
infraction a été commise et que l'accusé est l'auteur de
cette infraction, sans commettre aucune violation des droits de la personne.
Toute suggestion contraire rendrait l'existence du Code de procédure
pénale, qui réglemente les moyens et les méthodes de la
recherche de la preuve pénale, inutile, et l'obtention de la preuve
pénale serait donc possible en ayant recours à tous les moyens,
même illégaux, sans aucun égard aux droits du suspect ni
à la présomption d'innocence qui l'accompagne jusqu'au jugement
prononçant sa condamnation. En d'autres termes un renforcement de la
légalité peut paraître nécessaire pour mieux
garantir l'État de droit pour éviter la recherche de la preuve
pénale à tout prix et par tout moyen afin d'atteindre la
vérité, sans aucune restriction ou garanties, ce qui
représenterait une application radicale de la liberté absolue de
preuve en droit pénal.
29. Le concept de la légalité de la preuve.
Le concept de la légalité de la preuve pénale
signifie que les autorités de l'État et de la justice
généralement doivent dans la recherche des preuves et des auteurs
d'infractions respecter les lois et les règles de procédure parce
que la recherche de la vérité impose nécessairement de
« concilier les droits fondamentaux de la personne humaine avec une
recherche d'efficacité des autorités d'enquête et de
poursuite dans la mise en cause des auteurs d'infraction à la loi
pénale et qui mettent par là même en
233
cause l'équilibre de la vie en
société ». De cette manière, on peut dire que
l'objet de la procédure pénale sera de permettre la conciliation
des principes protecteurs de l'individu avec
231 C. Ambroise-Castérot, «
Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la
quête du Graal de la Vérité », in AJ Pénal,
2005, pp. 261 et s.
232 V. Ph. Bonfils, « Loyauté de
la preuve et droit au procès équitable », Note sous Cass. 2e
civ., 7 octobre 2004, in D., 13 janvier 2005, n°2, juris., p. 122
: « On le sait bien, être titulaire d'un droit est une chose, et
pouvoir en rapporter la preuve en est souvent une autre. Cette
difficulté explique que, parfois, certains se laissent tenter par le
recours à des procédés déloyaux voire illicites, et
cette tentation peut même paraître d'autant plus grande que les
progrès scientifiques et techniques en multiplient les
possibilités ».
233 P. Bolze, Le droit à la preuve
contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Nancy 2, 2010, p.
49.
234
une efficacité extrême dans la recherche de la
preuve . Donc, la preuve pénale se trouve
50
pratiquement au confluent de deux logiques antagonistes ou qui
sont en contradiction : celles des droits et libertés des individus
protégés par la loi et celles des droits de la
société. Un auteur belge, M. Franklin Kuty, évoque
l'idée de la bonne administration de la justice qui protège une
grande série de droits individuels pour éclaircir la notion de la
légalité ou de la
régularité de la preuve en matière
pénale 235 . Le principe de la liberté des preuves n'est
pas un principe absolu puisqu'il s'agit de la limitation de l'exercice de la
liberté de la preuve pénale en respect des dispositions de la
loi, notamment le Code de procédure pénale réglementant la
recherche et la production de la preuve pénale, ainsi que des principes
fondamentaux généraux dominant le processus de la recherche et de
la production de la preuve pénale au cours des différents stades
du procès pénal, et de la phase précédente, ou en
d'autres termes la phase d'investigation dans le procès pénal.
À cet égard, la légalité de la preuve pénale
s'intéresse seulement au moyen d'obtention et à l'administration
de la preuve pénale qui doit refléter sur l'admission de la
preuve obtenue de manière illégale, non à sa valeur
probante. En effet, le moyen d'obtention de la preuve pénale doit
être compatible avec le principe de la légalité des preuves
en matière de production de preuve, et par conséquent la
liberté de la preuve ne signifie pas que tous les moyens sont
autorisés pour l'atteinte de la
vérité dans le cadre d'un procès
pénal236 . Il est incontestable que l'application du principe
de la liberté de la preuve, dominant la recherche de la preuve
pénale, doit également respecter le principe de la loyauté
de la preuve pénale, qui est d'ailleurs un principe
complémentaire et relatif au principe de la légalité de la
preuve pénale. Le principe de la
234 V. en ce sens : P. Bolze, Le droit
à la preuve contraire en procédure pénale,
Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, p. 49.
235 F. Kuty, « La sanction de
l'illégalité et de l'irrégularité de la preuve
pénale », in F. Kuty et D. Mougenot (Dir.), La preuve questions
spéciales, Anthémis, Vol. 99, Liège, janvier 2008,
pp. 7-62, V. Spec. p. 11 : « La notion de régularité de
la preuve renvoie aux valeurs considérées comme essentielles
à une bonne administration de la justice et qui ne sont pas
formulées, en tant que telles, dans un texte de loi » ; V.
encore : F. Kuty, « La sanction de l'illégalité et de
l'irrégularité de la preuve pénale », in F. Kuty et
D. Mougenot (Dir.), La preuve questions spéciales,
Anthémis, Vol. 99, Liège, janvier 2008, pp. 7-62, V. Spec. p.
11-12 : L'exigence de régularité de la preuve selon M. Franklin
Kuty « Il s'agit, en d'autres termes, des exigences de dignité
de la justice et de loyauté dans la recherche des preuves qui, toutes
deux, touchent au respect de la personne, de la dignité humaine, des
principes généraux du droit et des droits de la défense
».
236 V. P. Hennion-Jacquet, «
L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention
européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575
et s., V. spec n° 2 : Mme Patricia Hennion-Jacquet décrit
l'intervention du principe de la légalité de preuve dans le
système de preuve libre : « la preuve pénale ne fait
l'objet d'aucune théorie générale : elle peut être
rapportée par tous moyens, le mode de preuve n'étant ni
imposé, ni interdit. C'est pourquoi, le système probatoire
français est qualifié de système de preuve libre. Cette
qualification impropre procède d'une assimilation inopportune entre la
liberté de principe concernant la recevabilité de la preuve et la
légalité de son obtention ».
51
légalité de la preuve pénale n'est pas
surprenant ou étranger au système juridique en vigueur dans
l'État de droit, où la souveraineté et la dominance
reviennent à la légalité sur laquelle se basent les
travaux de toutes les autorités publiques et judiciaires dans le cadre
de l'affaire pénale, et qui représente ainsi une couverture
juridique pour toutes les actions menées par les autorités en
charge de la recherche des preuves pénales et de la détection des
infractions commises afin de déceler l'identité de leur auteur.
Il est devenu nécessaire de réévaluer certaines
définitions radicales répandues dans l'introduction du concept du
principe de la liberté la preuve en matière pénale, en
révélant ainsi la liberté excessive contenue dans le
principe de liberté de la preuve pénale, sous la forme d'une
liberté absolue sans aucune restriction, sans limites, sans lignes
directrices. Il semble qu'un concept large (vague), non discipliné et
incontrôlé de liberté de la preuve ne convient pas à
un État de droit, étant donné qu'il représente un
outil et un moyen de domination, d'oppression et d'abus de pouvoir portant
atteinte aux droits et libertés des individus garantis par les
dispositions de la loi.
30. Coexistence possible entre liberté et
légalité des preuves. La procédure pénale est
la description de l'intervention des autorités étatiques (police
mais également procureur et juges) dans le but de rechercher la preuve
qui permet d'aboutir à la vérité pour identifier l'auteur
de l'infraction. Selon M. Édouard Verny « la procédure
pénale recouvre l'ensemble des règles relatives à la
recherche et au jugement des personnes soupçonnées d'avoir commis
une
237
infraction ». Le système juridique doit
être en mesure de fournir et d'assurer les garanties juridiques des
droits et libertés des individus dans le cadre du procès
pénal, en vertu du principe de la légalité, en
parallèle avec l'application du principe de la liberté de la
preuve pénale afin de détecter les criminels et les preuves de
l'infraction, sans risquer de porter
238
atteinte à leurs droits fondamentaux. Cet
équilibre délicat entre la garantie du principe de la
légalité d'une part, et d'autre part, la garantie de l'atteinte
de l'objectif principal du procès pénal, est inaccessible sans
une application effective du principe de la légalité de la preuve
pénale, à côté du principe de la liberté de
la preuve pénale.
237 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 1, p. 1.
238 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 274, p. 121 : « Les règles
relatives à la procédure pénale sont
particulièrement importantes, tant pour la protection de la
société (car la procédure doit permettre de confondre les
coupables en dépit de leurs dénégations) que pour la
sauvegarde de la liberté individuelle (car elles doivent permettre
à l'innocent d'éviter d'être victime d'une erreur
judiciaire, et au coupable de faire valoir ses moyens de défense, de
façon à ce que la peine qui sera éventuellement
prononcée contre lui soit vraiment équitable). ».
52
La détermination de la notion de la
légalité de la preuve pénale nécessite la
détermination du rôle et de la relation entre le principe de la
légalité et de la loyauté de la preuve pénale d'une
part, et celui du principe de la liberté de la preuve d'autre part, afin
de fixer les limites de leur relation et éliminer toute confusion ou
ambiguïté pouvant être soulevée. Le premier titre dans
cette thèse porte sur la relation entre légalité,
loyauté et liberté de la preuve. En outre, la
détermination du concept de la légalité de la preuve
pénale exige la caractérisation et l'étude de la notion de
la preuve illégale afin d'illustrer cette idée, de fixer les
aspects d'un concept clair permettant de distinguer les cas dans lesquels la
preuve est considérée illégale lors du procès
pénal, de déterminer les cas touchant la preuve
d'illégalité ou de comprendre la notion de preuve entachée
de vices d'illégalité. Le second titre de cette thèse
porte sur la notion de preuve illégale.
53
Titre I
Légalité, loyauté et la
liberté de la preuve
31. Le trinôme qui domine la recherche de la preuve
pénale. Selon M. Pierre Arguin, « le droit criminel vise,
d'abord et avant tout, la protection de la société en
général et des valeurs morales qu'elle véhicule. Le droit
criminel proscrit des comportements qui portent atteinte au
bien-être collectif » 239 . Ce qui
précède n'empêche pas d'affirmer que la recherche de la
vérité
240
dans le procès pénal est gouvernée par les
principes de liberté, de légalité et de loyauté
.
|
|
L'accès à la compréhension du sens de la
légalité de la preuve pénale exige un accent sur la
réforme d'un bon concept du principe de la liberté de la preuve
pénale, en raison de la relation entre la liberté de la preuve et
la légalité de ses moyens. Par conséquent, le principe
de la légalité et de la
loyauté241 de la preuve en tant que concept est en
réalité la liberté du
choix du moyen de preuve autorisée par la
loi242 parmi un ensemble de moyens, et dans le respect des
conditions et garanties exigées par le législateur lors de
l'application des divers actes de procédure pénale visant la
recherche et la production de la preuve pénale. L'exercice de la
liberté de la preuve pénale dans le cadre de la recherche de la
preuve
pénale doit coexister avec le principe de la
légalité et de la loyauté243 des preuves
pénales
239 P. Arguin, « Les règles
procédurales entourant la recevabilité des déclarations
extrajudiciaires », in Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 1,
1991, pp. 103-152, v. spec. p. 105.
240 V. en ce sens : J.-R. Demarchi, « La
loyauté de la preuve en procédure pénale, outil
transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p.
2012 : « Cette lente construction jurisprudentielle laisse
apparaître, en filigrane, une nouvelle devise du droit de la preuve :
Liberté, légalité, loyauté » ; v.
É. Mathias, Procédure pénale, Bréal,
3e éd., 2007, p. 34 : « Sans doute le droit
pénal contemporain n'impose-t-il, en principe, aucun mode de preuve,
mais encore convient-il que les preuves produites par l'accusation n'aient pas
été obtenues illégalement ou de manière
déloyale ».
241 V. sur l'exigence de la
légalité et de la loyauté dans la preuve pénale :
M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée
à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal,
2005, pp. 267 et s : « La première limite qui s'impose donc
à l'enquêteur est celle du respect du principe de
légalité, qui conditionne sa démarche investigatrice.
Néanmoins cette seule limite suffit-elle ? La question est de savoir si,
pour aboutir à la preuve, l'enquêteur peut laisser libre cours
à son imagination (voire à sa ruse) dès lors qu'il ne
contredit pas les normes de la légalité. A l'évidence non,
la police doit, de surcroît, se conformer au principe de
loyauté».
242 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : « L'article 427
signifie plus modestement que l'existence d'une infraction peut être
établie par les modes de preuve admis par la loi, sans qu'aucun d'eux ne
soit exclu ou au contraire privilégié ... ».
243 V. sur l'exigence de la loyauté
dans la recherche des preuves : J.-L. Poisot, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 74 : « La
liberté d'investigation dont disposent les enquêteurs pour la
recherche des preuves en matière pénale implique que cette
recherche soit effectuée de manière loyale. Le principe de la
loyauté dans la recherche des preuves entraîne la prohibition de
tous les actes qui portent gravement atteinte aux principes
généraux du droit et aux libertés fondamentales
».
considérées parmi les caractéristiques
devant être intimement liées à l'opération de la
244
recherche de la preuve pénale
. À cet égard, M. Vincent Lesclous considère
qu'« en outre, à
54
l'exigence accrue de légalité de
l'administration de la preuve s'est ajoutée celle de sa loyauté.
Toutefois ces deux exigences ne supplantent pas le principe de liberté
qui demeure mais se
contentent de le borner partiellement » 245
. À son tour, M. Jacques Buisson considère que
« dans un État de droit, l'administration de la preuve est
soumise au respect du principe de la légalité, matérielle
ou formelle. Elle ne doit pas, en effet, violer les principes
généraux :
246
loyauté dans la recherche des preuves, respect de
la dignité humaine » . Il est difficile aujourd'hui de
comprendre la négation d'un principe qui affirme que la recherche et
l'administration de la preuve sont régies par le
principe de légalité 247 . Par conséquent, la
légalité et la loyauté de la preuve pénale sont
toujours confrontées au principe de la liberté de
la preuve 248 adopté par le droit libanais et
français afin de rechercher la preuve pénale. Dans
l'opération de recherche de la preuve pénale, la
légalité procédurale doit dominer, ainsi que le respect
des dispositions de la loi et des principes généraux primordiaux
protégeant et garantissant les droits et les libertés dans le
cadre du procès pénal, afin d'éviter l'écart entre
le principe de la liberté de la preuve et son rôle
attribué, et sa transformation en un outil de tyrannie, ou encore en un
moyen d'oppression, ce qui risquerait de se produire si était
appliqué le concept instable d'une liberté absolue sans le
respect du principe de la légalité. En conséquence, il est
devenu évident que la liberté de la preuve, en tant que principe
de base dans la recherche de la preuve en matière pénale, est
accompagnée strictement par deux autres principes de base : la
légalité et la loyauté de la preuve pénale. Mme
Martine Herzog-Evans illustre l'idée principale de la liberté
relative (non absolue) dans le domaine de la preuve pénale en
écrivant : « si la preuve est libre, n'importe quelle preuve ne
peut être
244 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : «Il ne faut pas se
méprendre toutefois sur la portée de l'article 427, parfois
conçu comme une auberge espagnole. Son objet n'est pas de définir
le contenu des modes de preuve admissibles. Il ne signifie donc pas que
n'importe quel moyen serait autorisé pour établir la preuve d'une
infraction. Comme on le verra, les principes supérieurs de
légalité et loyauté imposent des limites dont le
législateur ne peut s'émanciper».
245 V. Lesclous, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 46.
246 J. Buisson, « L'audition sous
hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison
d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches »,
in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.
247 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : «
Le principe général de la loyauté dans la recherche de la
preuve impose donc aux acteurs de la recherche de la preuve au procès
pénal d'éviter tous les abus auxquels le principe de
liberté de la recherche peut les porter ».
248 V. sur ce point : P. Lemoine, « La
loyauté de la preuve à travers quelques arrêts
récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de
la cour de cassation (française) : « Comment garantir, une
exigence de loyauté dans la production des preuves qui soit compatible,
non seulement avec le principe de liberté des preuves posé,
notamment, par l'article 427 du Code de procédure pénale, mais
aussi avec l'assurance d'une procédure pénale équitable et
impartiale tout en restant efficace ? ».
présentée. La preuve doit en premier lieu
être admissible sur le plan de la légalité formelle. Elle
doit en outre avoir été obtenue loyalement. Certaines preuves ne
peuvent tout simplement
249
pas être produites en justice »
. Il est vrai que le principe de la loyauté de la
preuve exige un
créneau spécial dans cette étude afin de
mettre en évidence sa nature ainsi que la manière dont il est
créé par la jurisprudence, contrairement au principe de la
légalité de la preuve pénale émergé
différemment par rapport au principe précédemment
cité. Cependant, le principe de la loyauté de la preuve reste
lié au principe de la légalité de la preuve pénale,
et son complément essentiel intimement lié lors de l'application
de la liberté de la preuve pénale. Nous allons étudier le
principe de la légalité de la preuve pénale comme un moyen
permettant de contenir et de contrôler la prédominance du principe
de la liberté de la preuve pénale, ainsi que la façon
selon laquelle il détermine les limites de celui-ci sans influer sur
l'efficacité de cette liberté dans la réalisation de
l'objectif du Code de procédure pénale libanais et
français, qui est l'accès à la vérité. Il
convient de souligner le rôle du principe de la légalité en
tant qu'outil indispensable permettant d'entraver l'abus et la dominance de la
liberté de la preuve. On étudiera d'abord l'encadrement du
principe de la liberté de la preuve par le principe de la
légalité de la preuve pénale. Le chapitre premier porte
sur la légalité comme outil d'encadrement du principe de la
liberté de preuve. Ensuite, on abordera le principe de la loyauté
de la preuve pénale. Le second chapitre porte sur la loyauté de
la preuve en lien avec la légalité de la preuve.
55
249 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
pp. 158 et s.
Chapitre I
La légalité, un outil d'encadrement du
principe de la
liberté de preuve
32. La légalité représente le cadre
qui entoure le principe de la liberté de la preuve pénale.
La liberté de la preuve pénale comme principe
général qui domine la recherche de la vérité ne
signifie pas que cette liberté est absolue. Il n'est pas permis pendant
la recherche de la preuve, de recourir à certains procédés
qui sont qualifiés ou dits illégaux : « la manifestation
de la
vérité ne justifie nullement le recours
à tout moyen de preuve »
|
250
|
. Cette liberté de la preuve
|
n'est pas aveugle et n'est pas sans restriction : «
la preuve doit être administrée
légalement » 251 . La liberté de
la preuve n'échappe pas à l'obligation de respecter des
principes
252
généraux et des droits fondamentaux des
individus, afin d'atteindre la vérité dans le cadre du
procès pénal. Comme l'affirme M. Vincent Lesclous, «
l'administration de la preuve, notamment par l'autorité publique, est
soumise à un principe de légalité soit par un formalisme
particulier à un acte soit à raison d'un principe
général (respect de l'intimité de la
vie privée et des droits de la défense par
exemple) »
|
253
|
. Il est convenu sans réserve d'aucune
|
56
sorte que le principe de liberté de la preuve ne justifie
pas le recours à certains procédés ou
moyens illégaux puisque le principe de la
légalité de preuve encadre cette liberté 254 comme le
255
souligne Mme Coralie Ambroise-Castérot. En effet, cette
légalité met la liberté de la preuve
250 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la
preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique,
Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in
Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /,
décembre 2003, p. 3.
251 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 74,
p. 55.
252 V. G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la
preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique,
Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in
Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /,
décembre 2003, p. 8 : « L'encadrement de l'administration de la
preuve se fait aussi nécessairement par le respect imposé de
certains droits substantiels de l'homme, et plus précisément, par
le respect de la dignité humaine, le respect du droit à la vie
privée, ...».
253 V. Lesclous, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 45.
254 V. en se sens : H. Leclerc, « Les
limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in
Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « Le formalisme et
le légalisme obligatoires dans la recherche et la production des preuves
par l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme » ;
L'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme dispose : «
nul homme ne peut être accusé, arrêté ou
détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les
formes qu'elle a prescrites ».
255 C. Ambroise-Castérot, «
Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la
quête du Graal de
en conformité avec les droits de l'homme, pour
éviter que la liberté de preuve soit un outil d'abus ou devienne
arbitraire sous prétexte d'obtenir la preuve pénale. Cette
liberté de preuve
256
est conditionnée par sa pratique dans le cadre du principe
de la légalité
, en vue de rendre la
57
preuve conforme à la loi, étant donné qu'il
est inadmissible d'accéder à la vérité en ayant
recours à des moyens non autorisés par la loi. La loi a
autorisé des moyens permettant la recherche de la vérité,
en les prévoyant explicitement, en organisant la méthode et la
façon de
257
leur utilisation, et en attribuant aux autorités
compétentes en matière de recherche de la preuve, la
liberté du choix des moyens qu'ils jugent nécessaires pour cette
recherche, parmi les
.
258
moyens autorisés par le législateur, en tenant
compte des principes généraux
33. Liberté de preuve et l'administration de la
preuve. Si la loi pénale permet d'utiliser tous
les modes de preuves parce que tant le Code de procédure pénale
libanais que le français consacrent le système de la
liberté des preuves pénales, elle ne laisse pas pour autant une
liberté absolue quant à l'administration de ceux-ci. M.
Édouard Verny affirme que « la liberté de la preuve
comprend néanmoins des limites qui résultent d'une exigence de
modération
dans les moyens de recherche des preuves » 259
. La liberté de la preuve est limitée par l'application
de certains principes généraux qui interdisent de rechercher la
vérité par n'importe quel procédé. En principe, la
procédure pénale est au service du droit pénal dont le
la Vérité », in AJ Pénal,
2005, pp. 261 et s. : « En effet, ce principe de liberté
de la preuve ne signifie pas que n'importe quel procédé puisse
être utilisé : torture, sérum de vérité,
polygraphe (détecteur de mensonge), etc. Il existe donc des
procédés interdits. La liberté des preuves est une
liberté encadrée par la légalité : seuls les modes
de preuves légalement prévus sont admissibles devant les
tribunaux... ».
256 V. en ce sens: J. Buisson, «
Sonorisation illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue
une ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/
France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607: «
On se fige trop souvent sur le fait qu'en matière pénale, la
preuve est libre alors que, contrairement à une vision sommaire de la
preuve en cette matière, ce principe de la liberté a, dans un
État de droit, un empire nécessairement limité par le
principe de la légalité, particulièrement lorsque
l'administration de la preuve est le fait des agents de l'autorité
publique ».
257 V. sur ce point : M-L. Rassat,
Procédure pénale, 2e édition,
Éditeur : Ellipses, 2013, n° 256, p. 265 : « Chaque mode
de preuve est doté d'une procédure d'obtention
particulière qui fait l'objet d'une réglementation
spécifique et détaillé.».
258 V. J. Buisson, « Sonorisation
illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue une
ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/
France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607: «
L'agent public peut, par exemple, décider de parvenir à la preuve
espérée par le biais de l'audition d'un témoin, de
l'interrogatoire d'un suspect ou du mis en examen, d'une perquisition, d'une
interception de correspondances, mais une fois son choix opéré,
la légalité reprend son empire : il ne peut administrer la preuve
comme il l'entend, contraint qu'il est d'exécuter l'un des actes que le
législateur a prévus à cette fin probatoire
».
259 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 30, p.
22.
but principal est de chercher, trouver et punir les coupables
d'une infraction pénale
260
. Mais
58
pour atteindre le but principal de la procédure
pénale, c'est-à-dire l'objectif louable de rechercher la
vérité et les coupables dans le procès pénal, il
faut trouver un équilibre entre la nécessité de
préserver l'efficacité de la justice pénale et celle de
préserver les libertés
261
individuelles et publiques . Si la preuve est libre en
principe dans les systèmes pénaux libanais et français qui
adoptent le principe de la liberté de la preuve, cette liberté ne
peut et ne
doit pas être absolue 262 . L'administration et
la recherche de la preuve dans le domaine pénal sont toujours soumises
à des règles, n'importe quelle preuve ne peut être
présentée pour
former l'intime conviction du juge ou des jurés 263 .
En effet, la preuve en matière pénale est libre, ce qui
caractérise et domine le système des preuves pénales, mais
la liberté de la preuve
264
comporte des limites imposées par des principes
généraux qui ne sont pas écrits . La
légalité tient une place importante dans le droit de la preuve.
En effet, il existe certaines restrictions, dans la recherche des preuves, qui
sont imposées au juge pénal par le législateur ou la
jurisprudence, mais qui ne constituent pas en tout cas de véritables
exceptions au principe de
liberté des preuves qui domine la procédure
pénale française 265 et libanaise en matière de
260M. Trevidic, « La
recherche de la preuve en droit français », in La preuve au
coeur du débat judiciaire : discovery, cross-examination et expertise
contradictoire regards croisés franco-américains, colloque
du 24 mars 2010 organise par l'association France-Amériques (A.F.D.D.),
disponible en ligne sur le site officiel des juges d'instruction
français : http://www.afmi.asso.fr/
261 M. Trevidic, « La recherche de la
preuve en droit français », op. cit.
262 V. en ce sens : F. El Hajj Chehade,
Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du
Maine, 2010, p. 25 : « Si la preuve pénale peut être
rapportée par tout moyen, cela ne signifie pas pour autant qu'elle se
soustraie totalement au droit et s'exerce au détriment des droits des
parties ».
263 V. J. Buisson, « Sonorisation
illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue une
ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/
France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607: «
l'enquêteur ou le juge est libre de choisir tel mode de preuve parmi ceux
qui sont à sa disposition, mais il est contraint dans la mise en oeuvre
de son choix par l'existence des actes d'administration de la preuve
limitativement mis à sa disposition ».
264 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel, 4e éd., Cujas, Paris, 1989, t. 2
Procédure pénale, n° 129, p. 162 ; G. Stefani, G.
Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e
éd., Dalloz, 2012, n° 145, p. 124 : Les limites à la
liberté des preuves : « Une deuxième limite
résulte du respect des valeurs fondamentales de la civilisation. Quoique
la manifestation de la vérité soit l'objectif capital du
procès répressif, cette vérité ne peut être
recherchée par n'importe quel moyen. Il importe à la
dignité de la justice et au respect qu'elle doit inspirer, de ne mettre
en oeuvre aucun moyen qui attente aux droits fondamentaux de la personne
humaine ou aux droits de la défense. C'est pour cette raison que la
torture est interdite ... ». ; Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 46, p. 31 : « ... d'un point de vue plus
large, il faut examiner, également, la façon dont les preuves
sont recherchées et administrées : la règle de la
liberté pourrait affaiblie dans sa portée si des restrictions
excessives entravaient la découverte de la vérité. C'est
le principe de la légalité qui fixe, ici, les limites.
».
265C. Mascala, « Le juge
répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve
produits par les parties même obtenus de manière illicite ou
déloyale », Note sous Cass. crim., 15 juin 1993 in D.,
1994, jurisprudence p. 613.
59
preuve. La recherche des preuves de manière
illégale est interdite ; les procédés qui portent atteinte
à la dignité humaine et à l'intégrité
corporelle des prévenus sont interdits et prohibés. «
Quoique la manifestation de la vérité soit l'objectif capital du
procès répressif, cette vérité ne peut être
recherchée par n'importe quel moyen. Il importe à la
dignité de la justice et au respect qu'elle doit inspirer, de ne mettre
en oeuvre aucun moyen qui attente aux droits fondamentaux de la personne
humaine ou aux droits de la défense. C'est pour cette raison que
266
la torture est interdite ... ». Selon M. Marc
Trevidic, les principes qui gouvernent la façon dont la preuve est
recherchée sont le principe de la liberté de la preuve
atténuée par les
267
principes du contradictoire et de loyauté. En premier
lieu, la preuve doit être admissible sur le plan de la
légalité formelle. Elle doit en outre avoir été
obtenue et recueillie loyalement. La preuve ne saurait résulter de
l'utilisation d'un moyen illégal, comme l'usage de la force physique, ou
de mauvais traitements. En droit communautaire, M. Michel Van de Kerchove croit
que même si l'admissibilité des modes de preuve est en principe
considérée comme relevant du droit interne, les organes de la
Convention se sont néanmoins fondés sur l'article 6, § 2, en
ce qu'il prévoit que la culpabilité de l'accusé doit
être « légalement établie », pour lui
268
imposer certaines limites.
34. La légalité contribue à
l'humanisation de la recherche des preuves. Le principe de la
légalité de la preuve pénale est un outil qui rend le
principe de la liberté de la preuve non radical et compatible avec les
principes généraux du droit de la preuve, en particulier avec
la
269 270
tendance à humaniser les moyens de la preuve
pénalenotamment au cours de l'évolution rapide et croissante des
moyens et des modes de recherche des éléments de preuve qui
266 Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc,
Procédure pénale, 23e éd., Dalloz,
2012, n° 145, p. 124.
267 M. Trevidic, « La recherche de la
preuve en droit français », op. cit.
268 M. Van de Kerchove, « La preuve en
matière pénale dans la jurisprudence de la Cour et de la
Commission européennes des droits de l'homme », in R.S.C.,
1992, n° 1, pp. 1-14 ; A cet égard, v. notamment Cour EDH,
arrêt Salabiaku, 7 oct 1988, série A n° 141, p. 16 : Dans
l'arrêt Salabiaku contre France, paragraphe 28, la Cour Européenne
a retenu que : « le législateur national pourrait à sa
guise priver le juge du fond d'un véritable pouvoir
d'appréciation, si les mots « légalement établie
» impliquaient un renvoi inconditionnel au droit interne. Un tel
résultat ne saurait se concilier avec l'objet et le but de l'article 6
(art. 6) qui, en protégeant le droit de chacun à un procès
équitable et notamment au bénéfice de la
présomption d'innocence, entend consacrer le principe fondamental de la
prééminence du droit».
269 V. J.-C. Soyer, «L'avenir de la vie
privée face aux effets pervers du progrès et de la vertu »,
in P. Tabatoni (Sous dir.), La protection de la vie privée dans la
société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences
Morales Et Politiques, 2000, tome 1, chapitre 1, pp. 7-12, V. spec. p. 10 :
« Pour une démocratie contemporaine et soumise à la
prééminence du droit, la vertu civique se mesurera donc par le
respect effectif, au quotidien, des droits de l'homme dont les individus
peuvent se réclamer ».
270 V. Ch. Perelman, « La preuve en
droit : essai de synthèse », in La preuve en droit,
études publiées par Ch. Perelman et Paul Foriers, Travaux du
CNRL, Bruylant, Bruxelles, 1981, p. 364 : « La preuve et la
vérité ne sont que des moyens de réaliser la justice,
telle qu'elle est conçue dans une société
donnée».
peuvent menacer les droits en général et surtout
les libertés individuelles, la dignité de la
271
personne humaine et l'intimité de la vie privée
. La liberté de la preuve est en mesure de
60
servir l'objectif du Code de procédure pénale,
qui est la découverte de la vérité par le biais de moyens
de preuve cohérents et compatibles avec le principe de la
légalité de la
272
preuve pénale . La recherche de la preuve est le chemin
qui conduit à l'apparence de la vérité souhaitable dans la
société, mais cette vérité ne doit pas sacrifier
les libertés individuelles au profit de l'autorité
étatique afin d'obtenir des éléments de preuve. À
cet égard, s'agissant du droit de la société d'être
protégée contre le crime, ce droit ne doit pas se faire au
détriment des droits humains et des principes généraux,
comme M. Bernard Bouloc l'a écrit : « sans doute, la
société est en droit de se défendre contre le crime et
contre ceux qui n'entendent pas respecter les règles de la vie en
société. Mais, ce droit de la société doit
être exercé avec
273
La première section de ce chapitre porte sur la
légalité, une limite à la liberté de la preuve. La
deuxième section de ce chapitre porte sur la légalité,
frein au caractère absolu de la liberté de la preuve.
271 V. sur ce point : D. Coujard, «
instruction à l'audience », in Rép. pén.
Dalloz, avril 1997, n° 1, p .4 : « Sujet permanent de
controverse, la procédure pénale est soumise à deux
impératifs contradictoires qui doivent coexister : le respect des droits
de l'Homme, d'une part, l'efficacité du procès, de l'autre
».
272 V. en ce sens : M.-E. Boursier, Le
principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 95 :
« En effet le principe de liberté tend à assurer la
sécurité dans un premier temps publique par la répression
efficace des comportements pénalement sanctionnées et par la
répression appliquée aux auteurs des infractions. Cette
sécurité matérielle est nécessaire mais au
même titre que la sécurité juridique. Or pour assurer cette
sécurité juridique qui permet une protection contre l'arbitraire
(menace pour tout citoyen), il faut concilier la recherche de la preuve avec le
respect de la légalité, c'est-à-dire avec le respect de
l'ensemble des règles juridiques qui organisent la société
».
273 B. Bouloc, « Les abus en matière
de procédure pénale », in R.S.C., 1991, p. 221.
61
Section I
La légalité, une limite à la
liberté de la preuve
35. La liberté de la preuve n'autorise pas le recours
à tout moyen de preuve. La preuve ne
saurait être recherchée par n'importe quel moyen
et à n'importe quel prix 274 . Cependant, une question peut être
soulevée : comment le principe peut-il être nommé un
principe de liberté de preuve alors qu'il connaît des limites ?
Est-il normal que la liberté de la preuve ait des limites ? La
réponse la plus logique est qu'il est en effet normal que le principe de
la liberté de la preuve dispose de limites et de contraintes qui sont
représentées par le principe de la légalité de la
preuve pénale de sorte que la liberté de preuve consiste en la
liberté de choisir uniquement entre les modes de preuve licites. La
recherche de la preuve pénale ne doit pas tendre à la recherche
de la vérité matérielle au nom du principe de la
liberté de preuve par n'importe quels moyens et techniques. Les moyens
de la preuve sont limités et les limites sont établies par la loi
comme l'a indiqué M. Jean-Claude Soyer : « la manière de
se procurer les preuves n'est pas entièrement libre. Elles doivent
être obtenues suivant une procédure que la loi réglemente.
Cette procédure a pour but, ou bien d'assurer l'efficacité de la
preuve, afin qu'elle soit incontestable, ou bien d'éviter les abus qui
pourraient résulter d'investigations sans limites. Une telle
procédure devient d'autant plus stricte et minutieuse que le
procès
275
pénal avance ». En effet, la preuve
pénale ainsi que sa recherche menacent directement les droits et
libertés individuels protégés par la loi. Par
conséquent, il était nécessaire que le législateur
détermine un cadre ou une marge particulière pour le principe de
la liberté de la preuve, afin d'atteindre son objectif qui consiste
à rechercher la preuve, sans que cet objectif soit un outil d'abus ou de
violation des droits des individus, notamment du principe de la
présomption d'innocence, selon lequel l'accusé reste innocent au
cours de toutes les phases du procès, ainsi que pendant la phase de
déduction et d'investigations, jusqu'à l'émission du
jugement final contre lui, c'est-à-dire jusqu'au jugement au fond. Il
est donc clair que le principe de la légalité de la preuve
pénale représente une limite naturelle de l'application du
principe de la liberté de la preuve pénale, étant
donné que la légalité du moyen de la recherche de la
preuve pénale constitue l'outil principal de l'entrave contre l'abus et
la
274 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 65, p. 40 : « En application du principe
de la légalité, il est, parfois, interdit d'administrer des
preuves obtenues par certains procédés de recherche ; dans
d'autres cas, ces procédés sont réglementés.
».
275 J-C. Soyer, Droit pénal et
Procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J.,
Paris, 2012, n° 746, p. 317.
62
violation des droits au cours de la recherche de la preuve
pénale. En outre, le principe de la légalité de la preuve
pénale est une garantie procédurale fondamentale
protégeant les droits du suspect ou de l'accusé lors de
l'exécution ou l'application de la procédure pénale
tendant à la recherche de preuves et visant à produire la preuve
pénale selon les règles
276
prévues par le législateur.
§ 1. La légalité, une limite
à l'arbitraire de la liberté de la preuve
36. Le principe de la légalité de la preuve
pénale entre l'existence et l'inexistence. Souvent l'abus et
l'arbitraire commis au nom de la justice surtout pendant la recherche de la
preuve pénale, évoquent la nécessité d'une
protection des droits des individus associés à
l'efficacité de la procédure comme le souligne M.
Jérôme Benedict : « la nécessité de
protéger les individus contre les abus inquisitoriaux de la justice
n'est pas une préoccupation nouvelle.
277
Mais sans doute elle revêt aujourd'hui une ampleur
exceptionnelle ». La preuve pénale est l'essence de la
procédure pénale dans le champ de la démonstration de
l'accusation et son attribution à son auteur. Mlle Hélèna
Houbron pose la problématique essentielle de la
278
recherche de la preuve: « la question est de savoir
s'il faut voir dans la vérité l'expression d'un idéal au
point que tout puisse être sacrifié à sa découverte.
La réponse, bien sûr, ne peut
279
être que négative ». Il est reconnu
que la preuve pénale est l'un des sujets les plus
276 V. J. Buisson, « L'audition sous
hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison
d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches »,
in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70 : « ...
pour les enquêteurs, le champ du principe de la liberté de la
preuve soit très limité au profit du principe de la
légalité. Certes comme le particulier, l'enquêteur ou le
juge est libre de choisir un mode de preuve, mais, à la
différence de celui-ci, il est contraint dans la mise en oeuvre de son
choix par l'existence des actes limitativement mis à sa disposition. Il
peut, par exemple, décider de parvenir à la preuve
espérée par le biais de l'audition d'un témoin, de
l'interrogatoire d'un suspect ou du mis en examen, d'une perquisition, d'une
interception de correspondances..., mais une fois son choix
opéré, la légalité reprend son empire : il ne peut
administrer la preuve comme il l'entend, contraint qu'il est d'exécuter
à cette fin probatoire l'un des actes que le législateur a
prévus ».
277 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
18.
278 V. sur ce point : P. Ricoeur, Le
juste, édition Esprit, Paris, 1995, p. 25 : « Le
traitement des questions de preuve place le juge dans une situation
délicate dès lors qu'il se trouve soumis à deux pressions
contradictoires : d'un côté, il doit mettre un terme
définitif au litige dont il est saisi, ce qui est un devoir de sa charge
mais aussi une condition du maintien de la paix civile, d'un autre
côté, il est sommé de répondre aux attentes des
citoyens qui, le plus souvent, estiment que justice est rendue à la
condition que la vérité soit faite. Tout système de preuve
est donc à la croisée de ces deux exigences et la preuve est
intimement liée à la fonction même du procès
».
279 V. H. Houbron, Loyauté et
vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit,
Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 55, p. 42.
importants des procédures pénales, qui ont pour
but essentiel d'atteindre la vérité et de découvrir le
coupable. M. Édouard Verny souligne que « l'étude de la
procédure pénale porte précisément pour une part
importante sur les prérogatives accordées en ce domaine
à
l'autorité publique ainsi que sur leurs conditions
et limites.»
|
280
|
. Sans doute la vérité ne peut
|
63
être atteinte par la violation du droit substantiel et des
atteintes aux personnes afin de collecter
. L'accès
281
la preuve. Il faut éviter de sacrifier les droits
substantiels pour l'intérêt de la vérité
à la vérité ne se fait pas à
n'importe quel prix. « La découverte de la vérité
absolue risque de se heurter, non plus à des considérations
liées à la procédure, mais cette fois, à
des
considérations relatives au droit substantiel
» 282 . Il faut rappeler toujours que le respect des
règles de procédure par l'autorité qui recherche les
preuves est essentiel pour une démocratie parce que ces règles de
procédure ne sont pas prévues seulement pour faciliter la
recherche de la preuve pénale mais elles ont aussi un objectif
très important qui est de protéger les honnêtes gens contre
toute forme d'arbitraire et contre les abus d'autorité.
A. La légalité souffre d'une
ambiguïté remarquable
37. Des points d'ombre entourent le principe de la
légalité de la preuve. Sous la domination du principe de la
liberté de la preuve en matière pénale, il est timidement
clair qu'il existe un autre principe important lié à la preuve
pénale, qui est d'ailleurs le principe de la légalité de
la preuve pénale. La question se pose quant à la signification du
principe de la légalité de la preuve pénale. En outre, et
sous cette domination croissante exercée par le principe de la
liberté de la preuve pénale dans le cadre du système
répressif en droit libanais et français, la
légalité de la preuve pénale représente un retour
au système des preuves légales ou au système de la preuve
restreinte qui a prévalu précédemment en France. Afin
d'éliminer les ambiguïtés qui existaient, il faut bien
préciser que le principe général est toujours la
liberté dans la recherche de la preuve pénale qui est la base du
système répressif libanais et
français 283 . M. Robert Legros exprime clairement
l'idée de la différence entre la légalité de la
280 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 30, p.
23.
281 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
230, p. 158 : « La procédure pénale n'est pas tout
entière tournée vers la recherche de la vérité,
dans la mesure où elle doit également veiller à assurer le
respect des intérêts des personnes impliquées. Les
règles de forme tendent à garantir leur droit de se
défendre face à l'accusation portée contre elles
».
282 V. H. Houbron, Loyauté et
vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit,
Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 55, p. 42.
283 V. en droit français : H. Leclerc,
« Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France
», in R.S.C., 1992, p. 15 : « La preuve est libre en
droit pénal français. Chacun le sait depuis qu'on a jeté
dans le feu
preuve en droit pénal et le système de la preuve
légale en écrivant : « en droit pénal comme en
droit civil, il faut reconnaître le caractère légal de la
preuve, sans pour autant en revenir à la
284
preuve légale au sens de l'ancien droit...
»
. Donc, le principe de la légalité dans
la
285
recherche de la preuve pénale ne constitue pas un retour
au système des preuves légales
,
64
étant donné que simplement et clairement, la
légalité de la preuve pénale est limitée ou se
286
préoccupe du moyen ou de la manière d'obtention
de la preuve pénale. Plus précisément, la
légalité de la preuve pénale dépend du
contrôle de la légalité des moyens et des
procédures
auxquels il a été recouru afin d'obtenir la
preuve pénale 287 . Cette légalité n'est pas donc
liée à la force probante de la preuve qui reste toujours soumise
à la liberté d'appréciation du juge pénal, ou en
d'autres termes, le principe de la liberté du juge pénal dans la
formation de sa conviction ou encore l'intime conviction du juge dans le
fondement de son jugement. Le principe de la légalité de preuve
pénale se focalise sur le problème de l'admission
d'éléments de preuve obtenus illégalement. Donc, la
légalité de la preuve dépend de la façon ou de la
manière dont la preuve a été obtenue qui doit être
recherchée en respectant la loi et les principes généraux
du droit de la preuve. Cependant, il est à remarquer que la
légalité de la preuve pénale en tant que principe, concept
et idée vit une véritable problème, sous la forme d'une
crise d'identité et d'existence, notamment qu'on remarque à la
lecture des ouvrages juridiques libanais et français qui
s'intéressent uniquement à généraliser
l'idée de la liberté de la preuve dans la recherche des
éléments de preuve, sans prise en considération des
limites de cette liberté et sans intérêt porté
à la description et à l'explication du principe de la
légalité de la preuve pénale. Il est nécessaire de
prouver la réalité de l'existence du principe de la
légalité de la preuve pénale, afin de mettre fin à
l'hésitation existentielle qui entoure ce principe pourtant important
dans les systèmes juridiques libanais et français, malgré
la domination du principe de la liberté de la preuve pénale dans
les deux pays. La liberté de la preuve semble dominante dans la culture
juridique pénale et dans les ouvrages juridiques
révolutionnaire l'absurde système des preuves
légales ».
284 R. Legros, «La preuve légale
en droit pénal», in J.T., Editeurs : maison Ferd. Larcier
S.A., Bruxelles, numéro 5055, 28 octobre 1978, pp. 589-595, V. spec. p.
592.
285 V. sur le système de preuve
légale : F. Terré, Introduction générale au
droit, Dalloz, 2006, p. 490 : « Le système dit de la
preuve légale confie au législateur le soin d'apprécier la
valeur respective des procédés de preuve. Ce système
consacre une hiérarchie entre les preuves, limite, selon les cas,
l'admissibilité de certains procédés... ».
286 J. R. Spencer, « Les limites en
matière de preuve. Aspects actuels », in R.S.C., 1992, pp.
42-51, V. spec. p. 42 : « En droit français moderne la preuve
est libre en ce que tout moyen de preuve est recevable : mais le moyen par
lequel la preuve a été obtenue peut la rendre inutilisable en
provoquant une nullité ».
287 V. en ce sens : Ph. Conte et P. Maistre
Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd.,
Armand Colin, Paris, 2002, n° 65, p. 40 : « Le principe de la
légalité doit être d'emblée bien compris, qui touche
aux moyens non aux buts à atteindre. ».
spécialisés dans le sujet de la preuve
pénale au détriment de la légalité de la preuve
pénale. De ce fait, il convient de dire que l'idée de la
légalité de la preuve pénale ne nie pas le principe de la
liberté de la preuve, mais plutôt désigne les limites de ce
principe. Il n'existe pas de principe sans limites qui le contrôlent.
Dans le cas de la liberté de la preuve, le contrôle consiste
à surveiller les autorités publiques et judiciaires lorsqu'elles
appliquent ce principe. Notamment, la recherche de la preuve pénale est
étroitement liée aux droits et libertés des individus.
B. La légalité tend à limiter
l'arbitraire de la liberté de preuve
38. La légalité de la preuve constitue une
protection contre les risques d'arbitraire. Il est reconnu que la
recherche des preuves dans le procès pénal doit éviter
tout risque d'arbitraire, la non-reconnaissance du principe de la
légalité des preuves ouvrant la porte aux abus et aux arbitraires
de toutes sortes. Une liberté absolue dans la recherche des preuves
implique nécessairement qu'il faut craindre de l'arbitraire surtout que
la recherche de la preuve risque de porter atteinte aux libertés
individuelles et nécessite parfois certaines mesures de
288
coercition . En fait, seules les règles de
procédure pénale qui organisent la recherche de la
preuve protègent de l'arbitraire toute personne lors du
procès pénal
|
289
|
. Dire que le principe de
|
65
la liberté de la preuve est un principe absolu
permettant l'utilisation de tous les moyens de preuve sans aucune restriction
ou condition signifie qu'il est possible d'utiliser tous les moyens de preuve
susceptibles d'établir la vérité sans aucune distinction
entre les moyens légaux d'une part, c'est-à-dire ceux
autorisés par la loi, et les moyens ou procédés de preuve
illégaux ou illicites non autorisés par la loi et les principes
généraux d'autre part. Ce qui tend pratiquement à
sacrifier les libertés individuelles au nom de la sécurité
et la protection de l'ordre social afin de rechercher les infractions, leurs
auteurs et de rassembler les
290
preuves . Donner au principe de la liberté de preuve
une acception trop exagérée implique qu'il n'existe pas de
limites face à la liberté de la preuve, et qu'il est donc
possible de prouver
288 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 93 : « Ce
double rôle de protection et de répression ne doit donc pas
s'exercer alternativement mais doit bien faire l'objet d'un équilibre
par la mise en place de règles encadrant la mise en oeuvre de la
liberté probatoire par les règles relatives à
l'administration de la preuve ».
289 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
440, p. 285 : « La détermination des mesures qui peuvent
être diligentées par les policiers et les magistrats relève
du législateur, à qui il appartient d'arbitrer souverainement
entre les intérêts opposés en présence. Le
répertoire des actes qu'il a dressé est vaste ».
290 V. sur l'objet du système
répressif : J-C. Soyer, Droit pénal et Procédure
pénale, 21e éd., L.G.D.J., Paris, 2012, n°
1, p. 15 : « Dans notre société, le système
répressif contemporain s'attache à concilier la protection de
l'ordre social et la sauvegarde des libertés individuelles
».
66
la perpétration de l'infraction par tous les moyens
disponibles, ouvrant ainsi la voie à la violation des droits et
libertés des individus voire à de nouvelles infractions afin
d'obtenir la preuve pénale. Cependant, dans un État de droit, il
est impossible que le principe de la liberté de la preuve soit sans
limites et sans contrôle du champ de cette liberté afin
d'éviter
tout abus et arbitraire 291 . Par conséquent, le
législateur a prévu et déterminé soigneusement la
recherche de la preuve pénale, ainsi que la forme procédurale que
l'opération doit avoir. En outre, le législateur a imposé
certaines conditions impératives et applicables à certains moyens
de recherche ou encore à la production de la preuve, comme les
conditions de perquisition, la détermination des heures d'accès
aux domiciles, ou encore les garanties de l'interrogatoire. Ces conditions
représentent donc la légalité qui empêche l'abus et
la violation des droits fondamentaux dans l'application du principe de la
liberté de preuve en matière pénale. De surcroît, il
existe certains principes relatifs aux droits de la preuve dominant sur la
phase de l'enquête finale ou en d'autres termes la phase du jugement. Ces
principes sont considérés parmi les droits de la défense,
devenus plus complets et reconnus sous le nom des principes du procès
équitable, qui sont également relatifs à la
légalité de la preuve pénale, étant donné
que cette dernière ne peut être considérée sans
avoir donné l'occasion à l'accusé de la débattre.
Par conséquent elle devient illégale à cause du non
respect des principes généraux de la preuve dans le cadre de la
phase finale de l'enquête ou autrement dit celle du jugement. Ces
principes sont l'oralité et la publicité des débats et le
débat contradictoire sur la preuve, qui font
également partie des principes de la
légalité de la preuve pénale 292 . La Chambre criminelle
de la Cour de cassation française a confirmé implicitement la
notion du principe de la légalité de la preuve, comme l'affirme
M. Henri Leclerc par une expression éloquente selon laquelle si les
délits et les crimes peuvent être prouvés par tous moyens,
c'est « à la condition que les moyens de preuve produits devant
le juge pénal ne procèdent pas d'une méconnaissance
des
291 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 95 : « En
effet le principe de liberté tend à assurer la
sécurité dans un premier temps publique par la répression
efficace des comportements pénalement sanctionnées et par la
répression appliquée aux auteurs des infractions. Cette
sécurité matérielle est nécessaire mais au
même titre que la sécurité juridique. Or pour assurer cette
sécurité juridique qui permet une protection contre l'arbitraire
(menace pour tout citoyen), il faut concilier la recherche de la preuve avec le
respect de la légalité, c'est-à-dire avec le respect de
l'ensemble des règles juridiques qui organisent la société
».
292 V. G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la
preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique,
Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in
Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /,
décembre 2003, p. 10 : « C'est, en effet, à la remise en
cause de certaines garanties et droits que concourent les deux mouvements. Tous
les principes du procès équitable qui gouvernent le droit de la
preuve - présomption d'innocence, égalité des armes,
principe du contradictoire, principes de loyauté, d'adéquation et
de proportion - mais encore les droits substantiels de l'homme (dignité,
respect du corps humain, respect du droit à la vie privée) sont,
dans une plus ou moins grande mesure, à une occasion ou à une
autre, sacrifiés à l'efficacité ».
293
.
67
règles de procédure et n'aient pas pour effet
de porter atteinte aux droits de la défense »
M. Henri Leclerc attire l'attention sur la manière
d'appliquer cette règle: « mais en la circonstance, elle se
désarme en exigeant de celui qui se plaint de la violation des formes
ou
294
.
d'une pratique déloyale une preuve impossible à
faire »
C. La légalité va réduire strictement
la liberté de preuve
39. La confrontation nécessaire entre
légalité et liberté. Il s'agit d'une confrontation
inévitable et nécessaire à ne pas négliger dans
l'État de droit entre le principe de la liberté de la preuve
pénale et celui de la légalité. Mme Marie-Emma Boursier
affirme l'exigence absolue du respect du principe de la légalité
dans la recherche et l'administration des preuves pénales qui sont
régies par les principes de liberté et de légalité
: « il est établi que
295
la recherche de la preuve pénale doit respecter la
légalité ». Cependant, tant que la preuve pénale
est libre, la question logique qui se pose est : pourquoi le principe de la
légalité de la preuve pénale est-il placé en
confrontation avec la liberté de la preuve ? En vérité, la
liberté de la preuve pénale ne peut pas être une
liberté absolue, extrême et sans restriction pour la simple raison
que la liberté excessive dans la recherche de la preuve pénale
menace les droits et les libertés des individus protégés
par la loi, soit avec des dispositions constitutionnelles soit avec des lois
communes. Par conséquent, cette liberté dans la recherche de la
preuve doit être
organisée avec une légalité juridique 296
, ou, en d'autres termes, elle doit être permise et basée sur un
texte juridique lui conférant une légalité. Par
conséquent, le rôle du Code de procédure pénale se
souciant essentiellement du sujet de la preuve pénale devient
évident, étant donné que les lois sont le seul
déterminant des procédures que les autorités publiques et
judiciaires
293 Cass crim. 19 juin 1989, B.C.,
n° 261, p. 648.
294 H. Leclerc, « Les limites de la
liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in
R.S.C., 1992, p. 15.
295 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 96.
296 V. en ce sens : Ph. Conte et P. Maistre
Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd.,
Armand Colin, Paris, 2002, n° 64, p. 40 : 3enwan 3an « Le
principe de la légalité de la preuve : « En amont de la
question de la détermination tant des modes de preuve que de la valeur
de chacun d'eux, se pose celle de savoir comment on procède à la
recherche et à l'administration des preuves devant les juges : il n'est
pas tout d'admettre telle preuve et de l'abandonner à
l'appréciation souveraine du juge, encore faut-il savoir comment elle a
été obtenue pour décider s'il pouvait en être fait
état devant un tribunal. Cette difficulté est double : faut-il,
tout d'abord, réglementer la recherche de la preuve, pour lui assigner
certaines limites ? La réponse est évidente : la fin ne
justifiant pas les moyens, la procédure pénale française
consacre le principe de la légalité, corollaire du principe de la
liberté de preuve. ».
68
297
ont le droit de mener et de réaliser dans le but de
rechercher la preuve. Cela signifie-t-il que la recherche de la preuve ne
dispose pas de liberté dans le cadre du droit pénal ?
Évidemment pas, car la preuve pénale est libre, notamment dans le
choix par l'autorité publique et judiciaire chargée de la
recherche de la preuve pénale des moyens sélectionnés
parmi plusieurs méthodes et procédures permises juridiquement
dans les textes de lois, ou en d'autres termes
parmi les moyens permis explicitement par la
loi298. Par conséquent, la liberté de la preuve est
pratiquée ou appliquée en conformité avec les limites
fixées par le législateur, ou par les principes juridiques
généraux. Conformément aux idées
précédentes, le principe général est la
liberté de la preuve dans le domaine pénal, en tenant compte des
contraintes et des contrôles contenus dans le principe de la
légalité des moyens et des procédures au cours de la
recherche et la production de la preuve pénale. Il convient de
préciser que ces limites ne constituent pas une exception à la
liberté de la preuve, mais plutôt des restrictions et des
contrôles associés à celle-ci et l'entourant en permanence
sans s'en éloigner. Ils sont assez différents des exceptions
relatives au principe de la liberté de la preuve pénale
décidées par le législateur à titre d'exception, et
qui sont de deux types : celles qui sont liées plus
précisément à la façon d'obtenir la preuve d'une
infraction spécifique et celles qui concernent la
prédétermination de la valeur probante de quelques preuves. Ces
deux hypothèses ne se rapportent nullement, de près ou de loin,
au principe de la légalité de la preuve pénale, ce qu'il
faut prendre en considération avec soin et prudence afin d'éviter
de confondre le principe de
297 V. en ce sens : le Conseil
constitutionnel français a considéré dans la
décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 : §10. «
Considérant, en premier lieu, que le législateur tient de
l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ
d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure
pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur
non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions »
; §11. « Considérant, en second lieu, qu'il
appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part,
la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des
auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de
droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, la
protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, au
nombre desquels figurent le respect de la vie privée,
protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, le
respect de la présomption d'innocence, le principe de dignité de
la personne humaine, ainsi que la liberté individuelle que l'article 66
place sous la protection de l'autorité judiciaire ; qu'ainsi, si le
législateur peut prévoir des mesures d'investigation
spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une
gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler
les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve que ces
mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de
l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en
vertu de l'article 66 de la Constitution, et que les restrictions qu'elles
apportent aux droits et libertés constitutionnellement garantis soient
nécessaires à la manifestation de la vérité,
proportionnées à la gravité et à la
complexité des infractions commises et n'introduisent pas de
discriminations injustifiées ».
298 V. R. Legros, «La preuve
légale en droit pénal», in J.T., Editeurs : maison
Ferd. Larcier S.A., Bruxelles, numéro 5055, 28 octobre 1978, pp.
589-595, V. spec. p. 591 : « En droit pénal comme en droit
civil, la loi a adopté un régime légal de preuves : d'une
part, elle détermine, dans les deux domaines, un ensemble de preuves
admises par elle, les éléments de preuves que le juge peut
retenir, elle exige que ces preuves soient administrées suivant
certaines formes, et, parfois, elle précise la force probante à
leur attribuer : d'autre part, et toujours dans les deux domaines, la loi
laisse au juge une certaine liberté d'appréciation indispensable,
à ne pas confondre ni avec l'idée d'une preuve libre ou morale,
ni avec l'intime conviction ».
la légalité de la preuve pénale avec les
quelques exceptions contenues dans la loi sur le principe de la liberté
de la preuve. La problématique soulevée dans la liberté de
la preuve pénale donne une réponse claire et sans
équivoque à la question suivante : quels sont les contraintes et
les contrôles entourant le principe de la liberté de la preuve
pénale?
§ 2. La légalité, une garantie
procédurale substantielle
40. Pas de liberté sans légalité dans
la recherche des preuves. La légalité dans la recherche et
l'administration de la preuve pénale constitue un moyen de protection
des droits substantiels parce que recourir à une notion absolue ou
souveraine du principe de la liberté dans la recherche de la preuve met
en péril les différents droits qui composent le droit à un
procès équitable. Il est reconnu que le principe de la
liberté de la preuve comporte
normalement des limites imposées par des principes
généraux non écrits 299 . La légalité comme
principe essentiel de la procédure pénale tient une telle place
dans le droit de la preuve que « le principe de la liberté de
la preuve pénale [...] apparaît finalement d'une
application
circonscrite »
|
300
|
. En effet, au-delà de la seule
légalité formelle, la légalité de la preuve
pénale
|
implique le « respect des valeurs fondamentales de la
civilisation »
|
301
|
. Une mesure d'enquête
|
69
visant à rechercher des éléments de
preuve peut menacer les droits de l'individu si elle est absolument libre. Le
principe de légalité représente la frontière entre
l'efficacité de la recherche de preuve et le respect des droits
substantiels qui doivent être protégés. La
légalité dans la recherche de la preuve est
considérée comme un correctif nécessaire à la
liberté de la preuve en matière pénale en assurant
plusieurs garanties procédurales dans l'intérêt de la
personne poursuivie. Le prévenu ou l'accusé doit naturellement
bénéficier de plusieurs garanties essentielles qui sont
strictement liées au droit de la preuve dont la violation ou
l'inobservation entraîne l'illégalité de la preuve.
299 V. R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, 4e
éd., 1989, n° 129, p. 162 ; G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc,
Procédure pénale, 23e éd., Dalloz,
2012, n° 145, p. 124 ; Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 48, p. 32 ; P. Bouzat, « La loyauté
dans la recherche des preuves », in Mélanges Hugueney,
1964, pp. 155 et s. ; H. Leclerc, « Les limites de la liberté
de la preuve : aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, pp.
15 et s.
300 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 552, p. 572.
301 Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc,
Procédure pénale, 23e éd., Dalloz,
2012, n° 145, p. 124.
. A. L'encadrement par la loi des mesures portant
atteinte aux droits fondamentaux
41. Les règles de la procédure pénale
visent à garantir les libertés individuelles. Le
procès criminel constitue « un instrument de recherche de la
vérité permettant la punition du
302
coupable et la libération de l'innocent ».
Ce qui précède est vrai, mais incomplet, parce que la
procédure pénale vise à protéger la
société par la mise en oeuvre du droit pénal afin de
découvrir l'infraction et sanctionner son auteur, mais vise
également à garantir la liberté individuelle et les droits
de défense de la personne poursuivie qui est présumée
innocente tant qu'elle n'est pas déclarée coupable. Il faut donc
lui permettre d'exercer ses droits de la défense
et de se protéger contre la menace d'un procès
pénal
|
303
|
. Il est possible de dire que le
|
principe de la légalité de la preuve
pénale, dans son aspect formel ou matériel est devenu une
garantie procédurale fondamentale irremplaçable vis-à-vis
du suspect, défendeur ou accusé, le protégeant
personnellement ainsi que sa libre volonté durant toutes les phases du
procès pénal, en protégeant également ses droits et
lui permettant enfin de les exercer. « Les enquêteurs sont tenus
au respect des principes fondamentaux et des textes notamment ceux qui
organisent le
respect de la vie privée ou encore les droits de la
défense »
|
304
|
. Il est donc constaté que le
|
70
principe de la légalité de la preuve
pénale est la seule garantie du respect des droits de l'homme, tant en
termes d'intégrité physique que de volonté, ce qui
l'empêche donc d'être forcé à fournir des preuves
contre lui ou contre son gré, et entrave également la violation
de son droit à la vie privée ou encore de ses droits à la
défense légalement consacrés
305
et relatifs à la preuve pénale.
302 P. Arguin, « Les règles
procédurales entourant la recevabilité des déclarations
extrajudiciaires », in Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 1,
1991, pp. 103-152, V. spec. p. 105.
303 V. en ce sens : M. Trevidic, « La
recherche de la preuve en droit français », in La preuve au
coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise
contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque
du 24 mars 2010 organisee par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.) :
« L'une des fonctions principales du code de procédure
pénale est d'ailleurs de protéger les citoyens contre la
puissance publique, de mettre des limites aux importants pouvoirs
d'investigation de celle-ci ».
304 V. Lesclous, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 49.
305 V. H. Leclerc, « Les limites de la
liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de
science criminelle, 1992, p. 15 : « La preuve est libre mais la
doctrine est unanime : toutes les preuves ne sont pas admissibles et tous les
moyens ne sont pas bons pour les réunir. La loi fixe des limites. La
morale et les principes aussi ».
71
B. Nécessité d'encadrer la recherche de la
preuve pénale par la loi
42. L'exclusivité de la détermination des
procédures pénales par la législation. La
liberté de la preuve est l'une des caractéristiques de la
théorie de la preuve dans les matières pénales. Il s'agit
du système de la preuve à travers lequel le juge pénal se
libère de la conformité prédéfinie à un
moyen précis dans la démonstration des faits. Mais
l'intérêt public peut exiger la limitation de la liberté
des individus. Selon M. Bernard Bouloc: « si l'on a pu
considérer autrefois que la fin (aveu) justifiait le moyen (torture),
aujourd'hui on estime à
306
.
juste titre que les règles d'administration de la
preuve doivent être définies par la loi »
Quand l'État initie les procédures
nécessaires afin de découvrir la vérité et
décider son droit dans la punition, le danger de l'atteinte à la
liberté de l'individu au cours de l'initiation de ces procédures
semble évident. Par conséquent, il incombe au législateur
d'intervenir dans ce cas afin de déterminer les limites requises par
l'intérêt général pour l'atteinte à la
liberté individuelle par le biais de l'application des procédures
pénales. « Le procès criminel, dans sa recherche de la
vérité, doit donc tendre à concilier deux positions
antagonistes, soit la
307
protection de la société et celle des droits
fondamentaux de tous les citoyens ». En outre, le pouvoir
législatif est le seul ayant droit de décider de la
quantité suffisante et nécessaire pour l'atteinte aux droits
individuels dans le procès pénal, en tenant compte de la
nécessité d'équilibrer entre les considérations de
la justice et sa compétence dans la détection des
infractions et la protection des droits individuels dans le
cadre du procès pénal308. En conséquence, la
loi est le seul déterminant des procédures pénales depuis
la découverte de l'infraction, puis l'actionnement du procès
pénal, jusqu'à la phase de la détermination du jugement.
Le législateur est le seul habilité à
légiférer sur les atteintes à la liberté des
individus dans les limites qu'il spécifie309. L'exigence de
la loi comme un outil pour déterminer les règles des
procédures pénales est basée sur un principe
général, qui est
306 B. Bouloc, « Les abus en matière
de procédure pénale », in R.S.C., 1991, p. 221.
307 P. Arguin, « Les règles
procédurales entourant la recevabilité des déclarations
extrajudiciaires », in Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 1,
1991, pp. 103-152, V. spec. p. 105.
308 V. sur le principe de la
légalité formelle : F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e éd.,
Economica, 2013, n° 567, p. 409 : «Le principe de la
liberté des preuves n'autorise pas les agents de l'autorité
publique à s'émanciper du principe de légalité ...
On se bornera à rappeler que ce principe implique tout d'abord
l'exigence d'une loi préalable (légalité formelle) : les
magistrats ou les membres de la police judiciaire ne peuvent donc accomplir un
acte d'investigation qui ne serait pas prévu par la loi, dès lors
du moins que cet acte est de nature à porter atteinte à un droit
ou une liberté fondamentale ».
309 V. en langue arabe: A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., maison Echourouk, Egypte, 2002, n° 28, p. 70.
72
d'ailleurs la confiance dans la loi pour la
réglementation des libertés. Ce principe est basé
310
sur les caractères de la règle de droit. La
règle de droit est obligatoire, générale, permanente et a
une finalité sociale. Le principe de l'exclusivité
législative ou légale de l'organisation des règles des
procédures pénales émane d'un principe essentiel, le fait
que la loi est la seule à réglementer les libertés, en
considérant que les procédures pénales impliquent, en
311
fait, l'atteinte aux libertés.
310 Ce caractère général de
la règle de droit est une garantie contre l'arbitraire.
311 V. en même sens : C. Copain,
L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale
française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011,
n° 83, p. 49 : « En application du principe de
légalité, une mesure de contrainte ne peut qu'être
d'origine législative. Par son intervention le législateur
reconnaît la faculté d'exercice d'un pouvoir de contrainte aux
autorités chargées de la recherche de la vérité et
non un simple fait justificatif ».
Section II
La légalité, frein au caractère
absolu de la liberté de la
preuve
43. Les contrôles et les restrictions qui gouvernent
la liberté de la preuve. Le Code de procédure pénale
se présente comme un ensemble de règles juridiques
procédurales qui réglementent les moyens et les actes qui visent
ou tendent vers la recherche des preuves menant à la connaissance de
l'auteur de l'infraction et à la démonstration de sa
réalité : « le respect des principes encadrant le
système juridique doit être assuré dans la recherche libre
de la preuve, d'abord et a minima par le contrôle du respect des formes
légales imposées à
312
son administration et nécessaires à sa
recevabilité ». Toutes les procédures ont comme
objectif principal la découverte de la vérité de
l'infraction qui a été commise. Étant donné que le
principe général dominant la preuve pénale en
général, et en particulier dans le système
répressif libanais et français, est le principe de la
liberté de la preuve pénale, il n'est pas surprenant de dire que
cette liberté ne peut pas être une liberté absolue, car
cette liberté dans la recherche de la preuve est organisée dans
la loi. La liberté est donc absolue dans le champ du choix de ce qui est
autorisé par la loi comme moyens pour la détection et la
production de la preuve pénale. Par conséquent, cette
liberté ne peut pas être hors la loi, et donc le Code de
procédure pénale s'efforce toujours d'organiser les conditions,
les formes et le processus de la recherche de la preuve pénale dans ces
textes par une forme précise. Il n'est pas exagéré de dire
que sans la présence de contrôles de la liberté de la
preuve, il y a un risque d'empiétement sur la liberté et les
droits des citoyens lors de la recherche de la preuve pénale. La
législation des procédures pénales est l'une des lois
étatiques les plus importantes en raison de sa relation étroite
avec la liberté individuelle. Si la liberté de la preuve
contribue à permettre au pouvoir de l'accusation d'éviter la
difficulté de la preuve,
cette liberté sans contrôle risque de
dévaster les libertés
|
313
|
. Afin que le juge puisse s'appuyer
|
73
sur une preuve spécifique, le moyen de son obtention
doit être conforme aux obligations de la légalité de
preuve, étant donné que le juge pénal n'a pas la
liberté absolue dans la
312 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 84.
313 V. E. Molina, « Réflexion
critique sur l'évolution paradoxale de la liberté de la preuve
des infractions en droit français contemporain », in R.S.C.,
2002, p. 263 : « La libre admissibilité des preuves
pénales semble de prime abord restreinte par l'accroissement du
formalisme élaboré dans une perspective nécessaire de
rééquilibrage des rapports de force dans le procès
pénal ».
74
composition de sa conviction à partir des preuves
obtenues de manière illégale, même dans le cas où la
preuve est sincère. Parmi les exemples clairs de ce cas, on trouve
l'obtention de la preuve sous la contrainte et la menace, ou encore sur la base
d'une perquisition illégale. Le juge pénal doit donc tirer sa
conviction dans le jugement à travers des preuves obtenues de
façon légale ou d'après un moyen de preuve compatible avec
l'exigence du principe de la légalité de la preuve pénale.
Quant aux preuves résultant des procédures illégales, il
est interdit en général de s'y fonder. Elles doivent être
rejetées totalement, conformément au principe juridique qui veut
que tout ce qui est construit sur des actes nuls est lui-même
frappé de nullité. La raison essentielle d'exiger la
légalité de la preuve pénale est que l'État exerce
le droit de punir par le biais des procédures juridiques
organisées, légalisées et destinées à
réaliser et à assurer des garanties pour l'accusé, en
premier lieu le droit sacré de se défendre.
44. La légalité contribue à rendre la
liberté de preuve relative. La vérité est sans aucun
doute le but premier et le plus important dans le procès pénal,
mais « si la manifestation de la
314
vérité est essentielle, elle ne doit pas
être recherchée de n'importe quelle manière ». La
dominance du principe de la liberté de preuve dans le domaine
pénal ne signifie pas que cette
315
liberté est absoluese libérant ainsi de toute
restriction, car en supposant que cette liberté de preuve soit absolue
sans aucune restriction ou contrôle, il ne serait pas donc évident
au législateur libanais ou français d'organiser la façon
d'obtenir la preuve ou les moyens de recherche et de production de la preuve
pénale d'une façon précise dans le Code de
procédure
316
pénale. Il est indiscutable que le principe de
la légalité de la preuve pénale est la principale
restriction face à la liberté absolue de preuve. Pourtant, cela
ne peut jamais être considéré comme un retour au
système de la preuve légale car cette légalité en
tant que principe général encadrant la recherche de la preuve est
complètement différente de l'ancien système de preuve
légale ayant jadis prévalu en France. En effet, les
différences sont nombreuses et doivent être
314 G. Danjaume, « Le principe de la
liberté de la preuve en procédure pénale », in
D., 1996, Chronique, pp. 153-156.
315 V. sur ce point : J. Pradel, « La
preuve en procédure pénale comparée (Rapport
général) », in Revue internationale de droit
pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes
du Séminaire International organisé par l'Institut
Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse
(Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 18 : « Il y a
d'abord des systèmes favorables à une application très
large du principe de la liberté de la preuve, mais, notons-le, pas
à une application absolue. Très révélateur de ce
point de vue est l'article 427 CPP français, selon lequel "hors les cas
où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être
établies par tout mode de preuve... ».
316 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 84 : « La
problématique de la liberté est qu'elle porte en germe la
possibilité de son abus dans la volonté parfois marquée de
recherché la vérité à tout prix. Le prix de cette
recherche doit être borné par le respect d'autres principes qui,
eu égard à leur origine de droit naturel et à leur
importance, ne peuvent souffrir d'exception, fût-ce au nom de la
vérité »
claires afin que ce sujet ne soit pas ambigu. D'une part, la
légalité de la preuve pénale coexiste avec la
liberté de la preuve sans aucune contradiction avec ou entre les deux
principes, mais elle détermine plutôt le cadre et les limites de
cette liberté afin qu'elle ne soit pas utilisée dans l'abus
contre les droits et libertés individuels. D'autre part, le principe de
la légalité de la preuve pénale vise également
à garantir l'existence d'un cadre procédural juridique visant
à la recherche de la preuve pénale. Ainsi, la liberté de
la preuve ne peut pas transgresser les droits fondamentaux, droits de la
défense et principe du procès équitable en vue d'atteindre
la preuve pénale : « ... la preuve pénale ne peut
être admise que si, dans son administration, elle respecte la
légalité, que celle-ci s'exprime par des principes
généraux du droit, ou par des
lois qui régissent la recherche »
|
317
|
. Le rôle du principe de la légalité de la
preuve pénale
|
75
devient évident dans la détermination d'un cadre
permanent pour la liberté à la preuve, sans aucune
préférence pour une preuve plutôt qu'une autre, pour
l'attribution d'une force probante d'une preuve vis-à-vis d'une autre,
ou encore pour l'imposition ou la limitation de la démonstration d'une
infraction par le biais d'un moyen de démonstration en particulier. Le
principe de la légalité de la preuve pénale est
plutôt limité à l'imposition de la légalité
du moyen à travers lequel la preuve pénale est obtenue parmi les
moyens autorisés par la loi, en permettant la liberté du choix de
ceux-ci. Il convient de préciser que le principe de la
légalité de la preuve pénale n'interfère nullement
dans la détermination de la valeur probante de la preuve ou de sa
préférence. Tous les moyens sont utiles en application du
principe de la liberté de la preuve, et nulle autre personne que le juge
compétent ou le tribunal compétent peut estimer la valeur
probante de la preuve selon sa propre conviction, en application
également du principe de la liberté du juge d'estimer la preuve
qui lui est présentée en vertu du principe libanais et
français de l'intime conviction du juge. Le nom de la liberté de
la preuve porté par ce principe ne signifie pas que cette liberté
soit absolue sans aucune restriction ou condition, car il est évident
qu'il existe des limites légalement déterminées à
ce
45. Une liberté relative ou non absolue. La
liberté de la preuve ne signifie pas qu'il s'agit d'un principe absolu
qui ne comporte aucune limite et qui permette de prouver par tous les
317 J. Buisson, « La
légalité dans l'administration de la preuve pénale »,
in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6,
V. spec. p. 3.
318 V. sur ce point : C. Copain,
L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale
française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011,
n° 90, p. 52 : « Si la preuve est libre, les modalités de
recherche de celle ci ne le sont pas. A défaut la contrainte probatoire
deviendrait arbitraire et pourrait justifier l'exercice d'un droit de
résistance ».
76
moyens. La liberté de preuve ne s'exerce pas sans
limite, elle trouve sa limite dans le
319
respect des droits fondamentaux de la personne humaine et la
protection des autres droits
320
essentiels. Les moyens de preuve saisis par les
procédés modernes d'investigation nous poussent à poser la
question qui déjà a été posée par Mme
Coralie Ambroise-Castérot : prouver avec quelles preuves ? Les
infractions peuvent-elles être établies par tout mode de preuve et
sans limites? Sans hésitation, n'importe quel moyen ne pourra pas pour
autant être employé. En effet, ce principe de liberté de la
preuve ne signifie pas que n'importe quel procédé puisse
être utilisé : torture, sérum de vérité,
polygraphe (détecteur de mensonges), etc. Il existe donc, selon Mme
Coralie Ambroise-Castérot, des procédés interdits parce
que la liberté des preuves est une liberté encadrée par la
légalité : seuls les modes de preuves
321
légalement prévus sont admissibles devant les
tribunaux . Donc, il existe certaines restrictions légales et
procédurales. La recherche de la vérité dans le cadre d'un
procès pénal connaît des limites aussi bien naturelles que
juridiques. En effet, non seulement les capacités humaines sont
limitées, mais aussi le droit positif pose des limites bien
précises quant aux moyens et au sujet de la preuve ainsi qu'aux
critères d'appréciation de la force
probante 322 . Certes, l'intérêt public commande
la recherche de la preuve de la manière la plus complète possible
; cependant, il ne saurait autoriser le recours à toutes sortes de
pratiques ou
323
d'excès, voire à la violation des droits
fondamentaux. Dans un État de droit, il n'est, en effet, pas acceptable
que la vérité soit établie par n'importe quel
procédé et à n'importe quel prix. Plusieurs solutions sont
concevables en ce qui concerne le degré de liberté relatif
à
. Si la liberté de preuve permet en principe
324
l'établissement de la preuve des infractions
d'utiliser tous les modes de preuves, cette liberté ne
peut pas être une liberté absolue sans limites légales
imposées par la loi et les principes généraux fondamentaux
puisque l'administration de la preuve pénale touche à la
liberté fondamentale de la personne et aux
319 J. Leroy, Procédure
pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 348,
p. 186 : « Cette liberté ne s'exerce pas sans limite. Elle ne
saurait exister que dans un cadre légal. La violence pour l'obtention
d'une preuve est à exclure. ».
320 V. dans le même sens : F. El Hajj
Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit,
Université du Maine, 2010, p. 16 : « Une liberté absolue
peut conduire certainement à des abus. C'est pourquoi, la loi contient
des principes directeurs destinés à garantir la
légalité des méthodes d'investigation et à
protéger l'individu contre l'arbitraire dans la recherche des preuves
».
321 C. Ambroise-Castérot, «
Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la
quête du Graal de la Vérité », in AJ
Pénal, 2005, pp. 261 et s.
322 A. Baratta et R. Hohmann, «
Vérité procédurale ou vérité substantielle
», in Déviance et Société, Genève,
2000, Vol. 24, n°1, pp. 91-93.
323 F. El Hajj Chehade, Les actes
d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010,
p. 22.
324 E. Molina, La liberté de la
preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse
de droit, op. cit., n° 15, pp. 22 et s.
aspects les plus intimes de la vie privée et parfois
à la dignité humaine. Les pouvoirs d'investigation sont sans
doute nécessaires à la recherche des auteurs d'infractions et au
rassemblement des preuves, mais l'exercice de ces pouvoirs doit se concilier
avec celui des
325
libertés individuelles et des autres droits
fondamentaux. L'application de la liberté de la preuve dans la
manifestation de la vérité du procès pénal est
limitée par l'application de certains principes généraux
qui interdisent de rechercher la vérité par n'importe quel
procédé notamment les procédés illégaux et
contraires au droit à un procès équitable.
46. Limites tenant à la liberté de preuve.
Dans le droit interne français et libanais, le principe de la
liberté de preuve connaît d'importantes limites comme le droit au
respect du corps humain, les droits de la défense et le droit à
un procès équitable. Sans doute, les modes de preuves ont
été élargis en comparaison avec les modes de preuve
classiques. L'infraction ne
se prouve plus au XXIe siècle comme elle se prouvait il
y a cinquante ans
|
326
|
. Certains
|
77
principes constitutionnels et conventionnels au Liban et en
France imposent des restrictions strictes au droit de la preuve pénale.
Des obligations et des règles ont été
dégagées de la Déclaration universelle des droits de
l'homme. Ils ont laissé une influence nette sur le principe de la
liberté de preuve. Le Liban et la France sont des membres fondateurs et
actifs de l'organisation des Nations-Unies, engagés par ses pactes et
par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le premier texte
de la déclaration précité a été écrit
par le juriste français
M. René Cassin et par le rapporteur du comité,
de nationalité libanaise M. Charles Malik. En France, les limites
deviennent de plus en plus nombreuses sous l'influence essentielle de la
Convention européenne des droits de l'Homme du 4 novembre 1950
ratifiée par la France en 1974. La Cour européenne des droits de
l'homme ne se prononce pas directement sur la recevabilité des
éléments de preuve, en effet les juges strasbourgeois exercent
leurs contrôles sur l'équité de la procédure dans
son ensemble en vertu de l'article 6 de la Conv. EDH . Malheureusement, en
droit libanais on ne trouve pas une garantie essentielle des droits de l'homme
et des droits fondamentaux dans le procès pénal comme celle que
l'article 6 de la CEDH et la Cour de Strasbourg intègrent dans le droit
français. Par conséquent, la preuve
pénale en droit libanais peut être apportée par tout moyen
en application du principe de la liberté de la preuve pénale qui
ne connaît pas un contrôle du caractère équitable de
la procédure dans son ensemble. La liberté de preuve est le
principe fondamental en matière pénale mais cette liberté
n'est certainement pas totale et hors de toute limite. C'est une
liberté
325 F. El Hajj Chehade, Les actes
d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010,
p. 16.
326 C. Ambroise-Castérot, «
Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la
quête du Graal de la Vérité », in AJ
Pénal, 2005, pp. 261 et s.
327
qui n'est pas absolue. Le principe de la légalité
dans la recherche de la preuve pénale est considéré comme
une restriction et une condition fondamentale vis-à-vis de la
liberté de la preuve pénale et transforme celle-ci en un principe
relatif. Autrement dit, la liberté de preuve
est relative et s'arrête aux limites de la
légalité formelle exigée par la loi328
. Ce sujet sera traité
78
dans le premier paragraphe (§1. Légalité
formelle). En outre, la légalité rend cette liberté de
preuve conditionnelle. Ce sujet sera abordé dans le deuxième
paragraphe (§2. Légalité matérielle).
. § 1. Légalité formelle.
47. La légalité formelle. La preuve
pénale ne doit pas naître d'une illégalité formelle.
Par légalité formelle, l'on entend le respect des formes. La
légalité formelle est basée sur le respect de la
liberté de la preuve aux dispositions des lois régissant le
processus de la recherche de preuve, s'agissant de la forme que le
législateur exige dans le cadre de la procédure pénale
visant à recueillir la preuve. En outre, la liberté de la preuve
doit respecter toutes les conditions, interdictions ou entraves que le
législateur a voulu déterminer dans la procédure
pénale lors de la recherche de la preuve ou sa production. La
légalité formelle dans le cadre de la recherche de la preuve
pénale signifie le respect de l'intimité de la vie privée
des individus dans le procès pénal dont la violation ne peut
être admise que par un texte juridique autorisant explicitement le type
et la nature de cette violation exceptionnelle que le législateur estime
prévoir à cause de la nécessité de rechercher la
preuve pénale. En outre légalité formelle signifie
également que la recherche de la preuve lors du processus de
l'enquête finale, c'est-à-dire la phase du jugement, doit
être soumise aux principes généraux encadrant la preuve
pénale et le jugement final. Ces principes sont la présentation
de la preuve lors d'une audience publique, son débat par les parties au
procès et la Cour, ainsi que le principe du contradictoire, où
les preuves sont mises face aux parties, en recevant les
327 V. en même sens : C. Mascala,
« Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des
moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière
illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993,
B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « Mais ce
principe de liberté n'est pas sans limite. Certaines restrictions dans
la recherche des preuves sont imposées au juge pénal par le
législateur ou la jurisprudence. Ce ne sont pas de véritables
exceptions au principe de liberté des preuves, qui demeure, car elles ne
concernent pas les modes de preuves qui, dans tous les cas, restent libres,
mais les moyens de se les procurer et d'en user ».
328 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 249, p. 153 : « La
légalité peut revêtir un sens formel et matériel
» ; « Le respect de la légalité formelle
implique l'existence d'une loi préalable claire et prévisible
tandis que la légalité matérielle n'est autre que la
conformité au droit : conformité de la loi préalable aux
normes supérieurs mais également conformité des actes de
procédure à la loi. ».
79
329
aspects de leur défense ou leurs observations à
ce sujet. Les preuves obtenues doivent respecter la légalité
formelle, de sorte que la violation de règles formelles de
procédure pénale, telle que, par exemple la perquisition
effectuée sans autorisation ni consentement (perquisition
irrégulière) rend la preuve obtenue illégale.
L'illégalité formelle résulte encore de l'inobservation et
de la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue
par une disposition textuelle comme l'obtention d'une preuve en violation de
principes généraux prévus par la loi et gouvernant
l'administration de preuves (preuves exclues du contradictoire ou contraires au
respect des droits de la défense). En outre, le principe de la
légalité de la preuve pénale nécessite le respect
des droits de la défense relatifs à la preuve tels que la
façon de mener un interrogatoire et ses garanties. On ajoute que la
légalité formelle dans la recherche de preuve implique le respect
de la loi qui réglemente la procédure de l'utilisation d'un moyen
de preuve qui porte normalement par sa nature atteinte au droit de la vie
privée ou exactement celle d'un moyen de preuve en contradiction avec le
droit au respect de la vie privée. On peut évoquer la
légalité des écoutes téléphoniques qui
nécessite une base légale propre permettant cette atteinte
légale. Sans doute, la violation de la loi qui réglemente le
recours à l'écoute téléphonique rend la preuve
obtenue illégale, c'est une violation de la légalité
formelle de la preuve pénale.
A. Les formalités substantielles.
48. Le non respect des formalités viole la
légalité formelle de la preuve. La preuve pénale ne
doit pas être collectée et obtenue en violation d'une
formalité prescrite par la loi. L'acte de procédure qui vise la
recherche des preuves doit respecter la forme imposée avec
précision par le législateur, ce qui implique l'application de
l'acte de procédure pénale qui organise la recherche de la preuve
conformément au modèle défini et prévu par la loi
dans les conditions fixées par le Code de procédure pénale
selon lesquelles l'inobservation commise rend la preuve illégale et peut
entraîner sa nullité. M. Jacques Buisson illustre clairement
l'idée précédente en écrivant : « la
recherche et le recueil de la preuve sont nécessairement prévus
par des règles différentes selon qu'ils sont le fait d'un
particulier ou d'un agent public, l'action de ce dernier impliquant la mise en
oeuvre de la contrainte étatique contre laquelle il convient, dans un
État de droit, de protéger les personnes qui peuvent en
être l'objet. Le législateur a
329 V. F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 74,
pp. 55-56 : « En réalité, le principe de la
légalité de la preuve est sauvegardé sous couvert de deux
autres principes, érigés par la jurisprudence en principes
généraux du droit : la loyauté dans la recherche de la
preuve et la loyauté dans la discussion de la preuve ».
donc organisé les ingérences étatique
au sens de la Convention européenne, destinées à permettre
cette administration de la preuve. Ainsi, il a soigneusement
réglementé divers actes
de recueil de la preuve... »
|
330
|
. Il existe, en procédure pénale, des
formalités nécessaires à la
|
80
validité de l'acte de la recherche des preuves dont
l'accomplissement ne peut être négligé d'aucune
manière, ce sont les formes essentielles, inévitables,
obligatoires et indispensables pour que l'acte puisse accomplir sa tâche.
Sans doute est-il difficile de préciser rigoureusement la sanction
procédurale de cette inobservation de la forme de la procédure
dans la recherche de la preuve et en même temps compliqué
d'admettre que chaque non-respect des règles de procédure en
matière pénale doit automatiquement entacher
d'illégalité la preuve collectée. Ce qui nécessite
de trouver un critère permettant d'évaluer le non-respect de la
forme prévue de l'acte de procédure afin de trouver un
équilibre entre l'efficacité de la procédure de recherche
des preuves d'une part, et l'application du principe de la
légalité des preuves d'autre part, en considérant que
certaines formalités prévues par le législateur
méritent d'être classées parmi les formalités
substantielles de la procédure ou d'ordre public dont la violation
conduit à considérer la preuve comme illégale. Une
formalité dite substantielle désigne une règle de
procédure pénale qui tend à rechercher les preuves dont la
méconnaissance totale ou partielle touche la légalité de
la preuve parce que cette formalité est indispensable pour garantir les
droits de la défense. Cependant, il y a des formalités non
substantielles dont l'inobservation ne rend pas les preuves illégales.
Ce sont les formalités de nature accidentelle ou secondaire. La question
qui se pose naturellement pour distinguer dans chaque cas si la preuve est
illégale ou non, est la suivante : l'omission de cette formalité
ou les irrégularités commises lors de son accomplissement dans la
recherche des preuves ont-elles eu une influence sur la légalité
des preuves ? De surcroît, la théorie des nullités qui
présente une sanction procédurale joue un rôle essentiel et
laisse une influence remarquable sur le caractère impératif des
formalités procédurales qui tend vers la recherche des preuves.
En tout cas, la preuve résultant d'un acte de procédure
pénale doit respecter les formalités prescrites par la loi parce
que le législateur qui impose ces formalités vise à
sauvegarder les droits pour toute personne soupçonnée ou
poursuivie en matière pénale et parfois le législateur
considère ces formalités comme des conditions de validité
de l'acte de procédure dont résulte la preuve.
330 J. Buisson, « L'audition sous
hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison
d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches »,
in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.
B. Les principes directeurs relatifs à la
preuve.
49. Respect des principes généraux à
la phase de jugement. La recherche des preuves doit se dérouler en
respectant les droits de défense consacrés par le
législateur ou par les normes essentielles qui gouvernent le
procès pénal, notamment le procès équitable. Divers
instruments consacrent, tant en droit interne libanais et français qu'en
droit international, les droits de la défense comme un droit fondamental
de l'être humain. Dans un procès pénal, les acteurs de la
recherche de la vérité judiciaire sont tenus de respecter les
obligations relatives
aux droits de défense liées à la recherche
et à l'administration de la preuve
|
331
|
. D`une manière
|
générale les principes généraux du
droit de défense relatifs à la légalité de la
preuve sont les
332
principes de l'oralité des débats, du
contradictoire et de la publicité des audiences. Selon M. Jacques
Buison, « l'administration de la preuve ne saurait évidemment
violer les droits de la défense. Pendant longtemps
considérés comme garantis par un principe général
du droit, fondés sur le principe du contradictoire dans le procès
pénal, ces droits sont aujourd'hui protégés par une norme,
supérieure à la loi interne, d'application directe, l'article
6,
paragraphe 3, de la Convention européenne des droits
de l'homme »
|
333
|
. La légalité formelle
|
81
de la preuve exige l'application des principes
généraux qui sont fixés par les législateurs
libanais et français comme étant les principes dominant la phase
de jugement. Par conséquent, les conditions de recevabilité de la
preuve dans la phase de jugement sont intimement liées au respect du
principe du contradictoire, de l'oralité et de la publicité du
débat. Le juge du fond ne doit pas former son intime conviction pour
juger l'affaire pénale sur la base des éléments de preuve
qui portent atteinte aux principes de l'oralité des débats et du
contradictoire ou en supprimant la publicité des débats. Les
éléments de preuve doivent faire l'objet d'un débat
contradictoire au cours des débats. Effectivement, les
éléments de preuve non soumis à la
331 V. sur ce point en droit français
: J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis
l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre
des mis en examen et leurs proches », in Procédures,
n° 3, Mars 2001, comm. 70 : « L'administration de la preuve
obéit également au respect de la légalité formelle,
c'est-à-dire aux lois qui en régissent les actes. Ainsi elle ne
saurait évidemment méconnaître les droits de la
défense prévus par article 6, § 3, de la Convention
européenne des droits de l'homme qui impose notamment
l'inviolabilité des correspondances entre le mis en cause et son avocat,
le droit de se taire lors d'un interrogatoire de police et le droit de ne pas
contribuer à sa propre incrimination... qui, aujourd'hui est
formellement intégré dans la loi, depuis la réforme du 15
juin 2000 (C. pr. pén., art. 63-1)... ».
332 V. R. Lindon, « Pour remédier
à certaines obscurités et complications (A propos de la
règle de la publicité des débats) », in J.C.P.,
1968, I (Doctrine), 2190 : « On sait que la publicité des
débats est la règle et que non seulement les débats
proprement dits doivent avoir lieu mais qu'encore le jugement doit être
prononcé en audience publique ».
333 J. Buisson, « La
légalité dans l'administration de la preuve pénale »,
in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6,
V. spec. p. 4.
82
contradiction au cours des débats et sur lesquels les
parties n'auront pas eu l'occasion et la possibilité de se prononcer
seront considérés comme des preuves illégales.
C. La liberté de la preuve au regard du respect de
la vie privée.
50. Respect de l'intimité de la vie privée.
Chaque personne bénéficie du droit à la protection de
sa vie privée qui limite la liberté dans la recherche de la
preuve pénale. Il faut respecter et protéger la vie privée
; de même la recherche de la preuve pénale ne peut se faire en
violation de la vie privée. L'efficacité dans la recherche des
preuves de la culpabilité de l'individu doit respecter la protection de
la vie privée, principalement en matière d'écoutes
téléphoniques. Le non respect de la vie privée ne peut pas
être justifié par l'application du principe de la liberté
de preuve. En effet, le droit au respect de la vie privée est
reconnu à toute personne, seul le législateur peut intervenir
expressément pour autoriser des moyens de preuve qui violent ce droit
dans les conditions et selon les limites fixées par la loi qui doit
être strictement rigoureuse pour éviter tout risque d'abus de
droit. M. Jacques Buison souligne à juste titre que «
l'administration de la preuve astreint au respect de la vie privée
à laquelle aucune atteinte ne doit être portée qui,
prévue par une loi, ne soit nécessaire et
proportionnée
334
(Conv. EDH, art. 8, al. 2) ». Donc, la recherche
de la preuve ou l'utilisation des différents moyens de preuve en
opposition avec le droit à une vie privée doit obligatoirement
subir un encadrement de la loi, étant donné qu'en l'absence de
loi autorisant et acceptant expressément l'utilisation de ce moyen
portant atteinte à la vie privée, il sera considéré
comme une violation de la légalité formelle rendant
illégale la preuve obtenue. Autrement dit, seule une atteinte
légale prévue par le législateur peut permettre
l'utilisation de procédés dans la recherche de preuves qui ne
respectent pas ou qui touchent le droit au respect de la vie privée. Le
législateur apprécie la nécessité de l'atteinte au
droit au respect de la vie privée en tenant compte de l'équilibre
entre la nécessité de protéger la vie privée des
personnes et l'efficacité de la recherche des preuves pour
élucider une infraction si cela est nécessaire pour identifier
son auteur. Compte tenu de ce qui précède, la liberté de
la preuve en matière pénale trouve sûrement sa limite
normale dans l'obligation du respect scrupuleux et absolu du droit à la
protection de la vie privée de la personne poursuivie et de la personne
soupçonnée. Le droit à la protection de la vie
privée constitue une limite juridiquement infranchissable par le
principe
334 J. Buisson, « L'audition sous
hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison
d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches »,
in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.
de la liberté de preuve dont toute atteinte à la
vie privée pour obtenir un élément de preuve rendrait la
preuve illégale.
§ 2. Légalité
matérielle.
51. Le concept de la légalité
matérielle. La légalité matérielle est le
respect de la dignité humaine et de la loyauté dans la recherche
de preuves parce qu'une preuve ne peut être obtenue en violation des
principes de loyauté et de respect de la dignité humaine. Le
non-respect de l'un de ces principes suffirait alors à considérer
que la preuve en résultant est illégale parce qu'elle a
méconnu la légalité matérielle. La
légalité matérielle de la preuve pénale est
fondée sur le respect et la protection de l'intégrité du
corps humain et de sa volonté lors de la recherche et production de la
preuve pénale. En effet, ce principe n'admet aucune exception. Il doit
être respecté strictement et appliqué d'une façon
absolue lors de la recherche de la preuve et sa production afin
d'empêcher l'obtention de la preuve pénale par des moyens
inhumains et illégaux, tels que la torture de l'accusé en vue
d'obtenir son aveu, sa fustigation, l'influence de sa volonté dans tous
ses aspects, ou encore l'utilisation de moyens scientifiques afin de le forcer
à l'aveu et la présentation d'une preuve contre son gré.
En général, les atteintes à ces principes entraînent
l'illégalité matérielle de la preuve.
A. Le respect absolu de la dignité humaine dans la
recherche de la preuve
52. Respect ne souffrant pas d'exception. La
légalité matérielle réside dans le respect de la
dignité humaine et du libre arbitre de la personne qui prohibe de
manière absolue et sous toutes ses formes la violence, quelles qu'en
soient la forme et la nature, physique ou morale : « la violence dans
toutes ses formes, physique ou morale, est évidemment prohibée
dans la
335
recherche des preuves, de manière absolue
»
. L'interdiction de la violence ne peut souffrir
83
d'aucune exception sur la base de la nécessité de
la recherche des preuves ou au nom de la
336
liberté de preuve en matière pénale. Le
respect de la dignité humaine dans la recherche de
335 J. Buisson, « La
légalité dans l'administration de la preuve pénale »,
in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6,
V. spec. p. 3.
336 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 281, p. 184 : « La recherche des
preuves ne peut s'effectuer au détriment de la dignité de la
personne. Les investigations impliquant des intrusions corporelles sont
très strictement encadrées, les violences exercées pour
arracher des aveux sont prohibées et les questions indélicates,
lorsqu'elles sont inutiles, doivent être bannies ».
84
la preuve ne permet aucune tolérance et doit être
absolu sans aucune exception. Cela signifie que toute violence physique ou
morale est strictement interdite dans la recherche de la preuve. En fait, la
protection de cette dignité humaine impose que les moyens et
procédés de preuve
337
doivent être respectueux de la dignité
humaine. La protection de la dignité humaine désigne
l'interdiction de toute forme de violence, qu'elle soit physique ou morale pour
recherche la preuve pénale. Ce qui précède implique que
l'interrogatoire du suspect qui est une méthode parfaite pour rassembler
les preuves, doit exclure la torture et autres traitements ou
châtiments
338
en concluant à la violation de l'article 3 de la
Convention européenne des droits de
cruels, inhumains ou dégradants ou la prolongation
anormale des interrogatoireset même toute menace. La Cour
européenne des droits de l'homme a condamné la France dans
l'affaire Tomasi339
l'homme qui interdit les traitements inhumains ou
dégradants. L'arrêt rendu par la Cour de Strasbourg le 27
août 1992 a rejeté les arguments présentés par la
France sur l'absence
337 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 410, pp.
354-355 : « Conformément à l'État de droit,
notion au fort contenu éthique, les magistrats, policiers et gendarmes
doivent évidemment respecter la dignité de la personne
impliquée dans une procédure. En outre, ils doivent tenir compte
de l'intimité de la personne et sa liberté d'expression de sorte
que, dans les cas où ces valeurs sont en cause, ils ne doivent agir que
s'ils ne peuvent pas faire autrement, que si en d'autres termes, leurs
diligences sont nécessaires. Enfin, ces agents doivent agir avec une
certaine loyauté, avec honnêteté ».
338 V. sur la prolongation anormale des
interrogatoires : Cass. crim., 26 février 1991, B.C., n°
97, p. 242 : « Attendu que l'inculpé ayant prétendu
qu'il n'avait pas bénéficié de temps de repos suffisants
lors de sa garde à vue, que son audition par la gendarmerie se serait
déroulée dans une atmosphère de grande tension et qu'en
conséquence le procès-verbal de son audition devait être
annulé, la chambre d'accusation, pour rejeter sa demande, énonce
d'abord que, si l'audition de X... s'est déroulée dans une
atmosphère parfois tendue, les enquêteurs ont expliqué que
les réponses faites par X... aux questions qui lui étaient
posées n'ont pu lui être suggérées en raison de leur
ignorance des circonstances du crime ; Qu'elle relève en outre que les
règles énoncées à l'article 64 du Code de
procédure pénale ne sont pas prescrites à peine de
nullité et que leur inobservation ne saurait en elle-même
entraîner la nullité des actes de la procédure lorsqu'il
n'est pas démontré que la recherche et l'établissement de
la vérité s'en sont trouvés fondamentalement viciés
; que, pour considérer que cette démonstration n'était pas
faite en l'espèce, elle relève que l'inculpé avait
été informé le 28 juillet à 15 heures 45,
après 24 heures de garde à vue, de son droit d'être
examiné par un médecin et qu'il s'y était refusé ;
qu'il avait en outre été examiné le 28 juillet à 19
heures par un psychiatre qui n'avait pas relevé d'état
d'épuisement et qu'enfin, présenté au juge d'instruction,
il avait fait une longue déclaration ne révélant pas une
intense fatigue ; Attendu qu'en l'état de ces constatations, d'où
il résulte que l'inculpé n'a pas été soumis
à des traitements inhumains, la chambre d'accusation a justifié
sa décision sans méconnaître les textes visés au
moyen, lequel ne peut, dès lors, être admis » ; V.
encore : Cass. crim., 10 mars 1992, B.C., n° 105, p. 272:
« Attendu que, répondant aux articulations essentielles du
mémoire de l'inculpé qui prétendait que les
déclarations de Richard X... au cours de sa garde à vue avaient
été faites dans une atmosphère de violence et sous le coup
de la fatigue et que les conditions de la garde à vue étaient
constitutives de traitements inhumains et dégradants interdits par
l'article 3 de la Convention invoquée et qui demandait en
conséquence l'annulation des procès-verbaux d'audition, la
chambre d'accusation rejette cette demande par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi cette juridiction n'a pas encouru les
griefs allégués ; qu'il résulte de ses constatations, que
la Cour de Cassation est en mesure de vérifier, que, contrairement
à ce qui est soutenu, l'inculpé n'a pas été
privé de tout repos pendant la durée de sa garde à vue,
qu'il n'a pas été l'objet de traitements dégradants et
inhumains et que ses déclarations ne sont l'effet ni de la fatigue ni de
la contrainte; Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ».
339 V. sur l'affaire Tomas: F. Sudre,
L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme : mauvais
traitements et délai raisonnable », in R.S.C., 1993, pp.
33-43.
85
d'atteinte au minimum de gravité. «
D'après le Gouvernement au contraire, le "minimum de gravité"
exigé par la jurisprudence de la Cour (arrêt Irlande c.
Royaume-Uni précité et arrêt Tyrer c. Royaume-Uni du 25
avril 1978, série A no 26) n'a pas été atteint
»340. La Cour de Strasbourg considère, pour
condamner la France dans cette affaire, que « la Cour ne peut se
rallier à cette thèse. Elle n'estime pas devoir examiner le
système et les modalités de la garde à vue en France, ni
en l'occurrence la durée et la fréquence des interrogatoires du
requérant. Il lui suffit de noter que les certificats et rapports
médicaux, établis en toute indépendance par des
praticiens, attestent de l'intensité et de la multiplicité des
coups portés à M. Tomasi ; il y a là deux
éléments assez sérieux pour conférer à ce
traitement un caractère inhumain et dégradant. Les
nécessités de l'enquête et les indéniables
difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en
matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la
protection
due à l'intégrité physique de la
personne » 341 . Mme Haritini Matsopoulou a vivement critiqué
la permissivité du système répressif français
devant les graves violations des droits de l'homme qu'a subies M. Tomasi avec
l'approbation des juges français qui n'ont pas sanctionné cette
violation flagrante tout au long des diverses phases du procès
pénal : « il est vraiment dommage qu'il ait fallu attendre une
décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans
l'affaire Tomasi, car il aurait été préférable que
la chambre d'accusation ou le
342
.
juge de jugement reconnaisse la nullité des actes
ainsi accomplis »
53. L'interdiction d'administrer des preuves en violation
de la dignité humaine. La collecte des preuves doit avoir lieu dans
le respect de la dignité humaine. Certains procédés
scientifiques menacent gravement le libre arbitre de la personne et peuvent
même conduire à son élimination totale. Tous ces moyens de
preuve attentatoires à la dignité humaine ne peuvent être
admis dans la justice : « le respect de la dignité humaine
interdit de manière absolue toute forme de violence physique ou morale.
Sont donc évidemment prohibés ... les procédés
scientifiques destinés à obtenir un aveu : polygraphe,
narco-analyse, et plus généralement tous moyens chimiques ou
médicaux destinés à forcer la volonté d'une
personne. Ce principe étant constitutif du noyau dur des droits de
l'homme, insusceptible d'ingérence étatique dans la Convention
européenne des droits de l'homme, il ne saurait être
343
admis qu'il puisse être méconnu avec le
consentement de la personne concernée ». Certains
340 CEDH, 27 août 1992, Tomasi c. France,
requête n°12850/87, V. spec. §114.
341 CEDH, 27 août 1992, Tomasi c. France,
requête n°12850/87, V. spec. §115.
342 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 878, p.
711.
343 J. Buisson, « L'audition sous
hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison
d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches »,
in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.
86
procédés scientifiques ont été
considérés admissibles par les législateurs libanais et
français ou par la jurisprudence comme moyens de preuve recevables qui
ne violent pas la dignité humaine et le libre arbitre de la personne. Ce
n'est pas facile d'évaluer le degré de menace que porte un
procédé scientifique pour rejeter ce moyen ou au contraire
l'admettre comme moyen de preuve. C'est pourquoi ce sujet fait couler beaucoup
d'encre et a provoqué une levée de boucliers.
B. La liberté de la preuve limitée par le
respect du principe de la loyauté.
54. La loyauté de la preuve dans la recherche de la
preuve pénale. On parle de loyauté dans la recherche de la
preuve pénale qui n'existe pas expressément ou formellement par
un texte législatif en droit libanais et français. La
loyauté dans la recherche des preuves comme principe
général a été découverte depuis longtemps
par la jurisprudence de la Cour de cassation française au nom de
l'éthique judiciaire. Il y a plusieurs arrêts en France surtout de
la chambre criminelle de la Cour de cassation française qui se fondent
sur ce principe. En droit libanais, ce principe de loyauté est
timidement reconnu par la jurisprudence et la doctrine pénales. La
loyauté dans le domaine de la preuve pénale n'a jamais
été définie par la jurisprudence libanaise et
française. La doctrine n'est pas unanime sur la définition et
même sur la reconnaissance de l'existence de ce principe comme principe
essentiel dans la recherche de la preuve. La loyauté est un principe qui
souffre d'hésitation ou d'ambiguïté malgré les
différentes propositions de définition proposées par la
doctrine française. Ce principe interdit
344
l'utilisation de procédés déloyaux dans
la recherche des preuves, le terme de procédé déloyal est
assez vaste et contient nombre d'incertitudes et d'ambiguïtés. La
définition de la loyauté n'est ni claire, et ni précise.
D'autre part, certains auteurs comme MM. Jacques Buisson et Serge Guinchard,
considèrent que l'étude du principe de loyauté doit
s'inscrire au
. En ce qui concerne la loyauté
345
sein des études relatives au respect de la
légalité matérielle
de la preuve, la majorité de la doctrine considère
le principe de la loyauté de la preuve
346
pénale dans le cadre de la légalité
matérielle de la preuve. Cependant, nous
344 V. sur la loyauté de la preuve :
J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve
pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr.
n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 4: « Le principe de loyauté
dans la recherche des preuves a pour objet d'interdire à celui qui
administre la preuve l'utilisation de procédés déloyaux,
de ruses ou de stratagème ».
345 V. en ce sens: S. Guinchard et J.
Buisson, Procédure pénale, 9e édition,
LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 584, p. 588 ; V. encore : J. Buisson,
« Preuve », in Rép. pén. Dalloz.,
février 2003, n° 87 et n° 88, pp. 18-19.
346 V. au contraire : D. Giannoulopoulos,
L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude
comparée des droits américain, anglais, français et
hellénique, Thèse de droit, Université Paris I, 2009,
p. 215 : «... c'est
87
préférons, contrairement à l'avis de la
majorité des juristes, ne pas classifier le principe de loyauté
de la preuve pénale entre la légalité formelle ou
matérielle, et par conséquent, le considérer en tant
qu'une partie intégrante du principe général de la
légalité de la preuve pénale. Pour cette raison, nous
allons examiner ultérieurement le principe de loyauté de la
preuve pénale de façon distincte, en dehors du champ de la
légalité formelle et matérielle.
Conclusion du chapitre I
55. En matière pénale, la preuve vise à
la manifestation de la vérité et à l'affirmation de
l'existence d'une infraction ou de son absence, la culpabilité ou
l'innocence d'un prévenu. La recherche des preuves dans le procès
pénal est une question cruciale. En droit libanais et français,
c'est le principe de la liberté de la preuve qui domine la
procédure pénale. Le principe de la liberté de la preuve
en matière pénale conduit à ne reconnaître aucune
hiérarchie entre les divers modes de preuve. L'administration de la
preuve se fait par tous les moyens à condition que la preuve soit
apportée par des moyens légaux parce que la recherche de la
preuve à tout prix et par n'importe quel moyen n'est pas admissible dans
un État de droit. La légalité dans la recherche des
preuves consiste à utiliser des moyens qui sont conformes aux lois et
aux principes généraux du droit qui sont étroitement
liés au respect de la liberté individuelle, au respect de la
dignité de la personne humaine, au respect de la vie privée et au
droit à un procès équitable. L'application de la
liberté de la preuve doit coïncider et s'associer avec le principe
de la légalité et de la loyauté pour une reformulation de
la notion de liberté de la preuve qui doit être la suivante : une
liberté dans le choix des moyens de preuve parmi tous les moyens
légaux qui sont recevables devant le juge pénal pour
répondre à l'exigence de découverte de l'infraction et
d'identification de son auteur. De ce qui précède, on peut
conclure que la liberté de la preuve n'est pas totale, ni absolue, cette
liberté de preuve trouvant sa limite normale dans le respect de la
légalité et des droits fondamentaux de chaque individu. La
légalité constitue un outil essentiel pour éviter tout
risque ou menace pouvant résulter du concept absolu de la liberté
de preuve. La liberté de la preuve doit se concilier avec le principe de
la légalité dans une conception formelle et matérielle.
Donc, la preuve pénale doit être compatible avec la
légalité qui se subdivise en légalité formelle et
légalité matérielle. D'une part, la légalité
formelle de la preuve implique l'existence d'une loi préalable claire
qui précise minutieusement les moyens et la forme de la recherche de la
preuve surtout quand
principalement au niveau de la légalité
formelle qu'on aborde le problème de la preuve déloyale en droit
français ».
88
l'acte de procédure pénale qui vise la recherche
de la preuve porte atteinte aux libertés individuelles. La
légalité formelle dans la recherche de preuve doit respecter
encore les principes généraux de la procédure
pénale conformément aux règles prévues par le Code
de procédure pénale (le débat contradictoire,
l'oralité, la publicité). La légalité formelle
exige que l'administration de la preuve ne viole pas le droit à la
protection de la vie privée. D'autre part, la légalité
matérielle dans la recherche des preuves implique que le droit au
respect de la dignité humaine impose que les preuves rapportées
au procès pénal n'aient pas été obtenues en
violation de ce droit. La légalité matérielle de la preuve
pénale n'est qu'une conformité de ce moyen d'obtention de la
preuve aux normes supérieures et aux principes généraux du
droit comme la dignité humaine et le libre arbitre de la personne
poursuivie ou soupçonnée. Donc, la légalité
matérielle réside dans le respect de la dignité humaine et
du libre arbitre qui prohibe de manière absolue et sous toutes ses
formes la violence, quelles que soient la forme et la nature de cette violence
physique ou morale. De surcroît, pour certains auteurs pénalistes,
la loyauté dans la recherche de la preuve pénale fait partie
intégrante de l'étude de la légalité
matérielle dans la recherche des preuves.
Chapitre II
La loyauté de la preuve en lien avec la
légalité de la
preuve
56. L'idée de la loyauté. Le mot
loyauté est dérivé de loyal qui est issu, par
évolution phonétique, de legalis c'est-à-dire
conforme à la loi et, dans le contexte des valeurs de
347
chevalerie a le sens de l'honneur, de la probité. Dans
un système pénal gouverné par le principe de la
liberté de la preuve comme celui du droit libanais et français,
il est extrêmement difficile et complexe de déterminer ou de fixer
la limite exacte entre ce qui est permis et ce qui
348
ne l'est pas pour découvrir la vérité.
L'idée de la loyauté
|
349
|
et le caractère loyal dans la
|
89
recherche des preuves évoquent normalement la rectitude
et signifient un minimum de probité et d'honnêteté dans la
recherche de la preuve. Pour rendre la justice, le juge a besoin de
. La
350
preuves irréfutables mais qui ne peuvent être
obtenues de n'importe qu'elle manière
loyauté signifie encore droiture, correcte et bonne
foi351. La loyauté de la preuve fait également
allusion à la figure de la justice dans la société et
à la manière dont la justice pénale répond au
double défi de réunir les preuves de l'infraction tout en
respectant le plus possible
347 B. De Lamy, « De la loyauté
en procédure pénale, brèves remarques sur l'application
des règles de la chevalerie à la procédure pénale
» in Le droit pénal à l'aube du troisième
millénaire, mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas
2006, p. 98.
348 V. en ce sens : H. Houbron,
Loyauté et vérité. Etude de droit processuel,
Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004,
n° 49, p. 39 : « Distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne
l'est pas pour découvrir la vérité reste une tâche
des plus délicates... » ; V. encore : K.
Grévain-Lemercier, Le devoir de loyauté en droit des
sociétés, Thèse de droit, Université de
Rennes, 2011, n° 5, p. 3: « La loyauté s'oppose à
certains traits de caractère, elle interdit certains actes ; les actes
de loyauté sont alors négatifs ».
349 V. D. Jousse, Traité de la
justice criminelle de France, Éditeur Debure Père, Paris,
1771, t. 2, p. 275 :
M. Daniel Jousse exprime l'idée de la loyauté de
preuve d'une manière implicite dans son Traité de la justice
criminelle de France en 1771 : « Il faut que les moyens d'adresse que
le juge emploie soient justes et légitimes ; et il doit toujours
être sur ses gardes, pour ne pas devenir le ministre de la calomnie et de
l'oppression. S'il doit user de beaucoup d'art pour découvrir la
vérité, ce doit être aussi toujours sans aucune tromperie
et sans alarmer le criminel par de fausses craintes ou sans le gagner par de
fausses espérances ».
350 V. S. Guinchard, M. Baudrac, M. Douchy et
X. Lagarde, Droit processuel. Droit commun du procès,
1er éd., Dalloz-Sirey, 2001, n° 542, p. 64 : «
Rendre la justice est une oeuvre collective et se passer de loyauté est
impossible ; on rejoint ici l'éthique : le procès n'est pas un
combat comme les autres. Tous les coups ne sont pas permis ».
351 V. F. El hajj Chehade, Les actes
d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010,
p. 160 : « La loyauté dans la recherche des preuves contribue
donc à la crédibilité de la justice, à la
conformité de son fonctionnement à une norme éthique
supérieure, faisant ainsi accepter moralement l'autorité de cette
institution».
352
les droits et libertés individuelles .
Généralement, la loyauté constitue un outil pour la
90
doctrine et la jurisprudence pénale afin d'exclure ou
prohiber l'usage de certains modes de
353
recherche des éléments de preuve. Le principe de
loyauté dans la recherche de la preuve « a pour objet
d'interdire à celui qui administre la preuve l'utilisation de
procédés déloyaux, de
354
ruse ou de stratagèmes ». Comment comprendre
l'idée générale de la loyauté et l'exigence
355 356
de loyauté dans la recherche des preuves en matière
pénale? La loyautése rattache à l'idée qu'il n'est
pas permis aux enquêteurs d'avoir recours par tout procédé
ou moyen à tout
. MM. Serge
357
prix et qu'une certaine éthique doit présider
à l'action des autorités répressives
Guinchard et Jacques Buisson soulignent que l'objet direct du
principe de loyauté dans la recherche des preuves est d'empêcher
et de prohiber durant l'administration de la preuve
358 359
l'utilisation des moyens et de procédés
déloyaux, de rusesou de stratagèmes. De surcroît, afin de
mieux assurer et de garantir les intérêts de la poursuite, une
obligation de loyauté
352 V. H. Houbron, Loyauté et
vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit,
Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 48, pp. 38-39 :
« Évoquer la loyauté dans la recherche des preuves,
c'est, au fond, s'interroger sur la façon dont la justice doit
être rendue ».
353 V. en ce sens : Ch. De Valkeneer, La
tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits
belge et international complétée par des éléments
des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles,
2000, p. 109 :« C'est à elle que la doctrine et la
jurisprudence font généralement appel pour repousser l'usage de
certains moyens de preuve... ».
354 J. Daniel, Les principes
généraux du droit en droit pénal interne et international,
Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n°
412, p. 260.
355 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 569, p. 410 : «Au cours des
débats ayant précédé l'adoption de la loi du 15
juin 2000, les parlementaires avaient pourtant songé à l'y
inscrire. S'ils y ont renoncé, c'est que la loyauté est un peu
comme ces images que l'on aperçoit clairement de loin et qui se
brouillent quand on les approche. La loyauté se présente en effet
a priori comme une notion a-juridique, située dans une zone grise entre
légalité - qui est d'ailleurs le sens originel du mot - et
morale. On adhère de manière immédiate et spontanée
à sa nécessité plus facilement qu'on ne la démontre
».
356 V. sur la loyauté : O.
Bourgancier, Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve
pénale, Mémoire DEA en droit pénal et sciences
pénales, Université Panthéon-Assas (Paris), 2005 ; A.
Soumaya, La loyauté de la preuve dans la recherche de la preuve
pénale: Etude comparative : Des droits français, égyptien
et syrien, Thèse de droit, Université Paul Cézanne
(Aix-Marseille), 2010 ; S. Potier, La loyauté dans la recherche de
la preuve pénale par les institutions publiques, Mémoire de
DEA en Droit pénal et sciences sociales, Université
Panthéon-Assas (Paris 2), 1999.
357 P. Gagnoud, L'enquête
préliminaire et les droits de la défense, Thèse de
droit, Université Nice Sophia-Antipolis, 1997, n° 205, pp.
294-295.
358 V. sur la ruse dans la recherche de
preuve: G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en
procédure pénale », in D., 1996, Chronique, pp.
153-156 : « l'absence de moralité est illustrée par la
ruse. La jurisprudence l'appréhende comme tout moyen destiné
à tromper le délinquant potentiel. Elle revêt
concrètement la forme d'une provocation policière ».
359 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 587, p. 590.
s'impose aux enquêteurs
360
. M. Georges Flécheux affirme que le principe de
loyauté domine
91
preuve et la protection contre l'abus et l'arbitraire dans cette
recherche
367
. Du point de vue de
361
l'éthique de la vie judiciaire. De toute manière,
l'obligation ou le devoir de loyauté imposé
362
à tous les acteurs de la vie judiciaires'applique dans
le domaine pénal. Cette exigence de loyauté se trouve au coeur et
au fond de la notion de procès équitable et en même temps
constitue l'une des avancées les plus remarquables fondée sur les
droits fondamentaux qui
363
affectent l'homogénéisation de l'ensemble des
procédures européennes.
57. Loyauté et État de droit. Dans un
État de droit qui s'oppose naturellement à l'État de
police, l'exigence de loyauté dans la récolte des preuves
apparaît comme un principe sine qua
364
non, c'est-à-dire une condition
nécessaire (indispensable), ou une condition essentielle dans la
recherche de la preuve qui vise à interdire l'utilisation de
procédés déloyaux, de ruses ou de
365
stratagèmes en vue de rassembler des
éléments de preuve d'infraction . Le principe de liberté
de preuve qui domine le procès pénal est instauré
normalement pour de justes raisons, mais cette liberté dans
l'administration de la preuve peut être dévoyée et
utilisée abusivement en entravant les libertés et les garanties
que tout justiciable doit pouvoir attendre dans un État de
366
droit . L'importance particulière du principe de la
loyauté dans la recherche de preuve réside dans le fait que la
loyauté constitue la limite nécessaire entre l'efficacité
de la recherche de
360 F. Démanya Akouete,
L'enquête préliminaire dans la procédure pénale
Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p.
110.
361 G. Flécheux, « L'avocat et
les principes généraux du droit », in Les
dénominateurs communs entre les principes généraux du
droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français, Éditeur :
Université Saint-Joseph (Faculté de droit et des sciences
politiques) CEDROMA (Centre d'études des droits du monde arabe),
Beyrouth (Liban), 2001.
362 V. A. Leborgne, « L'impact de la
loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double
visage d'un grand principe », in RTD Civ., 1996, p. 535 :
« L'obligation d'être loyal, aujourd'hui
généralisée à toutes les relations juridiques, ne
pouvait être absente des procès ; aussi, s'accorde-t-on pour
reconnaître l'existence d'un principe processuel de loyauté,
notamment lors de la recherche de preuves ».
363 G. Flécheux, « L'avocat et
les principes généraux du droit », in Les
dénominateurs communs entre les principes généraux du
droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français, Éditeur :
Université Saint-Joseph (Faculté de droit et des sciences
politiques) CEDROMA (Centre d'études des droits du monde arabe),
Beyrouth (Liban), 2001.
364 Latin expression « conditio sine
qua non ».
365 V. en ce sens : J.-Y. Chevallier, «
La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de
synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue
internationale de droit pénal, 1er-2e
trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé
par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à
Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 51 :
« ... il faut signaler les limites liées à ce que l'on
peut rattacher à la catégorie très générale
des conceptions morales et sociales d'une époque. En découlent
alors l'exclusion naturelle de la torture et toutes formes de brutalités
policières, et toutes formes de déloyauté dans les
preuves, mensonges, questions-pièges, ruses, artifices destinés
à confondre le coupable ».
366 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 96.
92
la loyauté de la preuve, l'évolution de la
délinquance ou des comportements délinquants et des techniques
d'investigation pose à la justice française la question de
l'étendue du contrôle qu'elle exerce sur les preuves qui lui sont
soumises, au regard notamment des principes contenus, dans les articles 3, 5,
6, 8 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des
368
droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le
point de vue précédent pose aussi les mêmes questions
à la justice libanaise qui concernent l'étendue du contrôle
qu'elle exerce sur les preuves qui lui sont soumises mais au regard seulement
des principes contenus dans le Code de procédure pénale libanais
et la législation nationale parce que le juge libanais n'applique pas la
Convention européenne des droits de l'homme. Nous ajoutons que
l'évolution de la délinquance et des techniques d'investigation
pose des défis considérables à la justice pénale en
matière de preuve qui se manifeste par la dualité entre
efficacité de la recherche des preuves et liberté individuelle
afin de respecter et renforcer le respect des droits et libertés
individuelles et en même temps garantir le bon déroulement du
procès pénal. Le principe de loyauté dans la recherche de
la preuve est considéré dans le domaine de la procédure
pénale comme le révélateur des conditions dans lesquelles
sont conçues les
relations de l'État et de la personne humaine dans un
pays donné369. Le principe général de
loyauté est donc indispensable à l'existence d'un État de
droit qui se manifeste dans tous les contentieux. Cette nécessité
explique la consécration explicite et chronologiquement première
de ce principe dans le domaine de la recherche de la preuve en matière
pénale parce que ce contentieux peut être considéré
comme un témoin majeur du caractère démocratique d'un
État370.
La première section de ce chapitre porte sur le
principe de loyauté comme principe fondamental controversé. La
seconde section porte sur le duel ou l'affrontement entre respect de la
loyauté et efficacité dans la recherche des preuves.
367 P. Bouzat, « La loyauté dans
la recherche des preuves », in Problèmes contemporains de
procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études
en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec.
p. 157 :« Il existe heureusement un élément
pondérateur : la loyauté dans la recherche des preuves, qui
protège l'individu contre les abus toujours possibles et impose à
l'enquête un style ».
368 P. Lemoine, « La loyauté de
la preuve à travers quelques arrêts récents de la chambre
criminelle », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation
(française).
369V. en même sens : R.
Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel- procédure
pénale, 5e éd., Cujas, 2001, spéc. n°
156 et s.
370 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 86.
Section I
Un principe fondamental controversé
58. Enjeux autour d'un principe controversé.
Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve en droit libanais
et français se trouve parmi les principes généraux du
droit qui sont non écrits. Mme Julie Daniel souligne que « la
notion de principe général du droit est une source non
écrite du droit pénal procédural. En effet, les principes
généraux permettent d'assurer le caractère loyal de
l'administration de la preuve et garantissent ainsi une recherche efficace des
preuves tout en préservant la régularité d'une
procédure pénale se
devant d'être protectrice de certains
intérêts particuliers jugés essentiels »
|
371
|
. Au vu de ce qui
|
précède se pose la question suivante: quelle
valeur accorder au principe de loyauté de la preuve ? La loyauté
est-elle un principe d'application stricte ou un principe appliqué avec
souplesse et tolérance ? Dans le silence des textes, la force du
principe de loyauté reste
incertaine
|
372
|
. Le principe de loyauté dans la recherche des preuves
soulève controverses et
|
93
ambiguïtés parce qu'il n'est pas toujours
appliqué avec la même rigueur par la jurisprudence et parce qu'il
n'est pas consacré textuellement. À vrai dire, il est difficile
de trancher la question de savoir si le principe de loyauté doit
être appliqué d'une façon définitive sans aucune
exception ni réserve parce qu'il est un principe sans fondement textuel
exprès et
373
baigne dans un environnement dominé par le principe de
la liberté de preuve. C'est une question qui provoque beaucoup de
débats et fera toujours couler beaucoup d'encre. Il est souhaitable que
les législateurs libanais et français tranchent
expressément la question de la présence et de la valeur du
principe de la loyauté de preuve pour éviter toutes formes de
controverse. En effet, la loyauté dans la recherche de la preuve en
matière pénale fait l'objet d'un faible enracinement. Selon
plusieurs auteurs, le principe de la loyauté de la preuve est un
principe controversé, certains auteurs réclamant de vive voix la
consécration d'un principe
371 J. Daniel, Les principes
généraux du droit en droit pénal interne et international,
Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n°
423, p. 267.
372 Ph. Bonfils, « Loyauté de la
preuve et droit au procès équitable », in D., 2005,
pp. 122 et s.
373 V. en droit français sur l'absence
de consécration textuelle du principe de la loyauté de preuve :
F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au
droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim.,
4 juin 2008, in JCP G, n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 :
« Le Code de procédure pénale n'exprime pas formellement
le principe de loyauté des preuves. Ce principe est le fruit de la
synthèse des principes de liberté de la preuve et de
légalité de la preuve, eux-mêmes dégagés de
l'interprétation de deux dispositions éparses du Code de
procédure pénale ».
374
général et absolu de loyauté dans la
recherche de la preuve pénale. Ni la loi libanaise, ni la loi
française, ni la Charte internationale des droits de l'homme, ni la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, définissent ou mentionnent le principe de
loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale.
La loyauté est un principe moral qui doit être
considéré comme une condition inévitable dans la recherche
des preuves, si ce n'est la condition de la conduite d'un procès
équitable ; il constitue un repère
fondamental dans l'exercice des droits de la défense
|
375
|
. La loyauté dans la recherche de preuve
|
impose une manière et une exigence
générale d'éthique des comportements pendant le
rassemblement des preuves des infractions et la recherche de leurs auteurs, et
sans doute il
376
.
ajoute une marque générale de l'aspect d'une
déontologie et d'une moralité nécessaire
Malgré l'hésitation qui domine l'application de
ce principe dans la pratique judiciaire, M. Jérôme Lasserre
Capdeville affirme que « différentes branches du droit se
montrent
377
aujourd'hui très attachées à cette
exigence de loyauté en matière de preuve ».
59. Difficulté d'une définition
précise. Comment définir la loyauté dans la recherche
de
preuve pénale ? Sans doute est-il difficile de
préciser la définition de loyauté
|
378
|
et de trouver
|
94
379
une définition satisfaisante qui peut aisément
convaincre. En fait, la loyauté est un concept
380
qui ne fait pas l'objet d'une définition
préciseet qui n'a pas un fondement stable. La doctrine se
réfère comme indique M. Christian De Valkeneer «
tantôt à la dignité, tantôt à
374 G. Royer, L'analyse économique et
le droit criminel, Éditions le Manuscrit, 2005, p. 177.
375 Ph. Vouland, « L'exercice quotidien
de la fonction de défense et la loyauté de la preuve », in
AJ Pénal, 2005, pp. 275 et s.
376 V. sur la philosophie de la
loyauté: L. Raison Rebufat, « Le principe de loyauté en
droit de la preuve », in Gaz. Pal., 27 juillet 2002 n° 208,
p. 3 : « La loyauté dans la collecte des preuves puise ses
origines dans une évolution favorable à la constitution d'un code
éthique du procès ; l'analyse des fondements auxquels peut
être rattaché le principe permet d'en dégager la nature
juridique ».
377 J. Lasserre Capdeville, « La preuve
fournie par les parties privées : confirmation de la tolérance
quant au principe de loyauté », in AJ Pénal, 2010,
pp. 280 et s.
378 La loyauté étant synonyme
de droiture, de probité et d'honnêteté, ne fait l'objet
d'aucune définition précise en droit libanais et français,
ni en droit conventionnel.
379 V. G. Beaussonie, Le rôle de la
doctrine en droit pénal, L'Harmattan, 2006, p. 56 : « Le
principe de loyauté dans la recherche des preuves, par exemple, n'est
reconnu dans aucun texte. La jurisprudence a pourtant pu et peut encore s'y
référer. Pour la doctrine, le principe est indéniable et
celle-ci multiplia les tentatives de définition ».
380 V. Ph. Vouland, « L'exercice
quotidien de la fonction de défense et la loyauté de la preuve
», in AJ Pénal, 2005, pp. 275 et s. : La loyauté se
définit dans le Larousse comme dans le Robert autour des mots droiture
et probité, la probité étant l'observation rigoureuse des
devoirs de la justice et de la morale alliée à une
honnêteté scrupuleuse.
381
.
l'exhaustivité de la procédure, tantôt
aux principes de bonne administration de la justice »
M. Bertrand De Lamy croit que la loyauté n'est pas
définissable avec les précisions qu'attend le droit parce qu'elle
s'inscrit sur le terrain des valeurs et doit être conciliée avec
d'autres
valeurs 382 . Selon M. Pierre Bouzat « la loyauté
n'est pas une notion juridique autonome. Aussi
383
il est malaisé d'en donner une définition
précise ». Pour M. Pierre Bouzat, une telle définition
apparaît utile si l'on veut que la notion de loyauté apparaisse
comme une notion
384385
autonome . M. Jean Pradel a essayé de définir la
loyauté par son contraire. M. Cédric
Tahri considère que la preuve est loyale, si elle est
obtenue sans fraude ou violence
|
386
|
. Mlle
|
Hélèna Houbron propose la définition
suivante : « la loyauté constitue, dans le cadre du
procès, un instrument de moralisation des comportements processuels
indispensable à la
387
légitimité des décisions de justice
». La définition précédente signifie que
« la loyauté de la preuve supposerait alors un comportement
reposant sur la bonne foi et exempt de toute
intention de tromper»
|
388
|
. En droit libanais, la loyauté n'occupe pas
une place importante dans
|
95
la culture juridique. Ainsi on remarque l'absence totale d'une
définition de la loyauté de preuve en matière
pénale par le législateur libanais et même par la doctrine
spécialisée en droit pénal et procédure
pénale. La doctrine néglige également la définition
du principe de la loyauté. Même lorsqu'il est question de
recherche de la preuve, le principe de la loyauté n'est
évoqué que timidement par la doctrine. Nous
proposons de définir la loyauté389 dans la
381 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans
l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et
international complétée par des éléments des droits
français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109
.
382 B. De Lamy, « De la loyauté
en procédure pénale, brèves remarques sur l'application
des règles de la chevalerie à la procédure pénale
» in Le droit pénal à l'aube du troisième
millénaire, mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas
2006, p. 101.
383 P. Bouzat, « La loyauté dans
la recherché des preuves », in Problèmes contemporains
de procédure pénale (Mélanges), Recueil
d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp.
155-177, v. spec. p. 160.
384 P. Bouzat, « La loyauté dans
la recherché des preuves, in Problèmes contemporains de
procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études
en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec.
p. 171.
385 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 413, p. 358
: « Il y a déloyauté lorsque l'enquêteur ou le
juge d'instruction use de procédés non conformes aux principes
fondamentaux de notre ordre juridique pour obtenir des éléments
de preuve. La déloyauté évoque, doit-on ajouter, la
tromperie, les artifices, les promesses, les menaces, tout agissements
réduisant ou supprimant le libre arbitre » ; V. J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 413, p. 358 : « La question de loyauté pose la
question récurente de la fin et des moyens ».
386 C. Tahri, Procédure civile,
1er éd., Éditions Bréal, 2007, p. 26.
387 H. Houbron, Loyauté et
vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit,
Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 58.
388 H. Houbron, Loyauté et
vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit,
Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 58.
389 P. Bouzat, « La loyauté dans
la recherché des preuves », in Problèmes contemporains
de procédure pénale (Mélanges), Recueil
d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp.
155-177, v. spec. p. 172 :
recherche de la preuve comme une obligation ou une exigence de
recherche des preuves en conciliant l'efficacité et la transparence dans
les comportements que doivent adopter les acteurs à la recherche de la
preuve de l'infraction.
60. La loyauté est un principe d'inspiration morale.
Une certaine morale doit exister dans
l'opération de la recherche de la preuve 390 . Le concept
de la loyauté dans la recherche de la
391
preuve pénale traverse l'ensemble des sources du droit.
Mme Géraldine Danjaume croit que la moralité doit jouer un
rôle essentiel de lutte contre les abus qui pourraient se produire
. Le principe de loyauté probatoire n'est pas
pendant le déroulement du procès
pénal392
consacré par le législateur français mais
c'est une création prétorienne
|
393
|
. En dépassant les
|
96
considérations d'ordre purement juridique, l'obligation
de loyauté semble disposer de
394 395
fondements morauxet éthiques. Ce principe de
loyauté n'a pas été consacré textuellement par le
législateur libanais à l'instar de son homologue français
qui n'a pas jusqu'à présent reconnu explicitement et directement
ce principe dans une disposition d'un texte législatif. De même,
la Convention européenne des droits de l'homme ne consacre pas
textuellement le principe de la loyauté de preuve et rappelle toujours
que l'administration des preuves relève au premier chef des
règles du droit interne. Au regard de l'absence d'une
396
consécration législative explicite de ce principe
de loyauté, ce concept d'inspiration morale
M. Pierre Bouzat définit la loyauté comme
étant « une manière d'être de la recherche des
preuves, conformes au respect des droits de l'individus et à la
dignité de la justice ».
390 V. G. Danjaume, « Le principe de la
liberté de la preuve en procédure pénale », in
D., 1996, Chronique, pp. 153-156 : « Si la transparence
résulte de la loi, l'oeuvre de la jurisprudence tend à favoriser
la moralité dans la recherche de la preuve ».
391 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans
l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et
international complétée par des éléments des droits
français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p.
109.
392 V. G. Danjaume, « Le principe de la
liberté de la preuve en procédure pénale », in
D., 1996, pp. 153 et s : « La moralité doit constituer
un élément pondérateur contre les abus ».
393 É. Mathias, Procédure
pénale, op. cit., p. 34.
394 V. au contraire : F. Desportes et L.
Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale,
3e éd., Economica, 2013, n° 570, p. 411 : Selon l'avis
de M. Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer : «
La loyauté, au sens procédural, ne se réduit pas à
une exigence déontologique. Contrairement à ce qui est parfois
avancé, il ne s'agit pas ici de préserver la dignité de la
justice ou de veiller au respect du serment prêté par les
magistrats de se comporter de manière digne et loyal ».
395 J.-R. Demarchi, « La loyauté
de la preuve en procédure pénale, outil transnational de
protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.
396 V. E. Molina, La liberté de la
preuve en droit français contemporain, op.cit., n° 394, p. 414
: M. Emannuel Molina affirme à juste titre qui' « Il serait
sans doute excessif de déduire de l'absence de consécration
expresse de la loyauté par le Code de procédure pénale que
le concept moral qui est la substance n'exerce aucune influence sur le
déroulement de la recherche de preuve et, par suite, sur
l'admissibilité de ses résultats ».
397
. La
97
tend, aujourd'hui, à se hisser au rang des exigences
fortes régissant la preuve pénale loyauté peut être
qualifiée parmi les droits appartenant au droit naturel. Ce dernier
relève à son
398
tour de la sphère morale afin de répondre
à une exigence supérieure de l'idéal de justice. M.
Mohamed Hedi Lakhoua considère qu'en matière pénale
surtout pendant l'activité de recherche de la preuve, certains abus et
dérives portant atteinte à la justice ne sont pas toujours
sanctionnés expressément par la loi, ce qui nécessite le
recours aux principes généraux du
droit dont le fondement est essentiellement
moral399. La reconnaissance d'une valeur juridique d'un principe
moral est une question qui demeure essentielle. La force juridique impose sa
. La notion de loyauté
400
consécration par le droit positif comme l'affirme Mme
Cécile Petit
apparaît ainsi, dans son contenu et ses limites, sujette
à deux critères essentiels : le respect de la personne humaine et
le respect de la dignité de la justice, elle trouve ses sources dans des
règles d'ordre moral qui sanctionnent tout ce que la loi ne
prévoit pas mais qui porte atteinte aux libertés individuelles et
aux droits de la défense, et tout ce que la loi prévoit mais que
la
401
pratique bafoue par abus d'autorité. Donc la
loyauté comme exigence dans la recherche des preuves reste le seul
garant du respect des principes qui doivent gouverner l'administration et
397 J.-R. Demarchi, « La loyauté
de la preuve en procédure pénale, outil transnational de
protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.
398 V. en ce sens : J.-R. Demarchi, « La
loyauté de la preuve en procédure pénale, outil
transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p.
2012 : « Le principe de loyauté constitue incontestablement un
instrument important de moralisation de la procédure ; il contribue
utilement à la dignité et à la crédibilité
de la justice. A cet égard, il renouvelle et alimente, en permanence, le
débat sur la fin et les moyens » ; V. encore F. Desportes et
L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale,
3e éd., Economica, 2013, n° 570, p. 412 : « La
loyauté ne peut davantage être vue comme l'expression d'une sorte
de morale procédurale qui exclurait le recours à certaines
méthodes clandestines consistant en des artifices et stratagèmes
destinés à tromper ou à piéger la personne
soupçonnée. » ; V. L. Raison Rebufat, «
Le principe de loyauté en droit de la preuve », in Gazette du
Palais, 27 juillet 2002 n° 208, p. 3 : «le principe de la
loyauté en droit de la preuve relève d'un certain idéal de
justice, qui tendrait à mettre en échec les principes directeurs
du procès au profit de la bonne conduite des parties à l'instance
».
399 M. Hedi Lakhoua, La loyauté
dans la recherche des preuves en matière pénale,
Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de
science sociales de Paris, 1973, p. 11 : « C'est aux principes
généraux à fondement essentiellement moral qu'il faudrait
recourir chaque fois que l'on se trouverait en face d'un abus non
sanctionné expressément par la loi et qui pourrait porter
atteinte à la justice ».
400 V. Avis de Mme C. Petit, premier avocat
général, Pourvois n° X 09-14.316 et D 09-14.667
Assemblée plénière du 17 décembre 2010,
Décisions attaquées : 29/04/2009 de la cour d'appel de Paris,
Société Philips France et Société Sony France c/ le
ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi : « La
loyauté est une vertu qui fait référence à une
valeur universelle mais sa traduction dans les relations processuelles implique
qu'elle soit identifiée par le biais d'une obligation juridique,
sanctionnée en cas de non-respect, de façon à permettre
d'en assurer son application. En effet, le succès de son passage de la
sphère morale à la sphère juridique dépend de son
degré d'intégration dans le droit positif ».
401 M. Hedi Lakhoua, La loyauté
dans la recherche des preuves en matière pénale,
Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de
science sociales de Paris, 1973, p. 192.
402
le contrôle des éléments apportant la preuve
qui doit être menée de façon digne et
98
61. Définitions proposées. Mme
Marie-Emma Boursier propose dans sa thèse de définir la
loyauté comme « comportement fait de droiture et de
probité attendu du plaideur envers le
404
juge et envers son adversaire » . Selon Mme
Héléna Houbron, la loyauté consiste en
général à ne pas utiliser une arme dans la preuve
pénale que l'adversaire ou la partie contre laquelle
on entend prouver qu'elle ne soit pas en mesure de contrer
405 . La doctrine illustre la définition de la loyauté en
matière de recherche de la preuve, en déterminant en
matière de preuve pénale par exemple qu'« il est des
ruses et des stratagèmes qui ne sont informellement prohibés ni
expressément autorisés par la loi » et dont
l'opportunité doit donc être discutée, marquant ainsi la
présence du principe général de loyauté processuel
au-delà des obligations
406
nées de la légalité ou même de la
licéité en ce domaine . La loyauté est donc un principe
ayant pour objet de garantir les principes qui protègent contre la
violation du droit à un procès
équitable 407 . En droit libanais, ce qui est
remarquable, c'est l'absence quasi totale d'une définition de la
loyauté de preuve.
62. La relation entre le principe de loyauté avec
le principe de légalité. Le principe de loyauté de la
preuve occupe une place différente de la légalité 408 ,
tout en en constituant le
402 V. J.-R. Demarchi, « La
loyauté de la preuve en procédure pénale, outil
transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p.
2012 : « Le principe de loyauté, sorte de principe
général supérieur, véritable dénominateur
commun de tous les actes effectués pendant l'enquête, peut
aujourd'hui être analysé comme un pouvoir modérateur
accordé au juge, gardien naturel des libertés individuelles
».
403 Sur la nécessité de
respecter une certaine éthique dans la recherché de la preuve :
J. Pradel, « Vers des principes directeurs communs aux divers
procédures pénales européennes », in
Mélanges Levasseur, Litec, 1992, spéc. n° 2,
pp.460-472 : « La loyauté dans la recherche de la preuve peut
seule garantir le respect des principes, donc d'une certaine éthique en
tant qu'instrument du contrôle de la liberté de cette recherche
».
404 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99 et s.
405 H. Houbron, Loyauté et
vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit,
Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 60.
406 M. Blondet, « les ruses et artifices
de la police au cours de l'enquête préliminaire », in
J.C.P., 1958-In° 1419.
407 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 85 : « La
loyauté est donc a priori une norme plus vaste que le droit écrit
qui permet de garantir efficacement le respect des principes
généraux issus des droits de l'homme dans la perspective du droit
du justiciable à une bonne justice, une justice équitable
».
408 J.-R. Demarchi, « La loyauté
de la preuve en procédure pénale, outil transnational de
protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s. :
« Celui-ci (la loyauté) dispose d'une philosophie propre et
constitue une exigence procédurale indépendante, plus large et
plus protectrice que la légalité. En l'espèce, les
magistrats n'auraient pu articuler leur raisonnement autour de la
légalité, les agissements de provocations n'étant pas,
dans
99
prolongement nécessaire. La loyauté est donc le
garant du respect d'une certaine éthique judiciaire. Mme Marie-Emma
Boursier souligne l'importance de préciser le champ du
409
contrôle induit par le principe général de
loyauté processuel dans la recherche de la preuve : « la
loyauté enfin est tout à la fois légalité et
licéité mais fait de surcroît appel à un
idéal de justice dans les relations entre les acteurs du procès
parce qu'elle puise aux sources du droit
410
naturel» .Un autre auteur souligne que la notion de
déloyauté ne se confond pas avec celle
411
d'illégalité. Un autre avis distingue entre la
légalité et la loyauté en considérant que la
légalité de la preuve constitue un principe fondamental dans le
système procédural mais la légalité qui est d'ordre
social relève d'un domaine différent de celui de la
loyauté qui est
d'essence morale 412 . Pour certains auteurs, l'étude du
principe de loyauté doit être faite à
l'occasion de celle consacrée au «respect de la
légalité matérielle» 413 . Nous trouvons que la
loyauté de preuve en matière pénale comme principe
d'inspiration morale non consacré explicitement par les
législateurs libanais et français doit être
étroitement liée au principe de la
414
légalité de preuve et doit être
considérée comme un principe complémentaire
nécessaire de la légalité de preuve.
cette hypothèse, expressément
réglementés par le législateur. Prolongement
nécessaire de la légalité, le principe de loyauté
est donc garant du respect d'une certaine éthique judiciaire. En effet,
dépassant les considérations purement juridiques, l'obligation de
loyauté semble disposer de fondements moraux et éthiques. La
loyauté dans la recherche des preuves « impose un style à
l'enquête ».
409 J.-R. Demarchi, « La loyauté
de la preuve en procédure pénale, outil transnational de
protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.
410 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 85.
411 M. Trevidic, « La recherche de la
preuve en droit français », in La preuve au coeur du
débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise
contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque
du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques
(a.f.d.d.).
412 V. P. Bouzat, « La loyauté
dans la recherche des preuves », in Problèmes contemporains de
procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études
en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec.
p. 161 : «Mais légalité et loyauté ont un domaine
différent : La première est d'ordre social, la seconde
plutôt d'essence morale. Bien qu'elle consacre la liberté de la
preuve, la loi contient cependant des principes directeurs destinés
à garantir la loyauté de sa recherche. Comme dans toute la Nation
démocratique, la loi assure une protection contre l'arbitraire,
grâce aux conventions internationales humanitaires, à garanties
constitutionnelles et aux dispositions du Code de procédure
pénale ».
413 J. Buisson, « Preuve »,
in Rép. pén. Dalloz., février 2003,
n° 87 et n° 88, pp. 18-19.
414 V. sur ce point H. Houbron,
Loyauté et vérité. Etude de droit processuel,
Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004,
n° 343, p. 303 : « L'idée d'une corrélation entre
les notions de loyauté et de légalité ne devrait pas
surprendre. On pourrait tout d'abord rappeler que, selon l'étymologie,
la loyauté vient du latin legalis qui signifie conforme à la loi.
Ensuite, le principe de loyauté est, spécialement en
procédure pénale, classé par certains auteurs comme
faisant partie de la légalité dans l'administration de la preuve
dans la mesure où l'une comme l'autre ont pour fonction de limiter la
libre recherche des preuves, de poser un minimum de règles. Le devoir de
loyauté, en tant qu'exigence d'ordre moral, existe indépendamment
de toute référence textuelle ».
100
A ce propos, nous soutenons entièrement l'avis de M.
François Fourment qui considère que le Code de procédure
pénale français n'exprime pas formellement le principe de
loyauté des preuves, mais que ce principe est le fruit de la
synthèse des principes de liberté de la preuve et de
légalité de la preuve, eux-mêmes dégagés de
l'interprétation de deux dispositions éparses
,
415
du Code de procédure pénale français. D'une
part, l'article 427, alinéa 1er, du CPP français
qui est le fondement de la thèse de la liberté
de la preuve. D'autre part, l'article 81, alinéa 1er,
416417
du CPP français , fondement de la thèse de la
légalité de la preuve . Nous croyons que l'avis
précédent est également applicable en droit libanais,
parce qu'on peut trouver deux articles dans le Code de procédure
pénale libanais qui sont très semblables aux articles du Code de
procédure pénale français mentionnés par M.
François Fourment. D'un côté, l'article
418
179 du CPP libanaisqui constitue le fondement de la
liberté de la preuve est l'équivalent de
419
l'article 427 du CPP français. De l'autre, l'article 61
du CPP libanaisqui constitue le fondement de la légalité de la
preuve, est l'équivalent de l'article 81 du CPP français.
L'intitulé du premier paragraphe sera la genèse
du principe de loyauté de la preuve. L'intitulé du
deuxième paragraphe sera la faiblesse du principe de loyauté de
la preuve.
§ 1. La genèse du principe de la
loyauté de la preuve.
63. Le principe de loyauté est une pure invention et
construction jurisprudentielle. La
loyauté est un principe purement
jurisprudentiel420 . Le principe de loyauté dans la recherche
de la preuve pénale a été évoqué pour la
première fois en 1888 par la jurisprudence de la Cour de cassation
française qui a eu l'occasion de manifester et d'exprimer sa
volonté expresse de
415 L'article 427 du CPP français
dispose : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les
infractions peuvent être établies par tout mode de preuve
».
416 L'article 81 du CPP français
dispose : « Le juge d'instruction procède,
conformément à la loi, à tous les actes d'instruction
qu'il juge utiles à la manifestation de la
vérité».
417 F. Fourment, « Atteinte au principe
de loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008 , n°
08-81.045, in JCP G., 14 Janvier 2009, n° 3, II 10009, pp.
43-45.
418 L'article 179 du CPP libanais dispose :
« Les infractions alléguées
peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que
la loi n'en dispose autrement ».
419 L'article 61 du CPP libanais dispose :
« Dans le cadre de l'ensemble des mesures
d'instruction qu'il entreprend aux fins de la manifestation de la
vérité, le juge d'instruction a recours à des moyens
légaux ».
420 V. Y. Capdepon, Essai d'une
théorie générale des droits de la défense,
Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n°
352, p. 355 : Loyauté : « Découvert et consacré
par la jurisprudence, ce principe exige globalement une attitude honnête,
sincère et conforme au droit dans la recherche de la preuve
».
créer le principe de loyauté dans la recherche de
preuve pénale dans un arrêt de principe
421
concernant la célèbre affaire Wilson
. La jurisprudence française a ainsi inventé un
nouveau
101
422
principe de recherche de preuve en matière pénale
sous le nom du principe de loyauté
|
.
|
Selon la Cour de cassation française, le fait pour un
magistrat d'imiter une voix pour obtenir, auprès d'un suspect, des aveux
par téléphone était un procédé
déloyal lorsque le juge Vigneau a employé selon la Cour
« un procédé s'écartant des règles de
loyauté que doit observer toute information judiciaire et constituant,
par cela même, un acte contraire aux devoirs et à la
dignité du magistrat». C'est la provocation pratiquée
par le juge Vigneau, son stratagème pour masquer son identité et
sa qualité qui sont jugés comme des actes déloyaux. De
telles attitudes sont proscrites pour les membres de la magistrature, soumis
dans leurs obligations
423
disciplinaires à un devoir de loyauté . Le
magistrat fut sanctionné, en janvier 1888, par le
424
Conseil de la magistrature pour avoir eu recours à ce
stratagème . M. Fallières, ministre de la Justice
française à cette époque, a exposé les faits qui
ont motivé cet acte de rigueur concernant le juge Vigneau dans l'affaire
Wilson en déclarant qu'il avait voulu, par là,
425
affirmer le principe de la loyauté et de
l'impartialité de l'instruction criminelle . De ce qui
précède, il est clair que la liberté d'investigation dont
disposent les enquêteurs pour la recherche des preuves en matière
pénale implique que cette liberté de recherche soit
effectuée
de manière loyale 426 . Le principe de la
loyauté dans la recherche des preuves entraîne la prohibition de
tous les actes portant gravement atteinte aux principes généraux
du droit et aux
427
libertés fondamentales . Bien évidemment,
être titulaire d'un droit est une chose, et pouvoir en rapporter la
preuve en est souvent une autre. Face à la difficulté de prouver,
cette difficulté
421 La Cour de cassation française,
toutes chambres assemblées, constituée en Conseil
supérieur de la magistrature, 31 janvier 1888.
422 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle
Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 102 : « La
jurisprudence a très tôt fait écho aux exigences
formalisées par la doctrine de respect d'un principe de loyauté
dans la recherche de la preuve pénale marquant la volonté de
protéger les droits de l'individu ».
423 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle
Bibliothèque de Thèses, 2003, p.103
424 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans
l'administration de la preuve pénale : Analyse en droits belges et
international complétée par des éléments de droits
français et néerlandais, op. cit., p. 566.
425 V. Le Temps (Le Temps est un
quotidien français, aujourd'hui disparu, publié à Paris du
25 avril 1861 au 30 novembre 1942), 14 Janvier 1888, Numéro 9756.
426 V. en ce sens : M. Guerrin, « Le
témoignage anonyme au regard de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h.,
n° 2002/49, pp. 45-68. V. p. 45 : « En droit interne
français, l'article 427 du Code de procédure pénale pose
le principe de la liberté des modes de preuve, sous réserve
toutefois que leur administration se fasse sans ruse ni artifice,
c'est-à-dire de manière loyale ».
427 J.-L. Poisot, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 74.
102
explique que, parfois, certains se laissent tenter par le
recours à des procédés déloyaux, voire illicites,
et cette tentation peut même paraître d'autant plus grande que les
progrès scientifiques
428
et techniques en multiplient les possibilités.
64. Le principe de la loyauté est confirmé
par la doctrine. Bien que le principe de loyauté dans la recherche
de preuve n'ait pas fait l'objet d'une consécration textuelle. La
doctrine en général, surtout française, a contribué
largement au renforcement et à la consécration de ce
429
principe qui est né par une consécration
jurisprudentielle. M. Mohamed Hedi Lakhoua souligne que les
procédés interdits durant la recherche des preuves ne sont pas
toujours prévus
430
par des textes, ce qui ne veut pas dire qu'ils sont
nécessairement tolérés. Dans le cas où les
procédés interdits heurtent les principes généraux
du droit, le juge doit les écarter parce qu'ils ne sont pas compatibles
avec ce que M. Mohamed Hedi Lakhoua a appelé « la
conscience
431
juridique qui trouve ses fondements dans des principes
d'ordre moral ». Le principe de loyauté vient compléter
le principe de la légalité dans la recherche de preuve même
en l'absence d'un texte formel consacrant le fondement du principe de la
loyauté. « Toutes les règles protectrices des droits
individuels ne sont pas nécessairement inscrites dans les textes,
certaines d'entre elles s'imposent dans le silence de la loi parce que le droit
d'une nation
432
civilisée ne saurait les exclure ».
65. Influence ou contribution négative de la
doctrine et de la jurisprudence libanaise. Selon MM. Elias Namour et Fadi
Namour, les restrictions au principe de la liberté de preuve en
matière pénale résultant des principes
généraux du droit sont basées sur l'idée de
loyauté
433
dans la recherche de la preuve. A tout ce qui
précède, nous ajoutons, les idées de bonne foi, de
droiture, d'honnêteté et de rectitude qui se regroupent ensemble
pour former cette notion
428 Ph. Bonfils, « Loyauté de la
preuve et droit au procès équitable », in D., 2005,
pp. 122 et s.
429 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle
Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 84 : « Le respect des
principes encadrant le système juridique doit être assuré
dans la recherche libre de la preuve, d'abord et a minima par le contrôle
du respect des formes légales imposées à son
administration et nécessaires à sa recevabilité. La
doctrine a donc, la première, consacré la nécessité
d'encadrer par un principe général de loyauté le domaine
de recherche de la preuve ».
430 M. Hedi Lakhoua, La loyauté
dans la recherche des preuves en matière pénale,
Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de
science sociales de Paris, 1973, pp. 191-192.
431 M. Hedi Lakhoua, La loyauté
dans la recherche des preuves en matière pénale,
Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de
science sociales de Paris, 1973, pp. 191-192.
432 M. Hedi Lakhoua, La loyauté
dans la recherche des preuves en matière pénale,
Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de
science sociales de Paris, 1973, p. 11.
433 V. en langue arabe : E. Namour et F.
Namour, Les libertés individuelles et les droits de l'homme à
la lumière de la criminologie et de la poursuite pénale,
Édition Sader, Beyrouth, 2000, tome 2, n° 1348, p. 930.
large de la loyauté dans la recherche de preuve dans le
cadre du procès pénal. L'officier de police judiciaire et le juge
doivent respecter minutieusement le principe de loyauté et de la
434
sincérité pendant l'opération de recherche
de preuve surtout dans l'enquête préliminaire
.
103
Plusieurs jugements et arrêts confirment sans doute que
le droit français a eu une incidence considérable sur le droit
libanais, au niveau de la législation, de la jurisprudence et de la
doctrine en droit pénal. Il est reconnu que les juges libanais ont
profité des apports de la jurisprudence et de la doctrine
française dans diverses questions juridiques afin de le confronter aux
solutions et problèmes juridiques posés en droit libanais. Le
principe de la loyauté de preuve n'a pas pourtant été
reconnu explicitement en droit libanais bien que certains auteurs le
mentionnent. D'autre part, la plaidoirie de l'avocat libanais qui n'a pas
étudié la notion du principe de la loyauté de preuve
à l'université ne rappellera pas l'exigence et l'obligation de
loyauté dans la recherche et l'administration des preuves
pénales. Au Liban, la formation professionnelle des magistrats pendant
trois ans à l'Institut d'études judiciaires ne consacre pas
l'étude du devoir de loyauté dans la recherche de la preuve
pénale qui interdit l'utilisation de procédés
déloyaux, des ruses et stratagèmes en vue de réunir des
éléments de preuve. Bien évidemment, la doctrine
libanaise est très déficiente et a contribué très
négativement comme facteur de la non-diffusion et de la
non-consécration du principe de loyauté dans la culture juridique
libanaise. Or, on sait que l'influence exercée par la doctrine juridique
est indéniable, et qu'elle joue un rôle important dans la
création du droit comme
435
.
source inspiratrice et novatrice à travers les
différents modes d'expression qu'elle utilise
A. La loyauté, un principe purement
jurisprudentiel.
66. L'arrêt Wilson fondateur du principe. En
France, la loyauté de preuve en matière pénale non
prévue explicitement par la loi a été découverte
par la jurisprudence au nom d'une
certaine éthique judiciaire 436 . C'est la fameuse
affaire Wilson de 1888, au cours de laquelle un magistrat instructeur
s'était fait passer pour un tiers, qui a mené les Chambres
réunies de la
434 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2e partie,
n° 293, p. 284.
435 V. sur le rôle et l'influence de la
doctrine : X. Labbée, Introduction générale au droit:
Pour une approche éthique, Presse Universitaire du Septentrion,
2005, p. 151 : « On pourrait concevoir un système juridique
dans lequel les avis de la doctrine auraient force de loi : ainsi des empereurs
romains avaient-ils décidé que les opinions de certains
jurisconsultes, émises dans leurs consultations ou dans leurs livres,
devaient s'imposer au juge ».
436 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 413, p.
358.
104
437
Cour de cassation à consacrer le principe de
loyauté en procédure pénale française. Mme
Marie-Emma Boursier considère que dans l'arrêt Wilson, la Cour de
cassation française a ouvert une voie au principe général
de loyauté dans la recherche de la preuve d'une façon
438
exemplaire mais timide. Dans l'affaire Wilson, cet arrêt
qui a évoqué pour la première fois l'exigence de la
loyauté dans la recherche de preuve n'a pas affirmé la
présence d'un principe général fondamental clair et exact
parce que cet arrêt constitue une condamnation disciplinaire du juge
Vigneau qui a utilisé des procédés déloyaux afin de
rechercher les preuves d'une infraction. Si les premières lueurs du
principe de la loyauté ont commencé avec l'arrêt Wilson,
cet arrêt n'a pas manifesté l'intention de la Cour d'exiger ou
d'imposer un devoir de loyauté absolue dans la recherche de la preuve
pénale. En fait, la lecture attentive de cette décision montre
beaucoup d'ambiguïté autour du champ d'application de la
loyauté de preuve, ceci induisant un véritable doute quant
à l'influence de cet arrêt sur la présence réelle
d'un principe général en droit concernant l'obligation de
loyauté dans la recherche de preuve. L'arrêt Wilson peut
être qualifié d'comme un arrêt fondateur du principe de
loyauté de preuve en matière pénale mais il ne consacre
pas la loyauté comme principe d'exigence générale
.
439
puisqu'il est rendu en formation disciplinaire contre le juge
Vigneau
67. L'arrêt Imbert portant
généralisation du principe. Sans doute, l'arrêt Wilson
été la pierre angulaire dans le processus de construction du
principe de la loyauté dans la recherche des preuves et a
contribué à établir ce principe. Mais un très
fameux arrêt va créer une nouvelle reconnaissance du principe de
la loyauté dans la recherche de preuve pénale et va
éliminer beaucoup d'incertitudes concernant ce principe. C'est dans son
célèbre arrêt Imbert du 12 juin 1952 que la chambre
criminelle de la Cour de cassation française a imposé le principe
de loyauté comme principe juridique. Cet arrêt va étendre
le champ d'application du principe de loyauté aux officiers de police
judiciaire. Il a fallu attendre jusqu'en 1952 pour que la Cour de cassation
française confirme la naissance complète du principe de
loyauté et élimine toute l'ambiguïté et les
hésitations qui entouraient ce principe depuis l'arrêt
fondateur,
437 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 103 : La
décision des chambres réunies dans l'arrêt Wilson implique
« que tous les moyens ne sont pas admis pour obtenir une preuve
pénale, même dans le but d'atteindre une répression
efficace. La Cour de cassation souligne ainsi que la fin ne justifie pas les
moyens, quelle que soit l'importance des enjeux de la procédure
».
438 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 102.
439 V. sur ce point : M.-E. Boursier, Le
principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 103 :
« Il apparaît que la décision est prise en formation
disciplinaire et surtout qu'elle se fonde sur un manquement aux obligations
professionnelles des magistrats. Il ne s'agit désormais pas d'une
règle de droit positif susceptible d'embrasser toutes les
procédures en matière pénale puisqu'elle va s'appliquer
intuitu personae ».
440
l'arrêt Wilson de 1888
. L'importance de l'arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952
réside dans
105
l'étendue du champ ou du domaine d'application du
principe de la loyauté par rapport à l'arrêt
Wilson de 1888 441 . Le demandeur au pourvoi dans
l'arrêt Imbert reproche à la Cour d'appel de s'être
fondée « sur un acte d'instruction accompli par un officier de
police judiciaire commis rogatoirement et consistant à avoir
provoqué et intercepté, entre le principal témoin et
l'inculpé, un entretien téléphonique en vue d'amener ce
dernier à faire des aveux ». Or, selon le pourvoi, les
officiers de police agissant sur commission rogatoire sont soumis aux
mêmes exigences que celles du délégant, c'est-à-dire
du juge d'instruction, et notamment à
l'obligation d'agir découvert donc sans ruse ni
stratagème 442 . La chambre criminelle dispose que cette
opération d'enregistrement organisée par le commissaire sur
commission rogatoire du juge d'instruction (elle précise même que
ce dernier avait préparé la question à poser au
prévenu par la personne sollicitée pour la tentative de
corruption) « a eu pour but et pour résultat d'éluder
les dispositions légales et les règles générales de
procédure que le juge d'instruction ou son délégué
ne sauraient méconnaître sans compromettre les droits de
la
défense » 443 . Donc,
l'arrêt Imbert déclare expressément que le principe de la
loyauté de preuve est imposé aux officiers de police judiciaire
lorsque ces derniers interviennent pendant la recherche des preuves sur la base
de commissions rogatoires d'un juge d'instruction parce que ce dernier est
obligé de se soumettre aux exigences du principe de loyauté dans
la recherche des preuves conformément à la règle
posée par l'arrêt Wilson. Avec l'arrêt Imbert, le principe
de loyauté a commencé à exercer une influence certaine et
explicite dans la recherche de preuve pénale étant
considéré comme un devoir imposé sur l'épaule de
l'autorité étatique qui recherche la preuve de l'infraction et
son auteur.
440 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 104 : « La
chambre criminelle de la Cour de Cassation confirme et éclaire ce
mouvement dans son arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952, qui permet de
limiter les inconvénients apparus à la lecture de la
décision Wilson nés du critère choisi par les chambres
réunies : celui de la personne qui agit, pour déterminer ensuite
le champ d'application du principe général de loyauté dans
la recherche de la preuve nouvellement érigée ».
441 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 104 : Pour Mme
Marie-Emma Boursier, le champ d'application du principe de loyauté dans
l'arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952 « concerne non plus
directement les actions du juge d'instruction comme dans la décision
Wilson, mais bien celles des officiers de police judiciaire agissant sur
commission rogatoire de celui-ci pour le recueil de la preuve des infractions
».
442 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle
Bibliothèque de Thèses, 2003, pp. 104-105.
443 M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle
Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 105.
106
B. Les visas fondant le principe de
loyauté.
68. Principe de loyauté et la Cour
européenne des droits de l'homme. L'exigence d'une procédure
juste et équitable est un concept qui inclut la notion de
loyauté. La Convention européenne des droits de l'homme laisse
sans hésitation à l'appréciation des
législations
internes le soin de fixer les règles
d'admissibilité des preuves 444 . La Grande Chambre de la Cour
européenne des droits de l'homme rappelle souvent que «
l'article 6 garantit le droit à un procès équitable, il ne
réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant
que
telles, matière qui relève au premier chef
du droit interne » 445 . Malgré l'absence expresse de
la consécration du principe de loyauté, ce principe dans la
recherche de la preuve constitue une nécessité d'obligations de
source interne en droit français (le respect de l'ensemble des principes
généraux protecteurs de la personne humaine) et d'obligation
d'origine européenne. En effet, les principes issus de la C.E. D.H
s'imposent aux juridictions répressives françaises, notamment
celles de procédure pénale, et sont d'application directe en
droit interne. L'article 6 de la Convention européenne revêt une
importance particulière parce qu'il est applicable directement en droit
interne et la jurisprudence de la Cour européenne interprète
d'une manière très extensive la notion de procès
équitable qui constitue indiscutablement le texte le
. La
446
plus important et le plus complet garantissant la loyauté
de la preuve implicitement
Cour de Strasbourg applique indirectement le principe de la
loyauté de preuve sous la notion
444 L'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'Homme ne mentionne pas directement ou
expressément le principe de loyauté dans la recherche des
preuves.
445 (V. Schenk c. Suisse,
arrêt du 12 juillet 1988, et Teixeira de Castro c. Portugal,
arrêt du 9 juin 1998); Dans Affaire Jalloh c. Allemagne, 11
juillet 2006, Requête n°54810/00, la cour de Strasbourg a
considéré dans le paragraphe § 96 de l'arrêt que
« Pour déterminer si la procédure dans son ensemble a
été équitable, il faut aussi se demander si les droits de
la défense ont été respectés. Il faut rechercher
notamment si le requérant s'est vu offrir la possibilité de
remettre en question l'authenticité de l'élément de preuve
et de s'opposer à son utilisation. Il faut prendre également en
compte la qualité de l'élément de preuve, dont le point de
savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli
font douter de sa fiabilité ou de son exactitude. Si un problème
d'équité ne se pose pas nécessairement lorsque la preuve
obtenue n'est pas corroborée par d'autres éléments, il
faut noter que lorsqu'elle est très solide et ne prête à
aucun doute, le besoin d'autres éléments à l'appui devient
moindre ».
446 V. P. Lemoine, « La loyauté
de la preuve à travers quelques arrêts récents de la
chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation
(française) : « La Cour européenne des droits de
l'homme, depuis un arrêt du 6 décembre 1988 (CEDH, 6
déc. 1988, Barbara, Massegue et Jabardo c/ Espagne,
également CEDH 9 juin 1998, Texeira de Castro c/ Portugal),
paraît avoir consacré une obligation de loyauté dans la
réunion policière et judiciaire des preuves, corollaire de
l'exigence d'un procès équitable. Elle prend soin cependant de
rappeler que l'admissibilité des modes de preuve relève
essentiellement du droit interne (CEDH, 12 juill. 1988, Schenk c/
Suisse), et que les organes de la Convention se bornent "à rechercher si
la procédure, considérée dans son ensemble, y compris le
mode de présentation des preuves, revêt un caractère
équitable" (CEDH, 6 déc. 1988, Barbara, Massegue et
Jabardo).
447
de procès équitable comme un droit fondamental
reconnu et garanti d'une manière
.
107
448
efficace
69. Loyauté et la Cour de cassation
françaises. La chambre criminelle de la Cour de cassation
française n'hésite pas à citer expressément le
principe de loyauté des preuves en combinaison avec l'article 6§1
de la Conv. EDH et avec l'article préliminaire du CPP
français 449 . La loyauté dans l'administration de
la preuve puise son existence dans l'article 6 de la convention EDH comme l'a
affirmé expressément l'assemblée plénière de
la Cour de
cassation française : 450 « L'assemblée
plénière, chambre criminelle et chambres civiles de la Cour de
cassation s'accordent au moins sur un point : la loyauté dans
l'administration de la preuve puise sa source dans l'article 6, § 1er, de
la Convention EDH relatif aux garanties
451
générales du procès équitable...
». De ce qui précède, on peut affirmer
conformément avec l'avis de M. François Fourment que le principe
de loyauté dans l'administration de la preuve
452
.
« a une valeur supra-législative et s'impose en
matière pénale comme en matière civile »
Ceci explique les grandes marques de respect accordé au
principe de la loyauté dans la recherche de preuve qui est dû
à la hiérarchie des normes dans le système juridique.
Pourtant,
447 V. B. Favreau, « Les droits de la
défense dans l'espace judiciaire européen », in L'espace
de liberté, de sécurité et de justice à la
recherche d'un équilibre entre priorité répressive et
exigence de garantie, Conférence prononcée à
l'Université de Catane, le 10 juin 2005, dans le cadre du colloque
Action Jean Monnet, p. 16 : « la Cour précise toutefois,
relève «en priorité» du droit interne, ce qui signifie
qu'elle se réserve toujours la mission de contrôler si la
procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode
de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère
équitable ».
448 V. J.-F. Renucci, Introduction
générale à la Convention européenne des Droits de
l'Homme. Droits garantis et mécanisme de protection,
Éditions du Conseil de l'Europe, 2005, p. 89 : «
L'obligation de loyauté dans la réunion policière et
judiciaire des preuves s'impose au nom de l'équité du
procès » ; V. en ce sens : Cour eur. DH, 6 déc. 1988,
Barberà, Massegué et Jabordo c/ Espagne, Série A
n° 146.
449 V. Cass. crim 4 juin 2008, B.C.,
n°141 : «...Vu l'article 6 § 1 de la Convention
européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du
Code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté
des preuves; Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des
preuves et au droit à un procès équitable, la provocation
à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité
publique, en l'absence d'éléments antérieurs permettant
d'en soupçonner l'existence; que la déloyauté d'un tel
procédé rend irrecevables en justice les éléments
de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait
permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou
en cours de commission;... ».
450
V. Cass. com., Ass. plén. 7 janv.
2011, Bulletin 2011, Assemblée plénière, n° 1 :
« Il résulte des articles 9 du Code de procédure civile,
6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales et du principe de loyauté dans
l'administration de la preuve, que l'enregistrement d'une conversation
téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur
des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant
irrecevable sa production à titre de preuve ».
451 F. Fourment, « Du principe de
loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et
pénale », Note sous
Cass. com., Ass. plén. 7 janv.
2011, in D., 24 février 2011, n° 8, p. 562.
452 F. Fourment, « Du principe de
loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et
pénale », Note sous
Cass. com., Ass. plén. 7 janv.
2011, in D., 24 février 2011, n° 8, p. 562.
108
il semble que la chambre criminelle de la Cour de cassation
française n'applique pas le principe de loyauté d'une
façon satisfaisante.
70. La loyauté de la preuve dans la
procédure pénale libanaise. Le législateur libanais
ne consacre pas expressément le principe de la loyauté de preuve
comme norme juridique, ce qui fait de la loyauté un principe vague.
Selon M. Hatem Madi, la liberté dans la recherche de preuve en droit
libanais connaît quelques restrictions. Outre les restrictions
prévues par la loi, il existe plusieurs restrictions imposées par
les principes généraux du droit qui gouvernent de
453
manière suprême l'administration de la preuve
pénalecomme l'affirme la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise : l'établissement des éléments de preuve dans
une
procédure doit être fait en respectant le
principe du contradictoire ; l'utilisation d'une preuve
454
455
obtenue de manière illégale comme la fraude, la
torture ou la contrainte et par le moyen d'écoute clandestine et des
méthodes scientifiques de preuve (le détecteur de mensonges et
456
l'utilisation de l'hypnose) ne peut être utilisée
. Mais il est notable que, M. Hatem Madi ne mentionne pas expressément
le principe de loyauté. De même, M. Atef Nakkib ne mentionne pas
explicitement le principe de loyauté, mais il souligne qu'il est
inacceptable d'adopter des méthodes de preuve qui sont incompatibles ou
ne respectent pas scrupuleusement les droits de l'homme, et considère
que ne relève pas d'une procédure correcte le fait d'arracher
l'aveu ou toute autre déclaration de l'inculpé sous l'effet de la
torture, des coups ou de la contrainte morale et sous l'influence de l'hypnose
ou d'un médicament destiné à contraindre la
volonté
d'une personne 457 . M. Atef Nakkib considère encore
que n'est pas admissible parmi les moyens de preuve le fait d'imiter la voix
d'une personne connue par l'inculpé lors d'une
458
conversation téléphonique pour obtenir une
preuve . D'autre part, M. Elias Abou-Eid affirme que le juge doit
s'élever au-dessus de tous les moyens méprisables afin de
préserver le
453 V. en langue arabe : H. Madi,
Procédure pénale, 2e éd.,
Éditions juridiques Sader, 2002, pp. 306-307.
454 V. en ce sens: Arrêt de la
3e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise,
décision n° 152, le 23/6/1999, in Les arrêts de la
Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 1999, p. 163.
455 V. en ce sens: Arrêt de la
7e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise,
décision n° 145, le 30/4/1998, in Les arrêts de la
Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 1998, p. 896.
456 V. en langue arabe : H. Madi,
Procédure pénale, 2e éd.,
Éditions juridiques Sader, 2002, pp. 306-307.
457 V. en langue arabe : A. Nakkib,
Procédure pénale. Etude comparative, Éditions
juridiques Sader, 1993, Beyrouth, pp. 326-327.
458 V. en langue arabe : A. Nakkib,
Procédure pénale. Etude comparative, Éditions
juridiques Sader, 1993, Beyrouth, pp. 326-327.
109
459
principe de légitimité dans la recherche de
preuve, M. Elias Abou-Eid a utilisé en langue arabe un terme qui
désigne la légitimité en langue française, ensuite
il a écrit en langue française le terme loyauté comme
traduction française du terme arabe. Ce qui prouve que l'auteur confond
continuellement légalité, légitimité et
loyauté de preuve. M. Doreid Becheraoui mentionne le principe de
loyauté en écrivant que les preuves obtenues doivent
l'être de manière totalement légale, sans
contradiction avec le principe de la loyauté460 des
preuves 461 . À vrai dire, on ne peut pas parler d'une
consécration jurisprudentielle du principe de la loyauté de la
preuve pénale en droit libanais parce que c'est un principe qui est
ignoré en droit libanais. Parmi les très rares arrêts, la
loyauté comme principe général est consacrée par un
arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
qui affirme que les déclarations ont été
accompagnées de violences et coups, ce qui implique en tout cas que
l'interrogation souffre du manque de loyauté 462 . Ce
n'est pas exagérer que d'affirmer sans hésitation que le principe
de la loyauté de preuve en droit libanais est un principe qui souffre
d'une grande timidité jurisprudentielle et d'une ignorance
doctrinale.
§ 2. La faiblesse du principe de loyauté de
la preuve.
71. Les facteurs ayant contribué au déclin
du principe. Peut-on parler d'un déclin du principe de
loyauté ? Sans doute, le principe de la loyauté de preuve en
matière pénale en droit français souffre
sérieusement d'une absence de consécration législative et
connaît depuis des années un déclin remarquable. Sa
présence est donc très menacée comme principe fondamental
et comme une garantie de moralité procédurale dans la recherche
de la preuve. L'étude de ces menaces ou facteurs qui entourent le
principe de la loyauté permet une meilleure compréhension des
causes du déclin. Parmi les facteurs qui ont essentiellement
contribué au déclin du principe de la loyauté, le premier
de ces facteurs tient au statut
459 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La
théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile,
Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 181,
p. 289.
460 M. Doreid Becheraoui utilise en langue
arabe le terme aleestqamh qui désigne rectitude en
français puis il traduit l'expression arabe en français en
écrivant : « Le principe de la loyauté des preuves
». Nous pensons que le terme arabe alnzaha désigne la
loyauté en français.
461 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
p. 105.
462 V. en ce sens en langue arabe :
Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise,
décision n°45, le 22/1/1998, in J. Bsaybess, La jurisprudence
de la Cour criminelle 1996-1999, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth, 2000, n° 50, p. 81.
110
législatif. Le législateur libanais comme son
homologue français n'a pas consacré expressément le
principe de la loyauté de preuve pénale par des textes
législatifs (A). Le second facteur qui constitue réellement un
déclin du principe de loyauté est lié à
l'application trop stricte du principe de liberté dans la recherche, la
constatation et la production des preuves, et à la liberté totale
du juge quant à l'appréciation des éléments de
preuve (l'intime conviction du juge) (B). Le troisième facteur le plus
important est l'application variable du principe de loyauté (C).
A. L'absence de consécration législative
expresse du principe de loyauté.
72. L'absence de consécration législative en
droit libanais. Le principe de loyauté dans la recherche de preuve
n'est pas consacré par le législateur libanais. L'absence d'une
consécration générale du principe formellement par le
législateur va entraîner beaucoup d'incertitude sur le respect de
ce principe et donner lieu à une hésitation jurisprudentielle,
d'autant plus que la jurisprudence libanaise n'a pas effectivement reconnu
l'obligation ou le devoir de loyauté dans
la recherche de preuve 463 . En général, la
consécration expresse d'un principe du droit se manifeste à
travers l'adoption d'une série de textes législatifs notamment
dans le Code de procédure pénale libanais. Bien
évidemment, l'absence de toute consécration législative du
principe de loyauté dans des termes non équivoques va limiter
nécessairement le champ d'application efficace de ce principe. En
même temps, l'absence de consécration législative du
principe génère incertitude et ambiguïté quant
à la possibilité d'user de la loyauté comme limite
à la liberté totale et absolue de la preuve en matière
pénale. Ce qui contribue directement sans nul doute au déclin du
principe général de la loyauté de preuve en matière
pénale. La nécessaire consécration législative des
limites non fixées par la loi et d'une protection efficace contre une
preuve trop libre nous conduit à dire qu'il serait souhaitable que le
législateur libanais décide d'agir pour mettre fin au
déclin remarquable du principe de loyauté en adoptant
expressément ce principe de loyauté de preuve en matière
pénale afin d'assurer un procès équitable et
d'améliorer la qualité de la justice pénale par
l'obtention loyale
464
de la preuve.
463 On constate l'absence d'une
consécration expresse du principe général de la
loyauté en droit libanais car le principe de la loyauté de preuve
n'est pas expressément consacré dans le Code de procédure
pénale libanais.
464 Il nous paraît important que le
législateur libanais adopte expressément ce principe de
loyauté dans des textes législatifs de manière claire et
précise pour enrayer le déclin de ce principe protecteur en droit
libanais et mettre un terme à l'hésitation jurisprudentielle dans
l'application de ce principe, parce que sans doute, l'absence de texte
législatif qui consacre le principe de loyauté contribue
largement au déclin de ce principe.
73. L'absence de consécration législative en
droit français. Le principe de loyauté de preuve en
matière pénale n'est pas prévu expressément dans le
Code de procédure pénale
465
français
. Contrairement au Code de procédure pénale
français, le Code de procédure pénale
111
libanais n'a pas subi de réforme profonde ou importante
depuis sa rédaction en 2001 et ne contient pas un article
préliminaire qui réaffirme les principes directeurs
régissant la procédure pénale. La réforme de la
procédure pénale française réalisée par la
loi du 15 juin 2000 a intégré pour la première fois un
article préliminaire dans le Code procédure pénale qui
rassemble selon Mme Christine Lazerges « les principes directeurs de
notre procédure pénale
466
sans ambiguïté ». Mais,
malheureusement, la loyauté comme principe ne figure pas parmi les
principes directeurs du procès énumérés par cet
article préliminaire. Sur le plan européen, la loyauté ne
figure pas expressément dans la Convention européenne des droits
de
467
468
. Par
l'homme. La Cour européenne des droits de l'homme ne se
prononce pas sur les règles relatives à l'admissibilité de
la preuve, qui relèvent, selon elle, des législations internes
conséquent, le déclin du principe de
loyauté de preuve pénale en droit français est lié
étroitement à l'absence de consécration formelle d'un
principe général de loyauté dans la
.
469
recherche de la preuve au sein du nouvel article
préliminaire au Code de procédure pénale
Le législateur français est invité à
renforcer le principe de la loyauté de preuve pénale par une
470
consécration législative.
465 On peut conclure que l'absence d'une
consécration législative du principe de loyauté est le
conjoint (commune) en droit pénal français et libanais.
466 Ch. Lazerge, « La dérive de la
procédure pénale », in R.S.C., 2003, pp. 644 et
s.
467 Ph. Bonfils, « Loyauté de la
preuve et droit au procès équitable », in D., 2005,
pp. 122 et s.
468 V. C. S. Enderlin, «
Recevabilité d'une preuve illicite ou illégale en matière
civile et pénale », note sous Cass. civ., 7 octobre 2004, n°
03-12.653 in AJ Pénal., 2005, p. 30 : « Lors de
l'utilisation d'une preuve illicitement constituée, les règles du
procès équitable doivent être respectées, et ladite
preuve ne doit pas porter atteinte au principe du respect à la vie
privée (CEDH, 12 juill. 1988, Schenk c/ Suisse, série A, n°
150) ».
469 V. au contraire : J. Leblois-Happe,
« La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN
II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg,
disponible en ligne sur :
http://www-cdpf.u-strasbg.fr/Preuves%20par%20dissimulation.htm
: « Cette exigence de loyauté s'impose aux agents de
l'État et à eux seuls. Les parties privées sont, elles,
autorisées à produire au procès tous
éléments de preuve, fussent-ils obtenus au moyen de la commission
d'une infraction, le juge faisant le tri parmi eux, en vertu de son pouvoir
souverain d'appréciation. C'est la raison pour laquelle le principe de
loyauté ne figure pas parmi les principes directeurs du procès
énumérés par l'article préliminaire du Code de
procédure pénale ».
470 L'avant-projet de réforme du CPP
français du 1/3/2010 a proposé d'introduire le principe de la
loyauté de preuve à l'art. 113-3 qui dispose « Ne
peuvent être prises en compte pour fonder l'accusation les preuves
obtenues directement ou indirectement par l'autorité publique de
façon déloyale : 1° Soit en contournant ou en
détournant les règles de procédure prévues par le
présent code ; 2° Soit en provoquant à la commission de
l'infraction ; 3° Soit en portant illégalement atteinte à
l'intégrité physique ou psychique de la personne ».
112
B. L'application stricte de la liberté de preuve
opposée à la loyauté.
74. Le triomphe de la liberté dans la recherche de
la preuve. Les systèmes répressifs libanais et
français sont caractérisés par une liberté dans la
recherche et l'administration des
471
.
preuves pénales. Le principe de la liberté de la
preuve prédomine en matière répressive
Dans un système reposant sur la liberté de la
preuve, l'application stricte de cette liberté contribue effectivement
au déclin ou à la faiblesse du principe de la loyauté de
preuve. La question qui demeure est celle de savoir : comment le principe de la
liberté de preuve contribue-t-il au déclin ou à la
faiblesse du principe de la loyauté ? Ce principe de liberté
s'oppose-t-il vraiment à la loyauté de preuve ? À vrai
dire, nous ne trouvons nulle part une contradiction entre liberté et
loyauté de la preuve en matière pénale, mais tout le
problème réside dans la notion et l'application du principe de
liberté de preuve. La liberté doit coïncider avec la
loyauté, contrairement à un certain avis radical qui encourageant
l'efficacité dans la recherche de la vérité et affirmant
que « la vérité prime sur la loyauté ».
La liberté totale de la preuve va être en contradiction avec la
loyauté de preuve et va sans doute transformer ce principe de
liberté de preuve en un véritable moyen d'abus de pouvoir pour
les autorités répressives, ce qui va augmenter l'arbitraire et la
violation des libertés individuelles. Malheureusement, la pratique en
droit libanais et français nous montre que l'application du principe de
liberté de preuve est stricte, ce qui contribue sans doute au
déclin du principe de loyauté parce que cette liberté
absolue admet la preuve par tout moyen sans prendre en considération que
l'admission de la preuve est liée à la façon dont la
preuve est recherchée. La liberté de preuve doit être
considérée comme une liberté de choix du mode de preuve
prévu ou encadré par le Code de procédure pénale
libanais et français, et ce n'est pas une liberté absolue de
rechercher la preuve par n'importe quel moyen non prévu
expressément par la loi ou portant atteinte aux principes
généraux du droit. L'application stricte de la liberté de
preuve en droit libanais et français défigure le principe de la
liberté de preuve et le transforme en un principe sans limites qui
pourrait être aussi une menace très dangereuse pour la
liberté individuelle.
75. Le triomphe de la liberté dans
l'appréciation de la preuve. Dans le système de
liberté de la preuve adopté en droit libanais et français,
appelé système de la preuve morale, le juge est laissé
libre de déterminer d'après son intime conviction le
crédit qui doit être accordé aux
471 Ph. Delebecque, J.-D. Bretzner et Th.
Vasseur, « Droit de la preuve », in D., 2008, pp. 2820 et
s.
113
preuves qui lui sont présentées. Selon M.
Édouard Verny « la procédure pénale est
dominée, quant aux éléments pouvant être soumis
à l'appréciation du juge, par le système des preuves
morales, par opposition à celui des preuves légales »
472 . Ce système473 donne au juge pénal une
entière liberté d'appréciation du choix et de la valeur
des preuves. Le but de cette procédure d'appréciation est
d'évaluer la valeur et la force probante de tous les
éléments de
474
preuve
|
475
, le juge doit apprécier les preuves pour prononcer le
jugement
|
. L'appréciation des
|
476
éléments de preuve soumis au juge
|
477
constitue une opération intellectuelle. Le juge du
fond
|
apprécie les éléments de preuve qui sont
recueillis tout au long du procès pénal, pendant les
différentes phases qui structurent le procès
pénal478. L'appréciation de la preuve par le juge
signifie que ce dernier doit accorder aux éléments de preuve la
valeur et le poids qu'ils méritent afin de rendre son jugement. Le
principe de l'intime conviction n'est point synonyme
d'arbitraire 479 , et n'admet pas une condamnation sans preuve
comme affirme Mme Haritini
480
Matsopoulou. Mais l'application stricte de l'intime conviction du
juge s'oppose à la loyauté.
472 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 28, p.
22.
473 V. sur la liberté de la preuve et
l'intime conviction : J. Patarin, « Le particularisme de la théorie
des preuves en droit pénal», in G. Stefani (dir), Quelques
aspects de l'autonomie du droit pénal : études de droit
criminel, Éditions Dalloz, 1956, pp. 7-76, V. spec. pp. 54 :
« L'intime conviction et la liberté de la preuve restent plus
favorables à la recherche de la vérité que tout
système de preuves légales qui ne serait pas fondé sur la
recherche d'une attitude scientifique ».
474 V. J. De Codt, « Les nullités
de l'instruction préparatoires et le droit de la preuve. Tendances
récentes », in R.D.P.C., 2000, n° 1, p. 63 :
« Apprécier une preuve, c'est vérifier l'existence d'un
lien logique entre un fait et une constatation, et la déduction qu'on
prétend en tirer. Il appartient de toute évidence au juge du fond
de rechercher si les preuves qui lui sont soumises sont aptes à fonder
rationnellement une conviction ».
475 F. Hélie, Traité
d'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction
criminelle, Charles Hingray Libraire-éditeur, Paris, 1853, Vol. 5,
p. 421 : M. Faustin Hélie affirme que « L'intime conviction du
juge doit être le seul de la justice humaine ».
476 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 625, p. 457 : « Le principe de
l'intime conviction : corollaire nécessaire du principe de
liberté des preuves. ».
477 V. C. Ambroise-Castérot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 261, p. 185 :« Il semble que
l'intime conviction soit le seul moyen de parvenir à la
vérité matérielle : l'homme n'a pas d'autre instrument que
lui-même pour juger ses semblables.... Le juge va, par son intelligence,
son raisonnement, acquérir une certitude exempte de doutes
».
478 V. sur ce point : A. Rached, De
l'intime conviction du juge vers une théorie scientifique de la preuve
en matière criminelle, Thèse de droit, Université de
Paris- faculté de droit, Édition A. Pedone, 1942, p. 149 :
« La conviction du juge doit naturellement s'appuyer
sur des preuves. Le système de l'intime conviction ne permet pas en
effet au juge de se passer, dans sa recherche de la vérité
certaine, des moyens de preuve propres à cet effet. Car c'est avant tout
un système de preuves, tout comme le système des preuves
légales, avec cette différence, il est vrai, qu'il laisse au juge
la libre appréciation de la valeur probante des preuves en question
»
479 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 851, p.
781.
480 H. Matsopoulou, « Faudrait-il
motiver les arrêts de la cour d`assises ? », in JCP G., 16
Novembre 2009, n°47, pp. 21 et s. : « le principe de l`intime
conviction ne signifie pas qu`une condamnation pourrait être
prononcée en l`absence de toute preuve et qu`une circonstance aggravante
pourrait être retenue d`une façon
114
La preuve est un moyen de convaincre le juge de la
véracité d'un fait. Au contraire du système
481 482
de la preuve légale ou hiérarchisée , le
système de preuve morale est le système de l'intime conviction
où le juge pénal décide d'après son intime
conviction 483 . Le système de preuve
morale conférant au juge une totale liberté
d'appréciation 484 . Dans un système de preuve morale,
dominé par la liberté de la preuve, le problème de la
loyauté prend une tout autre
ampleur 485 . Les législateurs libanais et
français avaient adopté le principe de l'intime conviction du
juge qui implique une liberté d'appréciation des preuves.
L'application stricte de l'intime conviction du juge constitue une entrave
réelle pour demander l'exclusion d'une preuve déloyalement
obtenue. Il est souhaitable que les législateurs libanais et
français adoptent un véritable changement qui permette
d'appliquer le processus d'exclusion des preuves déloyales en
introduisant un nouvel article dans le Code de procédure pénale
qui a pour objet d'introduire cette règle d'exclusion d'une preuve comme
exception à la liberté d'appréciation des juges du fond et
comme une conséquence juridique de la violation du principe
général de la loyauté. À notre avis, le
déclin ou la faiblesse du principe de loyauté commence dès
que le juge commence par évaluer ou apprécier dans le cadre de
son intime conviction la valeur probante d'une preuve obtenue d'une
façon déloyale mais qui peut convaincre le juge. Il est
nécessaire de trouver une procédure permettant d'écarter
les preuves déloyales du pouvoir souverain d'appréciation des
éléments de preuve du juge du fond afin de protéger
l'obligation de loyauté de son déclin. Que reste-t-il de la
loyauté de la preuve comme principe devant la prédominance de
l'intime conviction du juge ? L'application stricte de la
arbitraire ou que l`intention criminelle pourrait
être caractérisée indépendamment des circonstances
de fait de l`espèce ».
481 V. J. Boré, La cassation en
matière pénale, L.G.D.J., 1985, n° 1902 :
«dans le système de l'intime conviction, le juge
apprécie librement la valeur des preuves entre lesquelles la loi
n'établit aucune hiérarchie».
482 V. M. Faustin Hélie critique la
hiérarchie des preuves : F. Hélie, Traité
d'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction
criminelle, Charles Hingray Libraire-éditeur, Paris, 1853, Vol. 5,
p. 438 : « N'est-il pas dangereux de subordonner les preuves d'un
certain ordre aux preuves d'un autre ordre ? Ne vaut il pas mieux les livrer
toutes, et sans distinction, au juge qui les apprécie dans sa conscience
? ».
483 V. sur le système de la preuve
morale : W. J. Habscheid, Droit judiciaire privé suisse,
2e éd., Georg, Genève, 1981, p. 438 : « Les
législations modernes,.., se rangent au système de la preuve
morale et, sous réserve de certaines exceptions, laissent au juge la
liberté d'appréciation des preuves. L'intime conviction permet au
juge de baser sa décision sur tous les éléments qui se
dégagent des débats, et notamment de prendre en
considération l'attitude des parties au cours du procès
»
484 V. sur ce point : R. Merle et A. Vitu,
Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas,
Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n°213, p. 275.
« Le principe de l'intime conviction laisse les magistrats libre
d'apprécier la valeur des preuves produites devant eux. Mais cette
liberté ne signifie pas qu'ils peuvent, sans aucun contrôle, se
laisser guider par leurs impressions ; l'intime conviction ne dispense pas
d'une méthode pour la découverte de la vérité. Un
travail préliminaire de réflexion et de raisonnement s'impose
à tout juge... ».
485 H. Houbron, Loyauté et
vérité. Étude de droit processuel, Thèse de
droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 66, p.
54.
115
liberté d'appréciation de preuve par le juge du
fond le conduit à fonder son intime conviction sur des preuves
déloyales sans prendre en compte que cette preuve est obtenue d'une
manière déloyale. Une notion souple du principe de la
liberté d'appréciation des preuves doit signifier que le juge
apprécie librement les preuves loyalement et régulièrement
produites.
C. Application variable du principe de
loyauté.
76. Obligation et exigence partielle de loyauté.
La spécificité de la procédure pénale
réside dans la très grande liberté laissée aux
parties dans l'administration de la preuve, bien que la recherche de preuves
soit la tâche principale de l'autorité étatique et
judiciaire, et non des parties privées conformément aux
dispositions du Code de procédure pénale libanais et
français. En droit libanais, l'application du principe de la
loyauté de preuve en matière pénale ne fait pas
débat à propos de l'utilisation de procédés
déloyaux et les preuves obtenues de manière déloyale
produites par les parties privées. C'est pourquoi en droit libanais on
ne peut pas trouver une solution claire et de nombreux points d'ombre
apparaissent lors de
l'application du principe de la loyauté par les parties
privées au procès pénal486. La Cour de
cassation libanaise est très réticente quant à
l'application du principe de loyauté. On relèvera, parmi les
rares décisions rendues par les juridictions pénales libanaises,
que le principe de loyauté s'applique seulement dans la recherche des
preuves menée par la police judiciaire. L'application du principe de
loyauté par les magistrats et les parties n'a pas été
reconnue par la jurisprudence libanaise. Nous n'avons pas de position
définitive sur ce point parce que ni la doctrine libanaise et ni la Cour
de cassation libanaise n'ont posé clairement le problème de
l'application du principe de loyauté dans toute sa substance. De
surcroît, la chambre criminelle de la Cour de cassation française
refuse en effet d'écarter les preuves déloyales
487
produites par les parties privées même si elles
présentent un caractère déloyal sous prétexte de
l'absence d'un texte juridique qui permet au juge du fond d'écarter un
élément de preuve
déloyal488 . La chambre criminelle a pu
accepter la production en justice de preuves obtenues
486 En droit libanais, le principe de
loyauté ne fait pas l'objet d'une parfaite reconnaissance ou même
une reconnaissance expresse de la part de la jurisprudence libanaise et il
n'existe pas un débat doctrinal sur ce thème.
487 V. Cass. crim., 6 avril 1994, B.C.,
n° 136: La chambre criminelle de la Cour de cassation
française rappelle toujours pour renforcer cette liberté quasi
absolue d'appréciation par le juge même si les
éléments de preuve souffrent d'une déloyauté
flagrante « qu'aucune disposition légale ne permet aux juges
répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les
parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon
illicite ou déloyale ; qu'il leur appartient seulement, en application
de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en
apprécier la valeur probante ».
488 J. Pradel et A. Varinard, Les grands
arrêts de la procédure pénale, 5e
éd., Dalloz, 2006, p. 197 : « Le principe de loyauté est
à géométrie variable, appliqué avec souplesse.
C'est pourquoi lors de la discussion
116
de manière déloyale par les parties
privées (le testing à l'entrée des
discothèques), en imposant toutefois aux juges du fond «
d'en apprécier la valeur probante après les avoir
489
soumis à la discussion contradictoire ».
Cette position est critiquable parce que la Cour encourage implicitement
les parties civiles privées au procès pénal à
rapporter les preuves par n'importe quel moyen, sans aucune restriction
concernant la déloyauté des moyens de preuve. À notre
avis, le principe de loyauté doit être appliqué strictement
en droit libanais et français sans prêter attention à la
partie qui a présenté ou qui a produit au procès les
éléments de preuve. Il faut seulement se concentrer sur les
moyens et procédés utilisés, sur le comportement et la
façon dont la preuve a été obtenue de manière
déloyale, en raison seulement de leur caractère déloyal en
application de la règle suivante : « Nul ne peut administrer
une preuve obtenue déloyalement ». Donc, le problème
est que l'application du principe de loyauté reste relative. C'est un
principe d'application variable compte tenu de la partie qui a produit la
preuve déloyale parce que la jurisprudence française
considère admissibles les éléments de preuves obtenus de
manière déloyale qui sont produits par les parties
privées. À notre avis, le principe de la loyauté de preuve
doit recevoir une application effective non une application
différenciée parce qu'un principe important et protecteur comme
le principe de la loyauté dans la recherche de preuve doit recevoir une
application stable et uniforme.
77. Une application différenciée de la
loyauté. L'obligation et l'exigence de loyauté de la preuve
n'ont pas un caractère absolu et ne pèsent pas de la même
manière sur l'ensemble des
acteurs du procès pénal490. Le
principe de loyauté dans l'administration de la preuve souffre
sérieusement d'une application différenciée selon la
personne concernée. Une certaine souplesse dans le champ d'application
du principe de loyauté lors du procès pénal qui n'est pas
justifiée se caractérise par le fait de dispenser les parties
privées au procès pénal du devoir
parlementaire de la loi du 15 juin 2000, est plus
précisément l'occasion du débat sur l'article
préliminaire du Code de procédure pénale, l'idée
d'introduire le principe de loyauté fut rejetée, principe trop
flou, relatif, et qui aurait neutralisé la jurisprudence ».
489 V. en ce sens : Cass. crim., 11 juin
2002, B.C., n° 131, p. 482: « Aucune disposition
légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens
de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient
été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur
appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de
procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante
après les avoir soumis à la discussion contradictoire.
Méconnaît ce principe la cour d'appel qui, dans une
procédure suivie du chef de discrimination, refuse d'examiner les
éléments de preuve obtenus par les parties civiles au moyen du
procédé dit " testing ", consistant à solliciter la
fourniture d'un bien ou d'un service à seule fin de constater
d'éventuels comportements discriminatoires, au motif que ce
procédé aurait été mis en oeuvre de façon
déloyale ».
490 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans
l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et
international complétée par des éléments des droits
français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p.
109.
