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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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M. Ali Ataya

Thèse présentée en vue de l'obtention du

grade de Docteur de l'Université du Maine

sous le label de L'Université Le Mans

École doctorale : ÉCOLE DOCTORALE Droit et Science politique« PIERRE

COUVRAT »(POITIERS)-ED 88.

Discipline : CNU "01-Droit privé et sciences criminelles"

Unité de recherche : EA 4333 THEMIS UNIVERSITE DU MAINE (THEMIS-UM).

Adresse : UFR Droit et Sciences Économiques, Université du Maine - Avenue Olivier

Messiaen - 72 085 LE MANS Cedex 9.

Soutenue le 27 novembre 2013

Thèse N° : 19592

La légalité des moyens de preuve dans le

procès pénal en droit français et libanais.

JURY

Directeur de Thèse : Mme Valérie LASSERRE-KIESOW, Professeur à l'Université du Maine.

Rapporteurs : M. Édouard VERNY, Professeur à l'Université de Rennes, Doyen de la Faculté de

Droit et science politique de l'Université de Rennes 1.

M. Sylvain JACOPIN, Maître de conférences (HDR) à l'Université de Caen -- Basse-Normandie.

Examinateurs : Mme Rana CHAABAN, Maître de conférences à l'Université du Maine.

Ali Ataya

La légalité des moyens de preuves dans le procès pénal en droit français et libanais.

The legality of forms of evidence in the criminal process in french and lebanese law.

Résumé

Que se passe-t-il si une preuve pénale a été recueillie en violation de la loi ou sans respecter les règles de procédure et les principes généraux? Est-il possible ou interdit d'utiliser cette preuve en justice ? Voici une question délicate et compliquée qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. La preuve illégale, qui a fait l'objet d'innombrables débats, demeure à ce jour discutable et n'est pas encore tranchée. L'action pénale ou publique vise à élucider la vérité. Pour ce faire, il est nécessaire d'avoir une preuve confirmant la commission de l'infraction et son attribution à son auteur. La recherche de la preuve pénale est assujettie au principe de la liberté de la preuve. Toutefois, la liberté de la preuve et la recherche de la preuve pénale n'est pas une liberté absolue et illimitée, car il est indispensable de concilier l'intérêt de la société pour l'élucidation de l'infraction et son auteur afin d'aboutir à la vérité, d'une part, pour mettre en oeuvre le droit de l'État de recourir à la peine. D'autre part, il est interdit la mise à profit des moyens de preuve qui constituent une atteinte à la liberté des individus et à leur sécurité corporelle sous couvert de la liberté de preuve. A cet effet, la théorie de la légalité de la preuve pénale a vu le jour car l'élucidation de la vérité ne peut avoir lieu par l'utilisation d'un moyen illégal dans un État de droit. Le principe de la légalité de la preuve pénale est, en fait, un principe négligé dans la loi (le droit). De plus, des doutes sont émis à propos de son existence réelle dans le système juridique. La présente étude ambitionne d'affirmer et de confirmer l'existence du principe de légalité de la preuve pénale en droit libanais et français à travers la définition d'un concept précis et stable du principe de légalité de la preuve pénale et l'étude de sa relation avec le principe de loyauté de la preuve pénale et la mise en exergue des différents aspects caractérisant le principe de légalité de la preuve, le principe de loyauté de la preuve et le degré de leur corrélation ; d'où la nécessité de distinguer la preuve illégale moyennant la définition d'un concept précis de la preuve illégale dans la preuve pénale, en recouvrant toutes les violations des règles substantielles, des règles procédurales et tous les moyens de preuve illégaux. Après la définition du principe de légalité de la preuve pénale et la notion de la preuve illégale, nous passons dans la présente étude à la recherche de l'exécution ou l'application pratique du principe de légalité de la preuve pénale au Liban et en France. Partant de ce principe, nous avons tenté d'apporter une contribution rigoureuse à la confirmation de l'existence du principe de légalité de la preuve pénale, ainsi que la démonstration de sa valeur légale en droit libanais et français. Par la suite, nous avons étudié le sort de cette preuve illégale et l'évaluation des systèmes de nullité adoptés au Liban et en France, le degré de leur efficacité et la mise en oeuvre effective du principe de légalité de la preuve pour répondre à la problématique principale de cette étude, c'est-à-dire que le principe de légalité de la preuve pénale correspond à un vif besoin qui impose un appui législatif au Liban et en France afin de consacrer la mise en oeuvre effective de ce principe. La consécration législative du principe de légalité de la preuve pénale avec une sanction procédurale innovante constitue le seul moyen de vaincre la position de la jurisprudence, laquelle s'efforce d'affaiblir le principe de légalité de la preuve pénale et de marginaliser ce principe. D'où la nécessité urgente et indispensable d'innover une nouvelle technique et des outils juridiques qui permettent d'exclure la preuve illégale.

Mots clés: Loyauté, Liberté, Preuve, Légalité, Liban, France, sanction, Nullité, Procédure.

Abstract

What happens if a criminal evidence has been obtained in violation of law or with disregard for the procedural rules and the general principles? Is it possible or forbidden to use such an evidence in court? This constitutes, indeed, a complicated and a tricky question that has already been widely discussed. The illegal evidence, which was subject to many debates, remains still questionable and not yet solved. The criminal or public action aims at clarifying the truth. Therefore, it is necessary to have an evidence to confirm the commission of offence and its imputation to its perpetrator. The search for criminal evidence is subject to the principle of freedom of evidence. Yet, the freedom of evidence and the search for the criminal evidence is not an absolute and unrestricted freedom, for it is vital to reconcile the society's interest in order to clear the offence and its perpetrator to reach the truth, in the one hand, and to implement the right of the State to resort to punishment. Besides, it is prohibited to put to use the forms of evidence which represent an infringement of freedom of individuals and their personal safety under the freedom of proof. To that end, the theory of legality of criminal evidence saw the light of the day since the clarification of the truth cannot happen through the use of an illegal means in a State of law.

The principle of legality of criminal evidence is, basically, a principle neglected in the law. Moreover, there are some doubts as far as its real existence in the legal system is concerned. This very study is aimed for asserting and confirming that the principle of legality of criminal evidence exists, indeed, both in the Lebanese and French laws through the definition of a specific and stable concept of the principle of legality of criminal evidence, the study of its relationship with the principle of loyalty of criminal evidence in addition to the emphasis on the various aspects characterizing the principle of legality of evidence, the principle of loyalty of evidence and the level of their interrelationship ; hence the need for distinguishing illegal evidence via the definition of a specific concept of illegal evidence in the criminal evidence, by covering the whole violations of substantive rules, procedural rules as well as all forms of illegal evidence. After the definition of the principle of legality of criminal evidence and the concept of illegal evidence, we move on, in this study, to the search for the implementation or the practical application of the principle of legality of criminal evidence in Lebanon and France. Based on this principle, we have tried to bring a strict contribution to the confirmation that the principle of legality of criminal evidence exists indeed, besides, we have proved its legal value in the Lebanese and French laws. Afterwards, we have examined the destiny of this illegal evidence and the assessment of systems of invalidity adopted in Lebanon and France, the level of their efficiency and the effective implementation of the principle of legality of evidence so as to answer the main issue of this study, otherwise said the principle of legality of criminal evidence meets a vital need that requires a legislative support in Lebanon and France in a bid to devote the effective implementation of this principle. The legislative recognition of the principle of legality of criminal evidence with an innovative procedural sanction is the only means for convincing the stance of jurisprudence, which strives for weakening the principle of criminal evidence and for marginalizing it. Thus, there is an urgent and vital need for innovating a new technique and legal tools likely to exclude illegal evidence.

Key Words: loyalty, freedom, evidence, legality, Lebanon, France, Sanction, Nullity, Procedure.

L'Université Le Mans

L'université du Maine n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

II

Dédicace

À mes parents, Hoda et Wehbi, voici le fruit de tant d'années d'étude. Merci pour votre amour et support inconditionnel.

III

Remerciements

Mes remerciements s'adressent en tout premier lieu à Madame le Professeur Valérie Lasserre-Kiesow, ma directrice de thèse, pour son aide à l'élaboration de cette thèse, sa disponibilité, ses remarques stimulantes, pour ses conseils, ses réflexions, et ses discussions que nous avons pu échanger durant la thèse et qui m'ont guidé et éclairé durant ces années de recherche.

Je remercie M. le Professeur Édouard Verny, Doyen de la Faculté de droit et de science politique de l'Université Rennes I et M. Sylvain Jacopin, Maître de conférences (HDR) à l'Université de Caen Basse-Normandie, de m'avoir fait l'honneur d'accepter d'être rapporteurs de cette thèse. Je remercie également Mme Rana Chaaban, Maître de conférences à l'Université du Maine, de me faire l'honneur de participer à mon jury de thèse.

Bien entendu, je remercie ma famille (Wehbi, Hoda, Mohammad, Christine, Zeina et Karim), pour leur irremplaçable et inconditionnel soutien.

Un merci spécial pour des amis extraordinaires (Mojtaba Mortada, Ali Chokor, Sami Alawiye, Ali Atwi, Ali Slim, Doreid Ghader « Dodo », Nader Yaacoub, Hussein Dbouk, Hassan Dbouk, Ali Alaaeddine, Hussein Nassrallah, Mohamad Ali chokr, Rana choker ...

Merci enfin aux personnels de la bibliothèque universitaire du Maine pour leur disponibilité.

IV

Résumé et mots-clés - Abstract and keywords

Résumé en français :

Que se passe-t-il si une preuve pénale a été recueillie en violation de la loi ou sans respecter les règles de procédure et les principes généraux? Est-il possible ou interdit d'utiliser cette preuve en justice ? Voici une question délicate et compliquée qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. La preuve illégale, qui a fait l'objet d'innombrables débats, demeure à ce jour discutable et n'est pas encore tranchée. L'action pénale ou publique vise à élucider la vérité. Pour ce faire, il est nécessaire d'avoir une preuve confirmant la commission de l'infraction et son attribution à son auteur. La recherche de la preuve pénale est assujettie au principe de la liberté de la preuve. Toutefois, la liberté de la preuve et la recherche de la preuve pénale n'est pas une liberté absolue et illimitée, car il est indispensable de concilier l'intérêt de la société pour l'élucidation de l'infraction et son auteur afin d'aboutir à la vérité, d'une part, pour mettre en oeuvre le droit de l'État de recourir à la peine. D'autre part, il est interdit la mise à profit des moyens de preuve qui constituent une atteinte à la liberté des individus et à leur sécurité corporelle sous couvert de la liberté de preuve. A cet effet, la théorie de la légalité de la preuve pénale a vu le jour car l'élucidation de la vérité ne peut avoir lieu par l'utilisation d'un moyen illégal dans un État de droit. Le principe de la légalité de la preuve pénale est, en fait, un principe négligé dans la loi (le droit). De plus, des doutes sont émis à propos de son existence réelle dans le système juridique. La présente étude ambitionne d'affirmer et de confirmer l'existence du principe de légalité de la preuve pénale en droit libanais et français à travers la définition d'un concept précis et stable du principe de légalité de la preuve pénale et l'étude de sa relation avec le principe de loyauté de la preuve pénale et la mise en exergue des différents aspects caractérisant le principe de légalité de la preuve, le principe de loyauté de la preuve et le degré de leur corrélation ; d'où la nécessité de distinguer la preuve illégale moyennant la définition d'un concept précis de la preuve illégale dans la preuve pénale, en recouvrant toutes les violations des règles substantielles, des règles procédurales et tous les moyens de preuve illégaux. Après la définition du principe de légalité de la preuve pénale et la notion de la preuve illégale, nous passons dans la présente étude à la recherche de l'exécution ou l'application pratique du principe de légalité de la preuve pénale au Liban et en France. Partant de ce principe, nous avons tenté d'apporter une contribution rigoureuse à la confirmation de l'existence du principe de légalité de la preuve pénale, ainsi

V

que la démonstration de sa valeur légale en droit libanais et français. Par la suite, nous avons étudié le sort de cette preuve illégale et l'évaluation des systèmes de nullité adoptés au Liban et en France, le degré de leur efficacité et la mise en oeuvre effective du principe de légalité de la preuve pour répondre à la problématique principale de cette étude, c'est-à-dire que le principe de légalité de la preuve pénale correspond à un vif besoin qui impose un appui législatif au Liban et en France afin de consacrer la mise en oeuvre effective de ce principe. La consécration législative du principe de légalité de la preuve pénale avec une sanction procédurale innovante constitue le seul moyen de vaincre la position de la jurisprudence, laquelle s'efforce d'affaiblir le principe de légalité de la preuve pénale et de marginaliser ce principe. D'où la nécessité urgente et indispensable d'innover une nouvelle technique et des outils juridiques qui permettent d'exclure la preuve illégale.

Mots-clés en français :

Loyauté, Liberté, Preuve, Légalité, Liban, France, sanction, Nullité, Procédure,

Title and Abstract:

The legality of forms of evidence in the criminal process in french and lebanese law.

Abstract:

What happens if a criminal evidence has been obtained in violation of law or with disregard for the procedural rules and the general principles? Is it possible or forbidden to use such an evidence in court? This constitutes, indeed, a complicated and a tricky question that has already been widely discussed.

The illegal evidence, which was subject to many debates, remains still questionable and not yet solved. The criminal or public action aims at clarifying the truth. Therefore, it is necessary to have an evidence to confirm the commission of offence and its imputation to its perpetrator. The search for criminal evidence is subject to the principle of freedom of evidence.

Yet, the freedom of evidence and the search for the criminal evidence is not an absolute and unrestricted freedom, for it is vital to reconcile the society's interest in order to clear the offence and its perpetrator to reach the truth, in the one hand, and to implement the right of the State to resort to punishment.

Besides, it is prohibited to put to use the forms of evidence which represent an infringement of freedom of individuals and their personal safety under the freedom of proof. To that end, the theory of legality of criminal evidence saw the light of the day since the clarification of the truth cannot happen through the use of an illegal means in a State of law.

VI

The principle of legality of criminal evidence is, basically, a principle neglected in the law. Moreover, there are some doubts as far as its real existence in the legal system is concerned.

This very study is aimed for asserting and confirming that the principle of legality of criminal evidence exists, indeed, both in the Lebanese and French laws through the definition of a specific and stable concept of the principle of legality of criminal evidence, the study of its relationship with the principle of loyalty of criminal evidence in addition to the emphasis on the various aspects characterizing the principle of legality of evidence, the principle of loyalty of evidence and the level of their interrelationship ; hence the need for distinguishing illegal evidence via the definition of a specific concept of illegal evidence in the criminal evidence, by covering the whole violations of substantive rules, procedural rules as well as all forms of illegal evidence.

After the definition of the principle of legality of criminal evidence and the concept of illegal evidence, we move on, in this study, to the search for the implementation or the practical application of the principle of legality of criminal evidence in Lebanon and France. Based on this principle, we have tried to bring a strict contribution to the confirmation that the principle of legality of criminal evidence exists indeed, besides, we have proved its legal value in the Lebanese and French laws.

Afterwards, we have examined the destiny of this illegal evidence and the assessment of systems of invalidity adopted in Lebanon and France, the level of their efficiency and the effective implementation of the principle of legality of evidence so as to answer the main issue of this study, otherwise said the principle of legality of criminal evidence meets a vital need that requires a legislative support in Lebanon and France in a bid to devote the effective implementation of this principle. The legislative recognition of the principle of legality of criminal evidence with an innovative procedural sanction is the only means for convincing the stance of jurisprudence, which strives for weakening the principle of criminal evidence and for marginalizing it. Thus, there is an urgent and vital need for innovating a new technique and legal tools likely to exclude illegal evidence.

Key Words:

Loyalty, freedom, evidence, legality, Lebanon, France, Sanction, Nullity, Procedure.

VII

SOMMAIRE

INTRODUCTION . 1

PARTIE I

LA NOTION DE LÉGALITÉ DE LA PREUVE 45

TITRE I

LÉGALITÉ, LOYAUTÉ ET LA LIBERTÉ DE LA PREUVE 53
Chapitre I

La légalité, un outil d'encadrement du principe de la liberté de preuve 56
Chapitre II

La loyauté de la preuve en lien avec la légalité de la preuve 89
TITRE II

NOTION DE PREUVE ILLÉGALE . 156
Chapitre I

Preuve entachée d'une illégalité formelle 160
Chapitre II

Preuve entachée d'une illégalité matérielle . 225

PARTIE II

LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ DE LA PREUVE 326

TITRE I

VERS UNE RECONNAISSANCE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ 328
Chapitre I

Tentative d'affirmation de l'existence du principe de la légalité des moyens de

preuve 329

Chapitre II

Vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation du droit de la preuve

. 362

TITRE II

SANCTIONS DES PREUVES ILLÉGALES ET ILLICITES DANS LE PROCÈS

PÉNAL .. 409

Chapitre I

La multiplication des sanctions des preuves illégales . 411
Chapitre II

L'admission nuancée de la preuve illégale .. 486

.

VIII

Liste des abréviations

AJ pénal Actualité juridique Pénal

Arch. phil. Droit Archives de philosophie du droit

Arch.pol.crim. Archives de politique criminelle

C.C. lib Conseil Constitutionnel libanais

Cass. crim lib.,. Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation libanaise

Chron Chronique

Conv. EDH Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme

et des libertés fondamentales

CPP français Code de procédure pénale français

CPP libanais Code de procédure pénale libanais

D. Recueil Dalloz

DC Décision du Conseil constitutionnel français

DDHC Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

dir. Direction

Doctr. Doctrine

DUDH Déclaration universelle des droits de l'homme

éd. Édition

Fasc. Fascicule

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Ibid. Au même endroit

IR Informations rapides du Recueil Dalloz

J.-Cl. Juris-Classeur

J.O Journal official

J.T Journal des tribunaux de Belgique

JCP G Semaine juridique Édition générale

Juris. Jurisprudence

L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence

LPA Les Petites affiches

n° Numéro

obs. Observations

p Page

P.U.A.M. Presses Universitaires d'Aix-Marseille

P.U.F. Presses Universitaires de France

P.U.G Presses Universitaires de Grenoble

QPC Question prioritaire de constitutionnalité

R.D.P.C. Revue de Droit Pénal et de Criminologie

R.D.U.S. Revue de droit de l'Université de Sherbrooke

R.S.C. Revue de science criminelle et de droit pénal comparé

IX

Rép. pén. Dalloz Répertoire Dalloz de droit pénal et de procédure pénale

Rev. Dr. ULg Revue de la faculté de droit de l'université de Liège

RICPTS La Revue Internationale de Criminologie et de Police Technique

et Scientifique.

RIDC Revue internationale de droit comparé

RIDP Revue Internationale de Droit Pénal

RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTDH Revue trimestrielle des droits de l'homme

Vol Volume

I

1

Introduction

1. Définition du principe. Selon M. Patrick Morvan, il n'existe guère de mot plus employé que le mot principe dans les disciplines de la connaissance. Il n'est de science qui ne possède

1

ses principes . Le terme principe vient du mot latin principium qui a tout à la fois le sens de commencement et de commandement, et il retient de son étymologie une double relation avec les idées de priorité et de supériorité, le principe étant à la fois ce qui précède et ce qui régit les choses qu'on lui rapporte. Donc, étymologiquement, le mot principe vient du latin principium, lui-même dérivé du mot princeps formés tous deux de primo (premier) et de caps (de capio, capere : prendre). In principio : au commencement. C'est le premier sens du mot

2

qui a donné principe . Puis est venu le principe, le principat - celui qui est premier - et après bien d'autres sens au pluriel, les «principes» ont signé les éléments fondamentaux, les règles

de base. Selon M. Gérard Cornu, le principe est une règle juridique établie par un texte en

3

termes assez généraux destinée à inspirer diverses applications et s'imposant avec une autorité

4

supérieure . En deuxième sens, le principe est une maxime générale juridiquement obligatoire

bien que non écrite dans un texte législatif5 . M. Philippe Jestaz souligne que le droit français emploie les expressions les plus diverses: « principe (sans autre précision), principe général (au singulier), principes généraux (au pluriel), principe fondamental, essentiel, directeur... Mais aucun esprit sensé n'imaginera qu'il puisse y avoir là autant de notions distinctes: la

6

.

difficulté sera déjà assez grande de cerner la notion de principe »

1 P. Morvan, Le principe de droit privé, L.G.D.J., édit. Panthéon-Assas, 1999, Préface de Jean-Louis Sourioux., p. 3.

2 I. Fadlallah, « Les principes généraux en matière d'arbitrage international », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Conférence prononcée au Centre d'études des droits du monde arabe, Colloque sur « Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français », à Beyrouth (Liban), le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ. Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe. Beyrouth. Liban, disponible en ligne sur: http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/fadlallah.pdf

3 J.-M. Turlan, « Principe. Jalons pour l'histoire d'un mot », in M. Boulet-Sautel, G. Cardascia et al., La responsabilité à travers les âges, Économica, Paris, 1989, préface de Jean Imbert, pp. 115 et s.

4 G. Cornu (Dir), Vocabulaire juridique-Association H. Capitant, 8e éd., P.U.F., coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 673.

5 G. Cornu (Dir), Vocabulaire juridique-Association H. Capitant, op. cit., p. 673.

6 P. Jestaz, « Principes généraux, adages et sources du droit en droit français », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit

78

2. Notion de principe général du droit. Selon le Petit Robert, ce qui est général: « s'applique à l'ensemble, la majorité ou le plus grand nombre de cas, mais se dit parfois de ce

9

qui est sans référence à une réalité précisée ». M. Gérard Cornu donne à son tour une définition juridique du mot général, « ce qui est général est commun à tous éléments d'un

ensemble » et « s'appliquant à toute une série de cas semblables »

10

et convient au genre

11

entier, par opposition au particulier. Les principes généraux découlent du droit naturel

12

souligne M. George Ripert , qui ajoute « ce sont des règles traditionnelles, en droite ligne des adages, que l'on reconnaît à leur âge, de vieilles règles, souvent en forme latine, souveraines, pérennes, générales. D'essence supérieure, elles s'imposent à tous, même au

législateur »

13

. Pour M. Jean-Louis Sourioux les vocables principe et général nous mettent en

2

présence de termes qui ne sont pas juridiques par nature mais seulement par la détermination

. La notion

14

des « faiseurs de systèmes » juridiques ainsi que des poseurs de normes juridiques

de principes généraux du droit évoque l'idée de normes éminentes de portée très générale que

connaissent la plupart des systèmes juridiques

15

. M. Jean Boulanger note que les principes

français, v. spec. pp. 2 et 3, Conférence prononcée au Centre d'études des droits du monde arabe, Colloque sur « Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français », à Beyrouth, Liban, le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ. Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe, à Beyrouth (Liban), disponible en ligne sur: http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/jestaz.pdf

7 V. F. Casorla, « Les principes directeurs du procès pénal, Principes généraux de droit? Essai de clarification », in Le Droit Pénal À L'aube Du Troisième Millénaire - Mélanges Offerts À Jean Pradel, Cujas, Paris, 2006, pp. 53-69 ; V. aussi : M. De Bechillon, La notion de principe général en droit privé, P.U.A.M., 1998, Préface de Bernard Saintourens.

8 Dictionnaire Alphabétique et analogique de la langue française.

9 P. Robert, Le petit Robert 1, p. 858.

10 G. Cornu (Dir), Vocabulaire juridique-Association H. Capitant, op. cit., p. 410.

11 V. B. Jeanneau, Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, L.G.D.J., 1954; A. Pellet, Recherches sur les principes généraux de droit en droit international, Thèse de droit, Université Paris II, 1974; R. Rodière, « Les principes généraux du droit privé français », in R.I.D.C., 1980, vol. 2, n° spec., p. 309.

12 G. Ripert, Les forces créatrices du droit, 2e éd., L.G.D.J., Paris, 1955, p. 325.

13 G. Ripert, Les forces créatrices du droit, 2e éd., L.G.D.J., Paris, 1955, pp. 325 et s.

14 J.-L. Sourioux, « Le concept de principe général », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, v. spec. p. 1, Conférence prononcée au Centre d'études des droits du monde arabe, Colloque sur « Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français », à Beyrouth (Liban), le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ. Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe, à Beyrouth (Liban), disponible en ligne sur: http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/sourioux.pdf

15 S. Jahel, « Les principes généraux du droit dans les systèmes arabo-musulmans au regard de la technique juridique contemporaine », in R.I.D.C., 2003, Vol. 55, n° 1 Janvier-Mars, p. 106.

3

généraux, dont il constate aussi qu'ils « empruntent une partie de leur majesté au mystère qui les entoure », proviennent aussi d'une systématisation de règles particulières, lesquelles dégagent des généralités à des fins de clarification ; ces principes généraux, qui font parfois référence au droit naturel, voire au lieu commun, ne doivent pas nécessairement être prévus par un texte pour exister ; ils s'appliquent dès qu'ils sont identifiés par la jurisprudence, et constituent des règles générales supportant des règles particulières contraires, ce qui les ferait

16

.

de même nature

3.

17

. Les

Principes fondamentaux et principes généraux du droit. Pour Mme Anne Beziz-Ayache, les principes fondamentaux sont des principes dégagés par le Conseil Constitutionnel

principes généraux du droit sont des principes dégagés par la Chambre criminelle de la Cour

de cassation 18 . A l'encontre de ce qui vient d'être dit, à notre avis, l'expression principe fondamental ne signifie pas strictement que le principe est dégagé par le conseil constitutionnel, vu que la notion de droits fondamentaux est une notion floue qui n'admet pas

19

de définition unique. Le droit fondamental apparaît comme une notion complexe dans laquelle deux acceptions sont mêlées: d'une part, celle de principes dégagés par le Conseil constitutionnel ; d'autre part, celle de principes essentiels qui sont l'expression de la base commune à toutes les règles qui régissent le procès. Ainsi, à plusieurs reprises, l'expression « l'ensemble des règles fondamentales régissant la preuve » est utilisée en interprétant le principe de la liberté de la preuve qui n'est dégagé, ni par le Conseil Constitutionnel libanais et ni par le Conseil Constitutionnel français.

4. Les principes du droit de la preuve. Il est souvent affirmé que la preuve est libre en droit pénal. M. Jacques Leroy va même plus loin en soulignant que le principe de la liberté de la preuve s'applique non seulement à la preuve de l'infraction mais également à la preuve des

16 J. Boulanger, « Principes généraux du droit positif et droit positif », in Le droit privé français au milieu du XXème siècle, Études offertes à Georges Ripert, L.G.D.J., Paris, 1950, t.1, pp. 51et s.

17 A. Beziz-Ayache, Dictionnaire de droit pénal général et de procédure pénale, Ellipses, Collection Dictionnaires de Droit, Paris, 2001, p. 144.

18 V. T. Meindl, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles française et allemande, L.G.D.J., Paris, 2003, Préface de D. Rousseau.

19 V. par exemple, l'usage du terme principe fondamental par le Comité de Bâle ne désigne pas la valeur constitutionnelle des vingt-cinq Principes fondamentaux d'un contrôle bancaire efficace. Le Comité de Bâle a publié le 23 septembre 1997, dans leur version finale, les vingt-cinq Principes fondamentaux d'un contrôle bancaire efficace, qui doivent servir de référence aux autorités de contrôle bancaire du monde entier.

moyens de défense 20 comme l'exige la garantie de l'égalité des armes 21 . Il y a du vrai dans

4

cette phrase, mais une telle assertion ne peut être que partiellement vraie dans un État de droit où nul ne concevrait que la preuve puisse ne pas être régie par la loi. La liberté de preuve doit

. La

22

forcement se concilier avec un principe fondamental qui est le principe de la légalité

liberté de preuve n'est pas absolue et ne s'exerce pas sans limite 23 . Elle ne saurait exister que

dans un cadre légal24 . La condition de respecter le principe de légalité constitue sans doute un correctif à la liberté de preuve, c'est pourquoi on peut parler d'une liberté de preuve relative en matière pénale. En effet, tous les moyens de preuve au sens large ne sont pas admis. M. Jean-Claude Soyer a interprété l'idée de la légalité en disant que la manière de se procurer les preuves n'est pas entièrement libre parce qu'elles doivent être obtenues suivant une procédure que la loi réglemente. La réglementation a pour objet d'assurer l'efficacité de la preuve, afin qu'elle soit incontestable, ou bien d'éviter les abus qui pourraient résulter d'investigations

25

sans limites . Selon MM. Roger Merle et André Vitu, la liberté de preuve comporte des limites, imposées soit par des dispositions légales précises, soit par des principes généraux

non écrits 26 . Le procès pénal est avant tout un problème de preuve. Trois principes guident le droit de la preuve, en France comme au Liban : le principe de légalité, celui de la liberté de la preuve, et celui de l'intime conviction du juge qui signifie la libre appréciation de la preuve, c'est à dire que le juge dispose de la liberté d'accorder aux éléments de preuve la valeur et le

20 J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 347, p. 186 : « le principe de la liberté de la preuve s'applique non seulement à la preuve de l'infraction mais également à la preuve des moyens de défense comme l'exige la garantie de l'égalité des armes. ».

21 V. sur le principe d'égalité des armes en droit français : S. Lavric, Le principe d'égalité des armes dans le procès pénal, Thèse de droit, Université de Nancy, 2008, v. spec. le résumé : « Le principe d'égalité des armes a émergé, dans la procédure pénale française, sous la double influence du droit européen des droits de l'homme et de la jurisprudence constitutionnelle. Correctif du droit à un procès équitable pour la Cour européenne, l'exigence d'un équilibre des droits des parties, aujourd'hui proclamée en tête du code de procédure pénale ».

22 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 551, p. 571.

23 V. M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, p. 267 : « La première limite qui s'impose donc à l'enquêteur est celle du respect du principe de légalité, qui conditionne sa démarche investigatrice. Néanmoins cette seule limite suffit-elle ? La question est de savoir si, pour aboutir à la preuve, l'enquêteur peut laisser libre cours à son imagination (voire à sa ruse) dès lors qu'il ne contredit pas les normes de la légalité ».

24 J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 348, p. 186 : « Cette liberté ne s'exerce pas sans limite. Elle ne saurait exister que dans un cadre légal. La violence pour l'obtention d'une preuve est à exclure. ». « De même la recherche de la preuve doit être loyale. ».

25 J-C. Soyer, Droit pénal et Procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., Paris, 2012, n° 746, p. 317.

26 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 4e éd., Cujas, Paris, 1979, t. 2 Procédure pénale, n° 129, p. 162.

27

poids qu'ils méritent selon sa conscience. Le principe de légalité veut que le Code de

5

procédure pénale définisse à peine de nullité l'ensemble des actes d'enquête, comme les auditions et les interrogatoires, les perquisitions et les saisies, ou encore les écoutes

28

téléphoniques et tous les moyens et les actes de procédure liées à la récolte des preuves. En principe, la loi réglemente l'emploi des divers modes de preuve et le soumet à de nombreuses formalités. Donc le principe de légalité consiste à respecter les règles qui gouvernent

. À l'opposé, la liberté de preuve autorise à faire appel

à n'importe

29

l'obtention des preuves

quel moyen de preuve sans aucun classement hiérarchique des preuves et même sans lier le

30

juge ou son appréciation . En droit libanais, en matière pénale, le principe prépondérant est celui de la liberté de la preuve. L'article 179 du CPP Libanais énonce que « les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement ... ». En droit français, la règle est celle de la liberté. La recherche des preuves pénales est régie par le principe de liberté. L'article 427 du CPP Français dispose que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». Pourtant la liberté de la preuve des infractions est de plus en plus strictement

encadrée affirme M. Emmanuel Molina. Il est clair que cette liberté ne peut et ne doit pas

31

s'appliquer sans limites. La preuve dans la procédure pénale est libre mais ce principe ne

32

signifie pas que n'importe quel procédé puisse être utilisé, parce que les moyens employés pour rechercher et produire les preuves de l'infraction ne peuvent déborder des cadres posés

33

par le Code de procédure pénale et la jurisprudence . En général, un régime de liberté de la

27 V. A. Hervé, « Du respect de la légalité dans l'administration de la preuve pénale » (À propos de l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation française en date du 12 décembre 2000), in R.P.D.P., 2001, Bulletin de la Société générale des prisons et de législation criminelle, 125e année, n° 3, pp. 590-606.

28 F. Jobard et N. Schulze-Icking, « Preuves hybrides. L'administration de la preuve pénale sous l'influence des techniques et des technologies (France, Allemagne, Grande-Bretagne) », in Etudes et données pénales, 2004, CESDIP, n° 96, p. 15.

29 V. M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1036 : « Les preuves doivent avoir été obtenus dans le respecter les règles qui gouvernent l'obtention de chacune d'elles ».

30 V. G. Vidal, Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, 2e éd., Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau, Paris, 1901, n° 723, p. 764 : « il ne faut pas confondre, à ce point de vue, la fixation légale de la force probante des moyens de preuve, qui constitue le système des preuves légales, avec la réglementation légale des conditions d'admission et de production des moyens de preuve, qui s'impose aux juges pour éviter les abus et les surprises, pour sauvegarder les droits des parties ou d'autres droits également respectables, sans altérer le caractère et la portée du système de la preuve morale et de l'intime conviction ».

31 E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse de droit, Université Aix-Marseille 3, 2000, v. spec. le résumé.

32 C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 245, p. 171.

33 E. Verges, Procédure pénale, Litec, 2005, n° 96, p. 75.

preuve en matière pénale conduit à la liberté d'appréciation de la preuve parce que la libre appréciation des preuves est le pendant de la liberté des moyens de preuve. C'est aussi la

34

liberté, pour le juge, d'admettre ou de refuser une preuve

. Le juge peut donc apprécier

librement la valeur des preuves qui lui sont soumises, rend ses décisions selon son intime conviction.

5. Procès équitable. Le principe du procès équitable dans le procès pénal constitue un rempart contre tous abus de la liberté de preuve parce que l'administration de la preuve pénale ne doit pas être fortement axée vers la recherche à tout prix de la preuve. Pour apprécier l'exigence du procès équitable, le juge ne doit pas négliger l'importance de la légalité de la preuve. Pour ce faire le juge doit prendre en compte la manière dont la preuve a été obtenue et les circonstances dans lesquelles l'irrégularité a été commise pouvant être considérées comme contraires à l'exigence de l'équité du procès pénal, comme par exemple les preuves obtenues à la suite d'une provocation policière, en violation du droit au silence de l'accusé ou encore au moyen d'actes de torture. En résumé, l'efficacité de la justice ne justifie pas l'usage des moyens non équitables. La notion de procès équitable concerne non seulement la procédure

devant un tribunal

35

, mais encore la procédure dans son intégralité depuis le commencement

(l'intervention des autorités) jusqu'au jugement final. L'insuffisance manifeste du principe du contradictoire tant dans l'enquête de police qu'au cours de l'instruction préparatoire ne permet

36

pas de respecter un droit à la preuve juste et équitable . Les droits de la défense font

intrinsèquement partie du procès équitable et de l'égalité des armes

37

. M. Édouard Verny

6

souligne que « la pierre angulaire du droit à un procès équitable est certainement l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, interprété de façon parfois audacieuse

38

par la Cour européenne des droits de l'homme. »Selon Mme Dominique Karsenty, le principe du procès équitable constitue la pierre angulaire de la Convention européenne des

34 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 551, p. 571.

35 V. sur la notion de procès équitable devant les Tribunaux Pénaux Internationaux : R. Adjovi et G. Della-Morte, « La notion de procès équitable devant les Tribunaux Pénaux Internationaux », in H. Ruiz- Fabri (dir.), Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs, Éd. de la Société de Législation comparée, 2003.

36 T. Didier, V. Bosc, C. Gavalda, P. Ramon, A. Vaissière, « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004, n° 26, pp. 113-124, v. spec. p. 119.

37 XVIIIe Congrès International de Droit Pénal, « Les principales transformations du système de justice pénale en réponse à la globalisation », Istanbul (Turquie), 20-27 septembre 2009, V. spec. Section III sur les Mesures procédurales spéciales et respect des droits de l'homme, point 15, p. 156.

38 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 9, p. 9.

7

3940

droits de l'homme. La notion de procès équitablepermet au juge pénal de sanctionner certaines pratiques dans le déroulement du procès pénal en matière de mode de preuve. Pour

. L'expression

41

être équitable, l'institution judiciaire doit assurer au procès certaines qualités

procès équitable a été consacrée par l'art. 6 Conv. EDH. Malgré l'absence de principes directeurs spécifiques à l'administration de la preuve en matière pénale dans les articles de la Convention européenne des droits de l'homme, il ressort de la jurisprudence des instances européennes que le « mode de présentation des moyens de preuve » doit revêtir un caractère

42

équitable . La Cour européenne des droits de l'homme rappelle, dans une jurisprudence constante, que « la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne et il revient en principe aux juridictions nationales d'apprécier les éléments recueillis par elles. La tâche de la Cour consiste donc à rechercher si la procédure examinée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, revêtait un caractère

43

équitable ». En France, la Convention européenne des droits de l'homme fait partie du droit interne français, cependant si la Convention européenne des droits de l'homme évoque le procès équitable dans la phase décisoire, l'article préliminaire introduit en 2000 dans le Code de procédure pénale français va beaucoup plus loin puisque les principes directeurs sont

.

44

applicables à toutes les phases de la procédure pénale y compris toute la phase préparatoire

Au Liban, le droit à un procès équitable n'est pas enraciné dans le système pénal libanais qui souffre de nombreuses lacunes du système empêchant la maturation du principe fondamental

45

du droit à un procès équitable. Le principe du contradictoiretrouve à s'appliquer en principe dès la phase d'instruction, mais est particulièrement fort au cours de la phase du jugement. Lors de cette phase, le contradictoire se traduit par la possibilité pour les parties de défendre leurs intérêts, ce qui implique leur présence, et la possibilité de prendre la parole pour discuter des preuves. Le respect de ce principe implique que chaque partie au procès puisse débattre et contredire les arguments et preuves avancés par l'autre partie. Le principe de l'oralité des

39 D. Karsenty, « Le droit au procès équitable : Évolution récente de la jurisprudence de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2001 de la cour de cassation, publiée en 2002 dans le rapport annuel pour l'année 2001.

40 Ce terme vise l'ensemble des garanties de procédure imposées par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans les matières pénales.

41 C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 204, p. 137.

42 T. Didier, V. Bosc, C. Gavalda, P. Ramon, A. Vaissière, « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », op. cit., p. 121.

43 CEDH, Delta c/. France, 19/12/2009., rendu à l'unanimité.

44 C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 204, p. 137.

45 V. sur le principe du contradictoire : L. Miniato, Le principe du contradictoire en droit processuel, L.G.D.J., 2008.

débats renforce encore le droit à un procès équitable, la finalité du principe de l'oralité des débats est de rendre plus efficace la discussion des preuves afin de permettre d'exercer pleinement les droits de la défense et la liberté de produire toute preuve contraire. Lors d'un procès pénal, une preuve obtenue par la torture entache l'équité du procès.

6. L'importance de la preuve. La preuve en matière pénale a une importance primordiale, le principe est que le procès pénal est avant tout l'affaire de la société et que la recherche de la

46

vérité est une affaire très sérieuse . Soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond, elle permet soit de caractériser les éléments constitutifs d'une infraction, soit, si elle n'est pas

suffisamment établie, d'entraîner la relaxe du prévenu 47 . Le procès pénal a pour but essentiel la découverte de l'infraction et de son auteur afin de présenter au juge des preuves qui forgent sa conviction comme l'indique M. Édouard Verny : « le procès pénal implique la découverte de l'infraction et de son auteur avec le rassemblement d'éléments suffisants pour emporter la

48

conviction du juge ». Selon M. Faustin Hélie, le but de toutes les opérations judiciaires est

. M. François Fourment souligne que « le but ultime

49

d'acquérir la connaissance de la vérité

50

du procès pénal est en effet de dire qui est coupable et qui ne l'est pas ». Dans le procès pénal, l'importance de la preuve n'est plus à dire puisque toutes les règles de procédure n'ont

51

d'autre finalité que la recherche et l'administration des preuves. M. Jean-Yves Chevallier souligne que « dans le domaine répressif, la preuve tend à démontrer l'existence d'une

infraction et à établir qui en est l'auteur matériel et moral »

52

. Selon MM. Georges Levasseur,

8

Albert Chavanne et Jean Montreuil : « du début du procès pénal jusqu'à sa fin, tous ceux qui collaborent à la justice répressive sont obsédés par la recherche et l'exploitation des moyens

46 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).

47 H. Pelletier, Juris-Classeur Procédure pénale, Art. 427 à 457, n° 1.

48 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 34, p. 25.

49 F. Helie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de l'instruction écrite et de la détention préalable, p. 399.

50 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 2, p. 7.

51 A. Decocq, J. Montreuil, J. Buisson, Le droit de la police, 2e éd., Litec, Paris, 1998, n° 1372, p. 671.

52 J.-Y. Chevallier, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 44.

de preuve »

53

. Le juge répressif applique l'adage « pas de preuve pas de droit », en principe «

9

54

pas de punition sans preuve ». Dans le procès pénal, si la preuve est-elle mal ordonnée, la sentence du juge, au lieu de la vérité, peut décréter l'erreur ; au lieu du coupable, condamner l'innocent. La preuve est donc considérée un thème central du procès pénal : « le particularisme du procès pénal se manifeste tout d'abord dans le domaine des preuves, car la preuve revêt, en droit pénal, une importance capitale, du fait qu'elle peut entraîner soit la

55

condamnation à une peine, soit l'acquittement ou la relaxe de l'accusé ou du prévenu ». Mme Haritini Matsopoulou et M. Bernard Bouloc expriment l'importance de la preuve en matière pénale en disant que « le droit de la preuve présente donc un particularisme certain et revêt une importance capitale. Du début du procès pénal jusqu'à sa fin, tous ceux qui collaborent à la justice répressive sont obsédés par la recherche et l'exploitation des moyens de preuve. On comprend que, dans certains pays (anglo-américains notamment), le droit de la

56

preuve constitue une branche spéciale des sciences criminelles. ». Un droit ne sert à rien s'il

57

ne peut pas être prouvé. Ce qui ne peut être prouvé n'existe pas, soulignant toute

58

l'importance de la preuve dans un procès pour faire valoir ses droits. Selon l'expression de

M. Rudolf Von Jhering, juriste allemand du 19e siècle : « la preuve est la rançon des droits

. La preuve revêt une importance capitale, elle est bien souvent considérée comme la clé du

59

»

60

procès pénal. En droit, « la preuve est la clé du succès, c'est en tout cas la clé du procès ». MM. Marcel Planiol et Georges Ripert expriment et illustrent parfaitement l'importance de la preuve en écrivant: « c'est la même chose de n'avoir point de droit ou de n'avoir point de

53 G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 432, p. 176.

54 C.-J.-A. Mittermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A. Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 1.

55 G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e éd., Dalloz, 2012, n° 27, p. 27.

56 B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et Procédure pénale, 18e éd., Sirey, Paris, 2011, n° 432, p. 252.

57 M. Boissavy et T. Clay, Reconstruire la justice, Odile Jacob, coll. La 6e République, Paris, 2006, p. 69.

58 V. sur le particularisme de la théorie de preuve : en droit libanais (en langue arabe) : D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, op. cit., pp. 90 et s.; V. en droit français : J. Patarin, « Le particularisme de la théorie des preuves en droit pénal », in G. Stéfani (dir), Quelques aspects de l'autonomie du droit pénal. Études de droit criminel, Dalloz, Paris, 1956, pp. 7-76.

59 Cité par M. Boissavy et T. Clay, Reconstruire la justice, op. cit., p. 69 et cité par R. Legeais, Les règles de preuve en droit civil : permanences et transformations, Thèse de droit, Poitiers, 1954, éd. L.G.D.J., 1955, p. 3.

60 B. Pacteau, « Preuve », in Encyclopédie Dalloz. Contentieux administratif, 1985, t. 2, p. 2.

61

preuve » . En théorie, l'absence de droit et l'absence de preuve sont des choses différentes.

10

Elles se rejoignent néanmoins dans la pratique. Un droit n'est rien sans la preuve de l'acte ou

62

du fait dont il dérive, la preuve vivifie le droit, elle constitue par voie de conséquence, le

coeur de tout procès et la condition sine qua non63 d'une bonne administration du système judiciaire. L'absence de preuve est traditionnellement considérée comme ayant un effet

64

déterminant sur la procédure, révélé par la maxime latine « idem est non esse et non probari ». Cet adage permet à M. Pierre Pactet d'affirmer « qu'un droit ne représente pour son titulaire d'utilité véritable que pour autant qu'il peut être établi en justice : un droit qui ne

65

peut être prouvé est un droit pratiquement inexistant ». Comme le rappelait encore le doyen

M. Jean Carbonnier à propos de l'adage précité : « les droits sont comme s'ils n'existaient pas

66

s'ils ne peuvent être prouvés ». M. Henri Lévy-Bruhl, auteur d'ouvrages de sociologie criminelle, affirmait : « la preuve est inséparable de la décision judiciaire : c'en est l'âme, et

67

la sentence n'est qu'une ratification ». M. Pierre Bouzat affirme que la preuve pénale dans le système juridique revêt un rôle capital: « Sans preuve en effet, pas d'imputabilité et pas

68

d'application d'une sanction ». La preuve rapportée au procès pénal doit être l'unique base de la sentence pénale. Pour rendre une sentence juste, le juge doit se fonder et se baser sur des preuves contrairement à l'utilisation abusive de la justice militaire qui historiquement prononce sa sentence arbitraire malgré l'insuffisance ou l'absence de preuve. La diversité des finalités et étapes des différentes phases du procès pénal vise à rechercher des éléments de preuve. À notre avis, la preuve est l'élément de légalité de la sentence et la pierre angulaire de tous les droits. La preuve donne accès aux droits devant la justice et contribue largement à la protection des droits. Celui qui ne peut faire la preuve d'un droit est dans la même situation

61 M. Planiol et G. Ripert, Traité élémentaire de droit civil: conforme au programme officiel des facultés de droit, Librairie générale de droit & de jurisprudence, Paris, 1932, Vol. 2, p. 19.

62 D. Mougenot, Droit des obligations - La preuve, Tiré à part du Répertoire notarial, 3e éd., Larcier, revue et mise à jour par D. Mougenot, Bruxelles, 2002, p. 64.

63 Condition sine qua non (la condition nécessaire) était à l'origine un terme juridique latin signifiant « sans laquelle cela ne pourrait pas être ». Dans plusieurs langues, telles l'italien, le français et l'anglais, l'expression est utilisée dans tous les domaines, incluant le droit et l'économie.

64 T. Didier et al., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », op. cit., p. 3.

65 P. Pactet, Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, Thèse de droit, Éditions A. Pedone, Paris, 1952, p. 3.