491
ou de l'obligation de loyauté . La jurisprudence de la
Cour de cassation française est
117
infiniment plus souple lorsque la preuve, bien que
déloyale, est apportée par une personne privée. Cette
exigence de loyauté ne s'applique pas avec la même vigueur aux
magistrats et
492
493
aux policiers, lorsque ces derniers agissent en vertu de leurs
pouvoirs propres . Pour les magistrats, l'obligation de loyauté
revêt un caractère absolu: il leur est rigoureusement
défendu de dissimuler leur qualité, la règle est
étendue aux policiers et aux gendarmes
. Le
494
agissant sur commission rogatoire car ils opèrent alors en
tant que délégataires du juge
principe s'applique moins strictement à la police
judiciaire pendant l'enquête. Le recours à la
. En France, le champ d'application
495
ruse et à la dissimulation est admis durant cette
période
du principe de loyauté est restreint, puisque le principe
de loyauté ne s'applique qu'aux
496
preuves recueillies par les autorités publiques. En
revanche, une souplesse et une tolérance remarquables apparaissent
lorsque les preuves sont produites par des parties privées. Une personne
privée profite indirectement de l'utilisation de moyens parfaitement
déloyaux pour
. La jurisprudence de la chambre
497
obtenir une preuve, puis la présenter valablement au
juge
criminelle de la Cour de cassation française adopte la
formule selon laquelle « aucune disposition légale ne permet
aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par
les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de
façon illicite ou déloyale ; qu'il leur appartient seulement, en
application de l'article 427 du Code de procédure pénale,
d'en
491 V. sur ce point : F. El Hajj Chehade,
Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du
Maine, 2010, p. 198 : « La jurisprudence profite de l'absence de
dispositions textuelles, pour établir que la preuve obtenue par les
parties civiles usant des procédés déloyaux est recevable
».
492 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert,
collection Dyna'sup droit, 2009, p. 164.
493 J. Leblois-Happe, « La recherche des
preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9
mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg
494 J. Leblois-Happe, « La recherche des
preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9
mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg
495 J. Leblois-Happe, « La recherche des
preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9
mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg
496 V. en ce sens : J. Leblois-Happe, «
La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9
MARS 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Colloques organisé par le Centre de Droit
Privé Fondamental (Université de Strasbourg) le 15 mai 2004:
« Cette exigence de loyauté s'impose aux agents de
l'État et à eux seuls. Les parties privées sont, elles,
autorisées à produire au procès tous
éléments de preuve, fussent-ils obtenus au moyen de la commission
d'une infraction, le juge faisant le tri parmi eux, en vertu de son pouvoir
souverain d'appréciation ».
497 J. Lelieur, « L'application de la
reconnaissance mutuelle à l'obtention transnationale de preuves
pénales dans l'Union européenne : une chance pour un droit
probatoire français en crise ? », in Zeitschrift für
Internationale Strafrechtsdogmatik, 2010, n° 9, p. 593.
apprécier la valeur probante »498
bien que cette même Cour exige expressément que la recherche de la
preuve en matière pénale soit loyalement établie. Mais
cette règle ne la conduit pas très souvent, en pratique, à
écarter les moyens de preuve ainsi obtenus parce que
499
tout dépend pour une bonne part de la personne qui a
apporté la preuve en cause. Cette attitude de la chambre criminelle de
la Cour de cassation consistant à accepter les preuves produites par les
parties privées qui sont obtenues d'une manière déloyale
est très
500
critiquable. La chambre criminelle applique un critère
erroné. Dans un État de droit, la Cour doit écarter des
débats les preuves déloyales et rejeter l'admission de toutes
sortes de preuves obtenues de manière déloyale sans aucune
hésitation et sans aucune différence entre les
501
preuves produites par des parties privées et celles
produites par les autorités publiques. Il
s'agit de sanctionner une façon ou manière
d'obtenir des preuves déloyales
|
502
|
, la question est
|
118
de savoir pourquoi la chambre criminelle française a
fait une distinction dans l'admission de la preuve déloyale puisque dans
les deux cas le comportement est en soi déloyal. Un autre aspect
important des critiques concerne l'application du principe de la loyauté
en droit français dans le champ de la preuve en matière civile.
Cette critique paraît d'autant plus pertinente que la chambre criminelle
de la Cour de cassation française applique le principe de loyauté
avec une souplesse injustifiée. Par contre, la chambre civile de la Cour
de cassation française applique le principe de la loyauté de
preuve d'une manière particulièrement stricte
498 Cass. crim., 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, p. 530; V. Précédents jurisprudentiels : Cass.
crim., 18 novembre 1986, B.C., n° 345, p. 901.
499 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
pp. 158 et s.
500 V. en ce sens: J. Daniel, Les
principes généraux du droit en droit pénal interne et
international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin
Lyon 3, n° 427, p. 269 : « Dans un État de droit, le
principe de la loyauté procédurale doit s'imposer à tous,
quel que soit celui qui entend administrer la preuve pénale. Cette
dichotomie dans l'application du principe n'apparaît pas souhaitable. En
effet, à quoi sert-il de poser une exigence éthique de
loyauté si celle-ci au final est vidée de son contenu par la
jurisprudence elle-même? ».
501 V. sur ce point les critiques contre la
position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française : J.
Buisson, « Principe de loyauté dans la recherche des preuves et
constat des infractions », Note sous Cass. crim., 6 mai 2002, in
R.SC., 2003 p. 393 : « Ce principe de loyauté dans la
recherche des preuves devrait donc s'appliquer quelle que soit la personne qui
recherche et recueille la preuve, y compris lorsqu'il s'agit d'un particulier
qui, pour se procurer la preuve recherchée aux fins de production en
justice, a usé d'une ruse ou d'un stratagème. Une telle preuve ne
devrait pas être acceptée par un tribunal devant lequel elle
aurait été produite, la circonstance qu'elle provient d'un
particulier ne pouvant en légitimer l'origine frauduleuse. Dans un
État de droit, le principe de la légalité doit s'imposer
à tous, quel que soit celui qui entend administrer la preuve
pénale, sauf à donner au principe de liberté de la preuve
une portée qu'il n'a pas ».
502 V. Y. Capdepon, Essai d'une
théorie générale des droits de la défense,
Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n°
352, p. 355 : « de manière générale, toute preuve
obtenue au moyen d'un procédé déloyal doit être
déclarée irrecevable par le juge ».
sans tolérance
503
. En définitive, il serait souhaitable que la chambre
criminelle de la Cour de
119
cassation française renforce l'application stricte du
principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale en
abandonnant sa jurisprudence constante qui admet l'application souple ou
504
.
tolérante du principe de loyauté
78. Le renversement jurisprudentiel du principe de
loyauté. Cette application différenciée du principe
de loyauté n'est que la conséquence d'un renversement
jurisprudentiel. Il s'agit
505
d'un véritable renversement de la jurisprudence
antérieure de la Cour de cassation française. Ce retournement de
jurisprudence est critiqué parce qu'il autorise les parties
privées du procès pénal à justifier par n'importe
quel moyen et sans limites contrairement aux autorités judiciaires
compétentes essentiellement pour la recherche de preuve des infractions
à la loi pénale, à en rassembler les preuves et à
en rechercher les auteurs. Mme Coralie Ambroise-Casterot remarque que depuis le
début des années 1990, la chambre criminelle de la Cour de
cassation française a consacré la possibilité pour les
parties privées de s'affranchir du principe de loyauté dans la
recherche des preuves par de nombreux d'arrêts qui ont été
rendus, dont
506
l'une des décisions fondatrices de cette jurisprudence est
l'arrêt Turquin. À cet égard507,
503 V. en ce sens : F. Fourment, « Du
principe de loyauté de la preuve et de son application aux
matières civile et pénale », Note sous
Cass. com., Ass. plén. 7 janv.
2011, in D., 24 février 2011, n°8, p. 562 : «
deux acceptions différentes du principe de loyauté de la preuve
cohabitent, l'une en matière civile, l'autre en matière
pénale ; la première, entendue plus strictement, ne souffrant
aucune tolérance, à l'inverse de la seconde, dans le cas d'un
élément de preuve produit par une partie, hors toute intercession
de l'autorité publique. Croyant en la perfection du système
juridique, nous explorerons d'abord la seconde hypothèse ; puissent ces
explications suffire... ».
504 V. en même sens : J. Daniel,
Les principes généraux du droit en droit pénal interne
et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean
Moulin Lyon 3, n° 428, p. 271 : «... il serait bon que la chambre
criminelle française revienne sur sa jurisprudence afin de redonner au
principe de loyauté toute sa force en écartant des débats
contradictoires les preuves obtenues de manière illégale
».
505 V. C. Ambroise-Castérot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 255, p. 180 : « Autrefois, le
principe de la loyauté des preuves s'appliquait de manière
générale à toute procédure. Désormais,
depuis une série d'arrêts rendus depuis le milieu des
années 1990, ce principe ne contraint que les seules autorités
judiciaires, non les personnes privées. Pour ces dernières, c'est
le principe de liberté absolue qui prévaut. ».
506 V. C. Ambroise-Castérot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 257, p. 182 : « par lequel la
cour de cassation a reconnu qu'une preuve pouvait être valablement
produite en justice alors qu'elle n'avait pu être obtenue qu'au prix de
la commission du délit d'atteinte à la vie privée.
».
507 V. sur la loyauté dans
l'administration de la preuve par un particulier : S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 592, pp. 594-595 : « Dans l'application de
ce principe aussi, la question a été posée de savoir si
les preuves rapportées par les particuliers devaient y être
soumises. La jurisprudence a eu l'occasion de répondre, comme elle l'a
fait s'agissant du respect de l'intimité de la vie privée, que
« les juges répressifs ne peuvent écarter les moyens de
preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été
obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient
seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure
pénale, d'en apprécier la valeur probante (Cass. crim., 26
avril 1987, B.C., n° 173 et v. 11 février et 23 juillet
1992, et V. 6 avril 1993). Une telle position pourrait être comprise
si elle devait être interprétée comme interdisant au juge,
en application du principe de liberté de la preuve, de
déclarer
nous soutenons entièrement l'avis de Mme
Michèle-Laure Rassat parce que tous les arguments
présentés par la chambre criminelle de la Cour de cassation
française sont en réalité
508
illogiques, exagérés, ou contradictoires
. La chambre criminelle de la Cour de cassation
120
française se réfère toujours à
l'argument basé sur l'absence d'une disposition législative
permettant au juge expressément d'écarter des débats un
élément de preuve obtenu à l'aide de
procédés déloyaux produits par les parties privées
au procès pénal. Compte tenu de ce qui précède, la
question se pose de savoir pourquoi réglementer la perquisition et la
recherche de preuve dans le Code de procédure pénale et
sanctionner la preuve déloyale obtenue par les autorités
publiques, si les parties privées peuvent exercer en toute
liberté la même tâche (selon la logique de la Cour de
cassation) afin de produire et rechercher les preuves dans le procès
509
pénal sans aucune base légale et juridique ?Il
est indéniable que la souplesse dans l'application du principe de
loyauté de la preuve envers les parties privées contribue
sérieusement au déclin du principe de loyauté face
à l'émergence progressive du rôle des parties
privées dans la recherche de la preuve en matière
pénale.
irrecevable une preuve produite par le particulier, dont
la juridiction ne doit qu'ultérieurement, sur le fondement du principe
de la légalité, apprécier le bien-fondé et la
légalité. Une autre interprétation, que l'arrêt
paraît permettre, reviendrait à admettre qu'un particulier puisse,
dans un État de droit, se constituer illégalement une preuve et
la produire valablement en justice, sans que la juridiction saisie ne doive
relever l'illégalité commise ».
508V. sur ce point : L.
Collet-Askri, « La Chambre criminelle valide le testing comme mode de
preuve, serait-il déloyal... à propos de l'arrêt du 11 juin
2002 », in D., 2003. pp. 1309 et s., V. spec. n°17 : Selon
Mme Laurence Collet-Askri «Le principe du contradictoire et celui de
l'intime conviction des juges sont souvent invoqués pour justifier cette
jurisprudence... Ces arguments n'emportent pas la conviction d'une partie de la
doctrine qui considère que les principes du contradictoire et de
l'intime conviction des juges viennent s'ajouter au principe de loyauté
et n'ont pas pour objet de le suppléer ».
509 V. M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 257, p. 267 : « Quant à l'argument tiré de
l'absence de réglementation des pouvoirs de recherche des particuliers,
il constitue toute la négation de la procédure pénale car
on ne voit pas pourquoi on se donnerait le mal de réglementer les droits
et obligations des agents publics si d'autres qu'eux peuvent obtenir les
mêmes éléments de preuve sans respecter aucune des
règles ou restrictions qui leur sont imposées, à eux :
quel est l'intérêt de réglementer les perquisitions
publiques si les particuliers sont autorisés à voler les
éléments qui devraient être saisis ? ».
121
Section II
Duel ou affrontement entre respect de la loyauté
et efficacité dans la recherche des preuves
79. Équilibre entre efficacité et
loyauté. La procédure pénale doit garantir à
l'enquête pénale toute son efficacité en assurant un
équilibre entre l'efficacité de l'enquête d'une part et,
d'autre part, les droits de la défense, les droits des victimes et
toutes les qualités du procès équitable en englobant la
loyauté et la licéité de la preuve pénale qui sont
indispensables pour un procès équitable. La recherche de preuve
en matière pénale repose sur le fait de trouver un
équilibre entre la protection de la liberté individuelle et la
responsabilité de chacun à l'égard de la
société d'une part, et, d'autre part la nécessité
d'assurer la sécurité et d'améliorer l'efficacité
des procédures judiciaires pénales face au développement
de l'actualité du phénomène criminel, de la
délinquance organisée, surtout en ce qui concerne le terrorisme
en général et le blanchiment d'argent terroriste ou de la
délinquance économique et financière, de
510
la fraude aux intérêts mêmes de la
communauté. Mais certains auteurs pénalistes considèrent
que les conditions du succès ou de l'efficacité de
l'administration de la preuve pénale sont très incompatibles avec
la sauvegarde de la liberté individuelle et la protection de
. En effet, la règle générale de la
loyauté s'impose en matière
la vie privée qui sont en duel511
de preuve pénale. Cette règle trouve son
application en matière de preuve parce que la fin judiciaire de la
preuve ne pourrait justifier les moyens normalement prohibés par le
principe
510 V. K. Constant Katouya,
Réflexions sur les instruments de droit pénal international
et européen de lutte contre le terrorisme, Thèse de droit,
Université Nancy 2, 2010, n° 178, p. 107 : « Afin de
rester fidèle aux principes de l'État de droit, il importe que
tous les mécanismes conjugués dans le cadre d'une
stratégie globale et intégrée de lutte contre le
terrorisme respectent sans laisser place au compromis, les droits civils et
politiques consacrés dans le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, et dans les autres instruments universels relatifs aux
droits de l'homme et à la lutte contre le terrorisme ».
511 D. Thomas et al., « Les
transformations de l'administration de la preuve pénale », in
Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. p. 120 :
« L'amélioration du système d'administration de la
preuve pénale repose sur la mise en exergue de la finalité du
procès pénal et la place conséquente accordée
à la preuve dans ce contexte. En tant qu'élément
substantiel, fondement de tout processus pénal, l'amélioration du
système de preuve pénale doit veiller à renforcer la
protection individuelle mais également l'efficacité de la
répression » ; V. encore : L. Kennes, La preuve en
matière pénale, op. cit.,
V. spec. la préface de M. Benoit
Dejemeppe : M. Benoit Dejemeppe remarque encore ce duel, dans la préface
du livre « La preuve en matière pénale » de
Laurent Kennes M. Benoit Dejemeppe écrit : « La justice
pénale est tiraillée entre les exigences d'une
société démocratique qui place les droits de l'homme, et
donc la légitimité, au coeur de son fonctionnement et les
nécessités de la répression qui fait la part belle
à l'efficacité alors que jamais la fin ne peut justifier les
moyens ».
122
général de loyauté dans la recherche de
preuve. Cependant, une des vraies raisons du déclin de la loyauté
en matière de preuve pénale la nécessité de
renforcer l'efficacité de la procédure pénale afin de
faciliter la recherche de la preuve par des procédés
déloyaux de certaines catégories d'infractions mais sous
couverture légale. Ces règles de procédure vont tendre
à
512
l'amélioration de l'efficacité de la justice
répressive dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et en
général contre la délinquance liée aux bandes
organisées.
Le premier paragraphe porte sur le principe selon lequel la
fin ne justifie pas les moyens. Certains considèrent que le principe de
loyauté connaît un déclin remarquable. Le deuxième
paragraphe porte sur le principe opposé selon lequel la fin justifiant
les moyens.
§ 1. La fin ne justifiant pas les
moyens.
80. La recherche de la vérité n'est pas
à tout prix. Selon l'éthique kantienne, la fin ne justifie
jamais les moyens. Ainsi, la recherche de la vérité ne doit pas
se faire par n'importe
513
quel moyen. Dire que la fin ne justifie pas les moyens signifie
que parvenir à une bonne fin
514
ne justifie pas tous les moyens pour apporter la preuve . La
recherche de la vérité est toujours le principal objectif du
procès pénal d'où la preuve est donc sans doute
l'élément essentiel du procès. Malgré l'importance
de rechercher la preuve dans le procès pénal, cette fin ne
justifie pas et ne doit jamais justifier l'emploi de n'importe quels moyens
dans
l'administration de la preuve, c'est-à-dire sa
recherche et son recueil515. On comprend, d'après ce qui
précède, que certains modes de preuve ne seront pas admis en
justice, la loyauté dans la
512 V. sur l'origine du terme terrorisme :
É. Robert, L'État de droit et la lutte contre le terrorisme
dans l'Union européenne. Mesures européennes de lutte contre le
terrorisme suite aux attentats du 11 septembre 2001, Thèse de
droit, Université Lille 2, 2012, p. 39 : « Le terrorisme est
une appellation d'origine française, ainsi que ses dérivés
comme le verbe terroriser ou le mot terroriste. Le vocable terrorisme a
été repris dans les autres langues sous la forme, par exemple, de
«terrorismo» en italien ou bien de «terrorism» en anglais
».
513 V. en ce sens : F. El hajj Chehade,
Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du
Maine, 2010, p. 162 : « La loyauté impose que la preuve ne soit
pas obtenue par n'importe quel moyen, notamment par le biais de manoeuvres
».
514 V. sur loyauté : Y. Capdepon,
Essai d'une théorie générale des droits de la
défense, Thèse de droit, Université,
Université Montesquieu Bordeaux IV, 2011, n° 532, p. 355 :
« ce principe exige globalement une attitude honnête,
sincère et conforme au droit dans la recherche de la preuve » ;
« De manière générale, toute preuve obtenue au moyen
d'un procédé déloyal doit être
déclarée irrecevable par le juge ».
515 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes
de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 876, p.
709 : « La lutte contre le crime commande, pense-t-on, que tous moyens
soient mis en oeuvre pour le faire apparaître et le punir. A certaines
périodes de l'histoire, il a assurément été admis
que la fin (légitime) pouvait justifier les moyens (illégitimes).
Mais depuis longtemps déjà, il est considéré que
les pratiques doivent être conformes aux principes généraux
du droit, en vigueur à un moment déterminé ».
recherche de la preuve interdit strictement l'utilisation de
procédés déloyaux. Il s'agit de moyens de preuve
déloyaux comme la tromperie dans l'administration de la preuve
pénale. Dans un État de droit comme au Liban et en France, la
recherche et le recueil des éléments de preuve du procès
pénal doivent être loyaux d'où la prohibition des
machinations, artifices et
stratagèmes
|
516
|
. Au Liban M. Elias Abou-Eid affirme que défendre les
intérêts de la société,
|
123
l'ordre public et l'application de la loi n'autorise pas
d'apporter la preuve de l'infraction alléguée ou de l'existence
de l'infraction par tous moyens en appliquant la règle « la fin
justifie les moyens » parce que les règles concernant la
preuve pénale et la méthode pour obtenir une preuve sont des
règles de nature substantielle protégées par la Charte
internationale des droits
517
de l'homme, le droit constitutionnel et le Code de
procédure pénale libanais. Le principe de loyauté dans la
recherche de preuve pénale impose aux acteurs de la procédure
pénale d'agir honnêtement, sans tromperie dans la constitution de
la preuve et sans avoir recours à des ruses, à des
stratagèmes et à des artifices.
A. La tromperie dans la constitution de la preuve.
81. Recours au stratagème et ruses. L'absence
de moralité dans l'administration de la preuve pénale est
illustrée par l'emploi des ruses et stratagèmes mais si la
justice doit
. L'ancienne
518
rechercher la vérité, elle doit le faire de
manière honnête, franche et vraie
doctrine pénale autorise la recherche de preuve
à tout prix afin d'obtenir l'aveu en considérant que l'aveu est
la reine des preuves du monde judiciaire surtout en matière
pénale. Cependant, à la différence des anciens auteurs qui
autorisaient les ruses et les pièges pour obtenir l'aveu, les
519
auteurs modernes proclament la loyauté comme un devoir du
magistrat qui recherche la
516 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 414, p. 359
: « Il se peut d'abord que le policier ou juge d'instruction se fasse
passer pour un tiers, ce qui peut conduire le suspect à dire des choses
qu'il n'aurait pas dites sans ce subterfuge. On cite toujours l'affaire du juge
Vigneau qui, pour renforcer ses soupçons contre l'inculpé Wilson,
était entré en contact téléphonique avec un
complice, en faisant croire à ce dernier qu'il était Wilson
».
517 E. Abou-Eid, La théorie de la
preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie
juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 183, p. 292.
518 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans
l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et
international complétée par des éléments des droits
français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000,
Préface de Henri-D. Bosly, p. 15 : « l'idéal de justice
ne pourrait se satisfaire d'une vérité pervertie par la tromperie
».
519 V. en ce sens : B. Bouloc, « Les
abus en matière de procédure pénale », in Revue
de science criminelle, 1991, p. 221 : « Mais est-il possible de
faciliter la constatation d'une infraction en ayant recours à une ruse
ou à un artifice ? En ce qui concerne le juge d'instruction, la
réponse est précise : les principes généraux de
notre procédure pénale prohibent formellement les ruses...
».
520
vérité . Le principe de loyauté dans la
recherche de la preuve a pour objet essentiel
124
d'interdire l'utilisation de procédés
déloyaux, de ruses ou de stratagèmes qui vise à
réunir des
521
éléments de preuve. En matière de preuve
pénale, la notion de loyauté joue un rôle essentiel pour
prohiber et exclure l'usage de certaines méthodes qui sont
qualifiées comme de tromperie
522
dans la recherche de la preuve pénale. La jurisprudence
française l'appréhende comme tout moyen destiné à
tromper le délinquant potentiel et elle revêt concrètement
la forme d'une
. En effet, le principe de loyauté dans la recherche des
preuves a pour
523
provocation policière
objet principal d'interdire à celui qui administre la
preuve l'emploi de procédés déloyaux, de
524
ruses ou de stratagèmes. Certains auteurs
pénalistes considèrent le stratagème comme une
procédure qui vise à la recherche de preuve en utilisant un
camouflage ou qui consiste à se
525
dissimuler pour une observation passive de la commission du
délit. Certes, la liberté dans la recherche de la preuve ne
permet pas aux enquêteurs et juges l'utilisation de stratagèmes
526
. La
déloyaux parce qu'en général le principe
de loyauté prohibe les artifices et stratagèmes
527
rusen'est pas illicite si elle est seulement destinée
à recueillir la preuve d'une infraction sans qu'elle soit une
intervention ou un fait positif de provocation à commettre l'infraction.
On
520 G. Vidal, Cours de droit criminel et
de science pénitentiaire, 2e éd., Libraire
nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau Editeur, Paris, 1902,
n° 748, p. 780 ; V. J. Carbonnier, Droit civil, Introduction,
27ème éd., P.U.F., Thémis, 2002, n° 188,
p. 375 :« si les coups bas sont interdits, les simples ruses de guerre
ne le sont pas ».
521 V. J. Buisson, « Contrôle de
l'éventuelle provocation policière : création d'un site
pédo-pornographique un policier, même étranger », in
R.S.C., 2008 p. 663 : « On sait que ce principe de la
loyauté dans la recherche des preuves, qui a pour objet d'interdire,
dans l'administration de la preuve, l'utilisation de procédés
déloyaux, de ruses ou de stratagèmes... ».
522 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans
l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et
international complétée par des éléments des droits
français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109 :
« La notion de loyauté présente un intérêt
direct pour notre matière. C'est à elle que la doctrine et la
jurisprudence font généralement appel pour repousser l'usage de
certains moyens de preuve, notamment lorsqu'ils sont entachés de
tromperie ».
523 G. Danjaume, « Le principe de la
liberté de la preuve en procédure pénale », in
D., 1996, pp. 153 et s.
524 J. Buisson, « Principe de
loyauté dans la recherche des preuves et constat des infractions »,
note sous Cass. Crim., 6 mai 2002, in R.S.C., 2003, pp. 393 et s.
525 M. Schwendener, « L'action de la
police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté
», in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « le
stratagème consistant à se dissimuler pour une observation
passive de la commission du délit est considéré comme
loyal, que cette dissimulation résulte d'un jeu de rôle ou du
recours à une cache ».
526 M. Trevidic, « La recherche de la
preuve en droit français », in La preuve au coeur du
débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise
contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque
du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.)
: « Cette liberté de la preuve pour le Juge et pour les
enquêteurs qu'il a désignés est atténuée par
le principe de loyauté qui lui interdit l'utilisation de
stratagèmes déloyaux ».
527 V. sur la distinction entre provocation
et ruse : J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in
J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20,
2001, n° 76 : « Alors que la
provocation est antérieure à la perpétration de
l'infraction et en est facteur déclenchant, la ruse lui est
postérieure et n'est qu'un révélateur du délit
».
528
parle alors de provocation à la preuve. La ruse n'est pas
interdite, elle est admise sous certaines conditions afin d'accroître
l'efficacité dans la recherche de preuves relatives aux
529
crimes graves.
82. L'usage de la tromperie dans la recherche de preuve.
Traditionnellement, la procédure de rassemblement des preuves et la
recherche des auteurs d'infraction doivent être exemptes
530
de toute sorte de tromperie. La tromperie531 dans la
recherche de preuve532 désigne des comportements non
conformes au principe de la loyauté et qui constituent une sorte de
déviance judiciaire ou policière qui mérite d'être
sanctionnée par l'écartement des débats ou
533
l'inadmissibilité. La recherche de la preuve en
matière pénale doit revêtir un certain degré
d'honnêteté et de transparence qui s'impose par le
principe de la loyauté de preuve
|
534
|
. Il est
|
125
bien remarquable que la doctrine française consacre une
place importante au problème de la tromperie en matière de preuve
pénale. Au contraire, la doctrine libanaise abandonne ce problème
et ne consacre pas d'étude pouvant clarifier les limites de la recherche
de preuve
528 V. en même sens : E. Verges, «
Provocation policière, loyauté de la preuve et étendue de
la nullité procédurale », in AJ Pénal, 2006,
pp. 354 et s.
529 V. en ce sens : J.-L. Poisot, «
Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure
pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 79 :
« Elle est actuellement admise (ruse), dans certaines conditions, pour
combattre la criminalité organisée, car très souvent les
malfaiteurs ne peuvent être découverts et identifiés que si
une occasion de commettre une infraction leur est offerte ».
530 V. Ch. De Valkeneer, La tromperie
dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et
international complétée par des éléments des droits
français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000,
Préface de Henri-D. Bosly, p. 15 : « Entreprendre
l'étude de la tromperie dans l'administration de la preuve pénale
peut surprendre, à première vue. En effet, selon une vue
traditionnelle, la recherche de la vérité doit être
dépourvue de toute tromperie ».
531 R. Garraud, Précis de droit
criminel, 11e éd., Recueil Sirey, Paris, 1912, n°
236, p. 430 : « Les machinations ou artifices coupables, ce sont ces
fraudes et ces ruses, intrigues, tromperies, qui ont pour but et pour
résultat d'amener un tiers à commettre un crime ou un
délit ».
532 V. A. Chauveau et F. Hélie,
Théorie du Code pénal, 3e éd.,
Imprimerie et Librairie générale de jurisprudence, Paris, 1852,
t. 6, p. 5 : MM. Adolphe Chauveau et Faustin Hélie considèrent
que « La tromperie est plus qu'un dol, plus qu'un mensonge; elle
suppose l'emploi de ruses et d'artifices... ».
533 H.-D. Bosly, préface in Ch. De
Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale:
Analyse en droits belge et international complétée par des
éléments des droits français et néerlandais,
Larcier, Bruxelles, 2000 : « L'étude de la tromperie dans
l'administration de la preuve peut apparaître, à première
vue, comme incongrue. Vérité et justice ne sont-elles pas
intrinsèquement liées. Dans cette perspective, la tromperie ne
serait qu'une forme de déviance judiciaire ou policière qu'il
conviendrait d'appréhender sous l'angle de l'irrecevabilité des
preuves ».
534 V. J. Leblois-Happe, « La recherche
des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du
9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg:
« La loyauté qui doit présider au rassemblement des
preuves d'une infraction interdit en principe aux autorités de recourir
à la ruse et à la dissimulation. La recherche des preuves doit
être menée de façon digne et franche, à visage
découvert, sans qu'un piège soit tendu au suspect ni qu'un
stratagème soit utilisé pour le confondre ».
pendant le procès pénal. En général,
est jugée déloyale chaque preuve obtenue par ruse,
stratagèmes, manoeuvres
|
535
|
. Par exemple, le fait, pour des policiers de prendre
l'initiative de
|
126
demander à un client de téléphoner à
son fournisseur pour une livraison de drogue est considéré selon
la chambre criminelle de la Cour de cassation française comme un
artifice ou
un stratagème qui provoque la commission de l'infraction
536 . Bien entendu, certaines limites s'imposent dans l'administration de la
preuve pénale, notamment en cas de preuves apportées
537
grâce à l'emploi de la ruse. M. Jacques Buisson
souligne qu' « on sait que le principe de la loyauté dans la
recherche des preuves a pour objet d'interdire, dans l'administration de
la
538
.
preuve, l'utilisation de procédés
déloyaux, de ruses ou de stratagèmes »
B. La loyauté interdisant la provocation
policière.
83. La notion de provocation policière. Les
provocations sont l'un des moyens
539
utiliséspour arriver à mettre en état une
affaire pénale lorsque les techniques habituelles se
535 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
pp. 158 et s.
536 V. Cass. crim., 13 juin 1989, B.C.,
n° 254, p. 634: « Attendu que, selon l'article 8 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie
privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne
peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de
ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la
loi ; que si les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale
permettent au juge d'instruction d'ordonner, sous certaines conditions, des
écoutes ou enregistrements d'entretiens téléphoniques,
aucune disposition légale n'autorise les officiers de police judiciaire
à y procéder dans le cadre d'une enquête
préliminaire ;Attendu qu'il résulte de l'arrêt
attaqué et des pièces de la procédure qu'ayant
été avisés de ce que Christian Y... se serait livré
à un trafic de stupéfiants et aurait eu, notamment, pour client
André Z..., les services de police, agissant d'initiative, ont
invité Z... à téléphoner à Y... en vue de
prendre rendez-vous pour une livraison de drogue et ont enregistré la
conversation téléphonique sur radiocassette, dressant ensuite un
procès-verbal de cette opération ; qu'à l'heure convenue
pour le rendez-vous, les policiers ont pu ainsi pénétrer,
à la suite de Z..., dans le domicile de Y..., interpeller les occupants
et procéder à perquisition ;Attendu qu'en refusant de prononcer
la nullité du procès-verbal relatant l'enregistrement de
l'entretien téléphonique, obtenu par artifice ou
stratagème, et de tirer les conséquences qui découlaient
de cette nullité, la chambre d'accusation a méconnu le principe
ci-dessus rappelé ; que son arrêt encourt donc la censure
».
537 V. R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2
Procédure pénale, n°156, p. 198. « Le
caractère impartial que doit revêtir toute procédure
judiciaire répressive (art 6-2 CEDH) impose que la recherche des preuves
et leur production devant la justice soient menées avec
loyauté... ».
538 J. Buisson, « Constitue une
provocation le fait, pour un policier, même étranger, de
créer un site pédo-pornographique offert à la connexion
des internautes », in Procédures, n° 6, Juin 2007,
comm. 147.
539 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 415, p. 361
: «on peut dire que la provocation est le fait pour un policier -ou un
agent provocateur à sa solde- d'inciter directement quelqu'un à
commettre une infraction par l'emploi de moyens fallacieux comme l'offre d'un
avantage, le provocateur agissant le plus souvent par tromperie et en secret
(sous couverture) » ; V. M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 258, p. 268 : « La provocation consiste à
dissimuler sa qualité pour approcher des délinquants potentiels
ou suspectés et constater leurs infractions. ».
540541
révèlent insuffisantes. Aucune définition
n'apparaît dans la loi ou dans la jurisprudence
.
Mme Martine Herzog-Evans rappelle que l'utilisation de
certaines formes de ruses durant l'activité policière n'est
naturellement pas prohibée. De même, ne constitue pas une
provocation le fait de surveiller et d'attendre la commission d'une infraction
en demeurant
542
caché
|
543
: c'est là le travail normal du policier. Ce qui est
notable et remarquable en matière
|
de provocation policière est que les ruses sont
admissibles de la part de la police judiciaire,
544
tandis que de la part de magistrats, la ruse doit être
bannie. Ce qui précède ouvre le débat sur la
loyauté de la provocation policière faite par un officier de
police judiciaire sur la base d'une commission rogatoire émise par un
juge qui n'a pas lui-même le droit de pratiquer la provocation
policière. Une autre notion doit être distinguée, c'est la
différence entre la provocation à la commission d'une infraction
qui doit être interdite et la provocation à la preuve de
l'infraction qui doit au moins être encadrée.
84. Loyauté et provocation policière.
Le principe de la loyauté dans la recherche des preuves conduit
naturellement à s'interroger sur des pratiques telles que la provocation
et la
ruse policières ou encore les écoutes
téléphoniques
|
545
|
. M. Dimitrios Giannoulopoulos souligne
|
546
. M.
que « ... la provocation policière est aussi
un moyen d'enquête qui pose des problèmes considérables du
point de vue de l'éthique judiciaire et de la dignité de la
justice »
Jacques Buisson affirme cette problématique entre
loyauté et provocation « ce principe de la loyauté dans
la recherche des preuves sous-tend, en quelque sorte, la question de la
provocation policière »
|
547
|
. Provoquer est l'action de pousser une personne à
commettre une
|
127
540 W. Lubin, Libertés
individuelles et police en droit Américain et Français,
Thèse en droit, Université Montpellier 1, 1996, p. 156.
541 V. sur la nécessite de s'accorder
sur la notion de la provocation : F. Fourment, « Atteinte au principe de
loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008,in JCP G,
n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 : « Prohiber abstraitement
la provocation à l'infraction par référence au principe de
loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable n'est que la première étape du raisonnement. Il
faut ensuite s'accorder sur la notion de provocation à l'infraction. La
chambre de l'instruction, non plus que la chambre criminelle, ne donnent de
définition de la notion de provocation à l'infraction
».
542 Cass. crim., 22 avril 1992, B.C.,
n° 169, p. 441.
543 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
pp. 159 et s.
544 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2
Procédure pénale, n° 156, p. 198.
545 J.-L. Poisot, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 75.
546 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de
preuves pénales déloyales : une étude comparée des
droits américain, anglais, français et hellénique,
Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 275.
547 J. Buisson, « Pour
caractériser une provocation policière, il faut démontrer
que le policier a déterminé la commission de l'infraction. Le
juge peut prescrire tous actes utiles à la manifestation de la
vérité », in Procédures, n° 4, Avril
2000, comm. 106.
548
infraction
549
. En principe, la provocationest nommée policière
parce qu'elle est exercée
550
largement par les policiers
. Il est indispensable de développer des critères
stricts pour
128
différencier et distinguer la provocation à la
preuve qui est en accord avec le principe de loyauté, de la provocation
à la commission d'une infraction qui est strictement prohibée
parce qu'elle constitue un procédé non respectueux du principe de
loyauté dans la recherche de la
551
preuve . Il est indéniable que certaines investigations ne
peuvent être efficaces que si elles sont dissimulées aux personnes
qu'elles concernent. Leur réalisation exige le secret, leur
552
réussite suppose la clandestinité, du moins dans un
premier temps.
85. Provocations policières ordinaires. MM. Roger
Merle et André Vitu évoquent l'idée des provocations
policières ordinaires ou habituelles qui ne posent pas la question de
loyauté
553
dans la recherche de preuve. Il est évident que certaines
provocations policières donnent matière à douter de la
régularité et de la loyauté de cette méthode dans
la recherche de preuve, notamment son caractère dolosif, le dol
étant une manoeuvre frauduleuse destinée à
. La provocation est déloyale lorsqu'elle provoque
l'infraction en soi, mais elle est
554
tromper
548 V. F. Fourment, « Atteinte au
principe de loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008,in JCP G,
n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 : « Provoquer à la
commission d'une infraction, c'est inciter une personne à commettre une
infraction qu'autrement elle n'aurait pas commise ».
549 V. sur la provocation : B. Shamloo,
La provocation en droit pénal français et iranien,
Thèse de droit, Université Montpellier I, 2000.
550 V. sur la définition de la
provocation policière : A. Jacobs, « La loi du 6 janvier 2003
concernant les méthodes particulières de recherche et quelques
autres méthodes d'enquête », in Rev. Dr. ULg.,
2004/1, Doctrine, pp. 15-69, V. spec. p. 27 : « De manière
générale, la provocation policière peut être
définie comme étant un moyen de nature soit à faire
naître chez l'auteur l'idée et la volonté de commettre le
délit, soit à renforcer à cette fin la volonté
déjà présente, dans une mesure telle que la personne
commette effectivement l'acte, soit à confirmer son intention criminelle
alors que l'auteur veut y mettre fin »
551 C. Ambroise-Castérot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 252, pp. 178-179 : « La question
qui se pose ici tout particulièrement est celle des provocations
policières, notamment lorsque le policier se fait passer pour un
délinquant afin d'obtenir la preuve. Si la Cour de cassation
tolère la provocation à la preuve, la provocation à
l'infraction n'est en principe, sauf exceptions légales strictes, jamais
admise. ».
552 J. Leblois-Happe, « La recherche des
preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004
portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg.
553 V. R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2
Procédure pénale, n°157, p. 198 : « On ne
peut parler de procédé déloyal lorsqu'un policier,
dissimulé derrière un meuble ou dans une pièce voisine, se
borne à constater une infraction de corruption au moment où elle
se commet, ou lorsque, se faisant passer pour un client quelconque, il
s'adresse à un trafiquant de stupéfiants qu'il soupçonne :
aucune pression ne s'exerce sur le coupable pour l'incliner à
l'infraction ; le policier se contente de constater le développement
psychologique et matériel d'un processus infractionnel dans lequel la
décision de commettre l'infraction demeure entièrement libre : le
piège tendu n'est pas la cause de l'infraction, qui aurait
été commise sans lui ».
554 W. Lubin, Libertés
individuelles et police en droit Américain et Français,
Thèse en droit, Université Montpellier 1, 1996, p. 160.
admise quand elle provoque la preuve d'une infraction
préexistante
555
. La provocation
policière objective mettant en cause une conduite
irrégulière de la police doit être sanctionnée
pénalement. La provocation policière caractérise une
double violation : du principe de loyauté
dans l'administration de la preuve et du droit au procès
équitable
|
556
|
. La provocation à la
|
commission d'une infraction se traduit lorsque l'officier de
police judiciaire, par des
557
.
sollicitations, amène l'intéressé à
commettre l'infraction
C. La distinction entre différentes
catégories ou différents types de provocations.
86. Les problèmes de la qualification juridique
relative à la provocation à l'infraction. Parler de la
qualification, c'est poser le problème de la nature de la preuve par
provocations
558
policières. En principe, la provocation à
l'infraction est déloyale
|
559
|
parce que tout
|
129
simplement la provocation à commettre une infraction
est en soi même une infraction. En effet, il y a là une
contradiction qui saute immédiatement à l'esprit. On peut
remarquer directement qu'il s'agit d'un problème qui concerne le droit
pénal en sens strict non pas la procédure pénale, il faut
résoudre le problème de la preuve obtenue à la faveur
d'une provocation policière au lieu de faire une distinction entre,
d'une part, la provocation à la commission d'une infraction qui est
considérée comme illégale et en même temps est un
comportement strictement interdit par la loi pénale et, d'autre part, la
provocation à la preuve. La provocation à la commission d'une
infraction ne cesse de poser des difficultés aux
555 M. Schwendener, « L'action de la
police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté
», in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s.
556 V. Cass. crim., 9 août 2006,
B.C., n° 202, p. 721: « Attendu que porte atteinte au
principe de loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un
agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire ; que la
déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en
justice les éléments de preuve ainsi obtenus ».
557 G. Roujou de Boubée, T.
Garé et S. Mirabail , « Droit pénal juin 2006 - novembre
2006 », in D., 2007, pp. 399 et s.
558 V. Cass. crim., 5 mai 1999, Gaz.Pal.,
1999, II Chr.crim. 128 : « La provocation à l'infraction
par un agent de l'autorité publique exonère le prévenu de
sa responsabilité pénale, lorsqu'elle procède de
manoeuvres de nature à déterminer les agissements
délictueux, portant ainsi atteinte au principe de la loyauté des
preuves ».
559 V. sur la provocation : M. Schwendener,
« L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence
de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s :
« Il convient de préciser le sens de ce mot, qui, au premier
abord, évoque l'outrance. Il s'est déduit d'une jurisprudence
constante une distinction tenant à la portée réelle de
l'action policière : la provocation est déloyale lorsqu'elle
provoque l'infraction en soi, mais admise quand elle provoque la preuve d'une
infraction préexistante. Dans ce cadre, deux comportements policiers
peuvent être distingués : l'observation passive de la commission
d'une infraction (suivie de son signalement) et un rôle plus actif dans
la révélation de l'infraction ».
magistrats soucieux de concilier les nécessités de
la recherche des infractions avec le principe
560
de loyauté dans cette recherche. Ce que n'admet pas la
jurisprudence de la Cour de cassation française, c'est la provocation
à la commission d'infractions qui, sans l'intervention
561
des policiers, ne se seraient pas produites
. Mme Michèle-Laure Rassat résume les solutions
130
retenues en droit positif français en matière
des provocations policières par la formule suivante : « il y a
provocation illégitime lorsque les policiers font commettre une
infraction à quelqu'un qui n'en avait pas l'intention ; il y a
procédure régulière pour un policier même à
participer à un projet d'infraction (en se déclarant
intéressé par elle, par exemple) du moment
562
qu'il n'y a pas de pression sur le délinquant pour
qu'il passe à l'acte ». Selon M. Didier Guérin:
« Un principe essentiel est celui selon
lequel le juge d'instruction doit rassembler les preuves de manière
loyale, ce qui exclut notamment toute provocation policière à
commettre
563
l'infraction ». Ainsi, selon la chambre
criminelle de la Cour de cassation française, « porte atteinte
au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un
agent de l'autorité publique, en l'absence d'éléments
antérieurs permettant d'en soupçonner l'existence. La
déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en
justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien
même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres
infractions déjà commises ou en cours de
564
commission ». La chambre criminelle de la Cour
de cassation française utilise le visa de l'article 6.1 de la Convention
européenne des droits de l'homme, du principe de loyauté des
preuves et de l'article préliminaire du CPP français pour
prohiber la provocation à
. La chambre criminelle a étendu cette solution à
l'hypothèse dans laquelle la
565
l'infraction
560 J. Pradel, « Procédure
pénale janvier 2006 - décembre 2006 », in D., 2007,
pp. 973 et s.
561 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
pp. 159 et s.
562 M.-L. Rassat, «Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
563 D. Guérin, « Un an
d'instruction préparatoire. - Octobre 2007 - octobre 2008 », in
Droit pénal, n° 1, Janvier 2009, chron. 1. Spec. n°
8.
564 Cass. crim., 4 juin 2008, B.C.,
n° 141.
565 V. Cass. crim., 9 août 2006,
B.C., n° 202, p. 721: « Vu l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du
Code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté
des preuves ; Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des
preuves et au droit à un procès équitable, la provocation
à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité
publique ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d'un
tel procédé rend irrecevables en justice les
éléments de preuve ainsi obtenus. N'a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations la chambre de
l'instruction qui, tout en relevant que deux individus avaient
été interpellés en flagrance alors qu'ils
perpétraient de concert un vol dans un véhicule que l'un deux
avait été provoqué à commettre par un fonctionnaire
de police qui lui avait proposé de stationner, à proximité
du lieu où des personnes suspectées de commettre ce type de
délits se réunissaient, un véhicule dans lequel
était disposé en évidence un téléphone
portable et une sacoche d'ordinateur et qui lui avait remis une somme d'argent
pour lui permettre de leur offrir une consommation afin de les attirer à
proximité dudit véhicule, énonce que
l'intéressé a
provocation est le fait d'un agent d'une autorité
étrangère
566
c'est-à-dire même si cette
567
.
provocation est commise par la police étrangère
87. Une application souple du principe de la
loyauté. La doctrine pénale française recourt
toujours à la distinction entre provocation à l'infraction et
provocation à la preuve. Une souplesse et une tolérance
remarquable paraît quand il s'agit de la provocation à la preuve
qui est admise comme souligne M. Édouard Verny « si la
provocation à la preuve est tolérée, la
provocation policière à l'infraction est
interdite. »
|
568
|
. Pour M. Patrick Maistre du Chambon :
|
131
« la véritable question consiste à
déterminer la portée réelle des provocations. Et d'autres
termes, ces provocations ont-elles eu pour résultat la commission de
l'infraction ou bien se proposent-elles plus simplement de rassembler les
preuves d'une infraction déjà commises ou sur le point de
l'être ? C'est à cette conception des choses que se
réfère très nettement la
569
Chambre criminelle dans un certain nombre de décisions
».
La question qui se pose est de savoir ce qu'il reste du
principe de loyauté si la chambre criminelle de la Cour de cassation
française restreint le champ d'application du principe de loyauté
dans le domaine de la provocation policière. Est-il normal de limiter le
champ d'application du principe de loyauté aux cas de provocation
à la commission d'infraction par les acteurs de la provocation
policière, qui est en soi considérée comme une infraction
? Il faut rappeler que les critères concernant la prohibition de la
provocation policière retenus par la jurisprudence de la Cour de
cassation française pour qualifier l'acte déloyal en
matière de preuve est contraire à l'esprit du principe de
loyauté dégagé de l'affaire Wilson en 1888 qui a
commis le vol de sa propre initiative et que le but de la
mise en scène policière n'était pas de le provoquer
à l'infraction mais seulement d'établir la preuve de son
implication dans les faits ».
566 Intervention de Mme R. Koering-Joulin,
La chambre criminelle garante du droit à un procès
équitable, lors du colloque du 3 mai 2010. Disponible en ligne sur
le site officiel de la Cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2010_3159/koering_joulin_16280.html
567 V. Cass. crim., le 7 février 2007,
B.C., n° 37, p. 241 : « Porte atteinte, notamment, au
principe de la loyauté des preuves, la provocation à la
commission d'une infraction par un agent public étranger, en
l'espèce un service de police new-yorkais, réalisée par un
site pédophile créé et exploité par ce dernier aux
fins de découvrir tous internautes pédophiles, dès lors
qu'un individu, inconnu des services de police français, a fait l'objet
de poursuites en France du chef d'importation, détention et diffusion
d'images pornographiques de mineurs après que les autorités
américaines eussent informé les autorités
françaises de ce que l'intéressé s'était
connecté sur le site» ; V. Cass. crim., 11 mai 2006, B.
C., n° 132, p. 482 : « que porte atteinte au principe de
loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable la commission à la provocation d'une infraction par un
agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire; que la
déloyauté de pareil procédé rend irrecevable en
justice les éléments de preuve ainsi obtenus ».
568 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 31, p.
23.
569 P. Maistre Du Chambon, « la
régularité des provocations policières :
l'évolution de la jurisprudence », in J.C.P G., 1989 I
3422.
permis de construire ce principe sur la base de l'interdiction
de la provocation policière dans la recherche de preuve sans aucune
condition de pousser le délinquant à la réalisation
d'une
570
infraction
. Selon le principe de la loyauté dans la recherche de
preuve pénale qui s'est
132
dégagé de l'arrêt de principe Wilson, la
provocation à la preuve est condamnée directement et sans faire
aucune distinction ou comparaison avec la provocation à la commission
d'une infraction. D'après la jurisprudence de la chambre criminelle de
la Cour de cassation
571
française , le procédé (le mensonge
policier) doit seulement servir à faire apparaître la
572
preuve d'une infraction qui se serait de toute façon
commise sans leur intervention. La chambre criminelle de la Cour de cassation
française distingue en effet la «provocation à
la
573
preuve» admissibleparce qu'elle se limite à
rassembler des preuves d'une infraction déjà commise ou sur le
point de l'être, de la «provocation au délit »
qui détermine l'individu à la
574
commission même d'une infraction. La position de la Cour de
cassation en la matière, qui restreint le champ d'application du
principe de loyauté, est critiquable et elle mérite d'être
modifiée parce qu'elle contribue au déclin du principe de
loyauté dans la recherche de preuve.
88. La position restrictive de la Cour de cassation
française en matière de trafic de stupéfiants. La
chambre criminelle de la Cour de cassation française adopte une
conception
575
restrictive de la provocation en matière du trafic de
stupéfiantssous couvert de l'article 706-
570 V. P. Maistre Du Chambon, « la
régularité des provocations policières :
l'évolution de la jurisprudence », in J.C.P G., 1989, I
(3422) : « à l'occasion de poursuite pour trafic de
stupéfiants au cours desquelles un policier s'était fait passer
lui-même pour un trafiquant, la haute juridiction confirme la
condamnation en considérant que l'intervention policière n'a en
rien déterminé les agissements délicieux du
délinquant mais qu'elle a eu pour seule conséquence de permettre
la constatation des infractions déjà commises et d'en
arrêter la continuation (Cass. crim., 2 mars 1971, B.C.,
n° 71). La même motivation est reprise en partie par un
arrêt de la chambre criminelle du 2 oct. 1979 (Cass. crim., 2
octobre 1979, B.C., n°266) ».
571 Cass. crim., 17 octobre 1991 et 27
février 1996.
572 C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 253, p. 179.
573 V. sur la provocation : M. Schwendener,
« L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence
de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s :
« Il convient de préciser le sens de ce mot, qui, au premier
abord, évoque l'outrance. Il s'est déduit d'une jurisprudence
constante une distinction tenant à la portée réelle de
l'action policière : la provocation est déloyale lorsqu'elle
provoque l'infraction en soi, mais admise quand elle provoque la preuve d'une
infraction préexistante. Dans ce cadre, deux comportements policiers
peuvent être distingués : l'observation passive de la commission
d'une infraction (suivie de son signalement) et un rôle plus actif dans
la révélation de l'infraction ».
574 Ch. Guéry, « Ecoutes
téléphoniques et participation policière », Note sous
Cass. Crim., 27 février 1996, B.C., 1996, n°93, p. 273, in
D., 1996, pp. 346 et s.
575 V. J. Buisson, « Est valide le
constat d'une infraction opéré sans ruse ni stratagème ni
provocation », in Procédures, n° 4, Avril 2008, comm.
126: « en matière du trafic de stupéfiants, la chambre
criminelle a adopté une conception restrictive de la provocation, en
admettant que le policier se présente valablement comme acheteur de
stupéfiants ; mais elle a pris soin de souligner que l'activité
du trafiquant ainsi sollicité devait préexister à la
proposition d'achat du policier ».
133
81 du CPP français qui donne légalement la
possibilité de recourir à l'infiltration pour faciliter
l'obtention des preuves du trafic de stupéfiants. Même avant
l'adoption de l'article 706-81, un arrêt rendu le 2 mars 1971 a
jugé que l'intervention d'un policier se présentant comme
576
acheteur de stupéfiants ne constitue pas une
provocation à la commission d'une infraction: « La circonstance
qu'un fonctionnaire de police s'est fait passer pour un acheteur
éventuel d'opium ne saurait faire obstacle à la condamnation d'un
individu appartenant à une organisation internationale de trafiquants de
stupéfiants, dès lors qu'il est constaté par les juges du
fond que l'intervention de ce fonctionnaire n'a en rien déterminé
les agissements délictueux du prévenu, mais a eu seulement pour
effet de permettre la constatation
577
d'infractions déjà commises et d'en
arrêter la continuation ». L'article 706-81 du CPP
, à l'autorisation et au contrôle du
578
français constitue la base légale du recours
à l'infiltration
579
procureur de le République ou du juge d'instruction.
L'alinéa 2 de l'article 706-81 du CPP français est d'une
formulation stricte en précisant que les actes d'infiltration ne peuvent
constituer une incitation à commettre des infractions. À notre
avis, l'application de cet article et la jurisprudence de la chambre criminelle
concernant la provocation en matière de trafic de stupéfiants ne
font pas réellement une distinction entre provocation à la preuve
et provocation à la commission d'une infraction comme le fait
habituellement la juriprudence de cette chambre hors le cas du trafic de
stupéfiants. La chambre criminelle qualifie la provocation à la
preuve en matière de trafic de stupéfiants en imposant une
condition stricte qui nécessite que l'activité des trafiquants de
stupéfiants existe avant les propositions d'achat de la part du
576 V. Cass. crim., 2 octobre 1979, B.C.,
n° 266, p. 722: « La circonstance qu'un fonctionnaire de
police étranger et un indicateur se sont présentés comme
des acheteurs éventuels de stupéfiants ne saurait faire obstacle
à la condamnation d'individus appartenant à une organisation de
trafiquants dès lors que les juges du fond constatent que cette
circonstance n'a pas été déterminante des infractions
retenues et qu'elle a eu pour seul effet de permettre la constatation d'une
activité délictueuse qui existait et d'en arrêter la
continuation ».
577 Cass. crim., 2 mars 1971, B.C.,
n° 71, p. 183.
578 L'infiltration consiste selon le texte de
l'article 706-81 du CPP français : « L'infiltration consiste,
pour un officier ou un agent de police judiciaire spécialement
habilité dans des conditions fixées par décret et agissant
sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé
de coordonner l'opération, à surveiller des personnes
suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant
passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices
ou receleurs. L'officier ou l'agent de police judiciaire est à cette fin
autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et
à commettre si nécessaire les actes mentionnés à
l'article 706-82. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer
une incitation à commettre des infractions ».
579 L'article 706-81 du CPP français
dispose : « Lorsque les nécessités de l'enquête ou
de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le
champ d'application de l'article 706-73 le justifient, le procureur de la
République ou, après avis de ce magistrat, le juge d'instruction
saisi peuvent autoriser qu'il soit procédé, sous leur
contrôle respectif, à une opération d'infiltration dans les
conditions prévues par la présente section ».
134
580
policier. Cette condition imposée par la chambre
criminelle constitue une couverture légale permettant d'éviter la
qualification de cette procédure de provocation à la commission
d'une infraction organisée par les autorités parce qu'en
réalité elle constitue à notre avis le standard, du point
de vue procédural, d'une provocation flagrante et claire à la
commission d'une infraction.
89. La provocation policière à la
lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme. La Cour européenne des droits de l'homme opère une
distinction entre les infiltrations permises et les provocations qui sont
attentatoires au droit à un procès équitable garanti par
l'article 6 § 1er de la Convention EDH. Dans l'arrêt Teixeira de
Catro c/ Portugal rendu le 9 juin 1998, la Cour européenne des droits de
l'homme a reconnu explicitement que l'exigence de loyauté en
matière de provocation entre dans le champ d'application de l'article 6,
§ 1, de la Convention et donc fait partie des garanties du droit au
procès équitable « Le respect du principe de
loyauté entre dans les garanties du procès équitable.
Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme a
considéré que viole l'article 6, § 1, de la Convention
européenne des droits de l'homme une condamnation pour trafic de drogue
fondée essentiellement sur les déclarations de deux policiers
dont l'intervention a provoqué
581
l'infraction ». D'abord, il faut prendre en
compte que la Cour européenne des droits de l'homme rappelle à
plusieurs reprises sa formule classique : « la recevabilité des
preuves relève au premier chef des règles de droit interne, et
[qu'] en principe il revient aux
582
juridictions nationales d'apprécier les
éléments recueillis par elles ». Elle ajoute que le
rôle de la Cour est limité exclusivement au contrôle et
à l'appréciation de la procédure dans son ensemble,
englobant le mode de présentation des moyens de preuve au regard
l'article 6 relatif
580 Cass. crim., 22 juin 1994, B.C.,
n° 247, p. 592: « Attendu que, pour écarter
l'argumentation des prévenus qui invoquaient l'excuse de provocation et
contestaient la régularité de la procédure, tant au regard
des articles 12 et suivants du Code de procédure pénale que du
principe de la loyauté des preuves, l'arrêt confirmatif retient,
d'une part, qu'il résulte des débats que l'intervention de la
police a eu lieu dans un contexte préexistant de trafic, dont l'un des
opérateurs, X..., rouage important de l'organisation, était
déjà connu, ce que devait confirmer la rapidité avec
laquelle un autre participant, Y..., avait pu recueillir 350 kilos de
cocaïne presque pure ; que les faits ne révèlent aucune
machination de nature à annihiler la volonté des prévenus,
ceux-ci s'étant procuré un avion pour assurer le transport de la
drogue, et Y... s'étant assuré le concours à
l'atterrissage d'individus armés; Que les juges relèvent encore
qu'eu égard à la personnalité des vendeurs et à
l'objet du trafic, la forme prise par l'initiative de la police était
sans influence sur la validité de l'enquête, dès lors que
la recherche et l'établissement de la vérité ne s'en
étaient pas trouvés fondamentalement viciés, ni la
défense mise dans l'impossibilité d'exercer ses droits devant les
juridictions d'instruction et de jugement ; Attendu qu'en l'état de ces
constatations et énonciations, la cour d'appel a justifié sa
décision sans encourir les griefs allégués ;
».
581 J. Buisson, « Pour
caractériser une provocation policière, il faut démontrer
que le policier a déterminé la commission de l'infraction. Le
juge peut prescrire tous actes utiles à la manifestation de la
vérité », in Procédures, n° 4, Avril
2000, comm. 106.
582 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/
Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 34.
au droit au procès équitable : « la
tâche de la Cour consiste à rechercher si la procédure
envisagée dans son ensemble, y compris le mode de présentation
des moyens de preuve, a
revêtu un caractère équitable
»
|
583
|
. Selon la jurisprudence de la Cour de Strasbourg,
l'exigence
|
135
générale d'équité des
procédures pénales n'est pas compatible avec l'utilisation
d'éléments de preuve obtenus à la suite d'une provocation
policière comme nous enseigne l'arrêt Edward et Lewis c/
Royaume-Uni rendu le 22 juillet 2003 : « La Cour rappelle que, si la
recevabilité des preuves relève au premier chef des règles
du droit interne, l'exigence générale d'équité des
procédures pénales consacrée par l'article 6 implique que
l'intérêt public à lutter contre la criminalité ne
peut justifier l'utilisation d'éléments recueillis à la
suite d'une provocation
584
policière ». Une différence dans
l'utilisation des termes juridiques au sujet de provocation apparaît
entre la Cour de cassation française et la Cour de Strasbourg. La
première utilise les expressions « provocation à la
preuve » et « provocation à l'infraction »
pour distinguer entre la première admise et la seconde qui est
prohibée. En revanche, la Cour de Strasbourg utilise les termes
« agents infiltrés » et « provocations
policières » pour distinguer la première situation, qui
est admise, de la deuxième, qui est prohibée. La Cour
européenne des droits de
585
l'homme condamne la provocation policière à la
commission d'une infraction, attentive notamment à ce qu'une
procédure claire et prévisible d'autorisation encadre l'action
policière pour garantir la bonne foi des autorités et le respect
de leur mission de défense de la loi (Arrêt
586
Khudobinc/ Russie, 26 oct. 2006, § 135)
. La Cour de Strasbourg tolère la provocation à
la
preuve et admet le recours à ce moyen « lorsque
la nature de l'infraction peut le justifier »587
588
surtout dans la difficulté de recueillir la preuve de
certaines catégories d'infractions, mais à
583 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/
Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 34.
584 CEDH, 22 juillet 2003, Edwards et Lewis
c/ Royaume-Uni, Requête n° 39647/98 et 40461/98, spec. § 49 ;
V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête
n° 44/1997/828/1034, spec. § 36: « L'intérêt
public ne saurait justifier l'utilisation d'éléments recueillis
à la suite d'une provocation policière ».
585 V. sur la provocation policière au
regard de la jurisprudence de la cour européenne: A. Philippart De Foy,
« La provocation policière devant la Cour européenne des
droits de l'homme », obs/s. Cour eur. dr. h., Bannikova c. Russie, 4
novembre 2010, in RTDH, n°88, octobre 2011, pp. 977-990; Ch. De
Valkeneer, Commentaire de l'arrêt Ramanauskas c. Lituanie de la Cour
européenne des droits de l'Homme et de quelques décisions
récentes, in RTDH, n° 77, 1er janvier 2009, pp.
211-225.
586 R. Filniez, « Loyauté et
liberté des preuves », Note sous Cass. crim., 31 janvier 2007,
n° 06-82.383 et Cass. crim., 7 février 2007, n° 06-87.753 in
R.S.C., 2007, pp. 331 et s.
587 V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998,
Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec.
§ 35: « Plus particulièrement, la Convention
n'empêche pas de s'appuyer, au stade de l'instruction préparatoire
et lorsque la nature de l'infraction peut le justifier, sur des sources telles
que des indicateurs occultes, mais leur emploi ultérieur par le juge du
fond pour justifier une condamnation soulève un problème
différent ».
588 V. en ce sens : CEDH, 5 février
2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 49:
« La Cour souligne d'emblée qu'elle n'ignore pas les
difficultés inhérentes au travail d'enquête et
d'investigation de la police, chargée de rechercher et recueillir les
éléments de preuve des infractions commises. Pour y parvenir,
elle
condition qu'elle soit «circonscrite et entourée
de garanties»
589
. Le problème c'est que la
136
Cour de Strasbourg utilise une expression vague comme
«circonscrite et entourée de
garanties» 590 , qui pose un certain
nombre de questions concernant l'étendue et la qualité de ces
garanties.
Donc, selon la juriprudence de la Cour de Strasbourg la simple
intervention d'un agent infiltré ne constitue pas une violation du droit
à un procès équitable, si cette intervention n'est
. Au
591
pas de nature à exercer une influence, à inciter ou
provoquer à commettre l'infraction
contraire, la Cour de Strasbourg a jugé qu'il y avait
provocation à la commission de l'infraction dans le cas où
l'intervention a exercé une influence remarquable et que, sans elle,
l'infraction n'aurait pas pu être commise : « la Cour conclut
que l'activité des deux policiers a outrepassé celle d'un agent
infiltré puisqu'ils ont provoqué l'infraction, et que rien
n'indique que, sans leur intervention, celle-ci aurait été
perpétrée. Cette intervention et son utilisation dans la
procédure pénale litigieuse ont privé ab initio et
définitivement le requérant d'un
592
procès équitable. Partant, il y a eu
violation de l'article 6 § 1. »et qu' « il y a
provocation policière lorsque les agents impliqués - membres des
forces de l'ordre ou personnes intervenant à leur demande - ne se
limitent pas à examiner d'une manière purement passive
doit recourir de plus en plus souvent, notamment dans le
cadre de la lutte contre le crime organisé et la corruption, aux agents
infiltrés, aux informateurs et aux pratiques sous couverture
».
589 V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998,
Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec.
§ 36: « L'intervention d'agents infiltrés doit être
circonscrite et entourée de garanties même lorsqu'est en cause la
répression du trafic de stupéfiants. En effet, si l'expansion de
la délinquance organisée commande à n'en pas douter
l'adoption de mesures appropriées, il n'en demeure pas moins que, dans
une société démocratique, le droit à une bonne
administration de la justice occupe une place si éminente (arrêt
Delcourt c. Belgique du 17 janvier 1970, série A n° 11, p. 15,
§ 25) qu'on ne saurait le sacrifier à l'opportunité. Les
exigences générales d'équité consacrées
à l'article 6 s'appliquent aux procédures concernant tous les
types d'infraction criminelle, de la plus simple à la plus complexe
».
590 Par exepmle : CEDH, 5 février
2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 53:
« Toutefois, l'emploi ultérieur de telles sources par le juge
du fond pour fonder une condamnation soulève un problème
différent et n'est acceptable que s'il est entouré de garanties
adéquates et suffisantes contre les abus et notamment d'une
procédure claire et prévisible pour autoriser, exécuter et
contrôler les mesures d'investigation dont il s'agit ».
591 V. en ce sens : CEDH, 7 septembre 2004,
Eurofinacom c/ France, Requête n° 58753/00 : « Bref, s'il
est vrai que les policiers enquêteurs ont provoqué l'offre
prostitutionnelle qui leur a été personnellement faite le 30
décembre 1996 sur « 36-15 ALINE », ils n'ont pas à
proprement parler incité à la commission des faits de
proxénétisme qui ont fondé la condamnation de la
société requérante, qui revêtaient un
caractère permanent et étaient le fait, non des
prostituées, mais, par définition, de la société
requérante. Celle-ci ne saurait donc se plaindre à cet
égard d'une méconnaissance de l'article 6 § 1 de la
Convention ».
592 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/
Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 39 ; V. encore
spec. § 38: « Aucune preuve n'alimente la thèse du
Gouvernement selon laquelle le requérant avait une propension à
commettre des infractions. De ces circonstances, il faut déduire que les
deux policiers ne se sont pas limités à examiner d'une
manière purement passive l'activité délictueuse de M.
Teixeira de Castro mais ont exercé une influence de nature à
l'inciter à commettre l'infraction ».
l'activité délictueuse, mais exercent sur la
personne qui en fait l'objet une influence de nature à l'inciter
à commettre une infraction qu'autrement elle n'aurait pas commise, pour
en rendre
possible la constatation, c'est-à-dire en apporter
la preuve et la poursuivre ».
|
593
|
90. Provocation à la commission d'une infraction et
provocation à la preuve en droit libanais. La provocation à
la preuve de l'infraction est un procédé admis en droit libanais
En revanche, la provocation à la commission d'une infraction constitue
un procédé déloyal. Selon Mme Fawzia Abdel-Sattar, la
provocation est une façon de créer l'idée de l'infraction
dans l'esprit de l'auteur alors qu'elle n'existait pas avant la provocation
dans l'esprit de son
auteur 594 . La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour
de cassation libanaise
distingue la provocation à l'infraction de la
provocation à la preuve
|
595
|
. Il faut rappeler à cet
|
137
égard que la juriprudence libanaise est rare en
matière de provocation policière. La provocation qui crée
la commission de l'infraction dans l'esprit de l'auteur de l'infraction pour le
faire prendre en flagrant délit est considérée comme une
preuve obtenue de manière illégale. C'est très logique de
sanctionner la preuve qui a été obtenue à la suite de
provocations policières ayant pour but de prendre en flagrant
délit la personne. En effet, la notion d'infraction flagrante
nécessite naturellement et suppose la présence ou l'existence
antérieure des preuves pour qu'elle soit qualifiée d'infraction
flagrante. La provocation admise par la jurisprudence libanaise a lieu lorsque
la provocation est un moyen pour découvrir et réunir des
éléments de preuve de l'infraction à condition que
l'idée de commettre
596
.
l'infraction par l'auteur soit antérieure à l'acte
de provocation
91. Provocation policière de la part des parties
privées. La chambre criminelle de la Cour de cassation
française fait preuve d'une tolérance ponctuelle face à ce
moyen d'apporter la
597
preuve de la part des parties privées, contrairement aux
chambres civiles
|
598
|
qui rejettent de
|
593 CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/
Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 55.
594 F. Abdel-Sattar,
Interprétation du code de procédure pénale
libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe),
Beyrouth, 1975, n° 329, pp. 373-374, V. spec. p. 374.
595 Chambre criminelle de la Cour de
cassation libanaise a considéré dans son arrêt rendu le
15/06/2006 numéro 185 (affaire Awde/ Moallim que la provocation à
la commission d'une infraction est le fait de : « créer
l'idée ou la création de la conception de commettre l'infraction
dans un esprit vide de cette idée ».
596 V. en ce sens: Arrêt de la
6e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise,
décision n° 219, le 5/8/2003, in Les arrêts de la Chambre
criminelle, Éditions juridiques Sader, 2003, pp. 447 et s., V.
spec. p. 449.
597 V. Cass. Crim., 16 mars 1972, B.C.,
n° 108, p. 263: « Ne saurait constituer une provocation au
délit, de nature à exonérer un prévenu de toute
responsabilité pénale, l'intervention d'un individu,
s'étant révélé ultérieurement être un
indicateur, dès lors qu'elle n'a pas été
déterminante de l'action délictueuse du prévenu et qu'elle
n'a d'ailleurs pas annihilé sa liberté de décision
».
138
façon plus générale les preuves obtenues
par stratagème. Selon Mme Renée Koering-Joulin, la chambre
criminelle de la Cour de cassation française a une position plus
nuancée: « elle les
599
admet de la part des parties privéesmais les refuse
aux gardiens de l'ordre public, en opérant néanmoins une
distinction bien connue entre agent provocateur et agent infiltré, entre
provocation à la commission d'une infraction et provocation
destinée à prouver une
600
infraction sur le point de se commettre ». La
chambre criminelle de la Cour de cassation française, en se basant sur
le triple visa de l'article 6 de la Convention, de l'article
préliminaire du CPP français et du principe de la loyauté
des preuves a jugé que la provocation à la commission d'une
infraction par un agent de l'autorité publique est un
procédé déloyal qui rend irrecevable en justice les
preuves obtenues à l'aide des procédés ainsi
601
.
mis en place
92. Provocation par l'indicateur en droit libanais.
La cour criminelle du Mont Liban a considéré que le fait que
l'indicateur crée l'idée de commettre l'infraction dans l'esprit
de l'accusé a constitué la provocation illégale à
la commission d'une infraction qui anéantit l'intention criminelle de
l'accusé qui suppose sa volonté de commettre l'infraction ayant
la
volonté consciente et délibérée de
commettre l'infraction 602 . L'indicateur a incité, influencé et
poussé l'accusé à la commission d'une infraction, ce qui
constitue une provocation illégale parce que l'indicateur a joué
un rôle actif qui anéantit l'intention criminelle de
l'accusé. Dans l'arrêt précédent, la Cour criminelle
de Mont-Liban n'a pas évoqué expressément le principe de
la loyauté de preuve pour sanctionner la provocation qui est
effectuée par l'indicateur, mais sans aucun doute le fait de
l'indicateur cité dans l'arrêt précédent qui
constitue la provocation à la commission d'une infraction porte atteinte
au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable. Il faut noter que la jurisprudence libanaise considère
que le rôle de
598 V. par ex. Cass. civ. 2/ 7 octobre 2004,
B.C., ci. n/247: «L'enregistrement d'une conversation
téléphonique privée, effectué et conservé
à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un
procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve
ainsi obtenue... »
599 Par ex. Cass crim., 31 janvier 2007,
B.C., n° 27 ; V. Sur l'ensemble de la question P. Lemoine, «
La loyauté de la preuve à travers quelques arrêts
récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de
la Cour de cassation, pp. 165 et s.
600 Intervention de Mme R. Koering-Joulin,
La chambre criminelle garante du droit à un procès
équitable, lors du colloque du 3 mai 2010. Disponible en ligne sur
le site officiel de la Cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2010_3159/koering_joulin_16280.html
601 Cass. crim. 11 mai 2006, B.C.,
n° 132; V. Cass. crim., 4 juin 2008, B.C., n°141 :
« la déloyauté d'un tel procédé rend
irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus,
quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte
d'autres infractions déjà commises ou en cours de commission
».
602 V. en ce sens: Arrêt de la cour
criminelle du Mont Liban, décision n° 78, le 24/2/2004, in J.
Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 2000-2004,
Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2005, n° 4, pp. 23-24.
l'indicateur est d'informer l'autorité et la police
judiciaire de l'existence d'une infraction, et il n'est pas acceptable que
l'indicateur influence et encourage une autre personne à la
603
provocation à la commission d'infraction
. Selon M. Fayez Al Iaali, il est interdit également
139
604
à l'officier de police judiciaire de provoquerune personne
à commettre une infraction pour
605
ensuite arrêter l'auteur en cas de flagrant
délitpendant la commission de l'infraction parce qu'une telle
provocation est illégale et dans ce cas le fait de l'officier de police
judiciaire est
.
606
une complicité par provocation à l'infraction
§ 2. La fin justifiant les moyens.
93. Les moyens les plus efficaces au service de la justice.
Que signifie la fin justifie les
moyens dans la recherche de preuve ? L'expression «
la fin justifie les moyens »607 implique que la fin occupe
une place beaucoup plus importante que les moyens qui sont utilisés.
Cependant, il faut une base légale qui détermine les exemptions
du devoir de loyauté dans la
608
recherche des preuves. C'est comme une façon de couvrir
la déloyauté de la preuve par un texte juridique qui
légalise cette déloyauté dans le but de rendre la preuve
obtenue de manière déloyale recevable en justice. Cette
couverture juridique adoptée par le législateur empêche le
juge de faire écarter ce mode de preuve qui devrait être
normalement qualifié de preuve déloyale ainsi irrecevable en
justice. L'intervention du législateur légalise un
procédé ou un moyen de recherche de preuve qui est habituellement
et logiquement déloyal. De ce qui précède découlent
l'importance et la nécessité d'une base légale pour
éviter l'arbitraire qui peut en résulter. Cependant,
l'intervention du législateur ne peut pas être
générale pour
603 V. en ce sens: Arrêt de la Cour
criminelle du Mont Liban, décision n° 78, le 24/2/2004, in J.
Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 2000-2004,
Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2005, n° 6, p. 26.
604 C'est-à-dire de pousser une personne
à commettre une infraction.
605 On utilise l'expression flagrant
délit pour designer le cas de flagrance et non la qualité de
l'infraction (crime ou délit ...).
606 V. en langue arabe : F. Iaali,
Procédure pénale, 1er éd.,
L'entreprise moderne du livre, Tripoli-Liban, 1994, p. 182.
607 On attribue à Machiavel la fameuse
formule : « Qui veut la fin veut les moyens » ou « la fin
justifie les moyens ».
608 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
210, p. 144 : « Lorsque la vérité est
particulièrement difficile à découvrir, il semble logique
de donner aux enquêteurs davantage de pouvoirs. En application du
principe de la légalité criminelle, il appartient aux
parlementaires de déterminer les hypothèses concernées,
ainsi que les procédés d'investigation correspondants
».
140
concerner toutes les infractions parce qu'un texte
général qui concernerait tous les types d'infraction
désignerait de façon claire la mort ou le déclin total du
principe de loyauté. Sans doute, la tendance ou l'orientation
législative vers le non-respect total du principe de la loyauté
de preuve en matière pénale va conduire la transformation du
système pénal d'un État
de droit vers le modèle de l'État de
police609. Cependant, il n'est pas efficace non plus d'interdire
tout type de provocations policières parce qu'on risque pratiquement de
les paralyser dans certains contextes fractionnels, comme par exemple dans le
cas de la
610
délinquance organisée comme le trafic de
stupéfiants, le terrorisme ou le trafic d'armes. En
général, dans le but de préserver l'efficacité de
la justice pénale, et pour faciliter la recherche des infractions
graves, le législateur français et beaucoup trop timidement le
législateur libanais ont tenu compte de la nécessité
pratique urgente d'adopter des procédures pénales
611
d'exception ou spéciales dans la recherche de la preuve
lorsque l'infraction est grave. Dans ce cas, l'intervention du
législateur est nécessaire parce qu'il fournit une couverture
légitime face aux comportements et procédés qui sont
utilisés dans la recherche et l'administration de preuve d'infractions
pénales graves, et qui sont considérés normalement comme
ayant été obtenus d'une façon déloyale.
94. Une déloyauté admissible. La
législation est le fondement légal de l'admissibilité d'un
manquement au devoir de loyauté dans la recherche et l'administration de
la preuve pénale pour certaines catégories d'infractions qui sont
qualifiées d'infractions graves. Il y a beaucoup de vrai si
nous considérons que l'objectif principal du procès pénal
reste toujours la recherche efficace de la vérité, mais la
recherche des preuves qui visent à la manifestation de cette
vérité doit toujours obéir aux dispositions d'une loi
procédurale établissant un équilibre délicat
mais
désirable entre efficacité et
légitimité 612 . Afin de faciliter l'obtention des preuves pour
des infractions précises et en même temps échapper à
la sanction d'un manquement au devoir de
609 V. K. Constant Katouya,
Réflexions sur les instruments de droit pénal international
et européen de lutte contre le terrorisme, Thèse de droit,
Université Nancy 2, 2010, n° 873, p. 528 : «La
réaffirmation des principes de l'État de droit dans le contexte
de la lutte antiterroriste est reflétée dans les efforts, de tous
les gouvernements successifs, de parvenir à concilier
légalité et efficacité ».
610 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
pp. 159 et s.
611 V. D. Thomas et al., « Les
transformations de l'administration de la preuve pénale », in
Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. p. 116 :
« L'adaptation de l'administration de la preuve pénale est
rendue nécessaire en raison de l'apparition et du développement
de nouvelles formes de délinquance auxquelles s'associent
inévitablement de nouveaux modes de preuves ».
612 B. Renard, « Les analyses
génétiques en matière pénale : l'innovation
technique porteuse d'innovation pénale ? », in Champ
pénal/Penal field, Séminaire Innovations Pénales,
septembre 2007, disponible en ligne sur :
http://champpenal.revues.org/1241:
« pourtant une vérité qui ne peut être produite qu'en
vertu des règles de procédure d'administration de la preuve, qui
établit un équilibre entre légitimité et
efficacité ».
141
loyauté dans la recherche des preuves, le
législateur a inventé une nouvelle technique pour assurer la
recevabilité de la preuve déloyale qui porte atteinte au principe
de la loyauté des preuves en encadrant le manquement au devoir de
loyauté pour des infractions précises par la loi. Cette loi
fournit un encadrement légal qui ne permet pas aux juges
répressifs d'écarter les moyens de preuve produits
déloyalement puisque son but premier est de faciliter la constatation
des infractions aux lois pénales précisées par la loi, le
rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs.
La fin justifie les moyens ne signifie pas que la recherche de preuve sera
loyale, du point de vue de la loyauté de la preuve. C'est une
façon de rechercher la preuve d'une manière déloyale mais
conformément à la procédure puisque le législateur
a légalisé et encadré expressément le recours
à certains moyens de preuve recueillis de manière illicite. La
loyauté de la preuve n'est pas une exigence absolue dans le
procès pénal parce qu'un texte législatif peut purger les
preuves obtenues déloyalement en s'appuyant sur la volonté du
législateur. Chaque fois que la loi légalise et accepte la
production de preuves recueillies de manière illicite ou
déloyale, la jurisprudence ne peut pas écarter les preuves
obtenues déloyalement. La preuve déloyale échappe à
toute sanction si le législateur exprime sa volonté expresse de
rendre un élément de preuve recevable en justice malgré
son origine déloyale.
A. L'émergence de la notion de preuve
pénale de la dangerosité ou de l'ennemi.
95. La contribution du professeur allemand Günther
Jakobs. Le droit pénal de l'ennemi est
613614
théorisé par le juriste allemand M. Günther
Jakobs. M. Günther Jakobsa travaillé pour clarifier la distinction
entre deux catégories de droit pénal dépendant de la
personne visée : un
615
droit pénal de l'ennemi et un droit pénal du
citoyen. Selon lui, il faut lutter contre le danger
613 Il faut prendre en compte la contribution
de M. Carl Schmitt durant la période nazie et ses livres: Carl
Schmitt, Der Begriff des Politischen, Berlin, 1932. Traduction
française : La notion de politique, éd Flammarion,
Paris, 1963. Dernière édition : éd Calman Levy, Paris,
1994 ; V. en ce sens: S. Aubert, « L'ennemi dans le Livre IV du Code
pénal français: approches comparées », in Revue
électronique de l'AIDP / Electronic Review of the IAPL / Revista
electrónica de la AIDP, (ISSN - 1993-2995), 2012 A-02:1: «
Selon Carl Schmitt, l'essence de la politique est de pouvoir choisir un ennemi
et de doter l'appareil étatique de moyens illimités pour le
détruire. L'ennemi n'est plus, dans cette conception, l'inimicus, mais
bien l'hostis qu'il convient de tuer avant de soi-même mourir
».
614 V. sur le droit pénal de l'ennemi:
G. JAKOBS, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit
pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2009, n° 1, pp.
7-18.
615 V. J. Walther, « L'instruction et le
droit allemand », in J.-P. Céré (dir), Procédures
pénales d'exception et Droits de l'homme, L'harmattan, 2011, p. 136
: « Toujours selon Günther Jakobs, là où le droit
pénal du citoyen
en utilisant des règles d'exception pour
protéger la société contre ses ennemis « La lutte
ne fonctionne pas dans le vide, mais selon des règles. L'État
prévoit, pour les agents qui exécutent les normes, des
règles qui limitent la lutte. Il s'agit, par conséquent, bien de
droit pénal de l'ennemi. Les ennemis sont exclus selon des règles
de droit et conformes au droit ; plus précisément ils s'excluent
eux-mêmes. Il n'empêche que le droit pénal de l'ennemi
maintient son caractère dangereux. C'est justement la raison pour
laquelle il est important de donner une dénomination au
phénomène et de caractériser ses règles comme du
droit
exceptionnel »
|
616
|
. Mme Geneviève Giudicelli-Delage attire l'attention sur
le rôle et
|
l'importance de la pensée de M. Günther Jakobs
dans le développement de la doctrine du droit pénal de l'ennemi
« Parler, de nos jours, de doctrine du droit pénal de l'ennemi,
c'est renvoyer à la pensée de Günther Jakobs et au
débat international qu'a suscité son premier
essai paru à la fin des années 90
»
|
617
|
. Quiconque s'intéresse au droit pénal
connaît la
|
142
contribution fondamentale et indéniable de M.
Günther Jakobs qui a fourni une base pour l'élaboration d'une
théorie détaillée concernant le droit pénal de la
dangerosité et de
l'ennemi618. Ce qui est remarquable dans la
contribution de M. Günther Jakobs
|
619
|
, c'est la date
|
de cette contribution qui est sans doute antérieure
à l'apparition du terrorisme moderne, c'est-
à-dire aux événements du 11 septembre
2001
|
620
|
. Donc on peut conclure que M. Günther
|
conforte le respect des normes, le droit pénal de
l'ennemi combat des dangers - jusqu'à la destruction physique de
l'ennemi ».
616 G. Jakobs, « Aux limites de
l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », in
R.S.C., 2009, n° 1, pp. 7 et s.
617 G. Giudicelli-Delage, « Droit
pénal de la dangerosité, droit pénal de l'ennemi »,
in R.S.C., 2010, n° 1, pp. 69-80.
618 V. P. Varjão Cruz, Le droit
pénal de l'ennemi. Du phénomène au paradigme,
Éditions universitaires européennes, 2011,
V. spec. la description du livre. :
« L'incrimination des risques, le durcissement des peines et la
relativisation des garanties bouleversent le droit pénal classique. Pour
justifier un tel traitement pénal aux criminels "dangereux", le
professeur allemand Günther Jakobs propose la scission du droit
pénal en "droit pénal du citoyen" et "droit pénal de
l'ennemi", issue de la division des êtres humains entre personnes et
non-personnes. Cette dépersonnalisation fait surgir la figure de
l'ennemi auquel s'appliqueraient, au nom de la sécurité, un droit
pénal de fond et une procédure pénale attentatoires aux
libertés fondamentales. Au fond de cette problématique se cache
le choix entre un droit pénal de culpabilité - consacré
dans les États de droit - et un droit pénal de dangerosité
- infiltré dans le droit pénal ordinaire».
619 V. sur ce point : G. Giudicelli-Delage,
« Droit pénal de la dangerosité, droit pénal de
l'ennemi », in R.S.C., 2010, n°1, pp. 69-80 : « La
position de Jakobs est qu'il existe déjà un droit pénal de
l'ennemi : son objectif n'est donc pas d'inventer ou de construire un tel droit
mais simplement d'en constater l'existence. Etant précisé, que si
le droit pénal de l'ennemi est souvent compris comme le droit
pénal capable d'affronter les agressions venant des ennemis absolus que
sont les terroristes, il faut se rappeler la date du premier essai de Jakobs,
c'est-à-dire une date antérieure aux attentats du 11 septembre,
et surtout constater que, pour ce dernier, le terroriste n'est que l'exemple
extrême de l'ennemi et que c'est notamment sur la
détention-sûreté allemande que Jakobs a fondé sa
réflexion. La doctrine vise ainsi tous les dangereux et pas seulement
les terroristes ».
620 Par exemple en Amérique : V. A.
Mégie, « La guerre contre le terrorisme : discours, normes et
pratiques au sein d'un ordre politique disloqué», in Ni guerre,
ni paix : enquêtes sur les ordres politiques disloqués,
Congrès
Jakobs a lancé en 1990 l'idée principale de
créer des lois spéciales pour éviter le péril qui
menace la nation et la société face à de véritables
ennemis parfois invisibles comme le
621
terrorisme
. Les événements terroristes du 11 septembre 2001
ont accéléré la création de la
143
législation antiterroriste puisque les attentats du 11
septembre 2001 ont beaucoup motivé de nouvelles lois, procédures
pénales et réglementations policières dans le monde entier
sous forme de la guerre contre le terrorisme, ce qui montre bien à quel
point la lutte antiterroriste est devenue importante et ce qui montre encore
qu'il joue un rôle d'acteur quant à la procédure
622
pénale.
96. Le Liban n'a pas adapté sa
législation. Au Liban, le législateur n'a pas adopté
de lois spéciales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sur le
plan procédural afin de faciliter l'obtention des preuves. Le
législateur libanais n'a pas pris en considération les risques
après les attentats du 11 septembre 2001. La position obscure du
législateur libanais après ces événements peut
être motivée par diverses raisons comme l'absence
d'activités terroristes au Liban. Mais l'assassinat de l'ancien Premier
ministre Rafic Hariri à Beyrouth en 2005 et les crimes antérieurs
et postérieurs mettent de nouveau en question la négligence du
législateur libanais qui n'a jusqu'à maintenant adopté
aucune loi concernant le droit pénal de l'ennemi surtout en
matière de terrorisme malgré son importance dans la lutte contre
le terrorisme et contre la criminalité organisée. Le
législateur libanais a incriminé depuis longtemps les actes de
terrorisme dans le Code pénal libanais. Cependant, le législateur
libanais n'a pas complété la répression des infractions
terroristes dans le Code pénal en améliorant le Code de
procédure pénale libanais pour offrir des outils
spécialisés qui encadrent la recherche des preuves pénales
en matière de lutte contre le terrorisme afin que la justice
établisse la culpabilité du
AFSP (Association Française de Science Politique)
Strasbourg 2011, p. 4 : « À la suite du 11 septembre 2001,
l'administration Bush décide, de construire un arsenal juridique dont
l'objectif est de soustraire les autorités militaires et
policières à ces règles afin de pouvoir répondre
à l'obsession opérationnelle et politique de la chasse aux
renseignements ».
621 V. sur ce point: S. Aubert, «
L'ennemi dans le Livre IV du Code pénal français: approches
comparées », in Revue électronique de l'AIDP /
Electronic Review of the IAPL / Revista electrónica de la AIDP,
(ISSN - 19932995), 2012 A-02:1: « Nous serions tentés dans un
souci de simplification, de situer historiquement ce bouleversement à
l'effondrement des Tours jumelles le 11 septembre 2001. En
réalité, il faut remonter aux écrits de Günther
Jakobs pour voir naître le concept de Feindstrafrechts et plus
particulièrement à un Congrès qui s'est tenu en octobre
1999 ».
622 V. sur ce point: Mireille Delmas-Marty,
« Études juridiques comparatives et internationalisation du droit
», in L'annuaire du Collège de France, 109 | 2010, pp.
603-627 ; Disponible en ligne :
http://annuaire-cdf.revues.org/374:
« Au vu de ces évolutions apparemment convergentes,
l'hypothèse semble plausible d'un effet indirect des attentats du 11
septembre 2001 qui auraient en quelque sorte libéré les
responsables politiques, symboliquement et juridiquement, de l'obligation de
respecter les limites propres à l'État de droit ; et ainsi
déclenché, par une série d'ondes de choc, des mouvements
qui sont d'autant moins contrôlables qu'ils relèvent pour une
large part des interdépendances liées aux
phénomènes d'internationalisation du droit ».
144
prévenu ou de l'accusé. Le Code pénal
libanais du 1er mars 1943, dans son chapitre II, est consacré au
terrorisme et vise les crimes portant atteinte à la
sécurité de l'État et les articles 6 et 7 de la loi du 11
janvier 1958 relatifs à la répression de la sédition, de
la guerre civile et de la lutte confessionnelle incriminent les actes
terroristes et complots en vue d'attenter à la vie humaine. L'article 5
de la loi du 11/01/1958 énonce que « subit les travaux
forcés à perpétuité quiconque s'aventure, dans le
but de commettre ou faciliter l'un des crimes mentionnés dans les
articles précédents ou n'importe quel autre crime contre
l'État, à fabriquer, posséder, s'approprier des
matières explosives ou inflammables, et des produits toxiques ou
brûlants ou des éléments qui entrent dans leur composition
ou leur fabrication ». L'article 6 de la loi du 11/01/1958 dispose
que « tout acte terroriste nécessite les travaux forcés
à perpétuité. Et ce même acte nécessite la
peine capitale dans le cas où il entraîne la mort d'un être
humain ou la destruction entière ou partielle d'un bâtiment dans
lequel se trouve un être humain et dans le cas où il ne
résulte la destruction, même partielle, d'un bâtiment
public, des entreprise industrielle, d'un navire ou d'autres installations ou
aussi l'entrave des moyens des services de renseignements, de la communication,
et du transport ». La législation relative aux drogues permet
aux autorités publiques de rechercher la preuve des infractions qui sont
relatives aux drogues et contre le trafic illicite de stupéfiants par un
mode procédural simplifié et accéléré. Pour
lutter contre l'espionnage et les crimes contre l'État et la nation, en
raison de l'absence de texte spécial qui propose des options de
recherche facilitant la recherche des preuves, le législateur libanais
est appelé à intervenir pour mettre fin à la violation des
droits commis par les services de renseignements militaires et les services de
renseignement des forces de sécurité intérieure pendant la
recherche des preuves et des renseignements dans la lutte contre
l'espionnage militaire et les crimes contre
l'État623. Le législateur devrait combler ce vide
juridique. La lutte contre l'espionnage milliaire souffre du vide juridique qui
se comble au nom de la sûreté nationale par des pratiques
illégales et des atteintes aux droits de l'homme dans le but de
rechercher les preuves. En même temps, le législateur libanais
devrait intervenir afin de lutter légalement plus efficacement contre
l'espionnage en améliorant de façon significative et
légale tous les moyens de rendre plus efficaces la collecte
d'information et la
recherche de preuves des crimes contre la nation et la
sûreté générale de l'État624.
623 Les services de renseignement militaires
libanais ont arrêté plusieurs réseaux
soupçonnés d'espionnage pour le compte d'Israël.
624 Surtout avec la chute des dizaines de
réseaux d'espionnage au Liban en 2009. En fait aucun texte ou loi
organise ou dispose une procédure exceptionnelle dans l'administration
de preuve concernant les infractions d'espionnage militaire qui
nécessitent des dérogations visant à faciliter la
recherche de la preuve pour protéger et préserver la
sécurité nationale.
97. Les traits caractéristiques du droit de la
preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi. Sans doute
une lutte efficace contre la délinquance organisée impose en
effet la mise
625
en oeuvre d'une procédure particulière
. Les opérations sous couvertures constituent une
méthode qui vise à faciliter la recherche de
preuve des infractions graves surtout dans la lutte contre la
criminalité organisée et dans le cadre de la lutte antiterroriste
et antidrogue et parfois pour le renforcement des mesures de lutte des crimes
contre la nation et la sûreté générale de
l'État. Les liens entre la procédure pénale qui englobe
l'ensemble des règles qui gouvernent la recherche de preuve et le droit
pénal sont indissociables puisqu'il n'existe pas de droit
pénal
sans procédure pénale, comme l'affirme M.
Geneviève Giudicelli-Delage
|
626
|
. Le terme de
|
l'ennemi ou de dangerosité dans la procédure
pénale
|
627
|
plus précisément en matière de preuve
|
145
permet d'exprimer la réalité de plusieurs
législations qui légalisent des méthodes et pratiques de
recherches de preuve par des procédés déloyaux par nature
pour certaines infractions afin
628
de faciliter la recherche des preuves d'une infraction.
Certaines pratiques policières non ordinaires qui sont utilisées
dans la recherche des preuves permettent de conclure que c'est un indice
indirect de l'enracinement d'une doctrine pénale qui est basée
sur la dangerosité. Ce qui précède va avoir des
conséquences comme la consécration et le renforcement de
pratiques efficaces dans la recherche des preuves afin de combattre et
d'arrêter les ennemis de l'État qui peuvent mettre en danger et
menacer cette société, pour les présenter devant la
justice
629
criminelle. En droit libanais, la loi numéro 673 du
16/03/1998 relative aux stupéfiants et
625 V. sur la recherche de preuve en
matière de criminalité organisée : W. Mohemed Hagag Ahmed
Abdel-Hafez, La preuve en matière de criminalité
organisée, Thèse de droit, Université de Nantes,
2004.
626 G. Giudicelli-Delage, « Droit
pénal de la dangerosité - Droit pénal de l'ennemi »
in R.S.C., 2010, p. 69 : « ce droit pénal
matériel de l'ennemi s'accompagne d'un droit procédural de
l'ennemi, droit dérogatoire, qui restreint ou annihile les règles
du procès équitable (n'y ont plus cours le droit au juge naturel,
les droits de la défense, le droit au silence, le droit au recours,
etc.) - il raisonne alors principalement sur le terroriste. Le procès
équitable est donc un droit du citoyen, il n'est pas celui de l'ennemi
».
627 V. G. Jakobs, « Aux limites de
l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », in
R.S.C., 2009, n° 1, pp. 7 et s: « Et, également
en parallèle avec le droit pénal de fond, on constate des normes
« de droit pénal de l'ennemi procédurales » : c'est
très flagrant en ce qui concerne la façon dont on traite les
dangers terroristes ».
628 J. Leblois-Happe, X. Pin et J. Walther,
« Chronique de droit pénal allemand » (Période du 1er
janvier 2009 au 31 décembre 2009), in R.I.D.P., 2010/1, Vol.
81, pp. 277-310 : Mme Jocelyne Leblois-Happe considère le droit
pénal de l'ennemi comme « une construction théorique qui
entend expliquer la constance des coups de boutoirs qui ébranlent ces
dernières années l'édifice du droit pénal et de la
procédure pénale classique née des Lumières
».
629 V. sur ce point : G. Guidicelli-Delage
(dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations de
l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice /
Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 4 : « Pour faire
face à la criminalité organisée et au terrorisme, les
enquêteurs et magistrats sont dotés, dans la plupart des pays, de
pouvoirs dérogatoires au droit commun, justifiés par les
difficultés accrues d'établissement des preuves et la
dangerosité de ces organisations criminelles. Ainsi, les principes du
procès
substances psychotropes comporte des dispositions et
procédures qui visent à faciliter la recherche des preuves des
infractions relatives aux drogues et contre le trafic illicite de
stupéfiants et substances psychotropes. Le législateur libanais a
promulgué la loi numéro 318 du 20 avril 2001 qui s'applique aux
infractions qualifiées de blanchiment d'argent provenant d'infractions.
Cette loi vise encore à faciliter la recherche de preuve dans la lutte
contre le blanchiment d'argent. Le blanchiment d'argent trouve sa source dans
les différentes techniques de la criminalité financière
(trafic de drogue, d'armes, extorsion, activités mafieuses, fraudes
fiscales...). En France, la loi du 9 mars 2004 dite Perben II portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a pour
objectif principal de renforcer l'efficacité des règles de
procédure pénale applicables à la délinquance et
à la criminalité
organisées
|
630
|
et la mise en place de moyens d'investigation
supplémentaires pour les officiers
|
de police judiciaire concernant l'infiltration des
réseaux, les écoutes téléphoniques, la
631
perquisition et la garde à vue. Selon M. David
Dechenaud, « la loi du 9 mars 2004 a institué une
procédure ayant vocation à s'appliquer à toutes les
infractions de criminalité organisée. Cette réforme a
introduit un nouveau titre dans le Code de procédure pénale,
relatif à la criminalité et à la délinquance
d'entente (V. art. 706-73 à 706-106 CPP français), dont les
dispositions concernent les crimes et délits aggravés par la
circonstance de bande organisée
ainsi que les infractions qui sont ordinairement le fait de
plusieurs délinquants »
|
632
|
. À son
|
146
tour, Mme Julie Alix souligne que la loi du 9 mars «
a consacré, en droit français, la notion de criminalité
organisée, non définie mais composée d'un certain nombre
d'infractions
équitable sont souvent aménagés ou
écartés en matière de lutte contre le terrorisme et contre
la criminalité organisée ».
630 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
220, pp. 150-151 : « De même, la loi n° 2007-1598 du 13
novembre 2007 a ajouté à l'énumération les
infractions de corruption et de trafic d'influence, auxquelles certaines
règles de procédure applicables à la criminalité
organisée peuvent désormais s'appliquer ». (V. art.
706-1-3 CPP français).
631 V. sur la loi du 9 mars 2004 : P. Kramer,
« La loi Perben II et les évolutions de la justice pénale
», in Etudes, 2005/2, Vol. 402, pp. 175-183, V. spec. pp. 166-177
: « A partir de cet ensemble, est créé un droit
pénal d'exception applicable à cette liste d'infractions
particulièrement graves (une quinzaine : meurtre, enlèvement,
proxénétisme, acte de terrorisme, blanchiment...), quelquefois
commises en bande organisée. Face à ce type de crimes et
délits, considérés comme signe d'une participation, dans
certaines circonstances, à des formes organisées de
criminalité, les enquêteurs peuvent utiliser des moyens de
procédure encore plus coercitifs que ceux qui étaient
déjà disponibles. Ainsi : des perquisitions peuvent intervenir la
nuit ; la durée des garde à vue peut dépasser
quarante-huit heures ; des écoutes peuvent intervenir plus facilement ;
des opérations d'infiltration du milieu par des policiers deviennent
possibles ; un statut des repentis qui collaborent avec la police est
organisé, avec des réductions de peines en leur faveur
».
632 D. Dechenaud, L'égalité
en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008,
Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 220, p. 150.
commises en bande organisée et
énumérées à l'article 706-73 du Code de
procédure pénale.
633
Par cette loi, le terrorisme intègre la
catégorie de la criminalité organisée. ».
B. La nécessité de nouveaux outils
d'administration de la preuve non ordinaire pour certaines infractions
graves.
98. Combattre la criminalité grave et
organisée nécessite un renforcement des outils juridiques.
Mme Julie Alix, dans sa thèse intitulée «
terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations
terroristes » précise que les outils juridiques
d'investigation et de recherche des preuves utilisés dans les cas
normaux et ordinaires qui concernent la criminalité classique
apparaissent inefficaces pour combattre la criminalité grave et
organisée et particulièrement le terrorisme «
traditionnellement, l'enquête de police judiciaire a vocation à
rechercher des indices permettant d'identifier les auteurs d'une infraction
déjà commise, ou dont la commission est imminente. Dans le cadre
d'une criminalité de type « classique », cette enquête
s'inscrit en outre dans une relation entre un auteur et une victime, celle-ci
(ou ses proches) étant le plus souvent la dénonciatrice de
celui-là, et une précieuse source d'information. Ce cadre
classique se révèle totalement inadapté pour lutter contre
les
634
. Le
criminalités collectives et organisées en
général, et contre le terrorisme en particulier »
système juridique doit assurer et renforcer de nouveaux
instruments et outils efficaces d'investigations et de recherche de preuve pour
offrir aux autorités étatiques et judiciaires la capacité
de découvrir le crime terroriste et organisé et ses auteurs
« l'adaptation de la procédure pénale à cet objet
de recherche a conduit le législateur à développer de
nouvelles techniques d'investigation destinées à faciliter
l'information des enquêteurs ainsi que le
recueil des preuves »
|
635
|
. Mme Julie Alix souligne qu'en droit français, dans le
but de faciliter
|
147
la recherche de preuve en matière de terrorisme, le
législateur a renforcé les moyens d'investigation, «
quelle que soit l'autorité chargée des poursuites et de
l'instruction, tous les moyens d'investigation sont renforcés en
matière terroriste, afin d'assurer et de faciliter la
633 J. Alix, Terrorisme et droit
pénal. Étude critique des incriminations terroristes,
Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève
Giudicelli-Delage, 2010, n° 527, p. 418.
634 J. Alix, Terrorisme et droit
pénal. Étude critique des incriminations terroristes,
Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève
Giudicelli-Delage, 2010, n° 519, p. 411.
635 J. Alix, Terrorisme et droit
pénal. Étude critique des incriminations terroristes,
Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève
Giudicelli-Delage, 2010, n° 519, p. 411.
148
découverte des preuves et le renvoi
consécutif des participants devant une juridiction de jugement
»636.
99. La provocation policière dans certains secteurs
graves de la criminalité. Le législateur
par la loi du 19
637
français est intervenu face aux ravages de certaines
formes de la criminalité
décembre 1991 qui a légitimé certaines
pratiques en matière de trafic de drogue, en application de la
convention de Vienne du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de
638
stupéfiants. Selon M. Jean Pradel, ce qui a
été admis pour le trafic de drogue en décembre 1991 a
été étendu aux infractions de criminalité
organisée par la loi du 9 mars 2004. Ensuite, une loi du 5 mars 2007 a
étendu la technique de provocation à d'autres infractions qui,
quoique ne faisant pas partie de la famille de la criminalité
organisée, sont cependant
639
graves . Il y a toutefois une hypothèse où la
provocation policière est licite, c'est celle où l'infraction
relève de la criminalité organisée, mais à la
condition que la manoeuvre serve à révéler l'infraction
pour mieux la prouver, non à la commettre (art. 706-81 s. CPP
français.).
(V. art.
640
Ce système a été étendu par une loi
du 5 mars 2007 à certaines autres infractions
641
706-35-1
|
642
et 706-47-3
|
du CPP français). Deux techniques policières sont
prévues. « 1°
|
636 J. Alix, Terrorisme et droit
pénal. Étude critique des incriminations terroristes,
Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève
Giudicelli-Delage, 2010, n° 465, p. 374.
637 V. sur l'évolution de la
criminalité et la recherche des preuves : A. Jacobs, « La loi du 6
janvier 2003 concernant les méthodes particulières de recherche
et quelques autres méthodes d'enquête », in Rev. Dr.
ULg., 2004/1, Doctrine, pp. 15-69, V. spec. p. 15 : «
L'évolution de la criminalité, en particulier de ce qu'il est
maintenant convenu d'appeler la criminalité grave et organisée, a
amené les services de police à adapter leurs méthodes de
recherche des infractions et de leurs auteurs. C'est ainsi que sont apparus les
repérages et les écoutes téléphoniques,
l'infiltration des milieux criminels par des membres des services de police
sous la forme des pseudo-achats, livraisons contrôlées et autres
techniques tendant à mettre au jour et à constater les trafics en
tous genres, voire à recueillir des informations utiles ».
638 La France a signé la convention de
Vienne le 13 février 1989 et qui est entrée en vigueur le 31 mars
1993, suite à sa publication par décret du 8 mars 1991.
639 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 417, p.
362.
640 J. Pradel, « Procédure
pénale janvier 2006 - décembre 2006 », in D., 2007,
pp. 973 et s.
641 L'article 706-35-1du CPP français
dispose : « Dans le but de constater les infractions
mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12
et 225-12-1 à 225-12-4 du Code pénal et, lorsque celles-ci sont
commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les
preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police
judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire
peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé et
spécialement habilités à cette fin, dans des conditions
précisées par arrêté, procéder aux actes
suivants sans en être pénalement responsables :1° Participer
sous un pseudonyme aux échanges électroniques ; 2° Etre en
contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs
de ces infractions ; 3° Extraire, transmettre en réponse à
une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans
des conditions fixées par décret. A peine de nullité, ces
actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions
».
642 L'article 706-47-3 du CPP français
dispose : « Dans le but de constater les infractions
mentionnées aux articles 227-18 à 227-24 du code pénal et,
lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication
149
C'est d'abord la préparation à la
provocation par le biais de la surveillance. Elle est la
généralisation des livraisons surveillées
pratiquées en matière de trafic de drogues et consiste pour les
enquêteurs à s'immiscer dans des réseaux de criminels pour
en surveiller le fonctionnement et déterminer les membres. Les
enquêteurs doivent avoir informé au préalable le Procureur
de la République, qui ne doit pas s'y opposer, et ils peuvent agir sur
l'ensemble du territoire national, mais seulement à l'égard de
personnes contre lesquelles il existe des raisons plausibles de les
soupçonner d'avoir commis l'une des infractions visées aux
articles 706-73 et 706-74 du CPP français. 2° C'est ensuite la
réalisation de la provocation par l'infiltration. Plus grave, elle ne
peut concerner que les infractions de criminalité
organisée
643
de l'article 706-73.» .
100. Les infiltrations policières en droit
libanais. On désigne ainsi les pratiques par lesquelles des membres
de la police judiciaire observent, sans se faire connaître, certains
agissements délictueux, voire s'associent à ces agissements, dans
le but de mettre la main sur
644
les commanditaires et les auteurs principaux de l'infraction.
En droit libanais, le Code de procédure pénale ne contient aucune
disposition qui autorise l'infiltration policière. Cependant,
l'infiltration dans la lutte contre le trafic de stupéfiants n'est pas
consacrée par la loi numéro 673 du 16/03/1998 relative aux
stupéfiants et substances psychotropes. Tous les actes d'infiltrations
policières sont illégaux en droit libanais parce que cette preuve
est obtenue par un acte de procédure qui ne peut avoir de base
légale.
101.
645
,
Les infiltrations policières en droit français.
La loi du 9 mars 2004 dite Perben II
portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité a profondément marqué la
électronique, d'en rassembler les preuves et d'en
rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant
au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont
affectés dans un service spécialisé et spécialement
habilités à cette fin, dans des conditions
précisées par arrêté, procéder aux actes
suivants sans en être pénalement responsables : 1° Participer
sous un pseudonyme aux échanges électroniques ; 2° Etre en
contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs
de ces infractions ; 3° Extraire, transmettre en réponse à
une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans
des conditions fixées par décret. A peine de nullité, ces
actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions
».
643 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 418, p.
362.
644 J. Leblois-Happe, « La recherche des
preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004
portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg.
645 V. sur l'effet de la loi du 9 mars 2004
sur la recherche de preuve en droit français : C. Marie, « La
montée en puissance de l'enquête », in AJ Pénal,
2004, p. 221 : « Dans un premier temps, c'est pour les
infractions de terrorisme, de proxénétisme, de trafic de
stupéfiants, « bêtes noires » du droit pénal,
qu'un régime procédural, fortement dérogatoire, notamment
quant à la recherche des preuves, a été mis en place par
le législateur. La loi
procédure pénale française en
introduisant nombre de nouvelles techniques de preuve utilisables dans le cadre
d'une procédure spécifique en matière de
criminalité organisée, de
terrorisme et de stupéfiants
|
646
|
. L'infiltration policière est
réglementée
|
647
|
, depuis la loi du 9
|
150
mars 2004, par les articles 706-81 et suivants de cette loi.
Cette procédure d'infiltration est donc applicable aux seules
criminalité et délinquance organisées. Dix-huit
infractions, dont le trafic de stupéfiants, sont visées à
l'article 706-73 du CPP français qui établit le champ
d'application des textes spéciaux. A peine de nullité, en
application de l'article 706-81 du CPP français, l'autorisation
d'infiltration donnée par le Procureur de la République ou par le
juge d'instruction doit être écrite et spécialement
motivée. « La procédure d'infiltration doit être
autorisée soit par le Procureur de la République (par
décision motivée et écrite) en cas d'enquête
préliminaire ou de flagrance, soit par le juge d'instruction (en cas
d'instruction déjà ouverte) et après avis du procureur.
Dans ce type d'enquête, les policiers pourront transporter de la drogue,
en acquérir afin de faire tomber des délinquants, sans que
leurs
648
.
actes puissent faire l'objet de poursuites »
102. Les livraisons surveillées de stupéfiants
en droit libanais. Le recours à cette technique
649
participe de la nécessité du
démantèlement du réseau de trafiquants. Sans
hésitation les livraisons surveillées constituent des
provocations à la preuve en matière de stupéfiants. En
, l'article 220 de la loi n° 673 du 16/03/1998 relative aux
stupéfiants et
650
droit libanais
substances psychotropes autorise le recours à des
livraisons surveillées avec la permission du procureur
général près la Cour de cassation et le directeur
général des douanes afin d'identifier les individus
impliqués dans ces crimes et d'engager des poursuites à leur
encontre. Il existe
n° 2004-204 du 9 mars 2004portant adaptation de la
justice aux évolutions de la criminalité renforce cette
tendance».
646 V. M. Schwendener, « L'action de la
police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté
», in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « Pour
garantir une mise en oeuvre sécurisée des opérations
d'infiltrations, qui soit à la fois conforme aux textes et au principe
de loyauté, le décret n° 2004-1026 du 29 septembre 2004 a
porté création, au sein de la Direction centrale de la police
judiciaire, du Service interministériel d'assistance technique (SIAT).
Ce service est le seul habilité à recruter, former et habiliter
les fonctionnaires de la police nationale ou de la douane ou les militaires de
la gendarmerie pouvant participer aux opérations d'infiltration. Il
centralise par ailleurs les informations relatives à ces
opérations demandant un grand professionnalisme en raison des risques
encourus par ceux qui y participent ».
647 V. D. Thomas et al., « Les
transformations de l'administration de la preuve pénale », in
Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. pp. 118-119
: « En encadrant strictement certaines pratiques policières -
telle l'infiltration -, le législateur français a enfin pris
conscience de la nécessité de protéger le principe de
loyauté qui constitue incontestablement la règle fondamentale
devant régir l'administration de la preuve ».
648 C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 254, p. 180.
649 J. Ngoba, Le droit de la drogue au
Cameroun: Analyse d'une réforme législative, L'Harmattan,
2010, p. 43.
650 La technique des livraisons
surveillées est communément considérée comme une
invention américaine.
151
encore des opérations de surveillance passive connues
sous le nom de livraisons accompagnées de stupéfiants. Le droit
libanais ne connaît pas les livraisons accompagnées de
stupéfiants par les policiers.
103. Livraisons surveillées en droit
français. En matière de criminalité et de
délinquance organisées, les opérations dites de
« livraisons surveillées », autrement dit les
surveillances passives des réseaux d'acheminements de biens ou produits
tirés de la commission d'une infraction de l'article 706-73 du CPP
français, sont prévues à l'article 706-80 de ce
même
651
code, et ne sont pas contraires au principe de
loyauté. Ces surveillances passives, qui peuvent impliquer les polices
de plusieurs pays, ont pour but d'identifier ou de localiser les membres et
structures des réseaux criminels, en n'intervenant que lorsque les biens
arrivent à
652
.
leur destination finale
104. Les livraisons surveillées et les livraisons
accompagnées de stupéfiants en droit français. La loi
du 9 mars 2004 autorise, à certaines conditions, les livraisons
surveillées et les livraisons accompagnées de stupéfiants
par les policiers et les gendarmes. Les livraisons surveillées sont des
opérations de surveillance passive qui permettent aux enquêteurs
de différer leur intervention et de remonter la filière, dans le
but d'identifier et d'arrêter les
commanditaires et les destinataires du trafic (et pas
seulement des convoyeurs)653. Elles sont subordonnées
à l'information préalable du procureur de la
République (enquête) ou du juge d'instruction (information). Les
livraisons accompagnées sont, elles, des opérations actives
651 L'article 706-80 du CPP français
dispose : « Les officiers de police judiciaire et, sous leur
autorité, les agents de police judiciaire, après en avoir
informé le Procureur de la République et sauf opposition de ce
magistrat, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la
surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons
plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes et
délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74
ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou
produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à
les commettre. L'information préalable à l'extension de
compétence prévue par le premier alinéa doit être
donnée, par tout moyen, au Procureur de la République près
le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de
surveillance sont susceptibles de débuter ou, le cas
échéant, au Procureur de la République saisi en
application des dispositions de l'article 706-76 ».
652 M. Schwendener, « L'action de la
police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté
», in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s.
653 V. B. Bouloc, « Les abus en
matière de procédure pénale », in R.S.C.,
1991, p. 221 : « Ainsi le fait de se présenter comme un
acheteur potentiel de drogue et de constater une infraction à la
législation sur les stupéfiants est-il pleinement admis, dans la
mesure où le policier n'as pas été l'élément
déterminant ou moteur de l'opération. Sans doute, en ce cas, la
volonté du délinquant n'a pas été infléchie
par telle pression, de sorte qu'on ne saurait parler de « contrainte
», mais il reste que le procédé de constatation est un peu
en marge de la méthode officielle : un agent de l'État doit
opérer de manière visible et loyale, les insignes de sa fonction
devant être apparents... ».
152
d'infiltration destinées à procéder
à l'arrestation de l'ensemble des responsables du trafic. Elles
nécessitent l'autorisation préalable du Procureur de la
République (ou du juge d'instruction). La loi du 9 mars 2004
étend, à compter du 1er octobre 2004, le recours aux
techniques d'infiltration à la lutte contre la criminalité et la
délinquance organisées (art. 706-
80 et s. CPP)654. L'infiltration est, elle,
réglementée par l'article 706-81 à 706-87 CPP
français. Elle est subordonnée à l'autorisation
écrite préalable et motivée du Procureur de la
République (enquête) ou du juge d'instruction (instruction),
autorisation donnée pour
655
une durée de quatre mois maximum mais renouvelable
indéfiniment. L'autorisation de procéder à une livraison
contrôlée ne crée pas de présomption de
régularité de la procédure. La provocation à
l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le
prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu'elle
procède de manoeuvres de nature à déterminer les
656
agissements délictueux portant ainsi atteinte au principe
de la loyauté des preuves. La
657
frontière entre qualités manoeuvrières et
déloyauté caractérisée est délicate à
déterminer. Sans doute, la provocation policière peut exercer
quelque influence sur la volonté criminelle
658
du délinquant. Au plan procédural, il s'agit de
savoir si l'attitude policière (provocation) n'est pas de nature
à vicier la procédure en raison de l'atteinte qu'elle porterait
au principe de
659
.
la loyauté de preuves
105. Le Conseil constitutionnel français sanctionne
l'inconstitutionnalité partielle de la loi du 9 mars 2004. Sans
doute, le Conseil constitutionnel reste le garant essentiel du respect des
droits fondamentaux de l'homme et d'un procès équitable dans le
procès pénal d'un État de droit : « Le juge
constitutionnel est, d'un côté, le garant du respect des principes
essentiels qui constituent l'essence de l'État, et il est, d'un autre
côté, le garant des droits de l'Homme, qui appartiennent aussi
à ces principes et constituent l'un des piliers des
démocraties
654 J. Leblois-Happe, « La recherche des
preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004
portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg.
655 J. Leblois-Happe, « La recherche des
preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004
portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut
d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg.
656 Cass. crim., 5 mai 1999, « La
provocation à l'infraction par un douanier peut-elle exonérer le
prévenu de sa responsabilité pénale ? », in D.,
1999, p. 325.
657 P. Gagnoud, L'enquête
préliminaire et les droits de la défense, Thèse de
droit, Université Nice Sophia-Antipolis, 1997, n° 206, p. 295.
658 F. Démanya Akouete,
L'enquête préliminaire dans la procédure pénale
Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p.
112.
659 F. Démanya Akouete,
L'enquête préliminaire dans la procédure pénale
Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p.
114.
modernes »
660
. Selon une formule classique, le Conseil constitutionnel dans
une décision
153
n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 sur la loi relative
à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la
sûreté de l'État, rappelle dans (§12) qu': «
il est loisible au législateur, compétent pour fixer les
règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de
la Constitution, de prévoir des règles de procédure
différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles
elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas
de discriminations injustifiées et que soient assurées aux
justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du
principe des droits de la défense ». Dans sa décision
du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel sanctionne
l'inconstitutionnalité partielle de ce texte en invalidant deux
661
dispositions et en faisant sept réserves
d'interprétation quant à son application. Le Conseil
constitutionnel réaffirme que « si le législateur peut
prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater
des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité
particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les
auteurs, c'est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le
respect des prérogatives de l'autorité judiciaire, gardienne de
la liberté individuelle et que les restrictions qu'elles apportent aux
droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la
manifestation de la vérité, proportionnées à la
gravité et à la complexité des infractions commises et
n'introduisent pas
662
.
de discriminations injustifiées »
Conclusion du chapitre II
106. La recherche de la vérité reste le
principal objectif dans un procès pénal afin de produire des
éléments de preuve susceptibles de convaincre et de persuader le
juge qui va rendre le jugement. Donc, la preuve vise à la manifestation
de la vérité et à la condamnation de l'auteur de
l'infraction. Pour ce faire, la liberté dans la recherche de la preuve
constitue le principe qui domine la procédure pénale afin de
faciliter cette lourde tâche face à la
660 K. Roudier, Le contrôle de
constitutionnalité de la législation antiterroriste. Étude
comparée des expériences espagnole, française et
italienne, Thèse de droit, Université du sud Toulon-Var,
2011, p. 1.
661 V. sur ce point : P. Kramer, « La
loi Perben II et les évolutions de la justice pénale »,
in Etudes, 2005/2, Vol. 402, pp. 175-183, V. spec. p. 177 : «
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004, a
validé cette approche dans sa quasi-totalité, en
considérant qu'il y avait une proportionnalité entre les moyens
nouveaux de procédure et les risques que font peser sur la
société les activités délinquantes
structurées ».
662 Décision n° 2004-492 DC du 02
mars 2004, Journal officiel du 10 mars 2004, p. 4637, Le Conseil
constitutionnel Décide : Article premier.- Sont déclarées
contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi
portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
: - à l'article 1er, l'article 706-104 nouveau du Code de
procédure pénale ; - à l'article 137, les mots : " en
chambre du conseil " à la fin de la première phrase du second
alinéa de l'article 495-9 nouveau du Code de procédure
pénale.
154
présomption d'innocence qui signifie que la charge de
la preuve repose entièrement sur les épaules de l'accusation.
Cependant, le principe de la liberté de preuve n'est pas absolu
puisqu'il comporte des limites. En effet, l'administration de la preuve doit
respecter le principe de loyauté. Le principe de loyauté dans la
recherche de la preuve en matière pénale représente une
limite et restriction à la liberté de la preuve qui domine la
procédure pénale libanaise et française. En dépit
de l'absence de consécration législative du principe de
loyauté en droit libanais et français, dans un État de
droit, la recherche et le recueil des éléments de preuve doivent
se faire dans le respect du principe de loyauté. L'obtention de la
preuve ne doit pas se faire au prix de violations de la loyauté parce
que la preuve ne saurait être recherchée par n'importe quel moyen
et à n'importe quel prix. L'objectif louable de recherche de la
vérité dans le procès pénal ne doit pas justifier
l'emploi de n'importe quels moyens. La loyauté fait appel à
l'honnêteté et la droiture dans la recherche de preuve, ce qui a
poussé certains auteurs à considérer le principe de
loyauté d'inspiration essentiellement morale. La loyauté dans la
recherche de la preuve pénale est un principe jurisprudentiel
dégagé par la Cour de cassation française dans un
arrêt de principe en 1888, l'affaire Wilson, puis dans l'arrêt
Imbert rendu le 12 juin 1952 qui a confirmé la naissance du principe de
loyauté dans la recherche de preuve pénale et qui a
contribué à éclaircir quelques points d'ombres concernant
le champ d'application du principe de loyauté. Dans l'affaire Imbert, la
Cour de cassation française a généralisé la
portée de ce principe de loyauté dans la recherche de preuve. Le
principe de loyauté en droit libanais et français n'est pas
consacré d'une façon directe et textuelle, ce qui fait de la
loyauté un principe controversé. Malgré sa place et son
importance dans la recherche de la preuve pénale, il semble que le
principe de loyauté en droit libanais et français connaisse un
déclin ou une faiblesse, comme l'affirment certains pénalistes et
comme l'affirme implicitement son application par la chambre criminelle des
cours de cassation française et libanaise. Plusieurs facteurs ont
contribué au déclin du principe de loyauté en droit
libanais et français. Parmi les facteurs qui ont probablement
contribué à ce déclin, on note : l'absence de
consécration législative expresse en droit libanais et
français, l'application trop stricte du principe de la liberté
dans la recherche de preuve et la liberté totale du juge quant à
l'appréciation des éléments de preuve. De surcroît,
l'application variable du principe de loyauté de la preuve qui n'a pas
un caractère absolu et ne s'impose pas de la même manière
sur l'ensemble des acteurs du procès pénal a contribué
sans doute au déclin du principe. Parallèlement, la
découverte de la vérité ramène le procès
pénal à un duel entre deux idées philosophiques. Le
premier principe est la morale selon Kant : « la fin ne justifie
jamais les moyens ». Le deuxième est selon l'expression
Machiavélienne l'opposé : « la fin justifie les moyens
». En principe, dans un État de droit comme au Liban et en
France, dans la recherche
155
et l'administration des preuves pénales, la fin ne doit
pas justifier l'utilisation de n'importe quel moyen comme l'utilisation de
procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes en
vue de réunir des éléments de preuve. Par exemple la
tromperie dans la constitution de la preuve et la provocation à la
commission d'une infraction sont interdites pour être
considérées comme des procédés déloyaux.
Pourtant, une distinction apparaît entre une provocation à la
commission d'une infraction et une provocation à la preuve de
l'infraction. La jurisprudence au Liban et en France est plus souple et
tolérante quand il s'agit d'une provocation à la preuve qui est
considérée un procédé loyal par nature. Bien qu'on
ne puisse parler d'ennemis dans un État de droit, et qu'il n'y ait que
des délinquants face à la loi, le droit pénal de la
dangerosité et le droit pénal de l'ennemi ont conduit à
l'émergence progressive de la preuve pénale de la
dangerosité ou de l'ennemi et ont fini par pousser les
législateurs libanais et français à adopter partiellement
le principe selon lequel : « La fin justifie les moyens »
dans la procédure pénale. Mais cela reste l'exception
à la règle face à l'évolution du
phénomène de la criminalité organisée et la
nécessité de trouver nouveaux moyens de lutte contre certaines
infractions graves, notamment liées au terrorisme, au trafic de
stupéfiants, au crime organisé. Afin de faciliter la recherche
légale de preuves de certaines infractions graves, les
législateurs libanais et français ont décidé
d'adopter une législation spécifique contenant des
dérogations visant à faciliter la recherche de la preuve, comme
au Liban la loi numéro 673 du 16/03/1998 relative aux stupéfiants
et substances psychotropes et en France, la loi du 9 mars 2004, portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite
Perben II. Ces lois couvrent les vices de loyauté, c'est-à-dire
que la loi légalise la recherche de la preuve déloyale comme les
infiltrations policières et les livraisons surveillées de
stupéfiants. Donc, les législateurs libanais et français
ont tenu compte de la nécessité pratique urgente d'adopter des
procédures pénales d'exception dans la recherche de la preuve
lorsque l'infraction est grave.
Titre II
Notion de preuve illégale
107. La nécessité de recourir à la
notion de preuve illégale. Comment peut-on distinguer la preuve
illégale ? Quels sont les moyens de preuve qui constituent une violation
du principe de légalité de la preuve pénale ? Le principe
de légalité de la preuve évolue-t-il avec
l'évolution des modes de recherche des preuves en matière
pénale ? La recherche de la preuve est indubitablement la base sur
laquelle s'articulent les règles des procédures pénales.
Ces procédures sont multiples et diverses dans les différentes
étapes du procès pénal, soit les étapes de
l'investigation, l'enquête et le jugement, et doivent respecter le
modèle défini dans
663
le Code de procédure pénale.
108. Exemplaires et formes de transgression de
légalité de la preuve. Les transgressions du principe de
légalité de la preuve pénale consistent en des
transgressions afférentes à la forme requise par le
législateur lors de l'application des procédures pénales.
Nous n'évoquons ici que les procédures pénales qui visent
directement ou indirectement la recherche de la preuve pénale. En outre,
pendant la phase de jugement, les preuves réunies durant l'instruction
préparatoire et les preuves qui sont recueillies exclusivement pendant
la phase de jugement doivent respecter les règles et les formes
essentielles du procès équitable, c'est-à-dire les
principes généraux qui régissent les procès dans la
phase de jugement comme le principe de la publicité des audiences,
l'oralité (la preuve fait l'objet d'un débat contradictoire et
public) et le respect du contradictoire (la preuve soumise au débat
contradictoire entre les parties au procès pénal). Les preuves
qui ne respectent pas les principes généraux qui dominent la
phase de jugement (publicité, oralité, contradictoire) sont des
preuves illégales. Le droit à un procès
équitable, inscrit à l'article 6 de la Convention
européenne
|
664
|
, recouvre de nombreux
|
156
éléments. Parmi eux, se trouvent des droits
procéduraux intéressant spécialement la preuve
663 Dans la présente recherche, nous
nous focalisons sur les transgressions et les violations de la loi qui ont lieu
lors de l'application des procédures pénales relatives à
la recherche de la preuve pénale, car il y a certaines procédures
pénales ordinaires qui ne se rapportent pas à l'identification et
la recherche de la preuve pénale, ici, il s'agit des procédures
appelées par certains les procédures non essentielles qui ne
concernent pas la légalité de la preuve pénale, dites
réglementaires ou directives ou d'orientation, qui ne touchent pas
à la liberté des individus, et n'ont rien à voir avec la
preuve pénale, qui ne se rapportent pas à notre sujet.
664 Le droit à un procès
contradictoire (article 6 § 1 et § 3 de la Convention
européenne).
157
665
pénale comme le principe du débat
contradictoire. Il existe d'autres transgressions du principe de
légalité de la preuve lorsque la méthode ou le moyen qui a
causé l'obtention de la preuve résulte de la violation des
principes généraux, telle que celle qui protège
l'inviolabilité de la vie privée de l'individu ou du suspect.
L'inviolabilité de la vie privée de l'homme requiert son droit de
garder la confidentialité de sa vie. Ainsi, le droit à la
confidentialité est une qualité inhérente au droit
à la vie privée, qui en est inséparable. Par ailleurs, le
moyen d'obtention de la preuve ne doit pas avoir touché, affaibli ou
enfreint la sécurité corporelle et morale de la personne soumise
au procès pénal. D'où l'interdiction de toutes formes de
contrainte matérielle et morale à l'encontre de cette personne.
L'utilisation de certaines méthodes sophistiquées dans la
recherche de la preuve, notamment les méthodes scientifiques, et la
problématique de la violation des droits de l'homme, sont ainsi des
sujets de discussion. De plus, l'obtention de la preuve pénale doit
vraiment garantir le respect de tout ce qui a trait aux droits inhérents
à la personne, c'est-à-dire l'inviolabilité de son
domicile et la confidentialité de ses contacts et le respect des droits
de défense qui sont prévus par le droit positif. Si la personne
qui effectue la recherche de la preuve pénale s'engage à
respecter ces règles, la preuve devient légale et
l'évaluation de sa force probante comme une preuve est soumise à
l'examen minutieux et à l'estimation du juge du procès ainsi
qu'à la liberté de ce dernier. La recherche de la preuve
pénale en respectant ces principes précédemment
énumérés n'est en aucun cas un idéal, mais
plutôt une obligation légale, et ceci est, en fait, la mise en
oeuvre saine et judicieuse du principe de légalité de la preuve
pénale, qui dispose que l'obtention de toute preuve doit se faire
moyennant une méthode légale et non contraire au texte de loi.
109. Notion de l'illégalité de la preuve.
Le terme de preuve illégale, au sens où M.
Jérôme Benedict l'entend, est un raccourci qui recouvre une
réalité plus complexe : 1° : l'illégalité
provient tantôt de l'inobservation d'une disposition légale,
tantôt du non respect d'un
666
« principe général »
applicable à la procédure pénale . Parmi ces
« principes généraux » figurent notamment
selon M. Jérôme Benedict le principe du respect de la
dignité humaine, les principes de la bonne foi et de la
proportionnalité, le droit fondamental à la liberté
667
personnelle ou encore le droit d'être entendu. Ainsi, la
protection de la dignité humaine est un impératif qui l'emporte,
de l'avis de la doctrine et de la jurisprudence. Le principe de la
665 V. sur le principe du contradictoire :
M.-A. Frison-Roche, Généralités sur le principe du
contradictoire, Thèse de droit, Université Paris II,
1988.
666 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
21.
667 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
21.
bonne foi interdit au juge les procédés
fondés sur la ruse. Le droit fondamental à la liberté
personnelle prohibe les actes qui y portent atteinte et qui ne reposent pas sur
une base
668
légale
. Le droit d'être entendu implique la faculté
laissée au prévenu ou à son défenseur de
poser des questions aux témoins, au moins une fois au
cours du procès
|
669
|
. 2° : la violation
|
158
d'une règle de forme légale en matière de
preuve est plus remarquable, mais la disposition légale violée
peut être une règle de fond ou une règle de
procédure. Cette distinction revêt une importance pratique car, en
effet les critères d'admission ou d'exclusion des preuves
illégales
. 3° : la
670
varient suivant la nature de la règle juridique comme
affirme M. Jérôme Bénédict
preuve illégale peut être le résultat
d'une violation d'une obligation positive ou d'une obligation négative
durant la mise en oeuvre de la procédure qui vise à faciliter la
recherche de la preuve. « L'illégalité résulte
soit de la violation d'une interdiction, c'est-à-dire d'une règle
négative, soit de la transgression d'une règle positive fixant
les conditions de la recherche et
de l'administration des preuves ». 4° :
l'illégalité a trait soit à la preuve elle-même,
soit aux
671
conditions dans lesquelles elle a été obtenue ou
administrée. Ainsi, la narco-analyse est
672
prohibée en elle-même . 5° : la violation de
la loi peut être commise de plusieurs façons différentes.
« La loi peut être violée tantôt lors de la
recherche des preuves, tantôt lors de leur administration aux
débats » (c'est-à-dire au moment où elles sont
soumises à l'appréciation
du tribunal)673. 6° : les acteurs qui
produisent des preuves illégales sont encore multiples : les parties au
procès pénal (on pense à la partie publique et aux parties
privées) peuvent produire des preuves illégales pendant le
déroulement du procès pénal. «
L'illégalité peut aussi bien
674
être le fait de particuliers que des organes de
l'état ». Le Code de procédure pénale est
considéré comme un fondement essentiel pour la protection des
droits de l'homme et ses libertés. L'illégalité de la
preuve pénale est répartie en deux parties : la première
concerne la transgression des règles procédurales définies
dans le Code de procédure pénale qui vise la collecte de preuves
et sa quête. Ici, il sera procédé à la
définition des procédures prévues dans le Code de
procédure pénale libanais et français, qui visent
exclusivement à la recherche de la preuve et à la
présentation des aspects de son illégalité. Il sera
question ici dans ces lignes de
668 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
669 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
670 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
671 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
672 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
673 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
674 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 23.
159
la preuve obtenue en violation du droit au respect de la vie
privée675 (écoute d'appels téléphoniques
et l'enregistrement de conversations). C'est ce qui sera étudié
dans le premier chapitre portant sur la preuve entachée d'une
illégalité formelle (Chapitre I). Quant au deuxième type
d'illégalité de la preuve pénale, il s'agit de ses
applications par l'usage de moyens de quête de la preuve non conforme au
respect des droits essentiels de l'homme. Ici, il s'agit de l'obtention de la
preuve pénale par la violation du droit du suspect ou l'accusé
à sa sécurité corporelle (par la torture par exemple) ou
de son corps (analyses et utilisation du
sérum de vérité, du détecteur de
mensonges ou de l'ADN)676. L'illégalité de la preuve
pénale trouve sa source dans les éléments de preuve
obtenus illégalement en violation des droits fondamentaux, notamment la
dignité humaine. Le deuxième chapitre porte sur la preuve
entachée d'une illégalité matérielle. (Chapitre
II).
675 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : «
Il ne doit pas non plus y avoir d'atteindre à l'intimité de la
personne poursuivie par des procédés modernes de surveillance...
».
676 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : «
Il ne doit pas être porté atteinte à
l'intégrité physique de la personne poursuivie, que ce soit par
la torture ou par des procédés plus modernes qualifiés de
scientifiques qui représentent eux-aussi une violence infligée
à la personne ».
160
Chapitre I
Preuve entachée d'une illégalité
formelle
110. La question de l'illégalité.
Comment déterminer de manière précise et de façon
judicieuse le concept ou la notion de la preuve illégale dans le
procès pénal ? Une question qui demeure ouverte : comment peut-on
définir la notion de l'illégalité d'une procédure
qui vise à la recherche des éléments de preuve dans le
cadre d'une procédure pénale ? Plus précisément,
comment définir la notion d'une preuve illégale ou la notion de
preuve illicite ou irrégulière ? Plusieurs termes sont
utilisés pour signifier qu'une procédure est incorrecte ou qu'un
acte s'est déroulé d'une façon non conforme à la
loi. C'est ce qu'on appelle exactement une procédure illégale ou
irrégulière. On dit aussi qu'un acte de procédure est
entaché d'une illégalité formelle ou matérielle. Au
sens large, durant la recherche de preuve, les actes de procédure
pénale peuvent être entachés d'irrégularités,
lorsqu'un certain nombre d'éléments de preuve
677
ont été recueillis à la suite d'une
action illégale ou irrégulière. Le thème
présente un intérêt certain en ce sens que la sanction des
irrégularités dans la conduite du procès pénal est
apparue comme étant un gage essentiel de garantie du procès
équitable qui est une exigence fondatrice inévitable et
fondamentale participant largement à la consécration de
l'État de droit. Mais il est nécessaire de trouver un
critère qui permet de limiter la notion de preuve illégale parce
qu'on ne peut pas considérer que n'importe quelle preuve entachée
d'un vice sera considérée comme une preuve illégale
même si le vice ne porte pas atteinte aux droits et aux principes
généraux en matière pénale. Quels sont les sources,
les origines et les causes d'une illégalité ?
L'illégalité de la preuve trouve sa source dans la
méconnaissance de la légalité procédurale,
c'est-à-dire la méconnaissance des règles de
procédure pénale et des principes généraux de la
procédure pénale. On parle ici des grands principes gouvernant la
preuve pénale qui sont intimement liés à la recherche et
à l'administration de la preuve pénale. La première
section de ce chapitre porte sur les procédés de preuve portant
atteinte à la légalité procédurale (section 1). La
seconde section de ce chapitre porte sur les procédés de preuves
portant atteinte à l'intimité de la vie privée (section
2).
677V. sur ce point : Jean Du
Jardin, Il s'agit des conclusions que M. J. Du Jardin, avocat
général Belge, avait prononcées dans une affaire fiscale
en cause Vande Vyvere et consorts, soumis à la Cour de cassation Belge
(Cass. 13 mai 1986, Pas., 1987, p. 1107). : « Sous le
régime de l'administration libre de la preuve en matière
pénale, les éléments probants ne peuvent pas être
recueillis d'une manière illégale. ... Il est à
l'évidence, interdit aux organes du pouvoir d'agir, non seulement en
violation d'un texte formel de la loi mais aussi d'une manière
irrégulière, c'est-à-dire en violant les principes
généraux du droit, ... ».
161
Section I.
Les Procédés de preuve portant atteinte
à la légalité procédurale.
111. Les sources de l'illégalité
procédurale. Les différentes sources de
l'illégalité de la preuve qui affectent un moyen de preuve
pénale peut avoir deux origines : la première résulte soit
de la violation d'une règle juridique dont l'objectif est d'interdire ou
de soumettre à des conditions précises la recherche de telle
preuve, soit du manquement à une règle de procédure
678
relative à son administration.
L'illégalité de la preuve peut puiser son origine dans la
violation des principes liés la notion de procès
équitable. Le droit à un procès équitable est une
notion multiple, composée de plusieurs principes. En ce sens, la
légalité de la preuve est étroitement liée au
principe de l'oralité des débats avec le respect du principe du
débat
679
contradictoire et la publicité des débats
à l'audience. L'accusé doit pouvoir débattre et contredire
les arguments et preuves avancés par l'autre. Ce qui impose aujourd'hui
que les
680
.
éléments de preuve soient produits en audience
publique, en vue d'un débat contradictoire
681
.
La preuve ne doit pas être obtenue en atteinte aux
droits de la défense. L'utilisation des preuves ainsi obtenues en
violation des principes précédents rend la preuve
illégale
§ 1. Preuve illégale résultant de
l'inobservation de la loi.
112. Preuve recevable en justice. Dans un
État de droit, la manifestation de la vérité
d'après la recherche de preuve, se déroule conformément
à la procédure prescrite par la loi surtout selon le Code de
procédure pénale qui organise la procédure de la
découverte de la
678 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
19.
679 V. en ce sens : G. Guidicelli-Delage
(dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations
de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice /
Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 2: «
Procéduralement, la montée des standards communs du procès
équitable est indéniable. Elle se marque par une
constitutionnalisation et/ou conventionnalisation de plus en plus forte du
droit de la preuve, par un développement des droits de la
défense, du principe du contradictoire et de l'oralité, ...
».
680 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Les transformations de
l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice /
Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 7.
681 V. sur ce point : F. El Hajj Chehade,
Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du
Maine, 2010, p. 200: « Si la recherche des preuves n'est pas toujours
marquée par une obligation de loyauté, le respect des droits de
la défense et le principe du contradictoire imposent la loyauté
lors de la discussion des preuves ».
162
vérité et le rassemblement des preuves d'une
infraction contre un criminel. Donc, l'acte de procédure non conforme
à la loi qui vise à amasser des preuves est contraire au principe
de la légalité de preuve pénale. Pendant la recherche de
la preuve, il existe un formalisme à respecter qui est prévu par
le Code de procédure pénale pour que la preuve soit
légalement admise. L'obtention de preuves peut prendre plusieurs formes,
le problème réside essentiellement dans la légalité
de l'obtention de la preuve et non dans la crédibilité de la
preuve. Il s'agit d'une formalité qui vise notamment à garantir
la légalité et la régularité de la preuve pour
assurer le droit à un procès équitable et les droits de la
défense à toutes les personnes soupçonnées ou
poursuivies dans une affaire pénale. Une question se pose : le
non-respect d'une formalité substantielle entache-t-il la preuve d'une
illégalité ou irrégularité? Quelles sont les
conséquences du non-respect de cette formalité procédurale
sur l'admissibilité de la preuve?
682
113. L'importance du respect des règles de forme.
Les formalités de la procédure pénale assurent une
application exacte de la loi sans risque d'arbitraire ou excès de
pouvoir qui menace les droits de la défense, et les libertés
individuelles pendant l'accomplissent des actes
683
de procédure qui visent la recherche de la preuve de
l'infraction et son auteur. La recherche et l'administration de la preuve
pénale doivent respecter les règles de forme de procédure
car le respect de ces règles garantit au prévenu et accusé
le droit à un procès juste et équitable et en même
temps lui permet d'exercer efficacement et effectivement ses droits de la
défense. C'est-à-dire qu'il offre au prévenu ou
accusé pleinement la possibilité d'exercer les droits
attachés à sa défense. Le non-respect d'une règle
de forme peut entraîner la nullité de l'acte de
684
procédure qui vise au rassemblement des preuves. La
procédure pénale vise à organiser
682 V. E. Vergès, « Rigueur du
formalisme procédural et respect du droit au procès
équitable », observations sous CEDH 26 juillet 2007 Walchi c/
France, in R.P.D.P., 2007-4, p. 893 : « le formalisme
procédural est traditionnellement conçu comme un facteur de
protection des droits fondamentaux dans le procès pénal
».
683 V. R. Garraud et P. Garraud,
Précis de droit criminel, contenant l'explication
élémentaire de la partie générale du Code
pénal, du Code d'instruction criminelle et des lois qui ont
modifié ces deux codes, Société anonyme du Recueil
Sirey, 1926, p. 111 : MM. René Garraud et Pierre Garraud expliquent le
rôle des formalités dans la procédure pénale en
écrivant : « Le but de la procédure pénale est
d'assurer la complète manifestation de la vérité
judiciaire en protégeant, par les formalités dont elle entoure la
poursuite, l'instruction et le jugement, l'intérêt de l'accusation
et l'intérêt de la défense ».
684 V. R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, Cujas, Paris, 1967, n° 125 et s., pp. 138-139 :
« La règle de droit pénal de forme a pour objet
d'assurer la mise en oeuvre concrète de la justice criminelle, c'est
à dire l'application, aux personnes poursuivies des règles de
droit pénal de fond. Elles atteignent leur but d'une double
façon. En premier lieu, elles établissent un certain
ordonnancement judiciaire, en instituant des juridictions répressives
dont elles déterminent les rouages et l'agencement interne. D'autre
part, elles organisent le déroulement des procès. Elle
apparaît sous forme de normes d'organisation, de normes de
compétence et de normes processuelles ou d'activité
».
163
685686
légalement la recherche de la preuve, d'où la
nécessité de respecter les formalités prescrites par loi
sans que le législateur ajoute chaque fois à la fin de chaque
article le terme « sous peine de nullité », parce que
la recherche de preuve doit être effectuée conformément aux
règles de procédure matérielle et formelle qui organisent
les différentes formes d'actes de procédure. « Il ne
saurait être question d'évoquer tous les textes de fond ou de
forme dont la
687
violation peut aboutir à déclarer
illégale la preuve produite ». La formalité dans la
procédure pénale, notamment dans la recherche de preuve,
revêt une importance essentielle lorsque la forme de la procédure
a pour objectif d'assurer le caractère équitable du
procès, les droits de la défense et pour limiter les abus de
pouvoir et l'arbitraire. En droit libanais et français, le régime
de nullité en matière pénale est mixte, la loi qui
prévoit une formalité indique parfois qu'elle est requise
à peine de nullité et parfois ne l'indique pas
expressément. La violation des règles de procédure non
prescrites expressément à peine de nullité pose la
question de la légalité de la preuve obtenue en violation
à ces règles. L'absence des termes « à peine de
nullité » conduit plusieurs auteurs à constater que la
formalité procédurale ne doit pas être respectée
sauf si elle est prévue «à peine de nullité
». Mais cela, à notre avis, est inacceptable parce que la
formalité doit être respectée conformément au
principe de la légalité formelle. Mais il faut distinguer la
formalité substantielle dont la violation ou l'omission peut
entraîner l'illégalité de la preuve.
A. L'absence de base légale.
114. L'absence de règle de preuve.
L'illégalité de la preuve pénale trouve sa source dans
l'absence ou le défaut de base légale parce que l'acte de
procédure qui vise la recherche de preuve doit trouver un fondement
légal qui est un texte de loi. Chaque procédure qui vise à
rechercher la preuve doit être mentionnée dans le Code de
procédure pénale ou doit être indiquée comme base
légale qui prescrit la forme juridique déterminée. Au
contraire, les
685 V. L.-A. Macarel, Eléments de
droit politique, Librairie de jurisprudence de H. Tarlier, Bruxelles,
1834, p. 100 : Selon M. Louis-Antoine Macarel « Les règles et
les formalités de la procédure doivent, en général,
avoir pour effet d'écarter de l'administration de la justice le
désordre, l'arbitraire et la confusion... ».
686 V. F. Hélie, Traité de
l'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle,
Charles Hingray libraire-éditeur, Paris, 1845, 1er
partie, p. 6 : « Les formes de la procédure sont
destinées, comme des phares, à éclairer la marche de
l'action judiciaire; leur but est d'arrêter les entraînements de la
justice, d'attacher une sorte de solennité à chacun de ses pas,
de préparer ses actes ».
687 J. Buisson, « La
légalité dans l'administration de la preuve pénale »,
in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6,
V. spec. p. 4.
164
autorités étatiques ou judiciaires et les
parties dans le procès pénal ne peuvent pas inventer un nouvel
acte de procédure ou mode de preuve en justice sans aucune disposition
ou base légale qui règle, organise et légalise ce moyen de
preuve et qui a pour objet de fixer les conditions et les formes dans
lesquelles elle peut être effectuée. Donc un vice existe dans la
preuve s'il n'existe aucune disposition légale spécifique qui
légalise le moyen de recherche de preuve. Ce défaut ou manque de
base légale permet de dire que cette preuve est entachée
d'illégalité au
688
motif du manque ou défaut et même pour absence de
base légale.
B. La violation d'une formalité
substantielle.
115. But du formalisme. La forme de l'acte de
procédure qui vise la recherche et la constatation d'infractions est
d'une application obligatoire. Tout simplement, l'application de l'article du
Code de procédure pénale doit être strictement conforme
à la forme prescrite par loi, soit prévue textuellement sous
peine de nullité ou non, soit qu'il s'agisse d'une règle de forme
substantielle ou règle de forme non substantielle. L'application stricte
du modèle de l'acte de procédure pénale prévue dans
le texte appliqué revêt une importance toute particulière
dans le domaine de la preuve pénale parce que le législateur
impose certaines formes juridiques pour garantir l'efficacité d'un des
principes fondamentaux qui gouvernent la preuve pénale. Pour assurer une
conciliation entre les valeurs de qualité et d'efficacité et, de
façon plus générale, un équilibre entre les
intérêts des parties au procès pénal, la
procédure va fixer des règles gouvernant les actes utiles
à la manifestation de la vérité. Ces formes
procédurales ne sont pas établies par pur hasard ou de
manière arbitraire. Au contraire elles ont pour objectif essentiel de
garantir le respect d'un certain équilibre dans le cadre d'un
procès pénal surtout durant la recherche de preuve où le
prévenu ou l'accusé jouit d'une présomption d'innocence.
Il en résulte que parfois le formalisme doit être
allégé en vue de garantir la réalisation effective des
droits. Les règles de procédure doivent donc veiller à
688 V. en droit français : P.
Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve
par la Convention européenne des droits de l'homme », in D.,
2005, p. 2575 et s., V. spec n° 2 : « Deux situations
peuvent en effet se produire. D'une part, la preuve peut être
administrée en violation d'une règle de fond ou de forme. D'autre
part, elle peut être rapportée sans fondement légal relatif
à ses conditions d'obtention. Aucune de ces deux hypothèses ne
devrait conduire à l'admission des éléments probatoires :
en vertu des dispositions supra-législatives, la culpabilité doit
être établie légalement, ce qui s'oppose à toute
violation de la loi avant son prononcé et, aux termes de la
Constitution, nul ne peut être accusé, arrêté, ni
détenu que dans le respect des formes que la loi a prescrites, ce qui
prohibe tout recours à un moyen probatoire non réglementé
» ; V. encore : P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de
la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits
de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 3 :
« Or, en l'absence de dispositions spéciales, l'article 81 du
Code de procédure pénale est invoqué pour justifier le
recours à des procédés non réglementés,
visant à l'obtention de déclarations auto-incriminantes à
l'insu de l'accusé ».
maintenir le formalisme dans des limites bien précises
afin que celui-ci ne soit pas appliqué de manière aveugle, ce qui
peut lui faire perdre tout ou partie de son efficacité.
116. Le respect de certaines dispositions et conditions
de forme est prescrit à peine de nullité. Certains actes de
procédure pénale qui visent la recherche de la preuve sont
prescrits à peine de nullité. Le législateur rédige
l'article de procédure en mentionnant expressément que le respect
de ces formes ou dispositions est sanctionné sous peine de
nullité de la procédure. Donc, la méconnaissance de cette
disposition est sanctionnée par la nullité sans hésitation
et sans l'appréciation par la jurisprudence. Ici, le législateur
a clairement manifesté son intention de sanctionner
l'illégalité, ce qui implique que la méconnaissance de
tous les actes de procédure qui sont rédigés «
sous peine de nullité » est considérée par le
législateur comme des éléments de preuve illégaux
en cas de méconnaissance de la procédure.
117. L'incidence directe du respect des règles de
forme sur la légalité des éléments de preuve.
Sans doute, s'agissant de la procédure pénale libanaise et
française, il y a certaines règles de forme qui n'ont aucun effet
ni aucune incidence sur la légalité de la preuve et qui ne
s'attachent pas aux garanties et formalités substantielles. Mais cela ne
justifie pas de négliger l'importance et les garanties qui se trouvent
dans nombre de règles de forme qui sont liées à
l'efficacité et au bon déroulement de l'exercice du droit
à un procès pénal équitable et les droits de la
défense. Il faut noter qu'en général, le problème
de la légalité de forme dans la procédure pénale
est souvent négligé par la doctrine libanaise. La doctrine
libanaise ne consacre pas l'importance du principe de la légalité
formelle de la preuve, mais analyse ce problème d'une manière
trop timide et implicite dans la théorie des nullités.
Contrairement à la doctrine libanaise timide, la doctrine
française pose explicitement la nécessité de respecter les
règles formelles de procédure pénale dans la recherche des
preuves comme l'affirme M.
689
Jacques Buissonqui rappelle également que ces
règles de forme de procédure pénale doivent être
respectées en toutes circonstances durant l'intervention des
autorités étatiques et
même par les particuliers dans la recherche des
preuves
|
690
|
. La chambre criminelle de la Cour
|
165
de cassation française, à son tour, confirme la
force du principe de légalité formelle de
689 V. J. Buisson, « Preuve », in
Rép. pén. Dalloz, février 2003, n° 94, p. 20
: « Il ne saurait être question d'évoquer tous les textes
de fond ou de forme dont la violation peut aboutir à déclarer
illégale la preuve produite ».
690 V. J. Buisson, « Preuve », in
Rép. pén. Dalloz, février 2003, n° 94, p. 20
: « Ces normes doivent être respectées par tous, par les
agents de l'autorité chargés du recueil de la preuve comme par
les particuliers qui souhaitent apporter des preuves aux juges
répressifs ».
l'administration de la preuve
691
. Nous pouvons dire que l'absence de la forme nécessaire
pour
166
la validité de la procédure signifie le
non-établissement de la procédure selon la forme prévue
dans la loi, ce que l'on peut traduire par l'expression la « preuve
illégale ». Cependant, les formes selon lesquelles la
procédure doit être exécutée n'ont pas toutes la
même importance. En effet, certaines de ces formes sont fondamentales.
Leur négligence a pour conséquence de vicier la procédure.
Par contre, d'autres formes ne sont pas indispensables (formes d'organisation)
et donc ne touchent pas la validité de la procédure prise en
692
l'absence de conformité.
118. La violation de la forme rend la preuve
illégale. Généralement, le rôle des
règles formelles dans le domaine de la preuve est tout aussi important
et vital que celui des règles de fond. En effet, ces règles
jouent un rôle important dans l'aspect organisationnel du processus de la
preuve devant les tribunaux, en sachant que cet aspect organisationnel est le
pilier de la réalisation de la justice dans ses différents
domaines. Les règles formelles dans le Code de procédure
pénale imposent une forme, un modèle et des conditions
spécifiques aux actions à exercer lors de l'exécution
d'une procédure pénale.
119. Les formes déterminées par le
législateur en vue de l'organisation et de l'orientation. Il
convient de dire que les formes requises par le législateur ne sont pas
toutes essentielles. La violation de certaines (formes) ne risque pas de
détruire le but de l'acte de procédure, car elles certaines sont
mentionnées par le législateur pour un rôle d'organisation
et d'orientation. Le principe général est que le
législateur veille toujours à la conformité de toutes les
parties aux règles établies de procédure qu'elles soient
objectives ou formelles. Si l'absence de ces formalités n'est pas une
violation de la loi ou des garanties fondamentales, la procédure ne perd
pas son efficacité, et donc n'a pas d'impact sur le but auquel aspire le
législateur. En effet, ces règles ne sont pas
considérées comme indispensables de sorte que si elles ont
été touchées par un vice à cause d'une violation,
cela n'entraîne pas la nullité. En effet, la violation de ces
règles ne fait pas obstacle à la découverte de la
vérité dans le crime reproché à l'accusé,
et
691 V. Cass. crim., 19 juin 1989, B.C.,
n° 261, p. 648 : « selon les dispositions combinées
des articles 342 et 451 du Code des douanes, tous délits en
matière douanière ou cambiaire peuvent être prouvés
par toutes les voies de droit, c'est à la condition que les moyens de
preuve produits devant le juge pénal ne procèdent pas d'une
méconnaissance des règles de procédure et n'aient pas eu
pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe
énoncé à l'article 8 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales».
692 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 157, p. 255.
167
donc n'a pas d'impact négatif sur la bonne conduite des
procédures et ne contrarie pas la justice.
120. L'importance pour les procédures de recherche
de la preuve d'inclure les formes fondamentales prévues par la loi.
Les procédures de l'enquête préliminaire sont
nombreuses et diverses : se déplacer au lieu du crime, l'étudier,
écouter les témoins, rechercher et saisir les choses, les
correspondances, la perquisition, la confrontation et l'interrogatoire. Elles
peuvent également prendre la forme de procédures provisoires afin
de sécuriser les preuves et d'éviter leur perte, comme
l'arrestation du suspect et la mise en détention provisoire.
Généralement, le législateur a entouré les
différents actes pendant l'étape d'enquête de formes
procédurales précises à respecter. Etant donné que
certaines formes sont organisationnelles et qu'elles ont pour objectif unique
l'orientation, la plupart des autres formes sont fondamentales,
c'est-à-dire que le législateur vise en vertu de l'application de
son rapport à garantir un droit
693
spécifique du suspect ou bien à assurer une
nécessité publique. Dans ce dernier cas réside
l'importance de la forme procédurale qui protège les droits
fondamentaux dans le procès pénal. Dans ce sens, on distingue du
champ des formes prévues par la loi toutes formes dites purement
organisationnelles ou d'orientation ou en d'autres termes non fondamentales
pour les distinguer des autres formes fondamentales. Parmi les principales
formes d'orientation, il convient de citer l'ordre des procédures en
audience en vue de succession et d'alternance.
C. L'illégalité résultant de la
violation des conditions fixant les actes de recherche des preuves strictement
réglementée.
121. Restreindre la mise en oeuvre de l'enquête
d'une manière particulière. Bien que l'objectif de toute
procédure de l'enquête soit la découverte de la
vérité dans l'infraction produite, les législateurs
libanais et français ont entouré les moyens d'atteinte de cet
objectif de contrôles et de garanties assurant le respect des droits et
libertés individuelles. En effet, le législateur tente de trouver
un équilibre entre l'efficacité des enquêtes d'une part et
le non respect des droits et libertés individuelles, d'autre part, y
compris la reconnaissance de la dignité humaine de l'accusé.
À la lumière de cet équilibre, il existe des
procédures dont le
693 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 158, p. 256.
168
législateur limite l'application d'une façon
particulière. Par conséquent l'arrestation et la perquisition
menées par l'officier de police judiciaire pourraient être valides
indépendamment de la méthode de sa procédure tant qu'elle
est légale. Cependant, le législateur et la justice veillent
à affirmer certaines conditions et formes associées aux
procédures d'enquête, par exemple, en matière de
perquisition694. Quelles sont donc les formes fondamentales de la
procédure qui rendent la preuve illégale en cas de violation? Les
formes fondamentales de la procédure pénale relatives ou
associées à la preuve pénale dont la violation affecte la
légalité, et qui doivent être respectées et
appliquées de la façon prescrite par la loi sont variables.
Cependant, elles sont toutes liées à des formes fixées par
les législateurs libanais et français, en matière de
perquisition, et s'agissant des formes relatives à l'interrogatoire et
de l'audition des témoins. L'illégalité de la preuve
pénale résulte de l'application d'une procédure
pénale spécifique contraire à certaines conditions
requises par la loi. A ce propos, il convient de citer la perquisition. En
effet, il est possible de dire que la forme et les conditions prévues
par les législateurs libanais et français relatives à la
perquisition sont considérées parmi les formes fondamentales,
étant donné que cette forme est nécessaire dans la
procédure pénale afin de protéger les droits et les
libertés individuelles et de fournir également la confiance dans
la preuve résultant de cette procédure pénale. En
résumé, il est constaté que l'application de ces
procédures, contrairement à ce qui est exigé par la loi
rend illégale la preuve issue de cette procédure.
§ 2. Preuve portant atteinte au droit à un
procès équitable.
122. Les formes nécessaires pour la
légalité des procédures de la phase du jugement.
Les
procédures de la phase du jugement sont nombreuses et
variées 695 . Après l'instruction préparatoire de
l'affaire vient le temps du jugement. Devant la juridiction de jugement, la
procédure est publique, orale et contradictoire, ce qui diminue la
probabilité d'abus contre
l'accusé 696 . La phase décisoire, qui
intéresse les juridictions de jugement, est le point
694 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la jurisprudence de la cour de cassation en Egypte, au Liban et en France,
maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n°
160, pp. 259-260.
695 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 66, p. 40 : « Notre système
procédural prohibe l'administration de preuves incompatibles avec le
respect des droits de la défense. ».
696 V. en ce sens : B. Bouloc, « Les
abus en matière de procédure pénale », in R.S.C.,
1991, p. 221 : « Quant à la phase de jugement, à
première vue, elle semble moins donner prise à des abus, en
raison des caractères qui
d'aboutissement du processus pénal. Le
législateur se soucie du déroulement des procédures de la
phase du jugement à travers un ensemble de principes, de contrôles
et de garanties qui assurent l'efficacité de la divulgation de la
vérité, d'une part, et le respect des droits et des
libertés de l'accusé, d'autre part, en particulier son droit
inhérent d'être présumé innocent jusqu'à
l'émission du verdict. Il existe des formes organisationnelles, et
d'autres fondamentales. Le but des formes organisationnelles est uniquement
indicatif. Toutefois, ces procédures sont valides dans le respect ou non
de ces formes. En dehors de ces formes organisationnelles dont l'omission ne
conduit pas à qualifier de vicieuses les procédures de la phase
du jugement, il existe d'autres formes qui sont fondamentales, qui
représentent d'une manière donnée une condition formelle
pour la validité de cette phase du jugement. Par conséquent, en
comptant le fondamentalisme de ces formes ou de ces conditions, leur
négligence marque les procédures de la phase du jugement de la
nullité, y compris le verdict dont l'émission est prévue
à la base de ces procédures ou à leur suite697.
En conclusion, il est possible de constater que les principes
procéduraux qui dominent la phase de jugement sont en relation directe
avec la légalité de la preuve pénale. Le non-respect de
ces principes fondamentaux peut valablement rendre la preuve illégale.
Généralement, les formes
698
dominantes des procédures de la phase du jugementse
représentent dans la trilogie de la publicité, de
l'oralité et du débat contradictoire, grands principes
généraux dont la violation entraîne
l'illégalité de preuve.
123. Les formes dominant l'ensemble du système des
procédures de la phase du jugement. Ce sont sans doute les
caractères fondamentaux de la procédure de jugement. Pendant la
phase de jugement, on peut constater clairement que la procédure suit un
modèle dit accusatoire qui a pour conséquence des audiences
publiques, des débats oraux, contradictoires comme le souligne M.
Édouard Verny : « l'audience de jugement s'inspire du
modèle accusatoire qui
suppose, outre l'oralité et le contradictoire, la
publicité des débats »
|
699
|
. La procédure
|
169
accusatoire présente les caractères suivants :
c'est une procédure orale, publique et
sont les siens : oralité, contradiction et
publicité».
697 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 163, p. 265.
698 V. D. Coujard, « instruction
à l'audience », in Rép. pén. Dalloz, avril
1997, n° 5, p .4 : « La juridiction de jugement, saisie d'une
prévention, l'examine publiquement, contradictoirement, au cours d'un
débat oral et public : cette instruction à l'audience, en une
forme de procédure à dominante accusatoire, donne des garanties
à la société et aux parties privées ; elle ne
présente pas les inconvénients de la procédure
inquisitoire, qui domine l'information préparatoire, laquelle ne donne
pas la même place au principe du contradictoire »
699 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 16, p.
14.
contradictoire. La phase de jugement en droit libanais et
français apparaît plutôt accusatoire, la procédure de
la phase de jugement prendra un caractère oral, public et respectant le
contradictoire. Il est impératif que le juge pénal tire sa
conviction des preuves présentées à l'audience lorsqu'elle
a été soumise à la libre discussion des parties. Cette
condition se base sur le principe de l'oralité et la confrontation dans
la phase du jugement pénal. En effet, il s'agit d'un principe
fondamental dans les procédures pénales, selon lequel le juge
devrait étaler chaque preuve présentée au jugement pour la
discussion devant les adversaires de façon à ce qu'ils soient au
courant de ce qui est fourni contre eux comme preuves afin de pouvoir faire
face à ces preuves et y répondre. Par conséquent, il en
résulte qu'il est interdit au juge pénal de baser sa conviction
sur une preuve présentée par l'une des parties du jugement sans
présenter cette preuve lors de l'audience du jugement et la
débattre pour mettre au courant les autres parties. Sans doute
l'exigence d'une procédure orale, publique et contradictoire qui
imposée lors de la discussion des preuves est un aspect de la
loyauté de preuve comme le souligne M. Édouard Verny «
si la recherche de la preuve n'est donc pas toujours marquée par une
obligation complète de loyauté, le respect des droits de la
défense et le principe du contradictoire imposent la loyauté lors
de la discussion des
700
preuves ».
124. L'étendue de la notion de la phase de
jugement. La phase jugement, a pour objet de clôturer
définitivement le procès en statuant sur l'existence de
l'infraction et la culpabilité du
prévenu ou accusé
|
701
|
. La procédure de jugement, encore appelée
procédure d'audience ou
|
procédure d'instruction définitive, a pour but
la production des preuves devant les juridictions de jugement et leur
discussion publique et contradictoire ; elle permet aux juges de
délibérer sur la culpabilité du délinquant et la
mesure à prendre à son égard. La décision à
laquelle tend
702
cette procédure porte le nom général de
jugement. L'audience de jugement constitue l'étape décisive vers
laquelle tend toute procédure pénale : il s'agit en cette
occasion de permettre à un juge impartial de porter une
appréciation objective et respectueuse des droits de la
défense
sur l'exactitude des accusations formées à
l'encontre du mis en cause
|
703
|
. Au Liban et en
|
170
France, lors de la phase de jugement, l'inculpé peut
exercer pleinement ses droits de la
700 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 32, p.
23.
701 G. Vidal, Cours de droit criminel et
de science pénitentiaire, 2e éd., Librairie
nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau, Paris, 1901, n°
771, p. 789.
702 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris,
2001, tome 2 Procédure pénale, n° 726, p. 839.
703 F. Debove et F. Falleti, Précis
de droit pénal et de procédure pénale, 2e
éd., P.U.F., Paris, 2006, p. 643.
171
défense au cours de l'audience qui constitue le point
central de la procédure pénale. Le juge doit former son opinion
en appréciant librement la preuve. Le jugement doit se fonder sur les
éléments de preuve recueillis pendant l'audience. C'est pourquoi
la phase de jugement est en principe longue et complexe. L'accusé ou le
défendeur doit pouvoir discuter les charges
découvertes contre lui704, c'est pourquoi la
phase de jugement est de caractère oral, public et contradictoire.
A. La violation du principe de la publicité des
débats judiciaires.
125. La publicité des procédures de la phase
du jugement. L'adage anglais « Justice must
exprime bien le « refus de tout secret, ..., de
705
not only be done, but must be seen to be done »
706
toute clandestinité qui jetterait un doute sur
l'oeuvre de justice ». Le principe de la publicité signifie
notamment que les portes de la juridiction sont ouvertes au public pendant le
temps de
707708
l'audience sans que les magistrats puissent s'y opposer. La
publicité des débatsest
favorable au bon déroulement du procès
pénal709, surtout à la manifestation de la
vérité et au respect des droits de la défense pendant la
phase de jugement. Le principe de la publicité des
710
débats judiciaires est le garant de la
sérénité et de l'impartialité de la justice. Pour
MM. René Garraud et Pierre Garraud, la publicité des
débats est un principe général qui doit être
704 M. Delmas-Marty et S. Lasvignes, (et
al.), « La Mise en état des affaires pénales, Commission
justice pénale et droits de l'homme», in La Documentation
Française, Paris, 1991, v. spec. Rapport préliminaire
(novembre 1989) introduction : du fait au droit, p. 13.
705 Traduction en langue française :
« Il ne faut pas seulement que la justice soit rendue, il faut aussi
qu'elle donne l'apparence d'être rendue ».
706 R. Perrot, « Le principe de la
publicité dans la procédure civile » in Le principe de
la publicité de la justice, Travaux du VIe Colloque des Instituts
d'Etudes Judiciaires, Toulouse, Mai 1968, Librairies Techniques, 1969, p.
23.
707 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire : étude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université de droit,
d'économie et des sciences d'Aix-Marseille, 2000, n° 37, p. 44
708 V. R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris,
2001, tome 2 Procédure pénale, n° 728, p. 841 :
« On voit d'ordinaire dans la publicité des débats
à l'audience une garantie pour le justiciable et pour son juge: le
premier est assuré que la vérité ne sera pas
étouffée par une juridiction aveugle ou partiale, le second voit
son oeuvre gagner en autorité morale. ».
709 F. Hélie, Traité de
l'instruction criminelle, Charles Hingray, Libraire-Editeur, Paris, 1858,
Vol. 8, p. 589 :« la publicité de l'audience est une forme
essentielle de la procédure, la plus essentielle peut-être, car
elle éclaire tous les actes du juge ; elle les défère,
à mesure qu'ils s'accomplissent, à l'examen et au contrôle
du public ».
710 M. Bousaber, « Les principes
généraux de droit et la procédure civile », in
Les dénominateurs communs entre les principes généraux
du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français, Beyrouth, octobre
2001.
711
appliqué devant toutes les juridictions . En droit
libanais, la procédure de jugement et la
172
vérification de la preuve devant le juge unique selon
l'article 178 du CPP libanais sont publiques et orales. « Les
débats se déroulent, sous peine de nullité, en audience
publique et oralement ». Le procès devant la Cour criminelle
selon l'article 249 du CPP libanais est public. « Le procès
devant la Cour criminelle est public ». La Cour européenne de
Strasbourg condamne le manque de publicité des débats au sens de
l'article 6§1 qui constitue un principe
712 713
fondamental. Les audiences sont publiques en droit libanais et
français. Ce principe est
affirmé par la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés
714
fondamentales. Il s'agit de permettre au public et aux
médias sans discrimination d'assister à l'audience du jugement et
de suivre les procédures prises, ainsi que les décisions et les
arrêts rendus. Cette publicité est une forme fondamentale dont
dépend la validité des procédures de la phase du jugement.
En considérant l'importance du principe de la publicité des
débats, la base reste la publicité des audiences. Toutefois, la
publicité des audiences du jugement ne s'oppose pas à la
possibilité de procéder discrètement à titre
d'exception pour des raisons relatives à l'ordre public ou à la
moralité, ainsi que dans les affaires concernant des mineurs
délinquants. Dans ce cas, il faut souligner que la
confidentialité n'est destinée qu'au public. Les parties au
procès public et leurs mandataires ne peuvent point être
empêchés d'assister à l'audience sous le prétexte de
sa confidentialité. Le principe de publicité des audiences
représente l'une des garanties fondamentales de la
sécurité des procédures de la phase du jugement
étant donné qu'il influence, à travers le contrôle
direct de l'opinion publique, la conduite de la justice pénale,
l'assurance de son équité, la neutralité du juge et sa
711 R. Garraud et P. Garraud,
Précis de droit criminel, contenant l'explication
élémentaire de la partie générale du Code
pénal, du Code d'instruction criminelle et des lois qui ont
modifié ces deux codes, Société anonyme du Recueil
Sirey, 1926, p. 865.
712 L'alinéa 1 de l'article 14 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose «
Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et
publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial,
établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle,
soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil.
Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une
partie du procès soit dans l'intérêt des bonnes moeurs, de
l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une
société démocratique, soit lorsque l'intérêt
de la vie privée des parties en cause l'exige, soit encore dans la
mesure où le tribunal l'estimera absolument nécessaire lorsqu'en
raison des circonstances particulières de l'affaire la publicité
nuirait aux intérêts de la justice; cependant, tout jugement rendu
en matière pénale ou civile sera public, sauf si
l'intérêt de mineurs exige qu'il en soit autrement ou si le
procès porte sur des différends matrimoniaux ou sur la tutelle
des enfants ».
713 L'article 400 du CPP français dispose
: «Les audiences sont publiques ».
714 L'article 6 de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, ... Le
jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle
d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la
totalité ou une partie du procès ... ».
173
diligence dans l'application correcte de la loi715.
La publicité des procédures de l'audience ne réside pas
uniquement dans une forme à travers laquelle la procédure
pénale est appliquée, mais plutôt cette publicité
est associée étroitement à l'idée des droits de la
défense716. La publicité des audiences
représente donc une garantie du contrôle de l'opinion publique, et
une assurance psychologique à l'accusé.
126. La publicité de l'audience en droit libanais.
Le droit à un procès public est consacré par les
articles 10 de la Déclaration universelle et 14 du Pacte de 1966. Il
s'applique, en droit
717
interne libanais, pour les audiences et pour le
prononcé du jugement; la procédure devant la Cour criminelle et
toutes les juridictions du jugement en droit libanais étant orale,
publique et contradictoire. Donc, les caractères principaux de la
procédure accusatoire sont strictement prévus par la loi
libanaise. L'audience devant la Cour criminelle est publique, sauf en cas de
huis clos (le huis clos étant
l'exception)718 sur décision du président de la Cour
criminelle s'il considère que cela est nécessaire pour des
raisons de maintien de l'ordre ou de protection des bonnes moeurs. La
publicité de la procédure devant la Cour criminelle est
assurée par l'admission du public à l'audience, à moins
que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou
719
les moeurs. Dans ce cas, le huis clos est ordonné.
127. La publicité de l'audience en droit
français. Selon l'article 306 du CPP français, la
procédure d'audience est en principe publique et tous les débats
sont donc ouverts à toute
715 V. en langue arabe : A. Abdelkader
Kahwaji, Interprétation du code des procédures
pénales. Etude comparative, 1er éd.,
Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques
Halabi), Beyrouth (Liban), 2002, pp. 446-447.
716 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 164, p. 267.
717 V. sur la publicité de l'audience
en matière de procédure civile libanais : N. Antoine-Diab, «
Inventaire des droits fondamentaux en matière de procédure civile
au Liban », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie
générale, Beyrouth, novembre 2003, pp. 23 et s.
718 V. sur la définition du huis clos:
Ph. Piot, Du caractère public du procès pénal,
Thèse de droit, 2012, Université de Lorraine, p. 275 : «
La procédure à huis clos est une exception qui s'applique aux
audiences dont le principe est la publicité. Elle consiste à
faire sortir le public de l'auditoire et à en fermer les portes afin
d'en interdire l'accès ».
719 V. en droit libanais : sur la
procédure du jugement devant la cour criminelle : L'article 249 du CPP
libanais dispose, « Le procès devant la Cour criminelle est
public, à moins que le président de celle-ci ne décide le
huis clos pour des raisons de maintien de l'ordre ou de protection des bonnes
moeurs » ; L'article 250 du CPP libanais dispose :
« ...Toutes les preuves qui permettent de statuer en
l'espèce doivent faire l'objet d'un débat public entre les
parties. Les pièces à conviction doivent être
présentées à l'audience et il doit être donné
lecture des procès-verbaux de saisie correspondants. Il appartient
à chacune des parties de formuler ses observations sur ces pièces
».
174
720
personne qui souhaite y assister. Cette règle vaut en
principe devant toutes les juridictions
721
du jugement en droit français,« sauf dans les
cas des exceptions prévues par la loi, la publicité des
débats et du prononcé est une des conditions de la
validité de toute décision que
722
rendra une juridiction pénale ». En
outre, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme
consacre le principe de la publicité de procédure comme l'un des
éléments
723
fondamentaux du procès équitable. Ce principe
constitue l'une des plus importantes
724
garanties pour l'accusé. Cette publicité porte
surtout sur les débats que le public est admis à
725
suivre et dont un compte rendu peut être reproduit par
la presse. Selon la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour
de cassation, la publicité des débats judiciaires est une
règle d'ordre public à laquelle il ne peut être
dérogé que dans les cas limitativement déterminés
par la loi. Ainsi, selon l'article 306, alinéa 1er, CPP, le huis clos ne
peut être ordonné que si la Cour constate, dans l'arrêt, que
la publicité est dangereuse pour l'ordre ou les
726
moeurs.
128. La sanction de la violation du principe de la
publicité des débats devant la Cour. La sanction
résultant de l'inobservation de la règle de la publicité
des audiences est la nullité qui correspond à l'ordre public, car
cette règle est liée aux fondements du jugement pénal
correct.
M. Solaiman Abdelmoniim assure que le manque de la forme de la
publicité ou en d'autres
720 L'article 306 du CPP français
dispose : «Les débats sont publics, à moins que la
publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou les moeurs. Dans ce cas, la
cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique.
Toutefois, le président peut interdire l'accès de la salle
d'audience aux mineurs ou à certains d'entre eux. Lorsque les poursuites
sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie
accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la
victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande ; dans
les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la
victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles ne s'y oppose pas.
Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s'applique au
prononcé des arrêts qui peuvent intervenir sur les incidents
contentieux visés à l'article 316. L'arrêt sur le fond doit
toujours être prononcé en audience publique ».
721 V. en droit français : D. Coujard,
« instruction à l'audience », in Rép. pén.
Dalloz, avril 1997, n°6, p .4 : « Les audiences sont
publiques (C. pr. pén., art. 400). Ce principe est affirmé par la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales (art. 6 ; V. Décr. de publication no
74-360 du 3 mai 1974, D. 1974.181) et par le pacte international relatif aux
droits civils et politiques publié par le décret no 81-76 du 29
janvier 1981 (D. 1981.79) ».
722 Ph. Piot, Du caractère public du
procès pénal, Thèse de droit, 2012, Université
de Lorraine, p. 296.
723 F. Debove et F. Falleti, Précis
de droit pénal et de procédure pénale, op. cit., p.
644.
724 V. en droit français : D. Coujard,
« instruction à l'audience », in Rép. pén.
Dalloz, avril 1997, n° 21, p .6 : « Le juge ne peut fonder
sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours
des débats et contradictoirement discutées devant lui (C. pr.
pén., art. 427, al. 2). Ce droit fondamental est encore consacré
par l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales ».
725 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 848, p.
773.
726 Cass. crim., 27 septembre 2000, B. C.,
n° 283, p. 837.
175
termes la publicité des audiences du jugement ou son
omission risque de vicier ces
procédures, ou encore la production de l'audience et
l'arrêt émis suite à celle-ci727. Il est
possible de considérer la publicité comme une condition
fondamentale pour la validité de la procédure du jugement, et sa
négligence conduit à la nullité. Il est reconnu, comme
l'explique
M. Mahmoud Najib Hosni, que la publicité des audiences
est l'un des principes fondamentaux des phases des jugements, et par
conséquent, son omission devrait se traduire par la nullité, et
donc la nullité des arrêts. Cela se présente dans le cas
où la décision prise par le tribunal pour rendre le jugement
discret n'est pas nécessaire, et qu'il était possible de tenir
une audience
728
publique.
B. La violation du principe de l'oralité des
débats de la procédure de jugement.
729
129. Le principe de l'oralité des procédures
des débats. Le caractère d'oralité de la
procédure d'audience dérive du principe de l'intime conviction,
qui gouverne l'activité du jugement répressif moderne : celui-ci
ne doit former son opinion que d'après les preuves qui
730
ont été directement et immédiatement
soumises au débat. La finalité du principe de l'oralité
des débats est de rendre plus efficace la discussion des preuves
à partir desquelles la juridiction de jugement doit se
déterminer. Le principe signifie qu'au stade du jugement, les
731
preuves doivent être administrées oralement. Selon
M. Jean Pradel, le droit français
727 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 163, p. 265.
728 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1986, p. 809.
729 V sur l'oralité des débats
: F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou
théorie du code d'instruction criminelle, Henri Plon
Imprimeur-Editeur, Paris, 1867, t. 7, p. 487. n°3407 : L'instruction
qui se fait à l'audience doit être exclusivement orale. C'est
là une règle fondamentale de notre procédure criminelle.
La discussion orale est la seule qui puisse faire jaillir la
vérité d'un débat : elle place les accusés et les
témoins en face les uns des autres ; elle provoque les explications et
les révélations, les dénégations ou les aveux ;
elle dépouille les faits de leur première apparence et les livre
aux yeux dans leur nudité. La discussion écrite, plus froide et
plus réservée, n'a ni ces épanchements, ni ces chocs qui
font briller l'éclair ; elle est parfaitement propre à recueillir
les éléments du débat ; mais le débat,
c'est-à-dire la discussion de toutes les preuves, l'examen de tous les
éléments du procès, ne peut se faire qu'oralement à
l'audience ».
730 V. R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris,
2001, tome 2 Procédure pénale, n° 727, p. 840.
731 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 512, p. 360 : «Le principe signifie qu'au
stade du jugement les preuves doivent être administrées oralement.
À ce titre, il concerne tous ceux qui participent au débat sur
les preuves : le prévenu ou l'accusé doivent être
interrogés, les policiers qui ont constaté l'infraction peuvent
être entendus, les témoins déposent oralement, les experts
relatent
consacre le principe d'oralité en vertu duquel le
tribunal se fonde sur les déclarations faites devant lui par le
prévenu, les témoins et les experts. Mais ce principe
connaît des
exceptions
|
732
|
. L'oralité de l'instruction exprime cette idée
que toute preuve doit être soumise à
|
la connaissance du juge dans sa source originaire ; elle a pour
conséquence l'immédiateté de la preuve. Même dans le
cas où une information a eu lieu, la juridiction de jugement ne se
prononce donc pas sur la lecture des procès-verbaux de cette
information, elle doit entendre et
733
voir, à l'audience, l'accusé, ou le prévenu,
les experts et les témoins . Sans doute le principe
de l'oralité des débats est un principe
substantiel aux droits de la défense
|
734
|
. M. Joseph-Louis-
|
176
Elzéar Ortolan souligne l'importance de discuter
oralement de la preuve dans la phase de jugement qui est la phase d'instruction
finale déterminante dans le procès pénal. Pour arriver
à la connaissance, il est nécessaire de discuter les divers
éléments ou instruments de cette connaissance. Les
éléments ou instruments de cette connaissance sont les preuves
dans le procès pénal. En d'autres termes, pour discuter les
preuves, il est nécessaire de les recueillir. Pour les recueillir, il
est nécessaire de les chercher. D'où, dans l'ordre chronologique
: recherche, investigation, enquête ou inquisition des preuves ;
recueillement, saisie, constatation des divers éléments de preuve
; discussions, débats. L'ensemble de ces trois sortes
d'opérations est dirigé vers un même but, instruire le
juge, former la connaissance du juge, et pourrait porter par conséquent,
le nom d'instruction. Néanmoins, dans le langage pratique de la
procédure pénale, ce nom d'instruction est donné
particulièrement aux deux premières de ces opérations. La
troisième de ces opérations, la discussion ou le débat
des
verbalement le résultat de leurs opérations
et, bien évidement, le ministère public prend des
réquisitions orales et les avocats font valoir leurs plaidoiries
».
732 V. J. Pradel, « Notes en vue d'une
brève présentation sur certaines questions de procédure
pénale », In Conférence annuelle de l'Association
Franco-britannique des juristes, GLASCOW, Septembre 2003 : « Le
président de la cour peut autoriser un témoin ou un expert
à s'aider de documents écrits ; le tribunal peut se fonder sur
les procès-verbaux établis par les policiers ou gendarmes, voire
par le juge d'instruction, quand le déposant est absent le
président en en donnant lecture (ouï-dire ou hersay evidence) ; en
cas d'appel, un usage consacré par la jurisprudence fait que les juges
n'entendent presque jamais les témoins et se fondent donc sur les sur
procès-verbaux ».
733 R. Garraud, Précis de droit
criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, p. 805.
734 V. sur ce principe : F. Kuty,
L'impartialité du juge en procédure pénale. De la
confiance décrétée à la confiance
justifiée, Coll. De thèses éd. Larcier, Bruxelles,
2005, Préface de Paul Martens et Marc Preumont, p. 155 : « le
principe de l'oralité des débats apparaît comme un
prolongement du principe du contradictoire. À l'origine, il s'agissait
du principe de la séparation des fonctions de justice répressive
entre l'instruction préparatoire et l'instruction d'audience en
matière criminelle. Le principe de l'oralité implique que les
juges ne peuvent alimenter leur intime conviction que dans les informations
recueillies lors des débats et non dans les pièces de
procédure préparatoire, de telle sorte que les
éléments de preuve qu'ils retiennent ne peuvent être que
les impressions que ces débats leur ont faites. Le juge impartial ne
doit se laisser influencer que par ce qui se passe à l'audience devant
lui ».
preuves constitue l'instruction finale ou l'instruction
déterminante
735
. L'oralité des débats
177
signifie que les preuves et les pièces du procès
sont présentées oralement d'une manière qui
736
permet aux justiciables de les vérifier et de les
réfuter. Cela signifie donc que toutes les procédures de la phase
du jugement se passent à la vue et à l'audition des parties du
: le témoin exprime son témoignage, l'expert
récite son rapport, le procureur
737
procès
public revendique leurs demandes, le tribunal lit les
pièces, et les justiciables se défendent et répondent aux
propos qui ont été émis par voie orale. L'oralité
des débats signifie également que le tribunal refait l'examen du
procès lui-même en écoutant donc les témoins, en
débattant avec les experts, en recevant les demandes et les
défenses oralement, en présence des justiciables. Il s'agit donc
de la façon d'appliquer le principe de la confrontation entre les
justiciables. En effet, afin de permettre à chaque partie du
procès de faire face à l'autre justiciable avec ses preuves, de
connaître celles de son justiciable, et d'en donner son opinion, il faut
que ces preuves soient présentées oralement durant l'audience et
prennent place dans le débat entre les parties au procès. Il est
donc possible de dire que le tribunal et les juges du fond constituent leurs
convictions d'après les preuves en général et pas
seulement à partir de la plaidoirie orale qui se passe devant eux durant
les audiences du jugement. Dans ce sens, nous concluons que le principe de
l'oralité est lié au principe de la conviction judiciaire. En
effet, le juge tire ses convictions de l'ensemble des débats qui se
passent devant lui. En outre, le principe de l'oralité permet
également le contrôle du tribunal sur les travaux de
l'enquête préliminaire, et ce qui en résulte comme preuves
est évalué et estimé par le tribunal durant leur
présentation et lors du débat oral. Il est clair que
l'oralité des procédures de la phase de jugement compte parmi les
droits de chaque justiciable. En effet, le tribunal ne peut pas se limiter
à l'examen des procès-verbaux, étant donné que le
juge ne peut pas constituer sa conviction qu'à partir des discussions
directes menées avec les parties du procès pénal,
présentant ainsi l'oralité des débats durant lesquels
toutes les preuves sont présentées et débattues. En outre,
il lui est interdit de constituer sa conviction et donc de procéder
à son
735 J.-L.-E. Ortolan, Eléments de
droit pénal; pénalité, juridictions, procédure,
suivant la science rationnelle, la législation positive et la
jurisprudence avec les données de nos statistiques criminelles,
Librairie de Plon Frères, Paris, 1855, t. 1, n° 1799, p. 849.
736 V. en droit français : D. Coujard,
« instruction à l'audience », in Rép. pén.
Dalloz, avril 1997, n° 20, p .6 : « Le principe de
l'oralité des débats, qu'aucun texte ne consacre, résulte
logiquement de leur publicité et de la procédure accusatoire qui
exige la discussion des éléments de preuve entre les parties,
devant le tribunal ».
737 V. en droit libanais : L'exposition des
preuves par voie orale. Au début de l'audience, le greffier lit
attentivement le réquisitoire du ministère public ou l'ordonnance
du juge d'instruction ou résume les faits existant dans la plainte
directe avec toutes les preuves contre le défendeur, le juge unique
pénal expose les preuves produites à l'encontre du
défendeur. « Au début du
procès, le greffier donne lecture du réquisitoire du
ministère public ou de l'ordonnance du juge d'instruction, ou
résume les faits mentionnés dans la plainte directe
».(art. 180 CPP libanais).
178
jugement à partir d'un document joint aux pièces
du procès n'ayant pas été présenté durant
l'audience. Dans ce cas, le jugement est nul738. En effet, la
règle générale prévoit que la pièce, qu'elle
soit formelle ou officielle, n'a pas d'authenticité dans l'affirmation,
et elle est donc soumise comme les autres preuves à l'estimation du juge
et à sa conviction739. Le système pénal
libanais repose sur une procédure essentiellement orale. La
procédure de jugement et de vérification de la preuve devant le
juge unique doit obligatoirement respecter le principe et les
740741
règles de l'oralité du débat,
conformément à l'article 178 du CPP libanais. La Cour criminelle
ne statue pas sur pièces pour forger son intime conviction, mais
d'après les preuves administrées directement devant elle durant
l'audience. Les débats vont se dérouler oralement
742
devant la Cour criminelle libanaiseconformément à
l'article 250 du CPP libanais qui
dispose que « les débats se déroulent
oralement »
743
. Le président de la Cour criminelle peut
744
ordonner ou décider d'enregistrer certains
procès sur cassette audio et vidéo . Les preuves sont
soumises au débat et à la libre discussion des parties devant la
Cour criminelle. Les parties du procès pénal, le président
de la Cour et ses conseillers pourront discuter les divers
745
.
éléments des preuves
130. L'oralité des débats en droit
français. Le caractère d'oralité de la
procédure d'audience dérive du principe de l'intime conviction,
qui gouverne l'activité du jugement
738 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le médiateur en procédure pénale, 7e
éd., Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire
(Egypte), 1996, p. 720.
739 V. en langue arabe : M. Mostafa,
L'évolution de la procédure pénale en Egypte et dans
d'autres pays arabes, 2e éd., L'imprimerie de
l'université du Caire (Egypte), Le Caire (Egypte), 1985, p. 449.
740 Les caractères principaux de la
procédure du jugement devant le juge unique qui sont l'oralité,
le contradictoire et la publicité sont applicables devant la cour
d'appel comme indique l'article 223 du CPP libanais dispose : « La
Cour d'appel fixe la date du procès en appel, dans le cadre duquel sont
reprises les règles de procédure ordinairement applicables devant
le juge unique ».
741 V. en droit libanais : L'article 178 du
CPP libanais dispose : « Les débats se déroulent, sous
peine de nullité, en audience publique et oralement, à moins que
le juge unique ne décide le huis clos pour des raisons de
préservation de l'ordre public ou de protection des bonnes moeurs. En
tout état de cause, il peut interdire l'accès à la salle
d'audience aux mineurs » ; V. sur l'oralité de la
procédure du jugement devant le juge pénal unique : l'article 186
du CPP libanais dispose : « Le témoin dépose oralement.
Il ne peut être interrompu ni par la partie civile, ni par le
défendeur, ni par leurs conseils respectifs ».
742 V. en droit libanais : sur
l'oralité la procédure du jugement devant la cour criminelle :
L'article 255 du CPP libanais dispose : « ... Le témoin
dépose alors oralement et sa déposition est consignée par
le greffier au procès-verbal de l'audience ».
743 L'article 250 du CPP libanais
744 L'article 250 du CPP libanais
745 L'article 250 du CPP libanais dispose :
« Toutes les preuves qui permettent de statuer en l'espèce
doivent faire l'objet d'un débat public entre les parties. Les
pièces à conviction doivent être présentées
à l'audience et il doit être donné lecture des
procès-verbaux de saisie correspondants. Il appartient à chacune
des parties de formuler ses observations sur ces pièces ».
répressif moderne : celui-ci ne doit former son opinion
que d'après les preuves qui ont été
746
directement et immédiatement soumises au débat. M.
Jean Pradel l'affirme : l'oralité découle de l'intime conviction
du juge parce que ce dernier ne doit pouvoir se décider que sur
des preuves qui ont été directement et
immédiatement soumises aux débats devant lui747
. Si la
179
mise en état des affaires au stade de l'enquête
et de l'instruction préparatoire réserve une place essentielle
à l'écrit, il n'en va plus de même s'agissant du
déroulement de l'audience devant les différentes juridictions de
jugement. Si l'oralité concerne plus particulièrement
l'administration des preuves, elle intéresse plus
généralement tous ceux qui, à un titre ou à un
autre, sont susceptibles d'éclairer les juges, prévenus ou
accusés, parties civiles, avocats,
748
témoins, experts, enquêteurs, ainsi le
ministère public
.
131. Le domaine et le champ du principe de
l'oralité des procédures. Le principe de l'oralité
est parmi les principes obligatoires dans toutes les procédures de la
phase du jugement depuis son début jusqu'à la prononciation du
verdict au cours d'une audience publique. En effet, le tribunal est
obligé d'écouter les témoins et les experts, de
débattre avec eux, et de présenter les preuves durant l'audience.
Par conséquent, l'oralité du débat représente une
forme indispensable. Ainsi, la sagesse est présentée d'une part
par la nécessité de cette forme pour le bon déroulement de
la justice. Le juge écoute de nouveau les témoins et les experts
et présente toutes les preuves et les pièces pour le
débat, ce qui influe positivement sur l'opération de la
découverte de la vérité qui est le but de l'action
publique. D'autre part, l'oralité des procédures de la phase du
jugement est une garantie des droits de la défense, voire des droits des
autres parties du procès. En effet, durant la phase du jugement,
l'accusé écoute les revendications du procureur, les paroles des
témoins et les rapports des experts, et peut donc y répondre, et
réfuter les preuves présentées contre lui. Il n'ignore
donc aucune preuve présentée, ni la parole d'un témoin.
Par conséquent, il est possible de déterminer le domaine de ce
principe en disant qu'il est strictement interdit au juge du fond de fonder son
jugement sur des procédures prises sans connaissance des justiciables,
ou sans leur permettre de débattre autour des preuves produites. Il
signifie que les preuves et les pièces du procès sont
présentées oralement d'une manière permettant aux
justiciables de les consulter et de les réfuter et par
conséquent, toutes les procédures de la phase du jugement se
passent sous la vue et l'audition des parties du procès, ou en d'autres
termes le témoin présente son témoignage,
746 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris,
2001, tome 2 Procédure pénale, n° 727, p. 840.
747 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 847, p.
772.
748 F. Debove et F. Falleti, Précis
de droit pénal et de procédure pénale, op. cit., p.
647.
l'expert lit son rapport, le procureur présente ses
demandes, le tribunal lit les pièces dont il dispose et les justiciables
se défendent et répondent à ce qui leur est adressé
oralement749. L'opinion du juge ne résulte donc pas seulement
des procédures de l'enquête préliminaire mais le juge
refait l'enquête de nouveau durant l'audience ce qui a pour
conséquence de permettre le principe de la conviction personnelle
à partir des preuves présentées durant les plaidoiries.
C. La violation du principe du débat
contradictoire de la procédure du jugement.
132. Le principe du débat contradictoire. Le
procès pénal est essentiellement
750
contradictoire . Il suppose la présence des parties aux
débats et devant le juge, dans une
situation et avec des armes égales
|
751
|
. Le principe du contradictoire, n'est pas le propre de la
|
procédure de jugement. Il trouve à s'appliquer
en principe dès la phase d'instruction, mais est
752
particulièrement fort au cours de la phase du jugement.
Lors de cette phase, le contradictoire se traduit par la possibilité
pour les parties de défendre leurs intérêts, ce qui
753
implique leur présence, et la possibilité de
prendre la parole pour discuter des preuves. Le principe du contradictoire est
lié à celui d'égalité des armes entre les parties
au procès : « Les débats sont contradictoires,
c'est-à-dire que les parties discutent sur un pied
d'égalité, sous le contrôle du président de la
juridiction à qui sont confiées la direction des débats et
la police
de l'audience »
|
754
|
. Mais il le dépasse, dans la mesure où il
suppose l'existence d'un véritable
|
180
749 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, p. 268.
750 V. P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p. 84 : « Le principe du
contradictoire s'impose donc non seulement entre les parties, mais
également entre le juge et les parties ».
751 R. Garraud, Précis de droit
criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, n° 426, p.
801.
752 V. sur l'absence de possibilité de
contradiction des parties : A. De Nauw, « Les règles d'exclusion
relatives à la preuve en procédure pénale belge »,
in Rev. dr. pén. crim. , 1990, pp. 705-723, V. spec. p. 714 :
« La cause d'exclusion des preuves réside dans la règle
que les parties doivent disposer de la possibilité de contredire
librement la valeur probante des éléments de la cause
».
753 V. P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p. 97 : « La procédure
d'audience contradictoire implique la présence des différentes
parties au procès pénal et la liberté pour chacune d'elle
de participer au débat sur la preuve ».
754 G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil,
B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et
procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002,
n° 773, p. 305.
755
débat judiciaire. Selon MM. Roger Merle et André
Vitu, le trait le plus important est la contradiction dans la procédure
à l'audience ; les parties sont présentes aux débats, y
756
produisent leurs preuves et y combattent librement celles de
leurs adversaires. Ce principe signifie que les parties présentes
doivent pouvoir discuter contradictoirement les éléments de
757
preuves acquis aux débats dans la phase de jugement.
Chaque partie durant l'audience est libre de discuter les preuves
administrées par les autres parties du procès et en même
temps
d'invoquer ses propres preuves
|
758
|
. La vérité dans le procès pénal ne
peut être vue qu'à travers
|
181
la contradiction entre l'accusation et la défense sur
la base de l'égalité des armes. L'article préliminaire du
CPP français dispose « la procédure pénale doit
être équitable et contradictoire et préserver
l'équilibre des droits des parties ». Dans le procès
pénal, le principe du débat contradictoire recouvre le droit
d'être entendu par le juge du fond qui doit forger sa conviction et en
même temps permet de discuter de façon contradictoire tous les
éléments de preuves. Ce principe implique que le juge de fond
pour juger l'affaire pénale ne puisse puiser les éléments
de sa conviction que dans les preuves qui ont été soumises aux
759
débats contradictoires . M. Franklin Kuty
considère que le principe du contradictoire constitue sans doute une
garantie fondamentale de l'impartialité du juge. Le principe du
760
contradictoire est l'un des principes essentiels sur lesquelles
les preuves pénales se basent
761
parce qu'il permet aux parties de se défendre avant qu'une
décision soit rendue contre
755 V. P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p. 84 : « Le juge est tenu en toutes
circonstances d'observer et de faire observer le principe le la contradiction
et ne peut retenir dans sa décision que les éléments et
les explications qu'il a recueillis contradictoirement ».
756 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris,
2001, tome 2 Procédure pénale, n° 731, p. 846.
757 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 48, p. 32 : « Le principe du
contradictoire signifie, aussi, que les parties, présentes, doivent
pouvoir discuter contradictoirement les éléments de preuve acquis
aux débats ... Le principe du contradictoire engendre des droits pour
les parties et des devoirs pour les juges. ».
758 V. P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p. 84 : « La discussion sur la preuve
envisagée sous couvert du contradictoire pourrait dès lors
s'entendre de la possibilité de contester les éléments de
preuve fournis par l'accusation et de pouvoir les combattre par tous moyens
».
759 V. sur le principe du contradictoire :
Ch. Gavalda-Moulenat, Le principe du contradictoire en procédure
pénale, Thèse de droit, 2005, Université Montpellier
I.
760 V. en même sens : F. Kuty,
L'impartialité du juge en procédure
pénale. De la confiance
décrétée à la confiance justifiée,
op. cit., p. 131.
761 V. sur le principe contradictoire : X.
Labbée, Introduction générale au droit: Pour une
approche éthique, Presse Universitaire du Septentrion, 2005, p. 247
: « C'est le juge qui est le gardien du principe du contradictoire :
ce qui veut dire qu'il ne peut statuer que dans les limites du procès,
qu'il peut écarter des débats des pièces ou des
conclusions non communiquées, ou encore donner aux parties le temps
nécessaire pour se défendre. On
182
762
elles. En effet, les parties se confrontent avec les preuves
et reçoivent leur défense ou leurs observations à ce
sujet. Le principe du contradictoire est l'un des plus importants principes du
contentieux et l'une des garanties de la réalisation de la justice. Le
principe du contradictoire est une application d'un droit plus large et plus
profond, celui de la défense. Par conséquent, le principe du
contradictoire occupe une place importante parmi les principes essentiels dans
l'organisation de la procédure pénale. Ce principe signifie
l'obligation de la présence des parties ou des adversaires devant le
juge au cours des discussions et des plaidoiries dans toutes les phases de
l'enquête finale, ainsi que leur réponse aux
éléments de preuve présentés par les autres parties
avec des arguments et des preuves échangés. En outre, il faut
être en mesure de les clarifier et de se défendre en personne ou
par des avocats désignés par les parties elles-mêmes ou par
le tribunal automatiquement en relation avec la Cour pénale, et le
service des mineurs au tribunal. Il est donc clair que la présentation
des preuves et leur discussion sont la base sur laquelle le tribunal forme sa
foi et son jugement. En outre, il n'est pas permis au tribunal d'adopter sa
décision sur la base d'une preuve qui n'a pas été
soulevée durant l'audience, ou qui a été soulevée
mais non consultée ou discutée par les justiciables. Dès
lors, il est interdit d'accepter de nouvelles preuves de la part de l'un des
justiciables après la clôture de l'audience, car cela ne
permettrait pas aux autres adversaires de les débattre. Dans le cas
où cette preuve est considérée comme importante, le juge
doit décider d'ouvrir à nouveau l'audience afin que les autres
opposants puissent consulter la nouvelle preuve et en débattre. Dans le
cas où la Cour a violé les règles
précédentes et a prononcé son jugement, ce dernier est
nul763.
133. Le principe du contradictoire est une forme
fondamentale de la procédure pénale libanaise. Le principe
du contradictoire exige que le défendeur à une procédure
pénale ait pris connaissance de toutes pièces et
éléments de preuve qui influencent et entrent dans la
construction de l'intime conviction du juge. L'article 179 du CPP libanais
énonce ce
comprendra que le respect du principe contradictoire rend
impossible la justice expéditive : il faut donner le temps aux parties
».
762 V. sur le principe du débat
contradictoire : L. Miniato, Le principe du contradictoire en droit
processuel, L.G.D.J., 2008.
763 V. en langue arabe : A. Abdelkader
Kahwaji, Interprétation du Code des procédures
pénales. Etude comparative, 1er éd.,
Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques
Halabi), Beyrouth (Liban), 2002, p. 452 ; V. R. Garraud et P. Garraud,
Précis de droit criminel, 15e éd.,
Sirey, Paris, 1934, n° 383, p. 805: « Il n'est pas permis au juge
de tenir compte d'une connaissance personnelle des faits acquise en dehors de
ses fonctions, car les faits qu'il a connus en dehors des débats
échappent à la discussion publique et contradictoire qui est le
seul moyen d'en vérifier l'exactitude et d'en apprécier la
portée. Par suite, il est de jurisprudence constante que tout jugement
qui admet ou repousse un moyen d'accusation ou de défense, en se basant
sur la connaissance personnelle acquise par les juges du fait en dehors des
débats, doit être annulé, parce qu'il est contraire au
principe de la contradiction ».
183
764
principe qui est applicable devant toutes les juridictions de
jugement en droit libanais. Le principe du contradictoire entre les
justiciables forme un élément fondamental de la
765
procédure, qui complète le principe de
l'oralité. L'implication de ce principe permet aux autres parties du
procès pénal de donner leurs témoignages ainsi que leurs
preuves ou éléments des preuves, et d'informer également
chacun des accusés des arguments et des preuves fournis par leur
adversaire, et en général sur toute procédure judiciaire
ouverte par le tribunal, notamment si cela influence le jugement adopté.
Le principe du contradictoire reste incomplet sans que le juge examine
lui-même les éléments de preuve conformément aux
exigences de l'enquête finale. La raison évidente est de renforcer
le principe du contradictoire en le considérant simultanément
comme une idée et une forme procédurale. D'une part, ce principe
est une idée qui réalise les droits de la défense. D'autre
part, ce principe est une forme procédurale étant donné
qu'il est un moyen de mener le procès dans la phase du jugement d'une
manière équilibrée préservant ainsi les droits de
toutes les parties dans le but de procéder au bon déroulement de
la justice. La chambre criminelle de la Cour de cassation du Liban a
considéré dans sa résolution n°138 en date du
28/06/2007 que faire sortir l'accusé de la salle de tribunal
pénale pour interroger l'autre accusé, de le ramener et de
l'interroger
sans l'informer des faits produits en son absence est
illégal766. Durant l'audience du 09/06/2005, le
président de la Cour criminelle a fait sortir l'accusé H.K de la
salle de la Cour pénale et a commencé à interroger
l'accusée A.CH, puis il a fait entrer le défendeur H.K dans la
salle et a commencé à l'interroger, sans l'informer du
témoignage qui a eu lieu en son absence, ce qui constitue une violation
du texte de l'article 264 du CPP libanais qui dispose que le tribunal ne peut
pas poursuivre le débat sans la présence de l'accusé dans
la salle de l'audience et son information du témoignage qui a eu lieu en
son absence. Par conséquent, le témoin doit faire un
témoignage public devant le tribunal en présence de
l'accusé, qui peut donc débattre avec le témoin
après avoir fait son témoignage.
134. Le caractère contradictoire des débats
en droit français. Selon une jurisprudence constante et
rigoureusement appliquée par la Cour de cassation française
« aux termes de l'article 427 du Code de procédure
pénale le juge ne peut fonder sa décision que sur les
764 L'article 179 du CPP libanais dispose :
« Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves dont
il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire en audience
publique ».
765 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 166, p. 270.
766 Composée du président M.
Abdullah Sami et des conseillers M. Ghassan Rabah et M. Elias Nayfeh,
Décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
n° 138 rendu le 28/06/2007.
éléments de preuve, qui lui sont
apportés au cours des débats et contradictoirement
discutés
767
devant lui ». Deux principes régissent le
déroulement des débats et limitent les pouvoirs du
768
président de la Cour : celui de l'oralité des
débats et celui du contradictoire. En vertu du principe du
contradictoire, les pièces nouvelles doivent être
communiquées à toutes les parties qui en font la demande. Selon
l'article 327 du CPP français, les débats devant la Cour
d'assises débutent avec la lecture par le greffier de la décision
de renvoi ainsi que, lorsque la Cour d'assises statue en appel, des questions
posées à la Cour ayant statué en premier ressort, des
réponses faites aux questions, de la décision et de la
condamnation prononcée. L'article 327 du Code de procédure
pénale français dispose que « le président invite
l'accusé et les jurés à écouter avec attention la
lecture de la décision de renvoi, ainsi que, lorsque la Cour d'assises
statue en appel, des questions posées à la Cour d'assises ayant
statué en premier ressort, des réponses faites aux questions, de
la décision et de la condamnation prononcée. Il
invite le greffier à procéder à cette
lecture »
|
769
|
. La chambre criminelle de la Cour de cassation
|
française avait déjà jugé qu'il
suffit qu'il ne résulte d'aucune mention que le greffier d'une Cour
d'assises statuant en appel ait donné lecture de l'arrêt de
condamnation prononcé par la Cour d'assises de première instance,
pour que soit encourue la cassation de l'arrêt prononcé en
appel ainsi que de la déclaration de la Cour et du jury
et des débats qui l'ont précédée
|
770
|
. Selon
|
184
la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de
cassation française : « Le juge ne peut fonder sa
décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des
débats et
contradictoirement discutées devant lui
»
|
771
|
. Dans le même arrêt précédent, la
Cour a
|
considéré que violent ce principe « les
juges d'appel qui se sont déterminés sur des indications fournies
par le service de la répression des fraudes, sans que ces
documents,
767 Cass. crim., 15 décembre 1970,
B.C., n° 338, p. 826.
768 Cass. crim., 30 octobre 2007, B.C.,
n° 260 : « Vu les articles préliminaire et 148-6 du
Code de procédure pénale ; Attendu qu'il résulte
du premier de ces textes que la procédure pénale doit être
équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des
droits des parties ».
769 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 3280, p. 2091.
770 Cass. Crim., 11 septembre 2002, B.C.,
n° 161, p. 559, Y. Monnet, Note sous Cass. Crim., 23 octobre 2002, in
Gaz.Pal., 05 août 2003, n° 217, p. 12.
771 V. Cass. Crim., 2 juillet 1991, B.C.,
n° 290, p. 739 : « Tout prévenu a droit à
être informé d'une manière détaillée de la
nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet et doit, par
suite, être mis en demeure de se défendre, tant sur les divers
chefs d'infraction qui lui sont reprochés, que sur chacune des
circonstances aggravantes susceptibles d'être retenues à sa
charge. Il en est ainsi de l'état de récidive, non visé
à la prévention, mais retenu par la cour d'appel pour aggraver la
peine ».
adressés au procureur général, aient
été soumis aux débats et contradictoirement
772
discutés ».
185
772 Cass. crim., 17 novembre 1965, B.C.,
n° 239.
Section II
Les procédés de preuves portant atteinte
à l'intimité de la
vie privée
135. Le droit à la vie privée est un droit
protégé. La protection de la vie privée est en
train
d'émerger depuis plusieurs années
|
773
|
et elle a connu une reconnaissance remarquable et une
|
186
valeur considérable dans la majorité des pays du
monde. Le droit au respect de la vie privée et
774
familiale est protégé en vertu de la Convention
européenne des droits de l'homme, au niveau
international
et par
775 776
par l'article 12 de la Déclaration universelle des droits
de l'homme
777
l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques. La protection juridique de la vie privée est reconnue au
niveau national, en droit français par l'article 9 du
778
Code civil français. De surcroît, l'atteinte
à l'intimité de la vie privée en droit français
est
773 J.-C. Soyer, «L'avenir de la vie
privée face aux effets pervers du progrès et de la vertu »,
in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans
la société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers
Sciences Morales Et Politiques, 2000, tome 1, chapitre 1, pp. 7-12, V. spec. p.
7 : « Parmi les droits de l'homme, figure le droit au respect de la
vie privée ».
774 L'article 8 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales dispose:1. « Toute personne a droit au respect de sa vie
privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne
peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de
ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la
loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l'ordre et à la
prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et
libertés d'autrui ».
775 V. F. Terré, « La vie
privée », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la
vie privée dans la société d'information, P.U.F.,
Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 7,
pp. 138151, V. spec. p. 138 : « La protection de la vie privée
est volontiers affirmée à notre époque dans les
instruments internationaux les plus prestigieux (déclarations, pactes et
conventions) ».
776 L'article 12 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme dispose: « Nul ne sera l'objet
d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou
sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa
réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi
contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».
777 L'article 17 de la Pacte international
relatif aux droits civils et politiques dispose : « 1. Nul ne sera
l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée,
sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales
à son honneur et à sa réputation. 2. Toute personne a
droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles
atteintes ».
778 Le droit au respect de la vie
privée a été consacré par l'article 22 de la loi du
17 juillet 1970, devenue l'article 9 du Code civil français qui dispose:
« Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges
peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi,
prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres,
propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à
l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a
urgence, être ordonnées en référé
».
779 780
sanctionnéepénalement
781
, comme la tentative. En droit libanais, au niveau national il
187
existe un vide juridique grave s'agissant de la protection de
la vie privée qui est comblé par les obligations des
traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés
par le Liban comme la Déclaration universelle des droits de l'homme et
le Pacte International relatif aux droits civils et politiques.
136. La preuve pénale au regard du droit au respect
de la vie privée. La recherche de la preuve pénale par un
moyen qui constitue une divulgation de la vie privée constitue une
atteinte flagrante au droit au respect à l'intimité
de la vie privée. Le droit au respect de la vie
782
privée protège l'individu contre le fait de
rassembler des preuves pénales qui portent atteinte à 783 . La
protection de la vie privée de la personne lors d'un procès
pénal est un la vie privée
droit fondamental qui occupe un haut rang dans la
hiérarchie des normes juridiques. Le
784
contenu de la vie privée est variable parce que la notion
de la vie privée est floue et vague
779 F. Terré, « La vie
privée », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la
vie privée dans la société d'information, P.U.F.,
Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 7,
pp. 138151, V. spec. p. 149 : « les atteintes à la vie
privée relatives à l'image ou à la voix sont
frappées de sanctions pénales particulières,
prévues aux articles 226-1 et suivants du code pénal
».
780 Article 226-1 du Code pénal
français dispose : «Est puni d'un an d'emprisonnement et de
45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque,
volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie
privée d'autrui : 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans
le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre
privé ou confidentiel ; 2° En fixant, enregistrant ou transmettant,
sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un
lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent
article ont été accomplis au vu et au su des
intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils
étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est
présumé.» ; L'article 226-2 du code pénal
français dispose : « Est puni des mêmes peines le fait de
conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un
tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement
ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par
l'article 226-1. Lorsque le délit prévu par l'alinéa
précédent est commis par la voie de la presse écrite ou
audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui
régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la
détermination des personnes responsables.».
781 L'article 226-5 du Code pénal
français dispose: « La tentative des infractions prévues
par la présente section est punie des mêmes peines ».
782 V. B. Beignier, « Vie privée
et vie publique », in Arch. phil. Droit., t. 41, 1997, pp.
163-180, V. spec. p. 169 : « Le respect de la vie privée se
traduit essentiellement par un devoir d'abstention : il faut laisser l'individu
tranquille ».
783 V. A. Maitrot de la Motte, « Le
droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous
direction), La protection de la vie privée dans la
société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers
Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 255-359, V.
spec. p. 256 : « Le droit au respect de la vie privée regroupe
ainsi deux droits. Le premier droit consiste à ne pas voir sa vie
privée espionnée ou divulguée. Et le second droit impose
que les relations avec autrui, dans un cadre public, ne soient pas
conditionnées par la vie privée. Aucune discrimination ou aucune
sollicitation abusive ne doit dépendre de la vie privée d'un
individu si celui-ci désire qu'elle ne soit pas exposée. Le droit
au respect de la vie privée a pour objet de défendre les citoyens
contre l'exclusion, de même qu'il leur reconnaît un droit à
être laissé tranquille ».
784 V. en ce sens : J.-C. Soyer,
«L'avenir de la vie privée face aux effets pervers du
progrès et de la vertu », in P. Tabatoni (Sous direction), La
protection de la vie privée dans la société
d'information, P.U.F., Collection :
188
en absence d'une définition juridique stable de la vie
privée. La notion de vie privée n'est pas définie par la
loi, les textes de droit énoncent simplement la protection de la vie
privée sans la
785
définir
|
. Pour certains auteurs, la vie privée est une notion
indéfinissable
|
786
|
. Par conséquent,
. En
787
M. Robert Badinter essaie de définir la vie privée
en partant des notions de négation
effet, la protection de la vie privée face à la
nécessité de la recherche des preuves n'est pas
788
absolue : elle est généralement limitée
à travers des restrictions apportées par le législateur au
droit au respect de la vie privée. L'audiosurveillance comme preuve
pénale est l'un des principaux problèmes de la preuve
pénale relatifs au droit au respect de la vie privée. Les cas
d'atteinte à la privée sont innombrables, mais nous limiterons
notre étude aux atteintes au respect de la vie privée qui sont en
fait intimement liées à la preuve issue de l'écoute des
conversations téléphoniques et de l'enregistreur vocal. Donc, le
premier paragraphe porte sur la preuve obtenue par la mise sur écoute de
conversations téléphoniques. Le second paragraphe porte sur la
preuve obtenue au moyen d'un enregistrement audio ou l'enregistrement par
magnétophone.
Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2000, tome 1, chapitre
1, pp. 7-12, V. spec. p. 8: « il faut souligner que la notion de vie
privée, relevant d'une telle protection juridique, est une notion
à géométrie des plus variables. Elle est tout autant
relative qu'évolutive ».
785 V. en ce sens : A. Maitrot de la Motte,
« Le droit au respect de la vie privée », in P.
Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la
société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers
Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 255-359, V.
spec. p. 255 :« Ce que recouvre l'expression droit au respect de la
vie privée est fort difficile à cerner » ; « La
jurisprudence ne fournit pour sa part que des indices qui permettent au mieux
de dresser une typologie des composantes de la vie privée et des
atteintes qui sont susceptibles d'y être portées. En revanche,
elle ne donne aucune définition précise de la «vie
privée», et n'indique pas en quoi consisterait un «droit au
respect» de celle-ci ».
786 V. B. Beignier, « Vie privée
et vie publique », in Arch. phil. Droit., t. 41, 1997, pp.
163-180, V. spec. p. 165 : « L'impossible notion: La loi de 1970,
d'où est extrait l'article 9 du Code civil, parle de vie privée.
L'expression est tout à la fois restrictive et insuffisante. Lors du
vote, le Garde des Sceaux avait indiqué que la loi se
référait à l'intimité de la vie privée pour
diminuer la portée de la formule vie privée dont on se sert dans
l'alinéa 1er de cette disposition ».
787 V. R. Badinter, « Le droit au
respect de la vie privée », in JCP. G., 1968, I
(Doctrine), 2136 : « En l'absence de toute définition positive
de la vie privée, comment ne pas tenter de la définir par la
négative ? La vie privée, c'est tout ce qui n'est pas la vie
publique de l'individu... cette définition a le mérite de mettre
l'accent sur la primauté de la vie privée, celle-ci, interdite
à toute intrusion indiscrète, étant pour chacun le sort
commun, le reste, c'est-à-dire la vie publique ouverte à la
curiosité de tous, étant l'exception ».
788 V. en ce sens : G. Guidicelli-Delage
(dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les
transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives
comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France,
Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice /
Synthèse 107 / décembre 2003, p. 8 : « Mais, si le
respect de la dignité humaine est un principe qui ne souffre aucune
exception, le droit au respect de la vie privée comme celui de la
liberté d'expression peuvent, selon les dispositions de la Convention
européenne, subir des restrictions, à la condition qu'elles
apparaissent nécessaires dans une société
démocratique ».
189
§ 1. Preuve obtenue par la mise sur écoute
de conversations téléphoniques.
137. Les écoutes téléphoniques
portent-elles atteinte au respect de la vie privée ? En isolant la
question de la fiabilité des écoutes téléphoniques
comme procédé dans la recherche de preuve pénale, il est
pertinent de s'interroger sur la légalité de l'utilisation de ce
procédé parce qu'il constitue une véritable atteinte
à la vie privée des citoyens. Les écoutes
789
téléphoniques n'ont jamais cessé de
susciter des questionset ont toujours soulevé un problème
d'équilibre entre d'une part, le droit des individus de jouir de la
confidentialité de la
790 791
vie privée, et de s'opposer à toute immixtion
dans leur intimité sans autorisation, et, d'autre part, le droit de
l'État de préserver sa sécurité intérieure
et extérieure et le contrôle de tout ce qui pourrait nuire au
système et à la sécurité de ses citoyens, et ce,
à travers le contrôle
792
du phénomène criminel et le suivi de son
évolution et de ses moyens. La question de l'écoute
téléphonique a soulevé un vaste débat sur la
légalité et l'admission de cette preuve
dans le domaine du droit pénal793. En effet,
d'une part les enquêteurs considèrent que l'écoute
téléphonique est un moyen qui va leur permettre de
détecter certaines infractions importantes, et que
l'intérêt général dans la détection des
infractions et la récolte de preuve l'emporte sur les
intérêts privés de l'individu, car la
sécurité et la sûreté publique dépassent de
loin la valeur de tout droit à la vie privée invoqué par
l'individu. D'autre part, il faut protéger le droit du citoyen du fait
de l'immixtion dans ses communications et sa vie privée, sinon la
liberté individuelle serait en danger, ce qui sape les fondements de la
vie publique et conduit les
789 V. R. Badinter, « Le droit et
l'écoute électronique en droit français », in
Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et
sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 17 : « Il est
remarquable de constater que c'est toujours sur le plan de
l'admissibilité de la preuve d'un acte ou d'un fait juridique par le
moyen d'écoute clandestine que le débat était placé
».
790 V. sur ce point : V. Antoine, Le
consentement en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 469, p. 322 : « Ces
pratiques, même si elles sont encadrées par la loi, restent
critiquées en ce qu'elles violent certains droits et libertés
fondamentaux de l'individu concernés, en particulier sa vie
privée ».
791 V. sur écoute
téléphonique : V. Antoine, Le consentement en
procédure pénale, Thèse de droit, Université
Montpellier 1, 2011, n° 468, p. 322 : « la pratique des
écoutes entre en contradiction avec le respect de l'intimité de
la vie privée protégé notamment par l'article 8 de la
Convention européenne des droits de l'homme ».
792 V. en ce sens : A. Chavanne, « Les
résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in
R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p.
750 : « II y a parfois un équilibre à trouver entre
l'intérêt privé du secret et divers intérêts
d'ordre général de prévention et de répression
d'infractions pénales ou encore de défense de l'intimité
de la vie privée ».
793 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes
de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 293, p.
248 : « À vrai dire, le problème de savoir s'il est
licite pour la justice ou par voie de conséquence pour un officier de
police judiciaire de rechercher des preuves au moyen de l'interception des
communications téléphoniques est une question des plus
délicates qui a fait l'objet d'abondantes études ».
citoyens à se méfier les uns des autres,
à l'introversion et à la crainte permanente du contrôle
794
du pouvoir. En effet, la preuve pour être
légalement acceptable doit être basée sur une
procédure correcte qui ne porte aucune atteinte au droit de la
défense de la personne suspectée ni au respect de la
liberté individuelle ou de la vie privée. C'est justement ce
qu'impose le principe pénal général qui exige le respect
des règles d'intégrité et de crédibilité,
« la loyauté
795796
des preuves », lors de la mission de recherche des
preuves criminelles.
A. La nécessité d'une réglementation
légale des écoutes téléphoniques.
138. La légalité de l'écoute
téléphonique. L'écoute des communications
téléphoniques, qu'elle soit judiciaire ou administrativs, doit
être légale afin que ses effets soient reconnus valables. Elle
doit donc être autorisée en vertu d'un texte légal. Pour
certains auteurs, 1'écoute de conversations téléphoniques
peut constituer un mode de preuve valable si elle a été conforme
aux règles régissant les preuves pénales qui imposent la
loyauté dans le processus de recherche des preuves criminelles, dans le
cas d'absence de textes comme l'avait déjà
souligné M. Doreid Becheraoui797. Nous ne
sommes pas d'accord avec M. Doreid Becheraoui qui n'exige la conformité
de 1'écoute de conversations téléphoniques qu'aux
principes d'intégrité et de crédibilité qui
caractérisent le principe de la loyauté de preuve. Ce principe
étant essentiellement moral, cela amène à négliger
totalement l'exigence d'une base légale pour permettre l'écoute.
En France, avant la loi du 10 juillet 1991, les écoutes
téléphoniques
n'étaient soumises à aucun régime
légal
|
798
|
comme en droit libanais avant la loi n° 140/99
|
799
|
.
|
190
794 V. en langue arabe : M. Awji,
Leçons de procédure pénale, 1er
éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p.
187.
795 La loyauté dans la recherche de la
preuve pénale.
796 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
« Les écoutes téléphoniques », in La revue
du barreau des avocats (Revue Al Adl), 1997, n° 2, pp. 23-40, V.
spec. p. 24.
797 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
« Les écoutes téléphoniques », in La revue
du barreau des avocats (Revue Al Adl), 1997, n° 2, pp. 23-40, V.
spec. p. 24.
798 V. en se sens : J. Pradel, « Un
exemple de restauration de la légalité criminelle: le
régime des interceptions de correspondances émises par la voie
des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du
10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49 : « Longtemps,
c'est vrai, les interceptions n'ont pas eu en France de statut légal
véritable ... Les écoutes judiciaires étaient admises par
la Cour de cassation sur le fondement des art. 81, al. 1er, et 151 c. pr.
pén. qui sont tellement généraux qu'ils ne parlent
même pas des écoutes téléphoniques».
799 V. en droit français : sur les
interceptions de correspondances émises par voie de
télécommunications : C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 362, p. 246 : « pendant longtemps
le droit français ne connut aucune législation
particulière concernant ces procédés techniques
d'enregistrement des paroles des personnes soupçonnées. Le juge
français se contenait d'ordonner de telles mesures en s'appuyant sur le
seul article 81 du Code de procédure pénale,
éventuellement combiné aux articles 151 et 152 relatifs aux
commissions rogatoires. » ; L'article 81 du CPP français
dispose : « Le juge d'instruction
Certains auteurs français ont considéré
que l'article 81 du CPP français couvre ce vide juridique et offre une
base légale à l'écoute judiciaire. La situation est la
même au Liban,
l'article 61 du CPP libanais
|
800 801
qui est parfaitement identique à l'article 81 du CPP
française
.
|
|
191
En effet, en l'absence de texte juridique autorisant cette
procédure dangereuse, une reconnaissance de la recevabilité ou de
la légalité de toute procédure d'écoute qui vise
à recueillir des preuves criminelles, nous semble inacceptable. Cette
procédure doit être basée sur un cadre et une
référence juridique explicite et sans ambiguïté, en
vue du respect du principe de la légalité procédurale, et
en particulier du principe de la légalité de la preuve
pénale. Car le principe de la légalité de la preuve
pénale représente la protection des libertés individuelles
et le droit à la vie privée et constitue la pierre angulaire et
le fondement de l'État de droit. En effet, la question de
l'écoute va au coeur de la liberté et la confidentialité
des communications. C'est un droit auquel il n'est pas possible de renoncer et
qui n'est même pas susceptible de discussions car il concerne la vie
intime de l'individu. L'écoute est un moyen de preuve illicite et
immoral qui suppose l'utilisation de la fraude pour établir la preuve de
l'implication d'une personne dans l'infraction, ce qui est tout aussi grave que
la violence. Donc, l'exigence de la loyauté de la preuve est une
condition complémentaire et intégrée à la condition
de la légalité de la preuve, et l'absence de texte juridique pour
encadrer l'opération d'écoute comme moyen de preuve, lui
enlève toute base légale, c'est-à-dire toute
validité juridique. Par conséquent, cette absence ne peut jamais
être compensée par l'exigence du principe de la loyauté de
la preuve, dont la présence, à côté du principe de
la légalité de la preuve, est considérée parmi les
principes de base dans le processus de l'exploration et de la recherche de la
preuve en matière pénale. La preuve peut être
déloyale mais légale, mais elle ne peut pas être loyale
mais illégale.
139. L'écoute clandestine de la conversation
téléphonique. Parmi les plus importants cas
802
de figure de fraude employée par l'enquêteur pour
l'obtention des aveux de l'accusé, on
procède, conformément à la loi,
à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la
manifestation de la vérité. Il instruit à charge et
à décharge ».
800 L'article 61 du CPP libanais dispose :
« Dans le cadre de l'ensemble des mesures
d'instruction qu'il entreprend aux fins de la manifestation de la
vérité, le juge d'instruction a recours à des moyens
légaux ».
801 V. A. Chavanne, « Les
résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in
R.I.D.C., Vol. 38 n°2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p.
751 : « Sans doute, le juge d'instruction dispose-t-il des plus larges
pouvoirs, mais à condition que soient respectés les droits de la
défense. Les écoutes téléphoniques ne se
prêtent pas au formalisme prévu par la loi pour les
interrogatoires ou les auditions où la présence d'un avocat
constitue une garantie sérieuse. En outre, les conversations surprises
peuvent se situer entre le délinquant et son avocat et une telle
écoute violerait les droits de la défense et serait contraire
à l'ordre public ».
802 V. P. Hennion-Jacquet, «
L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention
européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575
et s., V. spec n° 4:« Afin d'obtenir la preuve de la commission
d'une
192
distingue : l'écoute clandestine des conversations
téléphoniques et l'enregistrement dérobé des
803
déclarations des accusés. Les conversations
téléphoniques comprennent les secrets les plus intimes des gens,
l'énigme de leurs âmes, et pendant lesquels le locuteur,
rassuré par son correspondant à l'autre bout du fil, divulgue ses
secrets en toute liberté sans embarras, ni crainte d'être entendu,
et croyant qu'il est à l'abri de la curiosité et de
l'écoute secrète de ses
804
conversations, leur surveillance et leur enregistrement. C'est
un moyen frauduleux interdit. La cause de l'interdiction de cette
méthode réside dans le fait qu'elle comporte une violation et une
atteinte aux droits de l'homme et à la confidentialité de la
correspondance qui représente une forme d'atteinte à la vie
privée, protégée par la loi libanaise et française.
En
805
.
effet, espionner les appels téléphoniques
constitue une grave violation des libertés
Cependant, il est à noter que cette interdiction n'est
pas absolue, car le développement technologique et l'évolution
des techniques de commission des infractions ont engendré des
806
difficultés pour prouver l'incident criminel et
l'attribuer à une personne en particulier. Par conséquent, les
législateurs libanais et français, comme dans beaucoup de
législations, a autorisé l'interception des appels
téléphoniques et des communications accomplies par les moyens de
communications à distance, sous certaines conditions. Ainsi,
l'utilisation de ce moyen comme preuve, ou dans le cadre de procédures
d'enquêtes et d'investigation, est considérée comme
illégale si elle n'a pas été précédée
d'une autorisation préalable du législateur, c'est-à-dire
d'une disposition légale qui réglemente l'utilisation de cette
méthode,
infraction, il peut être utile d'enregistrer
certaines conversations. En effet, en écoutant les confessions que
l'accusé adresse à un tiers, les autorités de poursuites
reçoivent des déclarations ».
803 V. P. Hennion-Jacquet, «
L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention
européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575
et s., V. spec n° 4 : « L'écoute secrète vise
à contourner les dispositions concernant l'interrogatoire formel et
conduit à l'obtention d'une confession auto-incriminante ».
804 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380,
V. spec. p. 362.
805 V. R. Badinter, « Le droit et
l'écoute électronique en droit français », in
Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et
sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 17 : « En
général, le choix du législateur est à cet
égard fondamental et révélateur, car en mettant
l'écoute clandestine hors la loi, quels que soit sa forme ou son objet,
le législateur affirme du même coup que la protection de
l'individu contre toute forme d'espionnage est un droit essentiel en notre
société » ; V. encore pour le même auteur : R.
Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit
français », in Publications de la faculté de droit et
des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n°1, p. 21 :
« La vie privée de chacun comporte en tout état de cause
un noyau irréductible, une zone d'intimité qui appelle une
protection absolue ».
806 V. A. Chavanne, « Les
résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in
R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p.
750 : « II est de nombreuses infractions pour la découverte
desquelles des écoutes téléphoniques constituent presque
une nécessité : proxénétisme, trafic de drogue,
trafic d'armes notamment ».
807
.
193
compte tenu de la gravité qu'elle peut
représenter pour les droits et les libertés
Généralement, le législateur restreint l'utilisation de
ces moyens au sein des cadres et normes spécifiques et bien
précises, qui doivent être respectées. Par
conséquent, et en l'absence de dispositions légales qui
autorisent le recours à des écoutes téléphoniques
ou à des enregistrements audio, on ne peut pas justifier sa
légalité par le prétexte du principe de la
808
liberté de la preuve en matière pénale, ce
qui aurait pour conséquences d'admettre cette
809
preuve illégale.
140. L'écoute téléphonique au Liban
avant la loi n° 140/99. Avant la promulgation de la loi n°
140/99 publiée le 27/10/1999 et destinée à
préserver le droit à la confidentialité des
communications, par tout moyen de communication, telle que modifiée par
la loi n° 158 du 27/12/1999, la législation libanaise ne contenait
aucun texte relatif à la réglementation de l'écoute des
appels téléphoniques, avec ou sans fil. Par conséquent, la
loi libanaise n'a pas autorisé, ni dans le Code de procédure
pénale ni dans aucune disposition particulière, les
autorités judiciaires et policières à intercepter les
communications téléphoniques avec ou sans
fil810. Toutefois, la loi n° 140/99, dont la
majorité des dispositions ont été inspirées de la
loi
811
française publiée le 10/07/1991, est devenue la
base juridique réglementant l'écoute
812
judiciaire en droit libanais.
141. Des écoutes illégales avant la loi
n° 140/99 en droit libanais. En l'absence de texte juridique, et
avant la publication de la loi n° 140/99, M. Doreid Becheraoui
considérait qu'on
807 V. R. Badinter, « Le droit et
l'écoute électronique en droit français », in
Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et
sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 19 : « Le droit au
respect de la vie privée apparaît ainsi général,
absolu, extrapatrimonial ».
808 V. sur ce point : R. Badinter, « Le
droit et l'écoute électronique en droit français »,
in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et
sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, pp. 17-18 : « En
choisissant l'autre terme de l'alternative, la prohibition ou l'écoute
en fonction de son objet, restrictivement limité, le législateur
opte pour la légalité de l'écoute hors le champ interdit
par la loi ».
809 V. R. Badinter, « Le droit et
l'écoute électronique en droit français », in
Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et
sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 24 : «
l'illégalité de l'écoute clandestine emporte des
conséquences importantes concernant le problème de
l'admissibilité comme preuve judiciaire des enregistrements ou documents
réalisés grâce à de telles écoutes
».
810 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 287, p. 279.
811 La loi du 10 juillet 1991 qui
légalise les écoutes téléphoniques en droit
français, a été prise à la suite de deux
condamnations contre la France par la Cour européenne des droits de
l'homme condamnant la France pour des écoutes illégales (Huvig c.
France et Kruslin c. France).
812 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 287, p. 279.
194
devait reconnaître au juge d'instruction le droit de
recourir - en cas de nécessité - à l'écoute ou
à l'interception des communications de l'accusé, ainsi
qu'à celles de toutes les personnes ayant contribué avec lui
à commettre l'infraction objet de l'enquête que ce soit
directement, à travers la société des
télécommunications nationale, ou par le biais de n'importe quelle
société de communication agréée par l'État
(comme les sociétés de téléphonie mobile par
exemple), sous sa supervision et son contrôle permanent, et ce, en vertu
d'une décision écrite motivée, signée et
datée, soit indirectement, par l'émission d'une commission
rogatoire en faveur de la police judiciaire, exécutant cette tâche
sous sa supervision et son contrôle. C'est ce qui se passait
réellement avant l'entrée en vigueur de la loi n° 140/99,
d'une manière arbitraire et non organisée, de telle sorte que
cette opération d'écoute étant exécutée,
soit selon les conditions mentionnées, soit sans le respect des
conditions préalables, ce qui a fait que cette opération
constituait une procédure non soumise à des contrôles
juridiques, menée par les membres des forces de l'ordre sans la
connaissance du juge d'instruction ou sans la présence de toute
commission rogatoire, ou encore menée par le procureur au cours des
enquêtes
813
préliminaires . Ces agissements ont constitué
une grave et flagrante violation des libertés individuelles et du
respect de la vie privée, ainsi que du droit de la défense
protégés par tous
. En
814
les pactes et les chartes internationales relatives à la
protection des droits de l'homme
fait, l'avis du M. Doreid Becheraoui ne correspond pas
à une logique juridique solide, ni aux principes de la
légalité procédurale et de la légalité de la
preuve pénale. Ce qu'il affirme signifie qu'en l'absence du texte
juridique ; c'est-à-dire avant de légiférer sur
l'écoute avec la loi libanaise n° 140/99, il a été
reconnu au juge le recours - en cas de nécessité - à
l'écoute ou à l'interception des communications de
l'accusé et de toute personne ayant contribué avec lui au crime
objet de l'enquête. Nous ne sommes pas d'accord avec cet avis de M.
Doreid Becheraoui, car, bien que ce qu'il a avancé soit
considéré comme la pratique courante de la justice libanaise
avant la loi n° 140/99, nous ne pouvons attribuer à cette
application illégale aucune légalité parce que
l'illégalité est flagrante. Est-il permis de violer les garanties
de la liberté individuelle et de la vie privée
protégées par la constitution libanaise, par une ordonnance ou
une décision judiciaire ? La décision du juge d'instruction
peut-elle remplacer la volonté du législateur libanais ? L'avis
du M. Doreid Becheraoui est-il cohérent avec le principe de
séparation des pouvoirs, et en particulier du pouvoir judiciaire et du
pouvoir législatif ? Qu'en est-il du principe de la
légalité de la procédure pénale et de la
légalité de
813 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 295, pp. 285-286.
814 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 295, p. 286.
preuve pénale ? Qu'est-ce qui peut en rester, si jamais
nous acceptons et reconnaissons la position de M. Doreid Becheraoui et de ceux
qui ont considéré qu'en l'absence de texte juridique, on admet
que le juge peut recourir - en cas de nécessité - à
l'écoute ou à l'interception des communications de
l'accusé et de toute personne ayant contribué avec lui au crime
objet de l'enquête ? En droit français, la situation est semblable
à celle du droit libanais, on peut considérer que la situation
des écoutes téléphoniques avant la loi du 10 juillet 1991
est d'une illégalité flagrante contrairement à la position
de la Cour de cassation française qui
admettait les écoutes illégales sans les
considérer comme illégales
|
815
|
. C'est dans cet esprit que
|
nous considérons qu'en droit libanais toutes les
opérations d'écoute ayant eu lieu avant la loi n° 140/99
sont illégales. En fait, il s'agit d'un acte dont
l'illégalité est particulièrement grave et flagrante, et
qui aurait dû être frappé de nullité, ainsi que toute
preuve en découlant, que ce soit d'une manière directe ou
indirecte, pour avoir violé le principe de la légalité de
la preuve pénale, et parce que tout ce qui s'est basé sur
l'illégalité doit être jugé illégal, ces
procédures
ont été en désaccord avec la
légalité procédurale
|
816
|
. Il est également opportun de noter que
|
195
l'article 174 de la loi sur les stupéfiants, les
substances psychotropes et les précurseurs n° 673/1998 a
été publiée avant la législation sur
l'écoute n° 140/99, et a traité la façon de
surveiller et d'écouter les communications téléphoniques
dans le cadre des crimes liés à la
drogue 817 . Ici, le législateur libanais a
légiféré sur l'écoute exceptionnellement dans les
cas d'infractions liées aux drogues, et ce, avant l'adoption de la loi
n° 140/99. Cette disposition
dans la loi sur la drogue est toujours en vigueur
aujourd'hui818.
815 V. en ce sens : Ph. Conte et P. Maistre
Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd.,
Armand Colin, Paris, 2002, n° 360, p. 263 : Les écoutes
téléphoniques : « cette pratique courante ne connut,
pendant longtemps, aucune réglementation, ce qui donna lieu à
bien des abus, tant de l'administration (écoutes administratives) que de
la justice (écoutes judiciaires). Elle était, pourtant,
illégale, même si la chambre criminelle s'efforçait de
soutenir le contraire. ».
816 La jurisprudence de la chambre criminelle
de la Cour de cassation libanaise n'offre pas l'exemple de sanctions de ces
illégalités car la preuve de ces écoutes est pratiquement
impossible à faire par les personnes intéressées.
817 L'article 174 de la loi libanais sur les
stupéfiants, les substances psychotropes et les précurseurs
n° 673/1998 dispose que : « l'officier de police, peut - sous
autorisation du procureur général- peut mettre sous surveillance
ou sur écoute des lignes téléphoniques utilisées
par des personnes, que des preuves sérieuses ont démontré
leur implication dans des crimes liés aux drogues. Toutefois, les
communications obtenues de la sorte ne peuvent être
considérées comme des aveux, mais utilisés plutôt
dans la surveillance des contrevenants et la détection des crimes
».
818 Il est à noter dans ce cas que
l'article 2 de la loi sur la défense Nationale, publiée par le
Décret-loi n° 102 /83 en date du 16/09/1983, c'est à dire
avant la loi sur l'écoute n°140/99, dispose que « si le
pays, ou une partie du territoire, ou un secteur parmi ses secteurs publics, ou
une partie de la population, ont été exposés à un
risque, on peut déclarer un état d'alerte qui peut être
partiel ou total, ou un état de mobilisation partiel ou total. Dans ces
cas, des mesures seront prises par des décrets au sein des conseils
ministériels sur proposition du Conseil suprême de la
défense et peut inclure des dispositions spéciales visant
à : organiser le contrôle des transports et des communications
». On peut donc conclure à partir de ce texte, que
l'État a le droit - dans les cas visés plus
196
142. Des écoutes illégales avant la loi du
10 juillet 1991 et la condamnation de la France par la CEDH pour violation de
l'article 8 de la Convention EDH. Avant la loi du 10 juillet 1991, il y
avait un vide juridique dans le domaine des écoutes
téléphoniques qui n'étaient
soumises à aucun régime
légal819. M. Édouard Verny a bien exprimé la
situation juridique qui existait avant la loi du 10 juillet 1991 en soulignant
qu'« avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1991, la
législation française ne prévoyait pas expressément
les écoutes téléphoniques. La Cour de cassation avait
avalisé le recours à ce procédé en se fondant sur
l'article 81 du Code de procédure pénale qui autorise le juge
d'instruction à procéder à tous
820
les actes utiles à la manifestation de la
vérité ». Donc, les écoutes
téléphoniques faites avant la loi du 10 juillet 1991 l'ont
été sans base légale, malgré la position de la
jurisprudence
821
de la chambre criminelle de la Cour de cassation
françaisequi a fait une couverture légale
822 823
purement formellepour des écoutes entachée
d'illégalité flagrante. A plusieurs reprises, la
loin-, de recourir à l'écoute des communications
des citoyens dans les états d'alerte ou de mobilisation, à
condition que ceci ne soit possible qu'en vertu de décrets et dans des
cas exceptionnels et très limités. Ce texte est toujours valable
de nos jours.
819 V. S. Jacopin, « La réception
par les lois pénales françaises contemporaines de l'article 8 de
la Convention européenne des droits de l'homme », in Droit
pénal, n° 6, Juin 2006, Etude 9 : « Pendant
longtemps, les écoutes téléphoniques,
régulièrement utilisées en France dans le cadre du
procès pénal, n'étaient soumises à aucun
régime légal. S'est donc posée la question légitime
de savoir si ces procédés permettant d'écouter et
d'enregistrer des conversations ou des communications
téléphoniques étaient recevables ».
820 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, p.
192.
821 V. la juriprudence de la Cour de
cassation française avant la condamnation de la France par la Cour
européenne des droits de l'homme: Cass. crim., 23 juillet 1985,
B.C., n° 275 : « La mise sur écoutes de la ligne
téléphonique attribuée à une personne
soupçonnée d'être impliquée dans un crime à
laquelle il a été procédé sur commission rogatoire
régulière d'un juge d'instruction ne saurait constituer une cause
de nullité des actes de la procédure ni une violation de
l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales dès lors que cette mesure
d'investigation a été accomplie sans artifice ni
stratagème et que rien ne permet d'établir que ce
procédé ait eu pour résultat de compromettre les
conditions d'exercice des droits de la défense ».
822 V. en ce sens : H. Leclerc, « Les
limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in
R.S.C., 1992, p. 15 : « la Chambre criminelle avait
forgé une jurisprudence et depuis l'arrêt Tournet du 9 octobre
1980, sur le fondement de l'article 81 du Code de procédure
pénale, elle estimait que le juge d'instruction pouvait ordonner une
écoute téléphonique s'il la jugeait nécessaire
à la manifestation de la vérité » ; V. la
position de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans l'arrêt
Tournet : Cass. Crim., 9 octobre 1980, B.C., n°255 : «
La mise sur écoutes téléphoniques du domicile d'un
inculpé à laquelle il a été procédé
sur commission rogatoire du juge d'instruction ne saurait constituer une cause
de nullité de la procédure lorsque cette mesure d'investigation a
été exécutée sous le contrôle de ce magistrat
sans artifice ni stratagème et que rien ne permet d'établir que
ce procédé ait eu pour résultat de compromettre les
conditions des droits de la défense ».
823 V. sur ce point : A. Maitrot de la Motte,
« Le droit au respect de la vie privée », in P.
Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la
société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers
Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 265 : «
La jurisprudence s'est longtemps interrogée sur la
légalité des écoutes judiciaires, dans la mesure où
elles n'étaient pas expressément autorisées par la loi.
Mais elle a finalement accepté qu'un juge d'instruction puisse, au cours
d'une information, délivrer une commission
Convention européenne a exigé d'une
manière indirecte mais explicite que les autorités disposent
d'une base légale pour certains actes qui constituent en fait des
atteintes aux droits
824
fondamentaux
. L'article 8 de la Convention EDH. n'admet l'ingérence
d'une autorité
publique dans le droit au respect de la vie privée et
familiale, du domicile et de la correspondance que pour autant que celle-ci
soit prévue par la loi825 . Cette position fut celle de
826
la Cour EDH qui a condamné la France en matière
d'écoutes téléphoniques. Cette position
827
est illustrée par deux affaires importantes
d'écoutes téléphoniques, Huvig contre la France,
24 avril 1990 et Kruslin contre la France, 24 avril 1990
|
828
|
« la France fut cependant
|
197
condamnée par la Cour européenne des droits de
l'homme dans les arrêts Kruslin et Huvig du
829
24 avril 1990 en raison de l'imprécision du droit
français en la matière ». Dans les deux cas Huvig et
Kruslin contre la France, le sujet essentiel de la plainte porte sur l'absence
d'une base légale explicite autorisant les écoutes sur mandat du
juge d'instruction en droit
rogatoire à un officier de police judiciaire
l'autorisant à intercepter des conversations
téléphoniques, dans le but de découvrir les auteurs d'une
infraction grave».
824V. sur ce point: CEDH, 26 avril
1979, Sunday Times C/ Royaume-Uni, Requête n° 6538/74, spec. §
49: « Aux yeux de la Cour, les deux conditions suivantes comptent
parmi celles qui se dégagent des mots "prévues par la loi". Il
faut d'abord que la "loi" soit suffisamment accessible: le citoyen doit pouvoir
disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur
les normes juridiques applicables à un cas donné. En second lieu,
on ne peut considérer comme une "loi" qu'une norme énoncée
avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa
conduite ; en s'entourant au besoin de conseils éclairés, il doit
être à même de prévoir, à un degré
raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de
nature à dériver d'un acte déterminé. Elles n'ont
pas besoin d'être prévisibles avec une certitude absolue :
l'expérience la révèle hors d'atteinte. En outre la
certitude, bien que hautement souhaitable...».
825 V. en ce sens : P. De Hert, « La
jurisprudence européenne dans le domaine des moyens de contrainte, des
écoutes policières, des prisons, de la violence policière,
du terrorisme, de la détention préventive, des témoins
anonymes... », in Vigiles. Revue de droit de police, 1996, vol. 2
n° 4, 26-37.
826 V. H. Leclerc, « Les limites de la
liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C.,
1992, p. 15: « Le débat a pris un tour aigu après
les arrêts Kruslin et Huvig de la Cour européenne (24 avr. 1990,
A. 176), qui avaient condamné la France, estimant que le système
jurisprudentiel, qui suppléait à l'absence de loi
spécifique et constituait une base légale, n'était pas
d'une qualité suffisante ».
827 V, sur ce point : A. Maitrot de la Motte,
« Le droit au respect de la vie privée », in P.
Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la
société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers
Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 265 : «
C'est précisément l'absence de texte légal pouvant
justifier ces pratiques qui a conduit la Cour européenne des Droits de
l'Homme à condamner la France à l'occasion des arrêts
Kruslin et Huvig, rendus le 24 avril 1990. Par ces arrêts, la Cour
désapprouve tant les écoutes judiciaires que les écoutes
administratives ».
828 V. Des pratiques contraires aux
engagements internationaux de la France et exposant le gouvernement à
une condamnation : R. Errera, « Les origines de la loi
française du 10 juillet 1991 sur les écoutes
téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et
s,. V. spec. pp. 859-860 : « On pouvait assurément s'attendre
à voir un jour un requérant français se plaindre devant la
Cour, à propos d'écoutes téléphoniques, de la
méconnaissance de l'article 8 de la Convention. C'est ce qui se
produisit. MM. Huvig et Kruslin, n'ayant pu convaincre les juges
français, y compris la Cour de cassation, du bien-fondé de leur
position, saisirent la Cour européenne des droits de l'homme
».
829 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, pp.
192-193.
français 830 . La Cour de Strasbourg va considérer
que le manque de base légale n'est pas le
sujet essentiel parce que la Cour européenne admet en
fait que le droit non écrit et la jurisprudence constituent une base
légale suffisante afin de recourir à des techniques de recherche
ce qui constitue une nouvelle notion de la base légale en droit
français. Donc, c'est la qualité de la législation
française et plus particulièrement la prévisibilité
qui ne répondaient pas aux conditions légales de l'article 8
C.E.D.H qui vont conduire la Cour de Strasbourg à
condamner la France
|
831
|
. Cela soulève évidemment bien d'autres questions
inévitables parce
|
198
que le législateur français n'a pas
encadré légalement les écoutes téléphoniques
durant cette période. « Sans aucun doute, toutes ces
discussions auraient pu être évitées si le
législateur avait pris le soin de se prononcer nettement sur le
problème de la légalité des interceptions
832
.
ordonnées par les autorités judiciaires
»
143. Les conséquences immédiates de la
condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme
le 24 avril 1990. L'effet de la condamnation de la France par la Cour
européenne des droits de l'homme se manifeste clairement et très
rapidement dans la position de la Cour de cassation française.
« Ainsi, trois semaines après les arrêts Kruslin et
Huvig, a-t-elle, par son arrêt Bacha Baroudé du 15 mai 1990,
aménagé sa jurisprudence
833
relative aux écoutes téléphoniques
dans le sens indiqué par la Cour de Strasbourg ». Un
arrêt rendu le 15 mai 1990 par la chambre criminelle de la Cour de
cassation française énonça
834
les principes suivants: les écoutes
téléphoniques trouvent une base légale dans les
articles
830 V. B. Bouloc, «
Réglementation des écoutes téléphoniques », in
R.S.C., 1992, p. 128 : « On sait qu'après que la Cour
de cassation ait cru devoir, sans texte précis, admettre qu'un juge
puisse ordonner une écoute téléphonique la Cour
européenne des droits de l'homme par un arrêt du 24 avril 1990 a
estimé que les modalités de mise en oeuvre étaient peu
précises et laxistes ».
831 V. P. De Hert, « La jurisprudence
européenne dans le domaine des moyens de contrainte, des écoutes
policières, des prisons, de la violence policière, du terrorisme,
de la détention préventive, des témoins anonymes...
», in Vigiles. Revue de droit de police, 1996, vol. 2 n° 4,
26-37 : « La Cour souffle le chaud et le froid à propos de la
condition de légalité des techniques de recherche. Une
disposition légale explicite, écrite sur mesure, n'est absolument
pas nécessaire, mais toute réglementation, écrite ou non,
doit atteindre un certain niveau de qualité, en ce sens que suffisamment
d'informations doivent être fournies sur l'existence, la portée et
la manière d'utiliser la technique de recherche».
832 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 296, p.
252.
833 J.-P. Marguénaud, « La
dérive de la procédure pénale française au regard
des exigences européennes », in D., 2000, p. 249.
834 V. Cass. crim., 15 mai 1990, B.C.,
n° 193, p. 490 : « Pour qu'il n'y ait pas
méconnaissance de l'article 8, alinéa 2, de la Convention
européenne des droits de l'homme, la mise sur écoutes et les
enregistrements téléphoniques ne peuvent être
ordonnés à l'insu des personnes intéressées que sur
l'ordre d'un juge et sous son contrôle en vue d'établir la preuve
d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à
l'ordre public et d'en identifier les auteurs. Il faut que l'écoute soit
obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse
être discutée par les parties concernées ».
199
81 et 151 du Code de procédure pénale
français; elles ne peuvent être effectuées que sur l'ordre
d'un juge et sous son contrôle, en vue d'établir la preuve d'un
crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre
public et d'en identifier les auteurs; l'écoute doit être obtenue
sans stratagème ni artifice ; sa transcription doit pouvoir
être
835
contradictoirement discutée par les parties, le tout dans
le respect des droits de la défense. Trois mois plus tard, un autre
arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation
mentionna explicitement l'exigence d'une durée
limitée, celle du procès-verbal de
836
française
la transcription des enregistrements opérés et
celle de la saisie et du placement sous scellés
837
des cassettes supportant les enregistrements. Donc, il y avait
un consensus général sur la nécessité de
légaliser les écoutes téléphoniques en adoptant une
nouvelle loi sur l'écoute
téléphonique pour légaliser
l'écoute judiciaire838 dans la recherche de preuve
pénale. Comme
839
souligne M. Roger Errera, « la nécessité
d'une loi était désormais admise par tous ». Ce qui
840 841
a eu comme conséquence directe la légalisation de
l'écoute téléphoniqueen droit français
835 R. Errera, « Les origines
de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes
téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et
s,. V. spec. pp. 861-862.
836 V. Cass. crim., 17 juillet 1990,
B.C., n° 286, p. 724 : « Ne transgresse pas les
dispositions de l'article 8, alinéa 2, de la Convention
européenne des droits de l'homme la mise sur écoute et
l'enregistrement de communications téléphoniques ordonnés
par un juge d'instruction et sous son contrôle, à l'insu des
personnes intéressées, en vue d'établir la preuve d'un
crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre
public et d'en identifier les auteurs. Il faut que l'écoute,
pratiquée pendant une durée limitée, soit obtenue sans
artifice ni stratagème et que sa transcription puisse être
discutée par les parties en cause » ; V. encore : Cass. crim.,
26 novembre 1990, B.C., n° 401, p. 1008 : « Qu'en effet
les écoutes et enregistrements téléphoniques trouvent leur
base légale dans les articles 81 et 151 du Code de procédure
pénale ; qu'ils peuvent être effectués à l'insu des
personnes intéressées, qui ne sont pas seulement celles sur qui
pèsent les indices de culpabilité, s'ils sont
opérés pendant une durée limitée, sur l'ordre d'un
juge et sous son contrôle en vue d'établir la preuve d'un crime ou
de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public,
et d'en identifier les auteurs ; qu'il faut en outre que l'écoute soit
obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse
être contradictoirement discutée par les parties
concernées, le tout dans le respect des droits de la défense
».
837 R. Errera, « Les origines
de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes
téléphoniques », in R.T.D.H.., 55/2003, pp. 851 et
s,. V. spec. p. 862.
838 A. Maitrot de la Motte, « Le droit
au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous
direction), La protection de la vie privée dans la
société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers
Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 265-266 :
« La France voulant prévenir toute nouvelle condamnation de son
droit par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il lui était
dès lors devenu nécessaire de se doter d'une législation
spécifique aux écoutes téléphoniques. Tel est
l'objet de la loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative aux correspondances
émises par la voie des télécommunications».
839 R. Errera, « Les origines
de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes
téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et
s,. V. spec. p. 863.
840 V. H. Leclerc, « Les limites de la
liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in
R.S.C., 1992, p. 15 : « Si des problèmes restent
évidemment posés en matière de force probante des
écoutes téléphoniques, il faut néanmoins constater
que le législateur a fait l'effort de tenter d'harmoniser la loi
écrite avec les exigences de la Convention et qu'une fois encore une
décision de la Cour européenne a seule été capable
de faire progresser le droit dans un État démocratique
».
200
et une leçon tirée de la condamnation par la
Cour européenne comme le soulignent Mme Haritini Matsopoulou «
... après la condamnation de la France par la Cour de Strasbourg dans
les affaires Kruslin et Huvig, le législateur est intervenu par la loi
du 10 juillet 1991 qui a fait de l'interception des correspondances
émises par voie de télécommunications un acte judiciaire,
insusceptible d'être prescrit par un policier, pas même lors d'une
enquête
842
subordonnée » et M. Henri Leclerc :
« Les écoutes téléphoniques sont donc
enfin
réglementées en France, non seulement sur le
plan judiciaire mais sur le plan administratif et il faut s'en
féliciter, même si la loi du 10 juillet 1991 peut donner lieu
à certaines
843
critiques ». Il est clair que la loi du 10
juillet 1991 était nécessaire au regard des exigences de
l'article 8 de la CEDH comme le souligne M. Édouard Verny « la
loi du 10 juillet 1991 a répondu aux exigences de la Cour
européenne en autorisant, sous des conditions désormais
strictement déterminées, d'une part les écoutes
administratives (dites de sécurité) qui sont
étrangères à la procédure pénale et d'autre
part les écoutes judiciaires qui peuvent être
844
décidées par le juge d'instruction
».
B. L'encadrement légal des écoutes
téléphoniques judiciaires en droit libanais et
français.
144. Le retard dans l'élaboration des
décrets d'application de la loi n°140/99 en droit libanais.
L'écoute téléphonique constitue une lourde atteinte
à un droit fondamental mais l'écoute judiciaire est
considérée parmi les atteintes au respect de la vie privée
fondées sur une base légale. À cet égard le
législateur libanais est intervenu pour concilier les droits de
845 846
l'individu et l'intérêt publicen adoptant la loi
n° 140 datant du 03/11/1999
|
. Il est bien
|
connu que dans certains cas, il existe certains détails de
procédure, laissés par la loi pour le
841 V. J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, septembre 2008, étude 17, V. spec.
n°12 : « Cette position européenne a conduit le
législateur français à organiser une procédure
spécifique relative aux interceptions de correspondances émises
par la voie des télécommunications aux articles 100 et suivants
du Code de procédure pénale. Ces dispositions pénales
spécifiques apparaissent désormais comme une permission de la loi
justifiant le délit de l'article 226-15 du Code pénal
».
842 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 902, p.
729.
843 H. Leclerc, « Les limites de la
liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C.,
1992, p. 15.
844 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, p.
193.
845 V. en langue arabe : M. Awji,
Leçons de procédure pénale, 1er
éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, pp.
187-188.
846 Journal officiel de la République
libanaise : n° 52/99, p. 3160.
201
pouvoir exécutif qui va prendre en charge l'application
de cette loi, et qu'on qualifie de décret
847
d'application des lois émises par le Parlement dans la
loi libanaise. Ces décrets d'application de la loi n° 140/99 ont
enregistré un retard d'environ cinq années. Il s'agit du
décret n° 15280 datant du 1/10/2005 sur la loi n° 140 du 27
octobre 1999, publiée en date du 3 novembre 1999 au Journal Officiel
n° 52 et relative à la protection du droit au secret des
communications effectuées à travers tout moyen de communication,
de quelque nature qu'il soit. Le décret 15281 datant du 1/10/2005 a
défini le mode d'action de l'organisme indépendant chargé
de vérifier la légalité de la procédure
administrative d'interception des communications téléphoniques.
D'où le décret n° 15871 datant du 2/12/2005 (amendement de
l'article II du décret n° 15280 datant du 1/10/2005).
145. Conditions des écoutes judiciaires en droit
libanais. En date du 27/10/1999, la loi n° 140/99 a été
publiée. Cette loi porte sur la préservation du droit de
confidentialité des communications menées par tous les moyens de
télécommunications cités dans l'article
premier de la loi848. La loi protège le
droit de confidentialité des communications internes et externes
obtenues par tous les moyens de télécommunications
(téléphones fixes, tous types d'appareils portables y compris les
cellulaires, les fax, les courriels, etc....). Ce droit n'est soumis à
aucun type d'écoute, de contrôle, d'interception ou de divulgation
sauf dans les cas énumérés dans cette loi et par les
moyens et dispositions qu'il définit. Cette loi distingue entre la
contestation des communications sur décision administrative et la
contestation sur décision juridique. Cependant, cette loi ne
prévoit rien sur les relevés des communications
téléphoniques ou ce que l'on appelle la base de données
des télécommunications. En vertu de l'article 2 de la loi n°
140/99, il est interdit d'effectuer des écoutes sur les
télécommunications des individus exerçant des professions
ordinaires sauf sur décision à l'initiative du premier juge
d'instruction dans chaque province ou sur demande manuscrite du juge
d'instruction
849
chargé de l'instruction. De ce fait le parquet n'a
nullement le droit, qu'il s'agisse du procureur général
près la Cour d'appel ou de l'un de ses avocats généraux ou
du procureur général près la Cour de cassation ou de l'un
de ses avocats généraux, ni la police judiciaire de
847 Il est connu que dans certains cas il y a
quelques détails procéduraux que la loi laisse parfois le soin au
pouvoir exécutif de les appliquer, il s'agit des décrets des lois
à appliquer adoptées par le Parlement libanais. Ces
décrets à appliquer de la loi n° 140/99 ont pris un retard
de cinq ans environ.
848 La loi n° 140/99, a
été promulguée dans le but de mettre un terme à la
grave atteinte aux droits des individus qui consiste en l'écoute
illégale, non réglementée et sans contrôle
administratif et judiciaire, cette loi représente désormais la
base juridique régissant les procédures d'écoute et
d'interception des communications, juridiques soient elles ou
sécuritaires.
849 Qui est nommé le doyen des juges
d'instruction en droit français.
prendre une décision d'interception des
télécommunications de l'un des suspects ou
850
accusés
. La loi n° 140/99 dispose dans son deuxième article
que dans des cas extrêmes, le
202
premier juge d'instruction de chaque province, à son
initiative ou à la demande écrite du juge d'instruction
chargé de l'enquête, a le droit de décider l'interception
des communications qui s'effectuent par l'un des moyens énoncés
dans l'article premier de la même loi, et ce dans chaque poursuite
criminelle sanctionnée par une peine d'emprisonnement d'un an au
minimum, à condition que sa décision se présente sous
forme de notification écrite et justifiée. Cette décision
n'admet aucune forme de recours. Ce qui signifie que cette procédure ne
peut être ordonnée que dans le cadre d'une enquête devant le
juge d'instruction sur notification écrite et justifiée provenant
du premier juge d'instruction. En outre, le juge d'instruction ne peut en aucun
cas recourir aux mesures qui pourraient porter atteinte à la vie
privée sauf dans le cas où l'infraction jugée rentre dans
le genre de crimes ou délits sanctionnés par un emprisonnement
d'une année au minimum. Ajoutons à cela que la loi oblige
à ce que cette procédure soit entreprise uniquement en cas
d'extrême nécessité. Il n'existe néanmoins aucun
mécanisme permettant de vérifier qu'il y a réellement
nécessité extrême ou non puisque la décision du
premier juge d'instruction ne peut être contestée, et donc on
remarque l'existence d'une telle liberté d'appréciation pour le
premier juge d'instruction. Cependant, il convient de signaler ici que la
possibilité de l'écoute des communications des personnes,
même dans les cas où l'infraction semble banale, tels les
délits sanctionnés par un an de prison, constitue une
exagération du législateur libanais, d'autant plus que le respect
de la vie privée rentre parmi les libertés inviolables tel que le
dispose le texte de l'article 12 de la Déclaration universelle des
droits de l'homme. Le législateur libanais devrait donc suivre le
législateur français et poser le principe de
l'impossibilité de prendre une décision d'écoute sauf si
l'infraction invoquée devant le juge d'instruction est
sanctionnée d'un emprisonnement de deux ans au minimum851
(article 100 du CPP français)852. Sur la base de ce qui
précède, le juge d'instruction ne peut pas effectuer directement
des écoutes sur les télécommunications ni les
contrôler, ni les intercepter, sauf conformément aux conditions
inspirées majoritairement par le droit français et par
l'assiduité de la jurisprudence européenne des droits de
l'homme.
850 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 288, p. 280.
851 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 296, pp. 286-287.
852 L'article 100 du CPP français :
« En matière criminelle et en matière correctionnelle,
si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans
d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les
nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception,
l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la
voie des télécommunications. Ces opérations sont
effectuées sous son autorité et son contrôle. La
décision d'interception est écrite. Elle n'a pas de
caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours
».
203
853
Toutefois, la loi 140/99 ne prévoit pas toutes ces
conditions. Ces conditions sont que le juge d'instruction ne peut avoir recours
à l'écoute des télécommunications qu'en cas
d'extrême nécessité, c'est-à-dire dans les cas ou
l'écoute constitue le moyen unique de découvrir les circonstances
et conditions de l'infraction commise, et la question de l'estimation du
degré de cette nécessité doit être soumise au
contrôle de la Cour de cassation. La loi libanaise n° 140/99 ne
prévoit pas cette clause, c'est-à-dire, le contrôle par la
Cour de cassation. Son article deux accorde au premier juge d'instruction le
droit de décider l'écoute et l'interception des
télécommunications sans aucune obligation de justifier cette
procédure par un cas de nécessité, ce qui mène
à un grand nombre de violations par le mauvais usage ou l'abus de ce
854
droit. Cette procédure ne peut être
décidée que dans des cas de crimes ou délits
sanctionnés conformément à la loi n° 140/99 par une
année d'emprisonnement au minimum et par la loi
855
française de deux ans d'emprisonnement
minimumconformément à l'article 100 du CPP
856
français. Nous pensons que l'écoute devrait
être limitée aux cas graves, tels que les crimes uniquement, car
l'écoute est un procédé qui viole les droits fondamentaux
et naturels des individus et ne devrait pas être utilisée
facilement sauf dans les cas très graves et d'extrême
nécessité et durant leur enquête. M. Doreid Bechraoui
estime que la décision d'écoute du premier juge d'instruction,
conformément aux dispositions de la loi libanaise, jouit d'un
857
.
caractère administratif, et à partir de
là, elle ne peut être soumise à aucun type de recours
Nous ne soutenons donc pas l'avis de M. Doreid Bechraoui sur
ce point car nous estimons que la décision d'écoute venant du
premier juge d'instruction est une décision purement juridique mais le
législateur n'a pas autorisé sa contestation en raison de sa
futilité, car la décision d'écoute n'est évidemment
pas notifiée à la personne placée sur écoute. Nous
préférerions que le contrôle de la condition
d'extrême nécessité s'effectue de manière
automatique à travers la chambre d'accusation (nommée chambre
d'instruction en droit français) pour confirmer la décision du
premier juge d'instruction ou la rejeter avant son application à
condition de tenir
853 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 297, p. 287.
854 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 297, p. 287.
855 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 297, pp. 287-288.
856 L'article 100 du CPP français
dispose : « En matière criminelle et en matière
correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure
à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les
nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception,
l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la
voie des télécommunications. Ces opérations sont
effectuées sous son autorité et son contrôle
».
857 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 297, p. 288.
compte de la vitesse à prendre dans ce contrôle,
de manière à ce qu'elle soit présentée à la
chambre d'accusation qui prendra sa décision dans un délai
très court. C'est justement cela que nous attendons du
législateur libanais : qu'il rectifie cet article et l'ajoute à
la loi 140/99. Il s'agit absolument d'interdire l'exécution,
l'interception ou la surveillance de toute écoute
téléphonique ou télécommunicative sauf sur
décision écrite et justifiée du premier juge d'instruction
à son initiative ou à la demande écrite du juge
chargé de l'enquête, et ce sous sa
858
supervision et son contrôle. Il est impératif que
la décision du premier juge d'instruction qui autorise l'écoute
comporte tous les éléments imposant la nécessité de
la procédure d'écoute
859
. La
avec la description pénale de l'infraction objet de
cette écoute et sa durée maximale
décision d'écoute doit aussi déterminer le
moyen de l'écoute conformément aux dispositions
du texte de l'article 3 de la loi 140/99
|
860
|
. Cet article fixe la durée de l'écoute à
deux mois
|
204
comme délai maximal, et l'on suppose que la
décision d'écoute fixe cette durée de telle sorte qu'elle
n'excède pas les deux mois comme maximum et qu'elle admette la
prolongation sous les mêmes conditions qui ont exhorté la
décision d'écoute initiale, c'est-à-dire un délai
n'excédant pas les deux mois au maximum selon ce que l'on déduit
de la lecture du texte de l'article 2 qui est un texte vague et ambigu dans
l'ensemble au sujet de la prolongation de l'écoute. Il aurait
été préférable de préciser combien de fois
on pouvait prolonger le délai pour empêcher toute controverse et
confusion et ne pas laisser cette prolongation ouverte sans
détermination claire, précise et rigoureuse. Nous admettons que
dans chaque prolongation, la procédure d'écoute ne peut
excéder la durée de deux mois mais sa prolongation sans
restriction du nombre de répétitions constitue un risque d'abus
dans l'usage de ce droit et une violation des libertés fondamentales. Ce
qui incite à la prudence et à la préoccupation selon
M. Doreid Becheraoui qui trouve que le texte de l'article 3 de
la loi 140/99 ne fixe pas la période de prolongation, ce qui pourrait
donner libre cours au juge d'instruction pour prolonger la durée de
l'écoute sur de longues périodes. Ceci constitue un danger pour
les libertés personnelles tandis que le texte de la loi française
dans l'article 100-2 du CPP
861
françaisprévoit l'écoute des communications
pour une période de 4 mois renouvelable
858 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 297, p. 288.
859 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 297, p. 288.
860 L'article 3 de la loi 140/99 dispose :
« La décision qui régit l'interception, détermine
le moyen de communication que la procédure d'écoute saisie ainsi
que l'infraction objet de la poursuite ou de l'enquête et la durée
que nécessite l'opération d'interception, à condition que
ce délai n'excède pas les deux mois et qu'il soit prolongeable
conformément aux mêmes conditions et dispositions ».
861 L'article 100-2 du CPP français
dispose : « Cette décision est prise pour une durée
maximum de quatre mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les
mêmes conditions de forme et de durée ».
862
. À
205
conformément aux dispositions prévues
légalement pour réglementer cette procédure notre avis le
même problème se trouve dans la loi française puisque la
loi française comme la loi libanaise ne limitent pas le nombre de
répétitions de la décision dans une même affaire
pénale. L'article 6 de la loi 140/99 affirme que l'officier de police
judiciaire ou le juge d'instruction en charge, peut, lorsqu'il exécute
les procédures d'écoute lui-même, établir un
863
procès-verbal comportant toutes les opérations
d'écoute et d'enregistrement. Les bandes d'enregistrement sont
détruites sur instruction du procureur général de la Cour
de cassation et
864
sous sa supervision à l'expiration d'un délai
succédant la prescription de l'action publique conformément au
texte de l'article 7 de la loi 140/99.
146. Conditions d'écoute judiciaire en droit
français. Sans doute l'écoute téléphonique par
sa nature constitue une violation de respect de la vie privée et de la
correspondance en même temps comme l'affirme M. Louis-Edmond Pettiti
« on pourra relever que dans son arrêt
865
Malone c/ Royaume-Uni du 2 août 1984 (série
A, n° 82, § 64) la Couravait affirmé que « les
communications téléphoniques se trouvant comprises dans les
notions de «vie privée» et
866
de «correspondance» au sens de l'article 8 de la
Convention ». Le législateur français a choisi le
montant ou la durée de la peine de l'infraction comme
référence pour ordonner une
867
écoute judiciaire. « Le législateur de
1991 s'attache au quantum de la peine ». Selon l'article 100 du CPP
français, la peine de l'infraction doit être égale ou
supérieure à deux ans
. Ce système a pour
868
d'emprisonnement pour justifier une écoute
téléphonique judiciaire
862 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 297, pp. 288-289.
863 L'article 6 de la loi 140/99 dispose :
« le juge instruisant la décision d'écoute ou l'officier
de police judiciaire en charge établit un PV de l'opération
d'interception, qui comporte les dates et heures du début et de la fin
de l'interception et son enregistrement. Comme il établit un rapport
contenant toutes les informations ayant trait au sujet. Cet enregistrement doit
être placé dans une enveloppe scellée portant le seau du
juge compétent conformément aux dispositions ».
864 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie,
n° 297, p. 289.
865 La Cour européenne des droits de
l'homme.
866 L.-E. Pettiti, « Les écoutes
téléphoniques et la protection de la vie privée », in
R.S.C., 1998, p. 829.
867 J. Pradel, « Un exemple de
restauration de la légalité criminelle: le régime des
interceptions de correspondances émises par la voie des
télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10
juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 8.
868 L'article 100 du CPP français
dispose : « En matière criminelle et en matière
correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure
à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les
nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception,
l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la
voie des télécommunications. Ces opérations sont
effectuées sous son autorité et son contrôle
».
conséquence
869
d'exclure ce moyen d'écoute téléphonique
dans la recherche des preuves
concernant les petits délits qui sont
sanctionnés par une peine inférieure à deux ans
870
d'emprisonnement. Selon Mme Haritini Matsopoulou, la nouvelle
loi de 1991 de l'écoute en France qui a introduit les articles 100
à 100-7 dans le Code de procédure pénale français
« ... a exclu qu'il puisse y être recouru en cas de flagrance,
ce qui, à notre avis, est justifié, car normalement les traces et
indices sont présents sur les lieux, si bien qu'on ne saurait
871
accomplir des recherches ». L'autorisation qui
permet légalement de pratiquer des écoutes
872
téléphoniques est accordée par
décision écrite.La décision prescrivant
les interceptions n'est pas considérée comme une décision
juridictionnelle, donc n'est susceptible d'aucun
. « La décision du juge est écrite, elle
n'a pas le caractère
873
recours et n'est point motivée
juridictionnel et elle n'est pas susceptible d'aucun recours
: il s'agit donc d'un acte
d'instruction »
|
874
|
. La loi du 10 juillet 1991 consacre, dans
l'alinéa premier de son article
|
206
premier, le principe selon lequel « le secret des
correspondances par la voie des télécommunications est garanti
par la loi ». L'alinéa second de cet article consacre
869 Certains auteurs critiquent l'article 100
du CPP français : V. H. Leclerc, « Les limites de la liberté
de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science
criminelle, 1992, p. 15 : « la loi a aligné le
régime des écoutes téléphoniques sur celui de la
détention provisoire en ne les autorisant que lorsque la peine encourue
est égale ou supérieure à deux ans (art. 100 nouveau c.
pr. pén.), ce qui est un critère extrêmement vaste et
recouvre, outre les affaires criminelles, la très grande majorité
des affaires correctionnelles ».
870 V. J. Pradel, « Un exemple de
restauration de la légalité criminelle: le régime des
interceptions de correspondances émises par la voie des
télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10
juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 8 : «
L'application du seuil retenu a pour effet évident d'exclure toute
interception à l'occasion de poursuites relatives à un petit
délit... ».
871 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 306, p.
263.
872 L'article 100 du CPP français
dispose : « La décision d'interception est écrite. Elle
n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours
» ; L'article 100-1 du CPP français dispose : « La
décision prise en application de l'article 100 doit comporter tous les
éléments d'identification de la liaison à intercepter,
l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la
durée de celle-ci » ; L'article 100-4 du CPP français
dispose : « Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire
commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations
d'interception et d'enregistrement. Ce procès-verbal mentionne la date
et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles
elle s'est terminée. Les enregistrements sont placés sous
scellés fermés ».
873 V. l'avis de M. Jean Pradel qui supporte
l'avis du législateur selon lequel ses décisions ne sont
susceptibles d'aucun recours et ne sont pas motivées : J. Pradel, «
Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le
régime des interceptions de correspondances émises par la voie
des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du
10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 9 : « il
serait hasardeux d'annuler une procédure importante dans laquelle le
magistrat aurait ordonné des interceptions sans s'assurer au
préalable qu'aucun autre mode de preuve n'était utilisable. Car
obliger le juge à épuiser d'abord ces autres modes de preuve
risquerait de lui faire perdre un temps précieux, néfaste aux
investigations et donc à l'ordre public. Et la démonstration que
ces autres modes n'ont pas été utilisés serait bien
difficile à apporter. Il convient donc de fermer la porte à toute
velléité de plaideurs qui soulèveraient la nullité
d'une interception au motif que le principe de subsidiarité aurait
été violé ».
874 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p.
429.
explicitement qu'« il ne peut être porté
atteinte à ce secret que par l'autorité publique, dans les seuls
cas de nécessité d'intérêt public prévus par
la loi et dans les limites fixées par celle-
875
ci »
. Il est remarquable que la loi n'autorise pas les parties
privées à effectuer des écoutes
876
téléphoniques. L'article 100-7 du CPP
français ne permet pas l'écoute téléphonique
lorsque
877
la ligne écoutée est celle d'un
député, d'un sénateur, d'un avocat ou d'un magistrat. Les
exceptions précédentes de mise sur écoute
téléphonique sont expressément édictées
à peine de
. Concernant l'autorité qui autorise les écoutes
téléphoniques « la procédure
878
nullité
d'interception est bien précisée dans la
loi. En premier lieu, les seules autorités habiles à ordonner des
écoutes téléphoniques sont le juge d'instruction (art. 100
C.P.P.) et, dans le cadre d'une enquête, le juge des libertés et
de la détention à la requête du procureur et seulement en
matière de criminalité organisée (art. 706-95 C.P.P.) :
seuls ils sont visés dans les textes, ce qui exclut tout pouvoir du
parquet dans le cadre de l'enquête et ce qui confirme
la jurisprudence »
|
879
|
. Concernant la durée des interceptions
téléphoniques, elle est limitée par
|
la loi. « Le juge d'instruction peut prescrire une
écoute pour une durée de quatre mois au plus, des prorogations
étant possibles ; le juge des libertés et de la détention
ne peut la
prescrire, en enquête, que pour un mois avec un seul
renouvellement d'égale durée »
|
880
|
. Afin
|
207
de progresser dans la lutte contre la grande
criminalité, la loi Perben 2 donne aux policiers, sous l'autorité
et le contrôle du ministère public, des pouvoirs exorbitants,
dès lors que l'on sera dans la sphère de la grande
criminalité. Depuis la loi Perben 2 en 2004, il est également
possible pour le procureur (avec l'accord du juge des libertés et de la
détention) d'y recourir
875 L'article premier de la loi n°
91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises
par la voie des communications électroniques dispose : « Le
secret des correspondances émises par la voie des communications
électroniques est garanti par la loi. Il ne peut être porté
atteinte à ce secret que par l'autorité publique, dans les seuls
cas de nécessité d'intérêt public prévus par
la loi et dans les limites fixées par celle-ci ».
876 A. Maitrot de la Motte, « Le droit
au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous
direction), La protection de la vie privée dans la
société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers
Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 266 : «
Aux termes de cet article premier, les écoutes
téléphoniques effectuées par des particuliers sont donc
interdites. Quant à celles qui sont le fait de la puissance publique, la
loi du 10 juillet distingue les deux cas traditionnels: les écoutes
judiciaires et les écoutes administratives ».
877 E. Mathias, Procédure
pénale, 3e éd., Bréal, 2007, p.152.
878 L'article 100-7 du CPP français
dispose : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d'un
député ou d'un sénateur sans que le président de
l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé par
le juge d'instruction. Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne
dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le
bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction. Aucune
interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un
magistrat ou de son domicile sans que le premier président ou le
procureur général de la juridiction où il réside en
soit informé. Les formalités prévues par le présent
article sont prescrites à peine de nullité ».
879 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p.
428.
880 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p.
428.
208
dans une enquête préliminaire ou de flagrance sur
des affaires de terrorisme, blanchiment,
881
torture, enlèvement, trafic de drogue et
délinquance en bande organiséeconformément à
882
l'article 706-95 CPP français. Toutes ces
procédures selon Mme Pierrette Poncela « portent
incontestablement atteinte aux droits de la défense, au respect de la
vie privée, ..., au secret des correspondances... comment cela a-t-il pu
recevoir l'assentiment du Conseil constitutionnel ? La réponse est
simple : parce que toutes les dérogations aux droits et libertés
qu'emportent les opérations d'enquête doivent,
préalablement à leur mise en oeuvre, être autorisées
en temps réel par l'autorité judiciaire, c'est-à-dire ici
principalement soit par
883
le Procureur de la République, soit par le juge des
libertés et de la détention (JLD) ». Il'est remarquable
que le législateur français se fonde sur le critère de la
dangerosité de l'infraction pour affaiblir l'efficacité de la
protection ou du respect des principes généraux du droit des
personnes comme le droit au respect de la vie privée.
§ 2. Preuve obtenue au moyen d'un enregistrement par
magnétophone.
147. Questions autour de la preuve par
magnétophone. L'enregistrement par magnétophone ou la preuve
par magnétophone pose la question de la recevabilité ou de
l'admissibilité des moyens de preuve qui est sans doute une question de
principe qui revêt un grand intérêt. M. Pierre Mimin
constate que l'apparition de l'enregistrement de la voix
881 V. P. Poncela, « Le combat des
gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II
», in Droit et Société, 60/2005, p. 482 :
« Les écoutes téléphoniques deviennent possible
dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance, sur
requête du Procureur de la République et autorisation du juge des
libertés et de la détention. Leur durée- 15 jours
renouvelables une fois- est cependant plus brève que celles
décidées par le juge d'instruction ».
882 L'article 706-95 CPP français
dispose : « Si les nécessités de l'enquête de
flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des
infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent,
le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande
instance peut, à la requête du procureur de la République,
autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de
correspondances émises par la voie des télécommunications
selon les modalités prévues par les articles 100, deuxième
alinéa,100-1 et 100-3 à 1007, pour une durée maximum d'un
mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de
durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge
des libertés et de la détention. Pour l'application des
dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions
confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police
judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la
République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat.
Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé
l'interception est informé sans délai par le procureur de la
République des actes accomplis en application de l'alinéa
précédent, notamment des procès-verbaux dressés en
exécution de son autorisation, par application des articles 100-4 et
100-5 ».
883 P. Poncela, « Le combat des
gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II
», in Droit et Société, 60/2005, p. 482.
209
humaine sur disque en justice comme moyen de preuve
soulève une série de questions :
884
juridiquement, ce moyen de preuve est-il admissible ? Est-il
utilisable?
148. L'enregistrement magnétique et le
témoignage. Il semble, à première vue, que le moyen
de preuve présentant le plus d'analogies avec l'enregistrement
magnétique est le
885
témoignage. L'idée précédente
n'est pas totalement vraie. Selon M. Jean-Claude Georgin, il s'agit là
d'une vue superficielle car la preuve par fil magnétique ne peut
être assimilée à un témoignage et ceci pour deux
raisons : 1° une raison de fond : le magnétophone n'a pas de
personnalité. 2° une raison de forme : -- qui découle de la
précédente -- les formalités de
886
.
l'enquête ne sont pas respectées
149. La différence entre la mise sur écoute
téléphonique et l'enregistrement vocal d'une personne. M.
Jean-Claude Georgin définit le magnétophone comme « une
machine qui se contente de reproduire les paroles imprimées sur la bande
sans essayer d'en comprendre ni
887
d'en interpréter le sens ». Il y a
toujours eu confusion entre les écoutes téléphoniques et
l'enregistrement des conversations. Toutefois, il faut faire la distinction
entre eux d'une manière précise. En effet, l'écoute est
pratiquée sur une conversation téléphonique, que ce soit
à partir d'un téléphone fixe ou d'un
téléphone cellulaire (mobile). Quant à l'enregistrement
secret des conversations, ceci ne peut être qu'en mode audio, en
plaçant un magnétophone dissimulé pour enregistrer la voix
du locuteur, et peut aussi inclure l'enregistrement audio et
888
image à l'insu de l'intéressé par une
caméra cachée. Il est possible d'utiliser la conversation
interceptée, après son enregistrement sur un support
magnétique, comme preuve vocale, ressemblant à l'enregistrement
vocal du point de vue forme. Mais il y a un problème fondamental:
l'enregistrement sur bande magnétique n'est qu'un enregistrement d'une
conversation interceptée. Y a-t-il donc une différence entre eux
en termes de légalité de la preuve pénale résultant
de ces deux méthodes ? Il faut aussi faire une distinction entre les
écoutes et l'enregistrement audio d'une part, et la base de
données relative aux communications téléphoniques, d'autre
part. En effet, cette base de données n'a rien à voir
884 P. Mimin, « La preuve par
magnétophone », in JCP G., 1957, Doctrine (1370).
885 J.-C. Georgin, Les
procédés modernes de preuve, Thèse de droit,
Université de Paris, 1962, p. 70.
886 J.-C. Georgin, Les
procédés modernes de preuve, Thèse de droit,
Université de Paris, 1962, p. 70.
887 J.-C. Georgin, Les
procédés modernes de preuve, Thèse de droit,
Université de Paris, 1962, p. 71.
888 V. A. Chavanne, « Les
résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in
R.I.D.C., Vol. 38 n°2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p.
753 : écoutes privées : « A l'aide d'appareils divers
(micro, dérivations, etc.) ».
889
avec le contenu des appels téléphoniques, et ne
comprend pas des enregistrements audio des conversations
téléphoniques. C'est donc une chose totalement différente
de l'écoute, car, par principe, elle ne porte pas atteinte directement
aux libertés individuelles et à la vie privée des
individus
|
890
|
. Toutefois, il vaut mieux que le législateur
réglemente la manière d'obtenir les
|
210
données téléphoniques et détermine
avec précision ceux qui ont le droit d'obtenir ces informations, ainsi
que ceux ayant le droit de contrôler la légalité et la
manière d'accéder à ces informations et enfin ceux qui en
autorisent l'accès.
A. Enregistrement des déclarations des
accusés à leur insu au moyen d'un
magnétophone.
150. La légalité de la preuve par un
enregistrement audio. L'enregistrement audio signifie
891
l'enregistrement des sons au cours d'une conversation
privéeen utilisant un appareil d'enregistrement vocal destiné
à enregistrer les sons sur des bandes qui peuvent être
réservées
892
pour être entendues plus tard, à tout moment. Un
différend surgit dans la doctrine sur la légalité de
l'utilisation de l'enregistrement audio. L'enregistrement des aveux et des
déclarations des accusés en leur connaissance lors de
l'enquête par un magnétophone est un acte légal et contre
lequel nous n'avons pas d'objection, tant que la loyauté et toutes les
garanties ont été prises en considération, pour confirmer
la validité de ces enregistrements et écarter tout doute, et
aussi pour que l'accusé admette ces enregistrements et ne les
conteste
889 V. sur ce point en droit français:
A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve
pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, avril-juin 1986,
pp. 749-755, V. spec. p. 751 : « La Cour de cassation française
s'est prononcée sur ce point dans un arrêt du 4 janvier 1974
interprété par a contrario. Il précise qu'est légal
-- dans une affaire de persécution téléphonique -- la pose
d'un appareil ayant pour but et pour résultat non d'intercepter les
communications téléphoniques mais de déterminer l'origine
des appels et d'en identifier l'auteur ».
890 V. sur le repérage
téléphonique et la localisation des
télécommunications : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset,
Manuel de procédure pénale, 3e éd.,
Larcier, Bruxelles, 2009, p. 323 : « Le repérage et la
localisation des télécommunications visent des situations
différentes : le repérage permet d'identifier les données
d'appel de moyens de télécommunication à partir desquels
ou vers lesquels des appels sont adressés ou ont été
adressés (sans pour autant prendre connaissance de leur contenu, ce qui
est le propre de l'écoute téléphonique), tandis que la
localisation des télécommunications permet de déterminer
leur origine et leur destination ».
891 V. en ce sens : J.-C. Georgin, Les
procédés modernes de preuve, Thèse de droit,
Université de Paris, 1962, p. 106 : « Les paroles
enregistrées doivent avoir été prononcées au cours
d'une conversation privée, leur auteur ne pouvant se plaindre de leur
divulgation si elles ont été prononcées en public
».
892 V. J.-C. Georgin, Les
procédés modernes de preuve, Thèse de droit,
Université de Paris, 1962, p. 82 : « L'enregistrement
magnétique porte la marque de son auteur, empreinte qui est alors le
timbre de sa voix ; par répétition, il fait revivre dans le temps
une conversation entre plusieurs personnes, dont les paroles ne constituent
plus une simple présomption, mais en quelque sorte véritablement
un aveu intégral d'une exactitude supérieure à tout autre
».
211
893
pas. Selon M. Mustapha Awji, il n'y a pas d'objection
légale qui empêche le juge d'instruction d'enregistrer les
interrogatoires sur une bande, à condition que l'interrogé soit
mis au courant de cet enregistrement. Mais ce qui empêche l'utilisation
de ce procédé, et qui n'est pas permis, c'est enregistrer
secrètement les communications, sauf dans la limite
894
.
autorisée par la loi. Généralement cet
enregistrement est effectué à travers le
téléphone
Mais la question ayant soulevé un désaccord est
l'étendue de la légalité des enregistrements des
déclarations et des communications des accusés à leur
insu. Le problème le plus complexe est d'enregistrer ces admissions par
des personnes extérieures à l'enquête, comme des parties
privées de l'action publique, ou des tierces personnes, et ce, avec ou
sans la connaissance et le consentement de la personne qui parle. M. Mustapha
Awji estime à cet effet qu'il n'y a aucun empêchement juridique
pour que le juge d'instruction procède à l'enregistrement de
l'interrogatoire sur une bande, à condition que l'interlocuteur soit mis
au courant de cette procédure d'enregistrement.
151. L'orientation de la juridiction et de la
jurisprudence sur le problème de légalité de
l'enregistrement audio. Il y a un point de vue qui affirme que
l'enregistrement audio, fait d'une manière furtive et pris en
considération, ne constitue pas une procédure invalide, à
condition que cet enregistrement n'ait pas été fait en violation
de la loi, par exemple, effectuer un enregistrement dans un domicile où
on est entré sans autorisation préalable. Ce point de vue est
justifié par le principe de la conviction personnelle du juge, puisque
l'aveu obtenu par
cette méthode est soumis à l'appréciation
du juge, qui peut l'accepter ou le rejeter 895 . Il est indéniable que
la doctrine et la jurisprudence pénale égyptiennes ont
exercé une influence remarquable sur le droit libanais en matière
pénale parce que plusieurs pénalistes égyptiens ont
enseigné au Liban le droit et la procédure pénale dans les
facultés de droit libanaises et ils ont contribué à la
création des oeuvres de droit pénal général, de
droit pénal spécial et de procédure pénale,
notamment M. le professeur Mahmoud Najib Hossni, Mme le professeur Fawzia
Abdel-Sattar, M. le professeur Soulayman Abdol-Miniin et M. le professeur Ali
Abdel-Kader Kahwaji. La seconde opinion a été exprimée par
le système judiciaire égyptien
893 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380,
V. spec. p. 363.
894 V. en langue arabe : M. Awji,
Leçons de procédure pénale, 1er
éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p.
187.
895 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380,
V. spec. p. 363.
212
dans un procès célèbre de contrebande,
connu sous la dénomination « procès Al-Homsi », qui est
un cas de contrebande où ont été accusés :
Rizkallah Homsi -- directeur de la banque de Homs -- et Sobhi Maghrébi.
Cette affaire se résume par le fait que l'enquête a
révélé un trafic d'argent de l'Égypte vers
l'extérieur (contrebande de fonds), et que ces deux accusés
faisaient partie de la contrebande. À cet effet, les enquêteurs
ont envoyé un informateur au premier pour le rencontrer - après
avoir gagné sa confiance -- dans une pièce de la banque où
ils ont eu une conversation concernant les conditions de réalisation
d'une opération de contrebande de fonds. De ce fait, lorsque les deux
accusés ont comparu devant la Cour, la conversation enregistrée
était l'un des éléments de preuve invoqués dans
l'enquête pour prouver le crime, à ce moment la controverse a
éclaté au sujet de la légalité de recourir à
cette méthode pour démontrer la légalité de la
preuve provenant de cet enregistrement. Dans son jugement, la Cour a
négligé la preuve délivrée par l'utilisation d'un
dispositif d'enregistrement caché, considérant qu'il s'agit
là d'un acte contraire aux règles de l'éthique,
inacceptable par les règles de liberté garanties par toutes les
constitutions, et ce n'est qu'un espionnage fait par une autre personne qui
s'est introduite en cachette pour écouter les conversations, puis
apparaît plus tard sous la forme d'un autre témoin, ce qui est
incompatible avec la protection des droits
896
et libertés. Les partisans de ce point de vue entendent
conférer la validité juridique à cette méthode et
la recevabilité des preuves qui en découlent si les conditions
légales requises pour la surveillance des appels
téléphoniques sont rencontrées, c'est-à-dire s'il y
a une infraction commise, une enquête ouverte, une autorisation
délivrée par le juge, et si l'utilisation de l'appareil
d'enregistrement est faite avec la connaissance de l'enquêteur. Quant au
troisième point de vue, qui est le plus probable, les partisans de ce
point de vue estiment qu'il y a une grande différence entre
l'enregistrement clandestin et la surveillance des communications
téléphoniques, car dans le dernier cas, on commet une atteinte
aux droits de l'homme, et notamment le droit au secret de la correspondance,
l'un des droits universels garantis par les constitutions, comme la
liberté individuelle, la liberté d'opinion et d'expression, la
liberté de presse, d'impression, d'édition, et la liberté
de réunion. Toutefois, ces droits ne sont pas absolus, ils ont
été restreints par la loi. Il y a aussi des droits absolus, sans
restriction, garantis par la constitution, on distingue : le droit de la
défense -- que ce soit personnellement ou assisté par un avocat
-- ainsi que le droit à la liberté de croyance. À cet
effet, l'enregistrement clandestin viole les droits de la personne, le droit au
respect de sa vie privée, est un droit absolu parmi les droits naturels
de l'homme, que les constitutions n'ont pas parfois besoin de
896 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380,
V. spec. p. 364.
mentionner. Ce droit a été énoncé
dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de
897898
1948, dans son article 12. Par conséquent,
l'enregistrement d'une manière secrète est
considéré comme une procédure invalide, même s'il a
été autorisé par le juge d'instruction, si elle permet
l'introduction dans la vie privée et l'intimité de la personne.
Cela signifie que l'enregistrement subreptice est effectué dans un
endroit privé où l'individu croyait être à l'abri de
toute écoute, telle que les conversations qui ont lieu dans la maison,
le bureau ou la voiture privée. Mais si l'enregistrement a eu lieu sans
violer le droit à la vie privée, par exemple dans un lieu public,
les preuves qui en résultent deviennent valables, tant que la personne
a, elle-même, révélé son secret et divulgué
son intimité dans un lieu public et au vu et au su de toutes
899
les personnes présentes. En France, Mme Haritini
Matsopoulou souligne qu' « une bande magnétique peut faire
l'objet de coupures ou de repiquages. Il est possible, dès lors,
d'accoler
900
une réponse à une question
différente, comme on peut ajouter, déformer ou dénaturer
»et considère qu' « ... il est choquant que des
propos tenus en privé puissent être enregistrés, puis
ultérieurement produits en justice. Comment peut-on admettre que
l'entrée dans un lieu privé soit soumise à des
règles précises, tandis que la captation des paroles pourrait se
faire à
l'insu des personnes »
|
901
|
. La protection de la vie privée a poussé le
législateur français à
|
213
intervenir par la loi du 17 juillet 1970 tendant à
renforcer la garantie des droits individuels des citoyens « Il faut
bien reconnaître que depuis la loi du 17 juillet 1970, tendant à
protéger l'intimité de la vie privée, se trouve interdit,
sous sanctions pénales, l'enregistrement des conversations ou discours
prononcés dans des lieux privés sans le consentement des
902
intéressés ». Donc, en droit
francais, il est strictement interdit d'enregistrer la voix d'une personne sans
son autorisation. Cependant, la juriprudence de la chambre criminelle de la
Cour de cassation française considère que « des
enregistrements audio, réalisés par un particulier à
l'insu de la personne concernée, ne sont pas en eux-mêmes des
actes ou pièces de l'information au sens de l'article 170 du code de
procédure pénale et comme tels
897 L'article 12 de la Déclaration
universelle des droits de l'Homme dispose: « Nul ne sera l'objet
d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou
sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa
réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi
contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».
898 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380,
V. spec. p. 365.
899 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380,
V. spec. p. 365.
900 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, pp.
724-725.
901 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, p.
725.
902 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, p.
725.
214
susceptibles d'être annulés mais constituent des
moyens de preuve qui peuvent être discutés
903
contradictoirement ».
B. L'utilisation de la bande magnétique dans le
domaine pénal.
152. La légalité de l'utilisation de la
bande magnétique. Mme Fawzia Abdel-sattar souligne qu'il est permis
à l'officier de la police judiciaire d'utiliser cet appareil comme moyen
de sauvegarde du contenu d'une conversation, ayant le rôle d'un
procès-verbal dans lequel sont inscrits les propos du suspect. Il est
requis que l'enregistrement ne soit pas effectué
904
par le biais d'une ruse ou violation de domicile, et que
l'individu enregistré le reconnaisse. Selon l'avis de Mme Fawzia
Abdel-sattar, la valeur de cet enregistrement consiste à renforcer des
preuves fondées en possession du juge, mais on ne peut pas le
considérer comme preuve fondée en soi car la voix
enregistrée pourrait ne pas être la voix de l'accusé, et
faire l'objet de manipulations telles que la censure de certains propos ou le
découpage de certains passages et leur reconstitution de manière
à modifier le contenu et le sens que contient l'enregistrement
original905. Dans le domaine pénal, selon le
Code de procédure pénale libanais, le président de la Cour
criminelle, qui est l'équivalent de la Cour d'assises en droit
français, peut ordonner ou permettre l'enregistrement de l'audience
devant la Cour criminelle par un moyen adéquat. Ceci à notre avis
n'a aucun rapport avec la question de l'enregistrement vocal comme preuve que
les lois pénales libanaises ont occulté. Cependant, le Code de
procédure civile libanais est un texte général applicable
au cas non expressément définis et notamment pour combler un vide
procédural. Il faut appliquer ici le texte de l'article 217 du Code de
procédure civile libanais qui réglemente la question de
l'utilisation de la bande magnétique qui contient la voix
enregistrée. Cet article prévoit qu'« il est permis
d'extraire un aveu non juridique de la déclaration de l'adversaire
enregistré avec sa connaissance sur enregistrement magnétique.
Dans le cas où l'adversaire dément sa déclaration, le juge
peut recourir à expert pour examiner la voix ». Il est
évident que, si la personne enregistrée doit accepter la bande
magnétique sur laquelle sa voix est enregistrée, il faut d'abord
qu'elle soit au courant de la procédure d'enregistrement. Ensuite, dans
le cas où la voix lui appartient, le juge peut mandater un expert pour
examiner la voix pour que le juge puisse statuer sur le démenti de
903 Cass. crim., 7 mars 2012, B.C.,
n° 64.
904 V. en langue arabe : F. Abdel Sattar,
Interprétation du code de procédure pénale
libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe),
Beyrouth, 1975, n° 329, pp. 374-375.
905 V. en langue arabe : F. Abdel Sattar,
Interprétation du code de procédure pénale
libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe),
Beyrouth, 1975, n° 329, p. 375.
215
l'individu à cette voix. Mais que signifie la
déclaration de l'adversaire enregistrée à sa connaissance
? Cela veut-il dire avec son consentement ? Premièrement, tout
enregistrement forcé est absolument rejeté. Deuxièmement,
à sa connaissance veut dire que l'individu était au courant de
l'enregistrement de sa voix et ne s'y est pas opposé. Fondamentalement,
si l'individu reconnaît que la voix de l'enregistrement lui appartient et
a eu lieu sans contrainte cela ne crée aucun problème. Nous
précisons sans contrainte, une condition évidente que nous
ajoutons à l'article qui l'a omis. Il est à souhaiter que le
législateur libanais ajoute cette condition au texte de l'article car
cela n'a pas de signification que l'individu soit au courant de
l'enregistrement de sa voix si cela ne s'associe pas à son acceptation
de cette preuve. Car l'individu peut savoir que sa voix est enregistrée
mais ne peut empêcher la procédure même s'il en est au
courant. Mais le vrai problème survient lorsque l'individu
prétend ou affirme que l'enregistrement a eu lieu subrepticement et
à son insu, ou encore qu'il le savait mais n'était pas
consentant. Comment pourra-t-on alors prouver le contraire et la charge de la
preuve fondamentale repose-t-elle sur l'individu jusqu'à la preuve du
contraire ? Des questions difficiles et compliquées que la
brièveté du texte de l'article 217 du Code de procédure
civile
906
libanais nous oblige à poser. Nous voyons sous
l'égide de la formulation stérile actuelle du texte qu'il n'est
pas permis au juge de considérer que l'individu auteur de la voix
enregistrée sur la bande était au courant de l'enregistrement
tant que cet individu n'a pas reconnu ouvertement et clairement qu'il en
était au courant, à moins que le juge ne tombe sur une preuve
formelle et sans équivoque que cet individu ment et qu'il était
au courant de la procédure d'enregistrement avant et durant son
interrogatoire et pas après. M. Elias Abou-Eid estime que le recours
à l'enregistrement par la coercition est catégoriquement
rejeté. Il est selon son avis considéré comme inexistant,
et ce qui est entendu par coercition dans le discours de M. Elias Abou-Eid
c'est une coercition manifestée par la violence physique sur l'individu
dont le discours est enregistré ainsi que la coercition morale. Il
ajoute à cela l'enregistrement obtenu par l'exploitation d'une situation
personnelle de l'individu tel que l'état d'ivresse, ou un enregistrement
obtenu lors d'une forte réaction. Tous les cas qui viennent d'être
cités selon M. Elias Abou-Eid constituent des cas et des circonstances
qui
907
rendent illégal le moyen d'obtenir ces
déclarations. Mais M. Elias Abou-Eid ici n'a pas
906 V. sur ce point : J.-C. Georgin, Les
procédés modernes de preuve, Thèse de droit,
Université de Paris, 1962, p. 85 : « Le magnétophone
reproduira bien les propos échangés au cours d'une conversation,
mais il ne nous fera jamais savoir, si cette personne avait ou non connaissance
de cet enregistrement et surtout, si elle savait qu'il serait
ultérieurement utilisé comme moyen de preuve contre elle. Il y
aura toujours de sérieux doutes sur cet élément
intentionnel de l'aveu ».
907 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La
théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile,
Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 338,
pp. 386-387.
216
expliqué la notion ou ce qu'il entend par la coercition
morale. M. Elias Abou-Eid affirme encore que contrairement à ce qui
précède, les autres cas ordinaires dans lesquels les
enregistrements des discours s'effectuent doivent être
considérés comme légaux si l'on s'appuie sur le principe
selon lequel dans le domaine pénal la preuve peut être obtenue
par
908
divers moyens. Il est donc nécessaire de
préciser la notion de coercition morale en matière
d'enregistrement vocal afin de préciser les limites
d'applicabilité de cette méthode.
153. Décision pénale du juge unique
pénal de Kesrouan (droit libanais)909. Le juge
unique pénal de Kesrouan910 dans la
résolution n° 66/99 datant du 10/03/1993, dans l'affaire Abou Eid
contre Saliba, précise que principalement, l'usage des bandes
d'enregistrement de manière générale comme moyen de preuve
est confronté à divers obstacles. D'une part l'enregistrement est
souvent effectué à l'insu de l'individu, un deuxième
obstacle concerne la force probante de la preuve de la bande enregistrée
même avec la connaissance de l'individu, puis que son contenu ne doit
être compris que dans le cadre qui l'a engendré. D'autre part, on
ne peut pas garantir que le discours enregistré n'a pas fait l'objet de
manipulations par son découpage et sa reconstitution,
particulièrement si l'on tient compte de la sophistication de l'appareil
et de ses accessoires ; ce qui suppose que l'intégration de l'appareil
dans le domaine de la preuve de manière générale
basée sur la conviction personnelle du juge qui est une personne devrait
être considérée avec prudence. Cela en sachant que la Cour
est consciente de ce que l'article 217 du Code de procédure civile
prévoit la validité du prélèvement non judiciaire
d'un aveu de la déclaration de l'adversaire, enregistré à
sa connaissance sur une bande magnétique, ceci en rappelant que la bande
présentée dans cette affaire a été
enregistrée à l'insu de l'accusée, comme indiqué
dans la plainte. Cette Cour, en précisant les principes cités
plus haut, a auditionné plusieurs fois la bande enregistrée, et
en vertu de ce que la loi lui confère comme droit pour estimer et
apprécier les moyens de preuves, l'a trouvée incohérente
d'une part, et par conséquent le juge a décidé ne pas le
prendre en considération et par digression, la Cour n'y a trouvé
aucune preuve que l'accusée ait effectué une manoeuvre
frauduleuse constituant le délit de fraude dont elle est
accusée.
154. Réflexion critique sur la motivation de la
décision pénale du juge unique pénal de Kesrouan
(droit libanais). Là, on constate que le juge a fait une
très grave erreur et le moins
908 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La
théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile,
Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 338,
pp. 386-387.
909 Le Kesrouan est un des cazas (divisions
administratives) de la subdivision du Mont Liban au Liban.
910 Le President Maroun Zakhour.
217
que l'on puisse dire sur ce rapport est qu'il est l'exemple de
l'erreur flagrante vu l'écart logique, idéologique et juridique
qu'il comporte. Premièrement, le juge précise que la Cour est
consciente de ce que l'article 217 du Code de procédure civile
prévoit la validité du prélèvement non judiciaire
d'un aveu de la déclaration de l'adversaire, enregistré à
sa connaissance sur une bande magnétique. La bande
présentée dans cette affaire a été
enregistrée à l'insu de l'accusée, comme indiqué
dans la plainte par les plaignants, c'est-à-dire sur la base de leurs
déclarations. Le juge devait donc s'arrêter là et refuser
l'écoute de l'enregistrement, en raison du fait prouvé que
l'auteur de la voix n'était pas au courant de l'enregistrement, par
conséquent, la condition de l'écoute par le juge de cet
enregistrement est éliminée et il ne peut nullement invoquer la
liberté de conviction du juge dans l'estimation et l'appréciation
des preuves d'inculpation car les lois ont clairement prévu un moyen
précis et des conditions précises pour accepter cette preuve et
qui ne se pressentent pas dans ce cas. Il fallait donc négliger ou
refuser d'écouter cette preuve en raison de son illégalité
sans s'introduire dans son contenu et son argumentation. Nous croyons que le
juge unique pénal de Kesrouan a commis une violation par refus
d'application de la loi ou que le juge a violé la loi par fausse
application, précisément des conditions prévues par
l'article 217 du Code de procédure civile concernant l'admission de
l'enregistrement vocal sur bande.
155. Position de la Cour d'appel par rapport au jugement
proclamé par le juge unique pénal de Kesrouan (droit libanais).
La Cour d'appel des délits du Mont-Liban a observé une
position totalement différente en adoptant une preuve fondée sur
l'enregistrement sonore magnétique et l'a prise en considération
dans sa délibération n° 128/96 datant du 20/03/1996
911
qui cite: « Ce qui renforce la conviction de la Cour
est cette conversation enregistrée sur cassette, présentée
dans le dossier, entre Samia et Latifa Saliba (intimée) qui
reconnaît clairement que l'appelant Samir est propriétaire de
l'appartement objet du litige. Si l'on admet de manière generale l'avis
exprimé par la doctrine et la jurisprudence selon lequel l'interdiction
de recourir aux enregistrements comme unique preuve sur laquelle se baserait le
juge pour constituer sa conviction, néanmoins, il en irait autrement,
comme dans la présente affaire, lorsque cette preuve vient en
renforcement et appui à d'autres preuves »
On s'aperçoit ici que la Cour a contourné la
raison et justifié son acceptation de l'enregistrement audio comme
preuve de façon illogique, puisqu'elle reconnaît avoir
accepté l'enregistrement audio parce qu'il n'est pas l'unique preuve
dans l'affaire et non parce qu'il vient comme preuve renforcer le reste des
preuves. Ce qui signifie que la Cour reconnaît que
911 La Cour d'appel des délits du
Mont-Liban qui était constituée du Président Abdellatif Al
Huseini, Fayez Matar et Ghada Aoun et qui a examiné la même
précédente affaire.
218
les preuves disponibles, si l'on écarte
l'enregistrement audio, avaient placé la conviction de la Cour dans le
doute sur la culpabilité de l'accusée, car la Cour n'était
parvenue à la certitude pour statuer sur la condamnation qu'en
s'appuyant sur la preuve vocale qui a influencé cette conviction et
converti le doute en certitude, sachant que le doute allait être
interprété en faveur de l'accusée. De ce fait,
l'enregistrement vocal qui est un élément de preuve
illégal a servi pour dresser un jugement de condamnation et cela est
contraire au principe de la légalité de la preuve. Ce jugement
est basé sur une preuve illégale et la position de cette Cour est
totalement inacceptable parce qu'elle s'oppose clairement au texte de l'article
217 du Code de procédure civile applicable obligatoirement dans ce
cas.
156. Position de la chambre criminelle de la Cour de
cassation libanaise. La chambre criminelle de la Cour de cassation a
accepté le moyen d'enregistrement magnétique vocal
dans l'arrêt n° 144/97 datant du 03/06/1997 912 :
« La Cour précise d'abord le principe suivant : contrairement
au Code des dispositions civiles qui s'occupe de plus en plus des
formalités, elle n'accepte pas durant les discussions devant la justice
certains moyens de preuves, car les dispositions pénales sont
régies par le principe de liberté des preuves comme
conséquences directes dérivant du principe de conviction
personnelle qui prévaut dans les dispositions pénales visant
à découvrir la vérité et y accéder quel que
soit le moyen, sauf dans les cas cités par la loi autrement, ou à
travers des moyens spécifiques. S'il y a des limites et des exceptions
à ce principe, cela n'affecte pas les bandes magnétiques car les
tribunaux ont tendance à les adopter et si elles ne les
considèrent pas comme aveux, elles font au moins office d'indices que
l'on ajouterait au reste des indices qui pourraient contribuer à
constituer une conviction. Lorsque le Code des dispositions des jugements
civils libanais fut établi, et contrairement à ce que cite le
sujet en appel, elle pourrait dépasser
ces limites, car selon l'article 217 du Code de procédure civile il est
permis de prélever un aveu non judiciaire de la déclaration de
l'adversaire enregistrée dans une bande magnétique. Il
s'avère que la situation est telle que décrite n'empêche
pas de prendre le contenu de l'enregistrement comme moyen de preuve à
ajouter au reste des moyens. La Cour précise aussi d'autre part, que
cette tendance est susceptible de renforcer le fait que le sujet en
appel aurait reconnu ouvertement finalement le contenu de cet
enregistrement et son déroulement entre elle et la défunte Samia.
Cette reconnaissance deviendrait incompatible avec son rejet de
l'enregistrement et ce rejet serait déplacé du point de vue
juridique. Sur la base de ce qui précède l'objection du
côté du sujet en appel, à la
bande d'enregistrement est rejetée et il
912 La Cour de cassation libanaise, sa
septième chambre criminelle, constituée du président Ahmed
Almouallem et les deux conseillers M. Elias Nammour et M. Nouhad Mourtadha.
219
serait préférable d'accepter cet
enregistrement comme moyen de preuve à ajouter au reste des moyens
». Nous trouvons dommage ce genre de dérive intellectuelle
juridique à laquelle est arrivée la Cour de cassation libanaise
dans cette décision. Nous déplorons l'établissement d'une
telle décision par la plus haute Cour du Liban vu la valeur de cette
Cour et nous rejetons sa position. Dans tous les cas où il y a un texte
de loi clair, la jurisprudence n'a pas le droit d'apprécier et
d'interpréter faussement la situation. D'abord, lorsque la Cour s'appuie
ouvertement sur le texte de l'article 217 du Code de procédure civile en
le désignant comme la référence générale des
procédures pénales en cas d'absence d'un texte dans le Code de
procédure pénale, la Cour de cassation doit se conformer à
la lettre au contenu de l'article 217 de procédure civile, car il ne
faut pas innover avec la lettre claire du texte. Donc, parler de
formalités dans la preuve civile et la libération dans la preuve
pénale est une partie des innovations injustifiées et
regrettables de la Cour de cassation. L'enregistrement audio est un aveu non
judiciaire, il est soumis dans ses preuves aux règles
générales des preuves dans le Code de procédure civile
parce qu'il y a un vide juridique dans ce genre de preuve en matière
pénale. Quant au dire selon lequel « les dispositions
pénales sont régies par le principe de la liberté des
preuves comme conséquences provenant du principe de conviction
personnelle qui domine les procédures pénales » ceci
n'a aucun rapport avec le texte et les conditions spécifiées
demandées par le législateur pour accepter un
élément de preuve acquis à l'aide d'enregistrement par
magnétophone. Le juge pénal ne peut pas écarter un texte
législatif. Le juge est tenu de respecter les textes législatifs
qui émanent du législateur et s'imposent au juge. Car la
volonté du législateur est plus forte que la liberté du
juge pénal d'apprécier la preuve et ce jugement est en
contradiction avec le principe de séparation des autorités entre
l'autorité juridique et l'autorité législative. Quant au
dire selon lequel : « et son objectif est de découvrir la
vérité et y accéder quels que soient les moyens »
ceci est vraiment dommage qu'il provienne des hauts magistrats et d'une
Cour suprême telle que la Cour de cassation. « Quels que soient
les moyens » implique la torture, la coercition, la violation des
libertés individuelles et la violation de la vie privée. Par
conséquent, en quoi aurions nous besoin d'un Code qui régit les
procédures pénales tant qu'il se base sur le principe de
«, quels que soient les moyens », selon le point de vue de
la Cour de cassation libanaise. Et nous demandons à cette Cour quelle
est l'utilité des Codes procéduraux ? Et à quoi servent le
principe de la légalité procédurale et la
légalité de la preuve et les droits de défense ? Et quel
est leur rôle dans la procédure pénale ? Quant au dire de
la Cour selon lequel « sauf dans les cas cités par la loi
contrairement à cela ou par des moyens spécifiques, s'il y a des
limites et des exceptions à ce principe, celles-ci n'affectent pas les
bandes magnétiques », nous interrogeons la Cour : l'article
217 du Code de procédure civile ne représente-t-il pas en
lui-même ces limites et
220
exceptions citées par la loi ou même un moyen
spécifique tel que vous l'avez mentionné ? Et qui vous a
donné le droit d'affirmer que ces exceptions n'affectent pas les bandes
d'enregistrement ? Le texte n'est-il pas clair dans l'article 217 du Code de
procédure civile ?
157. L'utilisation d'un magnétophone pour
enregistrer la voix en droit français. D'abord il faut bien faire
attention que l'un des interlocuteurs peut utiliser le magnétophone pour
enregistrer une conversation téléphonique. On ne peut
considérer l'enregistrement comme une écoute
téléphonique. « L'enregistrement de son
téléphone par un particulier est un moyen de défense ;
pour un policier c'est un acte d'enquête ou d'instruction qui doit
être réalisé en
913
conformité avec la législation ». La
justice peut autoriser le placement de caméras et de
914
micros-espions dans les lieux privés afin de faciliter la
recherche des preuves lorsque
l'infraction relève de la criminalité
organisée. L'usage du magnétophone en justice ne cesse de
915
soulever des questions concernant la légalité de
ce moyen. Il faut rappeller à ce sujet, qu'avant la loi Perben II qui a
légalisé la sonorisation de lieux privés et
l'enregistrement de conversations privées, cette procédure
spéciale était faite et appliquée en pratique sans texte
ou base légale claire et précise contrairement au sens de
l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de
l'homme et contrairement à l'interprétation donnée
à cet article par la jurisprudence constante de la Cour de Strasbourg.
Comme l'indique M. Jean-Christophe
916
Saint-Paul : « Reconduisant la même approche
qu'en matière d'écoutes téléphoniques »,
et pour justifier la régularité de ces actes de procédure
concernant la sonorisation de lieux privés et l'enregistrement de
conversations privées, la chambre criminelle de la Cour de cassation
française a eu recours à l'article 81, alinéa 1, et 151 et
152 du CPP français pour fournir une
913 G. Accomando et Ch. Guéry, « La
sonorisation : un mode légal de preuve ? », in D., 2002,
p. 2001.
914 V. L. Viau, « La surveillance
vidéo et le droit à la vie privée au Canada et au
Québec : l'impact des chartes des droits et l'exclusion de la preuve
», in R.I.D.C., Vol. 52, n° 3, Juillet-septembre 2000, pp.
581-603, p. 582 : « Avec les progrès technologiques qui
amènent notamment une miniaturisation des caméras de
surveillance, la vie privée des gens est de plus en plus menacée.
Non seulement les policiers ont-ils recours à cette méthode
d'enquête, mais des employeurs embauchent des détectives
privés pour procéder à la filature de leurs
employés lorsqu'ils les soupçonnent de conduites qui
dénotent un manque de loyauté à leur endroit
».
915 V. sur la légalité de la
sonorisation : G. Accomando et Ch. Guéry, « La sonorisation : un
mode légal de preuve ? », in D., 2002, p. 2001 :
« La sonorisation est un moyen de preuve peu utilisé en France.
Les praticiens s'interrogent sur sa légalité. L'analyse de la
jurisprudence, apparemment contradictoire, nous invite cependant à
considérer comme licite l'usage de micros d'ambiance dès lors
qu'il est ordonné par un juge d'instruction et que le principe de la
loyauté des preuves est respecté ».
916 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement
clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n°
9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 13.
couverture légale formelle à ses actes de
procédure malgré leur illégalité flagrante
917
. « Par
221
application des articles 81, alinéa premier, 151 et
152 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction peut
prescrire par commission rogatoire, en vue de la constatation des infractions,
la captation, la transmission et l'enregistrement de conversations
privées, autres que des communications téléphoniques,
pourvu que ces mesures aient lieu sous son contrôle
918
et dans des conditions ne portant pas atteinte aux droits de
la défense». La loi Perben II
919
donne la possibilité à la police d'écouter
et filmer les particuliers à leur domicile. Donc, la
920
loi Perben II prévoit conformément à
l'article 706-96 du CPP françaisqu'en plus de ces écoutes
téléphoniques, les juges pourront faire installer chez les
suspects des caméras et des
de
921
micros-espions dans la nécessité d'accroître
l'efficacité de la recherche des preuves
certaines catégories d'infractions graves
mentionnées dans l'article 706-73 du CPP français. La
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation est rigoureuse
dans l'application de l'article 706-96 du CPP français. « Il
résulte des articles 706-96 et suivants du Code de procédure
pénale que le juge d'instruction qui décide de faire
procéder à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour
objet, sans le consentement des intéressés, la captation,
fixation, transmission et enregistrement de paroles prononcées par une
ou plusieurs personnes, à titre privé ou confidentiel, ou de
l'image de personnes se trouvant dans un lieu privé, doit, non seulement
rendre une ordonnance motivée autorisant ces opérations,
917 V. J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
13: « Cette jurisprudence contraire à l'interprétation
européenne de l'article 8, alinéa 2, de la Convention
européenne des droits de l'homme (Conv. EDH) est heureusement caduque
dès lors que la sonorisation d'un lieu privé est désormais
explicitement envisagée dans des conditions restrictives par les
articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale
».
918 Cass. crim., 23 novembre 1999, B.C.,
n° 269, p. 840.
919 P. Poncela, « Le combat des
gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II
», in Droit et Société, 60/2005, p. 475.
920 L'article 706-96 du CPP français
dispose : « Lorsque les nécessités de l'information
concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de
l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, après avis du
Procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les
officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire
à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le
consentement des intéressés, la captation, la fixation, la
transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou
plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux
ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs
personnes se trouvant dans un lieu privé. Ces opérations sont
effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge
d'instruction ».
921 V. M. Murbach, Les pouvoirs
d'investigation en droit français. Essai d'une théorie
générale, Thèse de droit, Université Lyon 3,
2010, p. 367 : « La sonorisation et la captation d'images permettent
comme la vidéosurveillance d'enregistrer et de consulter des
données périmétriques. Ces deux catégories
typologiques se distinguent par le fait que la vidéosurveillance
s'applique dans des lieux publics pour enregistrer à titre proactif tout
ce qui passe dans une zone. La sonorisation et la captation d'images vont
principalement s'opérer dans un lieu privé, dans un cadre
réactif et de façon clandestine, pour rechercher des
éléments probatoires relatifs à un trouble à
l'ordre public ciblé et des personnes déterminées
».
mais également délivrer une commission
rogatoire spéciale aux officiers de police judiciaire
922
qu'il désigne pour y procéder ». La
loi Perben II légalise et autorise l'usage des micros ou des
caméras qui pourront être posés dans des lieux
privés (sonorisations et fixation d'images)
923
au domicile des personnes suspectes, sur leur lieu de travail ou
dans leur véhicule
. En ce qui
222
concerne l'instauration de ces nouveaux outils non
traditionnels comme moyens de recherche de preuve, Mme Julie Alix souligne
qu'« outre les moyens d'investigation traditionnels, la récente
intégration du terrorisme au sein de la criminalité
organisée a pour conséquence de lui rendre applicable l'ensemble
des nouveaux moyens d'investigation instaurés, en particulier la
faculté de sonoriser les lieux privés. En offrant au magistrat
instructeur la faculté de capter des sons ou des images provenant de
lieux clos ou des véhicules, le législateur poursuit
l'évolution vers l'utilisation de moyens de preuves qui, parce qu'ils
s'effectuent à l'insu des personnes qu'ils concernent, sont
potentiellement très efficaces - d'autant plus que, s'agissant des
sonorisations, la mesure, si elle doit être renouvelée tous
les
924
quatre mois, n'est pas limitée dans le temps, tout
comme l'instruction préparatoire ». À l'exception des
professions protégées par l'article 56-1, 56-2 et 56-3 du CPP
français comme dans les locaux d'une entreprise de presse ou de
communication audiovisuelle, les médecins, avocats, notaires ou
huissiers, les décisions de sonorisations et de fixations d'images de
925
certains lieux ou véhicules doivent remplir certaines
conditionset elles sont prises pour une
926
durée maximale de quatre mois, renouvelable si les
mêmes conditions sont remplies. De surcroît, la loi exige le
respect de certaines formes procédurales dans l'application des
opérations de sonorisation et de fixation d'image dans certains lieux ou
véhicules comme le
927
procès-verbal de chacune des opérationset les
opérations de destruction des
928
enregistrements sonores ou audiovisuels.
922 Cass. crim., 13 fevrier 2008, B.C.,
n° 40, p. 149.
923 V. A. Maron et M. Haas, « Quand les
murs ont des oreilles sourdes », in Droit pénal n° 3, Mars
2009, comm. 43: « Les murs peuvent maintenant avoir des oreilles,
pourvu que leur implant ait été autorisé
conformément aux dispositions des articles 706-96 et suivants du Code de
procédure pénale ».
924 J. Alix, Terrorisme et droit
pénal. Étude critique des incriminations terroristes,
Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève
Giudicelli-Delage, 2010, n° 468, p. 377.
925 L'article 706-97 du CPP français
dispose : « Les décisions prises en application de l'article
706-96 doivent comporter tous les éléments permettant
d'identifier les véhicules ou les lieux privés ou publics
visés, l'infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que
la durée de celles-ci ».
926 L'article 706-98 du CPP français
dispose : « Ces décisions sont prises pour une durée
maximale de quatre mois. Elles ne peuvent être renouvelées que
dans les mêmes conditions de forme et de durée ».
927 L'article 706-10 du CPP français
dispose : « Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire
commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations de
mise en place du dispositif technique et des opérations de captation, de
fixation et d'enregistrement sonore ou audiovisuel. Ce procès-verbal
mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et
celles auxquelles elle s'est terminée. Les enregistrements sont
223
Conclusion du Chapitre I
158. Le droit libanais, tout comme le droit français
est dominé par le principe de la liberté de la preuve
pénale avec toutes les conséquences qui en résultent. Le
problème réside dans l'ambiguïté du
concept de preuve illégale et également l'indétermination
qui entoure la notion de preuve illégale. Il s'agit de trouver un
critère stable qui peut tenir rigoureusement compte de tous les cas ou
de trouver les formes de la preuve illégale car il est très
important de trancher la question de la notion de preuve illégale.
L'illégalité de la preuve se subdivise en
illégalité formelle et illégalité
matérielle. On a étudié dans ce chapitre
l'illégalité formelle qui trouve sa source dans l'absence de base
légale dans l'acte de procédure qui vise la recherche des
preuves, la violation des règles et formes substantielles en
procédure pénale intimement liées à la recherche et
à l'administration de la preuve. De surcroît,
l'illégalité formelle de la preuve pénale peut être
le résultat de la méconnaissance de la réglementation de
certains moyens de preuve qui sont strictement réglementés et la
légalité de la preuve nécessite d'appliquer et de
respecter strictement cette réglementation pendant la recherche des
preuves en utilisant le moyen de preuve réglementé. D'autre part,
pendant la phase de jugement, les
charges 929 réunies contre le prévenu ou
l'accusé, les indices et les éléments de preuve doivent
devenir des preuves, pour pouvoir étayer la condamnation
supposée, c'est-à-dire des éléments de preuve
permettant d'établir l'existence de l'infraction et l'auteur
présumé de l'infraction. Ce sont ces preuves qui ont
été recueillies avant le procès ou
présentées au procès par les parties et le
ministère public lors d'un procès criminel. Au cours de la phase
de jugement, la procédure de l'administration de la preuve obéit
aux grands principes fondamentaux. Ce sont les principes généraux
de la procédure d'audience où les audiences sont publiques, les
débats
placés sous scellés fermés »
; L'article 706-101 du CPP français dispose : « Le juge
d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui décrit
ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les
images ou les conversations enregistrées qui sont utiles à la
manifestation de la vérité. Les conversations en langue
étrangère sont transcrites en français avec l'assistance
d'un interprète requis à cette fin ».
928 L'article 706-102 du CPP français
dispose : « Les enregistrements sonores ou audiovisuels sont
détruits, à la diligence du Procureur de la République ou
du procureur général, à l'expiration du délai de
prescription de l'action publique. Il est dressé procès-verbal de
l'opération de destruction ».
929 V. R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris,
2001, tome 2 Procédure pénale, n° 143, p. 182 :
« Le but du procès pénal est de transformer les
soupçons et les charges qui ont servi de fondement à la poursuite
en une certitude suffisante pour prononcer la condamnation. Quand l'accusation
ne peut pas établir l'existence de l'infraction en ses divers
éléments et prouver la culpabilité, l'accusé ou le
prévenu doit être acquitté. Ainsi le doute que l'accusation
n'a pas pu éliminer équivaut à une preuve positive de
non-culpabilité. Tel est le sens de l'adage in dubio pro reo, traduction
procédurale de la présomption d'innocence.».
224
oraux et contradictoires. Une preuve non soumise à la
discussion publique, orale et contradictoire sera une preuve illégale
à cause de la violation des principes généraux de la
procédure de jugement. En outre, est considérée comme
illégale l'utilisation de certains moyens non traditionnels, en
particulier l'écoute téléphonique, l'enregistrement des
conversations ou des appels téléphoniques sans justification
légale. Bien évidemment, une preuve obtenue à l'aide d'une
écoute téléphonique illégale rend la preuve
résultante illégale. Il existe plusieurs preuves portant atteinte
à la vie privée, telles que la surveillance des conversations et
des appels et l'enregistrement audio. Étant donné que l'adoption
des technologies modernes dans la preuve pénale s'inscrit dans le cadre
du principe de la liberté de la preuve prédominant dans cet
article pénal, cette exploitation risque d'entraîner des abus des
droits et des valeurs protégés par la Constitution, en
particulier le caractère sacré de la vie privée. Les
intérêts suprêmes et vitaux de l'État imposent aux
autorités de sécurité générale de
procéder à l'écoute téléphonique afin de
préserver ces intérêts, à condition d'établir
des limites claires indiquant les cas d'écoute
téléphonique, mettant en évidence leur ampleur, et
fournissant aux individus des garanties offrant la protection nécessaire
contre tous les excès de nature administrative ou judiciaire. Cependant,
les écoutes doivent être soumises à des conditions et des
contrôles qui assurent l'inviolabilité de la vie privée des
membres de la société. A ce propos, le législateur
français a influencé le législateur libanais en
décidant de promulguer une loi au sujet de l'écoute, en
s'inspirant dans la plupart de ses articles de la loi française relative
à l'écoute, en introduisant quelques modifications.
225
Chapitre II
Preuve entachée d'une illégalité
matérielle
159. Mode de preuve illicite. Le principe de la
légalité dans l'administration des preuves en matière
pénale implique l'obligation et le devoir de respecter les principes
généraux du droit et les principes fondamentaux des droits de
l'homme. Les principes de base des droits de l'homme, et
particulièrement le respect de la dignité de la personne humaine
fait partie
intégrante du principe de la légalité de la
preuve pénale
930
. Il n'est pas permis d'adopter des
modes de preuve qui ne respectent pas l'individu, ses droits
et sa dignité 931 . Il est donc inadmissible et formellement interdit
d'arracher des aveux sous la violence, la torture ou la contrainte morale, ou
de soumettre l'accusé à l'hypnose, ou encore lui administrer des
produits dans le but d'affaiblir sa volonté et réveiller son
subconscient, afin qu'il apporte son
témoignage sans conscience ni réflexion 932 . Il
est interdit d'user de procédés de violence physique à
l'encontre des suspects, inculpés ou témoins. Sont
également prohibées les méthodes qui impliquent une
diminution ou une suppression du contrôle de soi-même comme
933
la narco-analyse.
160. Respect de la dignité humaine et violence
physique. Le respect de la dignité humaine
934
exige l'interdiction absolue du recours à la violence
physique sous toutes ses formesafin
930 V. sur l'effet de la Convention
européenne des droits de l'homme sur le respect de la dignité
humaine : B. Maurer, Le principe de respect de la dignité humaine et
la Convention européenne des droits de l'homme, Editeur : La
documentation française, 1999.
931 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les
principes des procès pénaux. Étude comparative, Dar
Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, 1993, p. 326 ; V. en même sens : C.
Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e
éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 246-1, p. 173.
932 V. en ce sens : J.-Y. Chevallier, «
La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de
synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue
internationale de droit pénal, 1er-2e
trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé
par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à
Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 53 :
« Quand il s'agit d'apprécier la preuve, tout le monde sait
qu'il y a deux systèmes applicables : ou bien le juge devant qui une
preuve prévue par la loi est régulièrement apportée
est lié par cette preuve et doit automatiquement considérer que
le suspect est coupable et entrer en condamnation : système de la
légalité des preuves ; ou bien ce même juge apprécie
librement les preuves qui sont apportées devant lui : système de
l'intime conviction ».
933 V. sur ce point : P. Bolze, Le droit
à la preuve contraire en procédure pénale,
Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 366 : «
L'utilisation de l'hypnose et de la narco-analyse, s'attachent à
supprimer toute volonté de masquer la vérité dans le
discours en provoquant un état d'altération de la conscience
».
934 V. sur ce point : M. D.-Castelli, «
La présentation de la preuve et la sauvegarde des libertés
individuelles », 3e colloque du Département des droits de l'homme -
Université Catholique de Louvain - Centre d'Études
européennes, Bruxelles, Établissements Émile Bruylant,
1977, in Les Cahiers de droit, Vol. 21, n° 2, 1980, p.
d'obtenir l'aveu ou des éléments de preuves
935
. Pour certains, l'influence matérielle ayant pour
but d'obliger ou de faire passer l'accusé aux aveux,
peut se manifester par plusieurs cas ou moyens, dont les plus importants sont :
la violence (contrainte physique), fatiguer l'accusé par
un long interrogatoire, l'hypnose et l'utilisation de
narcotiques
|
936
|
. Il est interdit au juge et aux
|
226
officiers de police judiciaire qui ont la charge d'interroger
le suspect ou l'accusé, de recourir aux méthodes illégales
pendant l'interrogatoire, comme l'utilisation de la violence, de la coercition
physique, des moyens de tromperie et de duperie ou des moyens techniques (comme
l'usage du polygraphe, de l'hypnose ou d'autres moyens), dans le but de lui
extraire
937
des aveux et affaiblir sa volonté et sa conscience.
Donc il y a une nécessité d'encadrer l'administration de la
preuve pénale qui exige un profond respect pour la protection de la
dignité humaine. Nous allons aborder la question de la preuve qui est
entachée d'une illégalité portant atteinte à la
dignité humaine et à la liberté individuelle dans la
première section, et plus particulièrement la question de la
légalité des aveux en matière pénale. Une
première section porte sur les procédés de preuves qui
sont attentatoires à la dignité humaine et à la
liberté individuelle. La deuxième section va aborder la question
de la légalité des procédés scientifiques qui
visent à la recherche des preuves. La deuxième section porte sur
la question de la légalité des procédés
scientifiques.
487-493, V. spec. p, 489 : « Le respect de la
dignité humaine et de l'intégrité de la personne conduit
à interdire la violence physique (avec la prohibition de la torture) et
les moyens utilisant la violence, l'astuce ou la ruse pour obtenir des preuves
».
935 V. sur le recours à la violence
physique dans le procès pénal : G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 5 : « le recours fréquent à la
violence physique des organisations criminelles oblige à assurer une
protection particulière des témoins, ainsi que des personnes
impliquées dans la commission d'une infraction, qui souhaitent
collaborer avec la justice, et plus généralement des personnes
participant à la conduite du procès ».
936 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380,
V. spec. p. 368.
937 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 268, pp. 263-364.
Section I
Les procédés de preuves attentatoires
à la dignité humaine et à la liberté
individuelle
938
161. L'importance de l'aveu. L'aveu a eu et pendant
longtemps une haute importance
939
dans la législation pénale. Selon Mme
Philomène Nasr, l'aveu occupe toujours un rang
940
prestigieux. Au contraire, selon MM. Georges Levasseur et
Albert Chavanne « l'aveu n'est qu'un élément de
conviction parmi tant d'autres et il est laissé à la libre
appréciation des
941
juges. Ceux-ci ne sont donc jamais liés par lui
». L'aveu a longtemps été considéré
comme
942
la preuve par excellence. M. Jean Pradel considère que
l'aveu est loin d'être la reine des preuves comme il a longtemps
été considéré dans l'ancien droit parce que l'aveu
n'est pas toujours sincère ; il peut être un acte de défi,
ou un aveu dans le but de protéger le vrai
943
coupable ou émaner d'une personne intimidable. Nous
aurions tendance à penser que
944
l'importance de l'aveutrouve sa source dans le fait que l'aveu
est considéré comme le plus
court chemin pour déchiffrer le doute qui n'est pas
étranger de la preuve pénale
|
945
|
. MM.
|
227
938 V. en ce sens : H. Leclerc, « Les
limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in
Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « On ne peut donc
pas parler de preuve sans parler de l'aveu».
939 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n°3, Juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. 516:
« Depuis les temps les plus anciens, l'aveu de l'inculpé a
toujours été admis en preuve, il ne peut d'ailleurs en être
autrement ; mais il a été admis différemment selon les
moeurs, les coutumes et les systèmes généraux de
procédure pénale ».
940 V. en langue arabe : Ph. Nasr,
Les principes des procès pénaux. Étude
comparative et d'analyse, Sader Editeurs, Beyrouth, p. 390.
941 G. Levasseur et A. Chavanne, Droit
Pénal et Procédure Pénale, Sirey, Paris, 1963, p.
96.
942 C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 2,
p. 3 : « S'il n'est plus regardé comme la preuve parfaite, en
revanche, il est toujours recherché en raison de sa faculté
certaine à rassurer l'enquêteur et le juge ».
943 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 852, p.
781.
944 V. Rapport de M. François Gorphe,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 776-780, V. spec. p.
777 : « L'aveu se présente, en effet, comme la preuve la plus
simple, et c'est surtout ce qui lui a donné une place
privilégiée, tant en pratique qu'en théorie. La raison
pratique est sérieuse : on comprend la première
préoccupation de tout enquêteur ou instructeur d'obtenir un aveu,
qui va immédiatement éclairer toute l'affaire et abréger
les recherches ; il ne restera plus qu'à vérifier les faits
reconnus. Voilà précisément le rôle propre de l'aveu
: c'est beaucoup moins de faire preuve que de faire avancer l'instruction
».
945 V. sur ce point : H. Leclerc, « Les
limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in
Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « ... il suffit de
fréquenter les audiences pour constater l'importance que revêt
l'aveu comme moyen de preuve, soit qu'il soit réitéré et
dispense le plus souvent les acteurs du procès d'une
228
Georges Levasseur, Albert Chavanne et Jean Montreuil
considèrent qu' « On a souvent reproché aux services
répressifs d'avoir pour objectif essentiel d'obtenir l'aveu du suspect,
et il est exact que ces services ont eu parfois tendance à
considérer l'enquête comme pratiquement terminée lorsque la
personne soupçonnée a avoué. Pourtant, il n'est pas
certain
946
que l'aveu corresponde à la vérité.
». Mme Haritini Matsopoulou souligne que « dans le
système français, postérieur à la période
révolutionnaire, l'aveu n'occupe plus la place de reine des preuves. Du
fait de la libre appréciation de ces dernières par le juge, par
suite du procédé de la preuve morale ou par intime conviction,
les magistrats peuvent accorder un crédit à l'aveu, comme ils
peuvent ne lui en donner aucun. C'est un élément de preuve
comme
. De surcroît, l'aveu est une preuve qui vient pour
dissiper l'obscurité qui entoure
947
un autre »
la vérité, ce qui oriente la recherche de la
preuve même d'une manière involontaire vers cette
948
preuve idéale.
§ 1. La légalité de la preuve par aveu
en matière pénale.
162. L'aveu est dominé par un double
déséquilibre. C'est ce que pense M. Jacques-Bernard
949
Herzog: « je crois que le problème de l'aveu
est dominé par un double déséquilibre ». L'aveu
comme preuve en matière pénale souffre de deux sortes ou types de
déséquilibres. Le premier déséquilibre est
fonctionnel. Il réside nettement dans le déséquilibre
entre le cadre juridique de l'aveu dans la législation qui affirme
l'absence de hiérarchie des preuves, ce qui implique que l'aveu n'est
pas la meilleure des preuves. Tandis que la fonction réelle de l'aveu
compte tenu de son application pratique affirme qu'il existe une
véritable hiérarchie des preuves, l'aveu étant
traditionnellement et jusqu'à aujourd'hui, considéré comme
la « reine
partie importante des débats, soit qu'il soit
rétracté et il devient alors le centre du débat
contradictoire, l'accusé étant sommé de s'expliquer sur
les raisons apparemment incompréhensibles qui l'ont amené
à un moment de la procédure - et le plus souvent au cours d'un
interrogatoire policier - à avouer des actes qu'il prétend ne pas
avoir commis ».
946 G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil,
B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et
procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002,
n° 459, p. 184.
947 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 881, p.
712.
948 V. Rapport de M. François Gorphe,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 776-780, V. spec. p.
776-777 : « De tout temps l'on a eu tendance à s'en tenir
à l'aveu comme preuve supérieure, non seulement en vertu d'une
présomption de véridicité correspondant au cours normal
des choses, mais aussi en raison d'une position juridique : on estime que
chacun doit prendre la responsabilité de ses déclarations, et
qu'on doit répondre des actes qu'on reconnaît avoir commis
».
949 Intervention de M. Jacques-Bernard
Herzog, « L'aveu dans la procédure pénale », in
R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V.
spec. l'intervention de M. Jacques-Bernard Herzog p. 533.
des preuves »
950
. Le second déséquilibre concerne le
déséquilibre des garanties de défense
229
entre les deux phases de l'enquête préliminaire
et de l'information judiciaire (l'instruction qui est menée par un juge
d'instruction). Ce déséquilibre rend illusoires les droits de la
défense pendant la phase policière et pousse la police judiciaire
à se concentrer sur la recherche de l'aveu comme preuve au lieu de
procéder aux constatations matérielles, ce qui est
951
normalement le but de la phase policière ou
d'enquête préliminaire.
A. Notion d'aveu en procédure pénale.
163. Définition et signification de l'aveu. En
1873, M. Edouard Bonnier a parfaitement
952
défini sur quoi doit porter l'aveuen écrivant :
« L'aveu est la déclaration par laquelle une personne
reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des
conséquences
. Néanmoins, nous considérons
953
juridiques. Il doit porter sur le fait, et non sur le
droit... »
que cette définition est incomplète, car elle ne
comporte pas les conditions de validité de l'aveu pour qu'il soit
compatible avec le principe de la légalité de la preuve
pénale. Il est à noter qu'en général, la
jurisprudence ne s'est pas limitée à un seul avis concernant
la
950 V. Intervention de M. Jacques-Bernard
Herzog, « L'aveu dans la procédure pénale », in
R.I.D.C., Vol. 3, n°3, Juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V.
spec. l'intervention de M. Jacques-Bernard Herzog p. 533 : « Le
premier de ces déséquilibres est un déséquilibre
fonctionnel : toute la législation pénale est fondée sur
l'idée que l'aveu est une preuve comme les autres, alors qu'en fait, il
faut bien le reconnaître -- j'apporte peut-être ici plus qu'un
point de vue doctrinal, une confession de praticien --, la pratique judiciaire
est orientée vers la recherche de l'aveu. Il faut reconnaître que
lorsque, moi-même, je vais au Parquet de la Seine chercher les dossiers
qu'on me donne à régler, je commence par regarder ceux dans
lesquels l'inculpé a avoué, parce que la chose est plus facile
à régler. La pratique judiciaire est fondée sur cette
recherche de l'aveu. Il y a un déséquilibre entre le cadre
juridique et la fonction réelle de l'aveu dans notre système
».
951 V. Intervention de M. Jacques-Bernard
Herzog, « L'aveu dans la procédure pénale », in
R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V.
spec. l'intervention de M. Jacques-Bernard Herzog pp. 533-534 : « le
déséquilibre entre les deux phases de l'information ; puisque les
garanties de la défense sont telles que souvent la
spontanéité de l'aveu est empêchée au cours de
l'information et puisque cet aveu est le but principal de celle-ci, on fait une
sorte de transfert et, puisqu'on ne peut pas avoir l'aveu à la fin de
l'information, on cherche à l'avoir à la première phase ;
dès lors, la phase policière, qui devrait être une phase de
pure constatation matérielle, devient une phase d'information proprement
dite. Il y a hypertrophie de la phase policière, une sorte de
délégation de la justice qui est sa négation, que ce soit
la délégation aux médecins, à laquelle nous convie,
peut-être un peu rapidement, malgré son intérêt, le
mouvement criminologique moderne ou que ce soit la délégation aux
policiers. Très souvent, on est obligé de constater, quand on
voit des dossiers, que la phase de l'information devant le juge d'instruction
confirme purement et simplement les aveux faits à la police
».
952 V. E. R. De Fresquet, De la preuve en
droit Romain. De l'aveu. De la preuve testimoniale. De la preuve
littérale, notes du cours de doctorat fait à la
faculté d'Aix en 1862, Achille Makaire Imprimeur-Libraire, Aix, 1862, p.
6 : En 1862, M. Raymond de Fresquet a défini l'aveu comme suit :
« L'aveu est la reconnaissance faite par une personne, de la
vérité d'une allégation qui lui est opposée
».
953 E. Bonnier, Traité
théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit
criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc
Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 547, p. 440.
détermination de la signification ou de la
définition de l'aveu. Dans les procès pénaux, l'aveu est
la reconnaissance du suspect, ou du prévenu lui-même de tout ou
partie d'un fait ou d'une situation constituant la preuve du bien-fondé
des accusations criminelles portées contre lui954 .
955
M. Jean Pradel définit l'aveucomme « une
déclaration par laquelle une personne reconnaît
956
en totalité ou en partie avoir commis un fait
répréhensible ». Selon Mme Coralie
Ambroise-Castérot, « l'aveu est la reconnaissance, par la
personne soupçonnée, de sa culpabilité quant
aux faits qui lui sont reprochés »
|
957
|
. D'après M. Elyas Abou-Eid, l'aveu est un acte
volontaire,
|
en vertu duquel le défendeur avoue lui-même avoir
commis les éléments constitutifs du crime
958
dont on l'accuse, ou la réalité de tout ou
partie des faits qu'on lui reproche. L'aveu a été défini
par M. Sami Al-Mulla comme une reconnaissance de l'accusé d'avoir commis
tout ou
959
partie des faits constituant l'infraction. M. Adly Khalil l'a
défini comme une déclaration faite par l'accusé dans
laquelle il reconnaît la réalité de tout ou partie des
faits constitutifs de
l'infraction commise, ce qui fait de lui la meilleure et la
plus forte des preuves
|
960
|
. Quant à M.
|
230
Farouk Al-Kilani, il le définit comme la reconnaissance
partielle ou totale de l'accusé d'avoir commis l'infraction dont il est
accusé, en avouant expressément l'accomplissement de l'acte
criminel961. Aussi, et dans le même contexte,
M. Mahmoud Najib Hossni l'a défini comme la
révélation de l'accusé, contre son propre
intérêt, d'avoir commis l'acte criminel962. Dans les
procès pénaux, l'aveu est le témoignage du
défendeur, reconnaissant, contre son propre
intérêt, une partie ou la totalité de la
vérité des faits allégués par l'adversaire 963 .
Une définition complète et satisfaisante est
présentée par M. Hosni Al-Jondi qui indique que l'aveu est le
témoignage émanant de l'accusé lui-même devant la
juridiction, reconnaissant avoir bien
954 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 262, p. 260.
955 V. sur l'aveu : M.-J. Arcaute-Descazeaux,
L'aveu. Essai d'une contribution à la justice
négociée, Thèse de droit, Université Toulouse
I, 1998.
956 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 464, p.
413.
957 C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 2,
p. 3.
958 V. en langue arabe : E. Abou-Eid,
Théorie de la preuve, op .cit., n° 166, pp. 276-277.
959 V. en langue arabe : S. Sadek Al-Mulla,
L'aveu de l'accusé, 3e éd., 1968, p. 1.
960 V. en langue arabe : A. Khalil, L'aveu
de l'accusé dans la juridiction et la jurisprudence, 1987, p.17.
961 V. en langue arabe : F. Al-Kilani,
Conférences sur le Code de procédure pénale Jordanien
et en droit comparé, 3e éd., 1985, p. 253.
962 V. en langue arabe : M. Najib Hosni,
L'explication du Code de Procédure pénale, 2e
éd., p. 472.
963 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les
principes des procès pénaux. Étude comparative, Dar
Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 331.
231
commis une partie ou la totalité de l'infraction
reprochée, en tant qu'auteur principal ou bien
964
en tant que complice dans l'infraction, avec une volonté
libre et consciente.
164. Proposition d'une définition plus
complète de l'aveu. Dans l'intention de compléter les
différentes définitions de l'aveu, nous proposons une nouvelle
définition de l'aveu qui prend en compte les situations et les
conditions qui accompagnent la production de l'aveu comme preuve en
matière pénale et qui doit nécessairement sans exception,
être compatible avec le principe de la légalité des preuves
pénales. Parallèlement, l'aveu doit être défini
d'une manière qui laisse apparaître et manifester que c'est une
preuve pénale qui est soumise au principe de légalité et
au respect des droits fondamentaux dans la recherche et l'administration de la
preuve pénale. Par conséquent, nous avons tendance à
définir l'aveu comme une
965 966
reconnaissance claire, explicite et précise, sans
équivoque ni ambiguïté, faite par le suspect, le
prévenu ou l'accusé, contre son propre intérêt,
affirmant avoir commis l'infraction
967
conformément à la vérité et
à la réalité, et ce, dans l'une des étapes de la
procédure pénale devant le tribunal ou devant la police
judiciaire, avec un choix personnel volontaire, sans pression, ni menace, ni
peur et ce, à condition qu'il jouisse de toutes ses capacités
mentales et
968
de discernement au moment de son aveu. Il est clairement
identifié que l'aveu qu'on peut prendre en compte comme preuve
pénale est celui qui prend appui sur la libre volonté, où
l'accusé peut faire son aveu sans lui avoir fait subir toute forme
d'influence physique ou
969
morale.
964 V. en langue arabe : H. Al-Jondi, Les
dispositions de l'action en nullité de l'aveu à la lumière
de la jurisprudence de la Cour de cassation d'Égypte, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1990, p. 5.
965 M. Edouard Bonnier affirme sur la
qualité que doit remplir l'aveu, que l'aveu doit être clair, pour
entraîner condamnation, il doit être précis et complet : V.
E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit
civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur
et Maresc Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 553, p. 444.
966 V. en ce sens : R. De Fresquet, De la
preuve en droit Romain. De l'aveu. De la preuve testimoniale. De la preuve
littérale, notes du cours de doctorat fait à la
faculté d'Aix en 1862, Achille Makaire Imprimeur-Libraire, Aix, 1862, p.
10 : « Il faut que l'aveu soit précis ».
967 V. sur ce point : Rapport de M.
François Gorphe, « L'aveu dans la procédure pénale
» in R.I.D.C., Vol. 4, n°4, Octobre-décembre 1952,
pp. 776-780, V. spec. p. 776 : « La critique de l'aveu doit renverser
la tendance naturelle que l'on a à croire en la sincérité
de l'aveu, ou à se dispenser d'autre preuve en présence d'un
aveu. L'aveu ne doit pas y faire exception ».
968 V. en ce sens : R. De Fresquet, De la
preuve en droit Romain. De l'aveu. De la preuve testimoniale. De la preuve
littérale, notes du cours de doctorat fait à la
faculté d'Aix en 1862, Achille Makaire Imprimeur-Libraire, Aix, 1862, p.
9 : « Quant à la personne qui avoue, il faut qu'elle soit
capable de comprendre la portée de son aveu ».
969 V. Sur les ces conditions de l'aveu :
Rapport de M. Christo P. Yotis, « L'aveu dans la procédure
pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n°4,
Octobre-décembre 1952, pp. 788-789, V. spec. p. 788 : « Mais il
faut qu'il soit dépourvu,
970
165. Les différents types d'aveux. Il faut
faire la distinction entre les différents types d'aveux. Certains fixent
un cadre spécifique à la définition de l'aveu. En effet,
d'après leur point de vue, l'aveu doit être nécessairement
fait devant une instance judiciaire habilitée à recevoir des
dépositions, faute de quoi, il est considéré comme de
simples déclarations de l'accusé pendant le déroulement de
l'enquête. Certains auteurs font la distinction entre deux
, émis au cours du procès et devant le juge et
l'aveu
971
types d'aveux : l'aveu judiciaire
972
extrajudiciaire, qui est fait en dehors du procès en
question, par écrit, par un officier public
ou sous seing privé
|
973
|
. Selon M. Edouard Bonnier, l'aveu extrajudiciaire est celui
qui n'a pas
|
lieu en face de la justice dans le cours d'un procès
|
974
|
. Quant à la loi libanaise, et en ce qui
|
232
concerne l'aveu fait devant la police judiciaire, l'article 47
du Code de procédure pénale libanais indique que hors les cas
d'infraction flagrante, l'agent de police judiciaire ne peut
975 976
procéder qu'à des auditions des prévenussous
peine de nullité. D'autre part, l'article 76
977
du même Codea signalé au juge d'instruction
plusieurs devoirs envers le défendeur lors de
en pratique, de tout soupçon de contrainte physique
ou morale de l'inculpé de la part des autorités chargées
de dépister la vérité dans les affaires pénales
».
970 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les
principes des procès pénaux. Étude comparative, Dar
Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 336.
971 V. Aveu judiciaire ou extrajudiciaire :
C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén.
Dalloz., octobre 2006, n° 3, p. 3 : « L'aveu peut être
judiciaire, lorsqu'il est fait directement devant une autorité
chargée de l'enquête ou du jugement (officier de police judiciaire
lors d'une enquête de flagrance ou lors d'une enquête
préliminaire, juge d'instruction, procureur, magistrats du
siège...). Il peut aussi être extrajudiciaire. Cet aveu est alors
indirect. Ce sera le cas, par exemple, s'il est rapporté par un
témoignage, s'il figure dans un document écrit, etc.
».
972 V. E. Bonnier, Traité
théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit
criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc
Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 559, pp. 456-457 : «
L'aveu extrajudiciaire, en le supposant légalement prouvé, n'est
pas au fond d'une autre nature que l'aveu judiciaire. S'il est positif et
précis, en quelque lieu qu'il ait été fait, il doit
être décisif contre la partie qui s'est condamnée par sa
propre bouche ».
973 V. en langue arabe : Ph. Nasr,
Les principes des procès pénaux.
Étude comparative et d'analyse, Sader Éditeurs,
Beyrouth, p. 390.
974 E. Bonnier, Traité
théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit
criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc
Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 557, p. 455
975 En droit libanais, hors le cas
d'infraction flagrante, l'officier de police judiciaire n'a pas le droit de
procéder à l'interrogatoire du prévenu.
976 L'article du 47 CPP libanais dispose:
« En leur qualité d'auxiliaires de justice, les officiers de
police judiciaire exécutent les missions que celui-ci leur confie. Ils
enquêtent sur les infractions non flagrantes, ... ainsi que du recueil
des dépositions des témoins sans les soumettre au serment et des
déclarations de suspects et de personnes visées par des plaintes.
Lorsque ces personnes refusent de faire des déclarations ou choisissent
de garder le silence, mention en est portée sur le procès-verbal.
Les officiers de police judiciaire ne peuvent dans ce cas les contraindre
à parler ou les interroger, sous peine de nullité des
déclarations recueillies».
977 L'article du 76 CPP libanais dispose:
« Lors de la première comparution du défendeur devant
lui, le juge d'instruction l'informe de l'infraction qui lui est imputée
en lui en résumant les faits et en lui présentant les
sa première comparution devant le juge d'instruction
à peine de nullité de l'interrogatoire
978
comme moyen de preuve. Mme Philomène Nassr
considère qu'on peut conclure des deux textes précités que
l'aveu ne peut pas être invoqué comme un élément de
preuve en dehors des
exigences légales
|
979
|
. Cependant Mme Philomène Nassr reconnaît que cet
aveu pourrait garder
|
un impact indirect sur la conviction du juge, sur la conduite de
l'enquête et sur le déroulement
du procès
|
980
|
. Le fait est que, dans les affaires pénales, il n'est
pas important de distinguer
|
entre les types d'aveux, tant que ces aveux ont
été obtenus pendant les étapes de la procédure
pénale, en l'occurrence l'enquête préliminaire menée
par la police judiciaire, l'interrogatoire devant le juge d'instruction, et
l'enquête finale (phase de jugement). Dans de tels cas, on peut utiliser
le terme « aveu judiciaire » si l'aveu est
délivré par le suspect ou le prévenu devant le juge
pénal, ou devant l'officier de police judiciaire compétent dans
le cadre d'une enquête
judiciaire prévue par la loi981 . Toutefois,
on ne peut prendre cet aveu en considération qu'en
vertu des conditions de validité
|
982
|
imposées par la jurisprudence, de telle sorte que la
valeur
|
233
probatoire de l'aveu soit de la seule compétence de
l'appréciation de l'intime conviction du juge du fond983. En
droit français, selon M. Jean Pradel, l'aveu
extrajudiciaire984 est fait en
charges et suspicions qui pèsent contre lui afin
qu'il puisse les réfuter et se défendre. Le juge d'instruction
n'est pas tenu de lui fournir la qualification juridique des faits. Le juge
d'instruction informe le défendeur de ses droits, notamment celui de se
faire assister par un avocat unique pendant l'interrogatoire. L'omission par le
juge d'instruction d'informer le défendeur de l'infraction qui lui est
imputée conformément aux dispositions ci-dessus ou de l'informer
de son droit de se faire assister par un avocat emporte nullité de
l'interrogatoire en tant que preuve à charge ».
978 Ph. Nasr, Les principes des
procès pénaux. Étude comparative et d'analyse,
p. 394.
979 Ph. Nasr, Les principes des
procès pénaux. Étude comparative et d'analyse,
p. 394.
980 Ph. Nasr, Les principes des
procès pénaux. Étude comparative et d'analyse,
p. 394.
981 V. voire en opposition : Rapport de M.
Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale »
in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp.
769-776, V. spec. p. 771 : « Etant admis que l'aveu, pour avoir la
valeur de preuve, doit avoir été fait devant le juge
d'instruction, au cours d'un acte de procédure réalisé
selon les règles légales qui le régissent, tout le
problème réside à établir à quelles
règles l'interrogatoire devra être assujetti, pour que soient
sauve gardés, à la fois, les droits de la défense sociale
et ceux de la liberté de défense de l'inculpé »
;V. en même sens : J. Pradel, Procédure pénale,
17e éd., Cujas, 2013, n° 464, p. 413 : «
Quant à l'aveu judiciaire, il est passé devant un magistrat
(notamment un juge d'instruction) ou devant un officier de police judiciaire
».
982 V. E. Bonnier, Traité
théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit
criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc
Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 559, p. 457 : « L'aveu
extrajudiciaire, en effet, est rarement bien complet et bien net. Les paroles
qui échappent dans une conversation ne sont pas pesées par celui
qui les prononce, comme celles qui sont proférées en justice dans
un interrogatoire solennel. Il faudra donc examiner avec soin dans quelles
circonstances une partie aura fait cette reconnaissance, dont on cherche
à se prévaloir contre elle ».
983 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 273, p. 266.
984 V. M. Franchimont, A. Jacobs et A.
Masset, Manuel de procédure pénale, 3e
éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1059 : « L'aveu peut
être judiciaire ou extrajudiciaire. Dans le premier cas, il est fait
devant le juge, dans le second, il n'est connu qu'indirectement par le juge
(procès-verbal, témoignages, confessions écrites, etc...)
».
234
dehors de la présence d'un juge ou d'un officier de police
judiciaire et l'on peut citer les
985
lettres par lesquelles une personne suspecte a reconnu sa
culpabilité. De tels aveux selon M.
986
Jean Pradel, ont la nature d'indices.
166. Les formes de l'aveu. D'après le classement
de la doctrine pénale, il existe plusieurs formes d'aveux : l'aveu
tacite, qui découle de la prise de l'accusé en flagrant
délit, c'est en général la constatation d'un délit
commis sous les yeux des officiers de police. C'est l'aveu
direct, qui résulte de l'admission du délit
commis. On peut distinguer aussi987
|
988
l'aveu simple
|
,
|
|
dans le cas où l'accusé avoue sans
détour uniquement l'incident criminel qui est la matière du
procès. L'aveu est dit qualifié lorsqu'à la reconnaissance
des faits s'ajoutent des actes ou des circonstances invoqués en faveur
de celui qui avoue afin d'avoir des circonstances atténuantes ou pour
ôter à l'acte son caractère criminel, comme celui qui admet
avoir tué une personne,
989
mais qui invoque la légitime défense.
167. La règle de la divisibilité de
l'aveu. En matière pénale, l'aveu est par essence
990
divisible, ce qui implique que l'aveu peut n'être que
partiellement efficace. En ce qui touche
985 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 464, p.
413.
986 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 464, p.
413.
987 Certains auteurs font une distinction
entre aveu spontané et aveu provoqué : V. C. Robinson et A. Eser,
« Le droit du prévenu au silence et son droit à être
assisté par un défenseur au cours de la phase
préjudiciaire en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique
», in R.S.C., n° 3, juillet-septembre 1967, pp. 567-618, V.
spec. p. 589 :« Dans la plupart des affaires qui nous
intéressent, le prévenu a avoué au cours de
l'interrogatoire fait par la police. Objection est faite au procès sur
l'argument que les aveux n'étaient pas « spontanés»,
c'est-à-dire que le prévenu ne les avait pas faits de son plein
gré » ; V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans
la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n°
4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p. 770 : «
Même dans les cas où l'aveu se produit au cours d'un
interrogatoire d'office et par prescription de la loi par le magistrat
instructeur, celui-ci, à aucun moment, ne peut employer des menaces ou
des promesses tendant à obtenir l'aveu de la part de celui qui est
interrogé sur son intervention dans le fait qui donne matière au
procès. Il ne peut pas davantage lui poser des questions insidieuses
ayant le même but, ni utiliser des ruses, tromperies ou machinations
d'aucune sorte. Il est donc évident que, ces dispositions légales
s'accomplissant, l'expression aveu provoqué devient impropre
».
988 V. Rapport de M. Alfredo Molinario,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p.
769 : « Il est aussi parlé dans notre droit argentin d'aveu
simple et d'aveu qualifié. Pour le premier, le suspect reconnaît
sans ambages son intervention dans le fait délictueux sur lequel on
enquête et, pour le second, cette reconnaissance est accompagnée
de manifestations qu'il est important d'invoquer en faveur de celui qui avoue,
causes de justification, excuses absolutoires ou circonstances
atténuantes ».
989 V. en langue arabe : Ph. Nasr,
Les principes des procès pénaux. Étude
comparative et d'analyse, Sader Editeurs, Beyrouth, p. 391.
990 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, Juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 :
« L'aveu n'est pas davantage indivisible, à la
différence encore des matières civiles ».
235
l'indivisibilité de l'aveu, le motif principal sur lequel
elle est fondée en matière civile n'existe
991
plus ici en matière criminelle. MM Pierre Bouzat et Jean
Pinatel expliquent que la règle de la divisibilité de l'aveu en
matière pénale, qui n'est pas admise traditionnellement en
matière civile, est la conséquence directe du principe de la
liberté dans l'appréciation des preuves
selon l'intime conviction du juge pénal
992
. Ainsi peut-on dire que tous les types d'aveux en
993
matière pénale sont divisibles, à la
différence de la matière civile , et ce, en se basant sur le
994
principe de la conviction personnelle du juge. Dans le cas
où le défendeur a avoué son crime, mais en même
temps a ajouté des conditions qui pourraient limiter sa
responsabilité ou l'exclure, le juge doit examiner toutes les parties de
l'aveu et se baser uniquement sur ce qui
l'a convaincu 995 . Il peut ainsi prendre en
considération la première partie et négliger la
deuxième, s'il a estimé que l'enquête qu'il avait
menée a révélé la non-exactitude des faits
996
négligés . M. Joseph Magnol résume
l'application pratique de la notion de la divisibilité de l'aveu dans le
domaine de la preuve pénale en soulignant que le juge pénal a le
droit de ne retenir qu'une seule partie spécifique des
déclarations de l'inculpé, celle par laquelle il reconnaît
tel ou tel fait, d'où découlera sa culpabilité, et rejeter
les autres qui tendaient à
997
démontrer son irresponsabilité.
991 E. Bonnier, Traité
théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit
criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc
Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 568, p. 469.
992 P. Bouzat et J. Pinatel, Traité
de droit pénal et de criminologie, Dalloz, 1963, Vol. 2, p. 945.
993 V. sur la divisibilité de l'aveu
en matière pénale : R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris,
2001, tome 2 Procédure pénale, n° 189, p. 238 :
« A la différence de l'aveu civil, l'aveu fait en
matière pénale est divisible: il est en effet du pouvoir du juge
criminel, en vertu de son intime conviction, d'apprécier l'aveu dans
chacune de ses parties et de ne retenir que ce qui lui paraît
probant.».
994 V. en langue arabe : Ph. Nasr, Les
principes des procès pénaux, étude comparative et
d'analyse, Sader Editeurs, Beyrouth, p. 391.
995 V. en même sens : H. de Page,
Traité élémentaire de droit civil belge: principes,
doctrine, jurisprudence, E. Bruylant, Bruxelles, 1967, Vol. 3, p. 1101 :
« La divisibilité de l'aveu au pénal a tout simplement
cette portée pratique que le juge peut se fonder sur un des
éléments de l'aveu, joint aux autres circonstances de la cause,
pour asseoir sa conviction ».
996 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les
principes des procès pénaux. Etude comparative, Dar Al
Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 336.
997 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, Juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 :
M. Joseph Magnol cite l'exemple classique concernant la divisibilité de
l'aveu : « l'accusé reconnaît, avoir donné la mort
à la victime, mais il déclare en même temps qu'il avait
été attaqué et qu'il se trouvait en état de
légitime défense. Le juge pourra retenir la partie de la
déclaration où l'accusé reconnaît avoir porté
les coups à la victime qui ont provoqué sa mort et rejeter
l'allégation de la légitime défense ».
B. Conditions de recevabilité de l'aveu comme moyen
de preuve en justice.
168. Les règles régissant l'aveu. La
doctrine pénale au Liban et la doctrine pénale en France ont
élaboré des règles et restrictions qui concernent la
recevabilite de l'aveu. Au Liban , selon M. Atef Nakkib, il n'est pas permis au
cours de l'interrogatoire du défendeur ou prévenu, d'utiliser des
moyens illégaux comme la contrainte physique ou morale, ou encore de
recourir à la tromperie ou à des moyens suspects pour affaiblir
sa volonté ou sa
998
conscience. Lorsque l'officier de police judiciaire interroge
l'accusé pour l'infraction présumée, il ne doit pas
utiliser des méthodes incompatibles avec le caractère
sacré des droits de l'homme. Selon M. Atef Nakkib, s'il a
été prouvé que les aveux ont été obtenus par
des moyens de tromperie, de violence ou de torture, cet aveu peut alors perdre
de sa valeur au vu du doute que les moyens illégaux peuvent
évoquer chez le juge, qui hésite à le prendre en
considération s'il n'est pas appuyé par d'autres
preuves
|
999
|
. Contrairement à l'avis de M. Atef
|
236
Nakkib, nous considérons que la violation des droits de
l'homme et des droits fondamentaux pendant la recherche de preuve est
suffisante pour entraîner la nullité de cette preuve qui est
entachée d'une illégalité et pour détruire la force
probante de l'aveu sans nécessité d'évoquer l'idée
du doute. En d'autres termes, l'illégalité de la preuve doit
être considérée comme une cause suffisante en soi pour
exclure la preuve et qui a pour effet direct l'inadmissibilité de la
preuve obtenue illégalement. La doctrine pénale française
est stricte et claire dans sa position qui prohibe l'utilisation des
procédés illégaux pour obtenir l'aveu. Mme Haritini
Matsopoulou affirme que « les procédés destinés
à obtenir son aveu sous la contrainte, fût-elle morale,
doivent être prohibés »
1000
. Mme Michèle-Laure Rassat affirme que « l'aveu
ne peut être
.
1001
obtenu par aucune espèce ni de pression ni de fraude
ou de mensonge..»
169. La reconnaissance des conditions de validité
de l'aveu. Il est à noter qu'on peut relever des différences
dans l'identification et le recensement de ces conditions par les juristes,
à tel point que certains n'abordent pas ces conditions dans les livres
d'explication de la loi de procédure pénale dans le droit
libanais et français. Aussi, il convient de souligner une condition
initiale et évidente pour l'aveu, c'est que sa validité requiert
qu'il soit émis par le
998 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les
principes des procès pénaux. Étude
comparative, Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, pp. 334-335.
999 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les
principes des procès pénaux. Étude comparative,
Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 335.
1000 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 888, p. 718.
1001 M-L. Rassat, Procédure pénale,
2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n°
304, p. 322.
suspect ou l'accusé lui-même. Cela signifie qu'on
ne peut pas discerner implicitement un aveu d'une déclaration de
l'accusé et la décrire dans le procès comme l'aveu d'un
accusé contre un
autre accusé
|
1002
|
. Les conditions de validité de l'aveu en matière
pénale sont la conséquence
|
des avis doctrinaux libanais, arabes, français et
parfois des restrictions jurisprudentielles des Cours de cassation libanaise et
française. La Cour européenne des droits de l'homme dans
l'arrêt Jalloh c. Allemagne du 11 juillet 2006 précise que
« des éléments à charge - qu'il s'agisse d'aveux
ou d'éléments matériels - rassemblés au moyen
d'actes de violence ou de brutalité ou d'autres formes de traitements
pouvant être qualifiés de torture - ne doivent jamais, quelle
qu'en soit la valeur probante, être invoqués pour prouver la
culpabilité de la
victime » (la victime des actes de torture)1003
. Mme Coralie Amcroise-Castérot affirme que « les garanties
entourant l'aveu doivent donc être importantes, tant au regard de la
protection des droits et des libertés des individus qu'au regard de
l'intérêt de la justice et de la
recherche de la vérité »
|
1004
|
. Les conditions pour la recevabilité de l'aveu sont
décrites par un
|
arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de
cassation libanaise, qui soutient et approuve cette notion d'une manière
indirecte, mais explicite. En effet le texte de l'arrêt spécifie
que: « l'aveu est la reine des preuves à condition qu'il soit
délivré par une volonté
libre et consciente, et qu'il soit appuyé par les
faits du procès»
|
1005
|
. Aussi, dans un arrêt très
|
237
ancien rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise, on distingue ce qui confirme l'adoption des conditions de
validité de l'aveu. L'arrêt de la Cour indiquait qu': «
il a été convenu, du point de vue science et diligence, que
l'aveu émis par l'accusé constitue en soi une preuve suffisante
qu'il a commis l'acte qui lui est attribué, si les conditions suivantes
sont remplies : 1° : que le crime a eu réellement lieu , ·
2° : qu'il soit explicite et vrai, appuyé par quelques
éléments de preuve , · 3° : qu'il soit obtenu devant
une autorité judiciaire dans le cadre d'une enquête qui cherche
à résoudre le crime , · 4° : que le
témoignage de l'accusé soit clair et continu , · 5°
: qu'il soit volontaire, et déclare un crime, avec la conscience de
l'accusé
1006
.
de tout ce qui lui a été attribué
»
1002 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 262, p. 267.
1003 CEDH., Jalloh c. Allemagne, Requête n°
54810/00, spec. §105.
1004 C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 8,
p. 17.
1005 Arrêt de la Cour de cassation
n° 325 du 02-08-2000, rendu par la Cour de cassation,
référence : 254 /2000, dans le livre de Ph. Nasr, Les
principes des procès pénaux, étude comparative et
d'analyse, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, p. 391.
1006 Arrêt rendu par la chambre 4,
n° 141 du 02-07-1968, ouvrage de Samir Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
sa re-création : 1950-1970, l'établissement universitaire
des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 19.
238
170. Les conditions de validité de l'aveu. La
recevabilité de l'aveu comme preuve en matière pénale doit
être conforme aux conditions générales
élaborées par la doctrine pénale qui est la
synthèse de plusieurs avis doctrinaux libanais, arabes, et
français. Pour être juste et produire ses effets juridiques,
l'aveu doit remplir plusieurs conditions appelées les conditions de
validité de l'aveu, et qui sont en l'occurrence : 1° la
réalité de la commission de l'infraction. 2° : La
capacité juridique de celui qui reconnaît, vu que c'est un acte de
disposition qui requiert cette aptitude ; 3° : la jouissance, par celui
qui reconnaît, d'une liberté de choix et d'une volonté
irréprochable ; 4° : la reconnaissance doit être explicite et
conforme à la réalité ; 5° : l'aveu doit être
basé sur des procédures correctes ou régulières.
1° la réalité de la commission de
l'infraction. C'est une condition préalable sans laquelle il n'est
guère logique de parler d'aveu, car il faut avant tout s'assurer de la
réalité de la
1007
commission de l'infraction
|
1008
. Certains auteurs évoquent l'idée du corps du
délitqui n'est
|
1009
autre chose que l'existence même de l'infraction.
Évidemment, l'aveu comme preuve ne pourra pas produire d'effets
juridiques sans tout d'abord l'existence réelle d'une infraction
. Ce qui
1010
parce qu'on ne peut pas prouver une infraction qui n'est pas
commise en réalité
précède est considéré comme les
règles générales doctrinales qui concernent l'aveu en
droit pénal et qui doivent être respectées en droit
libanais et français.
2-- La capacité juridique de l'accusé.
C'est son aptitude à entreprendre certaines formes de
procédures, c'est par définition avoir des droits et les exercer
1011 . Afin que la procédure soit
1007 V. Intervention de M. A. Molinario,
« L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec.
l'intervention de M. Alfredo Molinario précisément p. 530 :
« l'aveu ne peut être invoqué que si, d'abord, il y a eu
constatation de l'existence du fait délictueux et surtout si l'aveu est
absolument concordant avec les autres constatations faites dans le
procès. C'est seulement dans ces conditions que l'aveu a valeur de
preuve et arrive à constituer ce complexe unitaire que l'on appelle la
preuve finale ».
1008 V. sur le corps du délit : M.
Gilbert, Le Corps du délit, Presses de la Cité, 1977.
1009 V. J.-L.-E. Ortolan,
Éléments de droit pénal: pénalité,
juridictions, procédure, Librairie de Plon frères, Paris,
1855, p. 502 : « Le corps du délit n'est autre chose que
l'ensemble des éléments physiques, des éléments
matérielles et des éléments moraux... ».
1010 Intervention de Mlle Lila Prati, (avocat
à Montevideo), « L'aveu dans la procédure pénale
», in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp.
516-541, V. spec. l'intervention de Mlle Lila Prati pp. 537-538 : «
L'aveu seul, quoique fait avec toutes les formalités et les garanties
légales, ne constitue pas une preuve absolue. L'aveu judiciaire doit
être accompagné de ce qu'en instruction criminelle l'on
désigne sous le nom de « corps du délit »,
c'est-à-dire : une série de circonstances, de faits d'une nature
quelconque prouvant que le délit a été commis. La
vérification de l'existence du délit doit être faite par
d'autres moyens que l'aveu et c'est seulement cette existence établie,
que l'aveu pourra servir pour prouver la responsabilité de
l'accusé ».
1011 V. sur ce point: C. Margaine, La
capacité pénale, Thèse de droit, Université
Montesquieu - Bordeaux IV,
2011.
1012
correcte et produise ses effets juridiques, celui qui avoue doit
être un accusé, et jouir de la
239
perception et du discernement, qu'il soit l'auteur principal
de l'infraction ou le complice. Le manque de discernement touche certains
individus pour de multiples raisons, on distingue : leur jeune âge, la
folie, la déficience mentale, le coma provoqué par le
diabète ou par les substances narcotiques. La capacité juridique
est une condition importante devant être requise par la personne qui a
avoué, qui signifie la capacité d'entreprendre certains types de
procédures, de manière à ce que cette procédure
soit correcte et puisse produire ses conséquences juridiques. La
capacité juridique n'est pas liée aux règles de
responsabilité pénale, mais à partir de son contexte on
peut comprendre l'essence de la procédure et la possibilité
d'évaluer ses effets, en l'occurrence la disposition du discernement et
de la perception sans l'exigence de la liberté de choix. Par
conséquent, l'accusé doit avoir la
1013
.
capacité de discernement et de perception au moment
où il fait ses aveux
3-- La jouissance par celui qui avoue, d'une
liberté de choix et d'une volonté irréprochable.
L'aveu constitue une déclaration volontaire et pour qu'un aveu
existe valablement, il est sans doute une condition nécessaire que
l'aveu doit émaner d'un suspect ou
d'un prévenu jouissant pleinement de sa volonté
et de sa liberté 1014 . De surcroît, l'aveu doit être stable
et constant durant les différentes étapes ou phases du
procès 1015 . L'aveu doit être librement donné, librement
consenti1016. L'individu ne doit pas subir des pressions, des
1012 Celui qui avoue : celui qui reconnait ce
dont on lui attribue.
1013 V. Rapport de M. Carlos Fontan Balestra,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 764-769, V. spec. p.
765 : « L'aveu, comme tout acte susceptible de provoquer des
conséquences juridico-pénales, doit être fait par une
personne intelligente et libre. En disant intelligent nous voulons nous
référer au sujet capable de se conduire de manière
semblable à celle des autres individus du groupe social auquel il
appartient, notion qui, tant au point de vue psychologique que juridique,
coïncide avec celle de l'imputabilité. Il doit se considérer
comme un homme libre quand il n'a pas oeuvré sous la menace, quelle que
soit sa nature, ni en conséquence d'une erreur : celle-ci peut porter
sur les circonstances de l'acte lui-même, comme sur la condition de
l'inculpé ; tel est le cas de celui qui suppose qu'on l'accuse d'un
délit, alors qu'un tiers est poursuivi, le cas de celui qui croit
déposer devant un juge civil alors qu'il s'agit d'un juge d'instruction,
ou, enfin, le cas de celui qui a avoué parce qu'on lui a
conseillé de le faire pour favoriser ou améliorer sa situation
dans le procès. Par ailleurs, en vertu de la première exigence --
l'intelligence -- l'aveu manque de valeur quand il est fait, en état
d'agitation morale ou dans les états d'ébriété, de
sommeil, ou d'hypnose ».
1014 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 276, p. 267.
1015 V. Rapport de M. Carlos Fontan Balestra,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 764-769, V. spec. p.
766 : « L'aveu doit être constant ou uniforme.
C'est-à-dire, qu'il n'y a pas dû y avoir de rétractation
immédiate ou postérieure. Cependant, ce principe doit être
apprécié avec la plus grande attention vis-à-vis d'autres
circonstances ».
1016V. en ce sens: C.
Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén.
Dalloz., octobre 2006, n° 2, p. 3 : « L'aveu doit être
libre et spontané. Il ne doit donc pas avoir été
arraché ou provoqué, notamment par des
procédés
240
violences qui vicieraient la preuve. C'est la raison pour
laquelle plusieurs procédés sont interdits. L'aveu n'a de valeur
probatoire que s'il a été conscient et libre, sans aucune
ingérence de l'enquêteur par le biais de menace ou de pression.
N'importe quelle preuve obtenue sous toute forme de coercition physique et
morale que peut encourir l'accusé, est exclue, du fait que cette
reconnaissance doit être nécessairement volontaire et qu'on ne
peut pas déclarer valable un aveu arraché par la contrainte,
indépendamment de la nature et de l'intensité de cette
contrainte. Afin que l'aveu produise ses effets juridiques inévitables,
il faut qu'il soit émis par l'accusé de son libre arbitre. De ce
point de vue, si le défendeur a subi toutes sortes d'influences qui lui
sont externes, qu'il s'agisse de violence physique ou morale, ou de menace, un
tel impact altère son libre arbitre, et par conséquent
abîme son aveu et affecte sa validité, l'empêchant de
produire ses effets.
Le libre arbitre de l'aveu. Quelle est la notion de
l'aveu par le libre arbitre de l'accusé? On entend par libre arbitre la
capacité de l'être humain de s'orienter librement vers un acte
bien déterminé ou s'abstenir. Cette capacité ne peut
exister que si tous les facteurs externes d'influences sont inhibés, ces
facteurs qui oeuvrent pour affaiblir sa volonté et lui imposent de
suivre une autre direction. Il est exigé par certains que ces moyens
d'influence doivent atteindre un certain niveau d'absence de volonté
pour conclure à l'irrecevabilité de cet aveu, alors qu'il est
plus juste de dire que toute défectuosité qui peut toucher cette
volonté et l'affecter est suffisante pour rendre cet aveu illicite. Il
n'est donc pas nécessaire qu'il y ait absence de volonté pour
conclure à l'illégalité de l'aveu. De simples
déficiences de cette volonté peuvent rendre l'aveu illégal
et irrecevable comme moyen de preuve dans le procès pénal. Par
conséquent, l'aveu doit émaner d'une volonté libre et
consciente. Cela exige que l'accusé dispose d'une connaissance parfaite
de l'objet des poursuites, soit conscient de la signification de ce qu'il
reconnaît et jouisse de la liberté de choix. De ce fait, on
devrait exclure d'évoquer les différents moyens d'influence,
comme contraindre l'accusé à avouer, que ce soit moralement ou
physiquement. L'aveu, pour avoir une valeur probatoire, doit être
conscient et libre. Les normes légales établies pour assurer la
conscience et la liberté de l'aveu sauvegardent à la fois les
droits de la défense sociale et ceux de la défense de
l'inculpé. Il faut, en effet, observer que la défense sociale
doit être une défense juridique et non une simple réaction
instinctive assimilable à la vengeance des premiers temps.
scientifiques modernes contraires au respect de la
dignité de la personne humaine. L'essence de l'aveu est la
liberté : il doit être recueilli dans le respect de celle-ci
».
4-- L'aveu doit être explicite et conforme à
la vérité. L'aveu est explicite : l'aveu doit être
explicite, non ambigu et sans équivoque, et le silence ne peut pas se
traduire par une reconnaissance de l'exactitude des faits attribués
à l'accusé. En d'autres termes on ne peut pas le
considérer comme une présomption de culpabilité, d'autant
plus que la loi libanaise autorise
et consacre le silence 1017 . Cela signifie que le silence est
devenu un droit 1018 parmi les droits
1019
fondamentaux de l'accusé dans la loi libanaise. Le
silence peut être dû à la crainte d'un abus dans le
déroulement de l'enquête, une peur de faire des erreurs en se
défendant, en s'impliquant par des mots ou par des preuves sans avoir
consulté son avocat. Ainsi, le silence peut être le meilleur moyen
de défense en attendant le conseil d'un avocat pour la
préparation des réponses et la défense de l'accusé.
Il faut toutefois noter qu'il y a une différence claire entre le silence
du témoin et le silence de l'accusé. En effet, si le silence de
l'accusé réside dans le fait que réellement ses paroles
constituent pour lui un moyen de défense, par contre, le silence du
témoin est inacceptable et punissable, car il a le devoir de
témoigner et de dire la vérité d'autant plus que le faux
témoignage constitue une infraction, le parjure, punissable de peines
sévères. Par conséquent, et vu ce qui
précède, on ne peut pas considérer le silence de
l'accusé, du défendeur ou du suspect, comme étant un aveu,
car le silence n'est pas une
approbation expresse par l'accusé de l'acte criminel qui
lui est attribué
|
1020
|
. Aussi, le silence
|
, par tout
241
n'est qu'une permission et un droit donnés par la loi
à l'accusé 1021 . Donc, il n'est pas admis, et sous aucun
prétexte, d'obliger l'accusé, qui a décidé
d'utiliser son droit au silence 1022
moyen de coercition morale ou physique à parler. Il
résulte de l'utilisation de ces moyens
1017 L'article 41 du CPP libanais dispose :
« Lorsqu'une infraction flagrante a lieu, l'officier de police
judiciaire se transporte immédiatement sur les lieux ... Il interroge
les témoins sans leur faire prêter serment... Il peut interroger
le suspect à condition que celui-ci fasse sa déclaration
volontairement, en connaissance de cause, et librement, sans être soumis
à quelque forme de contrainte que ce soit. Si la personne
interrogée choisit de garder le silence, il ne peut la contraindre
à parler ».
1018 L'article 77 du CPP libanais dispose :
« Il incombe au juge d'instruction de respecter le principe de libre
volonté du défendeur pendant son interrogatoire. Il s'assure que
celui-ci fait sa déposition en l'absence de toute influence
extérieure, qu'elle soit morale ou physique. Si le défendeur
refuse de répondre et choisit de garder le silence, le juge
d'instruction ne peut le contraindre à parler ».
1019 V. sur le droit au silence : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 468, p. 415 : « Actuellement, ce droit n'est plus
discuté encore que la question reste complexe».
1020 V. J. Bentham, Traité des
preuves judiciaires, traduit par Etienne Dumont, Bossange frères
Libraires-Editeurs, Paris, 1823, t. 1, p. 354 : « Le silence est un
acte de désobéissance, l'aveu est un acte de soumission
».
1021 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 468, p. 415
: « Il faut d'abord distinguer dans le droit du silence entre le droit
de ne pas répondre aux questions et l'interdiction pour le juge de tirer
des conséquences du silence du prévenu ».
1022 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 468, p. 415
: « On admet dans notre droit que le suspect ou le mis en examen peut
refuser de répondre aux questions qui lui sont posées.
».
illégaux, la nullité de toute preuve
1023
se basant sur la reconnaissance de l'accusé, car c'est
le
242
résultat d'un interrogatoire invalide. Ce qui fait que
l'ambiguïté de la déclaration de l'accusé pour la
perpétration du crime attribué ne lui confère pas le
statut d'aveu, puisqu'elle suscite plus d'une interprétation. On ne peut
en aucun cas tirer une conclusion, et considérer comme un aveu, le fait
que l'accusé ait pris la fuite après l'accident, et on ne peut
pas non plus considérer le silence de l'accusé comme une preuve
de sa culpabilité, mais il faut que l'aveu
1024
.
spécifie l'acte criminel plutôt que les
circonstances
L'aveu doit être conforme à la
vérité. L'aveu devrait également être en
conformité avec la réalité, car la pratique a
démontré que l'aveu peut être dû à une maladie
mentale ou psychologique et peut aussi être délivré par la
suggestion, ou pour se débarrasser d'un interrogatoire long et
épuisant, ou dans le but de se sacrifier pour sauver le véritable
accusé, en raison de liens de parenté, d'amitié ou
d'amour. A moins que l'aveu ne soit conforme à la vérité,
il ne peut pas être fiable, il doit aussi être explicite et sans
ambiguïté. On ne peut pas le déduire de l'évasion de
l'accusé, de son absence, ou de sa réconciliation avec la
victime, ou
d'une quelconque indemnisation 1025 . Dans tous ces cas de
figure, l'aveu ne correspond pas à la vérité et ne peut
être pris en considération par l'instance judiciaire. L'aveu
valide et recevable doit être sincère et conforme à la
vérité. Une déclaration contraire à la
réalité, qui fait l'objet de doute et de suspicion, ne peut
être admise comme moyen de preuve au procès car elle a
peut-être été faite par l'accusé dans l'intention de
tromper la justice.
5-- L'aveu doit résulter d'une procédure
légale. L'aveu obtenu à la suite d'une procédure
irrégulière est nul. Par exemple l'aveu émis suite
à un interrogatoire invalide pour serment imposé à
l'accusé, ou encore non-convocation de l'avocat de l'accusé pour
assister à l'interrogatoire, dans le cas des affaires criminelles.
L'invalidité peut aussi frapper l'aveu
1023 Mesures prises par la police judiciaire
en dehors des infractions flagrantes : L'article 47 du CPP libanais dispose
(tel qu'amendé par la loi n° 359/2001) :« En leur
qualité d'auxiliaires de justice, les officiers de police judiciaire ...
Ils enquêtent sur les infractions non flagrantes, ..., ainsi que du
recueil des dépositions des témoins sans les soumettre au serment
et des déclarations de suspects et de personnes visées par des
plaintes. Lorsque ces personnes refusent de faire des déclarations ou
choisissent de garder le silence, mention en est portée sur le
procès-verbal. Les officiers de police judiciaire ne peuvent dans ce cas
les contraindre à parler ou les interroger, sous peine de nullité
des déclarations recueillies ».
1024 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 :
« Les déclarations de l'accusé ont, d'ailleurs, parfois
besoin d'être interprétées. Elles ne contiennent pas
toujours un aveu formel, ni complet ; mais on peut en induire un aveu implicite
résultant des réponses embarrassées aux questions du juge,
parfois contradictoires, niant des faits par ailleurs nettement établis,
etc. ».
1025 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 275, p. 267.
obtenu à la suite d'une arrestation illégale ou
d'une perquisition hors normes, ou si la victime ou le chien policier ont
reconnu l'accusé dans une procédure d'identification
irrégulière. Mais dans ces cas, pour que l'aveu soit nul, il est
nécessaire qu'il y ait un lien de causalité entre la
procédure illégale et l'aveu, peu importe que la procédure
soit antérieure ou concomitante à l'aveu. Cependant, si cette
procédure est postérieure et complètement
indépendante, l'aveu demeure valide. Il est possible que l'aveu
constitue à lui seul un élément de preuve recevable par la
Cour, même si l'arrestation et la perquisition ont été
déclarées nulles, et ce, tant que l'aveu n'a pas
été affecté par l'invalidité de la
procédure, et a conduit à la même conclusion
résultant de la procédure invalide. Puisqu'il tend à la
recherche de la vérité, l'interrogatoire doit être
mené par des procédés loyaux et tels que la
sincérité des déclarations ne puisse être
suspectée. Sont évidemment à proscrire tous moyens
directement coercitifs (c'est le cas de la torture). En pratique, le
problème de la torture et de ses substituts ne se pose qu'au cours de
l'enquête et, le cas échéant, dans le cadre de
l'instruction préparatoire lorsqu'un policier entend un suspect sur
commission rogatoire. Le but de l'interrogatoire policier ne doit pas
être orienté vers l'obtention de l'aveu de la personne
soupçonnée à tout prix et par n'importe quel moyen.
L'interrogatoire doit permettre de recueillir tous les renseignements
nécessaires et utiles concernant les circonstances qui peuvent apporter
les preuves en matière de répression de la commission d'une
infraction. Sans doute l'aveu comme preuve valide doit nécessairement
respecter le principe la légalité de la preuve et les principes
généraux du droit.
§ 2. L'illégalité des aveux issus des
actes illégaux.
171. La corrélation historique entre coercition et
torture, et aveu judiciaire. Depuis l'aube de l'humanité, l'aveu a
une importance particulière dans le système des moyens de
preuve
dans la matière pénale
|
1026
|
. Malgré les différents rituels régissant
son contexte général, ainsi
|
243
que les méthodes adoptées pour l'obtenir, l'aveu
a acquis une force probante absolue et a connu des méthodes de force
à intensité variable pour contraindre l'accusé à
avouer. De là, on peut voir la corrélation historique entre
coercition et torture, et aveu judiciaire, où la violence et la torture
psychologiques et physiques étaient autorisées pour extraire des
aveux. Ces éléments de contraintes ont longtemps
caractérisé l'aveu.
1026 V. sur la notion historique de l'aveu :
V. Antoine, Le consentement en procédure pénale,
Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 434, p.
293 : « L'histoire du droit pénal
révèle que l'aveu a, de tous temps et en toute procédure,
été le mode de preuve le plus recherché ».
A. Aveu arraché par la violence ou la
contrainte.
172. L'emploi de la torture et violence pour l'obtention
des aveux. Historiquement, l'obtention des aveux a été
associée à la torture. Aveu et torture étaient
étroitement liés l'un à l'autre, en raison de l'impact que
peut exercer la torture et la contrainte sur la volonté de l'individu
qui avoue. Sans doute, la torture est illégale et inacceptable. La
torture est
1027
expressément condamnée
|
1028
par la Déclaration universelle des droits de l'homme
.
|
|
244
Contrairement au législateur libanais, afin de
s'assurer que les aveux ne seront pas provoqués par la contrainte, la
lassitude, la fatigue ou les privations (de sommeil ou de nourriture), le
législateur français a élaboré une
réglementation très stricte de la garde à vue qui assure
les
1029
droits essentiels et le libre arbitre d'une personne
gardée à vue. Le législateur libanais est
1027 V. De nombreux textes internationaux
prohibent la torture et les mauvais traitements : Le pacte relatif aux droits
civils et politiques, en son article 7 dispose que : « Nul ne sera
soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre
une personne sans son libre consentement, à une expérience
médicale ou scientifique. » ; La torture est contraire
à l'article 3 de la ConvEDH qui impose que « Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements
inhumains ou dégradants » ; Code de conduite pour les
responsables de l'application des lois, adopté par l'Assemblée
générale des Nations Unies le 17 décembre 1979
(résolution 34/169), l'article 5 dispose : « Aucun responsable
de l'application des lois ne peut infliger, susciter ou tolérer un acte
de torture ou quelque autre peine ou traitement cruel, inhumain ou
dégradant, ni ne peut invoquer un ordre de ses supérieurs ou des
circonstances exceptionnelles telles qu'un état de guerre ou une menace
de guerre, une menace contre la sécurité nationale,
l'instabilité politique intérieure ou tout autre état
d'exception pour justifier la torture ou d'autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. » ; La Convention américaine
relative aux droits de l'homme (adoptée à San José, Costa
Rica, le 22 novembre 1969, à la Conférence
spécialisée interaméricaine sur les Droits de l'Homme),
l'article 5 dispose : « 1.Toute personne a droit au respect de son
intégrité physique, psychique et morale. 2. Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. Toute personne privée de sa
liberté sera traitée avec le respect dû à la
dignité inhérente à la personne humaine ».
1028 La torture est expressément
condamnée par la Déclaration universelle des droits de l'Homme :
L'article 3 dispose : « tout individu a droit à la vie,
à la liberté et à la sûreté de sa personne
» ; l'article 5 dispose : « Nul ne sera soumis à la
torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants. » ; encore, l'article 1 alinéa 1 de la
Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 dispose :
« ... le terme « torture » désigne tout acte par
lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont
intentionnellement infligées à une personne aux fins d'obtenir
d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir
d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est
soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression
sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour
tout autre motif fondé sur la discrimination quelle qu'elle soit,
lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un
agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre
officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou
tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances
résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes
à ces sanctions ou occasionnées par elles » ; L'article 2 de
la précédente convention dispose : « 1. Tout État
partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et
autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient
commis dans tout territoire sous sa juridiction. 2. Aucune circonstance
exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre
ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de
tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour
justifier la torture ».
1029 La torture est prohibée par tout
un ensemble d'engagements internationaux du Liban, tels que la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte International
relatif aux droits civils et politiques, et la Convention
tenu de veiller au respect de la liberté individuelle
et de la légalité des aveux en réformant la garde à
vue pour éliminer tous les types de contraintes qui s'exercent sur la
personne placée en garde à vue pour arracher des aveux. En droit
libanais, l'article 401 du Code pénal prévoit des sanctions
pénales pour l'extorsion d'aveux par usage de la violence mais la
justice libanaise n'ouvre que rarement, voire jamais, des poursuites contre les
officiers de police judiciaire coupables d'actes de tortures. En dépit
du fait que l'article 401 du Code pénal libanais criminalise l'usage de
la violence pour extorquer des aveux, nous constatons que cette disposition
légale est souvent ignorée dans les faits. L'article 401 du Code
pénal libanais punit la pratique de la torture d'une peine allant de 3
mois à 3 ans. Sans doute, la personne poursuivie doit être
protégée contre toute forme de contrainte ou de violence,
physique ou
1030
morale , qui aboutirait à un aveu non libre et dont la
fiabilité ne serait de toute façon
certainement pas assurée
|
1031
|
. La torture ainsi que les traitements inhumains et
dégradants sont
|
245
des pratiques utilisées la plupart du temps au Liban
par la police judiciaire comme méthodes de recherche de preuves ou de
renseignements. Au Liban, un jugement remarquable rendu le 8 mars 2007 par le
juge unique pénal de Beyrouth a condamné un policier pour avoir
commis l'infraction de torture mentionnée dans l'article 401 du Code
pénal libanais. Un membre des forces de sécurité
intérieure a été condamné par le juge Hani Abdel
Méniim Hajjar, pour avoir utilisé le moyen de torture «
farrouj » (terme libanais qui désigne en position farrouj) au
cours de l'interrogatoire en 2004 d'un détenu, concierge d'origine
égyptienne d'un immeuble de
1032
Badaro. Le coupable a été condamné en vertu
des articles 401 et 254 du Code pénal
libanais, à 15 jours d'emprisonnement, et à
verser la somme de 600 000 livres libanaises à la victime. La peine
prononcée apparaît certes dérisoire face aux faits
condamnés compte tenu de leur gravité, mais il convient cependant
de souligner que pour la première fois, la pratique du moyen de torture
par la police a été reconnue devant une juridiction. Le jugement
rendu le 8 mars 2007 par le juge M. Hani Abdel Méniim Hajjar
énonce que « Georges Khalil Raphaël
contre la Torture, ratifiée par le Liban en 2000. Il
est par ailleurs regrettable que la loi libanaise soit défaillante en
matière de définition et de criminalisation de la pratique. Le 22
décembre 2008, le Liban a ratifié le Protocole Optionnel à
la Convention contre la Torture (OPCAT), mais ne s'est toujours pas
conformé aux dispositions de l'OPCAT appelant à la
création d'un mécanisme national de prévention (NPM)
chargé de visiter et de contrôler les lieux de
détention.
1030 V. E. Bonnier, Traité
théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit
criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc
Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 597, p. 503 : « La
contrainte physique, en réagissant sur ses dispositions morales, nuirait
à la liberté de la défense ».
1031 C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 250, p. 176.
1032 L'article 254 du Code pénal
libanais énonce que « Lorsque les circonstances
atténuantes seront reconnues en faveur de l'auteur d'un délit, le
tribunal pourra réduire la peine prévue jusqu'à son
minimum légal déterminé aux articles 51, 52, et 53. Il
pourra aussi substituer l'amende à l'emprisonnement et à la
résidence forcée, ou convertir la peine délictuelle, par
décision motivée et hors le cas de récidive, en une peine
contraventionnelle ».
est reconnu coupable du crime visé à
l'article 401 du Code pénal, passible d'une peine de prison d'une
année. En vertu de l'article 254 du Code pénal, la durée
de la peine sera réduite à 15 jours, et du versement de 300 000
LL. Chaque retard de paiement entraînera un jour de plus d'emprisonnement
par tranche de 10 000 LL non versées, conformément à
l'article 54 du Code pénal. L'accusé est condamné à
verser la somme de 600 000 LL à titre de dommages-intérêts
au demandeur. Jugement susceptible d'appel publié à Beyrouth, 8
mars 2007. Juge :
Hani El Hajjar. ». La Cour d'appel de Beyrouth
|
1033
|
a rendu sa décision dans l'affaire Georges
|
246
Khalil Roufayel contre ministère public et M. Jomaa
Sayyid Salem Ahmad n° 418/2007 en date 13/12/2012 et déclare
recevable l'appel formé par l'appelant Georges Khalil Roufayel en ce qui
concerne la peine seulement en remplaçant 15 jours d'emprisonnement (et
300 milles livres libanaises d'amende qui équivalent à 150 euros)
par 400 milles livres libanaises d'amende seulement. Donc, la cour d'appel de
Beyrouth a réduit la peine prononcée par le juge unique qui
était de 15 jours d'emprisonnement par une amende.
Plusieurs facteurs ont contribué à ce jugement
honteux qui concerne cette grave infraction qu'est la torture flagrante dont le
juge unique pénal puis la Cour d'appel ont été convaincus
qu'elle avait été commise puisqu'ils ont condamné le
défendeur Georges Khalil Roufayel. Mais la peine n'a pas
été proportionnelle à la gravite de l'infraction. Les
lacunes ou les faiblesses de la législation libanaise sont sans doute
une des causes de ce jugement. Le Code
pénal libanais doit être réformé pour
contenir une définition claire et précise de la torture
conforme à l'article 1er de la Convention des Nations
unies contre la torture qui a été ratifiée
par le Liban. De surcroît, le Code pénal libanais
doit prévoir des peines proportionnelles avec
la gravité de ce crime de torture et doit dans ce genre
d'infraction supprimer la
|
|
liberté du juge
|
dans la substitution et la réduction de peine. Il est
regrettable que l'on constate encore aujourd'hui en droit libanais
l'incapacité ou le manque d'empressement de la police, du
ministère public, des tribunaux et même de la
société et de l'Ordre des avocats de Beyrouth et de Tripoli
dès qu'il s'agit de mener des enquêtes exhaustives sur des
violations des droits humains impliquant des agents de la force publique et
d'en poursuivre les auteurs présumés. Il est regrettable aussi
que les peines soient sans commune mesure avec la gravité des
infractions. Les victimes au Liban qui ont subi de la torture de la part d'un
agent de la force publique n'avaient pas l'intention de porter plainte, car ils
considéraient que les dispositifs d'enquête sur les plaintes
étaient inéquitables et, partant, inefficaces. Le jugement de 8
mars 2007 en est une preuve flagrante. De nombreuses personnes ne voient pas
l'intérêt de porter plainte dans un État et notamment
devant une justice libanaise qui ne respecte pas la dignité
1033 Constituée du président M.
Tannous Mechleb et M. Albert Koyoumji (conseiller), Mme Faten Iissa
(conseillère).
de la personne. À notre avis, si le législateur
libanais veut réellement respecter les obligations découlant des
traités internationaux qui lui imposent de prohiber la torture et les
autres mauvais traitements dans la recherche de preuve pénale, il doit
prendre des mesures pour réformer ses mécanismes d'enquête
sur les allégations de violations des droits humains. Le respect de
cette obligation exige notamment que les autorités concernées
mènent sans délai une enquête exhaustive, impartiale et
indépendante sur toute allégation plausible de violations de ces
droits, ou dès qu'il y a lieu de croire qu'une telle violation a
été commise. Enfin, il leur incombe de faire en sorte que les
auteurs présumés de ces agissements soient jugés dans le
cadre d'une procédure équitable et que la victime
bénéficie d'un recours utile et obtienne réparation.