66 J. Carbonnier, Droit civil - Introduction - Thémis, 25e éd., P.U.F, Paris, 1997, pp. 308 et s.

67 H. Lévy-Bruhl, La preuve judicaire. Etude de sociologie juridique, Librairie Marcel Rivière et Cie., Paris, 1964, p. 7.

68 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherche des preuves », in Mélanges Legros, Sirey, 1964, p. 155.

11

69

juridique que celui qui n'a pas de droit. La preuve, au sens large, est aujourd'hui définie comme l'établissement de la réalité d'un fait ou de l'existence d'un acte juridique. Dans un sens plus restreint, on peut entendre par ce terme le procédé utilisé à cette fin. La preuve en droit consiste donc en une démonstration destinée à convaincre le juge de la véracité ou de la fausseté d'un fait, afin qu'il impose à chacun la reconnaissance de ce qui lui est dû, selon

70

l'expression latine « suum cuique tribuere ». Cette définition rejoint celle que donnait M. Jean Domat, célèbre juriste du XVIIe siècle, pour qui la preuve était « ce qui persuade l'esprit

71

d'une vérité ». La preuve est nécessaire dans tous les domaines de la vie quotidienne, chacun peut être amené à prouver ses connaissances, son amitié, sa sincérité et une multitude d'autres choses. Mais elle acquiert une importance particulière en droit, car elle se trouve alors au coeur du procès où elle est notamment nécessaire à la reconnaissance juridique d'un droit

subjectif72

. La preuve peut donc s'analyser comme un élément ou un document qui établit la

réalité de la commission d'un fait ou d'un acte juridique. M. Jean Pradel affirme que le droit de la preuve est l' « ensemble des règles applicables à la constatation d'une infraction, que

73

.

cette constatation soit relative aux faits ou à la personnalité de la personne poursuivie »

74

7. La vérité comme objectif de la preuve. Selon M. Romain Rolland, la vérité est en première, ensuite vient la justice ou plus exactement, il n'y a de justice qu'autant qu'il y a de

7576

vérité. M. Charles Pegy écrivait dans les cahiers de la quinzaine en 1900, « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ; dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste...Quand on manque à la vérité, on manque forcément à

77

la justice : à vérité incomplète, justice incomplète, c'est-à-dire injustice ». Du mot latin

78

veritas, la vérité signifie ce qui est vrai, Mme Valérie Lasserre-Kiesowcroit qu'il est plus

69 P. Dupont Delestraint, Droit civil: les obligations, Dalloz, 1986, p. 84.

70 C'est-à-dire donner ou attribuer à chacun ce qui lui revient.

71 J. Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, éd. veuve Cavelier, Paris, 1771, t. 1, p. 204.

72 M. Parquet, Introduction générale au droit, 4e éd., Bréal, Paris, 2007, p. 83.

73 J. Pradel, Droit pénal comparé, 2e éd., Dalloz, Paris, 2002, p. 429.

74 V. R. Gassin, « Considération sur le but de la procédure pénale », in Le Droit Pénal À L'aube Du Troisième Millénaire - Mélanges Offerts À Jean Pradel, Cujas, Paris, 2006, pp. 109-120.

75 R. Rolland, Charles Péguy, Albin Michel, 1944, Vol. 1, p. 64.

76 Les Cahiers de la Quinzaine est une revue bimensuelle française disparue d'inspiration dreyfusarde fondée et dirigée par Charles Péguy.

77 C. Péguy, Lettre du provincial, in Les Cahiers de la quinzaine, Janvier 1900.

78 V. Lasserre-Kiesow, « La vérité en droit civil », in D., 20 Avril 2010, n° 15, pp. 907-912.

facile pour définir la vérité de commencer par ce qu'elle n'est pas

79

. La vérité selon Mme

Valérie Lasserre-Kiesow « s'oppose à l'erreur, à l'illusion, à l'ignorance, à l'invention, au mensonge, à l'imposture. La vérité est au contraire synonyme de justesse, d'absolu, de réalité

et de conformité avec une donnée de fait »

80

. Dans toute preuve, quelle qu'elle soit, on voit

81

poindre l'idée d'une vérité formelle ou d'une vérité matérielle qui en serait l'objet. La vérité

82

en justice n'a probablement qu'une valeur relative. M. Gérard Cornu écrit : « si la vérité est

83

l'or du Droit, le Droit est, en échange, l'orfèvre de la vérité ». La vérité pour M. Faustin

84

Hélie, n'est autre chose que la conformité des idées qui représentent les faits avec les faits eux-mêmes, et consiste, dans une instruction criminelle, dans la certitude que tel fait existe ou

n'existe pas, que tel individu est ou n'est pas coupable

85

. Mme Gaëlle Dalbignat-Deharo dans

12

sa thèse intitulée « vérité scientifique et vérité juridique », croit que le rôle du juge est de dire le vrai en cherchant une solution juste : « la justice est saisie pour dire le vrai, frapper le coupable de son glaive, donner raison à l'un par la condamnation de l'autre ; la mission du

86

.

juge est de trouver la bonne réponse à la question qui lui est posée, « LA » solution juste »

Selon MM. Alessandro Baratta et Ralph Hohmann, « vérité signifie, selon une tradition qui

79 Selon M. Yves Chartier, conseiller honoraire à la Cour de cassation française : « La place faite à la vérité dans l'application du droit est d'autant plus difficile à déterminer qu'il n'existe de définition incontestable, ni de la notion même de vérité, ni de son contenu. On conçoit donc que la loi s'abstienne de la définir, alors même qu'elle la prend, de façon d'ailleurs exceptionnelle, directement en considération sous des vocables divers, mais d'ambition souvent plus modeste, comme par exemple la vraisemblance, ou l'évidence ». V. Y. Chartier, « Avant-propos (études sur le thème de la vérité) », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation, pp. 37-40, v. spec. p. 37.

80 V. Lasserre-Kiesow, « La vérité en droit civil », in D., 20 Avril 2010, n° 15, p. 907.

81 C.-J.-A. Mittermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A. Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 8.

82 E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse de droit, op. cit., n° 5, p. 7.

83 G. Cornu, « Rapport de synthèse », in Des amis de la culture juridique française- la vérité et le droit (journées canadiennes), Travaux de l'Association Henri Capitant, Economica, 1987, t. 38, p. 11.

84 Pour M. Faustin Hélie, « En général, la certitude d'une vérité n'acquiert point par la démonstration de cette vérité un caractère plus absolu ; car, après comme avant la démonstration, il n'y avait aucun doute. Mais si la démonstration n'ajoute rien à la certitude, elle la confirme et la rend plus inébranlable. Il y a quelque différence entre l'esprit qui affirme instinctivement et celui qui affirme après vérification. Il est clair que le premier est plus réellement le maître de la vérité qu'il a ainsi conquise que l'autre ne l'est de celle qu'il a reçue sans examen et sans contrôle. Pourquoi les géomètres démontrent-ils quelquefois une proposition par elle-même évidente? c'est qu'elle gagne quelque chose à être démontrée ; elle ne devient plus certaine, mais le doute devient plus impossible ». V. F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de l'instruction écrite et de la détention préalable, pp. 402-403.

85 F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de l'instruction écrite et de la détention préalable, p. 399.

86 G. Deharo-Dalbignat, Vérité judiciaire et vérité scientifique, Thèse de droit, Université Paris I, 2002, n° 28, p.

28.

remonte à Aristote, l'adéquation entre la pensée et l'objet de la pensée. La «juris-diction» dans le cadre d'un procès pénal, se fonde, selon un principe qui se retrouve dans tous les Codes de procédure pénale, sur la recherche de la vérité. Rechercher le vrai est une nécessité qui s'exprime à trois niveaux: constatation des faits, appréciation des preuves et fixation de la peine. La manifestation de la vérité apparaît ainsi comme un objectif central du procès pénal.

87

Du moins en théorie ». De tout temps, la quête de la preuve a constitué un objectif privilégié

. La preuve ne porte pas

88

pour ceux qui ont en charge la responsabilité de la paix sociale

directement sur l'existence des droits, mais sur l'existence des faits ou des actes de volonté

89

qui donnent naissance aux droits ou aux obligations. La preuve juridique est une preuve judiciaire et se situe au carrefour des règles de fond du droit et des règles de procédure. La

90

preuve est donc ce qui sert à établir qu'une chose est vraie. M. Michel Van De Kerchove pose la question « la manifestation de la vérité apparaît-elle comme un objectif central, voire

exclusif, du procès pénal? »

91

. M. Jeremy Bentham estimait que « le juge, le plus sensible et le

13

plus humain, ne doit être ni l'ami ni l'ennemi du prévenu : il n'est que l'ami de la vérité et des

92

lois. Il ne cherche ni un innocent ni un coupable. Il veut trouver ce qui est ». Pour M. Faustin

93

Hélie la procédure pénale n'a qu'un but, la recherche de la vérité. L'objectif poursuivi par la

est d'aboutir à un degré raisonnable de certitude eu égard aux faits et à la

94

procédure pénale

87 A. Baratta et R. Hohmann, « Vérité procédurale ou vérité substantielle », in Déviance et Société, Genève, 2000, Vol. 24, n° 1, pp. 91-93. A. Baratta et R. Hohmann ajoutent encore que « la nouvelle parole magique dans le champ du procès pénal est «communication». On ne débat pas sur la vérité, on la négocie. La discussion publique et contradictoire sur ce qui s'est «vraiment» passé, laisse la place à un compromis savamment élaboré ».

88 F. Falletti, « L'apport de la police scientifique dans l'enquête et le procès pénal », in R.I.C.P., Genève, 2001, vol. 54, n° 2 (Avril - Juin), pp. 145-151, v. spec. p. 146.

89 R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Janvier-mars 1953, vol. 5, n° 1, pp. 69-75.

90 I. de Lamberterie, « Préconstitution des preuves, présomptions et fictions », in Sécurité juridique et sécurité technique : indépendance ou métissage, Conférence organisée par le Programme international de coopération scientifique (CRDP /CECOJI), Montréal, 30 septembre 2003, p. 3.

91 M. Van De Kerchove, « La vérité judiciaire: quelle vérité, rien que la vérité, toute la vérité? », in Déviance et société, Genève, 2000, Vol. 24, n° 1, pp. 95-101, v. spec. pp. 97-98.

92 J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, Traduit par P.-E.-L. Dumont, 3e éd., Société Belge de librairie. Hauman & Cie, Bruxelles, 1840, t. 2, p. 366.

93 V. F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle, Charles Hingray Librairie Editeur, Paris, 1858, vol. 8, p. 231 : « Quel est le but de la procédure, le but de toute ses précautions et de toutes ses formalités? C'est la recherche de la vérité ».

94 V. Objet de la procédure pénale (en langue arabe) : H. Madi, procédure pénale, 2e éd., Sader Publisher, Beyrouth, 2002, pp. 13 et s.

personne qu'on juge, ce qui passe par un recueil et un examen de preuves pénales

95

. À l'instar

14

des autres disciplines du droit processuel, la preuve est au coeur du procès pénal dont l'objectif

9697

premier consiste dans la découverte de la vérité. Le droit tend à la recherche de la vérité, prouvée et démontrée, mais il n'exclut pas la possibilité quand cela est nécessaire d'une vérité

98

construite. L'objet de la preuve est la recherche de la vérité. Mais la preuve juridique se distingue des preuves scientifiques ou historiques en ce que ces dernières laissent une possibilité de ne pas conclure, alors qu'en droit la vérité doit obligatoirement être établie. M. Jean Domat affirme qu'il y a cela de commun à toutes les différentes sortes de vérités et que la

99

vérité n'est autre chose que ce qui est. Pour connaître une vérité, M. Jean Domat croit que « c'est simplement savoir si une chose est ou n'est pas, si elle est telle qu'on dit, ou si elle est différente. En plus, les preuves qui conduisent à la connaissance des vérités dans les faits, sont bien différentes de celles qui établissent les vérités qu'on enseigne dans les sciences parce que dans les sciences toutes les vérités qu'on peut y connaître ont leur nature fixe et immuable, et sont toujours les mêmes nécessairement, et indépendamment du fait des hommes, et de toute sorte de changement. Ainsi, les preuves de ces vérité se tirent de leur nature même; et on les connaît, ou par leur propre évidence, si ce sont des premiers principes, et des vérités claires par elles-mêmes; ou si elles dépendent d'autres vérités, leurs preuves consistent dans l'enchaînement qui les lie entre elles, et qui les fait connaître les unes par les autres. Mais dans les faits qui peuvent arriver ou n'arriver point, comme dépendants de causes dont les effets sont incertains, ce n'est pas par des principes sûrs et immuables, d'où dépendit ce qui est arrivé, qu'on peut le connaître. C'est pourquoi il faut venir à des preuves

100

. M.

d'une autre nature et c'est par d'autres voies qu'il faut découvrir toute sorte de vérité »

Édouard-Louis-joseph Bonnier écrit : « Nous découvrons la vérité, lorsqu'il y a conformité entre nos idées et les faits de l'ordre physique ou de l'ordre moral que nous désirons

95 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 226, p. 237 : « L'objectif poursuivi par la procédure pénale est d'aboutir à un degré raisonnable de conviction eu égard aux faits et à la personne qu'on juge. Il passe par un recueil et un examen de preuves pénales. ».

96 P. Bonfils et E. Verges, Travaux dirigés de droit pénal et de procédure pénale, 1er éd., Litec, 2004, Thème 18.

97 V. sur la vérité : G. Cornu, L'art du droit en quête de sagesse, P.U.F., Paris, 1998.

98 I. de Lamberterie, « Préconstitution des preuves, présomptions et fictions », in Sécurité juridique et sécurité technique : indépendance ou métissage, Conférence organisée par le Programme international de coopération scientifique (CRDP /CECOJI), Montréal, 30 septembre 2003, p. 1.

99 J. Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Première édition In-octavo, Revue, corrigée et augmentée Par M. Carre, Chez Erasme Kleffer éditeur, Paris, 1823, titre 2, De la séparation des biens du défunt, et de ceux de l'héritier entre leurs créanciers, t. 4, pp. 148-149.

100 J. Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, titre 2, De la séparation des biens du défunt, et de ceux de l'héritier entre leurs créanciers, t. 4, op. cit., pp. 148-149.

connaitre. Prouver, c'est établir l'existence de cette conformité. Les preuves sont les divers

101

moyens par lesquels l'intelligence arrive à la découverte de la vérité »

. La vérité

scientifique entretient avec la vérité judiciaire des relations profondes et complexes au point qu'est souvent dénoncé le risque d'une démission du juge au profit de l'ingénieur. Les certitudes scientifiques paraissent susceptibles de jouer un rôle déterminant sur l'activité juridictionnelle en imposant une certitude indiscutable au juge ; pourtant, les complexités de la

102

.

notion de vérité judiciaire ne se satisfont pas de la seule connaissance d'une vérité

8. Problèmes de preuve à partir des questions posées. Pour que la loi pénale puisse être appliquée, il faut que l'infraction soit constatée et que la culpabilité du prévenu soit reconnue. L'autorité doit donc rechercher les crimes, les délits et les contraventions, en rassembler les preuves, s'assurer, s'il y a lieu, de la personne des inculpés et les livrer aux tribunaux chargés

. Le procès pénal comprend trois phases principales et distinctes il débute par

104

l'exercice d'une action; il se poursuit par une instruction; il se termine par un jugement

103

de les punir

. En

effet, «tout procès pénal est dominé par le problème de la preuve. Il en est ainsi depuis la plus

haute antiquité »

105

. Toute étude concernant la preuve et le droit de preuve pose trois

questions essentielles liées au problème de la preuve pénale : qui doit prouver, que doit-on prouver et comment prouver ? Qui, comment, jusqu'à quand et pourquoi faire sont autant de

questions qui sont appliquées au sujet de la recherche de la preuve

106

. Mme Michèle-Laure

15

Rassat a exposé cette idée: tout problème de preuve, quel que soit le cadre juridictionnel dans lequel il se situe, pose inévitablement trois questions : qui doit prouver? Comment doit-on prouver? Jusqu'où doit-on apporter la preuve de ce qu'on affirme? À ces trois questions du droit processuel des preuves, la procédure pénale apporte trois réponses sous la forme de trois

107

principes. À la question «qui doit prouver? » la procédure pénale répond par le principe de la présomption d'innocence. La personne pénalement poursuivie doit être présumée innocente

101 É.-L.-J. Bonnier, Traité des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Plon, 1873, n° 1.

102 G. Dalbignat-Deharo, Vérité scientifique et vérité judiciaire en droit privé, Thèse de droit, op. cit., v. spec le résume ; V. G. Dalbignat-Deharo, Vérité scientifique et vérité judiciaire en droit privé, L.G.D.J., 2004, préface de L. Cadiet.

103 R. Garraud, Précis de droit criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, p. 537.

104 R. Garraud, Précis de droit criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, n° 291, p. 538.

105 G. Levasseur et A. Chavanne, Droit Pénal et Procédure Pénale, éd. Sirey, Paris, 1963, p. 90.

106 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).

107 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 226, p. 237.

16

jusqu'au moment où elle sera effectivement déclarée coupable. Par conséquent, il appartient aux autres acteurs du procès pénal d'apporter la preuve de la culpabilité d'une personne mise

108

en cause. À la question « comment doit-on prouver? », la procédure pénale répond par le principe de la liberté de la preuve. Les modes de preuve admissibles ne sont pas limités. Tout élément de preuve est donc susceptible d'être utilisé, quelle que soit sa consistance. À la question « jusqu'où doit-on prouver? », la procédure pénale répond par le principe de l'intime conviction du juge. Il n'existe ni reine des preuves, ni preuve absolue : les magistrats se déterminent en fonction de l'effet qu'a produit, sur leur intime conviction, la balance des

109

.

moyens de preuves

9. Les modèles de procédure pénale. Le procès pénal est considéré comme le trait d'union entre l'infraction qui a été commise et la réaction de la société contre cette infraction. On

et le

110

distingue traditionnellement deux modèles de procédure : le système accusatoire

111

système inquisitoire . Deux grands systèmes procéduraux se sont succédé, au long de

108 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 230, p. 241.

109 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 230, p. 241.

110 V. J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 17, p. 16 : La procédure accusatoire : « C'est le système le plus fréquent de la période féodale. L'exercice de l'action publique est attribué directement à la partie lésée elle-même ou, si elle décédée, à son lignage. Le procès criminel n'est qu'un débat entre la victime et le coupable. La victime allègue l'infraction, offre la preuve et réclame le châtiment ».

111 V. D. Bonnaire, Le modèle accusatoire et l'instruction préparatoire, mémoire de D.E.A., Université de Limoges, 2001 ; J.-F. Burgelin, « Evolution de la procédure pénale française de l'inquisitoire vers l'accusatoire », in Gaz.Pal., 19 février 2005, n° 1, doctr. pp. 206-207 ; J-F. Burgelin, « Un faux problème : accusatoire contre inquisitoire », in Regards sur l'actualité, n° 300, La Documentation française, Paris, avril 2004, pp. 49-55 ; F. Casorla, « Inquisitoire-accusatoire : un écroulement des dogmes en procédure pénale? Le cas français. L'approche du magistrat », in R.I.D.P., 1997, pp. 83-101 ; F. Esquerre, Les procédures accusatoire et inquisitoire, Mémoire de D.E.A., Université Paris 2, 1997 ; J.-P. Ghenassia, « Inquisitoire-accusatoire : un écroulement des dogmes en procédure pénale? Le cas français. L'approche du policier », in R.I.D.P., 1997, pp. 103-110 ; J. Luc, « De la procédure inquisitoire à la procédure accusatoire ou la réforme de la mise en état des affaires pénales de Madame Guigou », in Gaz.Pal, 22 octobre 1998, p. 2 ; J. Lamarque, « Le procès du procès », in Études offertes à Jean-Marie Auby, Dalloz, Paris, 1992, pp. 149-180 ; J. De Maillard(Dir), « Défense et illustration de la procédure inquisitoire », in Justice et politique : l'impossible cohabitation ?, Arléa, Collection Panoramiques, n° 63, Paris, 2003, pp. 118-123; J. De Maillard (Dir), « Du système accusatoire au système inquisitoire. L'aveu » in Justice et politique : l'impossible cohabitation?, Arlea collection Panoramiques, n° 63, Paris, 2003, pp. 124-132 ; H. Mariotte, Le principe inquisitoire, son évolution dans le droit français (essai d'introduction aux projets de réforme du Code d'instruction criminelle), Thèse de droit, Société française d'imprimerie et de librairie, Paris, 1902; M. Porret, « Mise en images de la procédure inquisitoire », in F. Chauvaud, S. Vernois (dir.), La Justice en images, Sociétés & Représentations, octobre 2004, n° 18, , pp. 39-62; J. Pradel, « Défense du système inquisitoire », in Regards sur l'actualité, avril 2004, n° 300, Editeur : La documentation française, pp. 57-62 ; J-L. Sauron, « Les vertus de l'inquisitoire ou l'État au service des droits », in Pouvoirs, revue Française d'études constitutionnel et politique, 1990, n° 55, pp. 53-64; D. Soulez-Larivière, « Les nécessités de l'accusatoire », in Pouvoirs, revue Française d'études constitutionnel et politique, n° 55, 1990, pp. 65-79 ; G. Champy, « Inquisitoire-accusatoire devant les juridictions pénales internationales », in R.I.D.P., 1997, Vol. 68, n° 1-2, Association internationale de droit pénal, Erès, pp. 149-193 ; J. Pradel, « Inquisitoire-

17

112

l'histoire, dans les divers pays d'Europe : le système accusatoire et le système inquisitoire . Il faut rappeler que les modèles de procédure pénale ont une influence remarquable sur l'administration de la preuve pénale et donc sur la légalité de cette preuve, parce que la légalité de la preuve est en relation directe avec les principes qui caractérisent les modèles de

procédure pénale. La procédure pénale est dite accusatoire 113 lorsqu'elle est déclenchée par

114

une accusation. Les caractères principaux de la procédure accusatoire sont l'oralité, le

contradictoire et la publicité. Dès lors, s'affrontent celui qui accuse (la victime de l'infraction par exemple) et qui a saisi la justice, et la personne accusée, désignée comme étant l'auteur ou

115

.

le complice de l'infraction parce que cette procédure est orale, publique et contradictoire

Traditionnellement, la procédure accusatoire est un système de justice qui apparaît protectrice des droits de la personne poursuivie, c'est un système qui présente trois caractères essentiels : il se repose sur une procédure publique, orale et contradictoire. Le système accusatoire présente toutefois des inconvénients notamment en ce que l'enquête à charge repose sur la victime accusatrice ; le manque de moyens pourrait la dissuader de poursuivre l'auteur de l'infraction, conférant une certaine immunité de fait aux délinquants. À l'opposé de ce

système, la procédure est dite inquisitoire116 lorsqu'elle repose sur une formalité initiale dont

Accusatoire: une redoutable complexité », in R.I.D.P., Toulouse, 1997, Vol. 68, n° 1-2, Association internationale de droit pénal, Erès, pp. 213-229.

112 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel: problèmes généraux de la législation criminelle, droit pénal général, procédure pénale, Éditions Cujas, 1967, p. 58.

113 V. E. Chedieu, « La commission de réforme du code d'instruction criminelle en France », in Revue de droit international et de législation comparée, 1870, vol. 2, t. 2, pp. 441-451, v. spec. p. 442 : « Jusqu'au XIIe siècle, le système accusatoire a été seul pratiqué; à partir du règne de Saint-Louis commence la procédure inquisitoriale ».

114 M. Delmas-Marty, « La phase préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009, n° 34, pp. 2 et s : Procédure accusatoire (dite de Common Law) : « l'enquête est menée par chaque partie (l'accusation - à l'origine privée, mais le plus souvent représentée par la police ou le procureur- et la défense) ; tandis que le juge, cantonné au rôle d'arbitre, n'apparaît, pour l'essentiel, qu'à la phase de jugement. La phase préparatoire peut cependant comporter des actes coercitifs, y compris la détention provisoire de l'accusé, qui doivent alors être autorisés par un juge ; mais cette phase est courte, aucun dossier n'étant transmis à la juridiction de jugement qui doit rechercher elle-même les preuves au cours de l'audience. C'est pourquoi la phase de jugement est en principe longue et complexe ; en pratique elle est toutefois simplifiée, dans la majorité des cas, par le « plaider coupable » (guilty plea) qui évite de rechercher les preuves de culpabilité. D'où la pratique pour l'accusation de négocier avec la défense en promettant, en échange du « plaider coupable », de renoncer à une partie des charges ou de demander une peine moins sévère que le tarif légal (plea bargaining ».

115 H. Madi, procédure pénale, op. cit., p. 15.

116 M. Delmas-Marty, « La phase préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009, n° 34, pp. 2 et s : Procédure inquisitoire (tradition dite continentale): « l'enquête est menée par une autorité publique (traditionnellement un juge d'instruction) qui joue un rôle actif pour réunir les éléments à charge et à décharge et décider des mesures coercitives, puis du renvoi en jugement. Le dossier ainsi établi est transmis à la juridiction de jugement au sein de laquelle les juges jouent également un rôle actif à l'audience, notamment dans l'interrogatoire de l'accusé et des témoins. La phase préparatoire est

18

dépend le déroulement du procès et sa solution : l'inquisitio ou l'enquête. Cette enquête est confiée à un magistrat spécialisé qui mène l'instruction de manière écrite et secrète. Cette procédure n'est pas contradictoire. Le juge n'est plus un simple arbitre mais un acteur de la procédure, celui qui met tout en oeuvre pour parvenir à la manifestation de la vérité. L'esprit du système inquisitorial est celui-ci : ni accusateur, ni accusé, mais une personne soupçonnée; le juge se mettant en enquête, cherchant, interrogeant, couchant par écrit ses procès verbaux; nul débat contradictoire; secret pour le public, pour les témoins, pour la personne poursuivie, à l'égard de laquelle on commence par la capture. Cette procédure est connue sous le nom de l'information « probablement, disait avec ironie la premier président de Thou, parce que la preuve qu'on en tire est une preuve sans forme, sur laquelle on ne peut asseoir un bon

117

jugement ».

10. Distinction accusatoire et inquisitoire. Le célèbre pénaliste M. Henri Donnedieu de

118

Vabres définissait la procédure accusatoire comme « ramenant le procès pénal à un duel entre deux parties privées : la personne lésée par le délit, qui est demanderesse, et l'auteur de l'infraction, qui joue le rôle de défendeur. Les deux parties font valoir leurs prétentions

librement, oralement, publiquement, devant le juge » 119 . Selon M. René Garraud, le système accusatoire a deux caractères principaux. Il correspond à la notion élémentaire du procès pénal qui n'est, tout d'abord, qu'un combat simulé entre deux adversaires, combat auquel le juge met fin en donnant tort à l'un ou à l'autre. Il implique, au début, la confusion des deux procédures, pénale et civile, lesquelles, engagées l'une et l'autre par action privée, se déroulent primitivement, dans les mêmes formes, devant les mêmes juges et tendent à obtenir

120

les mêmes satisfactions . Le système dit accusatoire ramène le procès pénal, fort proche du procès civil, à un duel entre la victime et l'auteur de l'infraction, en présence d'un juge simple

souvent longue, entraînant de longues détentions provisoires, en revanche la phase de jugement est généralement plus courte que dans la procédure accusatoire, car il s'agit seulement de compléter le dossier déjà établi ».

117 E. Chedieu, « La commission de réforme du code d'instruction criminelle en France », in Revue de droit international et de législation comparée, 1870, vol. 2, t. 2, pp. 441-451, v. spec. p. 442.

118 V. les auteurs libanais sur le système accusatoire (en langue arabe) : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth, 2002, pp. 33 et s.; D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, 1er éd., Sader Éditeurs, Beyrouth, 2003, pp. 40 et s.; P. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, 1999, op. cit., p. 11 ; A. Nakkib, Procédure pénale (étude comparative), 1993, Beyrouth, pp. 38 et s ; S. Alye et H. Alye, La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 180.

119 H. Donnedieu De Vabres, Traité élémentaire de droit criminel et de législation comparée, 3e éd., Librairie Sirey, Paris, 1947, n° 1027, p. 577.

120 R. Garraud, Traité théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure Pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 8, p. 11.

arbitre passif. Il assure ainsi une complète égalité entre l'accusation et la défense, si bien qu'il

121

est le plus protecteur des droits de l'accusé

. Ce type de système a donné son nom à la

procédure accusatoire parce que l'État, la Cité en tout cas, exige que les poursuites pénales

122

soient déclenchées par un accusateur et uniquement par un accusateur . La procédure accusatoire étant sous le contrôle du peuple devant lequel l'accusé répond de ce qui est reproché, il était naturel que les juridictions chargées de le juger soient composées de juges non professionnels, élus ou tirés ou sort. C'est le cas des jurés de la Cour d'assises en

123

France . C'est une procédure qui présente un caractère public (non secrète), oral et

124 125

contradictoire . Dans le système Inquisitoire , le juge peut se saisir lui-même et la société est représentée, pendant le procès, par le ministère public. La procédure est écrite, secrète, à l'égard du public comme du suspect, si bien qu'elle est non contradictoire et divisée en

plusieurs phases, au cours desquelles le juge recherche activement les preuves 126 . Le système

de procédure dit inquisitoire 127 est plus scientifique et plus complexe 128 . La procédure inquisitoire prend son nom de la formalité préliminaire qui va influencer tout le processus

129

ultérieur . Le système inquisitoire est basé sur la procédure de l'enquête préalable

(inquisitio) qui place les intérêts de la société au-dessus des intérêts individuels

130

. L'examen

19

du juge n'est pas limité aux preuves produites devant lui, ce système donne au juge le pouvoir de diriger l'instance parce que le juge procède d'office et suivant certaines règles à

121 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 22, p. 12.

122 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 22, p. 38.

123 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 25, p. 39.

124 V. sur l'application du modèle accusatoire : S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 23, p. 38 : « Une procédure publique, orale et contradictoire. ».

125 V. en droit libanais : P. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, op. cit., p.12.

126 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 23, p. 13.

127 V. les auteurs libanais sur le système inquisitoire (en langue arabe) : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Halabi Law Publisher, Beyrouth, 2002, pp. 36 et s.; D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, 1er éd., Sader Editeurs, Beyrouth, 2003, pp. 44 et s ; P. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, 1999, p. 12 ; A. Nakkib, Procédure pénale (étude comparative), 1993, Beyrouth, pp. 40 et s.; S. Alye et H. Alye, La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, op. cit., p. 181.

128 R. Garraud, Traité théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure Pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 14, p. 16.

129 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 32, p. 43.

130 M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 22.

.

.

l'instruction (écrite et secrète) c'est-à-dire à toute recherches de preuves admises par la loi131

132

Le secret « dans le système inquisitoire » est destiné à renforcer son poids et son efficacité En ce qui concerne les pouvoirs du juge dans le système inquisitoire, ce dernier joue un rôle actif, tant dans la recherche des preuves que dans leur appréciation. Il a l'obligation d'utiliser tous les moyens d'investigations que la loi lui fournit pour instruire à charge comme à

décharge et dispose de pouvoirs importants en matière d'appréciation des preuves

133

. Dans le

20

système inquisitoire, la vérité demande confirmation, et dans le système accusatoire,

élaboration 134 . La différence entre les deux procédures réside essentiellement dans le régime des preuves. Dans le système accusatoire, la preuve est le fardeau de la partie lésée. Dans le

135

.

système inquisitoire, elle sera le fruit de l'investigation qui est faite ou dirigée par le juge

11. Les conséquences des tendances accusatoires ou inquisitoires sur la preuve. Le choix entre système accusatoire et système inquisitoire se traduit dans le processus de recherche des preuves. Leurs différences résultent surtout de l'office du juge et, par conséquent, du rôle respectif des parties dans ces deux instances. L'administration de la preuve fait toujours l'objet de règles précises qui diffèrent selon le choix de système de la procédure. Dans une procédure pénale de type accusatoire, la direction du procès et la charge de la preuve

131 R. Garraud, Traité théorique et pratique d'instruction criminelle et de procédure pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 17, p. 17.

132 V. D. Soulez Larivière, Justice pour la Justice, Éditions du Seuil, Paris, 1990, pp. 95-110 : « Dans le système inquisitoire, l'information du public est monopolisée par l'accusation, et la manipulation du secret est destinée à renforcer son poids et son efficacité. Ce secret est aujourd'hui impossible à tenir pour des raisons techniques et démocratiques. Ce que les multiples commissions de réforme n'ont jamais voulu voir, tant elles sont engluées dans le bain culturel inquisitorial, c'est que le secret de l'instruction recouvre deux marchandises différentes : la juridiction et l'investigation. Voilà l'essence même du système inquisitoire. Le juge d'instruction, parce qu'il est juge, décide des mises en détention, des inculpations, des renvois devant le tribunal ou la cour. C'est sa fonction juridictionnelle. Mais il procède aussi à des enquêtes, lui-même ou avec l'aide des policiers, il entend ou fait entendre des témoins, il procède à la reconstitution des faits. Il ordonne des expertises. C'est sa fonction d'investigation. Dans un État démocratique, la juridiction est publique, et c'est en cela que le système inquisitoire est antidémocratique. Mais pour les investigations, même dans les pays les plus démocratiques, la règle technique est celle du secret, car on ne chasse pas avec un tambour. La raison pour laquelle la discussion sur le secret de l'instruction est vaine, c'est que les têtes pensantes des réformes ne peuvent aborder cette contradiction essentielle mettant en cause la logique même du système inquisitoire qui réunit dans les mains d'un juge d'instruction des fonctions qui ne peuvent être soumises au même régime de publicité et de secret ».

133 Y. Schuliarp, La coordination scientifique dans les investigations criminelles. Proposition d'organisation, aspects éthiques ou de la nécessité d'un nouveau métier, Thèse de Science Forensique, Université paris Descartes thèse en cotutelle avec l'université de Lausanne (Swiss), 2009, p. 33.

134 Y. Schuliarp, La coordination scientifique dans les investigations criminelles. Proposition d'organisation, aspects éthiques ou de la nécessité d'un nouveau métier, Thèse de Science Forensique, Université paris Descartes thèse en cotutelle avec l'université de Lausanne (Swiss), 2009, p. 89.

135 A. Mellor, La torture: son histoire, son abolition, sa réapparition au XXe siècle, Éditeur : Les Horizons littéraires, Paris, 1949, Préface du colonel Rémy, p. 72.

appartiennent aux parties. Le rôle essentiel est donc sur l'épaule des parties. Dans une procédure inquisitoire, la direction du procès et la charge de la preuve appartiennent au juge. Dans la procédure accusatoire, ce sont les parties qui saisissent le juge conformément à

136

l'ancien adage du droit Germanique « sans plaignant, pas de juge »

. Au sein du système

21

accusatoire, le procès est la chose des parties qui prennent l'initiative de préparer leur dossier en en rassemblant les éléments de preuve. Les parties doivent fournir les preuves de leurs prétentions et le juge doit uniquement apprécier leur pertinence. Il ne peut en rechercher lui même de nouvelles, ni les compléter. Avec le triomphe de la procédure inquisitoire sur la procédure accusatoire propre à l'Ancien Régime, la France est passée du système des preuves légales à celui de la liberté de la preuve. Dans le système inquisitoire, le juge a un rôle très actif surtout dans la recherche de preuves, plus particulièrement dans la recherche de la vérité. C'est une procédure basée sur l'enquête dans la recherche de la preuve parce que l'accusation est confiée à des fonctionnaires de l'État qui veulent défendre les intérêts de la société. L'enquête repose sur des interrogatoires, ceux des témoins et ceux des suspects, en plus chaque interrogatoire peut donner lieu ensuite à des vérifications par des contre-interrogatoires, tous les actes de recherche de preuve sont menés par un juge dans le plus

grand secret et sont consignés par écrit 137 . Il s'agit des magistrats qui vont intervenir en tant que parties. La loi va donner au juge pénal des prérogatives importantes en matière d'administration de la preuve, le juge procède à ordonne toute mesure d'investigation et d'instruction nécessaire à la manifestation de la vérité. Des parallèles saisissants peuvent toujours être opérés entre le régime de la preuve et l'état de la société, à un moment donné. L'historien M. Bruno Lemesle croit que le système de preuve est toujours une construction

intellectuelle élaborée à un moment donné de l'évolution d'une société 138 . Selon M. Max

139

Weber

, c'est avant tout le droit formellement réglementé de la preuve qui est à l'origine du

formalisme juridique dans le procès. La preuve s'apparente donc moins à la découverte objective d'un objet préconstitué, matériel ou immatériel, qu'à une élaboration subjective de critères selon lesquels elle devient acceptable pour traduire la vérité judiciaire. La preuve

136 B. Rolland, Procédure civile, 2e éd., Éditeur : Studyrama - Vocatis, coll. Panorama du Droit, 2005, p. 75.

137 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 37, p. 45.

138 B. Lemesle (Dir), « La preuve en Justice de l'Antiquité à nos jours », in La preuve en justice de l'Antiquité à nos jours, P.U.R., 2003, p. 10.

139 Max Weber (1864-1920), juriste de formation puis sociologue et économiste, est considéré comme le fondateur de la sociologie compréhensive. Voir Sociologie du droit, Cet ouvrage, traduit de l'allemand et introduit par Jacques Grosclaude, préfacé par Philippe Raynaud Editeur : P.U.F., 2007 ; Voir encore J.-P. Heurtin et N. Molfessis (Dir), La sociologie du droit de Max Weber, Dalloz-Sirey, Paris, 2006; V. encore P. Bouretz, « La preuve, rationalisation et désenchantement : autour de Max Weber », In Droits, 1996, n° 23, pp. 99-106.

22

informe sur les régimes de vérité qu'une société se donne à un moment de son histoire. Cela signifie encore plus profondément qu'elle est un instrument subordonné, un objet construit et modelé par les juristes suivant les rationalités successives de chaque époque, suivant la façon répond chacune d'entre elles, en fonction des valeurs privilégiées par le groupe, à la question du rôle du juge dans la recherche de la vérité ainsi qu'à la question de la relation entre le droit et le fait de société. On peut ainsi dénouer le fil d'une évolution de la rationalité juridique et de la société, depuis la preuve irrationnelle magique ou religieuse de l'Antiquité jusqu'à la

140

.

preuve formelle dont Max Weber disait qu'elle était à l'origine de la rationalité moderne

12. La naissance progressive d'un système mixte 141 . Chacun des deux types de systèmes de procédure a ses qualités et ses défauts ; aucun ne contient en lui-même les garanties nécessaires à l'administration de la justice criminelle. Aussi, le progrès dans la voie de la civilisation juridique, consiste à emprunter à chacun de ces types de procédure leurs meilleurs éléments et à organiser un type mixte dont une partie de la procédure est empruntée au système inquisitoire et dont l'autre reprend toutes les garanties et toutes les qualités du

142

système accusatoire . M. Faustin Hélie disait sur la naissance du système de procédure

143

mixte : « pourquoi ne pas emprunter à chacun de nos deux systèmes ses mesures les plus salutaires, ses formes les plus utiles? ... Enfin, pourquoi ne pas coordonner leurs règles différentes en ne demandant à chacune d'elles que la puissance qu'elle possède et en la renfermant dans ses limites essentielles? On voit qu'il s'agit d'établir une procédure mixte

144

». Selon MM. Merle et Vitu, on appelle mixte une procédure qui combine, en des

140 E. Jouannet, « La preuve comme reflet des évolutions majeures de la société internationale », in J.-M. Sorel et H. Ruiz Fabri, La preuve devant les juridictions internationales, Pedone, Coll. Contentieux international, Paris, 2007, p. 239.

141 M. Delmas-Marty, « La phase préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009, n° 34, pp. 2 et s.: Procédure mixte : « au fil des réformes, des combinaisons fort diverses ont tenté de corriger les défauts de chaque modèle. L'idée générale étant que les pays de tradition accusatoire ont renforcé, à la phase préparatoire, le rôle du juge afin de vérifier la régularité de la procédure et de décider du renvoi en jugement ; tandis que les pays de tradition inquisitoire ont introduit des éléments de contradiction à la phase préparatoire, en admettant un avocat dans le cabinet du juge d'instruction et parfois en supprimant l'institution elle-même pour créer, sous des noms divers, un juge arbitre entre l'accusation (parquet) et la défense ».

142 R. Garraud, Traité théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 21, pp. 20-21.

143 V. sur le système mixte en langue arabe : P. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, 1999, p. 13 ; A. Nakkib, Procédure pénale (étude comparative), op. cit., pp. 43 ; D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, op. cit., pp. 47et s.

144 F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray Libraire-Editeur, Paris, 1853, Vol. 5 De l'instruction écrite et de la détention préalable, pp. 52-53.

proportions variables, les traits des deux types procéduraux (accusatoire et inquisitoire)145

.

23

146

Dans le système mixte

, on applique le sy

stème inquisitoire pendant toute la phase du procès

pénal qui précède l'audience de jugement, cependant on applique le système accusatoire lors

147

de l'audience dans la phase de jugement.

13. Contradiction du système mixte. Le problème du système pénal libanais et français réside principalement dans la procédure mixte adoptée, phase d'instruction préparatoire sur la base d'une procédure inquisitoire écrite, secrète et non contradictoire et phase de jugement apparaîssant plutôt accusatoire du fait de son caractère public, oral et contradictoire. M. Faustin Hélie résume la contradiction qui réside au niveau de la preuve dans le système de procédure mixte en écrivant : « il faut remarquer, d'abord, que si la procédure criminelle est indivisible en ce sens que tous ses actes tendent à un même résultat, se lient les uns les autres pour former une même preuve, un même tout jusqu'au jugement, elle se partage néanmoins en deux phases distinctes, en deux séries d'actes et de formalités, et cette division est tellement inhérente à la nature, qu'elle se retrouve dans toutes les législations. Ces deux parties de la procédure n'ont ni le même caractère ni la même fin; l'une est préparatoire, l'autre est définitive; l'une se borne à recueillir les éléments de la mise en accusation, l'autre a pour mission de débattre les preuves et de les apprécier...Or, que fait le système mixte? Il se borne à soumettre à une forme différente ces deux instructions distinctes, qui n'ont pas le même objet, qui ne doivent pas fournir la même preuve; il limite l'emploi de la forme de l'enquête à la recherche des indices et l'emploi de la forme du débat à la discussion des preuves. Est-ce que cette distinction, si simple en elle-même, puisqu'elle ne fait qu'appliquer chaque forme aux choses pour lesquelles elle est faite, est contraire à la pureté des principes du droit? Est-

148

ce qu'elle tend à en troubler l'harmonie? ».

14. Le recul du modèle strictement accusatoire ou inquisitoire. A vrai dire, nous partageons l'idée et l'avis de Mme Coralie Ambroise-Castérot dans sa thèse intitulée « de

145 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel: problèmes généraux de la législation criminelle, droit pénal général, procédure pénale, Éditions Cujas, 1967, p. 73.

146 V. notion du système mixte (en langue arabe) :S. Alye et H. Alye, La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, op. cit, p. 182.

147M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 22 : système mixte : « Dans ce système ..., on applique le système inquisitoire à toute la phase du procès pénal qui précède l'audience de jugement, et le système accusatoire à la procédure d'audience. ».

148 F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray Libraire-Editeur, Paris, 1853, vol. 5 De l'instruction écrite et de la détention préalable, pp. 54-55.

24

l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire », qui souligne que « la distinction entre procédure accusatoire et procédure inquisitoire semble faire partie de l'inconscient collectif juridique. Tout juriste la connait nécessairement ; c'est par son prisme qu'est systématiquement abordée la procédure pénale. Ainsi, l'instruction initialement inquisitoire serait désormais pénétrée d'accusatoire. Autrement dit, elle serait mixte. Or, cette distinction, révélatrice de cet attachement du droit aux oppositions binaires, parait être bien plus affective que cognitive. En effet, prétendre que l'instruction préparatoire est inquisitoire pénétrée d'accusatoire ou mixte ne permet en aucun cas au chercheur de connaitre sa nature

149

». Elle continue à dire qu'en réalité, l'opposition procédurale est inapte à qualifier et à classer les procédures et elle est à la fois erronée et dépassée. Cette incapacité à distinguer et à appréhender les procédures s'explique par deux raisons. Tout d'abord, l'opposition procédurale n'est pas juridiquement fondée ; l'accusatoire et l'inquisitoire sont seulement nés de déformations historiques ; ensuite cette dichotomie est inutile car elle ne peut saisir les réalités procédurales. Enfin, elle conclut que, pour saisir si la nature de l'instruction est accusatoire ou inquisitoire, il est donc nécessaire de se tourner vers des instruments modernes de distinction qui soient clairs, précis et pertinents et qu'il s'agit de la vérité recherchée et des droits de l'homme. Seuls ces nouveaux instruments de qualification permettront de comprendre

. De surcroît, nous ajoutons, qu'il faut trouver un

150

l'instruction préparatoire contemporaine

nouvel instrument conceptuel dont les critères de qualification sont basés sur la légalité, l'impartialité, l'égalité et l'équité du procès pénal. Nous pensons que le système de procédure pénale à notre époque doit adopter une approche basée sur les droits de l'homme qui constitue un cadre conceptuel pour le processus de développement procédural efficace et équitable en même temps, parce que les droits de l'homme constituent progressivement une base commune internationalement reconnue aux niveaux politique et juridique. Les critères précédents sont efficaces pour bien juger, distinguer et réformer un système complexe comme le système pénal151.

149 C. Ambroise-Casterot, De l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire, Thèse de droit, Université de Bordeaux 4, 2000, spec. le résumé.

150 C. Ambroise-Casterot, De l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire, Thèse de droit, Université de Bordeaux 4, 2000, spec. le résumé.

151 V. C.-J.-A. Mittermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A. Alexandre,De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 5 : « Les motifs qui guident le législateur traçant les règles de la preuve, sont les mêmes motifs généraux qui ont présidé à toute l'organisation du procès criminel. C'est : l'intérêt de la société, la nécessité de la punition de tout coupable; c'est 2 la protection due aux libertés individuelles et civiles, qui pourraient se trouver gravement compromises par l'effet du procès criminel ; c'est enfin et par suite, 3° la nécessité de ne jamais infliger la peine à un innocent ».