En droit français, M. Frédéric Desportes
et Mme Laurence Lazerges-Cousquer affirment
. MM. Jacques
1034
que « les violences exercées pour arracher des
aveux sont prohibées »
Buisson et Serge Guinchard confirment qu'en droit
français la violence sous tous ses aspects est absolument interdite
« la violence sous toutes ses formes, physique ou morale, est
évidemment prohibée dans la recherche des
preuves, de manière absolue...» 1035 . En droit
français, l'article 3 de la Convention EDH a contribué largement
à l'interdiction des violences pour obtenir l'aveu en matière de
preuve pénale. MM. Philippe Conte et Patrick Maistre du Chambon
rappellent aussi que « sont interdits, tous les procédés
contraires à la dignité de la
justice ou de l'homme »
|
1036
|
; et ensuite qu'« on ne peut donc fonder une
décision sur des aveux
|
obtenus par la violence, par la torture ou par des
traitements inhumains et dégradants, par la
narco-analyse (sérum de verite) ...»
|
1037
|
. L'extorsion d'aveux sous la torture constitue une
|
247
violation de la Convention contre la torture ratifiée par
le Liban et la France, et notamment
173. Les différents types de contraintes. On
peut distinguer deux types de contraintes : la contrainte physique et la
contrainte morale. Il a été interdit d'obliger l'accusé
à témoigner contre lui-même, c'est le principe selon lequel
l'individu possède le droit de ne pas participer à sa propre
incrimination, et ceci a notamment pour finalité de protéger
l'accusé contre une
1034 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 281, p. 184. 1035 S.
Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e
édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 585, p. 588. 1036
Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure
pénale, 4e éd., Armand Colin, 2002, n° 66,
p. 41. 1037 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, 2002, n° 66, p. 41.
1038 L'article 12 de la Convention contre la
torture dispose : « tout État partie veille à ce que les
autorités compétentes procèdent immédiatement
à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs
raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur
tout territoire sous sa juridiction».
coercition abusive de la part des autorités et
empêche les autorités de mener toute forme de coercition, que ce
soit d'une manière directe ou indirecte, physique ou psychologique. Il
est également interdit d'utiliser la torture, et les traitements cruels,
inhumains et dégradants. Aussi, tout traitement qui viole les droits des
détenus à être traités d'une manière qui
assure le respect de leur dignité inhérente à leur
personne en vertu de leur appartenance à la famille humaine, est
prohibé. Il est également interdit d'imposer des sanctions
judiciaires à l'accusé pour l'obliger à avouer. Dans ce
même contexte, il est irrecevable de recourir à des moyens
illégaux pour obliger le défendeur à parler, ou bien lui
arracher des aveux contre sa
volonté
|
1039
|
. Cependant, ces actes illégaux peuvent constituer un
crime de torture, ou
|
248
d'utilisation de la cruauté, ce qui expose son auteur
à des sanctions. M. Robert Vouin affirme qu'on ne peut pas
étudier l'aveu comme preuve en matière pénale sans
rappeler immédiatement l'existence d'une autre institution de la
procédure criminelle : l'interrogatoire qui provoque l'aveu. Et
l'interrogatoire, à son tour, évoque nécessairement le
souvenir de la torture 1040 . De ce qui précède, on peut conclure
à l'importance de l'aveu obtenu lors d'un interrogatoire et la
nécessité de réaliser l'interrogatoire dans le respect de
toutes les garanties importantes et fondamentales du droit à un
procès équitable, c'est-à-dire les garanties suffisantes
contre toute forme de contrainte qui peut exister durant l'interrogatoire pour
provoquer l'aveu 1041 . Sans doute, un équilibre doit être
préservé entre l'efficacité de la procédure qui
tend à rechercher les preuves et les garanties légales qui
doivent exister dans la
1042
recherche des preuves.
1039 V. Rapport de M. Alfredo Molinario,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec.
p.774 : « Une opinion souvent inexacte sur la valeur probatoire de
l'aveu, ont poussé les polices de toutes les époques et de tous
les lieux à se servir de la violence, pour obtenir un aveu de
culpabilité de la part des inculpés ».
1040 Rapport de M. Robert Vouin, «
L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol.
4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 781-788, V. spec. p. 781.
1041 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 :
« On voit par suite l'importance et le danger de l'interrogatoire,
particulièrement au cours de l'instruction préparatoire. De
là, la nécessité dans l'intérêt de la
défense de soumettre cet interrogatoire à des règles qui
en assurent la loyauté et l'absence de contrainte, puisque l'aveu qui
pourrait en résulter ne saurait avoir de valeur, nous ne saurions assez
y insister, que s'il a été fait consciemment et en toute
liberté ».
1042 J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 :
« Toutefois ces garanties ne doivent pas être telles qu'elles
aboutissent à entraver la manifestation de la vérité, et
la preuve de la culpabilité de l'inculpé si elle existe, sans
quoi, dans cette conciliation nécessaire des exigences de la
défense sociale et des garanties de la défense, qui est le grand
problème de tout système de procédure pénale, si la
mesure est dépassée au profit de l'accusé ».
174.
249
Les formes de contrainte pour obtenir des aveux. La
détention préventive peut parfois prendre la forme d'un moyen de
pression sur le défendeur pour l'obliger à faire des aveux : le
passage à tabac, ou l'agression pratiquée sous quelques formes
que ce soit, sur le corps de l'accusé, aussi bien que l'arrestation et
l'emprisonnement d'une manière illégale, causer la douleur et la
fatigue, comme exposer le visage de l'interrogé a un éclairage
très intense, ou maintenir la personne debout pendant une longue
période, ou le perturber par des sons forts, ou le priver de nourriture
et d'eau. Tout ceci représente des formes de contraintes. Employer la
contrainte pour faire avouer l'accusé, que ce soit une contrainte
physique ou morale, rend l'aveu invalide, et il ne peut dans ce cas produire
ses conséquences juridiques. M. Elias Abou-Eid confirme que la
coercition peut être physique ou morale, et que la coercition physique
suppose l'exercice de la force sur le corps de l'accusé, pour le forcer
à dire ce qu'il ne voulait
1043
pas dire.
175. Notre avis sur l'impact de la violence ou la
contrainte physique sur la volonté. En général, la
violence ou la contrainte physique paralyse la volonté de
l'accusé par une force qui ôte sa volonté et devant
laquelle il ne peut pas résister, et qui consiste dans la torture, la
pire forme de coercition que l'accusé peut encourir et qui rend son aveu
invalide 1044 . La contrainte physique supprime donc la volonté de
l'individu et l'oblige à avouer. Du point de vue général,
nous avons tendance à considérer que la contrainte physique qui
est réalisée avec n'importe quel degré de violence doit
avoir comme conséquence la nullité de l'aveu, tant qu'elle peut
porter préjudice à l'intégrité du corps,
indépendamment du fait qu'elle cause ou non des
1045
souffrances physiques.
176. L'utilisation de la violence pour obtenir des aveux.
Les éléments de preuve obtenus par suite du recours à
la torture notamment les déclarations ou aveux obtenus par la torture
doivent être rejetés par le juge du fond comme l'affirme Mme
Haritini Matsopoulou : « ... les déclarations ou aveux qui
seraient obtenus grâce à des moyens inhumains ou de torture ne
peuvent, en aucune façon, être retenus par les juges du fond. Ces
méthodes violent à la fois l'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme, ainsi que l'article 10 du
1043 Le droit de ne pas contribuer à sa
propre incrimination.
1044 V. sur ce point en langue arabe : S. Sadek
Al-Mulla, L'aveu de l'accusé, 2ème
édition, 1975, p. 197.
1045 V. en ce sens en langue arabe : S.
Al-Shawi, Les principes de l'enquête criminelle, Baghdâd
(Irak), 1972, p. 136.
1046
.
250
décret du 18 mars 1986 portant Code de
déontologie de la Police nationale » Incontestablement, la
torture ne peut être tolérée en aucune circonstance afin de
rechercher la preuve pénale. Parmi les formes les plus importantes de la
contrainte physique, on distingue l'usage de la violence pour contraindre
l'accusé à avouer son crime. On peut définir la violence
par un acte direct que subit la personne et par lequel on porte
préjudice à son corps. L'acte de violence est une agression faite
dans le but de dominer la personne et de lui ôter définitivement
sa volonté. Il paralyse la liberté de choix et l'affecte d'une
manière relative, et lui laisse la possibilité de s'exprimer,
sans pour autant dire ce qu'il souhaite dire. Dans les deux cas, la
procédure devient nulle et non avenue. Ainsi, l'aveu qui en
découle devient invalide et ne peut être invoqué dans la
preuve. On distingue plusieurs méthodes de torture : 1° :
Exposition de la victime à des coups, blessures, ligotage, menottage
serré et enchaînement ; 2° : Privation de nourriture et d'eau
; 3° : Privation de sommeil pendant de longues heures ; 4° :
Privation de couverture ; 5° : Privation de médicaments, si
l'accusé est
malade. Le Code pénal libanais considère
|
1047
|
que l'extraction d'une admission ou des
|
informations, constitue un crime, et ce, en
référence aux dispositions de l'article 401du Code
1048
pénal libanais. Ce qu'il y a de plus grave avec la
torture est le fait que l'État soit impliqué, alors qu'il est
censé être chargé de protéger les droits et les
individus.
1049
177. La définition de la torture. La torture
est un crimeet une violation grave des droits de l'homme, et c'est une preuve
de l'échec et de l'incapacité de l'enquêteur d'arriver
à un résultat, ou à des preuves solides compatibles avec
les dispositions de la loi, et par des méthodes légales.
L'interdiction de la torture 1050 compte parmi les droits absolus qui ne
peuvent supporter aucune restriction. De ce fait, aucune valeur juridique ne
doit être donnée
1046 H. Matsopoulou, Les enquêtes
de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 878, p.
711 ; l'article 10 du décret du 18 mars 1986 portant Code de
déontologie de la Police nationale dispose: « toute personne
appréhendée est placée sous la responsabilité et la
protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de
police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou
dégradant ».
1047 L'article 401 du Code pénal
libanais, qui punit la pratique de la torture d'une peine allant de 3 mois
à 3 ans, interdit le recours à la torture et prévoit des
sanctions contre les représentants de l'État reconnus coupables
de torture ou d'autres formes de mauvais traitements.
1048 L'article 401 du Code pénal
libanais prévoit des sanctions pénales pour l'extorsion d'aveux
par usage de la violence: « Celui qui soumet une personne à
toute forme de souffrance prohibée par la loi, désireux d'obtenir
des aveux ou des informations liés à un crime ; est puni de trois
mois à trois ans de réclusion criminelle. Dans le cas où
ces actes de violence ont engendré une maladie ou des blessures, la
peine minimale serait d'une année ».
1049 V. sur la torture : A. Mellor, La
torture: son histoire, son abolition, sa réapparition au XXe
siècle, Horizons littéraires, 1949.
1050 V. sur la torture : C. Jallamion, «
Entre ruse du droit et impératif humanitaire : la politique de la
torture judiciaire du XIe au XVIIIe siècle », in
Arch.pol.crim., Éditions A. Pédone, 2003/1, n° 25,
pp. 9-35.
aux preuves obtenues à la suite d'actes de torture. La
torture est le fait d'infliger une douleur ou des souffrances aiguës, que
ce soit physiques ou mentales, à une personne, avec le consentement d'un
agent public, appartenant à la police judiciaire, avec l'intention bien
déterminée d'obtenir des informations ou des aveux. La torture
physique est un acte ou une abstention qui aurait une incidence sur la
sécurité du corps ou sur la vie de la victime, dans le but de
l'inciter à avouer. Donc, la torture matérielle ou physique est
infligée au corps de la
1051
victime et lui cause un préjudice physiquement
tangible
|
. La torture est un moyen illégal
|
1052
|
d'obtenir l'aveu en matière pénale. La torture
est un acte qui tend à faire souffrir le prévenu de
manière à lui faire craindre des souffrances plus grandes pour le
forcer à dire la vérité ou non sous la forme d'un aveu.
Certains définissent la torture comme: un abus grave, et un acte brutal
ou violent. D'autres, parmi la doctrine française la qualifient d'
«agressions graves qui
peuvent inclure la privation de nourriture, de
vêtements ou de sommeil »
|
1053
|
. Certains, parmi
|
la doctrine arabe soutiennent que la violence de la torture
doit entraîner un préjudice grave, un acte violent ou barbare
infligé à l'accusé dans le but de lui causer des ennuis
pour le conduire
à avouer
|
1054
|
. Contrairement à cette première tendance,
d'autres disent que la violence n'a pas
|
251
à atteindre un certain degré de gravité -
et c'est la tendance que nous soutenons. Ainsi, toute forme de torture, qu'elle
soit grave ou non, affecte la volonté de celui qui admet, la rend non
libre et la frappe de défectuosité 1055 . Par
conséquent, certains décrivent la violence comme l'action brutale
envers quelqu'un, que ce soit une agression physique ou morale, et quel que
soit le degré de gravité. Ainsi, le terme torture inclut diverses
situations. On distingue les coups, les blessures, l'utilisation de
chaînes, l'exposition à l'air, la privation de nourriture ou
1051 V. en langue arabe : O. Al-farouk
Al-husseini, La torture de l'accusé pour l'emmener à avouer,
le crime et la responsabilité, l'Imprimerie Arabe Moderne, 1986,
pp. 134 et s.
1052 A. Mecheri, « La lutte contre la
torture au Maghreb », in R.T.D.H., 2004, numéro 59, Vol.
15, pp. 791-817, v. spec. p. 793 : « Bénéficiant d'une
intangibilité absolue, le droit à l'intégrité
physique et morale de la personne humaine, contrairement au droit à la
vie, ne peut souffrir aucune dérogation ».
1053 M. Rousselet et M. Patin, précis
de droit pénal spécial, Paris, 1945, p. 380. 1054
V. en langue arabe : S. Sadek Al-Mulla, L'aveu de
l'accusé, 1986, p. 402.
1055 La torture selon l'article premier de la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants (New York, 10 décembre 1984, signée par la
France en 4 février 1985 et ratifiée 18 février 1986,
l'adhésion du Liban le 5 octobre 2000) est définie de la
manière suivante: « Aux fins de la présente Convention,
le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des
souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement
infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou
d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte
qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir
commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire
pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une
forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de
telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique
ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son
instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne
s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant
uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces
sanctions ou occasionnées par elles ».
de sommeil, et ainsi de suite 1056 . Certains estiment que la
torture est tout acte d'agression ou
d'abus infligé par un agent public sur le corps de
l'accusé pour le contraindre à avouer, quel
que soit le type d'agression, physique ou morale, grave ou non
grave
|
1057
|
. Un autre point de
|
vue a ajouté que la notion de torture n'a pas besoin
d'atteindre un certain degré de gravité, et nous soutenons cette
thèse qui n'exige pas une certaine intensité de la torture
physique, étant donné que cet aveu illégal est
qualifié d'invalide et par conséquent ne peut pas produire ses
effets juridiques. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
(TPIY), a précisé la notion de torture dans son jugement rendu le
10 décembre 1988 dans l'affaire Furundúija en jugeant que la
torture est « le fait d'infliger intentionnellement par un acte ou une
omission, une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales,
aux fins d'obtenir des renseignements ou des aveux, ou de punir, intimider,
humilier ou contraindre la victime ou une tierce personne ou de les discriminer
pour quelque raison que ce soit. Pour qu'un tel acte constitue un acte de
torture, l'une des parties doit être responsable officielle ou doit, en
tout cas, ne pas agir à titre privé, mais par exemple en tant
qu'organe de fait d'un État ou de
1058
toutes autres entités investies d'un pouvoir
»
. En droit libanais, il est difficile de trouver
252
une définition de la torture parce que la juriprudence
libanaise est vide dans cette matière parce que, malheuresement, les
allégations de torture ne font pas l'objet d'enquête lorsque les
affaires sont jugées et de nombreux juges prononcent sans
hésitaton des condamnations sur la base d'éléments de
preuve illegaux obtenus sous la torture. L'absence de notion de torture dans la
doctrine et la jurisprudence libanaises est remarquable alors que la torture et
la pratique de traitements cruels, inhumains et dégradants sur des
personnes arrêtées en garde à vue et
incarcérées dans les prisons libanaises sont des pratiques
courantes selon les rapports des associations qui défendent les droits
de l'homme. Par conséquent, on a eu recours à la jurisprudence
égyptienne parce que le droit pénal libanais est influencé
par la doctrine et la jurisprudence égyptiennes. Voyons donc quelques
définitions relatives à la notion de torture qu'on a pu trouver
dans la jurisprudence égyptienne. La Cour criminelle égyptienne
de Tanta, dans sa décision rendue le 28 juin 1927, a défini la
torture comme une «violence cruelle qui fait son effet et affaiblit la
volonté du torturé et le pousse à accepter le fléau
de l'aveu pour se
1056 V. en langue arabe : A. Khalil,
L'aveu de l'accusé, dans la juridiction et la jurisprudence, Dar
Annahdha Al-Arabia, 1991, p. 402.
1057 V. en langue arabe : O. Al-farouk
Al-husseini, La torture de l'accusé pour l'emmener à avouer,
le crime et la responsabilité, l'Imprimerie Arabe Moderne, 1986, p.
134.
1058 Affaire n° : IT-95-17/1-T.
délivrer »
1059
. C'est à notre avis une définition très
exagérée de la torture qui laisse beaucoup
de cas échapper à la définition, et qui
ne peut être acceptée comme norme dans le domaine de l'aveu sous
la pression de la torture. Dans une autre approche de la notion de la torture
en vue de contraindre l'accusé à avouer, la torture est
définie comme une agression faite sur l'accusé ou un
préjudice physique ou moral causé sur sa personne. Selon cette
définition, la torture est une forme de violence ou de coercition.
Ainsi, la torture physique recouvre : les coups, les blessures, le fait
d'attacher l'accusé avec des chaînes, de l'emprisonner, de
l'humilier, de le priver de nourriture ou de sommeil, ainsi que d'autres formes
d'abus et de privations. Il n'est néanmoins exigé aucun
degré précis de gravité de la torture physique ou mentale,
tant qu'elle est employée pour l'humiliation de l'individu et pour le
contraindre à faire des aveux.
En France, les actes de torture sont sanctionnés
à l'article 222-1 du Code pénal français qui énonce
que « le fait de soumettre une personne à des tortures ou
à des actes de barbarie est puni de quinze ans de réclusion
criminelle » Donc, les actes de torture constituent des
1060
infractions et sont considérés parmi les causes
d'aggravation de la peine au regard de droit
pénal français. Le problème c'est que les
actes de torture ne sont pas précisément définis en droit
français. Sans doute, cette absence de définition claire en droit
français ne constitue pas un obstacle sérieux aux poursuites. Le
Comité contre la torture s'est toutefois déclaré
préoccupé par l'absence d'intégration dans le Code
pénal français d'une définition de la torture strictement
conforme à l'article premier de la Convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants :
« 13. Tout en reconnaissant le fait que la législation
pénale de l'État partie incrimine les actes de torture ainsi que
les actes de barbarie et de violence, et prenant acte des
éléments jurisprudentiels relatifs à l'incrimination des
actes de torture qui ont été portés à son
attention, le Comité demeure préoccupé par l'absence
d'intégration, dans le Code pénal français, d'une
définition de la torture qui soit
strictement conforme à l'article premier de la
Convention. (Article 1er) »
|
1061
|
. Il est
|
253
remarquable que la loi pénale en France
établisse une distinction entre les actes de torture et les violences en
fonction de la gravité de l'acte 1062 . Cette distinction se
vérifie dans la
1059 La décision de la cour criminelle
de Tanta, séance du 28 Juin 1907, recueil officiel de l'année 28,
n° 115, p. 210.
1060 L'article 222-2 du Code pénal
français énonce que « L'infraction définie
à l'article 222-1 est punie de la réclusion criminelle à
perpétuité lorsqu'elle précède, accompagne ou suit
un crime autre que le meurtre ou le viol. Les deux premiers alinéas de
l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont
applicables à l'infraction prévue par le présent article
».
1061 Comité contre la torture,
quarante-quatrième session 26 avril - 14 mai 2010.
1062 V. dans le même sens : C. Copain,
L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale
française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011,
n° 767, p. 332 : « Le droit interne distingue les tortures et les
violences en fonction de la gravité des souffrances infligées et
de l'intention de l'auteur. ».
détermination des peines encourues, qui sont plus
importantes lorsque l'auteur est un agent public. Les tortures sont passibles
de peine criminelle, alors que les violences seront, selon les
1063
circonstances, soit des crimes, soit des délits
. Bien qu'il n'existe pas en droit français de
définition du crime de torture
|
1064
|
, rien n'empêche les juges français d'avoir
recours à l'article
|
1066
. Le
254
1 de la Convention des Nations unies, qui est ratifiée
par la France, afin d'interpréter des faits susceptibles d'être
analysés en actes de torture. 1065 En ce qui concerne la notion de
torture en droit français, Mme Annabelle Le Sauce constate que
« la notion de torture est floue »
19 janvier 1996, la chambre d'accusation de Lyon a
considéré que « les tortures ou actes de barbarie
supposent la démonstration, et d'un élément
matériel consistant dans la commission d'un ou plusieurs actes d'une
gravité exceptionnelle qui dépassent de simples violences et
occasionnent à la victime une douleur ou une souffrance aiguë, et
d'un élément moral
1067
.
consistant dans la volonté de nier dans la victime
la dignité de la personne humaine »
Mme Carine Copain constate qu'« une telle
définition, inspirée des critères internationaux, renvoie
à une appréciation in concreto de la souffrance infligée
à la victime. Quant à l'élément moral, au regard de
cette décision, il semble qu'il s'agisse d'un dol spécial,
l'auteur
de tortures ayant eu la volonté de nier la
dignité »1068.De même, Mme
Annabelle Le Sauce souligne qu' « on constate alors que, bien que
l'élément matériel soit particulièrement
précis
1063 V. articles 222-7 à 222-16-3 du Code
pénal français.
1064 V. sur ce point en droit français
: C. Copain, L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure
pénale française, Thèse de droit, Université
Lyon 3, 2011, n° 768, p. 332 : « le droit interne ne donne pas
plus de définition de ces actes que la Convention européenne des
droits de l'homme. ».
1065 V. sur la définition de torture
en droit français : M. Doucin (France) Comité contre la torture,
trente-cinquième session, Compte rendu analytique partiel de la
première partie (publique), de la 684e séance tenue au Palais des
Nations, à Genève, le vendredi 18 novembre 2005, à 15
heures, Président : M. Mariño Menéndez, examen des
rapports présentés par les États parties en application de
l'article 19 de la Convention, Troisième rapport périodique de la
France: «4. selon la jurisprudence, la torture consiste en des actes
de barbarie prenant la forme d'un ou plusieurs actes d'une gravité
exceptionnelle dépassant de simples violences et occasionnant à
la victime une douleur ou une souffrance aiguë, avec la volonté de
nier dans la victime la dignité de la personne humaine. Le
système juridique français étant moniste, la prise en
compte directe des instruments internationaux s'impose aux juges, et la
Convention est régulièrement prise en considération par
les tribunaux. Quant aux actes de violence commis par un agent public qui ne
seraient pas qualifiés d'actes de torture du fait de leur moindre
gravité, ils sont visés par l'article 222-12 du Code pénal
et passibles de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Il est
à souligner que cette distinction entre actes commis par des agents
publics qualifiés soit de torture, soit de violences simples est
également faite par la Cour européenne des droits de l'homme.
Ainsi, la France, qui considère que les faits de gravité moindre
doivent faire l'objet de sanctions pénales a donc une
interprétation de l'article premier de la Convention qui est très
proche des recommandations du Comité ».
1066 A. Le Sauce, Le corps humain en
droit criminel, Master de droit pénal et sciences pénales,
Université Panthéon - Assas, 2010, p. 23.
1067 Lyon, ch.acc., 19 janv.1996.
1068 C. Copain, L'encadrement de la
contrainte probatoire en procédure pénale française,
Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011, n° 769, p.
332.
255
et attentatoire au corps, il ne suffit pas. Il faut en
plus un élément intentionnel dépassant la simple
connaissance et volonté de l'acte, ce que certains qualifient de
«dol spécial» (en
1069
.
l'espèce, la volonté de nier la
dignité de la personne humaine) »
178. Le degré de violence qui frappe l'aveu de
nullité. La contrainte physique se matérialise par n'importe
quel degré de violence, et peut ainsi frapper l'aveu obtenu de
nullité, tant qu'il y a un préjudice qui touche la
sécurité et l'intégrité du corps humain, et cela
indépendamment du fait qu'il ait généré ou non des
souffrances et des maux. La contrainte physique est considérée
comme une violence et par conséquent l'aveu qui en découle est
qualifié d'invalide parce que c'est une preuve illégale. On cite
en l'occurrence : le fait d'arracher les cheveux ou la moustache de
l'accusé, de lui cracher dans la figure, de couvrir son corps d'huile
sale ou de produits malsains, de tirer très fort ses vêtements et
les déchirer, ou de l'agresser et le pousser très fort. La
reconnaissance obtenue par la violence indirecte est invalide, c'est la
violence par abandon ou délaissement, comme priver l'accusé de
contacter sa famille, ou lui mettre une nourriture pour une semaine dans sa
cellule, la privation de cigarettes, ou maintenir l'accusé dans
l'obscurité pendant plusieurs jours avant l'interrogatoire 1070 . La
contrainte peut être aussi réalisée quand la personne
contrainte est obligée d'agir par peur qu'on mette en application les
menaces avancées. Il est opportun d'ajouter à ce sujet que le
degré de coercition et le degré de son impact sur la
volonté de la personne varient d'une personne à une autre, et
donc on mesure le côté personnel dans le domaine de la
détermination du degré de coercition. Aussi, il est à
préciser que nous ne soutenons pas l'approche de la jurisprudence et de
la juridiction, qui exigent que l'abus ou l'agression portée sur
l'accusé doit être grave, barbare, ou cruelle, pour que l'acte
soit considéré comme acte de torture dans le domaine de l'aveu,
alors que nous sommes en accord avec l'approche qui n'exige pas un certain
degré de gravité, de brutalité, ou de cruauté dans
la torture. Nous répondons à ce point de vue en disant que
l'ampleur du préjudice ou de l'abus n'est pas adaptée pour
être un critère de distinction, dans la mesure où tout
degré de torture pouvant affecter la volonté de l'accusé
et le désorienter, ou destiné à le faire passer aux aveux
est considéré comme une torture de l'accusé pour le forcer
à avouer. La violence exercée sur l'accusé peut être
minime, en revanche, elle peut produire des effets néfastes physiques et
psychologiques sur la personne l'ayant subi et peut menacer la
sécurité de son corps. Nous
1069 A. Le Sauce, Le corps humain en
droit criminel, Master 2 de droit pénal et sciences pénales,
Université Panthéon - Assas, 2010, p. 15.
1070 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant de
l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », in Journal arabe
de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380, V.
spec. p. 369.
soutenons entièrement l'avis qui considère qu'il
n'est pas exigé dans la violence physique un certain degré de
gravité et l'affaire est laissée à la juridiction locale
qui doit l'évaluer en tenant compte des circonstances de l'affaire. Sur
la base de ce qui précède, nous définissons la torture
comme tout acte positif, ou négatif, ou une abstention qui peut porter
préjudice à la victime, qu'il s'agisse d'un abus physique ou
moral, grave ou non, et qui le pousse à avouer.
179. La notion de torture et traitements inhumains ou
dégradants dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme et leur effet en droit français. Sans doute, la notion
de torture n'a pas une définition exacte et complète et n'est pas
une notion précise et
1071
stable
|
. Sur la base de l'article 3 de la Convention EDH
|
1072
|
qui se trouve encore repris par
|
des termes similaires dans l'ensemble des instruments
internationaux de protection des droits
de l'homme
|
1073
|
, la Cour de Strasbourg a contribué efficacement
à la protection des droits de
|
256
l'homme et des droits fondamentaux par le renforcement de la
protection contre la torture et des traitements inhumains ou dégradants
. Sa jurisprudence concernant la notion de torture était basée au
début sur le seuil de gravité. Ceci implique que la Cour impose
aux actes une certaine gravité pour être constitutifs de torture
et aussi la notion de torture selon la jurisprudence de la Cour
européenne nécessite un seuil de gravité à
atteindre pour entrer dans le champ de l'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme. C'est ce que nous montre l'arrêt
de cette Cour rendu le 18 janvier 1978 dans l'affaire Irlande c/ Royaume-Uni
§167 : « Pour déterminer s'il y a lieu de qualifier aussi
les cinq techniques de torture, elle doit avoir égard à la
distinction, que comporte l'article 3 (art. 3), entre cette notion et celle de
traitements inhumains ou dégradants. A ses yeux, cette distinction
procède principalement d'une différence dans l'intensité
des souffrances infligées. La Cour estime en effet que s'il
1071 Selon l'article 1 de la Convention des
Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (CCT) : « Aux fins de la
présente Convention, le terme "torture" désigne tout acte par
lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont
intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment
d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de
la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est
soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression
sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour
tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle
soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées
par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à
titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement
exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou
aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes,
inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles
».
1072 L'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme dispose: « Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements
inhumains ou dégradants ».
1073 L'article 7 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies de 1966 dispose:
« Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est
interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une
expérience médicale ou scientifique ».
existe d'un côté des violences qui, bien que
condamnables selon la morale et très généralement aussi le
droit interne des États contractants, ne relèvent pourtant pas de
l'article 3 (art. 3) de la Convention, il apparaît à
l'opposé que celle-ci, en distinguant la "torture" des "traitements
inhumains ou dégradants", a voulu par le premier de ces termes marquer
d'une spéciale infamie des traitements inhumains
délibérés provoquant de fort
graves et cruelles souffrances »
|
1074
|
. Il est indéniable, qu'il y a eu une évolution
de la
|
257
jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme à propos de la notion de torture. « La Cour
européenne des droits de l'Homme a d'ailleurs renforcé la
protection des personnes en donnant des notions de torture et peines ou
traitements inhumains ou dégradants une interprétation
compréhensive, par un revirement de sa jurisprudence (arrêt CEDH
27 novembre 1992, Thomasi c/ France), en considérant que ces notions
s'appliquaient à toute violence physique, quel qu'en soit la forme ou le
degré, une sanction principalement
1075
pénale ». Dans l'affaire Ribitsch
c/Autriche rendu le 4 décembre 1995, la Cour de Strasbourg souligne qu'
« à l'égard d'une personne privée de sa
liberté, tout usage de la force physique qui n'est pas rendu strictement
nécessaire par le propre comportement de ladite personne porte atteinte
à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du
droit garanti par l'article 3 (art. 3). Elle rappelle que les
nécessités de l'enquête et les indéniables
difficultés de la lutte contre la criminalité ne sauraient
conduire à limiter la protection due à l'intégrité
physique de la personne (voir l'arrêt Tomasi c. France du 27 août
1992, série A
1076
no 241-A, p. 42, par. 115) »
. Malheureusement, la Cour européenne des droits de
l'homme
1077
a assoupli sa position en se reposant à nouveau sur le
critère du seuil de gravité comme le
souligne M. Jacques Buisson, « elle paraît
être revenue quelque peu sur cette position, en jugeant que le mauvais
traitement doit atteindre un minimum de gravité pour tomber sous
le
1074 CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/
Royaume-Uni, Requête n° 5310/71.
1075 J. Buisson, « La
légalité dans l'administration de la preuve pénale »,
in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6,
V. spec. p. 3.
1076 CEDH, 4 décembre 1995, Ribitsch
c/Autriche, Requête n° 18896/91, V. spec. § 38.
1077 V. sur le critère du seuil de
gravité: F. Sudre, « L'arrêt de la Cour européenne des
droits de l'homme, du 27 août 1992, Tomasi c/ France : mauvais
traitements et délai déraisonnable », in R.S.C.,
1993, p. 33: « Ce critère réside dans
l'intensité des souffrances infligées aux victimes et a une
double portée. D'une part, il permet de faire la part entre les
violences qui, n'atteignant pas le degré de rigueur requis, ne
constituent pas une violation de l'article 3 et les actes prohibés :
ainsi, dans l'affaire grecque, la Commission semble considérer comme
« normales » « certaines brutalités »
infligées aux détenus (gifles, coups) ( Rap. 18 nov. 1969, aff.
grecque, Ann p. 186.). D'autre part, il permet de distinguer entre les
traitements interdits : selon les définitions données par la
Cour, le traitement inhumain est celui qui provoque volontairement des
souffrances mentales ou physiques d'une intensité particulière
...».
coup de l'article 3 »
1078, notamment dans l'arrêt Tekin Yildiz c/
Turquie rendue le 9 juin
1998 : « La Cour estime que la situation de M.
Yýldýz, exacerbée par sa réincarcération et
son maintien en détention, a atteint un niveau suffisant de
gravité pour rentrer dans le champ
d'application de l'article 3 de la Convention
»
|
1079
|
. La Cour de Strasbourg continue à faire
|
258
preuve de tolérance en se basant sur le critère
de seuil de gravité élevé pour qualifier le fait de
violation entrant sous la notion de torture et traitement cruel, inhumain ou
dégradant visée par
l'article 3 de la Convention européenne des droits de
l'homme 1080 . Ceci se vérifie dans l'arrêt rendu le 28 juillet
1999 par cette Cour dans l'affaire Selmouni c/ France : « Dans ces
conditions, la Cour est convaincue que les actes de violence physique et
mentale commis sur la personne du requérant, pris dans leur ensemble,
ont provoqué des douleurs et des souffrances " aiguës" et
revêtent un caractère particulièrement grave et cruel. De
tels agissements doivent être regardés comme des actes de torture
au sens de l'article 3 de la
1081
Convention »
. En condamnant la France pour violation de l'article 3 de la
Convention européenne des droits de l'homme dans l'affaire Tomasi1082 et
Selmouni, la Cour de
1078 J. Buisson, « La
légalité dans l'administration de la preuve pénale »,
in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6,
V. spec. p. 3.
1079 CEDH, 9 juin 1998, Tekin Yildiz c/ Turquie,
Requête n° 22913/04, spec. § 81.
1080 V. sur le seuil de gravité dans
la juriprudence de la Cour européene des droits de l'hommme : CEDH, 1
avril 2005, Rivas c/ France, Requête n° 59584/00, V. spec. §37
: « La Cour rappelle également qu'un mauvais traitement doit
atteindre un minimum de gravité pour tomber sous le coup de l'article 3.
L'appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle
dépend de l'ensemble des données de la cause et, notamment, de la
durée du traitement, de ses effets physiques et/ou mentaux ainsi que
parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la
victime. Lorsqu'un individu se trouve privé de sa liberté,
l'utilisation à son égard de la force physique alors qu'elle
n'est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte
atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une
violation du droit garanti par l'article 3 » ; V. encore : CEDH, 28
février 2008, Saadi c/ Italie, Requête n° 37201/06, spec.
§ 134: « Conformément à la jurisprudence constante
de la Cour, pour tomber sous le coup de l'article 3, un mauvais traitement doit
atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum est
relative ; elle dépend de l'ensemble des données de la cause,
notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou
mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de
santé de la victime (voir, entre autres, Price c. Royaume-Uni, no
33394/96, § 24, CEDH 2001-VII, Mouisel c. France, no 67263/01, § 37,
CEDH 2002-IX, et Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, 11 juillet
2006) ».
1081 CEDH, 28 juillet 1999, Selmouni c/
France, Requête n° 25803/94, V. spec. §105; V. encore §
100. « Autrement dit, en l'espèce, reste à savoir si les
« douleurs ou souffrances » infligées à M. Selmouni
peuvent être qualifiées d'« aiguës » au sens de
l'article 1er de la Convention des Nations unies. La Cour estime que ce
caractère « aigu » est, à l'instar du « minimum de
gravité » requis pour l'application de l'article 3, relatif par
essence ; il dépend de l'ensemble des données de la cause,
notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou
mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge, de l'état de
santé de la victime, etc » ; V. encore §102. «
La Cour a pu se convaincre de la multitude des coups portés à M.
Selmouni. Quel que soit l'état de santé d'une personne, on peut
supposer qu'une telle intensité de coups provoque des douleurs
importantes. La Cour note d'ailleurs qu'un coup porté ne provoque pas
automatiquement une marque visible sur le corps. Or, au vu du rapport
d'expertise médicale réalisé le 7 décembre 1991 par
le docteur Garnier, la quasi-totalité du corps de M. Selmouni portait
des traces des violences subies ».
1082 V. sur l'arrêt Tomasi c/ France:
F. Sudre, « L'arrêt de la Cour européenne des droits de
l'homme, du 27 août 1992, Tomasi c/ France : mauvais traitements et
délai déraisonnable », in R.S.C., 1993, p. 33:
« Qu'il soit arrêt de
Strasbourg a bien établi une frontière dans la
recherche de preuve que les autorités française ne peuvent
franchir pour obtenir la preuve, spécialement l'aveu résultant
d'un acte de torture
ou traitements inhumains ou dégradants
|
1083
|
comme le souligne M. François Fourment, «
il
|
semblera évident que la preuve, notamment les
aveux, ne peut pas être obtenue sous la torture ou d'autres traitements
inhumains ou dégradants. La Cour européenne des droits de l'homme
a cependant dû le rappeler aux autorités françaises, dans
les affaires Tomasi et
Selmouni »
|
1084
|
. Un autre arrêt rendu le 28 février 2008 par la
Cour européenne des Droits de
|
259
l'homme dans l'affaire Saadi c/ Italie vient affirmer que la
lutte contre le terrorisme international n'ouvre pas le chemin de
l'atténuation de l'interdiction de la torture ou des traitements
inhumains ou dégradants assuré par la protection absolue de
l'article 3 de la
. MM. Jean-Pierre Marguénaud et Damien
1085
Convention européenne des droits de l'homme
Roets considèrent que l'affaire Saadi c/ Italie vient
« de donner à une Grande Chambre l'occasion de rappeler
clairement et hautement que les exigences de la lutte contre le terrorisme
international ne sauraient justifier la moindre relativisation des
interdictions
circonstance ou véritable décision de
principe marquant l'abandon des critères anciens d'appréciation
des mauvais traitements, l'arrêt Tomasi atteint un double but. D'une
part, cette décision a l'incontestable mérite d'assouplir
nettement les conditions d'application de l'article 3 et, partant,
d'élargir le champ de protection de cette disposition. La leçon
est claire : l'usage de la force physique sur une personne privée de
liberté est inacceptable dans une société
démocratique».
1083 V. J.-P. Marguénaud, « La
dérive de la procédure pénale française au regard
des exigences européennes », in D., 2000, p. 249:
« Contrairement à ce que pourrait laisser croire la
condamnation pour tortures policières, il ne faut pas comprendre que le
système français abaisse chaque année un peu plus le
niveau d'exigence en matière de protection des droits fondamentaux, il
faut entendre qu'il a de plus en plus de difficultés à
échapper aux condamnations pour violation des droits de l'homme parce
que la CEDH élève chaque année un peu plus ce niveau
d'exigence. L'ampleur de la dérive ainsi entendue dépend à
l'évidence des efforts que les autorités normatives
françaises sont prêtes à consentir pour suivre le rythme
imposé par la Cour de Strasbourg ».
1084 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 74,
p. 56.
1085 V. CEDH, 28 février 2008, Saadi
c/ Italie, Requête n° 37201/06, spec. § 127 : «
L'article 3, qui prohibe en termes absolus la torture ou les peines ou
traitements inhumains ou dégradants, consacre l'une des valeurs
fondamentales des sociétés démocratiques. Il ne
prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la
majorité des clauses normatives de la Convention et des Protocoles nos 1
et 4, et il ne souffre nulle dérogation d'après l'article 15
même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (Irlande
c. Royaume-Uni, arrêt du 8 janvier 1978, série A no 25, §
163, Chahal précité, § 79, Selmouni c. France [GC], no
25803/94, § 95, CEDH 1999-V, Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], no 35763/97,
§ 59, CEDH 2001-XI, et Chamaïev et autres c. Géorgie et
Russie, no 36378/02, § 335, CEDH 2005-III). La prohibition de la torture
ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants étant
absolue, quels que soient les agissements de la personne concernée, la
nature de l'infraction qui était reprochée au requérant
est dépourvue de pertinence pour l'examen sous l'angle de l'article 3
(Indelicato c. Italie, no 31143/96, § 30, 18 octobre 2001, et Ramirez
Sanchez c. France [GC], no 59450/00, §§ 115-116, 4 juillet 2006)
» et spec. § 140: « Pour ce qui est du deuxième
volet des arguments du gouvernement du Royaume-Uni consistant à soutenir
que, lorsqu'un requérant représente une menace pour la
sécurité nationale, des preuves plus solides doivent être
produites pour démontrer le risque de mauvais traitements (paragraphe
122 ci-dessus), la Cour observe qu'une telle approche ne se concilie pas non
plus avec le caractère absolu de la protection offerte par l'article 3.
En effet, ce raisonnement revient à affirmer que la protection de la
sécurité nationale justifie d'accepter plus facilement, en
l'absence de preuves répondant à un critère plus exigeant,
un risque de mauvais traitements pour l'individu ».
1086.
formulées par l'article 3 de la Convention
européenne des droits de l'homme »
B. Aveu obtenu sous la contrainte morale et la
ruse.
180. La contrainte morale. Selon M. Laurent Kennes,
l'aveu obtenu sous la menace ou à la
1087
.
suite de fausses promesses doit être examiné au
regard du droit au silence du prévenu
Lorsque la situation engendrée par les enquêteurs
implique une diminution du libre arbitre de
l'intéressé d'admettre ou non avoir commis une
infraction, les aveux sont irréguliers 1088 . Il n'est pas
nécessaire que la coercition qui invalide et rend l'aveu illégal
comme preuve soit toujours sous la forme physique, car elle a une autre forme
moins tangible, qui n'a pas une moindre importance, et qui affecte la morale et
par conséquent annule la procédure et invalide
ses résultats, même s'il n'y a pas d'impact
corporel apparent
|
1089
|
. La contrainte peut ainsi être
|
260
morale et prendre plusieurs formes, comme la menace, qui est
une pression exercée par une personne sur la volonté d'une autre
personne afin de la dominer et de l'orienter vers un comportement particulier,
sans distinction entre les menaces qui touchent à sa personne, à
son argent, ou à un proche qui lui est cher, par exemple menacer
l'accusé d'arrêter son épouse ou sa mère. La
promesse est considérée comme l'un des moyens traditionnels pour
amener l'accusé à avouer, ce qui a pour effet de donner l'espoir
à l'accusé d'améliorer sa situation dans le cas où
il avouerait son crime, comme lui promettre qu'il sera gracié ou de lui
accorder le statut de « témoin roi », ou de ne pas
être jugé, ou de ne pas présenter l'aveu contre lui devant
le tribunal ou encore d'atténuer sa peine. La contrainte morale est
exercée généralement sous la forme de menace de porter
préjudice ou de faire souffrir, en vue d'influencer la volonté de
la personne et de l'orienter dans une voie bien déterminée,
contraire même à son souhait. La contrainte morale peut être
sous la forme d'une menace par des paroles ou par des actes, de manière
à porter atteinte à la liberté de la personne, et la
placer sous le poids de la crainte d'une chose en particulier, et la pousser
à agir contrairement à son désir, comme la menacer de
l'arrêter ou de la mettre en prison. La peur que peut éprouver
l'accusé peut être une simple peur de l'enquêteur, de celui
ayant délivré le mandat d'arrêt contre lui, de celui ayant
ordonné sa détention provisoire ou ayant ordonné les
actions en
1086 J.-P. Marguénaud et D. Roets,
« Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme »,
in R.S.C., 2008, p. 692.
1087 L. Kennes, La preuve en
matière pénale, Éditions Kluwer, Bruxelles, 2005,
Vol. 1, n° 626, p. 326. 1088 L. Kennes, La preuve en
matière pénale, Éditions Kluwer, Bruxelles, 2005,
Vol. 1, n° 626, p. 326.
1089 V. en langue arabe : S. Nabrawy,
L'interrogatoire de l'accusé, Dar Al-Nahdha Al Arabiya (maison
de la renaissance arabe), le Caire, 1969, p. 423.
261
justice intentées contre lui. Par conséquent,
avoir des propos sous l'emprise et le contrôle de ces idées ne
peut pas être classé sous le statut de la coercition, car la
personne n'a pas été contrainte de parler et par
conséquent ceci n'aura pas d'effet sur la validité de cet aveu.
Mais si l'action de menace a été suivie d'effet, ceci va
détruire la volonté du concerné et frapper ainsi son aveu
d'invalidité puisque cette preuve est qualifiée
d'illégale. D'autre part, conseiller et attirer l'attention ne sont pas
considérés comme des éléments d'influence sur la
volonté de l'accusé. Toutefois, dans le cas où il y aurait
eu des signaux de menace, cela devrait être considéré comme
une coercition et légalement interdit. Certains considèrent que
le simple fait d'attirer l'attention de l'interrogé sur l'obligation de
dire la vérité est considéré comme une contrainte
morale. Nous avons tendance à élargir le concept de coercition
morale à l'influence sur la volonté de l'accusé. Ainsi, la
validité et la légalité de l'aveu comme preuve dans une
affaire criminelle en conformité avec la nature humaine, pour laquelle
la coercition morale aurait le même degré d'influence que la
coercition physique, dans le but d'emmener l'accusé à avouer.
Pour notre part, nous croyons que tout comme celui obtenu sous la coercition
physique, l'aveu obtenu sous la coercition morale ne sera irrecevable et
illégal que si cette coercition a véritablement influencé
la volonté de l'accusé de façon à l'amener à
avouer.
181. Définition de la torture morale.
Constitue une torture morale tout acte ou abstention, qui aurait pour
effet de causer de l'intimidation, des douleurs et de la souffrance morale
à l'accusé. En effet, la torture morale ou psychologique vise
l'humiliation et le rabaissement de la personne. Parmi les exemples de la
torture morale, on distingue: le fait d'habiller les hommes en vêtements
de femmes et de les désigner par des noms de femmes, de proférer
des injures indécentes touchant leurs épouses en leur
présence, de menacer l'accusé de le torturer et de le tuer, ou de
le menacer d'arrêter son épouse, sa mère ou un être
qui lui est cher, de le menacer d'un attentat à la pudeur, le priver de
nourriture ou d'eau, le menacer de porter atteinte à sa personne,
à son argent, à des membres de sa famille ou à ses
proches. Cette menace peut être directe ou indirecte : la menace
indirecte consiste par exemple à torturer le complice de l'accusé
devant lui. D'autre part, il est opportun d'ajouter que la menace garde
toujours le même statut, qu'elle soit accompagnée par la torture
physique ou non, que l'objet de la menace soit réalisé ou non, et
ainsi pour les autres moyens de torture morale. Enfin, la torture morale qui
représente la contrainte morale est humiliante pour les âmes,
destructrice pour les sentiments les plus généreux et peut
être plus douloureuse pour l'accusé que toute torture physique.
262
182. La contrainte morale au Liban. À ce
sujet, il faut noter que, malheureusement, on trouve des applications de la
contrainte morale dans le droit libanais par certains juges. En effet, il
semble que la police judiciaire emploie d'une manière exclusive la
contrainte physique pour obliger les accusés à avouer, tandis que
les juges utilisent la contrainte morale. Des exemples de ces violations sont
constatés dans la pratique au Liban : pendant l'interrogatoire devant le
juge d'instruction, après la séance, et dès que l'avocat
de l'accusé a quitté la salle avec le détenu soumis
à l'interrogatoire par le juge d'instruction, le rapporteur rejoint la
personne interrogée en lui disant que le juge d'instruction veut lui
parler, et c'est alors que le juge lui dit : « je peux vous aider si
vous reconnaissez tous les détails et si vous me dénoncez vos
complices dans le crime, vous aurez dans ce cas aidé la justice, je peux
appuyer votre position dans le procès et votre peine sera plus
légère d'autant que les charges sont retenues contre vous,
même si vous n'avouez pas, alors que votre aveu va vous aider à
réduire votre peine ». L'interrogé, convaincu de ce que
le juge lui dit, a été ainsi contraint moralement d'accepter. Le
procès-verbal de l'interrogatoire est ensuite fait par le juge et son
rapporteur, et le défendeur a ainsi avoué en absence de son
avocat et a renoncé à son droit en présence de son avocat,
faisant ainsi confiance aux promesses du juge. C'est exactement ce qui se passe
dans beaucoup de procès. Telle est la réalité des
tribunaux, mais on ne peut trouver aucune décision judiciaire qui annule
cette coercition morale menée par le juge. Il n'y a pas de demande
d'annulation présentée par l'avocat de la défense pour
cette raison, et ce, en raison du niveau peu élevé de
compréhension des garanties de la défense de la loi libanaise.
Quant aux juges du fond, qui statuent sur les affaires pénales, ils sont
obligés d'interroger l'accusé à nouveau, sachant que la
phase du procès est appelée interrogatoire final. A ce sujet, ce
que font certains juges de la Cour criminelle du Liban paraît
remarquable, dans la mesure où ils menacent l'accusé au cours de
l'interrogatoire de lui infliger une peine très lourde s'il n'avoue pas
devant eux et pendant cette séance, ou bien s'il n'a pas dit toute la
vérité, à la suite de quoi le président de la Cour
lui promet d'alléger sa peine s'il veut bien coopérer et accepter
son offre. C'est en effet le comportement de certains juges au Liban. Cela
donne une idée du faible niveau de culture de respect du droit de la
défense, et de l'illégalité de l'extraction des aveux par
certains juges et également sur la nonchalance injustifiée de
certains avocats qui permettent aux juges d'exploiter leur pouvoir dans la
direction de l'audition, sans dénoncer ces graves violations, et sans
réclamer la nullité de la procédure dans le procès
verbal. Ces irrégularités compromettent les droits de la
défense et la légalité de la preuve pouvant
découler de ces violations, en raison du fait que l'avocat a la
tâche de contrôler l'intégrité de la procédure
et de plaider pour l'accusé. Il incombe donc à l'avocat
présent avec l'accusé de préserver les
intérêts de son client et faire valoir tous ses droits qu'il
connaît ou qu'il peut bien ignorer, comme son droit de
faire sa déposition librement, et de l'informer que dans le cas
où l'accusé refuse de répondre aux accusations
portées contre lui, il n'est pas permis au juge du procès
d'employer des moyens de coercition, comme le contraindre à parler,
faute de quoi, ceci aurait pour effet la nullité de l'interrogatoire et
par conséquent du jugement y afférent.
183. L'aveu résultant de l'interrogatoire sous
pressions psychologiques et impartialité du juge. Malheureusement,
nous notons une grave violation des droits de la défense et du droit
à un procès équitable commis par l'autorité du
président de la Cour criminelle en droit libanais lors de
l'interrogatoire. Ces contraintes, le plus souvent de nature psychologique,
sont exercées par le président de la Cour sur l'accusé
durant l'interrogatoire devant la Cour criminelle, surtout si l'accusé a
choisi de plaider non-coupable. Le président de la Cour commence
l'interrogatoire en s'adressant à l'accusé en disant «
je veux juste savoir comment tu as commis cette infraction. Ne me fais pas
perdre mon temps, c'est mieux d'avouer le crime sinon on va décider une
sanction aggravée ». Cette méthode d'interrogatoire est
arbitraire et illégale. Le juge ne doit pas manifester sa propre opinion
sur la culpabilité de l'accusé avant l'arrêt de la Cour
après clôture d'audience. À notre avis, les méthodes
d'interrogatoire précédentes entraînent
nécessairement la nullité de tous les actes et la décision
finale du juge est entachée d'un vice de partialité parce que le
juge viole le droit de l'accusé de ne pas contribuer à sa propre
incrimination. Techniquement parlant, l'avocat de la défense doit
intervenir immédiatement pour empêcher le président de la
Cour de continuer l'interrogatoire de l'accusé sous la contrainte en
demandant à l'accusé de garder le silence et de ne
répondre à aucune question posée par le président
de la Cour. Ensuite, l'avocat de l'accusé doit demander la
récusation du juge qui préside le procès en mettant en
cause l'impartialité du président.
184. L'aveu par la ruse. La loi ne permet pas
l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie pour obtenir des aveux de
l'accusé, même si connaître la vérité
s'avère impossible sans le recours à ces méthodes. Par
conséquent, l'aveu basé sur la ruse et la tromperie est
considéré comme irrégulier et irrecevable. La
sixième conférence mondiale du droit pénal de 1953 a
évoqué ce sujet et a recommandé de ne pas employer la ruse
pour obtenir des aveux de
l'accusé
|
1090
|
. La raison de l'irrecevabilité de l'aveu fondé
sur la ruse est que cette dernière
|
263
porte atteinte au libre arbitre, en raison du fait qu'elle est
considérée comme un type de fraude
1090 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant
de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », n Journal
arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380,
V. Spec. p. 361.
264
qui induit l'accusé en erreur et affecte sa
volonté. Ce qui fait que, tant que la volonté de
1091
l'accusé est défectueuse au moment où il
a présenté son aveu, ce dernier est invalide. On cite comme
exemple le cas de l'enquêteur qui dit à l'accusé que s'il
reconnaît, cela sera gardé comme un secret. Cette promesse est une
façon de mentir et de tricher. Un autre type de tricherie consiste
à donner à l'accusé de l'alcool, en espérant qu'il
en viendra à avouer et en croyant qu'un homme ivre dit toujours la
vérité. Mais ceci est considéré comme une
tricherie
1092
et une fraude contre l'accusé et est légalement
inacceptable . Nous en concluons que, pour être admis comme preuve,
l'aveu ne doit pas porter atteinte au libre arbitre et doit être
volontaire et fait en toute conscience. Tandis que l'aveu de l'accusé,
sous l'influence d'une fausse croyance et sans aucune ruse employée
à son encontre est un aveu valide et par conséquent recevable,
car il a été fait sans ruse ni tricherie 1093 . Il est donc
exigé que l'aveu ne soit pas délivré à la suite de
pratiques de manipulation et de tricherie, commises par le juge pénal ou
l'officier de la police judiciaire, afin d'obtenir l'admission de
l'accusé des faits criminels qui lui sont reprochés. D'autres
formes de ruses existent. L'une des plus répandues consiste dans le fait
pour l'enquêteur de faire croire à l'accusé pendant
l'interrogatoire que son complice dans le crime a tout avoué, ou qu'il y
a un témoin oculaire ayant déposé contre lui, ou d'imiter
la voix d'un proche dans une conversation téléphonique. Nous
suggérons que le législateur libanais introduise un texte dans le
Code de procédure pénale qui oblige à filmer les
interrogatoires et l'auditons afin de lutter contre l'obtention de preuves
importantes comme l'aveu par la ruse.
C. Position de la jurisprudence libanaise par rapport
à l'aveu obtenu sous l'influence de la coercition et la
violence.
185. L'appréciation de la valeur ou de la force de
l'aveu illégal dans la preuve pénale. Même si l'aveu
est considéré comme la première preuve criminelle, on ne
devrait pas surestimer sa valeur probatoire, même si toutes les
conditions sont réunies. En effet, l'aveu
1091 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant
de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », in Journal
arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380,
V. Spec. p. 361.
1092 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant
de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », in Journal
arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380,
V. Spec. p. 361.
1093 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant
de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », in Journal
arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380,
V. Spec. p. 361.
265
peut ne pas être valide, du fait qu'il est basé
sur des motifs multiples, qui n'incluent sûrement pas le désir de
dire la vérité, du fait que le suspect ou l'accusé peut
avouer pour plusieurs raisons, comme par exemple: s'attirer la compassion des
autres, échapper à une autre infraction dont la peine serait plus
sévère que celle de l'infraction qu'il reconnaît,
protéger le vrai coupable, ou bien par solidarité avec lui, ou
encore par peur d'une autre personne. Les aveux peuvent être mensongers
pour des raisons diverses, il y a souvent de faux témoignages, faits par
le suspect ou l'inculpé, en mélangeant faits réels
à d'autres irréels, persistant dans la tromperie, ou fuyant les
conséquences d'une déclaration faite sous une certaine influence.
C'est pour cette raison que seul le juge du procès peut estimer la
valeur de l'aveu et l'étendue de sa force probante, à travers sa
comparaison avec les autres éléments de preuve disponibles dans
l'affaire. Dans tous les cas, la valeur probante de l'aveu est laissée
à l'appréciation du
1094
juge, qui peut l'accepter ou le refuser. C'est le principe de
l'intime conviction du juge. Toutefois, le juge est appelé à
expliquer les raisons pour lesquelles il a été amené
à prendre sa décision, que ce soit en acceptant l'aveu ou en le
rejetant. De l'extrapolation des décisions et des jugements rendus par
la justice libanaise, on peut dire qu'il y a plus d'une direction ou position
au sujet de l'aveu obtenu sous l'influence de la contrainte, ou de la violence,
ou résultant de ces pratiques.
186. Les positions jurisprudentielles face à la
violation des droits de l'homme pour obtenir les aveux. Les violations des
droits de l'homme et des droits de la défense et de la
légalité de preuve pour obtenir des aveux au Liban sont une
pratique devenue courante mais malheureusement non sanctionnée
effectivement, qui constitue une manière illégale pour obtenir
les aveux du prévenu ou de l'accusé pour le condamner. En France,
il semble que la situation est différente de celle du Liban parce que la
torture et la violation des droits n'y sont
1095
pas pratiquées habituellement. M. Henri Leclerc
confirme notre avis qui concerne l'absence ou l'abolition de la pratique de
torture en France, d'autant que la jurisprudence française est pauvre en
cette matière : « bien entendu, tout le monde s'accorde
à dire que les aveux recueillis à la suite de tortures, de
traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la
Convention sont nuls. Mais il faut bien constater que la jurisprudence sur
ce
1094 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 281, p. 273.
1095 V. M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 256, p. 265 : « D'une façon plus
générale et ainsi que nous l'avons dit sous un autre aspect des
choses, ne peuvent être conservées dans un dossier pénal
que les preuves obtenues par des moyens admissibles eu égard à
notre type et notre degré de civilisation. Cela élimine tout ce
qui serait le produit de pressions physiques qu'il s'agisse de torture
physique, difficilement envisageable aujourd'hui en Europe, mais aussi de
violences policières, des torture par des procédés
chimiques ou moraux... ».
1096
.
266
point est pauvre »
187. Une position jurisprudentielle traditionnelle.
La première position est une position négative qui n'accorde pas
d'importance à ces violations flagrantes des droits de l'homme, de sa
liberté et de sa sécurité, et est fondée sur
l'argument selon lequel le juge dans un système d'intime conviction a le
droit d'évaluer la preuve et de construire sa conviction. En effet,
l'évaluation de la valeur de l'aveu; quelle que soit la méthode
avec laquelle il a été obtenu, est soumise à l'intime
conviction du juge, et c'est exactement là où réside le
problème fondamental, car cette tendance va réellement vers la
recherche de la vérité qui a convaincu le juge, au
détriment de la légalité de la preuve et ceci est
cohérent avec le principe selon lequel, « la fin justifie les
moyens ». C'est ce que nous rejetons complètement dans un
État de droit sous l'égide du principe de la
légalité procédurale et la légalité de la
preuve. S'il est vrai que l'estimation de la valeur probatoire de l'aveu repose
sur l'intime conviction du juge, on peut toutefois affirmer que ce principe
n'autorise pas pour autant à passer outre les règles de
validité de la preuve. De plus, la preuve retenue par le juge doit
être conforme à la vérité, ce qui est loin
d'être certain pour un aveu obtenu de manière illégale.
188. Une position jurisprudentielle critiquable. La
deuxième position jurisprudentielle est appelée «
doctrine paralysante », car elle exige la preuve que l'aveu a
été obtenu grâce à la coercition, ce qui est
quasiment impossible. Dans les cas où cette preuve serait tout de
même obtenue, cette position exige ensuite que soit
déterminé le degré de conformité de l'aveu avec la
réalité.
En effet, si l'aveu qui a été obtenu par le
sang, les coups, les humiliations et la torture n'est pas conforme à la
réalité, il sera exclu. La Cour doit statuer sur une certitude et
non sur des présomptions. Cependant, si l'aveu obtenu par la violence,
les coups, la torture et la contrainte concorde avec les faits réels, la
Cour considère qu'il produit tous ses effets. C'est un avis juridique
contesté, car il argumente dans le but d'affaiblir et de paralyser la
défense, indépendamment de la logique et de la
légalité. À vrai dire, cet avis rencontre l'avis
précédent d'une manière indirecte, selon le principe selon
lequel « la vérité est demandée à tout
prix ». C'est vraiment une application très honteuse de la
justice dans un État de droit.
1096 H. Leclerc, « Les limites de la
liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C.,
1992, p. 15.
189. Une jurisprudence audacieuse. Il y a une
troisième opinion différente des deux précédentes,
mais très timide et peu appliquée dans la pratique, basée
sur l'annulation ou la négligence de la force probante de l'aveu s'il a
été obtenu par des actes de coercition et de violence ayant
affecté la volonté de l'accusé. C'est là un
principe que nous encourageons et nous soutenons, car c'est une bonne
orientation qui consacre l'application appropriée du principe de la
légalité de la preuve pénale et la légalité
de la procédure pénale, et laisse place aux droits de l'homme et
à la primauté du droit.
190. L'opinion qui soutient l'admissibilité de
l'aveu obtenu illégalement comme preuve. Cette opinion est
exprimée par plusieurs décisions des juges libanais, et ceci peut
être déduit des décisions et des jugements qui ont
été soigneusement sélectionnés et
dépouillés avec précision séparément pour
chacune des trois opinions que nous avons exposées
précédemment. Dans l'une des décisions de la chambre de
mise en accusation 1097 , il a été précisé que
« dans toute affaire, et quel que soit le cas, et bien que la loi
libanaise interdise l'usage de la violence et la coercition contre les
interrogés pour les dissuader d'avouer, cela ne signifie absolument pas
qu'il faille annuler toute admission obtenue de cette manière, car c'est
la juridiction pénale qui a la charge d'estimer la validité de
cet aveu et sa recevabilité, surtout s'il est renforcé par
d'autres preuves qui le soutiennent et approuvent le même
résultat sur quoi il s'est basé
»
|
1098
|
. Dans ce même sens, on cite la position de la
chambre
|
267
criminelle de la Cour de cassation libanaise, qui a
confirmé que « revenir sur son aveu en invoquant qu'il a
été soutiré sous l'influence de la violence, n'affecte
aucunement la conviction de la Cour de la validité de cet aveu,
même si la Cour admet que le passage à tabac était le moyen
pour le recueillir, et ce, tant que les événements
mentionnés dans l'aveu, en l'occurrence les noms et les lieux, ne sont
pas une invention de l'imagination, ni connus
1099
par les enquêteurs et n'étaient pas
contraires aux faits ». Cette disposition encourage et justifie le
recours à la brutalité pour obtenir des aveux, au lieu de punir
les auteurs et c'est là une application extrémiste de la
liberté du juge pénal dans l'élaboration de sa conviction.
A ce sujet, dans un arrêt de la Cour criminelle pour les crimes (qui est
nommé Cour d'assises en
1097 Au Liban : Chambre de mise en
accusation. N.B : en France c'est la chambre d'accusation, Son nom a
changé depuis la loi du 15 juin 2000 est devenu chambre
d'instruction.
1098 La chambre d'accusation : Le
Président : Ralph Riyashi, les deux conseillers : Albert kwamagi et
Maddy Mattran, procès n° 262/1995, décision
n°354/1995/le livre du juge R. Riyashi, Recueil de la jurisprudence de
la chambre d'accusation, applications pratiques de la règle de droit,
Dar Elhadhara , édition et impression, Société
Ezzeddine pour l'imprimerie et l'édition, Beyrouth, 1997, Préface
du juge Philippe Kairallah, p. 334.
1099 V. en langue arabe : Cour de cassation
criminelle, chambre n° 5, Arrêt n° 218 du 29/04/1974, justice
332/74, cité dans le livre de Ph. Nasr, Les
principes des procès pénaux. Étude comparative et
d'analyse, Sader Editeurs, Beyrouth, p. 391.
268
France), la Cour a insisté sur l'acceptation de l'aveu
et a approuvé sa validité, bien qu'elle ait expressément
reconnu que les enquêtes préliminaires l'ayant convaincue ont
été marquées par une certaine violence, car
l'accusé avait réellement dit la vérité sous la
torture. Les termes de l'arrêt ont indiqué que: «
Considérant qu'il est vrai que les accusés ont été
exposés à la violence au cours de leurs interrogatoires par la
police judiciaire, alors qu'elle ne devrait pas recourir à la violence
pour en extraire la vérité, cette Cour ne peut pas décider
de la nullité de ces enquêtes pour cette raison, mais ces
admissions doivent être valorisées pour pouvoir conclure quant
à leur acceptation ou à leur rejet ... La Cour a adopté le
contenu de l'enquête préliminaire, même marquée par
une certaine violence, parce que l'un des accusés a
déclaré
1100
que, bien qu'il ait été soumis à la
violence, il a dit la vérité».
191. La seconde opinion: L'admissibilité de l'aveu
obtenu illégalement sur la base d'une motivation irrationnelle et
illogique. Ici, nous citons comme exemple un procès libanais, qui
démontre la formule bloquante et illogique de certains juges dans
l'acceptation de l'aveu obtenu par la contrainte. La Cour a
considéré que la violence, les coups et la coercition, en
supposant qu'ils ont été accomplis, n'empêchent pas de
confirmer la condamnation. En effet, la décision énonce
textuellement que « si l'on suppose que l'incident de la violence a
été prouvé - alors qu'il n'est pas permis de recourir
à cette méthode pour l'extraction de la vérité, la
Cour a estimé que les déclarations initiales des accusés
sont des témoignages cohérents et convaincants, et la conscience
serait tranquille en décidant de les condamner
1101
». Ceci paraît très
étonnant. En effet, comment la Cour aurait une conscience tranquille en
se basant sur une vérité entachée par la torture ? Dans
une très ancienne décision, la Cour a considéré que
l'évaluation de la validité de l'aveu arraché par la
violence et la coercition sont au coeur des attributions du tribunal de
première instance. Il est précisé que « bien que
la loi ait interdit l'usage de la violence et de la coercition sur les
accusés et les suspects pour les obliger à avouer, cette
interdiction ne signifie nullement l'annulation de l'effet de chaque admission
obtenue de cette manière. En effet, le juge pénal a le droit
d'évaluer la validité de cet aveu et conclure quant à sa
valeur probante et à sa recevabilité, surtout s'il a
été renforcé
1100 V. en langue arabe : Cour criminelle du
Mont Liban, le Président : Hatem Madi, procès du 03/11/1997 : le
livre du juge : J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions
pénales 1996-1999, 1e éd., Sader Editeurs,
Beyrouth, 2000, n° 54, p. 86.
1101 V. en langue arabe : Cour criminelle du
Mont Liban, procès n° 42 du 05/01/1997, le Président : Hatem
Madhi : le livre du juge : J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions
pénales 1996-1999, 1e éd., Sader Editeurs,
Beyrouth, 2000, n° 173, p. 281.
1102
par d'autres preuves ». Dans une autre
décision, on peut lire « évoquer que l'aveu a
été le résultat de la violence et de la coercition, ne
conduit pas à démentir l'état de fait qui en
résulte, ni tous les actes vrais et confirmés
qu'il contient»
|
1103
|
. Dans un autre arrêt,
|
269
relativement récent, il a été
indiqué qu' « attendu d'abord que l'accusé a admis, dans
l'enquête préliminaire, être un trafiquant de drogue, qu'il
est revenu sur ses déclarations devant le juge d'instruction et le
tribunal, et a nié tout ce qui lui a été reproché,
et a prétendu que tout ce qu'il a dit pendant la phase de
l'enquête préliminaire était sous l'influence des coups
violents qu'il a subis par les agents de la police judiciaire...et attendu
ensuite que la partie de la défense a demandé de ne pas prendre
en considération les déclarations contenues dans l'enquête
préliminaire, à cause des contradictions dans ces enquêtes
et aussi à cause du motif de la contrainte...et attendu encore que
l'incident de la violence, des coups et de la contrainte invoqué est
dépourvu de toute preuve, et étant donné qu'évoquer
que l'aveu a été le résultat de la violence et de la
coercition, ne conduit pas à démentir l'état de fait qui
en a résulté, ni tous les actes vrais et confirmés qu'il a
contenus, et que -- et dans tous les cas -- la Cour est libre de prendre en
considération les premières déclarations de
l'accusé qui contiennent l'aveu, et négliger les deuxièmes
où il s'est rétracté, car ceci revient à son droit
absolu de valorisation, surtout si cet aveu concorde avec les preuves et les
faits matériels
1104
contenus dans le dossier » . Quand on lit le
dernier arrêt, on souhaite que les juges qui ont rendu cette
décision, se posent à eux-mêmes et à leur conscience
cette question : pourquoi au Liban, la grande majorité des
enquêtes menées par la police judiciaire, finit toujours par
l'aveu des accusés ou des suspects, qui une fois arrivés devant
le juge ou devant la Cour, reviennent sur les dépositions qu'ils ont
faites devant les officiers de la police judiciaire ? La réponse est
simple: la torture est pratiquée dans les lieux de détention
pendant les enquêtes menées par la police judiciaire, et
malheureusement les juges le savent et couvrent l'illégalité de
telles enquêtes au lieu de procéder à l'annulation de ces
aveux et à négliger leur valeur probante. Pour conclure, on peut
dire que malheureusement l'acceptation de ces aveux par les juges
représente à la fois :1° : un retour en arrière et
notamment aux époques anciennes où l'on permettait le recours
à la torture pour obtenir des aveux ; 2° : une couverture de la
criminalité
1102 V. en langue arabe : Arrêt n°
108 du 11 /05/1962, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
sa recréation , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, Beyrouth, 1990, p.
20.
1103 V. en langue arabe : Arrêt n°
279 du 18 /06/1964, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
sa recréation , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 20.
1104 V. en langue arabe : Cour criminelle du
Mont Liban, procès n° 30 du 01/01/1998, le Président : Hatem
Madhi : le livre du juge : J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions
pénales 1996-1999, 1er éd., Éditions juridiques
Sader, Beyrouth, 2000, n° 171, pp. 278-279.
de la police judiciaire ; 3° : une perte des garanties
des individus ; 4° : une atteinte aux droits de la défense ;
5° : une violation des principes de la légalité de la
procédure et des preuves pénales. Donc, il est honteux que le
juge puisse dissimuler une telle réalité et être
impliqué dans ce crime, par l'acceptation de ces aveux, et leur accorder
une valeur juridique au lieu de les dépouiller de toute valeur et de
sanctionner les auteurs de ces violations.
192. La troisième opinion :
l'inadmissibilité de l'aveu obtenu illégalement. Ne pas
accepter l'aveu obtenu sous la contrainte ou comme conséquence de la
contrainte : représente la position de la Cour de cassation qui
maintient la condition du libre arbitre comme critère essentiel de
validité de l'aveu, comme indiqué dans l'arrêt
ci-après de la Cour : Attendu que l'accusé...est revenu sur sa
déposition lors de l'interrogatoire (l'enquête devant le juge
d'instruction) et a nié son trafic de drogue, et a déclaré
que la quantité saisie en sa possession est destinée à sa
consommation personnelle, et il a ajouté qu'il revient sur sa
première déposition car il a été battu, -- comme il
est apparent sur son corps-- , et a demandé au juge d'instruction de
désigner un médecin légiste pour l'examiner. Attendu que
le rapport du médecin médico-légal a précisé
que l'accusé a été soumis à la coercition pendant
l'enquête préliminaire, ainsi son aveu n'a pas été
délivré par son libre arbitre, et donc cette Cour ne doit
1105
pas lui accorder suffisamment de confiance et doit par
conséquent le négliger . Dans un autre arrêt, la Cour de
cassation a également adopté la même position que le cas
précédent, et n'a pas retenu l'aveu obtenu suite à la
violence, comme indiqué dans sa décision : « Le suspect
a été battu dans une période concomitante à la date
de sa déposition à l'enquête préliminaire, ce qui
entache cette déposition d'irrégularité, d'où elle
ne peut être adoptée à
titre de preuve contre l'accusé »
|
1106
|
. Dans un autre arrêt plus ancien de la Cour de
cassation, il
|
270
a été noté qu' « est
considérée comme illégale, chaque méthode de
coercition employée pour amener l'accusé à avouer, quelle
que soit la véracité et la réalité des faits objet
de cet
aveu » 1107 . Dans un autre
arrêt, la Cour de cassation a considéré que: s'il a
été prouvé que l'accusé a été battu
pendant son témoignage à l'enquête préliminaire,
ceci anéantit1108 la
1105 V. en langue arabe : Cour de cassation
en matière pénale, chambre n° 7, arrêt n° 182 du
27/07/2002, Président : Ahmed Almâallem, Conseillers : Samir Matar
et Assem Safieddine / livre de A. Shamsiddine, Classification annuelle dans
les affaires criminelles, jurisprudence de 2002, pp. 114-115.
1106 V. en langue arabe : Cour de cassation
en matière pénale, chambre n° 6, arrêt n° 01 du
03/01/2002, Président : Ralph Riyashi, Conseillers : Khodhor Zenhour et
Borkan Saâd / livre de A. Shamsiddine, Classification annuelle dans
les affaires criminelles, jurisprudence de 2002, p. 137.
1107 V. en langue arabe : Arrêt n°
151 du 11 /06/1952, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
son rétablissement , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 14.
1108 Anéanti : complètement
détruit.
271
valeur probante de l'aveu, comme indiqué dans la
décision : «...attendu que l'accusé conteste la
validité de l'aveu qui lui a été extirpé dans
l'enquête préliminaire sous le poids de battements/ et attendu que
l'accusé a été battu lors de sa déposition dans
l'enquête préliminaire, chose qui a été
vérifiée par le juge d'instruction pendant qu'il l'interroge,
lorsqu'en l'examinant il a découvert de grandes taches verdâtres
sur son bras, sa hanche et ses jambes, ainsi que des blessures sur ses
poignets, et toutes ces indications prouvent que la personne en question a
été bel et bien été exposée à la
violence, surtout que cet accusé était en détention entre
la période de l'interrogatoire de l'enquête préliminaire et
l'interrogatoire de première comparution, chose qui exclut que cette
violence provienne d'autres causes non liées à l'enquête
initiale, tant qu'il n'y a pas de preuves de ces autres raisons; et attendu que
l'incident de la violence pratiquée sur l'accusé, a
été confirmé par le témoignage de Monsieur F.M,
devant la Cour de cassation, qui a vu des traces de coups sur le corps de
l'accusé lors de leur arrestation dans la même cellule ... et
attendu que le fait que l'accusé a été battu lors de
l'enquête préliminaire, comme cela a été
prouvé précédemment, aurait pour effet de compromettre la
valeur probante de son aveu dans l'enquête citée et rend cette
reconnaissance négligeable et irrecevable et n'a pas d'effets pour
prouver la véracité de ce
1109
qui lui a été attribué ».
Dans un ancien arrêt, la Cour a aussi insisté sur le fait que
l'aveu doit être conscient et volontaire pour être recevable, et
qu'il ne peut être considéré ainsi s'il a été
le fruit de la coercition et de la torture « il a été
constaté que pendant l'enquête préliminaire, les officiers
de la brigade des stupéfiants ont mentionné que les deux
accusés ont admis qu'ils détenaient un lieu pour la consommation
de la drogue, mais se sont rétractés devant le juge
d'instruction, aussi, les témoins à charge sont revenus sur leurs
dépositions, en indiquant que leurs premières déclarations
ont été obtenues sous la pression et les coups. Il s'est
avéré aussi que le juge d'instruction -- pendant qu'il
interrogeait le prévenu «S» -- , avait remarqué qu'il
avait une blessure au front ainsi que des ecchymoses au dos...le juge a
également remarqué la présence d'ecchymoses sur le
deuxième accusé...Attendu que le juge a mentionné dans les
procès verbaux des interrogatoires des deux accusés, ce qui
prouve l'incident de la violence, mentions confirmées par les
témoins...et attendu que les preuves rapportées dans ce cas ne
rassurent pas la Cour, qui n'aurait pas la conscience tranquille, si
1109 V. en langue arabe : Cour de cassation
en matière pénale, chambre n° 6, arrêt n° 01 du
03/01/2002, Président : Ralph Riyashi, Conseillers : Khodhor Zenhour et
Borkan Saâd, Hassoun / droit public (décision n° 166
publiée le 10/06/03, rendue en Cassation, livre de A. Shamsiddine,
Jurisprudence criminelle 2003, pp. 389390.
ces aveux seraient acceptés et seront à la base
du jugement des accusés »
1110
. La Cour a
272
également déclaré que l'aveu ne peut pas
être fiable, s'il est obtenu par la coercition : «est
considérée illégale, chaque méthode coercitive
utilisée pour emmener l'accuser à avouer,
1111
.
indépendamment du fait que ces faits soient certains
et réels»
193. Évaluation de la position adoptée par
la jurisprudence libanaise. Le principe est que l'aveu en matière
pénale est laissé à l'appréciation du juge
pénal, mais cela ne signifie pas
1112
consacrer la domination du juge sur ses composantes et les
moyens pour l'obtenir
.
Toutefois, la juridiction ne peut pas adopter comme principe
juridique la formule: « la fin justifie les moyens ». En
fait, et dans toute législation procédurale correcte, il faut que
les moyens juridiques légaux soient capables à eux seuls de
prouver l'innocence d'un innocent ou la culpabilité d'un accusé,
faute de quoi toute la structure procédurale serait perturbée si
elle ne permettait pas de prouver l'innocence ou la culpabilité, sans
porter atteinte aux fondements du principe de la légalité. Ainsi,
il n'est pas vrai de dire qu'arriver à trouver la vérité
et prouver la perpétration du crime peut servir à justifier la
non-soumission des éléments de preuve au principe de la
légalité de la preuve pénale et surtout dans le domaine de
l'aveu. Donc, et afin que l'aveu soit valable et produise ses effets
juridiques, il est inévitable qu'il soit exempt de toute influence
extérieure, c'est-à-dire qu'il soit délivré par
l'accusé en toute volonté et conscience. Ce n'est qu'alors que
cet aveu sera considéré recevable, valable et légal.
194. Proposition de réforme en droit libanais.
À titre de réforme, nous suggérons, afin de garantir
la déclaration volontaire, que le législateur libanais fasse des
lois concernant l'obligation d'enregistrement des interrogatoires des
gardés à vue et des interrogatoires simples pendant le
déroulement de l'enquête (flagrante et
préliminaire) pour deux raisons. La première raison, c'est que
dans la pratique des interrogatoires, nous n'avons jamais vu des
procès-verbaux vierges, c'est-à-dire vides, concernant l'audition
et l'interrogatoire en raison du silence de suspect dont les raisons ne sont
pas connues. Mais, à notre avis, si le suspect a choisi de garder sa
silence, le procès-verbal doit être la preuve de
1110 V. en langue arabe : Arrêt n°
163 du 24/03/1966, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
sa recréation , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, 1990, pp. 19-20.
1111 V. en langue arabe : Arrêt n°
163 du 24/03/1966, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
son rétablissement , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 20.
1112 V. en langue arabe : E. Abou-Eid,
Théorie de la preuve, op .cit., n° 164, p.
276.
273
son choix, l'officier de police qui est en train
d'enquêter doit expliquer et noter sur le procès-verbal que le
suspect a gardé le silence. En effet, la torture et les traitements
inhumains ou dégradants pourraient porter atteinte au droit au silence
du suspect, le recours à la torture par l'officier de police judicaire
peut être un outil pratique pour bafouer le droit de garder le
silence 1113 . Au Liban, beaucoup
d'éléments de preuve dans un interrogatoire de police judicaire
sont recueillis au moyen de la torture. Nous suggérons que les
interrogatoires soient enregistrés dans leur intégralité
avec la caméra positionnée parce que la présence d'une
caméra devrait décourager les policiers d'utiliser des
méthodes d'interrogation inadéquates comme la torture ou la
contrainte morale et physique. L'autre raison, c'est que les indices
audiovisuels des interrogatoires pourraient aider les enquêteurs à
évaluer plus précisément la spontanéité et
la véracité des déclarations. De cette manière,
l'obligation d'enregistrement des interrogatoires serait un moyen efficace de
protection des droits des personnes interrogées et en même temps
un indice de fiabilité d'un élément de preuve.
1113 V. « Liban : Tortures et poursuites
pénales de civils devant des juridictions militaires » Alkarama for
Human Rights a soumis au Rapporteur spécial sur la torture les cas de 9
personnes arrêtées, torturées et détenues au secret
par des services de renseignements au siège du ministère de la
Défense à Beyrouth. Elles ont été privées de
soins à la prison de Roumié en dépit des blessures
qu'elles ont subies et des séquelles de la torture et de l'état
de délabrement physique et moral dans lequel elles se trouvaient
après ces deux semaines de sévices. Le juge d'instruction a
refusé de les faire examiner par expert médical pour faire
constater les tortures dont elles ont fait l'objet et dont elles gardent encore
les séquelles, au motif "qu'il leur appartenait à elles seuls de
rapporter la preuve des tortures qu'elles ont subies !". Alkarama for Human
Rights craint particulièrement que les procès-verbaux
établis sur la base des aveux arrachés sous la torture ne soient
pris en considération dans leur cas par la juridiction militaire de
jugement et ne servent à les condamner à de lourdes peines
d'emprisonnement. Rapport disponible en ligne sur : http://fr.alkarama.org/
Section II
La question de la légalité des
procédés scientifiques
195. Recevabilité des méthodes scientifiques
de preuve. Le fabuleux progrès scientifique et technique du monde
moderne a apporté un changement impressionnant dans plusieurs
domaines 1114 et a laissé des traces dans la
façon d'élucider des crimes, de les prouver et de retrouver les
coupables, et ce en utilisant des moyens techniques et scientifiques
révélés par le
monde moderne
|
1115
|
. Le développement des moyens de crimes s'est
ponctué aussi par le
|
274
développement des moyens de les élucider. Les
moyens classiques et traditionnels connus, comme la perquisition ou
l'interrogatoire 1116 , ne sont plus les seuls utilisés dans les
enquêtes criminelles et la recherche de preuves 1117 . Les techniques
modernes sont devenus des moyens des plus importants pour élucider les
crimes 1118 et trouver les preuves irréfutables de la
culpabilité de l'auteur du crime 1119 « et
sous l'angle de la procédure, et de la procédure pénale en
particulier, on se pose la question de savoir si le recours à certaines
techniques n'autoriserait pas une meilleure approche de la vérité
et bien sûr la découverte de
1114 V. sur ce point : M.-N. Georges, «
La preuve de la paternité et le progrès de la science », in
R.I.D.C., Vol. 9, n° 1, Janvier-mars 1957, pp. 43-55, V. spec. p.
44 : « Pour bien estimer l'influence que les progrès de la
science ont eus sur le droit, on doit savoir dans les grandes lignes quelles
sont la nature et la portée de ces progrès ».
1115 A. Diaa Eddine, « La preuve
scientifique et son rôle dans la preuve pénale », in
Magazine de la sécurité publique, n° 150,
année 37, Juillet 1995, p. 62.
1116 V. sur ce point l'avis de M. Roger Houin
: R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve
», in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75,
V. spec. pp. 69-70 : « Il ne semble pas, non plus, que ces
méthodes puissent fournir de nouvelles catégories juridiques de
preuve » ; M. R. Houin continue à dire : R. Houin, « Le
progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C.,
Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 6975, V. spec. p. 70 :
« Il s'agira toujours de recueillir ou bien la volonté, la
pensée, l'opinion des parties (c'est l'aveu, le serment, les titres
préconstitués), ou bien de recevoir les témoignages des
tiers, ou bien de réunir des indices matériels au moyen notamment
d'expertises ».
1117 V. sur ce point : V. Antoine, Le
consentement en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 435, p. 294 : « L'aveu
serait désormais concurrencé par les preuves scientifiques et
médicales ».
1118 V. sur ce point : V. Antoine, Le
consentement en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 433, p. 293 : « La
conception classique du droit de la preuve prônait l'aveu, qui s'oppose
à la conception moderne se fondant sur le support scientifique et
technique ».
1119 V. en ce sens : J. Magnol, « L'aveu
dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. pp.
523-524 : « En dehors des procédés abusifs de la police,
que l'on ne peut que réprouver, d'autres moyens peuvent être
appliqués pour obtenir l'aveu au cours de l'interrogatoire. Ils sont la
conséquence de découvertes scientifiques ou psychologiques qui
permettent d'explorer le subconscient de l'inculpé ».
coupable »
. Sans doute les progrès scientifiques peuvent contribuer
au développement
1121
dans la manifestation de la vérité
275
1120
surtout dans la progression de la qualité de la preuve,
. Mais l'utilisation
1123
de ces moyens et techniques modernes dans la preuve pénale
pose certains problèmes
1122
c'est-à-dire développer la satisfaction de
critères de vérité dans la preuve
.
Quel est le problème essentiel ? C'est le problème
de la légalité des méthodes scientifiques de preuve qui se
résume par le problème de la recevabilité des preuves
résultant des méthodes
1124
scientifiques . La recevabilité de ces méthodes
connaît des obstacles qui peuvent surgir pour écarter ces
méthodes scientifiques: les principes généraux de l'ordre
public, le respect
. Il est donc nécessaire et
1126
indispensable que le législateur encadre strictement
l'utilisation de la preuve scientifique
1125
des droits de la personnalité humaine et enfin le pouvoir
du juge
.
M. Mustapha Awji pense, à ce propos, qu'il n'y a pas
d'inconvénient juridique à utiliser ces
1120 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 880, p.
712.
1121 V. C. Ambroise-Castérot, «
Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n°
8, p. 3 : « Les procédés scientifiques de preuve ont
largement modifié la recherche de la vérité dans le
procès pénal ».
1122 V. sur ce point : R. Houin, « Le
progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C.,
Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 70 :
« Qu'est-ce donc que la science peut fournir dans cette recherche des
preuves ? Essentiellement une plus grande précision, une plus grande
certitude, en un mot la vérité. Car le but de la preuve est de
persuader le juge de la réalité d'un fait ou d'un état
psychologique. Or, la science, par définition même, tend à
la découverte de cette réalité. L'utilisation des
méthodes scientifiques permettra donc d'approcher cette
vérité de plus près sinon même de l'atteindre
».
1123 M. Roger Houin aborde le problème
: R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve
», in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75,
V. spec. p. 70 : « On reconnaît là les deux aspects
traditionnels du droit de la preuve : la recevabilité et la valeur
probante. Logiquement, les méthodes scientifiques devraient toujours
être recevables et les preuves scientifiques toujours
irréfragables. Telle n'est cependant pas la réalité
juridique et il faut rechercher les limites qui peuvent s'opposer à la
recevabilité des méthodes scientifiques ou qui peuvent limiter la
valeur probante des preuves scientifiques. Il n'y a nul illogisme à le
faire. Le droit n'est pas seulement ni même principalement une science ;
c'est un art politique qui doit tenir compte des moeurs et des valeurs
humaines. Il existe des vérités immorales qui ne sont pas bonnes
à dire ni à imposer ; il existe en tout cas des droits
supérieurs de la personnalité humaine devant lesquels la
recherche de la vérité scientifique peut avoir à
s'arrêter ».
1124 V. Intervention de M. Marc Ancel, «
L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec.
l'intervention de M. Marc Ancel p. 5 41: « Je dirai même que la
question qui se pose est peut-être moins de savoir absolument si un
individu a commis une infraction, que comment il a pu y arriver ; la question
n'est pas d'apporter une preuve irréfutable, une preuve légale de
la matérialité du fait, elle consiste à expliquer le fait
; c'est à cet égard qu'une procédure plus largement
comprise pourrait s'approprier des moyens d'investigation nouveaux sans danger
pour le respect de la personnalité humaine. Seulement, c'est là
un très grand problème ».
1125 R. Houin, « Le progrès de la
science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n°
1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. pp. 70-71.
1126 V. en ce sens : P. Hennion-Jacquet,
« L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la
Convention européenne des droits de l'homme », in D.,
2005, p. 2575 et s., V. spec n° 3: « Les sciences et
techniques étant en constante évolution, il serait inconcevable
que leur progrès ne serve pas la justice criminelle. Cependant, à
l'instar de la science, la justice doit demeurer au service des hommes et
assurer le respect de leurs droits fondamentaux. Il est donc nécessaire
que les conditions d'obtention de la preuve soient encadrées par la loi
».
moyens modernes dans la recherche de vérité tant
que ceux-ci ne constituent pas une violation des droits consacrés par la
loi, le plus important étant la liberté de volonté (libre
arbitre) et la
1127
non-ingérence dans la vie privée des personnes
. Cette utilisation doit être faite dans les
276
limites autorisées par la loi et d'une façon qui
ne porte pas atteinte à l'humanité de l'individu, à sa
dignité, à ses affaires privées et à ses
correspondances privées à caractère confidentiel dans les
limites de ce qui est nécessaire pour élucider un crime et
prouver la relation de la personne avec ce crime 1128 . Contrairement à
l'avis de M. Mustapha Awji, nous pensons que l'application du principe de
légalité de la preuve pénale nécessite
forcément une intervention
et techniques
1129
du législateur pour qu'il légifère sur la
légalité du recours à ces moyens
modernes dans l'enquête car la liberté de rechercher
une preuve n'est limitée que par le
1130
principe de légalité de preuve, vu que le
législateur libanais adopte le principe de liberté de la preuve
pénale. Mais elle est limitée aux moyens et procédures
reconnues et légalisées par la loi. De surcroît, le recours
à certains procédés scientifiques pour obtenir des preuves
va
1131
s'opposer aux limites résultant de l'ordre public et des
droits de la personnalité humaine
.
Le problème essentiel du recours aux
procédés scientifiques ou plus exactement la prohibition
1127 M. Awji, Leçons de
procédure pénale, 1er éd., Éditions
juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 184. 1128 M.
Awji, Leçons de procédure pénale, 1er
éd., Éditions juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p.
184.
1129 V. R. Houin, « Le progrès de
la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5,
n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 72 : « Ce premier
obstacle à la recevabilité des méthodes scientifiques est
donc avant tout un problème législatif ; le juge ne semble pas
avoir les moyens de le résoudre. S'il apparaît que certains
procédés scientifiques sont utiles et ne heurtent pas les moeurs,
c'est au législateur d'intervenir ».
1130 V. sur ce point et sur aveu involontaire
en droit français: V. Antoine, Le consentement en procédure
pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1,
2011, n°463, p. 319 : « Si la recherche de la preuve est au coeur
de l'investigation policière, comme le rappelle l'article 14 du Code de
procédure pénale, elle est gouvernée par le principe de la
légalité qui interdit l'utilisation de certains
procédés, largement attentatoires à certains droits et
libertés fondamentaux de l'individu concerné. Les
procédés comme l'hypnose, la narcose, le détecteur de
mensonges sont des techniques qui permettent d'agir sur le consentement
à parler de la personne en annihilant sa volonté »
1131 V. sur ce point : R. Houin, « Le
progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C.,
Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 72 :
« En dehors des textes précis, les principes
généraux du droit fournissent d'autres limites à la
recevabilité des méthodes scientifiques de preuve et ce sont,
sans doute, les limites les plus graves. Certains procédés
scientifiques intéressent en effet l'homme dans sa personne physique ou
psychique ... Ce sont les procédés psychologiques ou
physiologiques destinés à vérifier la
véracité d'un aveu ou d'un témoignage ou même
destinés à provoquer cet aveu ou ce témoignage, tel
l'emploi des « sérums de vérité », scopolamine,
penthotal, etc. Peut-on contraindre une partie au procès, un
prévenu, un témoin à subir de tels examens, de tels
traitements ? N'est-ce pas une atteinte aux droits de la personne humaine ?
Question ardemment discutée qui a déjà été
portée dans les enceintes judiciaires. Aux droits de l'individu on
oppose les droits de la société, plus énergiques
d'ailleurs en droit pénal qu'en droit privé. A la recherche de la
vérité absolue on oppose le droit de l'accusé de mentir
pour se défendre. Aux nécessités de la justice on oppose
la crainte que des atteintes successives à la personnalité
finissent par faire disparaître cette personnalité ».
de l'aveu provoqué par des procédés
scientifiques est dû aux conditions nécessaires de l'aveu
1132
comme l'indique Mme Coralie Ambroise-Castérot
.
§ 1. Moyens d'obtenir la preuve qui vise à
affaiblir et anéantir la volonté.
196. Procédé de preuve et
volonté. Mme Coralie Amboise-Casterot affirme que « le
procès pénal doit être conduit selon le respect de
principes fondamentaux : respect de la dignité de l'individu et aussi de
la justice, mais aussi respect du procès équitable. De plus, la
procédure pénale doit répondre à l'exigence selon
laquelle nul ne peut être contraint de participer à sa propre
incrimination. Par conséquent, les policiers, le juge ou le
Ministère public sont tenus
de rechercher la preuve loyalement. »
|
1133
|
. La preuve pénale, spécialement l'aveu,
doit être
|
277
volontaire, ce qui désigne le rejet de tout moyen qui
peut menacer la volonté de l'individu. L'usage des
procédés scientifiques porte un risque considérable sur la
volonté de l'individu
afin d'obtenir des éléments de preuve 1134 .
Certains procédés scientifiques présentés comme de
nouveaux outils pour produire des preuves probantes peuvent affaiblir la
volonté individuelle de façon efficace, et peuvent même
anéantir la volonté. Ce qui précède ouvre le
débat sur la légalité des procédés
utilisés et certainement sur la légalité d'un
élément de preuve résultant
1135
.
d'un procédé scientifique qui a affaibli ou
anéanti la volonté de l'individu qui a avoué
A. Preuve obtenue de l'emploi de la narco-analyse
(sérum de vérité).
197. Que signifie le sérum de vérité.
Il s'agit d'un anesthésique utilisé afin de produire une
certaine réduction ou un dysfonctionnement sur le contrôle
volontaire de la personne, ainsi que la suppression des entraves posées
par son inconscient de façon qu'on puisse obtenir des
1132 V. C. Ambroise-Castérot, «
Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n°
35, p. 7 : « L'individu doit avoir la possibilité de se
défendre comme il l'entend. Le droit au silence, qui lui est aujourd'hui
reconnu constitue l'expression de cette liberté de choix dans sa
défense. Provoquer son aveu en altérant ou en annihilant sa
volonté et sa conscience contreviendrait à ses droits
fondamentaux ».
1133 C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 246-1, p. 173.
1134 V. Antoine, Le consentement en
procédure pénale, Thèse de droit, Université
Montpellier 1, 2011, n° 433, p. 293.
1135 V. Lesclous, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 71 : « Des
procédés tels que l'hypnotisme, l'injection de narcotiques ou
l'emploi de détecteur de mensonges, même avec le consentement de
la personne concernée ou le concours d'un expert, sont
nécessairement attentatoires à la dignité humaine
».
informations emmagasinées dans son inconscient, ce qui
induit un état de sommeil ou de relaxation pour un certain temps
où la volonté de la personne est anéantie sans que sa
1136
conscience ne soit affectée
. Or, sa résistance à dissimuler ce qu'elle ne veut
pas divulguer
s'affaiblit. Ainsi, il sera facile de la pousser à
faire des aveux car elle développe une volonté d'exprimer ses
sentiments internes, le contrôle par l'accusé de sa volonté
et de son choix est alors objet de dysfonctionnement, par conséquent, il
avoue des propos qu'il ne veut pas divulguer grâce à ce
procédé. On peut dire alors que l'utilisation du sérum de
vérité dans l'interrogatoire et l'audition de l'accusé ou
du suspect constitue à la fois une contrainte matérielle et
morale à cause de l'injection de ce sérum dans le corps de
l'accusé, l'exposant,
ainsi, au danger et exerçant indubitablement une
pression morale sur sa volonté
|
1137
|
. De ce fait,
|
278
tout aveu résultant de l'utilisation de ce
procédé ou de son effet est considéré comme aveu
obtenu sous contrainte, ce qui est inacceptable et ne peut être pris pour
une preuve pénale car incompatible avec le principe de la
légalité des preuves et parce que dans un État de droit,
la question de la preuve est nécessairement soumise au principe de
légalité et au respect des droits fondamentaux qui gouvernent la
recherche et la production des preuves. Concernant l'utilisation des
anesthésiques, qui consiste à injecter au suspect un
anesthésique appelé Penthotal ou sérum de
vérité, une substance pouvant faire perdre à
l'accusé le contrôle de sa volonté et l'induisant à
parler sans contrôler les informations ni les aveux qu'il divulgue
volontairement ou involontairement, il s'agit de l'évacuation
involontaire des informations contenues dans l'esprit de l'accusé sans
qu'il puisse les contrôler. Ainsi, la majorité de la doctrine
considère que ce procédé transgresse le principe
d'intégrité, loyauté et légalité dans la
recherche, ainsi que les droits de l'accusé, notamment son droit
à la défense, à la sécurité de son corps et
d'avouer ce qu'il veut en toute liberté fondé sur le respect de
son droit inné au silence et à l'utilisation de l'aubaine de
conscience.
198. Nature de l'atteinte induite par l'utilisation de la
narco-analyse. Au Liban, ce sujet ne revêt aucune importance d'un
point de vue doctrinal, et est complètement négligé dans
les ouvrages juridiques libanais. Le droit libanais n'y fait
référence dans aucun texte juridique, et si nous le recherchons
dans les livres libanais, nous ne pourrons que rarement trouver
1136 V. en ce sens : V. Antoine, Le
consentement en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 464, p. 319 : Narcose:
« Il s'agit de provoquer un sommeil artificiel à l'aide de
médicaments. L'utilisation de ce procédé est interdite car
il vise à briser les résistances de l'individu à l'aide de
la science, afin de l'obliger à avouer ».
1137 V. R. Houin, « Le progrès de
la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5,
n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 70 : « Pour
l'aveu ou le témoignage, des procédés psychologiques ou
chimiques permettront d'en apprécier la véracité ou
même de les obtenir par la contrainte ».
quelques idées traduites en arabe à partir de
quelques avis de la doctrine française. Il est important de signaler
qu'à ce jour, aucun système de sécurité libanais ou
police judiciaire n'a avoué avoir utilisé le sérum de
vérité dans une quelconque enquête judiciaire et aucun
accusé
1138
n'a proclamé avoir subi un interrogatoire ou une audition
avec le sérum de vérité
.
279
La position de la doctrine se divise, concernant la
légalité de l'utilisation des anesthésiques dans les
enquêtes criminelles, en deux courants :
Premier courant qui admet l'utilisation des
anesthésiques. Ce courant doctrinal appuie le recours aux
anesthésiques, mais cet appui n'est pas total et les partisans de ce
courant ont émis des réserves. Certains d'entre eux pensent que
ce recours ne doit être autorisé que dans certains crimes
dangereux, comme les meurtres, incendies, obstructions de voies publiques, et
les crimes qui menacent la sûreté et la sécurité de
l'État1139, qu'il ne doit se faire que sur arrêt
motivé pouvant faire l'objet de recours devant les juges, et que la
procédure doit avoir lieu en
1140
présence de l'avocat de l'accusé. Nous leur
répondons à ce propos que le principe fondamental de la preuve
pénale est la liberté de choisir le moyen de preuve, et donc, il
est illogique de consacrer des moyens de preuves spécifiques à
certaines infractions car il s'agit d'une transgression de la règle de
liberté de la preuve pénale, et il n'y a aucun motif justifiant
de l'ajouter aux exceptions citées dans les Codes libanais et
français dans le domaine de la liberté de la preuve. De plus, la
gravité d'un crime ne justifie pas de sacrifier tous les principes
juridiques généraux consacrés qui protègent les
droits de l'homme, sa liberté et ses droits fondamentaux lorsqu'il fait
l'objet d'une enquête pénale. D'autres avis et opinions doctrinaux
ont exigé de ne pas avoir recours à cette méthode pour
avoir des aveux de l'accusé ou connaître des données
générales sur le crime, mais plutôt pour la recherche
psychologique, c'est-à-dire pour démontrer la personnalité
de l'accusé et dévoiler les différents mobiles
1138 V. sur la prohibition de
l'interrogatoire sous penthotal : C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 37,
p. 7 : « La narco- analyse, par emploi du penthotal ou sérum de
vérité, duquel on doit rapprocher le procédé de
recours à l'hypnose, vise à briser les résistances de
l'individu à l'aide de la science, afin de l'obliger à avouer
».
1139 V. en ce sens : J. Magnol, « L'aveu
dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 528 :
« La narco-analyse, écrit M. Graven à la fin de son
étude précitée sur le problème des nouvelles
techniques d'investigation au procès pénal, où il
résume à ce point de vue l'opinion générale, ne
devrait pouvoir être décidée que dans l'instruction
judiciaire poursuivie sur des crimes graves de droit commun, comme le meurtre
et l'assassinat, l'incendie et l'explosion, le brigandage, le viol, etc., et
à l'encontre d'inculpés sur lesquels pèsent des charges
sérieuses ne pouvant être infirmées ou confirmées
par les procédés ordinaires ».
1140 J. Graven, « Le
problème des nouvelles techniques d'investigation au procès
pénal », in R.S.C., 1950, n° 3, pp.
312-357, V. spec. p. 326.
1141
intimes . Là aussi, cet argument paraît peu
convaincant car la condamnation dans le
280
domaine pénal s'appuie sur la conviction du juge que
l'accusé a commis le crime appuyé en cela par la preuve
pénale, la pierre angulaire de cette conviction étant la preuve
pénale correcte capable de convaincre le juge, c'est-à-dire que
le juge focalise son jugement sur la conviction, elle-même basée
sur la preuve et non sur des motifs psychologiques ou sur les études de
criminologie ou de pénologie (science pénitentiaire). La doctrine
pénale s'est arrêtée à ce que le motif amenant
à commettre le crime ne soit pas pris en compte car il fait partie des
mobiles qui n'influent pas sur la vérité de la
perpétration du crime et sa sanction. Ainsi, utiliser cet argument pour
justifier le recours au sérum de vérité est
réfuté et inadmissible car il ne revêt aucune conviction
rationnelle.
Deuxième courant qui n'admet pas l'utilisation des
anesthésiques. Ce courant doctrinal refuse le recours à la
narco-analyse 1142 dans les enquêtes criminelles 1143 , et ce courant est
celui
1144
de la majorité de la doctrine française et de la
doctrine égyptienne en général auxquelles on
a eu recours puisque la doctrine libanaise n'accorde pas autant
d'importance à cette
vu qu'il respecte les droits de l'homme et
11451146
question. Nous le soutenons sans hésitation
1141 P. Bouzat, « Les
procédés modernes d'investigation et la protection des droits de
la défense », Cinquième Congrès international de
droit comparé, Bruxelles, 4-9 août 1958, in R.S.C., 1958,
n° 2, avril-juin, Supplément, p. 3-15, V. spec. p. 12.
1142 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 :
« Le deuxième Congrès international de défense
sociale, tenu à Liège en octobre 1949, a voté à la
majorité la résolution suivante : Le Congrès condamne la
narco-analyse sous toutes ses formes, de même que toutes les
méthodes provoquant une modification de l'état de conscience
comme moyen d'investigation judiciaire », tout en l'admettant « comme
moyen thérapeutique employé par le médecin traitant
lié par le secret professionnel ».
1143 V. sur ce point : Intervention de M.
Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale »,
in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541,
V. spec. l'intervention de M. Alfredo Molinario précisément p.
533 : « Je m'oppose formellement à l'emploi de ce sérum
comme moyen d'investigation de la procédure pénale parce qu'il ne
faut pas oublier, au point de vue juridique, que si l'aveu est un fait, lorsque
la loi reconnaît ce fait pour lui accorder un effet juridique, ce fait se
transforme en un acte juridique, et cet acte juridique ne peut avoir de valeur
que lorsque la partie, qui l'a fait, a agi en pleine conscience et pleine
liberté. La règle sur la théorie générale
des actes juridiques est, applicable à l'aveu de l'inculpé. Son
aveu est un acte juridique comme n'importe quel autre : dès lors pour
qu'il ait une valeur légale, il faut absolument qu'il soit conscient et
libre comme tous les actes juridiques ».
1144 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 :
« L'Académie de médecine de chez nous s'est
prononcée à l'unanimité le 22 mars 1949 contre l'emploi du
prétendu « sérum de la vérité » dans les
expertises judiciaires (Bulletin de l'Académie, 1949, p., 266). De
même le Conseil de l'Ordre des avocats de Paris s'est élevé
contre l'emploi de la narco-analyse comme moyen d'obtenir l'aveu dans le
procès pénal, sur le rapport de Me Coulhac-Mazérieux, le
13 juillet 1948 {Gaz. Pal., 21-23 juillet 1948) ».
1145 V. l'avis de la doctrine
égyptienne en langue arabe : M. Mustapha, Explication de la
procédure pénale, 12e éd., imprimerie de
l'université du Caire, 1988, p. 303 ; A. Fathi Srour,
L'intermédiaire dans la procédure pénale,
imprimerie de l'université du Caire, édition 1979, tome 1, pp.
524-425 ; A. Abdarrahim Othmane, L'expertise
ses libertés fondamentales consacrés par la loi
et les conventions internationales. Le recours à la narco-analyse ou au
sérum de vérité est refusé par la doctrine
française. Mme Haritini Matsopoulou considère que l'emploi de la
narco-analyse comme moyen d'obtenir l'aveu dans le procès pénal
est « incompatible avec les droits de la défense - qui
impliquent un droit au silence, ainsi qu'un droit au mensonge et à la
simulation -, et même il constitue une atteinte à
l'intégrité corporelle, puisqu'il faut
administrer une piqûre à l'intéressé »
|
1147
|
. Mme Michèle-
|
281
Laure Rassat souligne que l'utilisation de la narco-analyse dans
la recherche de la preuve est
inadmissible parce que le suspect ou l'accusé a le
droit de mentir 1148 . Les principes de liberté et de
légalité sont le fruit du développement des
sociétés modernes et il faut y rester attaché
1149
car elles sont inviolables sous quelque prétexte ou
raison que se soit . Certains partisans de ce courant ont
considéré le recours à cette méthode comme une
forme de contrainte matérielle pour l'accusé qui la subit, et
certains l'ont considéré comme une contrainte matérielle
et
1150
morale à la fois.
dans les affaires pénales. Etude comparative,
Thèse de droit, le Caire 1964, p. 167 ; M. Najib Hosni,
Explication de la procédure pénale, 3e
éd., Dar Ennahda el arabia, 1998, p. 585 ; S. Sadek El Malla, L'aveu
de l'accusé, édition 1986, pp. 177-178 ; H. Sadek El
Merssafaoui, L'enquêteur pénal, Dar manchaat el maaref,
édition 1996, p. 78 et s. ; A. Khalil, L'aveu de l'accusé
doctrinalement et juridiquement, Dar el kotob el kanounia, 2004, p. 98 ;
I. El Ghemaz, Le témoignage comme preuve en matière
pénale, alem el kotob, 1980, p. 258 ; A. Mohamed Khalifa, « Le
sérum de vérité et le détecteur de mensonges
», in Magazine pénale nationale, Egypte, premier
numéro-Mars 1958, p. 95.
1146 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 :
« D'une façon générale la narco-analyse, la
narco-enquête comme on l'a appelée quelquefois, est
repoussée dans l'instruction judiciaire en tant que
procédé d'interrogatoire à l'effet d'obtenir des aveux
».
1147 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 890, p.
720.
1148 V. M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 254, p. 263 : « C'est ainsi que le droit français
a toujours refusé d'utiliser le polygraphe ou prétendu
détecteur de mensonge. Cet appareil d'enregistrer les modifications
subies par diverses fonctions physiologiques de l'individu interrogé. Il
serait censé signaler les mensonges commis qui seraient la source d'une
agitation du sujet perceptible par l'appareil... Même fiable, au surplus,
l'appareil aurait l'inconvénient de révéler des signes qui
ne sont pas sous la domination de la volonté du sujet interrogé
ce qui est contraire au droit élémentaire de se défendre
et même de mentir pour assurer sa défense. C'est la même
idée qui conduit à repousser l'utilisation de la narcose pour
procéder à un interrogatoire. Abolissant la volonté du
sujet celle-ci aurait pour effet de le priver de la faculté de mentir ce
qui est, en soi inacceptable surtout combiné avec la remarque que ce
prétendu « sérum de vérité »
apparaît parfois comme un « sérum de déballage »
où l'individu révèle des choses ne correspondant par
forcément à ce qui est exact. ... Il nous paraît certain,
en tout hypothèse, que ce n'est pas le procédé de
l'hypnose, lui-même qui est, en soi, condamnable, mais son utilisation
pour rechercher des preuves pénales spécifiquement
identifiées (interrogatoire et, selon la jurisprudence
témoignage)».
1149 V. en ce sens : V. Antoine, Le
consentement en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 467, p. 321 : « En ce
qui concerne ces procédés scientifiques, le polygraphe et le
« sérum de vérité » : L'utilisation de ces
procédés porterait atteinte à la dignité de la
personne humaine et au principe de loyauté dans la recherche des
preuves, en annihilant sa volonté par le biais de son consentement
à parler et le contrôle de soi. L'aveu pour être exploitable
doit être libre. Le suspect ne doit pas devenir un simple instrument
destiné à livrer des aveux par des méthodes censées
agir directement sur sa volonté, sur son consentement à parler
»
1150 V. sur ce point : W. P. J. Pompe, «
La preuve en procédure pénale », in R.S.C., 1961,
p. 274. : « Même si la
199. Les critiques juridiques de cette méthode.
M. Alec Mellor soulève une critique immanente qui nous semble assez
complète et ferme « c'est en dehors de l'accusé qu'il
faut
1151
découvrir les preuves »
. Le consentement préalable et libre de la
personne concernée pour
282
être soumise à l'utilisation de sérum de
vérité ne peut plus être une excuse pour violer les
droits humains et fondamentaux 1152 . Cette méthode ne
respecte pas la personnalité1153 de l'être
1154
humain, et comprime sa liberté d'exprimer sa
volonté. La personne peut réfuter l'accusation qui lui est
reprochée ou se justifier ou se défendre, étant dans un
état où il lui est difficile de se concentrer et d'avoir les
idées claires pour choisir volontairement ce qu'elle veut dire pouvant
influer sur la justesse de ses aveux et anéantir ses garanties à
choisir et présenter sa défense. Et ceci constitue une atteinte
inadmissible à la liberté personnelle de l'individu qui est sous
l'effet de cette méthode, et une atteinte à sa dignité, du
fait que cette méthode vise à lui soutirer des informations
confidentielles au lieu que celles-ci émanent de lui volontairement dans
les situations normales de l'enquête. En plus, l'utilisation de cette
méthode renferme une contrainte matérielle qui gène la
liberté de l'accusé pour se défendre et organiser cette
défense comme d'utiliser son droit de citation qu'il doit exercer lors
de son interrogatoire. Les aveux et informations qu'il fait sous l'effet de
cette méthode doivent être considérés comme nuls et
il ne faut pas leur donner la moindre valeur juridique ni les
contrainte envisagée n'implique aucune torture
physique, elle enlève à l'inculpé sa liberté
humaine. Ainsi, cette trouvaille de la science moderne, la narco-analyse, le
soi-disant sérum de vérité, est interdit. Le
"détecteur de mensonge" me paraît également interdit :
cette détection du mensonge implique un quasi-cambriolage dans le for
intérieur de l'inculpé. En dépit de leur aspect
scientifique, ces méthodes modernes présentent les mêmes
inconvénients que le banc de torture de jadis. Elles ne respectent pas
la dignité de l'homme qui y est considéré comme un objet,
et elles n'offrent aucune garantie quant à la véracité de
l'aveu [...] » ; V. en langue arabe : S. Hamad Salah, Les
garanties du droit de l'accusé à se défendre devant la
cour pénale, Thèse de droit, Université Ain chams
(Egypte), 1997-1998, p. 338 ; A. Abdarrahim Othmane, L'expertise dans les
affaires pénales. Etude comparative, Thèse de droit, le
Caire (Egypte), 1964, p. 167.
1151 A. Mellor, Les grands
problèmes contemporains de l'instruction criminelle,
Domat-Montchrestien, 1952, p. 75.
1152 V. sur en ce sens sur le consentement de
la personne concernée sur l'utilisation de Penthotal ou sérum de
vérité: C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in
Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 38, p. 7 :
« Le consentement d'un individu en situation de faiblesse, puisqu'il
est le sujet de la procédure, ne saurait être regardé comme
excusant une telle violation des libertés et droits fondamentaux de
l'individu (dans le cas contraire, pourquoi ne pas admettre un consentement
à la torture ?). Il est des droits et libertés qui ne se
négocient pas et qui ne sauraient souffrir la moindre violation
».
1153 V. Intervention de M. René de
Sola, « L'aveu dans la procédure pénale », in
R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V.
spec. l'intervention de M. René de Sola p. 535 : « on doit
considérer, d'une part, l'aspect de protection de la
société, d'autre part, l'aspect de protection de la
personnalité humaine »
1154 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 466, p. 414
: «... est à rejeter l'emploi de procédés
scientifiques pouvant porter atteinte à l'intégrité de la
personne ».
1155
considérer comme des preuves dans la citation. Ces aveux
doivent être écartés de
283
l'évaluation de l'autorité des juges du fond, et le
principe de la liberté du juge pénal de construire sa conviction
pour juger l'affaire ne peut justifier leur admission. Il ne faut pas
davantage autoriser l'utilisation de cette méthode
même si l'accusé la demande 1156 dans une tentative de prouver son
innocence, car cela touche aux valeurs humaines de l'individu. Son
utilisation dans les enquêtes, même sur demande de
l'accusé ou du suspect 1157 , en ferait
1158
graduellement une méthode acceptable pour certains, et
à force de répéter son utilisation, elle deviendrait
acceptable de façon indirecte car elle créerait la
présomption que tout accusé qui ne proposerait pas
spontanément ou volontairement d'y être soumis aurait peur
qu'on
découvre qu'il a commis le crime 1159 . Cette
présomption serait le coup de grâce porte au droit de
défense comme concept et qui est un droit consacré dans sa forme
actuelle, et constituerait
1155 J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 :
« les aveux obtenus à l'aide de la narcose me paraissent
dépourvus de valeur légale et ne peuvent être retenus comme
preuve judiciaire, pas plus que ne peuvent l'être les aveux
extorqués à l'aide de la torture. Non pas que l'application de
ces substances à l'aide d'une piqûre provoque une souffrance
physique appréciable et de très loin comparable à celle
résultant de la torture, mais parce que dans l'un et l'autre cas l'aveu
ne résulte pas d'une volonté consciente et libre ».
1156 V. sur ce point : Intervention de M.
Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale »,
in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541,
V. précisément p. 532 :« Je crois que tout ce qu'on dit
à propos du consentement de l'inculpé pour l'application de ce
sérum de vérité n'a aucune valeur juridique parce que
l'inculpé ne peut pas disposer des garanties constitutionnelles qui
doivent entourer sa défense. Ces garanties appartiennent à la
société tout entière et non pas à lui seul ; il n'a
pas le droit de renoncer à ses immunités .... Je crois que la
législation procédurale doit s'orienter sur cette ligne
générale ; il faut cependant diminuer le rôle de l'aveu
sans arriver à le supprimer totalement. Je crois qu'un aveu
sincère, spontané, rehausse la dignité humaine
».
1157 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 :
« On est à peu près d'accord pour reconnaître
qu'il n'existe pas de « sérum de la vérité » et
qu'il faut se garder d'avoir recours à ce prétendu sérum,
même du consentement de l'inculpé ».
1158 V. Intervention de M. René de
Sola, « L'aveu dans la procédure pénale », in
R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V.
spec. l'intervention de M. René de Sola p. 535 : « il
était très délicat de fixer, de façon
satisfaisante, les véritables limites de ces deux protections,
protection de la société et protection de la personnalité
humaine ; lorsqu'on soumet l'individu à des interrogatoires, à
des moyens contraires à la dignité humaine, on peut bien, ce
faisant, croire protéger la société, mais il est indigne
de la société elle-même de recourir à de tels moyens
».
1159 V. sur ce point : J. Magnol, «
L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in
R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V.
spec. pp. 528-529 : « On exigerait le consentement de
l'inculpé. Mais puisque le procédé est bénin, sans
souffrance appréciable et sans entraîner de suites fâcheuses
pour la santé, comment pourrait-il dépendre de cet inculpé
de son application étant donné le droit supérieur de la
Société à établir sa culpabilité ? Que si
l'inculpé refusait, avec le système de l'intime conviction du
juge, ne pourra-t-il pas entraîner dans l'esprit de ce dernier une
certaine présomption de culpabilité et ne sera-t-il pas
porté à voir dans ce refus une sorte d'aveu tacite ?
».
200.
un passage spontané d'un système qui glorifie le
droit de défense à un système qui oblige
1160
l'accusé à témoigner contre sa propre
personne
.
284
L'aveu résultant de l'effet des
anesthésiques. L'utilisation de cette méthode fait perdre
à la personne sa capacité de choisir et son contrôle
volontaire, ce qui la rend plus encline à l'insinuation et à
vouloir avouer et exprimer ses sentiments. Et vu que ces substances diminuent
le contrôle de la personne sur sa volonté, et gênent la
faculté d'attention chez elle, la poussant à parler sans retenue
et involontairement contrariant sa libre volonté, le désaccord
naît de l'illégalité de cette contrainte
matérielle... donc les aveux qui en résultent sont inacceptables,
car ils ne sont pas faits de façon libre 1161 et sont involontaires 1162
. La majorité de la doctrine considère que l'aveu de
l'accusé sous l'effet du sérum de vérité n'est pas
accepté comme preuve. A partir de là, nous réalisons que
cette méthode ne peut absolument pas être utilisée dans le
droit libanais : premièrement, parce qu'elle est en contradiction avec
tous les principes juridiques reconnus dans le droit libanais, et
deuxièmement : parce qu'elle constitue une contrainte matérielle
et morale, annulant ainsi toute preuve qui en découlerait directement ou
sous son effet et qui sera en contradiction avec le principe de la
légalité de la preuve pénale. On ne peut compter sur cette
preuve comme preuve productive et ayant une valeur probante dans la preuve
pénale et bien entendu parce que le droit libanais ne contient aucun
texte juridique garantissant une couverture légale qui légalise
ou autorisant l'utilisation du sérum de vérité.
201. Notre avis sur la question. Il faut d'abord
commencer à dire que des questions sur la
1163
certitude
|
et la fiabilité1164 de preuves
résultantes1165 de l'utilisation de la
narco-analyse1166,
|
1160 V. en ce sens : V. Antoine, Le
consentement en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 464, p. 319 : « L'aveu,
pour être pris en compte, doit avoir été librement
consenti, l'individu doit être en pleine possession de ses moyens
intellectuels ».
1161 V. Intervention de Mlle Lila Prati,
(avocat à Montevideo), « L'aveu dans la procédure
pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3,
juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de Mlle Lila Prati
p. 538 : « Les sérums de vérité, le penthotal, le
nesdonal, la narco-analyse, ou toute autre méthode ayant pour but de
faciliter l'aveu ou de le provoquer et ayant effet sur l'esprit de
l'accusé, limitant la plénitude de sa liberté morale par
l'affaiblissement de sa volonté, ne peuvent pas être admis dans le
système de notre procédure criminelle parce qu'ils sont
contraires aux règles et aux principes exposés sur l'aveu. Un
aveu, ainsi obtenu, n'aurait pas de valeur légale parce qu'il n'est ni
libre ni volontaire ».
1162 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V.
spec. p. 379.
1163 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418
: « Le narco-interrogatoire (narco-audition), qui tend à
l'obtention d'aveux est d'une efficacité réduite : l'aveu ne peut
être obtenu avec certitude et celui qui est obtenu n'est pas
forcément vrai si l'on songe à l'existence d'un
phénomène d'auto-accusation ».
ce qui marque un manque de confiance 1167 concernant
l'utilisation de cette moyenne 1168 . Nous
pensons que l'utilisation de la narco-analyse sur l'accusé
afin d'obtenir l'aveu est
condamnée
|
1169
|
car elle constitue en même temps une agression
matérielle et morale à son
|
285
encontre. Cette méthode constitue une agression
matérielle pour celui qui la subit, à savoir que l'injection
laisse une cicatrice à cause de l'aiguille de l'injection, et il ne fait
aucun doute que cette blessure touche à l'intégrité
physique de l'accusé, et lui inflige un mal corporel, et ceci est
suffisant pour considérer l'utilisation du sérum de
vérité comme une contrainte matérielle
qui pousse l'accusé à avouer 1170 . D'autre
part, injecter des anesthésiques à l'accusé perturbe le
bon fonctionnement des organes du corps, car l'utilisation de substances induit
au changement de la tension artérielle, des battements de coeur,
dilatation des pupilles, et d'autres effets néfastes. En outre, il
lève, ou au moins affaiblit la barrière entre le conscient et
l'inconscient et
la personne se retrouve dans un état oscillant entre le
conscient et l'inconscient, 1171 bien loin
1164 V. C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 236, p. 164 : « Il faut convenir
qu'un éventuel aveu fait sous penthotal ne constitue nullement la
garantie d'obtention de la vérité. ».
1165 V. C. Ambroise-Castérot, «
Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n°
39, p. 7 : « il faut convenir que la reconnaissance des faits obtenue
par narcose n'est en aucun cas une garantie d'obtention de la
vérité matérielle ».
1166 V. Rapport de M. Christo P. Yotis,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 788-789, V. spec. p.
789 : « Les progrès des sciences positives ont apporté
récemment un nouveau procédé d'investigation, la
narco-analyse. Sans entrer ici dans la discussion de l'admissibilité de
ce procédé en matière répressive, je me demande :
ce procédé peut-il permettre d'obtenir un « aveu » au
sens généralement connu du mot ? ».
1167 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418
: L'obtention scientifique d'indices : « Le premier obstacle touche
à la fiabilité des moyens scientifiques. Tous les
procédés modernes sont-ils susceptibles d'une égale et
totale confiance ? Certes non ».
1168 V. R. Houin, « Le progrès de
la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5,
n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. pp. 74-75 : « il
semble douteux que les procédés de narco-diagnostic ou de
narco-analyse permettent de découvrir de façon absolue -- dans
l'état actuel de la science -- la véritable pensée d'un
témoin ou d'un prévenu. Leurs résultats, pour
précieux qu'ils soient, ne s'imposent donc pas au juge ».
1169 V. en même sens : J. Magnol,
« L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in
R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V.
spec. p. 525 : « La narco-analyse en tant que narco-enquête
à l'effet d'obtenir l'aveu de la culpabilité paraît donc
généralement condamnée et c'est ce qui nous
intéresse dans la question de l'aveu en procédure pénale
».
1170 V. en ce sens: J. Pradel, « La
preuve en procédure pénale comparée (Rapport
général) », in Revue internationale de droit
pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes
du Séminaire International organisé par l'Institut
Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse
(Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 26 : « La
loyauté implique également toute exclusion de
procédés attentant à la liberté (narco-analyse,
torture, interrogatoires captieux...) ».
1171 V. Rapport de M. Alfredo Molinario,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p.
77 6: « On ne peut pas dire, en effet, que l'aveu est conscient
à travers l'emploi de substances, comme le penthotal, qui, en dissociant
la zone corticale du cerveau des centres inférieurs, rendent
physiologiquement et psychiquement impossible l'exercice de ces fonctions
d'attention et
du contrôle intellectuel individuel conscient, ce qui lui
cause un handicap momentané durant
1172
toute la période d'anesthésie
. Ceci signifie que l'accusé avoue involontairement
sous
286
l'effet du sérum de vérité et ceci
constitue une atteinte à la liberté de choisir de l'accusé
des termes de sa déposition lors de l'enquête ou de
l'interrogatoire 1173 , et donc son aveu ne peut
être considéré comme légitime ou
acceptable comme preuve correcte et productive 1174 . Quant au préjudice
moral causé par l'injection d'anesthésiques à
l'accusé, il réside à notre avis dans ce qu'induit la
narco-analyse de privation de l'accusé qui la subit de sa
volonté. En outre, elle lui fait perdre le contrôle sur son
cerveau et sa conscience et gêne sa faculté de concentration, il
se met donc à parler sans se contrôler, et il ne fait aucun doute
que ceci constitue une humiliation et une atteinte à la dignité
de l'homme car ceci est, sans nul doute, une violation de la volonté de
la personne interrogée et une infiltration de ses pensées et de
son inconscient d'une façon inacceptable humainement. Le moins que l'on
puisse en dire est que c'est un mode de preuve illégitime que les hommes
ne sauraient utiliser et qui est inacceptable. Voire plus, car la narco-analyse
constitue une atteinte à l'intégrité des personnes 1175 ,
mais aussi une atteinte à l'homme, car elle pénètre au
plus profond de lui, dans une partie de sa personne qui ne devrait concerner
que lui et ne devrait sortir que conformément à sa propre
volonté directe et spontanément. L'utilisation de cette
méthode peut être considérée comme une
ingérence
1176
dans les hautes fonctions du cerveau humain . On peut ainsi
conclure que ce n'est pas
d'inhibition qui constituent précisément la
conscience psychologique. On ne peut pas dire non plus que soit libre,
juridiquement parlant, l'aveu provoqué au moyen de tels
procédés ou substances ».
1172 V. sur ce point en langue arabe
(doctrine égyptienne) : H. Mahmoud Ibrahim, Les moyens scientifiques
modernes dans la preuve pénale, Dar Ennahda El arabia, 1981, pp.
147-148.
1173 V. sur ce point : C.
Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén.
Dalloz., octobre 2006, n° 39, p. 7 : « L'aveu doit toujours
être librement consenti : il doit être donné alors que
l'individu est en pleine possession de ses moyens intellectuels ».
1174 V. Rapport de M. Alfredo Molinario,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p.
775 : « Donc, raisons juridiques et motifs d'ordre pratique nous
décident à nous prononcer catégoriquement contre remploi
de procédés hypnotiques de narcotiques ou de stupéfiants
pour capter l'aveu des inculpés. Il semble inutile d'ajouter que, dans
notre opinion, un aveu obtenu grâce à l'emploi de tels
procédés et substances manque de toute valeur probatoire
».
1175 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 :
« en dehors de leur incertitude, ces procédés abolissent
à peu près complètement chez l'individu qui y est soumis
sa personnalité consciente, même parfois après le
réveil ; ils portent atteinte à l'intégrité de la
conscience et de la volonté. On a ainsi pu parler, d'une façon
peut-être exagérée, de l'effraction des consciences
».
1176 V. R. Houin, « Le progrès de
la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5,
n° 1, janvier-mars 1953, pp. 69-75, V. spec. p. 75 : « En
conclusion, il apparaît que les juristes se doivent d'utiliser, en
principe, toutes les méthodes scientifiques de preuve qui leur
permettent, de se rapprocher, sinon toujours d'atteindre, la
réalité, la vérité. Mais ils doivent le faire avec
circonspection. Non seulement parce que la science n'aboutit pas du premier
coup ni toujours à des résultats absolument certains, mais aussi
parce que ces résultats doivent être écartés
lorsqu'ils risquent de porter atteinte à des principes supérieurs
de morale ou d'ordre social, notamment
possible de considérer la narco-analyse comme un moyen
de recherche de preuve car elle appartient aux procédés
illégaux non compatibles avec le principe de la légalité
des moyens de preuve pénale.
B. Éléments de preuve obtenus sous
hypnose.
202. Que signifie l'hypnose? C'est une
opération artificielle de provocation de sommeil de certaines
facultés apparentes du cerveau. C'est une opération suggestive
utilisée par l'hypnotiseur pour donner des ordres à la personne
endormie, pour la priver de sa volonté et son autocontrôle, sous
l'effet de sa domination par l'hypnotiseur qui prend le contrôle de son
inconscient pour accéder, ainsi, à ses contenus. En d'autres
termes, les aveux de l'hypnotisé émanent de son inconscient, et
donc, l'interrogatoire de l'accusé pour l'inciter à faire des
aveux est une sorte de contrainte matérielle contre lui. L'hypnotiseur
devient le dominateur de l'hypnotisé, car ce dernier est souvent soumis
à l'exécution des ordres donnés par l'hypnotiseur. Les
réponses de l'hypnotisé ne sont que l'écho de la
suggestion de l'hypnotiseur. L'hypnose a un passé historique, en effet,
les prêtres traitaient les malades mentaux à l'époque
à travers la suggestion et la longue invocation des dieux, cette
méthode était appelée « le sommeil de la chapelle
». Le savant anglais James Braid est le premier à
1177
.
avoir utilisé le mot hypnose en 1843
203. Définition de l'hypnose. L'hypnose
|
1178
|
est une sorte de sommeil de certaines facultés
|
1179
.
287
apparentes du cerveau. Elle se fait artificiellement par la
suggestion du sommeil L'hypnose s'effectue à travers les réflexes
conditionnels concernant le sommeil qui sont ancrés dans l'esprit de
l'homme depuis son enfance, en dormant sur le dos avec la suppression de toutes
les causes de souci avant son hypnose. Par la suite, son hypnotiseur commence
à lui insinuer de dormir de façon graduelle, alors, il
répond effectivement et il devient
aux droits les plus élevés de l'homme. Le
droit a pour mission de protéger l'individu avant même de
rechercher la vérité. Le juriste doit donc conserver tout son
esprit critique et apprécier en toute liberté les
résultats que lui fournissent les méthodes scientifiques
».
1177 V. en langue arabe : A. Elkadi, «
L'interrogatoire inconscient », in Revue de la sécurité
publique, Égypt, 8 juillet 1965, numéro 30.
1178 V. sur l'hypnose : V. J. Susini, «
L'hypnose d'investigation : des faits troublants ou prodromatiques? (les
contenus nouveaux de l'enquête spécifique de police)», in
R.S.C., 1986, pp. 915-920.
1179 A. Mellor, «Vers un renouveau du
problème de l'hypnose en droit criminel?», in R.S.C.,
n° 2 avril - juin 1958, pp. 373 et s.
288
1180
hypnotisé. Selon Mme Haritini Matsopoulou, «
en ce qui concerne les méthodes utilisées pour l'interrogatoire,
une chose est certaine : ni le juge ni les policiers ne sauraient
procéder sous la suggestion de l'hypnose. Ce que l'on cherche,
grâce à cette technique, c'est à sonder
1181
le for intérieur de l'interrogé.
».
204. L'utilisation de l'hypnose dans l'enquête
pénale. Comme résultat de l'hypnose, la personne devient
incapable de contrôler sa volonté de façon que
l'inconscient la prédomine. Alors, l'hypnotiseur lui pose n'importe
quelle question et elle répond sans aucune discrétion 1182 .
Quant à l'hypnose qui consiste à la provocation du sommeil chez
le conscient de l'accusé ou du suspect de façon qu'ils
répondent aux questions posées par l'hypnotiseur, l'avis
répandu parmi la doctrine et de la jurisprudence tend à refuser
l'utilisation de cette méthode en vue d'élucider l'infraction,
car elle constitue une atteinte aux droits de l'homme en général
et aux droits de l'accusé à l'autodéfense en particulier ;
de même, c'est une méthode de contrainte qui prive l'homme de sa
libre volonté 1183 . Dans une affaire américaine, cette
méthode a été utilisée auprès d'une personne
accusée d'avoir assassiné son père et sa mère avec
un marteau, et qui, lors de son interrogatoire, a insisté sur sa
non-perpétration du crime. Alors, la police a convoqué un
psychologue qui est resté avec l'accusé dans une pièce
équipée de microphones, le psychologue a hypnotisé
l'accusé, puis lui a insinué qu'il avait tué
1184
.
son père et sa mère avec un marteau,
l'accusé a reconnu avoir commis son crime
205. Nature de l'atteinte causée par l'utilisation
de cette méthode. La doctrine semble être unanime quant au
rejet de l'utilisation de l'hypnose auprès des accusés lors de
l'interrogatoire, le Professeur Graven s'oppose à l'idée de
recourir à cette méthode pour obtenir des aveux des
accusés 1185 , car l'hypnose est un acte illicite qui
prive l'accusé de sa volonté et constitue une
1180 V. en langue arabe : A. Mohamed Salem
Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête
préliminaire. Étude comparative de la législation
Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université
Ain Chams (Égypt.), 2000, p. 244.
1181 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 883, p.
714.
1182 V. en langue arabe : A. Mohamed Salem
Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête
préliminaire. Étude comparative de la législation
Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université
Ain Chams (Égypt.), 2000, p. 244
1183 V. Rapport de M. Alfredo Molinario,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952. pp. 769-776, V. spec. p.
77 6: « Dans l'aveu obtenu par des moyens d'hypnose ou par des
stupéfiants, la conscience et la liberté de l'inculpé
brillent par leur absence ».
1184 V. en langue arabe : S. Sadek El-Malla,
L'aveu de l'accusé, édition 1986, pp. 166-167.
1185 J. Graven, « Le problème des
nouvelles techniques d'investigation au procès pénal [aveu,
narco-analyse] », in R.S.C., 1950, n° 3, pp. 312-357, V.
spec. pp. 314 et s.
1186
atteinte à son droit à la défense tout comme
la torture . Certains juristes considèrent
289
l'hypnose comme une contrainte matérielle contre
l'accusé, car l'hypnotisé est assujetti à la
1187
.
domination et à la merci de son hypnotiseur. Sa
réponse est l'écho de ce qui lui est insinué
En outre, l'hypnose est un moyen pour subjuguer la volonté
et pour la désactiver, et constitue
. D'autres
1188
une agression contre la sécurité du système
nerveux et sensoriel lui étant soumis
estiment que l'hypnose implique, en fait, l'atteinte à la
liberté psychique et la sécurité
1189
.
corporelle de l'hypnotisé à l'instar des
anesthésiques
206. Impact de l'hypnose sur la volonté.
L'hypnose est considérée comme une contrainte morale de
l'hypnotisé. L'hypnose de l'accusé pour son interrogatoire
à ce moment-là en vue d'obtenir des aveux est une
procédure illégale, car l'accusé est soumis à
l'effet de son hypnotiseur, alors sa réponse est l'écho de ce
dernier, et l'hypnotisé est contraint matériellement à ses
actes. A cet effet, il est interdit tout recours à l'hypnose lors de
l'interrogatoire. L'enquêteur ou le juge n'ont pas le droit d'hypnotiser
l'accusé pour obtenir de cette façon des aveux que
l'accusé aurait refusé de révéler dans son
état naturel lorsqu'il jouit de sa libre volonté et du
contrôle de toutes ses facultés mentales. Les propos et les aveux
émanant de l'accusé par le biais de l'hypnose ne revêtent
aucune valeur et ne peuvent pas être pris en considération, car
l'hypnose figure parmi les actes illicites exactement comme la torture qui lui
ôte sa volonté et enfreint la liberté d'autodéfense.
Dans une affaire judiciaire en Italie, l'accusé fut hypnotisé
lors de l'interrogatoire de la police à Milan en 1947, et avait
1190
.
reconnu avoir commis le crime. Or, le tribunal n'avait pas pris
cet aveu en compte
207. Impact de l'approbation de l'accusé de se
soumettre à l'hypnose. Parmi les questions qui ont fait couler
beaucoup d'encre, le cas du consentement de l'accusé ou du suspect
à être
1186 A. Mellor, « Vers un renouveau du
problème de l'hypnose en droit criminel? », in R.S.C.,
Paris, Nouvelle série n° 2 (avr.-juin 1958), pp.371-378, v.
spec. p. 373.
1187 V. en langue arabe : M. Mostafa,
Explication du code de procédures pénales, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, p. 303 ;
M. Najib Housni, Explication du code de procédure
pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le
Caire (Egypte), 1998, p. 585 ; A. Mohamed Salem Enouaissa, Les garanties de
l'accusé lors de l'enquête préliminaire. Étude
comparative de la législation Égyptienne et Jordanienne,
Thèse de droit, Université Ain Chams (Égypte), 2000,
p. 344.
1188 V. en langue arabe : H. Essmni,
Légalité des preuves prises de moyens scientifiques,
Thèse de droit, Université du Caire (Égypte),
édition 1983, p. 356.
1189 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
L'intermédiaire dans le code de procédures pénales,
imprimerie de l'université du Caire, édition 1996, p.
425.
1190 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380,
V. spec. p. 377.
interrogé sous l'effet de l'hypnose. D'aucuns pensent
qu'il n'y a aucune objection légale contre l'hypnose de l'accusé
pour le soumettre à l'interrogatoire, s'il accepte ou la demande
lui-même librement. Il serait plutôt injuste de refuser la demande
de l'accusé qui pourrait être
1191
en sa faveur
, d'autant plus s'il peut prouver son innocence via l'hypnose.
Dans un
290
jugement prononcé par le tribunal allemand de Hamn, le
tribunal a jugé que les aveux ou les simples propos émanant de
l'accusé sous l'effet de l'hypnose ne peuvent pas être admis dans
les procédures du jugement visant à l'établissement de la
vérité, même si c'est l'accusé qui l'avait
réclamée, sinon le moindre échec de cette méthode
pour obtenir des aveux concernant sa perpétration du crime serait une
preuve de son innocence. L'accusé a le droit de faire ses
. M. Jean
1192
aveux en toute liberté sans être contraint par la
force de ces méthodes coercitives
1193
.
Pradel affirme clairement qu' « une preuve ne peut
être obtenue au moyen d'une atteinte à l'intégrité
physique ou morale de la personne, même si celle-ci donne son
consentement »
Enfin, M. Jamal Moustapha estime qu'il est interdit d'utiliser
l'hypnose lors des procédures pénales, même avec le
consentement de l'accusé ou du suspect car son consentement pourrait
être dû à sa crainte qu'on considère son refus de se
soumettre à cette méthode comme une preuve de sa
culpabilité. Ajouté à cela que le consentement de
l'accusé n'a aucune valeur légale puisque l'accusé ne peut
pas renoncer aux garanties constitutionnelles qui protègent son exercice
des droits de la défense. Ces garanties ne le concernent pas lui seul
mais concernent également la société. La
société a le droit de garantir la sécurité du corps
de l'être humain, du fait que ce dernier en est membre. Cela dit, il ne
faut pas considérer son refus comme une raison pour autoriser l'atteinte
à son corps. Par ailleurs, le consentement préalable de la
personne objet d'interrogatoire ne peut pas être pris en
considération, car elle ignore sur quoi elle a consenti du moment
qu'elle ne l'avait pas expérimenté avant son consentement. De
plus, elle ne pourra pas prévoir ses sentiments sous l'effet de
l'hypnose, et ne pourra, donc,
pas garder ses secrets personnels qui doivent être
respectés 1194 . On devrait oeuvrer pour appuyer ces droits afin
d'assurer un procès équitable et loyal pour l'accusé, car
le fait
1191 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V.
spec. p. 378.
1192 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V.
spec. p. 378.
1193 J. Pradel, « La preuve en
procédure pénale comparée (Rapport général)
», in Revue internationale de droit pénal,
1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du
Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur
International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25
janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 26.
1194 V. en langue arabe : J. Mohammed
Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de
l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue
arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V.
spec. p. 378-379.
291
d'accepter d'exercer cette méthode anormale qui s'oppose
à la nature humaine et sa dignité signifie que nous soutenons la
violation des droits de l'homme et du principe de la légalité de
la preuve pénale, chose que nous refusons catégoriquement.
208. L'utilisation de l'hypnose en droit libanais et
français. En droit libanais, la question ne s'est pas encore
posée dans la jurisprudence libanaise. En droit français, Mme
Coralie Ambroise-Castérot se montre ferme vis-à-vis de
l'utilisation de l'hypnose « l'hypnose, pas
. L'utilisation de
1195
plus que le penthotal, ne saurait être un moyen
légal d'investigation »
l'hypnose en procédure pénale pose un
problème : d'une part, en ce qu'elle met un individu dans une situation
dont il n'a plus aucune maîtrise et, d'autre part, en ce qu'elle est un
moyen encore expérimental et incertain de remémoration. Elle
soulève donc des difficultés, aussi bien par rapport à
l'impératif de respect des droits des personnes que par rapport à
l'objectif de
recherche de la vérité, qui sont, l'un et
l'autre, inhérents à la preuve pénale 1196 . La question
qui se pose est alors la suivante : le fait de soumettre une personne à
l'hypnose lors d'une enquête
1197
pénale est-il qualifié d'illégal par la
jurisprudence française? Un arrêt rendu par la chambre criminelle
de la Cour de cassation française a considéré que «
si le juge d'instruction peut, en application de l'article 81 du Code de
procédure pénale, procéder ou faire procéder
à tous actes d'information utiles à la manifestation de la
vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux dispositions
légales relatives au mode d'administration des preuves. Viole les
dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et
compromet ainsi l'exercice des droits de la défense l'audition
effectuée par les gendarmes, sur commission rogatoire, d'un
témoin placé, avec son consentement, sous hypnose, par un expert
désigné par le juge
1198
d'instruction »
. La chambre criminelle française
considère implicitement que l'hypnose en
1199
.
tant que moyen de preuve dépasse la frontière de la
légalité de la recherche des preuves
1195 C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 237, p. 165.
1196 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y
a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in
D., 2001, p. 1340.
1197 V. sur ce point : C.
Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén.
Dalloz., octobre 2006, n° 44, p. 8 : « En matière
d'hypnose, on est confronté à la même difficulté que
pour la narcose. L'hypnose peut-elle être utilisée comme moyen
d'investigation lors d'une enquête pénale ? En transposant la
jurisprudence relative au penthotal, la réponse s'impose
d'elle-même. Si un expert, désigné par le juge, utilise
l'hypnose afin de réaliser sa mission (par ex., vérifier si le
sujet est réellement aphasique ou non), le procédé ne
saurait être banni. En revanche, s'il est requis du professionnel la
réalisation d'un interrogatoire, les frontières de la
légalité sont franchies ».
1198 Cass crim., 12 décembre 2000,
B.C., n° 369, p. 113.
1199 V. A. Giudicelli, «
Témoignage sous hypnose ou expertise hypnotique ? (Cass. crim., 12
déc. 2000)», in R.S.C., 2001, p. 610 : «
Concernant le principe affirmé par la Cour de cassation, il est une
parfaite illustration de ce que la théorie de la preuve pénale
combine, en ce qui concerne les moyens de preuve, liberté et
légalité. Si les infractions peuvent être établies
par tout mode de preuve, si plus particulièrement le juge d'instruction
peut
L'arrêt précédent montre que la Cour de
cassation française n'accepte pas l'hypnose comme procédé
afin de rechercher la vérité en matière pénale
parce qu'il n'est pas conforme aux
dispositions légales relatives au mode d'administration
des preuves
|
1200
|
et il est incompatible
|
avec l'exercice des droits de défense 1201 . Selon Mme
Catherine Puigelier, dans cet arrêt, « pour les juges
suprêmes, le recours à l'hypnose est irrégulier parce qu'il
ne se conforme pas aux dispositions légales relatives au mode
d'administration des preuves et compromet les
droits de la défense » 1202 . Sans
hésitation la chambre criminelle de la Cour de cassation a
considéré dans cet arrêt que l'article 81 de CPP
français ne peut servir de base pour fonder une audition sous hypnose
pour accomplir un acte nécessaire à la manifestation de la
vérité dans le procès pénal. « Par
arrêt en date du 12 décembre 2000 (Crim. 12 déc. 2000,
Wisse et a., Juris-Data n° 007696), la Cour de cassation avait d'abord
censuré une audition opérée sous hypnose en
exécution de la commission rogatoire, en rappelant que la liberté
laissée au juge d'instruction d'accomplir tous actes utiles à la
manifestation de la vérité en application de l'article 81 du Code
de procédure pénale ne peut se concevoir que dans le respect de
la
légalité »
|
1203
|
. M. Jean Pradel considère que cette décision
« a annulé l'audition d'un témoin
|
292
sous hypnose pour réactiver sa mémoire sur
des détails précis : quoique l'audition ait été
menée avec l'aide d'un hypnologue et que le témoin ait
été d'accord, la Cour de cassation y a vu une atteinte aux
dispositions légales sur les modes d'administration des preuves et
à
l'exercice des droits de la défense »
1204 . À son tour M. Jacques Buisson considère que
cet arrêt vient de rappeler que le juge d'instruction ne jouit pas d'une
liberté totale et absolue dans la recherche de preuve parce que
l'article 81 du CPP français apporte une limite à la
liberté de la
procéder ou faire procéder à tous les
actes utiles à la manifestation de la vérité (c. pr.
pén., art. 81, al. 1er), encore faut-il que les preuves soient
légalement rapportées ».
1200 V. A. Giudicelli, «
Témoignage sous hypnose ou expertise hypnotique ? (Cass. crim., 12
déc. 2000)», in R.S.C., 2001, p. 610 :«
L'utilisation de l'hypnose à des fins probatoires en procédure
pénale, qui pourrait certes s'appuyer sur le principe de la
liberté de la preuve, vient buter sur l'exigence de la
légalité qui somme tous ceux qui contribuent à la
recherche de la vérité de respecter le texte et la substance des
normes de procédure pénale ».
1201 V. C. Ambroise-Castérot, «
Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n°
45, p. 8 : « En l'occurrence, l'expert avait hypnotisé un
témoin afin que les enquêteurs puissent ensuite interroger celui-
ci. Ce mélange des genres entre expertise et audition a
été clairement sanctionné par la Cour de cassation. La
solution peut être transposée à l'interrogatoire. Un
accusé, même consentant, ne saurait valablement se soumettre
à ce type d'opération médicale détournée et
dont le cadre légal (expertise ? interrogatoire ?) demeure flou
».
1202 C. Puigelier, «
Impossibilité pour un juge d'instruction de recourir à l'hypnose
», in JCP G., n° 12, 21 Mars 2001, II 10495.
1203 J. Buisson, « Sonorisation
illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue une
ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/
France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607.
1204 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p.
419.
preuve qui se caractérise par le principe de la
légalité applicable dans la procédure pénale
d'où l'accord ou le consentement libre et préalable de
l'intéressé de se mettre volontairement dans un état
hypnotique (à l'hypnose) ne rend pas l'acte conforme à la
légalité : « C'est précisément ce que la
Cour de cassation vient de rappeler. Même le juge instruction n'a pas la
faculté d'administrer librement la preuve pénale ; car
après avoir prévu la liberté de ce magistrat de choisir le
mode de preuve utile, l'article 81 du Code de procédure pénale
précise normalement le principe de la légalité qui lui
interdit de sortir des règles régissant l'administration de la
preuve et de concevoir en quelque sorte ex nihilo un acte d'administration de
la preuve. Sous ce regard, on comprend que l'accord de la personne
1205
. Par
concernée est juridiquement indifférent,
puisqu'il aboutit à la violation de la légalité
»
contre, certains auteurs font une distinction entre l'utilisation
de l'hypnose comme expertise et
l'audition de témoin sous hypnose.
|
1206
|
Il nous semble que cette distinction n'existe pas en
|
pratique parce qu'on parle toujours des éléments
de preuve qui restent sous l'appréciation libre du juge de fond en vertu
de son intime conviction qui ne distingue pas en fait entre audition de
témoin sous hypnose et expertise sous hypnose pour forger son opinion
malgré les
forts arguments proposés par MM. Daniel Mayer et de
Jean-François Chassaing 1207 . En ce qui concerne l'effet du
consentement de la personne soumises à l'hypnose, Mme Catherine
Puigelier considère que «le consentement de
l'intéressé hypnotisé par un expert désigné
par un juge d'instruction est, à cet égard, indifférent.
Seul le fait de porter atteinte aux intérêts des
personnes mises en examen l'emporte»
|
1208
|
. Même avec le consentement de la personne
placée
|
293
sous hypnose, nous considérons que l'usage de l'hypnose
dans la procédure pénale est toujours contraire à l'ordre
public contrairement à l'avis de MM. Daniel Mayer et de
Jean-François Chassaing qui considèrent qu'« en effet,
dès lors que celle-ci a consenti à être placée sous
hypnose, elle a exercé son libre arbitre pour abandonner
d'elle-même les possibilités de
1205 J. Buisson, « L'audition sous
hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison
d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches »,
in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.
1206 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y
a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in
D., 2001, p. 1340 : « Ce procédé est-il
irréductible aux règles actuelles de la procédure
pénale ? Nous ne le pensons pas. L'expertise semble de nature à
permettre l'utilisation de cette technique à condition de distinguer
très clairement l'audition du témoin et l'expertise de son
discours sous hypnose. Il nous semble envisageable de charger un expert
d'entendre le témoin sous hypnose et de faire état des propos
tenus dans son rapport ».
1207 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y
a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in
D., 2001, p. 1340 : « Le refus de toute utilisation de
l'hypnose nous paraît même contraire aux droits de la
défense lorsque la demande d'investigation sous hypnose concernant la
personne poursuivie émane d'elle-même : est-il légitime,
sous un régime de liberté de la preuve, de priver le mis en
examen d'une possibilité de faire avancer la recherche de la
vérité ? N'est-ce pas amputer le droit des parties de participer
à cette recherche qui se trouve pourtant consacré par les
réformes législatives des dix dernières années
».
1208 C. Puigelier, «
Impossibilité pour un juge d'instruction de recourir à l'hypnose
», in JCP G., n° 12, 21 Mars 2001, II 10495.
contrôler sa parole. Il est difficile de soutenir
qu'une telle renonciation serait contraire à
l'ordre public... »
|
1209
|
. Il faut rappeler que certains législateurs
énoncent très clairement dans
|
un article du Code de procédure pénale que
l'utilisation de l'hypnose est strictement prohibée dans l'audition et
l'interrogatoire en matière pénale. Il serait
préférable que les législateurs français et
libanais précisent cette interdication en prévoyant
expressément que l'usage de l'hypnose dans l'administration de la preuve
pénale est prohibé par un texte de loi
suffisamment clair, en suivant le modèle de certains
législateurs
|
1210
|
. Pour conclure, nous
|
294
approuvons la position de la chambre criminelle de la Cour de
cassation qui vient de juger irrecevable un témoignage sous hypnose et
nous soutenons entièrement l'avis de M. Jacques
1211
Buisson favorable à la position de la Cour de cassation
: « Une telle position ne peut
qu'être approuvée. L'acte consistant dans une
audition sous hypnose n'obéissait ni aux règles de la
légalité matérielle puisqu'il méconnaissait le
principe du respect de la dignité humaine, ni à celles de la
légalité formelle dès lors qu'il n'était pas
prévu par la loi. Contrairement à une vision sommaire de la
preuve en matière pénale, le principe de la liberté a,
dans un État de droit, un empire nécessairement limité par
le principe de la légalité, particulièrement
1212
. La
lorsque l'administration de la preuve est le fait des agents
de l'autorité publique »
chambre criminelle de la Cour de cassation française a
confirmé sa position précédente dans un nouvel arrêt
rendu le 28 novembre 2001 en affirmant que le recours à l'hypnose dans
le procès pénal n'est pas conforme aux dispositions
légales relatives au mode d'administration
1213
des preuves en matière pénale :« Attendu
que, d'autre part, par application des articles 81,
1209 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y
a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in
D., 2001, p. 1340.
1210 V. par exemple le legislateur allemand:
Aux termes de l'article 136a du Code de procédure pénale,
concernant les méthodes d'interrogatoire prohibées (verbotene
Vernehmungsmethoden) :« 1. Il ne doit pas être porté
atteinte à la liberté de décision de l'inculpé et
à sa liberté de manifester sa volonté par des
sévices, par l'épuisement, par quelque forme de contrainte
physique que ce soit, par l'administration de médicaments, par la
torture, par la tromperie ou par l'hypnose. La contrainte ne peut être
employée que lorsqu'elle est admise par les règles de
procédure pénale. La menace d'appliquer une mesure
prohibée par les règles de procédure pénale et la
promesse d'un avantage non prévu par la loi sont interdites. 2. Est
interdite toute mesure portant atteinte à la mémoire ou aux
facultés de raisonnement et au libre arbitre de l'inculpé
(Einsichtsfähigkeit). 3. Les interdictions visées aux paragraphes 1
et 2 sont applicables même si l'inculpé a consenti [à la
mesure envisagée]. En cas de manquement à ces règles, les
dépositions ne peuvent être versées [comme preuves],
même avec l'accord de l'inculpé ».
1211 V. encore l'avis de Mme Catherine
Puigelier : C. Puigelier, « Impossibilité pour un juge
d'instruction de recourir à l'hypnose », in JCP G.,
n° 12, 21 Mars 2001, II 10495 : « La solution adoptée
par la Cour de cassation mérite pleinement l'approbation ».
1212 J. Buisson, « L'audition sous
hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison
d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches »,
in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.
1213 V. sur les deux arrêts de la
chambre criminelle de la Cour de cassation française concernant
l'hypnose : P. Lemoine, « La loyauté de la preuve (à travers
quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in
Rapport
295
101 à 109 du Code de procédure
pénale, si le juge d'instruction peut procéder ou faire
procéder à tous actes d'information utiles à la
manifestation de la vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux
dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves
;Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des
pièces de la procédure que le juge d'instruction a fait
procéder à l'audition de X... qui avait été
placé sous hypnose par un expert désigné par ce magistrat
; que ce même juge d'instruction a ordonné ensuite une expertise
"en matière de profilage psychologique", confiée à un
psychologue conseil et lui enjoignant, notamment, de procéder "à
une préparation technique d'audition aux fins de garde à vue
ultérieurement" ; que cet expert, au cours des auditions de X...,
effectuées sur commission rogatoire par les gendarmes, après son
placement en garde à vue, est intervenu à plusieurs reprises pour
poser des questions à l'intéressé, lequel a avoué
à cette occasion et pour la première fois le meurtre de son
épouse et le dépeçage de son corps ; Attendu
qu'après avoir annulé l'audition de X... effectuée sous
hypnose, la chambre de l'instruction a écarté de l'annulation,
notamment, le rapport déposé le 28 décembre 2000 par
l'expert qui avait procédé au placement sous hypnose et le
rapport de "profilage psychologique" déposé le 15 décembre
2000 qui se référaient, tous deux, en en rapportant la teneur,
à l'audition sous hypnose de X... ; qu'elle a également
refusé d'annuler les auditions au cours desquelles les enquêteurs
ont recueilli, en présence du psychologue conseil désigné
par le magistrat, les aveux de X... lors de sa garde à vue ;Mais attendu
qu'en cet état, alors que le rapport d'expertise relative aux
opérations de placement sous hypnose et celui "de profilage
psychologique" avaient pour support nécessaire l'audition sous hypnose
de X... et alors que le procédé consistant à faire
entendre sur commission rogatoire, délivrée à des
officiers de police judiciaire, une personne suspectée, placée en
garde à vue, et à la faire, dans ces conditions, interroger par
un psychologue conseil, sous couvert d'une mission d'expertise, viole les
dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et
compromet l'exercice des droits de la
1214
défense, la chambre de l'instruction a méconnu
les textes et principes ci-dessus rappelés ».
annuel de la Cour de Cassation 2004, (Deuxième
partie): « Dans les deux premières affaires, qui ont fait
l'objet d'arrêts rendu les 12 décembre 2000 et 28 novembre 2001,
la chambre s'est prononcée sur la validité d'une audition
effectuée sous hypnose ; il s'agissait, dans le premier cas, de
l'audition d'un témoin et, dans le second, de celle d'une personne
placée en garde à vue qui, l'un et l'autre, avaient
exprimé leur consentement pour être entendus selon ces
modalités et dont l'audition avait été recueillie avec
l'assistance d'un expert désigné par le juge d'instruction. Dans
ces deux cas, la chambre a jugé que l'audition réalisée
dans ces conditions était irrégulière et qu'elle avait
compromis l'exercice des droits de la défense ; la raison réside
vraisemblablement dans le fait que cette forme d'audition neutralise la
volonté et l'on peut donc légitimement se demander dans quelle
mesure elle demeure compatible avec le serment que la personne concernée
a prêté ».
1214 Cass. crim., 28 novembre 2001, B.C.,
n° 248, p. 823.
209. Notre avis sur l'utilisation de l'hypnose dans
l'enquête pénale. Avant tout, il faut préciser que la
preuve résultant de l'hypnose ne peut pas être
considérée comme une vérité
1215
intouchable
. Mme Haritini Matsopoulou souligne qu' « une telle
technique ne saurait être
mise en oeuvre par les services de police, quand bien
même l'enquête effectuée par ces derniers n'est pas
l'instruction judiciaire. De plus et surtout, la valeur scientifique du
procédé
est des plus discutables »
|
1216
|
. A notre avis, l'utilisation de l'hypnose dans l'enquête
auprès de
|
296
l'accusé dans le but de l'inciter à faire des
aveux, est un moyen qui pourrait porter une atteinte matérielle et
morale à l'accusé objet d'interrogatoire. Le préjudice
matériel découlant de ce moyen consiste en un dysfonctionnement
et des troubles affectant les organes du corps, car cela produit la
désactivation de la fonction principale du cerveau de
l'hypnotisé. Par ailleurs, l'hypnose induit un changement physiologique
et psychologique qui pourrait porter préjudice à la
sécurité corporelle, à l'image de changements clairs et
directs sur le système respiratoire et la réduction du champ de
vision, ainsi que le contrôle de l'inconscient de l'hypnotisé pour
le guider selon la volonté de l'hypnotiseur. Ceci constitue la raison
principale qui nous pousse à rejeter ce moyen et le considérer
comme illégal, outre le fait que le législateur libanais ne l'a
autorisé explicitement dans aucun des textes de loi, et vu que nous
soutenons la limitation du principe de la liberté de preuve
pénale aux moyens permis par la loi. Quant au préjudice moral
affectant l'accusé lors de son hypnose, il consiste en l'utilisation de
ce moyen qui pourrait conduire à la perte par l'hypnotisé de son
autocontrôle, car il affaiblit la barrière entre son inconscient
et son conscient exactement comme l'anesthésie 1217 la personne devient
alors un outil et une marionnette entre les mains de son hypnotiseur qui le
guide à sa guise, en lui faisant perdre le contrôle de sa
volonté et répondre à ses questions sans
autocontrôle ni autocensure 1218 . De surcroît, l'audition
effectuée sous hypnose constitue une violation flagrante du droit de ne
pas contribuer à sa propre incrimination qui est une norme
internationale reconnue par le droit interne libanais et français et
indirectement dans le texte de l'article 6 §1 de la Convention
européenne des droits de l'homme : « L'hypnose prive la
personne interrogée de tout discernement. Cette personne est donc
amenée, le cas échéant, à
1219
.
contribuer à sa propre incrimination»
1215 C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 237, p. 165. 1216 H.
Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit,
L.G.D.J., Paris, 1996, n° 883, p. 714.
1217 V. en langue arabe : H. Essmni,
Légalité des preuves prises de moyens scientifiques,
Thèse de droit, Université du Caire (Egypte), édition
1983, pp. 358-348-349.
1218 V. en langue arabe : H. Elmarsafawi,
« modes modernes dans l'enquête pénale », in Revue
nationale, Egypte, Vol. 10, n° 1, mars 1967, p. 45.
1219 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 75,
p. 57.
297
§ 2. Preuve attentatoire à
l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de la
pensée.
210. Le respect de la dignité humaine et la
collecte des preuves. Le respect de l'inviolabilité du corps humain
est imposé dans la recherche et la production des preuves qui suppose
naturellement qu'aucune atteinte ne peut être faite à
l'intégrité du corps humain. Certains procédés de
preuve constituent une atteinte à l'inviolabilité du corps
humain. Il s'agit plus précisément des procédés
scientifiques destinés à obtenir un aveu en matière
pénale comme le détecteur de mensonges connu sous le nom de
polygraphe qui constitue une double
atteinte concernant l'inviolabilité de la
pensée 1220 et en même temps l'inviolabilité du corps
humain. Il y a également des procédés scientifiques
portant atteinte à l'inviolabilité du corps à propos des
prélèvements ou l'utilisation de l'ADN comme preuve
c'est-à-dire la technologie ADN dans la justice pénale. En effet,
le pouvoir d'ordonner un test d'ADN n'est pas
1221
absolu.
A. Preuve obtenue par l'usage du détecteur de
mensonges ou polygraphe.
211. Définition du détecteur de mensonges
1222 . Le but essentiel de l'utilisation de 1223
polygraphe ou du détecteur de mensongesest de
vérifier la véracité et la crédibilité des
allégations d'une personne « le polygraphe est censé
indiquer si le sujet ment ou dit la
1220 V. en ce sens : J.-Y. Chevallier, «
La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de
synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue
internationale de droit pénal, 1er-2e
trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé
par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à
Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 51 :
« De même, seront exclus, soit impérativement, soit en
fait tout simplement, les procédés qui permettent soit de
provoquer l'expression involontaire de la pensée (sérum de
vérité), soit de contrôler la véracité de
celle-ci, tel le détecteur de mensonge ».
1221 V. Atteintes légales à
l'intégrité physique : V. Lesclous, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 73 : « Les seules
atteintes qui sont reconnues légalement sont celles afférentes
aux analyses et examens médicaux cliniques et biologiques prévus
par la loi ».
1222 Cet appareil est appelé « la
polygraphe » ou « le détecteur de mensonges ».
1223 V. sur le polygraphe : J. Susini, «
Un chapitre nouveau de police scientifique La détection objective du
mensonge », in R.S.C., 1960, pp. 326-330 ; J. Susini, «
Place et portée du polygraphe dans la recherche judiciaire de la
vérité », in R.I.D.P., 1972. pp. 255-275 ; J.
Susini, « L'aveu : sa portée clinique », in R.S.C.,
1972, pp. 677684 ; J. Susini, « Psychologie policière :
aspects cliniques et techniques du mensonge et de l'aveu », in R.S.C.,
1981, pp. 909-925; J. Susini, « La polygraphie du mensonge en 1983
», in R.S.C., 1983, pp. 521-532.
1224
vérité » . Selon M. John J. Palmatier
« le polygraphe est censé indiquer si le sujet ment ou
12251226
dit la vérité » . Le détecteur
de mensonges
1227
utilise
est un appareil que l'enquêteur
1228
pour s'assurer de la justesse des propos de l'accusé
|
1229
et de leur véracité
|
. Pour Mme
|
Haritini Matsopoulou le détecteur de mensonges est
« un appareil qui enregistre les modifications de la pression
artérielle, du rythme respiratoire et de la sudation, si bien
qu'il
permet de mesurer le degré d'émotion d'une
personne »
|
1230
|
. M. Mohammed Ibrahim Zaid
|
298
définit le détecteur de mensonges comme
étant un appareil permettant d'enregistrer certains changements
« physiologiques » qui concernent la tension
artérielle, la respiration, la réaction psychologique de
l'individu lors de l'enquête, et en détectant ces changements et
en analysant les graphiques, l'on peut avoir un jugement approximatif que
l'individu, objet de l'expérience, ment ou dit la vérité
1231. Il peut aussi être défini1232 comme l'un des moyens qui
révèlent les réactions du corps et les changements
physiologiques chez l'homme lorsqu'une série définie de questions
lui est soumise avec un relevé précis de ses réactions au
moyen de l'appareil à chaque question 1233 , ce qui indique s'il ment ou
s'il dit la vérité à chaque fois qu'il répond
à
1224 C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 46,
p. 8.
1225 J. J. Palmatier, « Systèmes
d'analyse du stress dans la voix : vrais détecteurs de mensonges? Un
point de vue des États-Unis », in AJ Pénal, 2008,
p. 124.
1226 Polygraphe - plus connu sous le nom de
détecteur de mensonges.
1227 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418
: « Le détecteur de mensonge ou polygraphe peut tout au plus
donner des indications pour orienter l'enquête ».
1228 V. en ce sens : V. Antoine, Le
consentement en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 466, p. 321 : Polygraphe :
« Cet appareil est censé indiquer si la personne
interrogée est en train de dire la vérité ou non
».
1229 V. C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 238, pp. 165-166 : « Le
polygraphe est censé indiquer si le sujet ment ou dit la
vérité.... L'appareil enregistre les réactions du corps.
Le résultat est donc très aléatoire. Il n'indique
nullement la vérité mais seulement l'émotivité ou
la nervosité du cobaye. ».
1230 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 893, pp.
721-722.
1231 M. Ibrahim Zaid, « Les aspects
historiques scientifiques des moyens techniques modernes», in Magazine
pénale nationale, troisième numéro, novembre 1967,
pp. 500-501.
1232 V. la définition de M. Laurent
Kennes : L. Kennes, La preuve en matière pénale,
Éditions Kluwer, Bruxelles, 2005, Vol. 1, n° 633, p. 330 :
« Le Polygraphe peut être considéré comme une
technique particulière d'audition, dès lors que l'objectif
essentiel de sa réalisation est d'obtenir des aveux à la suite de
la communication du résultat du test et non l'utilisation du
résultat du test en justice. Dès lors que ce test est souvent
présenté, à tort, comme une expertise, il sera
examiné séparément, avec une attention particulière
aux aveux obtenus par la suite ».
1233 V. B. Renard, « Quand l'expression
de la vérité est attribuée au corps - État des
lieux et quelques questionnements sur la légitimité de
l'utilisation du polygraphe en procédure pénale », in La
criminalistique : du mythe à la réalité quotidienne, sous
la direction d'Anne le Riche, Manuel de la Police, Éditions
Kluwer, Bruxelles, 2002, pp. 365 et s., V. spec. p. 365 : « Le
polygraphe est un appareil qui enregistre les modifications d'une série
de fonctions corporelles (rythme cardiaque, rythme respiratoire, pression
artérielle, sudation,
une question qui lui est posée 1234 . Il s'agit donc d'une
façon indirecte d'indiquer si l'accusé
ment ou dit la vérité quand il répond. C'est
donc un appareil qui relève les fluctuations et les réactions
psychologiques de la personne interrogée en stimulant les nerfs ou les
sens pour ensuite calculer des réactions comme la peur ou la honte ou le
sentiment de responsabilité ou
1235
.
la criminalité, et relever tous les changements
psychologiques et de tension artérielle
212. Nature de l'atteinte provoquée par l'usage du
détecteur de mensonges. La doctrine semble divisée, et les
avis divergent quant à la façon de répondre à
l'interrogation suivante : l'utilisation du détecteur de mensonges
porte-t-elle atteinte à l'intégrité physique de la
personne qui le subit ou non, en d'autres termes, est-ce que l'utilisation du
détecteur de mensonges nuit à celui qui le subit ou non ?
213. Avis favorable à l'utilisation du
détecteur de mensonges. Certains pensent que l'utilisation du
détecteur de mensonges est un moyen scientifique bénéfique
et nouveau, qui
peut s'avérer utile dans le domaine des enquêtes
criminelles
|
1236
|
, car il permet de s'assurer de
|
299
la véracité des dépositions des
accusés sans la moindre influence sur leur libre volonté.
L'utilisation de l'appareil ne créerait aucune pression ou contrainte
morale pour la personne qui le subit à cause de son sentiment de peur ou
d'intimidation par rapport à ce qui est en train d'avoir lieu, ou du
désagrément de l'appareil ou parce qu'elle n'a fait sa
déposition qu'après avoir été battue et ses secrets
dévoilés ; et ce parce que toute personne normale est
intimidée
tension, mouvements ...), échappant toutes plus ou
moins fortement au contrôle de la volonté, et permettant de
mesurer le degré d'émotion d'une personne ».
1234 V. B. Renard, « L'usage du
polygraphe en procédure pénale; analyse procédurale
», in Partie III de l'avis pour Monsieur le Ministre de la Justice et
le Collège des Procureurs généraux sur l'usage du
polygraphe en procédure pénale belge, Institut National de
Criminalistique et de Criminologie, Département de Criminologie,
Bruxelles, septembre 2000, pp. 59-80, V. spec, p. 60 : « La nature
même du test polygraphique vise la vérification de la
véracité des déclarations d'une personne. Au niveau des
questions qui sont adressées à la personne soumise au test,
l'expérience et la pratique du polygraphe s'orientent clairement vers
des questions portant sur des éléments de fait de l'infraction en
cause ».
1235 V. sur ce point : P. Bolze, Le droit
à la preuve contraire en procédure pénale,
Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 365 : « Les
examens polygraphiques ou thermographiques reposent sur les réactions
psychosomatiques de l'individu : en effet, un changement dans les sentiments
consciemment contrôlés provoque chez le sujet des modifications
physiologiques de divers ordres imputables au stress ».
1236 V. en ce sens : M. Franchimont, A.
Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale,
3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1062 : « En
effet, il reste difficile d'évaluer les conditions d'utilisations de son
utilisation (polygraphe), sachant qu'un certain nombre de contre-indications
physiologiques et psychiques doivent être prises en considération
; de même, l'impact d'un tel procédé sur la psychologie du
sujet est malaisé à cerner ; enfin, il ne faut pas
négliger la part d'interprétation des résultats du test
par le polygraphiste, ce qui poussera le juge du fond, d'une part, à
être vigilant quant aux circonstances dans lesquelles l'accord du suspect
ou de l'inculpé a été obtenu et dans lesquelles le test
s'est déroulé et, d'autre part, à en apprécier les
résultats à l'instar de ceux d'une expertise psychologique, par
exemple. Rien ne semble faire obstacle à ce que le juge du fond autorise
lui-même le recours au polygraphe ».
300
devant tout acte juridique contre elle et elle est donc
affectée psychologiquement dès qu'elle est convoquée
devant l'enquêteur, et même dès son arrestation et sa mise
en détention
préventive 1237 . Dans le même état d'esprit,
certains disent que l'utilisation du détecteur de
1238
mensonges ne porte aucune atteinte à
l'intégrité physique de celui qui le subit, car il ne s'agit de
rien de plus que de connecter certaines parties de son corps à des fils
reliés à des appareils pour calculer les différents
changements du corps comme les pulsations et la tension
1239
.
artérielle et respiration. En fait c'est un appareil qui
ressemble à l'électro cardiogramme
214. Avis rejetant le recours au détecteur de
mensonges. Certains auteurs ont des doutes
1240
sérieux concernant la crédibilité et
l'efficacité des résultats du détecteur de mensonges
.
1241
Certains auteurs considèrent que le détecteur de
mensonges est un moyen qui menace les
1237 S. Nabrawy, L'interrogatoire de
l'accusé, Dar Al-Nahdha Al Arabiya (maison de la renaissance
arabe), le Caire, 1969, p. 497 ; I. El Ghemaz, Le témoignage comme
preuve en matière pénale, alem el kotob, 1980, p. 258 ; A.
Mohamed Khalifa, « le sérum de vérité et le
détecteur de mensonges », in magazine pénale
nationale, premier numéro-Mars 1958, p. 95 ; A. Salem Enouaissa,
Les garanties de l'accusé lors de l'enquête
préliminaire. Étude comparative de la législation
Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université
Ain Chams (Égypte), 2000, p. 247.
1238 V. en ce sens : F. Goossens, «
L'audition de suspects par la police en Belgique et le recours à la
narcoanalyse, à l'hypnose et au polygraphe: un état de la
question et quelques réflexions inspirées par la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales », in R.I.C.P.T.S., Editeur : Genève :
Polymedia Meichtry SA, Volume LX, octobre-décembre 2007, pp. 437 et s.,
V. spec. p. 445 : « Contrairement à l'hypnose ou à la
narcoanalyse, le test polygraphique ne prive pas l'intéressé de
son libre arbitre et lui permet de rester conscient: il peut ainsi
décider de se taire, de donner une réponse inexacte ou de mentir.
Il a même le loisir de mettre fin au test à tout moment. Nous
estimons, dès lors, qu'il n'est pas question de contrainte physique ou
d'atteinte à l'intégrité physique de la personne
interrogée ».
1239 S. Sadek El Malla, L'aveu de
l'accusé, éditions 1986, pp. 133-134
1240 V. C. Ambroise-Castérot, «
Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n°
46, p. 8 : « ...il est interdit non seulement en France, ... car on
considère qu'il révèle davantage l'émotivité
d'un sujet que sa culpabilité éventuelle et ne permet pas
d'obtenir la vérité matérielle. Le procédé
est donc rejeté » ; C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 48,
p. 8 : « De plus, de tels procédés ne permettent pas
d'atteindre sûrement la vérité. Les personnes ayant
reçu une piqûre de penthotal ou placées sous hypnose
peuvent se trouver plongées dans un état psychique capable de
conduire leur inconscient fragile ou troublé à inventer des
faits, sous l'effet de la drogue ou de la relaxation provoquée par
l'hypnotiseur ».
1241 V. Jean-Yves Mariller, « La preuve
pénale et le progrès scientifique ou la tentation
séduisante mais dangereuse d'établir scientifiquement le mensonge
», in Les enjeux de l'utilisation des outils des neuroscientifiques
dans le procès pénal, Vendredi 8 février 2008 Centre
Interfacultaire en Sciences Affectives à l'Université de
Genève : « Quelle valeur probante le juge peut il accorder aux
déclarations sous hypnose, aux tracés graphiques d'un polygraphe,
aux résultats d'un électroencéphalogramme ou de l'imagerie
médicale censés le renseigner sur la sincérité des
déclarations d'une personne quelle soit prévenue, témoin
ou victime ? En France notamment cette « lecture dans le cerveau des
autres » est pour le moment rejetée au nom des grands principes
mais la tentation d'y recourir reste forte surtout en matière de lutte
contre le terrorisme et la grande criminalité ».
1242
libertés individuelles . On tend à penser que
l'utilisation du détecteur de mensonges est une
301
forme de contrainte matérielle, car il comporte une
atteinte au droit de l'accusé de se taire et de se défendre, et
tout aveu obtenu avec cet appareil est considéré caduc, car
n'émanant pas d'une volonté libre 1243 . Le courant majoritaire
dans la doctrine refuse l'utilisation du détecteur de mensonges dans les
enquêtes criminelles, et certains pensent que l'utilisation de l'appareil
est une atteinte à la liberté intellectuelle de l'accusé
qui le subit même s'il est d'accord, car l'accord, dans ce cas, peut
être soit motivé par la peur de voir son refus utilisé
contre lui1244 ou par une tentative de démontrer l'innocence
à cause d'une position faible ou de l'absence d'une preuve concluante de
son innocence. Ceci constitue à notre avis une contrainte morale
indirecte. Un autre avis dit que l'utilisation du détecteur de mensonges
est une forme de contrainte matérielle de l'accusé qui le subit.
D'autres pensent que l'utilisation du dit appareil comporte deux types
d'atteintes : l'une physique et l'autre psychologique. Concernant l'atteinte
physique, l'utilisation de l'appareil relève d'une contrainte
matérielle, car il constitue une violation du droit de l'accusé
à se taire et son droit à l'autodéfense 1245 . Quant
à l'atteinte psychologique, l'utilisation du détecteur de
mensonges constitue une contrainte morale 1246 car elle porte sur des
changements physiologiques et la nervosité que détecte
l'appareil. La peur que ressent l'accusé lorsqu'il subit
l'expérience sous l'effet du détecteur de mensonges influe,
certainement, d'une façon directe sur lui. Ses battements de coeur
1242 V. en même sens l'avis de Mme
Coralie Ambroise-Castérot sur le détecteur de mensonges : C.
Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e
éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 238, p. 166 :
« C'est un procédé très dangereux pour les
libertés individuelles ».
1243 V. sur l'aveu et le consentement dans
l'administration de la preuve pénale : V. Antoine, Le consentement
en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 359, p. 248 : « Le
consentement intervient également de façon croissante dans les
modes d'administration de la preuve en raison du fait qu'il est
étroitement lié à l'aveu ».
1244 V. en langue arabe : S. Sadek El Malla,
L'aveu de l'accusé, éditions 1986, pp. 133-134
1245 V. en ce sens : C.
Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén.
Dalloz., octobre 2006, n° 47, p. 8 : « l'aveu arraché
par narcose (ou par hypnose) et l'aveu censé apparaître à
la lecture des graphiques produits par le polygraphe sont en tous points
comparables à celui obtenu sous la torture physique. Ces
procédés ne respectent pas le principe, essentiel, de
liberté de l'aveu. f...] la personne se prêtant au jeu du
polygraphe n'est pas libre de contrôler les réactions des organes
servant de paramètres à la machine et que l'expert devra
interpréter. Il est, par conséquent, impossible d'accepter de
tels procédés de preuve ».
1246 V. F. Goossens, « L'audition de
suspects par la police en Belgique et le recours à la narcoanalyse,
à l'hypnose et au polygraphe: un état de la question et quelques
réflexions inspirées par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales »,
in R.I.C.P.T.S., Editeur : Genève : Polymedia Meichtry SA,
Volume LX, octobre-décembre 2007, pp. 437 et s., V. spec. p. 447 :
« Nous estimons que le recours au détecteur de mensonge risque
de porter atteinte au droit à la protection de la vie privée
(notamment contenu à l'article 8 de la C.E.D.H.). En effet, le
polygraphe constate des signes qui ne sont pas toujours visibles à
l'oeil nu et sur base desquels l'on tente de contrôler la franchise de la
personne interrogée. Il entretient donc des rapports étroits avec
la vie privée, notion qui fait aujourd'hui l'objet d'une
interprétation très extensive de la part de la Cour
européenne des droits de l'homme ».
s'accélèrent et le taux de sucre dans le sang
augmente et ses symptômes aident à la sécrétion
1247
d' «adrénaline» par les glandes
surrénales
. Donc, on ne devrait pas se contenter d'interdire
302
l'utilisation du détecteur de mensonges et statuer sur
la nullité des preuves obtenues, mais il faut aussi que son usage soit
strictement interdit et incriminé car il constitue une forme
1248
.
d'atteinte à la liberté individuelle comme le crime
d'usage de force
215. Notre avis sur la légalité de
l'utilisation du détecteur de mensonges. D'abord, il faut
généraliser et affirmer péremptoirement que n'importe
quelle méthode ou moyen de collecte des preuves doit être
limitée et compatible avec le droit au respect de la dignité
humaine. De surcroît, le consentement de l'intéressé
à se soumettre à un test polygraphique ne justifie absolument
aucune sorte de dérogation à ce principe. Nous estimons que
l'utilisation du détecteur de mensonges porte un préjudice
matériel et moral à l'accusé. Le préjudice
matériel à l'accusé vient du fait que la façon de
l'utiliser exige de restreindre la liberté de celui qui le subit. Un
tube est placé sur sa poitrine pour enregistrer la respiration, et un
appareil pour enregistrer la tension artérielle est aussi attaché
à son bras, et les deux mains doivent être posées sur deux
plaques de métal pour enregistrer la sécrétion de sueur en
l'exposant à un
courant électrique faible 1249 . Nul doute que faire
subir de telles choses au prévenu constitue une nuisance
matérielle pour lui, et il ne devrait pas le subir même s'il est
minime et n'engendre pas de blessures. D'autre part, les effets néfastes
sur le prévenu, comme l'augmentation du rythme cardiaque et de la
tension artérielle et du taux de sucre dans le sang, constituent une
atteinte à l'intégrité physique du prévenu et lui
causent des lésions corporelles. L'appareil cause un préjudice
moral au prévenu qui le subit du fait que l'utilisation de l'appareil
crée une forte pression psychologique et conduit à une
augmentation des sentiments
1250
de peur et de troubles psychologiques pour celui qui le subit
. On ne devrait pas s'arrêter à une simple interdiction de
l'utilisation de l'appareil et statuer sur la nullité des preuves
obtenues en l'utilisant, mais il faut criminaliser son utilisation du fait
qu'il constitue une forme
1247 H. Essemny, Légalité
des preuves obtenues par des moyens scientifiques, Thèse de droit,
Université du Caire (Égypte), édition 1983, pp.
280-281.
1248 S. Hamad Salah, Garanties du droit
de l'accusé à se défendre devant la cour
pénal, Thèse de droit, Université Ain Chamss
(Égypte), 1997-1998, p. 328.
1249 V. en langue arabe : mode d'emploi de
l'appareil : A. Mourad, L'enquête pénale technique et la
recherche pénale, librairie universitaire moderne, Égypte,
édition 1991, p. 149.
1250 V. en langue arabe : O. Farouk El
Husseini, Torture de l'accusé pour avoir des aveux. L'infraction et
la responsabilité, Librairie arabe moderne, édition 1986, p.
149.
1251
d'atteinte à la liberté individuelle exactement
comme le crime avec usage de la force
|
. On
|
peut ajouter que l'utilisation du détecteur de
mensonges peut être considérée comme une contrainte morale
de dire la vérité sans aucun base juridique dans le droit
libanais et français puisque l'accusé ne prête pas serment
de dire la vérité et c'est sans doute une violation aux droits de
ne pas s'auto-incriminer, droit de se taire, droit de ne pas collaborer
à son accusation et une façon d'obliger l'accusé à
produire des preuves contre lui-même. Selon Mme Haritini Matsopoulou
« malgré ces précautions, il nous semble
préférable de condamner le recours à cette technique.
Puisque dans la procédure pénale française,
l'accusé n'est pas tenu de prêter serment et de dire la
vérité, on ne voit pas au nom de quoi on pourrait s'assurer de
la
sincérité de ses dires » 1252 . Le
droit libanais consacre le droit de ne pas participer à sa propre
incrimination en assurant le droit de se taire ou de garder le silence dans les
textes du Code de
procédure pénale
|
1253
|
. Il faut rappeler que le droit de ne pas participer à
sa propre incrimination
|
303
est expressément prévu par l'article 14 du Pacte
des Nations unies sur les droits civils et
1254
politiques du 16 décembre 1966. Ce droit est
également consacré encore par la
1255
jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'homme,
et est apparu dans le droit
1251 V. en langue arabe : S. Hamad Salah,
Garanties du droit de l'accusé à se défendre devant la
cour pénal, Thèse de droit, Université Ain Chamss
(Égypte), 1997-1998, p. 328.
1252 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 895, p.
724.
1253 V. en droit libanais : L'article 41 du
CPP libanais dispose : « Lorsqu'une infraction flagrante a lieu,
l'officier de police judiciaire ... [Il] peut interroger le suspect à
condition que celui-ci fasse sa déclaration volontairement, en
connaissance de cause, et librement, sans être soumis à quelque
forme de contrainte que ce soit. Si la personne interrogée choisit de
garder le silence, il ne peut la contraindre à parler » ;
l'article 47 du CPP libanais dispose : Mesures prises par la police judiciaire
en dehors des infractions flagrantes « En leur qualité
d'auxiliaires de justice, les officiers de police judiciaire ... effectuent des
recherches en vue d'en identifier les auteurs ou les participants criminels et
rassemblent des charges à leur encontre, ainsi que du recueil des
dépositions des témoins sans les soumettre au serment et des
déclarations de suspects et de personnes visées par des plaintes.
Lorsque ces personnes refusent de faire des déclarations ou choisissent
de garder le silence, mention en est portée sur le procès-verbal.
Les officiers de police judiciaire ne peuvent dans ce cas les contraindre
à parler ou les interroger, sous peine de nullité des
déclarations recueillies » ; l'article 77 du CPP libanais
dispose: « Il incombe au juge d'instruction de respecter le principe
de libre volonté du défendeur pendant son interrogatoire. Il
s'assure que celui-ci fait sa déposition en l'absence de toute influence
extérieure, qu'elle soit morale ou physique.
Si le défendeur refuse de répondre et
choisit de garder le silence, le juge d'instruction ne peut le contraindre
à parler » ; Procédure de jugement et
vérification de la preuve devant le juge unique, l'article 180 du CPP
libanais dispose : « Si le défendeur refuse de répondre
et garde le silence, le juge et la partie civile ne peuvent le contraindre
à parler. Le juge ne peut retenir son silence contre lui » ;
Devant la Cour criminelle, l'article 253 du CPP libanas dispose : « Si
l'accusé refuse de répondre et garde le silence, il ne peut
être contraint à parler ».
1254 L'article 14 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques dispose que: « 3. Toute
personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine
égalité, au moins aux garanties suivantes:g) A ne pas être
forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer
coupable ».
1255 V. sur le droit de se taire et de ne pas
contribuer à sa propre incrimination : F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 63,
p. 48 : « Ce droit à été dégagé par
la Cour européenne des droits de l'homme
pénal français depuis la réforme faite
par l'innovation de la loi sur le renforcement de la présomption
d'innocence et les droits des victimes du 15 juin 2000. Dans l'affaire Funke
contre la France
|
1256
|
, la Cour européenne des droits de l'homme a
consacré pour la première
|
304
fois par sa jurisprudence d'une manière très
claire le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination :
« La Cour constate que les douanes provoquèrent la condamnation
de M. Funke pour obtenir certaines pièces, dont elles supposaient
l'existence sans en avoir la certitude. Faute de pouvoir ou vouloir se les
procurer par un autre moyen, elles tentèrent de contraindre le
requérant à fournir lui-même la preuve d'infractions qu'il
aurait commises. Les particularités du droit douanier (paragraphes 30-31
ci-dessus) ne sauraient justifier une telle atteinte au droit, pour tout
"accusé" au sens autonome que l'article 6 (art. 6) attribue à ce
terme, de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination.
Partant, il y a eu
violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) »
|
1257
|
. Dans un arrêt récent, la Cour de Strasbourg
|
confirme sa consécration du droit de ne pas contribuer
à sa propre incrimination. « La Cour rappelle que même si
l'article 6 de la Convention ne les mentionne pas expressément, le droit
de garder le silence et le droit de ne pas contribuer à sa propre
incrimination sont des normes internationales généralement
reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable
consacrée par l'article 6 § 1. En particulier, le droit de ne pas
contribuer à sa propre incrimination présuppose que les
autorités cherchent à fonder leur argumentation sans recourir
à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les
pressions, au mépris de la volonté de l'« accusé
» (voir Funke précité ; John Murray c. Royaume-Uni, 8
février 1996, § 45, Recueil 1996-I ; Saunders c. Royaume-Uni, 17
décembre 1996, §§ 68-69, Recueil 1996-VI ; Serves c. France,
20 octobre 1997, § 46, Recueil 1997-VI ; J.B. c. Suisse, no
31827/96,
1258
§§ 47-48, CEDH 2001-III, § 64) ».
216. L'utilisation du détecteur de mensonges au
Liban. Premièrement, d'un point de vue juridique, il n'existe aucun
texte dans le droit libanais permettant ou offrant la couverture du principe de
la légalité de preuve qui permet ou légalise l'usage de
cet appareil durant l'enquête ou l'enquête préliminaire dans
le domaine pénal. Il n'existe pas, non plus, de texte qui aborde
explicitement ce moyen ou en interdise l'usage explicitement, et devant une
telle situation, il convient de certifier que ce moyen est interdit d'usage
parce qu'il est incompatible avec le
de l'interprétation des §1er et
2e de l'article 6 de la Convention relatifs, respectivement, au
droit à un procès équitable et au droit au respect de la
présomption d'innocence ».
1256 CEDH 25 février1993, Funke c/
France.
1257 CEDH 25 février1993, Funke c/
France, requête 10828/84, V. spec. §44. 1258 CEDH 5
avril 2012, Chambaz c/ Suisse, requête 11663/04V. spec. § 52.
305
principe de la légalité de preuve pénale
et avec les droits fondamentaux de l'homme et qu'il constitue une atteinte
à son intégrité physique. Il est donc
considéré comme une forme de contrainte matérielle, et
donc en l'absence de base légale formelle légalisant
l'utilisation du détecteur de mensonges, il est interdit d'y avoir
recours dans le droit libanais. Toute preuve en émanant ne doit pas
être acceptée et ne doit avoir aucune valeur probante. La question
de l'utilisation du détecteur de mensonges n'occupe pas une place
très importante en droit libanais et la doctrine ne s'y intéresse
pas, préférant se concentrer sur la torture corporelle et la
violence. On estime que c'est un moyen moderne d'enquête alors que d'un
point de vue pratique, c'est une méthode ancienne dans les pays
européens. Mais malgré le silence du droit, toute preuve
émanant de ce moyen est un aveu nul et n'a aucun effet juridique, ni
aucune valeur vu l'illégalité de ce moyen d'obtention de preuves.
L'une des causes de l'illégalité de la preuve obtenue grâce
au détecteur de mensonges est que la simple utilisation de cet appareil
est en soi une contrainte pour l'accusé, et une complète
abrogation de son droit de mentir et de son droit fondamental de se taire. Ce
moyen comporte aussi une forte contrainte morale pour le prévenu ou
suspect, car il est surveillé lors de son interrogatoire, en plus il
s'agit de mettre l'accusé en situation d'examen devant le
détecteur de mensonges ce qui lui donnera des sentiments de confusion,
de panique et de peur de mentir, ce qui le rend nerveux et de volonté
précaire lors de son interrogatoire. Dans tous les cas, l'avis
scientifique n'est pas d'accord sur la légalité du recours au
détecteur de mensonges, donc on ne peut le considérer comme
une
1259
.
preuve convaincante qui peut être prise en
considération sans équivoque
217. Soumission volontaire au détecteur de
mensonges. En principe l'utilisation de cet appareil ne devrait pas
être autorisée même si le prévenu ou son avocat
demande à le subir, la première cause réside dans le fait
qu'il n'y a pas de texte juridique autorisant un tel acte dans le droit
libanais, et deuxièmement, dans le fait que le prévenu qui
accepte volontairement de subir l'appareil pour prouver son innocence fera que
ce moyen sera accepté davantage pour arriver, enfin, à une phase
où tout prévenu qui ne propose pas ou ne demande pas
volontairement de subir cet appareil formera une présomption retenue
contre lui qu'il a commis l'infraction. De façon graduelle, l'appareil
deviendrait une preuve obligatoire donnant une preuve forte influant sur la
conviction du juge sans qu'il ne soit consacré par aucune loi.
Toutefois, nous constatons que cette interdiction absolue de soumission
volontaire au détecteur de mensonges peut avoir une seule limite dans le
cas où le prévenu est incapable de présenter une preuve de
son innocence alors qu'il y a des preuves qui l'inculpent et plus
1259 V. en langue arabe : M. Awji,
Leçons de procédure pénale, 1er
éd., Éditions juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p.
195.
306
précisément des preuves susceptibles de le
condamner, la demande du prévenu de subir volontairement le
détecteur de mensonges peut être acceptée après
l'accord de son avocat. Il va de soi que cette technique de défense doit
être consacrée et organisée par un texte législatif
détaillé et clair, et nous sommes ici d'accord avec une telle
approche pour deux raisons. Premièrement, pour permettre à
l'accusé de prouver son innocence lorsque les circonstances du crime
sont telles qu'il ne peut avoir une preuve de son innocence, car ceci
s'avère impossible. C'est la raison pour laquelle nous proposons
l'autorisation partielle de l'utilisation de ce moyen de façon
très restreinte et c'est à la Cour en charge de l'affaire
d'évaluer cette impossibilité et le prévenu est soumis au
détecteur de mensonges devant la Cour du fond et le juge du fond
c'est-à-dire sous la surveillance et en présence de
l'autorité judiciaire qui juge le fait et non devant l'enquêteur
ou le juge d'instruction. Ceci représente une garantie importante, et
là on peut dire que ce moyen devient dans ce cas un moyen de
défense exceptionnel et contribue à se débarrasser de la
règle qui dit que le doute est expliqué en faveur de
l'accusé et ceci est un sujet de recherche sérieux que nous
proposons.
B. Recevabilité de la preuve acquise
d'identification par ADN.
218. L'utilisation de l'ADN à des fins juridiques.
Des années durant, la preuve pénale s'est appuyée sur
des méthodes traditionnelles diverses et des preuves pénales
communes dans les enquêtes relatives à la découverte des
acteurs et des victimes de crimes et des accidents de toutes sortes,
jusqu'à la découverte, par le généticien
britannique Alec Jeffreys de l'empreinte génétique, qui est
devenue l'une des meilleures preuves usitées pour identifier avec une
exactitude parfaite les personnes, qu'elles soient des criminels ou des
victimes. Par ailleurs,
l'empreinte génétique revêt une importance
capitale1260 dans l'identification de la descendance, mais nous
allons nous contenter dans notre étude du rôle que joue
l'empreinte
1261
génétique dans la preuve pénale.
1260 V. M.-A. Grimaud, « Les enjeux de
la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le
système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada,
1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 298 : « Cette
preuve biométrique, mise au point en 1985 par un
généticien britannique, Alec Jeffreys, fascine. C'est presqu'un
truisme de dire qu'elle est séduisante et particulièrement
prometteuse, non pas seulement parce qu'elle repose sur une biotechnologie de
pointe, la génétique, mais surtout parce qu'elle permet, soit de
désigner avec une quasi-certitude, de confirmer une identité sans
un besoin de témoignage, soit d'exclure une telle identité
».
1261 M.-A. Grimaud, « Les enjeux de la
recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le
système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada,
1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 300 : « En
matière criminelle, cette preuve est particulièrement utile dans
les causes de meurtres, de viols ou d'agressions sexuelles,
219. 307
L'ADN en matière de preuve pénale.
L'utilisation de l'ADN à des fins judiciaires au
1262
cours de l'enquête judiciaire revêt une
importance particulière. La question qui se pose est donc de savoir
comment profiter de l'analyse génétique dans la recherche des
éléments de preuve afin de découvrir la
vérité dans le procès ? Mmes Geneviève
Giudicelli-Delage et Haritini Matsopoulou répondent à cette
question en écrivant : « l'analyse d'ADN permet d'identifier un
individu, par comparaison de son empreinte génétique avec les
substances prélevées sur la scène d'un crime. Le recours
à un tel moyen permet souvent de faire le lien entre plusieurs affaires
criminelles et d'aboutir à l'identification d'un criminel en
série. L'utilisation des techniques, mettant en oeuvre l'ADN, a
évolué depuis le début de leur emploi
dans le cadre de la criminalistique
»
|
1263
|
. Donc, il s'agit d'une comparaison entre
l'ADN de la
|
1264
trace trouvée sur le lieu du crime
|
ou sur la victime (sang, sperme, ...), et celui du
suspect
|
|
1265
.
comme affirme la doctrine pénale
220. Conditions d'approbation de l'empreinte
génétique dans la preuve pénale. L'importance
croissante de l'ADN en matière de preuve pénale est remarquable
mais soulève
de vols qualifiés, de crimes en série et de
crimes non résolus où il n'est pas facile de trouver des preuves
sur la base des méthodes traditionnelles ».
1262 V. en ce sens : Y. Padova, «
À la recherche de la preuve absolue. Réflexions sur l'utilisation
de l'ADN en procédure pénale et sur le développement des
fichiers d'empreintes génétiques», in Arch.pol.crim.,
Éditions A. Pédone, 2004/1 - n° 26, pp. 71-90, V. spec.
p. 72 : « Compte tenu de la force probatoire qui est désormais
attachée aux résultats de l'analyse d'ADN, celle-ci
possède de nombreux effets secondaires, sur l'opinion publique
notamment, qui tend à considérer la présence
d'échantillons génétiques comme la garantie
d'identification du délinquant et donc la certitude du prononcé
de la sanction pénale».
1263 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 5.
1264 V. en ce sens : G. A. Van Eikema Hommes
et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe
», in R.S.C., 1993, p. 679 : « La méthode de
l'empreinte génétique ADN se fait par comparaison de la structure
ADN de la matière corporelle trouvée sur le lieu du délit
ou sur la victime, avec la structure du matériel corporel
prélevé sur le prévenu. C'est une méthode
extrêmement complexe qui est mise en oeuvre pour trouver le
résultat de cette comparaison ».
1265 V. en ce sens : M. Franchimont, A.
Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale,
3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1097 : «
L'analyse génétique en procédure pénale est une
technique d'identification reposant sur la comparaison entre, d'une part, les
profils génétiques de traces découvertes sur les lieux de
l'infraction et, d'autre part, les profils génétiques
d'échantillons prélevés sur une personne en cours
d'information ou d'instruction. La comparaison peut également porter sur
les profils de traces trouvées sur les lieux de l'infraction, d'une part
et, sur les profils de traces stockées dans des bases de données
ADN, d'autre part, ou sur le profil génétique
d'échantillons de cellules prélevés, d'une part, et les
données de la banque, d'autre part. La comparaison permet
d'établir, avec un degré de certitude élevé, que la
personne concernée par l'analyse se trouvait ou ne se trouvait pas sur
les lieux d'infraction. ».
308
1266
plusieurs interrogations à propos de la
légalité de ce moyen dans la recherche de preuve, ce
1267
qui ouvre le débat sur les conditions auxquelles doit
être soumis un prélèvement ADN. La certitude de la valeur
de l'analyse 1268 de l'empreinte génétique1269
dépend totalement de la qualité de la méthode de recherche
et de l'exactitude dans l'interprétation des résultats
découlant de cette analyse, ce qui nécessite la présence
d'un atelier hautement qualifié. L'approbation des preuves requiert que
les procédures adoptées pour son obtention soient conformes
à celles prévues par la loi, sinon les preuves n'ont aucune
valeur légale. Afin que la preuve soit approuvée, la condition de
légalité de la preuve est sans doute nécessaire. Ce qui
est sûr c'est que l'utilisation de la technique d'empreinte
génétique, comme l'une des preuves adoptées dans la preuve
pénale va ouvrir une question portant sur la légalité de
ce moyen de preuve, parce qu'il pose certains problèmes inhérents
aux principes généraux de la procédure pénale et
des droits et garanties prévus pour les accusés, dont l'ampleur
de l'atteinte à la sécurité corporelle de l'accusé
1270 afin de le contraindre à la prise d'un échantillon de son
1271
corps ou d'une cellule de son sang pour procéder à
l'examen
|
.
|
1266 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419
: « L'appel à l'ADN doit être possible pour la preuve de
toute infraction grave car la détermination du coupable va dans le sens
de l'intérêt général en permettant à la fois
d'éviter de la part de celui-ci la commission d'autres infractions et la
condamnation d'un innocent contre lequel il y aurait eu des indices à
charges. En clair, entre deux maux -l'atteinte (très réduite) aux
droits de l'homme d'un individu et l'atteinte à l'ordre social- il faut
choisir le moindre ».
1267 V. G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 5 : « il est permis de s'interroger sur les
différentes conditions auxquelles doit être soumis un
prélèvement ADN, qui doit assurer toutes les garanties de
fiabilité et, assurer le respect du principe de la
légalité dans l'administration des preuves ».
1268 V. M. Franchimont, A. Jacobs et A.
Masset, Manuel de procédure pénale, 3e
éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1100 : « L'analyse
génétique présente un degré de fiabilité
suffisant ».
1269 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 470, p. 418 : « Ce procédé plus moderne
qu'est le prélèvement de cellules aux fins de
détermination de l'empreinte génétique d'un individu
(A.D.N.) est indéniablement d'une grande fiabilité dès
lors que les conditions de recueil des échantillons et leur degré
de pureté sont au-dessus de tout soupçon ».
1270 V. sur ce point : Ch. Byk, « Tests
génétiques et preuve pénale », in R.I.D.C.,
Vol. 50, n° 2, avril-juin 1998, pp. 683-709, V. spec. p. 684 :
« L'impératif de la recherche de la vérité semble
avoir prévalu sur celui du respect de l'inviolabilité corporelle,
jusque peut-être à avoir réussi à déplacer
l'équilibre précaire qui voulait qu'en droit français on
ne puisse imposer de force à une personne, fut-elle suspectée
d'un délit, une atteinte à son intégrité physique.
L'analyse montrera également que les atteintes potentielles à la
vie privée ne sont protégées que de façon
très lacunaire par le droit positif ».
1271 V. sur ce point : G. A. Van Eikema
Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en
Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Pour obtenir le
matériel corporel dont on a besoin pour effectuer un test ADN, on devra
avoir souvent recours à une ingérence dans
l'intégrité corporelle du prévenu, telle que celle-ci a
été garantie dans les Constitutions de beaucoup de pays. Le droit
à l'intégrité corporelle n'est pourtant pas un droit
absolu. Souvent les lois fondamentales déclarent que ce droit peut
être limité par les dispositions légales ».
221. Les problèmes soulevés par
l'utilisation de l'empreinte génétique dans la preuve
pénale. L'utilisation de l'empreinte génétique dans
la preuve pénale soulève de nombreux
1272
problèmes relatifs à la sécurité
corporelle et à l'inviolabilité de la vie privée
. S'agissant
tout d'abord de la sécurité corporelle,
l'analyse de l'empreinte génétique nécessite l'obtention
d'un échantillon du corps humain 1273 , car il n'est pas possible de
procéder à l'analyse dans le cadre scientifique actuel sauf sur
des échantillons de sang ou de sperme ou toute autre cellule issue ou
séparée du corps humain. Cette analyse fait la comparaison entre
les traces laissées dans la scène de crime et les
échantillons 1274 pris de l'accusé pour s'assurer s'ils
proviennent
de la même source ou non
|
1275
|
. Cette comparaison requiert la prise d'une partie du corps
|
309
humain (soit l'accusé) pour effectuer l'analyse
|
1276
|
, ce qui constitue une atteinte à la
sécurité
|
corporelle. De ce fait, elle peut être restreinte dans
certains cas prévus par la loi. Outre ce qui a été dit
concernant l'interdiction de prendre un échantillon du corps de
l'accusé dans le but d'y analyser l'empreinte génétique,
car ceci constitue une atteinte à l'inviolabilité du corps et
1272 V. sur ce point : M.-A. Grimaud, «
Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans
le système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada,
1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 328 : « La preuve
obtenue par analyse génétique semble être porteuse de
bénéfices notables pour la justice dans le domaine de
l'identification; mais il ne fait nul doute que l'utilisation de cette preuve
sans un contrôle efficace générera de nombreux
problèmes. Les risques et les atteintes à la dignité
humaine peuvent se multiplier (atteinte aux droits fondamentaux
renforcés par les problèmes liés à la collecte et
l'utilisation des échantillons, l'informatisation et la création
des banques de données, les questions de sécurité
génétique, les questions de coût, les questions de
répercussion familiale et sociale etc...)» ; V. sur un droit
fondamental qui serait en jeu au test d'identification ADN serait le droit
à la vie privée : G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, «
Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C.,
1993, p. 679 : « La question est dans quelle mesure le test
d'identification provoque-t-il une ingérence à ce droit et dans
quelle mesure y pourra-t-on trouver des données qui tombent sous la
protection des diverses Constitutions, ou de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
ou bien encore de l'article 17 de la Convention internationale des droits
civils et politiques ? ».
1273 V. sur ce point : M.-A. Grimaud, «
Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans
le système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada,
1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 308 : « la source
de l'échantillon utilisé pour l'analyse peut être variable
(prélèvements frais, vieux, secs, congelés,
décomposés) car l'ADN est stable et est extrêmement
résistant aux effets de l'environnement ».
1274 V. en ce sens : La Mise en état
des affaires pénales : rapports / Ministère de la justice,
Commission justice pénale et droits de l'homme ; présidée
par Mireille Delmas-Marty ; Serge Lasvignes, (et al.), V. spec. p. 201 :
« En effet, toute technique d'identification repose sur une
comparaison entre un indice relevé sur les lieux de l'infraction et un
échantillon prélevé sur le suspect, qu'il s'agisse de
sang, de sperme... Or, le respect de l'intégrité corporelle de
l'inculpé constitue une exigence traditionnelle de la procédure
pénale : le droit qu'a la justice d'accéder à ce que la
personne possède de plus intime a pour borne infranchissable
l'intégrité physique de celle-ci ».
1275 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 477, p. 434
: « La preuve par empreintes génétiques ou A.D.N (acide
désoxyribonucléique) est souvent présentée
aujourd'hui comme la preuve parfaite permettant de confondre par exemple
l'auteur d'un viol ou d'un homicide volontaire dès lors qu'ils ont
laissé sur les lieux du crime ou sur le corps de la victime quelques
cellules de leur sang, salive, sperme... et qu'une comparaison pourra
être faite avec des cellules appartenant à leur propre corps s'ils
sont soupçonnés ».
1276 V. en ce sens : G. A. Van Eikema Hommes
et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe
», in R.S.C., 1993, p. 679 : « Le matériel avec
lequel on procède dans un test ADN faisait partie du corps humain
».
une contradiction avec la liberté individuelle des
personnes, seule la personne (l'accusé) a la liberté totale de
soumettre son échantillon biologique à l'analyse biologique ou de
s'y
1277
objecter.
222. Possibilité de contraindre l'accusé
à l'analyse de l'empreinte génétique en cas de refus.
L'opération de prise d'échantillon ou de cellule du corps de
l'accusé est nécessaire pour la comparaison qui s'effectue sur la
trace de la scène de crime ou sur le corps de la victime. Mais, est-il
possible de contraindre l'accusé à se soumettre à
l'analyse de l'empreinte genetique ? En d'autres termes, que faut-il faire si
l'accusé refuse que l'on prenne un échantillon de son corps? Le
refus est-il un aspect du droit au silence du suspect ou de
l'inculpé
|
1278
|
? M. Jean Pradel pose encore la question : «
L'intéressé doit-il consentir au
|
1279
prélèvement ? », pour finir par
affirmer que la question est délicate. Pour répondre à
cette
question
|
1280
|
, il sied de distinguer entre les deux hypothèses
suivantes : première hypothèse :
|
310
dans le cas où l'on trouve des traces du criminel sur
la scène de crime, on n'a pas besoin d'un corps ou de contrainte pour
prendre un échantillon du corps pour l'analyse. S'il s'avère
nécessaire de prendre un échantillon du corps de l'accusé,
il est nécessaire d'obtenir sa
. Si l'accusé ou prévenu refuse de donner son
1281 1282
permissionou celle de son tuteur
1277 V. M.-A. Grimaud, « Les enjeux de
la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le
système pénal canadien », in R.D.U.S., (Revue de
droit de l'Université de Sherbrooke) Canada, 1994, Vol. 24, n° 2,
pp. 295-345, V. spec. p. 328 : « Comme toute
autre technologie scientifique, la preuve d'identification par ADN pose le
dilemme suivant : le savoir et le pouvoir confrontés aux garanties des
droits de la personne et de la justice sociale. En effet, avec l'analyse
génétique, c'est la personne toute entière qui est l'enjeu
de pouvoirs; la personne dans sa dimension physique, dans sa dimension humaine
et sociale, la personne dans sa dimension cosmique ».
1278 V. sur ce point : M. Franchimont, A.
Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale,
3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1098 : « Le
prélèvement de cellules humaines effectué sous la
contrainte peut être ressenti par le suspect ou par l'inculpé
comme violant son droit au silence ». (Telle n'est pas la position de
la Cour européenne de l'homme voir arrêt Saunders c/Royaume-Uni le
17 décembre 1996).
1279 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
436.
1280 V. encore sur ce pont, la question
posée par Gertrud A. Van Eikema Hommes et Peter Tak : V. G. A. Van
Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure
pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : «
Quelle réaction s'impose lorsque le prévenu refuse de subir un
prélèvement du matériel corporel ou d'en procurer ?
»
1281 Selon l'article 16-1 C. Civ français
1 du 29 juillet 1994 « Le corps humain est inviolable ».
1282 La loi pénale française
incrimine la violation de l'intimité de la vie privée, sauf
consentement de l'intéressé, art 226-1 et suivant du Code
pénal français.
, alors, il faut se contenter de ce qui a été pris
ou d'en prendre des échantillons
1284
de la scène de crime.
échantillon
1283
311
Concernant la deuxième hypothèse: s'il faut
prendre un échantillon du corps de l'accusé, et si
l'accusé refuse, il y a alors trois options découlant de longs
débats se rapportant à l'utilisation de l'empreinte
génétique pour la preuve pénale, notamment l'analyse de
l'empreinte génétique.
Première option: Il s'agit d'imposer une
sanction à l'accusé s'il refuse qu'on prenne un
échantillon de son corps. Ceci n'est pas prévu par la loi
libanaise, donc, nous excluons l'application de cette option au Liban. Au
contraire, en droit français le fait de refuser de se soumettre à
un prélèvement ADN est sanctionné pénalement et par
amende.
Deuxième option : l'accusé ne fait pas
l'objet de sanction s'il refuse de se soumettre à
l'analyse 1285
, et dire que le refus est considéré comme une
preuve de la perpétration de
l'infraction par l'accusé ou non, dépend de
l'estimation par l'autorité du juge 1286 . Or sur la base du droit du
prévenu de ne pas s'auto-incriminer et du droit de ne pas contribuer
à sa propre incrimination, nous critiquons fortement cet avis car le
refus de l'accusé ne peut être considéré comme une
preuve concluante de sa responsabilité sauf si le résultat de
l'analyse confirme la compatibilité de l'échantillon pris de lui
avec l'échantillon trouvé sur la scène de
1287
crime ou sur le corps de la victime.
1283 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419
: « Des auteurs considèrent que le droit au silence inclut le
droit pour le prévenu de s'opposer de fournir à la justice des
informations tirées de son corps ».
1284 V. R. Coquoz, Preuve par l'ADN. La
génétique au service de la justice, 1er
éd., Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003, p. 295:
« Avec le consentement de la personne, le prélèvement ne
soulève pas de problème particulier. Les choses se compliquent
lorsque la personne refuse le prélèvement. Et la loi doit bien
sûr déterminer s'il est possible d'effectuer un
prélèvement contre la volonté d'une personne, et dans
quels cas ».
1285 V. en ce sens : V. G. A. Van Eikema
Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en
Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Une
première option est de rendre le refus passible d'une peine, comme cela
s'est produit pour le refus d'une prise de sang lors d'une infraction à
la circulation routière prévue par le Code des débits de
boissons. Cependant cette réaction n'a pas l'air très
réaliste, puisque, pour se présenter au prévenu comme une
incitation à coopérer au test, la peine imposée pour le
refus de consentement devrait être identique à la peine encourue
à la suite d'un test positif ».
1286 V. en ce sens : V. G. A. Van Eikema
Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en
Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Une
deuxième possibilité est de ne pas rendre le refus passible d'une
peine, mais de laisser à la discrétion du juge de l'audience de
décider quelles conséquences en matière de preuve il veut
lier au refus. Cette réaction a été choisie par le
législateur d'Angleterre, du pays de Galles, d'Irlande du Nord et de la
République irlandaise ».
1287 V. critique concernant cette option : V.
G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure
pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « A
notre avis, la deuxième possibilité n'est pas
Troisième option: Il s'agit de contraindre
l'accusé à se soumettre à l'analyse de l'empreinte
1288
génétique
|
. Cette option, proposée par certains auteurs
|
1289
|
, peut être considérée comme une
|
312
violation aux principes fondamentaux du droit de preuve.
Notamment à l'interdiction de la contrainte de la personne à
présenter une preuve à son encontre et au principe suivant lequel
la charge de la preuve pèse sur le demandeur. Cependant, ceci constitue
l'option usitée dans les pays européens et occidentaux qui ont
attribué au juge le pouvoir de contraindre l'accusé à
prendre un échantillon de son corps à condition que cet
échantillon soit dans la proportion nécessaire pour
procéder à l'analyse. Quant à nous, nous choisissons la
troisième option, car elle est la plus idoine. En effet, l'obtention
d'un échantillon du sang (ou salive, cheveux) de l'accusé peut
certes être douloureuse, mais cette douleur n'est pas telle qu'il ne peut
la
supporter puisque ce n'est qu'une petite piqûre 1290 .
En outre, la prise d'échantillon du sang de l'accusé dans
certains crimes où l'on trouve des preuves insuffisantes sur sa
perpétration de ces crimes est considérée comme une
procédure nécessaire pour la comparer avec les traces de sang, de
sperme ou autres traces humaines sur la scène de crime. La prise de cet
échantillon, même si elle est considérée comme une
violation à la sécurité corporelle, n'est pas comparable
avec le préjudice que le criminel a causé en commettant le crime,
à cet effet, la loi a permis de soumettre l'accusé à des
procédures susceptibles de porter légèrement atteinte
à sa sécurité corporelle afin d'atteindre un
intérêt d'une importance capitale, soit l'établissement de
la sécurité et de la justice, comme c'est le cas pour la preuve
pénale par rapport au conducteur de voiture en état d'ivresse.
Toutefois, la dernière option est considérée comme
étant illégale dans la loi libanaise à cause de la
clarté du texte de loi libanaise qui interdit cette méthode. Il
serait utile que le législateur libanais intervienne pour modifier la
présente loi de façon fondamentale afin d'être conforme
avec l'importance de cet examen dans les enquêtes
acceptable, puisque le prévenu peut avoir des
raisons valables motivant ce refus. Par ailleurs ce même refus ne peut
être considéré comme preuve tangible. En outre, cette
alternative est tout à fait contraire au système de la preuve
légale et négative, étant le système de preuve dans
divers pays européens continentaux. Ainsi un refus de coopération
ne peut jamais constituer une preuve positive pour la détermination de
l'imputabilité du prévenu. Pour argumenter la preuve il n'y a que
le résultat du test ».
1288 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 470, p. 419 : « En clair, entre deux maux -l'atteinte
(très réduite) aux droits de l'homme d'un individu et l'atteinte
à l'ordre social- il faut choisir le moindre ».
1289 V. G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak,
« Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in
R.S.C., 1993, p. 679 : « Une troisième
possibilité serait de passer outre le refus de coopération par
l'application de la contrainte ou de la force. C'est le choix du
législateur des pays scandinaves, de l'Ecosse, de l'Allemagne, des
États-Unis et de quelques États de l'Australie ».
1290 V. en ce sens sur ADN et droit à
l'intégrité corporelle de l'individu: M. Franchimont, A. Jacobs
et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e
éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1099 : « Dans la mesure
où, dans la majorité des cas, l'analyse ADN de comparaison
suppose le prélèvement de cellules sur une personne, il s'agit
d'une atteinte- si limitée soit elle- au droit à
l'intégrité corporel de l'individu ».
313
pénales et des preuves ou de choisir une autre option
claire concernant le refus de soumettre à un prélèvement
d'ADN en limitant les infractions visées par cette option.
223. Position du législateur libanais
vis-à-vis de l'utilisation des profils d'ADN dans des procédures
pénales. Les législations modernes, y compris la
législation libanaise, permettent l'expertise technique pour la
recherche de la vérité. Cette considération transcende
toutes les autres considérations. Il convient de citer que M. Moustapha
Awji qui pense que l'accomplissement de cette expertise ne permet pas
l'utilisation de moyens agressifs ou de contrainte à cet effet, sauf si
la loi permet d'effectuer l'expertise en dépit de l'objection du
défendeur 1291 . De ce fait, l'ADN est
considéré comme faisant partie de l'expertise et non pas comme
moyen de preuve selon M. Moustapha Awji. Les textes de loi de la
procédure pénale libanaise ne comportent aucune mention de
l'empreinte génétique. Nous pensons que l'empreinte
héréditaire est considérée comme un acte
d'expertise lorsqu'elle est obtenue sur la scène de crime ou en tout
autre lieu, car le propriétaire de l'empreinte l'a laissée
derrière lui. Par conséquent, il n'y a pas besoin d'obtenir son
approbation ou de l'intervention d'une autre personne pour obtenir un
échantillon de son corps. Concernant le cas où l'obtention de
l'échantillon est impossible sans porter atteinte au corps de son
propriétaire ni à sa volonté, le sujet est alors
complètement différent et cela devient un moyen de preuve qui a
besoin d'approbation explicite et manuscrite de la personne concernant son
accord pour faire l'objet d'analyse car il s'agit ici de sa
sécurité corporelle et volontaire.
224. La partie qui autorise l'accomplissement de
l'analyse de l'empreinte héréditaire dans le droit libanais.
La question suivante se pose : la science peut-elle être toujours
infaillible dans l'identification du criminel devant les tribunaux ? En droit
libanais la loi n° 625 a été promulguée le 20/11/2004
sous le nom d'analyses génétiques humaines. L'article 4 de cette
loi confirme que « ni les considérations de recherche relative
au stock génétique, ni aucune de ses applications dans le domaine
biologique, génétique ou médical, ne doivent enfreindre
les droits de l'homme, ses libertés fondamentales, et la dignité
humaine de l'individu ou de la société ». Sur ce, est
formellement interdite toute utilisation de moyens ou toute conduite d'examens
qui transgressent la dignité de l'homme. L'article 5, à son tour,
confirme la confidentialité de ces informations et de leur protection :
« Il est impératif de respecter la confidentialité des
informations génétiques propres à tout individu ou tout
groupe. » Quant à l'article 9, il confirme la liberté
de l'individu en imposant la déclaration explicite manuscrite
1291 V. en langue arabe : M. Awji,
Leçons de procédure pénale, 1er
éd., Halabi Law Publisher, Beyrouth (Liban), 2002, p. 192.
314
de la soumission à cette analyse sans aucune contrainte
: est interdite la conduite directe de toute analyse génétique
sauf avec l'approbation explicite et manuscrite de la personne soumise à
l'analyse, l'approbation n'est considérée comme étant
explicite que si le donneur d'approbation avait suffisamment de temps de
réflexion avant de la donner. Est interdit tout exercice de pression ou
de tentation morale ou matérielle visant l'obtention de l'approbation de
la personne soumise à l'analyse. La personne ayant accepté de se
soumettre à l'analyse a le droit de changer d'avis ou de demander
l'arrêt de l'examen ou d'annuler les résultats après les
avoir consultés, conformément à l'article 11 qui
énonce que « la personne ayant fait l'objet d'examen est
habilitée à consulter les résultats de cet examen, de
même, elle est habilitée à arrêter cet examen ou
à annuler tout ce qui s'y rapporte à tout moment».
L'article 14 de cette même loi interdit le recours des
autorités générales ou toute autre personne au laboratoire
pour obtenir les résultats de l'examen sans le consentement
préalable par écrit de la personne ayant fait l'objet de
l'examen. Cet article sert de protection à la personne, sa
liberté et sa confidentialité dans les enquêtes
pénales, à savoir l'article 14 affirme qu'il est interdit de
communiquer les résultats de l'examen à la famille ou à
toute autre tierce personne, privée ou publique, sans le consentement
explicite par écrit de la personne objet d'examen. Concernant les
mineurs ou les personnes n'ayant pas la capacité pour donner leur
approbation explicite, les examens génétiques s'effectuent
conformément à la demande manuscrite du tuteur. L'article 16
affirme que « les examens des traits génétiques pour
confirmer la descendance et pour des raisons de médecine légale
(empreintes génétiques et recherches de paternités) et les
méthodes de son utilisation sont soumis au pouvoir judiciaire
compétent qui décide si la conduite d'examen est
légalement autorisée ». Ce texte est pauvre en terme de
structure et il est très vague ne donnant aucune signification,
excepté que le juge est habilité à décider s'il est
permis légalement d'effectuer l'examen ou non en vue de confirmer la
descendance ou en tant qu'expertise technique dans les procès.
Cependant, il ne propose aucun critère pour connaître la
façon dont le juge prend sa décision et comment il estime si
l'examen est légalement permis ou non. Le législateur doit
intervenir pour modifier le texte et expliquer la façon d'utilisation
dudit examen dans les procès et enquêtes et leurs
procédures, les garanties et les sanctions contre le non-maintien de
cette confidentialité qui doit être préservée vu
l'importance que revêt ce moyen dans la preuve et son utilisation
croissante et son rôle dans les enquêtes. Pour ce qui est des
laboratoires, l'article 21 dispose que « les activités des
laboratoires de l'ADN et la sauvegarde d'échantillons et leur insertion
sur les réseaux d'information doivent se plier à toutes les
règles adoptées et connues en matière de sauvegarde des
fichiers médicaux (articles 7 et 29 du Code de la déontologie
médicale). De même, elles sont soumises aux Codes civils et
pénaux en vigueur. » Quant à l'article 22, il
315
prévoit que « les registres et les
échantillons d'ADN sont préservés dans des centres qui
comportent toutes les garanties scientifiques et morales agréées
par le ministère de la santé ». Concernant l'article
23, il dispose que « toute personne concernée est mise au
courant de son droit à refuser de donner toute information
génétique préservée la concernant, ainsi que de son
droit d'obtenir ces informations à tout moment, ou à demander son
abrogation sur le registre, ou le retrait ou la destruction des
échantillons d'ADN propre à elle, à condition qu'elles ne
contredisent pas les dispositions de l'article 22 de la présente loi.
» Concernant la protection des informations, l'article 24 affirme que
« des mécanismes particuliers codés sont adoptés
dans les laboratoires d'ADN afin de protéger les informations et
interdire toute prise de connaissance privée ou publique y
afférente permettant l'identification de la personne concernée
par le registre, par ailleurs, toute demande de présentation de tout
document génétique aux personnes concernées est interdite
».
225. Position de la jurisprudence libanaise
vis-à-vis de l'utilisation de l'examen génétique. Au
Liban, la jurisprudence prend en considération l'empreinte
génétique en sa qualité d'indice et de preuve scientifique
dans la justice civile et pénale. C'est ce qui a été
confirmé par le juge d'instruction au mont Liban, dans la
décision du 05/02/1995 dans l'affaire du décès de l'enfant
(Nathali Dabbas), où le juge d'instruction considérait que «
l'analyse de l'ADN, dans le cas présent, prouve de façon
catégorique que (Nathalie) est la fille de (Wadii Dabbas), car l'analyse
a prouvé que les échantillons pris de (Natalie) après
être déterrée, se caractérisent par des mêmes
caractéristiques héréditaires, et correspondent aux
échantillons utilisés par le docteur lors de l'autopsie du
cadavre de Natalie, autrement dit, il n'y a aucun doute que la fille objet
d'autopsie est (Nathalie Dabbas)... Attendu que l'enquête a
concerné plusieurs aspects, et la tendance vers l'aspect médical
n'a pas exclu les autres aspects qui sont restés continuels, attendu que
nous avons écouté plusieurs témoins et médecins,
ainsi que la partie/ demanderesse et défenderesse, attendu que le
rapport d'expertise qui nous est parvenu de Washington, il échet donc de
dire qu'il n'y a eu aucun abus sexuel contre (Nathalie Dabbas) ».
Selon nous, beaucoup des questions problématiques n'ont pas
été évoquées par la doctrine et la jurisprudence
libanaises parce que rares sont les cas qui soulèvent la question du
prélèvement d'ADN présentés devant la justice
libanaise.
226. L'Admission de la preuve par ADN ou l'utilisation de
l'ADN en droit français. Longtemps, la France n'a eu aucune
disposition légale en la matière 1292 . Ce vide juridique en
1292 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p.
434.
matière D'ADN est comblé partiellement par un
texte de loi civil qui est la loi du 29 juillet 1994 sur la bioéthique.
« Jusqu'aux années 1990, au questionnement
génétique répondait un immense vide juridique. C'est tout
d'abord la loi du 29 juillet 1994 sur la bioéthique qui a
introduit dans le Code civil une législation
spécifique. L'article 16-11, alinéa 1er, du Code civil
fut pendant plusieurs années la seule disposition à apporter un
début de solution à la
matière pénale »
|
1293
|
. Mme Coralie Ambroise-Castérot illustre parfaitement le
problème qui
|
entoure l'application de l'article 16-11, alinéa
1er du Code civil en matière pénale face aux exigences
du procès équitable comme une exigence incontournable :
« Ce texte prévoit en effet la possibilité d'une prise
d'empreintes génétiques dans le cadre d'une enquête ou
d'une information judiciaire. Cependant, les exigences du procès
équitable et de la protection des droits de la défense ne
pouvaient nullement se satisfaire d'un demi alinéa dans le Code civil
pour réglementer une méthode d'investigation pénale aussi
invasive, intrusive au regard de la protection de la vie privée, et
aussi dangereuse pour les libertés et les droits
fondamentaux » 1294 . Mais le vide juridique qui
continue a existait en matière pénale d'ADN en droit
français n'a pas empêché certains juges d'instruction de
recourir à ce procédé et on peut citer un arrêt du
14 août 1997 de la Cour d'appel de Rennes qui a mentionné que
« des prélèvements de sang ou de salive soient
systématiquement effectués avec accord préalable des
intéressés, sur tous les habitants de sexe masculin d'âge
adulte de la commune de Pleine-Fougères, et, dans l'hypothèse de
résultats négatifs, d'effectuer de semblables opérations
dans
les communes avoisinantes»
|
1295
|
. Pour combler ce vide juridique qui existait en
matière pénale
|
316
1296
en droit français, il faudra attendre jusqu'à la
loi n° 98-468 du 17 juin 1998sur les
1297 1298
infractions de nature sexuelleet la protection des mineurs
victimespour que soit
1293 C. Ambroise-Castérot, « La
personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66, V. spec. n° 6.
1294 C. Ambroise-Castérot, « La
personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66, V. spec. n° 6.
1295 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 436
: « Mais qu'en est-il en France ? Une décision (Rennes 14 aout
1997) a admis que le recours à l'A.D.N. suppose le consentement des
intéressées. Mais elle a été rendue avant la loi de
1998 qui, il est vrai, ne disait rien en cette question ».
1296 V. C. Ambroise-Castérot, «
La personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66, V. spec. n° 7 : « Le Parlement a
finalement adopté le 17 juin 1998 une législation
spécifique. Cette législation n'a pas introduit les empreintes
génétiques dans une section relative à la preuve, mais
dans une partie du Code de procédure pénale traitant du fichier
national automatisé des empreintes génétiques (dit FNAEG)
».
1297 V. sur la comparaison d'empreintes
génétiques en droit français: P.-Y. Marot et G. Roussel,
« La fabrique des populations problématiques par la suspicion
policière », in Colloque international, Nantes, 13, 14 et
15 juin 2007, p. 6 : « D'abord instrument spécifique
dédié à la lutte contre la délinquance sexuelle, il
est devenu un outil plus général au service de
l'élucidation des affaires ».
1299
. La
consacrée cette technique, sur amendement de
parlementaires de l'opposition d'ailleurs matière est traitée
à l'article 706-54 du CPP français, complété par
une circulaire du 14 décembre 1998 et par un décret d'application
en date du 18 mai 2000 relatif au fichier national
automatisé des empreintes génétiques
(F.N.A.E.G)
|
1300
|
et au service central de préservation des
|
prélèvements biologiques. Les lois des 15
novembre 2001, 18 mars 2003, 9 mars 2004, 4 avril 2006, 10 mars 2010 et 14 mars
2011 « d'orientation et de programmation pour la performance sur la
sécurité intérieure » (dite loi LOPSI II)
apportent quelques retouches
comme le souligne M. Jean Pradel
|
1301
|
. Au début, la liste des infractions était
limitée à certaines
|
317
infractions relatives aux infractions sexuelles qui figuraient
dans la loi du 18 juin 1998. Mais survinrent trois lois postérieures
prévoyant d'étendre la liste des infractions (loi 15 novembre
2001, loi 18 mars 2003 et loi 9 mars 2004). Aujourd'hui, la liste des
infractions selon l'article 706-55 du CPP français est «
énorme » selon l'expression de M. Jean Pradel1302 . En fait,
dans le futur, il est possible que le législateur français
abandonne un jour le système de la liste des
1303
.
infractions pour utiliser un critère différent en
se basant sur le montant de la peine
227. Les hypothèses autorisant le recours aux
analyses d'ADN en droit français. Est-il permis pour une personne
objet d'une procédure pénale de refuser de se soumettre à
des prélèvements d'ADN ? De la même manière, est-il
possible légalement de contraindre une personne dans une
procédure pénale à se soumettre à un
prélèvement biologique destiné à la manifestation
de la vérité ? Refuser de se soumettre à un
prélèvement biologique est-il contraire à la loi ? Est-ce
punissable ? Mme Coralie Ambroise-Casterot répond à cette
question d'une manière générale en soulignant que
« le droit français oscille entre la préservation du
droit de ne pas s'auto-incriminer, le droit à la protection de
l'intégrité corporelle, et la recherche de la preuve
nécessaire à la résolution de l'affaire. Autrement
dit,
1298 V. A. Giudicelli, « Sur la
distinction du prélèvement et de l'analyse concernant les
empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998), in
R.S.C., 2001, p. 607 : « avec la loi du 17 juin 1998 relative
à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, a été
ajouté dans ce même code un article 706-54 qui crée un
fichier national automatisé de données génétiques
».
1299 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p.
435.
1300 V. sur le Fichier national
automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) : F.
Christine, Le fichier national des empreintes génétiques,
DEA droit et justice année 2001-2002, Université de Lille
2.
1301 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p.
435. 1302 J. Pradel, Procédure pénale,
17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 435.
1303 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 435
: « viendra sans doute le jour où le législateur
abandonnera le système de la liste et décidera que sont
concernées toutes infractions passibles par exemple de trois ans
d'emprisonnement ».
le premier enjeu est d'examiner le corps face aux
impératifs de vérité »
1304
. En droit français,
il y a plusieurs hypothèses concernant le
prélèvement biologique. Le premier concerne le
prélèvement biologique afin de conserver dans le fichier national
automatisé des empreintes génétiques concernant les
auteurs qui sont déclarés coupable par la Cour d'avoir commis
certaines infractions sélectionnées par le législateur ou
qui ont fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité
pénale en application des articles 706-120, 706-125, 706-129, 706-133
ou
706-134 (les infractions sont énumérées
dans l'article 706-55 du CPP français)
|
1305
|
. Quelles
|
sont les infractions qui nécessitent le
prélèvement biologique pour conserver les empreintes
génétiques des personnes condamnées et qui ont fait
l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale ? En
droit français « toute personne condamnée pour une des
infractions mentionnées à l'article 706-55 du Code de
procédure pénale verra ses empreintes génétiques
centralisées
dans le fichier »
|
1306
|
. L'article 706-55 du CPP français énumère
les infractions qui permettent
|
318
de recueillir les empreintes génétiques des
personnes déclarées coupables de l'une des infractions
mentionnées à l'article 706-55 du CPP ; sont les infractions de
nature sexuelle, autres infractions contre les personnes, infractions contre
les biens, certaines infractions contre
la sûreté de l'État...1307 Le
législateur français a exagéré avec cette longue
liste d'infractions qui élargit le domaine de cet article qui permet de
prélever l'ADN des personnes déclarées
1304 C. Ambroise-Castérot, « La
personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66.
1305 L'article 706-54 dispose que «
Le fichier national automatisé des empreintes génétiques,
placé sous le contrôle d'un magistrat, est destiné à
centraliser les empreintes génétiques issues des traces
biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes
déclarées coupables de l'une des infractions mentionnées
à l'article 706-55 en vue de faciliter l'identification et la recherche
des auteurs de ces infractions. Sont conservées dans les mêmes
conditions les empreintes génétiques des personnes poursuivies
pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 ayant
fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale en
application des articles 706-120, 706-125, 706-129, 706-133 ou 706-134
».
1306 C. Ambroise-Castérot, « La
personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66.
1307 L'article 706-55 du CPP français:
« Le fichier national automatisé des empreintes
génétiques centralise les traces et empreintes
génétiques concernant les infractions suivantes: 1° Les
infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 du
présent code ainsi que le délit prévu par l'article 222-32
du code pénal; 2° Les crimes contre l'humanité et les crimes
et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de
torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d'atteintes
aux personnes, de trafic de stupéfiants, d'atteintes aux libertés
de la personne, de traite des êtres humains, de
proxénétisme, d'exploitation de la mendicité et de mise en
péril des mineurs, prévus par les articles 221-1 à 221-5,
222-1 à 222-18, 222-34 à 222-40, 224-1 à 224-8, 225-41
à 225-4-4, 225-5 à 225-10, 225-12-1 à 225-12-3, 225-12-5
à 225-12-7 et 227-18 à 227-21 du code pénal; 3° Les
crimes et délits de vols, d'extorsions, d'escroqueries, de destructions,
de dégradations, de détériorations et de menaces
d'atteintes aux biens prévus par les articles 311-1 à 311-13,
312-1 à 312-9, 313-2 et 322-1 à 322-14 du code pénal;
4° Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les
actes de terrorisme, la fausse monnaie et l'association de malfaiteurs
prévus par les articles 410-1 à 413-12, 421-1 à 421-4,
442-1 à 442-5 et 450-1 du code pénal; 5° Les délits
prévus par les articles L. 2353-4 et L. 2339-1 à L. 2339-11 du
code de la défense; 6° Les infractions de recel ou de blanchiment
du produit de l'une des infractions mentionnées aux 1° à
5°, prévues par les articles 321-1 à 321-7 et 324-1 à
324-6 du code pénal ».
319
coupable et les personnes poursuivies pour l'une des
infractions mentionnées à l'article 706-55 ayant fait l'objet
d'une décision d'irresponsabilité pénale. Il est
souhaitable que le législateur français abandonne cette longue
liste d'infractions pour n'énumérer que les crimes
qualifiés de graves et dont la détection des auteurs est
très compliquée. D'autre part, dans l'alinéa 2 de
l'article 706-54 du CPP français 1308 , on trouve le fondement
légal qui permet de recueillir l'empreinte génétique des
personnes soupçonnées « à l'encontre desquelles
il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles
aient commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55
». De surcroît, l'alinéa 3 de l'article 706-54 du CPP
français permet aux officiers de police judiciaire d'effectuer d'office
(ou à la demande du procureur de la République ou du juge
d'instruction) une procédure de rapprochement avec les données
qui sont incluse dans le Fichier national automatisé1309 des
empreintes génétiques1310. Il est donc possible de
« faire procéder à un rapprochement de l'empreinte de
toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs
raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'une des infractions
mentionnées à l'article 706-55 avec les données incluses
au
1311
.
fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y
être conservée »
228. Argument contre le fait de procéder à
un prélèvement par la contrainte. Il existait en faveur de
l'emploi de la contrainte certains arguments : dans toutes les
hypothèses se pose le
1308 L'alinéa 2 de l'article 706-54 du
CPP français dispose: « Les empreintes génétiques
des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou
concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions
mentionnées à l'article 706-55 sont également
conservées dans ce fichier sur décision d'un officier de police
judiciaire agissant soit d'office, soit à la demande du procureur de la
République ou du juge d'instruction ; il est fait mention de cette
décision au dossier de la procédure. Ces empreintes sont
effacées sur instruction du procureur de la République agissant
soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque
leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la
finalité du fichier. Lorsqu'il est saisi par l'intéressé,
le procureur de la République informe celui-ci de la suite qui a
été réservée à sa demande ; s'il n'a pas
ordonné l'effacement, cette personne peut saisir à cette fin le
juge des libertés et de la détention, dont la décision
peut être contestée devant le président de la chambre de
l'instruction ».
1309 V. « Commentaire de la
décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 », in Les
Cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier n° 30: « Dans
tous les cas, seules les infractions énumérées par
l'article 706-55 permettront donc un prélèvement biologique.
L'enregistrement est possible en cas de condamnation (article 70654, al. 1er)
ou en cas d'« indices graves ou concordants rendant vraisemblable»
que l'intéressé ait commis l'une de ces infractions (article
706-54, al. 2) ; l'enregistrement n'est pas possible, en revanche, s'il existe
simplement « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner
» que l'intéressé a commis l'une de ces mêmes
infractions énumérées par l'article 706-55 (article
706-54, al. 3) ».
1310 V. sur ce point: É. Mathias,
Procédure pénale, 3e éd.,
Bréal, 2007, p. 77: « les officiers de police judiciaire
peuvent non seulement procéder à un rapprochement des
échantillons prélevés sur la victime ou sur les lieux de
l'infraction avec les données stockées dans le fichier, mais
aussi comparer l'ADN d'un suspect avec les traces et empreintes
génétiques déjà fichées ».
1311 L'alinéa 3 de l'article 706-54 du
CPP français.
1312
problème du consentement de l'intéressé qui
est sans doute une question fondamentale
.
L'article 16-11, C. civ., prévoit trois applications de
l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques :
en matière civile (filiation notamment) où « le
consentement de l'intéressé doit être préalablement
et expressément recueilli », et en matière
pénale où cette exigence ne figure pas, d'où l'on peut
déduire que le consentement n'est pas nécessaire
comme affirme M. Jean Pradel
|
1313
|
. Contrairement à l'avis précédent de M.
Jean Pradel, nous
|
croyons qu'il n'est pas logique de déduire que le
consentement préalable de l'intéressé n'est pas
nécessaire en matière pénale parce que cette exigence ne
se trouve pas explicitement dans un texte de loi. Le consentement est toujours
nécessaire en cas d'atteinte légale sur le corps sauf en cas
d'exception lorsque le législateur exige de façon explicite qu'il
faut appliquer cette atteinte légale sans consentement de
l'intéressé. De surcroît, l'avis de M. Jean Pradel n'est
pas compatible avec le principe qui garantit à toute personne le droit
de ne pas s'auto incriminer et
1314
son droit au silence . Dans la fameuse «
décision bioéthique » n° 94-343/344 du 27 juillet
1994, qui vient juste avant la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du
corps humain, créant l'article 16-11, C. civ., on n'a pas
considéré que l'inviolabilité et l'intégrité
du corps humain
avait une valeur constitutionnelle
|
1315
|
. Donc, le Conseil constitutionnel refuse de donner à
|
l'inviolabilité de l'intégrité du corps
humain une valeur constitutionnelle
|
1316
|
. Dans la décision
|
320
1312 V. A. Giudicelli, « Sur la
distinction du prélèvement et de l'analyse concernant les
empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998), in
R.S.C., 2001, p. 607 : « Dans tous les cas, se pose la
question du consentement de l'intéressé. L'article 16-11 du Code
civil se contente d'exiger le recueil du consentement dans le cadre d'une
procédure judiciaire civile. Le silence du texte concernant la
procédure pénale signifie-t-il que le consentement,
préalablement au prélèvement nécessaire à
l'analyse, n'est pas requis ? ».
1313 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 437
: « L'article 16-11, C. civ., prévoit trois applications de
l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques :
1° dans le cadre des mesures d'enquête ou d'instruction
déligentées lors d'une procédure judiciaire ; 2°
À des fins médicales ou de recherche scientifique ; 3° Aux
fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes
décédées. Or ce texte ajoute « qu'en matière
civile ( le consentement de l'intéressé doit être
préalablement et expressément recueilli », et il en va de
même dans le cas des recherches médicales ou scientifiques alors
que rien de tel n'est prévu pour les mesures d'enquête ou
d'instruction. ».
1314 V. en ce sens : A. Giudicelli,
« Sur la distinction du prélèvement et de l'analyse
concernant les empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998),
in R.S.C., 2001, p. 607 : « En droit français, au
regard du principe de l'inviolabilité de la personne humaine
consacré aux articles 16-1 et 16-3 du Code civil, il n'est pas possible
d'admettre une atteinte au corps d'autrui qui ne serait pas consentie. Par la
combinaison du principe de l'inviolabilité et des règles qui
gouvernent la charge de la preuve, notamment celle qui veut que le
défendeur n'ait pas à collaborer avec la partie poursuivante, il
ne paraît pas concevable de soumettre à des
prélèvements forcés, fussent-ils de salive, les personnes
en cause ».
1315 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
437.
1316 DC n° 94-343/344 du 27 juillet
1994, spec. §18: « Considérant que lesdites lois
énoncent un ensemble de principes au nombre desquels figurent la
primauté de la personne humaine, le respect de l'être humain
dès le commencement de sa vie, l'inviolabilité,
l'intégrité et l'absence de caractère patrimonial du corps
humain ainsi que l'intégrité de l'espèce humaine ; que les
principes ainsi affirmés tendent à assurer le respect du principe
constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine
».
n° 2003-467 du 13 mars 2003, le Conseil constitutionnel a
affirmé : « Considérant, ainsi qu'il ressort de ses
termes mêmes, éclairés par les débats
parlementaires, que l'expression "prélèvement externe" fait
référence à un prélèvement n'impliquant
aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comportera donc aucun
procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la
dignité des intéressés ; que manque dès lors en
fait le moyen tiré de l'atteinte à l'inviolabilité du
corps humain ; que le prélèvement externe n'affecte pas davantage
la liberté individuelle de l'intéressé ; qu'enfin, le
prélèvement étant effectué dans le cadre de
l'enquête et en vue de la manifestation de la vérité, il
n'impose à la "personne à l'encontre de laquelle il existe une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou
tenté
de commettre l'infraction" aucune rigueur qui ne serait pas
nécessaire »
|
1317
|
. M. Jean Pradel
|
321
ajoute encore « que face à l'impérieuse
nécessité de rechercher la vérité dans les affaires
graves, en faisant appel à l'A.D.N., la collecte de quelques cheveux ou
gouttes de salive ne
porte guère atteinte aux droits de l'homme
»
|
1318
|
. Dans sa décision n° 2010-25 QPC du 17
|
septembre 2010, le Conseil constitutionnel a
déclaré que l'utilisation de la contrainte afin d'effectuer une
prélèvement biologique sans l'accord de l'intéressé
est conforme à la Constitution : « Considérant, en
deuxième lieu, que le prélèvement biologique visé
aux deuxième et troisième alinéas de l'article 706-54 ne
peut être effectué sans l'accord de l'intéressé ;
que, selon le quatrième alinéa du paragraphe I de l'article
706-56, lorsqu'il n'est pas possible de procéder à un
prélèvement biologique sur une personne, l'identification de son
empreinte génétique peut être réalisée
à partir de matériel biologique qui se serait naturellement
détaché de son corps ; qu'en tout état de cause, le
prélèvement n'implique aucune intervention corporelle interne ;
qu'il ne comporte aucun procédé douloureux, intrusif
ou attentatoire à la dignité des personnes
»
|
1319
|
. La jurisprudence européenne enfin, peut être
|
interprétée comme étant favorable
à l'usage de la contrainte, si besoin est. Une décision de
l'ancienne Commission E.D.H du 13 décembre 1979 rappelle que
l'ingérence constituée par un prélèvement corporel
obligatoire peut être justifiée, dès lors qu'elle est
prévue par la loi,
nécessaire dans une société
démocratique et proportionnée au but recherché 1320 .
Encore, un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme rendu
le 17 décembre 1996 dans l'affaire
Saunders c/ Royaume-Uni ouvre explicitement la
possibilité de l'état d'user de contrainte1321
1317 DC n° 2003-467 du 13 mars 2003, spec.
§55.
1318 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
437. 1319 DC n° 2010-25 QPC du 17 septembre 2010, spec.
§13.
1320 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
437.
1321 V. arrêt de 17 décembre
1996 de CEDH, Saunders c/ Royaume-Uni, V. spec. n° 69 :
«Toutefois, le droit de ne pas s'incriminer soi-même concerne en
premier lieu le respect de la détermination d'un accusé de garder
le
en précisant d'une manière très claire
que le droit au silence en faveur du suspect et accusé ne s'étend
pas aux procédés coercitifs tels le prélèvement de
sang ou de tissus corporels en vue
1322
d'une analyse coercitive
. On ne s'étonnera donc pas que finalement le
législateur français
ait adopté l'article 706-56 du CPP français (loi
15 novembre 2001, 18 mars 2003 et 9 mars 2004) qui a notamment pour objet
d'incriminer le refus des personnes condamnées ou
soupçonnées de se soumettre au prélèvement
biologique et qui pose les règles suivantes : 1° Le
prélèvement peut être effectué « sans
l'accord de l'intéressé», donc de force à
l'égard des
personnes condamnées 1323 pour crime ou délit
puni de dix ans d'emprisonnement1324 (CEDH 4
décembre 2008 Marper c/ Royaume-Uni
numéro 125)
|
1325
|
. 2° Dans les autres cas, le refus de
|
se soumettre au prélèvement biologique est puni
d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros
d'amende, sans cependant que les enquêteurs puissent agir
coercitivement
|
1326
|
. 3° Le fait de
|
322
silence. Tel qu'il s'entend communément dans les
systèmes juridiques des Parties contractantes à la Convention et
ailleurs, il ne s'étend pas à l'usage, dans une procédure
pénale, de données que l'on peut obtenir de l'accusé en
recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent
indépendamment de la volonté du suspect, par exemple les
documents recueillis en vertu d'un mandat, les prélèvements
d'haleine, de sang et d'urine ainsi que de tissus corporels en vue d'une
analyse de l'ADN.»
1322 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
437.
1323 V. CEDH 4 décembre 2008, Marper
c/ Royaume-Uni, Requêtes n° 30562/04 et 30566/04, spec. § 125:
« la Cour estime que le caractère général et
indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes
digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes
soupçonnées d'avoir commis des infractions mais non
condamnées, tel qu'il a été appliqué aux
requérants en l'espèce, ne traduit pas un juste équilibre
entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, et
que l'État défendeur a outrepassé toute marge
d'appréciation acceptable en la matière. Dès lors, la
conservation litigieuse s'analyse en une atteinte disproportionnée au
droit des requérants au respect de leur vie privée et ne peut
passer pour nécessaire dans une société
démocratique. Cette conclusion dispense la Cour d'examiner les critiques
formulées par les requérants à l'encontre de certains
points précis du régime de conservation des données
litigieuses, tels l'accès, trop large selon eux, à ces
données et la protection, insuffisante à leurs yeux, offerte
contre les usages impropres ou abusifs de ces données ».
1324 L'article 706-56 du CPP français
dispose: « Lorsqu'il s'agit d'une personne condamnée pour crime
ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, le
prélèvement peut être effectué sans l'accord de
l'intéressé sur réquisitions écrites du procureur
de la République ».
1325 V. sur ce point : CEDH, 4
décembre 2008, Marper c/ Royaume-Uni, Requêtes n° 30562/04 et
30566/04,, V. spec. § 112 :La Cour européenne observe que :
« ... la protection offerte par l'article 8 de la Convention serait
affaiblie de manière inacceptable si l'usage des techniques
scientifiques modernes dans le système de la justice pénale
était autorisé à n'importe quel prix et sans une mise en
balance attentive des avantages pouvant résulter d'un large recours
à ces techniques, d'une part, et des intérêts essentiels
s'attachant à la protection de la vie privée, d'autre part. Pour
la Cour, le fort consensus qui existe à cet égard au sein des
États contractants revêt une importance considérable et
réduit la marge d'appréciation dont l'État
défendeur dispose pour déterminer jusqu'où peut aller
l'ingérence dans la vie privée permise dans ce domaine. La Cour
considère que tout État qui revendique un rôle de pionnier
dans l'évolution de nouvelles technologies porte la
responsabilité particulière de trouver le juste équilibre
en la matière ».
1326 L'article 706-56 du CPP français
dispose: « II. - Le fait de refuser de se soumettre au
prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I
est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Lorsque ces
faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de
deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.Nonobstant les
dispositions des articles 132-2 à 132-5 du code pénal, les peines
prononcées pour les délits prévus au présent
article se cumulent, sans possibilité de confusion,
commettre ou de tenter de commettre des manoeuvres visant
à substituer à son propre matériel biologique celui d'un
tiers, avec ou sans son accord, est puni de trois ans d'emprisonnement et
1327
de 45000 euros d'amende
. Il faut que le législateur libanais prenne en compte
cette idée du
323
législateur français.
Conclusion du Chapitre II
229. La liberté de preuve ne signifie pas la recherche
de la preuve pénale avec une liberté absolue et extrême,
sans aucune restriction. En effet, il est inadmissible de permettre la
recherche de la preuve pénale et sa production, sans prêter
attention à la légalité des moyens à travers
lesquels la preuve est accessible. En réalité, le respect des
droits de la défense et la protection de la dignité humaine
exigent que l'accès à la preuve, ou plus
précisément la méthode de l'obtention de la preuve
pénale, soit en conformité avec les moyens juridiques
légaux. Il est devenu naturel de baser les moyens de preuve dans les
enquêtes criminelles sur la science moderne, mais afin de valider la
preuve, ils doivent être exercés dans le cadre de la
légalité et dans les limites tracées par la loi. En effet,
il est interdit d'inclure les attaques sur l'immunité du corps de
l'individu, sur sa liberté et sur sa vie privée, exception faite
dans la mesure nécessaire, et dans les limites fixées par la loi.
Toutefois, il est inacceptable d'exagérer dans l'établissement
des restrictions qui entraveraient le déroulement de la justice. Cela
signifie que si les méthodes et les moyens modernes occupent une
importance particulière dans la recherche et l'administration de la
preuve pénale, il est nécessaire que l'utilisation de ces moyens
de preuve modernes soit strictement encadrés par le législateur.
Cependant, la preuve scientifique doit être conforme aux règles
prévues par le Code de procédure pénale afin de respecter
la légalité, ou en d'autres termes la primauté de la loi.
A ce propos, les moyens traditionnels illégaux pour chercher la preuve
sont nombreux et variés. Il suffit de mentionner, en tant qu'exemples
non limitatifs, l'utilisation de la torture et de la coercition physique et
morale, les interrogatoires longs et épuisants de la force de
l'accusé et influant sur la liberté de sa volonté, la
convocation de l'accusé pour un interrogatoire d'une façon
avec celles que la personne subissait ou celles
prononcées pour l'infraction ayant fait l'objet de la procédure
à l'occasion de laquelle les prélèvements devaient
être effectués ».
1327 L'article 706-56 du CPP français
dispose: « Le fait, pour une personne faisant l'objet d'un
prélèvement, de commettre ou de tenter de commettre des
manoeuvres destinées à substituer à son propre
matériel biologique le matériel biologique d'une tierce personne,
avec ou sans son accord, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000
euros d'amende ».
324
répétitive à une heure tardive dans la
nuit ou aux premières heures du matin, l'extension de l'enquête
pendant de longues durées insupportables. Ces moyens épuisent le
prévenu et l'accusé en général, influant ainsi sur
sa volonté. La situation actuelle au Liban en termes d'application
pratique exige une intervention législative pour mettre fin à une
jurisprudence non humaniste et illégale qui admet le recours à
des preuves obtenues illégalement comme preuve de culpabilité
dans un procès pénal. Bien que certaines pratiques de la police
soient contraires à la légalité de la preuve, certaines
décisions judiciaires ont accepté l'aveu forcé ou les
traitements inhumains. Un nombre important d'organisations non gouvernementales
ont dénoncé dans leurs rapports l'existence de cas de torture
exercés dans les lieux de détention au Liban.
En outre, est considérée comme illégale
l'utilisation de certains moyens non traditionnels, en particulier
l'anesthésie, l'hypnose, le détecteur de mensonges. En relation
avec le détecteur de mensonges, les juristes ainsi que le pouvoir
judiciaire se sont accordés à le considérer parmi les
moyens de contrainte, de la torture, et de la recherche dans les profondeurs de
l'âme. Quant au sérum de vérité, il est reconnu sans
désaccord que son utilisation est absolument rejetée. A propos de
l'hypnose, son utilisation avec l'accusé, pour l'endormir est un moyen
rejeté et inacceptable, car l'endormi reste sous les effets hypnotiques,
lui faisant perdre ainsi sa volonté et sa liberté. L'utilisation
du détecteur de mensonges, de l'analyse d'anesthésie, d'hypnose
ou de l'interrogatoire prolongé, épuisant ainsi l'accusé
peut donc constituer un comportement criminel. Il convient de souligner
explicitement l'exclusion de toute valeur probante de la preuve produite par
ces moyens, étant donné qu'il s'agit d'une preuve contraire au
principe de la légalité de la preuve pénale.
Il est interdit d'invoquer le principe de la liberté de
la preuve pour avoir recours à des moyens violant la sainteté de
la vie privée ou encore la sécurité du corps de l'individu
sans autorisation judiciaire préalable du législateur. Celui-ci
permettra juridiquement certaines atteintes dans les cas où il estime
que leur utilité à protéger l'intérêt public,
à révéler la vérité sur l'infraction et
à détecter les criminels est supérieure à
l'intérêt de l'individu et nécessite un certain sacrifice
de la liberté et de garanties de l'individu.
Dans ce cas, étant donné leur gravité et
l'atteinte aux libertés que ces moyens provoquent, les
législateurs doit en limiter le recours par des dispositions
légales explicites afin de fournir certaines garanties et un
contrôle judiciaire permettant l'annulation de la procédure faite
contrairement aux dispositions de la loi et permettant la non-prise en compte
de la preuve en résultant, en raison de son manque de
légitimité. On peut citer les tests ADN permis par les
législateurs libanais et français.
325
230. La légalité de la preuve pénale
signifie que la preuve doit être conforme à l'ensemble du
système juridique et pas seulement le respect d'une règle
spécifique prévue par le législateur. Par
conséquent, il est inacceptable d'appliquer le principe de la
liberté de la recherche de la preuve pénale indépendamment
de toute restriction légale fournissant les principes
généraux du respect de la liberté, de la
sécurité des droits de l'homme dans le procès
pénal, et de la notion de la légalité procédurale
dans la recherche de la preuve pénale. Il est également
inadmissible de considérer que tout moyen qui crée la certitude
sert de moyen preuve, sans égard à la légalité de
la méthode utilisée pour obtenir la preuve. En outre, il est
impossible de reconnaître le principe selon lequel « la fin
justifie les moyens » en tant que principe légal, et par
conséquent de l'appliquer dans la recherche de la preuve pénale,
étant donné qu'il entraîne la perte de la règle de
la légalité de la preuve pénale. En général,
il est convenable de dire que la règle de la légalité de
la preuve doit être prise en compte dans toutes les phases du
procès pénal étant donné qu'elle représente
un filtre qui affine les procédures d'une étape à l'autre,
et qu'elle nécessite l'accord entre la preuve pénale et la
règle écrite ou en d'autres termes le principe de la
légalité de la procédure pénale (« pas de
procédure sans texte») et par conséquent la
règle de la légalité de la preuve pénale.
326
Partie II
La mise en oeuvre du principe de légalité
de
la preuve
231. L'importance de l'étude de la mise en oeuvre
pratique du principe de légalité de preuve pénale.
L'importance de l'étude de la mise en oeuvre pratique (effective)
du principe de légalité de la preuve pénale dans le
procès pénal s'explique par la nécessité de
découvrir la valeur réelle que revêt ce principe. Si on ne
fait pas cette étude face aux défis imposés par ce
principe, il sera impossible d'évaluer la protection des droits des
individus lors de la recherche des preuves quels que soient l'effort consenti
par le législateur en vue de garantir le processus de recherche de la
preuve pénale se basant sur les lois pénales et les garanties qui
pourraient être inspirées de la théorie pure. En effet, ces
textes et lois visent à assurer l'équilibre entre les droits des
individus et l'intérêt de la société en assurant la
concordance entre le moyen de recherche de la preuve pénale et le
respect des droits de l'individu, la dignité humaine et les
considérations de la justice. Cette concordance ne peut être
atteinte qu'à travers la reconnaissance théorique et
l'application effective du principe de légalité de la
procédure et de la preuve pénale.
232. L'importance de la valeur et des conséquences
juridiques attachées au principe de légalité.
L'application effective des principes légaux constitue la norme par
laquelle l'on peut savoir l'écho et l'impact découlant de ces
principes loin de la théorie, car toutes les théories s'inclinent
devant la réalité de la mise en oeuvre pratique (effective)
devant les tribunaux. D'où l'importance d'étudier l'impact et
l'influence du principe de légalité de preuve en matière
pénale et de son exécution ou son application par la
jurisprudence libanaise et française pour connaître l'ampleur de
la protection assurée par ce principe dans le procès
pénal. Pour étudier et évaluer l'application du principe
de légalité qui constitue un correctif à la liberté
de la preuve, il faut d'abord confirmer et affirmer la véritable
existence de ce principe et sa consécration dans le droit libanais et
français et la valeur juridique qu'il revêt. Ensuite, nous allons
étudier dans le deuxième titre de cette partie l'application du
principe de la légalité de preuve en droit libanais et
français pour évaluer le degré d'efficacité et de
protection assurées par ce principe en se reposant sur l'étude
des solutions jurisprudentielles et doctrinales
327
concernant l'admission d'éléments de preuve
obtenus illégalement. Compte tenu de ce qui précède, on
doit s'interroger sur le sort de la preuve illégale dans le
deuxième titre.
Le premier titre de la deuxième partie tend à
montrer l'existence et la valeur juridique du principe de la
légalité de preuve en droit libanais et français : vers
une reconnaissance du principe de légalité. Le second titre de
cette partie porte sur les sanctions des preuves illégales et illicites
dans le procès pénal.
328
Titre I
Vers une reconnaissance du principe de
légalité
233. L'existence du principe de légalité.
Le fameux principe de la légalité criminelle connu
1328
notamment sous l'aspect du principe de la légalité
des délits et des peines ne laisse aucun
doute sur sa présence et sa consécration par
les législateurs libanais et français. Par contre, un autre
aspect du principe de légalité criminelle paraît fortement
marginalisé et oublié par les juristes notamment la doctrine
pénale et malheureusement par la jurisprudence. L'aspect
négligé du principe général de la
légalité est le principe de la légalité
procédurale et de la légalité de la preuve pénale
qui constitue un aspect essentiel du principe de légalité et une
conception très large de la garantie des droits de l'homme dans un
État de droit. Le principe de la légalité de preuve laisse
bien des points d'ombre sur la réalité de son existence comme un
principe de valeur juridique. Se pose la question de la réalité
de l'existence du principe de la légalité de preuve
pénale, laquelle amène forcément à cette autre
question : quels sont les différents fondements sur lesquels repose le
principe de la légalité procédurale et de la preuve
pénale ?
234. La valeur du principe de légalité.
Reconnaître la valeur juridique du principe est une condition
nécessaire pour une évaluation effective de l'application
jurisprudentielle du principe de la légalité de preuve
pénale. La question qui se pose est donc : quelle valeur juridique
peut-on attribuer au principe de la légalité de la preuve en
droit libanais et français ? Il n'est pas possible de trancher
définitivement cette question sans préciser la valeur juridique
des différents fondements du principe de légalité en droit
libanais et français. Si on a pu préciser minutieusement la
valeur du principe de la légalité de preuve pénale, il
sera possible de faire une comparaison entre la valeur juridique que
mérite ce principe avec la valeur actuelle qu'on peut facilement
déduire en examinant la jurisprudence criminelle formée en
application de ce principe en droit libanais et français.
Le premier chapitre de ce titre porte sur la tentative
d'affirmation de l'existence du principe de la légalité des
moyens de preuve (chapitre I). Le deuxième chapitre de ce titre
s'intitule : vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation du droit
de la preuve (chapitre II).
1328 Le principe est connu sous le nom de la
légalité des délits et des peines, mais justement c'est le
principe de légalité des infractions (délits et des
crimes) et des peines.
Chapitre I
Tentative d'affirmation de l'existence du principe
de
la légalité des moyens de
preuve
235. La notion classique du principe de
légalité. C'est un principe essentiel, fondamental, que le
droit pénal moderne est un droit légal, c'est-à-dire qu'il
a uniquement sa source dans la
loi comme affirme M. Jean-André Roux
|
1329
|
. La loi selon cet auteur constitue uniquement la
|
seule source naturelle du droit pénal moderne,
étant une conséquence normale du
1330
développement directe du caractère légal,
qui lui est reconnu . Selon M. Henri Donnedieu de Vabres, la
légalité est un principe qui désigne qu'un fait ne peut
occasionner ou déterminer l'intervention du juge répressif s'il
n'a pas été formellement prévu par une loi
promulguée
antérieurement
|
1331
|
. Le principe de la légalité des délits et
des peines est un principe qui a pu
|
329
mettre fin à l'injustice qui a dominé longtemps
avant de recevoir l'apparence du principe de la
1332
légalité en matière répressive .
Bien évidemment, le principe de légalité est
considéré comme la pierre angulaire du système
pénal dans un État de droit1333. En revanche, un
système pénal qui n'est pas attaché à la
prééminence de la légalité criminelle est sans
doute un système pénal arbitraire. Le principe de
légalité constitue le noyau du système juridique moderne
comme l'affirmait M. Léon Duguit : « le principe de
légalité domine tout le droit
1329 J.-A. Roux, Cours de droit criminel
français, 2e éd., Recueil Sirey, Paris, 1927, t.
1 Droit pénal, p. 16. 1330 J.-A. Roux,
Cours de droit criminel français, 2e éd.,
Recueil Sirey, Paris, 1927, t. 1 Droit pénal, p. 24.
1331 H. Donnedieu De Vabres,
Traité élémentaire de droit criminel et de
législation comparée, 3e éd., Librairie
Sirey, Paris, 1947, n° 93, p. 52.
1332 V. C. Barberger, Droit
pénal, Coll. La Découverte, Éditions «
Repères », 1997, p. 27 : « Depuis la Révolution
française, la doctrine pénale résume le fondement et la
spécificité du droit pénal par une locution qui
réunit deux termes forts: principe et légalité. Le
principe fondamental du droit pénal est donc que seule la loi peut
définir les infractions et leurs peines ».
1333 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 81, p. 36 : « La liberté des
citoyens serait gravement menacée, si les pouvoirs publics pouvaient les
poursuivre pour des faits qui n'auraient pas été
incriminés par un texte préexistant porté à leur
connaissance. Il y a là une règle fondamentale de justice tendant
à empêcher toute arrestation ou toute poursuite arbitraire. Il y a
là aussi, corrélativement, un principe délimitant la zone
de libre activité des honnêtes gens ».
13341335
moderne ». C'est un principe qui ne supporte
aucune exception. En ce qui concerne le champ d'application relatif au
principe de légalité. Il est absolu « le principe de
légalité est
1336
.
aussi absolu dans son application »
236. La contribution du pénaliste italien
Beccaria. Selon M. Nicolas Catelan « il est de nos jours
impossible de trouver un manuel de droit pénal où le nom de
Cesare Beccaria n'est cité : il figure toujours en première ligne
lorsqu'est abordé le principe de la légalité des
délits et
des peines... »
|
1337
|
. M. Cesare Beccaria a été le premier
qui a exigé que la loi, et elle seule,
|
puisse créer les incriminations et édicter les
peines. Il a établi un régime de stricte
légalité
comme base fondamentale en matière pénale
|
1338
|
. Influencé par la pensée libérale et
|
330
individualiste des Lumières, l'Italien Beccaria a
formulé pour la première fois la légalité des
délits et des peines comme un principe fondamental pour
punir 1339 . Dans son traité Des délits et des peines,
qui paraît en 1764, M. Cesare Beccaria affirme que « les lois
seules peuvent déterminer les peines des délits et que ce pouvoir
ne peut résider qu'en la personne du
législateur », et il affirme « je
ne trouve aucune exception à cet axiome général :
tout
1340
1341
citoyen doit savoir quand il est coupable et quand il est
innocent » , et que « les citoyens doivent savoir ce qu'il
faut faire pour être coupable, et ce qu'il faut éviter pour
être
1334 L. Duguit, Traité de droit
constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de
Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de
l'État, p. 552
1335 L. Duguit, Traité de droit
constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de
Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de
l'État, p. 682
1336 L. Duguit, Traité de droit
constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de
Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de
l'État, p. 682
1337 N. Catelan, L'influence de Cesare
Beccaria sur la matière pénale moderne, P.U.A.M., 2004, V.
spec. l'introduction.
1338 V. sur le principe de
légalité criminelle: Ch. Claverie-Rousset, « La
légalité criminelle », in Droit pénal,
n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 1 : « Le
principe de légalité criminelle, généralement
exprimé à travers l'adage « nullum crimen nulla poena sine
lege », trouve sa source dans l'oeuvre de Beccaria et de Montesquieu.
À l'origine, il signifie que l'infraction doit être
créée uniquement par la loi : seule la loi en tant que
manifestation de la volonté générale, dispose de la
légitimité démocratique suffisante pour créer des
infractions et des sanctions. L'objectif était d'éviter
l'arbitraire judiciaire de l'Ancien Régime ».
1339 G. Minguan, Z. Bingzhi, L. Jianping, Z.
Shihui, B. SuiXian, H. Xingwang et Y. Maokui, «Principes directeurs
communs du droit pénal », in M. Delmas-Marty et G. Mingxuan (dir),
Vers des principes directeurs internationaux. Criminalité
économique et atteintes à la dignité de la personne Vol. V
: Bilan comparatif et propositions, Fondation Maison des sciences de
l'homme, Paris, 1997, p. 153.
1340 C. Beccaria, Des délits et
des peines, traduit par Maurice Chevallier, Editeur : Flammarion,
préface de R. Badinter, 1991, chap III, p. 65.
1341 C. Beccaria, Des délits et
des peines, Traduit par P.-J.-S. Dufey et suivie du commentaire de
Voltaire sur le Livre des délits et des peines, et du Discours de
J.-M.-A. Servan, Dalibon librairie Palais Rroyal, Paris, 1821, p. 140.
1342
innocent »
. En adoptant le principe de la légalité
criminelle « chaque citoyen peut faire
tout ce qui n'est pas contraire aux lois, sans craindre
d'autres inconvénients que ceux qui
peuvent résulter de son action en elle-même
»
|
1343
|
. M. Guy Casadamont et Mme Pierrette
|
Poncela affirment que la légalité de la peine
apparaît comme l'image et comme un trait
distinctif de la modernité du droit pénal1344 .
Le principe de la légalité des délits et des peines
dispose qu'on ne peut condamner pénalement une personne qu'en
application d'un texte de loi pénal précis et clair. Ce principe
a été notamment développé par le pénaliste
italien Cesare Beccaria qui réclamait l'abandon de l'arbitraire et la
nécessité que les infractions soient définies par des
textes. Mais il faut noter que si le principe de légalité
criminelle contemporain est toujours basé sur les mêmes fondements
théoriques du principe évoqué par l'Italien Cesare
Beccaria, aujourd'hui, vu l'émergence de notions et de valeurs
constitutionnelles des droits de l'homme, le principe de légalité
s'est modernisé et enrichi. Le principe de la légalité
procédurale dans la recherche de preuve se rapproche du principe de la
légalité en droit
administratif1345
|
qui se définit selon M. André de Laubadère
de la manière suivante :
|
« l'exercice de la fonction administrative est
dominé par le principe fondamental de la légalité. Ce
principe signifie que les autorités administratives sont tenues, dans
les décisions qu'elles prennent, de se conformer à la loi ou plus
exactement à la légalité, c'est-à-dire à
un
1346
.
ensemble de règles de droit de rangs et de contenus
»
237. La contribution du pénaliste allemand Von
Feuerbach. M. Paul Johann Anselm Ritter Von Feuerbach,
célèbre pénaliste allemand, a enrichi et
développé la pensée de Beccaria, et a
formulé et avancé la célèbre
formule Nullum crimen, nulla poena sine lege
|
1347
|
. Ce principe
|
331
signifie en langue française que « Nul crime,
nulle peine sans loi » ou « pas de crime, pas de
1342 C. Beccaria, Des délits et
des peines, Traduit de l'italien par Collin de Plancy, Éditions du
boucher, Paris, 2002, p. 101.
1343 C. Beccaria, Des délits et
des peines, Traduit de l'italien par Collin de Plancy, Éditions du
boucher, Paris, 2002, p. 82.
1344V. G. Casadamont et P. Poncela, Il
n'y a pas de peine juste, Odile Jacob, 2004, p. 14 : « la
légalité de la peine est l'un des traits distinctifs de sa
modernité ».
1345 V. sur la légalité en
droit administratif libanais et français : A. Dennawi,
Etude comparée du principe de légalité en droit
administratif libanais et en droit administratif français,
Thèse de droit, Université Paris 2, 1985.
1346 A. De Laubadère,
Traité élémentaire de droit administratif,
Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1963,
vol. 1, p. 193.
1347 M.-D. Mouchy, « Les Droits
Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les Droits
fondamentaux : Inventaire et théorie générale,
Beyrouth, 2003, CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe.
Faculté de droit et des sciences politiques, p. 6
peine sans loi »
1348
. Les juges répressifs ne peuvent retenir
l'existence d'une infraction ni
prononcer une peine sans s'appuyer sur une loi. Cet adage
rappelle la plus importante, peut-
être, des garanties en matière pénale
1349
. La pensée de M. Paul Johann Anselm Ritter Von
Feuerbach a joué un rôle décisif dans
l'adoption de la légalité des peines 1350 . Le système de
légalité proposé par M. Paul Johann Anselm Ritter Von
Feuerbach a été adopté à Bavière en
Allemagne, et le nouveau Code criminel bavarois de 1813, rédigé
par M. Paul Johann Anselm Ritter Von Feuerbach qui y introduisit,
conformément à sa doctrine et à ses recommandations,
est entièrement basé sur le projet et
l'idée de ce jurisconsulte 1351 qui a joué un rôle
particulièrement important. Il ne fait aucun doute que sa contribution a
été très efficace dans le développement et a
apporté réellement la diffusion du principe de la
légalité criminelle.
238. Principe général de la
légalité. Mme Elisabetta Grande affirme que : «
depuis la Révolution française il est admis que le principe de
légalité en droit criminel, tel qu'il est énoncé
par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août
1789 représente la
garantie minimale pour le citoyen de tout pays
civilisé »
|
1352
|
. Selon M. Pascal Beauvais, pour
|
Beccaria la légalité des délits et des
peines n'est pas seulement une question de source, mais
aussi également de qualité de droit
pénal
|
1353
|
. Certains pénalistes attirent l'attention sur le
fait
|
332
qu'il existe un principe général de la
légalité séparé du principe de la
légalité criminelle, qui ne doit pas être confondu avec le
principe de la légalité des délits et des peines qui
impose que
1348 G. Minguan, Z. Bingzhi, L. Jianping, Z.
Shihui, B. SuiXian, H. Xingwang et Y. Maokui, «Principes directeurs
communs du droit pénal », in M.Delmas-Marty et G. Mingxuan (dir),
Vers des principes directeurs internationaux. Criminalité
économique et atteintes à la dignité de la personne Vol. V
: Bilan comparatif et propositions, Fondation Maison des sciences de
l'homme, Paris, 1997, p. 153 ; V. Signification initiale du principe : W.
Benessiano, Légalité pénale et droits
fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul
Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011,
Préface Guy Canivet, n° 12, p. 23 : « Le principe de
légalité des délits et des peines trouve son expression
dans l'adage latin nullum crimen, nulla poena sine lege, qui signifie «
pas de délit, pas de peine sans loi ».
1349 M. Cliquennois, La Convention
européenne des droits de l'homme et le juge français : Vademecum
de pratique professionnelle, L'Harmattan, Paris, 1997, p. 109
1350 V. W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
13, p. 23 : « La formule latine nullum crimen, nulla poena sine lege
exprimant le principe légaliste a été introduite,
semble-t-il, par Paul Johann Anselm Ritter Von Feuerbach dans son Lehrbuch des
gemeinen in Deutschland gültigen peinlichen Rechts, dont la
première édition paru en 1801 ».
1351 D. Pistor, « Esquisse historique
des théories allemandes sur le fondement légal et le but de la
punition », in Revue de législation et de jurisprudence,
Paris, Avril-septembre 1835, t. 2, p. 425.
1352 E. Grande, « Droit pénal,
principe de légalité et civilisation juridique : vision globale
», in R.I.D.C., 1-2004, vol. 56, pp. 119-129.
1353 P. Beauvais, Le principe de la
légalité pénale dans le droit de l'union
européenne, Thèse de droit, Université Paris X
Nanterre, 2006, n° 55, p. 56.
l'infraction soit préalablement définie et punie
par un texte législatif clair et précis. Le principe suppose
l'existence d'un texte préalable et donc il ne peut y avoir
rétroactivité en matière pénale. À la
différence de la légalité des délits et des peines,
le principe de la légalité générale tire son
origine du libéralisme politique et sa quintessence réside dans
le fait qu'une autorité politique, administrative ou judiciaire ne peut
agir qu'en vertu et en conformité avec la loi écrite qui est un
des éléments principaux de l'État de droit. En France, par
exemple, le principe de la légalité est synonyme de l'État
de droit. À notre avis, le droit pénal général et
spécial comme notion d'infractions et peines respecte uniquement le
principe de légalité des délits et des peines. Cependant,
et en général, il existe un principe de légalité
générale qui englobe la légalité
procédurale. En fait, l'application et la domination de la
légalité générale ou la conformité de la loi
doivent envahir tout acte de procédure dans le cadre du procès
pénal dans un État de droit pour assurer le règne de la
loi et comme une garantie essentielle et fondamentale des droits reconnus
à la personne suspectée ou poursuivie pénalement
combinée avec les droits processuels conformément à
l'exigence du procès équitable. M. Wilfrid Jeandidier affirme que
le principe de la légalité ne concerne pas seulement le droit
pénal en sens strict : « ce principe est
généralement connu sous l'appellation du principe de la
légalité des délits et des peines ; quoique courante,
cette expression n'est pas pleinement satisfaisante car elle laisse, croire que
le principe de la légalité concerne uniquement le droit
pénal au
1354
.
sens strict et non les autres branches du droit criminel,
ce qui est inexact »
239. La légalité de la preuve pénale.
Le principe général de la liberté de la preuve en
matière pénale ne signifie pas que la preuve pénale
échappe à la loi car une preuve doit être recueillie en
respect avec la loi. Mme Michèle-Laure Rassat souligne que «
si, sauf cas particuliers, tous les modes de preuve sont admissibles, il est
également vrai qu'on ne peut ni
obtenir ni produire n'importe comment des
éléments de conviction »
|
1355
|
. Donc, pour obtenir et
|
333
rechercher la preuve, on ne peut commettre une infraction ou
user des modes de preuve illégaux en se basant sur le principe de
liberté de preuve en matière pénale. La preuve doit
être acquise d'une manière conforme à la loi et ne peut
être obtenue par des procédés illégaux. L'existence
du principe de la légalité comme principe directeur qui gouverne
la preuve pénale et sa relation avec le principe général
de la légalité sont restées longtemps vagues et peu
précises. Cette imprécision du principe de légalité
de preuve fait l'objet de multiples controverses, hésitations et
discussions. Quels sont donc les conséquences et les effets du
1354 W. Jeandidier, JurisClasseur
Pénal Code > Art. 111-2 à 111-5, V. spec. n° 4.
1355 M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 256, p. 264.
334
principe de légalité sur la procédure
pénale, surtout sur la preuve pénale au niveau de la
légalité ? Dans un premier temps, on va consacrer la
première section de ce chapitre, à discuter et justifier
l'existence et le contenu du principe de la légalité
procédurale. Dans la deuxième section de ce chapitre, on va
aborder la question de l'application de la légalité
procédurale dans le domaine de l'obtention des preuves en matière
pénale en droit libanais et français connue sous le nom le
principe de la légalité des preuves.
La première section de ce chapitre porte sur les
différents aspects du principe de la légalité criminelle.
La deuxième section de ce chapitre porte sur la légalité
criminelle appliquée en matière de preuve pénale.
Section I
Les différents aspects du principe de la
légalité criminelle
240. Nécessité de justifier l'existence du
principe de légalité. M. Raymond Gassin considère que
la notion de légalité procédurale en matière
pénale constitue une notion floue, incertaine, fuyante et il explique
que la raison de ce phénomène se trouve dans le fait que,
à la différence du principe de la légalité des
délits et des peines, la légalité procédurale
n'appartient pas à la tradition du droit pénal moderne née
de la révolution et des Codes
1356
napoléoniens. À vrai dire, l'expression de la
légalité procédurale sous le vaste empire du principe de
la légalité des délits et des peines n'est pas d'un usage
fréquent. Dans le langage courant, la légalité est le
caractère de ce qui est légal, c'est-à-dire conforme
à la loi. La légalité révèle quatre sens
dans la langue juridique. Si le premier sens de la légalité est,
comme dans le langage courant, la conformité à la loi, la
légalité s'entend aussi, en un deuxième sens, du
«caractère de ce qui doit être établi par la loi
», par exemple dans le principe de la légalité des
délits et des peines, en un troisième sens, du «
caractère de ce que la loi impose de faire », par exemple dans
le système de la légalité des poursuites, et, en un
quatrième sens, le plus large, comme « l'ensemble des
dispositions de la loi ou du droit écrit, ou du droit positif »
: la
légalité, c'est alors l'ordre juridique, le
droit objectif1357 . La preuve occupe une place centrale
lors de tout contentieux, mais elle est la question centrale du
procès pénal
|
1358
|
. Comment
|
335
justifier ce principe général? La question
principale à laquelle notre étude doit répondre est la
suivante : le principe de légalité a-t-il un impact sur la
procédure pénale et plus précisément sur
l'admissibilité des différents modes de preuve? Si le principe de
la légalité des délits et peines est
considéré parmi les principes fondamentaux au Liban et en France
et ne souffre aucune ambiguïté c'est parce que c'est un principe
reconnu expressément depuis longtemps et consacré par les
législateurs libanais et français sans aucun doute et aucune
hésitation. Par contre, la question de l'application du principe de la
légalité dans la procédure pénale souffre
1356 R. Gassin, « Le principe de la
légalité et la procédure pénale », in
R.P.D.P., Avril-Juin 2001, numéro spécial, pp. 300-334,
V. spec. p. 300.
1357 L. Cadiet, « la
légalité procédurale en matière civile », in
Cycle Droit et technique de cassation 2005-2006,
6 février 2006, disponible sur le site de la cour de
cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2006_55/technique_cassation_6796.html
1358 M. Sanchez, Contribution à
l'étude de la preuve pénale, Thèse de droit,
Université Toulouse 1, 2010, V. spec. le résumé.
336
vraiment d'une ambiguïté remarquable : la
légalité procédurale est un principe incertain et
controversé. Allons plus loin, pour justifier que la
légalité est un principe fondamental applicable à la
recherche et à l'administration de la preuve pénale, il faut tout
d'abord justifier que le principe de la légalité est applicable
dans le cadre des procédures pénales, ensuite il faut justifier
que le principe de légalité procédurale est
également applicable dans le cadre de la preuve pénale. La
légalité est connue en matière pénale sous le nom
du principe de la légalité des délits et des peines qui
est la garantie fondamentale des droits de la personne devant les juridictions
répressives dans le but de protéger l'homme contre toute forme
d'arbitraire. Donc, l'expression de légalité procédurale
semble pour beaucoup d'auteurs, juristes et pénalistes un terme inconnu
ou une innovation dans le principe de la légalité criminelle ou
un nouveau concept d'application du principe de la légalité
criminelle. Mais la légalité procédurale existe,
malgré le doute qui plane sur le sujet et bien que certains auteurs
n'utilisent pas le terme de la légalité expressément. Dans
le vocabulaire juridique, la légalité envahit le droit
administratif et constitutionnel. Mais dans la pratique les juridictions
répressives et la plupart des juristes n'utilisent pas le terme
légalité devant les juridictions. De surcroît, le terme
légalité n'est évoqué que rarement dans les manuels
de procédure pénale, les revues juridiques et même dans les
plaidoiries des avocats. Ce qui est remarquable, c'est que les
pénalistes abandonnent le principe de légalité en
mélangeant l'exigence de la légalité avec les
nullités de procédure.
§ 1. La légalité criminelle
appliquée à la procédure pénale.
241. Un principe négligé. Il est
regrettable de constater que ce principe fondamental est encore mal connu dans
la culture juridique pour plusieurs raisons. Les causes de la négligence
du principe de la légalité procédurale ou les raisons
paraissent multiples. D'une part, il nous semble que l'absence d'études
académiques précises sur le principe de la légalité
procédurale est la cause la plus importante. Ajoutons à cela que
la procédure pénale a été envahie ou dominée
par le principe de la liberté des preuves en matière
pénale qui a contribué pleinement à fragiliser le principe
de la légalité dans la recherche et l'administration de la preuve
pénale. D'autre part, le principe de la légalité
procédurale a été négligé par la
majorité de la doctrine pénale. Selon M. Loïc Cadiet,
l'expression de légalité procédurale « n'est
pas d'un usage fréquent, quel que soit du reste le domaine du droit
considéré, public, privé ou pénal, interne
ou international »
1359
. De ce qui précède, on peut conclure que
l'expression légalité
procédurale souffre d'une négligence totale de
la part des juristes dans les différentes branches du droit. En droit
libanais, il est remarquable qu'on ne trouve pas l'existence du principe de la
légalité procédurale dans la plupart des ouvrages
spécialisés en procédure pénale et on peut dire
sans aucune réserve que le principe de la légalité
procédurale est un principe qui a été
négligé par la doctrine pénale libanaise jusqu'à
aujourd'hui. On peut affirmer sans doute que c'est un principe reconnu en droit
français par plusieurs auteurs pénalistes, mais non reconnu en
droit libanais qui souffre vraiment d'une ignorance flagrante et
évidente.
A. La doctrine française sur l'existence du
principe de la légalité procédurale.
242. Une position doctrinale affirmative en France.
La doctrine française a répondu par l'affirmative pour
l'existence du principe de la légalité
procédurale. Une forte affirmation doctrinale justifie
l'existence quasi unanimement admise du principe de la légalité
procédurale en matière pénale. La première
affirmation, celle de M. André Vitu se révèle très
absolue et péremptoire et affirme que le principe de la
légalité criminelle constitue « la clef de voûte
du droit pénal et de la procédure pénale, impose au
législateur, comme une exigence logique de sa fonction normative, la
rédaction de textes définissant sans ambiguïté les
comportements qu'ils érigent en infractions, et les sanctions qui leur
sont attachées. La loi criminelle ne peut assurer pleinement et
véritablement son rôle de protection contre l'arbitraire possible
des juges et de l'administration, sa mission pédagogique à
l'égard des citoyens soucieux de connaître le champ de
liberté qui leur est reconnu, et son devoir de prévention
générale et spéciale à l'encontre des
délinquants potentiels, que si elle détermine avec soin les
limites du
permis et de l'interdit »
|
1360
|
. Mme Renée Koering-Joulin et M.
Jean-François Seuvic ont
|
337
nettement affirmé que le principe de la
légalité criminelle est applicable sur la procédure
pénale en écrivant : « Il est aujourd'hui bien connu que
le principe de la légalité criminelle signifie triplement : ni
infraction, ni peine, ni procédure sans loi. Sa valeur juridique, triple
également, est tout aussi nettement affirmée : valeur
législative, internationale et
1359 L. Cadiet, « La
légalité procédurale en matière civile », in
Cycle Droit et technique de cassation 20052006, 6 février 2006,
Bulletin d'information n° 636 du 15/03/2006 (Cour de cassation
française), V. spec. n° 2 ;
disponible en ligne sur le site officiel de la Cour de
cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2006_55/technique_cassation_6796.html
1360 A. Vitu, « Le principe de la
légalité criminelle et la nécessité de textes
clairs et précis », Observations sous Cass.crim. 1er février
1990, in R.S.C., 1991, p. 555.
constitutionnelle »
1361
. M. Wilfrid Jeandidier affirme encore qu'« en
réalité, comme le
souligne une partie de la doctrine, le principe de
légalité doit dominer le droit criminel tout
entier et notamment la procédure pénale
» 1362 . Mme Charlotte Claverie-Rousset affirme très
clairement que le principe de légalité consacré en droit
français s'applique en procédure pénale comme en droit
pénal : « Le principe de légalité formelle est
consacré par le Code pénal aux articles 111-2 et 111-3. Il trouve
à s'appliquer en droit pénal substantiel mais aussi
en procédure pénale » 1363 .
Jean Pradel et André Varinard auteurs de l'ouvrage intitulé
« les grands arrêts de la procédure pénale »
présentent leur livre en écrivant : « bien que le
principe de la légalité criminelle s'applique autant à la
procédure pénale qu'au droit pénal de fond, on retrouve en
procédure aussi bien qu'en droit de fond la jurisprudence comme
source
importante de la matière » 1364 .
Sans doute l'application des règles de procédure
pénale traduit le souci réel que l'on a de protéger et de
préserver les droits et les libertés individuelles des personnes.
Selon M. Henri Donnedieu de Vabres, il faut considérer le principe de
légalité
1365
. M.
criminelle comme constituant le fondement nécessaire de
la liberté individuelle
Georges Levasseur attire l'attention sur l'importance capitale
de ces règles de procédure pour la protection du citoyen contre
une action intempestive du pouvoir exécutif, qu'il s'agisse de la garde
à vue, de la perquisition, de la citation, de la juridiction
compétente et de la conduite des débats devant celle-ci, d'autant
plus que la loi a réglementé les atteintes inévitables que
les pouvoirs publics peuvent apporter à la liberté des citoyens
pour assurer le cours nécessaire de
la justice pénale
|
1366
|
. M. Georges Levasseur finit par dire qu'« à
vrai dire nul n'a jamais douté
|
338
1361 R. Koering-Joulin et J.-F. Seuvic, «
Droits fondamentaux et droit criminel », in AJDA, 1998, p. 106.
1362 W. Jeandidier, Droit pénal
général, 2e éd., Montchrestien, Paris,
1991, n° 77.
1363 Ch. Claverie-Rousset, « La
légalité criminelle », in Droit pénal,
n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 2. 1364
J. Pradel et A. Varinard, Les grands arrêts de la
procédure pénale, 5e éd., Dalloz, Paris,
2006.
1365 H. Donnedieu De Vabres,
Traité élémentaire de droit criminel et de
législation comparée, 3e éd., Librairie
Sirey, Paris, 1947, n° 96, p. 53 : « Si ces règles
n'étaient pas observées, s'il était admis que l'action
publique peut être mise en mouvement pour la répression d'un fait
que la loi n'incriminait pas lorsqu'il a été commis, que le juge
peut prononcer une peine à laquelle le délinquant n'a pas
dû s'attendre, la justice pénale serait une justice de
circonstance, d'occasion, abandonnée à l'influence des passions
individuelles ».
1366 G. Levasseur, « Réflexions
sur la compétence, un aspect négligé du principe de la
légalité », in Mélanges Hugueney, Paris,
Sirey, 1964, pp. 13 et s., V. spec n° 4 ; V. spec. encore : G. Levasseur,
« Réflexions sur la compétence, un aspect
négligé du principe de la légalité », in
Mélanges Hugueney, Paris, Sirey, 1964, pp. 13 et s., V. spec.
n° 5 : « Les règles de compétence doivent
être soumises au principe de la légalité de façon
non moins stricte que le domaine des incriminations et que le taux des peines.
Seul le législateur est habilité à les poser, en tant
qu'interprète qualifié de la volonté
générale ; seul il est habitué à les modifier,
encore ne doit-il le faire qu'en observant certaines précautions. Tout
délinquant doit savoir devant quelle juridiction il sera appelé
à comparaître, et cela dès le jour même où il
commet son infraction. Tout honnête homme doit être assuré
de la juridiction compétente et de la procédure applicable pour
le jour où on lui demanderait compte éventuellement de son
comportement actuel. On justifie l'adoption du principe de la
légalité par des considérations d'équité
élémentaire et de politique criminelle ; on fait valoir en effet
que le délinquant a pu mesurer le risque qu'il
1367
que le principe de la légalité dût
s'appliquer à la procédure pénale ». On peut
citer ainsi l'affirmation doctrinale de Mme Renée Koering-Joulin et M.
Jean-François Seuvic que « le procès pénal baigne
dans la légalité, qu'il s'agisse, au stade des poursuites, de
vérifier l'existence de toutes les exigences juridiques pour une mise en
oeuvre de la répression, au stade de l'enquête, de rechercher
loyalement les preuves de la vérité et, lors de l'audience
de
jugement, de faire éclater cette
vérité dans la transparence et l'impartialité
»
|
1368
|
. À son tour,
|
M. Jacques Buisson souligne qu'« À la
vérité, ce principe de la liberté de la preuve doit
forcément se concilier avec un autre principe, aussi fondamental, celui
de la légalité à
laquelle se trouve nécessairement soumise la preuve
»
|
1369
|
. M. Bernard Bouloc et Mme
|
Haritini Matsopoulou reconnaissent que le principe de
légalité concerne la procédure pénale : «
bien que l'article 4 du Code pénal n'affirmait le principe de
légalité que pour la définition des infractions et des
peines, on a toujours pensé que ce principe concernant
également
1370
l'organisation de la procédure pénale
»
. M. Jean-Christophe Saint-Paul affirme
339
d'une manière très ferme que le principe de la
légalité criminelle s'applique sur la procédure
pénale : « ..., il ne fait aucun doute que le principe de la
légalité criminelle ne vise pas seulement les délits et
les peines, mais également la procédure : nullum crimen,
nullum
1371
poena, nullum judicium sine lege » .
B. La doctrine libanaise sur l'existence du principe
de la légalité procédurale.
243. Position de la doctrine pénale libanaise.
Malheureusement, la légalité procédurale est un
principe très important, mais qui ne connaît aucun
développement dans le système pénal libanais. Le principe
de légalité procédurale ne figure pas dans les ouvrages de
procédure pénale édités jusqu'à aujourd'hui.
La seule exception se trouve dans l'ouvrage de MM. Samir
prenait le jour où il a enfreint la loi
pénale ; il ne peut se plaindre d'une répression dont les
modalités ont été établies à l'avance, de
façon objective et sans considération de personne ».
1367 G. Levasseur, « Réflexions
sur la compétence, un aspect négligé du principe de la
légalité », in Mélanges Hugueney, Paris,
Sirey, 1964, pp. 13 et s., V. spec n° 4.
1368 R. Koering-Joulin et J.-F. Seuvic,
« Droits fondamentaux et droit criminel », in A.J.D.A.,
Juillet-Août 1998, numéro spécial consacré aux
droits fondamentaux, pp.106-129, V. spec. p. 112.
1369 J. Buisson, «Preuve», in
Rép. Pén. Dalloz, février 2003, n° 43, p.
10.
1370 B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit
pénal général et Procédure pénale,
18e éd., Sirey, Paris, 2011, n° 100, p. 59.
1371 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
20.
Alye et Hayssam Alye qui ont exprimé clairement
l'existence du principe de légalité procédurale dans le
système pénal libanais en affirmant que la formulation connue du
principe de légalité criminelle « pas d'infraction, pas
de peine sans texte » peut laisser croire ou penser que la
légalité criminelle s'applique uniquement aux règles
pénales de fond (les lois de fond)
et ne s'applique pas aux lois pénales de
procédure 1372 . Nous pensons que le principe de légalité
criminelle s'applique également à la procédure
pénale. C'est inévitable d'affirmer que le principe de la
légalité procédurale existe vraiment sans aucune
hésitation parce qu'il repose évidemment sur les épaules
du pouvoir législatif d'élaborer des lois pénales de fond
et des lois pénales de forme et parce que les lois pénales de
forme constituent aussi une limite importante
à la liberté individuelle des citoyens 1373 . En
ce qui concerne la doctrine arabe, M. Hassan
Joukhadar insiste dans sa thèse
|
1374
|
intitulée « l'application de la loi
pénale dans le temps » sur
|
le fait que la formule célèbre du principe de
légalité criminelle connue « ni infraction ni peine sans
texte » doit nécessairement être modifiée et
obligatoirement remplacée par une autre qui
est « ni infraction, ni peine, ni jugement sans texte
légal »
|
1375
|
. Nous partageons entièrement
|
340
cet avis sur la nécessité de reformuler
l'idée du principe de légalité criminelle, mais nous
proposons une formule différente qui est « ni infraction, ni
peine, ni procédure sans texte légal ». Notre
proposition introduit expressément et clairement les lois pénales
de fond et de forme c'est-à-dire de droit pénal et de
procédure pénale dans l'adage qui exprime le principe de la
légalité criminelle. Ce qui va accélérer
l'émergence du principe de légalité procédurale au
niveau de la culture juridique. On peut également mentionner l'avis d'un
juge libanais, celui de Mme Marie-Denise Mouchy qui nous paraît un avis
timide en ce qui concerne le droit libanais car elle n'a pas dit
expressément que le principe de légalité
procédurale s'applique en droit libanais, qui affirme le principe de
légalité procédurale de manière
générale et abstraite en écrivant: « Traduit par
l'adage Nullum crimen nulla poena sine lege dont la paternité est
attribuée à M. Anselm Feuerbach, ce droit couvre tout le champ
pénal, c'est-à-dire le droit pénal matériel
comprenant les règles définissant les infractions et les peines,
et le droit pénal formel englobant les règles d'organisation, de
compétence et de
1372 S. Alye et H. Alye, La
théorie générale de la procédure pénale et
les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise
Universitaire d'Etudes et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 15.
1373 V. en même sens: Alye et H. Alye,
La théorie générale de la procédure
pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001,
Entreprise Universitaire d'Etudes et de Publication (MAJD), Beyrouth,
2004, p. 16.
1374 Etude comparée (jordanien et
égyptien).
1375 H. Joukhadar, L'application de la
loi pénale dans le temps, Thèse de droit, université
du Caire, 1975, pp. 370-371.
procédure qui assurent la mise en oeuvre du droit
matériel »
1376
. Pour cette raison Mme Marie-
341
Denise Mouchy affirme avec M. Marc Verdussen que l'adage
traditionnel de la légalité criminelle « nullum crimen,
nulla poena sine lege » doit être complété par le
principe «Nullum
1377
judicium sine lege ». Le principe de
légalité est devenu: « nullum crimen, nulla
poena,
1378
nullum judicium, sine lege » signifiant qu'il ne
peut y avoir ni crime, ni sanction, ni n'importe quelle procédure qu'en
vertu d'une loi préalablement établie.
C. La doctrine européenne implicite sur
l'existence du principe de la légalité
procédurale.
244. Position de la doctrine pénale
européenne. Selon M. Pascal Beauvais, le principe de la
légalité dans le droit de l'Union européenne ne prend pas
la forme classique de la légalité des peines et des
délits, car le principe n'a pas pour objet de sélectionner les
sources formelles de droit pénal, notamment en réservant à
la loi parlementaire un rôle prééminent, mais
d'établir et d'assurer des mécanismes permettant de garantir un
certain niveau ou degré de
1379
sécurité juridique en matière
répressive . En 1992, à l'audience solennelle de rentrée
à la Cour d'appel de Paris, l'avocat général M.
Régis de Gouttes déclarait : « l'ordre public
européen repose sur quelques grands principes : le premier de ces
principes est celui de la légalité européenne
démocratique ayant pour caractéristique : qu'elle inclut le droit
écrit et le droit non écrit ; qu'elle suppose une qualité
de la loi, qui doit être prévisible, énoncée
avec
1380
précision et accessible au citoyen ».
Cette réflexion de l'avocat général M. Régis
de Gouttes montre à quel point le principe de légalité
fonde l'État de droit au sens européen du
. M. Jean-Christophe Saint-Pau souligne que « ce
principe de légalité procédurale,...
1381
terme
trouve d'ailleurs sa consécration dans la Convention
européenne des droits de l'homme qui
1376 M.-D. Mouchy, «Les Droits
Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits
fondamentaux : inventaire et théorie générale,
Beyrouth, Date de publication : novembre 2003, Éditeur :
Université Saint-Joseph, Faculté de droit et des sciences
politiques, CEDROMA : Centre d'études des droits du monde arabe, p. 6,
disponible en ligne sur :
http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/drtsfond/meouchy.pdf
1377 M. Verdussen, Contours et enjeux du
droit constitutionnel pénal, Bruylant, Bruxelles, 1995, p. 93.
1378 Rappelons qu'un crime au sens large désigne toute
infraction.
1379 P. Beauvais, Le principe de la
légalité pénale dans le droit de l'union
européenne, Thèse de droit, Université Paris X
Nanterre, 2006, n° 28, p. 34.
1380 R. De Gouttes, « La Convention
européenne des droits de l'homme et la justice française en 1992
», in Droit et Société, 1992, n° 20-21, p.
161.
1381M. Cliquennois, La Convention
européenne des droits de l'homme et le juge français : Vademecum
de pratique professionnelle, L'Harmattan, Paris, 1997, p. 109.
342
indique, d'une part, à l'article 6, § 2, que
la culpabilité d'une personne doit être « légalement
» établie et, d'autre part, à l'article 8, § 2,
admettant la légitimité d'une ingérence dans la vie
privée à la condition impérative d'être
prévue par une loi claire et précise. Comme la Convention produit
un effet vertical (entre l'État et les particuliers) et horizontal
(entre particuliers), cette exigence de légalité devrait
s'imposer pour les actes d'espionnage réalisés par
l'autorité publique, mais également par les particuliers : la
légalité
1382
.
ne se divise pas »
§ 2. La reconnaissance du principe de
légalité procédurale.
245. Liberté de preuve encadrée par la
légalité procédurale. En effet, la liberté de
preuve en matière pénale ne doit pas être sans limite car
la recherche de preuve porte un risque d'atteinte au respect de la vie
privée et à la liberté individuelle de la personne dans le
cadre du procès pénal. Ce qui nécessite que le
législateur codifie tout acte de procédure nécessaire
à la recherche de preuve pour éliminer tout risque d'arbitraire
en se basant sur un adage proposé
1383
« pas de procédure sans texte ».
246. La raison de la justification du principe de
légalité procédurale. La majorité de la
doctrine pénale affirme l'existence du principe de
légalité procédurale sans poser la question principale du
fondement du principe et sans aucune vérification. Une doctrine qui ne
propose aucun mode de vérification va laisser le principe de
légalité procédurale dans le doute et l'hésitation.
La légalité procédurale n'est pas un principe nouveau,
mais peut-être un aspect négligé du principe fondamental de
la légalité criminelle. Par contre, aucun doute n'existe sur la
présence du principe de la légalité des délits et
des peines en droit pénal et sur son application efficace. En
effet, un principe qui ne s'applique pas d'une manière efficace comme le
principe de la légalité procédurale indique que ce
principe n'est pas stable. Ce qui est normal et naturel dans n'importe quel
domaine des sciences juridiques, l'ambiguïté du principe peut
entraîner une hésitation dans son application d'où la
nécessité de justifier
1382 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
20.
1383 C. Ambroise-Castérot, «
Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la
quête du Graal de la Vérité », in AJ
Pénal, 2005, n° 7-8, pp. 261-267 : «n'importe quel
moyen ne pourra pas pour autant être employé... En effet, ce
principe de liberté de la preuve ne signifie pas que n'importe quel
procédé puisse être utilisé : torture, sérum
de vérité, polygraphe (détecteur de mensonge), etc. Il
existe donc des procédés interdits. La liberté des preuves
est une liberté encadrée par la légalité : seuls
les modes de preuves légalement prévus sont admissibles devant
les tribunaux... ».
l'existence du principe afin d'éliminer et de supprimer
toute ambiguïté. L'émergence du principe de la
légalité procédurale dans la culture judiciaire
nécessite de prouver son existence. Si le principe de
légalité procédurale en matière pénale avait
été appliqué correctement en droit libanais et
français, sans doute cette étude n'aurait aucune base et aucun
intérêt. Mais, puisqu'il s'agit d'un principe d'application
largement circonscrit selon le point de vue qu'on adopte, cette
méconnaissance du principe a rendu nécessaire de justifier son
existence afin de respecter ce principe fondamental. Il faut noter que
l'affirmation timide que le principe de la légalité s'applique
à la procédure pénale par la majorité de la
doctrine ne suffit pas pour appliquer le principe de la légalité
criminelle à la procédure pénale. Il faut présenter
un fondement solide indépendant de la position doctrinale pour prouver
que le principe de la légalité criminelle s'applique à la
procédure pénale. Une fois le principe de la
légalité procédurale reconnu, on peut essayer d'imposer
des jalons s'agissant de l'exigence du respect du principe dans le
système pénal libanais et français.
A. La procédure pénale, complément
naturel du droit pénal.
247. Le lien étroit entre le droit pénal et la
procédure pénale. Le droit pénal est intimement
lié à la procédure pénale 1384 , la
procédure pénale constitue le trait d'union impératif, le
chaînon
1385
nécessaire entre l'infraction et la sanction. MM.
Pierre Bouzat et Jean Pinatel affirment que la procédure pénale
a, par rapport au droit pénal, une importance beaucoup plus grande que
la procédure civile par rapport au droit civil car le droit civil peut
se détacher de la procédure
civile, mais le droit pénal ne peut pas se
détacher de la procédure pénale
|
1386
|
. Le Code pénal ne
|
peut être appliqué sans l'intervention du Code de
procédure pénale
|
1387
|
. Le Code pénal présente
|
343
toutefois certaines particularités dans sa relation
avec la procédure pénale par rapport à la relation qui
existe entre le Code civil et la procédure civile : « le
procès pénal est plus
1384 L. Aubert, R. Eccli, M.-H. Renault, J.
Eggers, M. Samson, Législation, éthique et
déontologie, responsabilité, organisation du travail,
4e éd., Masson, 2007, p. 3.
1385 É. Mathias, Procédure
pénale, op. cit., p. 9.
1386 P. Bouzat et J. Pinatel, Traité
de droit pénal et de criminologie, Dalloz, 1963, Vol. 2, p. 725.
1387 V. sur ce point : J.-L.-E. Ortolan,
Résumé des éléments de droit pénal:
pénalité, juridictions, procédure suivant science
rationnelle, la législation positive et la jurisprudence, avec les
données de nos statistiques criminelles, Plon, Paris, 1867, n°
1023, p. 351 : « Pour produire un effet
quelconque, il faut une force, une puissance; et pour mettre cette force, cette
puissance en jeu, un procédé. L'effet à produire, en droit
pénal, une fois donné le précepte ou la
détermination de la pénalité, c'est la mise en application
de cette pénalité; la force destinée à produire cet
effet, ce sont les juridictions pénales, avec l'ensemble des
autorités diverses ou des personnes qui concourent à l'effet
voulu ; et le procédé destiné à mettre cette force
en jeu, c'est la procédure pénale ».
étroitement lié au droit pénal que le
procès civil ne l'est au droit civil »
1388
. Le principe de la
légalité criminelle est un principe commun
à l'ensemble du droit criminel donc s'applique à la
procédure pénale. Notre avis précédent est
renforcé par l'avis de MM. Philippe Conte et Patrick Maistre Du Chambon
dans leur ouvrage de procédure pénale. Les deux professeurs
soulignent qu'en matière pénale, la forme (la procédure
pénale) est intimement liée au fond (le droit pénal), car
le procès pénal est la condition même de la
réalisation du droit substantiel : la condamnation, conclusion logique
et nécessaire de la commission d'une infraction, vient
s'intercaler entre l'incrimination et la sanction 1389 . Les
deux professeurs finissent par conclure que « le principe essentiel de
la légalité criminelle est commun à l'ensemble du
droit
criminel »
|
1390
|
. À son tour, M. Bertrand De Lamy affirme d'une
manière très claire la présence
|
344
du principe de légalité procédurale en
matière pénale et l'application du principe général
de légalité sur la procédure pénale : « en
effet, le principe de légalité ne joue pas seulement au profit
des délits et des peines, mais aussi de la procédure
pénale. Le droit pénal substantiel et la procédure
pénale sont trop intimement liés pour que ce principe essentiel
ne garantisse pas le droit criminel dans son ensemble. Il est donc
préférable d'utiliser l'expression plus globale
1391
.
de « légalité criminelle » pour
marquer son appréhension de l'ensemble de la matière
»
248. Les nécessités de la politique
criminelle exigent le respect de la légalité
procédurale. L'objet de la politique criminelle
est d'établir un équilibre entre les exigences de
l'efficacité de la répression destinée à
protéger la société et le respect des droits individuels,
des droits de défense et du procès équitable. Donc, la
politique criminelle doit établir un équilibre entre
intérêt général et droit individuel qui se
caractérise par l'équilibre entre légalité et
efficacité dans le respect de la liberté dans la recherche des
preuves. Selon M. Robert Cario, la politique criminelle
recherche un équilibre entre les nécessités de la
protection sociale contre le crime et la promotion des droits individuels ou
collectifs qui sont apparues fondatrice de la politique
criminelle 1392 . Les nécessités de la politique
criminelle, qui correspondent à l'idée que la loi doit avertir
avant de frapper, de manière à avoir un rôle
préventif est encore une nécessité
1388 M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset,
Manuel de procédure pénale, 3e éd.,
Larcier, Bruxelles, 2009, p. 18.
1389 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 26, pp. 1314.
1390 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 26, p. 14.
1391 B. De Lamy, « Le principe de la
légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », in Cahiers du Conseil constitutionnel
n° 26 (Dossier : La Constitution et le droit pénal) -
Août 2009.
1392 R. Cario, Introduction aux sciences
criminelles: pour une approche globale et intégrée,
6e éd., L'Harmattan, Paris, 2008, p. 267.
dans le domaine de la procédure pénale. M. Achille
Morin souligne que les lois humaines
doivent avertir avant de frapper
|
1393
|
. Un ancien auteur affirme que la loi doit avertir avant de
|
frapper constitue une théorie en soi en affirmant que
parmi les mille et une théories sur la légitimité de la
peine et le droit de punir, se présente la théorie de
l'avertissement. D'après
cette théorie, la société doit, avant de
frapper, avertir par la loi1394 . Il va de soi que ceci
concerne la totalité du droit répressif, de fond
comme de procédure
|
1395
|
. Le point commun
|
entre procédure pénale et droit pénal,
c'est qu'ils sont tous deux à haut risque pour les droits de l'individu.
La procédure pénale est la mise en oeuvre concrète du
droit pénal, donc le principe que la loi doit avertir avant de frapper
doit être appliqué aussi sur la procédure pénale
puisque ce principe est fermement affirmé et a sans doute
été appliqué en droit pénal.
249. La nécessité démocratique. La
légalité criminelle est le principe fondateur et
démocratique du droit pénal
|
1396
|
. Les législations démocratiques ont
consacré ce principe de
|
345
légalité pénale. Le respect de la
légalité criminelle est l'un des principes les plus importants
dans une démocratie, car il est une garantie à la liberté
des individus. Ce principe est une garantie contre l'arbitraire, cela
assure le respect de la démocratie. Ce principe constitue un
impératif démocratique. Il faut contenir le pouvoir
répressif dans des limites légales, elles-mêmes
législatives, en raison de la séparation des pouvoirs. Un tel
impératif s'impose
naturellement tout autant en procédure pénale
|
1397
|
. Mme Elisabetta Grande souligne que le
|
principe de légalité criminelle représente
la garantie minimale pour le citoyen de tout pays
civilisé 1398 . L'accueil formel du principe de
légalité criminelle était la condition
nécessaire
1399
pour être civilisé. Le principe de
légalité criminelle se présente comme l'affirmation du
principe de participation démocratique où le législateur,
et non le juge, serait l'organe adéquat
1393 A. Morin, Répertoire
général et raisonné du droit criminel, Chez A. Durand
Libraire-éditeur, Paris, 1851, t. 2, p. 284.
1394 J.-S.- G. Nypels, Législation
criminelle de la Belgique ou commentaire et complément du Code
pénal Belge, Bruylant -Christophe et compagnie éditeur,
Bruxelles, 1867, Vol. 1, n° 274, p. 120.
1395 M. Herzog-Evans, « Le principe de
légalité et la procédure pénale », in
LPA., 6 août 1999, n° 156, p. 4.
1396V. Wester-Ouisse, « Le droit
pénal face aux codes de bonne conduite », in R.S.C., 2000,
n° 2 (Avril-juin), p. 351.
1397 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Vuibert, 2009, n° 146, p.
54.
1398 E. Grande, «Droit pénal et
principe de légalité : la perspective du comparatiste », in
R.I.D.C., 2005, Vol. 56, n° 1, pp. 119-129, v. spec. p. 119.
1399 E. Grande, «Droit pénal et
principe de légalité : la perspective du comparatiste », in
R.I.D.C., 2005, Vol. 56, n° 1, pp. 119-129, v. spec. p. 129.
346
pour assurer la voix du citoyen dans la démarcation des
contours du droit pénal, et donc dans
1400
la délimitation de ses libertés individuelles.
250. La nécessité d'éviter l'arbitraire.
Ce risque d'arbitraire explique la diffusion du principe de la
légalité criminelle dans les divers États afin
d'éviter les dérives vers un pouvoir
arbitraire 1401 . La recherche de la preuve pénale
nécessite de conférer des pouvoirs de contrainte aux officiers de
police judiciaire, au parquet et au juge du fond dans la phase de
. M. William Benessiano
1402
jugement, mais l'acte de contrainte n'échappe pas de la
légalité
indique dans sa thèse intitulée «
légalité pénale et droits fondamentaux »
qu'« originellement le principe de légalité des
délits et des peines est un outil de lutte contre l'arbitraire
judiciaire » 1403 . Le danger est du
côté de la multitude des actes de procédure,
spécialement dans l'instruction et plus encore dans la phase
d'enquête, sans texte ou sur la base de textes si
flous et ouverts 1404 . Dans un État de droit fondé
sur la garantie de libertés individuelles, les
1405
.
variations de cette liberté sont soumises à des
règles très strictes de forme et de procédure
Le fait de réserver au législateur le pouvoir
d'édicter des incriminations permet d'établir un
contre-pouvoir à l'égard de l'intervention
arbitraire du juge 1406 . De même, le fait de réserver la
détermination des actes de procédure pénale au seul
pouvoir législatif contribue directement à éviter toute
sorte d'arbitraire parce que la procédure pénale doit garantir
contre toute forme d'arbitraire. Selon le point de vue qu'on
adopte, si la procédure pénale s'échappe de l'application
du principe de légalité, ceci implique que la procédure
pénale méconnaît le grand
1400 E. Claes, « La
légalité criminelle au regard des droits de l'homme et du respect
de la dignité humaine », in Y. Cartuyvels, H. Dumont, F. Ost, S.
Van Drooghenbroeck et M. Van De Kerchove (dir), Les droits de l'homme,
bouclier ou épée du droit pénal ?, Publications des
facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles et Bruylant, 2007, pp.
211-234, V. spec. p. 213.
1401 V. Ch. Claverie-Rousset, « La
légalité criminelle », in Droit pénal,
n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 3: « Le
principe de légalité criminelle est l'essence de tout État
de droit, État qui accepte de limiter ses propres pouvoirs pour
protéger les libertés individuelles des citoyens ».
1402 L. Duguit, Traité de droit
constitutionnel, Ancienne libraireFontemoing et Cie Editeurs, E. de
Boccard, Paris, 1923, t. 2 La théorie générale de
l'État, p. 44 : « Qu'on ne croie pas cependant que l'acte
de contrainte échappe à la prise du droit. Dans les pays qui sont
parvenus, comme la plupart des pays modernes, à la notion de
légalité, cet acte de contrainte ne peut être fait que dans
les limites fixées par la loi. Seuls peuvent être employés
les moyens de contrainte déterminés par là loi et
seulement dans les conditions légales ».
1403 W. Benessian, Légalité
pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit,
Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, 2008, V. spec. le
résumé.
1404 M. Herzog-Evans, « Le principe de
légalité et la procédure pénale », in
LPA., 6 août 1999, n° 156, p. 4. 1405M.
Bornicchia et M. Gottraux Prisons, droit pénal: le tournant ?,
Édition d'en bas, Lausanne, 1987, p. 97.
1406 E. Claes, « La
légalité criminelle au regard des droits de l'homme et du respect
de la dignité humaine », in Y. Cartuyvels, H. Dumont, F. Ost, S.
Van Drooghenbroeck et M. Van De Kerchove (dir), Les droits de l'homme,
bouclier ou épée du droit pénal ?, Publications des
facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles et Bruylant, 2007, pp.
211-234, V. spec. p. 212.
principe de la légalité criminelle et risque
d'entraîner l'arbitraire dans le système répressif. Ce qui
n'est pas souhaitable et n'est pas acceptable dans un État de droit. Il
est convenu que naturellement l'État de droit est
considéré comme le contraire de l'arbitraire, M. Yves Le Roy et
Mme Marie-Bernadette Schoenenberger définissent l'État de droit
comme un « État qui
respecte les droits de l'homme, pratique la
séparation des pouvoirs... »
|
1407
|
. À notre avis, seule
|
347
une loi pouvait incriminer un acte et prévoir une
peine, et seule une loi pouvait autoriser un acte procédural. Ce qui
implique que la notion du principe de la liberté de preuve en droit
libanais et français doit se concilier avec l'impératif du
respect de la légalité procédurale dans lequel les parties
ont la liberté de choisir entre les différents
procédés de preuve ou les actes de procédure qui existent
dans le Code de procédure pénale libanais et français. M.
Didier Rebut écrit dans sa conclusion lors du colloque «
Procédure pénale et droits de l'homme » : «
nous sommes dans un domaine qui n'est pas comparable aux autres branches du
droit. Et pour ce faire, eh bien le législateur - et c'est valable dans
tous les pays -, dès lors qu'on est en procédure pénale,
prévoit des actes, des procédures coercitives qui donc portent en
elles
1408
.
une atteinte aux droits fondamentaux »
251. La légalité procédurale comme
exigence formelle est une nécessité substantielle. M. Didier
Rebut confirme l'existence du principe de légalité
procédurale en matière pénale, il considère encore
que la légalité procédurale apparaît à la
fois comme une exigence formelle et
1409
une nécessité substantielle en matière
pénale . La légalité procédurale est une exigence
formelle car le principe de la légalité criminelle s'applique
aussi à la procédure pénale, elle constitue aussi une
nécessité substantielle parce qu'elle tient à l'objet
même des dispositions de procédure pénale dont le
caractère attentatoire aux libertés impose qu'elles soient
prévues
1410
par la loi dont il appartient au juge répressif de veiller
au respect de la légalité procédurale
.
M. Bertrand De Lamy croit que le principe de
légalité ne joue pas seulement au profit des délits et des
peines, mais aussi de la procédure pénale puisqu'il existe un
lien direct entre le droit pénal substantiel et la procédure
pénale qui sont trop intimement liés. C'est pourquoi cet
1407 Y. Le Roy et M.-B. Schoenenberger,
Introduction générale au droit Suisse, L.G.D.J. (Paris),
Bruylant (Bruxelles), Schulthess (Zurich), 2002, p. 59.
1408D. Rebut, « Synthèse des
débats », in Procédure pénale et droits de
l'homme, Colloque organisé par Institut de droit pénal du
barreau de Paris Centre de droit pénal et de criminologie de
l'Université Paris Ouest Nanterre, 4 février 2010.
1409 D. Rebut, « la
légalité procédurale en matière criminelle »,
in Cycle Droit et technique de cassation 20052006, 6 mars 2006.
1410 D. Rebut, « la
légalité procédurale en matière criminelle »,
in Cycle Droit et technique de cassation 20052006, 6 mars 2006.
auteur souligne qu'il est préférable d'utiliser
l'expression plus globale de « légalité
criminelle
1411
» pour marquer son appréhension de
l'ensemble de la matière
. Pour M. Raymond Gassin, «
il y a atteinte à la légalité
procédurale lorsque le résultat auquel aboutit l'application
d'une disposition de procédure serait condamnable s'il était
obtenu par l'effet d'une disposition de
1412
fond » . L'avis précédent nous
semble très restrictif, le principe de la légalité
procédurale est plus étendu que le suggère M. Raymond
Gassin.
B. La légalité procédurale, pierre
angulaire de l'État de droit.
252. L'État de droit nécessite le respect de
la légalité procédurale. Selon M. Bertrand de Lamy
« le principe de la légalité criminelle est un excellent
révélateur de l'évolution et de l'État du droit
pénal français »1413. M.
Léon Duguit considère que le principe de la
légalité est un principe fondamental et essentiel de
l'État de droit « le principe de légalité
matérielle, sans lequel il n'y a pas d'État de droit
»1414. L'État de droit est
communément défini comme l'« État dans lequel les
pouvoirs publics sont soumis de manière effective au respect de la
légalité
par voie de contrôle juridictionnel »
|
1415
|
. L'État de droit peut être défini
encore selon une
|
approche spécifiquement juridique comme une «
situation résultant, pour une société, de sa
soumission à un ordre juridique excluant l'anarchie
et la justice privée »
|
1416
|
. Dans un sens
|
plus restreint, le « nom que mérite seul un ordre
juridique dans lequel le respect du Droit est
réellement garanti aux sujets de droit, notamment
contre l'arbitraire »
|
1417
|
. Donc, toutes ces
|
348
définitions concordent sur une caractéristique
de l'État de droit : la supériorité du droit sur
l'État, autrement dit la prééminence du droit ou le
règne du droit et l'autorité de la loi1418. En
1411 B. De Lamy, « Le principe de la
légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », in Cahiers du Conseil constitutionnel, Dalloz,
n° 26, août 2009, p. 16
1412 R. Gassin, « Le principe de la
légalité et la procédure pénale », in
R.P.D.P., 2001, pp. 300 et s., V. spéc. pp. 326-327.
1413 B. de Lamy, « Dérives et
évolution du principe de la légalité en droit pénal
français : contribution à l'étude des sources du droit
pénal français », in Les Cahiers de Droit, vol. 50,
n° 3-4, sept.-déc. 2009, p. 585-609, v. Spec. p. 586.
1414 L. Duguit, Traité de droit
constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de
Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de
l'État, p. 686
1415 V. Le Petit Larousse
illustré, Paris, 2006.
1416 G. Cornu (dir.), Vocabulaire
juridique, 6e éd., P.U.F., Paris, 2004, p. 368.
1417 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique,
6e éd., P.U.F., Paris, 2004, p. 368.
1418 E. Déal, La garantie
juridictionnelle des droits fondamentaux communautaires : La Cour de justice
face à la Communauté de droit, Thèse de droit,
Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2006, p. 46.
résumé l'État de droit exprime
l'excellence du droit1419. En droit positif, l'État de droit
exprime le règne du principe de la légalité dans tous les
domaines de droit, surtout en droit pénal de fond et de forme.
253. Nécessité d'assurer et de
préserver la sécurité juridique. La
sécurité juridique prend la
forme du principe de la légalité dite
criminelle
|
1420
|
. Bien évidemment, le principe de
légalité
|
349
procédurale répond à la
nécessité de garantir la sécurité juridique des
victimes et des personnes mises en causes qui doivent tout simplement pouvoir
connaître les règles
1421
applicables à la conduite de la procédure les
concernant . Il commande en effet que chaque acte de procédure soit
expressément prévu par un texte de loi clair et précis. La
bonne administration de la justice commande également que soit toujours
recherchée la vérité des faits : seule une
procédure strictement encadrée par des textes, ayant à la
fois souci de protéger le justiciable contre l'arbitraire et de frapper
juste, est de nature à satisfaire cette
. Le principe de légalité contribue à une
meilleure sécurité juridique parce qu'il
1423
permet de garantir l'effectivité du droit à chacun
des échelons de la hiérarchie normative
.
1422
exigence
Au cours du procès pénal, il peut être
porté atteinte par la police judiciaire ou par l'autorité
judiciaire au droit à la liberté d'un individu ou au droit au
respect de la vie privée d'un individu. Dans une conception large, le
principe de légalité correspond, en matière
procédurale comme en toute autre, à une exigence de
sécurité juridique qui constitue une condition du procès
équitable selon les termes de M. Frédéric Desportes et Mme
Laurence
1424
Lazerges-Cousquer . Il n'est pas concevable que soient
incertaines les règles de procédure pénale, car cela
affecterait le droit fondamental que constitue l'accès au juge, et
plus
.
1425
globalement, l'exigence d'un procès équitable
1419 E. Déal, La garantie
juridictionnelle des droits fondamentaux communautaires : La Cour de justice
face à la Communauté de droit, Thèse de droit,
Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2006, p. 46.
1420 C. Pomart, La magistrature
familiale: vers une consécration légale du nouveau visage de
l'office du juge de la famille, L'Harmattan, Paris, 2003, p. 208.
1421 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 257, p. 160 : « le principe de
légalité procédurale répond, beaucoup plus
largement, à la nécessité de garantir la
sécurité juridique des victimes et des personnes mises en causes
qui doivent tout simplement pouvoir connaître les règles
applicables à la conduite de la procédure les concernant
».
1422 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Vuibert, 2009, n° 148, p.
55.
1423 A.-L. Valembois, La
constitutionnalisation de l'exigence de sécurité juridique en
droit français, L.G.D.J., 2005, Préface de Bertrand Mathieu,
p. 68.
1424 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 253, p. 156. 1425 F.
Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure
pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 257, p.
160.
254.
350
La légalité constitue l'unique garantie
contre tout arbitraire dans un État de droit. Le principe de
légalité procédurale constitue le principal et l'unique
garantie contre tout arbitraire dans un État de droit. La
procédure pénale est caractérisée par
l'intervention des autorités étatiques surtout dans la recherche
des preuves. Au Liban et en France, le principe fondamental en droit
pénal est : « pas d'infraction sans texte ». C'est un
principe fondamental qui constitue un aspect de la garantie des droits de
l'homme : en droit pénal ni le juge ni l'administration n'ont le pouvoir
d'inventer des infractions. Le droit pénal participe donc aussi, de
cette manière, à la lutte contre l'arbitraire de l'État ou
du pouvoir judiciaire dans un État de droit. Selon Mme Christine
Lazerges, la relation du système pénal aux instances
législatives
1426
.
en France se traduit par le principe de la légalité
des délits et des peines et ses corollaires
255. Les procédures portant atteinte aux
libertés individuelles doivent être strictement encadrées
par la loi. Pendant et avant le procès pénal, les mesures de
nature à porter atteinte à la liberté individuelle doivent
être strictement encadrées par la loi afin de protéger les
libertés individuelles de l'arbitraire. Pour M. Ahmad Fathi Srour,
l'intérêt de la société peut imposer
1427
des limites à notre liberté individuelle . Le
législateur vise à protéger les intérêts
privés et ceux de la société en précisant les
éléments constitutifs des faits punissables. Les infractions
pénales sont incriminées par le législateur, la
procédure pénale peut légaliser un acte attentatoire
à la liberté individuelle, qui sert à appliquer le droit
pénal. La procédure pénale permet la mise en oeuvre du
droit pénal et comprend l'ensemble des règles qui organisent la
recherche de l'auteur d'une infraction. L'application du Code de
procédure pénale va poser des questions essentielles de
libertés individuelles d'où la nécessité de
l'intervention du législateur pour encadrer légalement les
limites de la liberté individuelle et pour légaliser
minutieusement
les atteintes légales à la liberté 1428 .
La procédure pénale, par nature, porte atteinte à la
liberté individuelle, seul le législateur est compétent
pour décider ou déterminer les limites d'atteinte aux
libertés de la personne conformément aux nécessités
de la procédure, ce qui prouve l'application du principe de la
légalité procédurale comme une garantie contre
l'arbitraire pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à
l'adoption du principe de légalité des délits et
1426 Ch. Lazerges, Introduction à la
politique criminelle, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 38.
1427 V. en langue arabe: A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., maison Chorouk, Le Caire (Égypte), 2002,
pp. 71 et s.
1428 V. sur ce point : C. Copain,
L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale
française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011,
n° 107, p. 58 : « En vertu du principe de légalité,
le législateur a, en principe, une compétence exclusive pour
créer une mesure de contrainte ».
des peines 1429 . C'est comme un rempart contre l'arbitraire,
afin d'exclure tout arbitraire que «
351
le principe de la liberté de la preuve pénale
[...] apparaît finalement d'une application
1430
.
256. Aspect particulier de la légalité
générale. Mme Emmanuelle Lemoine considère que
1431
le principe de la légalité criminelle est un
dogme . La légalité criminelle est un aspect particulier de la
légalité en général, qui fait de l'État un
« État de droit ». Il s'agit de chercher en
permanence l'équilibre entre État de droit et efficacité
de la répression. Selon MM. Serge Guinchard et Jacques Buisson, «
.... la légalité, dans un État de droit,
imprègne forcément la matière de la preuve pénale,
comme toutes les autres, que ce soit dans la production des preuves ou, en
amont, dans l'administration de la preuve, au cours des phases de police
judiciaire, de la poursuite et de l'instruction, c'est-à-dire dans la
recherche ou le recueil des indices, à peine de nullité voire de
condamnation civile ou pénale de l'enquêteur responsable
1432
... ».
1429 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., maison Chorouk, Le Caire (Egypte), 2002, pp. 71
et s.
1430 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 552, p. 572.
1431 E. Lemoine, La répression de
l'indifférence sociale en droit pénal français,
L'Harmattan, Paris, 2002, p. 161.
1432 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 552, p. 572.
352
Section II
La légalité criminelle appliquée
en matière de preuve
pénale
257. L'application du principe de légalité
dans le contexte des preuves. Selon MM. Serge Guinchard et Jacques
Buisson, « la légalité dans l'administration de la
preuve trouve donc essentiellement l'application en amont de l'audience
pénale, mais elle ne peut évidemment être
étrangère au juge de jugement, que ce soit au titre de
l'obligation qui lui est faite de vérifier la légalité de
la preuve produite, ou dans l'exécution du complément
d'enquête qu'il
peut - et même doit - ordonner »
1433
. La preuve pénale est soumise au principe de
la légalité.
1434
La procédure pénale fait une large place aux
règles de preuve . En général, la procédure
pénale dans tous les systèmes pénaux a pour objet
essentiel la constatation des infractions, le rassemblement de leurs preuves,
la recherche de leurs auteurs. Le principe de la légalité
procédurale trouve son application et son expression dans le cadre de la
preuve pénale. Le problème fondamental que doit aborder toute
procédure pénale est la preuve. Le but ultime de toute
procédure pénale, en effet, qu'elle soit système de droit
continental ou de common law vise à la manifestation de la
vérité à travers la recherche et l'administration de la
preuve. Pour autant, la recherche de la preuve ne peut se faire à
n'importe quel prix, mais uniquement par
1435
des voies non seulement légales, mais encore
légitimes . Le principe de légalité procédurale a
donc un rôle particulier à jouer en matière de preuve
pénale. « Mais cette liberté du moyen de preuve et de
son appréciation ne doit pas masquer l'existence d'un principe de
légalité de l'administration de la preuve, aspect de la
légalité procédurale, qui signifie que les moyens de
preuves doivent résulter d'actes d'investigation ou de recherche
régulièrement prévus par la
loi » 1436 . Ce principe de
légalité procédurale s'applique sur la preuve surtout si
on prend en compte que le principe de la légalité criminelle est
un excellent outil juridique qui contribue largement et efficacement en vue de
l'élaboration de l'État de droit. C'est autour de la preuve
1433 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 582, p. 587.
1434 P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Nancy 2, 2010, p. 4.
1435 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 10.
1436 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
20.
pénale que la procédure pénale toute
entière gravite, affirment MM. Roger Merle et André Vitu:
« la procédure pénale toute entière gravite
autour du problème essentiel de la preuve, ce qui explique la place
prééminente que lui réservent certains droits
étrangers, par exemple
anglo-saxons »
|
1437
|
. Un arrêt rendu par la chambre criminelle de la
Cour de cassation française
|
le 19 juin 1989 constitue à notre avis une
reconnaissance presque parfaite de l'existence juridique du principe de la
légalité de preuve : « si, selon les dispositions
combinées des articles 342 et 451 du Code des douanes, tous
délits en matière douanière ou cambiaire peuvent
être prouvés par toutes les voies de droit, c'est à la
condition que les moyens de preuve produits devant le juge pénal ne
procèdent pas d'une méconnaissance des règles de
procédure et n'aient pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de
la défense, ni au principe énoncé à l'article 8 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de
1438
.
l'homme et des libertés fondamentales»
§ 1. Légalité procédurale
appliquée en matière de preuve pénale.
258. Notion du principe de la légalité de
preuve. Selon Mme Michèle-Laure Rassat « chaque mode de
preuve est doté d'une procédure d'obtention particulière
qui fait l'objet d'une réglementation spécifique et
détaillée : l'aveu ne peut résulter d'un interrogatoire
dont tous les détails sont prévus par le Code de procédure
pénale ; le témoignage est recueilli au cours d'une audition,
etc. Des preuves obtenues sans respect de ces règles sont
irrecevables.
Il y a là des formalités spécifiques
à chaque élément de preuve ... »
|
1439
|
. La loi réglemente la
|
353
recherche de la preuve, la constatation, la production et la
discussion ; c'est ce qu'on appelle le principe de la légalité
dans la recherche et l'utilisation des preuves, prolongement du principe
général de la légalité criminelle comme l'affirment
MM. Roger Merle et André
Vitu 1440 . La recherche des preuves en matière
pénale ne peut non plus être abandonnée à
l'arbitraire des autorités parce que la procédure pénale
ne doit pas être fortement axée vers la recherche des preuves
à tout prix. La liberté de preuve ne signifie pas qu'il convienne
d'obtenir à tout prix les preuves ou le droit de rechercher les preuves
à tout prix et de n'importe quelle manière comme l'affirme M.
Jean Pradel : « n'importe quelle preuve peut être
utilisée, mais
1437 R. Merle et A. Vitu, Traité De
Droit Criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001,
t. 2 Procédure Pénale n°140, p. 177.
1438 Cass. crim., 19 juin 1989, B.C.,
n° 261.
1439 M-L. Rassat, Procédure
pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses,
2013, n° 256, p. 265.
1440 R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2
Procédure pénale, n° 168, p. 211.
elle ne peut pas être recherchée de n'importe
qu'elle manière. En d'autres termes, s'il n'y a pas de régime
légal des preuves, il y a un régime de la recherche et de
l'administration des
1441
preuves »
. La liberté de preuve donne le pouvoir de
choisir tout moyen de preuve pour
354
établir la vérité et laisse aux
autorités étatiques la liberté de choisir entre les
différents procédés de preuve sans reconnaître une
hiérarchie entre les moyens et les modes de preuve, ou imposer un moyen
de preuve recevable notamment pour prouver une infraction spécifique. Il
résulte de ce qui précède que les procédés
ou moyens de preuve non expressément prévus
1442
par le Code de procédure pénale devraient
être bannis. En effet, la procédure pénale en droit
libanais et français est régie par le principe de la
liberté des preuves. Cette liberté n'est toutefois pas sans
limites. Il ne peut être recouru à des moyens qui sont
incompatibles avec les principes fondamentaux et généraux du
droit reconnus ou consacrés par les lois, qui portent atteinte à
la dignité humaine, qui entament la liberté personnelle sans base
légale suffisante ou encore qui sont formellement interdits par la loi
elle-même et encore avec des nuances.
A. L'application des principes de procédure
pénale en matière de preuve.
259. La légalité s'applique à la
preuve. Après avoir identifié et justifié l'existence
du principe de légalité procédurale, la question
fondamentale qui est posée concerne l'application de ce principe en
matière de preuve pénale. Les principes généraux
relatifs à la procédure pénale s'appliquent
également en matière de preuve. Le système pénal
libanais et français ne consacre pas un Code spécifique et
indépendant à la recherche et l'administration de la preuve
pénale. Face à l'unité des règles de preuve en
common law, dans les pays appartenant au système romano-germanique
notamment le Liban et la France, on peut parler de l'unité des
règles de procédure pénale étant donné que
la procédure pénale repose beaucoup sur la question des preuves
et tient à organiser légalement les moyens de rechercher et
d'établir la
culpabilité et l'innocence.1443
1441 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 782, p.
716.
1442 V. sur la réglementation de la
recherche des preuves : H. Matsopoulou, Les enquêtes de police,
Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1074, p. 498 :
« Entendue dans son sens matériel, cette réglementation
de la recherche des preuves signifie que chaque acte d'administration de la
preuve est régi strictement par un texte ».
1443 V. E. Verges, Procédure
pénale, 2e éd., Litec, 2007, n°107, p. 80 :
« le principe de licéité de la preuve signifie avant
tout que la recherche, la production et l'appréciation des preuves
pénales doivent se faire conformément au droit. Il s'agit
là d'un énoncé tout à fait trivial, mais encore
faut-il préciser ce que l'on entend par conforme au droit. D'un
côté l'établissement de certaines preuves est soumis
à un cadre législatif très précis. Ainsi en est-il
des perquisitions, des écoutes téléphoniques ou
procédures de sonorisation. Ces preuves sont, en réalité,
des actes de procédures soumis à un formalisme lourd... Pour
autant, la licéité de la preuve ne s'étend
355
B. La légalité procédurale
applicable à la preuve pénale.
260. L'application de la légalité
procédurale à la preuve. Dans un système fondé
sur la prééminence du droit, le principe de
légalité, ou encore l'exigence d'une « loi
préalable » occupent pourtant une place centrale très
essentielle en procédure pénale, même s'ils n'ont, en cette
matière, ni la même raison d'être, ni la même
portée qu'en droit pénal de fond1444
.
Pendant la recherche des preuves, les agents d'investigation
ne sont pas libres, car si la présentation des preuves est bien libre,
leur recueil ne l'est pas. Dans un État de droit comme en France et au
Liban, les policiers et les magistrats sont tenus de respecter diverses
conditions légales pendant tout acte de procédure tendant
à rechercher les preuves. Le processus d'obtention de la preuve en
matière pénale est strictement réglementée parce
qu'il est sous-tendu par certains principes eux-mêmes presque
sacrés. Certains auteurs croient que la légalité
procédurale issue du principe de légalité des
délits et des peines autorise les autorités étatiques
(surtout judiciaires) à faire tout ce qui n'est pas interdit par la loi.
Cette notion précédente ou interprétation est
erronée, car tout acte de procédure criminelle attentatoire
à la liberté individuelle ou contrevenant à la vie
privée est interdit sauf si la loi prévoit légalement
cette atteinte légale. Le Code de procédure pénale doit
justifier expressément ces atteintes à la liberté
individuelle afin de rechercher la preuve, mais à condition de ne pas
porter atteinte aux garanties constitutionnelles, d'où la
nécessité de réglementer légalement les
différents procédés de preuve sans reconnaître
aucune hiérarchie entre les divers modes de preuve et sans fixer la
valeur probante des preuves. En matière criminelle, toute preuve est
admise pour prouver une infraction, mais ceci ne veut pas dire que
l'administration des preuves n'est pas réglementée. La
légalité procédurale est applicable dans la recherche de
preuve pénale. Le Conseil constitutionnel français dans sa
décision n° 2004492 DC du 02 mars 2004 concernant la loi portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a
confirme l'application du principe de légalité criminelle sur les
règles des preuves pénale : « 5. considérant,
enfin, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution,
ainsi que du principe de légalité des délits et des
peines, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi
pénale et de définir les crimes et délits en termes
suffisamment clairs et précis ; que cette exigence s'impose non
seulement pour exclure
pas uniquement de l'encadrement formel prévu par la
loi. Elle consiste aussi dans le respect de principes inscrits dans le Code de
procédure pénale ou établis par la jurisprudence
».
1444 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 248, p. 153.
l'arbitraire dans le prononcé des peines, mais
encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la
recherche des auteurs d'infractions ... »1445.
C. La preuve pénale, l'essence de la
procédure pénale.
261. La preuve est l'objet de la procédure
pénale. Selon M. René Garraud, l'idée de
l'instruction et de la preuve dans le cadre du procès pénal,
c'est-à-dire tous les procédés qui seront employés
pour rechercher les délits et les délinquants et sans doute pour
convaincre le juge de la culpabilité de l'accusé constituent le
fond même de la procédure pénale, dont toutes les
règles sont dirigées vers ce but : des moyens légaux, la
découverte des crimes et la
1446
punition des criminels. Ensuite de la bonne ou de la mauvaise
organisation de ces règles, dépend, avant tout, la
sécurité de la société et celle de l'individu,
c'est ce qu'affirme M. René
Garraud
|
1447
|
. Les règles de procédure pénale sont
orientées vers la recherche et la production
|
356
de preuves. En réalité, la plupart des actes de
procédure pénale visent l'obtention des éléments de
preuve d'une infraction, par exemple, le procès-verbal constitue un
instrument essentiel de la preuve au pénal, la perquisition ne peut
avoir d'autre objet que de rassembler les preuves relatives à une
infraction 1448 . L'interrogatoire n'a pas cessé d'être un moyen
important de preuve. L'expertise est un moyen qui permet d'obtenir un avis non
juridique basé sur des connaissances scientifiques, techniques ou
artistiques spéciales et qui sert à découvrir certains
indices et certaines preuves. À vrai dire, la preuve constitue
l'essentiel de la procédure, ce qui confirme que la
légalité procédurale doit être appliquée en
matière de preuve pour encadrer légalement l'étendue de la
liberté de preuve.
1445 DC n° 2004-492 du 02 mars 2004
concernant la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité.
1446 R. Garraud, Traité
théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure
Pénale, L. Larose & L. Tenin, 1907, t. 1, p. 9.
1447 R. Garraud, Traité
théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure
Pénale, L. Larose & L. Tenin, 1907, t. 1, p. 9.
1448 J. De Codt, Des nullités de
l'instruction et du jugement, Larcier, Bruxelles, 2006, p. 54.
357
§ 2. Reconnaissance du principe de
légalité de la preuve pénale.
262. Résoudre le conflit entre droits individuels et
efficacité de la répression. Selon M. Bernard Bouloc et Mme
Haritini Matsopoulou, la liberté de la preuve subit une restriction
extrêmement importante du fait qu'il est exclut- en principe - qu'un
policier ou tout autre
1449
.
citoyen se permette de commettre une infraction afin
d'acquérir la preuve d'une infraction
M. Jacques Buisson affirme que « ... dans un
État de droit, la légalité imprègne
forcément l'administration de la preuve, c'est-à-dire dans la
recherche ou le recueil de la preuve, à
1450
. La
peine de nullité, voire de condamnation civile ou
pénale de l'enquêteur responsable »
procédure pénale vise d'abord à
l'efficacité de la répression par la recherche des preuves afin
de trouver l'auteur de l'infraction. Cette procédure vise encore
à garantir les droits individuels des personnes pendant les
différentes phases du procès. La recherche de preuve
évoque plusieurs conflits entre intérêt public et
intérêt privé, droits de l`individu et droits de la
société, entre l'atteinte au droit individuel et
l'intérêt général sauvegardé. La
procédure pénale doit être équitable, elle doit donc
trouver l'équilibre entre les droits des parties et
l'équité de la procédure pénale, afin d'assurer les
intérêts de la société et les droits des individus.
En ce qui concerne la preuve, le principe, en droit pénal, est celui de
la liberté de preuve. Cette liberté de preuve largement reconnue
dans le domaine pénal ne nous empêche pas d'affirmer que lors de
la recherche des preuves, toute procédure pénale tend à
trouver l'équilibre entre le respect des droits de la défense et
l'efficacité niveau des preuves suffisantes. La procédure
pénale doit réserver l'équilibre des droits des parties.
La reconnaissance d'une liberté absolue en matière de preuve
détruirait l'équilibre en donnant à la recherche de la
preuve la dominance sur la légalité. La procédure
pénale recherche l'équilibre entre la protection des
libertés individuelles, notamment ceux de la défense, et
l'efficacité de la répression destinée à
protéger
1451
la société . La légalité de preuve
est un principe qui tend à renforcer l'équilibre de la
procédure pénale et, en même temps, à l'humaniser et
à améliorer l'équilibre des droits entre les parties. Le
principe de la légalité de preuve vient résoudre
complètement les conflits qui interviennent dans la recherche de preuve
et leur efficacité qui peuvent porter atteintes à certains droits
et libertés individuels. Contrairement à l'idée
traditionnelle présentée,
1449 B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit
pénal général et Procédure pénale,
18e éd., Sirey, Paris, 2011, n° 441, p. 255.
1450 J. Buisson, « La
légalité dans l'administration de la preuve pénale »,
in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6,
V. spec. p. 3.
1451 É. Espérance Nana,
Droits de l'homme et justice: le délai de procédure
pénale au Cameroun, L'Harmattan, Paris, 2010, Préface de
Jean-Didier Boukongo, p. 34.
l'efficacité de la répression n'est pas toujours
en opposition avec les droits et libertés. Le principe de la
légalité de preuve offre une très bonne figure d'une
procédure pénale respectueuse des droits individuels et efficace
en même temps.
A. La liberté de la preuve limitée par la
légalité.
263. Une liberté encadrée par la
légalité dans la recherche des preuves. Il est coutumier de
dire que la preuve en matière pénale est libre et surtout que le
principe de la liberté de la preuve domine la procédure
pénale. En réalité, malgré cette grande
liberté, l'administration de la preuve reste soumise à de
nombreuses règles qui s'imposent à toute société
démocratique (respect de la dignité humaine, de l'intimité
de la vie privée, du principe de loyauté...), car cette
liberté dans l'administration de la preuve constitue le terrain
d'élection des droits de la défense et la chambre criminelle se
montre particulièrement vigilante quant aux principes qui
1452
la gouvernent . Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre Du
Chambon, le principe de la légalité doit être
d'emblée bien compris, notamment en ce qu'il touche aux moyens non
aux
buts à atteindre
|
1453
|
. M. Jacques Buisson estime qu'« Il n'est pas sans
intérêt de rappeler
|
immédiatement que la liberté du juge en
matière de preuve, à l'instar de celle des parties, est
nécessairement bornée par la légalité de
l'administration de la preuve, comme elle l'est par
1454
la légalité du procès pénal
» . La recherche de la vérité dans le procès
pénal postule un équilibre entre les buts poursuivis et les
moyens pour les atteindre. Selon M. Henri Donnedieu de Vabres, il faut signaler
que si la loi n'impose au juge aucun critérium concernant
l'appréciation de la valeur des preuves, la recherche et la production
des preuves ne sont pas entièrement libres. Elles sont soumises à
des règles légales. La juge n'est pas maître de recourir
à tous les moyens d'investigation qui lui paraissent opportuns ; il ne
peut puiser sa conviction que dans des preuves légalement
examinées. Ces observations s'appliquent également à la
production des preuves dans la procédure de l'instruction
préparatoire et dans
celle de l'instruction définitive
|
1455
|
. Selon Mme Coralie Ambroise-Castérot, la liberté
de
|
358
preuve ne signifie pas que n'importe quel
procédé puisse être utilisé. Il n'est pas question
de torturer un individu pour qu'il avoue, par exemple. Il existe donc des
procédés interdits, parce
1452 D. Caron, « Les droits de la partie
civile dans le procès pénal », in Rapport annuel 2000 de
la Cour de cassation, Études sur le thème de la protection
de la personne, Cour de cassation française.
1453 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 65, p. 40. 1454 J. Buisson,
«Preuve», in Rép. Pén. Dalloz, février
2003, n° 69, p. 15.
1455 H. Donnedieu De Vabres,
Traité élémentaire de droit criminel et de
législation comparée, 3e éd., Librairie
Sirey, Paris, 1947, n° 1242, p. 716.
359
1456
qu'illégaux. La liberté de preuve est une
liberté encadrée par la légalité. Comme l'affirme
M. Jacques Leroy, la liberté de preuve ne s'exerce pas sans
limite, elle ne saurait exister que
1457
.
dans un cadre légal
B. La nécessité d'un encadrement
légal pour chaque procédé de recherche de preuve qui porte
atteinte à la liberté individuelle et à la vie
privée.
264. Atteinte légale à la liberté
individuelle et à la vie privée. La recherche de preuve en
matière pénale comme acte de procédure peut constituer une
grave atteinte à la liberté individuelle. C'est pourquoi le
législateur a réglementé dans le Code de procédure
pénale les
différentes phases du procès pénal de
manière stricte 1458 . Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre Du
Chambon « un système procédural ne peut organiser en
détail tous les types d'investigation concevables. Mais, dès
l'instant qu'un procédé de recherche porte atteinte à la
liberté individuelle par l'utilisation de la contrainte, il n'est licite
que si un texte de loi l'autorise : en matière procédurale, le
principe de la légalité signifie que tout ce qui n'est pas
autorisé est interdit. Ainsi s'explique la réglementation
minutieuse, au stade de l'enquête et de
l'instruction, des perquisitions et saisie ...
»
|
1459
|
. Donc, chaque fois que le procédé de
|
recherche de preuve suppose une atteinte à un droit
protégé, il y a une nécessité d'encadrer cette
atteinte par le législateur pour créer une base légale qui
légalise la preuve pénale. MM. Roger Merle et André Vitu
expliquent d'une façon claire et sans équivoque l'idée de
la réglementation du processus de recherche des preuves en
matière pénale : « la loi française ne fixe pas
la valeur de chaque preuve, elle en réglemente seulement la recherche,
la constatation, la production et la discussion ; c'est ce qu'on appelle le
principe de la légalité dans la recherche et l'utilisation des
preuves, prolongement du principe général de la
légalité criminelle. A mesure, en effet, le procès
pénal s'achemine vers sa solution définitive, la loi entoure de
plus de garanties la recherche et l'administration des preuves ; en même
temps, elle accroît les pouvoirs donnés aux autorités pour
cette recherche et cette production.
1456 C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 245, p. 171. 1457 J.
Leroy, Procédure pénale, 3e édition,
L.G.D.J., 2013, n° 348, p. 186.
1458 V. sur ce point : M. Schwendener, «
L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de
loyauté », in AJ Pénal, 2005, p. 267 : «
Le législateur a organisé la recherche de la preuve, notamment au
travers des cadres juridiques d'enquête constituant les moyens
d'accéder à celle-ci ».
1459 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 67, p. 42.
L'examen des divers phases du procès pénal
révèle ce double aspect »
1460
. De surcroît, tous
360
les procédés de recherche de preuve qui
constituent une atteinte à la vie privée doivent être
strictement règlementés et encadrés par le
législateur, ce qui prouve la nécessité d'appliquer le
principe de la légalité procédurale en matière de
preuve pénale, c'est-à-dire la reconnaissance de l'existence du
principe de la légalité de preuve pénale.
Conclusion du chapitre I
265. Le principe de légalité des délits
et des peines est reconnu comme l'aspect essentiel du principe de
légalité criminelle. Ce qui précède n'empêche
pas d'affirmer qu'il existe un autre aspect très important de la
légalité criminelle, c'est le principe de la
légalité procédurale. La légalité
procédurale est un principe qui connaît une négligence
remarquable dans le système répressif libanais et
français. Un autre aspect de la légalité criminelle est
né de l'application du principe de la légalité
procédurale en matière de preuve sous la forme du principe de la
légalité de preuve pénale. Le principe de la
légalité procédurale connait ou souffre d'un
problème d'existence, ce qui nécessite un essai visant à
prouver la réalité et le fondement de l'existence du principe de
la légalité procédurale. En effet, malgré
l'ignorance et la négligence de ce principe par la doctrine en droit
libanais, certains auteurs libanais ont souligné une exception
remarquable en affirmant l'existence du principe de la légalité
procédurale. La doctrine pénale française affirme
pleinement l'existence du principe de la légalité
procédurale. De surcroît, la légalité
procédurale comme exigence de procès équitable dans un
État de droit trouve son fondement dans la nécessité de
protéger, d'assurer et de préserver la sécurité
juridique, la protection de la liberté individuelle, et d'éviter
l'arbitraire commis par l'autorité étatique et judiciaire. Donc,
le principe de la légalité procédurale fait l'objet d'une
reconnaissance, ce qui ouvre le débat sur l'application de ce principe
en matière de preuve pénale sous le nom du principe de la
légalité de preuve. Il est reconnu que la liberté de la
preuve pénale trouve sa limite dans l'application du principe de la
légalité procédurale en matière de preuve
pénale. D'autre part, il est nécessaire d'encadrer
légalement la recherche des preuves en procédure pénale
surtout les procédés et les actes qui portent atteinte aux
libertés individuelles ou à la vie privée. De ce qui
précède, on peut conclure que la légalité
1460 R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, tome 2
Procédure pénale, n° 168, p. 211.
361
procédurale est applicable en matière de preuve
pénale, ce qui prouve l'existence et la reconnaissance du principe de la
légalité de preuve pénale.
Chapitre II
Vers la constitutionnalisation et la
conventionnalisation du droit de la preuve
266. Importance et rôle du droit constitutionnel.
Il est reconnu que ce qui caractérise l'État est l'ensemble
des normes constitutionnelles qui sont au sommet de la hiérarchie du
droit. L'État est tenu de respecter les normes constitutionnelles dans
toutes les branches du droit surtout en ce qui concerne le domaine de
procédure pénale afin de protéger les droits
1461
individuels au sein de la procédure pénale dans
la recherche des preuves . Le droit constitutionnel est constitué de
l'ensemble des normes qui fondent l'État de droit qui suppose
l'existence d'un ordre juridique et d'une hiérarchie des normes bien
établis, qui intègre toutes les branches du droit. Il y a une
relation ou des liens entre la procédure pénale et le droit
constitutionnel ; le droit constitutionnel étant le droit qui fonde
l'ordre juridique qui reconnaît, organise et garantit les droits
fondamentaux de la personne humaine dans un État de droit. Selon M.
Maurice Duverger, un État de droit désigne nécessairement
un État qui se conforme aux règles de droit établies, par
opposition à l'arbitraire qui règne dans les régimes
1462
autoritaires.
267. La réception du droit conventionnel
international. Les traités et les conventions jouent un rôle
de plus en plus important en droit pénal généralement et
plus précisément en procédure pénale. Chaque pays
est invité à respecter ses engagements vis-à-vis des
Conventions internationales. L'ordre hiérarchique du droit conventionnel
international ayant un effet direct sur les normes juridiques internes est
principalement lié à la place réservée par
le droit interne au droit conventionnel
|
1463
|
. La place des traités dans la hiérarchie des
normes
|
362
permet aux conventions internationales relatives aux droits de
l'homme de donner les moyens nécessaires d'influencer d'une
manière efficace le droit et la procédure pénale. En
France, il
1461V. G. Burdeau, F. Hamon et M. Troper,
Droit constitutionnel, 22e éd., Librairie
générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1991, p. 36 : Au
sens formel, le droit constitutionnel est «l'ensemble des normes qui
ont une valeur supérieure à celle des autres normes, qui peuvent
servir de fondement de validité à d'autres normes et qui
elles-mêmes ne sont fondées sur aucune norme juridique
».
1462 M. Duverger, Institutions politiques
et droit constitutionnel, 18e éd., P.U.F., 1990, t. 1
Les grands systèmes politiques, p. 196.
1463 E. Roucounas, « L'application du
droit dérivé des organisations internationales dans l'ordre
juridique interne», in P. Michel Eisemann, L'intégration du
droit international et communautaire dans l'ordre juridique national:
étude de la pratique en Europe, Kluwer Law International, 1996, pp.
39-49, V. spec. p. 47.
n'est pas discutable que l'influence des traités
adoptés au plan européen surtout la Convention européenne
des droits de l'homme ne cesse d'augmenter. La procédure pénale
n'échappe pas à ce phénomène et à cette
influence européenne. La Convention européenne et la Cour
européenne des droits de l'homme posent un certain nombre de principes
auxquels le
droit interne doit être conforme 1464 . Sur le plan du
droit libanais, le préambule de la
Constitution libanaise proclame l'adhésion du Liban
à l'ONU
|
1465
|
et son engagement au
|
363
respect de ses chartes et notamment la Charte universelle des
droits de l'homme. Le préambule de la Constitution libanaise
reconnaît la primauté de la Charte universelle des droits de
l'Homme, l'adhésion ou la ratification du Liban à toutes les
conventions internationales reliées aux droits de l'homme et leurs
protocoles facultatifs vont cohabiter avec les règles de
procédure pénale en vigueur. Bien évidemment les
conventions internationales reliées aux droits de l'homme viennent
améliorer la protection des droits fondamentaux et combler certaines
lacunes de notre dispositif de protection des droits de l'homme surtout dans la
recherche des preuves dans le cadre du procès pénal.
268. La constitutionnalisation et la conventionnalisation
du droit de la preuve. Mmes Geneviève Guidicelli-Delage et Haritini
Matsopoulou expriment le mouvement vers la constitutionnalisation et la
conventionalité de la procédure pénale notamment en
matière de preuve, par une expression significative : «
procéduralement, la constitutionnalisation et/ou conventionnalisation de
plus en plus forte du droit de la preuve, par un développement des
droits de la défense, du principe du contradictoire et de
l'oralité, de l'égalité des armes et de la place des
parties privées dans la recherche de la vérité, par les
exigences de proportionnalité, d'adéquation et de loyauté
des modes de recueil et d'administration des
1466
preuves ». Mme Laurence Burgorgue-Larsen
considère que la conventionnalisation des branches du droit a
succédé à leur constitutionnalisation, qui faisait suite
à la naissance et au
. Il s'agit, bien évidemment, des limites
1467
développement de la justice constitutionnelle
imposées par les normes internationales conventionnelles
dans le cadre d'une procédure
1464 CEDH, (Grande Chambre) 15 novembre 1996,
Cantoni c/ France Affaire, n° 45/1995/551/637 (principe de
légalité des délits et des peines, définition
claire et précise des infractions par les textes.)
1465 L'Organisation des Nations unies.
1466 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 2.
1467 L. Burgorgue-Larsen, « La France et
la protection européenne des droits de l'homme », in Annuaire
Français de relations internationales, 2005, pp. 598-612, v. spec.
p. 605.
364
1468
pénale tendant à la recherche de preuves.
Il est indéniable que l'évolution de la procédure
pénale moderne tend vers la constitutionnalisation et la
conventionnalisation du droit de la preuve.
269. Rapport entre droit pénal et droit
constitutionnel. Longtemps, il n'existait aucun rapport direct entre le
droit pénal et la Constitution qui sont restés fort
étrangers l'un à l'autre
1469
comme souligne M. Jean-François Seuvic . Le droit
pénal et le droit constitutionnel sont très loin l'un de l'autre
et le droit public est en général opposé au droit
privé, car d'après les conceptions classiques, le droit interne
se divise en deux branches, le droit public, dont le droit
1470
constitutionnel fait partie et le droit privé, auquel
appartient le droit pénal . Le droit pénal comme les
différentes branches du droit n'a pas échappé à ce
mouvement constitutionnel. En
. En
1471
1985, M. Loïc Philip a invoqué la
constitutionnalisation du droit pénal français
revanche, le droit pénal est considéré
comme une matière de droit public si l'on prend en compte l'objet du
droit pénal qui vise à définir et réprimer les
comportements contraires à un certain ordre social et à la
sécurité juridique et en prenant compte que le droit pénal
exprime traditionnellement l'autorité de l'État et l'exercice de
la souveraineté étatique. En ce qui concerne le contenu de la
constitutionnalisation du droit pénal, il est à la fois formel
et
1472
substantiel comme le souligne M. Jean-François Seuvic .
Un avis opposé à celui de M. Jean-François Seuvic porte un
doute remarquable sur la force et la faiblesse qui entourent le droit
constitutionnel en matière de procédure pénale. Cet avis
est soutenu par M. Guy
1468 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 3 : « La manifestation de la
vérité ne justifie nullement le recours à tout moyen de
preuve. C'est qu'en effet, des traités posent, au niveau international
ou européen, un certain nombre de limites à la recherche de
preuves ».
1469 V. J.-F. Seuvic, « Force ou
faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », in
Cycle Procédure pénale 2006, Troisième
conférence 16 mars 2006 : « La constitutionnalisation du droit
pénal a un double contenu, relevant d'une part d'une
constitutionnalisation formelle et d'autre part, d'une
constitutionnalisation
substantielle » :Disponible sur le site officiel
de la cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2006_55/intervention_m._seuvic_9574.html
1470 V. J.-F. Seuvic, « Force ou
faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », in
Cycle Procédure pénale 2006, Troisième
conférence 16 mars 2006 : « La constitutionnalisation du droit
pénal a un double contenu, relevant d'une part d'une
constitutionnalisation formelle et d'autre part, d'une
constitutionnalisation
substantielle » :Disponible sur le site officiel
de la cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2006_55/intervention_m._seuvic_9574.html
1471V. L. Philip, « La
Constitutionnalisation du droit pénal français », in
R.S.C., 1985, n° 4, pp. 711-723 ; V. encore : D. Mayer, «
L'apport du droit constitutionnel au droit pénal en France », in
R.S.C., 1988, pp. 439-446.
1472 Intervention de J.F. Seuvic, «
Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal
», in Cycle Procédure pénale 2006,
Troisième conférence 16 mars 2006.
1473
Canivet
. Il nous paraît illogique, puisque la reconnaissance de
l'existence du droit
365
constitutionnel en matière de procédure
pénale entraîne nécessairement la reconnaissance de sa
valeur juridique complète sans aucune réserve concernant sa
valeur juridique.
270. Mouvement de constitutionnalisation en
matière pénale. Le but de l'intervention de la norme
constitutionnelle en matière pénale est au profit de
l'intérêt général pour garantir les droits et
libertés individuels qui risquent d'être menacés pendant le
déroulement du procès pénal. En France, selon M.
Jean-Louis Nadal, « le mouvement de constitutionnalisation du droit
pénal et de manière générale de la matière
pénale s'est enclenché à la suite de la décision du
Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 qui a fait entrer dans ce que l'on
appelle le bloc de constitutionnalité, non seulement la Constitution de
1958, mais également la Déclaration des droits de l'Homme et du
citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et les principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, progressivement
dégagés par le Conseil constitutionnel. Le socle des principes
constitutionnels propres à la matière pénale s'articule
ainsi autour des principes de droit pénal et des principes touchant plus
spécifiquement la procédure pénale. Parmi les principes
constitutionnels de droit pénal, on peut citer parmi les plus importants
le principe de la légalité des délits et des
1474
peines...»
|
1475
. En droit libanais, on peut remarquer l'absence de
reconnaissance juridique
|
|
de ce mouvement de constitutionnalisation de la
matière pénale. L'absence d'un véritable mouvement de
constitutionnalisation du droit pénal est vraiment regrettable. Cette
négligence a pu mettre gravement en péril les libertés
individuelles surtout que la constitutionnalisation du droit criminel englobe
le droit pénal et la procédure pénale, visant à
mieux garantir la protection des libertés individuelles au cours du
procès pénal en droit libanais.
271. L'harmonisation de la législation
nationale. L'harmonisation des lois nationales pour qu'elles soient
compatibles avec les instruments internationaux nécessite de trouver une
harmonisation effective entre la législation nationale et les
engagements internationaux. Ce qui précède va prouver que les
effets directs des conventions se traduisent par l'harmonisation
1473 G. Canivet, « Propos introductifs
», in « Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit
pénal », in Cycle Procédure pénale 2006,
Troisième conférence 16 mars 2006 : « s'il est
admis par tous qu'il existe un véritable droit constitutionnel en
matière de procédure pénale, des interrogations subsistent
sur la force ou la faiblesse de cette constitutionnalisation ».
1474 J.-L. Nadal, « Propos introductifs
», in Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit
pénal, Cycle Procédure pénale 2006 Troisième
conférence 16 mars 2006.
1475 V. sur La constitutionnalisation de la
matière pénale en Allemagne : K. Tiedemann, « La
constitutionnalisation de la matière pénale en Allemagne »,
in R.S.C., 1994, pp. 1 et s.
de la législation
1476
nationale pour répondre aux impératifs
conventionnels. Par exemple, la
Cour européenne des droits de l'homme reconnaît les
interceptions téléphoniques comme une
méthode d'investigation criminelle acceptable,
malgré leur caractère prima facie
|
1477
|
attentatoire à la vie privée. Cependant, elle ne
le fait qu'avec beaucoup de réserve remarquable, en soulignant d'une
façon très particulière que de ce moyen d'investigation
est d'une nature exceptionnelle et en imposant sa réglementation qui
vise un encadrement strict de manière explicite et
détaillée par la loi. Les différents législateurs
dans les pays européens sont tenus de respecter les exigences
imposées par la Cour de Strasbourg et ne pouvaient de toute sorte que
recevoir positivement les messages de la Cour européenne des droits de
l'homme et s'efforcer d'harmoniser leur législation aux
impératifs posés par la Convention 1478 . Sans doute,
l'harmonisation des procédures pénales de manière
compatible avec les exigences de la Convention européenne des droits de
l'homme n'est pas une tâche facile et il est selon Mme Anne Weyembergh,
très certainement un des domaines de l'espace
1479
pénal européen parmi les plus délicats,
sinon le plus délicat . Là, l'influence du droit international
est indéniable, et plus précisément s'agissant de
l'Europe, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales sur la preuve pénale. La CEDH encadre
doublement le système de preuve par les exigences du procès
équitable et par
le respect des droits garantis par la Convention (articles 3,
8, 10)
|
1480
|
. La ministre de la Justice
|
366
hongroise en 2000, Mme Ibolya David affirme l'impact
indéniable de la jurisprudence rendue par la Cour européenne des
droits de l'homme (CEDH) sur les législations nationales des pays
membres de l'Union Européenne « les centaines d'arrêts de
la Cour ont eu un impact considérable sur les législations des
États membres et, par conséquent, sur la vie de millions
1476 V. sur l'harmonisation des
législations: A. Weyembergh, L'harmonisation des
législations: condition de l'espace pénal européen et
révélateur de ses tensions, Éditions de
l'université de Bruxelles, Bruxelles, 2004
1477 Prima facie : terme
dérivé du latin qui désigne de prime abord.
1478 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, pp. 6-7.
1479 A. Weyembergh, « l'harmonisation
des procédures pénales au sein de l'union européenne
», in Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26, pp. 37-70, v. spec. p.
37.
1480 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 8.
1481
de citoyens européens » . Au Liban,
malheureusement négligés par la doctrine libanaise,
367
l'importance cruciale du principe de légalité et
l'impact de la Charte universelle des droits de l'homme et des autres
conventions et obligations internationales de l'État sur le droit
national précisément sur la procédure pénale
libanais n'ont pas reçu toute l'attention qu'ils méritent face
aux risques et menaces des libertés et des droits fondamentaux qui sont
en péril pendant la recherche et l'administration de la preuve dans le
procès pénal. Au Liban, nous pensons qu'il est nécessaire
d'harmoniser les lois libanaises en vigueur qui touchent la procédure
pénale et la recherche des preuves qui ne sont pas en conformité
avec la Constitution libanaise et les obligations et les engagements
internationaux du Liban parce que certaines lois libanaises en vigueur posent
la question de la légalité des preuves et continuent de faire
obstacle à la création de l'État de droit ou mettent en
doute l'État de droit. Le législateur libanais doit redoubler
d'efforts pour harmoniser la législation nationale en vigueur avec les
obligations découlant des engagements internationaux et traités
internationaux de protection des droits de l'homme. L'harmonisation des lois
nationales avec les instruments internationaux est souhaitable afin
d'éviter les conflits en matière d'application des lois et les
problèmes d'applications, mais l'harmonisation n'a qu'un rôle
limité puisque le juge peut et doit appliquer directement les
conventions qui ne nécessitent aucune codification préalable par
le législateur,
1482
,
car les conventions respectent et répondent strictement
aux différents critères sur la clarté
l'intelligibilité et la précision de la
loi1483
|
.
|
La première section de ce chapitre porte sur les
fondements conventionnels et constitutionnels de la légalité de
preuve en droit libanais. La deuxième section de ce chapitre porte sur
les fondements conventionnels et constitutionnels de la légalité
de preuve en droit français.
1481 I. David, Conférence
ministérielle européenne sur les droits de l'homme et
cérémonie commémorative du 50e anniversaire de
la convention européenne des droits de l'homme, Rome 3-4 novembre
2000, Éditions du Conseil de l'Europe, 2002, p. 84.
1482 V. sur ce point : V. Lasserre-Kiesow,
La technique législative: étude sur les codes civils
français et allemand, L. G. D. J., préface de Michel
Pédamon, 2002.
1483 V. en général sur ce point
: Ph. Malauri, « L'intelligibilité des lois », in
Pouvoirs, 2005/3, n° 114, pp. 131137.
368
Section I
Les fondements conventionnels et constitutionnels de
la légalité de preuve en droit libanais
272. La légalité est un principe largement
reconnu. C'est un principe largement apprécié et reconnu sur
le plan national et international. Le principe de légalité
criminelle est le plus ancien et peut-être, la plus importante des
garanties en matière pénale. De nombreux textes internationaux
consacrent clairement le principe de légalité, comme la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme de 1950. Ce principe fut
adopté aussi par l'article 14 de la Charte arabe des droits de l'homme
1484 . Le principe de la légalité pénale est
déjà énoncé, en 1774, dans la Constitutions des
États-Unis. Mais selon M. Joseph Effa, c'est la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui lui donne sa
1485
.
forme définitive et lui assure la
généralité, l'universalité et la
pérennité
273. L'impact de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789. Contre l'arbitraire de l'ancien
régime, les Constituants, par ailleurs lecteurs de Beccaria,
élaborent un
système pénal fondé sur la
souveraineté nationale et l'exigence de légalité 1486 .
Les fondements du principe de légalité en droit international et
européen sont hérités de la Révolution
française de 1789. Cette révolution a promulgué la
première charte des droits de l'homme ou
la première déclaration des droits de l'homme de
l'époque moderne 1487 . Les principes généraux de la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27
juin 1981 à Nairobi, la Déclaration universelle des droits de
l'homme adoptée par l'Assemblée générale des
Nations
1484 L'article 14 de la Charte arabe des
Droits de l'Homme a été adoptée par le Conseil de la Ligue
des États arabes le 15 septembre 1994 dispose : « Tout individu
a droit à la liberté et à la sécurité de sa
personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation, d'une perquisition ou
d'une détention arbitraire et sans mandat légal; Nul ne peut
être privé de sa liberté, si ce n'est pour les motifs et
dans les cas prévus préalablement par la loi et
conformément à la procédure qui y est fixée
».
1485 J. Effa, La responsabilité
pénale des ministres sous la Ve république, L'Harmattan,
Paris, 2011, Préface de Dmitri Georges Lavroff, p. 156.
1486 P. Beauvais, Le principe de la
légalité pénale dans le droit de l'union
européenne, Thèse de droit, Université Paris X
Nanterre, 2006, n° 60, p. 59.
1487 Le Cylindre de Cyrus (VIe s. av. J-C)
est largement mentionné comme la première charte des droits de
l'homme, découvert en 1879.
Unies, le 10 décembre 1948
1488
et la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales
|
1489
|
, trouvent leurs inspirations dans la Déclaration des
|
369
droits de l'homme et du citoyen (DDHC) qui a constitué
le texte fondamental de la Révolution française, qui
énonce un ensemble de droits naturels individuels et collectifs et les
conditions de leur mise en oeuvre. La Convention européenne des droits
de l'homme s'inspire de la Déclaration universelle des droits de l'homme
de 1948 qui s'inspire à son tour de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789. La légalité des peines est un
principe affirmé depuis la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen de 1789. Le principe de la légalité des incriminations
confère au législateur la charge de définir les
éléments constitutifs des incriminations. Le principe de
légalité des délits et des peines (en latin, Nullum
crimen nulla poena sine lege) trouve sa source dans deux articles de la
Déclaration des droits de
. Les articles 7 et
1490
l'homme et du citoyen de 1789 définissant le principe de
la légalité pénale
8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 présentent l'une des innovations majeures dues à la
Révolution française, puisqu'ils font échapper la
procédure
1491
judiciaire à tout arbitraire. Donc, ce principe trouve
son fondement originaire dans l'article 8 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 selon lequel «la Loi ne
doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi
établie et promulguée antérieurement au délit, et
légalement appliquée ». L'article 7 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789
dispose « Nul homme ne peut être accusé,
arrêté ni détenu que dans les cas déterminés
par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent,
expédient, exécutent ou font exécuter des ordres
arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou
saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend
coupable par la résistance ». Selon M. Yves Bot, le
1488 La Déclaration des droits de l'Homme
et du citoyen adoptée par la première Assemblée nationale
française dans le contexte révolutionnaire, en 1789, largement
inspiré, avec les Déclarations américaines des droits
(1776), les rédacteurs (le juriste français René Cassin a
été, avec Eléonore Roosevelt, l'un des principaux
rédacteurs) de la Déclaration universelle des droits de l'homme
adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies,
le 10 décembre 1948.
1489 La Déclaration universelle a
ainsi directement inspiré le Conseil de l'Europe dans la
rédaction de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales, traité unique en son genre
puisqu'il prévoit aussi un mécanisme de surveillance de son
respect de nature judiciaire et obligatoire : la Cour européenne des
droits de l'homme.
1490 M. Cliquennois, La Convention
européenne des droits de l'homme et le juge français, ademecum de
pratique professionnelle, L'Harmattan, Paris, 1997, p. 113.
1491 S. Fauconnet, De la rétention
de sûreté à la Convention Européenne de Sauvegarde
des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, Master
Affaires Européennes et Internationales, Université de Pau et des
Pays de l'Adour, 2008, p. 24.
370
principe de légalité tel que défini par
cette Déclaration des droits de l'homme en son article 8,
1492
englobent les règles de fond et de forme.
274. L'impact de la Déclaration universelle des
droits de l'homme de 1948 et les Pactes. La Déclaration universelle
des droits de l'homme (DUDH) est adoptée par l'Assemblée
générale des Nations unies le 10 décembre 1948 à
Paris au Palais Chaillot. Cette déclaration est
généralement reconnue comme étant le fondement du droit
international relatif aux droits de l'homme. Adoptée il y a près
de 60 ans, la DUDH a inspiré un corpus abondant de traités
internationaux légalement contraignants relatifs aux droits de l'homme
et le développement de ces droits à l'échelle
internationale au cours des six dernières décennies. L'article 11
alinéa 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de
1948 dispose « nul ne sera condamné pour des actions qui, au
moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un
acte délictueux d'après le droit national ou international. De
même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui
était applicable au moment ou l'acte délictueux a
été commis ». Il faut noter que la Déclaration
universelle des droits de l'homme est un texte qui n'a pas d'obligations et de
valeur juridique. La question de la valeur juridique de la
Déclaration
1493
. En
universelle fait l'objet d'une controverse parmi les auteurs,
selon M. Marion Raoul
réalité la déclaration a indubitablement
une très grande valeur morale, mais qui n'implique pas, de la part des
États signataires, d'engagement juridique précis, sauf pour les
États qui y font référence dans leur Constitution. Sans
doute la Déclaration de 1948 peut être considérée
comme l'une des sources d'inspiration d'un grand nombre de règles
juridiques internationales, mais aussi nationales. L'alinéa 1 de
l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP) qui a été adopté à New York le 16
décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations
Unies dispose « tout individu a droit à la liberté et
à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet
d'une arrestation ou d'une détention arbitraires. Nul ne peut être
privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et
conformément à la procédure prévus par la loi
». Ce texte affirme clairement le principe de la
légalité procédurale en exigeant que tout acte qui menace
la liberté et les divers droits des citoyens doit être conforme
à la procédure prévue par la loi, la procédure
pénale n'échappe pas à ce phénomène. La
procédure pénale est en effet une matière qui constitue un
acte attentatoire à la liberté individuelle, ce qui
nécessite que le législateur fixe légalement les limites
de la liberté individuelle afin d'éviter l'arbitraire.
L'alinéa 1er de l'article 9 du Pacte international relatif
aux
1492 Y. Bot, « Principes
constitutionnels et autonomie du droit pénal », in Ch. Guettier et
A. Le Divellec (dir.), La responsabilité pénale du
président de la République, L'Harmattan, Paris, 2003, p.
81.
1493 M. Raoul, Déclaration
universelle des droits de l'homme et réalités
sud-africaines, Unesco, 1983, p. 16.
371
droits civils et politiques (PIDCP) impose que les actes de
procédure qui portent atteinte à la liberté individuelle
comme ceux qui tendent à prouver les éléments de
l'infraction, doivent être strictement limités conformément
à la procédure prévue par la loi, c'est-à-dire
consacrés par un texte de loi. L'alinéa 1er de
l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
reprend le même texte que l'alinéa 2 de l'article 11 la
Déclaration universelle des
1494
.
droits de l'homme qui consacre la légalité
criminelle
275. L'impact de la Convention européenne des
droits de l'homme. En effet, l'objectif premier de la Convention
européenne est d'assurer, au plan régional, la mise en oeuvre
effective de la Déclaration universelle des droits de l'homme
adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies 1495 . La Convention
européenne des droits de l'homme, signée à Rome le 4
novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953 fonde aujourd'hui
selon M. Frédéric Sudre la protection européenne des
droits de l'homme et fournit le modèle le plus perfectionné d'une
garantie effective de ces droits proclamés au plan international, en
offrant
aux individus le bénéfice d'un contrôle
juridictionnel
1496
. La Convention européenne des
1497
droits de l'homme consacre de façon
générale le principe de légalité. Dans un
État de droit, le principe de légalité criminelle exprime
l'idée de la soumission à la loi de la responsabilité
pénale. Naturellement, ce principe exclut toute répression
pénale consécutive à des faits qui ne
. Le principe de
1498
seraient pas érigés en infraction par un texte
préalable à leur commission
1494 « Nul ne sera condamné
pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte
délictueux d'après le droit national ou international au moment
où elles ont été commises. De même, il ne sera
infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au
moment où l'infraction a été commise. Si,
postérieurement à cette infraction, la loi prévoit
l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit
en bénéficier ».
1495 P. Beauvais, Le principe de la
légalité pénale dans le droit de l'union
européenne, Thèse de droit, Université Paris X
Nanterre, 2006, n° 70, pp. 74-75.
1496 F. Sudre, La Convention
européenne des droits de l'homme, 8e éd., P.U.F.,
Paris, 2010, p. 3.
1497 V. sur la contribution de l'Union
européenne au renouvellement de la légalité pénale
: J. Tricot, Étude critique de la contribution de l'Union
européenne au renouvellement de la légalité
pénale, Thèse de droit, Université
Panthéon-Sorbonne, 2009, V. spec. le résumé : «
Le droit pénal a élaboré sa propre théorie
générale de la loi, fondée sur la sécurité
juridique et la prééminence du droit, exigences traversées
par l'idéal démocratique. Elle est aujourd'hui l'objet
d'importantes transformations, auxquelles l'Union européenne, à
la suite de l'autre Europe, n'apparaît pas étrangère. Mais
si l'Union européenne participe au renouvellement de la théorie
générale de la loi pénale de fond, sa contribution se
révèle ambivalente. Elle nourrit tout à la fois sa
consolidation, en protégeant les droits fondamentaux et en maintenant
l'ancrage national du droit pénal, et sa subversion, en
révélant les faiblesses existantes de la légalité
pénale et en en générant de nouvelles. Consolidation et
subversion dessinent les contours de la contribution - qui s'avère
diversifiée, complexe et inachevée - de l'Union
européenne, au renouvellement de la théorie
générale de la loi pénale de fond. Combinées, elles
pourraient augurer sa recomposition ».
1498 X. De Roux, « La défense
devant le T.P.I.Y » In S. Gaboriau et H. Pauliat, La justice
pénale internationale, actes du colloque organisé à
Limoges les 22-23 novembre 2001, P.U.L.I.M., 2002, Préface de Claude
Jorda, p. 130.
légalité criminelle subordonne l'existence d'une
infraction à un texte qui doit définir toutes les
1499
composantes de l'infraction pénale, c'est-à-dire
l'incrimination et la sanction
. La loi
372
adoptée par le législateur (parlement) qui
répond à la caractéristique de la loi formelle et
démocratique a perdu sa place axiologique au sein des systèmes
juridiques européens contemporains. Le principe de
légalité est doté d'une nouvelle signification plus
étendue
. L'alinéa
1500
désormais qui s'entend désormais comme le
règne de droit ou principe de droit
1er de l'article 7 de la Convention européenne des droits
de l'homme consacre clairement le
1501
principe de la légalité.
276. La question de la valeur juridique. La question
de la valeur juridique des principes méritent une importance
particulière parce que la valeur juridique du principe va
préciser sa force et déterminer son effectivité et
efficacité surtout son application dans le système juridique. Il
existe plusieurs types de lois, mais les lois n'ont pas toutes la même
valeur juridique. Dans un système juridique, la valeur juridique des
lois et des principes n'est pas aléatoire, la hiérarchie des
normes est le principe fondamental qui organise et fixe la valeur juridique des
lois du pays. La hiérarchie des normes au regard de sa valeur
intrinsèque constitue un système pyramidal qui implique que la
norme de niveau supérieur s'impose à celle de niveau
inférieur. Cette pyramide des normes est parfois appelée pyramide
de Kelsen. Selon M. Hans Kelsen « l'ordre juridique n'est pas un
système de normes juridiques placées toutes au même rang,
mais un édifice à plusieurs étages superposés, une
pyramide ou hiérarchie formée (pour ainsi dire) d'un certain
nombre d'étages ou couches de normes
1502
juridiques ». L'importance de cette pyramide de
Kelsen prend sa source dans le fait que le droit n'est pas un ensemble
homogène et que la hiérarchie des normes constitue une
nécessité
démocratique dans chaque
État1503.
1499 X. De Roux, « La défense
devant le T.P.I.Y » In S. Gaboriau et H. Pauliat, La justice
pénale internationale, actes du colloque organisé à
Limoges les 22-23 novembre 2001, P.U.L.I.M., 2002, Préface de Claude
Jorda, p. 130.
1500 É. Carpano, État de
droit et droits européens: l'évolution du modèle de
l'État de droit dans le cadre de l'européanisation des
systèmes juridiques, L'Harmattan, Paris, 2005, Préface de
Thierry Debard, n° 332, p. 320.
1501 L'alinéa 1 de l'article 7 de la
Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Nul ne
peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment
où elle a été commise, ne constituait pas une infraction
d'après le droit national ou international. De même il n'est
infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au
moment où l'infraction a été commise ».
1502 H. Kelsen, Théorie pure du
droit, Traduite par C. Eisenmann, Dalloz, 1962, p. 2
1503 V. Ph. Malaurie, Introduction
à l'étude de droit, Cujas, Paris, 1991, p. 160: «
La hiérarchie des normes est un principe capital dans les pays
démocratiques ... La hiérarchie des normes s'exprime sous forme
d'une pyramide. En partant de la règle la plus élevée...
».
§ 1. Jalons pour une valeur supra-législative
en droit libanais.
277. La valeur supra-législative des conventions
et traités internationaux. Dans le principe général
de la hiérarchie des normes juridiques, il est clair que le
système juridique de tradition romano-germanique, considère que
les conventions et traités internationaux ont une valeur
infra-constitutionnelle mais supra-législative. On parle des lois et
principes supra législatifs, ce sont l'ensemble des principes qui sont
en dessous des normes constitutionnelles et au-dessus des lois ordinaires
législatives. Les règles supra-législatives ont une
autorité supérieure à celle des lois, c'est une valeur
supra-législative, mais infra-constitutionnelle. La force juridique de
valeur supra-législative qui se situe entre la Constitution et les
règles à valeur législative concerne à la fois les
lois internes antérieures et postérieures, de droit commun ou
1504
contenant des règles spéciales.
A. La Constitution libanaise et l'impact de la Charte
internationale des droits de l'homme.
278. Première Constitution libanaise. Au
Liban, la naissance de la première Constitution libanaise
été en 1926 sous le mandat français avant que le pays
n'accède à son indépendance
en 1948
|
1505
|
. La Constitution de 1926 a été largement
inspirée de la Constitution de la
|
373
troisième République française connue
sous le nom de Constitution de 1875. La Constitution libanaise de 1926
témoigne clairement de l'esprit de la IIIe République
française 1506 qui exclut toute idée de contrôle de
constitutionnalité des lois 1507 . Ensuite, la Constitution libanaise
1504 C.-L. Popescu, « Les rapports entre
le droit international des droits de l'homme et le droit roumain », in
Universitas : Revista de Filosofía, Derecho y Política,
Roumanie, 2008, n° 8, Communication scientifique
présentée le 27 mai 2004, à l'Animation scientifique
régionale sur le thème « Les droits fondamentaux:
perspectives francophones », organisée par le Comité du
Réseau « Droits fondamentaux » de l'Agence Universitaire de la
Francophonie, en coopération avec le Centre des droits de l'homme de la
Faculté de droit de l'Université de Bucarest et du Collège
juridique d'études européennes de l'Université de Paris I
Panthéon Sorbonne, à l'occasion de la Réunion du
Comité de Réseau « Droits fondamentaux », qui a eu lieu
à Bucarest, les 22-29 mai 2004, pp. 121-134, v. spec. p. 124.
1505 V. sur La genèse de la
Constitution libanaise de 1926: A. Hokayem, La genèse de la
Constitution libanaise de 1926, Le contexte du mandat français, les
projets préliminaires, les auteurs, le texte final, Les
Éditions universitaires du Liban, 1996.
1506 C. Koch, « La Constitution
libanaise de 1926 à Taëf, entre démocratie de concurrence et
démocratie consensuelle », in Egypte monde arabe, 2005,
Troisième série n° 2, pp. 159-190.
1507 V. sur la Constitution libanaise avant
la modification la plus importante résultant des accords de Taef du 22
octobre 1989 : I. Rabbâ?, La Constitution libanaise: origines, textes
et commentaires, Éditeur: Université libanaise, Beyrouth
(Liban),1982.
s'inspire de la Déclaration française des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 qui consacre le principe de la primauté
de la loi1508.
279. Amendement constitutionnel de 1990. Après
le dernier amendement constitutionnel de
1990, la Constitution libanaise s'est dotée d'un
Préambule
|
1509
|
. M. Bechara Mnassa, définit le
|
374
Préambule de la Constitution libanaise comme «
l'une des conséquences d'une expérience
nationale vécue, pendant et après la guerre
» 1510 . Ce qui caractérise ce Préambule est
qu'il contient plusieurs références à des engagements
internationaux explicitement visés par le Préambule de la
Constitution. En fait, la Constitution libanaise avant l'amendement
constitutionnel de 1990, n'a jamais contenu de mention relative à un
traité ou à un engagement international. « Le Liban est
arabe par son identité et son appartenance. Il est membre fondateur et
actif de la Ligue des États Arabes et engagé par ses pactes; de
même qu'il est membre fondateur et actif de l'Organisation des Nations
Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme. L'État concrétise ces principes dans tous
les champs et domaines sans exception », ce que prévoit
l'alinéa (b) du Préambule de la Constitution libanaise. La
question de la capacité du juge libanais à intégrer tous
ces engagements, vu la pluralité de ceux-ci s'est posée
largement. Si l'on veut savoir si le juge se réfère à ce
Préambule, il faut nécessairement qu'on traite sa valeur
juridique. Le Conseil constitutionnel libanais s'est
référé dans un premier temps explicitement au
Préambule de la Constitution de 1990 sans révéler sa
position sur la valeur juridique du
1511
Préambule de la Constitution qui est restée
plusieurs années incertaine avec beaucoup de
points d'ombre.
280. Le principe de la légalité et le
Préambule de la Constitution libanaise en vigueur. La Constitution
libanaise s'est dotée d'un Préambule. Le principe de la
légalité qui est énoncé dans la Déclaration
universelle des droits de l'homme et ces deux Pactes a été
pleinement intégré au Préambule de la Constitution
libanaise qui a été ajouté par la loi constitutionnelle
1508 H. Mouannes, « Le fonctionnement et
l'autorité du conseil Constitutionnel Libanais », in Droit
écrit, mars 2001, n° 1, p. 118.
1509 W. Wehbe, « Le contrôle de
constitutionnalité des actes administratifs: Expérience des
conseils d'État libanais et français », in Magazine de
défense, Liban, 1/4/2005, n° 55.
1510 B. Mnassa, La Constitution libanaise
: dispositions et interprétations, Imprimerie de Ghazir, Beyrouth,
1998, p. 36.
1511 C.C. lib., n 3/95,18 septembre 1995.
du 21/9/1991
1512
. Cette disposition du Préambule de la Constitution
libanaise est entérinée par
375
l'article 2 du Code de procédure civile libanais,
mentionnant la suprématie des engagements internationaux du Liban sur
son droit national. Autrement dit, même si la loi libanaise est en
contradiction avec les engagements internationaux du pays, ce sont
néanmoins ces derniers qui ont force de loi. Il faut noter que l'article
6 du Code de procédure civile libanais dispose que les principes
généraux du Code de procédure civile s'appliquent dans
l'hypothèse où il y a une lacune dans les autres Codes et lois de
procédure. Bien évidemment, l'article 2 du Code de
procédure civile libanais rend les traités et les conventions
internationaux ratifiés par le parlement libanais directement
applicables en matière pénale.
281. Les pactes internationaux ratifiés par le
Liban. Le Liban a adhéré au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques en 1972. La Constitution libanaise contient un
préambule qui proclame dans la partie (b) l'adhésion du Liban
à l'organisation des Nations-Unies et son engagement au respect de ses
chartes et notamment la Charte universelle des droits de l'homme et au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. De même, la partie
(b) de ce Préambule proclame encore qu'il est membre fondateur et actif
de la Ligue des États Arabes et engagé par ses pactes. Donc, tous
les pactes internationaux ratifiés par le Liban ont la nature de
l'obligation juridique parce que ces pactes contiennent des principes
généraux et directeurs en droit pénal et
procédural. La fin de la partie (b) du Préambule libanais
précité exige textuellement que L'État libanais
concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans
exception, ce qui inclut le champ pénal qui nous intéresse dans
notre thèse. L'effet d'un engagement international est un acte lourd de
conséquences, mais ce Préambule de la Constitution a
été l'occasion d'un long débat juridique sur les valeurs
constitutionnelles du Préambule et des principes énoncés
dans la Charte universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques d'où la relation entre droit
constitutionnel, pacte international et droit interne. De surcroît, il
faut noter que selon l'article 2 du Code de procédure civile libanais,
les règles de source internationale prévalent sur les
règles de droit interne surtout que ces règles consacrent ou
touchent la matière pénale et certaines garanties du justiciable.
La législation pénale au Liban devra donc respecter un certain
nombre de principes posés par la Constitution et le Préambule de
la Constitution.
1512L'article b du
préambule de la Constitution libanaise dispose : « Le Liban est
arabe dans son identité et son appartenance. Il est membre fondateur et
actif de la Ligue des États Arabes et engagé par ses pactes ; de
même qu'il est membre fondateur et actif de l'Organisation des
Nations-Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme. L'État concrétise ces
principes dans tous les champs et domaines sans exception ».
376
B. Les principes à valeur supra-législative
en droit libanais.
282. La primauté des conventions internationales
sur les lois nationales. En vertu de l'application combinée du
Préambule de la Constitution libanaise et de l'article 2 du Code de
procédure civile qui donne la prééminence à
l'application des dispositions des traités internationaux sur celles de
la loi ordinaire, les traités internationaux ratifiés par le
Liban sont
applicables en droit interne dès leur publication au
Journal officiel1513 . Sans doute, l'efficacité effective des
traités internationaux dépend principalement de leur valeur
vis-à-vis du droit interne, c'est-à-dire l'affirmation de la
supériorité de leurs normes met en évidence la valeur des
traités internationaux en cas de conflit avec les dispositions de
l'ordre juridique interne et en cas de lacune dans le droit national. L'article
2 du Code de procédure libanais affirme clairement la
supériorité des traités sur les lois interne en accordant
la primauté aux conventions internationales sur les lois. En même
temps les dispositions de l'article 2 du Code de procédure civile
interdisent explicitement au juge libanais de déclarer la nullité
d'un acte législatif pour non-conformité à la
Constitution, il est évidemment mentionné dans l'article 2 que la
déclaration de nullité par le juge libanais est interdite
« ... les tribunaux ne pourront déclarer la nullité des
activités du pouvoir législatif pour cause de non
conformité des lois ordinaires à la Constitution ou aux
traités internationaux ». Mais si la déclaration de
nullité
1514
par le juge est strictement prohibée , la
non-application de la loi inconstitutionnelle ou d'une loi qui n'est pas
conforme avec les dispositions d'un traité international1515
devrait être
1513 M. Mansour et C. Daoud, «
L'indépendance et l'impartialité du système judiciaire- Le
cas du Liban », in Rapport REMDH 2010, F Copenhague,
février 2010, Publication: Réseau
euro-méditerranéen des droits de l'Homme, p. 8.
1514 V. M. Mansour et C. Daoud, «
L'indépendance et l'impartialité du système judiciaire- Le
cas du Liban », in Rapport REMDH 2010, F Copenhague,
février 2010, Publication: Réseau
euro-méditerranéen des droits de l'Homme, p. 8 : « Les
normes incluses dans les traités ratifiés peuvent ainsi
être appliquées par les tribunaux en vue de réaliser
effectivement les droits des individus chaque fois que la législation
interne est en contradiction avec ces normes. Elles priment donc sur celles de
la législation interne qui resteront cependant valides jusqu'à
leur harmonisation avec les termes du traité en question ».
1515 V. N. Diab, « Un droit processuel
fondamental façonne par le conseil constitutionnel libanais », in
Le conseil constitutionnel libanais : gardien, régulateur,
protecteur, Colloque de Beyrouth 2002, Bruylant, Publié en 2003, p.
10 : « L'article 2 de l'ancien Code de procédure civile de 1933
interdisait aux magistrats de contrôler la conformité des lois
à la Constitution. Cette prohibition a été
atténuée dans l'article 2 du nouveau Code où elle ne
concerne que l'annulation des lois pour inconstitutionnalité ou pour
non-conformité avec les dispositions d'un traité international,
sans semble-t-il toucher au pouvoir du juge d'écarter l'application des
lois qu'il considérerait inconstitutionnelles : après avoir
imparti aux magistrats, dans le premier alinéa de l'article 2 du nouveau
Code, de respecter le principe de la hiérarchie des normes, le
législateur leur a spécifié, dans le deuxième
alinéa, qu'en cas de contradiction entre les dispositions de conventions
internationales et les dispositions du droit commun, les premières
prévalent sur les secondes, avant de déclarer
expressément, dans le
tout à fait admise, ce qui est plus respectueux des droits
de l'homme 1516 . Le juge doit prendre
lui-même l'initiative ou d'office de ne pas appliquer
une loi contraire à la Constitution ou contraire à un
traité international. En droit libanais, le juge national fait preuve
d'une timidité remarquable dans l'application pleine et entière
des traités internationaux comme faisant partie du droit interne. M.
Georges Saad considère que « le juge libanais, même
lorsqu'il adopte un système juridique continental, son comportement
timide est bien visible: il suffit de constater
1517
qu'il n'applique pas les traités internationaux,
même en l'absence d'une loi ». Le problème essentiel du
Préambule de la Constitution libanaise réside dans la question de
savoir s'il revêt une force juridique, et si oui laquelle. M. Georges
Saad souligne que cette problématique « se pose pleinement en
droit libanais depuis le dernier amendement constitutionnel du 21/09/1990
conformément aux accords de Taëf qui a introduit dans notre
constitution un préambule »
|
1518
|
. À notre avis, le juge libanais a fait preuve de
timidité devant
|
377
le problème de la primauté des conventions et
traités internationaux sur le droit interne. Il faut pour cela que le
juge applique le principe hiérarchique des normes qui impose d'appliquer
la norme la plus élevée conformément à la
disposition de l'article 2 du Code de procédure civile libanais qui rend
l'application des traités internationaux ratifiés par le
parlement libanais directement applicables en cas de conflit avec les
dispositions du droit interne. Effectivement, et il est remarquable que le juge
libanais n'ait pas encore accordé ou renforcé la valeur de la
primauté aux traités sur les lois, alors même que les
textes prévoient cette primauté surtout sur
1519
la procédure pénale.
283. Valeur supra-législative des traités en
droit libanais. L'article 2 du Code de procédure civile libanais
accorde la primauté des conventions internationales sur les lois. Sans
doute la valeur supra-législative des traités en droit libanais
va influencer directement la valeur juridique du principe de la
légalité de preuve pénale parce que les traités
englobent le principe
troisième alinéa, que les tribunaux ne sont
pas autorisés à déclarer la nullité des actes
législatifs pour non-conformité des lois ordinaires avec la
Constitution et les traités internationaux ».
1516 G. Saad, « Droits de l'homme, droit
public musulman, droit administratif libanais », in Colloque
International 2001, l'Odyssée des Droits de l'Homme, Grenoble
22-23-24 octobre 2001, pp. 25-26.
1517 G. Saad, « Droits de l'homme, droit
public musulman, droit administratif libanais », in Colloque
International 2001, l'Odyssée des Droits de l'Homme, Grenoble
22-23-24 octobre 2001, p. 23.
1518 G. Saad, « Droits de l'homme, droit
public musulman, droit administratif libanais », in Colloque
International 2001, l'Odyssée des Droits de l'Homme, Grenoble
22-23-24 octobre 2001, p. 12.
1519 y. W. Wehbe, « Le contrôle de
constitutionnalité des actes administratifs : Expérience des
conseils d'État libanais et français », in Magazine de
défense, Liban, 1/4/2005, revue n° 310 : « l'article
2 du Code de procédure civile a donné le droit de contrôle
de constitutionnalité des lois aux juridictions ordinaires par voie
d'exception et non par voie d'action. Il dispose que le droit confié aux
juridictions ordinaires est limité à la mise à
l'écart de la loi, sans avoir le droit d'annuler cette
loi».
de la légalité criminelle. En effet, un
problème essentiel concerne l'application effective des traités
internationaux par les juges libanais malgré la reconnaissance de la
valeur supra-législative des traités en droit libanais «
les droits de l'homme ne peuvent frayer leur chemin tant que le juge libanais
reste attaché avec chauvinisme à la loi parlementaire... puisque
le juge libanais n'a pas encore fait le pas qui consiste à accorder de
manière générale la primauté aux conventions
internationales sur des lois, même antérieures. Et surtout il n'a
pas encore fait le pas qui consiste à interpréter extensivement
(dans le sens de la sauvegarde des droits de l'homme) les conventions
internationales, et notamment les deux pactes
internationaux »
|
1520
|
. Le juge libanais doit et peut toujours faire preuve
de la mise en oeuvre
|
378
efficace des traités internationaux s'il a le courage
d'appliquer la hiérarchie des normes juridiques ainsi que des
traités internationaux relatifs aux droits de l'homme en vigueur ayant
une force supérieure (une valeur
supra-législative)1521 . L'article 2 du Code de procédure civile
libanais interdit au juge de déclarer la nullité d'un acte
législatif pour non-conformité à la Constitution, mais si
la déclaration de nullité est prohibée, la non-application
de la loi à travers l'exception d'inconstitutionnalité devrait
être tout à fait admise, ce qui caractérise une tendance
suffisante vers le respect des droits de l'homme en droit libanais. Donc les
traités ont une valeur infra-constitutionnelle et
supra-législative dans la hiérarchie des normes, mais dans le
système juridique libanais la Déclaration universelle et les
Protocoles facultatifs (ces deux Pactes internationaux constituent la Charte
des droits de l'homme) constituent une partie du Préambule de la
Constitution libanais qui a une valeur constitutionnelle. Il est permis de dire
que la légalité criminelle est un principe de valeur
supra-législative en droit libanais. En conséquence, le principe
de la légalité procédurale en droit libanais doit avoir
une valeur juridique identique à celle du principe de la
légalité criminelle qui a une valeur supra-législative. De
ce qui précède, il découle qu'on peut considérer
que le principe de la légalité de preuve en matière
pénale est l'un des principes fondamentaux à valeur
supra-législative.
1520 G. Saad, « La réception des
droits de l'homme en droit administratif libanais », in J. Ferrand, H.
Petit et collectif , Mises en oeuvre des droits de l'homme, Colloque
international organisé à l'Université Pierre
Mendès-France (Grenoble 2), Faculté de droit, Centre Historique
et Juridique des Droits de l'Homme 2001, L'Odyssée des droits de l'homme
Grenoble - 22-23-24 octobre 2001, t. 2 L'odyssée des droits de
l'homme, L'Harmattan, Paris, 2004, V. spec. p. 202.
1521 G. Saad, « La réception des
droits de l'homme en droit administratif libanais », in J. Ferrand, H.
Petit et collectif , Mises en oeuvre des droits de l'homme, Colloque
international organisé à l'Université Pierre
Mendès-France (Grenoble 2), Faculté de droit, Centre Historique
et Juridique des Droits de l'Homme 2001, L'Odyssée des droits de l'homme
Grenoble - 22-23-24 octobre 2001, t. 2 L'odyssée des droits de
l'homme, L'Harmattan, Paris, 2004, V. spec. p. 202 : « Dans
certains cas, le juge a la possibilité de faire bonne réception
des droits de l'homme en appliquant tout simplement la loi interne, et à
vrai dire en appliquant la loi dans le sens des droits de l'homme; même
dans ces cas, une certaine dose de courage est exigée, voire d'amour
pour les droits de l'homme ».