25

15. Système de procédure mixte au Liban et en France. La procédure criminelle au Liban et en France correspond-elle plutôt au modèle inquisitoire ou au modèle accusatoire de procédure? Une procédure seulement accusatoire ou seulement inquisitoire est déséquilibrée, privilégiant à l'excès tantôt les droits de la défense, tantôt les intérêts de la société. La

tentative de les concilier caractérise les systèmes mixtes 152 , qui, en tant qu'ils sont intermédiaires, sont fort divers. En substance, les systèmes mixtes se caractérisent par la division de la procédure en plusieurs étapes, qui appliquent alternativement les principes de la procédure inquisitoire (instruction) et accusatoire (jugement) et par la possibilité reconnue à la

victime comme au ministère public de déclencher les poursuites 153 . Ce système ne permet pas à la défense de participer à l'enquête, comme dans le système inquisitoire, mais la partie poursuivante y est tout de même partiellement associée, comme c'est le cas dans le système

154

accusatoire . Ce système de droit mixte est actuellement en vigueur au Liban comme

souligne MM. Mustafa Awji et Samir Alye

155

et en France comme le démontre M. Patrick

156

Beau

: le système de procédure pénale français résulte de mélange entre deux systèmes de

référence, l'accusatoire et l'inquisitoire. Comme cela a été très judicieusement souligné, les proportions entre la phase préparatoire et la phase de jugement sont parallèles à celle qui partage la dominante accusatoire et la dominante inquisitoire. La part du contradictoire s'est renforcée dans la phase préparatoire de la procédure pénale française, ce qui correspond à une

reconnaissance légitime des droits de la défense 157 . L'adoption de systèmes mixtes en droit libanais et français constitue une véritable et puissante cause d'affaiblissement des garanties procédurales dans la recherche et l'administration de la preuve parce qu'un système de procédure pénale mixte ne présente pas les mêmes garanties dans la recherche de la preuve lors les différentes phases du procès pénal. La procédure pénale libanaise est une procédure pénale marquée par le caractère inquisitoire aux stades décisifs de l'enquête et de l'instruction

152 V. en droit Libanais (en langue arabe) : D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, op. cit., pp. 83 et s.

153 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 24, p. 13.

154 E. Martin, Le rôle du juge des libertés et de la détention en procédure pénale, mémoire Master 2 droit Université Pierre Mendès France (Grenoble), 2006, p. 11.

155 V. en droit libanais (en langue arabe) : M. Awji, Leçons de procédure pénale, op. cit., p. 37 ; S. Alye et H. Alye, La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, op. cit., p. 183.

156 Procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Amiens et président de la Conférence National des Procureurs de la République.

157 P. Beau, intervention devant l'Académie des sciences Morales et politique le 25 mai 2009 consacrée à la réforme de l'instruction.

alors que la phase de jugement se rattache davantage au système accusatoire. On peut conclure que, le Liban a adopté un système dit mixte, mélangeant l'inquisitoire lors de l'enquête et l'accusatoire lors de la phase de jugement. En France, la procédure pénale est caractérisée par sa forme inquisitoire au cours de l'instruction et sa forme accusatoire au cours du procès pénal. Bien évidemment, le système mixte souffre d'un déséquilibre entre la phase préparatoire et la phase décisoire comme le dit Mme Mireille Delmas-Marty « le déséquilibre

du système pénal sape l'État de droit »158. Le système mixte doit être réformé afin de garantir et renforcer tout au long de l'enquête les droits de la défense et les droits à un procès équitable lors de la phase préparatoire en respectant l'égalité des armes entre les différentes parties intervenantes au procès pénal.

16. La définition de la preuve. Selon M. Carl Joseph Anton Mittermaier, « toutes les fois qu'un individu apparait comme l'auteur d'un acte auquel la loi attache des conséquences afflictives, et qu'il s'agit de lui en faire l'application, la condamnation à intervenir repose sur la certitude des faits, sur la conviction produite dans la conscience du juge. La somme des

motifs producteurs de la certitude se nomme la preuve »

159

. Pour M. Edouard-Louis-Joseph

26

Bonnier, lorsqu'on parle de la théorie des preuves, on n'entend pas s'occuper de la preuve du droit. Le but qu'on se propose, c'est la recherche des meilleurs moyens que l'on peut employer

pour vérifier les faits qui sont l'objet des débats judiciaires 160 . Le nom de preuve est ordinairement réservé aux modes de démonstration, soit simples, soit légaux, qui s'appuient

161

sur la foi dans le témoignage . Selon le professeur égyptien de grande réputation M. Abdel-Razeq Al-Sanhouri, en droit positif, la preuve consiste à démontrer devant une juridiction et par des procédures établies par la loi, l'existence d'un fait juridique qui a produit des

conséquences 162 . Il est donc bien évident que les moyens de preuves, la manière de prouver et l'appréciation de la preuve ont considérablement évolué au cours du temps, en fonction des croyances et des événements historiques, en fonction des mentalités individuelles et collectives, mais aussi en fonction des données spécifiques de la procédure. En outre, dans le domaine pénal, cette définition doit être complétée puisque la preuve consiste alors à

158 M. Delmas-Marty, « Le déséquilibre du système pénal sape l'État de droit », in Le Monde, 25 novembre 2010.

159 C.-J.-A. Mettermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, Éditeur : Imprimerie et librairie générale de jurisprudence De Cosse et N. Delamotte, Paris, 1848, traduction de l'allemand en Français par C.A. Alexandre, pp. 62-63.

160 E.-L.-J. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, op. cit., p. 13.

161 E.-L.-J. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, op. cit., p. 17.

162 A. Sanhourî, L'intermédiaire dans l'interprétation du droit civil, Vol. 2, Le Caire, 1952, pp. 13-14.

27

démontrer non seulement l'existence d'un fait, mais encore son imputation à une personne ainsi que, la plupart du temps, l'intention de celle-ci de commettre un tel fait. Certes, pour

163

l'essentiel, la preuve ne concerne que le fait.

17. Proposition d'une nouvelle définition de la preuve. Nous proposons une définition de la preuve pénale sous le rapport de la conviction du juge et qui s'appuie également sur l'exigence du procès équitable. Alors nous définissons la preuve pénale comme une façon crédible qui est susceptible de convaincre le juge ou le jury par tous les moyens obtenus légalement, loyalement et contradictoirement débattus et discutés servant précisément à déterminer la culpabilité ou l'innocence lors d'un procès pénal en assurant l'exercice le plus

164

.

efficace et le plus effectif du droit de la preuve contraire

18. Une inévitable nécessité de la liberté de preuve. La preuve des faits juridiques nécessite

la liberté de preuve

165

. Contrairement au droit judiciaire civil, la procédure pénale ne prévoit,

en effet, aucune réglementation générale des preuves 166 . L'objet de la mise en état des affaires pénales consiste à établir l'existence ou la véracité d'un fait de nature délictueux en même

temps que son imputation à une personne déterminée 167 . M. Jean-Yves Chevallier souligne

163 V. J. Buisson, « Preuve », in Rép. Pén. Dalloz, février 2003, p. 2.

164 V. sur la notion de la preuve contraire en procédure pénale: P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénal, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, v. spec. la recherche d'un fondement au droit à la preuve contraire dans les principes de présomption d'innocence et de droits de la défense pp. 19-101 et v. spec. L'affirmation du droit au procès équitable comme fondement du droit à la preuve contraire pp. 103-172 ; V. encore le résumé de la thèse : « Le droit de la preuve, imprégné par le principe de la présomption d'innocence, est généralement présenté comme le moyen pour l'accusation de prouver la commission des infractions à la loi pénale. L'étude d'un droit à la preuve contraire renverse par conséquent ce schéma de pensée afin de consacrer un droit, pour la personne poursuivie, de combattre les éléments de preuve présentés par l'accusation et, in fine, de rapporter tout élément de preuve de nature à établir son innocence. Le droit à la preuve contraire, fondé sur le principe de l'égalité des armes issu de la notion européenne de droit au procès équitable, tend à assurer un équilibre entre la nécessaire efficacité de la répression et la prévention de l'injuste condamnation d'un innocent. La notion de droit à la preuve contraire consacre un rôle actif de la personne mise en cause dans l'organisation de sa défense en lui permettant à la fois de produire et d'obtenir tous les éléments de preuve qui lui sont favorables. Il impose de permettre à toute personne mise en cause d'être mis en mesure de se défendre efficacement. D'une recherche active de la preuve, des demandes d'actes formulées dans le cadre de la procédure à la liberté de produire les éléments en défense et à la juste réception par l'autorité judiciaire des moyens produits, le droit à la preuve contraire constitue une exigence d'équité. Ce principe doit pouvoir être opposable au législateur comme au juge. La procédure pénale française est marquée par un certain nombre de réformes dont la finalité est d'assurer l'équilibre nécessaire entre l'intérêt collectif et la préservation des libertés individuelles. Sous l'impulsion du droit européen des droits de l'Homme, ce mouvement consacre la réalité et la pérennité du droit à la preuve contraire ».

165 V. E. Nammour, Cour criminelle (étude comparée), op .cit., n° 1326.

166 L. Kennes, La preuve en matière pénale, op. cit., p. 5.

167 F. Debove et F. Falleti, Précis de droit pénal et de procédure pénale, 2e éd., P.U.F., Paris, 2006, p. 505.

que « tout le monde s'accordera pour considérer que la liberté de la preuve se justifie très simplement et très rationnellement par le fait que dans le domaine répressif il s'agit, non pas de prouver des actes juridiques comme en droit civil par exemple, mais de prouver des faits matériels ou psychologiques, et que l'auteur véritable n'étant guère coopératif, il faut donner au juge le maximum de moyens pour apporter la preuve. Donc, tous les modes de preuve doivent être en principe admis. Mais les droits qui l'affirment haut et fort, à l'instar du droit français, sont bien obligés d'en fixer les limites qui tiennent d'ailleurs à des considérations

très variables »

168

. Dans un arrêt rendu en 1826, la Cour de cassation a déclaré « qu'il résulte

de l'esprit général du Code fondé sur les principes du droit naturel que l'accusé et son conseil ont le droit de dire tout ce qui peut être utile pour sa défense »169. C'est un arrêt qui affirme que la liberté de preuve est un principe qui prospère dans le débat devant la Cour depuis longtemps. Donc depuis à peu près deux cents ans, la liberté de preuve est un concept prisé qui a joué un rôle fondamental dans le procès pénal. Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre du Chambon, c'est l'intérêt supérieur de la société et l'intérêt du présumé innocent, convergeant pour que devant la vérité, tout obstacle juridique tenant aux modes de preuve soit

aplani à travers l'adoption du principe de la liberté de preuve

170

. M. Carl Joseph Anton

28

Mittermaier affirme que plus les règles de la preuve sont sévères, plus le nombre des preuves

171

admissibles est restreint . La preuve en matière pénale ne pouvait être envisagée identiquement à la preuve en matière civile. La preuve pénale tend essentiellement à établir l'existence d'un fait réprimé par la loi et la participation à ce fait de la personne poursuivie. Ce qui est logique, quand il s'agit essentiellement de prouver des faits pour lesquels aucune preuve ne peut normalement être préconstituée. La nécessité de lutter efficacement contre la

172

.

délinquance explique l'adoption de la liberté de preuve par le législateur en matière pénale

Ensuite, les intérêts supérieurs de la société commandaient que la répression ne fût pas désarmée par un système de preuve trop rigide si la justice pénale ne pouvait agir, faute de pouvoir prouver par tout moyen, à l'égard de délinquants inventifs qui font tout pour effacer

168 J.-Y. Chevallier, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 50.

169 Cass, 20 Juillet 1826, Rapp M. Brière, J. P., t. 20, p. 710, cité par F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle, Charles Hingray, Libraire-Editeur, Paris, 1858, Vol. 8, p. 525.

170 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 48, p. 32.

171 C.-J.-A. Mittermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A. Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 5.

172 V. en même sens : E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse de droit, op. cit., n° 9, p. 14.

les traces de leurs infractions et qui n'hésitent pas à anéantir les preuves existantes après leur

173

action

. Nous ajoutons, qu'il est impossible de limiter la recherche de la preuve pénale par

certaines méthodes ou règles pour assurer un équilibre nécessaire dans les outils de recherche et le délinquant, tandis que le délinquant a commis l'infraction en toute liberté ou par divers modes et moyens. M. Jacques Buisson affirme que s'il n'y avait pas le principe de la liberté de preuve, la personne poursuivie elle-même pouvait trouver quelque intérêt à une telle souplesse du régime de la preuve afin de faire valoir tous moyens de nature à démontrer sa non-

174

implication dans les faits reprochés.

19. Portée du principe de la liberté des preuves. Le principe de la liberté de la preuve en matière pénale, signifie qu'hormis les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et que c'est au juge d'apprécier, en se fondant

175

sur son intime conviction, la valeur à attribuer aux preuves fournies . Les parties du procès pénal peuvent faire appel à n'importe quel moyen de preuve, sans qu'il y ait une quelconque hiérarchie dans la valeur probante des divers moyens utilisés pour prouver. M. Jean Pradel disait que, l'administration de la preuve constitue l'opération intellectuelle par laquelle un fait

176

est censé être vrai et peut fonder une condamnation . Ainsi toutes les preuves sont

recevables, notamment les plus usuelles qui sont l'aveu et le témoignage

177

. Il faut ajouter que

selon la Cour de cassation française, les constatations directes et les indices sont des faits et circonstances qui, sans fournir la preuve directe de la culpabilité, permettent de conclure par

raisonnement inductif qu'elle doit être reconnue

178

. Les indices, appelés encore présomptions

29

du fait de l'homme, ne doivent pas être confondus avec les présomptions légales, mode de

173 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 555, p. 573 : fondements de la liberté de la preuve : « La preuve ne pouvait être envisagée identiquement dans les deux matières civile et pénale. D'abord parce que, en droit pénal, il s'agit essentiellement de prouver des faits pour lesquels aucune preuve ne peut normalement être préconstituée. Ensuite, et surtout, parce que les intérêts supérieurs de la société commandaient que la répression ne fût pas désarmée par un système de preuve trop rigide face à des délinquants qui n'hésitent pas à anéantir les preuves existantes après leur action. Enfin, on a fait remarquer que la personne poursuivie elle-même pouvait trouver quelque intérêt à une telle souplesse de la preuve afin de faire valoir tous moyens de nature à démontrer sa non-implication dans les faits reprochés. ».

174 J. Buisson, « Preuve », op. cit., n° 46, p. 10.

175 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisee par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).

176 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 405, p. 350: « on dira que l'administration de la preuve est l'opération intellectuelle par l'effet de laquelle un fait est censé être vrai et peut fonder une condamnation ».

177 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 406, p. 351.

178 Cass. crim., 13 mars 2007, B.C., n° 80, p. 397.

preuve plus rarement admis et qui s'analyse en un renversement de la charge de preuve. Les indices gagnent aujourd'hui en importance avec les développements de la technique : il peut s'agir d'un enregistrement par magnétophone comme l'affirme la Cour de cassation française, « attendu que la partie civile a remis au juge d'instruction un enregistrement sur bande magnétique de propos d'ordre professionnel, tenus par l'avocat X... lors d'une conversation ayant eu lieu dans son cabinet avec la partie civile et qui ont été recueillis à son insu ; que le juge d'instruction a fait procéder à la transcription de cet enregistrement et l'a annexée à la procédure ; Attendu qu'il est vainement fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas avoir ordonné le retrait de la transcription d'un enregistrement qui, selon la chambre d'accusation, ne caractérisait aucune infraction pénale, dès lors que le juge d'instruction ne peut refuser d'annexer à la procédure des documents produits par les parties à l'appui de leur défense, auraient-ils été obtenus par des procédés déloyaux ; que la transcription, ordonnée en l'espèce par le juge et rendue nécessaire pour la consultation de l'enregistrement saisi, ne

179

constitue qu'un indice de preuve pouvant être contradictoirement discuté par les parties »

.

Il peut également s'agir d'un bande vidéo comme l'affirme la Cour de cassation française : « Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure qu'a été saisie et versée à l'information une bande vidéo enregistrée automatiquement par la caméra de surveillance de l'agence bancaire, dont l'origine, contrairement à ce qui est allégué au moyen, est connue et dont l'authenticité n'a pas été contestée ; que c'est dès lors, à bon droit que cette pièce à conviction a été retenue par la chambre d'accusation comme élément de preuve pour être soumise au débat contradictoire ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ... que la procédure est

180

. Il

régulière et que les faits objet de l'accusation sont qualifiés crimes et délit par la loi »

peut aussi s'agir d'un enregistrement par écoute téléphonique : « La mise sur écoutes téléphoniques du domicile d'un inculpé à laquelle il a été procédé sur commission rogatoire du juge d'instruction ne saurait constituer une cause de nullité de la procédure lorsque cette mesure d'investigation a été exécutée sous le contrôle de ce magistrat sans artifice ni stratagème et que rien ne permet d'établir que ce procédé ait eu pour résultat de

181

compromettre les conditions des droits de la défense »

182

. Ou même par cinémomètre

. M.

30

Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer exposent le principe de la liberté de preuve en disant que l'article 427 du CPP français qui énonce le principe de la liberté de

179 Cass. crim., 11 février 1992, B.C., n° 66, p. 166.

180 Cass. crim., 4 avril 1990, Non publié au bulletin, N° de pourvoi: 90-80126.

181 Cass crim., 9 octobre 1980, B.C., n° 55 ; V. Précédents jurisprudentiels : Cass. crim., 12 juin 1952, B.C., 1952, n° 153, p. 258.

182 Cass. crim., 24 mars 1999, B.C., n° 55, p. 135.

preuve, ne définit pas le contenu des modes de preuve admissibles, il ne signifie donc pas que

183

n'importe quel moyen serait autorisé pour établir la preuve d'une infraction

. Selon M.

31

Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer, l'article 427 du CPP français signifie « plus modestement que l'existence d'une infraction peut être établie par les modes de preuve admis par la loi, sans qu'aucun d'eux ne soit exclu ou au contraire privilégié et sans qu'il y ait à distinguer selon que la preuve résulte des investigations des magistrats et

. L'article

184

officiers ou agents de police judicaire ou qu'elle soit avancée par les parties »

427 du CPP pénal français n'est en définitive rien d'autre que la consécration législative en matière pénale de la solution retenue en matière civile pour la preuve des faits purs et

simples 185 . Mais que désigne les faits purs et simples? L'article 1341 du Code civil interdit aux parties de prouver par témoins ou par présomptions les obligations portant sur une somme supérieure à 1.500 €. Cette règle de preuve n'est pas applicable qu'aux manifestations de volonté ayant pour but immédiat et direct, soit de créer ou de transférer, soit de confirmer ou de reconnaître, soit de modifier ou d'éteindre des droits ou des obligations, manifestations terminologiquement qualifiées par la doctrine d'« actes juridiques ». En revanche, cette règle de preuve ne concerne pas la preuve des faits purs et simples, que la doctrine qualifie de faits juridiques, qui correspondent à diverses situations emportant des conséquences juridiques non voulues par les parties, et qui peuvent être établis par tout mode de preuve légalement admis et notamment par témoins. La notion de faits juridiques s'oppose ici à celle de faits purs et

186

simples pouvant être admis par tous les modes de preuve légaux, notamment par témoins

.

183 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : « Il ne faut pas se méprendre toutefois sur la portée de l'article 427, parfois conçu comme une auberge espagnole. Son objet n'est pas de définir le contenu des modes de preuve admissibles. Il ne signifie donc pas que n'importe quel moyen serait autorisé pour établir la preuve d'une infraction. ». « Les principes supérieurs de légalité et de loyauté imposent des limites dont le législateur ne peut s'émanciper. ».

184 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405.

185 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405.

186 Cass. civ. 1er 27 avril 1977, B.C., n° 192, p. 151 : « en l'état de la vente d'une chose mobilière qui n'a pas fait l'objet d'un acte écrit mais n'est cependant pas déniée, suivie de la contestation qui oppose le vendeur, marchand professionnel, à l'acquéreur, le premier soutenant que la somme versée lors de la remise de la chose ne constituait qu'un acompte le second au contraire prétendant que cette somme correspondait au prix convenu, doit être cassé l'arrêt qui, pour condamner l'acquéreur à verser un complément de prix, se fonde sur les conclusions de l'expert désigné pour évaluer la valeur de la chose, au motif qu'une difficulté se produisant sur l'interprétation du contrat, il convenait de rechercher quelle était la commune intention des parties, alors qu'il s'agissait d'un litige portant, non sur les modalités de la vente ou sur l'interprétation de clauses obscures ou ambiguës d'un acte, nécessaire pour en rechercher la portée, mais sur l'étendue de l'obligation du débiteur, dont la preuve, qui incombait à la venderesse, ne pouvait être rapportée que dans les conditions prévues par l'article 1341 du Code civil, applicable aux faits juridiques, c'est-à-dire à ceux qui ont pour résultat immédiat et nécessaire soit de créer ou de transférer, soit de confirmer ou de reconnaître, soit de modifier ou d'éteindre des obligations ou des droits ».

De ce qui précède, nous trouvons que la rédaction actuelle de l'article 172 du CPP libanais nous permet d'adopter en droit libanais, l'avis précédent de MM. Fréderic Desportes et de Me Laurence Lazerges-Cousquer concernant l'article 427 du CPP français et le concept général du principe de la liberté de preuve en matière pénale. En comparant la rédaction actuelle de

l'article 427 du CPP français avec l'article 179 du CPP libanais 187 , nous avons remarqué que les deux articles emploient en réalité des styles différents pour un même contenu. L'article 179 CPP libanais dispose « les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement. Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire en audience publique. Le juge apprécie les preuves pour former son intime conviction ». L'article 427 du CPP français dispose quant à lui « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ». À notre avis, la liberté de preuve en matière pénale ne peut être qu'une liberté relative de l'administration de la preuve qui permet d'utiliser tous les modes de preuves admis par la loi pour justifier ou démonter les infractions alléguées sans consacrer aucune hiérarchie entre les divers modes de preuve et sans que la loi exige une preuve préconstituée.

20. La consécration législative et jurisprudentielle du principe de liberté de la preuve en droit Libanais. Le procès pénal libanais est dominé par le système de preuve libre, c'est une

liberté dans l'administration de la preuve

188

. Les parties au procès pénal peuvent rapporter les

32

preuves par tout mode de preuve, c'est-à-dire tout moyen peut être accueilli comme mode de preuve afin de convaincre le juge. C'est une liberté, de produire toute preuve, d'activité de recherche et d'administration de la preuve. Ce qui caractérise la théorie de la preuve, dans l'ordre pénal, c'est la liberté des preuves. Si la loi civile détermine des modes de preuves, leur admissibilité et leur valeur probante, en revanche en droit pénal tous les modes de preuves sont permis, pourvu que celles-ci soient recueillies légalement et régulièrement, et qu'elles puissent être librement et contradictoirement débattues. Selon M. Élias Nammour, le principe de la liberté des preuves en droit pénal signifie que tous les modes de preuve sont permis; comme les témoignages, les documents écrits, les présomptions et qu'elles revêtent toutes la

187 L'article 179 CPP libanais énonce le principe de la liberté de preuve en matière pénale en droit libanais.

188 V. sur le principe de la liberté de preuve en droit libanais (en langue arabe) : T.-Z. Saffi, Les tendances actuelles en procédure pénale, op. cit., pp. 345 et s ; E. Nammour, Cour criminelle (étude comparée), op. cit., n° 1323 et s.; H. Madi, Procédure pénale, op .cit., p. 303 et s ; V. liberté de preuve en droit libanais avant la loi 2001 :A. Nakkib, Procédure pénale (étude comparative), op. cit., pp. 321-322.

même valeur. Il incombera au juge, en toute indépendance, d'en tirer les résultats, selon son

189

intime conviction

. L'article 179 du CPP Libanais énonce le principe de liberté de la preuve

« les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement. Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire en audience publique...». Ce texte constitue le

190

a

fondement juridique du principe de la liberté de preuve. Le Conseil judiciaire Libanais

également affirmé le principe de la liberté de preuve dans le procès pénal. Le Conseil

judiciaire Libanais (c'est une juridiction d'exception)191 a affirmé explicitement dans l'affaire de l'assassinat de M. Dani Chamoun ce principe en jugeant que « la preuve est libre dans le

192

procès pénal, tous les moyens sont admis à prouver...»

193

. Le Conseil judicaire libanais

a

33

validé le principe de la liberté de preuve par sa décision rendue dans l'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre M. Rachid Karami en 1987 (L'affaire est confiée au conseil judiciaire) en précisant que « la Cour de justice, apprécie souverainement la valeur probante des éléments provenant de l'enquête puisque la preuve est libre en matière pénale, la Cour

194

.

peut retenir ce qu'elle considère admis et convaincu ou les écarter comme non probants »

Quant à la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, elle affirme que, tous les

189 V. E. Nammour(en langue arabe), Cour criminelle (étude comparée), Sader Éditeurs, Beyrouth, 2005, n° 1325, t. 2, p. 914.

190Au Liban, c'est le conseil des ministres qui renvoie les dossiers devant le conseil judiciaire conformément à l'article 355 du CPP libanais qui dispose : « Une affaire est renvoyée devant le Conseil judiciaire sur décret pris en Conseil des ministres ».

191 Le Conseil judicaire en droit libanais : A sa tête le premier président de la Cour de Cassation qui est aussi le président du Conseil supérieur de la magistrature. Ce conseil statue sur les atteintes à la sécurité extérieure et intérieure de l'État ainsi que sur les atteintes à la sûreté générale et les crimes qualifiées importantes par le gouvernement. Les décisions rendues par le Conseil de justice ne sont pas susceptibles d'appel et ne peuvent pas être annulées. L'Article 356 du CPP libanais dispose : « Le Conseil judiciaire connaît des infractions suivantes : a) les infractions visées par les articles 270 à 336 inclusivement du Code pénal ; b) les infractions visées par la Loi du 11 janvier 1958 ; c) toutes les infractions liées aux transactions concernant des armes ou équipements opérés ou allant être opérés par le Ministère de la défense nationale, ainsi que les infractions liées ou qui en découlent, notamment celles visées aux articles 351 à 366 inclusivement, aux articles 376, 377 et 378 et aux articles 453 à 472 inclusivement du Code pénal, ainsi qu'aux articles 138 et 141 du Code de justice militaire ».

192 Décision du Conseil judiciaire Libanais du 24/6/1995(103 p.), V. spec. p. 29. Le juge-président M. Phillipe Khairallah, juge-assesseur M. Hikmat Harmouch, juge-assesseur m. Kassoufs, juge-assesseur M. Zein et juge-assesseur M. Kawwase ; V. en même sens la décision du conseil du justice du 12/4/1994 (affaire : les 2 frères Antonios), et du 19/10/1994 (affaire : Omran Mouayta).

193 Encore appelé Conseil de justice.

194 Décision du Conseil judiciaire Libanais du 25/6/1999(190 p.). Le juge-président Mounir Honein, juge-assesseur Ahmad al-Moallem, juge-assesseur Hussein Zein, juge-assesseur Ghassan Abou Alwan et juge-assesseur Ralph Riachy.

moyens de preuve sont acceptés sans limites pour apporter la preuve de l'existence de

195

l'infraction.

21. Avis exceptionnel sur l'adoption du principe de liberté de preuve en droit libanais. A l'encontre de ce qui vient d'être dit, et sur la base de l'article 6 du nouveau Code de procédure civile libanais qui impose de suivre les règles générales du Code de procédure civile en l'absence de lois et de règles juridiques, M. Elias Abou-Eid considère que le système de preuve pénal libanais est soumis au régime de la preuve légale et considère que l'article 179 du CPP libanais ne consacre pas la liberté de preuve dans le système pénal libanais. M. Élias Abou-Eid précise que les juges libanais n'appliquent pas l'article 6 du Code de procédure civile, car les juges sont faussement convaincus que le législateur a adopté le principe de la

liberté de la preuve en matière pénale dans l'article 179 du CPP libanais

196

. Selon M. Élias

Abou-Eid, la liberté de preuve pénale n'est fondée sur aucun texte de la loi, ni consacrée par un texte explicite en droit libanais; aucun texte du Code de procédure pénale libanais ne consacre explicitement et directement le principe de la liberté de preuve. Pour ces motifs, face au silence du législateur libanais, on se réfère au Code de procédure civile conformément à l'article 6 du nouveau Code de procédure civile libanais. Voilà pourquoi, du point de vue de M. Elias Abou-Eid, il faut appliquer le système de preuve adopté en matière civile au procès

197

pénal en droit libanais, c'est-à-dire le régime ou le système de la preuve légale. Le Conseil constitutionnel libanais a consacré la solution générale adoptée par l'article 6 du nouveau Code de procédure civile libanais qui dispose : « Les principes généraux du Code de procédure civile s'appliquent dans l'hypothèse où il y a une lacune dans les autres Codes et

lois de procédure »

198

. La solution imposée par l'article 6 précédent et la position de la

34

jurisprudence du Conseil Constitutionnel libanais sont applicables en cas de lacune ou du silence du législateur. Il en résulte que le Conseil constitutionnel libanais considère que le Code de procédure civile constitue le droit commun auquel il convient de revenir lorsque les

195 V. en langue arabe: Cass. crim., arrêt n° 131 du 08/03/1955.

196 V. E. Abou-Eid, Théorie de preuve en procédure civil et pénal, 3e partie, Publication Zein, 2005, n° 16 et s., p. 179 et s ; au contraire v. E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé, Liban et France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n° 1327, n° 1328 et n° 1329, p. 914 et s.

197 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, Théorie de preuve en procédure civil et pénal, 3e partie, op. cit., n°16 et s., pp .179 et s.; V. au contraire, E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé, Liban et France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n° 1327, n° 1328 et n° 1329, pp. 914 et s.

198 C.C. lib., n° 2, 3 Avril 1996.

règles de procédure applicables devant lui souffrent de lacunes

199

. Au regard de tout ce qui

35

précède, pour appliquer l'article 6 du Code de procédure civile libanais, il faut examiner si le Code de procédure pénale libanais souffre de graves lacunes et silences du législateur en matière de preuve pénale. Contrairement au point de vue de M. Elias Abo-Eid, la majorité des auteurs spécialisés en procédure pénale et la jurisprudence considèrent que le principe de la liberté de la preuve pénale correspond à celui du système de preuve pénal libanais, mais en

200

écartant toute discussion relative à l'adoption du principe par le législateur libanais . Seul M. Elias Nammour considère que la liberté de preuve en matière pénale est fondée sur les

principes généraux du droit pénal et l'article 179 du CPP libanais. En ce qui nous concerne,

201

on ne peut pas accepter l'idée selon laquelle le régime de la preuve légale doit être appliqué en matière de preuve pénale au Liban. La solution de M. Elias Abou-Eid n'est pas logique et n'avait aucune base juridique parce que les dispositions de l'article 6 du nouveau Code de procédure civile Libanais est applicable en cas de silence de texte de procédure pénale libanais. Mais la question essentielle est de savoir si le Code de procédure pénal libanais ne consacre pas le principe de la liberté de preuve pénale pour appliquer l'article 6 du nouveau Code de procédure civil libanais et si l'on peut considérer qu'il y a une lacune dans le Code de procédure pénale libanais? L'article 179 du CPP Libanais qui pose le principe de la liberté de preuve, se situe dans le chapitre IV du Code de procédure pénale libanais qui est relatif à la procédure de jugement et vérification de la preuve devant le juge unique. Le juge connaît des

202

délits et contraventions , mais la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise en a forgé un principe général de droit comme dans l'arrêt rendu par la Cour de cassation numéro 38 du 23/02/1999, l'arrêt qui a admis la preuve de la mort par tout

moyen de preuve 203 . Sans aucun doute, le système de preuve libre est appliqué en droit libanais lorsqu'il s'agit de prouver en matière pénale. Mais nous pensons souhaitable que le législateur libanais consacre la liberté de preuve dans le procès pénal en des termes clairs et

199 F. Hage-Chahine, « Constitution et droit privé », in Les constitutions des pays arabes, colloque organisé par CEDROMA au mois de février 1998 à Beyrouth est fondamental par son thème: Les Constitutions des pays arabes, Éditeur : USJ. Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe. Beyrouth. Liban, Date de publication : 2006, V. p. 21.

200 V. en droit libanais (en langue arabe) : H. Madi, Procédure pénale, op .cit., p. 306 ; D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, op. cit., pp. 95-97.

201 V. en droit libanais (en langue arabe) : E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé, Liban et France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n° 1327, n° 1328 et n° 1329, pp. 914 et s.

202 En droit libanais, l'infraction punie d'une peine d'emprisonnement de trois ans au plus, d'une peine d'amendes et des peines complémentaires.

203 V. en langue arabe : Cass. crim., 7e Chambre, arrêt n° 38, 23/02/1999, in Les arrêts des Chambres criminelles de la Cour de Cassation pour l'année 1999, éd. Sader, p. 304.

36

précis, pour confirmer que la liberté de preuve est applicable devant toutes les juridictions pénales non seulement devant le juge unique pénal. Il semble opportun de consacrer la généralité de l'application du principe de la liberté de preuve par un texte législatif clair et précis sur les bases d'une exigence de clarté de la loi. Le législateur doit faire des textes bien conçus, clairement écrits et juridiquement solides. Nous proposons la même solution en droit français, parce que l'article 427 (alinéa 1) du CPP français qui énonce le principe de liberté de la preuve se situe dans le chapitre relatif au jugement des délits. A vrai dire, le principe de la liberté de preuve pénale est consacré de façon explicite dans le Code de procédure pénale libanais surtout dans l'article premier qui dispose « ce Code réglemente également la constatation des faits pénaux et des éléments de preuve aux fins de l'application des lois pénales ». Conformément à cet article, les règles générales de la preuve sont réglementées dans le Code de procédure pénale ce qui nous conduit à rejeter l'idée de M. Elias Abou-Eid d'appliquer le système de la preuve légale en matière pénale.

22. La consécration législative et jurisprudentielle du principe de liberté de la preuve en droit Français. Par ce principe de la liberté de la preuve, le législateur signifie aux policiers, aux magistrats de la poursuite, de l'instruction ou du jugement, comme à la partie poursuivie,

204

que sont admissibles tous les modes de preuve . L'article 427 du CPP français énonce le

205

principe général de la liberté de la preuve en matière pénale. Cet article se situe dans le

206

chapitre relatif au jugement des délitset la jurisprudence française en a forgé un principe général de droit. Le principe directeur est celui de la liberté qui concerne le mode de preuve utilisé pendant le procès pénal. Ce principe permet l'utilisation des différents moyens de preuves, preuve par oral ou par écrit, preuve par constatation directe, par témoignage, par ouï-dire ou par procès-verbal, preuve authentique, par expertise ou encore par l'aveu. Seules les très petites infractions que sont les contraventions ne peuvent être établies que par procès-verbaux ou rapports, ou par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui.

204 J. Buisson, « Preuve », op. cit., n° 47, p. 10.

205 L'article 427 du CPP français dispose : « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui » ; V. sur la preuve en matière douanière droit français : J. Pannier, « La preuve en matière douanière », D., 2009, n° 23, chron. pp. 1552-1556.

206 Infraction punie d'une peine d'emprisonnement de trois ans au plus, d'une peine d'amendes et des peines complémentaires.

37

207

Par ailleurs, le principe de liberté vise la manière dont la preuve a été obtenue. Donc le principe de la liberté de la preuve en droit français, est clairement formulé par l'article 427(alinéa 1er) du CPP Français à propos de la procédure correctionnelle, mais est applicable à toutes procédures devant la juridiction répressive. Le principe de la liberté de preuve a été consacré en droit français avant même qu'il ne fût formellement exprimé dans l'article 427 du

CCP Français 208 « hors les cas où la loi en dispose autrement les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». La liberté de la preuve laisse aux parties le choix entre les moyens de preuve et le juge est libre pour former sa conviction. Or, en matière pénale, il ne s'agit pas de prouver des actes juridiques, mais des faits. Il faut réunir des preuves permettant de préciser les circonstances matérielles de la commission de l'infraction, d'en découvrir l'auteur et de qualifier les faits. Tous les modes de preuve permettant d'établir la prévention sont donc admis (témoignage, écrits, expertise, aveu, indice...), ce qui est conforme à la nature de l'infraction pénale - fait juridique. En revanche, s'il se trouve dans les éléments constitutifs ou dans les conditions préalables de l'infraction un acte juridique (un contrat pour l'abus de confiance par exemple), la preuve de celui-ci doit être apportée au juge pénal conformément aux règles civiles. Une autre justification du principe de liberté tient à la nature des intérêts en cause. Alors que, dans un procès civil ou commercial, sont essentiellement concernés des intérêts particuliers, le procès pénal met en jeu l'ordre public et la sécurité de la collectivité. L'intérêt supérieur de la manifestation de la vérité justifie la recevabilité de tout moyen de preuve209. La jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation française en matière de preuve a fait une application large de la notion de la liberté de preuve. « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, il leur appartient seulement d'en apprécier la valeur probante, après les avoir soumis à la

discussion contradictoire » 210 . Tous les modes de preuve sont admis en droit pénal, à moins que la loi en dispose autrement. Si ce principe connaît des exceptions concernant les autorités publiques, la jurisprudence refuse d'y apporter la moindre restriction s'agissant des

207 J. Lelieur, « L'application de la reconnaissance mutuelle à l'obtention transnationale de preuves pénales dans l'Union européenne : une chance pour un droit probatoire français en crise ? », in Zeitschrift für Internationale Strafrechtsdogmatik, 2010, n° 9, p. 592.

208 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 555, p. 573 : « Aussi a-t-on consacré le principe de la liberté de preuve avant même qu'il ne fût formellement exprimé dans l'article 427 du Code de procédure pénale ... ».

209 G. Clément, « Le secret de la preuve pénale », in Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz, Collection : Études, mélanges, travaux, 2006, p. 194.

210 Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482.

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particuliers, obligeant ainsi le juge pénal à admettre la recevabilité d'éléments de preuve obtenus de manière illicite ou déloyale. Mais en France, il faut bien souligner l'impact indirect mais efficace de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'application arbitraire ou absolue de la liberté de preuve par les juridictions française. Dans toutes ses décisions rendues en ce domaine, la Cour européenne des droits de l'homme souligne que la recevabilité des preuves relève, en premier lieu, des règles du droit interne et qu'il revient, en principe, aux juridictions nationales d'apprécier les éléments recueillis par

211

elles . Elle constate ainsi que la tâche de la Cour européenne consiste à rechercher si la procédure envisagée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, revêt un caractère équitable. Elle précise, par ailleurs, que les éléments de preuve doivent être produits devant le prévenu en audience publique, en vue d'un débat contradictoire

212

.

et que ce principe ne peut comporter d'exceptions que sous réserve des droits de la défense

23. Problématique de la thèse. La preuve pénale est une nécessité primordiale pour juger un accusé, cependant, le moyen de preuve qui nous mène à la vérité n'est pas accessible d'une quelconque manière car la preuve doit être recueillie d'une manière légale. La loi a cerné les moyens de preuve dans un cadre juridique à travers le Code des procédures pénales ainsi que d'autres Codes et lois, en dépit du contrôle et de la domination du principe de la liberté de la preuve dans le droit pénal libanais et français. Cette thèse aborde une problématique importante concernant le droit répressif, et particulièrement la procédure pénale : l'illégalité de la preuve pénale. Bien que la problématique essentielle et fondamentale traitée dans cette étude porte sur le problème de la légalité de la preuve pénale, l'on ne peut l'aborder directement sans étudier des sujets qui lui sont étroitement liés.

Quelles sont les limites à ne pas franchir et ou s'arrête la liberté de la preuve pénale? Dans un État de droit, durant la recherche et l'administration de la preuve pénale, incontestablement la police et la justice doivent respecter soigneusement les lois et les règles de procédure. Les questions soulevées ci-dessus mènent à une autre question logique : si le principe général est que la preuve est libre dans le système pénal français et libanais, la liberté de la preuve est-elle absolue et sans limites? La réponse à cette question est évidemment catégoriquement négative, car la liberté absolue ne peut être accordée pour prouver en matière pénale. Cette réponse conduit vers une question logique : quelles sont la base et la source de ces restrictions

211 H. Pelletier, Juris-Classeur Procédure pénale, Art. 427 à 457.

212 CEDH, 23 avr. 1997, n° 21363/93, Van Mechelen et autres c/ Pays-Bas.

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que rencontre la liberté de la preuve et quelles sont ces restrictions? La réponse est que la restriction principale est d'ordre juridique. Elle consiste dans le principe de la légalité de la preuve pénale que l'on voit comme une extension du principe de la légalité criminelle qui domine le système pénal dans ses deux pôles : objectif (Code pénal) et formel (procédure pénale). Le principe de la légalité de la preuve pénale que nous allons prouver dans cette étude est tout à fait différent du système des preuves légales qui est étroitement lié à la force probante de la preuve et à la hiérarchie entre les éléments de preuve. Le principal défi dans cette étude est de trouver une réponse claire, satisfaisante et convaincante à la question fondamentale et primordiale qui concerne l'existence du principe de la légalité de preuve pénale. Y'a-t-il vraiment un principe juridique connu sous le nom de la légalité de preuve dans la procédure pénale qui cohabite avec le principe fondamental de la liberté de la preuve qui domine la procédure pénale? Quelle est la notion de légalité de preuve pénale ? Peut-on considérer que le principe de la légalité de preuve constitue un outil juridique pertinent et indispensable afin d'éviter l'arbitraire qui peut résulter de la liberté absolue de la preuve pénale? La légalité constitue incontestablement une limite à la portée du principe de la liberté de preuve pénale. Faut-il commencer à utiliser les termes « liberté de preuve encadrée légalement »? Faut-il réformer ou reformuler la notion classique et extrême de la liberté des preuves en matière pénale? Le principe de la légalité de preuve est-il une nécessité pour protéger les libertés, la vie privée et le respect de la dignité humaine dans la recherche de la preuve pénale? Quelles sont les raisons et les motivations qui expliquent l'importance de la conciliation entre liberté et légalité de preuve? Comment comprendre la notion de la légalité de la preuve pénale?

En outre du principe de la légalité de la preuve pénale en tant que contrainte à la liberté de la preuve pénale, vient un autre principe qui est celui de la loyauté des preuves pénales qui est un principe de nature morale, ce qui exige une définition claire, explicite et cohérente. Quelles sont les différences et les convergences entre légalité et loyauté? Pourquoi la loyauté dans la recherche de la preuve pénale est-elle un principe controversé? Quels sont les facteurs les plus déterminants dans la genèse du principe de loyauté? Quel est le rôle de la jurisprudence dans la création du principe de loyauté? Quels sont les fondements juridiques du principe de loyauté? Quelles sont les causes du déclin du principe de loyauté? Est-ce qu'il peut y avoir contradiction entre loyauté et efficacité dans la recherche des preuves? Est-ce que le principe de loyauté tend vers la consécration d'une notion stable dans la recherche des preuves qui signifie que la fin ne justifie pas les moyens? La loyauté interdit la tromperie et la provocation dans la recherche et l'administration de la preuve pénale. Quel est le rôle de l'émergence de la

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notion de preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi dans cette tendance? Est-ce que l'augmentation et l'évolution de la criminalité a joué un rôle dans la légalisation des outils de recherche de preuve pénale non compatibles avec le principe de loyauté?

La définition ou la précision de la notion du principe de légalité de la preuve pénale exige également l'identification précise d'un autre concept, celui de preuve illégale. Il est, en effet, nécessaire de trouver les critères permettant minutieusement de distinguer la preuve correcte qui est en conformité avec le principe de la légalité de la preuve c'est-à-dire la preuve légale, de la preuve illégale. Comment peut-on juridiquement appréhender la notion de preuve illégale? Comment se caractérise l'illégalité formelle en matière de preuve pénale? Comment peut-on déterminer les cas où la recherche et l'administration de la preuve pénale portent atteinte à la légalité procédurale? Quelles sont les atteintes susceptibles de former l'illégalité formelle pendant le déroulement de la recherche de la preuve pénale qui font l'objet d'une inobservation de la loi? Dans quelles hypothèses l'illégalité peut-elle faire en sorte qu'une preuve porte atteinte au droit à un procès équitable? Le principe de la légalité de la preuve pénale impose le respect des grands principes : le débat contradictoire, l'oralité, la publicité.

La violation du droit au respect de la vie privée dans la recherche de la preuve constitue-t-elle une source d'illégalité formelle? L'encadrement légal de l'écoute téléphonique par le législateur en matière de preuve pénale empêche de considérer la preuve en résultant comme illégale. Comment les législateurs libanais et français ont-ils réglementé certaines hypothèses de mise sur écoute téléphonique? Est-ce que la preuve obtenue par l'enregistrement clandestin est compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale? Les enregistrements audio peuvent être considérés comme preuve pénale, mais les enregistrements clandestins ont-ils valeur de preuve?

Quels sont les critères et les hypothèses qui caractérisent une preuve entachée d'une illégalité matérielle? Les procédés de preuve considérés comme attentatoires à la liberté individuelle et à la dignité humaine constituent-ils des preuves illégalement acquises? Quelles sont les conditions de l'admission de l'aveu comme preuve pénale conformément au principe de la légalité de preuve pénale? Quelles sont les pratiques, procédés et modes utilisés pour obtenir un aveu qui rendent cette preuve entachée d'illégalité? Peut-on accepter l'idée que l'aveu puisse être obtenu sous la contrainte morale? La jurisprudence accepte-t-elle un aveu qui a été obtenu d'une manière illégale? Le recours à certains procédés scientifiques pour obtenir des preuves met en péril ou ouvre la question de la légalité de la preuve pénale acquise

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par ces procédés scientifiques. Est-il permis d'affaiblir ou d'anéantir la volonté du suspect ou de l'accusé afin d'obtenir une preuve? Le recours au sérum de vérité (la narco-analyse) dans le but d'obtenir des éléments de preuve constitue une violation du principe de la légalité de la preuve pénale. De même, une audition effectuée sous hypnose a été qualifiée de moyen de preuve illégal. Les atteintes à l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de la pensée sont-elles admises pour obtenir une preuve? L'utilisation du polygraphe en procédure pénale est-elle compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale? Un texte de loi strict et clair peut-il légaliser l'emploi du polygraphe pour obtenir des preuves pénales? Le recours à l'ADN dans l'établissement de la preuve en matière pénale est-il compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale? Est-ce que le fait de refuser de se soumettre à un test ADN est permis même en présence d'un texte de loi qui oblige le prévenu ou l'accusé à effectuer le test? L'emploi de la force ou de moyens de coercition pour pousser le prévenu ou l'accusé à effectuer un test d'ADN est-il compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale?

Si le principe de légalité de la preuve pénale existe de manière générale, la question se pose de savoir si ce principe existe vraiment en droit libanais et français. Le principe de la légalité de preuve pénale souffre-t-il d'un problème d'existence ou d'un problème de reconnaissance? Le réel problème est celui de la reconnaissance juridique de ce principe. Quelles sont les positions doctrinales et jurisprudentielles vis-à-vis de la reconnaissance du principe de la légalité de preuve pénale? Comment prouver et affirmer l'existence du principe de la légalité de la preuve pénale? Comment le principe de la légalité de preuve pénale peut-il atteindre une reconnaissance juridique suffisante? Le principe de la légalité de la preuve pénale est-il une dérive, un composant ou un aspect du principe général de la légalité criminelle? Quelle est la relation entre le principe général de la légalité criminelle et le principe de la légalité de la preuve pénale? Le principe de la légalité de la preuve pénale est-il un des aspects juridiques du grand principe de la légalité criminelle? Peut-on considérer que le principe de la légalité criminelle est applicable à la procédure pénale? Peut-on parler d'une reconnaissance de la légalité procédurale qui consolide définitivement la reconnaissance de la légalité de preuve pénale?

A travers ce qui a été exposé, on posera la question majeure et l'épineux dilemme : quel est le sort de la preuve illégale? Il est logique de dire que l'application pratique des principes juridiques révèle la vraie valeur que la justice attribue au principe juridique indépendamment de la valeur juridique réelle. Par conséquent, toute évaluation de l'application effective ou pratique du principe de la légalité de la preuve pénale et l'acceptation ou l'admission de la

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preuve illégale et même les éléments de preuve obtenus illégalement par la justice exigent d'abord l'étude de la valeur juridique du principe de la légalité en droit libanais et français afin de procéder ensuite à l'étude des applications pratiques du principe de la légalité de la preuve pénale et de l'évaluation de la position de la justice par rapport à celui-ci. Est-ce qu'on peut parler d'une tendance vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation du droit de la preuve et si oui quelle est la manifestation de cette tendance? Quels sont les fondements conventionnels et constitutionnels du principe de la légalité de preuve en droit libanais et français? Quelle valeur juridique revêt le principe de légalité en droit libanais et français? Quel est l'impact de la Charte internationale des droits de l'homme sur la valeur juridique du principe de la légalité de preuve en droit libanais? Quel est l'impact du préambule de la Constitution libanaise sur la valeur juridique du principe de légalité en droit libanais? Le principe de légalité faisant partie du bloc de constitutionnalité en droit libanais, quelles en sont les conséquences sur la valeur juridique du principe de légalité en droit libanais? La Convention européenne des droits de l'homme a-t-elle un impact sur la valeur juridique du principe de la légalité de preuve en droit français? Quel est l'impact du préambule de la Constitution française sur la valeur juridique du principe de légalité en droit français? Le principe de légalité appartient-il au bloc de constitutionnalité en droit français? Quelle est l'influence exercée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (la Constitution de la IVe République) et le préambule de la Constitution française du 4 octobre 1958 sur la valeur juridique du principe de légalité en droit français?

Sans doute faut-il étudier les applications pratiques du principe de la légalité de la preuve pénale et l'évaluation de la position de la justice par rapport à celui-ci. Cela nécessite l'évaluation des solutions offertes par la théorie de l'annulation (La théorie des nullités en matière pénale) et les applications jurisprudentielles du principe de la légalité de la preuve pénale et de diligence dans la loi libanaise et française. Quelles sont les sanctions procédurales possibles ou prévues en droit libanais et français? Quel est l'effet du choix du régime des sanctions? Quelle est l'incidence de la théorie des nullités adoptée par les législateurs libanais et français sur la sanction des preuves illégales? Les nullités textuelles et les nullités substantielles contribuent à sanctionner les preuves obtenues de manière illégale. Quelle est la conséquence de la qualification et de la distinction entre nullités absolues et nullités relatives sur les sanctions des preuves obtenues de manière illégale? Est-ce que l'application de la sanction concernant la preuve illégale peut varier selon l'auteur de la preuve? Est-ce que

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l'application de la sanction concernant la preuve illégale peut varier selon l'objet de la preuve illégale (entre preuve d'innocence et preuve de culpabilité)?

Il sera intéressant de connaître la mesure dans laquelle la théorie des nullités en matière pénale peut assurer l'application effective et exacte du principe de la légalité de la preuve pénale. Cela débouchera logiquement sur la discussion relative à la nécessité de développer le rôle et le cadre de la théorie de l'annulation judiciaire pour assurer l'application effective et espéré du principe de légalité de la preuve pénale ou de sortir du cadre de la théorie générale des nullités en droit de la procédure pénale pour trouver des outils ou des mécanismes juridique innovants et capable d'assimiler le problème de la légalité des preuves pénales et d'assurer l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale en rapport avec sa valeur juridique réelle. Nous abordons là les idées et propositions juridiques développées pour dépasser la théorie de la nullité classique et arriver à une étape stable et permanente sur le sujet de la preuve pénale dont le résultat dans la pratique effective devant la justice serait la reconnaissance totale et évidente de l'idée selon laquelle l'accès à la vérité et à la recherche et l'administration de la preuve pénale ne peut pas se faire par l'utilisation de moyens et de preuves illégales, même si la preuve reflète la vérité réelle, ce qui dans un sens veut dire que ces nouveaux instruments juridiques devraient être en mesure d'exclure la preuve illégale et de supprimer sa valeur probante. Comment peut-on comprendre le traitement de la preuve illégale? Quelles sont les raisons qui motivent l'admission d'éléments de preuve obtenus illégalement? Est-ce que l'absence de texte explicite en droit libanais et français autorisant le juge à exclure du procès des éléments de preuves obtenus de façon illégale justifie l'admissibilité d'un élément de preuve recueilli de manière illégale? Est-ce que la liberté souveraine d'appréciation du juge en matière de preuve pénale qui est aussi appelée système de la preuve morale ou de l'intime conviction adopté en droit libanais et français permet au juge la liberté entière, absolue et illimitée d'apprécier la force probante de chacune des preuves offertes malgré son origine illégale? Est-il possible de fixer des critères stables qui justifient l'exclusion de la preuve illégale? Et, au contraire, est-il possible de fixer des critères stables qui justifient l'admission de la preuve illégale? Faut-il réformer le système des nullités en procédure pénale libanaise et française? Y a-t-il vraiment une nécessité de moderniser l'ensemble du système des nullités en procédure pénale dans le but d'améliorer l'efficacité de l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale? Les législateurs libanais et français doivent veiller à l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale et doivent trancher la question de l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale. Ils doivent ensuite proposer d'adopter de nouvelles modalités et de nouveaux moyens

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juridiques qui permettraient clairement au juge d'exclure un élément de preuve obtenu illégalement. Cependant, l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale peut avoir pour effet de permettre à un délinquant d'échapper à la sanction pénale.

24. Les enjeux de cette étude. Cette étude est une contribution au renforcement et à l'enracinement du principe de légalité de la preuve pénale. Il s'agit de montrer que la recherche de la preuve pénale pour atteindre la vérité ne peut se faire à n'importe quel prix et en recourant à tous moyens ou par le biais la violation des droits et des libertés individuelles des dispositions de la loi et des principes généraux. Cette étude constitue un complément aux études effectuées en France sur le principe de la légalité de preuve pénale. Elle traite toutes les problématiques relatives à l'existence du principe de la légalité de la preuve pénale. S'agissant du droit libanais; cette étude soulève une question qui constitue un supplément qualitatif à la loi libanaise. Rares sont en droit libanais les études ou les articles sur le principe de la légalité de la preuve pénale ou de son concept à l'exception des rares idées dans certains livres de procédures pénales qui ne dépassent pas l'allusion à ce principe et qui sont littéralement traduits des livres français de manière incomplètes et peu claires et souvent de manière ambiguë sans distinction avec le principe de la loyauté de la preuve pénale. Cette étude a donc vocation à combler une lacune dans la bibliothèque juridique libanaise. Elle vise au déploiement et à la consécration de ce principe en l'expliquant de façon claire et objective, alors qu'il a été négligé par la jurisprudence et la doctrine pénale libanaise. Cette étude est donc venue pour mettre fin à des années de marginalisation de ce principe fondamental dans la quête et l'administration de la preuve pénale, et cela constitue un nouveau départ effectif pour une tentative de consécration du principe et de diffusion de celui-ci.

Dans la première partie de cette thèse, nous étudierons la notion de légalité de la preuve. La seconde partie de cette thèse portera sur la mise en oeuvre du principe de légalité de la preuve.

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Partie I

La notion de légalité de la preuve

25. Exposé du problème de la légalité de preuve. Il est clair que la liberté de preuve comme principe domine tout le procès pénal, mais normalement il n'y a pas de liberté dans la recherche de la preuve pénale sans limite parce qu'une liberté totale en matière de preuve sans

limite et borne risque vite de se transformer en abus 213 . Selon M. Jérôme Bénédict, les États démocratiques confèrent à leurs agents des pouvoirs étendus, mais en même temps avec

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fermeté, parallèlement, ils fixent des limites strictes à leur action

.

26. Distinction entre légalité des preuves et preuves légales. Il est important de remarquer qu'il ne faut pas confondre les notions de « légalité des preuves » et de « preuves légales ». Le problème de la légalité des preuves a trait à la question de l'admissibilité de ces dernières, et

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non à celle de leur valeur probante . Les limites à la liberté des preuves découlant des principes généraux sont beaucoup plus importantes que celles résultant des textes juridiques. Les premières (découlant des principes généraux) s'appliquent, à toutes les infractions et devant toutes les juridictions pénales à tous les autres stades de la procédure pénale. Les organes étatiques et judiciaires doivent les respecter, quel que soit le moyen de preuve, tels que les interrogatoires, la détection sensorielle et la perquisition. Le principe de la légalité de preuve tend à éliminer les moyens illégaux et d'autres moyens scientifiques du cadre du procès pénal. En ce qui concerne la personne poursuivie, c'est le respect des libertés individuelles, de la sécurité physique et morale de l'individu et des droits de la défense qui l'imposent. Pour la justice pénale, c'est la dignité et les valeurs fondamentales de la civilisation moderne qui les justifient. La question ne concerne pas seulement le recensement

216

.

de la preuve, mais comprend aussi les manières dont ces preuves sont obtenues

213 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 879, pp. 711-712 : «... la liberté de preuve ne permet pas toutes recherches. Dans ce domaine, les principes généraux condamnent, outre la torture, l'astreinte, le serment imposé au prévenu, le duel judiciaire ».

214 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, Thèse de droit, Université de Lausanne, Éditions Pro Schola, Lausanne, 1994, p. 18.

215 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 23.

216 V. en langue arabe : E. Nammour, Cour criminelle. Etude comparative, 1e éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2005, t.2, n°1347, p. 929.

27. Comment trouver le bon équilibre? On peut dire d'une manière générale que la procédure pénale a pour objet de concilier deux intérêts présentés comme antagonistes afin de

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trouver l'équilibre le plus satisfaisant

. Selon M. Jean Pradel, « la preuve est peut-être de

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toutes les branches de la procédure pénale, celle qui est la plus vivante et surtout la plus complexe et, par conséquent, la moins sûre, la moins fixée. On doit rappeler en effet que la preuve se trouve au confluent de deux logiques antagonistes : celle des droits de l'individu (à l'intégrité corporelle, à la vie privée) et celle des droits de la société, ces droits que l'on est tenté de défendre en profitant des technologies modernes et en bâtissant au profit des

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autorités de police et de justice un système de pouvoirs importants » . La procédure pénale donc a pour mission de réaliser l'équilibre le plus satisfaisant possible entre deux exigences opposées : la nécessité de protéger la société contre les délinquants et les criminels qui la menacent d'un part, et celle de garantir les droits de l'individu et le respect de la personne

humaine d'autre part 219 . Plus précisément, la problématique qui concerne la recherche de la preuve s'articule autour de l'idée de trouver l'équilibre entre la liberté et la légalité dans la recherche et l'administration de la preuve en matière pénale. Un autre concept d'équilibre s'exprime par un juste équilibre entre les intérêts publics et privés qui est à notre avis une

. Pour

220

notion ou un critère de distinction ambigu et qui reste toujours un équilibre difficile

mettre en oeuvre cet équilibre souhaitable, comment chercher efficacement une solution qui n'affaiblit pas le principe de la légalité de la preuve? Il faut trouver une solution juridique qui permet ou a pour objet de déterminer minutieusement le sort des preuves illégales dans le procès pénal. Certains auteurs, comme M. Jérôme Bénédict considèrent que s'agissant d'une preuve illégale, dans un cas comme dans l'autre, il est possible d'envisager deux solutions extrêmes et opposées, suivant que l'on entend faire prévaloir l'intérêt de la société ou celui de l'individu : 1° : Poursuivre et juger les délinquants est un objectif prioritaire, de telle sorte

217 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 274, p. 121 : « L'intérêt social voudrait une procédure rapide, mais une certaine prudence est nécessaire car il faut laisser à la personne poursuivie la possibilité d'organiser sa défense ».

218 J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 13.

219 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, Thèse de droit, Université de Lausanne, Éditions Pro Schola, Lausanne, 1994, p. 18.

220 V. C. Robinson et A. Eser, « Le droit du prévenu au silence et son droit à être assisté par un défenseur au cours de la phase préjudiciaire en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique », in R.S.C., juillet-septembre 1967, n°3, pp. 567-618, V. spec. p. 581 : « Combien il est difficile de trouver un équilibre satisfaisant, entre d'une part l'intérêt public, qui exige une enquête vigoureuse et sans entraves, et d'autre part l'intérêt individuel du suspect qui a besoin d'un appui pour sa défense ».

qu'il convient d'admettre tout moyen de preuve propre à asseoir la conviction des juges, sans

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tenir compte du vice dont il pourrait être entaché

. 2° : Lorsque le législateur a adopté la

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règle transgressée, c'était la protection des individus qu'il avait en vue ; or, ce but ne peut être vraiment atteint que si l'on soustrait à l'appréciation du tribunal les preuves obtenues par des

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procédés illégaux . En effet, la seule réponse serait de dire clairement que la légalité comme principe fondamental dans le procès pénal surtout dans la recherche de preuve peut vivre et exister à côté de la liberté de preuve sans pour autant perdre l'efficacité de la procédure pénale dans la recherche et l'administration des preuves, mais à condition que le principe de la liberté de la preuve qui domine la procédure pénale soit sous le contrôle et la limite imposés par le principe de la légalité qui nécessite à son tour d'être appliqué de manière stricte, obligatoire et de façon satisfaisante. De cette manière, on peut trouver un équilibre satisfaisant entre l'efficacité du système pénal et l'effectivité des droits accordés à l'individu, c'est-à-dire un équilibre entre légalité et efficacité. À notre avis, cet équilibre introuvable aujourd'hui en droit libanais et français nécessite indéniablement le renforcement du principe de légalité de preuve. Cela signifie renforcer les outils de l'exclusion de la preuve obtenue d'une manière illégale en droit libanais et français, dans la mesure où il semble que la théorie des nullités telle qu'elle est en vigueur aujourd'hui au Liban et en France ne peut assurer la sanction des formalités prévues par la loi et ne constitue pas une règle efficace d'exclusion de toutes les preuves illégales.

28. Une approche de la notion de principe de la légalité de la preuve. La procédure pénale a pour objectif principal la recherche de la vérité judiciaire et non celle d'une culpabilité, à savoir la preuve de la vérité. La preuve en matière pénale est libre, ce qui implique le libre choix des moyens de preuve. Mais cette liberté de preuve signifie que tous les moyens de preuve sont admissibles, sous réserve d'avoir été légalement obtenus parce que la preuve ne

223 224

doit pas être obtenue de façon illégale . La recherche de la preuve en matière pénale revêt

221 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., pp. 19-20.

222 J. Benedict, Ibid., p. 20.

223 V. en ce sens : A. Leborgne, « L'impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d'un grand principe », in RTD Civ., juillet-septembre 1996, n°3, p. 535 : « En procédure pénale, liberté des preuves ne peut signifier illégalité ».

224 V. définition preuve : E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Éditeur et Maresc Ainé Éditeur, Paris, 1873, t.1, n°6, p. 6 : « Le mot preuve, pris dans le sens le plus large, désigne tout moyen direct ou indirect d'arriver à la connaissance des faits » ; V. J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, traduit par Etienne Dumont, Bossange frères Libraires-Éditeurs, Paris, 1823, t. 1, p. 16 : « Qu'est ce qu'une preuve ? Dans le sens le plus étendu qu'on puisse donner à ce mot, on entend par là un fait supposé vrai, que l'on considère comme devant servir de motif de crédibilité sur l'existence ou la nonexistence d'un autre fait ».

une importance décisive 225 et qui mérite d'attirer toute l'attention 226 parce que cette preuve

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227 228

doit décider de la culpabilité ou de l'innocence de la personne accusée pour avoir commis

une infraction 229 . La liberté de la preuve pénale dominant sur l'opération de la recherche de la preuve pénale signifie liberté dans le choix des moyens de preuve, à cause de l'impossibilité

de limiter ceux-ci à un type défini d'infraction en général230. En effet, la raison logique est que la perpétration de l'infraction constitue souvent des actes dont la forme est inattendue, et par conséquent, il était impératif de faire place à la liberté du choix des moyens de preuve pour la recherche de la preuve pénale et pour prouver les éléments constitutifs de l'infraction. Une question s'impose selon Mme Coralie Ambroise-Castérot : « prouver avec quelles preuves? Le principe est celui de la liberté de la preuve, .... Mais il convient de ne pas se méprendre sur le

225 V. E. Mathias, Procédure pénale, 2e éd., Bréal, 2005, p. 8 : « Une infraction (crime, délit ou contravention) prévue par le Code pénal ou par un autre texte est commise. Cet acte pénalement sanctionné ne doit pas demeurer impuni : il faut chercher son auteur et le juger, c'est-à-dire constater son éventuelle culpabilité et lui appliquer une sanction dans les limites abstraitement formulées par le texte d'incrimination ».

226 V. S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 515, p. 557 : importance de la preuve : « La preuve revêt dans le procès pénal une importance qu'elle n'a dans aucune autre matière. Parce qu'elle touche aux garanties des personnes, notamment à la présomption d'innocence à laquelle elle peut porter atteinte, comme elle concerne directement l'ordre public. Parce que toutes les règles de procédure n'ont, en définitive, d'autre finalité que la recherche et l'administration de la preuve. Ainsi, s'explique sans doute l'unité de la théorie de la preuve, dans son principe comme dans ses règles, à toutes les étapes de la procédure pénale, depuis la phase de la police judiciaire jusqu'à celle du jugement définitif ; car on ne peut concevoir une preuve qui soit, en amont du procès pénal, différente de celle qui régira la phase de jugement. La logique juridique rejoint le bon sens commun pour affirmer l'unité du régime de la preuve, que commande la finalité globale et unique de la procédure, à chacune de ses phases.».

227 A. Decocq, J. Montreuil et J. Buisson, Le droit de la police, Litec, Paris, 1991, n°1050 : MM. André Decocq, Jean Montreuil et Jacques Buisson expriment très clairement cette idée d'importance de la preuve particulièrement dans le contentieux pénal : «Depuis la constatation de l'infraction jusqu'au jugement de son auteur, toute la chaîne pénale est articulée autour de la question cardinale de la preuve, et le régime de la preuve est nécessairement identique à toutes les hauteurs de la procédure, même en amont du procès pénal : dans la phase policière, c'est-à-dire dans la phase préparatoire de ce procès».

228 V. sur l'mportance de la preuve pénale : R. Merle et A. Vitu, Traité De Droit Criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure Pénale, n°140, p. 177 : « La procédure pénale tout entière gravite autour du problème de la preuve, ce qui explique la place éminente que lui réservent certains droits étrangers, par exemple anglo-saxons ».

229 V. G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, chron., pp. 153156. V. spec. p. 153 :« En procédure pénale, la preuve revêt une importance toute particulière dans la mesure où elle va permettre de statuer sur la culpabilité. Ainsi, la preuve constitue le point central du procès pénal ».

230 V. en ce sens : J. Buisson, « Perquisitions : Pouvoirs de l'officier de police judiciaire. Constatation d'une infraction prévue par une loi spéciale », Note sous Cass. crim., 25 juin 2003, M., non publié, in R.S.C., 2004, p. 424 :« Ce principe de la liberté de la preuve, qui doit être concilié avec celui de la légalité, s'est imposé en droit pénal non seulement parce qu'il s'agit de prouver des faits pour lesquels aucune preuve ne peut normalement être préconstituée, mais aussi parce que les intérêts supérieurs de la société exigent de ne pas désarmer la répression par un système de preuve trop rigide tandis que les droits du prévenu commandent de lui permettre de faire valoir tous moyens de nature à démontrer sa non-implication dans les faits reprochés ».

sens et la portée de ce principe » 231 . Cependant, cette liberté de la preuve pénale n'est pas

49

hasardeuse, étant donné qu'elle doit dépendre de moyens harmonieux ou compatibles avec les droits de l'Homme, ainsi qu'avec les textes de la loi et les principes généraux. On ne peut pas considérer que la violation de l'intégrité du corps du suspect, la violation de sa liberté, de sa volonté, de son droit à la vie privée, ou encore les droits de la défense consacrés à son

avantage font partie de la liberté de la preuve 232 . Les outils juridiques prescrits par le législateur pour la recherche de la preuve doivent permettre d'atteindre la vérité lors d'un procès pénal, c'est-à-dire convaincre le juge qu'une infraction a été commise et que l'accusé est l'auteur de cette infraction, sans commettre aucune violation des droits de la personne. Toute suggestion contraire rendrait l'existence du Code de procédure pénale, qui réglemente les moyens et les méthodes de la recherche de la preuve pénale, inutile, et l'obtention de la preuve pénale serait donc possible en ayant recours à tous les moyens, même illégaux, sans aucun égard aux droits du suspect ni à la présomption d'innocence qui l'accompagne jusqu'au jugement prononçant sa condamnation. En d'autres termes un renforcement de la légalité peut paraître nécessaire pour mieux garantir l'État de droit pour éviter la recherche de la preuve pénale à tout prix et par tout moyen afin d'atteindre la vérité, sans aucune restriction ou garanties, ce qui représenterait une application radicale de la liberté absolue de preuve en droit pénal.

29. Le concept de la légalité de la preuve. Le concept de la légalité de la preuve pénale signifie que les autorités de l'État et de la justice généralement doivent dans la recherche des preuves et des auteurs d'infractions respecter les lois et les règles de procédure parce que la recherche de la vérité impose nécessairement de « concilier les droits fondamentaux de la personne humaine avec une recherche d'efficacité des autorités d'enquête et de poursuite dans la mise en cause des auteurs d'infraction à la loi pénale et qui mettent par là même en

233

cause l'équilibre de la vie en société ». De cette manière, on peut dire que l'objet de la procédure pénale sera de permettre la conciliation des principes protecteurs de l'individu avec

231 C. Ambroise-Castérot, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la quête du Graal de la Vérité », in AJ Pénal, 2005, pp. 261 et s.

232 V. Ph. Bonfils, « Loyauté de la preuve et droit au procès équitable », Note sous Cass. 2e civ., 7 octobre 2004, in D., 13 janvier 2005, n°2, juris., p. 122 : « On le sait bien, être titulaire d'un droit est une chose, et pouvoir en rapporter la preuve en est souvent une autre. Cette difficulté explique que, parfois, certains se laissent tenter par le recours à des procédés déloyaux voire illicites, et cette tentation peut même paraître d'autant plus grande que les progrès scientifiques et techniques en multiplient les possibilités ».

233 P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, p.

49.

234

une efficacité extrême dans la recherche de la preuve . Donc, la preuve pénale se trouve

50

pratiquement au confluent de deux logiques antagonistes ou qui sont en contradiction : celles des droits et libertés des individus protégés par la loi et celles des droits de la société. Un auteur belge, M. Franklin Kuty, évoque l'idée de la bonne administration de la justice qui protège une grande série de droits individuels pour éclaircir la notion de la légalité ou de la

régularité de la preuve en matière pénale 235 . Le principe de la liberté des preuves n'est pas un principe absolu puisqu'il s'agit de la limitation de l'exercice de la liberté de la preuve pénale en respect des dispositions de la loi, notamment le Code de procédure pénale réglementant la recherche et la production de la preuve pénale, ainsi que des principes fondamentaux généraux dominant le processus de la recherche et de la production de la preuve pénale au cours des différents stades du procès pénal, et de la phase précédente, ou en d'autres termes la phase d'investigation dans le procès pénal. À cet égard, la légalité de la preuve pénale s'intéresse seulement au moyen d'obtention et à l'administration de la preuve pénale qui doit refléter sur l'admission de la preuve obtenue de manière illégale, non à sa valeur probante. En effet, le moyen d'obtention de la preuve pénale doit être compatible avec le principe de la légalité des preuves en matière de production de preuve, et par conséquent la liberté de la preuve ne signifie pas que tous les moyens sont autorisés pour l'atteinte de la

vérité dans le cadre d'un procès pénal236 . Il est incontestable que l'application du principe de la liberté de la preuve, dominant la recherche de la preuve pénale, doit également respecter le principe de la loyauté de la preuve pénale, qui est d'ailleurs un principe complémentaire et relatif au principe de la légalité de la preuve pénale. Le principe de la

234 V. en ce sens : P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, p. 49.

235 F. Kuty, « La sanction de l'illégalité et de l'irrégularité de la preuve pénale », in F. Kuty et D. Mougenot (Dir.), La preuve questions spéciales, Anthémis, Vol. 99, Liège, janvier 2008, pp. 7-62, V. Spec. p. 11 : « La notion de régularité de la preuve renvoie aux valeurs considérées comme essentielles à une bonne administration de la justice et qui ne sont pas formulées, en tant que telles, dans un texte de loi » ; V. encore : F. Kuty, « La sanction de l'illégalité et de l'irrégularité de la preuve pénale », in F. Kuty et D. Mougenot (Dir.), La preuve questions spéciales, Anthémis, Vol. 99, Liège, janvier 2008, pp. 7-62, V. Spec. p. 11-12 : L'exigence de régularité de la preuve selon M. Franklin Kuty « Il s'agit, en d'autres termes, des exigences de dignité de la justice et de loyauté dans la recherche des preuves qui, toutes deux, touchent au respect de la personne, de la dignité humaine, des principes généraux du droit et des droits de la défense ».

236 V. P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 2 : Mme Patricia Hennion-Jacquet décrit l'intervention du principe de la légalité de preuve dans le système de preuve libre : « la preuve pénale ne fait l'objet d'aucune théorie générale : elle peut être rapportée par tous moyens, le mode de preuve n'étant ni imposé, ni interdit. C'est pourquoi, le système probatoire français est qualifié de système de preuve libre. Cette qualification impropre procède d'une assimilation inopportune entre la liberté de principe concernant la recevabilité de la preuve et la légalité de son obtention ».

51

légalité de la preuve pénale n'est pas surprenant ou étranger au système juridique en vigueur dans l'État de droit, où la souveraineté et la dominance reviennent à la légalité sur laquelle se basent les travaux de toutes les autorités publiques et judiciaires dans le cadre de l'affaire pénale, et qui représente ainsi une couverture juridique pour toutes les actions menées par les autorités en charge de la recherche des preuves pénales et de la détection des infractions commises afin de déceler l'identité de leur auteur. Il est devenu nécessaire de réévaluer certaines définitions radicales répandues dans l'introduction du concept du principe de la liberté la preuve en matière pénale, en révélant ainsi la liberté excessive contenue dans le principe de liberté de la preuve pénale, sous la forme d'une liberté absolue sans aucune restriction, sans limites, sans lignes directrices. Il semble qu'un concept large (vague), non discipliné et incontrôlé de liberté de la preuve ne convient pas à un État de droit, étant donné qu'il représente un outil et un moyen de domination, d'oppression et d'abus de pouvoir portant atteinte aux droits et libertés des individus garantis par les dispositions de la loi.

30. Coexistence possible entre liberté et légalité des preuves. La procédure pénale est la description de l'intervention des autorités étatiques (police mais également procureur et juges) dans le but de rechercher la preuve qui permet d'aboutir à la vérité pour identifier l'auteur de l'infraction. Selon M. Édouard Verny « la procédure pénale recouvre l'ensemble des règles relatives à la recherche et au jugement des personnes soupçonnées d'avoir commis une

237

infraction ». Le système juridique doit être en mesure de fournir et d'assurer les garanties juridiques des droits et libertés des individus dans le cadre du procès pénal, en vertu du principe de la légalité, en parallèle avec l'application du principe de la liberté de la preuve pénale afin de détecter les criminels et les preuves de l'infraction, sans risquer de porter

238

atteinte à leurs droits fondamentaux. Cet équilibre délicat entre la garantie du principe de la légalité d'une part, et d'autre part, la garantie de l'atteinte de l'objectif principal du procès pénal, est inaccessible sans une application effective du principe de la légalité de la preuve pénale, à côté du principe de la liberté de la preuve pénale.

237 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 1, p. 1.

238 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 274, p. 121 : « Les règles relatives à la procédure pénale sont particulièrement importantes, tant pour la protection de la société (car la procédure doit permettre de confondre les coupables en dépit de leurs dénégations) que pour la sauvegarde de la liberté individuelle (car elles doivent permettre à l'innocent d'éviter d'être victime d'une erreur judiciaire, et au coupable de faire valoir ses moyens de défense, de façon à ce que la peine qui sera éventuellement prononcée contre lui soit vraiment équitable). ».

52

La détermination de la notion de la légalité de la preuve pénale nécessite la détermination du rôle et de la relation entre le principe de la légalité et de la loyauté de la preuve pénale d'une part, et celui du principe de la liberté de la preuve d'autre part, afin de fixer les limites de leur relation et éliminer toute confusion ou ambiguïté pouvant être soulevée. Le premier titre dans cette thèse porte sur la relation entre légalité, loyauté et liberté de la preuve. En outre, la détermination du concept de la légalité de la preuve pénale exige la caractérisation et l'étude de la notion de la preuve illégale afin d'illustrer cette idée, de fixer les aspects d'un concept clair permettant de distinguer les cas dans lesquels la preuve est considérée illégale lors du procès pénal, de déterminer les cas touchant la preuve d'illégalité ou de comprendre la notion de preuve entachée de vices d'illégalité. Le second titre de cette thèse porte sur la notion de preuve illégale.

53

Titre I

Légalité, loyauté et la liberté de la preuve

31. Le trinôme qui domine la recherche de la preuve pénale. Selon M. Pierre Arguin, « le droit criminel vise, d'abord et avant tout, la protection de la société en général et des valeurs morales qu'elle véhicule. Le droit criminel proscrit des comportements qui portent atteinte au

bien-être collectif » 239 . Ce qui précède n'empêche pas d'affirmer que la recherche de la vérité

240

dans le procès pénal est gouvernée par les principes de liberté, de légalité et de loyauté

.

 

L'accès à la compréhension du sens de la légalité de la preuve pénale exige un accent sur la réforme d'un bon concept du principe de la liberté de la preuve pénale, en raison de la relation entre la liberté de la preuve et la légalité de ses moyens. Par conséquent, le principe

de la légalité et de la loyauté241 de la preuve en tant que concept est en réalité la liberté du

choix du moyen de preuve autorisée par la loi242 parmi un ensemble de moyens, et dans le respect des conditions et garanties exigées par le législateur lors de l'application des divers actes de procédure pénale visant la recherche et la production de la preuve pénale. L'exercice de la liberté de la preuve pénale dans le cadre de la recherche de la preuve

pénale doit coexister avec le principe de la légalité et de la loyauté243 des preuves pénales

239 P. Arguin, « Les règles procédurales entourant la recevabilité des déclarations extrajudiciaires », in Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 1, 1991, pp. 103-152, v. spec. p. 105.

240 V. en ce sens : J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p. 2012 : « Cette lente construction jurisprudentielle laisse apparaître, en filigrane, une nouvelle devise du droit de la preuve : Liberté, légalité, loyauté » ; v. É. Mathias, Procédure pénale, Bréal, 3e éd., 2007, p. 34 : « Sans doute le droit pénal contemporain n'impose-t-il, en principe, aucun mode de preuve, mais encore convient-il que les preuves produites par l'accusation n'aient pas été obtenues illégalement ou de manière déloyale ».

241 V. sur l'exigence de la légalité et de la loyauté dans la preuve pénale : M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « La première limite qui s'impose donc à l'enquêteur est celle du respect du principe de légalité, qui conditionne sa démarche investigatrice. Néanmoins cette seule limite suffit-elle ? La question est de savoir si, pour aboutir à la preuve, l'enquêteur peut laisser libre cours à son imagination (voire à sa ruse) dès lors qu'il ne contredit pas les normes de la légalité. A l'évidence non, la police doit, de surcroît, se conformer au principe de loyauté».

242 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : « L'article 427 signifie plus modestement que l'existence d'une infraction peut être établie par les modes de preuve admis par la loi, sans qu'aucun d'eux ne soit exclu ou au contraire privilégié ... ».

243 V. sur l'exigence de la loyauté dans la recherche des preuves : J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 74 : « La liberté d'investigation dont disposent les enquêteurs pour la recherche des preuves en matière pénale implique que cette recherche soit effectuée de manière loyale. Le principe de la loyauté dans la recherche des preuves entraîne la prohibition de tous les actes qui portent gravement atteinte aux principes généraux du droit et aux libertés fondamentales ».

considérées parmi les caractéristiques devant être intimement liées à l'opération de la

244

recherche de la preuve pénale

. À cet égard, M. Vincent Lesclous considère qu'« en outre, à

54

l'exigence accrue de légalité de l'administration de la preuve s'est ajoutée celle de sa loyauté. Toutefois ces deux exigences ne supplantent pas le principe de liberté qui demeure mais se

contentent de le borner partiellement » 245 . À son tour, M. Jacques Buisson considère que « dans un État de droit, l'administration de la preuve est soumise au respect du principe de la légalité, matérielle ou formelle. Elle ne doit pas, en effet, violer les principes généraux :

246

loyauté dans la recherche des preuves, respect de la dignité humaine » . Il est difficile aujourd'hui de comprendre la négation d'un principe qui affirme que la recherche et

l'administration de la preuve sont régies par le principe de légalité 247 . Par conséquent, la légalité et la loyauté de la preuve pénale sont toujours confrontées au principe de la liberté de

la preuve 248 adopté par le droit libanais et français afin de rechercher la preuve pénale. Dans l'opération de recherche de la preuve pénale, la légalité procédurale doit dominer, ainsi que le respect des dispositions de la loi et des principes généraux primordiaux protégeant et garantissant les droits et les libertés dans le cadre du procès pénal, afin d'éviter l'écart entre le principe de la liberté de la preuve et son rôle attribué, et sa transformation en un outil de tyrannie, ou encore en un moyen d'oppression, ce qui risquerait de se produire si était appliqué le concept instable d'une liberté absolue sans le respect du principe de la légalité. En conséquence, il est devenu évident que la liberté de la preuve, en tant que principe de base dans la recherche de la preuve en matière pénale, est accompagnée strictement par deux autres principes de base : la légalité et la loyauté de la preuve pénale. Mme Martine Herzog-Evans illustre l'idée principale de la liberté relative (non absolue) dans le domaine de la preuve pénale en écrivant : « si la preuve est libre, n'importe quelle preuve ne peut être

244 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : «Il ne faut pas se méprendre toutefois sur la portée de l'article 427, parfois conçu comme une auberge espagnole. Son objet n'est pas de définir le contenu des modes de preuve admissibles. Il ne signifie donc pas que n'importe quel moyen serait autorisé pour établir la preuve d'une infraction. Comme on le verra, les principes supérieurs de légalité et loyauté imposent des limites dont le législateur ne peut s'émanciper».

245 V. Lesclous, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 46.

246 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

247 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : « Le principe général de la loyauté dans la recherche de la preuve impose donc aux acteurs de la recherche de la preuve au procès pénal d'éviter tous les abus auxquels le principe de liberté de la recherche peut les porter ».

248 V. sur ce point : P. Lemoine, « La loyauté de la preuve à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation (française) : « Comment garantir, une exigence de loyauté dans la production des preuves qui soit compatible, non seulement avec le principe de liberté des preuves posé, notamment, par l'article 427 du Code de procédure pénale, mais aussi avec l'assurance d'une procédure pénale équitable et impartiale tout en restant efficace ? ».

présentée. La preuve doit en premier lieu être admissible sur le plan de la légalité formelle. Elle doit en outre avoir été obtenue loyalement. Certaines preuves ne peuvent tout simplement

249

pas être produites en justice »

. Il est vrai que le principe de la loyauté de la preuve exige un

créneau spécial dans cette étude afin de mettre en évidence sa nature ainsi que la manière dont il est créé par la jurisprudence, contrairement au principe de la légalité de la preuve pénale émergé différemment par rapport au principe précédemment cité. Cependant, le principe de la loyauté de la preuve reste lié au principe de la légalité de la preuve pénale, et son complément essentiel intimement lié lors de l'application de la liberté de la preuve pénale. Nous allons étudier le principe de la légalité de la preuve pénale comme un moyen permettant de contenir et de contrôler la prédominance du principe de la liberté de la preuve pénale, ainsi que la façon selon laquelle il détermine les limites de celui-ci sans influer sur l'efficacité de cette liberté dans la réalisation de l'objectif du Code de procédure pénale libanais et français, qui est l'accès à la vérité. Il convient de souligner le rôle du principe de la légalité en tant qu'outil indispensable permettant d'entraver l'abus et la dominance de la liberté de la preuve. On étudiera d'abord l'encadrement du principe de la liberté de la preuve par le principe de la légalité de la preuve pénale. Le chapitre premier porte sur la légalité comme outil d'encadrement du principe de la liberté de preuve. Ensuite, on abordera le principe de la loyauté de la preuve pénale. Le second chapitre porte sur la loyauté de la preuve en lien avec la légalité de la preuve.

55

249 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 158 et s.

Chapitre I

La légalité, un outil d'encadrement du principe de la

liberté de preuve

32. La légalité représente le cadre qui entoure le principe de la liberté de la preuve pénale. La liberté de la preuve pénale comme principe général qui domine la recherche de la vérité ne signifie pas que cette liberté est absolue. Il n'est pas permis pendant la recherche de la preuve, de recourir à certains procédés qui sont qualifiés ou dits illégaux : « la manifestation de la

vérité ne justifie nullement le recours à tout moyen de preuve »

250

. Cette liberté de la preuve

n'est pas aveugle et n'est pas sans restriction : « la preuve doit être administrée

légalement » 251 . La liberté de la preuve n'échappe pas à l'obligation de respecter des principes

252

généraux et des droits fondamentaux des individus, afin d'atteindre la vérité dans le cadre du procès pénal. Comme l'affirme M. Vincent Lesclous, « l'administration de la preuve, notamment par l'autorité publique, est soumise à un principe de légalité soit par un formalisme particulier à un acte soit à raison d'un principe général (respect de l'intimité de la

vie privée et des droits de la défense par exemple) »

253

. Il est convenu sans réserve d'aucune

56

sorte que le principe de liberté de la preuve ne justifie pas le recours à certains procédés ou

moyens illégaux puisque le principe de la légalité de preuve encadre cette liberté 254 comme le

255

souligne Mme Coralie Ambroise-Castérot. En effet, cette légalité met la liberté de la preuve

250 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 3.

251 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 74, p. 55.

252 V. G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 8 : « L'encadrement de l'administration de la preuve se fait aussi nécessairement par le respect imposé de certains droits substantiels de l'homme, et plus précisément, par le respect de la dignité humaine, le respect du droit à la vie privée, ...».

253 V. Lesclous, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 45.

254 V. en se sens : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « Le formalisme et le légalisme obligatoires dans la recherche et la production des preuves par l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme » ; L'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme dispose : « nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites ».

255 C. Ambroise-Castérot, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la quête du Graal de

en conformité avec les droits de l'homme, pour éviter que la liberté de preuve soit un outil d'abus ou devienne arbitraire sous prétexte d'obtenir la preuve pénale. Cette liberté de preuve

256

est conditionnée par sa pratique dans le cadre du principe de la légalité

, en vue de rendre la

57

preuve conforme à la loi, étant donné qu'il est inadmissible d'accéder à la vérité en ayant recours à des moyens non autorisés par la loi. La loi a autorisé des moyens permettant la recherche de la vérité, en les prévoyant explicitement, en organisant la méthode et la façon de

257

leur utilisation, et en attribuant aux autorités compétentes en matière de recherche de la preuve, la liberté du choix des moyens qu'ils jugent nécessaires pour cette recherche, parmi les

.

258

moyens autorisés par le législateur, en tenant compte des principes généraux

33. Liberté de preuve et l'administration de la preuve. Si la loi pénale permet d'utiliser tous les modes de preuves parce que tant le Code de procédure pénale libanais que le français consacrent le système de la liberté des preuves pénales, elle ne laisse pas pour autant une liberté absolue quant à l'administration de ceux-ci. M. Édouard Verny affirme que « la liberté de la preuve comprend néanmoins des limites qui résultent d'une exigence de modération

dans les moyens de recherche des preuves » 259 . La liberté de la preuve est limitée par l'application de certains principes généraux qui interdisent de rechercher la vérité par n'importe quel procédé. En principe, la procédure pénale est au service du droit pénal dont le

la Vérité », in AJ Pénal, 2005, pp. 261 et s. : « En effet, ce principe de liberté de la preuve ne signifie pas que n'importe quel procédé puisse être utilisé : torture, sérum de vérité, polygraphe (détecteur de mensonge), etc. Il existe donc des procédés interdits. La liberté des preuves est une liberté encadrée par la légalité : seuls les modes de preuves légalement prévus sont admissibles devant les tribunaux... ».

256 V. en ce sens: J. Buisson, « Sonorisation illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue une ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/ France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607: « On se fige trop souvent sur le fait qu'en matière pénale, la preuve est libre alors que, contrairement à une vision sommaire de la preuve en cette matière, ce principe de la liberté a, dans un État de droit, un empire nécessairement limité par le principe de la légalité, particulièrement lorsque l'administration de la preuve est le fait des agents de l'autorité publique ».

257 V. sur ce point : M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 256, p. 265 : « Chaque mode de preuve est doté d'une procédure d'obtention particulière qui fait l'objet d'une réglementation spécifique et détaillé.».

258 V. J. Buisson, « Sonorisation illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue une ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/ France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607: « L'agent public peut, par exemple, décider de parvenir à la preuve espérée par le biais de l'audition d'un témoin, de l'interrogatoire d'un suspect ou du mis en examen, d'une perquisition, d'une interception de correspondances, mais une fois son choix opéré, la légalité reprend son empire : il ne peut administrer la preuve comme il l'entend, contraint qu'il est d'exécuter l'un des actes que le législateur a prévus à cette fin probatoire ».

259 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 30, p. 22.

but principal est de chercher, trouver et punir les coupables d'une infraction pénale

260

. Mais

58

pour atteindre le but principal de la procédure pénale, c'est-à-dire l'objectif louable de rechercher la vérité et les coupables dans le procès pénal, il faut trouver un équilibre entre la nécessité de préserver l'efficacité de la justice pénale et celle de préserver les libertés

261

individuelles et publiques . Si la preuve est libre en principe dans les systèmes pénaux libanais et français qui adoptent le principe de la liberté de la preuve, cette liberté ne peut et ne

doit pas être absolue 262 . L'administration et la recherche de la preuve dans le domaine pénal sont toujours soumises à des règles, n'importe quelle preuve ne peut être présentée pour

former l'intime conviction du juge ou des jurés 263 . En effet, la preuve en matière pénale est libre, ce qui caractérise et domine le système des preuves pénales, mais la liberté de la preuve

264

comporte des limites imposées par des principes généraux qui ne sont pas écrits . La légalité tient une place importante dans le droit de la preuve. En effet, il existe certaines restrictions, dans la recherche des preuves, qui sont imposées au juge pénal par le législateur ou la jurisprudence, mais qui ne constituent pas en tout cas de véritables exceptions au principe de

liberté des preuves qui domine la procédure pénale française 265 et libanaise en matière de

260M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire : discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, colloque du 24 mars 2010 organise par l'association France-Amériques (A.F.D.D.), disponible en ligne sur le site officiel des juges d'instruction français : http://www.afmi.asso.fr/

261 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », op. cit.

262 V. en ce sens : F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 25 : « Si la preuve pénale peut être rapportée par tout moyen, cela ne signifie pas pour autant qu'elle se soustraie totalement au droit et s'exerce au détriment des droits des parties ».

263 V. J. Buisson, « Sonorisation illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue une ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/ France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607: « l'enquêteur ou le juge est libre de choisir tel mode de preuve parmi ceux qui sont à sa disposition, mais il est contraint dans la mise en oeuvre de son choix par l'existence des actes d'administration de la preuve limitativement mis à sa disposition ».

264 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 4e éd., Cujas, Paris, 1989, t. 2 Procédure pénale, n° 129, p. 162 ; G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e éd., Dalloz, 2012, n° 145, p. 124 : Les limites à la liberté des preuves : « Une deuxième limite résulte du respect des valeurs fondamentales de la civilisation. Quoique la manifestation de la vérité soit l'objectif capital du procès répressif, cette vérité ne peut être recherchée par n'importe quel moyen. Il importe à la dignité de la justice et au respect qu'elle doit inspirer, de ne mettre en oeuvre aucun moyen qui attente aux droits fondamentaux de la personne humaine ou aux droits de la défense. C'est pour cette raison que la torture est interdite ... ». ; Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 46, p. 31 : « ... d'un point de vue plus large, il faut examiner, également, la façon dont les preuves sont recherchées et administrées : la règle de la liberté pourrait affaiblie dans sa portée si des restrictions excessives entravaient la découverte de la vérité. C'est le principe de la légalité qui fixe, ici, les limites. ».

265C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim., 15 juin 1993 in D., 1994, jurisprudence p. 613.

59

preuve. La recherche des preuves de manière illégale est interdite ; les procédés qui portent atteinte à la dignité humaine et à l'intégrité corporelle des prévenus sont interdits et prohibés. « Quoique la manifestation de la vérité soit l'objectif capital du procès répressif, cette vérité ne peut être recherchée par n'importe quel moyen. Il importe à la dignité de la justice et au respect qu'elle doit inspirer, de ne mettre en oeuvre aucun moyen qui attente aux droits fondamentaux de la personne humaine ou aux droits de la défense. C'est pour cette raison que

266

la torture est interdite ... ». Selon M. Marc Trevidic, les principes qui gouvernent la façon dont la preuve est recherchée sont le principe de la liberté de la preuve atténuée par les

267

principes du contradictoire et de loyauté. En premier lieu, la preuve doit être admissible sur le plan de la légalité formelle. Elle doit en outre avoir été obtenue et recueillie loyalement. La preuve ne saurait résulter de l'utilisation d'un moyen illégal, comme l'usage de la force physique, ou de mauvais traitements. En droit communautaire, M. Michel Van de Kerchove croit que même si l'admissibilité des modes de preuve est en principe considérée comme relevant du droit interne, les organes de la Convention se sont néanmoins fondés sur l'article 6, § 2, en ce qu'il prévoit que la culpabilité de l'accusé doit être « légalement établie », pour lui

268

imposer certaines limites.