379
§ 2. Jalons pour une valeur constitutionnelle en
droit libanais.
284. Valeur constitutionnelle et la reconnaissance de la
supériorité de la norme constitutionnelle. Il est
certainement reconnu que la plupart des constitutions des États
notamment qui respectent et reconnaissent l'État de droit, occupent une
place principale et essentielle au sommet de la pyramide de la
hiérarchie des normes. Selon M. Louis Favoreu, « l'expression
principes et règles à valeur constitutionnelle est
utilisée de manière générique pour désigner
l'ensemble des normes constitutionnelles contenues dans le bloc de
constitutionnalité » 1522 .
Donc la notion de bloc de constitutionnalité désigne
l'ensemble des règles juridiques ayant une valeur constitutionnelle. En
vertu du principe général de légalité, chaque norme
juridique doit se conformer à l'ensemble des règles en vigueur
ayant une force supérieure dans la hiérarchie des normes, ou du
moins être compatible avec ces normes.
285. La légalité est un principe
intégré à la Constitution libanaise. Consacrer un
texte constitutionnel spécifique au principe de la
légalité criminelle est très significatif et revêt
sans doute une grande valeur symbolique de ce principe qui fonde l'État
de droit. Cette insertion dans la Constitution d'un tel texte marque
l'émergence de ce principe essentiel dans les droits fondamentaux. Selon
l'article 8 de la Constitution libanaise, nul ne peut être
appréhendé, arrêté ou détenu qu'en
conformité avec la loi, et une infraction ne peut être
déterminée ou une peine fixée qu'en vertu d'une loi. Le
législateur libanais a expressément souligné le principe
de légalité dans l'article 8 de la Constitution libanaise qui
dispose « la liberté individuelle est garantie et
protégée. Nul ne peut être arrêté ou
détenu que suivant les dispositions de la loi ». La
dernière fonction du même article proclamait le principe de la
légalité des délits et peines
1523
.
clairement « aucune infraction et aucune peine ne
peuvent être établis que par la loi »
Pourtant, certains auteurs soutiennent que la Constitution
libanaise n'a pas fixé le champ du principe de la légalité
et qu'il existe des points d'ombre qui peuvent subsister quant à
l'interprétation de l'article 8 de la Constitution, et principalement
sur l'application du principe
1522 L. Favoreu, « Les principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République », in B.
Mathieu et M. Verpeaux (dir), La république en droit
français, actes du colloque de Dijon 10 et 11 décembre 1992
; organisé par le Groupe d'études constitutionnelles
appliquées et comparées (CRDPE) de Dijon et l'Association
française des constitutionnalistes, Économica, 1996, pp. 231-240,
V. spec. p. 233.
1523 A. Khair, « Droits fondamentaux et
Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux :
inventaire et théorie générale, communication
présentée au colloque organisé par le centre
d'études des droits du monde arabe, Université St-Joseph de
Beyrouth en novembre 2003, Beyrouth.
sur le droit pénal de forme (procédure
pénale)1524 . Néanmoins, le législateur constitutionnel
380
n'est pas tenu de préciser le champ d'application du
principe de légalité criminelle, car nous pensons que l'article 8
de la Constitution libanaise en énonçant expressément et
clairement le principe de la légalité des délits et des
peines, désigne sans ambiguïté l'adoption du principe de la
légalité criminelle général qui s'applique sans
doute comme on l'a déjà évoqué plus haut dans cette
thèse à tous les domaines du droit criminel, c'est-à-dire
au droit pénal de fond et de forme. Bien évidemment,
l'intégration du principe de légalité criminelle dans la
Constitution libanaise d'une façon explicite a tranché un
débat sur la valeur constitutionnelle du principe de
légalité criminelle permettant d'affirmer pour la première
fois que le principe de la légalité de preuve en matière
pénale est un principe à valeur constitutionnelle en se basant
sur la justification de l'application du principe de la légalité
criminelle sur droit pénal de forme (procédure pénale) qui
s'applique à son tour en matière de preuve pénale. Bien
entendu, ceci n'empêche pas d'aborder la question de la valeur juridique
des principes qui ont été introduits dans le Préambule de
la Constitution libanaise puisque le Préambule fait
référence à la Déclaration universelle des droits
de l'homme de 1948 et au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques qui consacrent expressément le principe de la
légalité criminelle.
A. La valeur constitutionnelle du Préambule de la
Constitution libanaise.
286. Le problème de la valeur juridique du
Préambule de la Constitution. Il faut bien noter le problème
de la valeur ou force juridique du Préambule de la Constitution
libanaise précisément depuis le dernier amendement
constitutionnel du 21/9/1990 conformément aux
accords de Taëf1525
|
du 15/11/1989 qui ont introduit dans la Constitution libanaise
ce
|
Préambule. L'insertion du Préambule dans la
Constitution résultant de l'accord de Taëf a ouvert le débat
sur la valeur juridique de ce Préambule. Le paragraphe b du
Préambule de la Constitution libanaise dispose que le Liban est membre
fondateur et actif de la Ligue des pays arabes et lié par ses Pactes, et
qu'il est membre fondateur et actif de l'O.N.U. et lié par ses
1524 V. en ce sens : M.-D. Mouchy, «Les
Droits Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les
droits fondamentaux : inventaire et théorie générale,
Beyrouth, Date de publication : novembre 2003, Éditeur :
Université Saint-Joseph, Faculté de droit et des sciences
politiques, CEDROMA : Centre d'études des droits du monde arabe, p. 6,
disponible en ligne sur :
http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/drtsfond/meouchy.pdf
1525 Le 22 octobre 1989, réunis
à Taëf (Arabie Saoudite) à l'initiative de la Ligue des
États Arabes et du pays hôte pour tenter de mettre fin à la
guerre civile au Liban, 31 députés musulmans et 31
députés chrétiens libanais signent un "document d'entente
nationale", connu depuis sous le nom d'accords de Taëf. Ce document
prévoit un plan de désarmement progressif des milices et une
révision de la Constitution de 1943 pour adapter le système
politique libanais au poids démographique actuel des diverses
communautés.
Pactes et par la Déclaration universelle des droits de
l'homme. Une telle affirmation va de soi pour les Déclarations de 1966,
mais la référence à la Déclaration universelle et
son insertion dans le Préambule acquièrent une nouvelle
portée puisque les résolutions de l'Assemblée
générale ne sont pas obligatoires pour les États membres
de l'Organisation. Mme Marie-Denise Mouchy pose la question: « est-ce
à dire que le Constituant a opté pour la protection de droits
qu'il a reconnus aux libanais, ou bien la protection s'étend-elle
à tous les droits établis par les documents internationaux
auxquels réfère le Préambule ? C'est au Conseil
Constitutionnel de répondre à cette
préoccupation»
|
1526
|
. Bien que la constitutionnalisation des
|
droits fondamentaux par l'amendement du 21 septembre 1990 ait
institutionnalisé la reconnaissance de l'existence de droits
fondamentaux comme le souligne Mme Marie-Denise Mouchy qui affirme encore que
la question reste entière: « quelle sera l'attitude du Conseil
constitutionnel face à un recours en annulation d'une loi contraire aux
Chartes suscitées, aux Pactes de 1966 ou à la DUDH ?
Malgré ses efforts dans ce sens le système juridique libanais
révèle une résistance à l'universalisme objectif et
abstrait de la notion, sinon le Constituant se serait contenté, à
l'instar de la Constitution française de 1948 au Préambule
(concernant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) de
laquelle réfère celui de 1958, d'adopter
1527
.
la DUDH ou les Pactes de 1966 comme repères des
droits fondamentaux des libanais »
287. Rôle vigilant du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel libanais par une décision du 25
février 1995 pose comme principe, que « chaque fois qu'une loi
parle de restreindre les conditions d'exercice d'un droit fondamental elle
s'expose à être sanctionnée
et à voir le Conseil prononcer son annulation
»
|
1528
|
. Le Conseil Constitutionnel libanais va
|
381
profiter de l'adoption, par le Préambule de la
Constitution libanaise, de textes internationaux tels que les pactes de la
Ligue des États Arabes et la Déclaration universelle des droits
de l'homme et les deux protocoles de 1966, pour offrir aux Libanais l'une des
plus importantes garanties extrinsèques au système
législatif libanais. Pour avancer vers la garantie de l'État
de
1526 M.-D. Mouchy, «Les Droits
Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits
fondamentaux : inventaire et théorie générale,
Beyrouth, Date de publication : novembre 2003, Éditeur :
Université Saint-Joseph, Faculté de droit et des sciences
politiques, CEDROMA : Centre d'études des droits du monde arabe, p. 6,
disponible en ligne sur :
http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/drtsfond/meouchy.pdf
1527 M.-D. Mouchy, «Les Droits
Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits
fondamentaux : inventaire et théorie générale,
Beyrouth, Date de publication : novembre 2003, Éditeur :
Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences
politiques. CEDROMA : Centre d'études des droits du monde arabe.
Beyrouth, p. 5.
1528 A. Khaier, « Droits fondamentaux et
Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux :
inventaire et théorie générale, intervention
présentées au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait
l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles).
droit, le Conseil constitutionnel libanais va introduire le
Préambule dans le bloc de constitutionnalité qui occupe une place
dans les limitations apportées au pouvoir législatif et qui
constitue l'une des plus importantes garanties de l'État de droit. Le
Conseil constitutionnel
1529
créé par la loi du 14 juillet 1993a
commencé à contrôler depuis le 15 avril 1994 après
le serment de ses membres, toute loi jugée contraire aux principes du
Préambule ainsi qu'aux pactes, traités, accords internationaux
qui sont les garanties des droits fondamentaux et des libertés
publiques, signés par le Liban. Le mode de saisine accorde le droit de
saisine au président de la République, au président du
Conseil des ministres, au président de l'Assemblée nationale et
à 10 députés, en plus, la réalité
confessionnelle libanaise impose aux juristes de donner aux chefs des
communautés le droit de saisir le Conseil constitutionnel pour
. À notre
1530
toutes les atteintes à l'éducation religieuse, au
statut personnel et au droit de culte
avis, un tel mode de saisine n'est pas très
fréquent et limité ne peut pas répondre aux besoins
d'offrir une garantie fondamentale des droits du justiciable, car il n'existe
pas de recours direct pour les justiciables. De surcroît, nous invitons
le législateur libanais à intervenir rapidement pour
réformer le droit de contester la constitutionnalité d'une loi
parce qu'il y a une nécessité de donner à 10 avocats le
droit de former un recours auprès du Conseil constitutionnel.
288. Termes employés par le Conseil
constitutionnel. Les termes utilisés par le Conseil Constitutionnel
libanais qui visent à donner une valeur constitutionnelle à un
principe sont divers. Pour ne pas confondre les termes utilisés par le
Conseil Constitutionnel libanais, M. Hassãn-Tabet Rifaat précise
minutieusement les différents termes et formules que le Conseil
1531
constitutionnel libanais utilise: « les règles
ayant valeur constitutionnelle»
|
1532
|
ou « les
|
dispositions et les principes constitutionnels ou ayant
valeur constitutionnelle »
|
1533
|
ou encore
|
« les principes et règles ayant valeur
constitutionnelle »
|
1534
|
et « les principes constitutionnels
|
382
1529 Loi n° 250 du 14 juillet 1993, J.O
libanais du 15 juillet 1993.
1530 V en même sens H. Mouannes, «
Le fonctionnement et l'autorité du Conseil constitutionnel libanais
», in Droit écrit, mars 2001, n° 1, p. 118.
1531 H.-T. Rifaat, « L'expérience
du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes
généraux ayant valeur constitutionnelle », in Les
dénominateurs communs entre les principes généraux du
droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français, Beyrouth, octobre 2001,
Centre d'études des droits du monde arabe (CEDROMA) Faculté de
droit et des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph
(Beyrouth), p. 1.
1532 C.C. lib., n° 2001-1, 10 mai 2001,
JO 2001, n° 24, p. 1794. 1533 C.C. lib., n°
2001-2, 10 mai 2001, JO 2001, n° 24, p. 1798.
1534 C.C. lib., n° 1997-1, 12 septembre
1997, JO 1997, n° 44, p. 3203 et C.C. lib., n° 2000-4, 22
juin 2000, JO 2000, n° 28, p. 2225.
et les règles ayant valeur constitutionnelle
»
1535
ainsi que « les principes généraux
ayant
15361537
valeur constitutionnelle », « les principes ayant
valeur constitutionnelle »,ou « les
principes généraux constitutionnels
»
|
1538
|
. Donc, ce sont les termes qui reflètent la
position
|
383
explicite du Conseil constitutionnel libanais pour exprimer
qu'un tel principe acquiert une valeur constitutionnelle ou pour affirmer que
le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle d'un
principe.
289. La position du Conseil constitutionnel. La
question de la valeur juridique du Préambule de la Constitution s'est
posée. Quelle valeur faut-il attribuer à ce Préambule ?
Évidemment, la protection des droits fondamentaux est d'abord l'oeuvre
du Conseil constitutionnel. Devant contrôler la conformité des
lois à la Constitution, le Conseil constitutionnel libanais a dû
se prononcer sur le caractère du Préambule de la Constitution qui
se réfère expressément à la Déclaration
universelle des droits de l'homme et énonce que l'État doit
« en concrétiser les principes dans tous les champs et
domaines, sans exception ». Selon M. Wassim Wehbe, il a fallu
attendre la décision du 7 août 1996 pour qu'il soit
déclaré
1539
que : « le Préambule de la Constitution fait
partie intégrante et inséparable de celle-ci
1540
». Il a également déclaré
dans la décision du 12 septembre 1997 que «les principes qui
figurent dans le Préambule de la Constitution sont
considérés comme partie intégrante de
1541
celle-ci ; qu'ils ont la même valeur juridique que les
dispositions de la Constitution »
.
Donc le Conseil constitutionnel libanais a expressément et
directement affirmé que les
1542
principes du Préambule de la Constitution avaient une
valeur constitutionnelle, et cette importante prise de position lui a permis
à diverses reprises d'annuler des lois estimées
1535 C.C. lib., n° 1997-1, op.
cit.
1536 C.C. lib., n° 1999-2, 24 novembre
1999, JO 1999, n° 57, p. 3375.
1537 C.C. lib., n° 1999-2, op.
cit.
1538 C.C. lib., n° 2000-4, 22 juin 2000 et
C.C. lib., n° 2000-5, 27 juin 2000, JO 2000, n° 28, p.
2228.
1539 W. Wehbe, « Le contrôle de
constitutionnalité des actes administratifs : Expérience des
conseils d'État libanais et français », op. cit.
1540 C.C. lib., n° 4/96, 7 août
1996.
1541 C.C. lib., n° 1/97, 12 septembre 1997
(loi relative à la prorogation du mandat des conseils municipaux).
1542 Voir notamment la décision du
conseil constitutionnel libanais du 12 septembre 1997 qui a annulé la
loi du 24 juillet 1997 prorogeant le mandat des Conseils municipaux, et la
décision du 24 novembre 1999 relative au droit au secret des
communications, J.O. 1999, n° 57, p. 3375, et la décision
du 21 novembre 2003 relative aux droits des travailleurs des raffineries de
Tripoli et du Zahrani, postérieurement à la privatisation de
celles-ci (J.O. n 55 du 4 décembre 2003, p. 6395)
contraires aux droits fondamentaux
1543
. Il faut noter qu'au Liban la question de la valeur
384
juridique du principe de la légalité criminelle
n'a pas été invoquée directement et n'a pas fait l'objet
d'étude spécifique jusqu'à maintenant. Mais, puisque le
principe de légalité est notamment consacré dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et le pacte
international relatif aux droits civils et politiques qui fut
intégré au Préambule de la Constitution libanaise, par la
consécration de la valeur constitutionnelle du Préambule de la
Constitution par le Conseil constitutionnel, cela montre que tous les principes
du Préambule sont visés par le Préambule de la
Constitution.
B. Le principe de légalité et la
théorie du bloc de constitutionnalité en droit
libanais.
290. Théorie du bloc de constitutionnalité
au Liban. Le Conseil constitutionnel libanais comme on l'a
déjà mentionné déclare dans deux décisions
du 12 septembre 1997 que « les principes inclus dans le
préambule sont considérés comme faisant partie
intégrante du texte constitutionnel et ont la même valeur
constitutionnelle que les dispositions du corps même de
la Constitution ». Il s'est en outre
référé 1544 au Pacte sur les droits civils et politiques
du 16 décembre 1966, qui est l'un des pactes d'O.N.U. mentionnés
dans le Préambule, ainsi qu'au
1545
paragraphe C du Préambule. Mais ce qui est remarquable,
c'est que le Conseil constitutionnel libanais ne se limite pas à ces 2
arrêts précités. Il a eu le courage d'adopter une
formulation qui est encore plus nette et plus exacte dans une décision
du 24 novembre 1999 qui énonce « le préambule est
considéré comme faisant partie intégrante de la
Constitution et
a une valeur constitutionnelle équivalente
»
|
1546
|
. De ce qui précède, il est clair que le
Conseil
|
constitutionnel libanais consacre explicitement et sans
ambiguïté une pleine valeur constitutionnelle à tous les
alinéas du Préambule qui comprend également le principe de
la légalité criminelle, car tous les principes mentionnés
dans le Préambule ont la même valeur et constituent un tout. Ce
sont des principes constitutionnels. Le Conseil constitutionnel libanais
1543 P. Gannagé, « Les Droits
fondamentaux entre la tradition et la modernité: l'exemple libanais
», in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie
générale, communication lors du colloque organisé par
Centre d'étude des droits du monde arabe de l'Université
Saint-Joseph de Beyrouth, Beyrouth, novembre 2003, p. 5.
1544 C.C. lib., n° 1997-1 et n°
1997-2,12 Septembre 1997, JO 1997, pp. 3205-3210.
1545 H.-T. Rifaat, « L'expérience
du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes
généraux ayant valeur constitutionnelle », op. cit.,
p. 4.
1546 H.-T. Rifaat, « L'expérience
du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes
généraux ayant valeur constitutionnelle », op. cit.,
p. 4.
adopte la théorie du bloc de constitutionnalité qui
reflète un incontestable indice de l'influence
1547
du Conseil constitutionnel français
. La décision du 12 septembre 1997 proclame
explicitement et très clairement le point de vue du
Conseil constitutionnel libanais qui affirme que « les principes
contenus dans le préambule de la Constitution en font partie
intégrante et jouissent d'une valeur constitutionnelle certaine et
égale à celle des dispositions mêmes du
texte constitutionnel»
|
1548
|
. Ce qui est significatif dans la décision
précédente du Conseil
|
constitutionnel libanais, est que les principes qui
découlent de l'application de l'alinéa b du
Préambule de la Constitution libanaise acquièrent
une valeur constitutionnelle
|
1549
|
. Comme
|
conséquence directe de tout ce qui
précède, M. Antoine Khaier affirme que « la
jurisprudence du Conseil constitutionnel libanais eût l'occasion
d'habiller de valeurs constitutionnelles
d'autres droits et principes que les textes n'avaient pas
littéralement cités »
|
1550
|
. À vrai dire, la
|
385
jurisprudence précédente du Conseil
constitutionnel allait faire du juge constitutionnel ou du Conseil
constitutionnel un véritable protecteur des droits et libertés
des citoyens, partenaire essentiel d'un État de droit, car il a
contribué par sa jurisprudence, de manière innovante à un
renforcement de l'État de droit.
291. Une décision remarquable du 10 mai 2001.
Cette nouvelle décision ou jurisprudence du Conseil constitutionnel
libanais constitue une action confirmatrice de sa jurisprudence
courageuse du 12 septembre 1997 1551 . M. Hassãn-Tabet
Rifaat souligne que la décision du 10
1547 A. Khaier, « Droits fondamentaux et
Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux :
inventaire et théorie générale, intervention
présentées au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait
l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles) :
« Le Conseil constitutionnel libanais a adopté la
théorie du bloc de constitutionnalité à l'instar de son
homologue français et ce dès ses premières
décisions ».
1548 A. Khaier, « Droits fondamentaux et
Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux :
inventaire et théorie générale, intervention
présentées au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait
l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles).
1549 V. A. Khaier, « Droits fondamentaux
et Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux :
inventaire et théorie générale, intervention
présentée au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait
l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles) :
« Dans la même décision le
Conseil cita une convention internationale à laquelle le Liban avait
officiellement adhéré pour faire jouer l'alinéa du
paragraphe b du préambule disant que l'État libanais étant
membre fondateur et actif de l'Organisation des Nations Unies, engagé
par ses pactes et par la déclaration universelle des droits de l'Homme,
il devrait concrétiser ces principes dans tous les domaines sans
exception ; la même allusion était faite également au Pacte
de la Ligue des États arabes et aux pactes y afférant
».
1550 A. Khaier, « Droits fondamentaux et
Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux :
inventaire et théorie générale, intervention
présentées au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait
l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles).
1551 V. sur ce point : H.-T. Rifaat, «
L'expérience du Conseil constitutionnel libanais en matière de
principes généraux ayant valeur constitutionnelle », in
Les dénominateurs communs entre les principes généraux
du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français, Beyrouth, octobre
2001,
mai 2001 fait également application du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques : « ledit pacte
constitue un maillon qui complète la Déclaration universelle des
droits de l'homme ». De surcroît, la décision du 10 mai
2001 applique également la Convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
approuvée par l'Assemblée générale de l'ONU le 21
décembre 1965 et à laquelle l'adhésion du Liban a
été autorisée par la loi n° 71-44 du 24 juin 1971
1552 . Le Conseil en conclut qu'« il est acquis que ces pactes
auxquels renvoie expressément le préambule de la Constitution
constituent avec ce préambule et la Constitution un ensemble indivisible
et ont valeur
constitutionnelle »
|
1553
|
. La jurisprudence précédente du Conseil
constitutionnel libanais nous
|
386
permet d'affirmer de nouveau que le principe de la
légalité criminelle est un principe à valeur
constitutionnelle puisqu'il fait partie des principes inclus dans le
Préambule de la Constitution qui sont déjà
considérés comme faisant partie intégrante du texte
constitutionnel et ont la même valeur constitutionnelle que les
dispositions du corps même de la Constitution. De nouveau on peut
affirmer et souligner pour la première fois en droit libanais que le
principe de la légalité de preuve en matière pénale
est un principe à valeur constitutionnelle puisqu'on a
déjà confirmé et justifié que le principe de la
légalité criminelle s'applique sur le droit pénal formel
(procédure pénale) qui s'applique à son tour en
matière de preuve pénale.
292. Légalité insuffisante. Devant
cette jurisprudence bien établie et plus d'une fois confirmée du
Conseil constitutionnel libanais, ce dernier a fortement contribué
à renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales au Liban. Il est inévitable de parler d'un renforcement
considérable et remarquable conformément à l'avis de M.
Hassan Tabet Rifaat qui affirme que les libertés et droits fondamentaux
ont reçu un appui renforcé. C'était vraisemblablement le
dessein du législateur lorsque, par la loi constitutionnelle du
21/9/1991, il ajoutait un préambule à la Constitution et
décidait, dans le paragraphe B du Préambule, que le Liban est
"engagé par (les) pactes (de l'O.N.U) et par la Déclaration
universelle des droits de l'homme. L'État concrétise ces
principes dans tous les champs et domaines sans
Centre d'études des droits du monde arabe (CEDROMA)
Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université
Saint-Joseph (Beyrouth), p. 4. « Enfin, dans une décision prise
le 10 mai 2001, le Conseil constitutionnel Libanais a considérablement
enrichi sa jurisprudence sur ce plan ; elle a, en effet, fait application du
paragraphe "d" du préambule, ainsi que de la Déclaration
Universelle des droits de l'homme...»
1552 H.-T. Rifaat, « L'expérience
du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes
généraux ayant valeur constitutionnelle », in Les
dénominateurs communs entre les principes généraux du
droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français, Beyrouth, octobre 2001,
Centre d'études des droits du monde arabe (CEDROMA) Faculté de
droit et des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph
(Beyrouth), p. 4.
1553 C.C. lib., n° 2001-2, 10 mai 2001,
J.O. 2001, p. 1797.
exception
1554
. Ce qui précède n'empêche pas de dire que la
légalité est toujours insuffisante et
387
souffre de manière continue dans le système
juridique libanais. Les causes de recours y compris ceux de la cassation
(article 296 du CPP libanais) n'autorisent que le contrôle de
1555
.
conformité des jugements à la
légalité englobant la loi et les principes généraux
de droit
Cette protection constitutionnelle, si précieuse
soit-elle, demeure cependant insuffisante pour défendre la
légalité. Elle est en effet limitée par les dispositions
rigoureuses relatives à la saisine du Conseil constitutionnel.
L'intervention du Conseil constitutionnel libanais dépend en effet de
l'initiative des parlementaires qui à son tour dépend largement
de la volonté politique sans prendre en considération les
exigences constitutionnelles et sans tenir compte de la légalité
dont on peut redouter l'inertie ou la complaisance. Le recours en
inconstitutionnalité n'est pas en effet ouvert aux particuliers et aux
justiciables qui ne peuvent davantage soulever l'exception
d'inconstitutionnalité devant les juridictions ordinaires. Enfin,
l'absence de toute instance régionale habilitée à recevoir
ces recours fragilise encore davantage cette protection 1556 et
l'efficacité réelle de cette protection 1557 . Il faut toujours
souligner que le problème réside dans le manque ou l'absence de
mécanismes procéduraux efficaces qui permettent de
contrôler par le juge l'application des droits fondamentaux
consacrés. On ne peut pas pousser le juge libanais à
élargir le champ de son contrôle de la légalité. Le
Conseil constitutionnel1558 libanais qui caractérise la
deuxième République libanaise se présente comme juge et
sauveur selon M. Chadi El-Hajal qui ajoute que « le Conseil
constitutionnel libanais fut établi dans le but de protéger la
Constitution libanaise et
1554 H.-T. Rifaat, « L'expérience
du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes
généraux ayant valeur constitutionnelle », op. cit.,
p. 5.
1555 M.-D. Mouchy, «Les Droits
Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits
fondamentaux : inventaire et théorie générale,
Beyrouth, novembre 2003, p. 16.
1556 P. Gannagé, « Les Droits
fondamentaux entre la tradition et la modernité : l'exemple libanais
», in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie
générale, communication lors du colloque organisé par
Centre d'étude des droits du monde arabe de l'Université
Saint-Joseph de Beyrouth, Beyrouth, novembre 2003, p. 5.
1557 V. M.-D. Mouchy, «Les Droits
Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits
fondamentaux : inventaire et théorie générale,
Beyrouth, novembre 2003, p. 16 : « L'ensemble des droits
individuels ainsi protégés par le Code pénal ne sont
autres que les droits fondamentaux, retenus par le chapitre II de la
Constitution comme il apparaît des textes y relatifs. Cependant ces
textes constituent aussi une limitation légale à l'exercice de
tels droits comme l'a voulue la Loi suprême. Dans ce cadre comment
empêcher le juge de vérifier leur respect par la norme
d'incrimination ou du moins de permettre à la Cour de Cassation de
procéder à tel contrôle ? Rien dans les textes de droit
libanais ne le permet. Les causes de recours y compris ceux de la cassation
(article 296 du Code de procédure pénale) n'autorisent que le
contrôle de conformité des jugements à la
légalité englobant la loi et les principes généraux
de droit. La constitutionnalisation des droits fondamentaux,
l'internationalisation du droit interne et l'alignement du droit interne sur le
droit international, constituent des bornes à la dictature
législative et à l'autocratie judiciaire, et prétendent
parfaire le cheminement contre l'arbitraire du politique initié par le
droit à la légalité ».
1558 V. D. Khair, Le Conseil
constitutionnel, gardien des libertés fondamentales : étude
comparative du Conseil constitutionnel libanais, Mémoire DEA :
Droit public interne, Université Paris 2, 2004.
d'assurer le respect de ses règles, en plus de
protéger l'entité de l'État et son existence,
désirant ainsi instaurer un État juste
»1559. Pour M. Pierre Gannage, les
pouvoirs du Conseil constitutionnel, dans le domaine du contrôle de la
constitutionnalité des lois reposent sur la nécessité de
vérifier la conformité des lois aux textes constitutionnels. Or,
ces textes étant libellés sous forme de principes le Conseil
constitutionnel contrôlera donc la conformité des lois aux
principes fondamentaux caractérisant l'État de droit, à
des dispositions générales,
1560
ou même à des déclarations solennelles qui
figurent dans le Préambule de la Constitution
.
Mais ce qui est important est que les déclarations qui
ont été ajoutées à la Constitution libanaise par la
loi constitutionnelle du 21 septembre 1991, suite à l'accord de
Taëf, se réfèrent notamment à la Déclaration
universelle des droits de l'homme, pour assurer d'une manière
générale la protection des libertés publiques. Le Conseil
constitutionnel libanais, comme son homologue français, a dû
résoudre le point de savoir si de pareilles déclarations qui
précèdent l'énoncé des dispositions mêmes de
la Constitution avaient une valeur
constitutionnelle
|
1561
|
. Les motifs de l'arrêt du 12 septembre 1997 qui a
annulé la loi du 24
|
juillet 1997 prorogeant le mandat des conseils municipaux ne
laissent aucun doute à ce sujet, l'arrêt affirme : «
Attendu que les principes énoncés dans le préambule de la
Constitution constituent un élément de la Constitution, qu'ils ne
peuvent en être dissociés, qu'ils ont la même valeur
constitutionnelle que les dispositions de la
Constitution »
|
1562
|
. Cette affirmation a une grande portée parce
qu'elle conduit à étendre d'une
|
388
manière considérable les attributions du Conseil
constitutionnel et l'érige d'abord en un défenseur des
libertés publiques. Il est vrai que cette protection était
déjà assurée par les dispositions précises de la
Constitution relatives aux libertés essentielles, comme la
liberté de conscience, la liberté de l'enseignement, la
liberté d'expression et celle d'association (art. 8, 9, 10, 13 de la
Constitution). Mais aucun texte général n'en
énonçait le principe et la loi constitutionnelle du 21 septembre
1991 est venue combler cette lacune. En lui conférant une valeur
constitutionnelle, le Conseil Constitutionnel s'arroge désormais un
pouvoir général sur les activités du législateur en
veillant à ce que la loi respecte, dans tous les domaines, les droits
fondamentaux de l'homme et les libertés qui s'y rattachent. Dans
l'appréciation de ces
1559 Ch. El-Hajal, Le Conseil constitutionnel
libanais, Thèse de droit, Université Jean Moulin Lyon 3, 2007, V.
spec. le résumé.
1560 P. Gannage, « Le conseil
constitutionnel libanais », in Les Constitutions des pays arabes,
Actes du colloque de Beyrouth, Février 1998, Ouvrage publié
en1999, Distribution : Éditions Bruylant, Bruxelles et Librairie Le
Point, Beyrouth, p. 7.
1561 P. Gannage, « Le conseil
constitutionnel libanais », in Les Constitutions des pays arabes,
p. 8. 1562 P. Gannage, « Le conseil constitutionnel
libanais », in Les Constitutions des pays arabes, p. 8.
droits, le Conseil Constitutionnel devra tenir compte de la
structure et de la physionomie
1563
propres de la nation libanaise.
293. L'utilisation des normes constitutionnelles par le juge
du fond. Selon Mme Hiam Mouannes, lorsque le juge cherche la règle
de droit adaptée au litige qui lui est soumis, il ne peut se limiter aux
textes législatifs sans remonter jusqu'à la Constitution, surtout
si la loi est
silencieuse
|
1564
|
. À notre avis, il s'agit bien d'une compétence
aussi minutieuse que rigoureuse
|
conférée au juge sur la base de l'alinéa
premier de l'article 2 du Code de procédure civile libanais qui demande,
« aux tribunaux de respecter le principe de la hiérarchie des
normes ».
. Pour M.
1565
Le juge est donc tenu par le principe du respect de la
hiérarchie des normes
Ibrahim Chiha, le principe de la séparation des
pouvoirs ne peut être considéré comme un obstacle au
contrôle de la constitutionnalité. La recherche de la règle
de droit applicable au
litige qui lui est soumis rentre en effet
intrinsèquement dans la mission du juge 1566 . Dès lors, en cas
de contradiction entre deux normes juridiques c'est la norme supérieure
qui s'applique, sans pour autant prononcer l'annulation de la norme
inférieure. Le juge est ainsi tenu de dire le droit conformément
aux normes juridiques en vigueur qu'elles soient d'ordre constitutionnel,
législatif ou réglementaire. Le Liban est un membre fondateur et
actif de l'Organisation des Nations-Unies, engagé par ses pactes et par
la Déclaration universelle des droits de l'homme. Donc l'État
concrétise les principes de la Déclaration universelle des droits
de l'homme dans tous les champs et domaines sans exception, consacrant la
garantie légale des justiciables
surtout par les articles 5
|
1567
|
, 8
|
1568
|
15691570
, 9, 10
|
1571
, 11
|
1572
, et 12
|
puisque ces articles
|
389
1563 P. Gannage, « Le conseil
constitutionnel libanais », in Les Constitutions des pays arabes,
p. 8.
1564 H. Mouannes, « Le fonctionnement et
l'autorité du conseil Constitutionnel Libanais », in Droit
écrit, mars 2001, n° 1, p. 121.
1565 H. Mouannes, « Le fonctionnement et
l'autorité du conseil Constitutionnel Libanais », in Droit
écrit, mars 2001, n° 1, p. 121.
1566 H. Mouannes, « Le fonctionnement et
l'autorité du conseil Constitutionnel Libanais », in Droit
écrit, mars 2001, n° 1, p. 120.
1567 Nul ne sera soumis à la torture, ni
à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
1568 Toute personne a droit à un
recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre
les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la
Constitution ou par la loi.
1569 Nul ne peut être arbitrairement
arrêté, détenu ou exilé
1570 Toute personne a droit, en pleine
égalité, à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et
impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du
bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle.
15714 . Toute personne accusée d'un
acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce
que sa culpabilité ait été légalement
établie au cours d'un procès public où toutes les
garanties nécessaires à sa défense lui auront
été assurées. 2. Nul ne sera condamné pour des
actions ou omissions qui, au moment où elles ont été
commises, ne
390
contiennent des principes applicables au déroulement de
la procédure pénale libanaise et qui constituent, avec d'autres
textes du Code de procédure pénale libanais, le fondement du
principe de la légalité dans le système libanais. Mais il
ne faut pas oublier que dans le système libanais les particuliers n'ont
pas accès à la justice constitutionnelle, ni directement, ni
par
voie d'exception soulevée devant les juges ordinaires
1573 . À notre avis, il est souhaitable que le législateur
libanais intervienne afin d'adopter un système semblable ou identique ou
au moins fortement inspiré de celui du système français en
vigueur qui est le système de la
question prioritaire de constitutionnalité
(QPC)1574. En effet, l'instauration de ce système par le
législateur libanais comme nouveau droit reconnu permettrait au
justiciable libanais de contester la constitutionnalité d'une
disposition législative lors d'une instance en cours devant une
juridiction, lorsqu'il estime que ce texte, applicable au litige ou à la
procédure, ou constituant le fondement des poursuites, porte atteinte
aux droits et libertés que la Constitution libanaise garantit.
constituaient pas un acte délictueux d'après le
droit national ou international. De même, il ne sera infligé
aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment
où l'acte délictueux a été commis.
1572 Nul ne sera l'objet d'immixtions
arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa
correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa
réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi
contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
1573 P. Gannage, « Le Conseil
constitutionnel, protecteur des libertés», in Le Conseil
constitutionnel libanais : gardien, régulateur, protecteur, op.
cit.
1574 V. Question prioritaire de
constitutionnalité : O. Hasenfratz, Question prioritaire de
constitutionnalité et procédure pénale, états des
lieux et perspectives, Thèse de droit, Université
Montpellier 1, 2012.
Section II
Les fondements conventionnels et constitutionnels de
la légalité de preuve en droit français
294. La Déclaration universelle des droits de
l'homme de 1948. Il est important de souligner que la Constitution
française n'a pas intégré la Déclaration
universelle des droits de l'homme dans son Préambule comme l'a fait la
Constitution libanaise. Un avant-projet de Déclaration fut
rédigé par un grand juriste français, M. René
Cassin, et le texte final fut adopté à Paris le 10
décembre 1948. La Déclaration universelle des droits de l'homme
de 1948
. La
1575
n'ayant pas été transposée en droit interne
n'a aucune valeur juridique en droit français
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948
n'a aucune force contraignante explicitement sur les États. Pour avoir
une force juridique, la Déclaration doit être
explicitement incorporée dans les textes
constitutionnels en vigueur d'un État1576. Selon M. Michel
Simon, le cas de la France est intéressant puisque la Constitution de
1958 fait référence à la Déclaration
française des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui donnant ainsi
une force juridique, mais elle ne fait aucune mention explicite de la
Déclaration universelle de 1948. Les rédacteurs de la
Constitution française de 1958 ont voulu rester dans une tradition
purement française, sans faire référence ni relier les
lois françaises à l'édifice
international en cours de constitution 1577 . Si la
Déclaration universelle des droits de l'homme possède une forte
valeur symbolique ou philosophico-morale, elle n'a pas pour autant vocation
à faire l'objet d'une application concrète
|
1578
|
. La Déclaration universelle des droits de l'homme
|
391
n'a pas valeur obligatoire pour ceux qui l'ont adoptée,
même si certains auteurs lui reconnaissent cette force sans aucun
fondement légal. Donc, la portée juridique de la
Déclaration universelle des droits de l'homme est faible. Il s'agit en
fait d'une résolution de l'assemblée générale des
Nations unies. Elle n'a pas donc la valeur juridique d'un traité
international et est dépourvue de dimension contraignante, elle ne peut
donc être invoquée
1575 A. Bertrand-Mirkovic, Droit civil :
personnes, famille, Studyrama, 2004, p. 194.
1576 M. Simon, Les droits de l'homme: guide
d'informations et de réflexion, Chronique Sociale, 1985, p. 27.
1577 M. Simon, Les droits de l'homme: guide
d'informations et de réflexion, Chronique Sociale, 1985, p. 27 ; V. sur
ce point : N. Nelson Daniel, La coopération juridique internationale
des démocraties occidentales en matière de lutte contre le
terrorisme, L'Harmattan, Paris, 1987, p. 152.
1578 X. Latour et B. Pauvert,
Libertés publiques et droits fondamentaux, Editeur : Studyrama
- Vocatis, 2006, p.
43.
devant un juge. Sa portée est donc morale, s'appuyant
sur l'autorité que confère la signature
de la majorité des États du
monde1579. Pour que la Déclaration ait une portée
normative, il faut qu'elle soit intégrée dans une constitution
nationale. On peut dire que la Déclaration universelle des droits de
l'homme n'a pas une valeur juridique dans le système pénal
français puisque la Constitution et son Préambule ne proclament
pas explicitement son engagement à la Déclaration universelle des
droits de l'homme. L'absence de l'intégration expresse dans la
Constitution de la Déclaration universelle des droits de l'homme peut
être la cause directe de l'impact trop timide de cette Déclaration
universelle sur les lois internes notamment sur la procédure
pénale surtout en comparaison avec l'impact trop envahissant de la
convention européenne des droits de l'homme sur la loi nationale en
France. Mais il y a une autre cause pour ce faible impact de la
Déclaration universelle sur le droit interne français, c'est
l'influence du texte révolutionnaire de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 sur le droit international des droits de
l'homme notamment sur la Déclaration universelle des droits de l'homme.
À notre avis, il n'était pas logique de faire intégrer la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dans le texte de
la Constitution française puisque les principes de la Déclaration
de 1789 qui ont influencé le plus fortement la Déclaration
universelle ont été largement reconnus dans le système
juridique français.
295. Les Pactes de 1966. Le 4 novembre 1980, la
France a adhéré au Pacte du 16 décembre 1966 avec une
entrée en vigueur trois mois plus tard. Alors que la Déclaration
universelle était une résolution à la valeur morale
évidente, mais dont la majorité des juristes estiment qu'elle
n'implique pas de la part des États d'engagement juridique
précis, les Pactes de 1966 ont été traduits sous forme de
traités juridiquement contraignants, et ont donc force contraignante
pour ceux qui y ont adhéré
|
1580
|
. On constate pourtant que les deux Pactes de 1966 n'ont pas
|
392
non plus joué un rôle essentiel en droit
français, en tant que facteur de renforcement des libertés
fondamentales. Toutefois, de manière à assurer plus efficacement
le respect des libertés fondamentales sur le plan international, il a
été décidé de rédiger des
déclarations des droits ayant valeur juridique. Tel est l'objet des deux
pactes adoptés le 16 décembre 1966 : le
1581
.
premier relatif aux droits civils et politiques, le second aux
droits économiques et sociaux
Mais les Pactes de 1966 mettant en oeuvre cette
déclaration de 1948 ont pleine force
1579 P. Gévart, C. Crettaz-Nedey, B.
Modica et Ch. Mondou, Les droits de l'homme, Editeur : L'Etudiant,
2006, p. 76.
1580 D. Lagot, Droit international
humanitaire : États puissants et mouvements de résistance,
L'Harmattan, Paris, 2010, p. 80.
1581 P. Gévart, C. Crettaz-Nedey, B.
Modica et Ch. Mondou, Les droits de l'homme, Editeur : L'Etudiant,
2006, p. 76.
obligatoire pour les États ayant ratifié ces
conventions1582. Ces deux textes sont entrés en vigueur en
France en 1981. Ils ont pour principal intérêt de reprendre, en
détail, l'ensemble des libertés évoquées dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et de leur
1583
conférer une valeur juridique
: «il figure également (le principe
légaliste), non seulement à
l'article 11§2 de la Déclaration universelle
des droits de l'homme du 10 décembre 1948 (qui n'a cependant pas de
valeur normative), mais aussi à l'article 15-1 du Pacte
international
relatif aux droits civils et politiques du 16
décembre 1966 »
|
1584
|
. L'article 15-1 du Pacte
|
international relatif aux droits civils et politiques du 16
décembre 1966 dispose : « nul ne sera condamné pour des
actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux
d'après le droit national ou international au moment où elles ont
été commises. De même, il ne sera infligé aucune
peine plus forte que celle qui était applicable au moment où
l'infraction a été commise. Si, postérieurement à
cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus
légère, le délinquant doit en bénéficier
».
§ 1. Jalons pour une valeur supra-législative
en droit français.
296. La Convention de sauvegarde des droits de
l'homme. Mme Michèle-Laure Rassat nous rappelle qu'il y a quelque
quarante ans, M. Georges Levasseur grommelait : « il paraît que
la ratification de la Convention européenne des droits de l'homme ne
nous posera aucun problème, car notre procédure pénale est
strictement conforme. Ils vont voir ». Mme Michèle-Laure
Rassat poursuit après les multiples condamnations de la France par la
Cour européenne
des droits de l'homme en disant : « ils ont vu et ils
continuent de voir »
|
1585
|
. La Convention de
|
393
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, qui est généralement appelée Convention
européenne des droits de l'homme, a été adoptée par
le Conseil de l'Europe en 1950 et est entrée en vigueur en 1953. Cette
Convention internationale a pour objectif essentiel d'assurer la protection des
droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour aboutir à
cette protection envisagée, la Cour européenne des droits de
l'homme exerce et
1582 G. Chianéa et J.-L. Chabot,
Les droits de l'homme et le suffrage universel, L'Harmattan, Paris,
2000, p. 265, V. spec le bas de page n° 15.
1583 P. Gévart, C. Crettaz-Nedey, B.
Modica et Ch. Mondou, Les droits de l'homme, Editeur : L'Etudiant,
2006, p. 76.
1584 W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
24, p. 32.
1585 M.-L. Rassat, « Encore et toujours
la Cour européenne des droits de l'homme », in JCP G, 15
Avril 2009, n° 16, act. 200, pp. 3-4.
assure un contrôle judiciaire. La motivation qui a
poussé à l'adoption de la Convention européenne
était la même que celle qui animait les rédacteurs de la
Déclaration universelle des droits de l'homme: il s'agissait
d'établir un ensemble coordonné de principes et de
règles
1586
destinés à protéger les droits de toutes les
personnes
.
297. La prééminence du droit. Ce
principe est rappelé dans le Préambule de la Convention
européenne des droits de l'homme, ce principe de la
prééminence du droit revêt une importance
considérable, d'autant plus qu'il est une condition sine qua non
à l'adhésion d'un
État au Conseil de l'Europe1587. Le respect
de la légalité criminelle constitue l'un des principes les plus
importants du droit pénal dans une démocratie parce qu'elle
protège et garantit la liberté des individus. Cependant, la
rédaction de l'article 7 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales constitue
une base solide pour le respect de ce principe de légalité.
L'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme consacre
sans aucune ambiguïté et très clairement le principe de
légalité
criminelle
|
1588
|
. Donc, les fondements du principe de légalité
sont : « les fondements
|
internationaux. La Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui a
vocation à s'appliquer en France depuis 1974 (V. Décret n°
74360 du 3 mai 1974, JORF, 4 mai 1974, p. 4570.), comporte également une
disposition relative
au principe de légalité pénale
»
|
1589
|
. Ainsi, l'article 7 précise que « nul ne peut
être condamné
|
pour une action ou une omission qui, au moment où
elle a été commise, ne constituait pas une infraction
d'après le droit national ou international. De même il n'est
infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au
moment où l'infraction a été commise ».
L'article 7 consacre le principe de légalité, à l'image
des articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen
|
1590
|
. De son côté, la Cour européenne des
droits de l'homme affirme le
|
394
1586 M. Robinson, « Intervention lors de
la cérémonie commémorative du 50e anniversaire
de la Convention européenne des droits de l'homme », in
Conférence ministérielle européenne sur les droits de
l'homme et cérémonie commémorative du 50e
anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme,
Rome 3 et 4 novembre 2000, Éditions du Conseil de l'Europe,
2002, pp. 160 et s., V. spec. p. 160.
1587 J.-F. Renucci, Droit européen
des droits de l'homme : contentieux européen, 4e
éd., L.G.D.J., Paris, 2010, n° 18, p. 25.
1588 L'article 7 de Convention
européenne des droits de l'homme dispose : « 1.Nul ne peut
être condamné pour une action ou une omission qui, au moment
où elle a été commise, ne constituait pas une infraction
d'après le droit national ou international. De même il n'est
infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au
moment où l'infraction a été commise».
1589 W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
24, p. 31.
1590 W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
24, p. 31.
22 novembre 1995 dans l'affaire C.R. c/ Royaume-Uni que «
la garantie que consacre l'article 7 (art. 7), élément
essentiel de la prééminence du droit, occupe une place
primordiale dans le système de protection de la Convention, comme
l'atteste le fait que l'article 15 (art. 15) n'y autorise aucune
dérogation en temps de guerre ou autre danger public. Ainsi qu'il
découle de son objet et de son but, on doit l'interpréter et
l'appliquer de manière à assurer
1591
.
une protection effective contre les poursuites, les
condamnations et sanctions arbitraires »
298. La supériorité des traités
ratifiés sur la loi interne en France. Depuis sa ratification en
1974, la Convention européenne des droits de l'homme est
appliquée directement par les
1592
juridictions nationales françaises. En France, les
traités ratifiés et publiés ont une valeur
supérieure à celle de la loi. La Cour de cassation a par exemple
jugé que « le cannabis se définit non par
référence aux dispositions réglementaires du Code de la
santé publique, mais à la Convention internationale unique du 30
mars 1961, qui, en application de l'article 55 de la Constitution, a acquis une
autorité supérieure à la loi interne dès sa
publication au Journal
officiel du 2 mai 1969 »
|
1593
|
. Le juge pénal français ne peut
apprécier leur conformité à la
|
Constitution, car il n'a pas les pouvoirs pour le faire :
« Il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire de se
prononcer sur la constitutionnalité des traités non plus que de
la
loi» 1594 . Dans le cas de conflit
entre une disposition d'un traité ratifié et une loi interne
française, la primauté appartient sans aucun doute au texte
international, quand bien même la
1595
loi serait postérieure au Traité . En France, le
système est dit moniste, ce qui signifie que les conventions
internationales produisent ses effets d'une façon directe devant le juge
national, c'est-à-dire d'application immédiate devant les
juridictions : « Selon le système moniste auquel prétend
appartenir la France, droit interne et droit international ne sont pas
d'essence
différente mais au traité est reconnu une
autorité supérieure à la loi »
|
1596
|
. L'article 55 de la
|
395
Constitution du 4 octobre 1958 reconnaît la
suprématie du droit communautaire sur le droit national : « les
traités ou accords régulièrement ratifiés ou
approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque
accord ou traité, de son application par l'autre partie».
Depuis sa ratification, la Convention européenne
1591 CEDH, 22 novembre 1995, C.R. c. /
Royaume-Uni, Requête n° 20190/92, §32.
1592 J. Godard, Les atteintes à la
liberté avant jugement comparaison des systèmes Français,
Anglais et Écossais, Thèse de droit, Université de
Poitiers, 2008, p. 68.
1593 V. Cass. crim., 9 mars 1992, B. C.,
n° 103, p. 267.
1594 V. Cass. crim., 27 février 1990,
B. C., n° 96, p. 251.
1595 V. Cass. crim., 17 octobre 1988, B. C.,
n° 347, p. 934.
1596 P. Puig, « Hiérarchie des
normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p.
749, v. spec. n° 19.
des droits de l'homme, a une autorité supérieure
à la loi votée par le Parlement français : «...
l'article 55 de la Constitution affirme la suprématie du traité
sur la loi que les juges acceptent
d'écarter la seconde pour faire prévaloir le
premier »
|
1597
|
. De surcroît, la convention est
|
d'application directe c'est-à-dire qu'elle peut
être invoquée par les justiciables eux-mêmes devant les
tribunaux ou les juridictions 1598 , ainsi que l'a consacré la chambre
criminelle de la Cour de cassation française dans la décision
Raspino du 3/6/1975 : « Les dispositions de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales
1599
doivent être appliquées par les juridictions
françaises ». En ce qui concerne la charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne, elle dispose, en son article II-49,
que 1600 « nul ne peut être condamné pour une action ou
une omission qui, au moment où elle a été commise, ne
constituait pas une infraction d'après le droit national ou le droit
international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte
que celle qui était applicable au moment où l'infraction a
été commise. Si, postérieurement à cette
infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci
doit être appliquée ». De même, ce principe de
légalité fut consacré par le statut de la Cour
pénale internationale : « enfin, le principe est inscrit aux
articles 22 et 23 du statut de la
Cour pénale internationale »
|
1601
|
. Un auteur évoque la diversité des fondements du
principe de
|
396
légalité en écrivant : « il s'agit
là d'un principe (de légalité) dont les fondements
sont
1602
nombreux et la nature diversifiée ».
A. L'impact des normes européennes sur le droit
français.
299. L'application directe de la convention
européenne des droits de l'homme. En général, les
modalités d'application de la convention dans l'ordre juridique interne
sont multiples. La modalité technique la plus utilisée
étant l'applicabilité directe, encore appelée effet direct
ou
1603
self-executing . Il ne faut pas oublier que cette
modalité est la plus efficace pour mettre en
1597 P. Puig, « Hiérarchie des
normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p.
749, v. spec. n° 9.
1598 P. Feuillée-Kendall et H.
Trouille, Justice en question: le juge mis en examen, Peter Lang
International Academic Publishers, Berne, 2004, p. 243.
1599 Cass. crim., 3 juin 1975, B. C.,
n° 141, p. 382.
1600 V. W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
24, p. 32.
1601 W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
24, p. 32.
1602 W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
24, p. 32.
1603 G. Barnabe-Georges, Le Bénin et
les droits de l'homme, l'Harmattan, Paris, 2001, p. 115.
oeuvre les droits garantis par la Convention et pour obliger
les États à se conformer à leurs obligations afin
d'appliquer les dispositions de la Convention en droit interne. À notre
avis, plus cette modalité est pratiquée, plus elle devient
efficace. D'une manière générale, une convention est
dite self-executing ou auto-exécutoire lorsqu'elle crée
des règles au niveau international d'où découlent des
obligations ou simplement lorsque le droit constitutionnel des
États parties à la convention l'admet comme
telle1604. Cette applicabilité directe de la Convention
européenne des droits de l'homme découle de l'article
1er de la Convention. Ainsi, tout individu peut se prévaloir
directement des dispositions de la Convention européenne des droits de
l'homme devant les juridictions internes : le caractère
self-executing de ces
dispositions ne fait aucun doute
|
1605
|
. Selon M. Fréderic Sudre, l'applicabilité
directe suppose,
|
en premier lieu, que la règle internationale n'a pas
besoin, pour être applicable, d'être introduite dans l'ordre
juridique interne par une disposition spéciale. Cette question de la
réception de la règle conventionnelle relève du
régime constitutionnel des États, qui définit
l'attitude générale de l'État face au
droit international1606. À cet égard, la lettre de la
CEDH (tout comme celle du Pacte) n'impose pas l'intégration de la
Convention européenne en droit interne français. S'agissant de la
France, c'est l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui affirme que
les traités sont supérieurs aux lois et ont une autorité
supérieure à celle de la
loi interne dans les conditions fixées par l'article 55
de la Constitution 1607 . Donc, c'est de l'article 55 de la Constitution du 4
octobre 1958 que résultent l'intégration directe de la
règle conventionnelle - CEDH ou PIDCP - dans l'ordre juridique interne
français et la définition de
son rang dans la hiérarchie des normes 1608 : l'article
55 de la Constitution française en vigueur dispose que « les
traités ou accords régulièrement ratifiés ou
approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque
accord ou
traité, de son application par l'autre partie
»
|
1609
|
. Incontestablement l'influence du droit
|
397
européen sur les droits nationaux a contribué
à hausser le niveau de protection du citoyen, au regard des droits de
l'homme et de la dignité, grâce à l'effet direct du droit
européen et à sa supériorité sur le droit national.
Le principe de légalité exprimé souvent par le droit de
n'être
1604 G. Barnabe-Georges, Le Bénin et
les droits de l'homme, l'Harmattan, Paris, 2001, p. 115.
1605 J.-F. Renucci, Droit européen
des droits de l'homme : contentieux européen, 4e
éd., L.G.D.J., Paris, 2010, n° 17, p. 25.
1606 F. Sudre, Droit européen et
international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F.,
Paris, 2008, n° 136, p. 194.
1607 V. sur ce point: H. Batiffol et P.
Lagarde, Traité de droit international privé, L.G.D.J.,
1993, Vol. 1, pp. 70 et s.
1608 F. Sudre, Droit européen et
international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F.,
Paris, 2008, n° 136, p. 194. 1609 F. Sudre, Droit
européen et international des droits de l'homme, 9e
éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 136, p. 194.
poursuivi et puni qu'en vertu d'une loi existante,
relève aussi de la confiance légitime qui constitue un principe
fondamental classique en matière de procédure et de jugement
300. Primauté de la norme conventionnelle. La
question de la primauté de la règle conventionnelle se
dédouble selon qu'on l'aborde dans l'ordre international ou dans l'ordre
interne 1611 . Dans l'ordre international, s'agissant de la Convention
européenne des droits de l'homme, la Cour européenne a clairement
affirmé la primauté de la convention sur tous les
. La Convention
1612
actes internes, quelle que soit leur nature ou l'organe qui les
adoptées
l'emporte donc sur les actes constitutionnels. L'affaire Open
Door et Dublin Well Women C/
Irlande1613 illustre le conflit entre la
Convention européenne et la Cour suprême irlandaise basée
sur l'article 40 § 3 alinéa 3 de la Constitution irlandaise
reconnaissant le droit à la vie de
1614
l'enfant à naître
|
. L'arrêt Parti communiste unifié de Turquie, du
30 janvier 1998
|
1615
|
rappelle que la Convention l'emporte 1616 parce que la Cour
européenne des droits de l'homme, dans cet arrêt (Parti communiste
unifié de Turquie et autres c. la Turquie, 30 janvier 1998, § 29) a
affirmé clairement que la Convention européenne des droits de
l'homme « ne fait aucune distinction quant au type de normes ou de
mesures en cause et ne soustrait aucune partie de la juridiction des
États membres à l'empire de la Convention (...) ».
Donc, aucune exception de nature constitutionnelle n'existe devant la Cour
de Strasbourg dans l'application des exigences ou normes issues de la
Convention européenne des droits de l'homme. Une confirmation
éclatante en est donnée par la Cour de Strasbourg dans
l'arrêt Zielinski et Pradal
et Gonzalez et autres c/ France, du 28 octobre 1999
|
1617
|
, par lequel la Cour européenne
|
398
considère qu'une loi de validation jugée conforme
à la Constitution par le Conseil
1610 V. « Influence de la CEDH et de la
jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme sur le droit
français et polonais », in Conférence Cracovie des 22 et
23 octobre 2010.
1611 F. Sudre, Droit européen et
international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F.,
Paris, 2008, n° 136, p. 194. 1612 G. Cohen-Jonathan,
La Convention européenne des droits de l'Homme, P.U.A.M., 1989,
p. 246.
1613 CEDH., 29 octobre 1992, GACEDH, n°
70.
1614 Kémal Gözler, Le pouvoir
de révision constitutionnelle, Villeneuve d'Ascq, Presses
universitaires du Septentrion, 1997, Vol 1, p. 342 ; V, encore : CEDH.,
Ruiz-Mateos c/ Espagne, 23 juin 1993, GACEDH, n° 2.
1615V. GACEDH., n° 6.
1616 F. Sudre, Droit européen et
international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F.,
Paris, 2008, n° 137, p. 195.
1617 V. D. Dokhan, Les limites du
contrôle de la constitutionnalité des actes
législatifs, Thèse de droit, L.G.D.J., 2001, p. 236 :
« L'arrêt Zielinski, Pradal et Gonzales / France du 28 octobre
1999 ' concerne la question de la conventionnalité des lois de
validation au regard de l'article 6 § 1 de la Convention et de l'article
1er du premier protocole additionnel à la convention ».
1618
constitutionnel français est néanmoins contraire
à la Convention. En d'autres termes, la Cour européenne des
droits de l'homme a jugé inconventionnelle une loi de validation
déclarée conforme à la Constitution française par
le Conseil constitutionnel français. M. Louis Favoreu considère
en ce sens que « même les normes constitutionnelles doivent
s'incliner
devant les normes européennes »
|
1619
|
. Il faut prendre en compte que la
prééminence du
|
399
droit international sur le droit interne français est
partielle ou relative en ce qui concerne la coutume internationale, celle-ci
étant une règle non écrite : « la
prééminence de la norme internationale sur les lois ne
présente pas un caractère absolu. Si l'article 55 de la
Constitution confère aux traités internationaux
régulièrement ratifiés ou approuvés, sous
réserve de réciprocité, une autorité
supérieure à celle des lois, cette suprématie ne
bénéficie pas à la coutume internationale. Telle est du
moins l'interprétation qui ressort d'un important arrêt rendu le 6
juin 1997 par le Conseil d'État...
»1620. C'est ce que nous enseigne l'arrêt
Aquarone rendu le 6 juin 1997 par le Conseil d'État : «
considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 55
de la Constitution du 4 octobre 1958 "les traités ou accords
régulièrement ratifié, ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des
lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l'autre partie"; que ni cet article ni aucune autre disposition
de valeur constitutionnelle ne prescrivent ni n'impliquent que le juge
administratif fasse prévaloir la coutume internationale sur la loi en
cas de conflit entre ces deux normes » 1621 . Le Conseil
d'État confirme clairement dans cet arrêt que l'article 55 de
Constitution de 1958 n'accorde pas au juge administratif la compétence
ou le droit d'écarter une loi contraire à une coutume
internationale en cas d'existence d'un conflit entre les deux. M. Pascal Puig
considère que la solution donnée par le Conseil d'État
dans l'arrêt Aquarone est basée sur une distinction faite par le
Conseil d'État entre coutume internationale qui est parmi les sources
non écrites du droit international et les normes de droit écrites
désignées par l'article 55 de la Constitution « cette
solution, implicitement fondée sur la reconnaissance d'une
différence de nature entre la coutume et les normes de droit
écrites visées par l'article 55, en l'occurrence les
traités internationaux, pourrait avoir des prolongements susceptibles
d'affecter un peu plus encore la suprématie du droit international
» 1622 . Il apparaît que, selon le Conseil
d'État français, la coutume internationale n'entre pas dans la
notion de traités ou accords régulièrement ratifiés
ou
1618 F. Sudre, Droit européen et
international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F.,
Paris, 2008, n° 137, p. 196. 1619 L. Favoreu, «
Souveraineté et supraconstitutionnalité », in
Pouvoirs, 1993, n° 67, p. 76.
1620 Pascal Puig, « Hiérarchie
des normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001,
p. 749, v. spec. n° 20. 1621 CE Ass., 6
juin 1997, Aquarone, requête n° 148683.
1622 P. Puig, « Hiérarchie des
normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p.
749, v. spec. n° 20.
approuvés qui ont une autorité supérieure
à celle des lois selon la disposition de l'article 55 de la Constitution
française.
301. La suprématie constitutionnelle en
France. M. Pascal Puig souligne que « la Constitution
apparaît comme la norme juridique supérieure de laquelle
découlent toutes les autres sources de droit au point que la loi
votée par le Parlement n'exprime plus la volonté
1623
générale que dans son respect ».
L'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 85-197 du 23 août 1985
exprime la place et la supériorité que revêt la
Constitution sur les autres normes juridiques « considérant
donc que la procédure législative utilisée pour mettre en
conformité avec la Constitution la disposition déclarée
non conforme à celle-ci par le Conseil constitutionnel a fait de
l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique une
application ne méconnaissant en rien les règles de l'article 10
de la Constitution et a répondu aux exigences du contrôle de
constitutionnalité dont l'un des buts est de permettre à la loi
votée, qui n'exprime la volonté générale que dans
le respect de la
. Dans l'ordre interne français, la
1624
Constitution, d'être sans retard amendée
à cette fin »
solution est très différente de celle de la Cour
de Strasbourg. La controverse a été tranchée par les
juridictions françaises : le Conseil d'État et la Cour de
cassation ont tous deux affirmé, dans l'ordre juridique interne, la
supériorité de la Constitution sur toutes les autres
règles, y
compris communautaires
|
1625
|
. L'article 55 de la Constitution implique que la Constitution
ait
|
400
primauté sur le traité international. Le Conseil
d'État français, dans son arrêt d'Assemblée du 30
octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, énonce clairement le principe
que « la suprématie conférée (par l'article 55 de
la Constitution) aux engagements internationaux ne s'applique pas, dans l'ordre
interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ». D'autre
part, la Cour de cassation se prononce de manière similaire «
la suprématie conférée aux engagements internationaux ne
s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de valeur
1626
constitutionnelle ». Elle reconnaît
à la Constitution la qualité de norme supérieure de
l'ordre juridique français 1627 . Les juridictions supérieures
refusent ainsi de s'engager dans la
1623 P. Puig, « Hiérarchie des
normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p.
749, n° 4. 1624 DC n° 85-197 du 23 août 1985,
Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie (§ 27).
1625 D. Roman, L'indispensable du droit
administratif, 2e éd., Studyrama, 2004, p. 57.
1626 Cass. Ass. Plen., 2 juin 2000, B.C.,
n° 4, p. 7.
1627 V. P. Puig, « Hiérarchie des
normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p.
749, v. spec. n° 29 : « Bénéficiant d'une
suprématie relative à l'égard des règles ayant au
moins valeur législative, les normes internationales sont de
surcroît subordonnées à celles de rang constitutionnel. Au
regard des textes, cette soumission résulte principalement des
dispositions de l'article 54 de la Constitution qui impliquent, certes, que la
Constitution peut être révisée en considération d'un
traité international mais signifient surtout qu'aucune
1628
.
voie d'un contrôle de conventionalité de la
Constitution, c'est-à-dire d'un contrôle de la
compatibilité d'une disposition constitutionnelle avec une stipulation
conventionnelle
L'article 55 de la Constitution pose également le
principe de la primauté du traité international sur la loi
nationale et, en conséquence, sur les actes juridiques internes
subordonnés à la
loi
|
1629
|
. Par sa décision 74-54 du 15 janvier 1975 relative
à la loi sur l'IVG
|
1630
|
, le Conseil
|
constitutionnel refuse de contrôler la
conventionalité de la loi dans le cadre du contrôle de
constitutionnalité, au motif, notamment, que la
supériorité du traité sur la loi a un caractère
«
relatif et contingent » ce qui est très
discutable s'agissant d'un traité de caractère objectif1631
|
.
|
B. La valeur supra-législative du principe de
légalité en droit français.
302. Valeur supra-législative des traités en
droit français. La Convention européenne des droits de
l'homme revêt une valeur supra-législative dans le système
juridique français donc, elle est plus forte que la loi, sa valeur
juridique est supérieure à celle de la loi, cela découle
de l'article 55 de la Constitution de 1958. Parmi les engagements de la France,
figure la Convention européenne des droits de l'homme de 1950. Cette
convention comporte l'énoncé de la garantie de la plupart des
droits et libertés consacrées par la Déclaration de 1789
et le Préambule de 1946 et même de nombreux droits qui ne figurent
pas dans ces deux textes. La Convention ayant une autorité
supérieure à celle des lois, il est désormais possible aux
citoyens français (les justiciables) de s'en prévaloir contre
celles-ci devant les Cours et tribunaux, les parties du procès peuvent
s'en prévaloir devant les Cours et tribunaux qui doivent bien veiller
à la faire respecter, sous peine pour la France d'être
condamnée par la
Cour de Strasbourg
|
1632
|
. De ce qui précède, on peut déduire que
« le juge français, juge de
|
droit commun du droit communautaire, applique la
primauté du droit communautaire (traité,
protocoles, règlements, directives et
décisions) au niveau juridique interne »
|
1633
|
. M. Jean-
|
401
François Renucci souligne que les dispositions de la
Convention européenne des droits de
ratification n'est possible tant que la révision
n'a pas été opérée. En s'opposant ainsi à
l'insertion du texte international dans l'ordonnancement juridique national, la
Constitution marque bien sa prééminence dans l'ordre interne
».
1628 F. Sudre, Droit européen et
international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F.,
Paris, 2008, n° 137, p. 196. 1629 F. Sudre, Droit
européen et international des droits de l'homme, 9e
éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 137, p. 197. 1630
L'IVG désigne l'interruption volontaire de grossesse.
1631 F. Sudre, Droit européen et
international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F.,
Paris, 2008, n° 137, p. 197. 1632 B. Chantebout,
Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey
Université, Paris, 2010, p. 606.
1633 L. Delicostopoulos, Le procès
civil a l'épreuve du droit processuel européen, Thèse
de droit, Université Panthéon-Assas (Paris II), 1999, n°
315, p. 428.
l'homme sont d'applicabilité directe et que tout
individu peut s'en prévaloir devant les juridictions internes et les
juges européens de la Cour de Strasbourg eux-mêmes,
interprètes
1634
officiels de la Convention
. Mais il faut bien distinguer l'applicabilité directe de
la
Convention européenne devant la Cour de Strasbourg de
l'application de cette Convention
devant les juridictions nationales en droit interne
|
1635
|
. Le juge doit écarter la loi française
en
|
402
cas de contradiction flagrante entre la législation
interne française et la loi européenne pour appliquer sans
hésitation les dispositions de la Convention européenne.
303. Valeur supra-législative du principe de
légalité de preuve. L'article 5 de la Convention EDH qui
concerne précisément les actes de procédure attentatoires
aux libertés individuelles - comme la détention avant jugement et
l'arrestation -, requiert qu'elles soient légalement
réalisées. Cela suppose qu'elles soient prévues par la loi
de manière précise. Il y a donc bien sur cette base un principe
de légalité en procédure du moins pour les actes les
plus
1636
coercitifs
. L'article 7 de la convention EDH avait adopté
expressément le principe de la
légalité criminelle 1637 . De ce qui
précède, on peut conclure sans aucune hésitation que le
principe de légalité de preuve revêt une valeur
supra-législative dans le système pénal français,
conformément à tous les arguments déjà
mentionnés, qui justifie l'application du principe de la
légalité criminelle sur le droit pénal de forme
(procédure pénale).
1634 J.-F. Renucci, Introduction
générale à la Convention européenne des droits de
l'homme, Éditions du Conseil de l'Europe, 2005, p. 6.
1635 L. Delicostopoulos, Le procès
civil à l'épreuve du droit processuel européen,
Thèse de droit, Université Panthéon-Assas, 1999, n°
15, p. 61 : « L'applicabilité directe de la Convention devient
de fait une notion bidimensionnelle dès lors que l'intégration de
la Convention dans le droit national n'est pas imposée en droit
européen. Dans l'ordre juridique européen - et devant la Cour de
Strasbourg - la Convention est directement applicable (article 1 Convention)
car elle confère directement aux individus des droits qui ont un
caractère objectif - ils s'attachent à la seule qualité de
personne humaine dont ils vont pouvoir se prévaloir devant les
juridictions nationales. Mais dans l'ordre national, cette applicabilité
directe restait lettre morte dans l'hypothèse où la Convention
n'avait pas été insérée dans l'ordre juridique
interne ».
1636 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
n° 144, p. 53.
1637 L'article 7 de la convention EDH dispose
: « Nul ne peut être condamné pour une action ou une
omission qui, au moment où elle a été commise, ne
constituait pas une infraction d'après le droit national ou
international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte
que celle qui était applicable au moment où l'infraction a
été commise ».
§ 2. Jalons pour une valeur constitutionnelle en
droit français.
304. Le doyen Duguit attribue un rang supra
constitutionnel à la légalité. M. Léon Duguit
affirme dans son « traité de droit constitutionnel »,
que la Déclaration de 1789 avec tous ses principes et notamment celui de
la légalité criminelle, avaient non seulement une valeur de
droit positif, mais aussi une valeur supra-constitutionnelle
|
1638
|
. « D'abord, si l'on croit comme
|
moi que la Déclaration des droits de 1789 a encore
force de loi supérieure aux lois ordinaires et même aux lois
constitutionnelles, on doit dire : que le législateur ne pourrait, sans
violer une règle positive supérieure qui s'impose à lui,
décider qu'une loi pénale aura un effet rétroactif. Quant
aux lois autres que les lois pénales, le législateur peut
certainement décider,
sans violer une règle constitutionnelle
écrite, qu'elles auront un effet rétroactif »
|
1639
|
. Selon
|
403
l'avis de M. Léon Duguit, le principe de la
légalité criminelle constitue une loi fondamentale ayant force de
loi supérieure aux lois ordinaires et même aux lois
constitutionnelles. La légalité est un principe qui ne
connaît ou ne supporte aucune exception comme l'affirme fort justement M.
Léon Duguit. « Si l'on fait une seule exception au principe de
légalité matérielle, on ne sait pas où cela peut
conduire ; et si certaines circonstances se présentent, on peut
1640
.
facilement arriver au despotisme »
A. Principe d'origine constitutionnelle.
305. Principe intégré à la
Constitution de la Vème République française de 1958.
On peut remarquer que le principe de la légalité criminelle
a été intégré à la Constitution du 4 octobre
1958 en vigueur qui est le texte fondateur de la Ve République
française. L'art. 34 de la
Constitution française de 4 octobre 19581641
dispose : « la loi fixe les règles concernant : la
détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur
sont applicables ; la procédure
1638 V. sur La notion de principes
supra-constitutionnels : M. Troper, « La notion de principes
supra-constitutionnels », in R.I.D.C., Journées de la
Société de législation comparée, 1993, vol. 15,
n° spécial, pp. 337 - 355.
1639 L. Duguit, Traité de droit
constitutionnel, 2e éd., Ancienne libraire Fontemoing et
Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 2 La théorie
générale de l'État, pp. 200-201.
1640 L. Duguit, Traité de droit
constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de
Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de
l'État, p. 686.
1641 V. sur ce point: Ch. Claverie-Rousset,
« La légalité criminelle », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 6
: « L'article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe les
règles concernant la détermination des crimes et des
délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, et les
règles concernant la procédure pénale... ».
pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux
ordres de juridiction et le statut des
1642
magistrats »
. M. Raymond Gassin affirme que la prise de conscience
en droit français de
l'existence d'un principe de légalité
procédurale en matière pénale n'a véritablement
commencé à se manifester qu'avec la Constitution de 1958,
précisément sur la base de
l'article 34 de la Constitution
|
1643
|
. De même comme en droit libanais, l'article 34 de la
|
Constitution française a également affirmé
la valeur constitutionnelle du principe de légalité
criminelle. Le principe de légalité criminelle
figure à l'art. 8 de la DDHC
|
1644
|
, qui énonce que
|
404
« la loi ne doit établir que des peines
strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être
puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée
». Le principe a été internationalisé (cf.
l'art. 7 de la Convention européenne, la Déclaration universelle
des droits de l'homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques). Il a été répété aux
articles 111-2 et 111-3 du Code pénal
français 1645 . Il demeure essentiel de trancher la
question de la valeur juridique accordée au Préambule de la
Constitution de 1958 en vigueur. Il est nécessaire de préciser la
valeur
1646
juridique de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, d'autant plus que la reconnaissance de la valeur
constitutionnelle du Préambule de la Constitution signifie que la
légalité criminelle constitue un principe de valeur
constitutionnelle, ce qui implique que le principe de la légalité
de preuve est un principe à valeur constitutionnelle dans le
système pénal français : « le principe de
légalité des délits et des peines a donc valeur
constitutionnelle
1647
et
en droit français. Il s'impose au
législateur comme au juge. Dans ses décisions de 1973
1648
1982
|
, le Conseil constitutionnel estime en effet que le
législateur est tenu de respecter les
|
éléments du bloc de constitutionnalité,
parmi lesquels figure la Déclaration des droits de
1642 V. B. De Lamy, « Le principe de la
légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », in Cahiers du Conseil constitutionnel,
Août 2009, n° 26.
1643 R. Gassin, « Le principe de la
légalité et la procédure pénale », in
R.P.D.P., avril-juin 2001, numéro spécial, pp. 300-334,
V. spec. p. 301.
1644 La Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen.
1645 V. en même sens : W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
22, p. 30 : « Les fondements législatifs. Il est
réaffirmé par le Code pénal dans son article 111-2, ...
».
1646 V. en ce sens : W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
23, p. 30 : Principe de légalité : « Les fondements
constitutionnels. Il est inscrit à l'article 8 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen qui est, cela va sans dire, l'un des
éléments du boc de constitutionnalité ».
1647 V. Décision n° 73-51 DC du 27
décembre 1973 (Loi de finances).
1648.V. Décision n° 81-132 DC du
16 janvier 1982 (Loi de nationalisation).
l'homme et du citoyen »
1649
. Ce qui précède est confirmé encore par le
Conseil constitutionnel
dans la décision Sécurité et
Liberté des 19 et 20 janvier 1981 où il rappelle qu'
« aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen, nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi
établie et promulguée antérieurement au délit et
légalement appliquée
1650
» .
B. Valeur constitutionnelle du Préambule de la
Constitution française.
306. Principes fondamentaux. En France, les principes
fondamentaux 1651 sont des principes dégagés, par le Conseil
constitutionnel, du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et
particulièrement de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789. Il s'agit notamment des principes de la légalité
des délits et des peines, de la liberté individuelle, de la
non-rétroactivité de la loi pénale plus
sévère et de la rétroactivité de la loi nouvelle
plus douce, de la nécessité de la proportionnalité des
peines, de la responsabilité personnelle ainsi que la
personnalité des peines. En procédure pénale, les
principes des droits de la défense, de l'inviolabilité du
domicile et de la présomption d'innocence sont des principes
fondamentaux
|
1652
|
, comme l'affirme le Conseil constitutionnel qui en a fait une
énumération
|
quasi exhaustive dans une décision capitale du 22 janvier
1999 relative à la Cour pénale
internationale
|
1653
|
. Donc, à l'occasion de la ratification du traité
portant statut de la Cour
|
405
pénale internationale signé à Rome le 18
juillet 1998 qui doit être précédée d'une
révision de la Constitution, le Conseil Constitutionnel français
a jugé que « considérant que l'article 66 affirme la
présomption d'innocence dont bénéficie toute personne
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
établie devant la Cour ; qu'il incombe au procureur de prouver la
culpabilité de l'accusé ; qu'en application de l'article 67,
celui-ci bénéficie de la garantie de "ne pas se voir imposer le
renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la réfutation" ;
que sont en
1649 W. Benessiano,
Légalité pénale et droits fondamentaux,
Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III,
Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n°
23, p. 30.
1650 V. Décision n° 80-127 DC des
19 et 20 janvier 1981, (Loi renforçant la sécurité et
protégeant la liberté des personnes) ; V. sur en ce sens: W.
Benessiano, Légalité pénale et droits
fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul
Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011,
Préface Guy Canivet, n° 23, p. 31.
1651 V. T. Meindl, La Notion De Droit
Fondamental Dans Les Jurisprudences Et Doctrines Constitutionnelles
Françaises Et Allemandes, Thèse de droit, L.G.D.J., 2003,
Préface de Dominique Rousseau.
1652 A. Beziz-Ayache, Dictionnaire de droit
pénal général et procédure pénale,
op. cit., p. 144.
1653 J. Pradel, « Les principes
constitutionnels du procès pénal », in Cahiers du
Conseil constitutionnel, n° 14 (Dossier : La justice dans la
constitution) - mai 2003.
1654
.
406
conséquence respectées les exigences qui
découlent de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen »
307. Bloc de constitutionnalité. Selon M.
Michel Lascombe l'apparition du contrôle de constitutionnalité a
conduit très logiquement à la naissance d'un « bloc de
constitutionnalité »
. Le
1655
regroupant l'ensemble des actes par rapport auxquels cette
constitutionnalité s'apprécie
Conseil constitutionnel a donc commencé à
apprécier la constitutionnalité des lois pénales en se
basant sur le contenu du « bloc de constitutionnalité ».
Cette expression a été forgée par le
doyen M. Louis Favoreu qui est considéré comme
son père putatif1656 . Selon M. Bernard Chantebout, communément
regroupées sous le nom de bloc de constitutionnalité, les normes
à valeur constitutionnelle par rapport auxquelles le Conseil
constitutionnel exerce son contrôle sur les lois et les traités,
comportent trois éléments : la Constitution de 1958, la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le
Préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l'environnement de
2004, auxquels le Préambule de la Constitution de 1958 se
réfère et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la
république et déclarés tels par
le Conseil constitutionnel.
1657
Ce dernier n'établit pas de hiérarchie entre les
principes à valeur
1658
constitutionnelle en fonction de leur origine.
308. Le Conseil constitutionnel garant de la
suprématie de bloc de constitutionnalité. La
suprématie du bloc de constitutionnalité sur les autres normes
est assurée par le contrôle de constitutionnalité de ces
dernières. Ce contrôle est exercé par le Conseil
constitutionnel, mais
et
1659
uniquement, jusqu'en 2008, à la demande des
personnalités habilitées à le saisir
seulement à condition qu'elles agissent dans le bref
délai qui sépare le vote définitif de la loi de sa
promulgation par le chef d'État. Depuis la révision de la
Constitution française de juillet 2008 et l'instauration de la question
prioritaire de constitutionnalité, la saisine du Conseil constitutionnel
est également ouverte aux justiciables qui, par voie d'exception,
invoquent l'inconstitutionnalité d'une loi qui leur est opposable. Mais
ils ne peuvent d'eux-mêmes saisir
1654 Décision n° 98-408 DC du 22
janvier 1999, § 21.
1655 M. Lascombe, Le Droit Constitutionnel
De La Ve République, L'harmattan, Paris, 2005, p. 339.
1656 V. sur le bloc de
constitutionnalité : Ch. Denizeau, Existe-t-il un bloc de
constitutionnalité ?, Mémoire de DEA Droit Public Interne,
Université Paris 2, 1996, L.G.D.J., Paris, 1997.
1657 B. Chantebout, Droit
constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey
Université, Paris, 2010, p. 597. 1658 B. Chantebout,
Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey
Université, Paris, 2010, p. 597.
1659 Le président de la
république, le premier ministre, les présidents des deux
assemblées, et soixante sénateurs.
le juge constitutionnel. Ce sont le Conseil d'État ou la
Cour de cassation qui le feront, s'ils
1660
jugent que leur requête a des chances de succès
.
407
309. Valeur constitutionnelle de l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme de 1978. Le Conseil
constitutionnel français confirme la valeur constitutionnelle du
principe de la légalité consacré par l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme de 1978 dans deux décisions,
une des 19 et 20 janvier 1981 1661 et l'autre du 11 octobre 1984 1662 . C'est
toutefois une décision du 17 janvier 1989, du Conseil supérieur
de l'audiovisuel, qui est la plus prometteuse. Outre que le Conseil y
prône l'application du principe de légalité à des
sanctions administratives - ce qui montre qu'il faut avoir une vision
compréhensive de son domaine -, il
1664
,
1663
en donne aussi une définition élargie: «
considérant qu'il résulte de ces dispositions
comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de
la République, qu'une peine ne peut être infligée
qu'à la condition que soient respectés le principe de
nécessité des peines, le principe des droits de la défense
». Donc on peut affirmer de nouveau que le principe de
1665
,
légalité criminelle est un principe à
valeur constitutionnelle dans le système pénal français
1660 B. Chantebout, Droit
constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey
Université, Paris, 2010, p. 599.
1661 Décision n° 802-127 DC des
19 et 20 janvier 1981, cons. n° 75: « 7. Considérant
qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen de 1789 nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi
établie et promulguée antérieurement au délit et
légalement appliquée ; qu'il en résulte la
nécessité pour le législateur de définir les
infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure
l'arbitraire ».
1662 Décision du Conseil
constitutionnel n° 84-181 DC du 10 octobre 1984: « 8.
Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines
soutiennent que les définitions ainsi énoncées
présentent un caractère extensif et imprécis ; que, par
suite, les dispositions pénales de la loi qui font
référence, directement ou indirectement, à ces notions
insuffisamment définies enfreignent le principe constitutionnel de la
légalité des délits et des peines proclamé par
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789 ; qu'en outre lesdites définitions permettent l'application de la
loi aux partis politiques en violation de l'article 4 de la Constitution ; que
les sénateurs auteurs de l'autre saisine reprennent ce dernier grief
à propos de l'article 21 de la loi » ; « 19.
Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines
font valoir que ni l'article 3 ni l'article 26 précités ne
définissent les éléments constitutifs de l'infraction de
prête-nom, notamment en ce qui concerne le domaine de l'interdiction, et
sont ainsi contraires au principe de la légalité des
délits et des peines proclamé par l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » ;
« 20. Considérant, d'une part, que les éléments
constitutifs de l'infraction ressortent des termes mêmes de l'article 3
dont il reviendrait aux juridictions compétentes de faire application
dans les espèces qui leur seraient soumises ; que, d'autre part, il
résulte nécessairement de la place de ces dispositions dans une
loi tendant à assurer la transparence financière des entreprises
de presse que l'interdiction de prête-nom visée par ces
dispositions ne concerne, sans préjudice de semblable interdiction en
d'autres matières, que les actes de prête-nom pouvant porter
atteinte aux règles de transparence financière intéressant
les entreprises de presse ; qu'ainsi les articles 3 et 26 de la loi ne sont pas
contraires à la Constitution »;
1663 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
n° 143, p. 52.
1664 Le Conseil visait ici les articles 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et 34 de la Constitution de 1958.
1665 V. F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 51,
p. 43 : « Associés à des garanties puisées dans
le bloc de constitutionnalité et dans la Convention européenne
des droits de l'homme, ils forment
408
ce qui nous conduit à admettre la valeur
constitutionnelle du principe de légalité de preuve en
matière pénale pour la même raison que celle
déjà indiquée en droit libanais.
Conclusion du chapitre II
310. Pour déterminer le champ d'application d'un
principe, il sera essentiel de déterminer sa force et sa valeur. La
question de la valeur juridique du principe paraît nécessaire
puisque le principe de la légalité de preuve est
controversé et encore d'application inefficace. On a essayé de
déterminer sa valeur juridique en droit libanais et français en
se référant aux fondements divers du principe de
légalité qui sont de nature constitutionnelle, nationale et
internationale conventionnelle. Ce chapitre propose une nouvelle contribution
à l'approche du principe de la légalité criminelle au
niveau de la preuve en matière criminelle. Cette approche rationnelle
commence par justifier l'existence du principe de la légalité
procédurale, ensuite celui de la légalité de preuve, car
il n'est pas logique d'évoquer la faiblesse dans l'application du
principe de la légalité de preuve avant de justifier ce principe
controversé. Une fois le principe justifié, la valeur juridique
de ce principe va déterminer le champ d'application dans le droit
interne français et libanais. Le principe de la légalité
criminelle englobe les divers aspects de la légalité criminelle,
c'est- à-dire le principe de la légalité
procédurale et de la légalité de la preuve pénale.
En droit libanais, le principe de la légalité criminelle doit
être considéré comme un principe fondamental dans le
système juridique puisqu'il revêt une valeur triple: valeur
législative, valeur supra-législative et valeur
constitutionnelle. En droit français, le principe de
légalité criminelle est consacré par la Constitution et
son Préambule, par le Code pénal et par la Convention
européenne des droits de l'homme. Ici, il faut mentionner que le
principe de la légalité procédurale est consacré
explicitement par la Constitution française. Le principe de la
légalité criminelle revêt en France une valeur
constitutionnelle, supra-législative et législative. De ce qui
précède, on peut affirmer que le principe de
légalité de preuve est un principe à valeur
constitutionnelle en droit libanais et français. Ce même principe
ayant une valeur supra-législative et législative en droit
libanais et français.
une théorie générale de la preuve en
matière pénale. Elle garantit une bonne administration de la
preuve. La sanction de cette obligation procède d'une autre
théorie générale, celle de la nullité des actes de
procédure ».
409
Titre II
Sanctions des preuves illégales et illicites dans
le
procès pénal
311. L'application de l'acte de procédure
pénale. La procédure pénale consiste en toute
procédure entamée afin que l'action publique puisse atteindre son
objectif, soit la découverte de la vérité dans
l'infraction commise et son attribution à l'accusé, à
travers le procès pénal. Normalement, l'application incorrecte
des procédures pénales lors de la recherche de la preuve
pénale rendra la preuve illégale et soumise à
l'application de sanctions. La plus importante de toutes les sanctions est la
nullité de la preuve pénale et son exclusion. La preuve
illégale ne sera pas prise en considération et ne produira pas
d'effets. Ces procédures sont diverses et varient au cours des
différentes étapes de l'action publique, soit durant les
étapes des investigations policières, d'enquête sur
l'infraction et la phase de jugement. Ces procédures doivent se
dérouler conformément au modèle prévu par le
législateur dans le Code de procédure pénale, tant en ce
qui concerne la forme qu'en ce qui concerne les conditions d'application. Mais,
en pratique ce n'est pas toujours le cas. Dans la présente étude,
nous nous focalisons sur les violations survenues lors de l'application des
procédures pénales relatives à la recherche de la preuve
pénale, car il y a certaines procédures pénales ordinaires
qui n'ont rien à voir avec l'identification et la recherche de la preuve
pénale. Il s'agit des procédures nommées par certains
non-essentielles, dites également organisationnelles, directives ou
réglementaires, n'ayant aucun rapport avec le respect de la
liberté des individus et rien à voir avec la preuve pénale
et qui sont hors de notre sujet. D'autre part, il se peut que l'obtention de la
preuve pénale soit contraire ou constitue une violation flagrante de
certains principes généraux qui protègent l'homme, ses
droits, sa personne, sa liberté et son intimité. Il est alors
nécessaire d'annuler cette preuve illégale qui a
été obtenue en violation de ces principes. Ici, il y a lieu de
dire que la preuve légale peut comporter des lacunes qui la rendent
illégale dans les différentes étapes de l'action
pénale. Autrement dit, la lacune peut toucher la preuve au cours de
l'investigation pénale ou lors de l'étape de l'enquête
préliminaire accomplie par la police judiciaire qui vise la recherche et
la collecte des preuves ou pendant la procédure devant le tribunal ou le
juge de fond dans la phase de jugement. Donc, la preuve peut comporter des
lacunes lors d'une étape d'enquête devant le juge d'instruction et
la chambre d'accusation
(droit libanais) ou chambre d'instruction (droit
français). De même, la preuve peut comporter une lacune qui rend
la preuve illégale lors de l'enquête définitive dans la
phase de jugement. D'où la nécessité d'étudier la
mise en oeuvre du principe de légalité dans l'obtention de la
preuve. Les procédures qui ne respectent pas le modèle
légal sont donc illégales, ça peut être le cas par
exemple d'une perquisition ou d'un interrogatoire qui se déroule de
façon non conforme aux exigences de la loi. L'illégalité
de l'obtention de la preuve peut aussi provenir d'une atteinte aux droits de la
défense contrairement au modèle de procès équitable
prévu par la loi.
312. Rapport entre application des procédures
pénales et la preuve pénale. Si la commission d'une
infraction appelle sa répression, les législateurs libanais et
français ont organisé pour y parvenir un ensemble de
règles, d'actes qui tendent vers la recherche et l'administration des
preuves, d'actions et d'habilitations pour procéder aux constatations
matérielles, aux investigations appropriées, à la tenue
des audiences. L'ensemble de ces aménagements constitue la
procédure pénale, et vise essentiellement à assurer la
légalité de la répression et à empêcher
l'arbitraire. La théorie de la preuve est indubitablement la base sur
laquelle s'articulent les règles des procédures pénales.
La recherche de la preuve n'est pas inséparable de la procédure
pénale, car elle constitue, en elle-même, un acte de
procédure visant la recherche de la preuve. Selon Mme Haritini
Matsopoulou, « dès lors que la loi indique selon quelle
manière il est permis de procéder à la recherche des
indices ou des éléments de preuve, se pose tout naturellement la
question de savoir quelles sanctions ont été prévues pour
le cas, sans doute exceptionnel, où les dispositions légales
auraient été
méconnues »
|
1666
|
. La non-conformité entre la procédure
réelle de recherche de la preuve et son
|
modèle défini par la loi sera
sanctionné
|
1667
|
. C'est ainsi que Mme Muriel Guerrin affirme que
«
|
1668
.
410
les nullités constituent donc une technique de
contrôle de la régularité des procédures et une
sanction de leur non-respect »
Le premier chapitre de ce titre porte sur la multiplication
des sanctions des preuves illégales. Le deuxième chapitre de ce
titre porte sur l'admission nuancée de la preuve illégale.
1666 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1019, p.
815.
1667 V. É. Vergès,
Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007,
n° 400, p. 253 : « La cause de la nullité de trouve dans
un vice procédural qui s'est produit lors de la réalisation de
l'acte ».
1668 M. Guerrin, « Nullités de
procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre
2005, n° 1, p. 2.
411
Chapitre I
La multiplication des sanctions des preuves
illégales
313. Le sort de la preuve illégale. Si nous
avons pu aboutir à un concept clair de la notion
d'illégalité de la preuve pénale ou de la preuve
illégale, il faut ajouter que toute preuve illégale ne doit pas
être exclue et considérée comme caduque, car il n'existe
pas de mécanisme juridique excluant automatiquement toute preuve
pénale illégale. Ainsi, il est nécessaire de chercher quel
sera le sort de la preuve pénale illégale en fonction de
l'application de la théorie de la nullité par la jurisprudence
libanaise et française et la position de la doctrine pénale sur
ce point. Cette recherche permettra d'appréhender de façon claire
le sort de la preuve pénale dans le procès, qui se traduira soit
par une acceptation totale ou partielle, soit par un rejet. Ceci reflète
l'importance de l'application du principe de légalité
pénale, mais aussi la défaillance des mécanismes
juridiques disponibles en droit libanais et français à garantir
la bonne application de ce principe du moins à un niveau permettant
d'affirmer qu'il garantit la préservation des droits des individus dans
l'action pénale, sans empêcher d'élucider efficacement les
infractions pénales. Pourtant, c'est ce que requiert, en pratique,
l'État de droit. En effet, on ne peut pas accepter l'idée d'un
État de droit qui négligerait les droits et libertés
individuels au profit de l'obtention illégale de preuves. Le Code de
procédure pénale a été rédigé
précisément pour régir la méthode d'obtention de la
preuve pénale dans le respect de certains droits des individus et toute
autre méthode reviendrait à consacrer un État de police
qui s'oppose complètement avec l'État de droit1669.
Dans l'État de police, tous les moyens sont bons pour l'obtention de la
preuve pénale sans égard aux droits fondamentaux
1669 V. A. Saad, La nullité de
l'acte d'instruction, Thèse de droit, Université Jean Moulin
(Lyon) et Université de Tunis, 2011. Spec. le résumé :
« La lecture des règles procédurales régissant
l'information judiciaire révèle qu'elles obéissent
à deux objectifs majeurs. Certaines règles entendent
protéger les intérêts des justiciables; d'autres, en
parallèle, tendent à garantir un véritable fonctionnement
de la justice et un bon déroulement du procès pénal. Elles
mettent respectivement la lumière sur le respect d'un certain formalisme
indispensable, dont l'inobservation doit être sanctionnée. En
clair, la nullité constitue une sanction nécessaire et un moyen
efficace contre les dérives et "l'arbitraire" de certains magistrats
instructeur afin de garantir le respect de certains principes d'ordre public et
préserver les droits élémentaires de la défense. La
nullité de l'acte d'instruction irrégulièrement accompli
présente une garantie procédurale fondamentale accordée
aux justiciables. La pratique judiciaire a mis l'accent sur les
inégalités des armes entre les autorités investigatrices
qui bénéficient de larges moyens pour remplir leur mission et les
justiciables qui subissent les résultats de preuves recueillies à
leur encontre; or la détermination des causes des nullités de
preuves est problématique non seulement au regard du domaine
étroit des nullités textuelles, mais aussi et surtout de la
nature incertaine des nullités substantielles. En fait,
l'efficacité des investigations doit nourrir l'intention de parvenir
à la vérité objective et elle ne doit pas répondre
à l'objectif d'une répression aveugle. ».
412
des individus, et cela serait le modèle effectif si
l'obtention de la preuve pénale se faisait au détriment du
respect du principe de légalité de la preuve.
314. La nullité et la légalité de la
preuve pénale. Quel est le rapport entre la nullité en tant
que système procédural et la légalité de la preuve
pénale ? La nullité est un outil juridique
pour contrôler la légalité des
procédures
|
1670
|
et la sanction du non-respect des formalités
|
imposées par la loi expressément ou reconnues
par la jurisprudence. M. Jean Pradel a bien exprimé le rapport entre la
nullité et la preuve qui est la sanction de la preuve illégale :
« que la preuve présentée soit irrecevable par sa nature
même ou qu'elle soit irrecevable par son mode d'administration, un
problème de sanction se pose. Partout existent des sanctions
disciplinaires et civiles et surtout procédurales. À ce dernier
point de vue, le plus intéressant et le seul qui nous retiendra,
l'idée est partout la même : on n'excluera la preuve qu'en cas
de
.
1671
faute grave ou assez grave. Cela étant, l'habillage
technique n'est pas toujours le même »
Il est bien connu que dans le procès pénal,
l'ensemble des actes et formalités qui concourent et visent aux constats
des infractions, à la recherche de leurs auteurs ainsi qu'à leur
répression est enserré dans un formalisme dont le
législateur a bien pris conscience de la nécessité afin
d'encadrer très précisément ces
procédures et d'éviter l'arbitraire 1672 . Les procédures
de recherche des preuves varient lors des différentes étapes
depuis la perpétration de l'infraction jusqu'au prononcé du
jugement pénal en passant par la phase de jugement, car la question de
nullité est soulevée à chaque occasion de
l'accomplissement d'un acte de procédure pénale visant à
la recherche des éléments de preuve pénale. Une question
relative à l'impact de la preuve issue d'une procédure nulle
vient à l'esprit. La théorie de nullité est l'une des
principales théories dans le domaine de la procédure
pénale, car son champ est vaste et ses applications multiples.
L'importance de la définition du rôle de la théorie de la
nullité consiste en la consécration du principe de
légalité procédurale, en général, et la
légalité de la preuve pénale, en particulier, en vue
d'établir un équilibre entre la lutte contre l'infraction et
1670 G. Clément, « L'appel voie
de nullité en procédure pénale », in R.S.C.,
1990, p. 260 : « Soucieuse des droits de la défense et des
libertés fondamentales de l'individu, notre procédure
pénale est dense en dispositions de détails qui ont pour but de
garantir une justice impartiale. Ces règles rassurantes mais aussi
contraignantes sont nécessaires et utiles. Leur efficacité n'est
toutefois assurée que si leur violation est susceptible d'être
sanctionnée par la nullité »
1671 J. Pradel, « La preuve en
procédure pénale comparée (Rapport général)
», in Revue internationale de droit pénal,
1er-2em trimestre1992, vol. 63, Actes du
Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur
International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25
janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 27.
1672 V. sur la légalité du
recueil des preuves par les enquêteurs : Y. Capdepon,
Essai d'une théorie générale des droits de la
défense, Thèse de droit, Université Montesquieu -
Bordeaux, 2011, n° 49, p. 13: « Les
enquêteurs sont tenus au respect des principes fondamentaux et des textes
notamment ceux qui organisent le respect de la vie privée ou encore les
droits de la défense ».
l'élucidation de ses auteurs, d'une part, et la
nécessité de garantir la mise en oeuvre de la
légalité procédurale, d'autre part, dans le but d'assurer
et garantir à toute personne le droit à un procès
équitable et juste dans les affaires pénales. La recherche des
preuves est susceptible
1673
d'être entachée d'irrégularités et
illégalités
que la loi sanctionne par les différentes causes
413
et catégories de nullités. A cet
effet, le législateur a organisé un ensemble de règles
qui
1674
constitue l'encadrement légal des nullités.
315. Définition de la nullité. La
plupart des législations ne s'étaient pas
intéressées à donner une définition précise
à la nullité. Or, du point de vue doctrinal, les
définitions sont variées. Elle a été définie
comme: l'une des formes de sanctions qui surviennent à la
procédure défaillante, c'est-à-dire à l'acte
procédural dans le cadre du procès pénal ou dans
l'étape précédente et préliminaire, qui est
l'étape d'investigation, lorsque cet acte manque de l'une de ses
composantes objectives ou est privé de ses conditions de forme. Il en
résulte sa nullité et l'empêchement des effets juridiques
qui auraient existé si l'acte de procédure avait
été justement accompli1675 . La nullité a
été également définie comme : une sanction
procédurale résultant de la non-considération des
dispositions de la loi relative à toute procédure substantielle.
Il est important que les dispositions relatives à la procédure
substantielle soient liées au contenu et à l'essence de la
procédure, ou à la forme dans laquelle elles sont
formulées. De même, il est important qu'elles soient incluses dans
le Code de procédure pénale ou dans le Code
pénal1676. Selon M. Dimitrios Giannoulopoulos, la
nullité est « la sanction qui s'attache aux actes
irréguliers de la procédure, autrement dit des actes
1677
. La
commis sans respecter les règles et les formes
fixées par la procédure pénale ... »
nullité est considérée par M. Ahmed Fathi
Srour comme un outil de contrôle judiciaire sur la
1673 Y. Capdepon, Essai d'une
théorie générale des droits de la défense,
Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n°
45, p. 13 : « l'administration de la preuve, notamment par
l'autorité publique, est soumise à un principe de
légalité soit par un formalisme particulier à un acte soit
à raison d'un principe général (respect de
l'intimité de la vie privée et des droits de la défense
par exemple). Cet encadrement s'est développé au fur et à
mesure de l'apparition de modalités nouvelles d'investigations
coercitives dans le cadre préliminaire... ».
1674 V. sur la nullité en droit
français : M. Guerrin, Les irrégularités de
procédure sanctionnées par la nullité dans la phase
préalable au jugement pénal, Thèse de droit,
Université Strasbourg III (Robert Schuman), 1999.
1675 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, p. 17.
1676 V. en langue arabe : A. Chawarbi,
Nullité pénale : Théorie de nullité,
nullité d'enquête, nullité du procès, nullité
du jugement, Maison de connaissance, Egypte, 1990, p. 24.
1677 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de
preuves pénales déloyales : une étude comparée des
droits américain, anglais, français et hellénique,
Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 226.
légalité de la procédure pénale.
Il ajoute que comme les procédures pénales sont la source des
preuves sur lesquelles le tribunal appuie sa conviction de condamnation, la
recevabilité de ces preuves est tributaire de la légalité
des procédures qui en résultent. Ainsi, la sanction de
nullité consiste à déclarer l'illégalité de
la preuve et la nullité de l'effet en résultant. Cette
nullité interviendra en cas de contradiction entre la procédure
et les garanties énumérées dans la Constitution et la loi,
faisant jouer à la nullité un rôle décisif dans la
protection constitutionnelle des droits et libertés 1678 . M. Ahmed
Chafii considère que la nullité est la sanction découlant
de toute procédure qui viole ou néglige la règle
substantielle dans la procédure, ce qui donne lieu à la
non-production d'effet juridique 1679 . La définition de nullité
comporte toute lacune ayant affecté toute procédure de l'action
publique, à compter de l'enquête préliminaire
effectuée par la police judiciaire, en passant par l'instruction
préparatoire jusqu'à l'enquête définitive accomplie
par le tribunal. La nullité est une description jurdique ou
légale touchant l'acte procédural en cas de sa violation du
modèle
légal décidé
|
1680
|
. La nullité est une sanction décidée et
prévue par la loi des procédures pénales
|
pour le non-respect de ses dispositions établies, pour
que sa considération ou son application permette d'atteindre la
vérité en réalisation de l'intérêt de
sanction et en assurance des garanties que les autorités s'engagent
à respecter vis-à-vis des parties en litige au regard des
libertés fondamentales et de l'intérêt des
parties en litiges 1681 . Selon M. Abdelhamid Chouarbi, la nullité est
une procédure arrangée par le législateur ou
décidée par le tribunal sans texte si l'acte procédural
est privé de l'une des conditions de forme requises pour sa justesse
conformément à la loi. Cette procédure conduit à
l'inefficacité de l'acte procédural et
1682
la perte de la valeur légale prévue dans le cas
de sa justesse . M. François Fourment considère que « la
nullité est la sanction de l'inobservation d'une condition de
validité d'un
acte juridique »
|
1683
|
. Nous avons tendance à définir la nullité
comme une sanction procédurale
|
414
visant le non-arrangement de l'effet juridique ordinaire
prévu par l'acte procédural, car l'acte
1678 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p.
531.
1679 V. en langue arabe : A Chafii, La
nullité dans le code de procédure pénale. Etude
comparative, 2e éd., maison Houma, Algérie, 2005,
p. 11.
1680 V. en langue arabe : Gh. Benmelha,
Le code judiciaire algérien, office des publications
universitaires, Algérie, 1995, p. 265.
1681 V. en langue arabe : M. Mohamed Hocini,
La nullité dans les articles pénaux, maison de
publications universitaires, Alexandrie (Égypte), 1993, p.
17
1682 V. en langue arabe : A. Chawarbi, La
nullité civile procédurale et du fond, Maison de la
connaissance, Alexandrie (Egypte), 1991, p. 9.
1683 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 80,
p. 61.
415
procédural réalisé sur cette base n'a pas
parachevé les conditions de sa justesse ou sa forme, sa formulation ou
la façon prévue par la loi.
La première section de ce chapitre porte sur
l'interaction des nullités des actes de procédure avec les
règles de l'exclusion de la preuve. La deuxième section de ce
chapitre porte sur les règles variables de la recevabilite de la preuve
en fonction de l'auteur de la preuve.
416
Section I
L'interaction des nullités des actes de
procédure avec les règles de l'exclusion de la
preuve
316. Efficacité du système de
nullité dans la garantie de l'application judicieuse du principe de
légalité de la preuve. Sans doute, le régime
juridique des nullités en matière pénale a
été établi dans le but d'assurer la
régularité du procès et notamment contribue à
assurer le respect des droits de la défense. C'est pourquoi
l'efficacité de la nullité en tant que sanction
procédurale des illégalités et irrégularités
commises participe indéniablement du contrôle de la
légalité des procédures pénales et va contribuer
à ce titre à l'application du principe de la
légalité de preuve pénale. Il est important de garantir
l'application effective de tout principe légal grâce à un
outil juridique efficace qui assure l'application pratique de façon
effective conforme à la valeur réelle du principe juridique et
son rôle en termes de protection des droits et libertés des
individus dans l'État de droit. D'où l'importance de lier le
système de nullité pénale au principe de la
légalité de preuve pénale. Les violations du principe de
légalité de la preuve oscillent entre les transgressions
relatives à la forme ou à l'exemple légal exigé par
le législateur lorsqu'on entame les procédures pénales. De
même, il y a des violations du principe de la légalité de
la preuve pénale chaque fois qu'il y a une violation des principes
dominants de la preuve pénale lors de la phase du jugement. Ces
principes dominants tournent autour de la nécessité d'introduire
la preuve dans une audience publique et de donner l'opportunité à
l'accusé de la débattre et de se justifier devant le tribunal,
car ceci constitue l'un de ses droits de défense et des principes du
procès équitable. Il existe d'autres violations du principe de
légalité de la preuve résultant du moyen de recherche de
la preuve qui enfreint la liberté de l'individu, sa
sécurité corporelle ou l'intimité de la vie privée
de l'accusé, du défendeur ou du suspect. Ceci donnera lieu
à l'évaluation de la théorie de nullité des
procédures pénales, considérées comme l'ossature de
nullité de la preuve pénale illégale. Cette
évaluation de la théorie de nullité au Liban et en France,
s'articule autour de l'étude du rôle joué par cette
théorie dans la mise en oeuvre du principe de légalité de
la preuve et de l'efficacité et des garanties attribuées par la
théorie de la nullité, afin que le principe de nullité de
la preuve puisse assumer le rôle qui lui est dévolu.
317. La nullité protège la
légalité de preuve. L'un des principaux outils juridiques
qui protègent le principe de la légalité de preuve
pénale et sanctionnent de façon procédurale toute
procédure illégale de recherche de la preuve pénale, est
la théorie de nullité. Il est important
417
de lier les règles de nullité et leurs
dispositions ainsi que l'avis de la doctrine et la jurisprudence au Liban et en
France avec le principe de légalité de la preuve pénale
afin de savoir à quel point le système de nullité en
vigueur constitue une application judicieuse et suffisante du principe de
légalité de la preuve pénale et si ce système de
nullité est suffisant pour garantir ce principe ou s'il a besoin
d'être optimisé afin que la légalité des preuves
atteigne son but qui est de conserver les droits des individus dans l'action
pénale et sans affaiblir l'efficacité de la sanction à
travers la collecte de preuves conformément à la loi. Par
ailleurs, la liaison du système de nullité avec le principe de
légalité de la preuve pénale nous invitera si
nécessaire à réfléchir à de nouveaux
mécanismes juridiques aidant la consécration effective du
principe de légalité de la preuve dans le cas où les
systèmes de nullité s'avèrent inutiles et incapables
d'aller de pair avec le principe de légalité de la preuve du
point de vue pratique. Ceci donnera lieu à la réflexion sur des
mécanismes autres que la nullité pour contribuer à
l'exclusion de la preuve illégale. Il s'agit ici de
l'illégalité en fonction de la façon dont la preuve a
été obtenue et non pas en fonction de sa justesse, de sa valeur
ou de sa force probante puisque leur appréciation est soumise à
la conviction du juge. A partir de là, il s'agira de l'exclusion de la
preuve pénale illégale du dossier sur lequel le juge mettra sa
main afin d'éviter toute opposition entre la liberté du juge dans
l'appréciation de la preuve où domine l'intime conviction du juge
et la règle d'exclusion de la preuve illégale. Ici, la principale
problématique qui s'impose est de savoir si le système de
nullité pénale au Liban et en France est à même
d'assurer efficacement la mise en oeuvre du principe de légalité
de la preuve pénale ou si nous avons besoin d'une méthode et
d'une technique juridique nouvelle évoluée pour assurer
l'application pratique effective du principe de légalité de la
preuve pénale. Concernant la nullité des moyens de preuve devant
la justice pénale, elles varient à cause de la prise en
considération du principe de liberté de la preuve pénale.
La loi donne au juge pénal toute la liberté d'apprécier la
valeur des preuves présentées dans le procès pénal,
son poids et la primauté des unes par rapport aux autres, en application
du principe de liberté de la preuve conformément à
l'intime conviction du juge sauf dans des cas exceptionnels limités. Or,
l'appréciation des moyens de preuve pose plusieurs problématiques
concernant les formalités et le contenu des moyens de preuve.
§ 1. Les règles variables de l'exclusion de
la preuve illégale en fonction de la détermination du type de
nullité.
318. Les catégories de la nullité dans la
procédure pénale. La doctrine pénale fait une
distinction traditionnelle entre les nullités textuelles qui sont celles
expressément prévues par
le législateur dans le Code de procédure
pénale et les nullités substantielles 1684 qui ne sont pas
expressément prévues par un texte, 1685 mais qui sont
destinées à sanctionner la violation des
règles touchant à l'ordre public
procédural
|
1686
|
ou aux droits de la défense
|
1687
|
. Il y a deux
|
418
théories qui régissent la théorie
procédurale de la nullité 1688 , en général, et
à travers ces deux théories et dans leur cadre, d'innombrables
doctrines pénales sont apparues dans les
législations procédurales pour déterminer
les cas de nullité 1689 . La politique législative en
1684 V. J.-P. Brouillaud, « Les
nullités de procédure : des procédures pénales et
civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec.
n° 3 : « Nullités d'ordre public, textuelles,
substantielles, automatiques ou subordonnées à la preuve d'un
grief, vices de fond, vices de forme... : les notions qui régissent les
différentes catégories de nullités sont nombreuses,
disparates, et utilisées de manière différente en
procédure civile et en procédure pénale... ».
1685 V. sur cette distinction en droit
français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des
nullités en matière pénale », in D., 2004,
p. 1265, v. spec. n° 2 :« la distinction entre nullités
textuelle et virtuelle est inutile, toutes les nullités concernant les
actes ou pièces de la phase préalable et nécessitant la
preuve d'un grief( Art. 170, 171 et 802 c. pr. pén.). L'art. 171 c. pr.
pén. est explicite en ce sens : il ne dissocie pas les deux types de
nullité, mais subordonne l'annulation à la qualité de la
règle violée, qui doit être substantielle,
d'intérêt privé ou d'ordre public ».
1686 V. sur l'importance de la distinction
entre nullités textuelles et nullités substantielles en droit
francais : D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales
déloyales : une étude comparée des droits
américain, anglais, français et hellénique,
Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 233 : «
... jusqu'à la réforme du régime des nullités avec
la loi du 24 août 1993, la distinction entre nullités textuelles
et nullités substantielles était significative. Les
premières étaient des nullités automatiques, alors que les
dernières étaient prononcées soit de manière
automatique, quand il y avait violation de formalités d'ordre public,
soit de manière non-automatique, quand il y avait violation de
formalités relative à l'intérêt privé, les
formalités relatives aux droits de la défense étant
traditionnellement considérées comme d'intérêt
prive. Or, après la loi du 24 août, la distinction entre
nullités textuelles et substantielles ne présente plus
d'intérêt. Le critère de la nullité prescrite ou non
prescrite n'a qu'une valeur académique ».
1687 V. C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 415, p. 276: « Il existe
plusieurs variétés de nullités qui se classent en
différentes catégories : nullités d'ordre public et
nullités d'ordre privée, typologie qui doit elle-même se
combiner avec la distinction entre nullités textuelles et substantielles
ou virtuelles. ».
1688 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 781, p. 715 : Les cas de nullités au point de vue
théorique : « Rationnellement, deux systèmes sont
concevables : celui des nullités textuelles en vertu duquel la loi qui
prévoit une formalité indique qu'elle est requise à peine
de nullité ; celui des nullités substantielles (ou virtuelles)
selon lequel la nullité peut être encourue, même si la loi
est muette, à la condition que l'irrégularité soit grave
ou ait nui à la défense. ».
1689 V. J.-P. Brouillaud, « Les
nullités de procédure : des procédures pénales et
civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec.
n° 6 : « La procédure pénale met en place une
division différente, en opposant les nullités
1690
. Le
419
termes d'organisation de la nullité de procédure
pénale révèle deux avis opposés premier concerne la
nullité textuelle ou légale, décidant qu'aucune
nullité de sanction n'est décidée sur la violation d'une
règle ou procédure sauf si la loi en fait mention explicite. La
deuxième théorie est celle des nullités dites
substantielles ou encore virtuelles, selon laquelle la nullité doit
être prononcée en cas de violation des règles
procédurales importantes uniquement ou substantielles, ce qui
tolère la violation des règles moins importantes ;
1691
autrement dit, il n'y a pas de nullité dans ce
cas-là. Cet avis s'appuie sur le fait que la nullité
substantielle (ou virtuelle) garantit une concordance entre l'importance de la
règle
1692
procédurale qui a été enfreinte et la
sanction de sa violation. Cette théorie (la nullité substantielle
ou virtuelle) s'articule autour du fait que la nullité doit
résulter uniquement de la violation de la règle
procédurale importante, ce qui signifie la restriction des cas de
nullité au cadre défini par le juge par rapport à la
violation de la règle ou de l'acte procédural substantiel. Il
sied de dire ici que la nullité de la preuve pénale, qui
constitue le rudiment de la procédure pénale, est
influencée par le type de théorie de la nullité
adopté par le législateur. Nous étudions la nullité
textuelle (A), puis la nullité substantielle (B).
A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité textuelle.
319. La violation sanctionnée par la nullité
textuelle. M. Henri Angevin considère que « les
nullités textuelles ou formelles sont celles qui sont
expressément prévues par un texte de loi...» 1693 . M.
Sulaiman Abdelmonim définit la nullité textuelle comme suit : il
n'y a pas de nullité sans texte juridique la décidant. C'est au
législateur lui-même et à personne d'autre de
décider de la nullité de l'acte procédural en fonction des
considérations constatées, et des
textuelles et substantielles, que nous pouvons regrouper
sous le terme de nullités d'intérêt privé, aux
nullités d'ordre public ».
1690 V. Sur Nullités textuelles et
nullités substantielles : H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p. 142 :
« Dans le domaine des nullités de procédure, on
distingue traditionnellement deux catégories de nullités: les
nullités textuelles et les nullités substantielles
».
1691 V. sur la distinction entre
nullité textuelle et nullités dites substantielles ou encore
virtuelles: J. Danet, « Brèves remarques sur la typologie et la
mise en oeuvre des nullités », in AJ Pénal, 2005,
p. 133 : « La distinction entre des nullités textuelles,
expressément visées par le code de procédure, et d'autres
qui ne le sont pas mais qui existeraient en puissance et sont donc virtuelles,
est née de la nécessité, relevée très
tôt par la jurisprudence, d'élargir le champ des annulations aux
formalités jugées substantielles même si elles n'ont pas
été prescrites par le législateur à peine de
nullité ».
1692 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
370, p. 338.
1693 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p.
143.
1694
objectifs visés à travers la procédure . La
nullité textuelle est également appelée la théorie
«
1695
pas de nullité sans texte ». Elle
prévoit que c'est le législateur qui détermine les cas de
nullité de façon explicite et claire sans ambiguïté.
Il n'entre pas dans les prérogatives du juge de décider la
nullité dans les cas autres que ceux décidés par le
législateur en exclusivité, quels que soient les circonstances ou
les faits. Cette théorie est soutenue par certains, car elle est
cohérente par rapport aux principes juridiques. Elle s'articule autour
du principe « pas de nullité sans texte », qui
constitue un exemple semblable de la règle de la légalité
criminelle en
droit pénal « pas de sanction sans loi
»
|
1696
|
. Parmi les caractéristiques de cette théorie, le
fait
|
qu'elle facilite, au préalable, la distinction entre
les procédures correctes et les procédures nulles. De même,
elle empêche les juges de monopoliser le sort de la procédure
illégale et élimine le pouvoir discrétionnaire du juge
dans l'appréciation de la nullité. La chambre criminelle de la
Cour de cassation libanaise a appliqué cette théorie de
nullité textuelle dans l'une de ses décisions anciennes, jugeant
que « parmi les principes établis le fait qu'il n'y a
1697
pas de nullité sans texte ».
L'idée de cette théorie de nullité textuelle consiste
à dire que c'est le législateur qui s'occupe de la
détermination des cas de nullité, et le juge n'a pas le droit de
décider la nullité en dehors de cas qui ont été
définis par le législateur.
320. Caractéristiques de la nullité
textuelle. La nullité textuelle signifie que c'est la loi, seule et
exclusive, qui s'occupe de déterminer les cas de nullité
préalablement, comme la sanction du non-respect des règles
procédurales qu'elle a imposées. Le juge n'a pas le droit de
décider la nullité sauf dans les cas prévus par la loi,
à titre limitatif, car son pouvoir est
restreint par la règle de « pas de
nullité sans texte»
|
1698
|
. Nous pensons que les nullités
|
420
textuelles empêchent toutes les possibilités
d'interprétation et d'appréciation du juge et donc
1694 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : Tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, pp. 46-47.
1695 V. J.-C. Soyer, Droit pénal
et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J.,
2012, n° 876, p. 386: « Dans certains cas, un texte
prévoit expressément la nullité de tel ou tel acte
irrégulièrement accompli. On parle alors de nullités
textuelles ».
1696 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 120.
1697 Décision de la chambre criminelle
de la Cour de cassation libanaise au Liban, décision n° 481 du
3/12/1964, publiée dans l'encyclopédie Samir Alia des
jurisprudences de cassation n° 304, p. 84.
1698 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : Tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Egypte, 1999, p. 43.
tout arbitraire possible de sa part
1699
. L'utilité de l'adoption de la
théorie de la nullité textuelle
est double. D'une part, elle permet d'éviter les
lacunes de l'adoption de la théorie de la nullité substantielle,
qui peut avoir pour effet de sanctionner n'importe quelle violation de forme ou
de procédure. Au contraire, la nullité textuelle les
possibilités de nullité aux cas jugés importants par le
législateur. D'autre part, elle permet d'éviter les lacunes de la
théorie de la nullité substantielle, en ne laissant au juge
aucune liberté d'appréciation, autrement dit, elle assure le
non-abus par les juges de leur pouvoir discrétionnaire, ce qui garantit
le respect du principe de légalité pénale.
321. La nullité textuelle nécessite une
législation rigoureuse. En dépit des avantages
précités, l'on reproche à cette théorie de la
nullité textuelle ce point faible : qu'elle suppose l'existence d'une
loi hautement rigoureuse et claire. La loi doit prendre en compte l'ensemble
des règles procédurales et formelles afin de déterminer
explicitement les règles importantes dont la violation nécessite
la nullité. Cela n'est pas évident, car l'importance de certaines
règles ne peut être perçue qu'à travers
l'application pratique, c'est ce qui ne pourrait être connu par le
législateur que par l'assistance des juristes pratiquant le
métier d'avocat et des juges répressifs ainsi que par des
études doctrinales. Autrement dit, le législateur se doit de
recourir à des personnes d'une haute compétence
spécialisées dans le domaine de la procédure
pénale.
322. Les conséquences de l'adoption de la
théorie de la nullité textuelle. D'abord, il ne suffit pas
d'une violation d'un texte de procédure pénale pour que la
nullité en résulte. Mais il faut que le législateur impose
cette sanction en cas de sa violation. Autrement dit, est interdit tout
jugement de nullité sans texte explicite décidant la
nullité de toute procédure lors du non-respect des règles
y afférentes. Deuxièmement, le juge n'a aucun pouvoir
discrétionnaire à cet égard, donc, il n'a pas à
décider la nullité tant que le législateur ne l'a pas
mentionnée. En d'autres termes, le juge n'est pas habilité
à s'abstenir de décider la nullité alors que le
législateur l'avait décidée
|
1700
|
. Cette théorie se caractérise par l'exactitude
et la détermination :
|
421
car elle ne donne lieu à aucune divergence d'opinions
concernant la justesse ou la nullité de la procédure. Le
législateur a exclu le pouvoir discrétionnaire y afférent.
Cependant, l'on reproche à cette théorie, selon M. Mahmoud Najib
Hosni et la majorité de la doctrine arabe,
1699 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 781, p. 715 : les nullités textuelles : « Le
premier système présente l'avantage que l'on sait à
l'avance ce que la loi considère comme essentiel, il exclut toute
interprétation du juge et donc tout arbitraire de sa part.
».
1700 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
371, p. 388.
l'impossibilité pour le législateur de
délimiter tous les cas qui nécessitent la nullité
1701
. Il serait
422
exagéré de dire qu'il est impossible pour le
législateur de délimiter les cas de nullité exposés
notamment à la lumière de l'existence de plusieurs études
se rapportant aux cas de nullité soulevés dans la doctrine
comparative, que ce soit en langue arabe ou française. Ce qui signifie
qu'il est devenu possible pour le législateur de délimiter tous
les cas de nullité et de déterminer au préalable
explicitement et clairement le sort de la procédure objet de violation
du modèle prévu par la loi que ce soit la nullité ou la
non-nullité sur la base des études juridiques dans ce domaine
dans les universités nationales, arabes et françaises. Cela
garantit le non-abus par le juge de son droit à l'appréciation de
la qualité de la procédure et sa substance met les parties du
procès au courant préalablement du sort de la procédure
qui enfreint le modèle prévu par la loi. Pour conclure, cette
théorie se caractérise par la privation du juge de son pouvoir
discrétionnaire dans le domaine de la nullité, en garantissant
ainsi son non-abus, et comporte une définition claire des cas de
nullité de la procédure, assurant ainsi le respect du principe de
la légalité procédurale.
323. Critique de la théorie de nullité
textuelle. La doctrine reproche à cette théorie de ne pas
toujours assurer la préservation totale des droits de défense. En
effet, elle repose sur la prévision préalable du
législateur des cas de nullité en dépit du fait qu'il est
impossible pour le législateur, malgré tous les efforts
consentis, de délimiter les cas de nullité en une liste
précise et exacte. Ici, nous pouvons constater que cette faille est
citée par la doctrine dans les livres et les ouvrages juridiques
libanais. De même, en France la doctrine utilise toujours le même
argument classique pour dire qu'il n'est pas possible de délimiter tous
les cas de nullités textuelles. Cet avis doit être critiqué
pour la simple raison que lorsque la doctrine disait que le législateur
ne pouvait pas prévoir ou décider au préalable tous les
cas de nullité, ceci était normal à l'époque de
l'apparition et l'émergence de la théorie de nullité.
Mais, après l'écoulement de nombreuses années sur les
études de nullité et d'application juridique, tous ces cas sont
devenus limités aux avis de la doctrine. Il est donc devenu facile
à tout législateur de collecter tous ces cas dans des textes
globaux.
1701 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
371, p. 389.
423
B. La position des législateurs libanais et
français vis-à-vis des théories de nullité
textuelle.
. Il
1702
324. Position du droit libanais des théories de
nullité. Le Code de procédure pénale libanais n'a pas
réservé un titre important à la théorie de
nullité des procédures pénales
n'a pas cité la nullité à titre limitatif
pour l'ensemble des instances et tribunaux libanais, même s'il l'a
abordé à travers ses différents textes, incitant ainsi
certains à dire qu'il y a une difficulté réelle
empêchant de savoir la position du législateur libanais
vis-à-vis des théories
1703
exposées à propos du sujet de la nullité
. M. Abdelkader Kahwaji estime que le législateur libanais n'a pas
établi dans le Code de procédure pénale libanais une
théorie générale de nullité. Il n'a pas
mentionné ces cas à titre limitatif, mais s'est contenté
de citer certains cas. Il a prévu que la violation d'une
procédure donnée mène à sa nullité, dans
d'autres cas, cette sanction est exclue malgré la violation de la loi,
et dans plusieurs cas, il n'a pas déterminé sa
position lors de la violation de la loi1704.
Toutefois, le Code de procédure pénale libanais n'a pas
inséré une théorie générale de la
nullité parmi ses articles et s'est contenté de consacrer la
nullité explicite de certaines violations procédurales, ce qui
laisse certains croire que le
. En fait, le Code de
1705
législateur libanais n'a pas adopté une
théorie précise de la nullité
procédure pénale libanais a établi des
textes explicites révélant l'existence de la théorie de la
nullité, même si ces textes sont éparpillés et non
inclus sous un même titre clair sur la nullité,
c'est-à-dire qu'on peut connaître la position du
législateur libanais indirectement, en voyant que sa position est
critiquée et non judicieuse, car il n'a pas déclaré
clairement quelle théorie il adoptait. De même, le Code de
procédure pénale libanais consacre la nullité
substantielle en attribuant au juge le pouvoir de décider la
nullité en cas de violation des procédures pénales
adoptées et jugées substantielles. Nous critiquons le
législateur libanais parce que le législateur doit viser
l'exactitude et la clarté dans l'établissement de la
législation afin de
1702 V. sur la situation de la théorie
des nullités pénales en droit français: P.
Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en
matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec.
n° 2 : « Le code de procédure pénale ne contient
aucune théorie approfondie des nullités » ... L'article
802 du CPP français « est confus et mal rédigé
».
1703 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 122.
1704 V. en langue arabe : A. Abdelkader
Kahwaji, Interprétation du code des procédures
pénales. Etude comparative, 1er éd.,
Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques
Halabi), Beyrouth (Liban), 2002, Vol. 2, p. 434.
1705 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 122.
424
faciliter l'application des lois et de les rendre claires et
non controversées en pratique. En dépit des textes clairs sur la
nullité dans l'étape d'enquête préliminaire et
l'instruction préparatoire et dans la phase de jugement, il
apparaît à la lecture minutieuse des textes de loi que le
législateur libanais n'a pas voulu se contenter dans le domaine de
nullité des textes clairs (qui reflètent les avantages de la
théorie de nullité textuelle), mais qu'il a voulu adopter la
théorie de nullité substantielle individuelle, à travers
des textes clairs qui traitent des violations des règles substantielles
procédurales survenues devant les tribunaux de première instance,
les tribunaux d'appel et les chambres d'accusation. Cela reflète
explicitement la volonté du législateur libanais d'adopter la
théorie de la nullité substantielle individuelle outre
1706
la théorie de la nullité textuelle en principe .
MM. Samir et Hayssam Aliya se basent
17071708
juridiquement sur les articles 230, 296
|
, et l'alinéa 2 de l'article 3061709 du Code
de CPP
|
libanais. Nous soutenons l'avis de MM. Samir et Hayssam Aliya
à ce propos. Ainsi, à travers la collecte des textes
consacrés à la nullité de façon explicite dans le
Code de procédure pénale libanais, et les textes relatifs au
manquement des juges d'instruction et des jugements des règles
substantielles, on peut dire que le Code de procédure pénale
libanais appuie explicitement la théorie globale de la nullité
sur la base de la théorie de la nullité textuelle et
de la théorie de la nullité substantielle 1710 .
Nous avons tendance à nommer cette théorie mixte des
nullités parce qu'elle englobe ces deux théories apparemment
opposées.
325. La nullité textuelle en droit français.
Quelles sont les causes de nullité textuelles en droit
français? L'article 802 du CPP français définit la cause
de nullité textuelle comme suit: «
1706 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 123.
1707 L'article 230 du CPP libanais dispose :
« Lorsque la Cour d'appel annule le jugement attaqué pour
non-respect de la loi ou violation des règles fondamentales de
procédure, elle évoque le fond et statue sur l'affaire
».
1708 L'alinéa D de l'article 296 du
CPP libanais dispose : « Les jugements rendus par les cours
criminelles sont susceptibles de cassation sur la base de l'un des moyens
suivants : omission de la procédure prévue sous sanction de
nullité ou violation des règles fondamentales de conduite des
débats ».
1709 L'alinéa 2 de l'article 306 du
CPP libanais dispose : « Exception faite du cas des décisions
rendues par des formations composées de manière non conforme
à la loi, et des décisions relatives à la
compétence et à l'extinction de l'action publique pour des
raisons de prescription, d'amnistie ou d'exception d'agir en justice pour la
force de l'autorité de la chose jugée, les pourvois formés
contre des décisions définitives de la chambre d'accusation ne
sont recevables qu'à condition qu'il existe une différence entre
la qualification juridique donnée aux faits par le juge d'instruction et
celle donnée par la chambre d'accusation, et qu'ils soient formés
sur la base d'un des moyens suivants : 2. Omission de la procédure
prévue sous sanction de nullité ou violation des règles
fondamentales d'instruction».
1710 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 123.
1711
violation des formes prescrites par la loi à peine de
nullité » . Il faut prendre en compte le
425
rôle important de la présence d'un grief pour
prononcer la nullité en droit français: « que la
nullité soit textuelle ou substantielle, son régime est identique
: elle est subordonnée à la
. La
1712
preuve d'un grief, sauf si les juges estiment que la
règle violée est d'ordre public »
notion de grief en matière de nullité n'est pas
claire et certains points d'obscurité existent: « il est
difficile de donner à la notion de grief un contenu tangible et elle se
confond souvent avec
la gravité de l'irrégularité en cause
»
1713
. La nullité textuelle est expressément
prévue par un texte, principalement par le Code de procédure
pénale. En droit français 1714 , il y a très peu de
nullités textuelles dans le Code de procédure
pénale 1715 . Il s'agit de dispositions techniques dont certaines sont
inspirées par le respect de la liberté individuelle ou encore de
l'intimité de
la vie privée 1716 . L'article 76 du CPP
français constitue la pierre angulaire des cas de nullités
textuelles 1717 : « l'article 76 du Code de procédure
pénale, complété par un alinéa
prévoyant
1711 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 82,
p. 62.
1712 M. Guerrin, « Nullités de
procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre
2005, n° 30, p. 6. 1713 M. Guerrin, «
Nullités de procédure », in Rép. pén.
Dalloz, octobre 2005, n° 16, p. 4.
1714 V. sur les nullités en droit
pénal français: F. Fourment, Procédure pénale,
14e édition, Larcier, 2013, n° 80, p. 61 :
« Le Code de procédure pénale ne réserve que
quelques dispositions aux nullités de procédure: essentiellement
les articles 802 et 170 et suivants. Alors que l'article 802 est
général à la théorie des nullités, les
articles 170 et suivants sont particuliers aux nullités soulevées
au cours de l'instruction ».
1715 V. sur les nullités textuelles en
droit français: H. Matsopoulou, Les enquêtes de police,
Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1213, p. 582 :
« Les nullités textuelles, rares dans notre matière
comme dans l'ensemble de la procédure pénale ... » ; H.
Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e
éd., LexisNexis, 2004, n° 330, p. 143: « Il ne reste donc
de nullités textuelles que celles qui sont expressément
édictées par quelques articles disséminés dans le
Code de procédure pénale : articles 59, étendant la
nullité aux articles 56, 56-1, 57, 95 et 96, 706-24, 706-24-1, 706-28 et
706-35 en matière de perquisitions et de saisies, 78-3, dernier
alinéa, en matière de rétention en vue de
vérification d'identité, 100-7, en matière d'interceptions
téléphoniques. Il faut y ajouter, depuis l'entrée en
vigueur de la loi du 15 juin 2000, l'article 80-1 tendant à restreindre
les mises en examen. La loi du 9 mars 2004 y a aussi ajouté les articles
706-81 et 706-83 en matière d'infiltrations et 706-92 et 706-93 en
matière de perquisitions ».
1716 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 403, p.
394.
1717 L'article 76 du CPP français
dispose: « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de
pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est
prévue à l'article 131-21 du Code pénal ne peuvent
être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne
chez laquelle l'opération a lieu. Cet assentiment doit faire l'objet
d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé
ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès
verbal ainsi que de son assentiment. Les dispositions prévues par les
articles 56 et 59 (premier alinéa) du présent Code sont
applicables. Si les nécessités de l'enquête relative
à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement
d'une durée égale ou supérieure à cinq ans
l'exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue
à l' article 131-21 du Code pénal le justifie, le juge des
libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut,
à la requête du procureur de la République, décider,
par une décision écrite et motivée, que les
opérations prévues au présent article seront
effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. A
peine de nullité, la décision du juge des libertés et de
la détention précise la qualification de l'infraction dont la
preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels ces
opérations peuvent être effectuées ; cette décision
est motivée par référence aux éléments de
fait et de droit justifiant que ces opérations
dans certains cas, en enquête préliminaire,
la possibilité de procéder à une perquisition sans
l'assentiment de l'intéressé, mais avec l'autorisation du juge
des libertés et de la détention, crée deux nullités
textuelles : la première sanctionne expressément le défaut
de motivation de la décision du magistrat, la seconde les
détournements de procédure si c'est, en réalité,
une autre infraction que celle mentionnée dans la décision du
juge que les enquêteurs avaient
pour objectif de constater »
|
1718
|
. Il existe encore d'autres cas de nullité
textuelle qui ont été
|
426
introduits par le législateur français en 2004
qui a institué de nouvelles nullités textuelles, pour la plupart
applicables à la criminalité organisée. En matière
d'infiltration, les articles
706-81 du CPP français
|
17191720 1721
, 706-83et 706-92
|
1722
et 706-93
|
du CPP français imposent la
|
sanction de la nullité en cas de détournement de
procédure. L'article 706-95 prévoit que la nullité
textuelle de l'article 100-7 est étendue aux écoutes
téléphoniques, désormais exceptionnellement
autorisées au stade de l'enquête. L'article 495-14 du CPP
français prescrit à peine de nullité la rédaction
d'un procès-verbal en matière de comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité 1723 .
Dans les nullités textuelles, comme le souligne M.
sont nécessaires. Les opérations sont
effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a
autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au
respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent,
à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la
constatation des infractions visées dans la décision du juge des
libertés et de la détention ou la saisie des biens dont la
confiscation est prévue à l'article 131-21 du Code pénal.
Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des
infractions autres que celles visées dans la décision ne
constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes
».
1718 M. Guerrin, « Nullités de
procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre
2005, n° 29, p. 6.
1719 L'article 707-81 du CPP français
dispose : « L'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de
police judiciaire spécialement habilité dans des conditions
fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un
officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération,
à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un
délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de
leurs coauteurs, complices ou receleurs. L'officier ou l'agent de police
judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une
identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes
mentionnés à l'article 706-82. A peine de nullité, ces
actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions
».
1720 L'article 706-83 du CPP français
dispose: « A peine de nullité, l'autorisation donnée en
application de l'article 706-81 est délivrée par écrit et
doit être spécialement motivée ».
1721 L'article 706-92 du CPP français
dispose: «A peine de nullité, les autorisations prévues
par les articles 706-89 à 706-91 sont données pour des
perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance
écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve
est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites,
perquisitions et saisies peuvent être faites ; cette ordonnance, qui
n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence
aux éléments de fait et de droit justifiant que ces
opérations sont nécessaires. Les opérations sont faites
sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se
déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions
légales ».
1722 L'article 706-93 du CPP français
dispose: «Les opérations prévues aux articles 706-89
à 706-91 ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre
objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la
décision du juge des libertés et de la détention ou du
juge d'instruction. Le fait que ces opérations révèlent
des infractions autres que celles visées dans la décision du juge
des libertés et de la détention ou du juge d'instruction ne
constitue pas une cause de nullité des procédures incidents
».
1723 L'article 495-14 du CPP français
dispose : « A peine de nullité de la procédure, il est
dressé procès-verbal des formalités accomplies en
application des articles 495-8 à 495-13. Lorsque la personne n'a pas
accepté la ou
Henri Angevin « il ne faudrait toutefois pas croire que
la méconnaissance de l'une des
1724
dispositions précitées oblige le juge à
prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché »
.
427
C. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité substantielle.
326. La nullité substantielle, une théorie
instituée par la doctrine et la jurisprudence française.
Selon M. Henri Angevin « ni la loi ni la jurisprudence ne donnent
de définition des nullités substantielles. On s'accorde
généralement à considérer comme telles, ce qui est
bien vague, celles qui, bien que non expressément édictées
par un texte (c'est pourquoi on les
.
1725
qualifie aussi de virtuelles), sanctionnent l'inobservation
d'une formalité substantielle »
La délimitation des cas de nullité par le
législateur a eu pour effet d'empêcher de prononcer la
nullité de certaines irrégularités de procédures au
cours de l'enquête qui auraient mérité
l'annulation, mais qui ne faisaient pas partie des cas
prévus par la loi. 1726 . C'est cela qui a incité la doctrine et
la jurisprudence française à chercher un moyen de couvrir
l'ensemble des cas de nullité qui pourraient toucher les
procédures pénales. C'est ce qui a donné lieu à
l'apparition de la théorie de nullité substantielle. La
nullité substantielle est une nullité adoptée par la
jurisprudence en tant que sanction résultant des violations dangereuses
des procédures, en dépit du fait que la loi ne l'a pas
mentionnée explicitement. Les atteintes aux règles
procédurales résultent soit de la négligence ou de la
violation des formes essentielles et substantielles, soit de l'exercice des
droits de l'action publique, ou de l'exercice des droits de défense.
Contrairement à la nullité textuelle, la nullité
substantielle se caractérise par l'attribution du pouvoir
discrétionnaire au juge dans la décision de la nullité, de
statuer, même si la loi ne la mentionne pas explicitement, en cas de
violation d'une règle ou substantielle
1727.
dans les procédures
les peines proposées ou lorsque le président
du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui
n'a pas homologué la proposition du procureur de la République,
le procès-verbal ne peut être transmis à la juridiction
d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties
ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations
faites ou des documents remis au cours de la procédure ».
1724 H. Angevin, La pratique de la
chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n°
330, p. 143. 1725 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p.
143.
1726 V. sur les nullités
substantielles : J. Pradel, Procédure pénale,
17e éd., Cujas, 2013, n° 781, p. 715 : «
Mais le second a pour lui l'avantage à la fois de pallier les lacunes
éventuelles d'une liste légale des nullités indispensables
et surtout d'apporter une grande souplesse en une matière où,
très souvent, il n'y aurait que des inconvénients à
annuler des actes porteurs d'irrégularités n'ayant fait grief
à personne. ».
1727 V. J.-C. Soyer, Droit pénal
et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J.,
2012, n° 876, p. 386 : « Dans d'autres cas, le texte ne
prévoit pas de nullité, mais les exigences qu'il énonce
paraissent essentielles, c'est-à-dire d'une importance telle que leur
irrespect n'est pas acceptable. On parle alors de nullités virtuelles,
ou plus
327. Théorie de la nullité substantielle.
Conformément à cette théorie, M. Raouf Obayd affirme
que la décision de nullité d'une procédure donnée
ne dépend pas forcément d'un texte de loi qui décide sa
nullité, mais que le juge a le pouvoir discrétionnaire de
décider la nullité de la procédure défaillante ou
illégale si elle porte sur le non-respect ou l'inobservance de
règles substantielles, plus particulièrement sur tout ce qui
concerne l'atteinte à la liberté individuelle et la violation des
droits de défense. Elle est également dite la nullité
essentielle
ou individuelle par la doctrine arabe
|
1728
|
. En outre, elle est appelée par M. Sulaiman
|
428
Abdelmoniim la nullité menaçante, car elle
constitue un outil de menace utilisé par le juge en vue de respecter les
formalités prévues et les règles des procédures. La
nullité, au sens de cette théorie de nullité, est
sélective: les règles procédurales n'ont pas toutes le
même degré d'importance. Elle distingue plutôt d'une part,
entre ce qui est substantiel et nécessite que la jurisprudence statue
par la nullité, et d'autre part, entre ce qui n'est pas substantiel et
dont la jurisprudence s'abstient alors de statuer la nullité 1729 .
Cette théorie de nullité substantielle s'articule autour du fait
qu'il n'est pas toujours indispensable ou nécessaire, pour
décider la nullité, que le texte la cite explicitement. Donc, les
juges peuvent décider la nullité lors d'une violation ou de
l'inobservation des règles procédurales substantielles outre les
cas stipulés explicitement par le législateur. Ce principe vise
à la reconnaissance au juge, par le législateur, du pouvoir
discrétionnaire dans la détermination des règles dont la
violation nécessite la nullité, et sa distinction des autres
règles dont la violation ne nécessite pas la nullité. Le
législateur établit une norme abstraite sur laquelle le juge peut
se baser dans cette distinction. Cependant, l'application de cette norme exige
un critère permettant au juge de détecter soigneusement la
règle substantielle, et sur la base duquel il peut distinguer entre la
règle substantielle et la règle non substantielle. Un tel
critère doit être objectif vu la
1730
divergence des avis de la doctrine et les solutions juridiques
. La théorie de la nullité substantielle se caractérise
par la flexibilité et la mesure de la sanction sur la base de
l'importance de la règle et l'ampleur de la violation et la
reconnaissance du pouvoir
évocatoirement de nullités substantielles.
Leur existence est consacrée par un texte général (art.
171 CPP). Les causes de nullité sont donc nombreuses. Néanmoins,
la nullité ne s'ensuit qu'assez rarement. Cela tient à sa mise en
oeuvre. ».
1728 V. en langue arabe : R. Obayd,
Problèmes scientifiques importants dans les procédures
pénales, Dar Al-Fikir Al-Arabi (Maison de la pensée arabe),
le Caire (Egypte), 1973, p. 365.
1729 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, p. 49.
1730 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1988,
n° 372, p. 339.
discrétionnaire, ce qui constitue une preuve de
confiance en la jurisprudence. Quant à la faille de cette
théorie, il s'agit de la difficulté de distinction entre les
règles substantielles et les
1731
règles non substantielles
. Dans la doctrine française, M. Édouard Verny
souligne que « la
reconnaissance des cas de nullité conduit à
distinguer les nullités textuelles d'une part qui sont par
définition prévues expressément par la loi et les
nullités substantielles d'autre part
1732
. M.
dont le principe est consacré par la loi et qui
sont dégagées par la jurisprudence »
Édouard Verny constate que parmi les
caractéristiques de la théorie de nullités substantielles
se trouve « la possibilité offerte au juge de sanctionner des
irrégularités graves par une nullité qui n'est pourtant
pas en l'occurrence expressément prévue par la loi apporte en
la
matière une certaine souplesse »
|
1733
|
. À son tour, M. Étienne Vergès trouve
que
|
traditionnellement on a recours à la distinction entre
nullités textuelles et substantielles « on distingue
traditionnellement les nullités textuelles, qui sont prévus par
un texte spécial, et les nullités substantielles, qui ne sont pas
prévues par un texte, mais sanctionnent la violation
1734
.
d'une formalité substantielle de la
procédure »
328. Causes de nullité substantielles ou virtuelles
en droit français. M. Édouard Verny souligne que «
les nullités substantielles, dites aussi virtuelles, sont
annoncées par l'article
171 du Code de procédure pénale
...»
|
1735
|
. Pour savoir ce qu'est une nullité substantielle ou
|
429
virtuelle, il faut faire application à la fois de
l'article 802 du Code de procédure pénale, qui décrit
cette nullité comme l'inobservation des formalités
substantielles, et de l'article 171 du même Code, qui précise que
lesdites formalités doivent être « prévues par une
disposition du présent Code ou toute autre disposition de
procédure pénale ». On ne retrouve nulle part dans le
Code de procédure pénale d'exemple formel de nullités
substantielles, comme c'est le cas pour les nullités textuelles 1736 .
On doit donc examiner les formalités, qu'elles soient prévues par
le Code de procédure pénale ou par toute autre disposition de
procédure pénale, et tenter
1731 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
372, p.339.
1732 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 380, p.
216. 1733 É. Verny, Procédure pénale,
3e éd., Dalloz, 2012, n° 382, pp. 216-217.
1734 É. Vergès, Procédure
pénale, 2e éd., Litec, 2007, n° 401, p. 253.
1735 É. Verny, Procédure pénale,
3e éd., Dalloz, 2012, n° 382, p. 216.
1736 V. M. Guerrin, « Les principales
causes de nullité de l'audience pénale », in AJ
Pénal, 2008, p. 181 : « la règle violée
à l'audience est généralement qualifiée par la Cour
de cassation de substantielle - ou d'ordre public - sans qu'il soit besoin de
démontrer un grief subi par les parties » et « c'est le juge
qui analyse la règle violée et décide, selon l'atteinte
portée d'une part, selon le caractère substantiel ou non de la
règle d'autre part, s'il faut annuler ou valider la procédure
».
de rechercher leur caractère substantiel ou fondamental
1737
. M. Édouard Verny résume les
conditions requises en droit français pour
entraîner la nullité « pour qu'une
irrégularité entraîne la nullité de l'acte, il faut
d'une part qu'elle corresponde à une hypothèse de nullité
et d'autre part qu'elle fasse grief à celui qui l'invoque ou encore
qu'elle relève de l'ordre
1738
public ».
329. Position du législateur libanais
vis-à-vis des théories de nullité substantielle. Bien
que le législateur libanais ait prévu la sanction de
nullité en cas de transgression de certaines règles
procédurales et ait exclu la nullité pour les autres cas, il ne
s'est pas prononcé sur sa position dans certains autres cas, dont la
formule utilisée comporte l'importance d'accomplir la procédure
requise, ou l'abstention d'accomplir une certaine procédure, ou la
détermination d'un délai minimal ou maximal pour accomplir la
procédure. Il faut s'interroger sur l'impact de ce fait sur la
procédure, par rapport à sa nullité. Parmi les expressions
révélatrices de ce fait, on peut remarquer que le
législateur libanais utilise les termes « il faut »
mentionné dans les articles 42, 27, 35 et 107 alinéa 2,131
et 194 du CPP libanais. Le législateur libanais utilise le terme
« doit » qui porte en principe le sens de « la
personne doit » dans les articles 8, 16,
28, 31, 32, 36 et 37 du CPP libanais
|
1739
|
. Parmi les exemples révélateurs de l'abstention
d'un
|
acte, les termes « ne s'applique pas » dans
l'article 20, les termes « n'est pas accepté » dans
l'article 27, les termes « il n'a pas le droit » dans les
articles 34 alinéa 4 et 44 alinéa 2 et 50 alinéa 2 et 100
et 305, et les termes « il n'est pas permis » dans les
articles 33 alinéa 5 et 52 et 84 alinéa 2 et 102 alinéa 3,
108 et 152 dernier alinéa et 213, 219, 243 E alinéa 3 du CPP
libanais. Parmi les exemples des délais minimum et maximum dont la
sanction due à son inobservation, on cite les articles 32 alinéa
2, 42 et 47 alinéa 3 clause 4, 69 et 78, alinéa 2, 82,
alinéa 2, 83, 86 alinéa 3, 107, 108, 121 alinéa 1, 136,
149, 152 alinéa 2, 156 alinéa 2, 157,
244, 272 alinéa 2 du CPP libanais
|
1740
|
. M. Samir Aliya estime qu'en dépit du silence du
|
430
législateur libanais quant à la nullité
ou la non nullité comme sanction procédurale dans les cas
cités et qui n'ont fait l'objet d'aucune mention dans le Code de
procédure pénale libanais,
1737 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 83,
p. 62 : « Contrairement à ce qui est le cas pour les
nullités textuelles, aucune disposition du Code de procédure
pénale ne donne donc d'exemple formel de ces nullités
substantielles. Pour les formalités prévues au Code de
procédure pénale, il faut donc s'interroger,
matériellement, sur leur caractère substantiel,
c'est-à-dire fondamental. ».
1738 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 379, p.
216.
1739 S. Alye et H. Alye, La
théorie générale de la procédure pénale et
les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise
Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p.
128.
1740 S. Alye et H. Alye, La
théorie générale de la procédure pénale et
les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise
Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p.
129.
431
le législateur libanais a laissé, quand
même, à la doctrine et à la jurisprudence la
détermination du degré de violation de la règle
substantielle qui peut entraîner la nullité, ou au contraire
d'estimer qu'il s'agit d'une règle d'orientation ou directive qui n'est
pas sanctionnée par la nullité. M. Samir Alya s'appuie dans son
avis sur le fait que le législateur libanais a adopté la
théorie de la nullité globale de la théorie de
nullité textuelle avec la nullité substantielle. Lorsque la loi
prévoit clairement la nullité, elle doit être
appliquée, mais en cas de silence quant à la sanction, il faut
s'en remettre à l'appréciation de la doctrine et la jurisprudence
pour
1741
.
savoir si la règle procédurale qui a
été enfreinte, était de nature substantielle ou
directive
La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a
statué que dès que la règle procédurale est
substantielle, sa violation conduit à sa nullité, même si
le texte du Code de procédure pénale ne le précise pas,
puisque le critère consiste en la nature de la procédure et
1742
son rapport aux règles substantielles . Comment
déterminer si la règle est substantielle ? Selon Mme Fawzi
Abdel-Sattar, la règle procédurale est substantielle si son but
consiste à atteindre un intérêt général ou
l'intérêt de l'une des parties dans le procès pénal,
ou si elle se rapporte aux droits de défense et aux libertés des
individus. Au contraire, la règle n'est pas considérée
comme substantielle si son but consiste à orienter ou guider les
instances chargées de l'investigation, la poursuite, l'enquête et
le procès vu la nécessité d'organiser le
1743
.
fonctionnement de la justice procédurale
330. Les critères de nullité substantielle.
La problématique posée ici est : quelles sont les
dispositions substantielles dont la violation exige la nullité ? La
réponse n'est pas du tout simple, mais plutôt très
délicate. Effectivement, il existe de nombreuses normes
préconisées par la doctrine pénale, mais elles ne sont pas
toutes rigoureuses. Pour décider la nullité, on a besoin d'une
norme rigoureuse afin d'ancrer les droits et les garanties substantielles et
sans donner au juge un trop grand pouvoir. En somme, il n'existe pas de norme,
ni critère rigoureux pour déterminer les critères de
nullité substantielle. Cependant, la doctrine a tenté
d'établir des normes ou critères pour déterminer des
procédures substantielles. Mais quel est le critère permettant de
distinguer la règle substantielle de la règle non substantielle ?
Autrement dit, quel est le critère de distinction entre les
procédures substantielles, dont la violation conduit à la
décision de sa nullité et les procédures non
substantielles, dont la
1741 S. Alye et H. Alye, La
théorie générale de la procédure pénale et
les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise
Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p.
129.
1742 Cassation pénale libanaise
n° 48, datée du 9/03/1953, et l'ordonnance n° 52 du 12/03/1953
et l'ordonnance n°135 du 11/05/1953, encyclopédie de Samir
Aliya/jurisprudence de la Cour de cassation, n° 306, p. 85.
1743 F. Abdel-Sattar,
Interprétation du Code de procédure pénale
libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe),
Beyrouth, 1975, n° 35, p. 34.
432
violation n'a aucun effet ? La doctrine a établi trois
normes ou critères de distinction entre les règles substantielles
et non substantielles.
331. Premièrement : la norme du but
derrière l'acte procédural. Il s'agit là du fait que
si le but derrière l'acte n'est pas atteint, cet acte est alors nul et
n'a pas d'effet juridique. Et si le but de l'acte est atteint, il sera alors
juste et produira des effets juridiques. En d'autres termes, la nullité
affecte toute procédure dont le but n'a pas été atteint.
Or, il n'y a pas de nullité en cas de procédures qui ne visent
pas à atteindre un objectif, telles que les procédures
organisationnelles ou ordinatrices qui visent à servir d'autres
procédures plus importantes et suprêmes.
332. Deuxièmement : la norme
d'intérêt général. La règle
procédurale, selon cette norme, est substantielle si elle se rapporte
à l'intérêt général, ou si elle assure le bon
fonctionnement du système juridique. Les règles
procédurales relatives à l'intérêt
général ou d'ordre public sont: 1-Les règles qui assurent
les garanties de liberté individuelle de l'accusé se basant sur
le principe selon lequel l'accusé est présumé innocent, le
principe de la présomption d'innocence. 2-Les règles relatives
à la supervision de l'autorité judiciaire sur les
procédures pénales visant au respect de la liberté
individuelle de l'accusé, parce que ces règles revêtent la
qualité d'autorité judiciaire sur le système
procédural.
333. Troisièmement : la norme des droits de
défense. Toute violation d'une règle
1744
procédurale qui protège les droits de
défense doit être sanctionnée par la nullité. Donc,
la nullité est imposée à toute procédure qui porte
atteinte à l'un des droits de défense ou constitue un
affaiblissement des droits de la défense. En général, les
normes précédentes sont intégrées à
l'ensemble quant à la décision de la nullité d'un acte
procédural parce qu'il n'est pas possible d'adopter une norme parmi
celles-ci et la considérer seule suffisante pour ancrer la
théorie la nullité. Il convient de signaler que ces normes
interfèrent entre elles, c'est-à-dire que la règle
procédurale peut exprimer dans ses dispositions ces trois normes
à la foi. D'autre part, ces normes ne semblent pas rigoureuses et
absolues, car il n'y a pas de détermination législative y
afférente, la doctrine et la jurisprudence ne sont pas parvenues
à lui trouver une
1744 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 782, p. 716 : « Sur la base de l'ancienne jurisprudence
et de ces textes, on distingue aujourd'hui deux sortes de nullités
substantielles : 1° celles qui tiennent à la méconnaissance
des principes touchant à l'ordre public et qui doivent être
relevées même s'il n'y a pas atteinte aux droits de la
défense ; 2° celles qui portent atteinte aux droits de la
défense. Le nouvel article 171 ne paraît rien changer sur ce plan.
».
433
définition ou détermination globale exhaustive
par rapport à l'ordre public ou aux droits de défense.
334. Les avantages de la théorie de la
nullité substantielle. Cette théorie se caractérise
par sa flexibilité, en ne déterminant pas les causes de
nullité à l'avance. C'est au juge d'évaluer le rapport
entre l'ampleur de la violation et l'intérêt général
au lieu qu'il soit mesuré en fonction de textes figés qui ne
permettraient peut-être pas l'annulation de certaines procédures
pourtant entachées de faille grave, mais qui ne sont pas
mentionnées dans la loi1745 . Elle assure donc la protection
suffisante des règles procédurales en laissant à la
jurisprudence la liberté d'apprécier l'opportunité de la
nullité. Elle a également pour effet d'empêcher que des
coupables échappent à la sanction uniquement parce que la
violation de la procédure ne concernerait pas une règle de
procédure substantielle et ne puisse par conséquent pas
être
1746
sanctionnée par une annulation.
335. Les inconvénients de la théorie de
nullité substantielle. En général, les dangers de
cette théorie consistent en sa flexibilité excessive, car il
n'est pas souhaitable de laisser la décision du sort d'un acte
procédural dont pourrait dépendre le résultat du
procès à l'appréciation absolue du juge et à sa
volonté seule sans aucun critère stable et objectif. Le fait de
laisser la détermination des cas de nullité au juge amène
la situation à l'incertitude, par conséquent, sa violation
à la garantie substantielle dans l'une des actions devient relative, et
dans d'autres cas, devient sans effet. Si la sanction procédurale est
incertaine, cela porte atteinte au principe de légalité qui
impose la certitude. Cela porte également atteinte au principe
d'égalité entre les parties dans le procès, puisque la
nullité peut profiter à certains et pas à d'autres dans
des conditions de fait semblables, ce qui fait reposer une lourde
. De
1747
responsabilité sur les épaules de la Cour de
cassation pour contrôler les cas de nullités
même, en droit français, cette théorie
présente les mêmes inconvénients parce que «
les
1745 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., Maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p.
536.
1746 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, p. 49.
1747 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., Maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p.
536.
nullités substantielles ne sont pas définies
par le Code ou par la jurisprudence. C'est donc la
1748.
Cour de cassation qui les relève au fil des
arrêts »
§ 2. Les règles variables de l'exclusion de
la preuve illégale en fonction de la détermination de la nature
de nullité.
336. Les types de nullité. Des divisions
multiples ont été données à la nullité, mais
celle-là plus importante selon la jurisprudence et la doctrine reste la
répartition de la nullité entre une nullité absolue ou
liée à l'ordre public, et une nullité relative ou
liée aux intérêts des
parties 1749 . D'ailleurs, la question de la distinction entre
les deux types de nullité reste d'une grande importance, en raison de la
modification des dispositions et des effets de chaque type
de nullité conformément au changement de la
description qui lui est attribuée
|
1750
|
. Cette
|
434
division a une importance essentielle dans le domaine pratique
en raison de ses conséquences dans le procès pénal en
termes de résultats et d'effets.
A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité absolue.
337. Notion de nullité absolue ou d'ordre public.
En France, la nullité substantielle d'ordre public trouve sa source
dans la jurisprudence, elle est la conséquence d'une
consécration
1751
jurisprudentielle. En droit français, les nullités
d'ordre public se divisent en deux
1748 É. Vergès,
Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007,
n° 401, p. 253.
1749 V. J.-P. Brouillaud, « Les
nullités de procédure : des procédures pénales et
civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec.
n° 6 : « La caractéristique essentielle de ces
nullités d'ordre public est leur automaticité : lorsque le juge
constate la violation d'une règle qu'il estime être d'ordre
public, il annule immédiatement et sans autre considération
l'acte vicié. L'examen de la jurisprudence montre que ces
nullités correspondent à des règles d'intérêt
général, concernant la bonne marche de la justice ».
1750 V. sur la distinction entre
nullités d'ordre public et nullités d'intérêt
privé en droit français: M. Guerrin, « Les changements
opérés par la loi relative à la présomption
d'innocence sur les nullités de procédure dans la phase
préalable au jugement pénal », in R.S.C., 2000, p.
753 : « Aussi bien, à côté des nullités
d'ordre public avec présomption irréfragable de grief qui ne
recouvrent en pratique que la méconnaissance des règles de
compétence, on trouve des nullités d'intérêt
privé qui regroupent les nullités textuelles pour lesquelles la
preuve du grief est nécessaire, les nullités substantielles avec
grief et, pour finir, les nullités substantielles avec
présomption simple de grief, pour lesquelles le demandeur n'a pas
à prouver le préjudice par lui subi, dans la mesure où la
haute juridiction considère que la violation porte «
nécessairement » atteinte aux intérêts du
requérant. C'est là, par exemple, le contentieux de
l'authentification des actes de procédure, de la notification de ses
droits au gardé à vue ou des mises en examen tardives
».
1751 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88,
p. 64 : « la source de ces nullités d'ordre public est
jurisprudentielle. ».
catégories « par nullité d'ordre
public, la jurisprudence entend d'une part les nullités d'ordre public
au sens strict, d'autre part les nullités assimilées aux
nullités d'ordre public. Les nullités d'ordre public au sens
strict ont trait aux violations des dispositions concernant la
compétence des juridictions, leur organisation et composition, les
formes et délais des voies
de recours, notamment »
|
1752
|
et « dans la catégorie des nullités
assimilées aux nullités d'ordre
|
public, on range les garanties de procédure dont la
violation cause une atteinte aux droits de
la défense »
|
1753
|
. Selon la doctrine libanaise et arabe, il s'agit de la
nullité liée à l'ordre public.
|
435
En effet, c'est une décision prise non seulement en
tant que pénalité pour la violation d'une règle
procédurale fondamentale ou substantielle, mais également en tant
que sanction pour la violation d'une règle procédurale
substantielle liée à l'ordre public1754, ou en
d'autres termes une règle qui vise à réaliser
l'intérêt général bien qu'elle conduise à la
réalisation des intérêts des justiciables1755.
La doctrine libanaise et arabe utilise le terme de la nullité absolue
dans le cas où cette nullité est attachée à l'ordre
public ; tandis que dans le cas où elle s'attache aux
intérêts des justiciables eux-mêmes, elle est
considérée et nommée en tant qu'une nullité
relative. Le terme nullité absolue signifie que cette nullité
n'accepte pas de correction, il incombe donc au tribunal de la juger de
lui-même c'est-à-dire d'office, même sans la demande des
justiciables. Cela signifie également que ces derniers peuvent la
soulever à n'importe quelle étape de la procédure,
même pour la première fois devant la Cour de
1756
cassation.
338. Les caractéristiques de la nullité
absolue. La nullité absolue peut être invoquée par
toute partie intéressée. En plus, le tribunal compétent
doit de lui-même invoquer ou soulever d'office la nullité. En
outre, il est permis de soulever la nullité absolue dans n'importe
quelle étape du procès, même pour la première fois
devant la Cour de cassation. Également, le tribunal peut juger la
nullité absolue de lui-même c'est-à-dire le juge peut
prononcer d'office la nullité, même si les parties au
procès ne l'ont pas demandée. La nullité absolue peut
également être demandée même en l'absence
d'intérêt. Enfin, la nullité absolue n'accepte pas la
correction avec l'accord explicite ou implicite du justiciable. En droit
français,
1752 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88,
p. 64. 1753 F. Fourment, Procédure pénale,
14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64.
1754 V. en langue arabe : J. Sarwat,
Procédure pénale, Maison de la nouvelle
université, Alexandria, (Egypte), 2003, p. 528.
1755 V. en langue arabe : F. Abdel-Sattar,
Interprétation du code de procédure pénale
libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe),
Beyrouth, 1991-1992, p. 48.
1756 V. en langue arabe : O. Saiid Ramadan,
Les principes de la procédure pénale, Dar Al-Nahda
al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1993, p.
43.
1757
l'exigence d'un grief n'est indispensable pour prononcer la
nullité« la loi subordonne en outre le prononcé de la
nullité à l'existence d'un grief pour celui qui dénonce
l'irrégularité. Cette exigence correspond aux nullités
d'ordre privé tandis que le grief n'a pas à être
1758
.
démontré lorsque l'irrégularité
est telle que la nullité devient d'ordre public »
339. La nullité absolue et la nullité
liée à l'ordre public. En droit français, on ne
trouve pas un texte dans la loi qui présente une définition de la
nullité d'ordre public, parce que « la notion même est le
résultat d'une construction jurisprudentielle dont il est malaisé
de dégager
des critères objectifs »
|
1759
|
. La juriprudence de la chambre criminelle de la Cour de
Cassation
|
française ne propose pas non plus de définition
précise de la notion de nullité d'ordre public parce que
« peu nombreux sont les arrêts qui s'y réfèrent
explicitement. La plupart ne le font
1760
qu'implicitement, soit en écartant expressément
l'application de l'article 802, soit en
relevant d'office la nullité
|
1761
|
, soit encore, et c'est le cas le plus fréquent, en
la prononçant
|
436
sans caractériser l'atteinte aux
intérêts de la partie concernée, ce qui permet d'en
déduire
1762
que la nullité a été estimée
d'ordre public ». Certains interprètes du droit
considérant que la nullité absolue est un type de nullité
ont choisi de la fonder sur l'idée d'ordre public. En effet, la
nullité absolue et la nullité liée à l'ordre public
s'expliquent mutuellement en raison leurs conséquences face à la
violation des règles et des procédures liées à
l'ordre public que le
1757 V. M. Guerrin, « Les principales
causes de nullité de l'audience pénale », in AJ
Pénal, 2008, p. 181 : « la Chambre criminelle ne distingue
plus selon que la nullité est textuelle ou substantielle, mais selon
qu'elle est d'ordre public ou d'intérêt privé, ne
sanctionnant dans ce dernier cas que lorsque l'irrégularité a
porté atteinte aux droits de la défense, conformément
à l'article 802 du code de procédure pénale
».
1758 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 383, p.
217.
1759 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333,
pp. 144-145.
1760 V. Cass crim., 27 septembre 1984.,
B.C., n° 275: « La seule circonstance que
l'inculpé est détenu ne constitue pas une impossibilité
d'assister à une perquisition opérée à son domicile
alors que cette présence est prescrite par l'article 95 du Code de
procédure pénale et que ce n'est qu'en cas d'impossibilité
que les dispositions subsidiaires prévues par l'alinéa 2 de
l'article 57 du même code peuvent être appliquées. La
nullité encourue porte atteinte aux intérêts de
l'inculpé et l'article 802 dudit Code lui est étranger »
; V. Cass crim., 14 octobre 2003, B.C., n° 187, p. 773:
« Les dispositions de l'article 77-1 du Code de procédure
pénale sont édictées dans l'intérêt d'une
bonne administration de la justice, leur méconnaissance est constitutive
d'une nullité à laquelle les dispositions de l'article 802 du
Code de procédure pénale sont étrangères
».
1761 V. Cass. crim., 23 juin 1987, B.C.,
n° 260, p. 705: « Ne sont pas conformes aux exigences de
l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, la plainte avec constitution de
partie civile et le réquisitoire introductif qui ne qualifient pas
précisément les faits incriminés et qui ne visent pas le
texte de loi applicable à cette qualification Il n'importe que
l'arrêt attaqué ait retenu à l'encontre de l'inculpé
le délit de diffamation publique prévu et réprimé
par les articles 23, 29 et 32 de la loi sur la liberté de la presse ; la
chambre d'accusation n'avait d'autre pouvoir que de constater la nullité
de la plainte, du réquisitoire et celle des actes subséquents
laquelle nullité, étant d'ordre public, doit être
soulevée d'office, tant par les juges que par la Cour de cassation
».
1762 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p.
145.
1763
législateur a prescrites dans le but de protéger
l'intérêt public. Cependant, les intérêts publics et
les intérêts particuliers sont en symbiose dans le cadre de
l'ordre des procédures pénales, et par conséquent il n'est
pas possible de considérer que l'ordre public n'est pas en relation avec
la nullité que le législateur a prescrite pour
l'intérêt particulier, ou encore
négliger l'intérêt particulier en parlant
de l'intérêt public
|
1764
|
. En effet, la protection de l'ordre
|
437
public peut être atteinte grâce à la
protection des intérêts particuliers, étant donné
que la nullité absolue n'accepte pas la correction, et qu'il n'est pas
nécessaire d'émettre un jugement d'annulation d'un travail
procédural invalide d'une nullité absolue, du fait que ce travail
n'a pas d'existence réglementaire malgré son existence
matérielle. Quant à la distinction de la nullité en
nullité absolue ou relative, elle est courante dans le cadre du droit
civil. En outre, l'application de cette division dans le cadre de l'ordre
procédural conduit à des résultats qui n'ont aucun lien
avec l'idée de la nullité du travail procédural. Autrement
dit, la nullité absolue signifie la nullité du travail
lui-même. Par contre, le jugement du juge par la nullité
.
1765
vise essentiellement à révéler et à
rapporter le vice qu'a encouru la procédure
340. La norme de la distinction de la nullité
absolue. Selon M. Henri Angevin « si l'on tente de la
définir (nullité d'ordre public) par son contraire, la
nullité d'ordre privé étant cette qui a été
instituée pour protéger l'intérêt particulier d'une
partie, laquelle peut renoncer à son prévaloir (art 172 CPP
français), la nullité d'ordre public sanctionne la violation d'un
règle procédurale imposée dans l'intérêt
général, dans celui d'une bonne administration de la justice .
Nul ne peut y renoncer et celle doit être prononcée d'office comme
le commande
.
17661767
l'article 206 (CPP français) ». La
nullité absolue est la nullité liée à l'ordre
public
1763 V. en langue arabe : E. Ghali Dahabi,
Procédure pénale dans la législation
égyptienne, 2e éd., Librairie Gharib, 1990, Le
Caire (Égypte), p. 777 ; F. Abdel-Sattar, Interprétation du
code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia
(Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1986, p. 35.
1764 V. critique sur la distinction entre
l'ordre public et l'intérêt privé en droit français
: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités
en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec.
n° 10 : « Le système gouvernant les nullités de
l'information conduit à un paradoxe : les autorités en charge de
faire respecter la loi peuvent impunément la violer en raison de la
distinction artificielle opérée entre l'ordre public et
l'intérêt privé ».
1765 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, pp. 90-92.
1766 H. Angevin, La pratique de la
chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n°
333, p. 145 ; V. sur la nullité d'ordre public qui sanctionne la
violation d'un règle procédurale imposée pour une bonne
administration de la justice : Cass. crim., 14 octobre 2003, B.C.,
n° 187, p. 773: « Les dispositions de l'article 77-1 du Code
de procédure pénale sont édictées dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice, leur
méconnaissance est constitutive d'une nullité à laquelle
les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale
sont étrangères ».
Certains juristes ont déduit une norme pour la
distinction entre la nullité relative et la nullité absolue. En
effet, la norme qui permet cette distinction se base sur le type
d'intérêt que
protège la règle procédurale
|
1768
|
. Si l'intérêt est public, la nullité
résultant de sa violation est
|
438
donc absolue. Par contre, si l'intérêt est
particulier, la nullité résultant de sa violation est donc
relative. D'un autre côté, et d'après l'avis de M. Mahmoud
Najib Hosni, cette norme « reste à étudier
», étant donné que l'intérêt public et
celui des justiciables sont souvent en symbiose dans les procédures
pénales. Autrement dit, les règles indiquées en tant
qu'exemples clairs et solides des règles procédurales
protégeant l'intérêt public, notamment les règles de
la compétence spécifique et la présence d'un
défenseur ou d'un avocat avec l'accusé devant le tribunal
pénal, protègent en vérité en même temps
l'intérêt de l'accusé d'avoir un procès
équitable. En outre, les règles qui sont indiquées en tant
qu'exemples qui protègent l'intérêt de l'accusé,
c'est-à-dire l'intérêt particulier, tels que les
règles relatives à l'interrogatoire, l'arrestation et la
détention provisoire, intéressent également
l'intérêt public qui est touché par la perte des droits de
la défense ou l'abolition de la présomption d'innocence. M.
Mahmoud Najib Housni croit que la norme réelle pour la distinction entre
les deux types, absolu et relatif, de la nullité réside dans
l'importance de l'intérêt que protège la règle
procédurale et non pas son type, et précisant que le juge du fond
est celui qui est en charge de déterminer l'importance de cette
règle. En effet, la violation d'une règle qui protège
l'intérêt dont le juge a déterminé l'importance a
pour conséquence la nullité absolue, sans aucune distinction
entre un intérêt public dans le but de l'organisation de la
justice et sa bonne marche, ou un intérêt important en faveur de
l'accusé ou tout autre justiciable. Généralement, il est
donc considéré que les règles relatives à la
formation de la magistrature, son mandat et sa compétence qualitative et
spatiale, la description du déclenchement du procès, les
restrictions de ce déclenchement, les cas de la non-compétence du
juge de se prononcer sur le procès, les droits fondamentaux de la
défense, la présomption de l'innocence et la garantie de
la dignité humaine de l'accusé sont des règles
importantes, dont la violation donne lieu à nullité absolue.
Enfin, il est bien clair que les règles peuvent s'attacher soit aux
procédures de l'enquête
.
1769
préliminaire et de l'instruction préparatoire, soit
aux procédures de la phase de jugement
1767 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
382, p. 348.
1768 V. J.-P. Brouillaud, « Les
nullités de procédure : des procédures pénales et
civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec.
n° 6 : « il est impossible d'établir un critère
unique et fiable de qualification, de telle sorte que les juges disposent d'un
très large pouvoir d'appréciation pour décider quels sont
les cas de nullités d'ordre public ».
1769 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
383, pp. 348-349.
341. Notion de l'ordre public. Il n'y a pas de
critère précis pour définir minutieusement les
caractéristiques de l'ordre public, ou encore une limitation de ses cas.
Par conséquent, la jurisprudence a un rôle important dans la
définition des caractéristiques de cette nullité absolue.
L'idée de l'ordre public est l'une des idées courantes dans la
plupart des législations et aussi dans la plupart des branches du droit,
puisqu'elle a une grande importance dans la détermination des
règles de l'ordre juridique. Bien que cette idée se
caractérise par l'abstraction, l'aspect public et la flexibilité,
certains ont essayé de définir l'ordre public dans le cadre des
procédures pénales. En effet, certains ont
considéré l'ordre public comme celui qui a pour but la bonne
gestion ou la bonne conduite de la justice, telle que les règles de
l'organisation juridique, les règles de la compétence et les
règles qui doivent être prises en compte pour réaliser le
but des travaux procéduraux 1770 . D'autres ont vu que l'idée de
l'ordre public fait partie des intérêts primordiaux de la
société, d'où la nécessité de lui donner la
priorité au détriment de l'intérêt personnel
particulier en cas de contradiction et d'opposition 1771 . Quant à M.
Awad Mohammed Awad, il voit que la norme déterminante du degré de
liaison de la nullité avec l'ordre public est la capacité du
droit protégé par la règle procédurale d'accepter
la renonciation. Autrement dit, si le droit protégé ne
permet pas la renonciation, la nullité est donc liée à
l'ordre public, et vice versa 1772 . En droit français, M. Henri Angevin
énumère les cas de nullité d'ordre public selon la chambre
criminelle de la Cour de cassation française : « Parmi les
nullités déclarées d'ordre public, on peut citer celles
qui sanctionnent la méconnaissance des règles relatives à
l'organisation et à la composition des juridictions
»1773. Sont aussi
sanctionnés par des nullités d'ordre public les atteintes aux
« règles de compétence répressive
»
|
1774
|
ainsi que « l'usage de stratagèmes portant
atteinte au
|
1775
.
439
principe de la loyauté des preuves »
1770 V. en langue arabe : A. Mohamed Awad,
Les principes généraux de la procédure
pénale, Dar el matbouaat el gameya (Maison de publications
universitaires), Alexandria (Egypte), 1999, p. 567.
1771 V. en langue arabe : B. Jilali,
L'enquête, étude comparative théorique et pratique,
1er éd., office national des travaux éducatifs,
Algérie, 1999, p. 250.
1772 V. en langue arabe : A. Mohamed Awad,
Les principes généraux de la procédure
pénale, Dar el matbouaat el gameya (Maison de publications
universitaires), Alexandria (Egypte), 1999, p. 580.
1773 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p.
145.
1774 H. Angevin, La pratique de la
chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n°
333, p. 145 ; V. Cass. crim., 6 aout 1977, B.C., n° 276, p. 691 :
« En matière répressive, la compétence est une
question d'ordre public que toute partie a le droit de soulever » ;
V. Cass. crim., 15 février 2000, B.C., n° 70, p. 193:
« Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations,
d'où il ressort que les fautes dont les prévenus, agents du
service public hospitalier, ont été déclarés
responsables ne peuvent être considérées comme
détachables de leurs fonctions, et alors que l'exception
d'incompétence, touchant à l'ordre public, peut être
opposée en tout état de la procédure, la cour d'appel a
méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé
» ;V. Cass. crim., 6 janvier 2004, B C., n° 1, p. 1:
« Lorsque la chambre de l'instruction, saisie directement d'une
demande d'actes, faute par le juge
440
B. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité relative.
342. Notion de nullité relative ou nullités
d'ordre privé. Selon la doctrine arabe, la notion de nullité
relative signifie que le tribunal ne peut pas la juger de lui-même, mais
il faut qu'elle soit soulevée par les justiciables. Il est
également permis à celui pour lequel la nullité a
été jugée de renoncer à son droit de la soulever.
La renonciation à la présentation de la nullité peut
être explicite ou implicite. En outre, il n'est pas permis que la
nullité décidée en faveur des justiciables soit
décidée sans l'attachement du justiciable à cette
nullité devant le tribunal de première instance. En effet, il
n'est pas permis de la présenter pour la première fois devant la
Cour de cassation, car cela nécessite une enquête
spécialisée sur le fond du sujet. La Cour de cassation est un
tribunal de droit et non pas un tribunal du fond1776, elle examine
en droit, mais non en fait, c'est une juridiction chargée de
dire seulement le droit. Dans le cas où le justiciable évoque la
nullité, le tribunal sera donc obligé de répondre à
cette demande de nullité, car c'est une présentation
substantielle. En l'absence de réponse, le jugement sera
défectueux par manque de motivation 1777 . Il est possible de
définir logiquement la nullité
d'instruction d'avoir statué dans le délai
légal, ordonne un supplément d'information et
délègue un juge pour y procéder, celle-ci évoque
nécessairement l'affaire dans sa totalité. Encourt la censure
l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse d'évoquer et de
procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204
et 205 du Code de procédure pénale, alors qu'elle a
décidé de prescrire l'accomplissement des actes
sollicités, ordonné, à cette fin, un supplément
d'information et commis un magistrat de la cour d'appel pour y procéder
» ; V. Cass. crim., 6 janvier 2004, B C., n° 2, p. 4:
« Lorsque la chambre de l'instruction, après infirmation d'une
ordonnance du juge d'instruction, ordonne un supplément d'information et
délègue un juge pour y procéder, celle-ci évoque
nécessairement l'affaire dans sa totalité. Encourt la censure
l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse d'évoquer et de
procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204
et 205 du Code de procédure pénale, alors quelle a
décidé de prescrire l'accomplissement des actes
sollicités, ordonné, à cette fin, un supplément
d'information et commis un magistrat de la cour d'appel pour y procéder
».
1775 H. Angevin, La pratique de la
chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n°
333, p. 145 ; V. Cass. crim., 27 février 1996, B.C., n°
93, p. 273: « Dès lors qu'il résulte des
énonciations des juges que l'interpellation d'une personne,
suspectée de trafic d'influence, a procédé d'une
machination de nature à déterminer ses agissements
délictueux et que, par ce stratagème, qui a vicié la
recherche et l'établissement de la vérité, il a
été porté atteinte au principe de la loyauté des
preuves, la chambre d'accusation est fondée à prononcer la
nullité de la procédure subséquente » ; V. Cass.
crim., 16 décembre 1997, B.C., n° 427, p. 1402: «
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, après avoir
précédemment constaté que le policier agissait dans
l'exercice de ses fonctions, et, alors que l'accord, au demeurant
hypothétique, du magistrat instructeur n'était pas de nature
à retirer au procédé son caractère illicite, la
chambre d'accusation, qui aurait dû apprécier la validité
de la transcription de l'enregistrement et des actes ou partie d'actes s'y
référant au regard du principe ci-dessus énoncé,
n'a pas justifié sa décision ».
1776 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 92.
1777 V. en langue arabe : R. Obayd, Les
principes de la procédure pénale, 17e éd.,
Dar al Jill, Le Caire (Egypte), 1989, p. 437.
relative comme toute nullité qui n'est pas absolue. M.
Mahmoud Najib Housni, définit la
1778
nullité relative comme la nullité qui n'est pas
liée à l'ordre public
. Cependant, cette
441
définition reste limitée, ambiguë et ne
décrit pas la vérité du concept de la nullité
relative. En outre, certains considèrent la nullité relative
comme la nullité donnée aux procédures contraires à
une règle protégeant un intérêt, dont la justice
estime qu'elle n'est pas assez importante pour justifier la nullité
absolue. Il est préférable de considérer la nullité
relative comme une nullité qui arrive à cause d'une violation
d'une règle procédurale dont le but est de réaliser un
intérêt fondamental pour l'une des parties du procès, sans
que cet intérêt équivaille à l'importance de celui
considéré d'ordre public selon le législateur. Parmi les
caractéristiques de la nullité relative en comparaison avec la
nullité absolue, se trouve l'obligation de soulever la nullité
relative devant le tribunal ou le juge du fond, comme il n'est pas permis non
plus de soulever la nullité relative pour la première fois devant
la Cour de cassation. En outre, il est interdit au tribunal de l'invoquer de
lui-même d'office sans la demande de l'une des parties du procès
pénal de prononcer explicitement la nullité de la
procédure. En outre, il n'est pas permis de soulever la demande de la
nullité relative sauf de la part du justiciable qui a un
intérêt direct dans l'annulation de la procédure. La
nullité relative, elle, signifie que le tribunal ne peut pas la juger de
lui-même, mais il faut qu'elle soit demandée par les justiciables,
et il revient à celui pour lequel la nullité a été
jugée de renoncer à son droit de s'en tenir. À signaler
que la renonciation à la nullité relative peut être
explicite ou implicite. M. Solayman Abdol Miniim affirme que comme elle doit
être demandée en première instance et ne peut pas
être présentée pour la première fois devant la Cour
de cassation, le fait de ne pas l'invoquer en
1779
.
première instance constitue une renonciation tacite
à la nullité
343. Le critère de distinction entre la
nullité absolue et la nullité relative. La jurisprudence a
essayé de déterminer un critère afin de distinguer entre
la nullité absolue et la nullité relative. Certains ont
cherché dans le type de l'intérêt et son degré
d'importance, tandis que d'autres ont choisi de déterminer le concept de
l'ordre public en le considérant en tant que critère distinctif
entre les deux types de nullité.
344. Le critère de l'intérêt. Ce
critère signifie que si la procédure vise la protection de
l'intérêt particulier des parties du procès pénal,
la procédure est donc substantielle. Quant aux
1778 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
385, p. 350.
1779 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 92.
442
procédures qui visent seulement à guider et
à diriger la bonne organisation du déroulement du dossier
pénal, elles ne sont pas considérées comme indispensables.
Une partie de la jurisprudence a choisi de déterminer le type de
nullité qui suit la règle procédurale violée selon
le type d'intérêt protégé ou voulu par cette
règle. En d'autres termes, si cet intérêt est particulier,
la nullité qui émane de sa violation est une nullité
relative, et reste à la justice le pouvoir d'évaluer si la
procédure fondamentale contraire influe sur l'intérêt
particulier des parties du procès pénal. Par conséquent,
il émane du préjudice qui a touché à cet
intérêt une nullité relative. Cette partie de la doctrine a
cherché à se concentrer sur le type de l'intérêt
alors qu'une autre partie de la doctrine considère que cela n'est pas un
critère déterminant pour la distinction entre les deux
nullités, mais plutôt pour l'importance de l'intérêt
protégé. En effet, la nullité absolue provient de la
violation de toute règle procédurale que le juge considère
viser un intérêt important, sans prendre en compte que cet
intérêt soit public (tels que les restrictions du
déclenchement du procès pénal et les cas de
non-compétence du juge de prononcer sur le procès) ou que cet
intérêt particulier important est relatif à l'accusé
ou à l'un des justiciables (tels que le droit de défense ou la
présomption de l'innocence). Par conséquent, tous les autres
intérêts dont le juge estime que leur importance ne se compare pas
avec les intérêts publics et particuliers
précédents, la violation des règles qui décident
ces intérêts ne provoque que la nullité relative. Il est
donc clair que cette partie ne distingue pas entre l'intérêt
lié à l'individu ou à la société, mais
plutôt au degré d'importance de cet intérêt. En
effet, quand l'importance est grande, la nullité est absolue. Par
contre, si cette importance est minime ou futile, la nullité est donc
relative.
345. L'idée des normes. Une partie de la
doctrine croit que le critère précédent ne suffit pas,
d'où le choix de l'idée des normes, qui se résume comme
suit : 1 - Norme de l'intérêt public dans le bon
déroulement des institutions judiciaires ; 2 - Norme de
l'intérêt des parties ; 3 - Norme du respect des droits de la
défense ; 4 - Norme de l'objectif de la procédure. Par
conséquent, dès l'existence de l'une des normes citées
ci-dessus, la procédure est donc substantielle, et la nullité est
une conséquence de sa violation.
346. Le critère de l'ordre public. En
général, la doctrine et la jurisprudence au Liban et France ont
essayé de déterminer la notion d'ordre public. Cependant, elles
ne sont pas arrivées à une formule unique à cause de
l'ambiguïté, la relativité et la flexibilité de cette
idée. En effet, ce qui est considéré dans l'ordre public
aujourd'hui peut ne pas l'être demain. Également, ce qui est
considéré dans l'ordre public dans un lieu donné pourra ne
pas l'être dans un autre endroit. Par conséquent, les diverses
législations se sont abstenues de donner
une définition précise. C'est le cas de la
législation libanaise et française. M. Sulayman Abdel Mouniim qui
a traité le sujet en droits français, libanais et
égyptien, préfère l'idée du bon déroulement
de la justice au détriment de l'idée de l'ordre public à
cause de l'ambiguïté de cette dernière, étant
donné que le but du système des règles procédurales
pénales est la découverte de la vérité
réaliste en ce qui concerne l'infraction faite, et le degré de sa
relation à l'accusé. En outre, la considération du bon
déroulement de la justice ne signifie pas seulement l'alignement sur des
règles procédurales liées à l'intérêt
de la société, mais englobe aussi les
. L'idée de
1780
règles qui garantissent la liberté individuelle
ainsi que le droit de la défense
l'ordre public est une idée vague. En effet, cette
idée est non limitable et non déterminable. Cependant, cette
ambiguïté donne à l'ordre public son importance et sa
grandeur. Dès lors,
tous les efforts échouent à en trouver un
concept bien précis 1781 . En France, M. Édouard Verny confirme
que la conception de l'ordre public dans le domaine des nullités est
à peu près indéfinissable « il est
particulièrement difficile de proposer une définition de l'ordre
public et il semble plus aisé de relever des aspects fondamentaux de
l'ordre public comme le rapport avec un élément majeur de notre
système juridique ou une règle indispensable pour le
fonctionnement de la justice »
|
1782
|
. M. Jean Danet constate que « les
nullités d'ordre public
|
443
recouvrent traditionnellement les règles touchant
à l'organisation et à la composition des juridictions, à
leur compétence, à l'exercice des pouvoirs des juridictions et de
leurs auxiliaires, ou aux formes substantielles des actes de procédure.
C'est ici l'intérêt d'une bonne administration de la justice qui
est en cause. Globalement la catégorie ne s'étend pas, bien au
contraire. La qualification de nullité d'ordre public donnée ou
refusée par la jurisprudence
1783
.
aux nullités soulevées mérite
évidemment la plus grande attention »
347. La nullité liée aux
intérêts des justiciables. Il s'agit de toute nullité
qui émane de la violation d'une règle procédurale
substantielle qui fait perdre l'un des droits ou intérêts
individuels qui ne profite qu'à celui qui la soulève, soit que le
législateur ait stipulé la détermination de ces
procédures substantielle ou qu'il l'ait laissée au pouvoir
d'évaluation ou
1780 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, pp. 89-91.
1781 V. en droit français: M. Guerrin,
« Les principales causes de nullité de l'audience pénale
», in AJ Pénal, 2008, p. 181 : « la règle
violée à l'audience est généralement
qualifiée par la Cour de cassation de substantielle - ou d'ordre public
- sans qu'il soit besoin de démontrer un grief subi par les parties
».
1782 É. Verny, Procédure
pénale, 3e ed., Dalloz, 2012, n° 385, p. 217.
1783 J. Danet, « Brèves remarques
sur la typologie et la mise en oeuvre des nullités », in AJ
Pénal, 2005, p. 133.
d'appréciation du juge du fond selon les critères
objectifs précédemment déterminés par le
1784
législateur, et qui assure le non-abus des juges
.
348. Exigence du grief en nullité en droit
français. Le grief symbolise qu'il y a eu atteinte
directe aux droits d'une partie au procès
|
1785
|
. Les nullités procédurales n'ont pas pour
unique
|
objectif de protéger les parties 1786 , certaines
règles ont pour vocation de soutenir l'institution
1787
judiciaire dans sa mission. Pour cette raison, l'exigence d'un
grief peut être écartée lorsque
. L'article 802 du CPP
1788
sont en cause des questions qui relèvent de l'ordre
public
1789
françaisexige la preuve de l'existence d'un grief pour
juger un acte de procédure pénale nulle : « la
nullité considérée entre dans la catégorie des
nullités textuelles ou dans celle des nullités substantielles,
elle ne peut, en application de ce texte, être prononcée que
lorsqu'elle
a eu pour effet de porter atteinte aux
intérêts de la partie qu'elle concerne »
|
1790
|
. Donc, on
|
444
peut conclure qu'en droit français il y a une exigence de
grief en nullité substantielle et
1791
textuelle . « Au plan des conditions de leur
prononcé, il convient de souligner que les deux causes de nullité
ont une vocation égale à être soumises à l'exigence
du grief. En bref, par
1784V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 93 ; F. Wali,
Théorie de la nullité dans la procédure,
Thèse de droit, Université de Caire, 1959, Le Caire
(Egypte), p. 487.
1785 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p.
409.
1786 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p.
409.
1787 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p.
409.
1788 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p.
409.
1789 L'article 802 du CPP français
dispose : « En cas de violation des formes prescrites par la loi
à peine de nullité ou d'inobservation des formalités
substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est
saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle
irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque
celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la
partie qu'elle concerne ».
1790 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 332, p.
144.
1791 V. en droit français : J.-P.
Brouillaud, « Les nullités de procédure : des
procédures pénales et civiles comparées », in
Recueil Dalloz, 1996, p. 98, V. spec. n°14 : « La
distinction entre nullités d'ordre public et nullités
d'intérêt privé permet la mise en place d'un système
cohérent quant à la preuve d'un grief, qui ne peut être
exigée que dans le second cas. Nous avons décelé les
inconvénients résultant cependant d'une application stricte de
cette exigence : la nécessité pour le demandeur d'établir
l'existence d'un préjudice subi effectivement fait souvent obstacle au
prononcé de la nullité, ce qui permet la violation en toute
impunité de règles de procédure prévues par la loi,
et que l'on met finalement de côté ».
1792
.
nullité textuelle, il ne faut pas entendre
nullité de jure, c'est-à-dire nullité de plein droit
» La jurisprudence de la Cour de cassation française applique
cette règle d'une manière stricte en considérant
qu'« il résulte des articles 171 et 802 du Code de
procédure pénale qu'en cas de violation des formes prescrites par
la loi à peine de nullité ou d'inobservation des
formalités substantielles, le juge saisi d'une demande d'annulation ne
peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter
atteinte aux intérêts de la partie qu'elle
1793
concerne ». M. Henri Angevin souligne que
« c'est la consécration en procédure
pénale
de la maxime pas de nullité sans grief
»
|
1794
|
. Selon la Cour de cassation, si le législateur a
|
décidé que la méconnaissance ou la
violation d'une forme procédurale entraînait sa nullité,
ça ne signifie pas qu'il y aura application automatique de la
nullité par le juge, « le juge saisi d'une demande d'annulation
ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour
effet
de porter atteinte aux intérêts de la partie
qu'elle concerne »
|
1795
|
. Ces nullités sont donc
|
445
subordonnées à l'existence d'un grief1796 ou,
selon le vieil adage, « pas de nullité sans grief »,
ce qui signifie pas de nullités sans un préjudice, dont la preuve
pèse sur celui qui réclame l'annulation. Mais cette solution
restrictive ne vise que les « formes » et les «
formalités ». Qu'en est-il alors des violations de garanties de
fond, par exemple la durée maximale de garde à vue ? Leur non
respect devrait conduire à la nullité indépendamment de
tout préjudice prouvé. Il y aurait alors « nullité
sans grief », ou, comme on dit parfois, « nullité
péremptoire ». La jurisprudence pénale française,
jusqu'à présent, est loin d'avoir accepté cette solution
puisqu'en l'absence d'un « grief » démontré,
elle réduit les nullités péremptoires à quelques
rares violations affectant la justice pénale dans son aspect d'ordre
public. Cette jurisprudence est en général critiquée,
notamment en raison de l'incertitude qu'elle entretient. 1797 La chambre
d'instruction n'est pas souveraine lorsqu'elle apprécie si l'atteinte
invoquée porte réellement atteinte aux intérêts de
la partie, la chambre criminelle de la Cour de cassation contrôle cette
appréciation « et c'est elle qui, en dernière analyse
apprécie s'il y
1792 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 85,
p. 63.
1793 Cass. crim 25 février 2003,
B.C., n° 50.
1794 H. Angevin, La pratique de la
chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n°
332, p. 144. 1795 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p.
146.
1796 V. H. Angevin, La pratique de la
chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n°
335, p. 146: « Il résulte des dispositions des articles 171 et
802 du Code de procédure pénale que, hormis celles qui entrent
dans la catégorie des nullités dites d'ordre public, les
nullités, qu'elles soient textuelles ou substantielles, ne peuvent
être prononcées que lorsque l'irrégularité qu'elles
sanctionnent a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la
partie concernée ».
1797 J.-C. Soyer, Droit pénal et
procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., 2012,
n° 877, p. 387.
a eu ou non atteinte auxdits intérêts
»
1798
. Par exemple, la Cour de cassation n'exclut pas les
formalités prévues en matière de
perquisitions et de saisies du champ d'application de l'article 802 du CPP
français et refuse donc de prononcer la nullité si leur
inobservation n'a pas porté
atteinte aux intérêts de la partie
concernée
|
1799
|
: « les formalités prévues en
matière de
|
perquisitions et de saisies par les articles 56 et
suivants du Code de procédure pénale, bien qu'assorties d'une
nullité textuelle (CPP, art. 59), ne sont pas, estime la Cour de
cassation, exclues du champ d'application de l'article 802, en sorte que leur
inobservation ne saurait entraîner de nullité de procédure
lorsque aucune atteinte n'a été portée aux
intérêts de la
partie concernée » 1800 . Quoi qu'il en
soit, le principe « pas de nullité sans grief » reste
une exigence relative et non absolue comme l'affirme M. Francois Fourment :
« aux termes communs des articles 802 et 171 du Code de
procédure pénale, le grief s'entend d'une cause de nullité
qui a pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie
concernée par l'irrégularité de procédure. Les
nullités de procédure pénale paraissent donc
répondre au principe pas de nullité sans grief. Le
caractère absolu de ce principe est un leurre. Il faut distinguer entre
les causes de nullités, textuelles comme substantielles, celles qui sont
d'ordre public, c'est-à-dire dispensées de grief, et celles qui
sont d'ordre privé, soumises à l'exigence
du grief »
|
1801
|
. Ainsi, on peut dire qu'en droit français la
nullité d'ordre privé est soumise à une
|
condition de preuve de l'existence d'un grief. « Une
nullité est d'ordre privé à défaut de pouvoir
être qualifiée d'ordre public. Il ne suffit pas qu'un grief soit
causé à une partie. Il faut
1802
.
encore que ce grief soit invoqué par la partie que
l'irrégularité de procédure concerne »
En ce sens, la chambre criminelle de la Cour de cassation
française a jugé qu' « un accusé ne saurait se
prévaloir de ce qu'un témoin régulièrement
cité par un co-accusé n'a pas été
entendu, cette irrégularité ne faisant pas
grief à ses intérêts »
|
1803
|
. Au contraire, les nullités
|
446
d'ordre public en droit français sont dispensées
de la condition de grief pour être susceptibles d'encourir la
nullité. Notons que la jurisprudence classe les nullités d'ordre
public en deux catégories, d'une part les nullités d'ordre public
au sens strict, d'autre part les nullités « assimilées
» aux nullités d'ordre public. La première
catégorie concerne principalement les
1798 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p.
146.
1799 V. en ce sens: Cass. crim. 17 septembre
1996, B.C., n° 316: « Les formalités
prévues par les dispositions du Code de procédure pénale
en matière de perquisition et de saisie ne sont pas exclues du champ
d'application de l'article 802 du même Code. Dès lors, leur
inobservation ne saurait entraîner de nullité de procédure
lorsqu'aucune atteinte n'a été portée aux
intérêts de la partie concernée ».
1800 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p.
146.
1801 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 87,
p. 64. 1802 F. Fourment, Procédure pénale,
14e édition, Larcier, 2013, n° 89, p. 65.
1803 Cass. crim., 27 mai 1981, B.C., n° 175.
violations des dispositions concernant la compétence
des juridictions, leur organisation et composition, les formes et délais
des voies de recours. La deuxième catégorie vise les garanties de
procédure dont la violation porte atteinte aux droits de la
défense. C'est le cas par exemple d'une atteinte au principe selon
lequel la personne poursuivie doit avoir la parole en dernier à
l'audience ou de la violation des dispositions légales relatives au
mode
1804
.
d'administration des preuves
447
1804 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88,
p. 64.
448
Section II
Les règles variables de la recevabilité
de la preuve en fonction de l'auteur de la preuve
349. La participation des parties privées du
procès pénal à la recherche de la vérité.
Traditionnellement dans le procès pénal, l'intervention des
autorités étatiques dans la recherche de la preuve est
considérée comme une responsable primaire. Mais la place des
parties privées dans la recherche de la vérité a connu un
développement considérable au cours des dernières
années, ce qui a poussé certains auteurs à évoquer
le phénomène de
1805
privatisation dans le procès pénal comme le
souligne M. Xavier Pin et notamment dans la
1806
recherche de la preuve pénale . Sans doute la
production des éléments de preuve par les parties privées
s'appuie sur les textes de loi réglementant les droits des parties
privées de produire des éléments de preuve. Mais il est
indéniable de souligner l'importance des éléments de
preuve obtenus illégalement versés aux débats dans le
procès pénal par les parties privées ou l'accusé ou
par un tiers. Cet effet d'influence des preuves illégalement recueillies
qui sont produites par les parties privées pose le problème de la
recevabilité des éléments de preuve illégale qui ne
sont pas qualifiés ou qui ne constituent pas un acte de
procédure.
350. Principe d'égalité des armes et le
droit à la preuve. Le principe d'égalité des armes a
joué un rôle actif et essentiel dans la progression de la
recherche de la preuve de la vérité par les parties
privées dans le procès pénal. On peut parler d'une sorte
d'égalité dans l'administration de la preuve, résultant du
principe d'égalité des armes. L'énoncé même
d'un droit à l'égalité dans l'administration de la preuve
constitue une véritable révolution de notre procédure
pénale imprégnée du principe fondamental de la
présomption d'innocence
1805 X. Pin, « La privatisation du
procès pénal », in R.S.C., 2002, p. 245 :
« La privatisation du procès pénal est un
phénomène caractérisé, en droit, par le
renforcement du rôle des acteurs privés à tous les stades
du procès pénal et par l'émergence de règles de
procédure protégeant davantage des intérêts
individuels ou collectifs que l'intérêt général
».