34. La légalité contribue à l'humanisation de la recherche des preuves. Le principe de la légalité de la preuve pénale est un outil qui rend le principe de la liberté de la preuve non radical et compatible avec les principes généraux du droit de la preuve, en particulier avec la

269 270

tendance à humaniser les moyens de la preuve pénalenotamment au cours de l'évolution rapide et croissante des moyens et des modes de recherche des éléments de preuve qui

266 Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e éd., Dalloz, 2012, n° 145, p. 124.

267 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », op. cit.

268 M. Van de Kerchove, « La preuve en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour et de la Commission européennes des droits de l'homme », in R.S.C., 1992, n° 1, pp. 1-14 ; A cet égard, v. notamment Cour EDH, arrêt Salabiaku, 7 oct 1988, série A n° 141, p. 16 : Dans l'arrêt Salabiaku contre France, paragraphe 28, la Cour Européenne a retenu que : « le législateur national pourrait à sa guise priver le juge du fond d'un véritable pouvoir d'appréciation, si les mots « légalement établie » impliquaient un renvoi inconditionnel au droit interne. Un tel résultat ne saurait se concilier avec l'objet et le but de l'article 6 (art. 6) qui, en protégeant le droit de chacun à un procès équitable et notamment au bénéfice de la présomption d'innocence, entend consacrer le principe fondamental de la prééminence du droit».

269 V. J.-C. Soyer, «L'avenir de la vie privée face aux effets pervers du progrès et de la vertu », in P. Tabatoni (Sous dir.), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2000, tome 1, chapitre 1, pp. 7-12, V. spec. p. 10 : « Pour une démocratie contemporaine et soumise à la prééminence du droit, la vertu civique se mesurera donc par le respect effectif, au quotidien, des droits de l'homme dont les individus peuvent se réclamer ».

270 V. Ch. Perelman, « La preuve en droit : essai de synthèse », in La preuve en droit, études publiées par Ch. Perelman et Paul Foriers, Travaux du CNRL, Bruylant, Bruxelles, 1981, p. 364 : « La preuve et la vérité ne sont que des moyens de réaliser la justice, telle qu'elle est conçue dans une société donnée».

peuvent menacer les droits en général et surtout les libertés individuelles, la dignité de la

271

personne humaine et l'intimité de la vie privée

. La liberté de la preuve est en mesure de

60

servir l'objectif du Code de procédure pénale, qui est la découverte de la vérité par le biais de moyens de preuve cohérents et compatibles avec le principe de la légalité de la

272

preuve pénale . La recherche de la preuve est le chemin qui conduit à l'apparence de la vérité souhaitable dans la société, mais cette vérité ne doit pas sacrifier les libertés individuelles au profit de l'autorité étatique afin d'obtenir des éléments de preuve. À cet égard, s'agissant du droit de la société d'être protégée contre le crime, ce droit ne doit pas se faire au détriment des droits humains et des principes généraux, comme M. Bernard Bouloc l'a écrit : « sans doute, la société est en droit de se défendre contre le crime et contre ceux qui n'entendent pas respecter les règles de la vie en société. Mais, ce droit de la société doit être exercé avec

273

mesure et raison »

.

La première section de ce chapitre porte sur la légalité, une limite à la liberté de la preuve. La deuxième section de ce chapitre porte sur la légalité, frein au caractère absolu de la liberté de la preuve.

271 V. sur ce point : D. Coujard, « instruction à l'audience », in Rép. pén. Dalloz, avril 1997, n° 1, p .4 : « Sujet permanent de controverse, la procédure pénale est soumise à deux impératifs contradictoires qui doivent coexister : le respect des droits de l'Homme, d'une part, l'efficacité du procès, de l'autre ».

272 V. en ce sens : M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 95 : « En effet le principe de liberté tend à assurer la sécurité dans un premier temps publique par la répression efficace des comportements pénalement sanctionnées et par la répression appliquée aux auteurs des infractions. Cette sécurité matérielle est nécessaire mais au même titre que la sécurité juridique. Or pour assurer cette sécurité juridique qui permet une protection contre l'arbitraire (menace pour tout citoyen), il faut concilier la recherche de la preuve avec le respect de la légalité, c'est-à-dire avec le respect de l'ensemble des règles juridiques qui organisent la société ».

273 B. Bouloc, « Les abus en matière de procédure pénale », in R.S.C., 1991, p. 221.

61

Section I

La légalité, une limite à la liberté de la preuve

35. La liberté de la preuve n'autorise pas le recours à tout moyen de preuve. La preuve ne

saurait être recherchée par n'importe quel moyen et à n'importe quel prix 274 . Cependant, une question peut être soulevée : comment le principe peut-il être nommé un principe de liberté de preuve alors qu'il connaît des limites ? Est-il normal que la liberté de la preuve ait des limites ? La réponse la plus logique est qu'il est en effet normal que le principe de la liberté de la preuve dispose de limites et de contraintes qui sont représentées par le principe de la légalité de la preuve pénale de sorte que la liberté de preuve consiste en la liberté de choisir uniquement entre les modes de preuve licites. La recherche de la preuve pénale ne doit pas tendre à la recherche de la vérité matérielle au nom du principe de la liberté de preuve par n'importe quels moyens et techniques. Les moyens de la preuve sont limités et les limites sont établies par la loi comme l'a indiqué M. Jean-Claude Soyer : « la manière de se procurer les preuves n'est pas entièrement libre. Elles doivent être obtenues suivant une procédure que la loi réglemente. Cette procédure a pour but, ou bien d'assurer l'efficacité de la preuve, afin qu'elle soit incontestable, ou bien d'éviter les abus qui pourraient résulter d'investigations sans limites. Une telle procédure devient d'autant plus stricte et minutieuse que le procès

275

pénal avance ». En effet, la preuve pénale ainsi que sa recherche menacent directement les droits et libertés individuels protégés par la loi. Par conséquent, il était nécessaire que le législateur détermine un cadre ou une marge particulière pour le principe de la liberté de la preuve, afin d'atteindre son objectif qui consiste à rechercher la preuve, sans que cet objectif soit un outil d'abus ou de violation des droits des individus, notamment du principe de la présomption d'innocence, selon lequel l'accusé reste innocent au cours de toutes les phases du procès, ainsi que pendant la phase de déduction et d'investigations, jusqu'à l'émission du jugement final contre lui, c'est-à-dire jusqu'au jugement au fond. Il est donc clair que le principe de la légalité de la preuve pénale représente une limite naturelle de l'application du principe de la liberté de la preuve pénale, étant donné que la légalité du moyen de la recherche de la preuve pénale constitue l'outil principal de l'entrave contre l'abus et la

274 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 65, p. 40 : « En application du principe de la légalité, il est, parfois, interdit d'administrer des preuves obtenues par certains procédés de recherche ; dans d'autres cas, ces procédés sont réglementés. ».

275 J-C. Soyer, Droit pénal et Procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., Paris, 2012, n° 746, p. 317.

62

violation des droits au cours de la recherche de la preuve pénale. En outre, le principe de la légalité de la preuve pénale est une garantie procédurale fondamentale protégeant les droits du suspect ou de l'accusé lors de l'exécution ou l'application de la procédure pénale tendant à la recherche de preuves et visant à produire la preuve pénale selon les règles

276

prévues par le législateur.

§ 1. La légalité, une limite à l'arbitraire de la liberté de la preuve

36. Le principe de la légalité de la preuve pénale entre l'existence et l'inexistence. Souvent l'abus et l'arbitraire commis au nom de la justice surtout pendant la recherche de la preuve pénale, évoquent la nécessité d'une protection des droits des individus associés à l'efficacité de la procédure comme le souligne M. Jérôme Benedict : « la nécessité de protéger les individus contre les abus inquisitoriaux de la justice n'est pas une préoccupation nouvelle.

277

Mais sans doute elle revêt aujourd'hui une ampleur exceptionnelle ». La preuve pénale est l'essence de la procédure pénale dans le champ de la démonstration de l'accusation et son attribution à son auteur. Mlle Hélèna Houbron pose la problématique essentielle de la

278

recherche de la preuve: « la question est de savoir s'il faut voir dans la vérité l'expression d'un idéal au point que tout puisse être sacrifié à sa découverte. La réponse, bien sûr, ne peut

279

être que négative ». Il est reconnu que la preuve pénale est l'un des sujets les plus

276 V. J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70 : « ... pour les enquêteurs, le champ du principe de la liberté de la preuve soit très limité au profit du principe de la légalité. Certes comme le particulier, l'enquêteur ou le juge est libre de choisir un mode de preuve, mais, à la différence de celui-ci, il est contraint dans la mise en oeuvre de son choix par l'existence des actes limitativement mis à sa disposition. Il peut, par exemple, décider de parvenir à la preuve espérée par le biais de l'audition d'un témoin, de l'interrogatoire d'un suspect ou du mis en examen, d'une perquisition, d'une interception de correspondances..., mais une fois son choix opéré, la légalité reprend son empire : il ne peut administrer la preuve comme il l'entend, contraint qu'il est d'exécuter à cette fin probatoire l'un des actes que le législateur a prévus ».

277 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 18.

278 V. sur ce point : P. Ricoeur, Le juste, édition Esprit, Paris, 1995, p. 25 : « Le traitement des questions de preuve place le juge dans une situation délicate dès lors qu'il se trouve soumis à deux pressions contradictoires : d'un côté, il doit mettre un terme définitif au litige dont il est saisi, ce qui est un devoir de sa charge mais aussi une condition du maintien de la paix civile, d'un autre côté, il est sommé de répondre aux attentes des citoyens qui, le plus souvent, estiment que justice est rendue à la condition que la vérité soit faite. Tout système de preuve est donc à la croisée de ces deux exigences et la preuve est intimement liée à la fonction même du procès ».

279 V. H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 55, p. 42.

importants des procédures pénales, qui ont pour but essentiel d'atteindre la vérité et de découvrir le coupable. M. Édouard Verny souligne que « l'étude de la procédure pénale porte précisément pour une part importante sur les prérogatives accordées en ce domaine à

l'autorité publique ainsi que sur leurs conditions et limites.»

280

. Sans doute la vérité ne peut

63

être atteinte par la violation du droit substantiel et des atteintes aux personnes afin de collecter

. L'accès

281

la preuve. Il faut éviter de sacrifier les droits substantiels pour l'intérêt de la vérité

à la vérité ne se fait pas à n'importe quel prix. « La découverte de la vérité absolue risque de se heurter, non plus à des considérations liées à la procédure, mais cette fois, à des

considérations relatives au droit substantiel » 282 . Il faut rappeler toujours que le respect des règles de procédure par l'autorité qui recherche les preuves est essentiel pour une démocratie parce que ces règles de procédure ne sont pas prévues seulement pour faciliter la recherche de la preuve pénale mais elles ont aussi un objectif très important qui est de protéger les honnêtes gens contre toute forme d'arbitraire et contre les abus d'autorité.

A. La légalité souffre d'une ambiguïté remarquable

37. Des points d'ombre entourent le principe de la légalité de la preuve. Sous la domination du principe de la liberté de la preuve en matière pénale, il est timidement clair qu'il existe un autre principe important lié à la preuve pénale, qui est d'ailleurs le principe de la légalité de la preuve pénale. La question se pose quant à la signification du principe de la légalité de la preuve pénale. En outre, et sous cette domination croissante exercée par le principe de la liberté de la preuve pénale dans le cadre du système répressif en droit libanais et français, la légalité de la preuve pénale représente un retour au système des preuves légales ou au système de la preuve restreinte qui a prévalu précédemment en France. Afin d'éliminer les ambiguïtés qui existaient, il faut bien préciser que le principe général est toujours la liberté dans la recherche de la preuve pénale qui est la base du système répressif libanais et

français 283 . M. Robert Legros exprime clairement l'idée de la différence entre la légalité de la

280 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 30, p. 23.

281 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 230, p. 158 : « La procédure pénale n'est pas tout entière tournée vers la recherche de la vérité, dans la mesure où elle doit également veiller à assurer le respect des intérêts des personnes impliquées. Les règles de forme tendent à garantir leur droit de se défendre face à l'accusation portée contre elles ».

282 V. H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 55, p. 42.

283 V. en droit français : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15 : « La preuve est libre en droit pénal français. Chacun le sait depuis qu'on a jeté dans le feu

preuve en droit pénal et le système de la preuve légale en écrivant : « en droit pénal comme en droit civil, il faut reconnaître le caractère légal de la preuve, sans pour autant en revenir à la

284

preuve légale au sens de l'ancien droit... »

. Donc, le principe de la légalité dans la

285

recherche de la preuve pénale ne constitue pas un retour au système des preuves légales

,

64

étant donné que simplement et clairement, la légalité de la preuve pénale est limitée ou se

286

préoccupe du moyen ou de la manière d'obtention de la preuve pénale. Plus précisément, la légalité de la preuve pénale dépend du contrôle de la légalité des moyens et des procédures

auxquels il a été recouru afin d'obtenir la preuve pénale 287 . Cette légalité n'est pas donc liée à la force probante de la preuve qui reste toujours soumise à la liberté d'appréciation du juge pénal, ou en d'autres termes, le principe de la liberté du juge pénal dans la formation de sa conviction ou encore l'intime conviction du juge dans le fondement de son jugement. Le principe de la légalité de preuve pénale se focalise sur le problème de l'admission d'éléments de preuve obtenus illégalement. Donc, la légalité de la preuve dépend de la façon ou de la manière dont la preuve a été obtenue qui doit être recherchée en respectant la loi et les principes généraux du droit de la preuve. Cependant, il est à remarquer que la légalité de la preuve pénale en tant que principe, concept et idée vit une véritable problème, sous la forme d'une crise d'identité et d'existence, notamment qu'on remarque à la lecture des ouvrages juridiques libanais et français qui s'intéressent uniquement à généraliser l'idée de la liberté de la preuve dans la recherche des éléments de preuve, sans prise en considération des limites de cette liberté et sans intérêt porté à la description et à l'explication du principe de la légalité de la preuve pénale. Il est nécessaire de prouver la réalité de l'existence du principe de la légalité de la preuve pénale, afin de mettre fin à l'hésitation existentielle qui entoure ce principe pourtant important dans les systèmes juridiques libanais et français, malgré la domination du principe de la liberté de la preuve pénale dans les deux pays. La liberté de la preuve semble dominante dans la culture juridique pénale et dans les ouvrages juridiques

révolutionnaire l'absurde système des preuves légales ».

284 R. Legros, «La preuve légale en droit pénal», in J.T., Editeurs : maison Ferd. Larcier S.A., Bruxelles, numéro 5055, 28 octobre 1978, pp. 589-595, V. spec. p. 592.

285 V. sur le système de preuve légale : F. Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, 2006, p. 490 : « Le système dit de la preuve légale confie au législateur le soin d'apprécier la valeur respective des procédés de preuve. Ce système consacre une hiérarchie entre les preuves, limite, selon les cas, l'admissibilité de certains procédés... ».

286 J. R. Spencer, « Les limites en matière de preuve. Aspects actuels », in R.S.C., 1992, pp. 42-51, V. spec. p. 42 : « En droit français moderne la preuve est libre en ce que tout moyen de preuve est recevable : mais le moyen par lequel la preuve a été obtenue peut la rendre inutilisable en provoquant une nullité ».

287 V. en ce sens : Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 65, p. 40 : « Le principe de la légalité doit être d'emblée bien compris, qui touche aux moyens non aux buts à atteindre. ».

spécialisés dans le sujet de la preuve pénale au détriment de la légalité de la preuve pénale. De ce fait, il convient de dire que l'idée de la légalité de la preuve pénale ne nie pas le principe de la liberté de la preuve, mais plutôt désigne les limites de ce principe. Il n'existe pas de principe sans limites qui le contrôlent. Dans le cas de la liberté de la preuve, le contrôle consiste à surveiller les autorités publiques et judiciaires lorsqu'elles appliquent ce principe. Notamment, la recherche de la preuve pénale est étroitement liée aux droits et libertés des individus.

B. La légalité tend à limiter l'arbitraire de la liberté de preuve

38. La légalité de la preuve constitue une protection contre les risques d'arbitraire. Il est reconnu que la recherche des preuves dans le procès pénal doit éviter tout risque d'arbitraire, la non-reconnaissance du principe de la légalité des preuves ouvrant la porte aux abus et aux arbitraires de toutes sortes. Une liberté absolue dans la recherche des preuves implique nécessairement qu'il faut craindre de l'arbitraire surtout que la recherche de la preuve risque de porter atteinte aux libertés individuelles et nécessite parfois certaines mesures de

288

coercition . En fait, seules les règles de procédure pénale qui organisent la recherche de la

preuve protègent de l'arbitraire toute personne lors du procès pénal

289

. Dire que le principe de

65

la liberté de la preuve est un principe absolu permettant l'utilisation de tous les moyens de preuve sans aucune restriction ou condition signifie qu'il est possible d'utiliser tous les moyens de preuve susceptibles d'établir la vérité sans aucune distinction entre les moyens légaux d'une part, c'est-à-dire ceux autorisés par la loi, et les moyens ou procédés de preuve illégaux ou illicites non autorisés par la loi et les principes généraux d'autre part. Ce qui tend pratiquement à sacrifier les libertés individuelles au nom de la sécurité et la protection de l'ordre social afin de rechercher les infractions, leurs auteurs et de rassembler les

290

preuves . Donner au principe de la liberté de preuve une acception trop exagérée implique qu'il n'existe pas de limites face à la liberté de la preuve, et qu'il est donc possible de prouver

288 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 93 : « Ce double rôle de protection et de répression ne doit donc pas s'exercer alternativement mais doit bien faire l'objet d'un équilibre par la mise en place de règles encadrant la mise en oeuvre de la liberté probatoire par les règles relatives à l'administration de la preuve ».

289 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 440, p. 285 : « La détermination des mesures qui peuvent être diligentées par les policiers et les magistrats relève du législateur, à qui il appartient d'arbitrer souverainement entre les intérêts opposés en présence. Le répertoire des actes qu'il a dressé est vaste ».

290 V. sur l'objet du système répressif : J-C. Soyer, Droit pénal et Procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., Paris, 2012, n° 1, p. 15 : « Dans notre société, le système répressif contemporain s'attache à concilier la protection de l'ordre social et la sauvegarde des libertés individuelles ».

66

la perpétration de l'infraction par tous les moyens disponibles, ouvrant ainsi la voie à la violation des droits et libertés des individus voire à de nouvelles infractions afin d'obtenir la preuve pénale. Cependant, dans un État de droit, il est impossible que le principe de la liberté de la preuve soit sans limites et sans contrôle du champ de cette liberté afin d'éviter

tout abus et arbitraire 291 . Par conséquent, le législateur a prévu et déterminé soigneusement la recherche de la preuve pénale, ainsi que la forme procédurale que l'opération doit avoir. En outre, le législateur a imposé certaines conditions impératives et applicables à certains moyens de recherche ou encore à la production de la preuve, comme les conditions de perquisition, la détermination des heures d'accès aux domiciles, ou encore les garanties de l'interrogatoire. Ces conditions représentent donc la légalité qui empêche l'abus et la violation des droits fondamentaux dans l'application du principe de la liberté de preuve en matière pénale. De surcroît, il existe certains principes relatifs aux droits de la preuve dominant sur la phase de l'enquête finale ou en d'autres termes la phase du jugement. Ces principes sont considérés parmi les droits de la défense, devenus plus complets et reconnus sous le nom des principes du procès équitable, qui sont également relatifs à la légalité de la preuve pénale, étant donné que cette dernière ne peut être considérée sans avoir donné l'occasion à l'accusé de la débattre. Par conséquent elle devient illégale à cause du non respect des principes généraux de la preuve dans le cadre de la phase finale de l'enquête ou autrement dit celle du jugement. Ces principes sont l'oralité et la publicité des débats et le débat contradictoire sur la preuve, qui font

également partie des principes de la légalité de la preuve pénale 292 . La Chambre criminelle de la Cour de cassation française a confirmé implicitement la notion du principe de la légalité de la preuve, comme l'affirme M. Henri Leclerc par une expression éloquente selon laquelle si les délits et les crimes peuvent être prouvés par tous moyens, c'est « à la condition que les moyens de preuve produits devant le juge pénal ne procèdent pas d'une méconnaissance des

291 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 95 : « En effet le principe de liberté tend à assurer la sécurité dans un premier temps publique par la répression efficace des comportements pénalement sanctionnées et par la répression appliquée aux auteurs des infractions. Cette sécurité matérielle est nécessaire mais au même titre que la sécurité juridique. Or pour assurer cette sécurité juridique qui permet une protection contre l'arbitraire (menace pour tout citoyen), il faut concilier la recherche de la preuve avec le respect de la légalité, c'est-à-dire avec le respect de l'ensemble des règles juridiques qui organisent la société ».

292 V. G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 10 : « C'est, en effet, à la remise en cause de certaines garanties et droits que concourent les deux mouvements. Tous les principes du procès équitable qui gouvernent le droit de la preuve - présomption d'innocence, égalité des armes, principe du contradictoire, principes de loyauté, d'adéquation et de proportion - mais encore les droits substantiels de l'homme (dignité, respect du corps humain, respect du droit à la vie privée) sont, dans une plus ou moins grande mesure, à une occasion ou à une autre, sacrifiés à l'efficacité ».

293

.

67

règles de procédure et n'aient pas pour effet de porter atteinte aux droits de la défense »

M. Henri Leclerc attire l'attention sur la manière d'appliquer cette règle: « mais en la circonstance, elle se désarme en exigeant de celui qui se plaint de la violation des formes ou

294

.

d'une pratique déloyale une preuve impossible à faire »

C. La légalité va réduire strictement la liberté de preuve

39. La confrontation nécessaire entre légalité et liberté. Il s'agit d'une confrontation inévitable et nécessaire à ne pas négliger dans l'État de droit entre le principe de la liberté de la preuve pénale et celui de la légalité. Mme Marie-Emma Boursier affirme l'exigence absolue du respect du principe de la légalité dans la recherche et l'administration des preuves pénales qui sont régies par les principes de liberté et de légalité : « il est établi que

295

la recherche de la preuve pénale doit respecter la légalité ». Cependant, tant que la preuve pénale est libre, la question logique qui se pose est : pourquoi le principe de la légalité de la preuve pénale est-il placé en confrontation avec la liberté de la preuve ? En vérité, la liberté de la preuve pénale ne peut pas être une liberté absolue, extrême et sans restriction pour la simple raison que la liberté excessive dans la recherche de la preuve pénale menace les droits et les libertés des individus protégés par la loi, soit avec des dispositions constitutionnelles soit avec des lois communes. Par conséquent, cette liberté dans la recherche de la preuve doit être

organisée avec une légalité juridique 296 , ou, en d'autres termes, elle doit être permise et basée sur un texte juridique lui conférant une légalité. Par conséquent, le rôle du Code de procédure pénale se souciant essentiellement du sujet de la preuve pénale devient évident, étant donné que les lois sont le seul déterminant des procédures que les autorités publiques et judiciaires

293 Cass crim. 19 juin 1989, B.C., n° 261, p. 648.

294 H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15.

295 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 96.

296 V. en ce sens : Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 64, p. 40 : 3enwan 3an « Le principe de la légalité de la preuve : « En amont de la question de la détermination tant des modes de preuve que de la valeur de chacun d'eux, se pose celle de savoir comment on procède à la recherche et à l'administration des preuves devant les juges : il n'est pas tout d'admettre telle preuve et de l'abandonner à l'appréciation souveraine du juge, encore faut-il savoir comment elle a été obtenue pour décider s'il pouvait en être fait état devant un tribunal. Cette difficulté est double : faut-il, tout d'abord, réglementer la recherche de la preuve, pour lui assigner certaines limites ? La réponse est évidente : la fin ne justifiant pas les moyens, la procédure pénale française consacre le principe de la légalité, corollaire du principe de la liberté de preuve. ».

68

297

ont le droit de mener et de réaliser dans le but de rechercher la preuve. Cela signifie-t-il que la recherche de la preuve ne dispose pas de liberté dans le cadre du droit pénal ? Évidemment pas, car la preuve pénale est libre, notamment dans le choix par l'autorité publique et judiciaire chargée de la recherche de la preuve pénale des moyens sélectionnés parmi plusieurs méthodes et procédures permises juridiquement dans les textes de lois, ou en d'autres termes

parmi les moyens permis explicitement par la loi298. Par conséquent, la liberté de la preuve est pratiquée ou appliquée en conformité avec les limites fixées par le législateur, ou par les principes juridiques généraux. Conformément aux idées précédentes, le principe général est la liberté de la preuve dans le domaine pénal, en tenant compte des contraintes et des contrôles contenus dans le principe de la légalité des moyens et des procédures au cours de la recherche et la production de la preuve pénale. Il convient de préciser que ces limites ne constituent pas une exception à la liberté de la preuve, mais plutôt des restrictions et des contrôles associés à celle-ci et l'entourant en permanence sans s'en éloigner. Ils sont assez différents des exceptions relatives au principe de la liberté de la preuve pénale décidées par le législateur à titre d'exception, et qui sont de deux types : celles qui sont liées plus précisément à la façon d'obtenir la preuve d'une infraction spécifique et celles qui concernent la prédétermination de la valeur probante de quelques preuves. Ces deux hypothèses ne se rapportent nullement, de près ou de loin, au principe de la légalité de la preuve pénale, ce qu'il faut prendre en considération avec soin et prudence afin d'éviter de confondre le principe de

297 V. en ce sens : le Conseil constitutionnel français a considéré dans la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 : §10. « Considérant, en premier lieu, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions » ; §11. « Considérant, en second lieu, qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, au nombre desquels figurent le respect de la vie privée, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, le respect de la présomption d'innocence, le principe de dignité de la personne humaine, ainsi que la liberté individuelle que l'article 66 place sous la protection de l'autorité judiciaire ; qu'ainsi, si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en vertu de l'article 66 de la Constitution, et que les restrictions qu'elles apportent aux droits et libertés constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées ».

298 V. R. Legros, «La preuve légale en droit pénal», in J.T., Editeurs : maison Ferd. Larcier S.A., Bruxelles, numéro 5055, 28 octobre 1978, pp. 589-595, V. spec. p. 591 : « En droit pénal comme en droit civil, la loi a adopté un régime légal de preuves : d'une part, elle détermine, dans les deux domaines, un ensemble de preuves admises par elle, les éléments de preuves que le juge peut retenir, elle exige que ces preuves soient administrées suivant certaines formes, et, parfois, elle précise la force probante à leur attribuer : d'autre part, et toujours dans les deux domaines, la loi laisse au juge une certaine liberté d'appréciation indispensable, à ne pas confondre ni avec l'idée d'une preuve libre ou morale, ni avec l'intime conviction ».

la légalité de la preuve pénale avec les quelques exceptions contenues dans la loi sur le principe de la liberté de la preuve. La problématique soulevée dans la liberté de la preuve pénale donne une réponse claire et sans équivoque à la question suivante : quels sont les contraintes et les contrôles entourant le principe de la liberté de la preuve pénale?

§ 2. La légalité, une garantie procédurale substantielle

40. Pas de liberté sans légalité dans la recherche des preuves. La légalité dans la recherche et l'administration de la preuve pénale constitue un moyen de protection des droits substantiels parce que recourir à une notion absolue ou souveraine du principe de la liberté dans la recherche de la preuve met en péril les différents droits qui composent le droit à un procès équitable. Il est reconnu que le principe de la liberté de la preuve comporte

normalement des limites imposées par des principes généraux non écrits 299 . La légalité comme principe essentiel de la procédure pénale tient une telle place dans le droit de la preuve que « le principe de la liberté de la preuve pénale [...] apparaît finalement d'une application

circonscrite »

300

. En effet, au-delà de la seule légalité formelle, la légalité de la preuve pénale

implique le « respect des valeurs fondamentales de la civilisation »

301

. Une mesure d'enquête

69

visant à rechercher des éléments de preuve peut menacer les droits de l'individu si elle est absolument libre. Le principe de légalité représente la frontière entre l'efficacité de la recherche de preuve et le respect des droits substantiels qui doivent être protégés. La légalité dans la recherche de la preuve est considérée comme un correctif nécessaire à la liberté de la preuve en matière pénale en assurant plusieurs garanties procédurales dans l'intérêt de la personne poursuivie. Le prévenu ou l'accusé doit naturellement bénéficier de plusieurs garanties essentielles qui sont strictement liées au droit de la preuve dont la violation ou l'inobservation entraîne l'illégalité de la preuve.

299 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, 4e éd., 1989, n° 129, p. 162 ; G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e éd., Dalloz, 2012, n° 145, p. 124 ; Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 48, p. 32 ; P. Bouzat, « La loyauté dans la recherche des preuves », in Mélanges Hugueney, 1964, pp. 155 et s. ; H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve : aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, pp. 15 et s.

300 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 552, p. 572.

301 Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e éd., Dalloz, 2012, n° 145, p. 124.

. A. L'encadrement par la loi des mesures portant atteinte aux droits fondamentaux

41. Les règles de la procédure pénale visent à garantir les libertés individuelles. Le procès criminel constitue « un instrument de recherche de la vérité permettant la punition du

302

coupable et la libération de l'innocent ». Ce qui précède est vrai, mais incomplet, parce que la procédure pénale vise à protéger la société par la mise en oeuvre du droit pénal afin de découvrir l'infraction et sanctionner son auteur, mais vise également à garantir la liberté individuelle et les droits de défense de la personne poursuivie qui est présumée innocente tant qu'elle n'est pas déclarée coupable. Il faut donc lui permettre d'exercer ses droits de la défense

et de se protéger contre la menace d'un procès pénal

303

. Il est possible de dire que le

principe de la légalité de la preuve pénale, dans son aspect formel ou matériel est devenu une garantie procédurale fondamentale irremplaçable vis-à-vis du suspect, défendeur ou accusé, le protégeant personnellement ainsi que sa libre volonté durant toutes les phases du procès pénal, en protégeant également ses droits et lui permettant enfin de les exercer. « Les enquêteurs sont tenus au respect des principes fondamentaux et des textes notamment ceux qui organisent le

respect de la vie privée ou encore les droits de la défense »

304

. Il est donc constaté que le

70

principe de la légalité de la preuve pénale est la seule garantie du respect des droits de l'homme, tant en termes d'intégrité physique que de volonté, ce qui l'empêche donc d'être forcé à fournir des preuves contre lui ou contre son gré, et entrave également la violation de son droit à la vie privée ou encore de ses droits à la défense légalement consacrés

305

et relatifs à la preuve pénale.

302 P. Arguin, « Les règles procédurales entourant la recevabilité des déclarations extrajudiciaires », in Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 1, 1991, pp. 103-152, V. spec. p. 105.

303 V. en ce sens : M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisee par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.) : « L'une des fonctions principales du code de procédure pénale est d'ailleurs de protéger les citoyens contre la puissance publique, de mettre des limites aux importants pouvoirs d'investigation de celle-ci ».

304 V. Lesclous, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 49.

305 V. H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « La preuve est libre mais la doctrine est unanime : toutes les preuves ne sont pas admissibles et tous les moyens ne sont pas bons pour les réunir. La loi fixe des limites. La morale et les principes aussi ».

71

B. Nécessité d'encadrer la recherche de la preuve pénale par la loi

42. L'exclusivité de la détermination des procédures pénales par la législation. La liberté de la preuve est l'une des caractéristiques de la théorie de la preuve dans les matières pénales. Il s'agit du système de la preuve à travers lequel le juge pénal se libère de la conformité prédéfinie à un moyen précis dans la démonstration des faits. Mais l'intérêt public peut exiger la limitation de la liberté des individus. Selon M. Bernard Bouloc: « si l'on a pu considérer autrefois que la fin (aveu) justifiait le moyen (torture), aujourd'hui on estime à

306

.

juste titre que les règles d'administration de la preuve doivent être définies par la loi »

Quand l'État initie les procédures nécessaires afin de découvrir la vérité et décider son droit dans la punition, le danger de l'atteinte à la liberté de l'individu au cours de l'initiation de ces procédures semble évident. Par conséquent, il incombe au législateur d'intervenir dans ce cas afin de déterminer les limites requises par l'intérêt général pour l'atteinte à la liberté individuelle par le biais de l'application des procédures pénales. « Le procès criminel, dans sa recherche de la vérité, doit donc tendre à concilier deux positions antagonistes, soit la

307

protection de la société et celle des droits fondamentaux de tous les citoyens ». En outre, le pouvoir législatif est le seul ayant droit de décider de la quantité suffisante et nécessaire pour l'atteinte aux droits individuels dans le procès pénal, en tenant compte de la nécessité d'équilibrer entre les considérations de la justice et sa compétence dans la détection des

infractions et la protection des droits individuels dans le cadre du procès pénal308. En conséquence, la loi est le seul déterminant des procédures pénales depuis la découverte de l'infraction, puis l'actionnement du procès pénal, jusqu'à la phase de la détermination du jugement. Le législateur est le seul habilité à légiférer sur les atteintes à la liberté des individus dans les limites qu'il spécifie309. L'exigence de la loi comme un outil pour déterminer les règles des procédures pénales est basée sur un principe général, qui est

306 B. Bouloc, « Les abus en matière de procédure pénale », in R.S.C., 1991, p. 221.

307 P. Arguin, « Les règles procédurales entourant la recevabilité des déclarations extrajudiciaires », in Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 1, 1991, pp. 103-152, V. spec. p. 105.

308 V. sur le principe de la légalité formelle : F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 567, p. 409 : «Le principe de la liberté des preuves n'autorise pas les agents de l'autorité publique à s'émanciper du principe de légalité ... On se bornera à rappeler que ce principe implique tout d'abord l'exigence d'une loi préalable (légalité formelle) : les magistrats ou les membres de la police judiciaire ne peuvent donc accomplir un acte d'investigation qui ne serait pas prévu par la loi, dès lors du moins que cet acte est de nature à porter atteinte à un droit ou une liberté fondamentale ».

309 V. en langue arabe: A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., maison Echourouk, Egypte, 2002, n° 28, p. 70.

72

d'ailleurs la confiance dans la loi pour la réglementation des libertés. Ce principe est basé

310

sur les caractères de la règle de droit. La règle de droit est obligatoire, générale, permanente et a une finalité sociale. Le principe de l'exclusivité législative ou légale de l'organisation des règles des procédures pénales émane d'un principe essentiel, le fait que la loi est la seule à réglementer les libertés, en considérant que les procédures pénales impliquent, en

311

fait, l'atteinte aux libertés.

310 Ce caractère général de la règle de droit est une garantie contre l'arbitraire.

311 V. en même sens : C. Copain, L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011, n° 83, p. 49 : « En application du principe de légalité, une mesure de contrainte ne peut qu'être d'origine législative. Par son intervention le législateur reconnaît la faculté d'exercice d'un pouvoir de contrainte aux autorités chargées de la recherche de la vérité et non un simple fait justificatif ».

Section II

La légalité, frein au caractère absolu de la liberté de la

preuve

43. Les contrôles et les restrictions qui gouvernent la liberté de la preuve. Le Code de procédure pénale se présente comme un ensemble de règles juridiques procédurales qui réglementent les moyens et les actes qui visent ou tendent vers la recherche des preuves menant à la connaissance de l'auteur de l'infraction et à la démonstration de sa réalité : « le respect des principes encadrant le système juridique doit être assuré dans la recherche libre de la preuve, d'abord et a minima par le contrôle du respect des formes légales imposées à

312

son administration et nécessaires à sa recevabilité ». Toutes les procédures ont comme objectif principal la découverte de la vérité de l'infraction qui a été commise. Étant donné que le principe général dominant la preuve pénale en général, et en particulier dans le système répressif libanais et français, est le principe de la liberté de la preuve pénale, il n'est pas surprenant de dire que cette liberté ne peut pas être une liberté absolue, car cette liberté dans la recherche de la preuve est organisée dans la loi. La liberté est donc absolue dans le champ du choix de ce qui est autorisé par la loi comme moyens pour la détection et la production de la preuve pénale. Par conséquent, cette liberté ne peut pas être hors la loi, et donc le Code de procédure pénale s'efforce toujours d'organiser les conditions, les formes et le processus de la recherche de la preuve pénale dans ces textes par une forme précise. Il n'est pas exagéré de dire que sans la présence de contrôles de la liberté de la preuve, il y a un risque d'empiétement sur la liberté et les droits des citoyens lors de la recherche de la preuve pénale. La législation des procédures pénales est l'une des lois étatiques les plus importantes en raison de sa relation étroite avec la liberté individuelle. Si la liberté de la preuve contribue à permettre au pouvoir de l'accusation d'éviter la difficulté de la preuve,

cette liberté sans contrôle risque de dévaster les libertés

313

. Afin que le juge puisse s'appuyer

73

sur une preuve spécifique, le moyen de son obtention doit être conforme aux obligations de la légalité de preuve, étant donné que le juge pénal n'a pas la liberté absolue dans la

312 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 84.

313 V. E. Molina, « Réflexion critique sur l'évolution paradoxale de la liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain », in R.S.C., 2002, p. 263 : « La libre admissibilité des preuves pénales semble de prime abord restreinte par l'accroissement du formalisme élaboré dans une perspective nécessaire de rééquilibrage des rapports de force dans le procès pénal ».

74

composition de sa conviction à partir des preuves obtenues de manière illégale, même dans le cas où la preuve est sincère. Parmi les exemples clairs de ce cas, on trouve l'obtention de la preuve sous la contrainte et la menace, ou encore sur la base d'une perquisition illégale. Le juge pénal doit donc tirer sa conviction dans le jugement à travers des preuves obtenues de façon légale ou d'après un moyen de preuve compatible avec l'exigence du principe de la légalité de la preuve pénale. Quant aux preuves résultant des procédures illégales, il est interdit en général de s'y fonder. Elles doivent être rejetées totalement, conformément au principe juridique qui veut que tout ce qui est construit sur des actes nuls est lui-même frappé de nullité. La raison essentielle d'exiger la légalité de la preuve pénale est que l'État exerce le droit de punir par le biais des procédures juridiques organisées, légalisées et destinées à réaliser et à assurer des garanties pour l'accusé, en premier lieu le droit sacré de se défendre.

44. La légalité contribue à rendre la liberté de preuve relative. La vérité est sans aucun doute le but premier et le plus important dans le procès pénal, mais « si la manifestation de la

314

vérité est essentielle, elle ne doit pas être recherchée de n'importe quelle manière ». La dominance du principe de la liberté de preuve dans le domaine pénal ne signifie pas que cette

315

liberté est absoluese libérant ainsi de toute restriction, car en supposant que cette liberté de preuve soit absolue sans aucune restriction ou contrôle, il ne serait pas donc évident au législateur libanais ou français d'organiser la façon d'obtenir la preuve ou les moyens de recherche et de production de la preuve pénale d'une façon précise dans le Code de procédure

316

pénale. Il est indiscutable que le principe de la légalité de la preuve pénale est la principale restriction face à la liberté absolue de preuve. Pourtant, cela ne peut jamais être considéré comme un retour au système de la preuve légale car cette légalité en tant que principe général encadrant la recherche de la preuve est complètement différente de l'ancien système de preuve légale ayant jadis prévalu en France. En effet, les différences sont nombreuses et doivent être

314 G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, Chronique, pp. 153-156.

315 V. sur ce point : J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 18 : « Il y a d'abord des systèmes favorables à une application très large du principe de la liberté de la preuve, mais, notons-le, pas à une application absolue. Très révélateur de ce point de vue est l'article 427 CPP français, selon lequel "hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve... ».

316 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 84 : « La problématique de la liberté est qu'elle porte en germe la possibilité de son abus dans la volonté parfois marquée de recherché la vérité à tout prix. Le prix de cette recherche doit être borné par le respect d'autres principes qui, eu égard à leur origine de droit naturel et à leur importance, ne peuvent souffrir d'exception, fût-ce au nom de la vérité »

claires afin que ce sujet ne soit pas ambigu. D'une part, la légalité de la preuve pénale coexiste avec la liberté de la preuve sans aucune contradiction avec ou entre les deux principes, mais elle détermine plutôt le cadre et les limites de cette liberté afin qu'elle ne soit pas utilisée dans l'abus contre les droits et libertés individuels. D'autre part, le principe de la légalité de la preuve pénale vise également à garantir l'existence d'un cadre procédural juridique visant à la recherche de la preuve pénale. Ainsi, la liberté de la preuve ne peut pas transgresser les droits fondamentaux, droits de la défense et principe du procès équitable en vue d'atteindre la preuve pénale : « ... la preuve pénale ne peut être admise que si, dans son administration, elle respecte la légalité, que celle-ci s'exprime par des principes généraux du droit, ou par des

lois qui régissent la recherche »

317

. Le rôle du principe de la légalité de la preuve pénale

75

devient évident dans la détermination d'un cadre permanent pour la liberté à la preuve, sans aucune préférence pour une preuve plutôt qu'une autre, pour l'attribution d'une force probante d'une preuve vis-à-vis d'une autre, ou encore pour l'imposition ou la limitation de la démonstration d'une infraction par le biais d'un moyen de démonstration en particulier. Le principe de la légalité de la preuve pénale est plutôt limité à l'imposition de la légalité du moyen à travers lequel la preuve pénale est obtenue parmi les moyens autorisés par la loi, en permettant la liberté du choix de ceux-ci. Il convient de préciser que le principe de la légalité de la preuve pénale n'interfère nullement dans la détermination de la valeur probante de la preuve ou de sa préférence. Tous les moyens sont utiles en application du principe de la liberté de la preuve, et nulle autre personne que le juge compétent ou le tribunal compétent peut estimer la valeur probante de la preuve selon sa propre conviction, en application également du principe de la liberté du juge d'estimer la preuve qui lui est présentée en vertu du principe libanais et français de l'intime conviction du juge. Le nom de la liberté de la preuve porté par ce principe ne signifie pas que cette liberté soit absolue sans aucune restriction ou condition, car il est évident qu'il existe des limites légalement déterminées à ce

principe

318

.

45. Une liberté relative ou non absolue. La liberté de la preuve ne signifie pas qu'il s'agit d'un principe absolu qui ne comporte aucune limite et qui permette de prouver par tous les

317 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 3.

318 V. sur ce point : C. Copain, L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011, n° 90, p. 52 : « Si la preuve est libre, les modalités de recherche de celle ci ne le sont pas. A défaut la contrainte probatoire deviendrait arbitraire et pourrait justifier l'exercice d'un droit de résistance ».

76

moyens. La liberté de preuve ne s'exerce pas sans limite, elle trouve sa limite dans le

319

respect des droits fondamentaux de la personne humaine et la protection des autres droits

320

essentiels. Les moyens de preuve saisis par les procédés modernes d'investigation nous poussent à poser la question qui déjà a été posée par Mme Coralie Ambroise-Castérot : prouver avec quelles preuves ? Les infractions peuvent-elles être établies par tout mode de preuve et sans limites? Sans hésitation, n'importe quel moyen ne pourra pas pour autant être employé. En effet, ce principe de liberté de la preuve ne signifie pas que n'importe quel procédé puisse être utilisé : torture, sérum de vérité, polygraphe (détecteur de mensonges), etc. Il existe donc, selon Mme Coralie Ambroise-Castérot, des procédés interdits parce que la liberté des preuves est une liberté encadrée par la légalité : seuls les modes de preuves

321

légalement prévus sont admissibles devant les tribunaux . Donc, il existe certaines restrictions légales et procédurales. La recherche de la vérité dans le cadre d'un procès pénal connaît des limites aussi bien naturelles que juridiques. En effet, non seulement les capacités humaines sont limitées, mais aussi le droit positif pose des limites bien précises quant aux moyens et au sujet de la preuve ainsi qu'aux critères d'appréciation de la force

probante 322 . Certes, l'intérêt public commande la recherche de la preuve de la manière la plus complète possible ; cependant, il ne saurait autoriser le recours à toutes sortes de pratiques ou

323

d'excès, voire à la violation des droits fondamentaux. Dans un État de droit, il n'est, en effet, pas acceptable que la vérité soit établie par n'importe quel procédé et à n'importe quel prix. Plusieurs solutions sont concevables en ce qui concerne le degré de liberté relatif à

. Si la liberté de preuve permet en principe

324

l'établissement de la preuve des infractions

d'utiliser tous les modes de preuves, cette liberté ne peut pas être une liberté absolue sans limites légales imposées par la loi et les principes généraux fondamentaux puisque l'administration de la preuve pénale touche à la liberté fondamentale de la personne et aux

319 J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 348, p. 186 : « Cette liberté ne s'exerce pas sans limite. Elle ne saurait exister que dans un cadre légal. La violence pour l'obtention d'une preuve est à exclure. ».

320 V. dans le même sens : F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 16 : « Une liberté absolue peut conduire certainement à des abus. C'est pourquoi, la loi contient des principes directeurs destinés à garantir la légalité des méthodes d'investigation et à protéger l'individu contre l'arbitraire dans la recherche des preuves ».

321 C. Ambroise-Castérot, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la quête du Graal de la Vérité », in AJ Pénal, 2005, pp. 261 et s.

322 A. Baratta et R. Hohmann, « Vérité procédurale ou vérité substantielle », in Déviance et Société, Genève, 2000, Vol. 24, n°1, pp. 91-93.

323 F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 22.

324 E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse de droit, op. cit., n° 15, pp. 22 et s.

aspects les plus intimes de la vie privée et parfois à la dignité humaine. Les pouvoirs d'investigation sont sans doute nécessaires à la recherche des auteurs d'infractions et au rassemblement des preuves, mais l'exercice de ces pouvoirs doit se concilier avec celui des

325

libertés individuelles et des autres droits fondamentaux. L'application de la liberté de la preuve dans la manifestation de la vérité du procès pénal est limitée par l'application de certains principes généraux qui interdisent de rechercher la vérité par n'importe quel procédé notamment les procédés illégaux et contraires au droit à un procès équitable.

46. Limites tenant à la liberté de preuve. Dans le droit interne français et libanais, le principe de la liberté de preuve connaît d'importantes limites comme le droit au respect du corps humain, les droits de la défense et le droit à un procès équitable. Sans doute, les modes de preuves ont été élargis en comparaison avec les modes de preuve classiques. L'infraction ne

se prouve plus au XXIe siècle comme elle se prouvait il y a cinquante ans

326

. Certains

77

principes constitutionnels et conventionnels au Liban et en France imposent des restrictions strictes au droit de la preuve pénale. Des obligations et des règles ont été dégagées de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ils ont laissé une influence nette sur le principe de la liberté de preuve. Le Liban et la France sont des membres fondateurs et actifs de l'organisation des Nations-Unies, engagés par ses pactes et par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le premier texte de la déclaration précité a été écrit par le juriste français

M. René Cassin et par le rapporteur du comité, de nationalité libanaise M. Charles Malik. En France, les limites deviennent de plus en plus nombreuses sous l'influence essentielle de la Convention européenne des droits de l'Homme du 4 novembre 1950 ratifiée par la France en 1974. La Cour européenne des droits de l'homme ne se prononce pas directement sur la recevabilité des éléments de preuve, en effet les juges strasbourgeois exercent leurs contrôles sur l'équité de la procédure dans son ensemble en vertu de l'article 6 de la Conv. EDH . Malheureusement, en droit libanais on ne trouve pas une garantie essentielle des droits de l'homme et des droits fondamentaux dans le procès pénal comme celle que l'article 6 de la CEDH et la Cour de Strasbourg intègrent dans le droit français. Par conséquent, la preuve pénale en droit libanais peut être apportée par tout moyen en application du principe de la liberté de la preuve pénale qui ne connaît pas un contrôle du caractère équitable de la procédure dans son ensemble. La liberté de preuve est le principe fondamental en matière pénale mais cette liberté n'est certainement pas totale et hors de toute limite. C'est une liberté

325 F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 16.

326 C. Ambroise-Castérot, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la quête du Graal de la Vérité », in AJ Pénal, 2005, pp. 261 et s.

327

qui n'est pas absolue. Le principe de la légalité dans la recherche de la preuve pénale est considéré comme une restriction et une condition fondamentale vis-à-vis de la liberté de la preuve pénale et transforme celle-ci en un principe relatif. Autrement dit, la liberté de preuve

est relative et s'arrête aux limites de la légalité formelle exigée par la loi328

. Ce sujet sera traité

78

dans le premier paragraphe (§1. Légalité formelle). En outre, la légalité rend cette liberté de preuve conditionnelle. Ce sujet sera abordé dans le deuxième paragraphe (§2. Légalité matérielle).

. § 1. Légalité formelle.

47. La légalité formelle. La preuve pénale ne doit pas naître d'une illégalité formelle. Par légalité formelle, l'on entend le respect des formes. La légalité formelle est basée sur le respect de la liberté de la preuve aux dispositions des lois régissant le processus de la recherche de preuve, s'agissant de la forme que le législateur exige dans le cadre de la procédure pénale visant à recueillir la preuve. En outre, la liberté de la preuve doit respecter toutes les conditions, interdictions ou entraves que le législateur a voulu déterminer dans la procédure pénale lors de la recherche de la preuve ou sa production. La légalité formelle dans le cadre de la recherche de la preuve pénale signifie le respect de l'intimité de la vie privée des individus dans le procès pénal dont la violation ne peut être admise que par un texte juridique autorisant explicitement le type et la nature de cette violation exceptionnelle que le législateur estime prévoir à cause de la nécessité de rechercher la preuve pénale. En outre légalité formelle signifie également que la recherche de la preuve lors du processus de l'enquête finale, c'est-à-dire la phase du jugement, doit être soumise aux principes généraux encadrant la preuve pénale et le jugement final. Ces principes sont la présentation de la preuve lors d'une audience publique, son débat par les parties au procès et la Cour, ainsi que le principe du contradictoire, où les preuves sont mises face aux parties, en recevant les

327 V. en même sens : C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « Mais ce principe de liberté n'est pas sans limite. Certaines restrictions dans la recherche des preuves sont imposées au juge pénal par le législateur ou la jurisprudence. Ce ne sont pas de véritables exceptions au principe de liberté des preuves, qui demeure, car elles ne concernent pas les modes de preuves qui, dans tous les cas, restent libres, mais les moyens de se les procurer et d'en user ».

328 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 249, p. 153 : « La légalité peut revêtir un sens formel et matériel » ; « Le respect de la légalité formelle implique l'existence d'une loi préalable claire et prévisible tandis que la légalité matérielle n'est autre que la conformité au droit : conformité de la loi préalable aux normes supérieurs mais également conformité des actes de procédure à la loi. ».

79

329

aspects de leur défense ou leurs observations à ce sujet. Les preuves obtenues doivent respecter la légalité formelle, de sorte que la violation de règles formelles de procédure pénale, telle que, par exemple la perquisition effectuée sans autorisation ni consentement (perquisition irrégulière) rend la preuve obtenue illégale. L'illégalité formelle résulte encore de l'inobservation et de la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition textuelle comme l'obtention d'une preuve en violation de principes généraux prévus par la loi et gouvernant l'administration de preuves (preuves exclues du contradictoire ou contraires au respect des droits de la défense). En outre, le principe de la légalité de la preuve pénale nécessite le respect des droits de la défense relatifs à la preuve tels que la façon de mener un interrogatoire et ses garanties. On ajoute que la légalité formelle dans la recherche de preuve implique le respect de la loi qui réglemente la procédure de l'utilisation d'un moyen de preuve qui porte normalement par sa nature atteinte au droit de la vie privée ou exactement celle d'un moyen de preuve en contradiction avec le droit au respect de la vie privée. On peut évoquer la légalité des écoutes téléphoniques qui nécessite une base légale propre permettant cette atteinte légale. Sans doute, la violation de la loi qui réglemente le recours à l'écoute téléphonique rend la preuve obtenue illégale, c'est une violation de la légalité formelle de la preuve pénale.

A. Les formalités substantielles.

48. Le non respect des formalités viole la légalité formelle de la preuve. La preuve pénale ne doit pas être collectée et obtenue en violation d'une formalité prescrite par la loi. L'acte de procédure qui vise la recherche des preuves doit respecter la forme imposée avec précision par le législateur, ce qui implique l'application de l'acte de procédure pénale qui organise la recherche de la preuve conformément au modèle défini et prévu par la loi dans les conditions fixées par le Code de procédure pénale selon lesquelles l'inobservation commise rend la preuve illégale et peut entraîner sa nullité. M. Jacques Buisson illustre clairement l'idée précédente en écrivant : « la recherche et le recueil de la preuve sont nécessairement prévus par des règles différentes selon qu'ils sont le fait d'un particulier ou d'un agent public, l'action de ce dernier impliquant la mise en oeuvre de la contrainte étatique contre laquelle il convient, dans un État de droit, de protéger les personnes qui peuvent en être l'objet. Le législateur a

329 V. F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 74, pp. 55-56 : « En réalité, le principe de la légalité de la preuve est sauvegardé sous couvert de deux autres principes, érigés par la jurisprudence en principes généraux du droit : la loyauté dans la recherche de la preuve et la loyauté dans la discussion de la preuve ».

donc organisé les ingérences étatique au sens de la Convention européenne, destinées à permettre cette administration de la preuve. Ainsi, il a soigneusement réglementé divers actes

de recueil de la preuve... »

330

. Il existe, en procédure pénale, des formalités nécessaires à la

80

validité de l'acte de la recherche des preuves dont l'accomplissement ne peut être négligé d'aucune manière, ce sont les formes essentielles, inévitables, obligatoires et indispensables pour que l'acte puisse accomplir sa tâche. Sans doute est-il difficile de préciser rigoureusement la sanction procédurale de cette inobservation de la forme de la procédure dans la recherche de la preuve et en même temps compliqué d'admettre que chaque non-respect des règles de procédure en matière pénale doit automatiquement entacher d'illégalité la preuve collectée. Ce qui nécessite de trouver un critère permettant d'évaluer le non-respect de la forme prévue de l'acte de procédure afin de trouver un équilibre entre l'efficacité de la procédure de recherche des preuves d'une part, et l'application du principe de la légalité des preuves d'autre part, en considérant que certaines formalités prévues par le législateur méritent d'être classées parmi les formalités substantielles de la procédure ou d'ordre public dont la violation conduit à considérer la preuve comme illégale. Une formalité dite substantielle désigne une règle de procédure pénale qui tend à rechercher les preuves dont la méconnaissance totale ou partielle touche la légalité de la preuve parce que cette formalité est indispensable pour garantir les droits de la défense. Cependant, il y a des formalités non substantielles dont l'inobservation ne rend pas les preuves illégales. Ce sont les formalités de nature accidentelle ou secondaire. La question qui se pose naturellement pour distinguer dans chaque cas si la preuve est illégale ou non, est la suivante : l'omission de cette formalité ou les irrégularités commises lors de son accomplissement dans la recherche des preuves ont-elles eu une influence sur la légalité des preuves ? De surcroît, la théorie des nullités qui présente une sanction procédurale joue un rôle essentiel et laisse une influence remarquable sur le caractère impératif des formalités procédurales qui tend vers la recherche des preuves. En tout cas, la preuve résultant d'un acte de procédure pénale doit respecter les formalités prescrites par la loi parce que le législateur qui impose ces formalités vise à sauvegarder les droits pour toute personne soupçonnée ou poursuivie en matière pénale et parfois le législateur considère ces formalités comme des conditions de validité de l'acte de procédure dont résulte la preuve.

330 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

B. Les principes directeurs relatifs à la preuve.

49. Respect des principes généraux à la phase de jugement. La recherche des preuves doit se dérouler en respectant les droits de défense consacrés par le législateur ou par les normes essentielles qui gouvernent le procès pénal, notamment le procès équitable. Divers instruments consacrent, tant en droit interne libanais et français qu'en droit international, les droits de la défense comme un droit fondamental de l'être humain. Dans un procès pénal, les acteurs de la recherche de la vérité judiciaire sont tenus de respecter les obligations relatives

aux droits de défense liées à la recherche et à l'administration de la preuve

331

. D`une manière

générale les principes généraux du droit de défense relatifs à la légalité de la preuve sont les

332

principes de l'oralité des débats, du contradictoire et de la publicité des audiences. Selon M. Jacques Buison, « l'administration de la preuve ne saurait évidemment violer les droits de la défense. Pendant longtemps considérés comme garantis par un principe général du droit, fondés sur le principe du contradictoire dans le procès pénal, ces droits sont aujourd'hui protégés par une norme, supérieure à la loi interne, d'application directe, l'article 6,

paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l'homme »

333

. La légalité formelle

81

de la preuve exige l'application des principes généraux qui sont fixés par les législateurs libanais et français comme étant les principes dominant la phase de jugement. Par conséquent, les conditions de recevabilité de la preuve dans la phase de jugement sont intimement liées au respect du principe du contradictoire, de l'oralité et de la publicité du débat. Le juge du fond ne doit pas former son intime conviction pour juger l'affaire pénale sur la base des éléments de preuve qui portent atteinte aux principes de l'oralité des débats et du contradictoire ou en supprimant la publicité des débats. Les éléments de preuve doivent faire l'objet d'un débat contradictoire au cours des débats. Effectivement, les éléments de preuve non soumis à la

331 V. sur ce point en droit français : J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70 : « L'administration de la preuve obéit également au respect de la légalité formelle, c'est-à-dire aux lois qui en régissent les actes. Ainsi elle ne saurait évidemment méconnaître les droits de la défense prévus par article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme qui impose notamment l'inviolabilité des correspondances entre le mis en cause et son avocat, le droit de se taire lors d'un interrogatoire de police et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination... qui, aujourd'hui est formellement intégré dans la loi, depuis la réforme du 15 juin 2000 (C. pr. pén., art. 63-1)... ».

332 V. R. Lindon, « Pour remédier à certaines obscurités et complications (A propos de la règle de la publicité des débats) », in J.C.P., 1968, I (Doctrine), 2190 : « On sait que la publicité des débats est la règle et que non seulement les débats proprement dits doivent avoir lieu mais qu'encore le jugement doit être prononcé en audience publique ».

333 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 4.

82

contradiction au cours des débats et sur lesquels les parties n'auront pas eu l'occasion et la possibilité de se prononcer seront considérés comme des preuves illégales.

C. La liberté de la preuve au regard du respect de la vie privée.

50. Respect de l'intimité de la vie privée. Chaque personne bénéficie du droit à la protection de sa vie privée qui limite la liberté dans la recherche de la preuve pénale. Il faut respecter et protéger la vie privée ; de même la recherche de la preuve pénale ne peut se faire en violation de la vie privée. L'efficacité dans la recherche des preuves de la culpabilité de l'individu doit respecter la protection de la vie privée, principalement en matière d'écoutes téléphoniques. Le non respect de la vie privée ne peut pas être justifié par l'application du principe de la liberté de preuve. En effet, le droit au respect de la vie privée est reconnu à toute personne, seul le législateur peut intervenir expressément pour autoriser des moyens de preuve qui violent ce droit dans les conditions et selon les limites fixées par la loi qui doit être strictement rigoureuse pour éviter tout risque d'abus de droit. M. Jacques Buison souligne à juste titre que « l'administration de la preuve astreint au respect de la vie privée à laquelle aucune atteinte ne doit être portée qui, prévue par une loi, ne soit nécessaire et proportionnée

334

(Conv. EDH, art. 8, al. 2) ». Donc, la recherche de la preuve ou l'utilisation des différents moyens de preuve en opposition avec le droit à une vie privée doit obligatoirement subir un encadrement de la loi, étant donné qu'en l'absence de loi autorisant et acceptant expressément l'utilisation de ce moyen portant atteinte à la vie privée, il sera considéré comme une violation de la légalité formelle rendant illégale la preuve obtenue. Autrement dit, seule une atteinte légale prévue par le législateur peut permettre l'utilisation de procédés dans la recherche de preuves qui ne respectent pas ou qui touchent le droit au respect de la vie privée. Le législateur apprécie la nécessité de l'atteinte au droit au respect de la vie privée en tenant compte de l'équilibre entre la nécessité de protéger la vie privée des personnes et l'efficacité de la recherche des preuves pour élucider une infraction si cela est nécessaire pour identifier son auteur. Compte tenu de ce qui précède, la liberté de la preuve en matière pénale trouve sûrement sa limite normale dans l'obligation du respect scrupuleux et absolu du droit à la protection de la vie privée de la personne poursuivie et de la personne soupçonnée. Le droit à la protection de la vie privée constitue une limite juridiquement infranchissable par le principe

334 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

de la liberté de preuve dont toute atteinte à la vie privée pour obtenir un élément de preuve rendrait la preuve illégale.

§ 2. Légalité matérielle.

51. Le concept de la légalité matérielle. La légalité matérielle est le respect de la dignité humaine et de la loyauté dans la recherche de preuves parce qu'une preuve ne peut être obtenue en violation des principes de loyauté et de respect de la dignité humaine. Le non-respect de l'un de ces principes suffirait alors à considérer que la preuve en résultant est illégale parce qu'elle a méconnu la légalité matérielle. La légalité matérielle de la preuve pénale est fondée sur le respect et la protection de l'intégrité du corps humain et de sa volonté lors de la recherche et production de la preuve pénale. En effet, ce principe n'admet aucune exception. Il doit être respecté strictement et appliqué d'une façon absolue lors de la recherche de la preuve et sa production afin d'empêcher l'obtention de la preuve pénale par des moyens inhumains et illégaux, tels que la torture de l'accusé en vue d'obtenir son aveu, sa fustigation, l'influence de sa volonté dans tous ses aspects, ou encore l'utilisation de moyens scientifiques afin de le forcer à l'aveu et la présentation d'une preuve contre son gré. En général, les atteintes à ces principes entraînent l'illégalité matérielle de la preuve.

A. Le respect absolu de la dignité humaine dans la recherche de la preuve

52. Respect ne souffrant pas d'exception. La légalité matérielle réside dans le respect de la dignité humaine et du libre arbitre de la personne qui prohibe de manière absolue et sous toutes ses formes la violence, quelles qu'en soient la forme et la nature, physique ou morale : « la violence dans toutes ses formes, physique ou morale, est évidemment prohibée dans la

335

recherche des preuves, de manière absolue »

. L'interdiction de la violence ne peut souffrir

83

d'aucune exception sur la base de la nécessité de la recherche des preuves ou au nom de la

336

liberté de preuve en matière pénale. Le respect de la dignité humaine dans la recherche de

335 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 3.

336 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 281, p. 184 : « La recherche des preuves ne peut s'effectuer au détriment de la dignité de la personne. Les investigations impliquant des intrusions corporelles sont très strictement encadrées, les violences exercées pour arracher des aveux sont prohibées et les questions indélicates, lorsqu'elles sont inutiles, doivent être bannies ».

84

la preuve ne permet aucune tolérance et doit être absolu sans aucune exception. Cela signifie que toute violence physique ou morale est strictement interdite dans la recherche de la preuve. En fait, la protection de cette dignité humaine impose que les moyens et procédés de preuve

337

doivent être respectueux de la dignité humaine. La protection de la dignité humaine désigne l'interdiction de toute forme de violence, qu'elle soit physique ou morale pour recherche la preuve pénale. Ce qui précède implique que l'interrogatoire du suspect qui est une méthode parfaite pour rassembler les preuves, doit exclure la torture et autres traitements ou châtiments

338

en concluant à la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de

cruels, inhumains ou dégradants ou la prolongation anormale des interrogatoireset même toute menace. La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France dans l'affaire Tomasi339

l'homme qui interdit les traitements inhumains ou dégradants. L'arrêt rendu par la Cour de Strasbourg le 27 août 1992 a rejeté les arguments présentés par la France sur l'absence

337 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 410, pp. 354-355 : « Conformément à l'État de droit, notion au fort contenu éthique, les magistrats, policiers et gendarmes doivent évidemment respecter la dignité de la personne impliquée dans une procédure. En outre, ils doivent tenir compte de l'intimité de la personne et sa liberté d'expression de sorte que, dans les cas où ces valeurs sont en cause, ils ne doivent agir que s'ils ne peuvent pas faire autrement, que si en d'autres termes, leurs diligences sont nécessaires. Enfin, ces agents doivent agir avec une certaine loyauté, avec honnêteté ».

338 V. sur la prolongation anormale des interrogatoires : Cass. crim., 26 février 1991, B.C., n° 97, p. 242 : « Attendu que l'inculpé ayant prétendu qu'il n'avait pas bénéficié de temps de repos suffisants lors de sa garde à vue, que son audition par la gendarmerie se serait déroulée dans une atmosphère de grande tension et qu'en conséquence le procès-verbal de son audition devait être annulé, la chambre d'accusation, pour rejeter sa demande, énonce d'abord que, si l'audition de X... s'est déroulée dans une atmosphère parfois tendue, les enquêteurs ont expliqué que les réponses faites par X... aux questions qui lui étaient posées n'ont pu lui être suggérées en raison de leur ignorance des circonstances du crime ; Qu'elle relève en outre que les règles énoncées à l'article 64 du Code de procédure pénale ne sont pas prescrites à peine de nullité et que leur inobservation ne saurait en elle-même entraîner la nullité des actes de la procédure lorsqu'il n'est pas démontré que la recherche et l'établissement de la vérité s'en sont trouvés fondamentalement viciés ; que, pour considérer que cette démonstration n'était pas faite en l'espèce, elle relève que l'inculpé avait été informé le 28 juillet à 15 heures 45, après 24 heures de garde à vue, de son droit d'être examiné par un médecin et qu'il s'y était refusé ; qu'il avait en outre été examiné le 28 juillet à 19 heures par un psychiatre qui n'avait pas relevé d'état d'épuisement et qu'enfin, présenté au juge d'instruction, il avait fait une longue déclaration ne révélant pas une intense fatigue ; Attendu qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que l'inculpé n'a pas été soumis à des traitements inhumains, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen, lequel ne peut, dès lors, être admis » ; V. encore : Cass. crim., 10 mars 1992, B.C., n° 105, p. 272: « Attendu que, répondant aux articulations essentielles du mémoire de l'inculpé qui prétendait que les déclarations de Richard X... au cours de sa garde à vue avaient été faites dans une atmosphère de violence et sous le coup de la fatigue et que les conditions de la garde à vue étaient constitutives de traitements inhumains et dégradants interdits par l'article 3 de la Convention invoquée et qui demandait en conséquence l'annulation des procès-verbaux d'audition, la chambre d'accusation rejette cette demande par les motifs repris au moyen ; Attendu qu'en se déterminant ainsi cette juridiction n'a pas encouru les griefs allégués ; qu'il résulte de ses constatations, que la Cour de Cassation est en mesure de vérifier, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'inculpé n'a pas été privé de tout repos pendant la durée de sa garde à vue, qu'il n'a pas été l'objet de traitements dégradants et inhumains et que ses déclarations ne sont l'effet ni de la fatigue ni de la contrainte; Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ».

339 V. sur l'affaire Tomas: F. Sudre, L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme : mauvais traitements et délai raisonnable », in R.S.C., 1993, pp. 33-43.

85

d'atteinte au minimum de gravité. « D'après le Gouvernement au contraire, le "minimum de gravité" exigé par la jurisprudence de la Cour (arrêt Irlande c. Royaume-Uni précité et arrêt Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, série A no 26) n'a pas été atteint »340. La Cour de Strasbourg considère, pour condamner la France dans cette affaire, que « la Cour ne peut se rallier à cette thèse. Elle n'estime pas devoir examiner le système et les modalités de la garde à vue en France, ni en l'occurrence la durée et la fréquence des interrogatoires du requérant. Il lui suffit de noter que les certificats et rapports médicaux, établis en toute indépendance par des praticiens, attestent de l'intensité et de la multiplicité des coups portés à M. Tomasi ; il y a là deux éléments assez sérieux pour conférer à ce traitement un caractère inhumain et dégradant. Les nécessités de l'enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la protection

due à l'intégrité physique de la personne » 341 . Mme Haritini Matsopoulou a vivement critiqué la permissivité du système répressif français devant les graves violations des droits de l'homme qu'a subies M. Tomasi avec l'approbation des juges français qui n'ont pas sanctionné cette violation flagrante tout au long des diverses phases du procès pénal : « il est vraiment dommage qu'il ait fallu attendre une décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Tomasi, car il aurait été préférable que la chambre d'accusation ou le

342

.

juge de jugement reconnaisse la nullité des actes ainsi accomplis »

53. L'interdiction d'administrer des preuves en violation de la dignité humaine. La collecte des preuves doit avoir lieu dans le respect de la dignité humaine. Certains procédés scientifiques menacent gravement le libre arbitre de la personne et peuvent même conduire à son élimination totale. Tous ces moyens de preuve attentatoires à la dignité humaine ne peuvent être admis dans la justice : « le respect de la dignité humaine interdit de manière absolue toute forme de violence physique ou morale. Sont donc évidemment prohibés ... les procédés scientifiques destinés à obtenir un aveu : polygraphe, narco-analyse, et plus généralement tous moyens chimiques ou médicaux destinés à forcer la volonté d'une personne. Ce principe étant constitutif du noyau dur des droits de l'homme, insusceptible d'ingérence étatique dans la Convention européenne des droits de l'homme, il ne saurait être

343

admis qu'il puisse être méconnu avec le consentement de la personne concernée ». Certains

340 CEDH, 27 août 1992, Tomasi c. France, requête n°12850/87, V. spec. §114.

341 CEDH, 27 août 1992, Tomasi c. France, requête n°12850/87, V. spec. §115.

342 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 878, p. 711.

343 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

86

procédés scientifiques ont été considérés admissibles par les législateurs libanais et français ou par la jurisprudence comme moyens de preuve recevables qui ne violent pas la dignité humaine et le libre arbitre de la personne. Ce n'est pas facile d'évaluer le degré de menace que porte un procédé scientifique pour rejeter ce moyen ou au contraire l'admettre comme moyen de preuve. C'est pourquoi ce sujet fait couler beaucoup d'encre et a provoqué une levée de boucliers.

B. La liberté de la preuve limitée par le respect du principe de la loyauté.

54. La loyauté de la preuve dans la recherche de la preuve pénale. On parle de loyauté dans la recherche de la preuve pénale qui n'existe pas expressément ou formellement par un texte législatif en droit libanais et français. La loyauté dans la recherche des preuves comme principe général a été découverte depuis longtemps par la jurisprudence de la Cour de cassation française au nom de l'éthique judiciaire. Il y a plusieurs arrêts en France surtout de la chambre criminelle de la Cour de cassation française qui se fondent sur ce principe. En droit libanais, ce principe de loyauté est timidement reconnu par la jurisprudence et la doctrine pénales. La loyauté dans le domaine de la preuve pénale n'a jamais été définie par la jurisprudence libanaise et française. La doctrine n'est pas unanime sur la définition et même sur la reconnaissance de l'existence de ce principe comme principe essentiel dans la recherche de la preuve. La loyauté est un principe qui souffre d'hésitation ou d'ambiguïté malgré les différentes propositions de définition proposées par la doctrine française. Ce principe interdit

344

l'utilisation de procédés déloyaux dans la recherche des preuves, le terme de procédé déloyal est assez vaste et contient nombre d'incertitudes et d'ambiguïtés. La définition de la loyauté n'est ni claire, et ni précise. D'autre part, certains auteurs comme MM. Jacques Buisson et Serge Guinchard, considèrent que l'étude du principe de loyauté doit s'inscrire au

. En ce qui concerne la loyauté

345

sein des études relatives au respect de la légalité matérielle

de la preuve, la majorité de la doctrine considère le principe de la loyauté de la preuve

346

pénale dans le cadre de la légalité matérielle de la preuve. Cependant, nous

344 V. sur la loyauté de la preuve : J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 4: « Le principe de loyauté dans la recherche des preuves a pour objet d'interdire à celui qui administre la preuve l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagème ».

345 V. en ce sens: S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 584, p. 588 ; V. encore : J. Buisson, « Preuve », in Rép. pén. Dalloz., février 2003, n° 87 et n° 88, pp. 18-19.

346 V. au contraire : D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse de droit, Université Paris I, 2009, p. 215 : «... c'est

87

préférons, contrairement à l'avis de la majorité des juristes, ne pas classifier le principe de loyauté de la preuve pénale entre la légalité formelle ou matérielle, et par conséquent, le considérer en tant qu'une partie intégrante du principe général de la légalité de la preuve pénale. Pour cette raison, nous allons examiner ultérieurement le principe de loyauté de la preuve pénale de façon distincte, en dehors du champ de la légalité formelle et matérielle.

Conclusion du chapitre I

55. En matière pénale, la preuve vise à la manifestation de la vérité et à l'affirmation de l'existence d'une infraction ou de son absence, la culpabilité ou l'innocence d'un prévenu. La recherche des preuves dans le procès pénal est une question cruciale. En droit libanais et français, c'est le principe de la liberté de la preuve qui domine la procédure pénale. Le principe de la liberté de la preuve en matière pénale conduit à ne reconnaître aucune hiérarchie entre les divers modes de preuve. L'administration de la preuve se fait par tous les moyens à condition que la preuve soit apportée par des moyens légaux parce que la recherche de la preuve à tout prix et par n'importe quel moyen n'est pas admissible dans un État de droit. La légalité dans la recherche des preuves consiste à utiliser des moyens qui sont conformes aux lois et aux principes généraux du droit qui sont étroitement liés au respect de la liberté individuelle, au respect de la dignité de la personne humaine, au respect de la vie privée et au droit à un procès équitable. L'application de la liberté de la preuve doit coïncider et s'associer avec le principe de la légalité et de la loyauté pour une reformulation de la notion de liberté de la preuve qui doit être la suivante : une liberté dans le choix des moyens de preuve parmi tous les moyens légaux qui sont recevables devant le juge pénal pour répondre à l'exigence de découverte de l'infraction et d'identification de son auteur. De ce qui précède, on peut conclure que la liberté de la preuve n'est pas totale, ni absolue, cette liberté de preuve trouvant sa limite normale dans le respect de la légalité et des droits fondamentaux de chaque individu. La légalité constitue un outil essentiel pour éviter tout risque ou menace pouvant résulter du concept absolu de la liberté de preuve. La liberté de la preuve doit se concilier avec le principe de la légalité dans une conception formelle et matérielle. Donc, la preuve pénale doit être compatible avec la légalité qui se subdivise en légalité formelle et légalité matérielle. D'une part, la légalité formelle de la preuve implique l'existence d'une loi préalable claire qui précise minutieusement les moyens et la forme de la recherche de la preuve surtout quand

principalement au niveau de la légalité formelle qu'on aborde le problème de la preuve déloyale en droit français ».

88

l'acte de procédure pénale qui vise la recherche de la preuve porte atteinte aux libertés individuelles. La légalité formelle dans la recherche de preuve doit respecter encore les principes généraux de la procédure pénale conformément aux règles prévues par le Code de procédure pénale (le débat contradictoire, l'oralité, la publicité). La légalité formelle exige que l'administration de la preuve ne viole pas le droit à la protection de la vie privée. D'autre part, la légalité matérielle dans la recherche des preuves implique que le droit au respect de la dignité humaine impose que les preuves rapportées au procès pénal n'aient pas été obtenues en violation de ce droit. La légalité matérielle de la preuve pénale n'est qu'une conformité de ce moyen d'obtention de la preuve aux normes supérieures et aux principes généraux du droit comme la dignité humaine et le libre arbitre de la personne poursuivie ou soupçonnée. Donc, la légalité matérielle réside dans le respect de la dignité humaine et du libre arbitre qui prohibe de manière absolue et sous toutes ses formes la violence, quelles que soient la forme et la nature de cette violence physique ou morale. De surcroît, pour certains auteurs pénalistes, la loyauté dans la recherche de la preuve pénale fait partie intégrante de l'étude de la légalité matérielle dans la recherche des preuves.

Chapitre II

La loyauté de la preuve en lien avec la légalité de la

preuve

56. L'idée de la loyauté. Le mot loyauté est dérivé de loyal qui est issu, par évolution phonétique, de legalis c'est-à-dire conforme à la loi et, dans le contexte des valeurs de

347

chevalerie a le sens de l'honneur, de la probité. Dans un système pénal gouverné par le principe de la liberté de la preuve comme celui du droit libanais et français, il est extrêmement difficile et complexe de déterminer ou de fixer la limite exacte entre ce qui est permis et ce qui

348

ne l'est pas pour découvrir la vérité. L'idée de la loyauté

349

et le caractère loyal dans la

89

recherche des preuves évoquent normalement la rectitude et signifient un minimum de probité et d'honnêteté dans la recherche de la preuve. Pour rendre la justice, le juge a besoin de

. La

350

preuves irréfutables mais qui ne peuvent être obtenues de n'importe qu'elle manière

loyauté signifie encore droiture, correcte et bonne foi351. La loyauté de la preuve fait également allusion à la figure de la justice dans la société et à la manière dont la justice pénale répond au double défi de réunir les preuves de l'infraction tout en respectant le plus possible

347 B. De Lamy, « De la loyauté en procédure pénale, brèves remarques sur l'application des règles de la chevalerie à la procédure pénale » in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas 2006, p. 98.

348 V. en ce sens : H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 49, p. 39 : « Distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas pour découvrir la vérité reste une tâche des plus délicates... » ; V. encore : K. Grévain-Lemercier, Le devoir de loyauté en droit des sociétés, Thèse de droit, Université de Rennes, 2011, n° 5, p. 3: « La loyauté s'oppose à certains traits de caractère, elle interdit certains actes ; les actes de loyauté sont alors négatifs ».

349 V. D. Jousse, Traité de la justice criminelle de France, Éditeur Debure Père, Paris, 1771, t. 2, p. 275 :

M. Daniel Jousse exprime l'idée de la loyauté de preuve d'une manière implicite dans son Traité de la justice criminelle de France en 1771 : « Il faut que les moyens d'adresse que le juge emploie soient justes et légitimes ; et il doit toujours être sur ses gardes, pour ne pas devenir le ministre de la calomnie et de l'oppression. S'il doit user de beaucoup d'art pour découvrir la vérité, ce doit être aussi toujours sans aucune tromperie et sans alarmer le criminel par de fausses craintes ou sans le gagner par de fausses espérances ».

350 V. S. Guinchard, M. Baudrac, M. Douchy et X. Lagarde, Droit processuel. Droit commun du procès, 1er éd., Dalloz-Sirey, 2001, n° 542, p. 64 : « Rendre la justice est une oeuvre collective et se passer de loyauté est impossible ; on rejoint ici l'éthique : le procès n'est pas un combat comme les autres. Tous les coups ne sont pas permis ».

351 V. F. El hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 160 : « La loyauté dans la recherche des preuves contribue donc à la crédibilité de la justice, à la conformité de son fonctionnement à une norme éthique supérieure, faisant ainsi accepter moralement l'autorité de cette institution».

352

les droits et libertés individuelles . Généralement, la loyauté constitue un outil pour la

90

doctrine et la jurisprudence pénale afin d'exclure ou prohiber l'usage de certains modes de

353

recherche des éléments de preuve. Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve « a pour objet d'interdire à celui qui administre la preuve l'utilisation de procédés déloyaux, de

354

ruse ou de stratagèmes ». Comment comprendre l'idée générale de la loyauté et l'exigence

355 356

de loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale? La loyautése rattache à l'idée qu'il n'est pas permis aux enquêteurs d'avoir recours par tout procédé ou moyen à tout

. MM. Serge

357

prix et qu'une certaine éthique doit présider à l'action des autorités répressives

Guinchard et Jacques Buisson soulignent que l'objet direct du principe de loyauté dans la recherche des preuves est d'empêcher et de prohiber durant l'administration de la preuve

358 359

l'utilisation des moyens et de procédés déloyaux, de rusesou de stratagèmes. De surcroît, afin de mieux assurer et de garantir les intérêts de la poursuite, une obligation de loyauté

352 V. H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 48, pp. 38-39 : « Évoquer la loyauté dans la recherche des preuves, c'est, au fond, s'interroger sur la façon dont la justice doit être rendue ».

353 V. en ce sens : Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109 :« C'est à elle que la doctrine et la jurisprudence font généralement appel pour repousser l'usage de certains moyens de preuve... ».

354 J. Daniel, Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n° 412, p. 260.

355 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 569, p. 410 : «Au cours des débats ayant précédé l'adoption de la loi du 15 juin 2000, les parlementaires avaient pourtant songé à l'y inscrire. S'ils y ont renoncé, c'est que la loyauté est un peu comme ces images que l'on aperçoit clairement de loin et qui se brouillent quand on les approche. La loyauté se présente en effet a priori comme une notion a-juridique, située dans une zone grise entre légalité - qui est d'ailleurs le sens originel du mot - et morale. On adhère de manière immédiate et spontanée à sa nécessité plus facilement qu'on ne la démontre ».

356 V. sur la loyauté : O. Bourgancier, Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale, Mémoire DEA en droit pénal et sciences pénales, Université Panthéon-Assas (Paris), 2005 ; A. Soumaya, La loyauté de la preuve dans la recherche de la preuve pénale: Etude comparative : Des droits français, égyptien et syrien, Thèse de droit, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2010 ; S. Potier, La loyauté dans la recherche de la preuve pénale par les institutions publiques, Mémoire de DEA en Droit pénal et sciences sociales, Université Panthéon-Assas (Paris 2), 1999.

357 P. Gagnoud, L'enquête préliminaire et les droits de la défense, Thèse de droit, Université Nice Sophia-Antipolis, 1997, n° 205, pp. 294-295.

358 V. sur la ruse dans la recherche de preuve: G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, Chronique, pp. 153-156 : « l'absence de moralité est illustrée par la ruse. La jurisprudence l'appréhende comme tout moyen destiné à tromper le délinquant potentiel. Elle revêt concrètement la forme d'une provocation policière ».

359 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 587, p. 590.

s'impose aux enquêteurs

360

. M. Georges Flécheux affirme que le principe de loyauté domine

91

preuve et la protection contre l'abus et l'arbitraire dans cette recherche

367

. Du point de vue de

361

l'éthique de la vie judiciaire. De toute manière, l'obligation ou le devoir de loyauté imposé

362

à tous les acteurs de la vie judiciaires'applique dans le domaine pénal. Cette exigence de loyauté se trouve au coeur et au fond de la notion de procès équitable et en même temps constitue l'une des avancées les plus remarquables fondée sur les droits fondamentaux qui

363

affectent l'homogénéisation de l'ensemble des procédures européennes.

57. Loyauté et État de droit. Dans un État de droit qui s'oppose naturellement à l'État de police, l'exigence de loyauté dans la récolte des preuves apparaît comme un principe sine qua

364

non, c'est-à-dire une condition nécessaire (indispensable), ou une condition essentielle dans la recherche de la preuve qui vise à interdire l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de

365

stratagèmes en vue de rassembler des éléments de preuve d'infraction . Le principe de liberté de preuve qui domine le procès pénal est instauré normalement pour de justes raisons, mais cette liberté dans l'administration de la preuve peut être dévoyée et utilisée abusivement en entravant les libertés et les garanties que tout justiciable doit pouvoir attendre dans un État de

366

droit . L'importance particulière du principe de la loyauté dans la recherche de preuve réside dans le fait que la loyauté constitue la limite nécessaire entre l'efficacité de la recherche de

360 F. Démanya Akouete, L'enquête préliminaire dans la procédure pénale Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p. 110.

361 G. Flécheux, « L'avocat et les principes généraux du droit », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Éditeur : Université Saint-Joseph (Faculté de droit et des sciences politiques) CEDROMA (Centre d'études des droits du monde arabe), Beyrouth (Liban), 2001.

362 V. A. Leborgne, « L'impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d'un grand principe », in RTD Civ., 1996, p. 535 : « L'obligation d'être loyal, aujourd'hui généralisée à toutes les relations juridiques, ne pouvait être absente des procès ; aussi, s'accorde-t-on pour reconnaître l'existence d'un principe processuel de loyauté, notamment lors de la recherche de preuves ».

363 G. Flécheux, « L'avocat et les principes généraux du droit », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Éditeur : Université Saint-Joseph (Faculté de droit et des sciences politiques) CEDROMA (Centre d'études des droits du monde arabe), Beyrouth (Liban), 2001.

364 Latin expression « conditio sine qua non ».

365 V. en ce sens : J.-Y. Chevallier, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 51 : « ... il faut signaler les limites liées à ce que l'on peut rattacher à la catégorie très générale des conceptions morales et sociales d'une époque. En découlent alors l'exclusion naturelle de la torture et toutes formes de brutalités policières, et toutes formes de déloyauté dans les preuves, mensonges, questions-pièges, ruses, artifices destinés à confondre le coupable ».

366 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 96.

92

la loyauté de la preuve, l'évolution de la délinquance ou des comportements délinquants et des techniques d'investigation pose à la justice française la question de l'étendue du contrôle qu'elle exerce sur les preuves qui lui sont soumises, au regard notamment des principes contenus, dans les articles 3, 5, 6, 8 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des

368

droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le point de vue précédent pose aussi les mêmes questions à la justice libanaise qui concernent l'étendue du contrôle qu'elle exerce sur les preuves qui lui sont soumises mais au regard seulement des principes contenus dans le Code de procédure pénale libanais et la législation nationale parce que le juge libanais n'applique pas la Convention européenne des droits de l'homme. Nous ajoutons que l'évolution de la délinquance et des techniques d'investigation pose des défis considérables à la justice pénale en matière de preuve qui se manifeste par la dualité entre efficacité de la recherche des preuves et liberté individuelle afin de respecter et renforcer le respect des droits et libertés individuelles et en même temps garantir le bon déroulement du procès pénal. Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve est considéré dans le domaine de la procédure pénale comme le révélateur des conditions dans lesquelles sont conçues les

relations de l'État et de la personne humaine dans un pays donné369. Le principe général de loyauté est donc indispensable à l'existence d'un État de droit qui se manifeste dans tous les contentieux. Cette nécessité explique la consécration explicite et chronologiquement première de ce principe dans le domaine de la recherche de la preuve en matière pénale parce que ce contentieux peut être considéré comme un témoin majeur du caractère démocratique d'un État370.

La première section de ce chapitre porte sur le principe de loyauté comme principe fondamental controversé. La seconde section porte sur le duel ou l'affrontement entre respect de la loyauté et efficacité dans la recherche des preuves.

367 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherche des preuves », in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 157 :« Il existe heureusement un élément pondérateur : la loyauté dans la recherche des preuves, qui protège l'individu contre les abus toujours possibles et impose à l'enquête un style ».

368 P. Lemoine, « La loyauté de la preuve à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation (française).

369V. en même sens : R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel- procédure pénale, 5e éd., Cujas, 2001, spéc. n° 156 et s.

370 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 86.

Section I

Un principe fondamental controversé

58. Enjeux autour d'un principe controversé. Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve en droit libanais et français se trouve parmi les principes généraux du droit qui sont non écrits. Mme Julie Daniel souligne que « la notion de principe général du droit est une source non écrite du droit pénal procédural. En effet, les principes généraux permettent d'assurer le caractère loyal de l'administration de la preuve et garantissent ainsi une recherche efficace des preuves tout en préservant la régularité d'une procédure pénale se

devant d'être protectrice de certains intérêts particuliers jugés essentiels »

371

. Au vu de ce qui

précède se pose la question suivante: quelle valeur accorder au principe de loyauté de la preuve ? La loyauté est-elle un principe d'application stricte ou un principe appliqué avec souplesse et tolérance ? Dans le silence des textes, la force du principe de loyauté reste

incertaine

372

. Le principe de loyauté dans la recherche des preuves soulève controverses et

93

ambiguïtés parce qu'il n'est pas toujours appliqué avec la même rigueur par la jurisprudence et parce qu'il n'est pas consacré textuellement. À vrai dire, il est difficile de trancher la question de savoir si le principe de loyauté doit être appliqué d'une façon définitive sans aucune exception ni réserve parce qu'il est un principe sans fondement textuel exprès et

373

baigne dans un environnement dominé par le principe de la liberté de preuve. C'est une question qui provoque beaucoup de débats et fera toujours couler beaucoup d'encre. Il est souhaitable que les législateurs libanais et français tranchent expressément la question de la présence et de la valeur du principe de la loyauté de preuve pour éviter toutes formes de controverse. En effet, la loyauté dans la recherche de la preuve en matière pénale fait l'objet d'un faible enracinement. Selon plusieurs auteurs, le principe de la loyauté de la preuve est un principe controversé, certains auteurs réclamant de vive voix la consécration d'un principe

371 J. Daniel, Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n° 423, p. 267.

372 Ph. Bonfils, « Loyauté de la preuve et droit au procès équitable », in D., 2005, pp. 122 et s.

373 V. en droit français sur l'absence de consécration textuelle du principe de la loyauté de preuve : F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008, in JCP G, n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 : « Le Code de procédure pénale n'exprime pas formellement le principe de loyauté des preuves. Ce principe est le fruit de la synthèse des principes de liberté de la preuve et de légalité de la preuve, eux-mêmes dégagés de l'interprétation de deux dispositions éparses du Code de procédure pénale ».

374

général et absolu de loyauté dans la recherche de la preuve pénale. Ni la loi libanaise, ni la loi française, ni la Charte internationale des droits de l'homme, ni la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, définissent ou mentionnent le principe de loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale. La loyauté est un principe moral qui doit être considéré comme une condition inévitable dans la recherche des preuves, si ce n'est la condition de la conduite d'un procès équitable ; il constitue un repère

fondamental dans l'exercice des droits de la défense

375

. La loyauté dans la recherche de preuve

impose une manière et une exigence générale d'éthique des comportements pendant le rassemblement des preuves des infractions et la recherche de leurs auteurs, et sans doute il

376

.

ajoute une marque générale de l'aspect d'une déontologie et d'une moralité nécessaire

Malgré l'hésitation qui domine l'application de ce principe dans la pratique judiciaire, M. Jérôme Lasserre Capdeville affirme que « différentes branches du droit se montrent

377

aujourd'hui très attachées à cette exigence de loyauté en matière de preuve ».

59. Difficulté d'une définition précise. Comment définir la loyauté dans la recherche de

preuve pénale ? Sans doute est-il difficile de préciser la définition de loyauté

378

et de trouver

94

379

une définition satisfaisante qui peut aisément convaincre. En fait, la loyauté est un concept

380

qui ne fait pas l'objet d'une définition préciseet qui n'a pas un fondement stable. La doctrine se réfère comme indique M. Christian De Valkeneer « tantôt à la dignité, tantôt à

374 G. Royer, L'analyse économique et le droit criminel, Éditions le Manuscrit, 2005, p. 177.

375 Ph. Vouland, « L'exercice quotidien de la fonction de défense et la loyauté de la preuve », in AJ Pénal, 2005, pp. 275 et s.

376 V. sur la philosophie de la loyauté: L. Raison Rebufat, « Le principe de loyauté en droit de la preuve », in Gaz. Pal., 27 juillet 2002 n° 208, p. 3 : « La loyauté dans la collecte des preuves puise ses origines dans une évolution favorable à la constitution d'un code éthique du procès ; l'analyse des fondements auxquels peut être rattaché le principe permet d'en dégager la nature juridique ».

377 J. Lasserre Capdeville, « La preuve fournie par les parties privées : confirmation de la tolérance quant au principe de loyauté », in AJ Pénal, 2010, pp. 280 et s.

378 La loyauté étant synonyme de droiture, de probité et d'honnêteté, ne fait l'objet d'aucune définition précise en droit libanais et français, ni en droit conventionnel.

379 V. G. Beaussonie, Le rôle de la doctrine en droit pénal, L'Harmattan, 2006, p. 56 : « Le principe de loyauté dans la recherche des preuves, par exemple, n'est reconnu dans aucun texte. La jurisprudence a pourtant pu et peut encore s'y référer. Pour la doctrine, le principe est indéniable et celle-ci multiplia les tentatives de définition ».

380 V. Ph. Vouland, « L'exercice quotidien de la fonction de défense et la loyauté de la preuve », in AJ Pénal, 2005, pp. 275 et s. : La loyauté se définit dans le Larousse comme dans le Robert autour des mots droiture et probité, la probité étant l'observation rigoureuse des devoirs de la justice et de la morale alliée à une honnêteté scrupuleuse.