1806 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 4 : « Il est permis de constater que les
parties privées, longtemps à l'écart du procès
pénal, bénéficient depuis quelques années d'un
renforcement de leurs droits de sorte que l'on parle désormais de
«privatisation » dans la recherche de la preuve (droit d'accès
aux pièces du dossier, droit de demander la réalisation d'actes
d'enquête supplémentaires, renforcement des droits des
victimes)».
conduisant naturellement et historiquement à la
passivité de la personne poursuivie dans
1807
l'attente de l'avènement de la vérité
judiciaire
. Le principe de l'égalité des armes qui
449
recoupe parfois le principe du contradictoire sans pour autant
se confondre avec lui, a
1808
contribué efficacement à faire progresser les
droits des parties privées . Cependant, nous croyons qu'il est
nécessaire de préciser que le rôle croissant des acteurs
privés dans la preuve pénale est limité aux actes
procéduraux pénaux stipulés par la loi. A ce propos, il
faut être prudent et faire la différence entre ces droits
prévus par la loi d'une part, et qui sont considérés comme
acte de procédure pénale, soumis à la théorie de la
nullité pénale, et d'autre part, le processus de la
pénétration de la preuve pénale illégale
directement devant le tribunal ou le juge dans le dossier pénal. Ce
dernier processus ne possède aucune base juridique dans le Code des
procédures pénales et ne peut être considéré
comme un acte de procédure, ni ne peut être soumis à la
théorie de la nullité pénale. Cette distinction est
nécessaire, car la preuve pénale illégale
présentée par les parties privées au tribunal n'est pas
soumise à la théorie de la nullité, et tourne par
conséquent autour de la problématique de son acceptation
(admission) ou non par le pouvoir judiciaire.
351. La théorie de la nullité non applicable
à la preuve qui ne constitue pas un acte de procédure
pénale. Il est à noter que la théorie de la
nullité ne tient compte que des procédures pénales au sens
précis du mot, ou, en d'autres termes, les procédures
fixées par le législateur dans les textes de la loi des
procédures pénales afin de rechercher et de produire la preuve
pénale. La plupart de ces textes organisent et régularisent les
travaux des pouvoirs publics dans la recherche de la preuve pénale. A ce
sujet, la théorie de la nullité soulève une grande
importance sur l'échelle de l'application du Code des procédures
pénales, notamment dans le cadre du travail procédural. Par
conséquent, le travail procédural est l'axe sur lequel se base la
théorie de la nullité, qui est d'ailleurs une
pénalité ou sanction conséquente du travail
procédural qui ne dispose pas d'une ou plusieurs conditions de sa
validité. De ce fait, il est évident que la théorie de la
nullité ne se préoccupe pas du sort des éléments de
preuve fournis par les parties privées devant le juge ou le tribunal. En
effet, cette présentation ne prend pas la forme d'une procédure
pénale puisque la loi ne considère comme telle que les
procédurales relatives à la prospection et à la recherche
de la preuve par des personnes et des pouvoirs publics, comme la police
judiciaire, les magistrats du parquet, le juge d'instruction et
1807 P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p. 146.
1808 Intervention de Mme Renée
Koering-Joulin, «La chambre criminelle garante du droit à un
procès équitable », in cycle Droit et technique de
cassation, lors du colloque du 3 mai 2010 organisé à la Cour
de cassation en 2010 (France).
450
les juges du fond. Ainsi, les actions des parties
privées ne sont pas limitées par l'autorité et le champ de
la théorie de la nullité en considérant que la
présentation d'une preuve pénale au tribunal par l'une des
parties privées n'est pas le résultat d'une procédure
pénale. Par conséquent, les mécanismes de la
théorie de la nullité ne parviennent pas à
caractériser la nullité de la preuve illégale dans le cas
où elle n'est pas basée sur une procédure pénale
malgré l'illégalité flagrante de ces preuves. En effet, il
s'agit du processus de la pénétration de la preuve ou des
éléments de la preuve pénale acquis d'une manière
ou par un moyen illicite par les parties privées telles que
l'accusé, sa famille, la victime ou la partie civile, voire une personne
étrangère au procès pénal telle qu'une personne qui
se présente volontairement au tribunal pour présenter directement
des preuves utiles pour révéler la vérité. Ce qui
précède ouvre le débat sur la défaillance ou
l'échec de la théorie de la nullité pour exclure ou
sanctionner la preuve illégale obtenue par les parties
privées.
352. La notion de la preuve pénale émise en
dehors du système procédural prévu par la loi. Il
faut préciser que la participation des parties privées dans la
présentation et la production de la preuve pénale n'est pas
identique à celle avec laquelle les autorités publiques
produisent la preuve pénale, étant donné que la loi a
confié exclusivement à ces autorités l'application des
dispositions de la loi des procédures pénales pour la recherche
de la preuve pénale, qui nécessite un certain degré de
restriction sur les libertés des individus et de violation de leur vie
privée au cours de sa mise en oeuvre. Par conséquent, il est
interdit aux autres personnes d'effectuer cette action notamment à une
partie privée du procès pénal ou en dehors de ce
procès. Or, le vrai problème survient lorsque les parties
privées soumettent des preuves obtenues illégalement au tribunal,
non produites par une procédure pénale, et non liées
à leur participation exclusive, limitée selon la loi à la
production de la preuve, prenant souvent la forme de demandes adressées
au tribunal. Il peut s'agir par exemple, de la présentation au tribunal
d'une preuve obtenue illégalement par les parties privées, telle
que le vol d'un document important servant de preuve, une vidéo ou un
enregistrement audio de l'accusé obtenu à son insu ou sans
l'accord de la justice, où l'accusé admet avoir commis
l'infraction, capturé à son insu par un appareil d'enregistrement
posé par la victime, par un individu affecté par l'infraction ou
même toute autre personne pouvant témoigner. Il s'agit donc d'une
preuve obtenue sans une procédure pénale, ou en d'autres termes,
un moyen non considéré en tant qu'une procédure
pénale. Est-il possible d'accepter cette preuve au cours d'un
procès pénal, sachant que l'individu par lequel elle a
été obtenue n'a pas le pouvoir ou le droit de rechercher la
preuve, car la loi ne lui permet pas d'exercer cette fonction ? La vraie
problématique est liée à cette preuve illégale
incontestablement, étant donné que la manière de
451
l'obtention de la preuve est illicite, et que la personne qui
a reçu la preuve a agi sans tenir compte de la loi ne lui permettant pas
de chercher la preuve de cette manière illégale. Par
conséquent, quel serait donc le sort de cette preuve illégale ?
Il est reconnu que la théorie de la nullité s'est
préoccupée et a traité principalement la sanction des
procédures illégales menées par les pouvoirs publics, tels
que la police judiciaire, le procureur général, et les juges
d'instruction lors de leur recherche de la preuve pénale, ainsi que les
juges de première instance au cours des jugements. Or, cette
théorie ne s'est pas intéressée à la sanction de la
preuve illégale émanée des parties privées. Quel
est donc le sort de cette preuve illégale ? Le juge est-il obligé
de l'accepter ou de la rejeter ? Le juge pénal a-t-il la
possibilité ou le droit d'évaluer la valeur probante de la preuve
illégale afin de condamner l'accusé ? En outre, une autre
problématique semblable à la première se met en
évidence. Il s'agit de la problématique relative à la
présentation d'une preuve issue d'un moyen illégal de la part de
l'accusé afin de prouver son innocence. En effet, la preuve de
l'innocence est-elle censée à être en conformité
avec le principe de la légalité de preuve pénale
semblablement à celle de la culpabilité ? Ou, au contraire,
doit-on considérer que la preuve de l'innocence n'est pas
conditionnée par son respect du principe de la légalité de
preuve, et par conséquent que le juge a le droit de disculper
l'accusé se basant sur une preuve illégale
présentée par l'accusé au tribunal?
La théorie de la nullité a joué un
rôle essentiel pour sanctionner l'illégalité de la preuve
pénale fournie par les autorités étatique et judiciaire.
Cependant, cette théorie n'a fourni aucune solution à
l'illégalité flagrante de la preuve pénale fournie par les
parties privées et par l'accusé. Nous abordons cette
problématique dans le premier paragraphe, en montrant le point de vue de
la jurisprudence et de la doctrine au Liban et en France dans le but de
remédier à ce problème afin de connaître le sort de
la preuve illégale fournie par les parties privées, notamment par
la victime, par le demandeur, ou à leur avantage en tant que preuve de
condamnation de l'accusé. Dans le deuxième paragraphe, nous
traitons la preuve illégale soumise au juge par l'accusé ou
à son avantage en tant que preuve de l'innocence.
§ 1. Éléments de preuve
illégale fournie par le plaignant et la victime ou preuves
illégales de culpabilité.
353. La participation de la victime1809
ou de la partie civile dans la démonstration de la
preuve pénale. L'argument soutenant que le
défendeur ou l'accusé est innocent
|
1810
|
amène à
|
452
dire que le procureur général (Ministère
public) doit présenter la preuve afin d'appuyer et de soutenir
l'accusation 1811 , ou en d'autres termes de présenter la preuve de la
perpétration des
1812
infractions
|
1813
et la preuve que la personne recherchée est le
coupable
|
. Cette obligation est
|
également la responsabilité du demandeur qui
comprend son affaire personnelle visant à réclamer son
indemnisation pour les dommages qu'il a subis en raison de l'acte, dans le
procès
. A
1814
pénal. Le demandeur personnel doit également
prouver son préjudice allégué
l'exception de cela, il n'existe pas de différence
entre lui et le procureur général, sauf que le demandeur civil
agit à son propre profit, et que le procureur général agit
pour l'intérêt public et au nom de société. Les deux
parties peuvent bénéficier les uns des autres dans la
présentation de la preuve1815. En effet, le ministère
public veille sur l'entité de la société en tant que
représentant de l'autorité chargée d'appliquer la loi,
sans laquelle les impulsions et les désirs remplacent la raison et la
justice, étant donné que les personnes instaurent la justice
elles-mêmes. Par conséquent, le Code des procédures
pénales au Liban et en France a
1809 V. sur la notion de victime : R. Cario,
Victimologie, L'harmattan, Paris, 2006, p. 33 : « toute
personne en souffrance, dès lors que cette souffrance est personnelle,
réelle et socialement reconnue comme inacceptable ».
1810 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 433, p. 176 : La charge de la preuve : «
La règle fondamentale en la matière est la présomption
d'innocence. Tout homme doit être présumé innocent des
infractions qui lui sont reprochées, tant qu'un jugement régulier
et une décision définitive ne sont pas intervenus ».
1811 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 433, p. 176 : charge de la preuve et
présomption d'innocence et la conséquence de la
présomption d'innocence :« Du fait de cette présomption,
c'est la partie poursuivante (le ministère public et
éventuellement la partie civile) qui doit rapporter la preuve de tous
les éléments de l'infraction et de tous ceux qui permettent
d'apprécier la responsabilité du coupable. Toutefois, la personne
poursuivie agira sagement en apportant de son côté des arguments
en sens inverse ».
1812 V. F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 61,
p. 47 : « Il ne revient pas à la personne poursuivie de
démontrer qu'elle est innocente de l'infraction dont elle est
accusée ; il revient en revanche à l'accusation, au
ministère public, de prouver sa culpabilité avec une force que
l'idée de présomption induit: renverser la présomption
d'innocence ».
1813 V. sur le rôle de la victime dans
le procès pénal en langue anglais : A. Confalonieri, « The
Role of the Victim in Administrative and Judicial Proceedings », in
Revue Internationale de Droit Pénal, 2011, Vol. 81, issue 3,
pp. 529-550
1814 V. F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 61,
p. 47 : « À l'accusateur public qu'est le ministère
public s'ajoute en pratique un accusateur privé : la victime qui s'est
constituée partie civile ».
1815 V. en langue arabe : E. Nammour, La
cour criminelle. Etude comparée, op. c it., 2e
partie, n° 1360, p. 950.
453
donné aux autorités publiques
l'exclusivité de la recherche des preuves dans le procès
pénal conformément aux dispositions de la loi des
procédures pénales, et au demandeur du droit civil ou à la
victime certains droits à travers lesquelles il est possible de
participer à la démonstration de l'acte criminel, dans les
limites utiles à son procès civil1816. M. Maamoun
Salama pense que dans le cas où le tribunal a accepté la demande
civile, le demandeur devient l'un des justiciables dans le procès civil
et l'accusé sera le responsable des droits civils des autres
justiciables au même procès. Cependant, cette qualité ne
lui confère pas de droits directs sur le procès pénal
devant le tribunal, étant donné que cette action est
limitée au procureur général. Toutefois, il lui est
possible de participer à la démonstration de l'acte criminel,
dans les limites utiles à son procès civil. En outre, le
législateur a pris des dispositions afin d'affirmer cette qualité
en conférant des droits et des obligations au
demandeur civil1817 . A ce propos, M. Raouf Obayd affirme que
la loi a accordé au demandeur civil des droits importants afin de lui
permettre d'exiger son droit vis-à-vis de l'accusé, en
contribuant d'une part à prouver la responsabilité de celui-ci,
et en profitant de cette situation d'autre part pour exercer un contrôle
effectif sur les autorités de l'accusation et
1818
.
de l'enquête portant de lourdes responsabilités
Afin de connaître le sort de la preuve illégale
de culpabilité soumise par le demandeur civil ou la victime au tribunal,
il est nécessaire de se référer aux tendances de la
jurisprudence au Liban et en France dans le but d'extrapoler l'approche suivie
par les Cours de cassation dans ces deux pays sur cette question,
c'est-à-dire les solutions apportées au problème de
l'illégalité de la preuve de culpabilité soumise par le
procureur civil ou la victime, l'application du principe de la
légalité de la preuve, la pertinence de l'incident de ces
solutions et les critiques qui leur sont adressées. D'abord, il convient
d'examiner la position de la jurisprudence libanaise par rapport à
l'admission de la preuve illégale de culpabilité
présentée par le défendeur ou la victime (A). Ensuite, la
position de la Cour de cassation française par rapport à cette
admission sera abordée (B).
1816 V. F. Agostini, « Les droits de la
partie civile dans le procès pénal », in Rapport annuel
de la cour de cassation de l'année 2000 : « La victime
d'une infraction, qui a personnellement souffert du dommage causé
directement par l'infraction, a, conformément aux articles 1,
alinéa 2, 2 et 3 du Code de procédure pénale
français, droit à agir devant la juridiction répressive.
En se constituant, elle devient partie civile au procès pénal
».
1817 V. en langue arabe : M. Salameh, La
procédure pénale dans la législation pénale
égyptienne, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance
arabe), Le Caire (Égypte), 2000, pp. 438-539.
1818 V. en langue arabe : R. Obayd, Les
principes de la procédure pénale en droit égyptien,
8e éd., Imprimerie renaissance Égypt, Le Caire
(Egypte), 1970, p. 217.
454
A. La recevabilité de la preuve illégale
de culpabilité produite par un particulier en droit
libanais.
354. L'admission de la preuve illégale en droit
libanais. D'abord, il faut souligner que le concept de
l'illégalité de la preuve pénale dans le droit libanais
est encore une nouvelle idée non traitée d'une façon
claire et directe par la doctrine ni par la jurisprudence libanaise. Dans la
loi libanaise, il semble que la jurisprudence et les arrêts judiciaires
n'ont pas traité explicitement la preuve illégale, mais la
recherche a été limitée plutôt dans un aspect
étroit relatif au sort de la preuve, lié à la
théorie de la nullité pénale sans la dépasser. Il
convient de rappeler qu'il a été auparavant expliqué que
la preuve pénale émise hors des cadres et du système de la
procédure pénale, fournie par les parties privées dans le
procès pénal n'est pas soumise à la théorie de la
nullité. En effet, cette preuve dépasse le champ de cette
théorie étant donné que le rôle de celle-ci est
limité à un mécanisme juridique sanctionnant ou
pénalisant le non-respect ou de la violation de la règle
procédurale. Par conséquent, nous avons cherché dans tous
les ouvrages des procédures pénales libanaises, ainsi que dans la
jurisprudence libanaise, sans trouver aucun avis doctrinal ou arrêt
judiciaire portant sur la question de l'illégalité de la preuve
pénale soumise par les parties privées sans prendre la forme ou
la formule de la procédure pénale. En outre, il convient de noter
que l'idée de la distinction entre la preuve émise ou
résultant d'une procédure pénale et celle émise
hors du champ de la procédure pénale est une idée anonyme
ou un concept inconnu dans la jurisprudence et la doctrine pénale au
Liban. Il est possible de conclure que les dispositions de la jurisprudence
libanaise adoptent un principe général fixe. En effet, toute
preuve présentée à la magistrature est placée sous
l'étude et l'évaluation du tribunal et du juge du fond sans
considérer sa source illégale ou de la partie la soumettant. Ces
dispositions reflètent l'adoption par la jurisprudence libanaise d'un
concept large sans limite de la liberté de la preuve pénale. A
notre tour, nous le décrivons en tant qu'un concept très radical
du principe de la liberté de la preuve sans aucune autre entrave que la
présentation de la preuve en public, son débat oral devant le
tribunal, et la focalisation sur sa valeur probante. Par conséquent, les
dispositions de la justice libanaise ne considèrent pas le principe
juridique de la légalité de la preuve pénale en tant
qu'une des restrictions de la liberté de la preuve pénale. Il
convient de noter que par plusieurs arrêts très clairs, la chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise affirme qu'elle ne surveille pas
l'appréciation du tribunal et du juge du fond sur la preuve
pénale, notamment la Cour criminelle, mais elle s'assure uniquement de
la
non-déformation de la preuve par ce juge et ce tribunal
du fond. En effet, la Cour de cassation libanaise est une juridiction de droit
et non un tribunal de faits. De ce fait, les tribunaux de première
instance (du fond) monopolisent l'évaluation de la valeur probante de la
preuve qui lui est soumise, en ignorant sa source illégale, sans aucun
contrôle imposé par la Cour de cassation à ce sujet.
355. La confirmation de la Cour de cassation libanaise que
l'appréciation de la preuve est incluse dans l'évaluation absolue
du tribunal de première instance, en l'absence du contrôle de la
Cour de cassation. Dans sa résolution n° 1, publiée le
05/01/2006 dans l'affaire du ministère public /Yaghi, la chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise affirme
1819
que: « l'évaluation des preuves est incluse
dans l'autorité absolue de la Cour de démontrer les faits et les
preuves, sans que cette évaluation soit soumise au contrôle de la
Cour de cassation ». Dans un autre arrêt, la chambre criminelle
de la Cour de cassation
,
1820
libanaise, dans sa résolution n° 3, publié le
09/01/2007 dans l'affaire Dib/ ministère public
a confirmé que « ce que l'appelant provoque
dans cette raison sous le couvert de la déformation de la preuve n'est
qu'un débat sur le droit de la chambre d'accusation dans son
appréciation des preuves contenues dans le procès, l'adoption de
ce qui lui fournit sa conviction, et l'exclusion du reste, qui est d'ailleurs
un droit revenant à l'autorité de la chambre d'accusation sans
supervision de la Cour de cassation ». Dans un autre arrêt de
la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, dans sa
résolution n° 43 en date
du 27/2/2007
|
1821
|
, elle a confirmé que « ce que la partie
appelante soulève dans le cadre de la
|
455
présente raison, est considéré en
tant qu'un débat sur les faits et les preuves invoquées par le
tribunal afin d'atteindre le résultat sur lequel elle s'est basée
dans son jugement contesté, et dans son droit d'évaluer les
déclarations des témoins, sachant que l'évaluation des
faits et des preuves et l'évaluation des déclarations des
témoins reviennent uniquement au tribunal de première instance,
sans aucun contrôle de la part de la Cour de cassation. Par
conséquent, la résolution adoptée à cette fin ne
constitue pas une déformation des faits ou du contenu des documents en
conformité avec le concept juridique pour cette raison ». De
plus, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise a confirmé qu'il n'y a aucun contrôle discriminatoire
(c'est-à-dire de la part de la Cour de cassation) sur l'autorité
absolue de la Cour criminelle dans l'appréciation de la
référence à la preuve,
1819 La chambre criminelle de la Cour de
cassation du Liban, composée du : président M. Labib Zwein et les
conseillers Mme Alice Chabtini Alaam et M. Elias Nayfeh.
1820 Composée du : Président M.
Ralph Rayashi, et les conseillers M. Ghassan Fawaz, M. Malek Saaibi.
1821 Composée du : Président M. Ralph Rayashi et
les conseillers M. Ghassan Fawaz et M. Malek Saaibi.
et l'évaluation de la préférence d'une
preuve sans l'autre 1822 . Dans un autre arrêt de la
456
chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, dans la
résolution n° 106 en date
1823
du 20/07/1999 dans l'affaire Abid/ ministère public, la
Cour a souligné que « l'évaluation des preuves revient
à l'autorité du tribunal de première instance et n'entre
pas dans le cadre du contrôle de la Cour de cassation ».
356. L'exclusion de la preuve illégale de
culpabilité en raison de la faiblesse ou de la perte de la valeur
probante de cette preuve après son évaluation sous le couvert de
l'illégalité de la preuve. Dans l'un des arrêts de la
chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, la cour a fondé
son arrêt sur un principe public très important : « le
fondement de la conviction du tribunal repose sur des preuves recevables
juridiquement et valides, et non sur l'aveu suspect de l'accusé qui est
fait chez l'autorité non étatique ». A ce fait, dans un
arrêt unique, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
dans sa résolution n° 104 en date
a
1824
du 28/04/1999 dans l'affaire Majzoub et ministère public/
Mustafa et ses collègues
confirmé selon les éléments de son
arrêt que dans la loi : les cinq accusés nient devant les
autorités de la sécurité et la juridiction libanaise les
infractions qui leur sont assignées. Les preuves avancées contre
eux, adoptées par l'acte d'accusation, et dont l'exigence de l'adoption
émane également des deux parties de l'accusation publique et
personnelle, sont limitées avec l'aveu qui leur a été
attribué inclus dans les copies des documents, les cassettes et la
vidéo incluses dans le dossier et liées aux enquêtes
menées par des dispositifs de l'armée de la
libération Palestinienne, y compris le prétendu
jugement émis par la magistrature palestinienne. Cependant, elle a
également mis en évidence dans le dossier les déclarations
des cinq accusés dans la lutte armée palestinienne le 24/09/1990,
dont le retrait de leur reconnaissance qu'ils ont décrit comme
falsifié, étant donné qu'il était pris sous
l'influence de coups et de menaces. Le rapport du conseiller de la Cour
criminelle libanaise qui a vu et entendu les enregistrements de l'enquête
avec les accusés et qui contiennent leurs reconnaissances a
prouvé que ces enquêtes sont inspirées et
enveloppées par la peur et la confusion. En outre, la Cour criminelle
libanaise s'est assurée de cette
1822 Conformément à la
décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
Composée du: Président M. Afif Chamseddine et les conseillers M.
Anthony Elias Khouri, M. Issa Abdallah dans sa résolution n° 100 en
date du 29/3/2000 dans l'affaire Abdullah et Salloum / ministère public,
la cour a affirmé que «les déclarations du demandeur de
cassation dans les raisons évoquées sont relatives à
l'évaluation du tribunal pénal des preuves dont il dispose, de
s'en contenter, et à la composition de sa conviction sur la base d'une
preuve ou d'une autre. Toutes ces actions sont laissées à son
évaluation absolue tant qu'il ne semble pas déformer la preuve ou
les documents, sans aucun contrôle de la Cour de cassation
».
1823 Composée du Président M.
Ralph Rayashi et des conseillers M. Samir Aalia et M. Joseph Samaha.
1824 Composée du Président Afif Shamseddin et
les conseillers Elias Abdullah et Fouad Gaâgaâ.
457
approbation après avoir vu et entendu ces
enregistrements. Étant donné que la conviction se base sur les
preuves estimées par le tribunal et qui doivent être juridiquement
acceptables et basées sur des procédures valides, il ne
résulte des enquêtes menées par les autorités de la
sécurité et la justice libanaise, qui ont pris en
considération tous les principes juridiques, aucune preuve
démontrée contre l'accusé. La reconnaissance
attribuée aux accusés, résultant de la contrainte physique
et morale et devant la force du fait réel sans pouvoir ni
capacité, qui est d'ailleurs la seule preuve contre les accusés,
n'est pas acceptable par la loi. Compte tenu de tout ce qui
précède, il convient de dire que les cinq accusés ne sont
pas reconnus coupables des infractions qui leur sont assignées, et de
déclarer leur innocence en l'absence d'une preuve acceptable.
357. Commentaire sur la position de la chambre criminelle
de la Cour de cassation libanaise dans l'arrêt précédent
(résolution n° 104 en date du 28/04/1999). Cet arrêt
semble intéressant en confirmant que la conviction du tribunal doit se
fonder sur des preuves admissibles par la loi et des procédures valides
qui sont indirectement une consécration du principe de la
légalité de preuve pénale comme condition ou limite
à la liberté de la conviction du juge. En effet, il confirme en
termes de forme en formulant indirectement l'appui du principe de la
légalité de la preuve pénale. Cependant, cet arrêt
semble médiocre et insuffisant en termes de fond lorsqu'on lit les
explications des juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise. D'abord, il révèle à la fois l'ignorance et la
négligence des juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise de l'existence du principe de la légalité de la preuve
pénale. Quelle est la preuve de l'ignorance de la Cour de cassation
pénale du Liban à la présence d'un principe juridique
appelé le principe de la légalité de la preuve
pénale ? La réponse est un prélude à notre critique
de la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise. Il
faut clarifier un point important et fondamental concernant la source de la
preuve dans le jugement : ces preuves présentées contre les
accusés sont une enquête menée par les milices
palestiniennes au Liban qui n'ont aucune autorité officielle ni
légitime dans l'État de droit supposé au Liban, et qui se
nomme l'armée de l'indépendance palestinienne. Il s'agit des
milices de sécurité existant au sein des camps de
réfugiés palestiniens dans l'État du Liban,
tolérées par l'État pour des considérations
politiques et sécuritaires libanaises liées au problème de
la présence palestinienne (peuple palestinien dans les camps de
réfugiés) au Liban pour l'exercice de ces milices de certains
rôles de sécurité les camps de réfugiés
situés sur le territoire libanais. En effet, elles mènent des
enquêtes considérées judiciaires par ces milices
elles-mêmes, ainsi qu'un nombre de jugement et procès dans ces
camps sans avoir aucune autorité légitime ni officielle, et sans
être
458
déléguées par l'État libanais pour
mener à bien ces travaux. Notons que la loi des principes des
procès pénaux libanais dispose en son article 14 que ce travail
est sous la responsabilité exclusive des services de
sécurité (libanaise) qui travaillent en la qualité d'une
police judiciaire, sous la supervision du procureur
général1825. Ainsi, aucun service sécuritaire
libanais officiel n'est mentionné par l'article 14 du CPP libanais,
pouvant exercer l'activité et les pouvoirs de la police judiciaire et
jouer un rôle dans les enquêtes judiciaires. La critique est donc
une question adressée au tribunal (c'est-à-dire la Cour
criminelle) et à la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
: comment le tribunal peut-il admettre d'inclure au dossier des preuves
illégales de culpabilité contre les accusés, obtenues et
produites par des milices ? Ne s'agit-il pas de preuves d'une
illégalité flagrante ? La critique est donc adressée au
tribunal en raison de son annexion au dossier de preuves illégales
indépendamment de leur valeur probante qui doit être inadmissible.
Les services de sécurité de l'État libanais ne peuvent pas
exercer la fonction de police judiciaire et admettre les preuves qu'elles
obtiennent si elles ne possèdent pas la qualité de la police
judiciaire conformément au texte de la loi de l'article 14 du CPP
libanais. Par conséquent, comment le tribunal libanais peut-il admettre
que les milices exercent un pouvoir interdit à un service
sécuritaire libanais ? La question est donc posée à la
Cour de cassation. En sachant que le Liban est un État de droit selon sa
Constitution et le serment prononcé par tout président de la
République d Liban au début de son mandat constitutionnel,
étant donné que le président est le garant de la
Constitution et jure de faire dominer l'État de droit dans son mandat.
La position du tribunal d'accepter de mettre cette preuve dans le dossier du
procès est-elle en accord avec les considérations que le Liban
est un État de droit ? D'autre part, il est clair que les preuves
pénales du dossier de procès sont toutes provenues et
regroupées par ces milices. Ces preuves sont une cassette vidéo
montrant les aveux de l'accusé d'avoir commis le crime. En outre, il est
clair que le tribunal a chargé un de ses membres, un juge-conseiller, de
voir et entendre l'enregistrement vidéo. Par conséquent, le
tribunal a décidé que les accusés ont avoué dans
cette vidéo avoir commis le crime sous la pression de la coercition
physique et morale ainsi que les coups pratiqués par les milices
fournissant la preuve au procureur général. A ce propos, le
problème réside dans la légalité de la preuve
présentée, étant donné que le juge chargé
par la Cour criminelle de visionner la vidéo a décidé
qu'il n'est pas convenable de l'admettre en tant que preuve de
culpabilité, en constatant que les aveux
1825 L'article 38 du CPP libanais dispose que
: « Les fonctions de police judiciaire sont exercées, sous
l'autorité du procureur général près la Cour de
cassation, par les procureurs généraux et les avocats
généraux. Apportent leur concours au ministère public et
officient sous sa supervision dans le cadre de l'exercice des fonctions de
police judiciaire les personnes suivantes, chacune dans les limites des
compétences qui lui sont conférées par le
présent code et les statuts régissant sa
profession : ».
459
faits dans cette vidéo sont le résultat de la
pression et des coups pratiqués par les milices qui ont filmé et
enregistré cette vidéo en tant qu'une preuve condamnant les
accusés. Cependant, une question logique s'impose : qu'aurait-il fallu
faire si cette vidéo avait montré le contraire au tribunal, soit
des aveux valides et volontaires, sans être le résultat de la
contrainte, des coups et des intimidations exercées par les milices
contre les accusés pendant l'enquête ? Le juge aurait-il
été convaincu que les cinq accusés sont coupables et par
conséquent la Cour criminelle aurait-elle pu se prononcer sur la
culpabilité des accusés en se basant sur une preuve
illégale présentée par une tierce partie, ou en d'autres
termes une milice qui a mené des enquêtes illégitimes avec
les détenus ? Une lecture attentive de cet arrêt confirme que
notre critique concernant l'attitude inadmissible du tribunal est tout à
fait raisonnable. En effet, le tribunal a placé la preuve sous l'examen
et l'évaluation de sa conviction, sans être convaincu par cette
preuve illégale non à cause de l'illégalité de son
obtention, mais plutôt en raison de l'absence de toute valeur probante
possible afin de condamner les accusés. En effet, la vidéo a
montré au tribunal que les accusés ont subi une coercition les
obligeant à avouer durant l'enregistrement de la vidéo. Par
conséquent, dans le cas où la vidéo n'aurait pas
révélé au tribunal que les accusés ont
été forcés d'avouer leur reconnaissance du crime, le
tribunal aurait dû accepter leur aveu en tant que preuve de
culpabilité, et les juger donc coupables. Cette conclusion est
déduite de la raison pour laquelle le tribunal refuse les preuves
présentées. En effet, le fait que le tribunal rejette cette
preuve illégale en raison du « fondement de la conviction du
tribunal sur des preuves admissibles par la loi et valides, non pas sur l'aveu
douteux, fait devant une autorité non étatique » ne
change pas la vérité, soit une contradiction de la position du
tribunal entre la raison formelle sur laquelle il s'est basée et la
véritable raison qui fait que les preuves illégales
présentées devant le tribunal sont dépourvues de valeur
probante. Il convient de rappeler une nouvelle fois que le principe de la
légalité de la preuve pénale exige le courage de la
justice de reconnaître son contenu juste, que l'illégalité
n'est aucunement liée à la force probante de la preuve
illégale, mais se rapporte plutôt uniquement à la
manière illégale et illicite avec laquelle la preuve a
été obtenue. Nulle importance de la valeur probante d'une preuve
tant que la source et le biais de son obtention ne s'accordent pas avec la
manière légale conforme à la loi c'est-à-dire au
principe de la légalité de la procédure et de la preuve
pénale. Il faut préciser que la simple admission par le tribunal
de l'évaluation de la preuve sans se baser sur celle-ci en raison de la
perte de sa valeur probante, c'est-à-dire le simple examen de cette
preuve illégale est une admission préliminaire ou formelle de
cette preuve, violant ainsi le principe de la légalité de la
preuve pénale. Ce dernier point est le champ de notre critique de la
position du tribunal de ce jugement.
358.
460
L'appréciation ou l'évaluation de la
position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise dans le
jugement précédent (résolution n° 104 en date du
28/04/1999). La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise ne
fait pas de distinction et ne connaît même pas la définition
ou la notion de la preuve illégale. Cette Cour ignore ce principe. En
effet, si elle avait connu le principe qui exige que la preuve pénale
soit obtenue légalement, elle n'aurait même pas regardé
cette vidéo ni inclus dans le dossier des procès-verbaux
illégaux émis par les milices palestiniennes exerçant la
violation des lois dans un État de droit appelé le Liban. Nous
croyons que cet arrêt, bien qu'il n'ait pas condamné les cinq
accusés, reste une stigmatisation à l'encontre de la chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, de la justice libanaise et des
juges qui l'ont émis étant donné qu'il accepte
indirectement d'inclure une preuve illégale produite par des milices
devant le tribunal pour l'appréciation de la valeur probante et la force
de cette preuve. En d'autres termes, il est bien clair que la chambre
criminelle de la Cour de cassation pénale libanaise adopte un principe
insolent relatif à la fin qui justifie les moyens pour atteindre la
vérité à tout prix et par tous les moyens illégaux.
Dans le cas où ce principe est conforme avec l'État de la police,
il est inacceptable au Liban étant donné qu'il n'est pas en
conformité avec l'État de droit, le principe de la
légalité procédurale et celui de la légalité
de la preuve pénale. Il était préférable dans ce
cas que le tribunal pénal refuse d'accepter la preuve et l'exclue du
dossier du procès par défaut d'illégalité.
Étant donné que la Cour criminelle a accepté de voir cette
preuve et a rejeté sa valeur probante, la Cour de cassation aurait
dû corriger cette erreur commise par la Cour criminelle et l'exclure de
l'évaluation en raison de l'absence de base juridique plutôt que
de soutenir ce que la Cour criminelle a admis. Nous critiquons ici le moyen
illégal utilisé pour obtenir la preuve et non pas sa valeur
probante, puisque le sujet de notre intérêt est la manière
illégale et illicite de la recherche de preuve et non pas sa valeur ou
sa crédibilité, contrairement à la justice libanaise qui
ne considère aucunement le moyen, mais plutôt à la valeur
probante de la preuve sans considérer son illégalité.
B. La recevabilité de la preuve
illégale de culpabilité produite par un particulier en droit
français.
359. Position rigoriste de la chambre criminelle de la
Cour de cassation en matière de preuve illégale apportée
par l'autorité publique. Il existe une distinction remarquable
entre le traitement et l'admissibilité de l'élément de
preuve recueillie de manière illégale selon la
partie qui a apporté cette preuve bien que l'origine
illégale de la preuve soit la même. En fait, il semble que la
prohibition des preuves illégales ne vaille pas pour tous les acteurs du
procès
1826
pénal. On peut remarquer qu'il y a une tolérance
qui est inacceptable envers l'illégalité de
la preuve obtenue par les parties privées 1827 , et
qu'au contraire, cette prohibition de l'admission des éléments de
preuve illégale est appliquée avec fermeté contre les
preuves qui ont été recueillies par les autorités
publiques. Cette solution jurisprudentielle critiquable et
discutable par certains pénalistes 1828 est
considérée comme traditionnelle conformément aux
dispositions de l'article 427 du CPP français selon lequel «
hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent
être établies par tout mode de preuve et le juge
décide
d'après son intime conviction »
|
1829
|
. Nous soutenons que l'évolution de cette
jurisprudence
|
461
illogique constitue un facteur négatif qui
empêche l'application effective du principe de légalité de
la preuve pénale comme sanction essentielle de
l'illégalité de la preuve. La légalité de la preuve
doit prévaloir sur la recherche de la preuve et la vérité
dans le procès pénal. Ainsi, une preuve illégalement
acquise devra être déclarée irrecevable par le juge sans
aucune
1826 V. R. Filniez, « Loyauté et
liberté des preuves », Note sous Cass crim. 31 janvier 2007,
n° 06-82.383 ; Cass. crim. 7 février 2007, n° 06-87.753, in
R.S.C., 2007, p. 331 : « Cette tolérance du juge
pénal au profit de la partie privée s'inscrit dans la
finalité de la preuve, assurer la manifestation de la
vérité et permettre à toute partie de faire valoir ses
droits, pour la défense soit de son innocence soit de ses
intérêts atteints par la violation de la loi pénale
».
1827 V. C. Mascala, « Le juge
répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve
produits par les parties même obtenus de manière illicite ou
déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La jurisprudence
confirme, par l'arrêt du 15 juin 1993, le principe du libre recueil des
preuves, et laisse aux parties une totale liberté des modes de preuves
qui sont produites dans une instance pénale ».
1828 V. en ce sens : J. Buisson, «
Recevabilité des éléments de preuve produits par les
parties privées (Cass. crim. 12 juin 2003, Pittau et a.,
n° 02-81122, inédit) », in R.S.C., 2004, p. 427 :
« Dans l'antagonisme entre les deux principes de la liberté et
de la légalité dans la preuve pénale, le premier ne
devrait pas, dans un État de droit, l'emporter sur le second. Mais la
Cour de cassation considère que, pour la production de pièces au
procès par les parties privées, doit prévaloir le principe
de liberté, sauf à démontrer une atteinte à un
principe fondamental ».
1829 V. une stricte application de l'article
427 CPP français: C. Mascala, « Le juge répressif doit
apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les
parties même obtenus de manière illicite ou déloyale
», Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in
D., 1994, p. 613 : « La consécration du libre recueil
des preuves par les parties doit être approuvée sans
réserve. En décidant que le mode d'obtention des preuves n'a
aucune incidence sur la validité de la procédure, la Cour de
cassation ne fait qu'une stricte application des dispositions de l'art. 427 c.
pr. pén. Ce texte pose clairement le principe de la liberté
d'admission et d'administration de la preuve ; il n'est pas dans les pouvoirs
du juge de créer des restrictions que le législateur n'a pas
souhaitées. Le rejet d'une preuve produite par les parties, en
l'espèce une lettre, en considération de
l'illicéité de son obtention viole manifestement le principe de
liberté. L'illicéité peut permettre au juge, lors de
l'appréciation de la valeur probante du document, de l'écarter,
en application du principe de l'intime conviction, mais absolument pas de
déclarer les parties irrecevables en leur action. Cette solution ne
porte pas atteinte aux droits de la défense, dans la mesure où le
respect du contradictoire est garanti par le juge, qui garde ensuite une totale
liberté dans la décision finale ».
distinction puisque l'origine de la preuve est illégale
1830 . Il a été admis par la jurisprudence de
la chambre criminelle qu'une preuve illégale puisse
être produite et utilisée en justice dès lors qu'elle avait
pu être discutée : « la Cour de cassation évince
totalement le principe de légalité procédurale quant aux
actes d'investigation ou de recherche réalisés par des
particuliers,
1831
. La
éviction compensée par le principe du
contradictoire et de l'intime conviction ... »
chambre criminelle de la Cour de cassation française
considère que la victime a le droit d'utiliser une preuve
illégale, mais débattue contradictoirement pour le besoin de sa
défense
sans méconnaître l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme
|
1832
|
. La Cour
|
462
européenne des droits de l'homme adopte une solution
semblable à la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation
française concernant la tolérance envers l'admission des preuves
illégales produites par une partie privée contrairement aux
preuves produites par une
1833
autorité publique . M. Vincent Lesclous
constate que les particuliers ne sont pas tenus au formalisme procédural
qui ne s'impose qu'aux agents publics concernés, lesquels sont seuls
à pouvoir accomplir des actes de procédure annulables et ensuite
la justification de cette distinction entre partie privée et
autorité publique peut être trouvée dans les
nécessités de la
1834
défense.
360. La recevabilité de la preuve illégale
de condamnation apportée par une partie privée. La
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française
a eu recours à l'argument de l'absence d'un texte de loi clair imposant
au juge répressif d'exclure un élément de preuve à
cause de son illégalité ou sa déloyauté de sorte
que cette preuve illégale ou
1830 V. R. Filniez, « Loyauté et
liberté des preuves », Note sous Cass crim. 31 janvier 2007,
n° 06-82.383 ; Cass. crim. 7 février 2007, n° 06-87.753, in
R.S.C., 2007, p. 331 : « La Chambre criminelle distingue en
effet, pour juger de la licéité de ce recueil, selon l'origine de
la preuve. Apportée par une partie privée, cette preuve n'est
soumise à aucune contrainte particulière préalable
à son utilisation à des fins probatoires devant le juge, à
la différence de celle produite par l'autorité publique
».
1831 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
19.
1832 Cass. Crim., 31 janvier 2007, B.C.,
n° 27, p. 100 : « Ne méconnaît pas les
dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de
l'homme, la cour d'appel qui, après en avoir contradictoirement
débattu, admet comme mode de preuve, la production de l'enregistrement
d'une conversation téléphonique privée, dès lors
qu'elle est justifiée par la nécessité de rapporter la
preuve des faits dont l'auteur de l'enregistrement est victime et par les
besoins de sa défense ».
1833 P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement
relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne
des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec
n° 2 : « la CEDH n'adopte pas de solution uniforme en
matière probatoire : si, comme en l'espèce, elle se montre
intransigeante envers les autorités de poursuites pour ce qui concerne
l'exigence d'une loi, elle tolère, notamment lorsque la preuve est
rapportée par une partie privée, une simple compatibilité
entre les moyens d'obtention des éléments probatoires et les
principes généraux commandant la procédure pénale
».
1834 V. Lesclous, JurisClasseur
Procédure pénale, Art. 75 à 78 Fasc. 20 :
enquête préliminaire, n° 60.
déloyale reste soumise à l'appréciation
du juge selon son intime conviction conformément au principe de la
liberté du juge dans l'appréciation de la preuve pénale.
C'est le cas dans cette décision du 23 juillet 1992 : « aucun
texte de procédure pénale n'interdit la production par le
plaignant à l'appui de sa plainte de pièces de nature à
constituer des charges contre des personnes visées dans celle-ci,
lesdites pièces ne constituant pas des actes de l'information
susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du
Code de procédure pénale. Il appartient aux juridictions
répressives d'en apprécier la valeur au regard des règles
relatives
1835
.
à l'administration de la preuve des infractions
»
361. Critique. L'argument utilisé par la Cour
de cassation pour admettre toute preuve illégale et déloyale
produite par une partie privée n'est pas justifiée selon nous et
montre une tolérance inacceptable de la part de la chambre criminelle de
la Cour de cassation envers une illégalité flagrante. Nous
soutenons l'avis de M. Jean-Christophe Saint-Pau selon lequel « le
silence du Code de procédure pénale relativement aux actes
d'investigations et de recherche réalisés par les particuliers ne
constitue pas un argument justifiant la recevabilité d'une preuve
illégale, mais au contraire son irrecevabilité. Si en droit
pénal de fond, il est légitime de poser que tout ce qui n'est pas
interdit est permis, en droit pénal de forme, tout ce qui n'est
pas permis est interdit »
|
1836
|
. Les éléments de preuve apportés par des
parties privées ne
|
463
constituent pas des actes de procédure selon la
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française
1837 . Selon M. Etienne Verges, « la qualité d'acte
procédural permet d'établir une relation avec un principe. Le
principe de loyauté, en droit processuel, permet d'annuler les actes
résultant de manoeuvres frauduleuses » 1838 .
À vrai dire, le problème réside principalement dans
l'incapacité de la théorie des nullités de sanctionner
l'illégalité des éléments de preuves produits par
les parties privées, spécifiquement les preuves de condamnation
rapportées par le plaignant ou la victime. La chambre criminelle de la
Cour de cassation française admet traditionnellement des
éléments de preuves illégales rapportés par la
victime ou le plaignant : « aucun texte de procédure
pénale n'interdit la production par le plaignant, à l'appui de sa
plainte, de pièces de nature à constituer des charges contre les
personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant
pas, au demeurant, des actes
1835 Cass. Crim., 23 juillet 1992, B.C.,
n° 274, p. 744.
1836 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
20.
1837 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399,
pp. 391-392.
1838 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, p.
391.
d'information susceptibles d'être annulés en
application de l'article 172 du Code de procédure pénale ; qu'il
appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur
au regard des
règles relatives à l'administration de la
preuve des infractions »
|
1839
|
. Selon la chambre
|
criminelle, les règles de procédure
pénale qui sont essentiellement applicables aux organes étatiques
et judiciaires ne s'appliquent pas aux parties privée du procès
pénal comme il a été dit dans cet arrêt de la Cour
de cassation : « attendu qu'en prononçant ainsi, en
répondant comme elle le devait aux chefs péremptoires des
conclusions dont elle était saisie, et alors que les dispositions des
articles 100 et suivants du Code de procédure pénale ne
s'appliquent pas à l'interception, l'enregistrement et la transcription
par une personne privée des correspondances émises par la voie
des télécommunications, la Cour d'appel, qui a souverainement
apprécié la valeur probante des éléments de preuve
régulièrement soumis au débat contradictoire, et qui a
déduit des faits et circonstances de la cause relevant de son
appréciation souveraine que les messages étaient susceptibles
d'être perçus par les mineurs, a
justifié sa décision »
|
1840
|
. Dans ce contexte, la chambre criminelle de la Cour de
cassation
|
464
française a considéré que les
éléments de preuve illégale remis au juge par des
personnes privées ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent
être discutés contradictoirement parce que les
éléments de preuve apportés par des parties privées
ne sont pas des actes de
1841
procédure : « l'enregistrement clandestin, par un
policier, des propos qui lui sont tenus ne
constitue pas un acte de procédure susceptible
d'annulation, mais seulement un moyen de preuve soumis à la libre
discussion des parties, lorsqu'il est effectué par lui, non dans
l'exercice de ses fonctions, en vue, par exemple, de constater des agissements
délictueux sur délégation judiciaire, mais pour se
constituer la preuve de faits dont il est lui-même victime
1842
» . Donc, la Cour de cassation a jugé
toujours depuis longtemps que les éléments de preuve produits par
les parties civiles ne constituaient pas en eux-mêmes des actes
d'information.
. La position de la
1843
Donc, ces éléments de preuves illégales
échappent à la sanction de nullité
1839 Cass. Crim., 23 juillet 1992, B.C.,
n° 274, p. 744. 1840 Cass. crim., 12 septembre 2000,
B.C., n° 265, p. 780.
1841 V. en ce sens : Cass. crim., 31 janvier
2012, inédit, n° de pourvoi: 11-85464: « Les
enregistrements de conversations privées, réalisés
à l'insu des personnes concernées par un particulier, en ce
qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de
l'information, au sens de l'article 170 du Code de procédure
pénale, et dès lors qu'ils ne procèdent d'aucune
intervention, directe ou indirecte, d'une autorité publique, ne peuvent
être annulés en application des articles 171 à 173 du
même code. Il en va de même de leur transcription, qui a pour seul
objet d'en matérialiser le contenu. Il s'agit de simples moyens de
preuve soumis à la discussion contradictoire ».
1842 Cass. Crim., 19 janvier 1999, B.C.,
n° 9, p. 17.
1843 V. Cass. crim. 28 avril 1987, B.C.,
n° 173, p. 462 : « Des bandes magnétiques supportant
l'enregistrement, effectué par l'un des participants, de conversations
présentent le caractère de pièces à conviction
n'ayant que la
465
chambre criminelle est claire et stable sur ce sujet, mais
tout à fait choquante dans un État de droit, en validant et
admettant la preuve illégale de culpabilité apportée par
les parties privées qui est à notre avis attentatoire aux
libertés publiques et individuelles, et peut-être susceptible de
généraliser des dérives attentatoires aux libertés.
Dans l'affaire Bettencourt, il est très clair qu'il y a eu collecte de
preuves d'une façon illégale et déloyale qui ont
été admises par la Cour, ce qui constitue une violation flagrante
du principe de la légalité de la preuve pénale. Donc,
l'admission de cette preuve est contraire à l'esprit de la loi, car elle
permet aux parties privées de collecter toutes les preuves même en
utilisant des procédés illégaux, en méconnaissant
le secret professionnel, notamment, quand la Cour a autorisé
l'utilisation de l'enregistrement effectué par un particulier d'une
conversation téléphonique entre une cliente et son avocat. Dans
l'affaire Bettencourt, la preuve a été collectée par une
partie privée sans respecter le principe du secret professionnel et de
la confidentialité des conversations puisque ce n'était pas une
autorité publique qui avait procédé à
l'enregistrement. On peut conclure qu'aucune sanction procédurale ne
permet d'écarter les preuves illégales produites par les
1844
parties privées dans les débats.
362. Inapplicabilité des sanctions
procédurales lorsqu'un élément de preuve n'a pas la
qualité d'acte de procédure pénale. La question
essentielle demeure de savoir si la preuve obtenue par une partie privée
est susceptible d'annulation ou non. En droit français, la preuve de
condamnation qui a été obtenue illégalement par une partie
privée sort du champ d'application de la théorie des
nullités parce qu'elle ne constitue pas un acte de procédure
1845
pénale comme celle produite par les autorités
publiques. Le juge pénal peut-il prendre en compte une preuve obtenue de
manière illégale? Voilà une excellente question
posée par M.
valeur d'indice de preuve et ne constituent pas des actes
de l'information susceptibles d'être annulés en vertu de l'article
172 du Code de procédure pénale ; leur transcription n'est que la
matérialisation de leur contenu afin d'en permettre la consultation
».
1844 V. au contraire la solution
satisfaisante en matière civile : E. Verges, Les principes
directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000,
n° 399, p. 392 : « Le moyen de preuve apporté par l'une
des parties est donc contrôlé au regard du principe de
loyauté par le juge civil. Il ne prend pas la qualité d'un acte
de procédure, mais une sanction autre que la nullité peut lui
être appliquée : l'irrecevabilité. Le principe trouve avec
cette sanction une certaine efficacité ».
1845 V. E. Verges, Les principes
directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000,
n° 399, p. 392 : « la chambre criminelle distingue dans la
recherche des preuves, celles qui sont réunies par les organes publics
de la mise en état (officiers de police judiciaire, juge d'instruction,
Procureur de la République) et celles qui sont apportées par les
parties privées. La recevabilité des preuves produites par ces
personnes privées n'est pas soumise aux principes qui déterminent
la validité des actes. Seule leur force probante doit être
appréciée ».
Thierry Garé
1846
. Le fait pour la chambre d'instruction de prendre la
décision d'accepter de
verser au dossier de l'affaire des éléments de
preuve obtenus de manière illégale par les parties privées
est immunisé contre toute sorte d'annulation comme l'affirme la chambre
criminelle de la Cour de cassation. En même temps, la chambre
d'instruction soutenue par la Cour de
cassation a admis les preuves obtenues illégalement par
les parties privées
|
1847
|
parce que «
|
pour la Cour de cassation, l'admission d'une preuve
illégale ne constitue en rien un vice de la
procédure d'instruction »
|
1848
|
, bien qu'« en l'espèce, il ne fait pas de
doute que les preuves
|
retenues par le juge d'instruction avaient été
obtenues illégalement »
1849
. M. Thierry Garé
1850
critique la solution adoptée par la chambre criminelle de
la Cour de cassation française concernant l'admission sans
réserve des preuves qui ont été obtenues de manière
illégale en
1851
. En
considérant que : « la position de la haute
juridiction est malheureusement classique »
effet, la chambre criminelle a affirmé à
plusieurs reprises de façon suffisamment clairement son refus et son
opposition extrême d'écarter les éléments de preuve
illégaux produits par les parties privées en se basant dans
chaque arrêt sur la formule célèbre selon laquelle
« aucune disposition légale ne permet aux juges
répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par
les parties au seul motif qu'ils auraient été
obtenus de manière illégale »
|
1852
|
. Il apparaît
|
466
1846 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391.
1847 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391 : « La question posée
à la chambre d'accusation était donc double. D'une part, la
décision de verser au dossier des preuves obtenues illégalement
est-elle susceptible d'annulation ? D'autre part, l'admission
d'éléments de preuve obtenus illégalement est-elle de
nature à vicier la procédure d'instruction ? La chambre
d'accusation, approuvée sur ce point par la Chambre criminelle, rejette
ces griefs. Elle admet donc, implicitement, que la décision de prendre
en compte des preuves illégales n'est pas susceptible d'annulation. Et
elle ajoute, explicitement, qu'elle ne constitue pas, non plus, un vice de la
procédure d'instruction ».
1848 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391.
1849 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391.
1850 V. dans ce cens encore : Cass. Crim., 30
mars 1999, B.C., n° 59, p. 144 : « Qu'en effet, la
circonstance que des documents ou des enregistrements remis par une partie ou
un témoin aient été obtenus par des procédés
déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de refuser de les joindre
à la procédure, dès lors qu'ils ne constituent que des
moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement ;
que la transcription de ces enregistrements, qui a pour seul objet d'en
matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à
annulation ».
1851 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391.
1852 V. sur l'admissibilité de la
preuve illicite : C. Mascala, « Le juge répressif doit
apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les
parties même obtenus de manière illicite ou déloyale
», Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in
D., 1994, p. 613 : « La Chambre criminelle consacre
l'admissibilité des preuves obtenues illégalement. Elle
précise qu'aucun texte du Code de procédure pénale ne
permet au juge d'écarter des moyens de preuve produits par les parties
au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon
illicite
467
qu'aucune sanction procédurale ne peut interdire ou
limiter efficacement la recevabilité par le
1853
juge de la preuve illégale apporté par une
partie privéeet par conséquent le versement d'un
élément de preuve illégale dans le dossier de l'affaire
pénale doit à ce titre être débattu
contradictoirement. La position de la chambre criminelle de la Cour de
cassation française est sans doute une conséquence naturelle
d'une application ferme du principe de liberté de la
qui
1854
preuve pénale qui interdit au juge, selon certains
auteurs, d'écarter une preuve illégale
sera appréciée exclusivement et souverainement
par les juges du fond. Un autre facteur important paraît d'ailleurs jouer
un rôle qui a empêché l'évolution de l'avis de la
Cour de cassation française, c'est la jurisprudence de la Cour de
Strasbourg qui a considéré ce point de vue compatible au regard
de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans ce contexte, la
Cour européenne des droits de l'homme a jugé à plusieurs
reprises que la recevabilité de la preuve illicite n'est pas en
contradiction avec l'exigence d'un procès
1855
équitable énoncée par l'art. 6,
paragraphe 1 de la Convention . La Cour de Strasbourg rappelle toujours dans
ces arrêts que la Convention européenne des droits de l'homme ne
réglemente pas l'admissibilité des modes de preuve puisque ce
dernier est considéré comme une matière qui relève
des droits internes, ce qui la pousse à ne pas exclure ou condamner,
par
principe, l'admissibilité d'une preuve recueillie de
manière illégale 1856 . Ce qui précède
ou déloyale. Par conséquent, le juge n'a pas
le pouvoir de déclarer la partie civile irrecevable en son action, au
seul motif que celle-ci se fonde sur une preuve obtenue illégalement. Il
doit l'admettre, rechercher si la preuve produite est de nature à
établir la prévention, et en apprécier la valeur probante
afin de se prononcer selon son intime conviction comme l'exige la loi
».
1853 V. J. Pradel, « Un plaignant
peut-il utiliser, à l'appui de sa plainte, des enregistrements obtenus
à l'insu des personnes qu'il suspecte d'avoir commis une infraction dont
il est victime ? », in D., 1993, p. 206 : « L'acte de
procédure est en réalité celui qui obéit à
des règles de fond et de forme précises, dictées par la
loi ; et c'est pourquoi l'annulation en est possible, seule véritable
sanction de la violation de ces règles. Au contraire, les pièces
à conviction ou autres documents réunis par les parties
privées ou plus généralement par les victimes ont
été rassemblées en dehors des règles du Code de
procédure pénale ; et c'est pourquoi une annulation ne se
conçoit pas, à moins qu'il y ait eu violation d'un principe
général comme l'intégrité corporelle ou
l'intimité de la vie personnelle...».
1854 V. J. Buisson, «
Recevabilité des éléments de preuve produits par les
parties privées (Cass. crim. 12 juin 2003, Pittau et a.,
n° 02-81122, inédit) », in R.S.C., 2004, p. 427 :
« Le principe de la liberté de la preuve a une telle force que,
dans la phase de jugement, les juges répressifs ne peuvent, selon cette
jurisprudence, écarter les moyens de preuve produits par les parties au
seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite
ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article
427 précité, d'en apprécier la valeur probante
».
1855 V. en ce sens : CEDH, 12 juill.
1988, Schenck, série A, n° 140 ; CEDH, 20 nov. 1989,
Kostovski, série A, n° 166 ; CEDH, 27 sept. 1990,
Windish, série A, n° 186 ; CEDH, 19 déc. 1990,
Delta, série A, n° 191.
1856 V. sur ce point: C. Mascala, « Le
juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de
preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite
ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La
recevabilité de preuves illicites, comme l'admet la jurisprudence
française, n'est-elle pas en contradiction avec cette notion de
procès équitable ? Certes, la preuve est totalement libre, les
modes d'obtention des preuves n'ont pas d'importance, la Cour de cassation
l'affirme. Mais la production en justice de preuves obtenues illicitement, qui
détermineront peut-être l'intime conviction du juge,
permet-elle
468
n'empêche pas la Cour de Strasbourg de contrôler
et de rechercher soigneusement si le procès en général,
dans son ensemble, revêt un caractère équitable. Il est
bien clair que la Cour de cassation française admet la preuve
illégale obtenue par les parties privées sous réserve
d'être l'objet d'un débat contradictoire1857 durant
l'audience1858. Sans doute, le respect absolu par le juge du fond du
principe contradictoire est un signe protecteur. C'est un principe directeur du
procès pénal, mais qui n'est pas suffisant pour purger
l'illégalité de la preuve obtenue par les parties privées
et ne justifie pas l'admission des preuves illégales rapportées
par les parties privées même sur la base de l'argument de
l'absence d'un texte qui permet d'exclure une
. Donc, la recevabilité de la preuve illégale
apportée par une partie privée
1860
reste critiquable malgré le respect d'un débat oral
et contradictoire de cette preuve illégale
1859
preuve illégale
.
En matière pénale, puisque la fin ne peut
justifier les moyens, la chambre criminelle doit réformer sa
jurisprudence pour être compatible avec le principe de
légalité de la preuve pénale et le droit à un
procès équitable. Le législateur français est
invité à combler la lacune législative en adoptant un
texte qui renforce l'application effective du principe de
légalité de la preuve pénale qui permet
expressément au juge d'exclure une preuve illégale
apportée par
d'assurer un procès équitable ? La Cour
européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur ce point, et
considère que la recevabilité des preuves obtenues illicitement
n'est pas contraire aux dispositions de la convention. Son argumentation repose
sur l'idée que la convention ne réglemente pas
l'admissibilité des preuves en tant que telles ».
1857 V. C. Mascala, « Le juge
répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve
produits par les parties même obtenus de manière illicite ou
déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La liberté
est totale pour les parties, quelle que soit la nature du moyen utilisé,
l'admissibilité des preuves illicites est consacrée ; la seule
exigence procédurale, qui demeure, est celle du respect du
contradictoire».
1858 V. T. Garé, « L'admission de
la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391 : « Selon la Chambre criminelle, la
preuve illégale est parfaitement recevable dès lors qu'elle peut
être, ensuite, contradictoirement discutée. On retrouve là
la seule limite imposée au juge par l'art. 427 c. pr. pén. Le
juge peut retenir tout mode de preuve (al. 1), mais il ne peut, dans son intime
conviction, fonder sa décision que sur des éléments de
preuve contradictoirement discutés devant lui (al. 2). Le principe du
contradictoire purgerait en quelque sorte la preuve de son origine illicite
».
1859 V. T. Garé, « L'admission de
la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391 : « Cette motivation n'est pas
nouvelle puisque la Chambre criminelle a déjà admis, notamment
dans le cas des appels téléphoniques malveillants, que le juge
peut fonder sa décision de condamnation sur des enregistrements sonores
effectués illégalement par la victime desdits appels, au motif
que le prévenu peut discuter les éléments de preuve
réunis contre lui » ; V. en ce sens : Cass. crim., 17 juill.
1984, B.C., n° 259 : « Leur enregistrement, à la
diligence du destinataire, afin de permettre l'identification de l'auteur de
cette contravention, ne présente pas le caractère d'une atteinte
à l'intimité de la vie privée de l'auteur desdits appels.
Il n'est pas contraire aux droits de la défense de les utiliser pour
identifier celui-ci ».
1860 V. T. Garé, « L'admission de
la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391 : « on voit mal comment cette libre
discussion peut faire disparaître l'illégalité à
l'origine de l'obtention de la preuve ».
1861
la partie privée au débat ou interdit le versement
des éléments de preuve illégaux dans le
dossier de l'affaire pénale. Si la preuve
illégale apportée par la partie privée dans le
procès pénal se trouve hors du champ d'application de la
théorie des nullités en matière pénale, il est
possible d'utiliser une solution pragmatique autre que la
nullité 1862 qui a encore le même effet
1863
et la même efficacité, comme
l'irrecevabilité de l'élément de preuve illégale
|
.
|
363. Les critiques de Mme le professeur
Michèle-Laure Rassat à propos l'attitude de la chambre criminelle
de la Cour de cassation française. La chambre criminelle de la Cour
de cassation française a admis dans sa jurisprudence les preuves
illégales apportées par les victimes et en même temps a
refusé les preuves illégales apportées par les officiers
de police judiciaire. Sans doute, une telle attitude de la part de la chambre
criminelle est illogique. Malgré les arguments et les vêtements
juridiques dont la Cour essaie de la revêtir, sa position qui nous semble
très critiquable et a d'ailleurs été critiquée
notamment par Mme le professeur Michèle-Laure Rassat. Un
arrêt rendu le 27 février 1996 par la chambre criminelle de la
Cour de cassation fut l'occasion pour elle de critiquer d'une façon
juste et précise les arguments fragiles de la chambre criminelle qui
fait une distinction entre d'une part les preuves illégales
apportées par les victimes parties civiles dans un procès
pénal qui sont autorisées à enregistrer ce qu'elles
veulent comme elles le veulent en toute liberté pour enfin produire ces
enregistrements à la justice comme éléments de preuve dans
le dossier pénal malgré son origine illégale, et
d'autrepart les officiers de police judiciaire qui ne sont pas autorisés
à procéder à des enregistrements, de sorte que les preuves
qui en résultent ne peuvent être pas
intégrées au dossier pénal
|
1864
|
: « la jurisprudence selon laquelle les
enregistrements pirates
|
469
1861 V. C. Mascala, « Le juge
répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve
produits par les parties même obtenus de manière illicite ou
déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, in D., 1994, p. 613 : « Au regard du Code
de procédure pénale, le juge répressif ne peut pas rejeter
la preuve illicite : l'art. 427, al. 1er, ne le lui permet pas. Mais le droit
français et les décisions jurisprudentielles ne doivent pas
contredire les dispositions européennes constitutionnellement
supérieures. De se demander, alors, si l'admissibilité des
preuves illicites n'est pas contraire à l'art. 6, § 1, de la
Convention européenne des droits de l'homme ? ».
1862 V. en même sens : E. Verges, Les
principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000,
n° 404, p. 395 : « Parmi les différentes sanctions
procédurales, certaines possèdent des effets très proches
de la nullité »... « elles peuvent conduire plus simplement
à un rejet de l'acte soit par ce qu'il est irrecevable, soit par ce
qu'il n'est plus recevable ».
1863 V. en même sens : E. Verges, Les
principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000,
n° 406, p. 397 : « Le rejet de l'acte
des débats n'est pas une sanction aussi forte que son annulation »
... « Elle produit pourtant les mêmes effets. L'acte est
privé de toute efficacité dans la mesure où il ne peut
être produit en justice ».
1864 V. Cass. Crim., 27 fevrier 1996, B.C.,
n° 93, p. 273 : « Les articles 100 à 100-7 du Code de
procédure pénale confèrent au juge d'instruction le
pouvoir exclusif d'ordonner que soit pratiquée l'interception
des
des parties civiles ne sont que les pièces à
conviction n'ayant dans le procès pénal que la valeur d'indices
de preuve pourrait peut-être se défendre (et encore) s'il y avait
deux dossiers distincts sans rapport l'un avec l'autre et que lesdits
enregistrements ne quittent pas le dossier purement indemnitaire. Mais nous
savons bien qu'il n'en est rien, les prétendus "indices de preuve"
(formule au sens juridiquement inconnu et donc inexacte) de la Chambre
criminelle étant versés au dossier global de la procédure
où ils pourront très officiellement servir de motifs fondant la
déclaration de culpabilité dans le cadre du jugement sur
l'action
1865
publique » . Nous sommes d'accord avec ces
commentaires. En effet, dans le procès pénal il n y a pas une
distinction entre la notion d'indice, preuve et élément de preuve
dans un même dossier pénal devant le juge du fond qui
apprécie les preuves souverainement en toute liberté
d'après son intime conviction. C'est sans doute ce qui pousse Mme
Michèle-Laure Rassat à affirmer que « les
enregistrements, éléments de preuve, fournis par la partie civile
sont donc des éléments de preuve tout court du procès
pénal et il est alors à l'évidence illogique de les
autoriser tout en les interdisant aux policiers qui présentent tout de
même des garanties
techniques, morales et d'indépendances
supérieures »
|
1866
|
. De plus, en ce qui concerne
|
l'argument classique de la chambre criminelle pour refuser de
rejeter ou d'exclure les éléments de preuve illégale
produits par les parties privées en l'absence de texte juridique selon
la formule « aucune disposition légale ne permet aux juges
répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les
parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon
illicite ou déloyale », Mme Michèle-Laure Rassat
répond d'une façon logique et détruit cet argument en
écrivant qu' « en s'accrochant ainsi à la
nécessité d'un texte pour garantir l'honnêteté
élémentaire d'un procès pénal, la Chambre
criminelle d'aujourd'hui fait preuve, d'abord, d'une particulière
étroitesse d'esprit. Elle oublie que la règle de
l'interprétation restrictive de la loi pénale ne s'impose que
pour les dispositions défavorables à la personne poursuivie. Elle
bafoue de ce fait toute l'oeuvre accomplie par son ancêtre tant sous le
régime du Code d'instruction criminelle que du Code de procédure
pénale pour installer, en marge
des textes, la théorie des droits de la
défense, par exemple »
|
1867
|
. Mme Michèle-Laure Rassat
|
470
ajoute encore que cet argument classique de la chambre criminelle
« n'est guère probant ni en
correspondances émises par la voie des
télécommunications. Ce pouvoir n'est, en aucun cas,
attribué aux officiers de police judiciaire agissant en enquête
préliminaire comme en l'espèce ».
1865 M.-L. Rassat, «Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
1866 M.-L. Rassat, «Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
1867 M.-L. Rassat, «Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
droit interne ni en droit international »
1868
. Elle finit de critiquer la position de la chambre
471
criminelle avec une question qui met en échec tous les
arguments de la chambre criminelle : « la jurisprudence de la Chambre
criminelle est un chef-d'oeuvre d'hypocrisie. À quoi sert, en effet, de
faire assaut de légalisme en interdisant aux officiers de police
judiciaire de procéder à des enregistrements si le même
élément de preuve, exactement le même (enregistrement de la
même personne tenant la même conversation au même endroit)
peut être obtenu par la
1869
.
partie civile sans aucune restriction?»
§ 2. Preuves illégales fournies par
l'accusé ou preuves illégales d'innocence.
364. La prédominance des pouvoirs publics sur la
recherche de la preuve pénale. En droit libanais et
français, la recherche de la preuve pénale est confiée
à une autorité publique (police judiciaire, juge d'instruction,
membre du ministère public ou policier). L'objectif ultime du Code des
procédures pénales est la recherche de la vérité en
utilisant une quantité suffisante et adéquate permise par les
lois concernant l'atteinte à la liberté des individus afin
d'atteindre cet objectif, qui est d'ailleurs la recherche de la preuve et de
l'auteur de l'infraction. Le pouvoir chargé de rechercher la preuve
applique les procédures pénales définies par le
législateur dans le but de recueillir la preuve et de découvrir
l'auteur de l'infraction dans le but de l'attribuer à son auteur.
Cependant, cette domination sur la recherche de la preuve pénale par les
autorités publiques et judiciaires ne signifie pas que le reste des
parties du procès public n'ont aucun rôle dans cette recherche.
Les autres parties sont les parties privées, soit l'accusé, la
victime de l'infraction ou le plaignant.
365. Le fardeau de la preuve incombe au procureur
général et au tribunal. Il est reconnu que dans les affaires
pénales, le fardeau de la preuve repose sur le ministère public
qui représente la société dans l'affaire pénale
devant le tribunal, et par conséquent, le demandeur civil. En effet, la
victime et le procureur général portent le fardeau de prouver la
culpabilité de l'accusé, étant donné que celui-ci
est légalement exempté de l'obligation de prouver son innocence,
en raison de l'avantage tiré des implications de la consécration
du principe de la
1868 M.-L. Rassat, « Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
1869 M.-L. Rassat, « Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
472
présomption d'innocence dans le droit libanais et
français. A ce propos, il est clair que les législateurs libanais
et français, en principe, exonèrent l'accusé de fournir la
preuve de son innocence. Cependant, bien que le fardeau de la preuve incombe en
principe à la partie accusatrice conformément au principe de
présomption d'innocence dont l'accusé profite, en pratique ce
principe n'est pas respecté en raison des difficultés de certains
procureurs à fournir la preuve pénale, ou encore à cause
d'une tendance inconsciente du procureur général et des juges
d'instruction à privilégier la recherche de la preuve de
culpabilité et à négliger la recherche de preuves
d'innocence, soit par habitude soit parce qu'ils croient dès le
départ à la culpabilité de l'accusé, même si
les preuves contre lui sont fragiles ou faibles, voire illogiques. Le fardeau
de prouver l'accusation est de la responsabilité de l'autorité de
l'enquête ou de l'accusation en conformité avec les règles
de la preuve dans les affaires pénales. En effet, l'accusé n'est
pas obligé de fournir la preuve de son innocence sans que cela soit
considéré comme une preuve de la perpétration de
l'infraction, il en va de même lorsqu'il garde le silence. Toutefois, il
a le droit de débattre des preuves recueillies contre lui, de les
réfuter ou de remettre leur valeur en question. Il peut également
soumettre volontairement toute preuve afin de prouver son innocence, ou
admettre l'accusation. La tâche du juge d'instruction, de l'accusateur
public ou du tribunal du fond ne se limite pas à prouver l'accusation,
étant donné qu'ils sont des services de justice qui ont pour
mission principale de prouver la vérité, car l'idée de la
justice ne peut pas être construite sur l'illusion ou sur de fausses
convictions. De ce fait, ces services judiciaires doivent enquêter sur
cette vérité par le biais de la vérification et l'examen
des preuves. Le processus de cette enquête est basé sur la
vérification de l'existence de preuves suffisantes pouvant
réfuter ou non l'origine de l'innocence. En outre, il est possible de se
fonder sur une preuve extraite ou obtenue illégalement pour un
acquittement, bien qu'il ne soit pas possible de s'y baser pour une
déclaration de culpabilité selon le principe.
A. Le droit de l'accusé de faire valoir ses
preuves pour prouver son innocence.
366. Le manque d'égalité effective entre le
ministère public et l'accusé ou le défendeur. La
rivalité dans le procès pénal n'est pas sur le même
degré d'égalité des droits dont jouissent les
parties du procès pénal1870 . En effet, le
ministère public a des pouvoirs exclusifs et des droits
1870 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
620, p. 417 : « Parmi les différents principes directeurs du
procès pénal, celui de l'égalité des
473
larges concernant la recherche de la preuve, compte tenu de
son rôle et de la tâche difficile qu'il accomplit, par la recherche
des preuves de l'infraction et ses auteurs. Le ministère public jouit
donc d'une liberté considérable pour prouver la
culpabilité de l'accusé ou du défendeur grâce
à des procédures pénales permises par le
législateur. Alors que de l'autre côté il existe un
accusé ou un défendeur qui dépend de lui-même pour
prouver son innocence, se servant de la présomption d'innocence pendant
toutes les étapes du procès pénal jusqu'à prouver
le contraire, ou en d'autres termes, sa culpabilité relative. A ce
propos, M. Elias Nammour affirme que le ministère public a le droit de
rechercher la preuve pénale librement et de voir le dossier
d'enquête devant le juge d'instruction. Par contre, le défendeur
ne peut pas avoir accès au dossier de l'enquête en raison de la
confidentialité de l'enquête devant le juge d'instruction. Ainsi,
les moyens du défendeur afin de prouver son innocence sont
limités en comparaison avec les moyens du ministère public, et
son droit de prouver son innocence est presque bloqué lors de sa
détention, en particulier si la durée de celle-ci est
étendue jusqu'à la phase du jugement1871. Par
conséquent, l'égalité dans le sujet de la
présentation de la preuve et l'arme des preuves entre le
défendeur ou l'accusé en
comparaison avec le ministère public est inexistante
1872 . L'hypothèse de la présomption d'innocence en faveur de
l'accusé et le défendeur est la seule façon de compenser
le manque d'égalité entre le ministère public d'une part,
et le défendeur ou l'accusé d'autre part dans l'application du
principe de la liberté de la preuve qui bénéficie au
ministère public.
367. Le contenu du droit de l'accusé à la
preuve. Certains pourraient penser que l'accusé ou le
défendeur n'a nullement besoin d'un droit de participation dans le
processus de la preuve au cours du procès pénal dans le but de
convaincre le juge ou le tribunal de son innocence tant qu'il jouit de la
présomption d'innocence. Cependant, la vérité est tout
à fait différente. En effet, l'accusé ou le
défendeur est mis dans une situation critique lors de la
présentation de toute preuve contre lui, même si cette preuve est
faible. Le fardeau de la preuve initialement attribué au
ministère public se change en un lourd fardeau épuisant
l'accusé et l'obligeant à fournir la preuve contraire à
celle présentée contre lui, afin de réfuter
armes entre la personne poursuivie et l'autorité
poursuivante est certainement celui dont l'apparition est la plus
récente ».
1871 V. en langue arabe : E. Nammour, La
cour criminelle. Etude comparée, Sader Editeurs, Beyrouth, 2005,
2em partie, n° 1362, p. 953.
1872 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
621, p. 417 : « Aucun texte ne formule expressément le principe
de l'égalité des armes. Il ne figure ni dans la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme, ni les textes appartenant au bloc de
constitutionnalité, ni dans le Code de procédure pénale.
Son origine est donc prétorienne ».
474
la preuve le condamnant et convaincre le tribunal de son
innocence. De ce fait, il devient impératif à l'accusé
d'avoir le droit naturel de participer à la production de la preuve
pénale lorsqu'il est nécessaire de prouver son innocence. Le
principe de la présomption d'innocence dans le droit positif et les
conventions internationales relatives aux droits de l'homme devrait permettre
à l'accusé d'apporter librement des éléments de
preuve pouvant convaincre le juge de l'invalidité de l'accusation
portée contre lui. Le droit de la preuve a permis d'autoriser
l'adversaire à établir la preuve devant la justice selon les
formes fixées par la loi. Dans le procès pénal, il est
permis à l'accusé, suspect et défendeur - supposant son
innocence - d'établir la preuve de l'invalidité de l'accusation
qui lui était attribuée. Par conséquent, il est
impératif de lui permettre d'avoir toutes les facilités et les
moyens nécessaires pour convaincre le juge de l'invalidité des
preuves présentées contre lui par l'autorité de
l'accusation. Le droit de l'accusé à la démonstration fait
partie du système d'accusation sur le plan procédural, qui fait
prévaloir l'égalité entre l'accusé et
l'autorité de
l'accusation 1873 . Ce système ne donne pas le moindre
avantage à un justiciable face à l'autre, afin d'assurer à
chaque adversaire le droit de recueillir des preuves afin de faire face
à l'autre justiciable, dans un procès public où les
débats ont lieu oralement, en présence des adversaires
(justiciables).
B. Le droit de l'accusé de démontrer son
innocence sur la base d'une preuve illégale.
368. La problématique de la preuve illégale
d'innocence. Auparavant, il a été dit que le jugement de
culpabilité doit se fonder sur des preuves en conformité avec le
principe de la légalité de la preuve pénale. Toutefois,
relativement à la preuve de l'innocence, une partie
de la doctrine 1874 pense qu'il n'existe aucune restriction
quant à la mise en place de l'acquittement sur une preuve
illégale. Ce raisonnement est fondé sur le principe de la
présomption d'innocence qui en est d'ailleurs à l'origine. En
outre, la nullité de la preuve dérivée d'une
manière illégale est initiée principalement afin de
protéger la liberté de l'accusé.
1873 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
619, p. 416 : « À l'issue d'une évolution amorcée
au milieu des années 1990, l'égalité des armes entre la
personne poursuivie et le représentant du ministère public semble
être devenue une réalité ».
1874 V. en langue arabe : M. Mostafa, La
preuve en droit pénal comparé, Imprimerie de
l'université de Caire, Le Caire (Egypte), 1977, 1e partie
(théorie générale), p. 114 ; A. Fathi Srour, Le
médiateur en procédure pénale, 7e éd., Dar
Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1996,
p. 752 ; H. Abdallah Ahmad, La théorie générale des
preuves. Etude comparée entre système procédural latin,
anglo-saxonne et islamique, Dar Al-Nahda Al-Arabia
(Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 2004, p. 505.
475
Par conséquent, il est illogique de le faire retourner
contre lui dans le cas de l'attachement au rejet de la preuve de l'innocence au
motif qu'elle est illégale, le résultat très grave serait
la condamnation d'un innocent. A cet endroit, la société supporte
deux préjudices : l'acquittement d'un criminel de la sanction
pénale et au lieu de cela punir un innocent en dépit de la preuve
démontrant son innocence. En outre, dans le cas de l'existence d'un
doute, le juge acquitte l'accusé, et a priori, il devait acquitter la
personne dont la preuve de l'innocence serait disponible - bien que cette
preuve ait été illégalement obtenue - et non uniquement un
doute dans sa condamnation1875. Les preuves en matière
pénale sont persuasives, tirant ainsi leur valeur probante de la
conscience du juge et son intime conviction. Cependant, le juge doit respecter
les restrictions imposées par la loi afin que sa conviction ne soit pas
purement personnelle et puisse convaincre les autres. Ces restrictions ne sont
pas considérées comme une contrainte directe sur la conviction,
mais plutôt comme une garantie du respect de la liberté
individuelle et des droits de l'homme, en s'appuyant sur le principe de la
présomption d'innocence. Ces restrictions relèvent du principe de
la légalité des procédures pénales qui impose que
les preuves soient recueillies conformément aux dispositions de la loi.
Sur la base de ce qui précède, la restriction de la
légalité est l'une des plus importantes restrictions
imposées pour le bien de l'accusé sur la base de l'innocence du
prévenu jusqu'à preuve définitive du contraire. Dans le
cas où il s'agit de la position de la loi relative aux preuves de
culpabilité, cette position s'applique-t-elle sur les preuves de
l'innocence ? En d'autres termes le juge est-il admis à établir
l'innocence sur une preuve illégale ? Quelle est la position de la loi
et des principes généraux des procédures pénales
concernant par exemple les preuves découlant de l'écoute ou de
l'observation cachées ? Le juge pénal doit fonder sa conviction
de condamnation en s'appuyant sur des preuves légales et non pas sur des
preuves produites par des procédures illégales. Toutefois, il a
la liberté de former sa conviction d'innocence à partir d'une
preuve illégale. En effet, le juge n'ayant pas besoin de faire la preuve
de l'innocence, son doute sur la culpabilité l'oblige à choisir
l'acquittement, selon la règle du doute en faveur de l'accusé et
du principe de la présomption d'innocence. Par illustration, le
frère ou le père de l'accusé peut voler un document
démontrant l'innocence de son frère ou de son fils, et l'offrir
au juge pénal. Dans ce cas, le juge peut acquitter l'accusé s'il
est convaincu par la preuve démontrant l'innocence de l'accusé ou
pouvant remettre en cause les preuves du procureur, produisant ainsi un
jugement d'acquittement. En effet, il n'est pas permis de refuser de
reconnaître l'innocence d'une personne sous prétexte que la preuve
n'aurait pas été
1875 V. en langue arabe : H. Abdallah Ahmad,
La théorie générale des preuves. Etude comparée
entre système procédural latin, anglo-saxonne et
islamique, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le
Caire (Egypte), 2004, pp. 505-506.
476
obtenue par une voie légale. Cette position est
critiquée. On lui reproche de donner des effets à une preuve qui
viole le principe de la légalité procédurale. Ce à
quoi il est répondu que même s'il y a atteinte à la justice
et aux intérêts de la société et de sa
sécurité, il est préférable que l'innocence, si
elle est réelle, soit reconnue. Il vaut mieux que mille criminels s'en
tirent plutôt qu'un seul innocent soit condamné. Si le juge peut
avoir des doutes quant à la culpabilité de l'accusé alors
qu'il y a des preuves l'incriminant, il ne peut que conclure à son
innocence si a des preuves de celle-ci. Le contraire reviendrait à juger
la culpabilité d'une personne dont on sait qu'elle est innocente, ce qui
serait une agression flagrante de la justice. En effet, le principe de la
légalité pénale n'accepte certainement pas cet argument
étant donné qu'il est posé à l'origine pour
protéger l'innocent, et non contre lui. En outre, le principe de la
sanction personnelle, pris par toutes les législations pénales
exige que la punition soit infligée uniquement au véritable
acteur du crime, de condamner le coupable en particulier pour atteindre la
punition, la dissuasion privée, la dissuasion publique, et donc
l'établissement de la sécurité de la
société. Ce principe lui-même permet au juge pénal
de s'appuyer dans son jugement d'acquittement sur des preuves illégales
montrant l'innocence du coupable, afin de ne pas punir un innocent alors que le
vrai criminel jouit de sa liberté et commet d'autres crimes. Ainsi, le
juge pénal peut se baser dans son jugement d'acquittement sur des
preuves illégales contenant l'innocence de l'accusé, dans le cas
contraire, la conséquence dangereuse serait la culpabilisation d'un
innocent. Par conséquent, le droit de l'accusé de se
défendre est un droit sacré placé au-dessus de tout autre
droit de la société. Il est inadmissible de restreindre la
liberté de l'accusé de se défendre avec une exigence
similaire à celle requise dans la preuve de culpabilité. La
légalité est donc une base de la preuve valide et sans
défaut de la culpabilité ou de l'innocence. Mais il n'est pas
possible de dire que la preuve de la culpabilité doit être
légale. Au contraire, il suffit que la preuve de l'innocence soit
présente sans compter sa légalité. Certains auteurs
peuvent critiquer cet avis en disant que l'équilibre de la justice est
détruit pour devenir discriminatoire dans l'évaluation de la
preuve, étant donné que les jugements judiciaires se fondent sur
l'affirmation et la certitude, non pas sur la supposition et l'hypothèse
et toujours sur la base d'une preuve légale. Nous disons non, car il
faut tenir compte du principe de la présomption d'innocence et de celui
selon lequel le doute doit favoriser l'accusé, de sorte que le jugement
de culpabilité est seul à être fondé sur
l'affirmation et la certitude. Quant au jugement d'innocence, il suffit pour le
juge pénal d'avoir un simple doute dans les preuves d'affirmation pour
juger l'acquittement. De ce fait, il vaut mieux pour le tribunal de
libérer un millier de criminels que de condamner un innocent.
477
369. La présomption d'innocence exonérant
l'accusé de prouver de son innocence. La question évidente
se pose donc : si la loi a permis à l'accusé ou au
défendeur de montrer ses défenses, d'être
écouté par le tribunal, de demander au juge d'instruction de
mener à bien certaines actions qu'il juge nécessaires afin de
découvrir la vérité, en considérant qu'il n'est pas
coupable, ou de fournir des documents et des preuves, le problème
principal reste centré sur le sort de la preuve illégale de
l'innocence de l'accusé ou du défendeur fournie par lui au
tribunal, sans que cette preuve soit le résultat d'une procédure
pénale au sens strict du mot. Quelle est donc la position de la
magistrature et la loi sur cette preuve illégale ? Existe-t-il une
différence selon que cette preuve émane de l'accusé ou du
défendeur lui-même ? La preuve illégale doit être
écartée de l'examen et de la conviction du juge, même si
elle représente la vérité, puisque la
légalité des procédures pénales en
général, et plus particulièrement
l'illégalité de la preuve pénale basée sur
l'illégalité du moyen de la recherche, de l'obtention ou de la
production de la preuve obligent à ne pas prendre en
considération la vérité et la valeur probante de cette
preuve même si cela conduit à l'impunité d'un criminel
coupable. Est-il possible d'admettre l'exclusion de la preuve illégale
qui prouve l'innocence de l'accusé pour la raison que celui qui l'a
obtenue, soit l'accusé, l'a obtenue d'une manière illégale
? Peut-on accepter ce qui n'est pas acceptable pour la conscience et la
justice, c'est-à-dire de punir une personne d'un péché
qu'il n'a pas commis et négliger la preuve de son innocence en raison de
l'illégalité de cette preuve ? Faut-il faire une comparaison de
position et donner la même solution pour le sort de la preuve
illégale fournie par l'autre partie privée dans le procès
pénal, en d'autres termes le demandeur civil ou la victime ? Il
découle du principe de la présomption d'innocence que la personne
mise en cause est en toute logique dispensée d'avoir à
établir son innocence. Cependant, l'enjeu du procès pénal
ne peut se satisfaire du rôle passif de la personne mise en cause dans
l'établissement de son innocence. Loin d'être analysée
comme une atteinte à ses droits fondamentaux, la possibilité pour
la personne mise en cause de rapporter des éléments de preuve de
nature à établir son innocence ou à atténuer sa
responsabilité constitue une chance supplémentaire, pour le
procès pénal, de
. La notion de
1876
tendre vers son objectif de vérité et de
prévention de l'erreur judiciaire
1877
preuve contraire n'est pas inconnue du droit en
général et du droit pénal en particulier
|
.
|
1876 P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p. 7.
1877 P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p.
7.
370.
478
Arguments en faveur du droit pour l'accusé de
prouver son innocence par une preuve illégale. Est-il possible
à l'accusé ou au défendeur de prouver son innocence
grâce à l'utilisation d'une preuve obtenue illégalement? Se
pose la question de la possibilité pour l'accusé de
présenter une preuve illégale afin de prouver son innocence. A ce
propos, il existe plusieurs points de vue doctrinaux vis-à-vis de la
preuve sur laquelle le juge fonde sa conviction de l'innocence.
371. Un premier avis contre l'admission d'une preuve
illégale. En réponse à cette problématique,
certains exigent la légalité de la preuve dans le cas de la
culpabilité et également de l'innocence. En effet, dans le cas
où la nullité d'une procédure est décidée,
cela influence tous les effets qui en découlent directement ; compte
tenu du fait que le texte n'a pas distingué entre la preuve de la
culpabilité et celle de l'innocence. En outre, les voies légales
assurent la démonstration de l'innocence, et par conséquent il
n'est pas donc permis de juger cette innocence au détriment de la perte
du principe de la légalité. Une deuxième opinion pense que
l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence par la justice
implique la violation du principe de la légalité de la preuve, et
qu'il n'est pas possible à la justice d'établir la règle
que la fin justifie les moyens. Les adeptes de cette tendance voient que la
démonstration de l'innocence est soumise au principe de la
légalité de la preuve, comme la démonstration de la
culpabilité. Cependant, cet avis n'a pas pris en considération un
point important, qui est que la preuve illégale de l'innocence soumise
par l'accusé ou le défendeur ne prend pas la forme d'une
procédure pénale, ni ne peut être considéré
réellement comme un acte de procédure.
372. Deuxième avis soutenant l'acceptation de la
preuve illégale. La légalité n'est pas une condition
obligatoire dans la preuve de l'innocence, étant donné que cette
dernière compte parmi les principes fondamentaux des procédures
pénales, que chaque accusé profite de la présomption
d'innocence jusqu'à être jugé coupable en vertu d'un
jugement définitif. La partie doctrinale soutenant cet avis affirme
qu'il n'existe pas de restriction pour la mise en place de l'acquittement sur
la base d'une preuve illégale, en se fondant sur le principe
général de la présomption d'innocence de la personne, et
par conséquent, rien n'oblige le tribunal à le prouver. Il suffit
que le tribunal doute de la culpabilité de l'accusé pour
l'acquitter de ce que lui était attribué sur la base que la
légalité qui n'est pas une condition obligatoire dans la preuve
de l'innocence. La raison principale est que parmi les principes fondamentaux
des procédures pénales, chaque accusé jouit de la
présomption d'innocence jusqu'à être jugé coupable
en vertu d'un jugement définitif.
373.
479
Un troisième avis établit une distinction
entre deux cas de l'acceptation ou le rejet de la preuve illégale.
La troisième tendance pense que les preuves illégales de
l'innocence sont acceptées dans des cas spécifiques. En effet, si
la preuve a été obtenue par un moyen considéré
comme une infraction pénale, tel que le vol d'un document ou par la
fraude, cette preuve n'est donc pas fiable et par conséquent elle doit
être écartée. Dans le cas où la méthode
n'atteint pas le niveau de la criminalité, mais comprend plutôt
une violation d'une règle procédurale, la preuve obtenue n'est
donc pas gaspillée et reste prise en considération. Ce dernier
point de vue parvient à établir un équilibre entre
l'intérêt de l'innocent dans sa libération et les
intérêts de la société afin d'empêcher la
perpétration des infractions dans le cadre de la recherche de la
vérité. Cette logique doctrinale voit la distinction entre les
cas où l'illégalité de la preuve remonte à la
façon d'obtention qui viole les règles des procédures
pénales, et entre le cas où cette méthode est une
infraction pénale. La preuve illégale pour prouver l'innocence
est acceptée seulement dans le premier cas. L'accusé ne doit pas
être atteint par un fait dont il n'est pas responsable. Dans le second
cas où la preuve est produite par des moyens constituant une infraction
pénale - comme la fraude ou les faux témoignages - la preuve doit
être perdue, sur la base que le moyen devrait prendre la description du
but : si la fin est légale, le moyen qui en mène doit être
légal également. L'avis contraire va encourager à
commettre des crimes espérant prouver son innocence.
374. La possibilité d'établir l'innocence
sur une preuve illégale. Si l'accusé est à l'origine
innocent, le tribunal de première instance n'est pas tenu à la
conformité avec les règles de preuve. En principe, le juge
devrait fonder sa conviction sur une preuve légale comme règle
générale, mais il faut faire la distinction entre la
culpabilité et l'acquittement ou l'innocence. En effet, seule la preuve
de culpabilité doit être légale sans aucune exception. La
culpabilité ne se fonde pas sur une preuve illégale. Quant
à la preuve de l'innocence, elle peut être obtenue par un moyen
illégal qui n'est pas conditionné par sa légalité
comme une manifestation d'une tolérance en faveur du principe de la
présomption d'innocence. Par conséquent, nous soutenons l'avis
qui préfère l'obligation de la construction de la
culpabilité sur une preuve légale en respectant le principe de la
légalité de preuve pénale et ne pas exiger cette condition
pour la preuve de l'innocence.1878. Nous soutenons avec
clarté la non-
1878 V. en ce sens : Cour de cassation
criminelle Égyptienne, pourvoi numéro 4684 année 1958,
bureau technique, p. 819, date 02/11/1989 : A ce propos, il est possible de
donner des exemples de quelques importants arrêts qualitatifs émis
par la Cour de cassation égyptienne comme un exemple de droit comparatif
pour le
480
exigence de la légalité de la preuve de
l'innocence. La non-considération de la preuve illégale
n'était prévue que pour garantir la liberté de
l'accusé et ne doit pas se retourner contre lui. L'accusé a une
totale liberté dans le choix des moyens de défense selon sa
position dans le procès. Ainsi, le droit de l'accusé à se
défendre est supérieur aux droits du corps social qui est plus
affecté par la culpabilité d'un innocent que par l'acquittement
d'un coupable.
375. Position de la justice libanaise sur la preuve
illégale présentée par l'accusé. Après
la révision des dispositions de la justice libanaise, nous n'avons pas
remarqué l'existence de dispositions indiquant ou mettant en
évidence la position de la justice sur ce sujet qui ne semble pas
être débattu dans la pensée juridique libanaise. En outre,
il n'existe pas de distinction fondée sur la norme de la partie qui a
présenté la preuve illégale, qu'elle soit l'accusé,
le demandeur civil ou la victime. Ainsi, la justice libanaise ne prend pas la
moindre considération à ce sujet, et nous voyons cette même
attitude dans la doctrine libanaise qui n'accorde aucune importance à ce
sujet et nous ne pouvons pas trouver un avis sur ce sujet. En outre, il semble
que la justice et la doctrine libanaises n'accordent aucun intérêt
en termes de distinction entre la preuve illégale émise sur la
base d'une procédure pénale au sens strict du mot, et la preuve
illégale qui n'est pas le résultat d'une procédure
pénale, et présentée au tribunal ou versée dans le
dossier pénal. Par conséquent, il est possible de confirmer que
la situation pratique dans le droit libanais est toujours hésitante
s'agissant de la compréhension du terme de la preuve illégale et
du choix de la façon de la confrontation de cette preuve et de son sort.
Ainsi, il est possible de dire avec certitude que l'idée de punir ou de
sanctionner la preuve illégale est encore en croissance très
lente, sans l'existence d'une position claire et fixée de la justice
libanaise sur ce sujet. Nous voyons que la justice libanaise doit a priori
établir un concept unifié de la preuve illégale, adopter
une position unifiée et par
soutien de notre avis en termes d'explication de l'avis que
nous soutenions. La Cour de cassation égyptienne est allée
jusqu'à dire littéralement : « Étant donné
qu'il est décidé que bien que la légalité est
nécessaire dans la preuve de culpabilité, il est interdit de
fonder une culpabilité valide sur une preuve invalide dans la loi ;
toutefois, (la légalité n'est pas une condition) obligatoire dans
la preuve d'innocence, car l'origine selon l'article 67 de la Constitution et
les principes fondamentaux dans les procédures pénales que chaque
accusé a la présomption d'innocence jusqu'à être
jugé coupable avec un arrêt définitif, et jusqu'à
l'émission de cet arrêt, il a une totale liberté dans le
choix des moyens de défense selon sa position dans le procès et
ce qu'il ressent comme conditions de peur, de prudence et d'autres
symptômes naturelles à la faiblesse des êtres humains. A la
direction de ces principes, le droit de l'accusé à se
défendre s'est fondu, devenant ainsi un droit avancé
supérieur aux droits et intérêt de la société
qui n'est pas affectée par l'acquittement d'un coupable mais
plutôt nuise ainsi que la justice par la culpabilité d'un
innocent. En outre, la loi a décidé, sauf ce qui est
nécessaire comme moyens spéciaux de preuve, la permission totale
au juge pénal de choisir parmi ces moyens ce qu'il considère une
voie amenant à la révélation de la vérité ,
en pesant la force de la preuve provenant de chaque élément, avec
une liberté absolue dans l'appréciation de ce qui lui est soumis,
et la vérification de sa force probante dans chaque cas selon ce qui est
tiré des faits du procès et ses circonstances sans acceptation de
la restriction de la liberté du tribunal dans la preuve de l'innocence
avec une exigence semblable à ce qui est requis dans la preuve de
culpabilité ».
conséquent décider une voie particulière
dans l'inacceptation de cette preuve. En conclusion, il convient de dire que
rien n'empêche la justice libanaise d'adopter notre
précédente opinion sur le sujet de l'acceptation de la preuve
illégale de l'innocence pour toutes les raisons
précédemment décrites.
376. La position de la jurisprudence française
concernant l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence.
Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française
« le droit à un procès équitable et la
liberté d'expression justifient que la personne poursuivie du chef de
diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de
sa défense, les pièces de nature à établir la
vérité des faits ou sa bonne foi, sans qu'elles puissent
être écartées des
débats au motif qu'elles auraient été
obtenues par des moyens illicites ou déloyaux »
|
1879
|
. Quel
|
est le fondement de la recevabilité d'une preuve
illégale ou déloyale présentée par un particulier ?
Premièrement, le silence du Code de procédure pénale ou le
vide juridique concernant l'absence d'un texte de loi claire qui oblige le juge
répressif à écarter un élément de preuve
illégal ou déloyal, comme l'a indiqué la chambre
criminelle de la Cour de cassation française dans sa formule classique
à plusieurs reprises « aucune disposition légale ne
permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve
produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été
obtenus de façon illicite ou déloyale ; [qu']il leur appartient
seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure
pénale, d'en apprécier la valeur probante
» 1880 . D'autre part, la chambre criminelle de
la Cour de cassation française accepte les preuves déloyales et
illégales produites par une partie privée qui permet de prouver
l'innocence en considérant qu'elles sont nécessaire. Pour
justifier la recevabilité de cette preuve illégale, la Cour de
cassation a eu recours à l'idée des besoins de la défense
« attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que
l'enregistrement de la conversation téléphonique privée,
réalisé par Alain Y..., était justifié par la
nécessité de rapporter la preuve des faits dont il était
victime et de répondre, pour les besoins de sa défense, aux
accusations de violences qui lui étaient imputées, la Cour
d'appel, devant qui la valeur de ce moyen de preuve a été
contradictoirement débattue, n'a pas méconnu les textes et les
dispositions conventionnelles
visés au moyen »
|
1881
|
. On peut donc dire que la Cour de cassation française
accepte la preuve
|
481
illégale si cette preuve constitue un moyen de
défense pour prouver l'innocence. M. Jean-Christophe Saint-Pau
considère que « s'il n'est pas concevable qu'un particulier
organise des
1879 Cass. crim., 19 janvier 2010, B.C.,
n° 12.
1880 Cass. Crim., 6 avril 1994, B.C.,
n° 136, p. 302. 1881 Cass. Crim., 31 janvier 2007,
B.C., n° 27, p. 100.
investigations ou recherches illégales, notamment
en procédant à des écoutes téléphoniques et
en enregistrant des conversations privées, il reste que le principe de
légalité procédurale peut trouver sa limite dans les
droits de la défense. Lorsque, en effet, une personne est victime d'une
infraction ou d'une accusation, il serait contraire aux droits de la
défense de ne pas l'autoriser à en rapporter la preuve, alors
même qu'elle serait obtenue de manière illicite ou
déloyale »
|
1882
|
. Cet avis généralise l'argumentation de la
recevabilité de la preuve illégale ou
|
482
déloyale en se basant sur le principe que la
légalité procédurale trouve sa limite dans les droits de
la défense sans faire une distinction entre preuve de culpabilité
et preuve d'innocence ou preuve apportée par une partie privée
qui est victime d'une infraction ou d'une accusation. Nous soutenons
partiellement l'avis de M. Jean-Christophe Saint-Pau concernant la
recevabilité de la preuve illégale d'innocence par la chambre
criminelle de la Cour de cassation mais nous rejetons son avis concernant la
recevabilité de la preuve de culpabilité qui doit être
toujours soumise à l'application effective du principe de la
légalité procédurale et de la légalité de
preuve pénale. Donc, il est remarquable que la chambre criminelle de la
Cour de cassation française constate que l'utilisation d'un
élément de preuve illégale par une partie privée
afin d'identifier ou prouver son innocence est considérée comme
un moyen de
1883
défense et qui est conforme avec les exigences du
procès équitable. Cette possibilité
d'utilisation de preuves illégales pour prouver
l'innocence de la personne poursuivie s'appuie selon la jurisprudence de la
chambre criminelle de la Cour de cassation française sur les mêmes
raisons qui ont poussé cette chambre à accepter les preuves
illégales de culpabilité apportées par une partie
privée.
1882 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
21.
1883 V. Cass. Crim., 11 février 1992,
B.C., n° 66, p. 166 : « Le fait que des pièces
produites par une partie pour sa défense auraient été
obtenues par des moyens déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de
refuser de les joindre à la procédure, dès lors qu'elles
ne constituent que des moyens de preuve dont la valeur peut être
discutée contradictoirement. Il ne peut donc être reproché
au juge d'instruction ni de saisir une bande magnétique, à lui
remise par une partie, contenant l'enregistrement d'une conversation, ni de
faire procéder à la transcription de cet enregistrement et de la
joindre au dossier de la procédure, même si cet enregistrement a
eu lieu à l'insu d'un des participants à cette conversation
».
483
Conclusion du chapitre I
377. La justice garantit la protection de la
légalité procédurale par le contrôle des
procédures pénales, afin de s'assurer que les autorités
étatiques chargées de la recherche de la vérité
agissent selon les règles juridiques fixées par la loi pour la
recherche de la preuve pénale, assurant de ce fait la protection
nécessaire aux droits et libertés des citoyens, en les maintenant
contre l'arbitraire et l'abus de l'autorité. C'est pourquoi il n'est pas
permis de chercher la preuve pénale par un moyen illégal non
autorisé par la loi ou qui constitue une violation des droits et
libertés des individus. La sanction de la recherche de preuve en
violation de la loi sera la nullité et la non-recevabilité de la
preuve. La nullité est donc une sanction procédurale
résultant de l'absence des éléments nécessaires
pour la validité du travail juridique ou encore la sanction
infligée à une procédure particulière, qui peut
être annulée totalement ou partiellement, à cause de
l'omission d'un élément requis légalement dans la
procédure, ou, car la procédure a été
effectuée d'une manière incorrecte. La nullité est le
moyen pratique nécessaire pour atteindre la validité de la
justice et son prestige dans toutes les phases de la procédure. Par
conséquent, les législateurs libanais et français sont
soucieux d'identifier les cas de nullité, sans laisser place au doute.
En outre, le responsable de la procédure connaît d'avance le sort
subi par son travail, afin de faire attention aux dispositions relatives
à son travail. Cependant, cela ne signifie pas que la nullité
n'intervient que dans le cas de sa disposition explicite dans la loi. Au
contraire, la nullité peut être provoquée par la violation
d'une règle particulière fondamentale dans le concept de droit,
bien que le législateur n'ait pas décidé une sanction
explicite de sa violation.
En outre, les dispositions de la nullité varient selon
que les procédures prises sont relatives aux intérêts des
justiciables dans le procès ou à l'intérêt
suprême de la société. Le problème en matière
de nullité substantielle est qu'il n'est pas toujours facile de faire
une distinction claire entre les procédures fondamentales qui sont
sanctionnées par la nullité, et celles considérées
comme secondaires et dont la violation n'entraîne pas la nullité.
Il s'agit donc d'un obstacle pouvant donner différents points de vue et
des incohérences dans les arrêts. En outre, il n'est pas possible
pour le législateur d'adopter seulement et totalement le système
des nullités substantielles parce qu'il est susceptible
d'entraîner de graves conséquences. Par conséquent, les
règles considérées comme secondaires et non fondamentales
seront ignorées tant qu'il n'existe pas de sanction spécifique
à leur violation, en contradiction avec le désir du
législateur qui ne dicte pas ses dispositions pour négliger sa
valeur, mais celles-ci sont
484
destinées à parvenir à un
intérêt vital. La sagesse exige de prendre en compte les deux
systèmes de nullité ensemble comme l'ont fait les
législateurs français et libanais, le système de la
nullité textuelle (appelé encore nullité juridique dans la
doctrine arabe) et le système de la nullité substantielle. En
effet, à côté de la disposition législative sur
certains cas de la nullité, le juge dispose de la possibilité de
conditionner cette peine selon la violation que le juge considère
fondamentale.
Cependant, il existe des commentaires sur les dispositions de
la nullité dans la loi libanaise et française
représentées par l'incapacité de la théorie de la
nullité à contenir le principe de la légalité et
l'assurance de la sanction appropriée, pratique et logique de la
violation du principe de la légalité de la preuve pénale.
En outre, la théorie de la nullité a échoué
à trouver une solution au problème de la preuve illégale
émise par des parties privées dans le procès pénal
qu'il s'agisse de preuve de culpabilité ou preuve d'innocence. Nous
parlons ici de la preuve illégale non considérée comme un
acte de procédure pénale, mais qui est présentée
directement dans le dossier du procès par les parties privées. La
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française
ne fait aucune distinction entre preuve illégale de culpabilité
et preuve illégale d'innocence, admet les preuves illégales
à condition qu'elles soient apportées par une partie
privée. Il doit exister une distinction entre la preuve illégale
de l'innocence et celle de la culpabilité. D'une part, il ne faut pas
juger la condamnation en se fondant sur une preuve illégale étant
donné que le principe de base est que le jugement de culpabilité
doit être fondé sur une preuve conforme au principe de la
légalité de la preuve pénale. D'autre part, la preuve
illégale de l'innocence semble être acceptable pour fonder
l'acquittement de l'accusé, en particulier si le doute influence la
conviction du juge, puisque le doute doit favoriser l'accusé,
conformément à la présomption d'innocence. En
vérité, la jurisprudence libanaise ne fait absolument aucune
distinction entre la preuve correcte et celle illégale, mais s'assure
seulement de soumettre toute preuve soumise au tribunal à un
débat public et oral, sans se soucier de son origine illégale, ou
sa présentation par les autorités publiques ou par les parties
privées. En France, ce sujet semble différent du Liban, car le
droit français distingue entre la preuve illégale soumise par les
autorités publiques qui est inacceptable, et la preuve illégale
fournie par les parties privées dans le procès pénal qui
est acceptable, en raison de l'absence de tout texte obligeant le juge ou le
tribunal à exclure la preuve pénale du dossier du procès
et à ne pas estimer de sa valeur probante sous prétexte de son
illégalité. A ce propos, nous pouvons noter que la justice
française ne distingue pas entre la preuve illégale de
culpabilité et celle d'innocence soumise par les parties privées,
en acceptant ces deux types sans aucune distinction entre eux. Il serait bon
pourtant de réfléchir sur une modification législative
dans le
485
droit libanais et français qui distinguerait entre
l'acceptation de la preuve de la culpabilité fournie par la victime ou
la partie civile, et la preuve de l'innocence présentée par
l'accusé. Si l'exclusion du tribunal de la preuve illégale de
culpabilisation se justifie, ce n'est pas le cas de la preuve illégale
de l'innocence dont l'acceptation ne pourrait avoir pour effet que
l'impunité d'un coupable, ce qui est bien moins grave que la
condamnation d'un innocent parce qu'on refuserait la preuve illégale de
son innocence. Nous soutenons entièrement l'avis qui écarte et
interdit l'utilisation d'un élément de preuve obtenu en
méconnaissance d'une règle de la procédure pénale,
par la violation du droit au respect de la vie privée, en
méconnaissance des droits de la défense ou en
méconnaissance du droit à la dignité humaine. Les
éléments de preuve obtenus de manière illégale ne
peuvent être retenus dans la mesure où leur utilisation est
contraire au droit à un procès équitable. Donc, la
jurisprudence au Liban et en France est invitée, désormais,
à appliquer de façon uniforme et rigoureuse la règle selon
laquelle un élément de preuve pénale obtenu
illégalement ne peut en aucune manière contribuer, que ce soit
directement ou indirectement, à apporter la preuve d'une infraction. En
même temps, les législateurs libanais et français sont
invités à trouver une solution qui assure l'application effective
du principe de légalité de la preuve pénale.
486
Chapitre II
L'admission nuancée de la preuve
illégale
378. Recevabilité de la preuve illégale.
Il est essentiel de préciser d'abord un point fondamental, c'est
qu'il ne faut pas du tout prendre en compte la force ou la valeur probante de
la preuve pénale lorsque l'on parle du problème de la
légalité de celle-ci, de son acceptation ou de son rejet, car la
base de la question de la légalité de la preuve pénale n'a
pas de rapport avec la force probante et la crédibilité de la
preuve pénale. Elle est exclusivement liée au mode ou moyen
illégal par lequel cette preuve a été obtenue et
qualifiée d'illégale. Ce qui précède
n'empêche pas d'affirmer qu'en pratique, la valeur probante de la preuve
illégale joue un rôle essentiel dans l'admissibilité et
dans l'appréciation des preuves illégales par la justice. La
question principale dans la preuve pénale tourne toujours autour de la
recevabilité de la preuve illégale et sa fiabilité pour le
juge du fond. Il est logique de dire que le système des nullités
en procédure pénale ou de l'application pratique de celle-ci en
droit libanais et français n'a pas donné une solution ou un
traitement intégré et satisfaisant au problème du sort de
la preuve illégale dans le procès pénal soit en
décidant de sa nullité ou en l'écartant ou l'acceptant. De
surcroît, la théorie des nullités n'a pas pu faire ou
présenter une application effective du principe de la
légalité de preuve pénale. Donc, ni le législateur
libanais ni le français n'ont tracé un plan clair qui nous
permettrait de savoir clairement quel est le sort de la preuve illégale
dans le procès pénal, ce qui crée une contradiction
lorsqu'il faut déterminer quand on peut admettre ou rejeter la preuve
illégale. On peut donc dire que la théorie des nullités
pénales n'a pas fourni une solution complète au problème
de la légalité de la preuve pénale et de là ressort
l'importance de la recherche des normes sur la base desquelles la justice
accepte ou rejette la preuve illégale et en même temps il s'agit
de trouver une solution satisfaisante qui permet de résoudre le conflit
entre l'existence théorique et l'application effective du principe de la
légalité de preuve pénale qui a sans doute une valeur
juridique en droit libanais et français.
La première section de ce chapitre porte sur le
traitement de la preuve illégale. La deuxième section de ce
chapitre porte sur la modernisation des moyens et des mécanismes
juridiques afin de consacrer une application effective du principe de la
légalité de preuve.
487
Section I
Le traitement de la preuve illégale
379. Position de la justice par rapport à la preuve
illégale. Comment la justice libanaise et française a
résolu le problème de la preuve illégale dans le
procès pénal ? M. Dimitrios Giannoulopoulos dans sa thèse
intitulé « l'exclusion de preuves pénales
déloyales : une étude comparée des droits
américain, anglais, français et hellénique »
souligne que « l'admissibilité de la preuve pénale
déloyale - c'est-à-dire la question de savoir s'il est permis au
juge du fait d'apprécier une telle preuve ou s'il doit, au contraire,
l'exclure du procès - est l'un des sujets
. Il
1884
les plus controversés de la procédure
pénale et du droit de la preuve en particulier »
faut dire que comme principe général le
système répressif libanais et français a soumis la preuve
illégale à l'évaluation et à l'appréciation
de la Cour de première instance ou le juge du fond en leur laissant la
liberté d'évaluer la valeur probante de la preuve
illégale. Une question fondamentale se pose dans ce domaine : quelles
sont les raisons qui ont conduit le système judiciaire libanais et
français à admettre la preuve illégale? Est-il possible de
déduire les critères généraux fixes de
l'acceptation ou l'admission de la preuve illégale ou au contraire de
son rejet par le système judiciaire français ou libanais? C'est
ce que nous allons traiter dans le premier paragraphe intitulé
« les raisons de l'admission de la preuve illégale ».
Cependant, l'acceptation de cette preuve illégale est soumise
à certains critères fixés par le système judiciaire
dans ses dispositions qu'il faudra respecter, ce qui constitue le sujet dont
nous débattrons dans le deuxième paragraphe intitulé
« la sanction contrastée de la preuve illégale
».
§ 1. Les raisons de l'admission de la preuve
illégale.
380. La liberté dans l'appréciation de la
preuve a dirigé l'attention vers la force probante de la preuve
illégale. Le juge pénal jouit d'un large pouvoir dans la
constitution de sa conviction de la preuve. L'autorité du juge dans
l'acceptation et l'estimation des preuves trouve son appui dans l'application
du principe de l'intime conviction du juge pénal qui signifie la libre
appréciation de la preuve et qui considère le résultat
nécessaire à la liberté du juge qui jouit de cette
autorité d'accepter ou de rejeter cette preuve en se basant sur sa force
de
1884 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de
preuves pénales déloyales : une étude comparée des
droits américain, anglais, français et hellénique,
Thèse de droit, Université Paris I, 2009, p. 19.
conviction, c'est-à-dire la force probante de la
preuve. M. Dimitrios Giannoulopoulos remarque que « cette règle
de l'admissibilité générale de preuves obtenues par les
parties privées, indépendamment du fait qu'elles aient ou non
été obtenues de manière déloyale, reflète le
rôle dominant du principe de la liberté de la preuve en droit
français contemporain qui amène les tribunaux à
relativiser le principe de la loyauté de la preuve en se concentrant sur
le seul critère de la force probatoire de la preuve en question
»1885. Ce qui est essentiel
dans les procès pénaux est de convaincre le juge parce que le
jugement se base sur l'affirmation et la certitude conclusive et non sur le
doute et la spéculation, c'est pour cela que le juge doit constituer sa
conviction sur la base des preuves présentes dans le dossier
pénal. Il a la liberté absolue d'adopter une preuve parmi les
preuves obtenues sans devoir de se conformer à l'ordre ou à la
hiérarchie dans les moyens de preuve étant donné que
l'objet consiste dans la disponibilité de la valeur probante de la
preuve qui procure au juge une parfaite conviction pour juger l'affaire
pénale. Les lois françaises et libanaises ont
conféré au juge dans les affaires criminelles un large pouvoir et
une totale liberté pour déceler la vérité dans le
jugement qu'il va rendre et estimer la force probante provenant de chaque
élément de son propre gré et conscience et choisir la
preuve la plus plausible pour sa conviction et ignorer le reste. Il est clair
que le juge possède la liberté absolue dans l'estimation de la
force probante de la preuve qui lui est exposée et il n'est soumis
à aucun contrôle de la Cour suprême, c'est-à-dire la
Cour de cassation, sauf en cas de distorsion de la preuve. Mais un
problème se pose lorsque la preuve présentée au juge a
été obtenue de façon illégale. Il s'agit donc d'une
preuve illégale. Comment le juge devra-t-il se comporter avec cette
preuve illégale ? Est-ce que la loi à travers ses textes a
contraint ou obligé le juge à adopter une attitude
particulière face à la preuve illégale ? Il n'y a aucun
texte juridique que ce soit dans la loi française ou libanaise qui
prévoit clairement et explicitement que le juge est obligatoirement tenu
d'écarter ou d'exclure cette preuve illégale du cadre de la
liberté quasi absolue qu'il exerce dans l'évaluation des preuves
qui lui sont exposées. Honnêtement, la question devient plus
évidente quand on lit les dispositions des juridictions
françaises qui justifient toujours dans leurs arrêts qu'aucun
texte juridique n'autorise ou oblige le juge pénal à
écarter une preuve en raison de son illégalité. Par
conséquent, toute preuve présentée au juge est soumise
à la liberté du juge d'évaluer la valeur probante sans
aucune distinction ou discrimination entre la preuve conforme au principe de
la
légalité et la preuve illégale
|
1886
|
. Mais la question qui se pose est la suivante : est-il
conforme à
|
488
1885 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de
preuves pénales déloyales : une étude comparée des
droits américain, anglais, français et hellénique,
Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 258.
1886 V. au contraire en droit belge : O.
Leroux et Y. Poullet, « En marge de l'affaire GAIA : de la
recevabilité de la preuve pénale et du respect de la vie
privée », in Revue générale de droit civil Belge,
Éditions Kluwer,
l'esprit de la loi dans un État de droit d'accepter une
preuve ou un élément de preuve illégal sous le couvert de
l'argument tiré de la liberté du juge d'apprécier la
preuve en toute liberté d'après son intime conviction ?
A. L'absence d'un texte de loi permettant aux juges
répressifs d'écarter ou d'exclure la preuve
illégale.
381. La formation de l'intime conviction du juge
néglige l'origine illégale de la preuve. La loi
confère au juge pénal une large liberté dans l'estimation
ou l'appréciation des preuves, mais nous pensons que la liberté
d'apprécier la preuve par le juge ne doit pas négliger
l'application du principe de la légalité de
preuve pénale
|
1887
|
. Les juges de première instance
|
489
(fond) invoquent toujours qu'en vertu du principe de la
conviction personnelle ou l'intime conviction du juge pénal, toute
preuve pénale est soumise à la liberté absolue du juge
d'estimer sa valeur probante préalablement à
l'établissement d'un verdict qui sera l'emblème de la justice.
Dans leur argumentaire de non-exclusion de la preuve illégale, les juges
invoquent toujours l'absence d'un texte juridique dans les lois
française ou libanaise qui leur
permet ou les oblige à exclure la preuve
illégale qui leur est exposée 1888 . Par conséquent, ils
n'ont pas d'autorité pour écarter une preuve quelconque
même si elle était illégale. Ils doivent par contre
soumettre toute preuve qui leur est présentée à leur
conscience et conviction en application du principe prédominant les
preuves pénales au Liban et en France qui est le principe de la
liberté du juge pénal dans l'appréciation des preuves et
dans la constitution de sa conviction personnelle pour juger dans un
procès pénal. Donc, le juge pénal est libre de puiser sa
conviction de n'importe quelle preuve présentée au procès
et il n'est pas tenu
Bruxelles, 2003, n° 3, pp. 163-176, V. spec. p. 163 :
« Tout élément de preuve rationnel est en principe
admis, de sorte que le juge recherche librement la preuve des infractions dans
tous les éléments de la cause régulièrement
recueillis et en apprécie souverainement la force probante
».
1887 V. en même sens : H. Matsopoulou,
Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris,
1996, n° 1062, p. 493 : « En droit pénal, le juge peut
recevoir et apprécier souverainement toute preuve, à condition
qu'elle ait été recherchée légalement. En d'autres
termes, les moyens de la preuve sont régis par le principe de la
liberté dans l'établissement de la preuve et par celui de la
légalité dans l'administration de cette preuve » ; J.
Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès
pénal, op. cit., 1994, p. 40 : « Si la loi
confère au juge le pouvoir d'apprécier librement les preuves,
elle le contraint en revanche à respecter les règles relatives
à leur recherche, leur administration et leur discussion ».
1888 V. sur ce point en droit comparé
: O. Cahn, « L'arrêt HL. R. v. Secretary of State for the Home
Department, ex parte Ramda du 27 juin 2002 : incident isolé ou
précédent dommageable ? », in Cultures et Conflits,
juin 2007, n° 66 « Construire le voisin. Pratiques
européennes », pp. 121-156, v. spec. p. 150 : « Il peut,
d'abord, se référer aux implications du principe de
légalité criminelle et considérer que les normes
constitutionnelles et internationales doivent prévaloir sur la norme
législative pour exclure la preuve obtenue en violation des droits
fondamentaux de l'individu ».
d'écarter toute preuve illégale
présentée au procès en raison de l'absence d'un texte
juridique qui l'en oblige. Là, le juge n'accorde pas d'importance
à l'illégalité de la preuve tant que cette preuve est
soumise à l'autorité du juge et à sa liberté de
conviction. Ce qui renforce théoriquement la position des juges est
l'absence d'un texte juridique qui les oblige à rejeter la preuve
illégale tant que celle-ci n'a pas été annulée ou
exclue du dossier du procès pénal. En
droit français, toutes les preuves sont admissibles
|
1889
|
, c'est le juge qui apprécie la valeur
|
490
1890
probante de chaque preuve sans prendre en compte
l'illégalité de la preuve
|
.
|
382. L'absence d'un texte juridique encadrant la
liberté du juge de rejeter la preuve illégale constitue-t-il une
restriction du pouvoir du juge d'exclure une preuve illégalement
obtenue? Est-ce que réellement l'absence d'un texte juridique
obligeant clairement le juge à rejeter ou écarter la preuve
illégale justifie son acceptation de celle-ci tant qu'il se fie à
sa valeur probante? Une question digne d'attention se pose : est-ce que
l'absence d'un texte législatif obligeant clairement le juge à
écarter la preuve illégale est un argument juridique lui
permettant d'évaluer la valeur de la preuve selon le principe de la
libre conviction du juge? On peut aussi poser la question de la façon
inverse qui serait : est-ce que l'absence d'un texte juridique permet au juge
de n'exclure aucun des éléments de preuve présents dans le
procès
1891
pénal sans distinction ou discrimination entre les preuves
légales et illégales? Cette
question logique relève du débat sur le
thème de la liberté du juge pénal dans l'estimation des
preuves dont il dispose, un thème qui est aussi le principe
prédominant du système de justice pénale au Liban et en
France. Est-ce que cette liberté octroyée au juge est une
liberté absolue qui lui permet de s'appuyer sur une preuve
illégale ou est-ce une liberté relative qui ne lui permet pas de
se baser sur une preuve illégale? Autrement dit, l'appréciation
de la preuve par le juge en matière pénale est-elle souveraine?
Il semble clair que la jurisprudence française et libanaise a
adopté et appliqué et applique actuellement encore la notion
extrême du principe
1889 G. Roussel, « Liberté de la
preuve des fraudes communautaires », Note sous Cass. crim., 19 nov.2008,
pourvoi n° 07-82.789, in AJ pénal, 2009, p. 75 :
« Puisque le principe de l'intime conviction entraîne celui de
la liberté de la preuve, toute preuve est admissible devant les
juridictions pénales. La preuve est recevable même si elle est
illicite ou déloyale (V. Crim. 11 juin 2002). Elle est aussi recevable
même si elle ne se conforme pas à certaine prescription de forme
ou de recueil »
1890 Cass. crim., 11 juin 2002, B.C.,
n° 131, p. 482 : « Aucune disposition légale ne
permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve
produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été
obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient
seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure
pénale, d'en apprécier la valeur probante après les avoir
soumis à la discussion contradictoire. Méconnaît ce
principe la cour d'appel qui, dans une procédure suivie du chef de
discrimination, refuse d'examiner les éléments de preuve obtenus
par les parties civiles au moyen du procédé dit " testing ",
consistant à solliciter la fourniture d'un bien ou d'un service à
seule fin de constater d'éventuels comportements discriminatoires, au
motif que ce procédé aurait été mis en oeuvre de
façon déloyale ».
1891 Les preuves qui sont en conformité
avec le principe de la légalité de preuve pénale.
de la liberté du juge pénal dans la conviction et
l'évaluation des preuves 1892 sans tenir compte
491
de leur source ni du moyen illégal de leur obtention
tant que ces preuves ont pu être présentées en audience
publique et ont été discutées par les diverses parties du
procès. Il semble compliqué ou qu'il n'y ait pas de solution pour
que l'application effective du principe de la légalité de la
preuve soit effectuée et que cet élément de preuve
illégale sorte du cadre de la liberté absolue
d'appréciation du juge. Il faudrait pour cela une intervention
législative, tant au Liban qu'en France, qui obligerait le juge à
écarter ou exclure toute preuve illégale du cadre de son
évaluation de sa valeur probante, même s'il s'agit d'une preuve
qui représente effectivement la vérité ou présente
une force probante importante. Sans intervention législative, il
faudrait que la jurisprudence pénale en droit libanais et
français renonce au concept de la liberté absolue et
extrême dans l'intime conviction du juge. Il est raisonnable de penser
que l'intervention législative est la solution parfaite pour
résoudre le problème de l'application pratique et effective du
principe de la légalité de la preuve pénale suivant
l'exemple du législateur belge ou italien 1893 . Il convient de dire que
nous faisons face ici à un vrai problème ou une crise juridique
pour une raison logique : est-il admissible de violer les libertés et
droits individuels protégés par la Constitution, les
traités et les dispositions juridiques en vue d'obtenir des preuves
pénales? Pourquoi la magistrature n'applique pas ces garanties
prévues pour les individus? Plus que cela, nous voyons que le juge doit
tenir compte des principes juridiques généraux comme restriction
à sa liberté d'évaluer la preuve illégale
plutôt que d'argumenter par l'absence d'un texte législatif clair
l'obligeant à écarter la preuve illégale du cadre de sa
liberté de constituer sa propre conviction lorsqu'il juge dans un
procès pénal. Là aussi, il est nécessaire de dire
que les législateurs français et libanais doivent intervenir pour
combler ce vide juridique, s'il n'y a aucun texte juridique permettant
d'appliquer le principe de la légalité de la preuve pénale
qui est l'un des principes fondamentaux généraux dans les
États de droit. La question qui se poserait donc serait : qu'est-ce qui
a empêché et empêche encore les législateurs
français et libanais d'intervenir de façon législative et
instaurer un texte juridique permettant l'application effective du principe de
la légalité de la preuve pénale clairement par un texte
sur l'exclusion de la preuve illégale du cadre de la liberté du
juge pénal dans l'appréciation des preuves.
1892 La liberté d'appréciation de
la preuve pénale.
1893 V. l'article 191 du Code de
procédure pénale italienne qui régit
l'admissibilité des preuves dans le procès pénal italien :
l'article 191 du CPP italien dispose : « 1. Les preuves recueillies en
violation des interdictions prévues par la loi ne peuvent pas être
utilisées. 2. L'impossibilité d'utilisation peut être
vérifiée, même d'office, en tout état et instance du
procès ».
B. Le pouvoir discrétionnaire du juge de
négliger ou d'admettre les preuves illégales.
383. Un pouvoir sans limite d'accepter la preuve
illégale. Le contrôle de la chambre criminelle des Cours de
cassation libanaise et française s'arrête au pouvoir souverain des
juges du fond. Il ressort de ses arrêts qu'elle reconnaît la
liberté totale de la Cour criminelle pénale (en droit libanais),
qui ressemble à la Cour d'assises en droit français, d'exercer sa
liberté absolue d'accepter toute preuve même s'il s'agit d'une
preuve illégale 1894 . En droit libanais comme en droit français,
la question de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des
faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de
preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admise
même si les preuves sont illégales. La chambre criminelle de la
Cour de cassation libanaise a jugé que « la Cour criminelle,
qui est une Cour de fond a la liberté absolue d'adopter tout ce qui
contribuerait à constituer sa propre conviction comme
déclarations et preuves ; elle peut en adopter certaines et
négliger d'autres et ignorer certaines contradictions d'importance
minime pour pouvoir faire concorder les déclarations et constituer cette
conviction et parvenir a la solution adoptée sans
1895
que la Cour de cassation ait à la superviser
à cet égard ». La chambre criminelle de la Cour de
cassation libanaise a reconnu que l'évaluation des preuves n'est pas
soumise à son autorité de contrôle, qui est laissée
à la discrétion de la Cour du fond. Elle n'y interfère pas
et
ne contrôle pas cette évaluation de la preuve
qu'effectue la Cour du fond
|
1896
|
: « l'évaluation
|
492
des preuves est laissée à la
discrétion de la Cour du fond et est soumise à son
autorité; elle n'est pas soumise à l'autorité de la Cour
de cassation, tant qu'il n'est pas prouvé que la Cour du fond a
modifié les faits qui ont fourni ces preuves, comme elle a sous son
autorité l'évaluation des rétractations des accusés
sur leurs déclarations initiales lors des étapes
1894 V. sur ce point en droit français
: H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects
actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15
: « Si l'on observe aujourd'hui la situation du système des
preuves en droit pénal français, on doit bien constater que le
passage du carcan des preuves légales à la liberté de la
preuve ne peut se concevoir que s'il s'inscrit dans un cadre de principes forts
dont le juge doit sans cesse s'inspirer pour écarter de sa raison, au
moment où se forge l'intime conviction, les éléments qui,
tout en établissant peut-être la vérité, heurtent
les principes nécessaires à la démocratie. En l'absence de
principes directeurs, de recours individuel ou judiciaire devant le Conseil
constitutionnel, seule la jurisprudence contraignante de la Cour
européenne peut permettre d'achever l'évolution de notre
système souvent trop conservateur vers un système moderne,
totalement conforme aux exigences d'une société
démocratique ».
1895 Cour de cassation libanaise,
3e chambre, décision n° 58 date du 06/02/2002,
cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires
pénales. Jurisprudence 2002, p. 124.
1896 Cour du fond : Dans la langue arabe, le
terme désigne les affaires jugées en première instance par
le juge ou tribunal.
d'enquête antérieures »
1897
. La chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise a
493
également reconnu la liberté absolue de la Cour
du fond de négliger tout élément de preuve qu'elle juge
incertain et accepter toute autre preuve qu'elle juge valable comme dans
l'arrêt suivant: « L'évaluation des preuves et
déclarations est soumise à l'autorité absolue de la Cour
pour prouver les faits et preuves et adopter ce qu'elle juge valable et ignorer
le reste
» 1898 . En bref, les Cours
françaises et libanaises montrent une souplesse et une tolérance
critiquable dans la recevabilité de toutes les formes de preuves dans le
procès pénal sans prendre en compte la source illégale de
cette preuve, quelle que soit leur nature, pourvu qu'elles comportent une force
probante et une fiabilité suffisante pour forger l'intime conviction du
juge du fond. Nous aurions préféré que les arrêts et
la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise imposent
la légalité de la preuve afin qu'elle soit applicable
effectivement devant le juge du verdict sans tenir compte de la valeur probante
des preuves illégales, c'est-à-dire que le système
judiciaire soit contraint d'exiger que la preuve de condamnation soit
légale, car il est choquant de constituer une condamnation sur la base
d'une preuve illégale. L'autorisation par la justice d'utiliser des
preuves illégales constitue un abus de la confiance que les individus
octroient au système juridique et peut contribuer de façon
indirecte à la violation des libertés
individuelles dont il est le gardien naturel1899 . En droit
français, la chambre criminelle de la Cour de cassation française
réaffirme toujours le pouvoir
1900
souverain d'appréciation, par le juge du
fond : « Les juges du fond disposent d'un pouvoir
1897 Cour de cassation libanaise,
6e chambre, décision n° 74 date du 19/03/2002 : le
président M. Ralph Riadi et les conseillers M. Khodr Zanhour et M.
Borkane Saad, cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans
les affaires pénales. Jurisprudence 2002, p. 131.
1898 Cour de cassation libanaise,
1ère chambre, décision date du 02/02/2006, le
président M. Labib Zouein et les conseillers M. Sami Abdallah et M.
Elias Naifeh, cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans
les affaires pénales. Classification des jurisprudences publiées
en 2006, Beyrouth 2007, p. 122.
1899 V. sur ce point : X. Bachellier, «
Le pouvoir souverain des juges du fond », in Droit et technique de
cassation 2009, Publications de la Cour de cassation française,
Bulletin d'information de la Cour de cassation, Bulletins d'information 2009:
« La Cour de cassation vit dans un certain paradoxe. Placée au
sommet de la hiérarchie judiciaire, elle dit le droit et fixe la
jurisprudence. Et pourtant, elle n'a pas le pouvoir, dans chaque dossier qui
lui est soumis, d'aller au fond des choses et, comme tout juge, de rechercher
la vérité en droit et en
fait » : disponible en ligne sur le site de la cour
de cassation française:
http://www.courdecassation.fr/publications_cour_26/bulletin_information_cour_cassation_27/bulletins_informat
ion_2009_2866/n_702_3151/communication_3153/droit_technique_cassation_2009_3155/juges_fond_12678.ht
ml
1900 V. en ce sens : Cass. crim., 5 octobre
2012, B.C., n° 147 : « D'où il suit que le moyen,
qui, en sa première branche se fonde sur une pure allégation et
qui, pour le surplus, se borne à remettre en question
l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et
circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve
contradictoirement débattus, ne saurait être admis »; V.
encore : Cass. crim., 12 octobre 2010, B.C., n° 156 : «
Attendu que le moyen, qui se borne à remettre en question
l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et
circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve
contradictoirement débattus, ne saurait être admis ».
souverain pour apprécier les éléments
constitutifs tant matériels qu'intentionnels, de l'infraction d'entrave
concertée à la liberté d'expression et de réunion
à l'aide de menaces,
violences et voies de fait, délit prévu par
l'article 431-1 du Code pénal »
|
1901
|
. M. Henri Leclerc
|
494
considère que la position de la chambre criminelle de la
Cour de cassation française ne prend pas en compte le droit à un
procès équitable comme repère dans l'admissibilité
de la preuve
illégale 1902 . Nous soutenons entièrement
l'avis de M. Xavier Bachellier qui affirme que « le pouvoir souverain
des juges du fond est difficile à appréhender, car il est
tentaculaire. Il doit
1903
.
être encadré pour éviter l'arbitraire
»
384. L'atténuation du principe de liberté de
la preuve dans le domaine criminel. Bien que le juge pénal soit
libre d'adopter une preuve, cette liberté est non conforme à la
légalité criminelle, constitue une violation flagrante des
principes fondamentaux et est contraire à l'esprit de la loi puisqu'elle
permet de soumettre une preuve illégale ou obtenue par voie
illégale à l'évaluation et l'appréciation libre du
juge. Celui-ci devrait avoir l'obligation d'enquêter sur le moyen de
l'obtention de cette preuve et vérifier tout ce qui peut la corrompre ou
endommager sa valeur dans le cadre de la confirmation pour établir son
verdict de manière saine de façon à éviter que la
justice rende des verdicts sur la base de preuves illégales. Par
conséquent, les systèmes judiciaires libanais et français
doivent changer l'approche actuellement dominante qui reconnaît la
liberté absolue du juge pour constituer son auto conviction dès
lors que la preuve illégale a été exposée
contradictoirement en audience publique et a été publiquement
discutée. L'exposition de la preuve et sa discussion ne transforment pas
la preuve illégale en une preuve légale. Il devient donc
nécessaire de modifier cette assiduité dévouée au
Liban et en France à la liberté du juge pour évaluer la
preuve pénale en adoptant un concept atténué de cette
liberté d'appréciation confiée au juge et qui limiterait
la liberté du juge d'accepter la preuve illégale.
1901 Cass. Crim., 22 juin 1999, B.C.,
n° 141, p. 382.
1902 V. sur ce point : H. Leclerc, « Les
limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in
Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : «« La Cour de
cassation, toutefois, ne se ralliera pas à la norme européenne de
procès équitable » que, bien entendu, elle ne contredira
pas, mais elle tentera de fixer des limites à la liberté de la
preuve en trouvant des critères plus spécifiquement
français. Ce qui semble distinguer, en effet, la jurisprudence
comparée de la Cour européenne de celle de la Chambre criminelle
de la Cour de cassation en matière de preuve, ce n'est pas la nature des
preuves susceptibles de forger la conviction du juge, ni même les
méthodes employées pour les réunir, c'est la
finalité supérieure qui détermine la recevabilité
de cette preuve. Pour la Cour de cassation, c'est essentiellement sa valeur
probante, son rôle dans la manifestation de la vérité. Une
preuve est une preuve et la haute juridiction répugne à laisser
impuni un coupable avéré et à sacrifier la
vérité à des principes non écrits et dont la
définition est l'objet de discussions »
1903 X. Bachellier, « Le pouvoir
souverain des juges du fond », in Droit et technique de cassation
2009, Publications de la Cour de cassation française, Bulletin
d'information de la Cour de cassation, Bulletins d'information 2009
385. La jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme admet l'utilisation de la preuve illégalement
recueillie. Lorsque l'on envisage les problèmes de l'exclusion des
preuves illégales, il est intéressant d'examiner quelle a
été la contribution de la Cour de Strasbourg dans l'application
de principe de légalité de la preuve pénale et la
protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies dans le
procès pénal. La jurisprudence de la Cour européenne y a
apporté une réponse différente selon que
l'illégalité en cause trouve son origine dans une violation du
droit interne, de l'article 8 de la Convention ou de l'article 3 de
la Convention1904. Sans doute, la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg est digne d'attention car elle
reflète la position de cette Cour en ce qui concerne le problème
de la légalité de preuve en matière pénale. Mme
Marie-Aude Beernaert souligne que « la question des
répercussions de l'utilisation d'éléments de preuve
illégalement recueillis sur l'équité du procès
pénal figure assurément parmi les problématiques les plus
délicates du droit
contemporain de la preuve pénale »
|
1905
|
. En fait, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg
|
495
considère qu'une preuve illégalement recueillie
peut être utilisée pour établir la culpabilité d'un
accusé sans avoir comme conséquence de rendre le procès
inéquitable. C'est ce qui découle de la fameuse affaire Schenk
contre Suisse rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 12
juillet 1988 1906 . La Cour de Strasbourg motive et défend son attitude
en confirmant sa jurisprudence constante qui considère que la
recevabilité des preuves relève, au premier chef, des
règles de droit interne et qu'il n'est pas possible d'exclure par
principe l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière
illégale 1907 . Dans l'affaire (Schenk) qui concernait
l'enregistrement d'une conversation téléphonique
opéré d'une façon illégale car il n'était
pas ordonné par un juge d'instruction comme l'impose le droit national
suisse, la Cour européenne a conclu qu'il n'y a pas eu violation de
l'article 6 de la Convention européenne
1904 M.-A. Beernaert, « La
recevabilité des preuves en matière pénale dans la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in
Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 90.
1905 M.-A. Beernaert, « La
recevabilité des preuves en matière pénale dans la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in
Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 90.
1906 V. sur ce point : M.-A. Beernaert,
« La recevabilité des preuves en matière pénale dans
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme »,
in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 91 :
« Dans son arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1998, la Cour
européenne des droits de l'homme a jugé qu'un procès peut
être équitable même si la culpabilité de
l'accusé est établie au moyen d'éléments de preuve
recueillis en violation de la loi nationale ».
1907 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c.
Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §46 : « Si la
Convention garantit en son article 6 (art. 6) le droit à un
procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant
l'admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui
dès lors relève au premier chef du droit interne. La Cour ne
saurait donc exclure par principe et in abstracto l'admissibilité d'une
preuve recueillie de manière illégale, du genre de celle dont il
s'agit. Il lui incombe seulement de rechercher si le procès de M. Schenk
a présenté dans l'ensemble un caractère équitable
».
aux motifs qu'il n'y avait pas eu de violation des droits de la
défense, celle-ci ayant eu la
1908
possibilité de contester l'authenticité de
l'enregistrement litigieuxet que l'enregistrement en cause n'avait, par
ailleurs, pas constitué le seul moyen de preuve retenu pour motiver
la
condamnation
|
1909
|
. Il faut observer que l'affaire Schenk concerne les
éléments de preuve
|
496
illégaux obtenus en violation du droit interne.
L'arrêt Schenk contre Suisse a été critiqué au sein
même de la Cour par une opinion dissidente commune de MM. les juges
Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo qui ont manifesté leur
désaccord explicite. En principe, une opinion dissidente permet à
un membre d'un tribunal d'exprimer son désaccord avec le jugement
émis. Les juges ont joint à l'arrêt l'exposé de leur
opinion dissidente commune « la majorité de la Cour a
considéré que l'article 6 (art. 6) de la Convention ne
règle pas "l'admissibilité des preuves en tant que telle,
matière qui dès lors relève au premier chef du droit
interne". Elle a estimé que la Cour ne pouvait "exclure par principe et
in abstracto l'admissibilité d'une preuve recueillie d'une
manière illégale, du genre de celle dont il s'agit" et devait
"seulement (...) rechercher si le procès" avait "présenté
dans l'ensemble un caractère équitable". La Cour a sans doute
relativisé la portée de son arrêt en le rattachant au cas
litigieux, mais elle ne pouvait, à notre sens, éluder le
problème de l'illégalité de la preuve. À notre plus
grand regret, nous ne pouvons nous rallier au point de vue de la
majorité, car, à notre avis, le respect de la
légalité dans l'administration des preuves n'est pas une exigence
abstraite ou formaliste. Au contraire, nous estimons qu'il est d'une importance
capitale pour le caractère équitable d'un procès
pénal. Aucune juridiction ne peut, sans desservir une bonne
administration de la justice, tenir compte d'une preuve qui a été
obtenue, non pas simplement par des moyens déloyaux, mais surtout d'une
manière illégale. Si elle le fait, le procès ne peut
être équitable au sens de la Convention. En l'espèce, il
n'est pas contesté que "l'enregistrement litigieux a été
recueilli illégalement". Même si les juges qui ont statué
sur l'accusation portée contre le requérant se sont, comme le
constate l'arrêt, appuyés sur des "éléments
distincts de l'enregistrement mais corroborant les raisons,
1908 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c.
Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §47 : « Elle
constate d'abord, avec la Commission, qu'il n'y a pas eu méconnaissance
des droits de la défense. Le requérant n'ignorait pas que
l'enregistrement litigieux se trouvait entaché
d'illégalité parce que non ordonné par le juge
compétent. Il eut la possibilité, dont il usa, d'en contester
l'authenticité et d'en combattre l'emploi, après en avoir au
début approuvé l'audition (paragraphe 18 ci-dessus). Que ses
efforts en ce sens aient échoué n'y change rien ».
1909 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c.
Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §48 : « La Cour
attache aussi du poids à la circonstance que l'enregistrement
téléphonique n'a pas constitué le seul moyen de preuve
retenu pour motiver la condamnation. Le tribunal criminel de Rolle refusa
d'écarter des débats la cassette car il eût suffi
d'ouïr M. Pauty comme témoin sur le contenu de l'enregistrement
(paragraphe 20 ci-dessus). Il entendit en outre plusieurs autres
témoins, cités d'office - comme Mme Schenk - ou convoqués
à la demande de la défense (paragraphe 22 ci-dessus). Il prit
soin de préciser, en divers endroits de son jugement, qu'il s'appuyait
sur des éléments distincts de l'enregistrement mais corroborant
les raisons, tirées de celui-ci... ».
tirées de celui-ci, de constater la
culpabilité" de l'intéressé, il n'en reste pas moins
qu'ils ont "accepté l'enregistrement comme moyen de preuve" et qu'ils
ont fondé "en partie" leur décision sur la cassette litigieuse.
Pour ces raisons, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans
la présente affaire, il y a eu violation du droit au procès
équitable, garanti par l'article 6
(art. 6) de la Convention »
|
1910
|
. Nous approuvons et soutenons la même opinion
dissidente et
|
497
les critiques émises par les juges Pettiti, Spielmann,
De Meyer et Carrillo Salcedo contre l'arrêt Schenk de la Cour
européenne des droits de l'homme. Mme Marie-Aude Beernaert attire
l'attention sur l'importance de cette jurisprudence consacrée dans
l'arrêt Shenk contre Suisse qui « fut ensuite étendue
à l'hypothèse d'une violation non plus de la loi
nationale,
mais bien de la Convention elle-même »
1911 . Dans trois arrêts, soit Sultan Khan c. Royaume-
Uni du 12 mai 2000
|
19121913
, P.G. et J.H. c. Royaume-Uni du 25 septembre 2001
|
et Allan c.
|
1914
Royaume-Uni du 5 novembre 2002 , la Cour européenne a
considéré comme « équitable » au sens
de l'article 6 de la Convention, un procès dans lequel l'accusé
avait été condamné sur la base d'éléments de
preuve dont il ne faisait aucun doute qu'ils avaient été obtenus
de façon contraire à l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme, c'est-à-dire sur la base d'une
preuve illégale. Dans les deux premiers arrêts, le juge Loucaides
pour le premier (Khan c. Royaume-Uni) et la juge Tulkens pour le second ont
émis des opinions partiellement dissidentes. Pour sa part, le juge
Loucaides a rejeté l'idée qu'un procès puisse être
équitable au sens de l'article 6 alors que la culpabilité de
l'accusé avait été établie au moyen
d'éléments de preuve obtenus en violation des droits de l'homme
garantis par la Convention, à plus forte
raison, lorsque ces éléments constituent la
seule preuve à charge de l'accusé 1915 . Selon le juge Loucaides,
« le terme `équité', lorsqu'il est envisagé dans
le contexte de la Convention européenne des droits de l'homme, requiert
le respect de la prééminence du droit, ce qui présuppose
celui des droits de l'homme énoncés dans la Convention. Je ne
pense pas qu'on puisse considérer comme « équitable »
un procès dont le déroulement est contraire à la
loi
1910 Arrêt Schenk c. Suisse 12 juillet
1988, Requête no 10862/84, opinion dissidente commune à MM. les
juges Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo.
1911 M.-A. Beernaert, « La
recevabilité des preuves en matière pénale dans la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in
Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 91.
1912 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni,
requête n° 35394/97.
1913 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c.
Royaume-Uni, requête n° 44787/98. 1914 CEDH, 5
novembre 2002, Allan c. Royaume-Uni, requête n° 48539/99.
1915 V. CEDH, 12 mai 2000, Khan c.
Royaume-Uni, requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et
en partie dissidente de M. le juge Loucaides : « Je ne saurais
admettre qu'un procès puisse être « équitable »
au sens de l'article 6 si la culpabilité d'un individu relativement
à une infraction est établie au moyen d'éléments de
preuve obtenus en violation des droits de l'homme garantis par la Convention
».
1916
»et « l'exclusion de preuves
recueillies au mépris du droit au respect de la vie privée
garanti par la Convention doit être considérée comme un
corollaire essentiel de ce droit, si l'on veut reconnaître de la valeur
à celui-ci. Il y a lieu de rappeler que, à maintes reprises, la
Cour a insisté sur le fait « que la Convention a pour but de
protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais
concrets et effectifs ». L'exclusion de pareilles preuves est, à
mon avis, d'autant plus nécessaire dans des affaires comme celle-ci
qu'il n'existe aucun autre recours effectif contre une violation du droit
pertinent. L'argument fondamental militant contre ce principe d'exclusion
réside dans la recherche de la vérité et
l'intérêt général à une application effective
de la loi pénale qui implique d'admettre des éléments de
preuve sérieux et dignes de foi, faute de quoi les valeurs ainsi
défendues pourraient se flétrir et les coupables échapper
aux sanctions de la loi. Il est contradictoire dans les termes et
insensé d'enfreindre
la loi dans le but de l'appliquer »
|
1917
|
. La juge Tulkens, de son côté
|
1918
|
, a souligné qu'en
|
prétendant que l'article 6 n'avait pas
été violé, « la Cour prive l'article 8 de toute
effectivité. Or les droits consacrés par la Convention ne peuvent
demeurer purement
théoriques ni virtuels »
|
1919
|
. Elle se demande aussi si l'opinion majoritaire aurait
été la même si
|
498
la preuve avait été « obtenue en
violation d'autres dispositions de la Convention, comme l'article 3 ? Où
et comment situer la frontière ? En fonction de quelle hiérarchie
dans les
1916 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni,
requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et en partie
dissidente de M. le juge Loucaides.
1917 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni,
requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et en partie
dissidente de M. le juge Loucaides.
1918 V. CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H.
c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente
de Mme la juge Tulkens : « La Cour a reconnu - à
l'unanimité - que l'utilisation d'un appareil d'écoute tant dans
l'appartement des requérants qu'au commissariat viole l'article 8 de la
Convention en ce que cette ingérence dans leur droit au respect de la
vie privée n'est pas prévue par la loi. Cependant, la
majorité a considéré que l'utilisation de cette preuve
dans le cadre du procès des requérants ne contrevient pas
à l'exigence du procès équitable figurant à
l'article 6. Je ne puis me rallier à ce point de vue pour
différentes raisons. 1. Je ne pense pas, en effet, qu'un procès
peut être qualifié d'« équitable » lorsqu'a
été admise au cours de celui-ci une preuve obtenue en violation
d'un droit fondamental garanti par la Convention. Comme la Cour a
déjà eu l'occasion de le souligner, la Convention doit
s'interpréter comme un tout cohérent (arrêt Klass et autres
c. Allemagne, 6 septembre 1978, série A no 28, pp. 30-31,
§§ 68-69). A cet égard, je partage l'opinion en partie
dissidente du juge Loucaides à la suite de l'arrêt Khan c.
Royaume-Uni (no 35394/97, CEDH 2000-V) : « Je considère
que le terme « équité », lorsqu'il est envisagé
dans le contexte de la Convention européenne des Droits de l'Homme,
requiert le respect de la prééminence du droit, ce qui
présuppose celui des droits de l'homme énoncés dans la
Convention. Je ne pense pas qu'on puisse considérer comme «
équitable » un procès dont le déroulement est
contraire à la loi. » En l'espèce, la violation de l'article
8 de la Convention constatée par la Cour découle, et
découle même exclusivement, de l'absence de légalité
de la preuve litigieuse (paragraphes 63 et 78 in fine de l'arrêt). Or
l'équité qui est visée à l'article 6 de la
Convention comporte aussi une exigence de légalité (arrêt
Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96,
33209/96 et 33210/96, § 102, CEDH 2000-VII). L'équité
suppose le respect de la légalité et donc aussi, a fortiori, le
respect des droits garantis par la Convention dont précisément la
Cour assure le contrôle ».
1919 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c.
Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente de
Mme la juge Tulkens.
droits garantis ? En fin de compte, la notion même
d'équité dans le procès pourrait avoir
tendance à se réduire ou à devenir
à géométrie variable ».
|
1920
|
L'arrêt Jalloh c. Allemagne du
|
499
1921
11 juillet 2006, concernant des éléments de
preuve illégaux obtenus en violation de l'article 3 de la Convention,
répond partiellement à l'interrogation de la juge Tulkens. La
Cour y précise que «... l'utilisation dans le cadre d'une
procédure pénale d'éléments de preuve recueillis au
mépris de l'article 3 soulève de graves questions quant à
l'équité de cette procédure. En l'espèce, la Cour
n'a pas conclu que le requérant avait été soumis à
des actes de torture. A son avis, des éléments à charge -
qu'il s'agisse d'aveux ou d'éléments matériels -
rassemblés au moyen d'actes de violence ou de brutalité ou
d'autres formes de traitement pouvant être qualifiés de torture ne
doivent jamais, quelle qu'en soit la valeur probante, être
invoqués pour prouver la culpabilité de la victime. Toute autre
conclusion ne ferait que légitimer indirectement le type de conduite
moralement répréhensible que les auteurs de
. La Cour consacre ici la règle de
1922
l'article 3 de la Convention ont cherché à
interdire.»
1923
, qui
l'article 15 de la Convention des Nations unies contre la
torture du 10 décembre 1984 demande aux États de faire en sorte
qu'une déclaration obtenue par la torture ne puisse pas
être invoquée comme élément de
preuve 1924 . Mais dans cette affaire, la question était
différente : la Cour a décidé que le traitement qu'on
avait administré au requérant, soit l'administration
forcée d'un émétique, était certes inhumain et
dégradant, mais toutefois pas constitutif de faits de torture. Mais elle
se limite aux faits de l'affaire qui lui est soumise et refuse de
généraliser sa solution et d'affirmer que l'utilisation de
preuves obtenues au moyen d'actes inhumains et dégradants compromet
systématiquement le caractère équitable d'un
procès 1925 . On peut penser que le fait que les
stupéfiants saisis suite à la mesure litigieuse aient
été l'élément décisif de la condamnation et
ainsi le fait que l'infraction en cause n'était pas spécialement
grave (il s'agissait d'un trafic de drogue à petite échelle) ont
contribué à ce que
1920 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c.
Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente de
Mme la juge Tulkens.
1921 CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne,
requête n° 54810/00.
1922 CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne,
requête n°54810/00, V. spec. §105.
1923 V. CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c.
Allemagne, requête n°54810/00, V. spec. §105 : « La
Cour note à cet égard que l'article 15 de la Convention des
Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants énonce que toute déclaration dont
il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne peut
être invoquée comme élément de preuve dans une
procédure contre la victime des actes de torture ».
1924 M.-A. Beernaert, « La
recevabilité des preuves en matière pénale dans la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in
Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 93.
1925 V. dans le même sens : M.-A.
Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière
pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V.
spec. p. 93.
la Cour estime qu'il y a eu violation du droit à un
procès équitable
1926
. Il est regrettable que la
500
Cour ne soit pas allée plus loin dans sa
décision. En affirmant qu'il n'y a pas nécessairement atteinte au
caractère équitable du procès à chaque fois que des
éléments de preuve sont obtenus La prudence affichée par
la Cour dans cette affaire nous paraît extrêmement regrettable. En
laissant entendre que le fait de prendre en compte des éléments
de preuve obtenus au moyen d'un acte qualifié de traitement inhumain et
dégradant, la Cour laisse entendre que même si l'interdiction des
traitements inhumains et dégradants fait partie des droits les plus
fondamentaux protégés par la Convention qui la proclame en termes
absolus, sans réserve ni possibilité de dérogation,
même en cas de guerre ou d'autre danger public menaçant la vie de
la Nation, les autorités publiques pourraient être
autorisées à tirer profit de la transgression de cette
interdiction en obtenant, par des traitements inhumains ou dégradants
des preuves pouvant entraîner une condamnation pénale, sans que
cela ne soit nécessairement contraire aux exigences
d'équité du procès.
§ 2. La sanction contrastée de la preuve
illégale.
386. L'impact de la force de conviction de la preuve
illégale sur son admission. La valeur probante de la preuve
pénale constitue l'élément essentiel qui peut convaincre
le juge afin de rendre son jugement dans un procès criminel.
L'importance d'une preuve particulière provient de la valeur probante
qu'elle procure au juge dans la constitution de sa conviction propre. De
là émerge l'importance de la valeur probante de la preuve. Dans
le cas des preuves illégales, y a-t-il des critères stricts qui
influencent le juge du fond pour accepter la preuve illégale puisqu'il
jouit d'une grande liberté d'appréciation des preuves 1927 ?
Inversement, est-il possible de trouver des critères stables qui
permettent de rejeter la preuve illégale par le juge du fond ? Sur cette
problématique compliquée qui concerne l'admissibilité de
la preuve pénale, M. Jean Pradel résume la situation «
la preuve est-elle libre ? Le juge peut-il accueillir toutes sortes de preuves
? La réponse dépend du point de savoir sur quel aspect on met
l'accent. Si l'on met l'accent sur la liberté d'appréciation du
juge, on pourra admettre un système de liberté de la preuve; si
on met l'accent en revanche sur les risques d'erreur
1926 Arrêt Jalloh c. Allemagne du 11
juillet 2006, §107.
1927 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
41 : « Le problème de l'admissibilité des preuves
obtenues en violation de la loi est étroitement lié à
celui de la libre appréciation des preuves : écarter une preuve
illicite, c'est renoncer à l'apprécier »
judiciaire, ou sur le respect de la personne, on s'en
tiendra prudemment à la légalité de la preuve. À
vrai dire cependant, et comme on va le voir, la distinction n'est pas absolue
»1928.
A. Essai d'élaboration des critères
justifiant l'exclusion de la preuve illégale.
387. L'exclusion d'une preuve lorsque
l'illégalité commise a entaché sa fiabilité.
Il est reconnu que la fiabilité de la preuve pénale joue un
rôle essentiel dans la condamnation. Par conséquent, les juges
accordent une très grande importance à la fiabilité des
preuves, d'où la nécessité de négliger et
écarter ou exclure les preuves non fiables surtout lorsque le vice de
l'illégalité de la preuve a entaché la
fiabilité de la preuve
|
1929
|
. Dans certains cas, l'illégalité de
|
501
la preuve pénale influe sur la valeur de la preuve
probante et la rend inexistante et pour illustrer ce point nous pouvons
soulever une problématique dans l'un des plus importants types de
preuves, en l'occurrence l'aveu, que l'on a souvent qualifié de
maîtresse des preuves de par sa force et son influence à
convaincre le juge. Par exemple, lorsque l'aveu est accompagné de la
contrainte physique, lorsque cette contrainte est permanente et l'aveu non
conforme à la réalité, nous pouvons dire que
l'illégalité a anéanti la valeur probante de la preuve
illégale. On constate que l'illégalité de la preuve
n'influe pas toujours sur sa valeur probante ; parfois, la contrainte physique
est exercée par la police pour mener l'accusé à
reconnaître avoir commis l'infraction et l'aveu ici reflète la
vérité réellement malgré son
illégalité en tant que preuve du fait qu'il a été
obtenu par la contrainte et la force. L'illégalité de la preuve
ici n'a donc pas altéré ni influencé sa valeur probante en
tant que preuve qui présente une vérité effective
malgré son illégalité, particulièrement lorsque
l'aveu mène l'enquête à découvrir d'autres preuves
dont le corps du délit, par exemple lorsque le suspect reconnaît
sous la pression de la coercition avoir commis l'infraction de trafic et
possession de stupéfiants et avoue le lieu de stockage et que la police
perquisitionne le lieu sur la base de cet aveu ou déclaration
involontaire et découvre une quantité de drogue. Ou lorsque le
suspect reconnaît sous la pression de la coercition avoir commis un
homicide et guide la police vers
1928 J. Pradel, « La preuve en
procédure pénale comparée (Rapport général)
», in Revue internationale de droit pénal,
1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du
Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur
International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25
janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 18.
1929 V. en ce sens : M. Franchimont, A.
Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale,
3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1044 : « Le
juge doit écarter la preuve irrégulière lorsque son
obtention est entachée d'un vice de nature à lui ôter sa
fiabilité ; tel serait le cas d'une audition beaucoup trop longue dans
des conditions inacceptables ».
502
l'arme qu'il a utilisée et qui contient ses empreintes
digitales. Il est évident dans les derniers exemples que tous les
éléments de preuve sont illégaux, cependant, ils ont
fourni des preuves ayant des valeurs probantes très convaincantes et
suffisantes pour le juge à inculper l'accusé bien que les preuves
sont illégales et que leur illégalité est flagrante.
L'exclusion d'une preuve illicite lorsque l'illégalité ou
l'irrégularité commise en entache sa fiabilité ne doit pas
être
1930
mélangée avec l'exclusion des preuves
illégales et irrégulières . Réellement, la
question de la valeur probante ou de la crédibilité de la preuve
illégale ne devait pas être soulevée, car le
problème de l'illégalité de la preuve est exclusivement
lié au moyen de son obtention sans tenir compte de sa valeur probante.
En d'autres termes, le problème de la légalité de la
preuve pénale n'est pas lié à la fiabilité et
à la crédibilité de la valeur probante de la preuve, mais
la jurisprudence n'a pas distingué entre le moyen et le résultat
en raison de son engagement vers l'application radicale du principe de la
liberté du juge pénal sans tenir compte de la question de leur
légalité.
388. Les dispositions de la jurisprudence en droit
libanais sur la valeur probante de la preuve illégale. Il est
à noter que lorsque la preuve illégale n'a pas une valeur
probante suffisante, le juge pénal ne l'adopte pas dans la constitution
de sa conviction et cette attitude est logique et naturelle. Cependant, il
convient de préciser que le juge rejettera cette preuve en
. Par
1931
raison de l'insuffisance de sa force probante et non à
cause de son illégalité
conséquent, le juge n'adoptera pas non plus la preuve
conforme au principe de la légalité de preuve qui manque de
valeur probante. Donc, si la preuve manque de valeur probante, peu importe de
quelle façon elle a été obtenue et si elle est
légale ou non, elle sera refusée en raison de son
inutilité. La révision des décisions jurisprudentielles
confirme que la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise est
instable formellement sur un seul point de vue concernant la valeur probante de
la preuve illégale. Dans certains arrêts, la chambre criminelle
1930 V. en ce sens : F. Kuty, « La
sanction de l'illégalité et de l'irrégularité de la
preuve pénale », in F. Kuty et D. Mougenot (Dir.), La preuve
questions spéciales, Anthémis, Vol. 99, Liège,
janvier 2008, pp. 7-62, V. Spec. p. 34 : « La légalité
ou la régularité de la constatation d'une preuve ne se confond
pas nécessairement avec sa valeur probante. Si une preuve illicite peut
être matériellement fiable, un élément de preuve
licite peut être dépourvu de toute valeur probante.
L'illégalité ou l'irrégularité d'un
élément de preuve n'empêche donc pas qu'il puisse
néanmoins s'avérer probant. Il peut néanmoins arriver que
la valeur probante d'une preuve soit critiquable du seul fait de la
manière dont elle a été constatée ou recueillie
».
1931 V. sur ce point : L'appréciation
anticipée des preuves : J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
40 : « Il peut arriver que le juge renonce par avance l'administration
de certaines preuves, parce qu'il considère comme superflues ou non
pertinentes. Il s'agit là d'une question d'apprécier qui ne porte
pas sur la preuve elle-même, mais sur l'opportunité de la
soumettre à l'examen du tribunal. Cette mesure, qui a pour but une
économie de procédure, doit être distinguée de celle
par laquelle le juge soustrait également un moyen de preuve à son
appréciation, mais pour une raison liée à
l'admissibilité légale de ce moyen ».
de la Cour de cassation libanaise considère parmi les
prérogatives de la Cour du fond l'estimation de la valeur probante de la
preuve illégale. Et dans d'autres arrêts, la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise estime qu'il n'est pas permis de compter ou de
s'appuyer sur une preuve illégale en dépit de sa valeur probante.
Mais en réalité, la Cour de cassation semble distinguer entre la
preuve issue d'une procédure pénale illégale que le
législateur libanais a explicitement et clairement annulée par un
texte juridique et la preuve illégale dont aucun texte juridique ne
prévoit la nullité. En d'autres termes, la Cour de cassation
pénale libanaise distingue entre la nullité textuelle d'une
procédure qui a fourni une preuve illégale et une
procédure dont aucun texte ne prévoit la nullité. Il
faudra noter que nous nommons cette preuve « preuve illégale
», cependant, les tribunaux libanais n'utilisent pas cette
appellation, pas plus que les parties impliquées.
389. Le cas où l'illégalité de la
preuve est sanctionnée par la nullité textuelle. La chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré que la
preuve illégale dont la nullité a été clairement
prévue par un texte juridique n'est pas soumise à la
liberté du juge d'estimer sa valeur. Le tribunal ne peut donc pas
constituer sa propre conviction en se basant sur la valeur probante d'une
preuve dont la nullité est clairement prévue par un texte
juridique. Dans la
résolution n° 19 du 25/01/2007 la Cour de cassation
pénale libanaise
|
1932
|
a décidé dans le
|
503
procès Al Ghaliti / ministère public que :
considérant la décision pénale ordonnançant que le
battement n'invalide absolument pas les aveux obtenus durant l'enquête
préliminaire en négligence des dispositions imposées sous
peine de la nullité. Étant donné que l'arrêt sujet
de pourvoi ou demande de cassation a jugé que « les battements
n'imposent pas forcément la nullité des aveux obtenus durant
l'enquête préliminaire, mais entraîne en cas de confirmation
la question de la conduite des enquêteurs, les aveux et
déclarations obtenus dans ce cas demeurent soumis à
l'évaluation absolue de la Cour ». Inversement de ce qui
précède, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
a considéré que ce verdict aura négligé les
dispositions imposées en vertu de la nullité en violant ce que
prévoit l'article 47 du CPP libanais, ce qui l'exposerait au rejet
(l'admission du recours en cassation) et à la tenue d'une nouvelle
audience publique selon les dispositions. Dans un autre arrêt, la chambre
criminelle
de la Cour de cassation libanaise 1933 a
considéré dans la résolution n° 215 du 29/11/2007 du
procès Amer et ses compagnons / ministère public et
Électricité du Liban statuant du verdict pénal inculpant
l'accusé d'une crime de vol se basant sur un aveu invalide obtenu lors
de
1932 Constituée par le
président Mme Alice Chabatini Al amm et les deux conseillers M. Chahid
Salama et M. Elias Nayfeh.
1933 Constituée par le président
M. Elias Nayfeh et les deux conseillers M. Ghassan Rabah et M. Chahid
Salama.
504
l'interrogatoire effectué par des coups et coercition,
modifiant les faits et manquant d'argumentation (motivation de l'arrêt)
le conduisant au rejet (l'admission d'une demande de cassation) : «
L'alinéa 1 de l'article 47 du CPP libanais prévoit : ils n'ont
pas le droit de les forcer à parler ni les interroger sous peine de
nullité de leurs déclarations . Vue la motivation de
l'arrêt qui a subi le recours en cassation : que cette interdiction ne
signifie pas la nullité absolue de l'effet de tout aveu obtenu par ce
moyen, la Cour pénale a le droit d'évaluer la validité de
cet aveu et de l'adopter... . Puis l'adopter comme moyen d'inculpation par la
Cour, la Cour aura ainsi déformé les faits et adopté
certains d'entre eux malgré leur nullité juridique, et son
argumentation aura été inappropriée et insuffisante pour
parvenir à sa conclusion d'inculpation, le verdict exigerait ainsi une
admission du pourvoi en cassation, et imposerait la tenue d'une nouvelle
audience selon les procédures ».
390. Contradiction de la position juridique au Liban dans
l'acceptation ou l'admission de la valeur probante de la preuve
illégale. La majeure partie des dispositions de la jurisprudence
libanaise reconnaît de manière ouverte que
l'illégalité de la preuve, bien que sa nullité soit
prévue juridiquement, ne lui enlève pas sa valeur probante. Le
juge peut donc estimer sa valeur probante en dépit de son
illégalité. L'une des dispositions de la Cour criminelle suit :
« vues les informations abondantes et cette explication
détaillée du rôle de l'accusé et qui reste des
intervenants dans cette affaire de trafic de drogue ne peut être le fruit
de l'imagination ou que l'accusé ait été obligé de
divulguer ces renseignements détaillés sous l'effet des coups
selon les prétentions, car il n'a pas été prouvé
que ce genre de traitements que l'accusé a invoqués a vraiment eu
lieu, par conséquent, il est impossible de s'arrêter sur ses
prétentions face à l'enquêteur et ses tentatives de nier
les faits reconnus précédemment de manière
spontanée et volontaire lors de l'enquête préliminaire,
d'autant plus que ce qui appuie ou renforce la validité de ses aveux
lors de l'enquête préliminaire est que ses
1934
. Ce
déclarations ont pris forme lorsque la quantité
de drogue a effectivement été saisie »
verdict révèle que le tribunal a
considéré l'accusé comme menteur en raison de la saisie de
la drogue, et cela signifie simplement que le tribunal n'a pas accordé
de crédit aux plaintes de l'accusé d'avoir subi des coups et de
la coercition lors de l'enquête et ce à cause de l'importante
valeur probante de la preuve qui a garanti une parfaite conviction au juge sur
la perpétration du crime sans se soucier de l'illégalité
de la preuve. Il ne s'agit pas de défendre l'accusé si nous
reconnaissons que ce verdict a compliqué l'explication de la puissante
valeur probante de la preuve qui résulte de la confession de
l'accusé face aux enquêteurs, ce qui leur
1934 Cour criminelle de Beyrouth, le
président Zouein, verdict du 20/11/1995, cité par J. Bsaybes,
Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er
éd., Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 268, p. 176.
505
a permis d'accéder à la vérité
effective. On remarque cependant que la Cour criminelle lors de ce
procès ne s'est pas demandé pourquoi cet accusé qui
prétend avoir subi les coups et la coercition de la police judiciaire a
reconnu spontanément les faits devant la police judiciaire selon la
motivation de la Cour criminelle et lors de l'audience devant le juge
d'instruction il a nié toutes ses déclarations
précédentes et attestant qu'elles ont eu lieu sous l'effet des
coups et coercition. En réalité, cet accusé a
été sévèrement battu durant l'interrogatoire par
les forces de la police judiciaire tout comme la plupart des gens qui subissent
des interrogatoires au Liban et bien entendu sous l'effet de tant de coups et
de douleurs l'accusé a fini par tout avouer et dans les détails
qui prouvent la perpétration du crime et qui a permis aux
enquêteurs de découvrir la quantité de drogue, ce qui a
fait que le dossier du procès contienne des preuves à valeur
probante irréfutable que cet accusé a bien commis l'infraction,
chose qui a réellement eu lieu. Cependant, la Cour ici n'a pas
accordé d'importance à l'illégalité de la preuve,
car la valeur probante de la preuve illégale en raison de sa force
déterminante à garantir une conviction parfaite et formelle au
tribunal que l'accusé est celui qui a perpétré le crime a
incité la Cour à fermer délibérément les
yeux sur l'illégalité de la preuve sur laquelle elle s'est
basée pour établir sa condamnation. Malheureusement, telle est la
position appliquée par les dispositions de la magistrature
(jurisprudence pénale) au Liban et qui demeure très loin de
l'État de droit. Dans une autre décision, la Cour rejette
théoriquement l'acceptation de la preuve en raison de son
illégalité, mais la réalité est différente
parce la motivation de l'arrêt nous démontre que la Cour se leurre
elle-même. Il s'avère que la véritable raison qui a
poussé la Cour à rejeter l'acceptation de la preuve
illégale est que cette preuve n'a aucune valeur probante après
que la Cour se soit assuré que la preuve est totalement contraire
à la vérité et à la réalité telle que
ce que prévoit la disposition : « tel que l'accusé a
subi durant son interrogatoire au bureau de la lutte anti drogue de la pression
physique par des coups ainsi que de la pression morale ayant été
retenu au poste de police pendant huit jours loin de sa garantie réelle
de défense qui est le juge d'instruction, et lors de sa comparution
devant celui-ci il a renié catégoriquement ses premières
déclarations. Aussi, en plus de ce qui a été cité
les faits substantiels contenus dans ces déclarations se
présentent contrairement à la réalité et à
la vérité... Sur la base de tout ceci donc la Cour ne peut plus
s'appuyer sur les déclarations de l'accusé contenues dans le
procès-verbal du bureau de lutte anti drogue et que ces
1935
.
déclarations tout au plus, rentrent dans le cadre des
preuves faibles donc négligeables »
Et dans un autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour
de cassation libanaise a considéré que « concéder
aux allégations de l'avocat de l'accusé, disant que son client a
subi des coups
1935 Cour criminelle du Mont du Liban,
décision n° 106 du 19/12/1992, cité par J. Bsyabess,
Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er
éd., Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 11, pp. 14-15.
dans sa déclaration préalable, si la loi
interdit le recours à la force, la coercition et l'épuisement des
accusés lors des interrogatoires, cette interdiction ne signifie pas
absolument l'annulation des déclarations obtenues par ces moyens et il
revient à la Cour de
1936
.
s'appuyer sur d'autres preuves en sa faveur comme c'est le
cas dans le ce procès »
Rappelons que l'article 401 du Code pénal libanais
punit quiconque ayant tenté d'obtenir par des procédés non
autorisés par la loi telle que la force ou les coups, des
déclarations ou reconnaissances d'une infraction, ou des informations
relatives à cette infraction. La quête des preuves doit se faire
par des procédés corrects, conformes aux valeurs morales, tandis
que les sévices cruels tels que les coups et la torture dans leurs
divers procédés démontrent un mépris de la
dignité humaine et le prestige de la magistrature et de la justice et
sont en même temps un signe de paresse intellectuelle ou d'esprit, car le
juge préfère obtenir une reconnaissance de
. À
1937
l'infraction à n'importe quel prix au lieu d'effectuer des
recherches compliquées parfois
notre avis, l'illégalité de la preuve
pénale doit avoir pour conséquence stable que le juge du fond
lorsqu'il apprécie les preuves pour former ou constituer sa conviction,
ne doit pas prendre en considération les éléments de
preuve illégale, ni directement, ni indirectement, soit lorsque le
respect de certaines conditions de forme est prescrit à peine de
nullité, soit lorsque l'illégalité de la preuve a
entaché totalement ou partiellement la fiabilité de la preuve,
soit lorsque cette preuve illégale constitue une violation du droit
à un procès équitable. Donc, le juge du fond doit
obligatoirement écarter la preuve illégale. Dans ce contexte,
nous nous
référons au jugement de la Cour criminelle de
Bekaa
|
1938
|
le 20/06/1996, numéro de base
|
506
485/95. Dans les faits, les agents du bureau de lutte anti
drogue ont saisi un véhicule de type VAN / ou camionnette dans la
région de Chaath (nom d'une région du Liban) et y ont
découvert en le fouillant un certain nombre de bidons en plastique
remplis d'acide astatique, puis ont arrêté un individu circulant
près du véhicule qui a avoué après avoir subi de
violents coups qu'il était trafiquant d'héroïne et qu'il
disposait d'environ 200 kg d'opium et de 100 kg de haschich (drogue à
fumer) enfouis dans son jardin. Des fouilles et perquisitions ont
été effectuées dans le jardin du domicile de l'homme qui a
avoué ces informations sous les coups et la torture et on y trouva une
quantité de 187 kg d'opium et 110 kg de haschich. Les agents du bureau
de lutte anti drogue ont alors insisté dans leur torture et violence
pour qu'il cite les noms de ses acolytes, le suspect se mit alors à
faire des déclarations mêlées de vérités et
de
1936 Cour de cassation libanaise, Kechlan
& co/ministère public, décision n° 219 du 05/08/2003 :
le président M. Ralph Riachi, et les conseillers M. Khoder Zanhour et M.
Borkane Saad, cité par Sader Cassation-Pénal
2003, pp. 447 et s., V. précisément p. 451.
1937 E. Namour, La cour criminelle. Etude
comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p.
923. 1938 La Bekaa est une région du Liban,
frontalière avec la Syrie.
mensonges. Le jugement a énuméré les
préjudices que l'accusé avait subis lors de ses interrogatoires
comme « fracture d'une dent dans sa mâchoire supérieure
» et marques des coups reçus sur ses membres supérieurs
et inférieurs, le dos, la taille et les oreilles. Des coups ont
entraîné aussi des inflammations des reins et des oreilles, des
irrégularités dans les battements de son coeur, une
surdité, précisément à l'oreille droite atteinte
à 100/100, en plus de douleurs aiguës dans la mâchoire droite
résultant d'une inflammation articulaire l'empêchant de manger de
façon permanente exigeant son placement dans un hôpital,
« entraînant ensuite la paralysie de son côté
gauche et une hémiplégie du côté gauche
également lui causant un problème de prononciation, un
problème que le tribunal avait noté lors de sa dernière
audience », tout ceci avec l'appui de trois rapports médicaux.
A la suite de tout cela, le tribunal déclare dans son jugement que
l'état de santé de l'accusé « résulte des
actes de violence et de torture dont il a fait l'objet de son interrogatoire
préliminaire ». Le jugement cite aussi dans l'une de ses
dispositions que « si la magistrature tolère parfois certaines
formes de redressements disciplinaires légers... elle ne peut cependant
en aucun cas tolérer quelques pratiques violentes, et
précisément celles qui atteignent un certain degré de
dommage que pratiquent les agents de la police judiciaire, comme c'est le cas
dans cette affaire et qui a conduit l'accusé à la perte de sa
santé et son équilibre physique ou lui causant
de graves et permanents dysfonctionnements »
|
1939
|
. Cependant, ce jugement a condamné
|
507
l'accusé pour le crime énoncé dans
l'article 3, alinéa 2 de l'ancien Code des stupéfiants et a
transféré le dossier au Parquet (le procureur
général près la Cour de cassation) en ce
qui concerne les auteurs des procès verbaux de l'enquête
préliminaire, exécutants, participants et superviseurs afin que
les poursuites juridiques nécessaires soient prises à leur
encontre. La Cour a ainsi adopté les déclarations initiales en
dépit de la violence que l'accusé avait subie, en raison de la
conformité des déclarations avec les faits matériels de
cette affaire et principalement la saisie des drogues dans les lieux que
l'accusé avait indiqués après avoir subi des coups, ce qui
leur confère vérité et authenticité, bien que cela
implique les responsabilités des auteurs des actes de violence. Par
ailleurs, la Cour a renvoyé devant le Parquet (le procureur
général près la Cour de cassation) les enquêteurs
qui ont battu et torturé l'accusé pour lui soutirer des aveux de
force et a engagé des poursuites pénales pour le crime qu'ils ont
commis et qui est sanctionné par la loi. M. Elias Fares Nammour estime
que la solution adoptée par la Cour criminelle de Bekaa est le plus
conforme à la logique et la raison. Il cite qu'il est vrai que
l'accusé a subi des coups et de la torture, mais il est vrai aussi que
les informations qu'il avait données suite à ce qu'il a subi
étaient conformes aux faits concrets
1939 E. Namour, La cour criminelle. Etude
comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p.
924.
1940
.
508
qu'il avait cités et qu'on ne peut donc les
dépouiller de leur force probante. Et s'il en avait été
autrement, on n'aurait pas pu les adopter
391. Commentaire du jugement de la Cour criminelle de
Bekaa le 20/06/1996, numéro de base 485/95. La position de la Cour
criminelle de Bekaa rendu le 20/06/1996 donne de plus en plus l'impression
choquante que la fin justifie les moyens. L'examen des dispositions de ce
jugement montre qu'il distingue entre les cas de correction disciplinaire
légère et les pratiques violentes qui causent des dommages, et il
souligne la possibilité de tolérer la première situation,
mais nullement la dernière. Cette distinction n'a pas sa place
juridiquement et il
1941
a
aurait été préférable que le
jugement l'évite. Si l'article 401 du Code pénal libanais
associé les pratiques violentes avec celles interdites
par la loi, il est alors certain que ces pratiques ne rentrent en aucun cas
dans la cadre de ce qu'autorise la loi, très précisément
l'article 186 du Code pénal libanais 1942 , qui prévoit les coups
correctionnels infligés aux enfants par leurs parents ou instituteurs
selon ce qui est autorisé par le sens commun, et les opérations
chirurgicales ou traitements médicaux pratiqués dans les
règles de l'art et les pratiques violentes qui surviennent lors des
rencontres sportives. La coercition ne se limite pas au traitement physique
uniquement, elle englobe aussi des pratiques morales incomparables
aux pratiques physiques lourdes ou légères
|
1943
|
. Dans le jugement de la Cour criminelle de
|
Bekaa, l'on constate qu'un lien est fait entre la
nullité des aveux obtenus par la torture et la nécessité
de prouver la torture comme condition primordiale. Dans le cas où l'on
prouve réellement la torture qui amène l'accusé à
avouer, on passera alors à une toute nouvelle condition qui consiste
à prouver que l'accusé n'a pas avoué la
vérité, c'est-à-dire que la Cour, après avoir
prouvé la torture, devra examiner la validité des aveux, ce qui
revient à effectuer l'évaluation de la preuve en dépit de
son illégalité. C'est là que se trouve le danger de cette
méthode, car en général, l'accusé sous l'effet des
douleurs de la torture va reconnaître la vérité. Pourquoi
soulever la question de l'illégalité de la preuve ? Et quelle est
la valeur de ce
1940 E. Nammour, La cour criminelle.
Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340,
pp. 924925.
1941 L'article 401 du Code pénal
libanais dispose : « Quiconque, dans le but d'obtenir l'aveu d'une
infraction, ou des renseignements sur une infraction, aura soumis une personne
a des rigueurs non autorisé es par la loi sera puni de 3 mois à 3
ans d'emprisonnement. Si les violences exercé s ont entrainé une
maladie ou des blessures, le minimum de la peine sera d'un an ».
1942 L'article 186 du Code pénal
libanais dispose : « Il n'y a pas d'infraction lorsque le fait
était autorisé par la loi.Sont autorisées :1. Les
corrections infligées aux enfants par leurs parents ou leurs
maîtres dans la mesure oùelles sont tolérées par le
commun usage ;2. Les opérations chirurgicales et les traitements
médicaux pratiqués selon les préceptes del'art et, sauf le
cas d'urgence, du consentement du patient ou de ses représentants
légaux ;3. Les violences commises au cours d'exercices sportifs si les
règles du jeu ont été respectées ».
1943 E. Namour, La cour criminelle. Etude
comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p.
925.
509
principe tant que la preuve soutirée sous le poids de
la torture va être évaluée par la Cour au même titre
que la preuve intacte c'est-à-dire conforme au principe de la
légalité de preuve pénale ? Ainsi, l'évaluation par
la Cour de cette preuve ne prend pas en compte l'origine de la preuve, mais
uniquement le degré de conformité de la preuve par rapport
à la réalité. Dans cette démarche, la Cour fait
primer la logique de l'obtention de la vérité, quel qu'en soit le
prix, chose inacceptable et inadmissible. Pour conserver le principe de la
légalité de la preuve et de la légalité
procédurale, il faut admettre l'idée de l'existence d'un criminel
qui a commis une infraction dont on a obtenu une preuve qui jouit d'une valeur
probante puissante et importante qui affirme que ce suspect et parfaitement
l'auteur du crime ; toutefois, les moyens de recherche et d'administration de
cette preuve ont été contraires aux modes de collecte des preuves
définis par la loi. Cette violation des procédures sera en faveur
de l'accusé qui ne sera pas sanctionné bien qu'il a
réellement commis l'infraction. Cette logique représente une
victoire de la justice et de la légalité. Cette logique obligera
les magistrats et les enquêteurs à se conformer à la loi et
au principe de la légalité de la preuve pour ne pas laisser un
criminel échapper à la sanction ou à la peine après
avoir commis une infraction pénale. Ce raisonnement se rapproche du
principe selon lequel on doit prononcer l'innocence de l'accusé
lorsqu'il y a un doute sur la preuve. Il serait tout aussi préjudiciable
à la justice qu'un criminel puisse échapper à son
châtiment que de porter atteinte à ses libertés
individuelles dans le seul but de parvenir à une preuve dans une
infraction. Qu'un millier de criminels échappent au châtiment de
la loi ne nuirait pas à la justice autant que la condamnation d'un
innocent ou la condamnation d'un individu sur la base d'une preuve
illégale. La victoire du principe de la légalité de preuve
est plus importante que la fuite d'un criminel au châtiment de la justice
malgré la certitude de son inculpation, car un État de droit doit
protéger tous les citoyens de l'arbitraire dans les procédures
pénales et notamment de la torture pour l'obtention de preuves.
L'intérêt de la communauté est au-dessus de toute autre
considération et cet intérêt ne se concrétise que
par l'application correcte de la loi plutôt que d'arrêter des gens
de manière contraire à ses dispositions. La question de la valeur
probante de la preuve illégale est sans importance puisque
l'illégalité de la preuve est en rapport uniquement avec le mode
de son obtention. Il n'est donc pas important que la preuve représente
toute la vérité ou une partie de celle-ci ou au contraire, un
simple montage ou fabrication de preuve ou résultant d'un mensonge de
l'accusé, car le problème fondamental consiste dans le moyen
illégal. Cependant, comme nous l'avons déjà dit, cela ne
représente pas l'opinion de la jurisprudence ni au Liban ni en France,
car la jurisprudence a une disposition différente et accorde une
très haute importance à la valeur probante de la preuve
illégale. Lorsque la valeur probante de la preuve illégale est
faible ou inexistante, le juge criminel ne l'adopte pas. Selon nous, cela ne
510
représente pas une application du principe de la
légalité de la preuve criminelle, car, lorsque le juge n'adopte
pas une preuve en raison de l'absence de sa valeur probante, il ne fait
là que son devoir en application du principe de la conviction
personnelle du juge qui lui impose d'être certain de la commission de
l'infraction. Là, le juge peut écarter une preuve légale
en raison de sa faible valeur probante. Il n'y a donc pas de différence
entre la preuve légale et la preuve illégale sur ce point, car le
juge lors de sa condamnation doit être convaincu en toute certitude qui
n'admet nullement le doute. L'arrêt de la cour criminelle de Bekaa est la
conséquence naturelle d'une jurisprudence libanaise très
critiquable qui privilégie la fiabilité des preuves par rapport
à leur légalité. Contrairement à la position de la
Cour criminelle de Bekaa en droit libanais qui est critiquable, il nous
paraît souhaitable que le juge libanais opère un revirement de
jurisprudence en considérant qu'un élément de preuve
illégal qui résulte d'un acte expressément interdit par la
loi ou d'un acte incompatible avec les règles substantielles de la
procédure pénale ou avec les principes généraux du
droit, doit être sanctionné d'irrecevabilité.
B. Essai d'élaboration des critères
justifiant l'admission de la preuve illégale.
392. Une décision de mise en accusation
définitive ayant pour effet de purger la procédure
illégale et les causes de nullités antérieures s'il en
existe. Tout d'abord rappelons que tous les procès pénaux
n'émettent pas une décision de mise en accusation par la chambre
d'accusation en droit libanais et par la chambre d'instruction en droit
français, mais uniquement ceux qui jugent des crimes. La loi
française et libanaise a fait de la chambre d'accusation (Liban) et de
la chambre d'instruction (France) le responsable principal du contrôle et
de la supervision des enquêtes préliminaires et des enquêtes
menées par le juge d'instruction dans le crime. Cependant, lorsque cet
organe accusateur ou la chambre d'instruction rend l'arrêt de mise en
accusation définitive, il protège toute preuve qu'il a
adoptée pour établir sa décision accusatoire. La Cour
criminelle en droit libanais et la Cour d'assises en droit français ne
reviennent pas alors ultérieurement sur le contrôle de
l'illégalité de la preuve pénale et ne se
considèrent pas responsables de l'illégalité de cette
preuve. L'argument de la Cour criminelle libanaise pour justifier cela serait
que la décision de mise en accusation définitive lorsqu'elle est
émise cache tous les défauts résultant de l'étape
antérieure des enquêtes et de la recherche des preuves,
c'est-à-dire qu'indirectement l'acte d'accusation purge
l'illégalité de la preuve selon la philosophie qu'adopte la
jurisprudence libanaise. Quant à nous, nous émettons des
réserves au sujet de la protection de la preuve illégale en
raison du fait que l'acte d'accusation
511
est absolument irréfutable, car nous croyons que la
preuve illégale reste toujours illégale. Rien n'y changera
même si l'accusé soulève l'illégalité pour la
première fois devant la Cour criminelle. Nous pensons qu'il n'y a aucune
restriction légale qui empêche l'accusé de soulever
l'illégalité de la preuve criminelle à n'importe quel
moment devant toute autorité judiciaire, car elle représente
aussi une autre forme de défense et il est inadmissible de priver
l'accusé de tout moyen légal et juridique de se défendre
sous prétexte de l'irréfutabilité de l'acte d'accusation.
D'autant plus qu'il n'existe aucun texte juridique clair en droit libanais qui
confirme que l'on n'a pas le droit de soulever devant la Cour tout
problème ayant atteint l'enquête préliminaire. La preuve
illégale ne doit jouir d'aucune immunité et l'idée que
l'acte d'accusation est absolument irréfutable est inadmissible selon
notre point de vue parce que « la recherche de la preuve, quel qu'en
soit son auteur, est l'occasion pour la personne
1944
.
poursuivie de réclamer l'impunité en soulevant
l'irrégularité de la procédure »
Cependant, quelle est la position de la magistrature libanaise
et française sur la question de l'immunité de la preuve
illégale après l'irréfutabilité de la
décision de mise en accusation ?
393. L'arrêt ou la décision de mise en
accusation ayant pour effet de purger la procédure antérieure en
droit français. L'article 181 du CPP français précise
que, lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en
accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure
1945
antérieure . Il est clair que le législateur
français consacre explicitement la règle de la purge des
nullités et donc si la chambre de l'instruction avait statué sur
la validité des actes de la
1946
procédure, son arrêt aurait pour effet de purger
la procédure antérieure. La chambre criminelle de la Cour de
cassation française a considéré que «
méconnaît le sens et la portée des articles 181,
alinéa 4, et 215 du Code de procédure pénale, selon
lesquels la décision de mise en accusation, lorsqu'elle est devenue
définitive, couvre, s'il en existe, les vices de procédure, la
Cour d'assises qui, après avoir accueilli une exception de
nullité prise du défaut d'impartialité d'un
enquêteur ayant participé à l'enquête
préliminaire, prononce l'annulation
. Donc, la décision de renvoi aux assises purge
définitivement toutes les
1947
de la procédure »
nullités de l'information s'il en existe. Sans doute
l'article 181 du CPP français qui constitue actuellement la base
légale de la règle de la purge des nullités qui couvre
indirectement
1944 M. Sanchez, « Flagrance, apparence
et provocation ou la souplesse des règles de preuve », in D.,
2004, p. 1845.
1945 L'article 181 du CPP français qui
dispose « Lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de
mise en accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure
».
1946 En ce sens : Crim. cass., 19 février
1997, B.C., n° 66, p. 211. 1947 Cass. crim., 10
juin 2009, B.C., n° 119.
l'illégalité procédurale commise avant la
phase de jugement est parmi les problèmes délicats et essentiels
qui empêchent l'application effective du principe de la
légalité de preuve ou, pour préciser, est l'argument
essentiel du juge de fond qui empêche cette application satisfaisante du
principe de légalité dans le domaine de preuve pénale.
Trois techniques en droit français
, la
1948
constituent un paravent devant la nullité de la preuve
illégale. Ce sont: l'irrecevabilité
1949
purge successive des nullités et la forclusion. En ce
qui concerne les nullités soulevées devant la chambre de
l'instruction ou la chambre criminelle : « la chambre de l'instruction
doit relever d'office les nullités des procédures qui lui sont
soumises (art 206 al. 2 du CPP). Les parties sont cependant prises aux
pièges de l'irrecevabilité de l'article 173-1, de la purge des
nullités de l'article 174 et de la forclusion de l'article 175 du Code
de procédure pénale, de telle manière qu'elles sont
irrecevables à soulever les nullités de la
procédure
d'instruction du premier degré »
|
1950
|
. Sans doute, la purge successive des nullités de
l'article
|
512
174 alinéa 1er est le principal obstacle
à la nullité de la preuve illégale devant la Cour ou le
juge du fond1951 . M. François Fourment décrit ainsi le
mécanisme de la purge successive des
1948 V. sur l'irrecevabilité en droit
français: F. Fourment, Procédure pénale,
14e édition, Larcier, 2013, n° 93, p. 67 :
« L'article 173-1 du Code de procédure pénale
prévoit que la personne mise en examen et la partie civile doivent, sous
peine d'irrecevabilité, soulever les causes de nullité
antérieures ou concomitantes, respectivement, à leur
interrogatoire de première comparution et à leur première
audition, dans un délai de six mois à compter, selon le cas, de
la notification de la mise en examen ou de la première audition. La loi
du 4 mars 2002 a étendu cette irrecevabilité aux moyens pris de
la nullité des actes accomplis avant chacun des interrogatoires
ultérieurs de la personne mise en examen et avant chacune des auditions
ultérieures de la partie civile ». (art. 7 de la loi).
1949 V. sur la forclusion en droit
français: F. Fourment, Procédure pénale,
14e édition, Larcier, 2013, n° 95, p. 67 :
« L'article 175 du Code de procédure pénale institue un
mécanisme de forclusion. Quand le juge d'instruction croit devoir clore
son information, il avise les parties de ce que l'instruction lui paraît
terminée. À l'expiration d'un délai d'un mois si une
personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres
cas, délai qui court à compter de la date d'envoi de cet avis,
les parties ne sont plus recevables à formuler la moindre requête
en nullité. Le règlement de l'instruction purge les cause de
nullités » ; V. encore: H. Angevin, La pratique de la
chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n°
341, p. 150: « L'expiration de délai de forclusion
institué par l'article 175 du Code de procédure pénale, en
sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000 fait toutefois obstacle
à ce que les parties invoquent devant la chambre de l'instruction,
saisie de l'appel d'une ordonnance de règlement en application des
articles 177, 178, 179 ou 181, les nullités de la procédure
antérieure à l'avis de fin d'information lorsque celui-ci a
été régulièrement notifiée » ;
« Il en est de même en cas d'expiation du délai
instauré par l'article 173-1, inséré dans le Code de
procédure pénale par la loi du 15 juin 2000 et
complété par la loi du 4 mars 2002 ».
1950 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 96,
pp. 67-68.
1951 V. sur la purge de nullité en
droit français: H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 355, p.
157 ; V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de
droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1220, p. 586 : « Si une partie
privée à un procès pénal peut invoquer la
nullité d'un acte de police devant une juridiction de jugement, elle ne
peut le faire que selon un régime restrictif et complexe à raison
de la volonté du droit positif d'éviter les manoeuvres dilatoires
et de la hiérarchie des juridictions entre elles, régime qui
s'applique également aux magistrats de poursuite ou de jugement
».
nullités : « l'article 174 alinéa
1er du Code de procédure
pénale1952 institue un mécanisme de purge des
nullités par lequel la partie - la purge ne s'applique donc pas
davantage au juge d'instruction qu'au procureur de la République - qui
soulève une nullité doit prendre garde de se prévaloir
toutes les causes de nullité qu'il lui est possible de connaître
au jour de sa requête en annulation, à peine
d'irrecevabilité de toute requête ultérieure du chef de
ces
nullités »
|
1953
|
. Pour sa part, M. Henri Angevin considère que c'est une
couverture des vices de
|
la procédure : « l'arrêt de mise en
accusation, statuant sur le règlement de la procédure, couvre,
s'il en existe, les vices de la procédure antérieure, sauf le cas
où les parties n'auraient pu connaître une nullité de
l'information. La partie qui n'a pas soulevé devant la chambre de
l'instruction la nullité d'un acte ne saurait l'invoquer pour la
première fois
devant la Cour de cassation »
|
1954
|
. L'arrêt de mise en accusation de la chambre de
l'instruction
|
purge les vices de nullités de la procédure
antérieure (art. 305-1 du CPP)1955. En ce qui concerne les
demandes des parties présentées avant toute défense au
fond ou fin de non-recevoir, c'est-à-dire les nullités
soulevées devant les juridictions de jugement, « les demandes
en nullité émanant des parties doivent être
présentées avant toute défense au fond ou fin de
non-recevoir -c'est-à-dire avant l'interrogatoire du prévenu ou
de l'accusé sur les faits - à peine d'irrecevabilité
»1956 (pour le tribunal correctionnel, voir l'art. 385 al
1er du CPP). Pour les nullités soulevées devant la
Cour d'assises : « s'agissant des causes de nullité
antérieures à l'ordonnance de mise en accusation, les parties ne
peuvent plus les soulever devant la Cour d'assises : l'ordonnance de mise en
accusation du juge d'instruction "couvre s'il en existe, les
vices de procédure" »
|
1957
|
(art. 181 alinéa 4 du CPP). « Aux termes de
l'article 305-1 du Code
|
513
1952 L'alinea 1er de l'article 174
du CPP français dispose : « Lorsque la chambre de l'instruction
est saisie sur le fondement de l'article 173 ou de l'article 221-3, tous moyens
pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent,
sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d'office, lui
être proposés. A défaut, les parties ne sont plus
recevables à en faire état, sauf le cas où elles
n'auraient pu les connaître ».
1953 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 94,
p. 67.
1954 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 257, p.
112.
1955 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 96,
p. 68. 1956 F. Fourment, Procédure pénale,
14e édition, Larcier, 2013, n° 97, p. 68.
1957 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 98,
p. 68 ; V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse
de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1220, p. 587 : « en
matière criminelle, aucune annulation ne peut être demandée
à la Cour d'assises puisque, étant attributif de
compétence, l'arrêt de renvoi purge définitivement la
procédure antérieure de toute nullité » ; V.
Cass. crim, 10 juin 2009, B.C., n° 119: «
Méconnaît le sens et la portée des articles 181,
alinéa 4, et 215 du code de procédure pénale, selon
lesquels la décision de mise en accusation, lorsqu'elle est devenue
définitive, couvre, s'il en existe, les vices de procédure, la
cour d'assises qui, après avoir accueilli une exception de
nullité prise du défaut d'impartialité d'un
enquêteur ayant participé à l'enquête
préliminaire, prononce l'annulation de la procédure »
;V. Cass. crim, 16 janvier 2013, B.C., N° de pourvoi:
11-83689: « Le prévenu qui a échappé à des
poursuites dont il connaissait l'existence ne saurait se faire grief d'avoir
été déclaré irrecevable à demander à
la juridiction de jugement devant laquelle il a été
de procédure pénale, les parties doivent
soulever les causes de nullité postérieures à la
décision de mise en accusation et antérieures à
l'ouverture des débats dès que le jury de
jugement est constitué »
|
1958
|
. Pour les nullités soulevées devant le tribunal
correctionnel ou de
|
1959
police: « si le tribunal correctionnel ou de police
statue sur renvoi d'une juridiction d'instruction, les demandes en
nullité formées contre un acte d'instruction sont
irrecevables
(irrecevabilité de l'article 173-1, forclusion de
l'article 175, purge des vices de l'article
1960
»
181 al. 4, rappel de l'article 385 a l. 1er du CPP
pour le tribunal correctionnel et renvoi de l'article 522 dernier al., à
l'art. 385, pour le tribunal de police). « Si le tribunal
correctionnel ou de police ne statue pas sur renvoi d'une juridiction
d'instruction, il peut bien sûr connaître des demandes en
nullité soulevées contre des actes pris antérieurement
à sa saisine, tels les
procès-verbaux d'enquête de police
»
|
1961
|
. Mme Julie Alix constate qu' « en pratique,
les
|
1962
.
514
risques d'annulation sont toutefois relativement faibles.
Le législateur a en effet balisé la procédure
pénale de délais de forclusion et de mécanismes de purge
des nullités »
394. L'irréfutabilité de la décision
de mise en accusation définitive consacrant la preuve illégale
dans la juriprudence libanaise. L'absence de fondement juridique de la
règle de la
renvoyé l'annulation d'actes de l'enquête et
de l'instruction, dès lors que, d'une part, en application de l'article
385, alinéa 1er, du code de procédure pénale, les
nullités de la procédure antérieure à l'ordonnance
de renvoi ne peuvent pas être constatées par ce tribunal, d'autre
part, s'étant soustrait à la justice, il ne peut
bénéficier des autres dispositions du même article, enfin,
il lui est reconnu la possibilité de discuter, devant la juridiction de
jugement, la valeur probante des éléments réunis contre
lui ».
1958 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 98,
p. 68.
1959 V. sur ce point: Cass. crim, 3 avril
2007, B.C., n° 103, p. 500: « Il se déduit de
l'article 134 du code de procédure pénale qu'une personne en
fuite et vainement recherchée au cours de l'information n'a pas la
qualité de partie au sens de l'article 175 dudit code ; il s'ensuit que
si elle est arrêtée après que le juge d'instruction l'a
renvoyée devant le tribunal correctionnel, elle ne peut se
prévaloir des dispositions du troisième alinéa de
l'article 385 dudit code pour exciper devant cette juridiction d'une quelconque
nullité d'actes de l'information, l'ordonnance de renvoi ayant, comme le
prévoit l'article 179 du même code, purgé, s'il en
existait, les vices de la procédure » ;V. Cass. crim, 3
octobre 2007, B.C., n° 237: « Selon l'article 134 du
code de procédure pénale, une personne en fuite et vainement
recherchée au cours de l'information n'a pas la qualité de partie
au sens de l'article 175 dudit code et ne peut se prévaloir des
dispositions du troisième alinéa de son article 385, l'ordonnance
de renvoi ayant purgé, s'il en existait, les vices de la
procédure ».