381

.

l'exhaustivité de la procédure, tantôt aux principes de bonne administration de la justice »

M. Bertrand De Lamy croit que la loyauté n'est pas définissable avec les précisions qu'attend le droit parce qu'elle s'inscrit sur le terrain des valeurs et doit être conciliée avec d'autres

valeurs 382 . Selon M. Pierre Bouzat « la loyauté n'est pas une notion juridique autonome. Aussi

383

il est malaisé d'en donner une définition précise ». Pour M. Pierre Bouzat, une telle définition apparaît utile si l'on veut que la notion de loyauté apparaisse comme une notion

384385

autonome . M. Jean Pradel a essayé de définir la loyauté par son contraire. M. Cédric

Tahri considère que la preuve est loyale, si elle est obtenue sans fraude ou violence

386

. Mlle

Hélèna Houbron propose la définition suivante : « la loyauté constitue, dans le cadre du procès, un instrument de moralisation des comportements processuels indispensable à la

387

légitimité des décisions de justice ». La définition précédente signifie que « la loyauté de la preuve supposerait alors un comportement reposant sur la bonne foi et exempt de toute

intention de tromper»

388

. En droit libanais, la loyauté n'occupe pas une place importante dans

95

la culture juridique. Ainsi on remarque l'absence totale d'une définition de la loyauté de preuve en matière pénale par le législateur libanais et même par la doctrine spécialisée en droit pénal et procédure pénale. La doctrine néglige également la définition du principe de la loyauté. Même lorsqu'il est question de recherche de la preuve, le principe de la loyauté n'est

évoqué que timidement par la doctrine. Nous proposons de définir la loyauté389 dans la

381 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109 .

382 B. De Lamy, « De la loyauté en procédure pénale, brèves remarques sur l'application des règles de la chevalerie à la procédure pénale » in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, mélanges offerts à Jean Pradel, Cujas 2006, p. 101.

383 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherché des preuves », in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 160.

384 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherché des preuves, in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 171.

385 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 413, p. 358 : « Il y a déloyauté lorsque l'enquêteur ou le juge d'instruction use de procédés non conformes aux principes fondamentaux de notre ordre juridique pour obtenir des éléments de preuve. La déloyauté évoque, doit-on ajouter, la tromperie, les artifices, les promesses, les menaces, tout agissements réduisant ou supprimant le libre arbitre » ; V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 413, p. 358 : « La question de loyauté pose la question récurente de la fin et des moyens ».

386 C. Tahri, Procédure civile, 1er éd., Éditions Bréal, 2007, p. 26.

387 H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 58.

388 H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 58.

389 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherché des preuves », in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 172 :

recherche de la preuve comme une obligation ou une exigence de recherche des preuves en conciliant l'efficacité et la transparence dans les comportements que doivent adopter les acteurs à la recherche de la preuve de l'infraction.

60. La loyauté est un principe d'inspiration morale. Une certaine morale doit exister dans

l'opération de la recherche de la preuve 390 . Le concept de la loyauté dans la recherche de la

391

preuve pénale traverse l'ensemble des sources du droit. Mme Géraldine Danjaume croit que la moralité doit jouer un rôle essentiel de lutte contre les abus qui pourraient se produire

. Le principe de loyauté probatoire n'est pas

pendant le déroulement du procès pénal392

consacré par le législateur français mais c'est une création prétorienne

393

. En dépassant les

96

considérations d'ordre purement juridique, l'obligation de loyauté semble disposer de

394 395

fondements morauxet éthiques. Ce principe de loyauté n'a pas été consacré textuellement par le législateur libanais à l'instar de son homologue français qui n'a pas jusqu'à présent reconnu explicitement et directement ce principe dans une disposition d'un texte législatif. De même, la Convention européenne des droits de l'homme ne consacre pas textuellement le principe de la loyauté de preuve et rappelle toujours que l'administration des preuves relève au premier chef des règles du droit interne. Au regard de l'absence d'une

396

consécration législative explicite de ce principe de loyauté, ce concept d'inspiration morale

M. Pierre Bouzat définit la loyauté comme étant « une manière d'être de la recherche des preuves, conformes au respect des droits de l'individus et à la dignité de la justice ».

390 V. G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, Chronique, pp. 153-156 : « Si la transparence résulte de la loi, l'oeuvre de la jurisprudence tend à favoriser la moralité dans la recherche de la preuve ».

391 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109.

392 V. G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, pp. 153 et s : « La moralité doit constituer un élément pondérateur contre les abus ».

393 É. Mathias, Procédure pénale, op. cit., p. 34.

394 V. au contraire : F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 570, p. 411 : Selon l'avis de M. Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer : « La loyauté, au sens procédural, ne se réduit pas à une exigence déontologique. Contrairement à ce qui est parfois avancé, il ne s'agit pas ici de préserver la dignité de la justice ou de veiller au respect du serment prêté par les magistrats de se comporter de manière digne et loyal ».

395 J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.

396 V. E. Molina, La liberté de la preuve en droit français contemporain, op.cit., n° 394, p. 414 : M. Emannuel Molina affirme à juste titre qui' « Il serait sans doute excessif de déduire de l'absence de consécration expresse de la loyauté par le Code de procédure pénale que le concept moral qui est la substance n'exerce aucune influence sur le déroulement de la recherche de preuve et, par suite, sur l'admissibilité de ses résultats ».

397

. La

97

tend, aujourd'hui, à se hisser au rang des exigences fortes régissant la preuve pénale loyauté peut être qualifiée parmi les droits appartenant au droit naturel. Ce dernier relève à son

398

tour de la sphère morale afin de répondre à une exigence supérieure de l'idéal de justice. M. Mohamed Hedi Lakhoua considère qu'en matière pénale surtout pendant l'activité de recherche de la preuve, certains abus et dérives portant atteinte à la justice ne sont pas toujours sanctionnés expressément par la loi, ce qui nécessite le recours aux principes généraux du

droit dont le fondement est essentiellement moral399. La reconnaissance d'une valeur juridique d'un principe moral est une question qui demeure essentielle. La force juridique impose sa

. La notion de loyauté

400

consécration par le droit positif comme l'affirme Mme Cécile Petit

apparaît ainsi, dans son contenu et ses limites, sujette à deux critères essentiels : le respect de la personne humaine et le respect de la dignité de la justice, elle trouve ses sources dans des règles d'ordre moral qui sanctionnent tout ce que la loi ne prévoit pas mais qui porte atteinte aux libertés individuelles et aux droits de la défense, et tout ce que la loi prévoit mais que la

401

pratique bafoue par abus d'autorité. Donc la loyauté comme exigence dans la recherche des preuves reste le seul garant du respect des principes qui doivent gouverner l'administration et

397 J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.

398 V. en ce sens : J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p. 2012 : « Le principe de loyauté constitue incontestablement un instrument important de moralisation de la procédure ; il contribue utilement à la dignité et à la crédibilité de la justice. A cet égard, il renouvelle et alimente, en permanence, le débat sur la fin et les moyens » ; V. encore F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 570, p. 412 : « La loyauté ne peut davantage être vue comme l'expression d'une sorte de morale procédurale qui exclurait le recours à certaines méthodes clandestines consistant en des artifices et stratagèmes destinés à tromper ou à piéger la personne soupçonnée. » ; V. L. Raison Rebufat, « Le principe de loyauté en droit de la preuve », in Gazette du Palais, 27 juillet 2002 n° 208, p. 3 : «le principe de la loyauté en droit de la preuve relève d'un certain idéal de justice, qui tendrait à mettre en échec les principes directeurs du procès au profit de la bonne conduite des parties à l'instance ».

399 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, p. 11 : « C'est aux principes généraux à fondement essentiellement moral qu'il faudrait recourir chaque fois que l'on se trouverait en face d'un abus non sanctionné expressément par la loi et qui pourrait porter atteinte à la justice ».

400 V. Avis de Mme C. Petit, premier avocat général, Pourvois n° X 09-14.316 et D 09-14.667 Assemblée plénière du 17 décembre 2010, Décisions attaquées : 29/04/2009 de la cour d'appel de Paris, Société Philips France et Société Sony France c/ le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi : « La loyauté est une vertu qui fait référence à une valeur universelle mais sa traduction dans les relations processuelles implique qu'elle soit identifiée par le biais d'une obligation juridique, sanctionnée en cas de non-respect, de façon à permettre d'en assurer son application. En effet, le succès de son passage de la sphère morale à la sphère juridique dépend de son degré d'intégration dans le droit positif ».

401 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, p. 192.

402

le contrôle des éléments apportant la preuve qui doit être menée de façon digne et

98

403

franche

.

61. Définitions proposées. Mme Marie-Emma Boursier propose dans sa thèse de définir la loyauté comme « comportement fait de droiture et de probité attendu du plaideur envers le

404

juge et envers son adversaire » . Selon Mme Héléna Houbron, la loyauté consiste en général à ne pas utiliser une arme dans la preuve pénale que l'adversaire ou la partie contre laquelle

on entend prouver qu'elle ne soit pas en mesure de contrer 405 . La doctrine illustre la définition de la loyauté en matière de recherche de la preuve, en déterminant en matière de preuve pénale par exemple qu'« il est des ruses et des stratagèmes qui ne sont informellement prohibés ni expressément autorisés par la loi » et dont l'opportunité doit donc être discutée, marquant ainsi la présence du principe général de loyauté processuel au-delà des obligations

406

nées de la légalité ou même de la licéité en ce domaine . La loyauté est donc un principe ayant pour objet de garantir les principes qui protègent contre la violation du droit à un procès

équitable 407 . En droit libanais, ce qui est remarquable, c'est l'absence quasi totale d'une définition de la loyauté de preuve.

62. La relation entre le principe de loyauté avec le principe de légalité. Le principe de loyauté de la preuve occupe une place différente de la légalité 408 , tout en en constituant le

402 V. J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p. 2012 : « Le principe de loyauté, sorte de principe général supérieur, véritable dénominateur commun de tous les actes effectués pendant l'enquête, peut aujourd'hui être analysé comme un pouvoir modérateur accordé au juge, gardien naturel des libertés individuelles ».

403 Sur la nécessité de respecter une certaine éthique dans la recherché de la preuve : J. Pradel, « Vers des principes directeurs communs aux divers procédures pénales européennes », in Mélanges Levasseur, Litec, 1992, spéc. n° 2, pp.460-472 : « La loyauté dans la recherche de la preuve peut seule garantir le respect des principes, donc d'une certaine éthique en tant qu'instrument du contrôle de la liberté de cette recherche ».

404 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99 et s.

405 H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 72, p. 60.

406 M. Blondet, « les ruses et artifices de la police au cours de l'enquête préliminaire », in J.C.P., 1958-In° 1419.

407 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 85 : « La loyauté est donc a priori une norme plus vaste que le droit écrit qui permet de garantir efficacement le respect des principes généraux issus des droits de l'homme dans la perspective du droit du justiciable à une bonne justice, une justice équitable ».

408 J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s. : « Celui-ci (la loyauté) dispose d'une philosophie propre et constitue une exigence procédurale indépendante, plus large et plus protectrice que la légalité. En l'espèce, les magistrats n'auraient pu articuler leur raisonnement autour de la légalité, les agissements de provocations n'étant pas, dans

99

prolongement nécessaire. La loyauté est donc le garant du respect d'une certaine éthique judiciaire. Mme Marie-Emma Boursier souligne l'importance de préciser le champ du

409

contrôle induit par le principe général de loyauté processuel dans la recherche de la preuve : « la loyauté enfin est tout à la fois légalité et licéité mais fait de surcroît appel à un idéal de justice dans les relations entre les acteurs du procès parce qu'elle puise aux sources du droit

410

naturel» .Un autre auteur souligne que la notion de déloyauté ne se confond pas avec celle

411

d'illégalité. Un autre avis distingue entre la légalité et la loyauté en considérant que la légalité de la preuve constitue un principe fondamental dans le système procédural mais la légalité qui est d'ordre social relève d'un domaine différent de celui de la loyauté qui est

d'essence morale 412 . Pour certains auteurs, l'étude du principe de loyauté doit être faite à

l'occasion de celle consacrée au «respect de la légalité matérielle» 413 . Nous trouvons que la loyauté de preuve en matière pénale comme principe d'inspiration morale non consacré explicitement par les législateurs libanais et français doit être étroitement liée au principe de la

414

légalité de preuve et doit être considérée comme un principe complémentaire nécessaire de la légalité de preuve.

cette hypothèse, expressément réglementés par le législateur. Prolongement nécessaire de la légalité, le principe de loyauté est donc garant du respect d'une certaine éthique judiciaire. En effet, dépassant les considérations purement juridiques, l'obligation de loyauté semble disposer de fondements moraux et éthiques. La loyauté dans la recherche des preuves « impose un style à l'enquête ».

409 J.-R. Demarchi, « La loyauté de la preuve en procédure pénale, outil transnational de protection du justiciable », in D., 2007, pp. 2012 et s.

410 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 85.

411 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).

412 V. P. Bouzat, « La loyauté dans la recherche des preuves », in Problèmes contemporains de procédure pénale (Mélanges), Recueil d'études en hommage à Louis Hugueney, Sirey, Paris, 1964, pp. 155-177, v. spec. p. 161 : «Mais légalité et loyauté ont un domaine différent : La première est d'ordre social, la seconde plutôt d'essence morale. Bien qu'elle consacre la liberté de la preuve, la loi contient cependant des principes directeurs destinés à garantir la loyauté de sa recherche. Comme dans toute la Nation démocratique, la loi assure une protection contre l'arbitraire, grâce aux conventions internationales humanitaires, à garanties constitutionnelles et aux dispositions du Code de procédure pénale ».

413 J. Buisson, « Preuve », in Rép. pén. Dalloz., février 2003, n° 87 et n° 88, pp. 18-19.

414 V. sur ce point H. Houbron, Loyauté et vérité. Etude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 343, p. 303 : « L'idée d'une corrélation entre les notions de loyauté et de légalité ne devrait pas surprendre. On pourrait tout d'abord rappeler que, selon l'étymologie, la loyauté vient du latin legalis qui signifie conforme à la loi. Ensuite, le principe de loyauté est, spécialement en procédure pénale, classé par certains auteurs comme faisant partie de la légalité dans l'administration de la preuve dans la mesure où l'une comme l'autre ont pour fonction de limiter la libre recherche des preuves, de poser un minimum de règles. Le devoir de loyauté, en tant qu'exigence d'ordre moral, existe indépendamment de toute référence textuelle ».

100

A ce propos, nous soutenons entièrement l'avis de M. François Fourment qui considère que le Code de procédure pénale français n'exprime pas formellement le principe de loyauté des preuves, mais que ce principe est le fruit de la synthèse des principes de liberté de la preuve et de légalité de la preuve, eux-mêmes dégagés de l'interprétation de deux dispositions éparses

,

415

du Code de procédure pénale français. D'une part, l'article 427, alinéa 1er, du CPP français

qui est le fondement de la thèse de la liberté de la preuve. D'autre part, l'article 81, alinéa 1er,

416417

du CPP français , fondement de la thèse de la légalité de la preuve . Nous croyons que l'avis précédent est également applicable en droit libanais, parce qu'on peut trouver deux articles dans le Code de procédure pénale libanais qui sont très semblables aux articles du Code de procédure pénale français mentionnés par M. François Fourment. D'un côté, l'article

418

179 du CPP libanaisqui constitue le fondement de la liberté de la preuve est l'équivalent de

419

l'article 427 du CPP français. De l'autre, l'article 61 du CPP libanaisqui constitue le fondement de la légalité de la preuve, est l'équivalent de l'article 81 du CPP français.

L'intitulé du premier paragraphe sera la genèse du principe de loyauté de la preuve. L'intitulé du deuxième paragraphe sera la faiblesse du principe de loyauté de la preuve.

§ 1. La genèse du principe de la loyauté de la preuve.

63. Le principe de loyauté est une pure invention et construction jurisprudentielle. La

loyauté est un principe purement jurisprudentiel420 . Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale a été évoqué pour la première fois en 1888 par la jurisprudence de la Cour de cassation française qui a eu l'occasion de manifester et d'exprimer sa volonté expresse de

415 L'article 427 du CPP français dispose : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ».

416 L'article 81 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'instruction qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité».

417 F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008 , n° 08-81.045, in JCP G., 14 Janvier 2009, n° 3, II 10009, pp. 43-45.

418 L'article 179 du CPP libanais dispose : « Les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement ».

419 L'article 61 du CPP libanais dispose : « Dans le cadre de l'ensemble des mesures d'instruction qu'il entreprend aux fins de la manifestation de la vérité, le juge d'instruction a recours à des moyens légaux ».

420 V. Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n° 352, p. 355 : Loyauté : « Découvert et consacré par la jurisprudence, ce principe exige globalement une attitude honnête, sincère et conforme au droit dans la recherche de la preuve ».

créer le principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale dans un arrêt de principe

421

concernant la célèbre affaire Wilson

. La jurisprudence française a ainsi inventé un nouveau

101

422

principe de recherche de preuve en matière pénale sous le nom du principe de loyauté

.

Selon la Cour de cassation française, le fait pour un magistrat d'imiter une voix pour obtenir, auprès d'un suspect, des aveux par téléphone était un procédé déloyal lorsque le juge Vigneau a employé selon la Cour « un procédé s'écartant des règles de loyauté que doit observer toute information judiciaire et constituant, par cela même, un acte contraire aux devoirs et à la dignité du magistrat». C'est la provocation pratiquée par le juge Vigneau, son stratagème pour masquer son identité et sa qualité qui sont jugés comme des actes déloyaux. De telles attitudes sont proscrites pour les membres de la magistrature, soumis dans leurs obligations

423

disciplinaires à un devoir de loyauté . Le magistrat fut sanctionné, en janvier 1888, par le

424

Conseil de la magistrature pour avoir eu recours à ce stratagème . M. Fallières, ministre de la Justice française à cette époque, a exposé les faits qui ont motivé cet acte de rigueur concernant le juge Vigneau dans l'affaire Wilson en déclarant qu'il avait voulu, par là,

425

affirmer le principe de la loyauté et de l'impartialité de l'instruction criminelle . De ce qui précède, il est clair que la liberté d'investigation dont disposent les enquêteurs pour la recherche des preuves en matière pénale implique que cette liberté de recherche soit effectuée

de manière loyale 426 . Le principe de la loyauté dans la recherche des preuves entraîne la prohibition de tous les actes portant gravement atteinte aux principes généraux du droit et aux

427

libertés fondamentales . Bien évidemment, être titulaire d'un droit est une chose, et pouvoir en rapporter la preuve en est souvent une autre. Face à la difficulté de prouver, cette difficulté

421 La Cour de cassation française, toutes chambres assemblées, constituée en Conseil supérieur de la magistrature, 31 janvier 1888.

422 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 102 : « La jurisprudence a très tôt fait écho aux exigences formalisées par la doctrine de respect d'un principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale marquant la volonté de protéger les droits de l'individu ».

423 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, p.103

424 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale : Analyse en droits belges et international complétée par des éléments de droits français et néerlandais, op. cit., p. 566.

425 V. Le Temps (Le Temps est un quotidien français, aujourd'hui disparu, publié à Paris du 25 avril 1861 au 30 novembre 1942), 14 Janvier 1888, Numéro 9756.

426 V. en ce sens : M. Guerrin, « Le témoignage anonyme au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 2002/49, pp. 45-68. V. p. 45 : « En droit interne français, l'article 427 du Code de procédure pénale pose le principe de la liberté des modes de preuve, sous réserve toutefois que leur administration se fasse sans ruse ni artifice, c'est-à-dire de manière loyale ».

427 J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 74.

102

explique que, parfois, certains se laissent tenter par le recours à des procédés déloyaux, voire illicites, et cette tentation peut même paraître d'autant plus grande que les progrès scientifiques

428

et techniques en multiplient les possibilités.

64. Le principe de la loyauté est confirmé par la doctrine. Bien que le principe de loyauté dans la recherche de preuve n'ait pas fait l'objet d'une consécration textuelle. La doctrine en général, surtout française, a contribué largement au renforcement et à la consécration de ce

429

principe qui est né par une consécration jurisprudentielle. M. Mohamed Hedi Lakhoua souligne que les procédés interdits durant la recherche des preuves ne sont pas toujours prévus

430

par des textes, ce qui ne veut pas dire qu'ils sont nécessairement tolérés. Dans le cas où les procédés interdits heurtent les principes généraux du droit, le juge doit les écarter parce qu'ils ne sont pas compatibles avec ce que M. Mohamed Hedi Lakhoua a appelé « la conscience

431

juridique qui trouve ses fondements dans des principes d'ordre moral ». Le principe de loyauté vient compléter le principe de la légalité dans la recherche de preuve même en l'absence d'un texte formel consacrant le fondement du principe de la loyauté. « Toutes les règles protectrices des droits individuels ne sont pas nécessairement inscrites dans les textes, certaines d'entre elles s'imposent dans le silence de la loi parce que le droit d'une nation

432

civilisée ne saurait les exclure ».

65. Influence ou contribution négative de la doctrine et de la jurisprudence libanaise. Selon MM. Elias Namour et Fadi Namour, les restrictions au principe de la liberté de preuve en matière pénale résultant des principes généraux du droit sont basées sur l'idée de loyauté

433

dans la recherche de la preuve. A tout ce qui précède, nous ajoutons, les idées de bonne foi, de droiture, d'honnêteté et de rectitude qui se regroupent ensemble pour former cette notion

428 Ph. Bonfils, « Loyauté de la preuve et droit au procès équitable », in D., 2005, pp. 122 et s.

429 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 84 : « Le respect des principes encadrant le système juridique doit être assuré dans la recherche libre de la preuve, d'abord et a minima par le contrôle du respect des formes légales imposées à son administration et nécessaires à sa recevabilité. La doctrine a donc, la première, consacré la nécessité d'encadrer par un principe général de loyauté le domaine de recherche de la preuve ».

430 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, pp. 191-192.

431 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, pp. 191-192.

432 M. Hedi Lakhoua, La loyauté dans la recherche des preuves en matière pénale, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et de science sociales de Paris, 1973, p. 11.

433 V. en langue arabe : E. Namour et F. Namour, Les libertés individuelles et les droits de l'homme à la lumière de la criminologie et de la poursuite pénale, Édition Sader, Beyrouth, 2000, tome 2, n° 1348, p. 930.

large de la loyauté dans la recherche de preuve dans le cadre du procès pénal. L'officier de police judiciaire et le juge doivent respecter minutieusement le principe de loyauté et de la

434

sincérité pendant l'opération de recherche de preuve surtout dans l'enquête préliminaire

.

103

Plusieurs jugements et arrêts confirment sans doute que le droit français a eu une incidence considérable sur le droit libanais, au niveau de la législation, de la jurisprudence et de la doctrine en droit pénal. Il est reconnu que les juges libanais ont profité des apports de la jurisprudence et de la doctrine française dans diverses questions juridiques afin de le confronter aux solutions et problèmes juridiques posés en droit libanais. Le principe de la loyauté de preuve n'a pas pourtant été reconnu explicitement en droit libanais bien que certains auteurs le mentionnent. D'autre part, la plaidoirie de l'avocat libanais qui n'a pas étudié la notion du principe de la loyauté de preuve à l'université ne rappellera pas l'exigence et l'obligation de loyauté dans la recherche et l'administration des preuves pénales. Au Liban, la formation professionnelle des magistrats pendant trois ans à l'Institut d'études judiciaires ne consacre pas l'étude du devoir de loyauté dans la recherche de la preuve pénale qui interdit l'utilisation de procédés déloyaux, des ruses et stratagèmes en vue de réunir des éléments de preuve. Bien évidemment, la doctrine libanaise est très déficiente et a contribué très négativement comme facteur de la non-diffusion et de la non-consécration du principe de loyauté dans la culture juridique libanaise. Or, on sait que l'influence exercée par la doctrine juridique est indéniable, et qu'elle joue un rôle important dans la création du droit comme

435

.

source inspiratrice et novatrice à travers les différents modes d'expression qu'elle utilise

A. La loyauté, un principe purement jurisprudentiel.

66. L'arrêt Wilson fondateur du principe. En France, la loyauté de preuve en matière pénale non prévue explicitement par la loi a été découverte par la jurisprudence au nom d'une

certaine éthique judiciaire 436 . C'est la fameuse affaire Wilson de 1888, au cours de laquelle un magistrat instructeur s'était fait passer pour un tiers, qui a mené les Chambres réunies de la

434 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2e partie, n° 293, p. 284.

435 V. sur le rôle et l'influence de la doctrine : X. Labbée, Introduction générale au droit: Pour une approche éthique, Presse Universitaire du Septentrion, 2005, p. 151 : « On pourrait concevoir un système juridique dans lequel les avis de la doctrine auraient force de loi : ainsi des empereurs romains avaient-ils décidé que les opinions de certains jurisconsultes, émises dans leurs consultations ou dans leurs livres, devaient s'imposer au juge ».

436 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 413, p. 358.

104

437

Cour de cassation à consacrer le principe de loyauté en procédure pénale française. Mme Marie-Emma Boursier considère que dans l'arrêt Wilson, la Cour de cassation française a ouvert une voie au principe général de loyauté dans la recherche de la preuve d'une façon

438

exemplaire mais timide. Dans l'affaire Wilson, cet arrêt qui a évoqué pour la première fois l'exigence de la loyauté dans la recherche de preuve n'a pas affirmé la présence d'un principe général fondamental clair et exact parce que cet arrêt constitue une condamnation disciplinaire du juge Vigneau qui a utilisé des procédés déloyaux afin de rechercher les preuves d'une infraction. Si les premières lueurs du principe de la loyauté ont commencé avec l'arrêt Wilson, cet arrêt n'a pas manifesté l'intention de la Cour d'exiger ou d'imposer un devoir de loyauté absolue dans la recherche de la preuve pénale. En fait, la lecture attentive de cette décision montre beaucoup d'ambiguïté autour du champ d'application de la loyauté de preuve, ceci induisant un véritable doute quant à l'influence de cet arrêt sur la présence réelle d'un principe général en droit concernant l'obligation de loyauté dans la recherche de preuve. L'arrêt Wilson peut être qualifié d'comme un arrêt fondateur du principe de loyauté de preuve en matière pénale mais il ne consacre pas la loyauté comme principe d'exigence générale

.

439

puisqu'il est rendu en formation disciplinaire contre le juge Vigneau

67. L'arrêt Imbert portant généralisation du principe. Sans doute, l'arrêt Wilson été la pierre angulaire dans le processus de construction du principe de la loyauté dans la recherche des preuves et a contribué à établir ce principe. Mais un très fameux arrêt va créer une nouvelle reconnaissance du principe de la loyauté dans la recherche de preuve pénale et va éliminer beaucoup d'incertitudes concernant ce principe. C'est dans son célèbre arrêt Imbert du 12 juin 1952 que la chambre criminelle de la Cour de cassation française a imposé le principe de loyauté comme principe juridique. Cet arrêt va étendre le champ d'application du principe de loyauté aux officiers de police judiciaire. Il a fallu attendre jusqu'en 1952 pour que la Cour de cassation française confirme la naissance complète du principe de loyauté et élimine toute l'ambiguïté et les hésitations qui entouraient ce principe depuis l'arrêt fondateur,

437 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 103 : La décision des chambres réunies dans l'arrêt Wilson implique « que tous les moyens ne sont pas admis pour obtenir une preuve pénale, même dans le but d'atteindre une répression efficace. La Cour de cassation souligne ainsi que la fin ne justifie pas les moyens, quelle que soit l'importance des enjeux de la procédure ».

438 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 102.

439 V. sur ce point : M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 103 : « Il apparaît que la décision est prise en formation disciplinaire et surtout qu'elle se fonde sur un manquement aux obligations professionnelles des magistrats. Il ne s'agit désormais pas d'une règle de droit positif susceptible d'embrasser toutes les procédures en matière pénale puisqu'elle va s'appliquer intuitu personae ».

440

l'arrêt Wilson de 1888

. L'importance de l'arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952 réside dans

105

l'étendue du champ ou du domaine d'application du principe de la loyauté par rapport à l'arrêt

Wilson de 1888 441 . Le demandeur au pourvoi dans l'arrêt Imbert reproche à la Cour d'appel de s'être fondée « sur un acte d'instruction accompli par un officier de police judiciaire commis rogatoirement et consistant à avoir provoqué et intercepté, entre le principal témoin et l'inculpé, un entretien téléphonique en vue d'amener ce dernier à faire des aveux ». Or, selon le pourvoi, les officiers de police agissant sur commission rogatoire sont soumis aux mêmes exigences que celles du délégant, c'est-à-dire du juge d'instruction, et notamment à

l'obligation d'agir découvert donc sans ruse ni stratagème 442 . La chambre criminelle dispose que cette opération d'enregistrement organisée par le commissaire sur commission rogatoire du juge d'instruction (elle précise même que ce dernier avait préparé la question à poser au prévenu par la personne sollicitée pour la tentative de corruption) « a eu pour but et pour résultat d'éluder les dispositions légales et les règles générales de procédure que le juge d'instruction ou son délégué ne sauraient méconnaître sans compromettre les droits de la

défense » 443 . Donc, l'arrêt Imbert déclare expressément que le principe de la loyauté de preuve est imposé aux officiers de police judiciaire lorsque ces derniers interviennent pendant la recherche des preuves sur la base de commissions rogatoires d'un juge d'instruction parce que ce dernier est obligé de se soumettre aux exigences du principe de loyauté dans la recherche des preuves conformément à la règle posée par l'arrêt Wilson. Avec l'arrêt Imbert, le principe de loyauté a commencé à exercer une influence certaine et explicite dans la recherche de preuve pénale étant considéré comme un devoir imposé sur l'épaule de l'autorité étatique qui recherche la preuve de l'infraction et son auteur.

440 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 104 : « La chambre criminelle de la Cour de Cassation confirme et éclaire ce mouvement dans son arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952, qui permet de limiter les inconvénients apparus à la lecture de la décision Wilson nés du critère choisi par les chambres réunies : celui de la personne qui agit, pour déterminer ensuite le champ d'application du principe général de loyauté dans la recherche de la preuve nouvellement érigée ».

441 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 104 : Pour Mme Marie-Emma Boursier, le champ d'application du principe de loyauté dans l'arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952 « concerne non plus directement les actions du juge d'instruction comme dans la décision Wilson, mais bien celles des officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire de celui-ci pour le recueil de la preuve des infractions ».

442 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, pp. 104-105.

443 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, Collection: Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2003, p. 105.

106

B. Les visas fondant le principe de loyauté.

68. Principe de loyauté et la Cour européenne des droits de l'homme. L'exigence d'une procédure juste et équitable est un concept qui inclut la notion de loyauté. La Convention européenne des droits de l'homme laisse sans hésitation à l'appréciation des législations

internes le soin de fixer les règles d'admissibilité des preuves 444 . La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme rappelle souvent que « l'article 6 garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que

telles, matière qui relève au premier chef du droit interne » 445 . Malgré l'absence expresse de la consécration du principe de loyauté, ce principe dans la recherche de la preuve constitue une nécessité d'obligations de source interne en droit français (le respect de l'ensemble des principes généraux protecteurs de la personne humaine) et d'obligation d'origine européenne. En effet, les principes issus de la C.E. D.H s'imposent aux juridictions répressives françaises, notamment celles de procédure pénale, et sont d'application directe en droit interne. L'article 6 de la Convention européenne revêt une importance particulière parce qu'il est applicable directement en droit interne et la jurisprudence de la Cour européenne interprète d'une manière très extensive la notion de procès équitable qui constitue indiscutablement le texte le

. La

446

plus important et le plus complet garantissant la loyauté de la preuve implicitement

Cour de Strasbourg applique indirectement le principe de la loyauté de preuve sous la notion

444 L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ne mentionne pas directement ou expressément le principe de loyauté dans la recherche des preuves.

445 (V. Schenk c. Suisse, arrêt du 12 juillet 1988, et Teixeira de Castro c. Portugal, arrêt du 9 juin 1998); Dans Affaire Jalloh c. Allemagne, 11 juillet 2006, Requête n°54810/00, la cour de Strasbourg a considéré dans le paragraphe § 96 de l'arrêt que « Pour déterminer si la procédure dans son ensemble a été équitable, il faut aussi se demander si les droits de la défense ont été respectés. Il faut rechercher notamment si le requérant s'est vu offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité de l'élément de preuve et de s'opposer à son utilisation. Il faut prendre également en compte la qualité de l'élément de preuve, dont le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de sa fiabilité ou de son exactitude. Si un problème d'équité ne se pose pas nécessairement lorsque la preuve obtenue n'est pas corroborée par d'autres éléments, il faut noter que lorsqu'elle est très solide et ne prête à aucun doute, le besoin d'autres éléments à l'appui devient moindre ».

446 V. P. Lemoine, « La loyauté de la preuve à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation (française) : « La Cour européenne des droits de l'homme, depuis un arrêt du 6 décembre 1988 (CEDH, 6 déc. 1988, Barbara, Massegue et Jabardo c/ Espagne, également CEDH 9 juin 1998, Texeira de Castro c/ Portugal), paraît avoir consacré une obligation de loyauté dans la réunion policière et judiciaire des preuves, corollaire de l'exigence d'un procès équitable. Elle prend soin cependant de rappeler que l'admissibilité des modes de preuve relève essentiellement du droit interne (CEDH, 12 juill. 1988, Schenk c/ Suisse), et que les organes de la Convention se bornent "à rechercher si la procédure, considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des preuves, revêt un caractère équitable" (CEDH, 6 déc. 1988, Barbara, Massegue et Jabardo).

447

de procès équitable comme un droit fondamental reconnu et garanti d'une manière

.

107

448

efficace

69. Loyauté et la Cour de cassation françaises. La chambre criminelle de la Cour de cassation française n'hésite pas à citer expressément le principe de loyauté des preuves en combinaison avec l'article 6§1 de la Conv. EDH et avec l'article préliminaire du CPP

français 449 . La loyauté dans l'administration de la preuve puise son existence dans l'article 6 de la convention EDH comme l'a affirmé expressément l'assemblée plénière de la Cour de

cassation française : 450 « L'assemblée plénière, chambre criminelle et chambres civiles de la Cour de cassation s'accordent au moins sur un point : la loyauté dans l'administration de la preuve puise sa source dans l'article 6, § 1er, de la Convention EDH relatif aux garanties

451

générales du procès équitable... ». De ce qui précède, on peut affirmer conformément avec l'avis de M. François Fourment que le principe de loyauté dans l'administration de la preuve

452

.

« a une valeur supra-législative et s'impose en matière pénale comme en matière civile »

Ceci explique les grandes marques de respect accordé au principe de la loyauté dans la recherche de preuve qui est dû à la hiérarchie des normes dans le système juridique. Pourtant,

447 V. B. Favreau, « Les droits de la défense dans l'espace judiciaire européen », in L'espace de liberté, de sécurité et de justice à la recherche d'un équilibre entre priorité répressive et exigence de garantie, Conférence prononcée à l'Université de Catane, le 10 juin 2005, dans le cadre du colloque Action Jean Monnet, p. 16 : « la Cour précise toutefois, relève «en priorité» du droit interne, ce qui signifie qu'elle se réserve toujours la mission de contrôler si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable ».

448 V. J.-F. Renucci, Introduction générale à la Convention européenne des Droits de l'Homme. Droits garantis et mécanisme de protection, Éditions du Conseil de l'Europe, 2005, p. 89 : « L'obligation de loyauté dans la réunion policière et judiciaire des preuves s'impose au nom de l'équité du procès » ; V. en ce sens : Cour eur. DH, 6 déc. 1988, Barberà, Massegué et Jabordo c/ Espagne, Série A n° 146.

449 V. Cass. crim 4 juin 2008, B.C., n°141 : «...Vu l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves; Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique, en l'absence d'éléments antérieurs permettant d'en soupçonner l'existence; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de commission;... ».

450 V. Cass. com., Ass. plén. 7 janv. 2011, Bulletin 2011, Assemblée plénière, n° 1 : « Il résulte des articles 9 du Code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, que l'enregistrement d'une conversation téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ».

451 F. Fourment, « Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale », Note sous Cass. com., Ass. plén. 7 janv. 2011, in D., 24 février 2011, n° 8, p. 562.

452 F. Fourment, « Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale », Note sous Cass. com., Ass. plén. 7 janv. 2011, in D., 24 février 2011, n° 8, p. 562.

108

il semble que la chambre criminelle de la Cour de cassation française n'applique pas le principe de loyauté d'une façon satisfaisante.

70. La loyauté de la preuve dans la procédure pénale libanaise. Le législateur libanais ne consacre pas expressément le principe de la loyauté de preuve comme norme juridique, ce qui fait de la loyauté un principe vague. Selon M. Hatem Madi, la liberté dans la recherche de preuve en droit libanais connaît quelques restrictions. Outre les restrictions prévues par la loi, il existe plusieurs restrictions imposées par les principes généraux du droit qui gouvernent de

453

manière suprême l'administration de la preuve pénalecomme l'affirme la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise : l'établissement des éléments de preuve dans une

procédure doit être fait en respectant le principe du contradictoire ; l'utilisation d'une preuve

454

455

obtenue de manière illégale comme la fraude, la torture ou la contrainte et par le moyen d'écoute clandestine et des méthodes scientifiques de preuve (le détecteur de mensonges et

456

l'utilisation de l'hypnose) ne peut être utilisée . Mais il est notable que, M. Hatem Madi ne mentionne pas expressément le principe de loyauté. De même, M. Atef Nakkib ne mentionne pas explicitement le principe de loyauté, mais il souligne qu'il est inacceptable d'adopter des méthodes de preuve qui sont incompatibles ou ne respectent pas scrupuleusement les droits de l'homme, et considère que ne relève pas d'une procédure correcte le fait d'arracher l'aveu ou toute autre déclaration de l'inculpé sous l'effet de la torture, des coups ou de la contrainte morale et sous l'influence de l'hypnose ou d'un médicament destiné à contraindre la volonté

d'une personne 457 . M. Atef Nakkib considère encore que n'est pas admissible parmi les moyens de preuve le fait d'imiter la voix d'une personne connue par l'inculpé lors d'une

458

conversation téléphonique pour obtenir une preuve . D'autre part, M. Elias Abou-Eid affirme que le juge doit s'élever au-dessus de tous les moyens méprisables afin de préserver le

453 V. en langue arabe : H. Madi, Procédure pénale, 2e éd., Éditions juridiques Sader, 2002, pp. 306-307.

454 V. en ce sens: Arrêt de la 3e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, décision n° 152, le 23/6/1999, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 1999, p. 163.

455 V. en ce sens: Arrêt de la 7e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, décision n° 145, le 30/4/1998, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 1998, p. 896.

456 V. en langue arabe : H. Madi, Procédure pénale, 2e éd., Éditions juridiques Sader, 2002, pp. 306-307.

457 V. en langue arabe : A. Nakkib, Procédure pénale. Etude comparative, Éditions juridiques Sader, 1993, Beyrouth, pp. 326-327.

458 V. en langue arabe : A. Nakkib, Procédure pénale. Etude comparative, Éditions juridiques Sader, 1993, Beyrouth, pp. 326-327.

109

459

principe de légitimité dans la recherche de preuve, M. Elias Abou-Eid a utilisé en langue arabe un terme qui désigne la légitimité en langue française, ensuite il a écrit en langue française le terme loyauté comme traduction française du terme arabe. Ce qui prouve que l'auteur confond continuellement légalité, légitimité et loyauté de preuve. M. Doreid Becheraoui mentionne le principe de loyauté en écrivant que les preuves obtenues doivent

l'être de manière totalement légale, sans contradiction avec le principe de la loyauté460 des

preuves 461 . À vrai dire, on ne peut pas parler d'une consécration jurisprudentielle du principe de la loyauté de la preuve pénale en droit libanais parce que c'est un principe qui est ignoré en droit libanais. Parmi les très rares arrêts, la loyauté comme principe général est consacrée par un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise qui affirme que les déclarations ont été accompagnées de violences et coups, ce qui implique en tout cas que

l'interrogation souffre du manque de loyauté 462 . Ce n'est pas exagérer que d'affirmer sans hésitation que le principe de la loyauté de preuve en droit libanais est un principe qui souffre d'une grande timidité jurisprudentielle et d'une ignorance doctrinale.

§ 2. La faiblesse du principe de loyauté de la preuve.

71. Les facteurs ayant contribué au déclin du principe. Peut-on parler d'un déclin du principe de loyauté ? Sans doute, le principe de la loyauté de preuve en matière pénale en droit français souffre sérieusement d'une absence de consécration législative et connaît depuis des années un déclin remarquable. Sa présence est donc très menacée comme principe fondamental et comme une garantie de moralité procédurale dans la recherche de la preuve. L'étude de ces menaces ou facteurs qui entourent le principe de la loyauté permet une meilleure compréhension des causes du déclin. Parmi les facteurs qui ont essentiellement contribué au déclin du principe de la loyauté, le premier de ces facteurs tient au statut

459 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 181, p. 289.

460 M. Doreid Becheraoui utilise en langue arabe le terme aleestqamh qui désigne rectitude en français puis il traduit l'expression arabe en français en écrivant : « Le principe de la loyauté des preuves ». Nous pensons que le terme arabe alnzaha désigne la loyauté en français.

461 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, p. 105.

462 V. en ce sens en langue arabe : Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, décision n°45, le 22/1/1998, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 1996-1999, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth, 2000, n° 50, p. 81.

110

législatif. Le législateur libanais comme son homologue français n'a pas consacré expressément le principe de la loyauté de preuve pénale par des textes législatifs (A). Le second facteur qui constitue réellement un déclin du principe de loyauté est lié à l'application trop stricte du principe de liberté dans la recherche, la constatation et la production des preuves, et à la liberté totale du juge quant à l'appréciation des éléments de preuve (l'intime conviction du juge) (B). Le troisième facteur le plus important est l'application variable du principe de loyauté (C).

A. L'absence de consécration législative expresse du principe de loyauté.

72. L'absence de consécration législative en droit libanais. Le principe de loyauté dans la recherche de preuve n'est pas consacré par le législateur libanais. L'absence d'une consécration générale du principe formellement par le législateur va entraîner beaucoup d'incertitude sur le respect de ce principe et donner lieu à une hésitation jurisprudentielle, d'autant plus que la jurisprudence libanaise n'a pas effectivement reconnu l'obligation ou le devoir de loyauté dans

la recherche de preuve 463 . En général, la consécration expresse d'un principe du droit se manifeste à travers l'adoption d'une série de textes législatifs notamment dans le Code de procédure pénale libanais. Bien évidemment, l'absence de toute consécration législative du principe de loyauté dans des termes non équivoques va limiter nécessairement le champ d'application efficace de ce principe. En même temps, l'absence de consécration législative du principe génère incertitude et ambiguïté quant à la possibilité d'user de la loyauté comme limite à la liberté totale et absolue de la preuve en matière pénale. Ce qui contribue directement sans nul doute au déclin du principe général de la loyauté de preuve en matière pénale. La nécessaire consécration législative des limites non fixées par la loi et d'une protection efficace contre une preuve trop libre nous conduit à dire qu'il serait souhaitable que le législateur libanais décide d'agir pour mettre fin au déclin remarquable du principe de loyauté en adoptant expressément ce principe de loyauté de preuve en matière pénale afin d'assurer un procès équitable et d'améliorer la qualité de la justice pénale par l'obtention loyale

464

de la preuve.

463 On constate l'absence d'une consécration expresse du principe général de la loyauté en droit libanais car le principe de la loyauté de preuve n'est pas expressément consacré dans le Code de procédure pénale libanais.

464 Il nous paraît important que le législateur libanais adopte expressément ce principe de loyauté dans des textes législatifs de manière claire et précise pour enrayer le déclin de ce principe protecteur en droit libanais et mettre un terme à l'hésitation jurisprudentielle dans l'application de ce principe, parce que sans doute, l'absence de texte législatif qui consacre le principe de loyauté contribue largement au déclin de ce principe.

73. L'absence de consécration législative en droit français. Le principe de loyauté de preuve en matière pénale n'est pas prévu expressément dans le Code de procédure pénale

465

français

. Contrairement au Code de procédure pénale français, le Code de procédure pénale

111

libanais n'a pas subi de réforme profonde ou importante depuis sa rédaction en 2001 et ne contient pas un article préliminaire qui réaffirme les principes directeurs régissant la procédure pénale. La réforme de la procédure pénale française réalisée par la loi du 15 juin 2000 a intégré pour la première fois un article préliminaire dans le Code procédure pénale qui rassemble selon Mme Christine Lazerges « les principes directeurs de notre procédure pénale

466

sans ambiguïté ». Mais, malheureusement, la loyauté comme principe ne figure pas parmi les principes directeurs du procès énumérés par cet article préliminaire. Sur le plan européen, la loyauté ne figure pas expressément dans la Convention européenne des droits de

467

468

. Par

l'homme. La Cour européenne des droits de l'homme ne se prononce pas sur les règles relatives à l'admissibilité de la preuve, qui relèvent, selon elle, des législations internes

conséquent, le déclin du principe de loyauté de preuve pénale en droit français est lié étroitement à l'absence de consécration formelle d'un principe général de loyauté dans la

.

469

recherche de la preuve au sein du nouvel article préliminaire au Code de procédure pénale

Le législateur français est invité à renforcer le principe de la loyauté de preuve pénale par une

470

consécration législative.

465 On peut conclure que l'absence d'une consécration législative du principe de loyauté est le conjoint (commune) en droit pénal français et libanais.

466 Ch. Lazerge, « La dérive de la procédure pénale », in R.S.C., 2003, pp. 644 et s.

467 Ph. Bonfils, « Loyauté de la preuve et droit au procès équitable », in D., 2005, pp. 122 et s.

468 V. C. S. Enderlin, « Recevabilité d'une preuve illicite ou illégale en matière civile et pénale », note sous Cass. civ., 7 octobre 2004, n° 03-12.653 in AJ Pénal., 2005, p. 30 : « Lors de l'utilisation d'une preuve illicitement constituée, les règles du procès équitable doivent être respectées, et ladite preuve ne doit pas porter atteinte au principe du respect à la vie privée (CEDH, 12 juill. 1988, Schenk c/ Suisse, série A, n° 150) ».

469 V. au contraire : J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg, disponible en ligne sur : http://www-cdpf.u-strasbg.fr/Preuves%20par%20dissimulation.htm : « Cette exigence de loyauté s'impose aux agents de l'État et à eux seuls. Les parties privées sont, elles, autorisées à produire au procès tous éléments de preuve, fussent-ils obtenus au moyen de la commission d'une infraction, le juge faisant le tri parmi eux, en vertu de son pouvoir souverain d'appréciation. C'est la raison pour laquelle le principe de loyauté ne figure pas parmi les principes directeurs du procès énumérés par l'article préliminaire du Code de procédure pénale ».

470 L'avant-projet de réforme du CPP français du 1/3/2010 a proposé d'introduire le principe de la loyauté de preuve à l'art. 113-3 qui dispose « Ne peuvent être prises en compte pour fonder l'accusation les preuves obtenues directement ou indirectement par l'autorité publique de façon déloyale : 1° Soit en contournant ou en détournant les règles de procédure prévues par le présent code ; 2° Soit en provoquant à la commission de l'infraction ; 3° Soit en portant illégalement atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne ».