1960 V. Cass. crim, 16 janvier 2013,
B.C., N° de pourvoi: 12-81199: « Justifie sa
décision la cour d'appel qui déclare irrecevables les exceptions
de nullité de la procédure d'instruction soulevées devant
le tribunal correctionnel par le prévenu, en fuite et vainement
recherché au cours de l'information, dès lors qu'en application
de l'article 385, alinéa 1er, du code de procédure pénale,
la juridiction correctionnelle, saisie par une ordonnance de renvoi, n'a pas
qualité pour constater les nullités de la procédure
antérieure, que le prévenu s'est volontairement soustrait
à la justice et a été mis en mesure de discuter devant la
juridiction de jugement, la valeur probante des éléments
réunis contre lui ».
1961 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 99,
p. 68.
1962 J. Alix, « Les droits de la
défense au cours de l'enquête de police après la
réforme de la garde à vue : état des lieux et perspectives
», in Recueil Dalloz., 2011, p. 1699, V. spec. n° 22.
515
purge des nullités concernant la décision de
mise en accusation définitive émise par la chambre d'accusation
en droit libanais est remarquable. L'irrévocabilité de la
décision de mise en accusation définitive est absolument
irréfutable et couvre le défaut de l'illégalité de
la preuve pénale. Les irrégularités ou
l'illégalité d'une enquête de police et de l'instruction
préparatoire sont purgées à sa clôture. Les preuves
illégales résultant de l'enquête de police et de
l'instruction préparatoire vont ainsi être purgées
indirectement du vice de l'illégalité. La
chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise1963 dans la décision n° 198 du 03/06/1998 dans
le procès Kabalan / ministère public, considère que la
décision de mise en accusation définitive cache tous les
défauts qui se produisent durant les enquêtes préliminaires
« tel que, en supposant que les enquêtes préliminaires
sont entachées d'un quelconque défaut, l'acte d'accusation qui
n'a pas été contesté (qui n'a pas subi un recours devant
la Cour de cassation) et qui est désormais final a caché
les défauts dans le cas de leur présence ; cependant, il revient
à la Cour du fond le droit d'évaluer la valeur de ces
enquêtes lorsqu'elle les adopte comme moyen de preuve ». Ce qui
est saisissant, c'est que nous ayons rencontré un arrêt
émis par la même chambre criminelle de la Cour de cassation
constituée des mêmes magistrats, rendu dans les mois suivants le
jugement précédent, dans lequel la Cour avait contredit cette
déclaration et considéré que la Cour criminelle a
l'aptitude d'exploiter les enquêtes préliminaires et adopter ce
quelle estime valable et précis malgré
l'irréfutabilité de l'acte d'accusation: « Tel que, bien
que la décision de mise en accusation irréfutable cache en
principe les défauts que revêtent les enquêtes qui se
déroulent contrairement à certaines dispositions. Et que
malgré cela, s'il s'avère que les dispositions requises pour le
mode de conduite de certaines enquêtes préliminaires n'ont pas
été strictement respectées, cela ne conduit pas à
la nullité de ces enquêtes... ; en outre, ces enquêtes
demeurent soumises à l'examen de la Cour à laquelle il revient de
dire ce que ces enquêtes comportent comme informations auxquelles elle se
fie suffisamment, au vu de leur réalité (exactitude) et de leur
précision, particulièrement si elles sont approuvées et
renforcées en vertu d'autres enquêtes
1964
préliminaires ultérieures ».
L'arrêt précédent confère à la Cour
criminelle le pouvoir d'accepter et d'exclure toute preuve légale ou
illégale, car la Cour jouit désormais de la liberté de
l'évaluation des preuves auxquelles elle se fie sans subir le moindre
contrôle, conformément à ce qu'a établi la chambre
criminelle de la Cour de cassation. Dans un autre arrêt de la chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, sixième chambre, dans
la
1963 Constituée par le président
M. Afif Chams Eddine et les conseillers M. Elias Abdallah et M. Fouad
Jaajaa.
1964 La Cour de cassation pénale
libanaise constituée par : le président M. Afif Chams Eddine et
les conseillers M. Elias AbdAllah et M. Fouad Jaajaa, dans la résolution
n° 296 du 04/11/1998 procès Materji contre Chaabane /
ministère public.
décision n° 38 du 23/02/1999, cette Cour certifie
clairement l'effet de la décision de mise en accusation
définitive dans la dissimulation de toute cause de nullité en ce
qui concerne
1965
l'enquête préliminaire ou l'instruction
: « ce que l'accusé avance comme contestation
ou
recours saisissant l'enquête préliminaire ou
l'instruction dans le but de demander leur annulation demeure rejeté,
car ce type de recours ne trouve sa place que devant la chambre d'accusation et
non devant les juges du fond ; car la décision de mise en accusation de
la chambre d'accusation doit dissimuler toute nullité concernant
l'enquête préliminaire ou l'instruction ». On
considère que la position de la chambre criminelle de la Cour de
cassation
libanaise est compatible à la position de la cour
Criminelle
|
1966
|
qui a estimé dans son jugement
|
du 31/05/2001 qu'« il est interdit de déclarer la
nullité des enquêtes préliminaires devant la
Cour criminelle parce que la décision de mise en
accusation est inattaquable »
|
1967
|
. Dans un
|
516
autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour de
cassation libanaise, septième chambre, dans la décision n°
259 du 26/12/2001, a confirmé aussi que la chambre d'accusation jouit
exclusivement, contrairement à la Cour criminelle du droit d'annuler les
enquêtes
1968
préliminaires et initiales: « l'annulation des
enquêtes préliminaires et primaires relève des
prérogatives de la chambre d'accusation et n'entre pas dans les
prérogatives de la Cour criminelle ». Également, dans
un autre jugement, la chambre criminelle de la Cour de cassation certifie que
« la déclaration de la nullité des enquêtes
préliminaires devant la Cour criminelle est interdite, car la
décision de mise en accusation doit dissimuler tous les défauts,
il serait donc impossible de soulever ces défauts de nouveau devant le
tribunal. Dans tous les cas, il revient à la Cour du fond
d'évaluer le contenu de la déclaration initiale des
accusés ainsi que le reste des déclarations contenues dans le
dossier. Elle peut les adopter comme elle peut les négliger ou ignorer
selon sa conviction dans ce contexte ; et que la position qu'elle adoptera de
ce côté n'est pas soumise au contrôle de la Cour de
cassation tant qu'elle n'envisage pas de distorsion ou de modification des
faits que comportent ces déclarations
1969
». La Cour criminelle libanaise a
considéré qu'elle ne peut pas déclarer la nullité
de
1965 Cour de cassation libanaise,
président M. Ralph Riachi et les conseillers M. Samir Alia et M. Joseph
Samaha , procès Arris/ Al Ahmad et ministère public, cité
par P. Germanus, Le crime, théâtre et scène,
édition 2009, p. 442, et cité par Sader
cassation-pénale 1999, p. 304.
1966 Cour d'assises en droit français.
1967 Cour criminelle du Sud Liban
constituée par les juges : le premier président M. Said Mirza, et
les conseillers M. Hafez Eid et M. Mohammad Badran
1968 Cour de cassation libanaise,
président M. Ahmad Moallim et les conseillers M. Samir Matar et M. Assem
Safiyeddine, procès Nassif/mnistere public et l'État du Liban,
cité par P. Germanus, Le crime, théâtre et
scène, édition 2009, p. 442, et cité par Sader
cassation-pénale 2000, p. 1163.
1969 Cité par Sader
cassation-pénale 2003, pp. 552-553.
l'enquête préliminaire malgré les
défauts qui ont affecté les mesures prises y compris, en
conclusion, les éléments de preuve illégale
résultant de ces mesures défectueuses. Donc la Cour criminelle
confirme qu' « il revient à la Cour le droit d'évaluer
les preuves qui lui sont exposées, en particulier les
déclarations de l'accusé dans l'enquête préliminaire
et la déclaration de la décision de mise en accusation
inattaquable baisse le rideau sur les défauts qui ont porté
préjudice aux enquêtes préliminaires ainsi que les
instructions, que sur la base de ce qui précède, il faut rejeter
la déclaration du côté de l'annulation des enquêtes
l'enquête
1970
préliminaire ». Au sujet de l'annulation
de l'enquête préliminaire lorsqu'une preuve illégale en
résulte, la Cour criminelle confirme dans son jugement son interdiction
de déclarer la nullité de cette preuve illégale qui
résulte des enquêtes préliminaires « la
déclaration de la nullité des enquêtes préliminaires
devant la Cour criminelle est interdite dès que la
décision
de mise en accusation est inattaquable »
|
1971
|
. Dans une autre résolution, la Cour
criminelle
|
confirme clairement que la décision de mise en
accusation dissimule les défauts de l'enquête qui le
précède, c'est-à-dire qu'elle dissimule
l'illégalité de toute preuve résultant d'une
procédure pénale préalable au
procès
|
1972
|
: « la science et la jurisprudence s'accordent
pour
|
517
dire que la décision de mise en accusation
dissimule les défauts qui la précèdent et efface toutes
les erreurs qui ont saisi les enquêtes préliminaires et les
instructions, et il ne devient donc plus possible de les annuler, car elles
accompagnent la décision d'accusation ».
395. Évaluation de la position jurisprudentielle en
droit libanais. Il semble clair que la jurisprudence au Liban
considère que l'acte d'accusation dès qu'il sera
inattaquable n'admet aucune demande d'annulation ou d'écartement de la
preuve pénale en raison de son illégalité. Plus que cela
encore, elle considère qu'elle purifie cette preuve de son
illégalité, ce qui lui permettrait de prendre sa place au
procès au même titre que toute autre preuve légale. La Cour
décidera de sa valeur probante en vertu de sa liberté de
constituer sa propre conviction. Donc, la valeur probante de la preuve
illégale est la norme dans l'acceptation ou le rejet de la preuve et
rien d'autre ne peut restreindre la liberté de la Cour et du juge dans
l'acceptation de la preuve illégale excepté la valeur probante
qu'elle représente. La chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise applique cette position avec assiduité dans ses arrêts.
Cette
1970 Cour criminelle du Mont du Liban,
jugement n° 249 du 28/04/2004, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence
des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions Juridiques Sader, n°
11, p. 21.
1971 Cour criminelle du Mont du Liban,
jugement n° 74 du 31/05/2001, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence
des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions Juridiques Sader, n° 2,
p. 21.
1972 Dérogation du conseiller M. Jean
Bsaybess, cour criminelle du Mont du Liban du 22/06/1999, procès Abi
Chaker/Maalouf et compagnons, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence
des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000,
n° 45, p. 75.
518
position de la jurisprudence libanaise n'a pas
été critiquée par la doctrine libanaise bien que la Cour
de cassation pénale et les Cours criminelles ne se soient
appuyées sur aucun texte juridique justifiant leur position. Il est
logique de dire que cette position est l'une des causes de l'affaiblissement de
l'application pratique du principe de la légalité de la preuve
pénale dans le système judiciaire libanais et que la position de
la jurisprudence ne semble pas convaincante, car elle ne se base sur aucun
argument juridique pour justifier son comportement dans la reconnaissance de la
purification de l'acte d'accusation du défaut de
l'illégalité de la preuve pénale.
396. Technique de négligence de la preuve
criminelle. Il est à noter que la majeure partie de la doctrine de
droit pénal comparé utilise l'expression « exclusion de
la preuve pénale et la nullité de la preuve pénale
». Mais il semble que les tribunaux de juridiction criminelle au
Liban utilisent l'expression « négligence de la preuve
pénale » et c'est là une technique digne
d'être examinée 1973 . La négligence de
la preuve par le tribunal signifie que le tribunal place la preuve sous son
examen et analyse sa force probante. Si la preuve ne fournit ni à la
Cour ni aux juges qui la constituent la conviction requise suffisante dans la
démonstration de l'infraction, la Cour néglige alors cette
preuve, c'est-à-dire qu'elle écarte son influence sur sa
conviction et ainsi, la Cour n'aura pas adopté sa force probante comme
preuve pénale.
397. L'absence d'annulation des procès verbaux de
l'enquête préliminaire par la Cour criminelle libanaise. La
Cour criminelle libanaise n'annule pas les procès verbaux de
l'enquête préliminaire, mais elle les néglige, car ils ne
constituent pas une référence séquentielle pour la police
judiciaire. La Cour criminelle au Liban considère qu'elle ne peut pas
décider l'annulation du procès verbal de l'enquête
préliminaire, cependant, elle estime sa valeur probante et elle est en
mesure de la négliger si elle ne la juge pas assez fiable ou si elle ne
trouve pas assez convaincante sa valeur probante. La Cour juge que «la
jurisprudence de cette Cour s'arrête à dire que la Cour criminelle
n'annule pas les procès-verbaux de l'enquête préliminaire,
car ils ne constituent pas une référence séquentielle pour
la police judiciaire et qu'il ne peut y avoir annulation sans texte juridique.
Il en résulte que la Cour criminelle néglige le contenu des
procès-verbaux des enquêtes préliminaires lorsqu'elle
constate que leur contenu ne lui apporte pas de preuve suffisamment fiable
permettant de
1973 V. sur la signification
matérielle de l'exclusion des preuves illégales : J.
Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès
pénal, op. cit., p. 303 : « en quoi consiste
exactement l'exclusion des preuves illégales ? Certaines lois de
procédure pénale prévoient expressément la
destruction physique des preuves viciées. D'autres indiquent simplement
que celles-ci doivent être éliminées du dossier ou ne pas
figurer à la procédure. D'autre enfin se contentent d'interdire
au juge d'en faire usage, sans autre précision ».
constituer sa conviction et non pas en raison des vices
dont sont entachés ces procès-verbaux, tant que ces vices
n'influent pas sur la conviction de la Cour, bien qu'il soit du devoir de la
police judiciaire de respecter la loi et ses procédures durant
l'exercice de ses fonctions. C'est là la conséquence d'un
système juridique pénal basé sur le principe de la
conviction du juge. Toutes les pièces du procès sont
égales pour le juge y compris les procès-verbaux
préliminaires et sont toutes soumises à son examen et son
évaluation, il a le pouvoir de les accepter intégralement ou
partiellement et son seul guide dans cette démarche est la
constitution de sa propre conviction »
|
1974
|
. À notre avis, l'arrêt
précédent est choquant, la Cour
|
a reconnu explicitement et fortement qu'elle cherche seulement
à être convaincue à n'importe quel prix et de n'importe
quelle manière sans aucune considération des restrictions et
limites qui doivent exister sur la liberté de l'appréciation des
preuves par le juge du fond. Les principes généraux comme le
principe de la légalité des preuves pénale doivent
être pris en considération.
398. L'impossibilité d'annuler l'interrogatoire
puisque l'acte d'accusation est inattaquable, sa valeur probante
négligée. La chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise considère que « si la Cour ne peut pas faire face
à l'annulation de cet interrogatoire en raison du fait que l'acte
d'accusation est inattaquable, elle peut cependant l'ignorer et la
considérer comme simple élément de preuve au même
titre que les autres éléments de preuve... Et que d'autre part,
il est certain que bien qu'elles soient niées, ces déclarations
accompagnent les coups et la violence, conformément aux constatations du
premier juge d'instruction dans l'observation qu'il a portée dans le
procès-verbal de l'interrogatoire. Ces déclarations ne sont donc
plus fiables, ce qui enlève à cet interrogatoire la
crédibilité ou la
loyauté qu'il est supposé apporter dans la
recherche des preuves »
|
1975
|
. L'arrêt précédent
|
519
prouve que la jurisprudence libanaise adopte la notion
extrême de la liberté de preuve dans son double impact : la
quête absolue de la recherche de la vérité en utilisant la
liberté de la preuve et la liberté absolue dans
l'appréciation de la preuve illégale sans aucune limite.
399. La liberté de la Cour criminelle de
négliger la valeur probante des procès-verbaux de l'enquête
en droit libanais. La Cour criminelle a considéré dans son
jugement que « supposant que les officiers de police judiciaire aient
violé les dispositions relatives aux
1974 Cour criminelle du Mont du Liban, le
président M. Hatem Madi, jugement du 06/01/1997, cité par J.
Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999,
1er éd., 2000, n° 51, p. 82.
1975 Cour de cassation libanaise,
président M. Ahmad Moaallem, décision n° 45 du 22/01/1998,
cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels
1996-1999, 1er éd., 2000, n° 50, p. 81.
enquêtes à l'égard de l'accusé
dans le but de lui soutirer un aveu sous l'effet des coups, cela
n'entraîne pas l'annulation de l'enquête en raison de l'absence
d'un texte juridique à ce sujet. Bien qu'il soit possible de poursuivre
ceux qui ont usé de violence si preuve en est. Au contraire, il revient
à la Cour d'adopter ou de rejeter les preuves de l'enquête, ou
d'effectuer une enquête supplémentaire sur les faits dont elle
doute, et l'enquête préliminaire prouve ce que les officiers de la
police judiciaire ont effectué comme interrogatoires, rencontres et
procédures qu'il n'est pas raisonnable d'ignorer, en termes de
réalité ou en termes de contenu, mais sans pour autant
avoir une force contraignante, car il revient au juge de la mettre en
discussion et en tirer des informations pouvant le guider s'il le juge
nécessaire, comme preuves renforçant sa conviction basée
sur d'autres éléments de preuve.... Et, tant que les
procès verbaux des enquêtes préliminaires ne sortent pas du
cadre des preuves non contraignantes, le juge n'en tire que ce qui le convainc,
et il n'en est pas obligé et puisqu'il n'y a pas de texte qui oblige son
annulation tant qu'elle n'enfreint pas la loi, la requête de
l'accusé serait juridiquement déplacée
et digne d'être rejetée »
|
1976
|
. La quantité des violations
|
520
des droits fondamentaux comprise dans l'arrêt
précédent est remarquable. Elle excède la logique et la
philosophie du droit de punir pour sacrifier tous les principes qui
protègent la société et l'individu dans le procès
pénal dans le seul but de chercher des preuves par n'importe quel moyen
et à n'importe quel prix.
1976 Cour criminelle du Mont du Liban,
jugement n° 54, procès n° 471 du 08/03/1988, cité par
J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996,
1er éd., Éditions Juridiques Sader,1997, n°
61, pp. 36-37.
Section II La modernisation des moyens et des
mécanismes juridiques afin de consacrer une application effective
du principe de la légalité de preuve
400. L'inefficacité et l'insuffisance de la
théorie de la nullité pour pénaliser ou sanctionner
l'illégalité de la preuve pénale. L'échec de
la théorie de la nullité en matière pénale pour la
protection des libertés des individus et la garantie de l'application
effective du principe de la légalité de la preuve pénale
nous contraint à réfléchir à un traitement
adéquat de ce vide de la
légalité sur le plan théorique et pratique
1977 . Pourquoi la nécessité de sanctionner les violations
1978
procédurales pendant la recherche de la preuve
pénale? M. Emannuel Molina répond à la question
précédente en considérant que « si ce n'est
à considérer que les prescriptions légales applicables
à la phase de recherche de la preuve des infractions ne sont que de
simples recommandations, il est essentiel de prévoir l'existence d'un
mécanisme de sanction procurant l'assurance que les preuves obtenues par
transgression des dispositions
procédurales sont écartées
»
|
1979
|
. Mais le développement des mécanismes
juridiques pour
|
521
sanctionner effectivement l'illégalité de la
preuve pénale exige aussi un développement intellectuel du
législateur, du juge et des parties au procès pénal. Plus
précisément, cela exige un développement intellectuel
considérable de la société et du système juridique
pour accepter
le résultat de ce développement des
mécanismes juridiques 1980 . En toute franchise, nous devons avoir plus
d'audace pour exposer la question ou la problématique relative au
développement des mécanismes et des moyens juridiques en vue de
l'application pratique du
1977 V. E. Molina, La liberté de
la preuve des infractions du droit français contemporain, op. cit.,
n° 298, p. 302 : « La certitude de la répression,
dont on s'accordera sans mal à reconnaitre qu'elle est de
l'intérêt de la société, conduit à cet
égard le juge pénal à évincer autant qu'il lui est
possible la sanction relative à la légalité de la preuve
sous l'influence d'une conception restrictive des causes de non
admissibilité de la preuve ».
1978 V. en droit français : H.
Matsopoulou, « Un revirement jurisprudentiel favorable à
l'admission des nullités », Note sous
Cass. crim., 6 sept. 2006, n° 06-84.869, in JCP. G., n°19, 9 Mai
2007, II 10081 : « La question des irrégularités
commises au cours des enquêtes et de l'instruction est une matière
sensible. Au lendemain du Code de procédure pénale, qui avait
prévu la nullité des actes en cas de violation de dispositions
substantielles, la jurisprudence s'était nettement prononcée pour
une interprétation restrictive, la loi ayant confié, au
demeurant, aux seuls magistrats la maîtrise du déclenchement du
contrôle de la régularité des actes ».
1979 E. Molina, La liberté de la
preuve des infractions du droit français contemporain, op. cit.,
n° 302, p. 306.
1980 V. sur la détermination
problématique des causes de nullité de la preuve : E. Molina,
La liberté de la preuve des infractions du droit français
contemporain, op. cit., n° 301, p. 306 : « La recherche d'un
équilibre entre l'intérêt de la société et la
protection des droits de la personne faisant l'objet de poursuites
pénales confère au juge du fond un large pouvoir dans
l'appréciation des nullités qui méritent d'être
sanctionnées ou écartées ».
522
principe de l'illégalité de la preuve
pénale. Cette audace se résume à accepter que
l'accusé ne soit pas puni pour son infraction à cause de
l'illégalité du mode d'obtention de la preuve pénale.
Cette proposition peut sembler choquante pour certains, mais la
réalité est que le respect du principe de la
légalité de preuve pénale nécessite de sanctionner
d'une manière efficace les éléments de preuve obtenus
d'une façon illégale, par conséquent détruire la
force probante de la preuve et rendre cette preuve inutilisable malgré
sa véracité, et ensuite ne pas punir un coupable en se basant sur
cette preuve. Si les législateurs libanais et français ne
parviennent pas à cette conviction, nous ne parviendrons pas à
l'étape du développement des mécanismes de l'application
du principe de la légalité de la preuve pénale. Les
pratiques illégales permettant de parvenir à obtenir des preuves
par des moyens illégaux se développeront, particulièrement
avec le développement rapide et surprenant des moyens techniques tels
que les enregistrements vidéo et autres comme les
téléphones portables très répandus de nos jours. Il
est nécessaire que les législateurs libanais et français
considèrent que le respect du principe de la légalité de
preuve pénale se réalise en appliquant une sanction effective qui
néglige la véracité et la force probante de la preuve
illégale et ensuite considèrent
cette preuve illégale non utilisable dans le
procès pénal1981 . Par conséquent, le législateur
doit choisir clairement de ne pas punir un accusé sur la base d'un
élément de preuve illégal malgré l'existence d'une
preuve contenant une puissante force probante, car tout simplement, le
problème de l'illégalité de la preuve pénale est
lié au moyen illégal et non à la force probante de la
preuve pénale. Il faudra donc exclure la preuve illégale et
ensuite anéantir la force probante de cette preuve.
401. L'excessive rigueur de la jurisprudence dans
l'application du principe de la liberté du juge de constituer sa
conviction. Il s'agit de l'autorisation ou du pouvoir
discrétionnaire conféré au juge par le législateur
concernant l'évaluation des preuves pénales dont la jurisprudence
a interprété le cadre de manière extrémiste et
auquel prennent part la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et
française dont le rôle doit être de superviser ses
travaux et ses dispositions et leur degré de
conformité aux dispositions de la loi1982 . La rigueur
1981 V. sur ce point : A. Pellet et O. de
Frouville (dir), « Les transformations de l'administration de la preuve
pénale, approches et perspectives : Rapport final », Centre de
droit international (Nanterre), Éditeur CEDIN, 2005, p. 189 : «
Le principe bien établi de la liberté dans la production donc de
l'admissibilité des preuves doit être combiné au principe
de légalité, tant formelle que matérielle, dans
l'administration de la preuve, qui influe directement sur la phase au
procès pénal. Ainsi le juge répressif doit-il
écarter les preuves qui ont été illégalement
recueillies au stade de l'enquête ou de l'instruction. La collecte du
mode de preuve est donc primordiale ».
1982 V. sur le pouvoir discrétionnaire
du juge pénal : S. Al-Amiri, Le pouvoir discrétionnaire du
juge pénal, Thèse de droit, Université Montpellier 1,
2013, V. spec. le résumé : « Dans toutes les
étapes d'un procès pénal,
de la justice dans l'octroi de la liberté absolue au
juge pénal dans son pouvoir d'évaluation impose de repenser ce
pouvoir absolu qui ne reconnaît pas le principe de la
légalité de la
1983
preuve
. Pour cela il devient nécessaire de limiter ce pouvoir
absolu et de réhabiliter le
principe de la légalité de preuve pénale
en pensant à mettre des restrictions légales à la
liberté du pouvoir du juge d'évaluer la preuve pénale, en
réfléchissant à de nouveaux moyens juridiques permettant
de limiter cette liberté exagérée qu'exerce la
magistrature dans
l'acceptation de la preuve illégale
|
1984
|
. Le pouvoir estimatif du juge pénal n'est pas
absolu,
|
523
mais il doit être exercé conformément
à un ensemble de normes visant à garantir la
légalité de la preuve pénale afin que la recherche de la
preuve dans un État de droit ne ressemble pas à sa recherche dans
une jungle ou règne la loi du plus fort, c'est-à-dire les
pouvoirs publics au lieu que ce soit la légalité
procédurale, pilier et base de l'État de droit qui triomphe. Par
conséquent, la légalité de la preuve pénale exige
de ne pas accepter toute preuve dont la recherche et l'obtention se sont
effectuées de manière illégale. Si les droits libanais et
français ont confié expressément au juge pénal la
liberté d'apprécier les éléments de preuve pour
forger sa conviction, cela ne veut pas dire que la recherche et l'obtention de
la preuve peuvent se faire par n'importe quel moyen notamment au
détriment des droits des individus. C'est pour cela qu'il devient
impératif de trouver un nouveau mécanisme juridique qui consacre
un principe général selon lequel « on ne peut compter
sur la valeur d'une preuve même si elle contient une vérité
effective tant que cette preuve est obtenue par un moyen illégal ».
C'est cette idée que retient doctrine pénale belge qui
limite la liberté d'appréciation du tribunal ou du juge de fond
sur la frontière de la légalité de preuve : le juge ne
peut condamner sur la base des preuves obtenues illégalement comme le
soulignent MM Michel Franchimont, Adrien Masset et M. Ann Jacobs « le
juge du fond doit vérifier la régularité des preuves, car
il ne
dès son ouverture jusqu'à sa clôture
et le prononcé du verdict, le juge dispose d'un pouvoir particulier, dit
« discrétionnaire », qui n'est pas soumis à un
contrôle par une cour supérieure. La latitude du pouvoir
discrétionnaire du juge pénal a suscité plusieurs enjeux
afin de déterminer sa nature juridique et son étendue. À
plusieurs reprises, l'ampleur de ce pouvoir a aussi conduit à
l'enchevêtrer avec certaines notions voisines, telles que le pouvoir
arbitraire, pouvoir souverain et l'intime conviction du juge... ».
1983 V. en droit français : P.
Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en
matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec.
n° 4 : « Il est donc nécessaire de prévoir
clairement les règles d'invalidité, la liberté de la
preuve ne pouvant concerner que son appréciation. Or le droit
français pèche par une insuffisance de textes et par leur
clarté relative. Cette démission législative a pour but
d'éviter l'annulation d'une procédure irrégulière
ayant, néanmoins, permis de découvrir la vérité.
Mais elle prive les nullités de leur rôle préventif,
l'absence d'automaticité de leur prononcé ne dissuadant pas les
acteurs du procès pénal de recourir à des modes
probatoires illégaux ou déloyaux ».
1984 V, sur ce point en droit français
: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités
en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec.
n° 5 : « En tout état de cause, la position
française est fondée sur un postulat dangereux : le principe de
la liberté de la preuve justifie la recevabilité des
éléments irréguliers puisque, en vertu de son intime
conviction, le juge dispose de la faculté de les écarter. Mais la
libre fixation de la valeur probante n'est légitime que si elle repose
sur des charges régulières,...».
peut fonder sa conviction que sur des preuves
régulièrement obtenues »
1985
. Quant à nous,
nous soutenons cet avis incarnant et assurant l'application
effective du principe de légalité de la preuve pénale.
402. L'urgente nécessité de nouveaux
mécanismes juridiques. L'échec de la théorie de la
nullité en matière pénale en droit libanais et
français pour assurer l'application effective du principe de la
légalité de la preuve pénale nous impose de nous demander
sérieusement si nous avons désormais besoin de développer
les outils juridiques classiques afin qu'ils assimilent le principe de la
légalité de la preuve. Il est évident que la
théorie de la nullité a totalement échoué à
garantir un minimum d'efficacité pratique dans l'application du principe
de la légalité de la preuve pénale. Il est donc devenu
nécessaire de penser à développer cette théorie de
la nullité afin qu'elle assimile le principe de la
légalité de la preuve pénale, car il est inadmissible que
les choses restent en leur état actuel concernant l'absence d'un
mécanisme juridique capable de garantir le respect de la
légalité procédurale dans la recherche de la preuve
pénale et c'est ce sujet que nous aborderons dans le paragraphe 1 de
cette section. Mais il est aussi devenu important de réfléchir
sérieusement à des outils juridiques différents pour
sanctionner l'illégalité de la preuve pénale loin de la
théorie de la nullité, par exemple ajouter de nouveaux motifs ou
causes de recevabilité d'un pourvoi en cassation qui soient en mesure de
garantir un contrôle parfait de l'application par les magistrats du
principe de la légalité de la preuve pénale, et c'est ce
que nous allons traiter dans le paragraphe 2.
§ 1. Développement du système de
nullité ou théorie de l'annulation dans les procédures
pénales.
403. L'échec de la théorie de
nullité en droit libanais et français. Selon M. Yves De
Montigny «l'enchâssement des droits fondamentaux n'a de sens que
dans la mesure où leur
violation se traduit par des sanctions effectives
»
|
1986
|
. Donc, il faut rechercher à améliorer
un
|
524
outil effectif permettant de bien sanctionner toute violation
des droits fondamentaux. Le système de nullité en matière
pénale, dans sa forme actuelle que ce soit au Liban ou en
1985 M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset,
Manuel de procédure pénale, 3e éd.,
Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1041.
1986 Y. De Montigny, « Grandeur et
misère du recours en exclusion de la preuve pour des motifs d'ordre
constitutionnel», in Revue de droit de McGill, Vol. 40, 1995, p.
105.
1987
France
, n'a pas pu assimiler le principe de la légalité
de la preuve pénale pour deux
525
raisons : la première concerne l'omission du
législateur libanais ou français dans son recensement des cas de
nullité textuelle pour confirmer la nullité absolue d'un grand
nombre de violations des procédures pénales qui produisent les
éléments de preuve illégale. Les règles de
procédure pénale dont le non-respect est sanctionné de
nullité sont peu nombreuses en droit libanais et français.
Deuxièmement, en raison de la nécessité du
législateur français d'annuler l'élément de preuve
illégal de prouver de l'existence d'un grief pour la mise en oeuvre de
la nullité d'un acte de procédure comme l'affirme l'article 802
du CPP français 1988 qui pose le principe « pas de
nullité sans grief ». Il appartient à celui qui se
prévaut de la nullité comme condition de la mise en oeuvre des
nullités d'un acte de procédure pénale en droit
français, s'il s'agit des nullités protégeant
l'intérêt privé ou d'ordre privé, d'apporter la
preuve de l'existence d'un grief. En l'absence de précision sur ce qui
constitue un grief, il est difficile de prouver que
l'irrégularité ou l'illégalité de l'acte de
procédure en a causé un 1989 sans compter l'intransigeance de la
jurisprudence au Liban et en France quant à la théorie de la
nullité substantielle et le fait que la jurisprudence ne tienne pas
compte que l'illégalité de la preuve rentre dans la
théorie de la nullité substantielle qui se base sur l'annulation
des actes substantiels dans lesquels les normes et les formes
procédurales n'ont pas été respectées.
1987 V. en droit français : P.
Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en
matière pénale », in Recueil Dalloz, 2004, p. 1265,
v. spec. n°4 : « Il est donc nécessaire de prévoir
clairement les règles d'invalidité, la liberté de la
preuve ne pouvant concerner que son appréciation. Or le droit
français pèche par une insuffisance de textes et par leur
clarté relative. Cette démission législative a pour but
d'éviter l'annulation d'une procédure irrégulière
ayant, néanmoins, permis de découvrir la vérité.
Mais elle prive les nullités de leur rôle préventif,
l'absence d'automaticité de leur prononcé ne dissuadant pas les
acteurs du procès pénal de recourir à des modes
probatoires illégaux ou déloyaux ».
1988 L'article 802 du CPP français
dispose : « En cas de violation des formes prescrites par la loi
à peine de nullité ou d'inobservation des formalités
substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est
saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle
irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque
celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la
partie qu'elle concerne ».
1989 V. P. Hennion-Jacquet, « La double
dénaturation des nullités en matière pénale »,
in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 2 : « Enfin,
s'intéressant moins à la cause qu'aux effets de
l'irrégularité commise, la loi introduit le grief comme
l'étalon de mesure de la gravité de l'inobservation des
règles légales. Cette présentation est inadaptée :
elle procède d'une confusion entre le rôle inhérent
à la nullité, la sanction de la violation de la loi et des
principes fondamentaux, et un rôle qui lui est étranger, la
réparation d'un préjudice ».
526
A. La nécessité de se concentrer sur les
procédures qui sont en rapport direct avec la preuve
pénale.
404. La nécessité de développer la
théorie de la nullité. Le développement de la
théorie de la nullité veut dire l'orienter dans le sens ou elle
assimilerait un nombre plus grand et plus précis des procédures
pénales et précisément les procédures qui
produisent les éléments de la preuve pénale et ce
développement dans la théorie reflétera une volonté
claire et évidente du législateur d'adopter les cas nouveaux de
nullité qui n'étaient pas stipulés auparavant, ce sera
ainsi une consécration au principe de la légalité de la
preuve pénale à travers la nullité des procédures
pénales qui ont produit une preuve illégale en raison de leur
non-application des procédures suivant le modèle imposé
par le législateur. Cette évolution dans les cas de
nullité relative à la preuve illégale reflète
l'intention du législateur de traiter sérieusement et
rigoureusement avec les infractions et les violations qui se produisent durant
l'application des procédures pénales lors de la recherche des
preuves. Il devient nécessaire de développer la théorie de
la nullité dans les systèmes juridiques libanais et
français en adoptant la théorie de la nullité textuelle,
mais dans ce cas il faudra consacrer tous les cas de nullité dans
lesquels la preuve est illégale en veillant à ce que soient
consacrés tous les cas de façon précise et évidente
sans aucune confusion. Étant donné que le système
français et libanais adopte la théorie mixte de la
nullité, c'est-à-dire la nullité textuelle et la
nullité substantielle côte à côte et en droit
français avec la règle « pas de nullité sans
grief », il faudra également développer la doctrine de
la nullité substantielle pour rajouter le concept de la nullité
pour illégalité de la preuve côte à côte avec
les droits de défense, les procédures fondamentales et un
procès équitable, et ce pour garantir la fuite de toute preuve
illégale de la sanction de nullité au cas où elle n'est
pas prévue dans les dispositions parmi les cas de nullité
textuelle. Ce qui signifie, en d'autres termes, qu'il faut se concentrer sur un
concept nouveau de la nullité qui se base sur la formulation de la
nullité fondée sur l'illégalité de la preuve au
lieu de focaliser uniquement et exclusivement sur les critères de la
nullité relatifs à l'intérêt général,
les procédures fondamentales et les droits de défense.
527
B. La résolution du problème de la
preuve illégale produite par les parties privées.
405. L'assimilation de la théorie de la
nullité des éléments de preuve qui ne sont pas
considérés actuellement comme acte de procédure.
L'une des raisons majeures de l'échec de
la théorie de nullité en droit libanais et
français 1990 est le manque d'intérêt de cette
théorie à faire face à la sanction des
éléments de preuve qui sont directement injectés des
parties privées du dossier du procès pénal et qui ne sont
pas considérées comme des actes de procédure. Parmi les
conséquences de ce problème, la sortie d'éléments
de preuve illégale présentés par les parties
privées dans le procès pénal du cadre de la théorie
de la nullité et l'acceptation de la jurisprudence à ces preuves
illégales en raison d'absence du texte juridique qui exige
l'écartement de ces éléments de preuves de la
liberté d'appréciation du juge. Il est logique et souhaitable que
les législateurs libanais et français recherchent un
mécanisme juridique permettant à la magistrature d'annuler cette
preuve illégale et la sortir du dossier du procès pénal et
détruire ainsi sa force probante, et cela ne peut se réaliser que
grâce à une intervention législative évidente qui
soumet ces preuves expressément et sans la moindre ambiguïté
à la théorie de la nullité par des textes clairs et sans
équivoque, car c'est l'une des raisons majeures de la non-application
effective du principe de la légalité de la preuve pénale
par la justice libanaise et française. Il faut rappeler que les juges
français énoncent qu'aucune disposition légale ne permet
aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par
les parties, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de
manière illicite ou déloyale et que la jurisprudence
européenne ne réglemente pas l'admissibilité des preuves
qui relève du droit interne ; qu'en en tout état de cause,
l'élément de preuve procuré par un particulier ne peut
faire l'objet d'une annulation dès lors que n'émanant pas d'un
magistrat ou d'un service d'enquête, il ne constitue pas un acte de
procédure. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de
cassation française est stable dans ce sens, elle déclare que
l'absence de disposition légale ou d'un texte de loi empêche le
juge répressif d'écarter un moyen de preuve
illégal produit par les parties 1991 « attendu
que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce
1990 V. sur ce point en droit
français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des
nullités en matière pénale », in D., 2004,
p. 1265, v. spec. n° 5 : « En définitive, le droit
français s'intéresse aux effets de la méconnaissance des
dispositions légales sur la personne concernée. Or la
nullité n'est pas une faveur accordée à une partie, mais
une garantie du bon fonctionnement de la justice. En d'autres termes, la
sanction d'une irrégularité procédurale participe de
l'intérêt général ».
1991 Cass. crim., 27 janvier 2010, B.C.,
n° 16 : « Aucune disposition légale ne permet aux
juges répressifs d'écarter des moyens de preuve remis par un
particulier aux services d'enquête, au seul motif qu'ils auraient
été obtenus de façon illicite ou déloyale ; il leur
appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de
qu'aucune disposition légale ne permet aux juges
répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les
parties au seul motif qu'ils avaient été obtenus de façon
illicite ou déloyale, et qu'il leur appartient, en application de
l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en
apprécier la valeur probante après
débat contradictoire »
|
1992
|
. Dans un autre arrêt, la chambre
|
criminelle de la Cour de cassation juge qu'«aucune
disposition légale ne permet aux juges répressifs
d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif
qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou
déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427
du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur
probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire.
Méconnaît ce principe la Cour d'appel qui, dans une
procédure suivie du chef de discrimination, refuse d'examiner les
éléments de preuve obtenus par les parties civiles au moyen du
procédé dit " testing ", consistant à solliciter la
fourniture d'un bien ou d'un service à seule fin de constater
d'éventuels comportements discriminatoires,
au motif que ce procédé aurait
été mis en oeuvre de façon déloyale »
|
1993
|
. La Cour de cassation
|
528
aussi juge qu'« aucun texte de procédure
pénale n'interdit la production par le plaignant à l'appui de sa
plainte de pièces de nature à constituer des charges contre des
personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant
pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en
application de l'article 172 du Code de procédure pénale. Il
appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur
au regard des règles relatives à
1994
.
l'administration de la preuve des infractions
»
C. Vers une théorie de la nullité de la
preuve pénale.
406. Constitution de la théorie de nullité de
la preuve pénale. L'échec de la théorie des
nullités des actes de procédure en droit
libanais et en droit français 1995 à sanctionner les multiples
aspects des violations du principe de légalité de preuve
pénale nous conduit à réfléchir à un moyen
qui développe la notion de nullité afin d'assurer une sanction
efficace à
procédure pénale, d'en apprécier la
valeur probante, après les avoir soumis à la discussion
contradictoire des parties ».
1992 Cass. crim., 24 avril 2007, B.C.,
n° 108, p. 516. 1993 Cass. crim., 11 juin 2002,
B.C., n° 131, p. 482. 1994 Cass. crim., 23
juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744.
1995 V. en droit français : P.
Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en
matière pénale », in Recueil Dalloz, 2004, p. 1265,
v. spec. n°3 : « Les lacunes et les incertitudes des dispositions
légales révèlent une double dénaturation des
nullités de l'information. D'une part, en faisant du grief le principal
fait générateur des nullités, la loi dénature la
fonction essentielle de la nullité. D'autre part, maître de fixer
le contenu des formalités d'ordre public ou d'intérêt
privé, le juge pénal modifie souverainement la qualification des
nullités. Il opère ainsi, au gré des espèces, une
dénaturation de la notion de nullité ».
529
la diverse illégalité de preuve. Par
conséquent, le processus de filtrage des preuves peut jouer un
rôle essentiel pour prononcer la nullité de preuves
illégales en ouvrant le droit aux parties du procès pénal
de présenter une demande d'annulation de la preuve illégale avant
la plaidoirie devant la Cour. Par ailleurs, la Cour devra examiner cette
demande de nullité de preuve pour filtrer les preuves et exclure les
preuves illégales du dossier pénal avant de juger la
culpabilité ou l'innocence de l'auteur et avant le début des
plaidoiries. Le but de ce mécanisme est d'ouvrir la voie pour les
parties à demander la nullité de la preuve illégale
à une période très importante qui est l'étape
précédant l'appréciation de la valeur probante des preuves
par le juge, de manière à ce que cette procédure constitue
une sorte de filtrage de preuve dans le dossier pénal permettant de
ressortir les preuves illégales du cadre de l'intime conviction du juge
ou du champ de la liberté du juge à évaluer les preuves.
Ce mécanisme de filtrage des preuves a pour but de faire sortir les
éléments de preuve illégaux du cadre de la conviction de
la Cour qui va juger l'affaire pénale, de façon que n'entrent
dans le cadre de la liberté de la Cour de constituer sa conviction que
les preuves correctes. À partir de là, nous pourrons à
travers ce mécanisme juridique mettre fin au problème de la
purification de l'acte d'accusation à tous les types
d'illégalités de preuves pénales. Car il n'est ni logique
ni équitable de ne pas permettre à l'accusé de demander la
nullité d'un élément de preuve illégal devant la
Cour du fond qui va décider la culpabilité ou l'innocence d'une
personne accusée, simplement parce qu'il a tardé à
soulever la question de l'illégalité de la preuve devant la
chambre d'accusation en droit libanais et la chambre d'instruction en droit
français ou le juge d'instruction. Le silence de l'accusé
à divulguer avoir subi de la coercition lors de l'une des étapes
de son interrogatoire ne peut pas nier totalement cette coercition, qu'elle
soit physique ou morale. De plus, il n'est pas correct d'estimer que
l'accusé qui demande le rejet d'une preuve illégale devant le
tribunal le fait de façon tardive. Au contraire, le moment opportun pour
soulever cette défense est justement lors du déroulement du
procès pour lequel la loi garantit à tout accusé son droit
d'exprimer ses défenses et ses arguments. La conviction du juge doit se
baser sur une preuve résultant d'une procédure correcte et
légale, donc il est souhaitable d'adopter un mécanisme juridique
qui permet à l'accusé de demander à la Cour ou au juge du
fond d'exclure un élément de preuve illégal du dossier
pénal et la Cour devra rejeter ou accepter la demande avec une
décision motivée. Évidemment, toute preuve ayant
été considérée comme illégale par la Cour
doit être ensuite écartée du champ des
éléments qui emportent la conviction du juge sur laquelle repose
le jugement, c'est-à-dire comme preuve de jugement.
407. Proposition d'adopter le mécanisme de la
question prioritaire de légalité. Nous proposons aux
législateurs libanais et français d'adopter un mécanisme
similaire ou identique à celui de la question prioritaire de
constitutionnalité qui existe en droit français en faisant les
modifications nécessaires pour garantir une bonne application de ce
nouvel outil ou mécanisme juridique proposé. Sans, doute, ce
mécanisme permet de renforcer la qualité de la
légalité dans le procès pénal et notamment dans le
processus de recherche de preuve. Nous proposons que la question prioritaire de
légalité soit un moyen pour chaque partie au procès
pénal de demander indirectement à l'aide de la chambre criminelle
de la Cour de cassation d'examiner afin d'exclure tout acte de procédure
ou n'importe quel élément de preuve qui peut être ou
même soupçonné d'être illégal, illicite ou
déloyal avant la clôture de la phase de jugement. Contrairement
aux questions prioritaires de constitutionnalité, la chambre criminelle
de la Cour de cassation sera compétente pour saisir directement de la
question de l'illégalité de la preuve envoyée par les
parties du procès pénal à travers les tribunaux. Ce
mécanisme empêche le juge du fond d'examiner la valeur probante de
la preuve illégale parce que cette preuve illégale va influencer
l'intime conviction du juge et forger indirectement sa conviction malgré
l'illégalité de cette preuve. Donc, il est
préférable de faire un filtrage des preuves versées dans
le dossier de l'affaire pénale afin de faire sortir les preuves
qualifiées illégales par la chambre criminelle de la Cour de
cassation saisie par les parties avant la clôture des débats de la
phase de jugement. Ensuite chaque preuve qualifiée illégale sera
placée hors le dossier de l'affaire pénale et pratiquement hors
le champ de l'intime conviction du juge pénal qui va juger l'affaire. Ce
mécanisme de question prioritaire de légalité qu'on
propose mérite d'être discuté afin de développer
cette idée comme solution efficace et pratique qui renforce la
qualité du procès pénal et contribue effectivement
à l'application du principe de légalité de la preuve
pénale.
§ 2. Réforme et instauration d'un nouveau
cas d'ouverture à cassation.
408. Nécessité d'ajouter une nouvelle cause
de cassation. Le pourvoi en cassation constitue une voie de recours
extraordinaire « voie de recours extraordinaire, le pourvoi en
cassation n'est possible que dans certains cas déterminés, les
cas d'ouverture, que le
demandeur fait valoir sous forme de moyens de cassation
»
|
1996
|
. En principe, les Cours de
|
530
1996 G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc,
Procédure pénale, 23e éd., Dalloz,
2012, n° 938, p. 967.
531
cassation libanaise et française n'exercent aucun
contrôle sur l'appréciation de la preuve faite par la Cour du fond
parce que la Cour de cassation n'exerce qu'un contrôle de droit et
l'illégalité de preuve n'est pas une cause de cassation directe
en droit libanais et en droit français. Cela signifie que le
contrôle de la légalité de la preuve s'échappe du
champ de contrôle de la Cour de cassation. On peut conclure encore que
l'appréciation de la preuve, c'est-à-dire l'intime conviction du
juge, échappe à tout contrôle de la part de la Cour de
cassation puisqu'elle n'est pas un deuxième ou un troisième
degré de juridiction et qu'elle n'exerce pas son contrôle sur les
faits dont l'appréciation est laissée au pouvoir souverain des
juges du fond selon une jurisprudence stable en droit libanais et en droit
français. Dans l'intention de contrôler la recevabilité de
la preuve illégale et indirectement la liberté de
l'appréciation souveraine du juge de fond pour le réduire
à une liberté non absolue, il est indispensable que les Cours de
cassation libanaise et française exercent un contrôle efficace sur
les éléments forgeant l'intime conviction du juge de fond en
imposant l'exclusion de la preuve illégale. Comment atteindre ce but?
Une intervention législative ouvrant aux justiciables le pourvoi en
cassation peut introduire une nouvelle cause de cassation qui serait «
l'illégalité de la preuve pénale ». Cette
intervention législative aurait pour but d'assurer l'application du
principe de la légalité de preuve pénale qui
contrôle la recevabilité des preuves illégales par le juge
du fond en adoptant de nouvelles causes de pourvoi en cassation devant la
chambre criminelle de la Cour de cassation en droit libanais et
français. Un arrêt remarquable de la chambre criminelle de la Cour
de cassation libanaise montre que la Cour de cassation n'exerce aucun
contrôle sur la recevabilité des éléments de preuve
illégaux par la Cour criminelle « l'avocat de défense
(de l'accusé) avait plaidé devant la Cour criminelle (d'assises
en droit français) et a fait valoir les motifs et les causes de
défense dont la nullité des enquêtes préliminaires
obtenues sous les coups, la coercition et la torture, et ce que suscite la
partie plaignante des aspects cités plus haut ne constitue pas un motif
ou raison de défense selon le concept juridique exact, mais
considéré comme l'un des mécanismes permettant de nier la
responsabilité pénale... et dans tous les cas,
l'évaluation de la substance des déclarations contenues dans les
enquêtes préliminaires et l'adoption de l'une ou de certaines
d'entre elles et la négligence d'autres, et donc les adopter comme
preuves parmi d'autres d'incrimination ou de non-incrimination, est une
question qu'il revient à la Cour criminelle de décider,
conformément à sa conviction dans ce contexte, et ce qu'elle en
décide n'est pas soumis au contrôle de la Cour de cassation tout
comme la question de la
532
disponibilité des preuves incriminantes demeure
à son tour sujette à l'évaluation de la Cour
A. Proposition visant à ajouter une nouvelle cause
de cassation.
409. Contradiction entre le rôle de la Cour de
cassation et l'adoption de la violation de la légalité de preuve
comme nouvelle cause de cassation. Le Code de procédure
pénale libanais a limité les causes de l'acceptation en cassation
des dispositions pénales et n'a pas autorisé la Cour de cassation
à s'ingérer dans la conviction du tribunal de première
instance. Le pourvoi de cassation devant la Cour de cassation, dans les
jugements définitifs établis par la Cour criminelle et la Cour
d'appel pénale n'est pas considéré comme un des
degrés objectifs de litige dans lequel le procès est
exposé pour un nouvel examen, mais comme un type particulier de recours
dans lequel est exposé un type particulier de contrôle purement
juridique. La Cour de cassation est une Cour de droit seulement. En principe,
la Cour de cassation est considérée comme locution ou
métaphore d'un cours de droit, et n'accorde pas d'importance au fond ou
aux faits, c'est pourquoi les moyens de cassation doivent être des points
de droit qui n'ont pas de relation avec les faits ; ce qui incite à
poser une question, qui est : quel est ce fond ou quels sont ces faits qui ne
sont pas admis comme moyens de cassation du jugement pénal et
qu'entend-on par les points ou les causes de droit qui doivent constituer les
moyens de pourvoi en cassation; afin d'éviter toute confusion, il faut
étudier le premier point pour comprendre le deuxième. En
réalité, afin de connaître la signification du fond, il
faut analyser de plus près le travail du juge pénal de fond ; ce
dernier effectue deux opérations pendant l'examen ou l'étude de
l'action pénale. La première est le rassemblement des preuves et
leur examen, la deuxième opération est la constitution d'une
conviction dans l'affaire, sur la base des preuves qui ont été
rassemblées afin de dévoiler la vérité dans
l'affaire, c'est ce qu'on appelle l'enquête judiciaire. Sur ce, nous
pouvons déterminer le fond ou les faits qui ne doivent pas constituer
des moyens de cassation, car tout ce qui entre dans le cadre de l'enquête
judiciaire, fait partie de la tâche du juge du fond. Il n'est donc pas
possible, dans un pourvoi en cassation, de demander d'ajouter une preuve qui
n'a pas été présentée devant le tribunal du fond,
telle qu'entendre des témoins, interroger un prévenu, le
déplacement pour constations et affrontement et demander la
désignation d'un expert, et même aborder les termes et
éléments de ces preuves, car ceci
1997 Cour de cassation libanaise, chambre 6,
organe de la Cour : le président M. Ralph Riachi et les conseillers M.
Khodor Zanhour et M. Borkane Saad ; procès Al Majdoub et Mahmoud /
ministère public, jugement n° 59 du 19/02/2004, cité par
Sader Cassation- pénal 2004, p. 510.
533
entre dans le cadre de l'enquête judiciaire dont le juge
du fond se charge, et qui achève sa mission, une fois le jugement
pénal rendu. Aussi, il n'est pas possible de faire un pourvoi en
cassation contre la conviction du juge du fond, qui est libre de la constituer.
En effet, le juge rend sa décision dans un cas, selon la conviction
qu'il a constituée conformément au principe de la liberté
de conviction du juge. Cependant, la liberté de conviction du juge n'est
pas absolue, car il faut que le juge du fond se base, dans la constitution de
sa conviction, sur les preuves et les voies définies par la loi. Il
faut, donc, que cette conviction soit basée sur les moyens de preuves
déterminées dans la loi de façon limitative ; le juge ne
doit pas juger un cas en se basant sur son savoir personnel par exemple ou sur
une preuve nulle ou illégale. A partir de ce dernier point, nous pouvons
dire qu'il faut considérer que le contrôle de la
légalité de la preuve pénale est un des moyens de
cassation, car il concerne le contrôle juridique de la
légalité des preuves et n'entre pas dans le cadre du
contrôle des faits, mais du contrôle de la loi qui doit être
exercé par la Cour de cassation sur les tribunaux de degré
inférieur, c'est-à-dire les tribunaux de base (de première
instance). Et étant donné que la jurisprudence de la chambre
criminelle des Cours de cassation libanaise et française refuse
d'imposer leur contrôle sur la légalité de la preuve
pénale dans la constitution de la conviction du juge pénal dont
résultera le jugement pénal, il est devenu indispensable que le
législateur intervienne au Liban et en France, afin de créer un
mécanisme juridique qui ouvre le domaine de façon claire et
explicite à la Cour de cassation pour exercer un contrôle strict
de la légalité de la preuve pénale qui sera
utilisée par le juge du fond, à travers le rajout d'un moyen
nouveau dans le Code de procédure pénale libanais et
français qui autorise un contrôle strict de l'utilisation ou
l'admission de preuves illégales dans l'action pénale.
L'application pratique du principe de la légalité des
procédures, y compris dans le domaine de la preuve pénale,
nécessite un contrôle judiciaire strict du recours à une
preuve illégale ou son admission. Ceci est le seul moyen pour garantir
la non-utilisation par les juges d'une preuve illégale dans leurs
jugements. Et étant donné que la Cour de cassation est une
juridiction de loi, elle contrôle l'application des juridictions de
moindre degré des textes de loi, nous proposons le rajout d'un moyen de
cassation nouveau contre les décisions pénales ; ce nouveau moyen
serait nommé « jugement basé sur une preuve
illégale ». Ce nouveau moyen que le législateur peut
rajouter en plus des moyens de cassation actuels dans la législation
libanaise et française, permettrait pour la première fois une
assimilation des moyens de cassation comme un nouvel outil de contrôle de
la légalité, qui prendrait en charge de façon claire et
sans équivoque, le contrôle précis de la liberté
d'appréciation des juges du fond, lorsqu'ils fondent leurs jugements sur
des preuves illégales.
410.
534
Jugement basé sur une preuve illégale comme
cause de cassation. Dans ce contexte, nous proposons au législateur
libanais d'ajouter une phrase à l'article 296 du Code des
procédures pénales libanais, qui ajoute un nouveau moyen en plus
des autres moyens contenus dans cet article, ce moyen concerne le «
fondement de la décision sur une preuve illégale ».
L'ajout de ce moyen de cassation nouveau par le législateur
libanais couvrirait le manque et le vide que contient la législation
libanaise qui empêche réellement la protection des droits des
individus dans l'action pénale à travers l'application effective
du principe de la légalité des procédures pénales
et la légalité de la preuve pénale. Cette modification que
nous proposons au législateur libanais est le meilleur moyen pour
permettre une technique légale efficace et rapide afin de garantir
l'application effective du principe de la légalité de la preuve
pénale, sans avoir besoin de créer une Cour suprême
nouvelle ou légiférer de nouvelles règles de droit qui
demandent de nombreuses études et du temps pour les approuver et les
appliquer. Cette proposition donne droit, dans ce contrôle du travail des
tribunaux, à une partie qui se charge, principalement, de cette
tâche, et par conséquent, s'il est ajouté le nouveau moyen
de cassation que nous proposons au législateur libanais, le rôle
de contrôle de la Cour de cassation sera renforcé, pour qu'elle
impose son autorité légale procédurale sur les travaux des
tribunaux pénaux au Liban. En droit français, la Cour
européenne des droits de l'homme garantit l'application du droit
à un procès équitable, tel qu'il est défini
à l'article 6 de la Convention européenne, mais ce droit
essentiel n'est pas devenu une réalité dans la pratique parce que
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelle
toujours que la recevabilité des preuves relève au premier chef
des règles de droit interne et qu'en principe il revient aux
juridictions nationales d'apprécier les éléments de
preuve. De ce qui précède, on peut conclure qu'il sera
très utile que le législateur français intervienne pour
adopter une nouvelle cause de cassation comme celui qu'on a proposé pour
le législateur libanais afin d'assurer l'application effective et
satisfaisante du principe de la légalité de preuve
pénale.
B. Proposition de réforme par Mme
Michèle-Laure Rassat.
411. La solution proposée afin de résoudre
le problème de l'admission de la preuve illégale obtenue par les
parties privées en 1996(avant les réformes introduites par la loi
du 15 juin 2000 sur le Code de procédure pénale français).
La position proposée par la chambre criminelle de la Cour de
cassation française acceptant la preuve illégale soumise par des
parties privées devant le tribunal, notamment par le demandeur civil et
la victime, n'est pas acceptable dans un État de droit en raison de son
manque de logique juridique. A ce
propos, Mme le professeur Michèle-Laure Rassat a fait
au législateur français une proposition très importante en
1996 visant à reformuler texte de l'article 6 du Code de
procédure pénale, de la façon suivante : Article 6.
« la victime constituée partie civile peut participer à
l'établissement de la preuve pénale dans les limites de la loi
». L'objectif de cette reformulation est clairement de contrer la
position de la Cour de cassation « cet article à pour but de
casser la jurisprudence de la Chambre criminelle sur la question. La Chambre
criminelle estime que la partie civile peut déposer tout ce qu'elle veut
comme élément de
1998
.
preuve à l'appui de son action civile sans se
soucier de la façon dont elle l'a recueilli »
Pour renforcer son excellente proposition de réforme
Mme Rassat critique l'argument classique de la chambre criminelle de la Cour de
cassation française « l'argument de la Chambre criminelle est
de dire que ce que la victime dépose concerne son action civile aux fins
d'indemnisation et ne constitue donc pas une preuve pénale. L'ennui
c'est qu'il n'y a pas de séparation véritable entre le dossier
pénal et le dossier civil et que les éléments de preuve
déposés par la partie civile peuvent ensuite et très
officiellement servir de base à la condamnation pénale proprement
dite. Ce sont donc bien de véritables preuves pénales, de
fait, peut-être mais il n'importe »
|
1999
|
. Nous soutenons entièrement cette critique qui
dénonce
|
535
le manque de logique de la position de tolérance de la
chambre criminelle de la Cour de cassation française. Mme
Michèle-Laure Rassat avance un autre argument très important
« la position de la Chambre criminelle est donc inadmissible.
Dès lors qu'une preuve est déposée au dossier
pénal, elle doit avoir respecté toutes les règles
prévues pour lui et à quoi servirait de limiter au juge
d'instruction et d'interdire aux policiers, par exemple, de procéder
à des enregistrements téléphoniques si les particuliers
peuvent le faire sans aucun contrôle, puis déposer leurs
enregistrements au dossier ce que la Chambre criminelle trouve tout à
fait
2000
normal ». Enfin, Mme Rassat explique le but de
cette proposition : « la rédaction a pour but de tenir compte
du fait que la victime ne peut pas respecter l'ensemble des règles
imposée
1998 M.-L.Rassat, « Propositions de
réformes de la procédure pénale », in La
documentation Française : Proposition de la réforme de la
procédure pénale, Remise au ministre de la justice M.
Jacques Toubon, 1996, p. 52.
1999 M.-L. Rassat, « Propositions de
réformes de la procédure pénale », in La
documentation Française : Proposition de la réforme de la
procédure pénale, Remise au ministre de la justice M.
Jacques Toubon, 1996, p. 52.
2000 M.-L. Rassat, « Propositions de
réformes de la procédure pénale », in La
documentation Française : Proposition de la réforme de la
procédure pénale, Remise au ministre de la justice M.
Jacques Toubon, 1996, p. 52.
aux autorités publiques (elle n'a pas la
possibilité de faire une véritable perquisition) mais
2001
qu'on doit lui imposer de s'en rapprocher le plus possible et
en tout cas d'être loyale »
.
536
412. Notre avis concernant la proposition de Mme
Michèle-Laure Rassat. Les arguments et les justifications de la
position de la Cour de cassation française en faveur de l'acceptation de
cette preuve illégale sont inadmissibles parce qu'ils reposent sur
l'idée qu'il faut pas considérer que la partie civile
présente une preuve au dossier du procès pénal au sens
strict du mot. En outre, il ne s'agit pas d'une preuve, mais seulement d'un
élément de la preuve soumise à l'appréciation du
juge. Cet argument est inadmissible parce qu'il est clair que la
décision du juge émanant de sa propre conviction ne peut pas
exclure l'impact de tout élément au dossier tant que cet
élément est soumis à son étude et à son
examen. Chaque élément peut contribuer à des degrés
divers à la formation de la conviction du juge. Même si le juge ne
peut pas se baser sur cet élément directement pour la
justification de sa conviction, celui-ci peut quand même influencer sa
conviction et même le convaincre de juger de la culpabilité, sans
pour autant le mentionner d'une manière explicite dans l'explication de
jugement. Ainsi, chaque élément contribuant à la formation
de la conviction du juge est une preuve au sens large du mot, qui constitue le
les piliers du jugement par sa valeur probante. Sur ce point, nous suivons
l'avis du professeur Mme Michèle-Laure Rassat.
La position de la chambre criminelle de la Cour de cassation
française soulève un grand nombre des questions difficiles
relatives à la façon de faire pénétrer une preuve
illégale dans le dossier du procès pénal et la placer
devant le juge pour qui elle servira de base pour prononcer la
culpabilité. La conséquence en est que la personne civile devient
libre de toute restriction légale et légitime, alors que la
police judiciaire et le juge d'instruction sont obligés d'appliquer la
loi et la légitimité procédurale dans la recherche de la
preuve pénale. À ce propos, une question s'impose : est-il permis
aux civils d'avoir des autorités plus larges que celles de la police et
la justice dans la recherche de la preuve pénale? La Cour de cassation
française encourage-t-elle les personnes civiles à prendre des
initiatives individuelles pour chercher la preuve de la culpabilité de
l'infraction commise à leur encontre ? Ces jugements de la Cour de
cassation sont-ils justes et conformes à l'État de droit ? Le
texte proposé par le professeur Mme Michèle-Laure Rassat vise,
selon ses propres termes, à forcer la victime à
2001 M.-L. Rassat, « Propositions de
réformes de la procédure pénale », in La
documentation Française : Proposition de la réforme de la
procédure pénale, Remise au ministre de la justice M.
Jacques Toubon, 1996, p. 52.
537
rester autant que possible dans le cadre ou le champ
légal imposé aux pouvoirs publics lors de la recherche de la
preuve pénale.
413. Proposition ambiguë qui peut affaiblir
indirectement le droit à la preuve pour la personne poursuivie. Mme
Michèle-Laure Rassat propose d'ajouter au Code de
procédure pénale français un article 7 formulé
ainsi « la personne poursuivie n'est tenue de participer ni au
rassemblement ni à la discussion des preuves produites contre elle ou en
sa faveur. Elle
2002
peut garder le silence ». Ce texte exprime
clairement le droit au silence, mais sa lecture attentive montre qu'il
affaiblit la position de l'accusé ou de la personne poursuivie pour
commettre l'infraction en lui laissant croire qu'il n'a pas besoin de
défense. Nous croyons que le texte proposé fait perdre à
l'accusé ou au défendeur l'élément de l'initiative
dans le procès pénal. En effet, en admettant qu'il est
théoriquement acceptable de proposer la non-participation de
l'accusé à la collecte de preuves, il est inacceptable de
proposer sa non-participation au débat de la preuve car ce débat
et sa confrontation avec la logique et les arguments sont parmi les aspects les
plus importants du droit de la défense, en plus d'être une
manifestation directe du principe de la légalité de la preuve
pénale, qui exige que la preuve soit soumise à un débat
public et oral.
Ajoutons qu'il n'est pas possible de restreindre l'action de
l'accusé ou du défendeur dans la recherche ou la participation
à la recherche de la preuve de son innocence sous l'autorité
claire de l'idée que l'accusé est coupable jusqu'à preuve
du contraire. C'est ce qui se produit en réalité dans la pratique
même si théoriquement, le principe de la présomption
d'innocence domine. En effet, la présomption d'innocence n'a pas
réellement un effet important puisque l'enquête repose toujours
sur l'hypothèse que le suspect est l'auteur, en dépit du
fondement de cette hypothèse sur l'existence d'une preuve faible. Il
existe donc un facteur psychique pour les enquêteurs et les juges qui les
pousse inconsciemment à la recherche de la preuve de culpabilité
au lieu de la recherche de la preuve de l'innocence. Ainsi, le suspect, le
défendeur ou l'accusé devient seul dans ce champ de bataille
judiciaire sans instrument réel à sa disposition pour confronter
les preuves recueillies contre lui pour le condamner, à part le principe
théorique de la présomption d'innocence. Par conséquent,
il n'est pas possible d'admettre un texte semblable à celui
proposé par le professeur Mme
2002 M.-L. Rassat, « Propositions de
réformes de la procédure pénale », in La
documentation Française : Proposition de la réforme de la
procédure pénale, Remise au ministre de la justice M.
Jacques Toubon, 1996, p. 53.
538
Michèle-Laure Rassat limitant le rôle de
l'accusé ou le défendeur dans la recherche de preuves.
Mme Michèle-Laure Rassat propose encore la nouvelle
formulation suivante à l'article 9 du Code de procédure
pénale français : « La preuve pénale est libre.
Sont toutefois irrecevables les éléments de preuve recueillis au
moyen d'infractions pénales. Un élément de preuve n'est,
d'autre part, recevable qu'autant que la procédure prévue pour
son recollement a été intégralement et
régulièrement respectée et que la mise en oeuvre de cette
procédure ne
2003
porte pas atteinte à la dignité de la
personne humaine ». Cette proposition a pour but de répondre
à la jurisprudence de la Chambre criminelle évoquée
ci-dessus à propos de l'article 6 et de compléter le principe de
liberté de la preuve par le principe de sa légalité : on
peut admettre n'importe quelle pièce mais il faut que la perquisition et
la saisie aient été régulières et n'importe quel
témoignage à condition qu'il n'ait pas été
recueilli sous la torture ni avec
La proposition du professeur Michèle-
2004
l'usage d'un prétendu détecteur de mensonges,
etc.
Laure Rassat contribue au renforcement du principe de la
légalité de la preuve pénale affirmant clairement que la
preuve pénale obtenue au moyen d'un crime est inacceptable et que les
éléments de preuve sont inadmissibles sauf dans le cas de leur
respect de la légalité de la preuve, et que cette
procédure de recherche de la preuve ne porte pas atteinte à la
dignité de la personne humaine. Nous estimons que le texte
proposé par Mme Michèle-Laure Rassat est une démarche
avancée et nécessaire dans l'établissement du principe de
la légalité de la preuve d'une manière claire. En outre,
ce texte représente un mécanisme rigoureux pour sanctionner la
preuve illégale loin du cadre de la théorie de la nullité
pénale qui est selon nous un mécanisme primitif non suffisamment
développé pour assurer l'application efficace et efficiente du
principe de la légalité de la preuve pénale. Le
législateur libanais aurait lui aussi intérêt à
s'inspirer des suggestions de Michèle-Laure Rassat en adoptant le texte
proposé pour en faire un article de base dans le Code des
procédures pénales concernant l'organisation de la recherche des
preuves pénales dans le droit libanais.
2003 M.-L. Rassat, « Propositions de
réformes de la procédure pénale », in La
documentation Française : Proposition de la réforme de la
procédure pénale, Remise au ministre de la justice M.
Jacques Toubon, 1996, p. 53.
2004 M.-L. Rassat, « Propositions de
réformes de la procédure pénale », in La
documentation Française : Proposition de la réforme de la
procédure pénale, Remise au ministre de la justice M.
Jacques Toubon, 1996, p. 53.
539
C. Le rejet de la sanction.
414. Faire prévaloir le respect du principe de
légalité sur le droit de punir. Sans doute, le principe de
la légalité sur le plan procédural offre des garanties
substantielles qui contribuent directement à l'assurance de
bénéficier d'un procès équitable. De ce qui
précède, on peut conclure que l'application du principe de
légalité de preuve d'une manière efficace est un besoin de
base dans chaque société, de même que le droit de punir. Le
problème réside dans le conflit qui pourrait naître en cas
d'inadmissibilité d'une preuve fiable mais recueillie de manière
illégale. Est-il acceptable de condamner des coupables sur la base d'une
preuve illégale ? Il est évident que cette question continuera de
faire couler beaucoup d'encre. En fait, l'illégalité de preuve
trouve sa source dans la violation des principes, règles et
procédures liées à la garantie de la liberté
personnelle, à la protection de la vie privée et la
dignité humaine du prévenu, et le respect des droits de la
défense. La justice dans un État de droit doit veiller à
consacrer l'application réelle de toutes les implications du principe de
légalité qui vise l'intérêt général
exactement comme le droit de punir. Par conséquent, il faut admettre que
l'application effective du principe de légalité de preuve
nécessite d'écarter ou d'exclure un élément de
preuve illégal et ensuite le rend inutilisable malgré la
crédibilité et la fiabilité qu'il porte. L'exclusion d'une
preuve fiable du dossier pénal peut avoir comme conséquence de
« ne pas punir une personne coupable ». Est-il inimaginable
de voir un jour une évolution ou une révolution jurisprudentielle
dans la position de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et
française en rejetant des moyens de preuve illégaux fiables qui
ont pour conséquence « ne pas punir une personne coupable
»?
415. Les positions classiques qui empêchent
l'application du principe de la légalité de preuve pénale.
Certains juristes ont une position extrême concernant la technique
qui consiste à exclure la preuve illégale dans l'action
pénale et considèrent que l'exclusion de la preuve
illégale n'est rien d'autre que l'exclusion de la justice. Nous pensons
que les racines de cette position extrême remontent à la logique
à laquelle ils croient, et qui est l'accès à la
vérité par tous les moyens et toutes les voies, sans aucun
égard envers la légitimité du moyen ou la méthode
suivie pour aboutir à cette preuve. C'est la position exprimée
par le célèbre juriste anglais M. Jeremy Bentham il y a 200 ans :
« l'exclusion de toute preuve serait l'exclusion de
540
2005
toute justice ». Malheureusement, de nos jours
on peut trouver indirectement que l'avis de M. Jeremy Bentham est toujours
appliqué jusqu'à maintenant par la jurisprudence libanaise et
française et dans la position de la doctrine pénale. La loi, que
ce soit en France ou au Liban laisse au juge la liberté de constituer sa
conviction afin de juger l'affaire pénale, et donc il est libre de
préférer une preuve à une autre, en fonction de la preuve
qui lui a été présentée et de sa force probante,
mais le juge tout en effectuant cette opération, doit toujours prendre
en considération le fait que cette liberté dont il jouit n'est
pas une liberté absolue, mais doit se tenir aux frontières du
principe de la légalité de la preuve pénale, des principes
constitutionnels et conventions internationales, qui ont été
reconnus par l'État et qui sont devenus une partie intégrante de
son système juridique. Dans ce cadre, la grande question qui se pose est
de savoir comment le juge peut-il accepter de s'appuyer sur des preuves
obtenues en violation des principes qui protègent la liberté de
l'individu, la vie privée, la confidentialité et la
légalité de la procédure ? Y a-t-il un texte de loi ou un
mécanisme légal qui oblige le juge à écarter la
preuve illégale des preuves sur lesquelles il s'appuie pour la
constitution de sa conviction, indépendamment de la force probante de
cette preuve illégale ? La réponse est négative. Il
n'existe aucune disposition légale claire en droit libanais et en droit
français qui oblige le juge du fond à écarter la preuve
illégale du dossier
pénal.et la simple existence de
cette preuve illégale dans le dossier permet indirectement au juge de
constituer effectivement son intime conviction sur cette preuve
illégale. Il est nécessaire d'évoquer le problème
de l'influence de la preuve illégale sur l'intime conviction du juge. Il
est impossible de nier que la présence d'un élément de
preuve illégal mais fiable dans le dossier pénal va exercer une
influence sur la formation de l'intime conviction du juge du fond. Donc, il
serait souhaitable d'exclure les éléments de preuve
illégaux du dossier pénal avant que le juge apprécie
librement les preuves pour forger son intime conviction. La solution efficace
est d'éliminer la preuve illégale du dossier pénal pour
entraver la valeur probante de cette preuve illégale. Une jurisprudence
constante de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et
française a expressément affirmé que la Cour de cassation
n'exerce aucun contrôle sur la liberté d'appréciation de la
preuve dont dispose le juge du fond pour accorder aux éléments de
preuve une valeur probante. Par conséquent, le juge du fond peut
être influencé directement, psychologiquement et
intellectuellement par cette preuve illégale qui est présente
dans le dossier de l'affaire en se basant sur une autre preuve moins
crédible et insuffisante pour motiver son jugement. Les
législateurs libanais et français doivent trancher la question de
la preuve illégale. Le législateur doit choisir
l'efficacité du droit de punir à travers la
légalité
2005 J. Bentham, Traité des
preuves judiciaires, traduit par Etienne Dumont, Bossange frères
Libraires-Editeurs, Paris, 1823, t. 2, p. 96.
pour rassembler les preuves de l'infraction et d'en rechercher
le ou les auteurs. Le législateur dans un État de droit ne peut
pas choisir l'efficacité de la justice répressive et punir par
n'importe quels moyens parce que l'assurance du droit de punir ne peut se faire
au détriment du principe de légalité. Il est inadmissible
de sacrifier la garantie des droits de l'homme et des droits fondamentaux dans
le procès pénal afin d'assurer seulement l'application du droit
de punir. Il est important de souligner que le principe de la
légalité de la preuve ne doit pas être lié à
la fiabilité et véracité de la preuve, parce que sous la
pression des moyens illégaux comme la contrainte ou la violence,
l'accusé ou le prévenu souvent est prêt à dire la
vérité pour que la douleur et la pression cessent. Et parfois,
l'accusé ou le prévenu est prêt à avouer n'importe
quoi sous la torture et la contrainte. On doit se focaliser sur les
éléments de preuve fiables ou qui présentent suffisamment
d'indices de fiabilité mais obtenus de manière illégale.
Par exemple, une preuve illégale qui a été
extorquée par un moyen illégal mais qui, en même temps,
présente la vérité. La question est de savoir s'il est
acceptable, dans un État de droit, d'utiliser une preuve illégale
afin de punir un coupable. Est-il acceptable qu'un juge prenne en
considération, pour former son intime conviction, une preuve
illégale qui présente la vérité en ignorant la
source illégale de cette vérité ? Le juge est-il tenu
d'écarter la valeur probante fiable d'une preuve parce qu'elle a
été obtenue de manière illégale et par
conséquent de négliger la vérité qui en
résulte ?
416. L'application du principe de la
légalité de preuve nécessitant de sacrifier le droit de
punir d'une manière limitée et relative. L'application du
principe de la légalité de la preuve pénale de la
façon qui a été développée plus haut,
signifie réellement que certains accusés échapperont
à la sanction de manière légale, sachant que si la preuve
illégale a été prise en considération par la Cour,
ceci conduirait à leur inculpation alors qu'ils sont réellement
coupables, car la preuve illégale possède une force probante
suffisante pour convaincre la Cour ou le juge de leur inculpation. Nous pouvons
donc déduire que c'est la conséquence
logique de l'application du principe de la
légalité de la preuve pénale
|
2006
|
, mais la question qui
|
541
se pose est : est-ce que cette conséquence logique de
l'application effective de ce principe est acceptable ? Et sera-t-elle
acceptée par la société et le système juridique ?
Probablement, cette conséquence peut ne pas être acceptée
ni par la société ni par le système juridique, cependant
elle est la conséquence inévitable de l'application effective du
principe de légalité de preuve pénale. Dans la vie
juridique, il y a beaucoup d'exemples de personnes innocentes
2006 V. S. Berneman, «
L'admissibilité de la preuve dans un système continental : Le
modèle belge », in R.D.P.C., 2007, pp. 298-343, V. spec.
p. 341 : « La légitimité morale d'un système de
droit doit être préservée si l'on veut qu'il garde son
autorité envers les justiciables. (...)L'application sans nuance de la
règle d'exclusion ne fait qu'augmenter la méfiance du citoyen
envers l'intégrité de la justice et sape l'autorité de
l'État de droit ».
condamnées à de lourdes peines, bien qu'elles
n'aient pas commis de crime, mais qui pour une raison ou une autre, n'ont pas
pu rassembler des preuves convaincantes pour les opposer à celles qui
les inculpent ou suffisantes pour modifier la conviction de la Cour ou du juge.
Il est donc clair que parfois, certains individus sont victimes de jugements
pénaux injustes à cause de défaut de preuve pénale
ou d'incapacité de ces individus de présenter la preuve de leur
innocence, et la société respecte le jugement de la loi et la
conviction de la Cour qui a rendu la décision d'inculpation bien que
cette société sache que l'accusé a été
condamné alors qu'il n'a pas commis l'acte. On rappelle certaines
expressions significatives comme « mieux vaut
laisser un fait délictueux impuni que de condamner
un innocent »
|
2007
|
et en anglais « It is better
|
542
that ten guilty persons escape than that one innocent
suffer », c'est-à-dire « que dix coupables
2008
échappent à la justice plutôt que
souffre un seul innocent ». A partir de cette logique, la question
qui se pose est la suivante, pourquoi ne pas se comporter de la même
façon et appuyer l'application du principe de la légalité
de la preuve pénale avec ses bons et mauvais côtés,
c'est-à-dire, pourquoi ne pas accepter qu'un criminel échappe
à la sanction, car la preuve de son inculpation a été
obtenue de façon illégale en violation des droits fondamentaux
des individus dans la société, des valeurs humaines et des
principes juridiques et constitutionnels de l'État? La question
essentielle est pourquoi est-il difficile d'accepter l'idée de rejeter
la peine, c'est-à-dire ne pas punir un accusé dont ses droits
fondamentaux ont été violés ? L'autorité judiciaire
et policière qui a rassemblé les preuves illégales doit
comprendre que nul ne peut violer les droits de l'homme et le principe de
légalité dans la recherche de preuves, car ces droits et
principes bafoués sont protégés par la loi, et la police
et la justice ne peuvent obtenir et réunir la preuve de l'inculpation
qu'en suivant la voie légale et aucune autre. Le fait de ne pas punir un
accusé en écartant les preuves illégales du dossier
pénal est mieux qu'accepter que l'État et ses autorités
sécuritaires et judiciaires violent les droits et libertés des
membres de la société et les textes de loi à chaque fois
qu'une infraction est commise, en voulant rassembler les preuves pour
arrêter celui qui l'a commise.. Il est certain qu'il n'y a pas de
contradiction entre l'application de la loi conformément au principe de
la légalité des procédures et la preuve pénale
d'une part, et la capacité ou l'efficacité de la recherche de
criminels et la preuve qu'ils ont commis les infractions, car, tout simplement,
la loi a octroyé à la police judiciaire et à
l'autorité judiciaire tous les moyens possibles pour rechercher la
preuve. La loi n'a exigé que l'application, à la lettre et de
façon correcte, des
2007 Traduction de la maxime de l'empereur
Trajan : « satius esse impunitum facinus nocentis quam innocentem
damnare ».
2008 W. Blackstone, Commentaire sur les lois
d'Angleterre, t. 1 ; Oxford, Clarendon press, 1ère édition,
1765.
543
restrictions légales et conditions que la loi dispose,
et si la police judiciaire et la justice se plient à ces conditions et
restrictions et l'application du texte de loi, il résultera les
mêmes conséquences pratiques, ce qui mènera au même
rôle requis pour l'arrestation des criminels et la présentation
des preuves de leur inculpation pour préparer leur jugement devant le
tribunal et leur sanction, et par conséquent, la loi a permis la
recherche de la preuve, pourquoi donc ne pas se plier aux textes de loi au lieu
de les violer quotidiennement ? Pour sanctionner effectivement
l'illégalité de la preuve pénale il faut mettre fin
à la possibilité du juge du fond de prendre en
considération un élément de preuve irrégulier ou
illégal pour prononcer son jugement. L'adoption de cette
solution amènerait un nouveau visage à la justice, faisant
prévaloir le principe de la légalité de la preuve sur
l'exigence de punir. La jurisprudence libanaise ferait preuve
d'efficacité et de courage si elle adoptait cette solution qui aurait
pour effet de marquer un retour à un État de droit qui nous
paraît de plus en plus malmené au Liban. De même les
législateurs libanais et français, en adoptant cette solution,
contribueraient éviter la transformation vers l'État de police
dans la recherche de preuve.
417. Comment trouver une raison fondamentale d'accepter
les outils et mécanismes juridiques que nous proposons et qui ont pour
effet la dispense de sanction et peine dans le cas où la preuve de
l'infraction du prévenu a été obtenue illégalement
? Afin d'appliquer le principe de la légalité de preuve
pénale d'une manière effective avec toutes les
conséquences qui en résultent, on peut se référer
aux différents arguments traditionnels de la doctrine pour l'admission
de la théorie et des règles de la prescription de l'action
publique dans les Codes de
2009 2010 2011
procédure pénale français et libanais , de
la prescription de la peineet de l'amnistie
2009 V. sur la prescription en droit
pénal français:l'article 7 du CPP français dispose :
« En matière de crime et sous réserve des dispositions
de l'article 213-5 du code pénal, l'action publique se prescrit par dix
années révolues à compter du jour où le crime a
été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait
aucun acte d'instruction ou de poursuite.S'il en a été
effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix
années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi
même à l'égard des personnes qui ne seraient pas
impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. Le délai
de prescription de l'action publique des crimes mentionnés à
l'article 706-47 du présent code et le crime prévu par l'article
222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est de
vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la
majorité de ces derniers » ;l'article 8 du CPP français
dispose : « En matière de délit, la prescription de
l'action publique est de trois années révolues ; elle s'accomplit
selon les distinctions spécifiées à l'article
précédent.
Le délai de prescription de l'action publique des
délits mentionnés à l'article 706-47 et commis contre des
mineurs est de dix ans ; celui des délits prévus par les articles
222-12, 222-30 et 227-26 du code pénal est de vingt ans ; ces
délais ne commencent à courir qu'à partir de la
majorité de la victime.Le délai de prescription de l'action
publique des délits mentionnés aux articles 223-15-2, 311-3,
311-4, 313-1, 313-2, 314-1, 314-2, 314-3, 314-6 et 321-1 du code pénal,
commis à l'encontre d'une personne vulnérable du fait de son
âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience
physique ou psychique ou de son état de grossesse, court à
compter du jour où l'infraction apparaît à la victime dans
des conditions permettant l'exercice de l'action publique » ;
l'article 9 du CPP français dispose : « En matière de
contravention, la prescription de l'action publique est d'une année
révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions
spécifiées à l'article 7 ».
544
générale ou spéciale. A notre avis,
l'application efficace du principe de la légalité de preuve
pénale à travers la dispense de peine ou l'exemption de peine de
l'accusé ou prévenu dont l'infraction a été
prouvée contre lui mais d'après des éléments de
preuve obtenus illégalement est recevable puisque le droit pénal
libanais et français connaît « le sursis »,
mesure qui consiste dans la dispense d'une personne condamnée à
exécuter tout ou partie de sa peine. Le législateur accepte des
règles et principes juridiques qui ont pour effet d'exempter de sanction
ou de peine quelqu'un qui a été condamné selon des preuves
obtenue légalement comme dans le cas de la prescription de la peine ou
le sursis. Il serait donc logique qu'il accepte également notre
proposition qui vise à trouver un mécanisme juridique moderne
permettant de donner sa pleine efficacité au principe de la
légalité de preuve pénale, jusqu'à admettre
l'exemption de la peine d'un prévenu ou accusé contre qui
pèsent des preuves de culpabilité très crédibles,
mais qui ont été recueillies illégalement. Pourquoi ne pas
admettre les conséquences juridiques qui peuvent découler de
l'application efficace du principe de la légalité de preuve
pénale, alors qu'on admet la même logique juridique en
matière de prescription de l'action publique et de peine, sursis et
amnistie ?
2010 V. sur la prescription en droit
pénal libanais: l'article 10 du CPP libanais : « L'action
publique s'éteint par: a) le décès du
défendeur; b) l'amnistie; c) la prescription décennale pour les
crimes, triennale pour les délits et annuelle pour les contraventions;
d) l'extinction de l'action civile dans les cas prévus par la loi »
; l'article 147 du Code Pénal libanais dispose: « Tel que
modifié par l'article 7 du DL n°112 du 16/9/1983, qui a
abrogé les alinéas 4 et 8 et ajouté un alinéa
à l'article 147:Les causes qui éteignent les condamnations
pénales ou en font cesser ou suspendre l'exécution sont:1. La
mort du condamné;2. L'amnistie ; 3. La grâce; 4. Abrogé;5.
La réhabilitation ; 6. La prescription ; 7. Le sursis» ;
l'article 163 du Code Pénal libanais dispose: « La prescription
de la peine de mort et des peines criminelles perpétuelles est de
vingt-cinq ans. La prescription des peines criminelles temporaires est du
double de leur période prononcée par la Cour, sans toutefois
excéder vingt ans ni être inférieure à dix ans. La
prescription de toute autre peine criminelle est de dix ans et cette
durée est appliquée également pour toute peine
délictuelle prononcée pour un crime précis. La
prescription court du jour du jugement s'il est rendu par contumace, et du jour
où il devient définitif s'il est contradictoire et le
condamné non détenu. Sinon, la prescription court du jour
où le condamné s'est soustrait à l'exécution:
Lorsque le condamné s'est soustrait à l'exécution d'une
peine privative ou restrictive de liberté, la durée de la peine
subie sera imputée pour moitié sur la durée de la
prescription » ; l'article 164 du Code Pénal libanais dispose:
« Les peines délictuelles se prescrivent par un temps double de
celui fixé par le juge pour leur durée, sans toutefois que ce
temps puisse excéder dix ans ni être inférieur à
cinq ans. Toute autre peine délictuelle se prescrit par cinq ans
».
2011 En droit libanais, le législateur
utilise le terme « d'annuler les effets des jugements pénaux
».
545
Conclusion du chapitre II
418. La légalité d'une preuve comme condition
dans la recherche et l'administration de la preuve pénale doit
prévaloir sur sa fiabilité et sa force probante parce que la fin
ne justifie pas les moyens. Nous soutenons entièrement l'avis qui
interdit l'utilisation d'un élément de preuve obtenu en
méconnaissance d'une règle de la procédure pénale,
par la violation du droit au respect de la vie privée, en
méconnaissance des droits de la défense ou en
méconnaissance du droit à la dignité humaine. Les
éléments de preuve obtenus de manière illégale ne
peuvent être retenus dans la mesure où leur utilisation est
contraire au droit à un procès équitable. Sans doute, la
doctrine pénale classique considère la théorie de la
nullité en matière pénale suffisante pour sanctionner
l'illégalité d'un acte de procédure pénale. Bien
évidemment, cette théorie de nullité classique n'arrive
pas à punir et sanctionner effectivement l'illégalité
procédurale des éléments de preuve pour répondre
aux conditions et dispositions imposées par le principe de la
légalité de preuve pénale en droit libanais et
français. Plusieurs raisons ont contribué à l'échec
de la théorie des nullités en vigueur au Liban et en France
d'assurer une application pragmatisme et réaliste du principe de la
légalité de preuve pénale. Parmi les facteurs de
l'échec de la théorie des nullités que l'on pourrait
imputer à la concentration sur la nullité de l'acte de
procédure pénale sans prendre en compte la nullité des
éléments de preuve illégale d'une part, et la distinction
entre nullité d'intérêt privé et nullité qui
protège l'intérêt général ou l'ordre public
d'autre part. On pourrait sur ce qui précède ajouter qu'en droit
français, s'agissant des nullités protégeant
l'intérêt privé, la nullité de l'acte illégal
ou irrégulier est soumise à la démonstration d'un grief
(la nullité d'ordre privé). Donc en droit français pas de
nullité sans grief, la partie concernée devra rapporter la preuve
qu'elle a subi un grief du fait du non-respect du formalisme légal pour
que la Cour prononce la nullité d'ordre privé, ce qui a
très largement contribué aux échecs massifs de la
théorie de nullité à mettre en évidence le principe
de la légalité de preuve pénale . De surcroît, le
fait que l'acte d'accusation purge la procédure de toutes les
nullités antérieures à celles-ci constitue un obstacle
radical à la mise en oeuvre du principe de la légalité de
preuve. La théorie des nullités en droit libanais et en droit
français n'a pas pu sanctionner les éléments de preuves
illégales produits par les parties privées en raison de l'absence
d'un texte de loi selon la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
et de la Cour de cassation française, qui permet au juge
répressif d'écarter les moyens de preuve produits par les parties
privées en considérant que la soumission à un débat
oral, public et contradictoire des éléments de preuve
illégale purge en quelque sorte la preuve de son origine
illégale, irrégulière et
546
illicite. Ajoutons encore aux points qui
précèdent, la jurisprudence des Cours des cassations libanaise et
française adopte le concept de la liberté absolue du juge
d'accorder aux éléments de preuve la valeur probante selon son
intime conviction sans prendre en compte l'origine illégale de
l'élément de preuve en faisant abstraction de toute
considération du principe de la légalité de preuve
pénale. Il ne faut pas négliger le rôle négatif de
la règle de la purge des nullités de la décision de mise
en accusation définitive émise par la chambre d'instruction en
droit français et la chambre d'accusation en droit libanais dans
l'échec de sanctionner efficacement les preuves illégales. Le
juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'évaluer la
crédibilité ou la fiabilité de la valeur probante de la
preuve illégale pour décider d'après sa conscience et sa
conviction loin de tout contrôle de la Cour de cassation, ce qui
constitue encore une cause supplémentaire qui fait obstacle à
l'application effective du principe de la légalité de preuve
pénale en droit libanais et français. Donc, la jurisprudence au
Liban et en France est invitée, désormais, à appliquer de
façon uniforme et rigoureuse la règle selon laquelle un
élément de preuve pénale obtenu illégalement ne
peut en aucune manière contribuer, que ce soit directement ou
indirectement, à apporter la preuve d'une infraction. Mais comment
appliquer ce qui précède en l'absence d'outil juridique en droit
libanais et français permettant d'appliquer d'une façon efficace
le principe de la légalité de preuve pénale ? On peut
ainsi conclure la réalité de l'échec de la théorie
des nullités et son incapacité à contribuer à
l'humanisation de la recherche de la preuve pénale et de garantir une
application pleinement satisfaisante du principe de la légalité
de preuve pénale d'où la nécessité de
développer la théorie classique des nullités en
matière pénale qui a prouvé une inefficacité
remarquable à sanctionner les éléments de preuve
illégale en accroissant les cas de nullités textuelles
automatiques à la violation des actes de procédure pénale
et des principes généraux produisant des éléments
de preuve sans la nécessité ou la condition adoptée par le
législateur français de démontrer l'existence d'un grief
pour prononcer la nullité qui protège les intérêts
privés. Un autre mode ou moyen de développement peut rendre la
théorie des nullités en matière pénale plus
efficace et même d'une manière plus satisfaisante qui se
caractérise par un mouvement de modernisation et de développement
de la théorie des nullités classique vers la transformation
à une théorie des nullités des preuves pénales qui
permettent d'assurer et de garantir l'application effective et satisfaisante du
principe de la légalité de preuve pénale. Sans doute il
faut prendre en compte en droit libanais et français, la
nécessité d'adopter un nouveau mécanisme juridique qui
permet de sanctionner la preuve ou les éléments de preuve
illégale en éliminant sa valeur et sa force probante, ce qui
ouvre le choix vers la modernisation des outils juridiques qui permet d'exclure
la preuve illégale sans prendre en considération la
crédibilité et la fiabilité de la preuve. Il est permis de
proposer une nouvelle façon de sanctionner la
547
preuve illégale loin de la technique de la
théorie des nullités qui peut assurer un renforcement et un
établissement du principe de la légalité de preuve
pénale entérinant une nouvelle voie ou manière efficace
par l'adoption du système de filtrage de preuves acquises
illégalement par le juge de fond avant de forger sa conviction, ce qui
nécessite d'instaurer des textes de loi qui permettent d'exclure ou
d'écarter les preuves illégales du pouvoir absolu du juge
d'apprécier la preuve en matière pénale. L'adoption du
système de filtrage des preuves ou des éléments de preuve
illégaux, constitue une étape importante de la part du
législateur vers l'atténuation de l'application jurisprudentielle
radicale et extrême de la chambre criminelle des Cours de cassation
libanaise et française de la liberté du juge d'apprécier
les preuves en négligeant l'origine illégale de la preuve et en
s'intéressant seulement sur sa valeur probante pour condamner. Une autre
technique ou outil juridique permet aussi d'appliquer effectivement le principe
de la légalité de preuve pénale loin de la théorie
des nullités classiques. Il est possible d'utiliser le droit
d'évoquer des moyens de cassation non traditionnels en droit libanais et
français qui peut servir l'application du principe de
légalité. Les législateurs libanais et français
peuvent insérer un nouveau moyen de cassation en matière
pénale qui est la violation de la légalité
procédurale en la considérant comme une procédure
substantielle. La violation de la légalité procédurale ou
de la preuve comme un nouveau moyen de cassation est un mécanisme
juridique qui peut améliorer la qualité du respect du principe de
légalité dans la recherche de la preuve pénale si les
législateurs libanais et français ajoutent explicitement une
nouvelle cause de cassation conformément à notre proposition.
Certainement, cela aurait des conséquences sur la recevabilité de
l'application effective du principe de la légalité de preuve qui
nécessite dans certains cas d'exempter l'accusé de la sanction
même en présence des preuves irréfutables, mais
illégales pour condamner. En résumé, l'application du
principe de la légalité de preuve pénale en droit libanais
et français ne peut être efficace et satisfaisante sans l'adoption
d'une solution qui peut résoudre le problème de
l'inefficacité des outils juridiques en vigueur pour sanctionner
effectivement l'illégalité de la preuve pénale. La
solution nécessite un esprit créateur pour choisir des
instruments, mécanismes et outils juridiques modernes qui permettent
d'assurer l'application effective du principe de la légalité de
preuve pénale d'une manière qui reflète la
véritable valeur juridique de ce principe en droit libanais et en droit
français.
548
Conclusion générale
419. La preuve tend à l'établissement de la
vérité dans le procès pénal. Cette thèse est
une contribution à l'étude du principe de la
légalité de la preuve pénale sous l'angle du droit
comparé (Liban et France). Évidemment, le droit français
sous ses multiples aspects (loi, jurisprudence et doctrine) a exercé une
influence marquante sur le droit libanais et continue à le faire. Le
recours au droit comparé contribue au mouvement de la circulation des
solutions juridiques entre les pays. La procédure criminelle au Liban et
en France correspond à un système de procédure mixte entre
le modèle inquisitoire et le modèle accusatoire. La recherche des
preuves est dominée par un trinôme de principes : liberté,
légalité et loyauté. La liberté est le principe
essentiel dans la recherche de preuve en matière pénale.
L'importance de la preuve dans le contentieux pénal est indiscutable.
Dans le cadre du procès pénal, le principe de la liberté
de la preuve gouverne le processus de la recherche de la vérité,
ce qui laisse croire que tout mode de preuve est recevable sans limite puisque
la liberté est absolue dans la recherche des preuves pénales.
420. Le droit pénal libanais repose sur la
liberté de la preuve qui se manifeste clairement par une
consécration législative et jurisprudentielle du principe de
liberté de la preuve. Le principe de liberté de la preuve en
matière pénale trouve son fondement dans les dispositions de
l'article 179 du CPP libanais « les infractions
alléguées peuvent être établies par tout mode de
preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement. Le juge ne peut
fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait
l'objet d'un débat contradictoire en audience publique... ».
En outre, ce principe est confirmé par une jurisprudence stable
dans les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise et du Conseil judiciaire libanais qui ont affirmé à
plusieurs reprises la dominance du principe de liberté comme un principe
général qui gouverne la recherche de preuve dans le contentieux
pénal. À son tour, la doctrine pénale libanaise est
presque unanime à cet égard en ce qui concerne l'application du
principe de la liberté dans la recherche des éléments de
preuve en droit libanais.
421. En droit français, le régime des preuves
en matière pénale est celui de la liberté de la preuve. La
liberté de la preuve en matière pénale est soutenue en
droit français par une consécration législative et
jurisprudentielle de ce principe. Le Code de procédure pénale
français adopte le système de la liberté des preuves en
matière pénale aux termes de l'article 427 du CPP qui affirme la
liberté de la preuve : « Hors les cas où la loi en
dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout
mode de preuve et le juge décide d'après son
549
intime conviction. Le juge ne peut fonder sa
décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des
débats et contradictoirement discutées devant lui ». La
doctrine pénale française reconnaît clairement et de
manière unanime que le principe de liberté de la preuve constitue
une règle générale en matière pénale, suivie
en cela par la chambre criminelle de la Cour de cassation française qui
a consacré ce principe grâce à une jurisprudence bien
établie dans les arrêts de cette Cour. Ce principe
général de la liberté de la preuve en matière
pénale adopté en droit libanais et français connaît
des limites. Sans doute, la liberté de preuve n'est pas une
liberté entière et absolue. Dans un État de droit, la
liberté de preuve s'incline parfois afin d'atteindre un équilibre
entre deux objets recherchés dans la politique criminelle qui ne sont
pas identiques et parfois soumis à deux pressions contradictoires. Le
premier objet est l'efficacité dans la recherche de la preuve pour
atteindre la vérité. Le deuxième objet est le respect des
droits fondamentaux de l'homme et les principes généraux de droit
qui assurent des garanties procédurales substantielles qui se
caractérisent par le respect de la légalité. En effet,
malgré la difficulté qui existe dans la recherche de la preuve et
qui justifie cette liberté de preuve, cela n'empêche pas de
préciser qu'il faut concilier la recherche de la vérité
avec d'autres principes, et donc, chercher à trouver un équilibre
satisfaisant entre l'efficacité du système pénal et la
garantie des droits de l'homme parce que l'efficacité de la recherche
des preuves ne doit pas être obtenue au prix d'atteintes aux droits
individuels. L'adoption du principe de la liberté de preuve
pénale par le législateur ne signifie pas que cette
liberté dans la recherche et l'administration des preuves pénales
est absolue et sans aucune restriction. En effet, une telle liberté de
preuve sans restriction constituerait un abus ouvrant la porte à la
violation de droits et libertés des individus sous prétexte de la
recherche de preuves. En dépit de l'importance de l'obtention de la
preuve pénale, il est inadmissible de sacrifier la totalité des
droits et libertés des individus pour cette fin. Le principe de la
légalité de la preuve pénale va dessiner les contours de
la liberté de preuve. Par conséquent, le principe de la
légalité de la preuve pénale dans ses deux aspects,
formelle et matérielle, constitue une restriction fondamentale à
la liberté de la preuve, afin d'empêcher tout extrémisme
dans le cadre du concept de cette liberté. Quel est le rôle que
peut et doit jouer le principe de la légalité dans la recherche
de preuve ? Le principe de la légalité exprime l'idée de
la primauté du texte de la loi qui est considéré comme une
conséquence normale et naturelle de l'État de droit. La
légalité en matière de preuve pénale apparaît
comme une exigence fondamentale de l'État de droit. Ce qui
précède offre l'occasion de souligner que l'adaptation du
principe de liberté de la preuve en matière pénale par les
législateurs libanais et français ne signifie pas que la fin
justifie les moyens. Les deux systèmes procéduraux libanais et
français soumettent la recherche de la preuve pénale à
diverses restrictions qui limitent cette liberté de preuve. Cependant,
le
550
principe de légalité souffre d'une
ambiguïté remarquable dans la culture juridique parce qu'il y a
confusion entre le principe de la légalité dans la recherche de
la preuve pénale, qui focalise sur la façon d'obtenir les preuves
et le système de la preuve légale, où la loi
énumère et définit les modes de preuve admissibles dont
elle détermine la force probante. Une distinction doit être faite
entre légalité des preuves et preuves légales pour
éviter de confondre les notions de « légalité des
preuves » et de « preuves légales ». La
légalité des preuves désigne le caractère
légal de la preuve qui est bien différent de la preuve
légale. Le système dit de preuve libre ou morale qui est
basé sur l'intime conviction du juge pénal est le contraire du
système de la preuve légale. En fait, la légalité
est un principe qui offre un outil juridique qui peut contrôler une
application libérale du principe de la liberté de la preuve qui
peut se transformer au nom de l'efficacité du système
répressif en un outil permettant de commettre des violations graves et
systématiques des droits humains et des droits fondamentaux du suspect
et accusé dans le procès pénal. La légalité
vient freiner toute dérive possible dans l'application de la
liberté dans la recherche des preuves. Le principe de la
légalité constitue un rempart efficace contre l'injustice et
l'arbitraire qui peuvent naître de la liberté de preuve. En
réalité, en présence du principe de
légalité, il sera difficile de considérer que le principe
de liberté de preuve consiste en une liberté infinie et radicale.
La légalité dans la recherche de preuves en matière
pénale va remplir une mission essentielle tout au long du processus de
recherche des preuves qui est le fait de réduire strictement la
liberté de la preuve dans la mesure du possible pour garantir
l'efficacité de la répression à travers la manifestation
de la vérité en droit processuel, et d'autre part dans le but de
garantir les droits de la défense et du procès équitable
tout au long de la conduite de la procédure pénale. Le principe
de la légalité trace le contour du principe de la liberté
de preuve pénale. La légalité contribue à former un
outil d'encadrement du principe de la liberté de preuve.
Évidemment, la recherche des preuves pénales peut porter atteinte
aux droits individuels et seul le législateur est compétent pour
en décider et fixer la marge de l'atteinte nécessaire sur les
droits individuels qu'on l'appelle atteinte légale au service de la
manifestation de la vérité dans le procès pénal.
422. La légalité en matière de preuve
pénale se divise en deux aspects : légalité formelle et
légalité matérielle. La légalité formelle de
la preuve pénale signifie que la recherche de celle-ci est le
résultat d'une procédure pénale admise par la loi, en
veillant à l'application de cette procédure produisant cette
preuve pénale selon le modèle légal imposé par le
législateur. La légalité formelle de la preuve
pénale indique également le respect du droit à la
protection de la vie privée, et l'interdiction d'obtenir les
éléments de preuve en violation des principes
généraux de droit intimement liés à la preuve
pénale. En d'autres termes, la légalité formelle signifie
la non-violation des principes liés à la preuve pénale
à la phase de jugement dans le
551
procès. Ces principes sont la publicité,
l'oralité et le contradictoire, dont la violation représente une
violation de la légalité formelle de la preuve.
423. Relativement à la légalité
formelle, le respect de la légalité formelle impose que la
liberté de preuve comme principe général est soumise
à des formes et restrictions imposées par les dispositions des
lois qui régissent le processus de la recherche de preuve. Sans doute,
il faut distinguer entre deux sortes de formalités, connues d'une part
sous le nom de formalités substantielles dont l'inobservation rend les
preuves illégales, et d'autre part les formalités non
substantielles ou secondaires, dont l'inobservation ne rend pas les preuves
illégales. La liberté de la preuve doit respecter la
légalité formelle s'agissant de toutes les conditions,
interdictions ou entraves que le législateur a voulu déterminer
dans la procédure pénale lors de la recherche de la preuve ou sa
production. Ainsi, le respect de la légalité formelle impose de
respecter l'application des principes directeurs relatifs à la preuve
qui sont : le respect du principe de l'oralité du débat, du
principe du contradictoire et la publicité des débats. Les
éléments de preuve dans un procès pénal doivent
faire l'objet d'un débat contradictoire pour que la preuve soit conforme
au principe de la légalité formelle de la preuve pénale.
Par conséquent, le juge du fond ne peut pas prendre en compte des
éléments de preuve qui portent atteinte au principe du
contradictoire, de l'oralité et de la publicité des débats
parce que cela est contraire à la légalité formelle de la
preuve. Enfin, la légalité formelle de la preuve désigne
le respect et la protection de l'intimité de la vie privée,
c'est-à-dire que la liberté dans la recherche de preuve ne peut
pas porter atteinte à l'intimité de la vie privée, sauf si
le législateur a encadré légalement cette atteinte afin de
collecter la preuve, qui est nommée dans ce cas une atteinte
légale à l'intimité de la vie privée, notamment
l'encadrement de l'écoute téléphonique judiciaire par le
législateur en droit libanais et en droit français.
424. Quant au concept de la légalité
matérielle en matière de preuve, il se traduit par une exigence
du respect de la dignité humaine et de la loyauté dans la
recherche de preuves pénales. La légalité
matérielle de la preuve signifie l'interdiction d'obtenir la preuve
pénale en violation du principe du respect de la dignité humaine,
ainsi que de l'intégrité physique et morale de la personne. La
protection de la dignité humaine est une préoccupation centrale
du droit. Certains avis doctrinaux en France considèrent que le principe
de la loyauté de la preuve pénale fait partie de celui de la
légalité matérielle. En dépit de ce point de vue,
il est préférable d'aborder ce principe à part
entière. En effet, le principe de loyauté de la preuve
pénale est un principe complémentaire à celui de la
légalité de la preuve pénale, en se basant sur la
moralité, sans pour autant être soutenu par un texte juridique.
Ainsi, la loyauté de la preuve comme principe faisant partie de la
légalité matérielle (selon la doctrine française)
est moins prise au
552
sérieux parce qu'elle est considérée
comme une simple exigence morale ou éthique. En revanche, le respect de
la dignité humaine est une exigence fondamentale de la
légalité matérielle dans la recherche de preuve qui ne
souffre aucune exception parce que le respect de la dignité humaine dans
la recherche de preuve est une garantie essentielle pour éviter la
coercition et son utilisation pour obtenir des aveux et éviter la
torture, des traitements inhumains et dégradants. En ce qui concerne la
loyauté dans la recherche des preuves, nous avons
préféré dans cette thèse étudier ce principe
dans un chapitre entier indépendant de la légalité
matérielle.
425. La loyauté dans la recherche de preuves est un
principe controversé. D'abord, il souffre d'une
définition imprécise et d'un manque de détermination en ce
qui concerne la notion. Ensuite, la loyauté selon beaucoup d'auteurs est
un principe d'inspiration morale, ce qui soulève des questions à
propos de sa valeur juridique. Le Code de procédure pénale
libanais et le Code de procédure pénale français ne
consacrent pas formellement et d'une manière claire l'adoption du
principe de loyauté dans la recherche de preuves. Le principe de
loyauté est la conséquence d'une pure construction
jurisprudentielle. En 1888, la célèbre affaire Wilson
offre l'occasion pour la Cour de cassation française d'exprimer sa
volonté expresse de créer le principe de loyauté dans la
recherche de preuve pénale. Ensuite, ce principe de loyauté
revêt une portée générale après une
consécration lumineuse par la jurisprudence de la Cour de cassation
française dans une autre affaire célèbre qui est
l'arrêt Imbert du 12 juin 1952. En définitive, la loyauté
comme principe est une invention jurisprudentielle de la Cour de cassation
française dans l'arrêt Wilson (1888), qui s'est
développée ultérieurement dans la célèbre
affaire Imbert rendue le 12 juin 1952. Le principe de la loyauté est
reconnu par la majorité de la doctrine pénale française.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme
interprète d'une manière très extensive la notion et le
champ d'application de procès équitable ce qui permet au principe
de loyauté d'être appliqué d'une manière implicite
en droit français sous couvert de l'article 6 de la Convention
européenne bien que les juges de Strasbourg considèrent que la
Convention ne réglemente pas l'admissibilité des modes de preuve,
matière qui relève au premier chef des règles de droit
interne. Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme n'applique
pas d'une manière efficace le principe de loyauté dans la
recherche des preuves et les juges de Strasbourg devraient réformer leur
jurisprudence pour assurer une application effective et réelle du
principe de loyauté de la preuve. En droit libanais, on ne peut passer
sous silence l'influence ou la contribution négative de la doctrine et
de la jurisprudence libanaise qui n'ont pas fait d'effort dans la production et
la diffusion du principe de loyauté dans la culture juridique
553
libanaise. Cependant, le principe de la loyauté de la
preuve pénale souffre d'une baisse significative en raison de l'absence
de consécration législative dans le droit libanais et
français. Cette situation a engendré deux résultats
négatifs. En premier lieu, les parties privées dans le
procès pénal ne sont pas soumises aux restrictions du principe de
la loyauté de la preuve pénale selon la jurisprudence de la
chambre criminelle de la Cour de cassation française, en raison de
l'absence d'un texte explicite permettant à la justice d'écarter
la preuve déloyale apportée par les parties, contrairement aux
autorités publiques qui sont soumises à ce principe. En droit
libanais, la reconnaissance de ce principe de loyauté souffre d'une
très grande timidité de la part de la jurisprudence. En
deuxième lieu, le principe de la loyauté de la preuve
pénale peut être surmonté à travers une
législation claire et explicite permettant l'utilisation d'un outil ou
d'un moyen déloyal pour l'obtention d'une preuve pénale, mais
admissible et légal, parce que prévu par la loi. Cette situation
est répandue en France et dans d'autres pays, notamment dans le but de
lutter contre les crimes graves, en particulier le terrorisme. Quant au Liban,
le principe de la loyauté de la preuve pénale est
négligé et non répandu dans la culture juridique
libanaise, en dépit de la forte influence du droit français, de
sa jurisprudence, de ses points de vue doctrinaux, de ses principes, ainsi que
de la plupart des lois, notamment en droit pénal. Le législateur
libanais n'a pas rectifié des lois pour pouvoir continuer à
utiliser des moyens de recherche de preuve déloyale dans le but de
l'obtention de preuves liées aux crimes graves et terroristes. Les
autorités procédant à la recherche de la preuve
pénale au Liban utilisent des moyens déloyaux sans pour autant
être sanctionnées par les tribunaux en raison des preuves obtenues
au moyen de procédés déloyaux.
426. Une preuve peut être illégale lorsqu'elle
est entachée d'une illégalité formelle ou d'une
illégalité matérielle. Il était nécessaire
de déterminer un concept minimal fixe à la preuve
illégale. L'illégalité de la preuve pénale a
plusieurs causes, notamment l'absence d'un texte juridique justifiant la
procédure pénale produisant la preuve, ou encore l'existence de
ce texte sans que l'application effective de la procédure produisant la
preuve soit en conformité avec le modèle exigé par le
législateur, rendant ainsi la preuve illégale. De plus,
l'obtention de la preuve pénale en violation des trois principes
prédominants dans le procès pénal, qui sont la
publicité, l'oralité et le contradictoire intimement liés
à la preuve pénale, rend la preuve illégale en raison de
cette violation.
La preuve est entachée d'une illégalité
formelle si la recherche et l'administration de cette preuve portent atteinte
à la légalité procédurale, mais également si
les procédés de preuves ont porté atteinte à
l'intimité de la vie privée. La légalité formelle
de la preuve pénale regroupe les conditions à respecter dans le
processus de recherche de la preuve. Ces conditions sont
554
imposées par le Code de procédure pénale
parce que la recherche de la preuve pénale est un acte de
procédure prescrit dans le Code. Le respect de la légalité
formelle dans la recherche de preuve se réalise par l'application
minutieuse du texte de loi qui est la base de l'acte de recherche de preuve. Ce
dernier texte de loi qui légalise la recherche des preuves constitue la
base légale de cet acte et impose qu'il soit appliqué en
respectant minutieusement les diverses dispositions relatives aux restrictions
et aux conditions prévues dans le texte du Code de procédure
pénale. En effet, la preuve qui porte atteinte à la
légalité procédurale trouve la source de
l'illégalité dans l'absence de base légale, la violation
d'une formalité substantielle, ou la violation des conditions fixant les
actes de recherche des preuves strictement réglementées et enfin
l'atteinte au droit à un procès équitable. La
légalité formelle englobe encore le respect des principes
généraux liés directement au droit de la preuve qui sont
l'oralité, la publicité et le contradictoire.
427. Un autre aspect de la légalité formelle
dans la recherche de preuve concerne les moyens qui portent atteinte à
la vie privée. En ce qui concerne l'illégalité qui entache
la preuve provenant des procédés de preuves portant atteinte
à l'intimité de la vie privée, cette
illégalité trouve sa source dans la preuve obtenue par la mise
sur écoute de conversations téléphoniques et dans la
preuve obtenue au moyen d'un enregistrement par magnétophone. Ces
procédés constituent une violation du droit au respect de la vie
privée. Les législateurs libanais et français sont
soucieux d'encadrer strictement certains moyens de preuve qui sont
considérés normalement comme une atteinte illicite à
l'intimité de la vie privée. L'écoute
téléphonique figure parmi les violations les plus importantes du
droit de l'individu à protéger sa vie privée.
Évidemment, les écoutes téléphoniques sont
l'essentielle atteinte au respect de la vie privée de la personne durant
la recherche de la preuve pénale. C'est pourquoi le législateur
dans un État de droit doit être très soucieux d'encadrer
légalement cette atteinte à la vie privée par une loi qui
assure un équilibre satisfaisant entre la recherche de la preuve
nécessaire pour la manifestation de la vérité et le droit
au respect de la vie privée. Une loi qui réglemente et encadre
légalement l'écoute téléphonique va formellement
assurer des sauvegardes adéquates contre divers abus à redouter.
En outre, l'obtention de cette preuve pénale en violation du droit au
respect de la vie privée ouvre le débat sur l'écoute
téléphonique et sur les lois libanaises et françaises dans
ce domaine où la loi libanaise est très influencée par la
loi française en dupliquant la plupart des articles de la loi en
vigueur. Pour la nécessité de combler un vide juridique et sous
l'influence du droit français, notamment de la loi du 10 juillet 1991
sur les écoutes téléphoniques, le législateur
libanais a pris soin de réglementer l'écoute
téléphonique par la loi n° 140/99. Après plusieurs
années de retard, le décret pour l'application de la loi n°
140/99 qui réglemente l'écoute téléphonique en
droit
555
libanais a été adopté. Pourtant, cette
loi a besoin d'une réforme complète parce qu'elle contient
beaucoup trop d'ambiguïtés. En droit libanais, la jurisprudence
admet l'utilisation des enregistrements sur bande magnétique comme moyen
de preuve dans le domaine pénal. Cette solution jurisprudentielle ne
repose sur aucune source légale. En droit français, avant que le
législateur français n'adopte la loi Perben II qui a
légalisé la sonorisation de lieux privés et
l'enregistrement de conversations privées, cette procédure
spéciale était faite et appliquée en pratique sans base
légale claire et précise, portant ainsi atteinte à
l'esprit de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne.
En conséquence, la justice française peut autoriser le placement
de caméras et de micros-espions dans les lieux privés afin de
faciliter la recherche des preuves. Le législateur libanais serait bien
avisé d'encadrer légalement la sonorisation de lieux
privés et l'installation d'une caméra surveillance dans un lieu
privé pour mettre fin à la violation des droits et
libertés individuels pratiquée par les autorités publiques
sans base légale dans la recherche de preuve pénale en droit
libanais.
428. La preuve est dite entachée d'une
illégalité matérielle si elle a été obtenue
par le biais d'un moyen qui porte atteinte à la dignité humaine.
Le respect de la dignité humaine proscrit toute forme de recours
à la violence physique ou morale afin d'obtenir l'aveu ou des
éléments de preuves. Le respect de la dignité humaine
figure parmi les principes dont la violation est totalement inadmissible et par
conséquent toute preuve émanant des moyens classiques tels que la
contrainte sous toutes ses formes, la torture physique et morale, la menace ou
encore la pression rend cette preuve illégale. Malgré l'abandon
de l'expression classique « l'aveu : reine des preuves »,
l'aveu dans la procédure pénale revêt une importance
capitale, ce qui a poussé la doctrine libanaise et la doctrine
française à imposer des conditions de recevabilité de
l'aveu comme moyen de preuve en justice de sorte que l'aveu soit compatible
avec le principe de la légalité de la preuve en matière
pénale. Le problème de la légalité de l'aveu en
matière pénale se caractérise par l'aveu arraché
par la violence ou la contrainte. L'aveu peut être encore obtenu en
exerçant la contrainte matérielle ou morale et la ruse. En droit
français, la torture et la violence physique sont quasiment absentes de
nos jours. Au contraire, la torture et la contrainte sous toutes ses formes
font partie intégrante de l'enquête dans la pratique libanaise
durant l'enquête pénale. La position de la jurisprudence libanaise
nous paraît honteuse par rapport à l'aveu obtenu sous l'influence
de la coercition et la violence. Le juge libanais n'accorde pas d'importance
à la souffrance de l'homme qui a subi contrainte, violence et torture
pour se voir arracher l'aveu involontairement. Le juge ne prend en compte que
la fiabilité de la preuve arrachée illégalement à
la personne suspecte ou accusée. Sans doute, la jurisprudence libanaise
est une jurisprudence primitive en matière de protection de la
dignité
556
humaine. Nous avons proposé une réforme
législative en droit libanais qui peut contribuer d'une manière
efficace à mettre fin à cette tragédie libanaise qui
entraîne la souffrance de la contrainte et de la torture pendant la garde
à vue et l'enquête faite par l'autorité publique. À
titre de réforme, nous suggérons, afin de garantir la
déclaration volontaire, que le législateur libanais
légifère sur l'obligation d'enregistrement des interrogatoires
des gardés à vue et des interrogatoires simples pendant le
déroulement de l'enquête (flagrante et préliminaire). Cette
réforme proposée pourrait contribuer efficacement et lutter
contre les déclarations extorquées sous torture, contrainte
physique ou psychologique et assurer que toute personne a droit à une
procédure judiciaire équitable. Il est important de mentionner
que l'utilisation de certains moyens non classiques permettant l'obtention de
la preuve pénale ouvre le débat sur leur degré de
légalité. Nous pensons à l'hypnose, au sérum de
vérité, au détecteur de mensonges, ou encore aux tests
ADN, et à leur conformité avec le principe de la
légalité de la preuve pénale. La question de la
légalité de l'utilisation des procédés
scientifiques dans la recherche de preuve a fait couler beaucoup d'encre. Les
procédés scientifiques peuvent être des moyens d'obtenir la
preuve qui vise à affaiblir et anéantir la volonté comme
le sérum de vérité et l'hypnose. D'autre part, le recours
à certains procédés scientifiques pour obtenir des preuves
peut être attentatoire à l'inviolabilité du corps humain et
à l'inviolabilité de la pensée, comme l'usage du
détecteur de mensonges (polygraphe) et la preuve par l'ADN. Par
conséquent, il est possible de considérer la preuve
émanant de ces moyens comme illégaux, à l'exception du
test ADN que la loi au Liban et en France a rendu légal. En droit
libanais, la loi n° 625 qui a été promulguée le
20/11/2004 sous le nom d'analyses génétiques humaines vient
combler un vide juridique dans cette matière. En droit libanais, la
personne intéressée a le droit de refuser un
prélèvement ADN. Le refus de prélèvement ADN n'est
pas sanctionné en droit libanais, mais la loi n° 625 doit subir une
réforme pour éclairer le but de l'utilisation du test d'ADN dans
la recherche de preuve pénale et préciser le rôle et la
compétence de l'autorité judiciaire permettant d'ordonner un test
d'ADN. La loi libanaise concernant l'ADN n'est pas en mesure de répondre
aux besoins de la recherche de preuve et en même temps ne consacre pas
une vraie protection des droits fondamentaux liée au test ADN.
Cependant, il est fréquent de s'interroger sur la légalité
d'obliger le suspect ou l'accusé à subir involontairement
l'examen de l'ADN, et la légalité de ce moyen, ainsi que
l'admission de la preuve qui en résulte, en dépit de la
permission légale d'utiliser la force afin de subir cet examen, qui est
d'ailleurs un abus sur la volonté de l'individu. Il est indispensable
que le législateur libanais exprime une volonté claire sur la
question de l'obligation du recours aux tests ADN en matière
pénale. Donc, il est nécessaire d'évoquer la
réforme de la loi sur les tests ADN en droit libanais. En droit
français, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 sur les infractions de
nature sexuelle et la
557
protection des mineurs victimes est venue combler le vide
juridique qui existait dans cette matière dans la procédure
pénale française et consacre cette technique en matière de
preuve. En droit français, le prélèvement peut être
effectué dans certains cas sans l'accord de l'intéressé et
le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique est
puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. Les lois des 15
novembre 2001, 18 mars 2003, 9 mars 2004 et 4 avril 2006 apportent quelques
retouches à la liste des infractions qui était limitée
à certaines infractions relatives aux infractions sexuelles dans la loi
du 18 juin 1998. Les trois lois postérieures prévoient
d'étendre la liste des infractions (loi 15 novembre 2001, loi 18 mars
2003 et loi 9 mars 2004). La liste des infractions selon l'article 706-55 du
CPP français en vigueur est vaste, il est souhaitable que le
législateur français abandonne un jour le système de la
liste des infractions pour utiliser un critère différent en se
basant sur le montant de la peine ou autre critère. Dans sa
décision n° 2010-25 QPC du 17 septembre 2010, le Conseil
constitutionnel a jugé que l'utilisation de la contrainte afin
d'effectuer un prélèvement biologique sans l'accord de
l'intéressé est conforme à la Constitution
française.
En ce qui concerne les éléments de preuve
obtenus par l'emploi de la narco-analyse (sérum de
vérité), la majorité de la doctrine française est
contre l'utilisation de ces procédés. Ce sujet n'attire pas
l'attention de la doctrine libanaise, mais généralement la
doctrine arabe est contre l'utilisation du sérum de vérité
en matière de preuve.
En ce qui concerne les éléments de preuve
obtenus sous hypnose, on remarque qu'en droit libanais, la question ne s'est
pas encore posée. En droit français, certains pénalistes,
comme Mme Coralie Ambroise-Castérot, se montrent fermes vis-à-vis
de l'utilisation de l'hypnose : la jurisprudence de la chambre criminelle de la
Cour de cassation française refuse l'utilisation de l'hypnose en
considérant que le juge d'instruction ne jouit pas d'une liberté
totale et absolue dans la recherche de preuve parce que l'article 81 du CPP
français apporte une limite à la liberté de la preuve qui
se caractérise par le principe de la légalité applicable
dans la procédure pénale qui fait que l'accord ou le consentement
libre et préalable de l'intéressé de se mettre
volontairement dans un état hypnotique ne rend pas l'acte conforme
à la légalité.
En ce qui concerne les éléments de preuve
obtenus par l'usage du détecteur de mensonges ou polygraphe, le Code de
procédure pénale libanais de même que le Code
français sont muets sur cette question, ce qui n'empêche pas la
doctrine française d'affirmer le rejet de ce moyen dans la recherche de
preuve. L'usage du détecteur de mensonges ou polygraphe n'occupe pas la
place qu'il mérite en droit libanais parce que la doctrine libanaise
néglige le traitement de cette question. Il serait
préférable que les législateurs libanais et
français adoptent des textes clairs dans le Code de procédure
pénale qui privent, empêchent et sanctionnent pénalement
l'emploi de l'hypnose, du sérum de vérité et du
détecteur de mensonges dans la recherche et
558
l'administration de la preuve pénale. Un
législateur qui refuse textuellement l'utilisation des
procédés comme l'hypnose, le sérum de vérité
et le détecteur de mensonges est un législateur soucieux du
respect des droits de l'homme.
429. Comment est-il possible d'évaluer l'application
effective du principe de la légalité de la preuve pénale ?
Il était nécessaire a priori de confirmer l'existence
réelle du principe de la légalité de la preuve
pénale. En droit libanais et en droit français, le principe de
légalité connaît une crise d'identité et d'existence
dans la procédure pénale, notamment en matière de preuve
pénale, contrairement à la situation de ce principe dans le droit
pénal. La légalité de la preuve pénale est l'un des
éléments du principe fondamental et général connu
sous l'appellation de la légalité criminelle, qui contient le
droit pénal dans ces deux aspects, de fond ou en d'autres termes le Code
pénal, et formel qui est présent dans le Code de procédure
pénale. La procédure pénale est en effet au service du
droit pénal. Par conséquent, le principe de la
légalité criminelle connu sous le nom du principe de la
légalité procédurale est appliqué également
aux procédures pénales conformément à plusieurs
affirmations doctrinales en France. En droit libanais, on peut trouver une
affirmation timide par quelques rares avis juridiques puisque ce principe
souffre d'une négligence remarquable de la part de la doctrine
libanaise. La légalité procédurale signifie que seul le
législateur possède le pouvoir de déterminer
minutieusement dans un texte clair et précis du Code de procédure
pénale les divers actes de procédure et les principes
généraux dès le début des différentes phases
de la procédure, depuis l'enquête jusqu'au jugement. À
cette fin, le Code de procédure pénale énumère les
atteintes aux libertés qui sont devenues nécessaires pour
l'efficacité de la répression généralement et
notamment pour la manifestation de la vérité. Ce sont des
atteintes légales autorisées par le législateur et
encadrées par le texte de loi. La légalité
procédurale interdit à l'autorité publique d'accomplir un
acte de procédure qui porte atteinte aux droits et libertés de la
personne, ou encore qui constitue une violation des principes
généraux de droit. Elle ne permet pas de revêtir ces actes
de légalité. À cet égard, le principe de la
légalité dans le droit pénal (légalité des
délits et des peines constitue) est le premier élément du
principe de la légalité criminelle, qui comprend également
un deuxième élément qui est le principe de la
légalité procédurale, et un troisième
élément connu sous le nom du principe de la
légalité de la preuve pénale. Évidemment, puisque
la légalité criminelle s'applique en droit pénal de forme,
c'est-à-dire dans la procédure pénale, il est logique de
considérer que la légalité criminelle s'applique encore en
matière de preuve pénale parce que la légalité
procédurale s'applique à la preuve pénale, qui constitue
l'un des sujets les plus importants du Code de procédure pénale,
dû à l'importance de la recherche de cette preuve. Cette
étude a cherché à montrer que le
559
principe de la légalité de la preuve
pénale existe bien, en soulignant que le principe de la
légalité criminelle qui est appliqué au Code pénal,
dont l'application sur les procédures pénales sous le nom du
« principe de la légalité procédurale »
est précédemment justifiée, il est ainsi à son tour
appliqué à la preuve pénale sous le nom du principe de la
« légalité de la preuve pénale ».
Étant donné la confirmation de l'existence d'un principe
négligé dans la loi, le principe de la légalité de
la preuve pénale, il est devenu nécessaire d'évaluer son
application effective en pratique dans les tribunaux par les juges en droit
libanais et en droit français. Cependant, il faut appliquer une
première condition avant l'évaluation de l'application effective
et pratique du principe de la légalité de la preuve
pénale. Il s'agit de l'évaluation de la valeur juridique de ce
principe en droit libanais, et également en droit français. Sans
doute, le principe de la légalité criminelle admet une valeur
juridique triple qui doit être une valeur commune à tous les
aspects du principe de légalité, notamment le principe de
légalité de la preuve pénale. En droit libanais et en
droit français, ces principes de légalité qui englobent le
principe de la légalité de preuve en matière pénale
ont une valeur législative, supra-législative et
constitutionnelle. La valeur juridique attribuée au principe de la
légalité de preuve en matière pénale dans notre
étude est la conséquence d'une longue synthèse faite sur
les différentes valeurs juridiques attribuées par la loi, la
jurisprudence et la doctrine libanaise et française au principe
général de la légalité criminelle qui est
consacré par plusieurs sources juridiques (constitution,
préambule, loi, convention ...) et revêt diverses valeur juridique
en droit libanais et en droit français.
430. La nullité de l'acte de procédure qui a
produit l'élément de preuve illégal est sans doute la
sanction procédurale la plus efficace qui assure la bonne application du
principe de la légalité de preuve pénale. Par
conséquent, il était nécessaire d'exposer et analyser dans
cette étude le régime des nullités en matière de
procédure pénale en droit libanais et droit français pour
évaluer la capacité de ces régimes des nullités
à appliquer une sanction procédurale proportionnelle à la
valeur juridique du principe de légalité violée.
Effectivement, la théorie des nullités en droit libanais et
français n'a pas pu assurer une bonne application du principe de la
légalité de la preuve pénale. D'abord, cette
théorie des nullités n'a pas pu sanctionner
l'illégalité de la preuve, parfois elle a pu sanctionner quelques
sortes d'illégalités de preuve produite par les autorités
publiques, mais ceci n'empêche pas de dire que même devant les
autorités publiques cette théorie n'a pas pu sanctionner
effectivement les divers cas d'illégalité de la preuve
pénale. Ensuite, les éléments de preuve produits par les
parties privées sont toujours exempts du principe de
légalité étant donné que ces preuves ne sont pas
considérées comme des actes de procédure pénale
pour que ces éléments de preuves soient sanctionnés par
560
la théorie des nullités. C'est ainsi que les
juges répressifs, conformément à une jurisprudence stable
de la chambre criminelle de la Cour de cassation française, refusent
d'écarter les moyens de preuve produits par les parties privées.
En outre, selon la règle générale dans la théorie
des nullités en droit français, le juge ne peut prononcer la
nullité s'il n'existe pas de grief selon l'expression «pas de
nullité sans grief». Le législateur français a
limité dans le Code de procédure pénale le champ
d'application de la théorie des nullités à la condition
d'existence de grief, ce dernier étant une condition de la
nullité. Il n'y aurait donc pas lieu à annulation sans grief
prouvé dans beaucoup de violations du principe de la
légalité de preuve parce que le grief en matière de
nullité est une notion floue, vaste, vague et indisciplinée. En
second lieu, la décision de mise en accusation a pour effet de purger la
procédure antérieure en droit français. L'article 181 du
CPP français précise que, lorsqu'elle est devenue
définitive, l'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe,
les vices de la procédure antérieure. Couvrir ou purger les vices
de légalité par un texte de loi clair comme dans le cas du Code
de procédure pénale française montre que le
législateur français a instauré une entrave juridique et
un obstacle à l'application effective du principe de
légalité de preuve pénale et a empêché la
théorie des nullités de sanctionner les éléments de
preuve illégaux.
431. En droit libanais, cette théorie des
nullités a rencontré plusieurs problèmes qui ont
empêché l'application effective de la sanction des violations des
formalités prévues par la loi qui assure une application efficace
du principe de la légalité de preuve pénale. D'abord, la
théorie des nullités en droit libanais souffre de l'absence de
critère solide, clair et stable dans le Code de procédure
pénale libanais et dans la jurisprudence qui peut servir pour distinguer
les différentes catégories de nullités. En droit libanais,
la notion de nullité d'ordre public est floue et il manque donc un
critère stable et clair de distinction pour qualifier avec
précision si la règle violée constitue une nullité
relative ou absolue et même si la nullité est d'ordre public ou
non. Donc, le problème en droit libanais est de trouver un concept et
une notion stables qui distinguent les différents cas de nullités
qui sont en relation avec le droit de la preuve pénale. Quant aux
nullités textuelles en droit libanais, les cas limitativement
énumérés dans le Code de procédure pénale
devraient être revus pour mettre fin aux lacunes et incertitudes qu'ils
entraînent. Le problème fondamental dans la théorie des
nullités en droit libanais réside dans la jurisprudence rigide et
stable de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise qui
considère qu'une décision de mise en accusation définitive
a pour effet de purger la procédure illégale et les causes de
nullités antérieures s'il en existe. L'arrêt de mise en
accusation de la chambre d'accusation purge les vices de nullités de la
procédure antérieure. La jurisprudence libanaise considère
que l'irréfutabilité de la décision de mise en accusation
définitive protège la preuve illégale de toute
nullité. Ceci rend difficile, voire impossible la sanction de la
preuve
561
illégale par la théorie des nullités, ce
qui est regrettable, car il faudrait au contraire donner à
l'accusé toutes les voies possibles pour exercer ses droits de
défense, notamment le droit de demander les nullités des
éléments de preuves illégaux jusqu'à la
dernière minute dans la plaidoirie devant le juge de fond.
Compte tenu de ce qui précède, la théorie
des nullités en droit libanais et en droit français est incapable
d'assurer une application effective et efficace du principe de
légalité de la preuve pénale. À cette fin, il est
nécessaire de développer la théorie de la nullité
en droit libanais et français pour donner au principe de
légalité de la preuve légale sa valeur réelle, en
utilisant d'autres modes et mécanismes légaux inédits dans
le but d'assurer l'efficacité de l'application du principe de
légalité de la preuve dans le domaine pénal pour assurer
toutes les garanties qui doivent être fournies par le principe de
légalité de preuve pénale. De surcroît, la
théorie des nullités en matière pénale des preuves
obtenues d'une manière illégale par les parties privées a
connu un échec tout à fait remarquable parce que la jurisprudence
de la chambre criminelle de la Cour de cassation française et
implicitement la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise ont
considéré que ces éléments de preuve
illégaux sont en dehors du champ d'application de la théorie de
nullités et ne sont susceptibles d'aucune annulation malgré
l'illégalité de ces preuves dans la mesure où la
jurisprudence ne qualifie pas d'acte de procédure les preuves obtenues
par les parties privées et ce qui constitue la raison de
l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière
illégale par la partie privée. On pourrait ajouter qu'un autre
argument plus général doit être mis en débat, celui
de l'absence de texte juridique permettant aux juges répressifs
d'écarter des moyens de preuve illégaux, donc une application
explicite de la liberté absolue du juge du fond d'apprécier
n'importe quelle preuve, même d'origine illégale, à
condition qu'elle soit débattue contradictoirement entre les parties
devant le juge. Ce qui précède va ouvrir le débat dans les
années qui viennent sur l'importance de trouver une solution autre que
la théorie des nullités pour contribuer à appliquer d'une
façon efficace le principe de légalité de la preuve
pénale. Dans cette thèse, nous avons proposé plusieurs
outils et mécanismes juridiques qui peuvent combler cette lacune et
manier de façon satisfaisante le principe de la légalité
de la preuve pénale en droit libanais et français comme la
question prioritaire de légalité qui est une proposition qui
mérite qu'on s'y intéresse parce qu'elle peut constituer un outil
juridique très important qui rendrait le principe de
légalité de la preuve pénale applicable en droit libanais
et français et contribuerait sans doute à humaniser la recherche
de la preuve pénale. La question prioritaire de légalité
que nous proposons est inspirée de la « question prioritaire de
constitutionnalité » qui est en vigueur en droit
français. Nous avons proposé dans cette thèse que la
question prioritaire de légalité soit un moyen pour chaque partie
au procès pénal d'exprimer son droit de demander la
nullité des
562
éléments de preuve illégaux du dossier de
l'affaire. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise et de la
Cour de cassation française seront seules compétentes pour
trancher la question de l'illégalité de la preuve sans juger
l'affaire (l'innocence ou la culpabilité). À cette fin, la
question prioritaire de légalité permet à la chambre
criminelle de la Cour de cassation d'examiner la légalité de la
preuve loin du juge du fond qui juge l'affaire et décide de l'innocence
ou la culpabilité, afin d'exclure tout acte de procédure ou
élément de preuve illégal, illicite ou déloyal
avant la clôture de la phase de jugement. La question prioritaire de
légalité offre des garanties essentielles qui contribuent
à assurer le droit à un procès équitable en
éloignant le juge du fond qui juge selon son intime conviction de la
question de la légalité de preuve pour garantir
l'impartialité intellectuelle du juge du fond face à la
fiabilité de la preuve illégale.
432. Y a-t-il une nécessité de réformer
le régime de nullité au Liban et en France ? Il apparaît
que le régime de nullité en vigueur en droit libanais et en droit
français est loin d'être satisfaisant et que seule une
réforme législative pourrait y remédier et être
efficace. Est-ce que l'application effective de la légalité
constitue un idéal qui ne peut pas être atteint ? Il est
nécessaire de développer la théorie de la nullité.
Le développement de la théorie de la nullité veut dire
l'orienter dans le sens où elle assimilerait un nombre plus grand et
plus précis de procédures pénales et
précisément les procédures qui produisent les
éléments de la preuve pénale. Il est souhaitable que les
législateurs libanais et français essaient d'inventer un
mécanisme juridique permettant au juge d'annuler un
élément de preuve obtenu d'une manière illégale et
détruire ainsi sa force probante. En droit libanais, il faut que le
législateur développe les cas des nullités textuelles,
définisse et détermine des critères d'évaluation
des cas de nullités d'ordre public et mette fin à la
jurisprudence établie qui considère que l'ordonnance de mise en
accusation purge les nullités antérieures concernant les
éléments de preuve obtenus illégalement. En droit
français, le législateur doit réformer le régime
actuel des nullités par la modification de la condition de preuve de
l'existence de grief pour la recevabilité de la demande de
nullité en déterminant une notion exacte et claire de grief
minimum ou même éliminer le grief comme condition pour sanctionner
par la nullité un acte de procédure. De surcroît, le
législateur français doit ouvrir le droit de demander la
nullité d'un acte de procédure illégal ou
irrégulier à n'importe quelle phase tout au long du procès
pénal en éliminant le système adopté «
purge les nullités antérieures ». Une telle
réforme nous paraît être le minimum nécessaire en vue
de corriger les défauts du régime actuel.
La théorie des nullités en droit libanais et en
droit français peut être reformée d'une manière
claire et efficace par la transformation de la théorie
générale des nullités vers une
563
théorie de la nullité de la preuve
pénale. Ce mécanisme juridique peut traiter les problèmes
de la légalité de la preuve pénale d'une manière
stricte et directe à travers des textes de loi spéciaux qui
visent à sanctionner par la nullité la preuve obtenue d'une
manière illégale.
433. Nous avons proposé dans cette étude aux
législateurs libanais et français d'ajouter dans le Code de
procédure pénale libanais et dans le Code de procédure
pénale français, un texte qui ajouterait une nouvelle cause de
cassation qui serait le « fondement de la décision sur une
preuve illégale ». Un tel texte pourrait garantir une
application efficace du principe de la légalité de preuve
pénale en considérant que fonder une décision sur la base
d'un élément de preuve illégal est une violation des
droits de procédure substantiels qui ouvrent le droit à la
cassation.
434. Mme le professeur Michèle-Laure
Rassat a déjà proposé en 1997 dans les « propositions
de réformes de la procédure pénale », une
reformulation d'un article du Code de procédure pénale
français de la façon suivante: « La preuve pénale
est libre. Sont toutefois irrecevables les éléments de preuve
recueillis au moyen d'infractions pénales. Un élément de
preuve n'est, d'autre part, recevable qu'autant que la procédure
prévue pour son recollement a été intégralement et
régulièrement respectée et que la mise en oeuvre de cette
procédure ne porte pas atteinte à la dignité de la
personne humaine ». Cette proposition est valable et efficace pour
mettre fin au vide juridique qui existe en droit libanais et en droit
français qui concerne l'exclusion des éléments de preuve
illégaux. De même, cette proposition de Mme le professeur
Michèle-Laure Rassat mettrait fin à la jurisprudence de la
chambre criminelle de la Cour de cassation française qui refuse
d'exclure les éléments de preuve illégaux pour l'absence
de texte juridique. Également, si le législateur libanais prenait
en compte cette proposition de réforme, cela aurait pour effet de
paralyser la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui
refuse d'exclure les éléments de preuve illégaux pour
l'absence d'un texte juridique clair et explicite qui motive l'exclusion de
preuve dans un système de liberté d'appréciation de preuve
ou d'intime conviction du juge. En définitive, la proposition du
professeur Michèle-Laure Rassat contribue au renforcement de
l'application du principe de la légalité de la preuve
pénale.
435. L'application effective et efficace du principe de
légalité de la preuve en matière pénale peut avoir
une conséquence choquante qui est « une dispense de peine
» ou « le rejet de la peine » si la preuve
illégale exclue du dossier est la seule preuve qui existe dans le
dossier et que la force et la fiabilité de cette preuve sont la seule
manière d'établir une vérité même
entachée d'illégalité. Pour justifier les outils et
mécanismes juridiques que nous proposons et qui ont dans certains cas
pour effet « une dispense de peine » résultant de
l'exclusion d'un élément de preuve de culpabilité fiable,
nous avons eu recours aux différents
564
arguments traditionnels de la doctrine libanaise et de la
doctrine française qui justifient l'admission de la théorie et
des règles de la prescription de l'action publique dans le Code de
procédure pénale français et libanais, de la prescription
de la peine et de l'amnistie générale ou spéciale.
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22-23-24 octobre 2001.
Saad Georges : « La réception des
droits de l'homme en droit administratif libanais », in J. Ferrand, H.
Petit et collectif , Mises en oeuvre des droits de l'homme, Colloque
international organisé à l'Université Pierre
Mendès-France (Grenoble 2), Faculté de droit, Centre Historique
et Juridique des Droits de l'Homme 2001, L'Odyssée des droits de l'homme
Grenoble - 2223-24 octobre 2001, t. 2 L'odyssée des droits de
l'homme, L'Harmattan, Paris, 2004.
Seuvic Jean-François : « Force ou
faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », in
Cycle Procédure pénale 2006, Troisième
conférence 16 mars 2006 : « La constitutionnalisation du droit
pénal a un double contenu, relevant d'une part d'une
constitutionnalisation formelle et d'autre part, d'une constitutionnalisation
substantielle » :Disponible sur le site officiel de la Cour de
cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques
activites formation 4/2006 55/intervention m. seu vic 9574.html
594
Sourioux Jean-Louis : « Le concept de
principe général », in Les dénominateurs communs
entre les principes généraux du droit musulman et des droits des
pays arabes et les principes généraux du droit français,
v. spec. p. 1, Conférence prononcée au Centre
d'études des droits du monde arabe, Colloque sur « Les
dénominateurs communs entre les principes généraux du
droit musulman et des droits des pays arabes et les principes
généraux du droit français », à Beyrouth
(Liban), le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ. Université
Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA.
Centre d'études des droits du monde arabe, à
Beyrouth (Liban), disponible en ligne sur:
http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/sourioux.pdf
Trevidic Marc : « La recherche de la
preuve en droit français », in La preuve au coeur du
débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise
contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque
du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques
(a.f.d.d.).
Notes et observations :
Bonfils Philippe: « Loyauté de la
preuve et droit au procès équitable », Note sous Cass. 2e
civ., 7 octobre 2004, in D., 13 janvier 2005, n° 2, juris., p.
122.
Buisson Jacques : « Perquisitions :
Pouvoirs de l'officier de police judiciaire. Constatation d'une infraction
prévue par une loi spéciale », Note sous Cass. crim., 25
juin 2003, M., non publié, in R.S.C., 2004, p. 424.
Buisson Jacques : « Principe de
loyauté dans la recherche des preuves et constat des infractions »,
Note sous Cass. Crim., 6 mai 2002, in R.S.C., 2003, pp. 393 et s.
Enderlin C. S. : « Recevabilité
d'une preuve illicite ou illégale en matière civile et
pénale », Note sous Cass. civ., 7 octobre 2004, n° 03-12.653
in AJ Pénal., 2005, p. 30.
F. Fourment : « Du principe de
loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et
pénale », Note sous
Cass. com., Ass. plén. 7 janv.
2011, in D., 24 février 2011, n° 8, p. 562.
Filniez Robert : « Loyauté et
liberté des preuves », note sous Cass. crim., 31 janvier 2007,
n° 06-82.383 et Cass. crim., 7 février 2007, n° 06-87.753 in
R.S.C., 2007, pp. 331 et s.
Fourment François : « Atteinte au
principe de loyauté des preuves et au droit à un procès
équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008, in JCP G,
n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009. Guéry Christian :
« Écoutes téléphoniques et participation
policière », Note sous Cass. Crim., 27 février 1996,
B.C., 1996, n° 93, p. 273, in D., 1996, pp. 346 et s.
Mascala Corinne : « Le juge
répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve
produits par les parties même obtenus de manière illicite ou
déloyale », Note sous Cass. crim., 15 juin 1993, B.C.,
n°210, in D., 1994, jurisprudence p. 613.
Matsopoulou Haritini : « Un
revirement jurisprudentiel favorable à l'admission des nullités
», Note sous Cass. crim., 6 sept. 2006, n°
06-84.869, in JCP. G., n°19, 9 Mai 2007, II 10081.
Monnet Yves : Note sous Cass. Crim., 23
octobre 2002, in Gaz.Pal., 05 août 2003, n° 217, p. 12.
Roussel Gildas : « Liberté de la
preuve des fraudes communautaires », Note sous Cass. crim., 19 nov.2008,
pourvoi n° 07-82.789, in AJ pénal, 2009, p. 75.
595
Vergès Etienne : « Rigueur du
formalisme procédural et respect du droit au procès
équitable », observations sous CEDH 26 juillet 2007 Walchi c/
France, in R.P.D.P., 2007-4, p. 893. Vitu André :
« Le principe de la légalité criminelle et la
nécessité de textes clairs et précis », Observations
sous Cass.crim. 1er février 1990, in R.S.C., 1991, p. 555.
596
Index de la jurisprudence citée
I. Arrêts de la Cour européennes des droits
de l'homme (classement par ordre chronologique)
CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni,
Requête n° 5310/71.
CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times C/ Royaume-Uni,
Requête n° 6538/74.
CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c/. Suisse, Requête
n° 10862/84.
CEDH, 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, Requête
n° 10519/83.
CEDH, 6 décembre 1988, Barbara, Massegue et Jabardo c/
Espagne, Requête n° 10588/83,
10589/83 et 10590/83.
CEDH, 20 novembre 1989, Kostovski c/ Pays-Bas,
Requête n°11454/85.
CEDH, 24 avril 1990 Huvig c/ France, Requête
n°11105/84.
CEDH, 24 avril 1990 Kruslin c/ France, Requête
n°11801/85.
CEDH, 27 septembre 1990, Windish, série A,
n° 186.
CEDH, 19 décembre 1990, Delta c/ France,
Requête n°11444/85.
CEDH, 27 août 1992, Tomasi c/ France,
Requête n° 12850/87.
CEDH, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin Well Women C/
Irlande, Requête n°14234/88
et 14235/88.
CEDH 25 février1993, Funke c/ France,
Requête 10828/84.
CEDH, 22 novembre 1995, C.R. c / Royaume-Uni,
Requête n° 20190/92.
CEDH, 4 décembre 1995, Ribitsch c/Autriche,
Requête n° 18896/91.
CEDH, (Grande Chambre) 15 novembre 1996, Cantoni c/
France, n° 45/1995/551/637
CEDH, 17 décembre 1996, Saunders c/ Royaume-Uni,
Requête n° 19187/91.
CEDH, 23 avril 1997, Van Mechelen et autres c/ Pays-Bas,
n ° 21363/93.
CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de
Turquie et autres c/ Turquie,
133/1996/752/951.
CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal,
Requête n° 44/1997/828/1034.
CEDH, 9 juin 1998, Tekin Yildiz c/ Turquie,
Requête n° 22913/04.
CEDH, 28 juillet 1999, Selmouni c/ France, Requête
n° 25803/94.
CEDH, 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal et Gonzalez et
autres c/ France, Requêtes jointes
n° 24846/94 et 34165/96 à 34173/96.
CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, Requête
n° 35394/97.
CEDH, 5 novembre 2002, Allan c. Royaume-Uni,
Requête n° 48539/99.
CEDH, 22 juillet 2003, Edwards et Lewis c/ Royaume-Uni,
Requête n° 39647/98 et 40461/98.
CEDH, 7 septembre 2004, Eurofinacom c/ France,
Requête n° 58753/00.
CEDH, 1 avril 2005, Rivas c/ France, Requête
n° 59584/00.
CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni,
Requête n° 44787/98.
CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne,
Requête n°54810/00.
CEDH, 26 juillet 2007, Walchi c/ France, Requête
n° 35787/03.
CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie,
Requête n° 74420/01.
CEDH, 28 février 2008, Saadi c/ Italie,
Requête n° 37201/06.
CEDH, 4 décembre 2008, Marper c/ Royaume-Uni,
Requêtes n° 30562/04 et 30566/04.
597
CEDH, 19 décembre 2009, Delta c/. France,
Requête n°11444/85. CEDH, 5 avril 2012, Chambaz c/ Suisse,
Requête 11663/04.
Le Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie (TPIY) :
Jugement rendu le 10 décembre 1988 dans l'affaire
Furundúija, affaire n° : IT-95-17/1-T.
II. Décisions du Conseil constitutionnel
français (classement par ordre chronologique)
DC., n° 73-51 du 27 décembre 1973 (Loi de
finances).
DC., n° 80-127 des 19 et 20 janvier 1981, (Loi
renforçant la sécurité et protégeant la
liberté
des personnes)
DC., n° 81-132 du 16 janvier 1982 (Loi de
nationalisation).
DC., n° 84-181 du 10 octobre 1984.
DC., n° 85-197 du 23 août 1985, Loi sur
l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.
DC., n° 86-213 du 3 septembre 1986 sur la loi relative
à la lutte contre le terrorisme et aux
atteintes à la sûreté de l'État.
DC., n° 94-343/344 du 27 juillet 1994.
DC., n° 98-408 du 22 janvier 1999.
DC., n° 2003-467 du 13 mars 2003.
DC., n° 2004-492 du 02 mars 2004, J O du 10 mars
2004, p. 4637.
DC., n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010.
DC., n° 2010-25 QPC du 17 septembre 2010.
III. Les décisions les plus importantes du
Conseil d'État français.
CE Ass., 6 juin 1997, Aquarone, requête n° 148683. CE
Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres
IV. Grandes décisions judiciaires (classement par
ordre chronologique) Arrêts de la chambre criminelle de la Cour de
Cassation française :
Cass. crim., 12 juin 1952, B.C., 1952, n° 153, p.
258. Cass. crim., 17 novembre 1965, B.C., n° 239. Cass. crim., 15
décembre 1970, B.C., n 338, p. 826. Cass. crim., 2 mars 1971,
B.C., n° 71, p. 183. Cass. crim., 16 mars 1972, B.C.,
n° 108, p. 263. Cass. crim., 3 juin 1975, B. C., n°141,
p. 382. Cass. crim., 6 août 1977, B.C., n° 276, p. 691.
Cass. crim., 2 octobre 1979, B.C., n° 266, p. 722.
598
Cass. crim., 9 octobre 1980, B.C., n° 55.
Cass. crim., 9 octobre 1980, B.C., n° 255.
Cass. crim., 27 mai 1981, B.C., n° 175.
Cass. crim., 17 juillet 1984, B.C., n° 259.
Cass. crim., 27 septembre 1984., B.C., n°
275.
Cass. crim., 23 juillet 1985, B.C., n° 275.
Cass. crim., 18 novembre 1986, B.C., n° 345, p.
901.
Cass. crim., 26 avril 1987, B.C., n° 173.
Cass. crim., 28 avril 1987, B.C., n° 173, p.
462.
Cass. crim., 23 juin 1987, B.C., n° 260, p.
705.
Cass. crim., 17 octobre 1988, B.C., n° 347, p.
934.
Cass. crim., 13 juin 1989, B.C., n° 254, p.
634.
Cass. crim., 19 juin 1989, B.C., n° 261, p.
648.
Cass. crim., 27 février 1990, B.C., n°
96, p. 251.
Cass. crim., 4 avril 1990, Non publié au bulletin,
N° de pourvoi: 90-80126.
Cass. crim., 15 mai 1990, B.C., n° 193, p.
490.
Cass. crim., 17 juillet 1990, B.C., n° 286, p.
724.
Cass. crim., 26 novembre 1990, B.C., n° 401, p.
1008.
Cass. crim., 26 février 1991, B.C., n°
97, p. 242.
Cass. crim., 2 juillet 1991, B.C., n° 290, p.
739.
Cass. crim., 17 octobre 1991.
Cass. crim., 11 février 1992, B.C., n°
66, p. 166.
Cass. crim., 9 mars 1992, B. C., n° 103, p.
267.
Cass. crim., 10 mars 1992, B.C., n° 105, p.
272.
Cass. crim., 22 avril 1992, B.C., n° 169, p.
441.
Cass. crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p.
744.
Cass. crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p.
744.
Cass. crim., 15 juin 1993, B.C., n° 210, p.
530.
Cass. crim., 6 avril 1994, B.C., n° 136, p.
302.
Cass. crim., 22 juin 1994, B.C., n° 247, p.
592.
Cass. crim., 27 février 1996, B.C., n°
93, p. 273.
Cass. crim. 17 septembre 1996, B.C., n° 316.
Cass. crim., 19 février 1997, B.C., n°
66, p. 211.
Cass. crim., 16 décembre 1997, B.C., n°
427, p. 1402.
Cass. crim., 19 janvier 1999, B.C., n° 9, p.
17.
Cass. crim., 24 mars 1999, B.C., n° 55, p.
135.
Cass. crim., 30 mars 1999, B.C., n° 59, p.
144.
Cass. crim., 22 juin 1999, B.C., n° 141, p.
382.
Cass. crim., 23 novembre 1999, B.C., n° 269, p.
840.
Cass. crim., 15 février 2000, B.C., n°
70, p. 193.
Cass. crim., 12 septembre 2000, B.C., n° 265, p.
780.
Cass. crim., 27 septembre 2000, B. C., n 283, p.
837.
Cass. crim., 12 décembre 2000, B.C., n°
369, p. 113.
Cass. crim., 28 novembre 2001, B.C., n° 248, p.
823.
Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p.
482.
Cass. crim., 11 septembre 2002, B.C., n° 161, p.
559.
Cass. crim., 25 février 2003, B.C., n°
50.
Cass. crim., 14 octobre 2003, B.C., n° 187, p.
773.
Cass. crim., 6 janvier 2004, B C., n° 1, p.
1.
Cass. crim., 6 janvier 2004, B.C., n° 2, p.
4.
Cass. crim., 11 mai 2006, B.C., n° 132, p.
482.
Cass. crim., 9 août 2006, B.C., n° 202, p.
721
Cass. crim., 31 janvier 2007, B.C., n 27, p. 100.
Cass. crim., le 7 février 2007, B.C., n°
37.
Cass. crim., 13 mars 2007, B.C., n° 80, p.
397.
Cass. crim., 3 avril 2007, B.C., n° 103, p.
500.
Cass. crim., 24 avril 2007, B.C., n 108, p. 516.
Cass. crim., 3 octobre 2007, B.C., n° 237
Cass. crim., 30 octobre 2007, B.C., n° 260.
Cass. crim., 13 février 2008, B.C., n°
40, p. 149.
Cass. crim., 4 juin 2008, B.C., n° 141.
Cass. crim., 10 juin 2009, B.C., n° 119.
Cass. crim., 19 janvier 2010, B.C., n° 12.
Cass. crim., 27 janvier 2010, B.C., n° 16.
Cass. crim., 12 octobre 2010, B.C., n° 156.
Cass. crim., 31 janvier 2012, inédit, N° de
pourvoi: 11-85464.
Cass. crim., 31 janvier 2012, inédit, n° de
pourvoi: 11-85464.
Cass. crim., 7 mars 2012, B.C., n° 64.
Cass. crim., 5 octobre 2012, B.C., n° 147.
Cass. crim., 16 janvier 2013, B.C., N° de
pourvoi: 11-83689.
Cass. crim., 16 janvier 2013, B.C., N° de
pourvoi: 12-81199.
Chambre civile de la Cour de cassation
française :
1- Cass. civ. 1er 27 avril 1977, B.C.,
n° 192, p. 151.
2- Cass. civ. 2/ 7 octobre 2004, B.C., ci. n/247.
Ass plénière de la Cour de Cassation
française:
1- Cass. Ass. plén. 7 janv. 2011, Bulletin 2011,
Assemblée plénière, n° 1.
2- arrêt Wilson (loyauté) : La Cour de cassation
française, toutes chambres assemblées, constituée en
Conseil supérieur de la magistrature, 31 janvier 1888.
3- Cass. Ass. Plen., 2 juin 2000, B.C., n° 4, p.
7.
Arrêt de la Chambre d'accusation :
599
- Lyon, ch.acc., 19 janv.1996.
600
Jurisprudence en droit libanais :
Décisions du Conseil judiciaire Libanais (ou
Conseil de justice) en langue arabe:
Décision du Conseil judiciaire Libanais du 12/4/1994
(affaire : les 2 frères Antonios). Décision du Conseil judiciaire
Libanais du 19/10/1994 (affaire : Omran Mouayta).
Décision du Conseil judiciaire Libanais du 24/6/1995
(l'affaire de l'assassinat de M. Dani Chamoun) : Le juge-président M.
Phillipe Khairallah, juge-assesseur M. Hikmat Harmouch, juge-assesseur m.
Kassoufs, juge-assesseur M. Zein et juge-assesseur M. Kawwasse.
Décision du Conseil judiciaire Libanais du
25/6/1999(l'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre M. Rachid
Karami en 1987). Le juge-président Mounir Honein, juge-assesseur Ahmad
al-Moallem, juge-assesseur Hussein Zein, juge-assesseur Ghassan Abou Alwan et
juge-assesseur Ralph Riachy.
Conseil Constitutionnel libanais :
C.C. lib., n 3/19995,18 septembre 1995.
C.C. lib., n° 2/1996, 3 Avril 1996.
C.C. lib., n° 4/1996, 7 août 1996.
C.C. lib., n° 1997-1, 12 septembre 1997, JO 1997,
n° 44, p. 3203 et s.
C.C. lib., n° 1997-2,12 Septembre 1997, JO 1997,
n° 44, pp. 3205-3210.
C.C. lib., n° 1999-2, 24 novembre 1999(relative au droit au
secret des communications), JO
1999, n° 57, p. 3375.
C.C. lib., n° 2000-4, 22 juin 2000, JO 2000,
n° 28, p. 2225.
C.C. lib., n° 2000-5, 27 juin 2000, JO 2000,
n° 28, p. 2228.
C.C. lib., n° 2001-1, 10 mai 2001, JO 2001, n°
24, p. 1794.
C.C. lib., n° 2001-2, 10 mai 2001, JO 2001, n°
24, pp. 1797-1798.
C.C. lib., 21 novembre 2003 (relative aux droits des travailleurs
des raffineries de Tripoli et
du Zahrani, postérieurement à la privatisation de
celles-ci), J.O. n° 55 du 4 décembre 2003, p.
6395.
Arrêts de la chambre criminelle de la Cour de
cassation libanaise en langue arabe:
1- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 151 du 11/06/1952,
cité dans l'ouvrage de M. Samir Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
son rétablissement , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 14.Cass.
crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise, arrêt n° 131 du 08/03/1955.
2- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 108 du 11/05/1962,
Cité dans l'ouvrage de M. S. Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
sa re-création , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, Beyrouth, 1990, p.
20.
3-
601
Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la
Cour de cassation libanaise, arrêt n° 279 du 18/06/1964, cité
dans l'ouvrage de M. Samir Alya, Encyclopédie des décisions
de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
sa re-création , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 20.
4- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 163 du 24/03/1966,
cité dans l'ouvrage de M. Samir Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
sa re-création , l'établissement universitaire des
études, de l'édition et de la distribution, 1990, pp. 19-20.
5- Cass. crim lib., arrêt de la 4e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 141 du
02/07/1968, cité dans l'ouvrage de M. Samir Alya,
Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale
des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours
de vingt années de sa re-création :1950-1970,
l'établissement universitaire des études, de
l'édition et de la distribution, 1990, p. 19.
6- Cass. crim lib., arrêt de la 5e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 218 du
29/04/1974, cité dans l'ouvrage de Mme Ph. Nasr, Les principes des
procès pénaux. Étude comparative et
d'analyse, Sader Éditeurs, Beyrouth, p. 391.
7- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 144/97 du
03/06/1997 (constituée du président Ahmed Almouallem et les deux
conseillers M. Elias Nammour et M. Nouhad Mourtadha).
8- Cass. crim lib., arrêt de la Chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 45 du 22/1/1998, in J.
Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 1996-1999,
1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth, 2000,
n° 50, p. 81.
9- Cass. crim lib., arrêt de la 7e Chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 145 du
30/4/1998, in Les arrêts de la Chambre criminelle,
Éditions juridiques Sader, 1998, p. 896.
10- Cass. crim lib., arrêt de la 7e Chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 38 du
23/02/1999, in Les arrêts des Chambres criminelles de la Cour de
cassation pour l'année 1999, éd. Sader, p. 304.
11- Cass. crim lib., arrêt de la 3e Chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 152 du
23/6/1999, in Les arrêts de la Chambre criminelle,
Éditions juridiques Sader, 1999, p. 163.
12- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanais, arrêt n° 325 du 02/08/2000.
13- Cass. crim lib., arrêt de la 6e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 1 du
03/01/2002 (Président : Ralph Riyashi, Conseillers : Khodhor Zenhour et
Borkan Saâd) / cité dans l'ouvrage de M. Afif Shamsiddine,
Classification annuelle dans les affaires criminelles, jurisprudence de
2002, p. 137.
14- Cass. crim lib., arrêt de la 6e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 1 du
03/01/2002 (Président : Ralph Riyashi, Conseillers : Khodhor Zenhour et
Borkan Saâd,) cité dans l'ouvrage de M. Afif Shamsiddine,
Jurisprudence criminelle 2003, pp. 389-390.
15- Cass. crim lib., arrêt de la 6e Chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 219 du
5/8/2003, in Les arrêts de la Chambre criminelle,
Éditions juridiques Sader, 2003, pp. 447.
16-
602
Cass. crim lib., arrêt de la Chambre criminelle de la
Cour de cassation libanaise, arrêt n° 185 du 15/06/2006 (affaire
Awde/ Moallim).
17- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 138 du 28/06/2007.
18- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 182 du
27/07/2002 (Président : Ahmed Almâallem, Conseillers : Samir Matar
et Assem Safieddine ), cité dans l'ouvrage de M. Afif Shamsiddine,
Classification annuelle dans les affaires criminelles, jurisprudence de
2002, pp. 114-115.
19- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 481 du 3/12/1964,
publiée dans l'encyclopédie de M. Samir Alia des jurisprudences
de cassation n° 304, p. 84.
20- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 1 du 05/01/2006 dans
l'affaire Ministère public c/ Yaghi, (la chambre criminelle de la Cour
de cassation du libanaise est composée du: président M. Labib
Zwein et les conseillers Mme Alice Chabtini Alaam et M. Elias Nayfeh).
21- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 3 du 09/01/2007 dans
l'affaire Dib/ ministère public (Composée du : Président
M. Ralph Rayashi, et les conseillers M. Ghassan Fawaz, M. Malek Saaibi).
22- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 43 du 27/2/2007
(Composée du: Président M. Ralph Rayashi et les conseillers M.
Ghassan Fawaz et M. Malek Saaibi).
23- Cass. crim lib., arrêt de la 5e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 1 du
29/3/2000 dans l'affaire Abdullah et Salloum c/ ministère public.(la
Cour de cassation libanaise Composée du: Président M. Afif
Chamseddine et les conseillers M. Anthony Elias Khouri, M. Issa Abdallah).
24- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 106 du 20/07/1999 dans
l'affaire Abid c/ ministère public (Composée du Président
M. Ralph Rayashi et des conseillers M. Samir Aalia et M. Joseph Samaha).
25- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la
Cour de cassation libanaise, arrêt n° 104 du 28/04/1999 dans
l'affaire Majzoub et ministère public c/ Mustafa et ses collègues
(la Cour est composée du Président Afif Shamseddin et les
conseillers M. Elias Abdullah et M. Fouad Gaâgaâ).
26- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 58 du
06/02/2002,cité dans l'ouvrage de M. Afif Chamseddine, Le
classificateur annuel dans les affaires pénales. Jurisprudence
2002, p. 124.
27- Cass. crim lib., arrêt de la 6e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 74 du
19/03/2002 ( la Cour est composée du président M. Ralph Riadi et
les conseillers M. Khodr Zanhour et M. Borkane Saad), cité dans
l'ouvrage de M. Afif Chamseddine, Le classificateur annuel dans les
affaires pénales. Jurisprudence 2002, p. 131.
28- Cass. crim lib., arrêt de la 1er chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt du 02/02/2006, (la
Cour est composée du président M. Labib Zouein et les conseillers
M. Sami Abdallah et M. Elias Naifeh), cité dans l'ouvrage de M. Afif
Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales.
Classification des jurisprudences publiées en 2006, Beyrouth 2007,
p. 122.
29- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n°, n° 219 du 05/08/2003
dans l'affaire Kechlan & c/ministère public (la Cour est
composée du
603
président M. Ralph Riachi, et les conseillers M. Khoder
Zanhour et M. Borkane Saad) in Sader Cassation-Pénal, 2003, pp.
447 et s., V. précisément p. 451.
30- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n°: (la Cour est
composée du président M. Afif Chams Eddine et les conseillers M.
Elias AbdAllah et M. Fouad Jaajaa). n° 296 du 04/11/1998 dans l'affaire
Materji c/ Chaaban eet ministère public.
31- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 38 du
23/02/1999 dans l'affaire Arris/ Al Ahmad et ministère public (la Cour
est composée du président M. Ralph Riachi et les conseillers M.
Samir Alia et M. Joseph Samaha), cité dans l'ouvrage de M. Peter.
Germanus, Le crime, théâtre et scène,
édition 2009, p. 442, et in Sader cassation-pénale 1999,
p. 304).
32- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 259 du
26/12/2001 dans l'affaire Nassif c/ministère public et l'état du
Liban, (la Cour est composée du président M. Ahmad Moallim et les
conseillers M. Samir Matar et M. Assem Safiyeddine), cité dans l'ouvrage
de M. Petert Germanus, Le crime, théâtre et scène,
édition 2009, p. 442, et in Sader cassation-pénale 2000,
p. 1163).
33- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 45 du 22/01/1998 (la Cour
est composée du président M. Ahmad Moaallem), in J. Bsaybess,
Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er
éd., 2000, n° 50, p. 81.
34- Cass. crim lib., arrêt de la 6e chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 59 du
19/02/2004 dans l'affaire Al Majzoub et Mahmoud c/ ministère public (la
Cour est composée du président M. Ralph Riachi et les conseillers
M. Khodor Zanhour et M. Borkane Saad), in Sader Cassation- pénal
2004, p. 510.
Cour criminelle libanaise en langue arabe :
1- Cour criminelle du Mont du Liban, décision n°
54, procès n° 471 du 08/03/1988, in J. Bsaybess, Jurisprudence
des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader,1997, n° 61, pp. 36-37.
2- Cour criminelle du Mont du Liban, procès n 106 du
19/12/1992, in J. Bsyabess, Jurisprudence des tribunaux criminels
1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader,
1997, n° 11, pp. 14-15.
3- Cour criminelle de Beyrouth, (président de la cour
M. Labib Zouein), procès du 20/11/1995, in J. Bsaybes, Jurisprudence
des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd.,
Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 268, p. 176.
4- Cour criminelle du Mont Liban, procès n° 42 du
05/01/1997, (Président de la Cour : M. Hatem Madhi) in J. Bsaybiss,
La jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999,
1e éd., Sader Éditeurs, Beyrouth, 2000, n° 173,
p. 281.
5- Cour criminelle du Mont du Liban, (le président M.
Hatem Madi), décision du 06/01/1997, in J. Bsaybess, Jurisprudence
des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000,
n° 51, p. 82.
6- Cour criminelle du Mont Liban, (Président de la
Cour M. Hatem Madi), décision du 03/11/1997 in J. Bsaybiss, La
jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999, 1e
éd., Sader Éditeurs, Beyrouth, 2000, n° 54, p. 86.
7- Cour criminelle du Mont Liban, procès n° 30 du
01/01/1998, le Président de la Cour M. Hatem Madhi), in J. Bsaybiss,
La jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999, 1er
éd., Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2000, n° 171, pp.
278-279.
8-
604
Cour criminelle du Mont du Liban (Dérogation du
conseiller M. Jean Bsaybess), décision du 22/06/1999, procès Abi
Chaker/Maalouf et compagnons, in J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux
criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 45, p.
75.
9- Cour criminelle du Sud Liban (la Cour est composée
du premier président M. Said Mirza, et les conseillers M. Hafez Eid et
M. Mohammad Badran). Décision du 31/05/2001.
10- Cour criminelle du Mont du Liban, jugement n° 249 du
28/04/2004, in J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 2000-2004,
Éditions Juridiques Sader, n° 11, p. 21. Cour criminelle du Mont du
Liban, décision n° 74 du 31/05/2001, in J. Bsaybess,
Jurisprudence des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions
Juridiques Sader, n° 2, p. 21.
11- Cour criminelle du Mont Liban, procès n° 78
du 24/2/2004, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle
2000-2004, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2005, n° 4.
Juge unique pénal (droit libanais) :
Juge unique pénal de Kesrouan, le President Maroun
Zakhour, dans la résolution n° 66/99 datant du 10/03/1993, dans
l'affaire Abou Eid contre Saliba.
Juge d'instruction (droit libanais) :
Juge d'instruction au mont Liban, dans la décision du
05/02/1995 dans l'affaire du décès de l'enfant (Nathali
Dabbas).
Cour d'appel libanaise :
Cour d'appel des délits du Mont-Liban dans sa
délibération n° 128/96 du 20/03/1996 (La Cour d'appel des
délits du Mont-Liban qui était constituée du
Président Abdellatif Al Huseini, Fayez Matar et Ghada Aoun).
Chambre d'accusation (droit libanais) :
Chambre d'accusation (la chambre est composée du
Président M. Ralph Riyashi, les deux conseillers: M. Albert kwamagi et
M. Madi Mattran), procès n° 262/1995, décision n°
354/1995 in R. Riyashi, Recueil de la jurisprudence de la chambre
d'accusation, applications pratiques de la règle de droit, Dar
Elhadhara , édition et impression, Société Ezzeddine pour
l'imprimerie et l'édition, Beyrouth, 1997, Préface du juge
Philippe Kairallah.
Arrêts étrangers :
Égypte :
Cour criminelle de Tanta, séance du 28 Juin 1907,
recueil officiel de l'année 28, n° 115, p. 210.
Cour de cassation criminelle Égyptienne, pourvoi
numéro 4684 année 1958, bureau technique, p. 819, date
02/11/1989.
605
Index
|
- fondamental · 3, 107, 157, 158, 187, 200,
309, 349, 381, 405.
- fondamentaux · 3, 49, 51, 56, 58, 59, 66,
70,
71, 75, 76, 77, 87, 91, 152, 159, 162, 167,
|
A
|
ADN · 41, 159, 297, 306, 307, 308, 309,
310,
|
173, 197, 203, 231, 236, 241, 256, 259,
|
275,
|
311, 312, 313, 314, 315, 316, 318, 319, 322,
324,
|
277, 278, 279, 282, 305, 309, 316, 331,
|
332,
|
556.
|
338, 339, 341, 346, 347, 362, 363, 367,
|
371,
|
|
373, 379, 380, 379, 381, 382, 383, 384,
|
385,
|
agents infiltrés · 135, 136.
|
386, 387, 388, 389, 391, 393, 394, 396,
405, 411, 438, 477, 489, 495, 520, 524,
|
404,
525,
|
|
541, 542, 549, 550, 556.
|
|
B
|
|
|
|
Droits de la défense:
|
|
bande organisée · 146, 147, 208.
|
- égalité des armes · 4, 6,
26, 27, 66,
|
180,
|
|
181, 363, 448,449, 473, 474.
|
|
|
-auto-incriminer · 303, 311, 317.
|
|
C
|
|
|
Constitution:
-bloc · 42, 365, 379, 382, 384, 385,
404,
|
Droit pénal:
-dangerosité · 40, 141, 142, 145,
155, 208.
|
406, 407, 473.
|
-de l'ennemi · 40, 141, 142, 143, 145,
155.
|
|
-constitutionnalisation · 42,
|
161,
|
328,
|
362,
|
|
|
|
|
363,
|
364, 365, 381.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
-Préambule · 42, 363, 365, 374, 375,
376,
|
Débat:
|
|
|
|
377,
|
378, 380, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 388,
|
- contradictoire · 18, 30, 32,
33,
|
38, 40,
|
66,
|
391,
|
392, 394, 401, 404,
|
405,
|
406,
|
408,
|
559.
|
|
81, 88, 156, 157, 161, 169, 180, 181,
|
182, 183,
|
|
|
|
|
|
|
|
228, 464, 468,
|
528, 548, 551.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
-oral · 169,
|
177, 454, 468, 545.
|
|
coercition · 41, 65, 215, 216, 219, 226,
240,
|
|
|
|
241,
|
243, 248, 249, 253,
|
255,
|
260,
|
261,
|
262,
|
263,
|
dignité humaine · 39, 40, 50,
54,
|
56, 59, 77,
|
264,
|
266, 267, 268, 269,
|
270,
|
271,
|
272,
|
323,
|
458,
|
83, 84, 85, 86,
|
88, 157, 159, 167, 188, 225, 226,
|
459,
|
501, 504, 505, 506,
|
508,
|
529,
|
531,
|
552,
|
555.
|
227, 257, 258,
|
277, 283, 294, 297, 302, 309,
|
313,
|
|
|
|
|
|
|
|
323, 326, 354,
552, 555.
|
358, 438, 485, 506, 539, 545,
|
551,
|
E
Couverture:
-juridique · 51, 139.
-légale · 122, 134, 196, 221,
284.
|
|
Engagements internationaux:
|
|
|
D
|
|
- Charte · 42, 94, 123, 194,
|
363, 367,
|
368,
|
|
|
379, 375, 378, 381, 396, 406.
|
|
|
|
Droit (droits):
|
-convention · 6, 7, 42, 57,
|
59, 77, 80,
|
81,
|
84, 85, 92, 94, 96, 106, 107, 111, 126, 130,
134,
606
135,
|
136,
|
138,
|
148,
|
156,
|
164,
|
166,
|
172,
|
174,
|
186,
|
188,
|
189,
|
196,
|
197,
|
198,
|
199,
|
205,
|
220,
|
221,
|
225,
|
244,
|
245,
|
246,
|
247,
|
249,
|
251,
|
253,
|
254,
|
256,
|
257,
|
258,
|
259,
|
260,
|
265,
|
275,
|
281,
|
296,
|
301,
|
304,
|
309,
|
322,
|
341,
|
342,
|
353,
|
362,
|
363,
|
365,
|
366,
|
367,
|
368,
|
369,
|
371,
|
372,
|
373,
|
375,
|
376,
|
377,
|
378,
|
385,
|
386,
|
392,
|
393,
|
394,
|
395,
|
396,
|
397,
|
398,
|
399,
|
401,
|
402,
|
404,
|
407,
|
408,
|
462,
|
467,
|
468,
|
469,
|
473,
|
474,
|
495,
|
496,
|
497,
|
498,
|
499,
|
500,
|
534,
|
540,
|
552,
|
555,559.
|
|
-conventionnalisation · 42, 161, 328, 362,
363, 364.
-Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 · 368, 369, 392, 404, 405, 406, 407,.
-Déclaration universelle des droits de
l'homme · 77, 186, 187, 202, 213, 244, 368, 369,
370, 371, 374, 375, 380, 381,383, 384, 385, 386, 388,
389, 391, 392, 393, 394, 404.
-Pacte · 77, 121, 172, 173, 174, 186,
187m
194, 244, 256, 303, 370, 371, 374, 375, 378,
380,
381, 382, 384, 385, 386, 389, 392, 393, 397, 404.
-traité · 370, 373, 374, 375, 376, 377, 378,
382, 389, 391, 392, 395, 396, 397, 399, 400, 401, 403.,
405, 406, 491.
Enregistrement :
-audio · 40, 188, 193, 209, 213, 214, 216,
217, 218, 219, 224, 450.
- bande magnétique · 30, 209, 212,
213,
215, 217, 219, 464, 482, 555.
- clandestin · 40, 200, 212,
464.
- écoute · 5, 30, 40, 79, 82, 108,
126, 127,
146, 148, 159, 188, 189, 190, 191, 192, 193,
194,
195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203,
204,
205, 206, 207, 208, 209, 210, 217, 220, 221,
224,
354, 426, 482, 498, 551, 554.
F
fixation d'images · 222.
G
grief ·: 30, 84, 134, 407, 418, 425, 427,
429,
430, 434, 436, 443, 444, 445, 446, 466, 513,
525,
526, 528, 545, 546, 560, 562. J
Juge:
- pouvoir discrétionnaire · 420,
421, 422, 427, 428, 492, 522, 523, 546.
-appréciation souveraine · 8, 67,
464, 492, 493, 531.
L
-légalite formelle: 55, 59, 69, 71, 78, 79, 81,
82,
87, 88, 163, 165, 294, 338, 550, 551, 553, 554.
-légalité matérielle
:· 54, 78, 83, 86, 87, 88,
99, 294, 348, 403, 550, 551, 552.
M
Modèle procédural:
-procédure accusatoire · 16, 17,
18, 19, 21, 24, 169, 173, 177.
-procédure inquisitoire · 17, 19,
21, 23,
24, 25, 169.
-système accusatoire · 16, 17,
18, 20, 21, 22, 23, 25, 26.
-système inquisitoire · 16, 17,
19, 20, 21, 22, 23, 25.
-système mixte · 22, 23, 26.
Moyen de preuve:
- polygraphe · 41, 57, 76, 85,
298, 299, 300, 301, 342, 556, 557.
|
226,
|
281,
|
297,
|
- hypnose · 41, 54, 62, 80,
81,
|
108,
|
225,
|
226,
|
239, 276, 279, 281, 287, 288,
|
289,
|
290,
|
291,
|
292,
|
293, 294, 295, 296, 300, 301,
|
324,
|
556,
|
557,
|
558.
|
- Narco-analyse · 41, 85,
|
158,
|
225,
|
247,
|
|
277, 278, 279, 280, 281, 282,
|
284,
|
285,
|
286,
|
557.
|
- Empreinte génétique
·
|
306,
|
307,
|
308,
|
309,
|
310, 311, 312, 313, 315, 319,
|
321.
|
|
|
|
- détecteur de mensonges · 76,
108, 159,
276,
|
277,
|
281,
|
297,
|
298,
|
298, 299,
|
300,
|
301,
|
302,
|
303,
|
304,
|
305,
|
306,
|
324,
|
538, 556,
|
557,
|
558.
|
|
- Sérum de vérité ·
41, 57, 76,
|
159,
|
247,
|
277,
|
278,
|
279,
|
280,
|
281,
|
282,
|
283, 284,
|
285,
|
286,
|
297,
|
324,
|
342,
|
556,
|
557,
|
558.
|
|
|
|
|
N
Nullité (théorie de
nullité):
-nullité absolue · 434, 435, 436, 437,
438, 439, 441, 442, 504, 525.
-nullité de la preuve · 409, 416,
419, 450,
474, 512, 518, 521, 528, 529, 563.
-nullité d'ordre privé · 437, 446,
545. -nullités d'ordre privé · 418, 436,
440.
-nullité d'ordre public · 435,
436, 437, 439, 443, 560.
-nullité liée à l'ordre public
· 435, 436,
437.
-nullité relative · 434, 435, 438,
440, 441, 442, 526, 560.
-nullité substantielle · 419, 421,
423, 424,
427, 428, 429, 430, 431, 433, 434, 444, 483, 484, 525,
526.
-nullités substantielles · 42,
411, 418, 419,
427, 428, 429, 430, 432, 434, 444, 483.
-nullité textuelle · 419, 420, 421,
422, 423,
424, 425, 426, 427, 431, 445, 446, 484, 503, 525,
526.
-nullités textuelles · 42, 411, 418,
419,
420, 421, 422, 425, 426, 429, 430, 434, 444, 446, 546,
560, 562.
-nullité virtuelle · 418, 419, 427,
429.
P
Pouvoir législatif:
- réforme ·: 20, 22, 24, 27, 43,
53, 81, 111,
146, 150, 247, 272, 293, 304, 382, 418, 468,
530,
534, 535, 555, 556, 562, 563.
-légiférer ·: 71, 194,
534.
-consécration législative ·
31, 32, 36, 96,
109, 110, 111, 154, 548, 554.
Preuve:
-déloyale · 87, 114, 115, 116, 118,
120, 139,
141, 155, 481, 487, 490, 553.
-loyauté de preuve · 89, 93, 95, 96,
98, 99,
103, 103, 104, 105, 106, 108, 109, 110, 111,
112,
115, 116, 118, 125, 138, 140, 152, 170, 190.
Preuve illégale:
-écarte · 114, 115, 141, 465, 466, 467,
481,
488, 489, 490, 491, 500, 501, 506, 510, 522, 540, 547, 553.
-filtrage des preuves · 529, 530, 547.
-illégale · 40, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 50,
52,
59, 66, 74, 79, 80, 82, 83, 108, 11, 119, 129,
137,
|
138,
|
139,
|
144,
|
156,
|
157,
|
158,
|
160,
|
161,
|
163,
|
165,
|
166,
|
168,
|
169,
|
186,
|
191,
|
192,
|
193,
|
194,
|
195,
|
196,
|
201,
|
218,
|
223,
|
224,
|
226,
|
243,
|
244,
|
249,
|
255,
|
263,
|
265,
|
266,
|
270,
|
272,
|
289,
|
312,
|
324,
|
327,
|
409,
|
410,
|
411,
|
412,
|
416,
|
417,
|
418,
|
420,
|
428,
|
434,
|
448,
|
449,
|
450,
|
451,
|
452,
|
453,
|
454,
|
455,
|
456,
|
458,
|
459,
|
460,
|
461,
|
462,
|
463,
|
464,
|
465,
|
466,
|
467,
|
468,
|
469,
|
470,
|
471,
|
472,
|
474,
|
475,
|
476,
|
477,
|
478,
|
479,
|
480,
|
481,
|
482,
|
484,
|
485,
|
486,
|
487,
|
488,
|
489,
|
490,
|
491,
|
492,
|
493,
|
494,
|
495,
|
496,
|
497,
|
500,
|
501,
|
502,
|
503,
|
504,
|
505,
|
506,
|
509,
|
510,
|
511,
|
512,
|
514,
|
515,
|
517,
|
518,
|
519,
|
522,
|
523,
|
525,
|
526,
|
527,
|
529,
|
530,
|
531,
|
533,
|
534,
|
536,
|
538,
|
539,
|
540,
|
541,
|
542,
|
545,
|
546,
|
547,
|
551,
|
553,
|
555,
|
560, 561, 562,
|
563.
|
|
|
|
|
-exclure · 43, 44, 236, 450, 462, 468,
470,
|
484,
|
488, 489, 490, 491, 515, 522, 529,
|
539, 540,
|
546,
|
547,
|
563.
|
|
|
|
|
|
|
|
- illégalité (de la preuve)
· 38, 40,
|
50, 69,
|
80, 83, 157, 158, 159, 160, 161, 163, 168,
169,
|
195,
|
223,
|
236,
|
305,
|
410,
|
411,
|
414,
|
450,
|
451,
|
453,
|
454,
|
456,
|
461,
|
463,
|
468,
|
477,
|
479,
|
490,
|
496,
|
501,
|
|
502,
|
503,
|
504,
|
505,
|
506,
|
508,
|
509,
|
510,
|
511,
|
515,
|
517,
|
518,
|
521,
|
522,
|
524,
|
525,
|
526,
|
529,
|
530,
|
531,
|
539,
|
543,
|
547,
|
553,
|
554,
|
559,
|
561,
|
562.
|
|
|
Provocations policières : ·
-provocation à l'infraction · 127, 128,
129, 130, 131, 135, 137, 139, 152.
-provocation à la commission d'infraction
·
130, 131, 139.
-provocation à la commission d'une infraction
· 107, 127, 128, 129, 130, 131, 132,
133, 134, 137, 138, 155.
-provocation à la preuve · 125,
127, 128, 129,
131, 132, 133, 135, 137, 155.
R
Ruse · 4, 53, 86, 90, 91, 98, 101, 103,
105,
117, 118, 123, 124, 125, 126, 127, 132, 155,
158,
214, 226, 234, 260, 263, 264, 555.
607
S
Stratagème · 30,
|
86,
|
90, 91, 97, 98, 101, 103,
|
105,
|
107,
|
118,
|
123,
|
124,
|
125,
|
126, 130, 132, 138,
|
155,
|
196,
|
198,
|
199,
|
439,
|
440.
|
|
T
Terrorisme :· 85, 121, 122, 140, 142,
143,
144,
|
145,
|
146,
|
147,
|
149, 150,
|
153, 155, 208,
|
222,
|
259,
|
300,
|
318,
|
553.
|
|
|
|
|
|
|
Torture ·: 6, 8, 57, 58, 59, 71, 76, 83,
84,
|
91,
|
108,
|
159,
|
174,
|
208,
|
219,
|
225,
|
226,
|
236,
|
237,
|
243,
|
244,
|
245,
|
246,
|
247,
|
248,
|
249,
|
250,
|
251,
|
252,
|
253,
|
254,
|
255,
|
256,
|
257,
|
258,
|
259,
|
261,
|
265,
|
266,
|
268,
|
269,
|
271,
|
273,
|
282,
|
283,
|
285,
|
289,
|
294,
|
301,
|
305,
|
318, 323, 324, 342, 358, 389, 499, 506,
507,508,
608
509, 531, 538, 541, 552, 555, 556.
Tromperie · 39, 89, 123, 124, 125, 155, 226, 234,
236, 263, 265, 294.
V
Valeur juridique:
-valeur constitutionnelle ·3, 68, 320,
378,
379, 380, 382, 383, 384, 385, 386, 388, 399,
400,
403, 404, 405, 406, 407, 408.
- valeur supra-législative · 107,
373, 376,
377, 378, 393, 401, 402, 408. -infra-constitutionnelle
· 373, 378
vérité judiciaire: · 12, 13, 15, 21,
47, 81, 162, 449.
609
Table des matières
INTRODUCTION 1
PARTIE I 45
LA NOTION DE LÉGALITÉ DE LA PREUVE
45
TITRE I 53
LÉGALITÉ, LOYAUTÉ ET LA
LIBERTÉ DE LA PREUVE 53
Chapitre I 56
La légalité, un outil d'encadrement du
principe de la liberté de preuve 56
Section I 61
La légalité, une limite normale à la
liberté de la preuve 61
§ 1. La légalité, une limite à
l'arbitraire de la liberté de la preuve 62
A. La légalité souffre d'une
ambiguïté remarquable 63
B. La légalité tend à limiter
l'arbitraire de la liberté de preuve 65
C. La légalité va réduire
strictement la liberté de preuve 67
§ 2. La légalité, une garantie
procédurale substantielle 69
A. Encadrement par la loi des mesures portant atteinte aux
droits fondamentaux
70
B. Nécessité d'encadrer la recherche de la
preuve pénale par la loi 71
Section II 73
La légalité, frein au caractère
absolu de la liberté de la preuve 73
. § 1. Légalité formelle.
78
A. Les formalités substantielles. 79
B. Les principes directeurs relatifs à la preuve.
81
C. La liberté de la preuve au regard du respect
de la vie privée. 82
610
§ 2. Légalité
matérielle. 83
A. Le respect absolu de la dignité humaine dans
la recherche de la preuve 83
B. La liberté de la preuve limitée par le
respect du principe de la loyauté. 86
Conclusion chapitre 1 87
Chapitre II 89
La loyauté de la preuve en lien avec la
légalité de la preuve 89
Section I 93
Un principe fondamental controversé 93
§ 1. La genèse du principe de la
loyauté de la preuve. 100
A. La loyauté, un principe purement
jurisprudentiel. 103
B. Les visas fondant le principe de
loyauté. 106
§ 2. La faiblesse du principe de loyauté de
la preuve. 109
A. L'absence de consécration législative
expresse du principe de loyauté. 110
B. L'application stricte de la liberté de preuve
opposée à la loyauté. 112
C. Application variable du principe de
loyauté. 115
Section II 121
Duel ou affrontement entre respect de la loyauté
et efficacité dans la recherche des
preuves 121
§ 1. La fin ne justifiant pas les moyens.
122
A. La tromperie dans la constitution de la
preuve. 123
B. La loyauté interdisant la provocation
policière. 126
C. La distinction entre différentes
catégories ou différents types de
provocations. 129
§ 2. La fin justifiant les moyens. 139
A. L'émergence de la notion de preuve
pénale de la dangerosité ou de l'ennemi.
141
B. La nécessité de nouveaux outils
d'administration de la preuve non ordinaire
pour certaines infractions graves. 147
Conclusion chapitre 2 153
611
TITRE II 156
NOTION DE PREUVE ILLÉGALE 156
Chapitre I 160
Preuve entachée d'une illégalité
formelle 160
Section I. Les procédés de preuve portant
atteinte à la légalité procédurale.
161
§ 1. Preuve illégale résultant de
l'inobservation de la loi. 161
A. L'absence de base légale. 163
B. La violation d'une formalité substantielle.
164
C. L'illégalité résultant de la
violation des conditions fixant les actes de
recherche des preuves strictement
réglementée 167
§ 2. Preuve portant atteinte au droit à un
procès équitable 168
A. La violation du principe de la publicité des
débats judiciaires. 171
B. La violation du principe de l'oralité des
débats de la procédure de jugement.
175
C. La violation du principe du débat
contradictoire de la procédure du
jugement. 180
Section II 186
Les procédés de preuves portant atteinte
à l'intimité de la vie privée 186
§ 1. Preuve obtenue par la mise sur écoute de
conversations téléphoniques. 189
A. La nécessité d'une
réglementation légale des écoutes
téléphoniques. 190
B. L'encadrement légal des écoutes
téléphoniques judiciaires en droit libanais et
français. 200
§ 2. : Preuve obtenue au moyen d'un enregistrement
par magnétophone. 208
A. Enregistrement des déclarations des
accusés à leur insu au moyen d'un
magnétophone. 210
B. L'utilisation de la bande magnétique dans le
domaine pénal. 214
Conclusion du Chapitre I 223
Chapitre II 225
Preuve entachée d'une illégalité
matérielle 225
Section I 227
612
Les procédés de preuves attentatoires
à la dignité humaine et à la liberté
individuelle
227
§ 1. La légalité de la preuve par aveu
en matière pénale. 228
A. Notion d'aveu en procédure pénale.
229
B. Conditions de recevabilité de l'aveu comme
moyen de preuve en justice. 236
§ 2. L'illégalité des aveux fruit des
actes illégaux. 243
A. Aveu arraché par la violence ou la
contrainte. 244
. B. Aveu obtenu sous la contrainte morale et la
ruse. 260
C. Position de la jurisprudence libanaise par rapport
à l'aveu obtenu sous
l'influence de la coercition et la violence.
264
Section II 274
La question de la légalité des
procédés scientifiques 274
§ 1. Moyens d'obtenir la preuve qui vise à
affaiblir et anéantir la volonté. 277
A. Preuve obtenue de l'emploi de la narco-analyse
(sérum de vérité). 277
B. Eléments de preuve obtenue sous
hypnose. 287
§ 2. Preuve attentatoire à
l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de
la
pensée. 297
A. Preuve obtenue par l'usage du détecteur de
mensonges ou polygraphe. 297
B. Recevabilité de la preuve acquise
d'identification par ADN. 306
Conclusion du Chapitre II 323
PARTIE II 326
LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ
DE LA PREUVE 326
TITRE I 328
VERS UNE RECONNAISSANCE DU PRINCIPE DE
LÉGALITÉ 328
Chapitre I 329
Tentative d'affirmation de l'existence du principe de la
légalité des moyens de
preuve 329
Section I 335
Les différents aspects du principe de la
légalité criminelle 335
§ 1. La légalité criminelle
appliquée à la procédure pénale. 336
A. 613
La doctrine française sur l'existence du principe
de la légalité procédurale.
337
B. La doctrine libanaise sur l'existence du principe de
la légalité procédurale.
339
C. La doctrine européenne implicite sur
l'existence du principe de la légalité
procédurale. 341
§ 2. La reconnaissance du principe de
légalité procédurale. 342
A. La procédure pénale, complément
naturel du droit pénal. 343
B. La légalité procédurale, pierre
angulaire de l'État de droit. 348
Section II 352
La légalité criminelle appliquée en
matière de preuve pénale 352
§ 1. Légalité procédurale
appliquée en matière de preuve pénale. 353
A. L'application des principes de procédure
pénale en matière de preuve. 354
B. La légalité procédurale
applicable à la preuve pénale. 355
C. La preuve pénale, l'essence de la
procédure pénale. 356
§ 2. Reconnaissance du principe de
légalité de la preuve pénale. 357
A. La liberté de la preuve limitée par la
légalité. 358
B. La nécessité d'un encadrement légal
pour chaque procédé de recherche de
preuve qui porte une atteinte à la liberté
individuelle et à la vie privée. 359
Conclusion du chapitre I 360
Chapitre II 362
Vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation
du droit de la preuve 362
Section I 368
Les fondements conventionnels et constitutionnels de la
légalité de preuve en droit
libanais 368
§ 1. Jalons pour une valeur supra-législative
en droit libanais. 373
A. La Constitution libanaise et l'impact de la Charte
internationale des droits de
l'homme. 373
B. Les principes à valeur
supra-législative en droit libanais. 376
§ 2. Jalons pour une valeur constitutionnelle en
droit libanais. 379
A.
614
La valeur constitutionnelle du Préambule de la
Constitution libanaise. 380
B. Le principe de légalité et la
théorie du bloc de constitutionnalité en droit
libanais. 384
Section II 391
Les fondements conventionnels et constitutionnels de la
légalité de preuve en droit
français 391
§ 1. Jalons pour une valeur supra-législative
en droit français. 393
A. L'impact des normes européennes sur le droit
français. 396
B. La valeur supra-législative du principe de
légalité en droit français. 401
§ 2. Jalons pour une valeur constitutionnelle en
droit français. 403
A. Principe d'origine constitutionnelle. 403
B. Valeur constitutionnelle du Préambule de la
Constitution française. 405
Conclusion du chapitre II 408
TITRE II 409
SANCTIONS DES PREUVES ILLÉGALES ET ILLICITES DANS
LE PROCÈS PÉNAL 409
Chapitre I 411
La multiplication des sanctions des preuves
illégales 411
Section I 416
L'interaction des nullités des actes de
procédure avec les règles de l'exclusion de la
preuve 416
§ 1. Les règles variables de l'exclusion de
la preuve illégale en fonction de la
détermination du type de nullité.
418
A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité textuelle. 419
B. La position des législateurs libanais et
français vis-à-vis des théories de
nullité
textuelle. 423
C. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité substantielle 427
§ 2. Les règles variables de l'exclusion de
la preuve illégale en fonction de la
détermination de la nature de nullité.
434
A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité absolue. 434
B. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité relative. 440
615
Section II 448
Les règles variables de la recevabilité
de la preuve en fonction de l'auteur de la
preuve 448
§ 1. Éléments de preuve
illégale fournie par le plaignant et la victime ou preuves
illégales de culpabilité 452
A. La recevabilité de la preuve illégale
de culpabilité produite par un particulier
en droit libanais. 454
B. La recevabilité de la preuve illégale
de culpabilité produite par un particulier
en droit français. 460
§ 2. Preuves illégales fournies par
l'accusé ou preuves illégales d'innocence. 471
A. Le droit de l'accusé de faire valoir ses
preuves pour prouver son innocence.
472
B. - Le droit de l'accusé de démontrer son
innocence sur la base d'une preuve
illégale. 474
Conclusion du chapitre I 483
Chapitre II 486
L'admission nuancée de la preuve illégale
486
Section I 487
Le traitement de la preuve illégale
487
§ 1. Les raisons de l'admission de la preuve
illégale. 487
A. L'absence d'un texte de loi permetant aux juges
répressifs d'écarter ou
d'exclure la preuve illégale. 489
B. Le pouvoir discrétionnaire du juge de
négliger ou d'admettre les preuves
illégales. 492
§ 2. La sanction contrastée de la preuve
illégale. 500
A. Essai d'élaboration des critères
justifiant l'exclusion de la preuve illégale. 501
B. Essai d'élaboration des critères
justifiant l'admission de la preuve illégale.
510
Section II 521
La modernisation des moyens et des mécanismes
juridiques afin de consacrer une
application effective du principe de la
légalité de preuve 521
616
§ 1. Développement du système de
nullité ou théorie de l'annulation dans les
procédures pénales. 524
A. La nécessité de se concentrer sur les
procédures qui sont en rapport direct
avec la preuve pénale. 526
B. La résolution du problème de la preuve
illégale produite par les parties
privées. 527
C. Vers une théorie de la nullité de la
preuve pénale. 528
§ 2. Réforme et instauration d'un nouveau cas
d'ouverture à cassation. 530
A. Proposition visant à ajouter une nouvelle
cause de cassation. 532
B. Proposition de réforme par Mme
Michèle-Laure Rassat. 534
C. Le rejet de la sanction. 539
Conclusion du chapitre II 545
Conclusion générale 548
Bibliographie 565
Index de la jurisprudence citée 596
Index 605
Table de des matières 609
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