112

B. L'application stricte de la liberté de preuve opposée à la loyauté.

74. Le triomphe de la liberté dans la recherche de la preuve. Les systèmes répressifs libanais et français sont caractérisés par une liberté dans la recherche et l'administration des

471

.

preuves pénales. Le principe de la liberté de la preuve prédomine en matière répressive

Dans un système reposant sur la liberté de la preuve, l'application stricte de cette liberté contribue effectivement au déclin ou à la faiblesse du principe de la loyauté de preuve. La question qui demeure est celle de savoir : comment le principe de la liberté de preuve contribue-t-il au déclin ou à la faiblesse du principe de la loyauté ? Ce principe de liberté s'oppose-t-il vraiment à la loyauté de preuve ? À vrai dire, nous ne trouvons nulle part une contradiction entre liberté et loyauté de la preuve en matière pénale, mais tout le problème réside dans la notion et l'application du principe de liberté de preuve. La liberté doit coïncider avec la loyauté, contrairement à un certain avis radical qui encourageant l'efficacité dans la recherche de la vérité et affirmant que « la vérité prime sur la loyauté ». La liberté totale de la preuve va être en contradiction avec la loyauté de preuve et va sans doute transformer ce principe de liberté de preuve en un véritable moyen d'abus de pouvoir pour les autorités répressives, ce qui va augmenter l'arbitraire et la violation des libertés individuelles. Malheureusement, la pratique en droit libanais et français nous montre que l'application du principe de liberté de preuve est stricte, ce qui contribue sans doute au déclin du principe de loyauté parce que cette liberté absolue admet la preuve par tout moyen sans prendre en considération que l'admission de la preuve est liée à la façon dont la preuve est recherchée. La liberté de preuve doit être considérée comme une liberté de choix du mode de preuve prévu ou encadré par le Code de procédure pénale libanais et français, et ce n'est pas une liberté absolue de rechercher la preuve par n'importe quel moyen non prévu expressément par la loi ou portant atteinte aux principes généraux du droit. L'application stricte de la liberté de preuve en droit libanais et français défigure le principe de la liberté de preuve et le transforme en un principe sans limites qui pourrait être aussi une menace très dangereuse pour la liberté individuelle.

75. Le triomphe de la liberté dans l'appréciation de la preuve. Dans le système de liberté de la preuve adopté en droit libanais et français, appelé système de la preuve morale, le juge est laissé libre de déterminer d'après son intime conviction le crédit qui doit être accordé aux

471 Ph. Delebecque, J.-D. Bretzner et Th. Vasseur, « Droit de la preuve », in D., 2008, pp. 2820 et s.

113

preuves qui lui sont présentées. Selon M. Édouard Verny « la procédure pénale est dominée, quant aux éléments pouvant être soumis à l'appréciation du juge, par le système des preuves morales, par opposition à celui des preuves légales » 472 . Ce système473 donne au juge pénal une entière liberté d'appréciation du choix et de la valeur des preuves. Le but de cette procédure d'appréciation est d'évaluer la valeur et la force probante de tous les éléments de

474

preuve

475

, le juge doit apprécier les preuves pour prononcer le jugement

. L'appréciation des

476

éléments de preuve soumis au juge

477

constitue une opération intellectuelle. Le juge du fond

apprécie les éléments de preuve qui sont recueillis tout au long du procès pénal, pendant les

différentes phases qui structurent le procès pénal478. L'appréciation de la preuve par le juge signifie que ce dernier doit accorder aux éléments de preuve la valeur et le poids qu'ils méritent afin de rendre son jugement. Le principe de l'intime conviction n'est point synonyme

d'arbitraire 479 , et n'admet pas une condamnation sans preuve comme affirme Mme Haritini

480

Matsopoulou. Mais l'application stricte de l'intime conviction du juge s'oppose à la loyauté.

472 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 28, p. 22.

473 V. sur la liberté de la preuve et l'intime conviction : J. Patarin, « Le particularisme de la théorie des preuves en droit pénal», in G. Stefani (dir), Quelques aspects de l'autonomie du droit pénal : études de droit criminel, Éditions Dalloz, 1956, pp. 7-76, V. spec. pp. 54 : « L'intime conviction et la liberté de la preuve restent plus favorables à la recherche de la vérité que tout système de preuves légales qui ne serait pas fondé sur la recherche d'une attitude scientifique ».

474 V. J. De Codt, « Les nullités de l'instruction préparatoires et le droit de la preuve. Tendances récentes », in R.D.P.C., 2000, n° 1, p. 63 : « Apprécier une preuve, c'est vérifier l'existence d'un lien logique entre un fait et une constatation, et la déduction qu'on prétend en tirer. Il appartient de toute évidence au juge du fond de rechercher si les preuves qui lui sont soumises sont aptes à fonder rationnellement une conviction ».

475 F. Hélie, Traité d'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray Libraire-éditeur, Paris, 1853, Vol. 5, p. 421 : M. Faustin Hélie affirme que « L'intime conviction du juge doit être le seul de la justice humaine ».

476 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 625, p. 457 : « Le principe de l'intime conviction : corollaire nécessaire du principe de liberté des preuves. ».

477 V. C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 261, p. 185 :« Il semble que l'intime conviction soit le seul moyen de parvenir à la vérité matérielle : l'homme n'a pas d'autre instrument que lui-même pour juger ses semblables.... Le juge va, par son intelligence, son raisonnement, acquérir une certitude exempte de doutes ».

478 V. sur ce point : A. Rached, De l'intime conviction du juge vers une théorie scientifique de la preuve en matière criminelle, Thèse de droit, Université de Paris- faculté de droit, Édition A. Pedone, 1942, p. 149 :

« La conviction du juge doit naturellement s'appuyer sur des preuves. Le système de l'intime conviction ne permet pas en effet au juge de se passer, dans sa recherche de la vérité certaine, des moyens de preuve propres à cet effet. Car c'est avant tout un système de preuves, tout comme le système des preuves légales, avec cette différence, il est vrai, qu'il laisse au juge la libre appréciation de la valeur probante des preuves en question »

479 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 851, p. 781.

480 H. Matsopoulou, « Faudrait-il motiver les arrêts de la cour d`assises ? », in JCP G., 16 Novembre 2009, n°47, pp. 21 et s. : « le principe de l`intime conviction ne signifie pas qu`une condamnation pourrait être prononcée en l`absence de toute preuve et qu`une circonstance aggravante pourrait être retenue d`une façon

114

La preuve est un moyen de convaincre le juge de la véracité d'un fait. Au contraire du système

481 482

de la preuve légale ou hiérarchisée , le système de preuve morale est le système de l'intime conviction où le juge pénal décide d'après son intime conviction 483 . Le système de preuve

morale conférant au juge une totale liberté d'appréciation 484 . Dans un système de preuve morale, dominé par la liberté de la preuve, le problème de la loyauté prend une tout autre

ampleur 485 . Les législateurs libanais et français avaient adopté le principe de l'intime conviction du juge qui implique une liberté d'appréciation des preuves. L'application stricte de l'intime conviction du juge constitue une entrave réelle pour demander l'exclusion d'une preuve déloyalement obtenue. Il est souhaitable que les législateurs libanais et français adoptent un véritable changement qui permette d'appliquer le processus d'exclusion des preuves déloyales en introduisant un nouvel article dans le Code de procédure pénale qui a pour objet d'introduire cette règle d'exclusion d'une preuve comme exception à la liberté d'appréciation des juges du fond et comme une conséquence juridique de la violation du principe général de la loyauté. À notre avis, le déclin ou la faiblesse du principe de loyauté commence dès que le juge commence par évaluer ou apprécier dans le cadre de son intime conviction la valeur probante d'une preuve obtenue d'une façon déloyale mais qui peut convaincre le juge. Il est nécessaire de trouver une procédure permettant d'écarter les preuves déloyales du pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve du juge du fond afin de protéger l'obligation de loyauté de son déclin. Que reste-t-il de la loyauté de la preuve comme principe devant la prédominance de l'intime conviction du juge ? L'application stricte de la

arbitraire ou que l`intention criminelle pourrait être caractérisée indépendamment des circonstances de fait de l`espèce ».

481 V. J. Boré, La cassation en matière pénale, L.G.D.J., 1985, n° 1902 : «dans le système de l'intime conviction, le juge apprécie librement la valeur des preuves entre lesquelles la loi n'établit aucune hiérarchie».

482 V. M. Faustin Hélie critique la hiérarchie des preuves : F. Hélie, Traité d'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray Libraire-éditeur, Paris, 1853, Vol. 5, p. 438 : « N'est-il pas dangereux de subordonner les preuves d'un certain ordre aux preuves d'un autre ordre ? Ne vaut il pas mieux les livrer toutes, et sans distinction, au juge qui les apprécie dans sa conscience ? ».

483 V. sur le système de la preuve morale : W. J. Habscheid, Droit judiciaire privé suisse, 2e éd., Georg, Genève, 1981, p. 438 : « Les législations modernes,.., se rangent au système de la preuve morale et, sous réserve de certaines exceptions, laissent au juge la liberté d'appréciation des preuves. L'intime conviction permet au juge de baser sa décision sur tous les éléments qui se dégagent des débats, et notamment de prendre en considération l'attitude des parties au cours du procès »

484 V. sur ce point : R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n°213, p. 275. « Le principe de l'intime conviction laisse les magistrats libre d'apprécier la valeur des preuves produites devant eux. Mais cette liberté ne signifie pas qu'ils peuvent, sans aucun contrôle, se laisser guider par leurs impressions ; l'intime conviction ne dispense pas d'une méthode pour la découverte de la vérité. Un travail préliminaire de réflexion et de raisonnement s'impose à tout juge... ».

485 H. Houbron, Loyauté et vérité. Étude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 66, p. 54.

115

liberté d'appréciation de preuve par le juge du fond le conduit à fonder son intime conviction sur des preuves déloyales sans prendre en compte que cette preuve est obtenue d'une manière déloyale. Une notion souple du principe de la liberté d'appréciation des preuves doit signifier que le juge apprécie librement les preuves loyalement et régulièrement produites.

C. Application variable du principe de loyauté.

76. Obligation et exigence partielle de loyauté. La spécificité de la procédure pénale réside dans la très grande liberté laissée aux parties dans l'administration de la preuve, bien que la recherche de preuves soit la tâche principale de l'autorité étatique et judiciaire, et non des parties privées conformément aux dispositions du Code de procédure pénale libanais et français. En droit libanais, l'application du principe de la loyauté de preuve en matière pénale ne fait pas débat à propos de l'utilisation de procédés déloyaux et les preuves obtenues de manière déloyale produites par les parties privées. C'est pourquoi en droit libanais on ne peut pas trouver une solution claire et de nombreux points d'ombre apparaissent lors de

l'application du principe de la loyauté par les parties privées au procès pénal486. La Cour de cassation libanaise est très réticente quant à l'application du principe de loyauté. On relèvera, parmi les rares décisions rendues par les juridictions pénales libanaises, que le principe de loyauté s'applique seulement dans la recherche des preuves menée par la police judiciaire. L'application du principe de loyauté par les magistrats et les parties n'a pas été reconnue par la jurisprudence libanaise. Nous n'avons pas de position définitive sur ce point parce que ni la doctrine libanaise et ni la Cour de cassation libanaise n'ont posé clairement le problème de l'application du principe de loyauté dans toute sa substance. De surcroît, la chambre criminelle de la Cour de cassation française refuse en effet d'écarter les preuves déloyales

487

produites par les parties privées même si elles présentent un caractère déloyal sous prétexte de l'absence d'un texte juridique qui permet au juge du fond d'écarter un élément de preuve

déloyal488 . La chambre criminelle a pu accepter la production en justice de preuves obtenues

486 En droit libanais, le principe de loyauté ne fait pas l'objet d'une parfaite reconnaissance ou même une reconnaissance expresse de la part de la jurisprudence libanaise et il n'existe pas un débat doctrinal sur ce thème.

487 V. Cass. crim., 6 avril 1994, B.C., n° 136: La chambre criminelle de la Cour de cassation française rappelle toujours pour renforcer cette liberté quasi absolue d'appréciation par le juge même si les éléments de preuve souffrent d'une déloyauté flagrante « qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; qu'il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante ».

488 J. Pradel et A. Varinard, Les grands arrêts de la procédure pénale, 5e éd., Dalloz, 2006, p. 197 : « Le principe de loyauté est à géométrie variable, appliqué avec souplesse. C'est pourquoi lors de la discussion

116

de manière déloyale par les parties privées (le testing à l'entrée des discothèques), en imposant toutefois aux juges du fond « d'en apprécier la valeur probante après les avoir

489

soumis à la discussion contradictoire ». Cette position est critiquable parce que la Cour encourage implicitement les parties civiles privées au procès pénal à rapporter les preuves par n'importe quel moyen, sans aucune restriction concernant la déloyauté des moyens de preuve. À notre avis, le principe de loyauté doit être appliqué strictement en droit libanais et français sans prêter attention à la partie qui a présenté ou qui a produit au procès les éléments de preuve. Il faut seulement se concentrer sur les moyens et procédés utilisés, sur le comportement et la façon dont la preuve a été obtenue de manière déloyale, en raison seulement de leur caractère déloyal en application de la règle suivante : « Nul ne peut administrer une preuve obtenue déloyalement ». Donc, le problème est que l'application du principe de loyauté reste relative. C'est un principe d'application variable compte tenu de la partie qui a produit la preuve déloyale parce que la jurisprudence française considère admissibles les éléments de preuves obtenus de manière déloyale qui sont produits par les parties privées. À notre avis, le principe de la loyauté de preuve doit recevoir une application effective non une application différenciée parce qu'un principe important et protecteur comme le principe de la loyauté dans la recherche de preuve doit recevoir une application stable et uniforme.

77. Une application différenciée de la loyauté. L'obligation et l'exigence de loyauté de la preuve n'ont pas un caractère absolu et ne pèsent pas de la même manière sur l'ensemble des

acteurs du procès pénal490. Le principe de loyauté dans l'administration de la preuve souffre sérieusement d'une application différenciée selon la personne concernée. Une certaine souplesse dans le champ d'application du principe de loyauté lors du procès pénal qui n'est pas justifiée se caractérise par le fait de dispenser les parties privées au procès pénal du devoir

parlementaire de la loi du 15 juin 2000, est plus précisément l'occasion du débat sur l'article préliminaire du Code de procédure pénale, l'idée d'introduire le principe de loyauté fut rejetée, principe trop flou, relatif, et qui aurait neutralisé la jurisprudence ».

489 V. en ce sens : Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482: « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Méconnaît ce principe la cour d'appel qui, dans une procédure suivie du chef de discrimination, refuse d'examiner les éléments de preuve obtenus par les parties civiles au moyen du procédé dit " testing ", consistant à solliciter la fourniture d'un bien ou d'un service à seule fin de constater d'éventuels comportements discriminatoires, au motif que ce procédé aurait été mis en oeuvre de façon déloyale ».

490 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109.

491

ou de l'obligation de loyauté . La jurisprudence de la Cour de cassation française est

117

infiniment plus souple lorsque la preuve, bien que déloyale, est apportée par une personne privée. Cette exigence de loyauté ne s'applique pas avec la même vigueur aux magistrats et

492

493

aux policiers, lorsque ces derniers agissent en vertu de leurs pouvoirs propres . Pour les magistrats, l'obligation de loyauté revêt un caractère absolu: il leur est rigoureusement défendu de dissimuler leur qualité, la règle est étendue aux policiers et aux gendarmes

. Le

494

agissant sur commission rogatoire car ils opèrent alors en tant que délégataires du juge

principe s'applique moins strictement à la police judiciaire pendant l'enquête. Le recours à la

. En France, le champ d'application

495

ruse et à la dissimulation est admis durant cette période

du principe de loyauté est restreint, puisque le principe de loyauté ne s'applique qu'aux

496

preuves recueillies par les autorités publiques. En revanche, une souplesse et une tolérance remarquables apparaissent lorsque les preuves sont produites par des parties privées. Une personne privée profite indirectement de l'utilisation de moyens parfaitement déloyaux pour

. La jurisprudence de la chambre

497

obtenir une preuve, puis la présenter valablement au juge

criminelle de la Cour de cassation française adopte la formule selon laquelle « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; qu'il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en

491 V. sur ce point : F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 198 : « La jurisprudence profite de l'absence de dispositions textuelles, pour établir que la preuve obtenue par les parties civiles usant des procédés déloyaux est recevable ».

492 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, collection Dyna'sup droit, 2009, p. 164.

493 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg

494 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg

495 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg

496 V. en ce sens : J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 MARS 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Colloques organisé par le Centre de Droit Privé Fondamental (Université de Strasbourg) le 15 mai 2004: « Cette exigence de loyauté s'impose aux agents de l'État et à eux seuls. Les parties privées sont, elles, autorisées à produire au procès tous éléments de preuve, fussent-ils obtenus au moyen de la commission d'une infraction, le juge faisant le tri parmi eux, en vertu de son pouvoir souverain d'appréciation ».

497 J. Lelieur, « L'application de la reconnaissance mutuelle à l'obtention transnationale de preuves pénales dans l'Union européenne : une chance pour un droit probatoire français en crise ? », in Zeitschrift für Internationale Strafrechtsdogmatik, 2010, n° 9, p. 593.

apprécier la valeur probante »498 bien que cette même Cour exige expressément que la recherche de la preuve en matière pénale soit loyalement établie. Mais cette règle ne la conduit pas très souvent, en pratique, à écarter les moyens de preuve ainsi obtenus parce que

499

tout dépend pour une bonne part de la personne qui a apporté la preuve en cause. Cette attitude de la chambre criminelle de la Cour de cassation consistant à accepter les preuves produites par les parties privées qui sont obtenues d'une manière déloyale est très

500

critiquable. La chambre criminelle applique un critère erroné. Dans un État de droit, la Cour doit écarter des débats les preuves déloyales et rejeter l'admission de toutes sortes de preuves obtenues de manière déloyale sans aucune hésitation et sans aucune différence entre les

501

preuves produites par des parties privées et celles produites par les autorités publiques. Il

s'agit de sanctionner une façon ou manière d'obtenir des preuves déloyales

502

, la question est

118

de savoir pourquoi la chambre criminelle française a fait une distinction dans l'admission de la preuve déloyale puisque dans les deux cas le comportement est en soi déloyal. Un autre aspect important des critiques concerne l'application du principe de la loyauté en droit français dans le champ de la preuve en matière civile. Cette critique paraît d'autant plus pertinente que la chambre criminelle de la Cour de cassation française applique le principe de loyauté avec une souplesse injustifiée. Par contre, la chambre civile de la Cour de cassation française applique le principe de la loyauté de preuve d'une manière particulièrement stricte

498 Cass. crim., 15 juin 1993, B.C., n° 210, p. 530; V. Précédents jurisprudentiels : Cass. crim., 18 novembre 1986, B.C., n° 345, p. 901.

499 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 158 et s.

500 V. en ce sens: J. Daniel, Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n° 427, p. 269 : « Dans un État de droit, le principe de la loyauté procédurale doit s'imposer à tous, quel que soit celui qui entend administrer la preuve pénale. Cette dichotomie dans l'application du principe n'apparaît pas souhaitable. En effet, à quoi sert-il de poser une exigence éthique de loyauté si celle-ci au final est vidée de son contenu par la jurisprudence elle-même? ».

501 V. sur ce point les critiques contre la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française : J. Buisson, « Principe de loyauté dans la recherche des preuves et constat des infractions », Note sous Cass. crim., 6 mai 2002, in R.SC., 2003 p. 393 : « Ce principe de loyauté dans la recherche des preuves devrait donc s'appliquer quelle que soit la personne qui recherche et recueille la preuve, y compris lorsqu'il s'agit d'un particulier qui, pour se procurer la preuve recherchée aux fins de production en justice, a usé d'une ruse ou d'un stratagème. Une telle preuve ne devrait pas être acceptée par un tribunal devant lequel elle aurait été produite, la circonstance qu'elle provient d'un particulier ne pouvant en légitimer l'origine frauduleuse. Dans un État de droit, le principe de la légalité doit s'imposer à tous, quel que soit celui qui entend administrer la preuve pénale, sauf à donner au principe de liberté de la preuve une portée qu'il n'a pas ».

502 V. Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n° 352, p. 355 : « de manière générale, toute preuve obtenue au moyen d'un procédé déloyal doit être déclarée irrecevable par le juge ».

sans tolérance

503

. En définitive, il serait souhaitable que la chambre criminelle de la Cour de

119

cassation française renforce l'application stricte du principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale en abandonnant sa jurisprudence constante qui admet l'application souple ou

504

.

tolérante du principe de loyauté

78. Le renversement jurisprudentiel du principe de loyauté. Cette application différenciée du principe de loyauté n'est que la conséquence d'un renversement jurisprudentiel. Il s'agit

505

d'un véritable renversement de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation française. Ce retournement de jurisprudence est critiqué parce qu'il autorise les parties privées du procès pénal à justifier par n'importe quel moyen et sans limites contrairement aux autorités judiciaires compétentes essentiellement pour la recherche de preuve des infractions à la loi pénale, à en rassembler les preuves et à en rechercher les auteurs. Mme Coralie Ambroise-Casterot remarque que depuis le début des années 1990, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a consacré la possibilité pour les parties privées de s'affranchir du principe de loyauté dans la recherche des preuves par de nombreux d'arrêts qui ont été rendus, dont

506

l'une des décisions fondatrices de cette jurisprudence est l'arrêt Turquin. À cet égard507,

503 V. en ce sens : F. Fourment, « Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale », Note sous Cass. com., Ass. plén. 7 janv. 2011, in D., 24 février 2011, n°8, p. 562 : « deux acceptions différentes du principe de loyauté de la preuve cohabitent, l'une en matière civile, l'autre en matière pénale ; la première, entendue plus strictement, ne souffrant aucune tolérance, à l'inverse de la seconde, dans le cas d'un élément de preuve produit par une partie, hors toute intercession de l'autorité publique. Croyant en la perfection du système juridique, nous explorerons d'abord la seconde hypothèse ; puissent ces explications suffire... ».

504 V. en même sens : J. Daniel, Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n° 428, p. 271 : «... il serait bon que la chambre criminelle française revienne sur sa jurisprudence afin de redonner au principe de loyauté toute sa force en écartant des débats contradictoires les preuves obtenues de manière illégale ».

505 V. C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 255, p. 180 : « Autrefois, le principe de la loyauté des preuves s'appliquait de manière générale à toute procédure. Désormais, depuis une série d'arrêts rendus depuis le milieu des années 1990, ce principe ne contraint que les seules autorités judiciaires, non les personnes privées. Pour ces dernières, c'est le principe de liberté absolue qui prévaut. ».

506 V. C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 257, p. 182 : « par lequel la cour de cassation a reconnu qu'une preuve pouvait être valablement produite en justice alors qu'elle n'avait pu être obtenue qu'au prix de la commission du délit d'atteinte à la vie privée. ».

507 V. sur la loyauté dans l'administration de la preuve par un particulier : S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 592, pp. 594-595 : « Dans l'application de ce principe aussi, la question a été posée de savoir si les preuves rapportées par les particuliers devaient y être soumises. La jurisprudence a eu l'occasion de répondre, comme elle l'a fait s'agissant du respect de l'intimité de la vie privée, que « les juges répressifs ne peuvent écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante (Cass. crim., 26 avril 1987, B.C., n° 173 et v. 11 février et 23 juillet 1992, et V. 6 avril 1993). Une telle position pourrait être comprise si elle devait être interprétée comme interdisant au juge, en application du principe de liberté de la preuve, de déclarer

nous soutenons entièrement l'avis de Mme Michèle-Laure Rassat parce que tous les arguments présentés par la chambre criminelle de la Cour de cassation française sont en réalité

508

illogiques, exagérés, ou contradictoires

. La chambre criminelle de la Cour de cassation

120

française se réfère toujours à l'argument basé sur l'absence d'une disposition législative permettant au juge expressément d'écarter des débats un élément de preuve obtenu à l'aide de procédés déloyaux produits par les parties privées au procès pénal. Compte tenu de ce qui précède, la question se pose de savoir pourquoi réglementer la perquisition et la recherche de preuve dans le Code de procédure pénale et sanctionner la preuve déloyale obtenue par les autorités publiques, si les parties privées peuvent exercer en toute liberté la même tâche (selon la logique de la Cour de cassation) afin de produire et rechercher les preuves dans le procès

509

pénal sans aucune base légale et juridique ?Il est indéniable que la souplesse dans l'application du principe de loyauté de la preuve envers les parties privées contribue sérieusement au déclin du principe de loyauté face à l'émergence progressive du rôle des parties privées dans la recherche de la preuve en matière pénale.

irrecevable une preuve produite par le particulier, dont la juridiction ne doit qu'ultérieurement, sur le fondement du principe de la légalité, apprécier le bien-fondé et la légalité. Une autre interprétation, que l'arrêt paraît permettre, reviendrait à admettre qu'un particulier puisse, dans un État de droit, se constituer illégalement une preuve et la produire valablement en justice, sans que la juridiction saisie ne doive relever l'illégalité commise ».

508V. sur ce point : L. Collet-Askri, « La Chambre criminelle valide le testing comme mode de preuve, serait-il déloyal... à propos de l'arrêt du 11 juin 2002 », in D., 2003. pp. 1309 et s., V. spec. n°17 : Selon Mme Laurence Collet-Askri «Le principe du contradictoire et celui de l'intime conviction des juges sont souvent invoqués pour justifier cette jurisprudence... Ces arguments n'emportent pas la conviction d'une partie de la doctrine qui considère que les principes du contradictoire et de l'intime conviction des juges viennent s'ajouter au principe de loyauté et n'ont pas pour objet de le suppléer ».

509 V. M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 257, p. 267 : « Quant à l'argument tiré de l'absence de réglementation des pouvoirs de recherche des particuliers, il constitue toute la négation de la procédure pénale car on ne voit pas pourquoi on se donnerait le mal de réglementer les droits et obligations des agents publics si d'autres qu'eux peuvent obtenir les mêmes éléments de preuve sans respecter aucune des règles ou restrictions qui leur sont imposées, à eux : quel est l'intérêt de réglementer les perquisitions publiques si les particuliers sont autorisés à voler les éléments qui devraient être saisis ? ».

121

Section II

Duel ou affrontement entre respect de la loyauté et
efficacité dans la recherche des preuves

79. Équilibre entre efficacité et loyauté. La procédure pénale doit garantir à l'enquête pénale toute son efficacité en assurant un équilibre entre l'efficacité de l'enquête d'une part et, d'autre part, les droits de la défense, les droits des victimes et toutes les qualités du procès équitable en englobant la loyauté et la licéité de la preuve pénale qui sont indispensables pour un procès équitable. La recherche de preuve en matière pénale repose sur le fait de trouver un équilibre entre la protection de la liberté individuelle et la responsabilité de chacun à l'égard de la société d'une part, et, d'autre part la nécessité d'assurer la sécurité et d'améliorer l'efficacité des procédures judiciaires pénales face au développement de l'actualité du phénomène criminel, de la délinquance organisée, surtout en ce qui concerne le terrorisme en général et le blanchiment d'argent terroriste ou de la délinquance économique et financière, de

510

la fraude aux intérêts mêmes de la communauté. Mais certains auteurs pénalistes considèrent que les conditions du succès ou de l'efficacité de l'administration de la preuve pénale sont très incompatibles avec la sauvegarde de la liberté individuelle et la protection de

. En effet, la règle générale de la loyauté s'impose en matière

la vie privée qui sont en duel511

de preuve pénale. Cette règle trouve son application en matière de preuve parce que la fin judiciaire de la preuve ne pourrait justifier les moyens normalement prohibés par le principe

510 V. K. Constant Katouya, Réflexions sur les instruments de droit pénal international et européen de lutte contre le terrorisme, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, n° 178, p. 107 : « Afin de rester fidèle aux principes de l'État de droit, il importe que tous les mécanismes conjugués dans le cadre d'une stratégie globale et intégrée de lutte contre le terrorisme respectent sans laisser place au compromis, les droits civils et politiques consacrés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et dans les autres instruments universels relatifs aux droits de l'homme et à la lutte contre le terrorisme ».

511 D. Thomas et al., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. p. 120 : « L'amélioration du système d'administration de la preuve pénale repose sur la mise en exergue de la finalité du procès pénal et la place conséquente accordée à la preuve dans ce contexte. En tant qu'élément substantiel, fondement de tout processus pénal, l'amélioration du système de preuve pénale doit veiller à renforcer la protection individuelle mais également l'efficacité de la répression » ; V. encore : L. Kennes, La preuve en matière pénale, op. cit., V. spec. la préface de M. Benoit Dejemeppe : M. Benoit Dejemeppe remarque encore ce duel, dans la préface du livre « La preuve en matière pénale » de Laurent Kennes M. Benoit Dejemeppe écrit : « La justice pénale est tiraillée entre les exigences d'une société démocratique qui place les droits de l'homme, et donc la légitimité, au coeur de son fonctionnement et les nécessités de la répression qui fait la part belle à l'efficacité alors que jamais la fin ne peut justifier les moyens ».

122

général de loyauté dans la recherche de preuve. Cependant, une des vraies raisons du déclin de la loyauté en matière de preuve pénale la nécessité de renforcer l'efficacité de la procédure pénale afin de faciliter la recherche de la preuve par des procédés déloyaux de certaines catégories d'infractions mais sous couverture légale. Ces règles de procédure vont tendre à

512

l'amélioration de l'efficacité de la justice répressive dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et en général contre la délinquance liée aux bandes organisées.

Le premier paragraphe porte sur le principe selon lequel la fin ne justifie pas les moyens. Certains considèrent que le principe de loyauté connaît un déclin remarquable. Le deuxième paragraphe porte sur le principe opposé selon lequel la fin justifiant les moyens.

§ 1. La fin ne justifiant pas les moyens.

80. La recherche de la vérité n'est pas à tout prix. Selon l'éthique kantienne, la fin ne justifie jamais les moyens. Ainsi, la recherche de la vérité ne doit pas se faire par n'importe

513

quel moyen. Dire que la fin ne justifie pas les moyens signifie que parvenir à une bonne fin

514

ne justifie pas tous les moyens pour apporter la preuve . La recherche de la vérité est toujours le principal objectif du procès pénal d'où la preuve est donc sans doute l'élément essentiel du procès. Malgré l'importance de rechercher la preuve dans le procès pénal, cette fin ne justifie pas et ne doit jamais justifier l'emploi de n'importe quels moyens dans

l'administration de la preuve, c'est-à-dire sa recherche et son recueil515. On comprend, d'après ce qui précède, que certains modes de preuve ne seront pas admis en justice, la loyauté dans la

512 V. sur l'origine du terme terrorisme : É. Robert, L'État de droit et la lutte contre le terrorisme dans l'Union européenne. Mesures européennes de lutte contre le terrorisme suite aux attentats du 11 septembre 2001, Thèse de droit, Université Lille 2, 2012, p. 39 : « Le terrorisme est une appellation d'origine française, ainsi que ses dérivés comme le verbe terroriser ou le mot terroriste. Le vocable terrorisme a été repris dans les autres langues sous la forme, par exemple, de «terrorismo» en italien ou bien de «terrorism» en anglais ».

513 V. en ce sens : F. El hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 162 : « La loyauté impose que la preuve ne soit pas obtenue par n'importe quel moyen, notamment par le biais de manoeuvres ».

514 V. sur loyauté : Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université, Université Montesquieu Bordeaux IV, 2011, n° 532, p. 355 : « ce principe exige globalement une attitude honnête, sincère et conforme au droit dans la recherche de la preuve » ; « De manière générale, toute preuve obtenue au moyen d'un procédé déloyal doit être déclarée irrecevable par le juge ».

515 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 876, p. 709 : « La lutte contre le crime commande, pense-t-on, que tous moyens soient mis en oeuvre pour le faire apparaître et le punir. A certaines périodes de l'histoire, il a assurément été admis que la fin (légitime) pouvait justifier les moyens (illégitimes). Mais depuis longtemps déjà, il est considéré que les pratiques doivent être conformes aux principes généraux du droit, en vigueur à un moment déterminé ».

recherche de la preuve interdit strictement l'utilisation de procédés déloyaux. Il s'agit de moyens de preuve déloyaux comme la tromperie dans l'administration de la preuve pénale. Dans un État de droit comme au Liban et en France, la recherche et le recueil des éléments de preuve du procès pénal doivent être loyaux d'où la prohibition des machinations, artifices et

stratagèmes

516

. Au Liban M. Elias Abou-Eid affirme que défendre les intérêts de la société,

123

l'ordre public et l'application de la loi n'autorise pas d'apporter la preuve de l'infraction alléguée ou de l'existence de l'infraction par tous moyens en appliquant la règle « la fin justifie les moyens » parce que les règles concernant la preuve pénale et la méthode pour obtenir une preuve sont des règles de nature substantielle protégées par la Charte internationale des droits

517

de l'homme, le droit constitutionnel et le Code de procédure pénale libanais. Le principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale impose aux acteurs de la procédure pénale d'agir honnêtement, sans tromperie dans la constitution de la preuve et sans avoir recours à des ruses, à des stratagèmes et à des artifices.

A. La tromperie dans la constitution de la preuve.

81. Recours au stratagème et ruses. L'absence de moralité dans l'administration de la preuve pénale est illustrée par l'emploi des ruses et stratagèmes mais si la justice doit

. L'ancienne

518

rechercher la vérité, elle doit le faire de manière honnête, franche et vraie

doctrine pénale autorise la recherche de preuve à tout prix afin d'obtenir l'aveu en considérant que l'aveu est la reine des preuves du monde judiciaire surtout en matière pénale. Cependant, à la différence des anciens auteurs qui autorisaient les ruses et les pièges pour obtenir l'aveu, les

519

auteurs modernes proclament la loyauté comme un devoir du magistrat qui recherche la

516 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 414, p. 359 : « Il se peut d'abord que le policier ou juge d'instruction se fasse passer pour un tiers, ce qui peut conduire le suspect à dire des choses qu'il n'aurait pas dites sans ce subterfuge. On cite toujours l'affaire du juge Vigneau qui, pour renforcer ses soupçons contre l'inculpé Wilson, était entré en contact téléphonique avec un complice, en faisant croire à ce dernier qu'il était Wilson ».

517 E. Abou-Eid, La théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 183, p. 292.

518 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, Préface de Henri-D. Bosly, p. 15 : « l'idéal de justice ne pourrait se satisfaire d'une vérité pervertie par la tromperie ».

519 V. en ce sens : B. Bouloc, « Les abus en matière de procédure pénale », in Revue de science criminelle, 1991, p. 221 : « Mais est-il possible de faciliter la constatation d'une infraction en ayant recours à une ruse ou à un artifice ? En ce qui concerne le juge d'instruction, la réponse est précise : les principes généraux de notre procédure pénale prohibent formellement les ruses... ».

520

vérité . Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve a pour objet essentiel

124

d'interdire l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes qui vise à réunir des

521

éléments de preuve. En matière de preuve pénale, la notion de loyauté joue un rôle essentiel pour prohiber et exclure l'usage de certaines méthodes qui sont qualifiées comme de tromperie

522

dans la recherche de la preuve pénale. La jurisprudence française l'appréhende comme tout moyen destiné à tromper le délinquant potentiel et elle revêt concrètement la forme d'une

. En effet, le principe de loyauté dans la recherche des preuves a pour

523

provocation policière

objet principal d'interdire à celui qui administre la preuve l'emploi de procédés déloyaux, de

524

ruses ou de stratagèmes. Certains auteurs pénalistes considèrent le stratagème comme une procédure qui vise à la recherche de preuve en utilisant un camouflage ou qui consiste à se

525

dissimuler pour une observation passive de la commission du délit. Certes, la liberté dans la recherche de la preuve ne permet pas aux enquêteurs et juges l'utilisation de stratagèmes

526

. La

déloyaux parce qu'en général le principe de loyauté prohibe les artifices et stratagèmes

527

rusen'est pas illicite si elle est seulement destinée à recueillir la preuve d'une infraction sans qu'elle soit une intervention ou un fait positif de provocation à commettre l'infraction. On

520 G. Vidal, Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, 2e éd., Libraire nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau Editeur, Paris, 1902, n° 748, p. 780 ; V. J. Carbonnier, Droit civil, Introduction, 27ème éd., P.U.F., Thémis, 2002, n° 188, p. 375 :« si les coups bas sont interdits, les simples ruses de guerre ne le sont pas ».

521 V. J. Buisson, « Contrôle de l'éventuelle provocation policière : création d'un site pédo-pornographique un policier, même étranger », in R.S.C., 2008 p. 663 : « On sait que ce principe de la loyauté dans la recherche des preuves, qui a pour objet d'interdire, dans l'administration de la preuve, l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes... ».

522 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109 : « La notion de loyauté présente un intérêt direct pour notre matière. C'est à elle que la doctrine et la jurisprudence font généralement appel pour repousser l'usage de certains moyens de preuve, notamment lorsqu'ils sont entachés de tromperie ».

523 G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, pp. 153 et s.

524 J. Buisson, « Principe de loyauté dans la recherche des preuves et constat des infractions », note sous Cass. Crim., 6 mai 2002, in R.S.C., 2003, pp. 393 et s.

525 M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « le stratagème consistant à se dissimuler pour une observation passive de la commission du délit est considéré comme loyal, que cette dissimulation résulte d'un jeu de rôle ou du recours à une cache ».

526 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.) : « Cette liberté de la preuve pour le Juge et pour les enquêteurs qu'il a désignés est atténuée par le principe de loyauté qui lui interdit l'utilisation de stratagèmes déloyaux ».

527 V. sur la distinction entre provocation et ruse : J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 76 : « Alors que la provocation est antérieure à la perpétration de l'infraction et en est facteur déclenchant, la ruse lui est postérieure et n'est qu'un révélateur du délit ».

528

parle alors de provocation à la preuve. La ruse n'est pas interdite, elle est admise sous certaines conditions afin d'accroître l'efficacité dans la recherche de preuves relatives aux

529

crimes graves.

82. L'usage de la tromperie dans la recherche de preuve. Traditionnellement, la procédure de rassemblement des preuves et la recherche des auteurs d'infraction doivent être exemptes

530

de toute sorte de tromperie. La tromperie531 dans la recherche de preuve532 désigne des comportements non conformes au principe de la loyauté et qui constituent une sorte de déviance judiciaire ou policière qui mérite d'être sanctionnée par l'écartement des débats ou

533

l'inadmissibilité. La recherche de la preuve en matière pénale doit revêtir un certain degré

d'honnêteté et de transparence qui s'impose par le principe de la loyauté de preuve

534

. Il est

125

bien remarquable que la doctrine française consacre une place importante au problème de la tromperie en matière de preuve pénale. Au contraire, la doctrine libanaise abandonne ce problème et ne consacre pas d'étude pouvant clarifier les limites de la recherche de preuve

528 V. en même sens : E. Verges, « Provocation policière, loyauté de la preuve et étendue de la nullité procédurale », in AJ Pénal, 2006, pp. 354 et s.

529 V. en ce sens : J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 79 : « Elle est actuellement admise (ruse), dans certaines conditions, pour combattre la criminalité organisée, car très souvent les malfaiteurs ne peuvent être découverts et identifiés que si une occasion de commettre une infraction leur est offerte ».

530 V. Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, Préface de Henri-D. Bosly, p. 15 : « Entreprendre l'étude de la tromperie dans l'administration de la preuve pénale peut surprendre, à première vue. En effet, selon une vue traditionnelle, la recherche de la vérité doit être dépourvue de toute tromperie ».

531 R. Garraud, Précis de droit criminel, 11e éd., Recueil Sirey, Paris, 1912, n° 236, p. 430 : « Les machinations ou artifices coupables, ce sont ces fraudes et ces ruses, intrigues, tromperies, qui ont pour but et pour résultat d'amener un tiers à commettre un crime ou un délit ».

532 V. A. Chauveau et F. Hélie, Théorie du Code pénal, 3e éd., Imprimerie et Librairie générale de jurisprudence, Paris, 1852, t. 6, p. 5 : MM. Adolphe Chauveau et Faustin Hélie considèrent que « La tromperie est plus qu'un dol, plus qu'un mensonge; elle suppose l'emploi de ruses et d'artifices... ».

533 H.-D. Bosly, préface in Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000 : « L'étude de la tromperie dans l'administration de la preuve peut apparaître, à première vue, comme incongrue. Vérité et justice ne sont-elles pas intrinsèquement liées. Dans cette perspective, la tromperie ne serait qu'une forme de déviance judiciaire ou policière qu'il conviendrait d'appréhender sous l'angle de l'irrecevabilité des preuves ».

534 V. J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg: « La loyauté qui doit présider au rassemblement des preuves d'une infraction interdit en principe aux autorités de recourir à la ruse et à la dissimulation. La recherche des preuves doit être menée de façon digne et franche, à visage découvert, sans qu'un piège soit tendu au suspect ni qu'un stratagème soit utilisé pour le confondre ».

pendant le procès pénal. En général, est jugée déloyale chaque preuve obtenue par ruse,

stratagèmes, manoeuvres

535

. Par exemple, le fait, pour des policiers de prendre l'initiative de

126

demander à un client de téléphoner à son fournisseur pour une livraison de drogue est considéré selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française comme un artifice ou

un stratagème qui provoque la commission de l'infraction 536 . Bien entendu, certaines limites s'imposent dans l'administration de la preuve pénale, notamment en cas de preuves apportées

537

grâce à l'emploi de la ruse. M. Jacques Buisson souligne qu' « on sait que le principe de la loyauté dans la recherche des preuves a pour objet d'interdire, dans l'administration de la

538

.

preuve, l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes »

B. La loyauté interdisant la provocation policière.

83. La notion de provocation policière. Les provocations sont l'un des moyens

539

utiliséspour arriver à mettre en état une affaire pénale lorsque les techniques habituelles se

535 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 158 et s.

536 V. Cass. crim., 13 juin 1989, B.C., n° 254, p. 634: « Attendu que, selon l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi ; que si les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale permettent au juge d'instruction d'ordonner, sous certaines conditions, des écoutes ou enregistrements d'entretiens téléphoniques, aucune disposition légale n'autorise les officiers de police judiciaire à y procéder dans le cadre d'une enquête préliminaire ;Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'ayant été avisés de ce que Christian Y... se serait livré à un trafic de stupéfiants et aurait eu, notamment, pour client André Z..., les services de police, agissant d'initiative, ont invité Z... à téléphoner à Y... en vue de prendre rendez-vous pour une livraison de drogue et ont enregistré la conversation téléphonique sur radiocassette, dressant ensuite un procès-verbal de cette opération ; qu'à l'heure convenue pour le rendez-vous, les policiers ont pu ainsi pénétrer, à la suite de Z..., dans le domicile de Y..., interpeller les occupants et procéder à perquisition ;Attendu qu'en refusant de prononcer la nullité du procès-verbal relatant l'enregistrement de l'entretien téléphonique, obtenu par artifice ou stratagème, et de tirer les conséquences qui découlaient de cette nullité, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus rappelé ; que son arrêt encourt donc la censure ».

537 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n°156, p. 198. « Le caractère impartial que doit revêtir toute procédure judiciaire répressive (art 6-2 CEDH) impose que la recherche des preuves et leur production devant la justice soient menées avec loyauté... ».

538 J. Buisson, « Constitue une provocation le fait, pour un policier, même étranger, de créer un site pédo-pornographique offert à la connexion des internautes », in Procédures, n° 6, Juin 2007, comm. 147.

539 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 415, p. 361 : «on peut dire que la provocation est le fait pour un policier -ou un agent provocateur à sa solde- d'inciter directement quelqu'un à commettre une infraction par l'emploi de moyens fallacieux comme l'offre d'un avantage, le provocateur agissant le plus souvent par tromperie et en secret (sous couverture) » ; V. M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 258, p. 268 : « La provocation consiste à dissimuler sa qualité pour approcher des délinquants potentiels ou suspectés et constater leurs infractions. ».

540541

révèlent insuffisantes. Aucune définition n'apparaît dans la loi ou dans la jurisprudence

.

Mme Martine Herzog-Evans rappelle que l'utilisation de certaines formes de ruses durant l'activité policière n'est naturellement pas prohibée. De même, ne constitue pas une provocation le fait de surveiller et d'attendre la commission d'une infraction en demeurant

542

caché

543

: c'est là le travail normal du policier. Ce qui est notable et remarquable en matière

de provocation policière est que les ruses sont admissibles de la part de la police judiciaire,

544

tandis que de la part de magistrats, la ruse doit être bannie. Ce qui précède ouvre le débat sur la loyauté de la provocation policière faite par un officier de police judiciaire sur la base d'une commission rogatoire émise par un juge qui n'a pas lui-même le droit de pratiquer la provocation policière. Une autre notion doit être distinguée, c'est la différence entre la provocation à la commission d'une infraction qui doit être interdite et la provocation à la preuve de l'infraction qui doit au moins être encadrée.

84. Loyauté et provocation policière. Le principe de la loyauté dans la recherche des preuves conduit naturellement à s'interroger sur des pratiques telles que la provocation et la

ruse policières ou encore les écoutes téléphoniques

545

. M. Dimitrios Giannoulopoulos souligne

546

. M.

que « ... la provocation policière est aussi un moyen d'enquête qui pose des problèmes considérables du point de vue de l'éthique judiciaire et de la dignité de la justice »

Jacques Buisson affirme cette problématique entre loyauté et provocation « ce principe de la loyauté dans la recherche des preuves sous-tend, en quelque sorte, la question de la

provocation policière »

547

. Provoquer est l'action de pousser une personne à commettre une

127

540 W. Lubin, Libertés individuelles et police en droit Américain et Français, Thèse en droit, Université Montpellier 1, 1996, p. 156.

541 V. sur la nécessite de s'accorder sur la notion de la provocation : F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008,in JCP G, n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 : « Prohiber abstraitement la provocation à l'infraction par référence au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable n'est que la première étape du raisonnement. Il faut ensuite s'accorder sur la notion de provocation à l'infraction. La chambre de l'instruction, non plus que la chambre criminelle, ne donnent de définition de la notion de provocation à l'infraction ».

542 Cass. crim., 22 avril 1992, B.C., n° 169, p. 441.

543 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 159 et s.

544 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n° 156, p. 198.

545 J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 75.

546 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 275.

547 J. Buisson, « Pour caractériser une provocation policière, il faut démontrer que le policier a déterminé la commission de l'infraction. Le juge peut prescrire tous actes utiles à la manifestation de la vérité », in Procédures, n° 4, Avril 2000, comm. 106.

548

infraction

549

. En principe, la provocationest nommée policière parce qu'elle est exercée

550

largement par les policiers

. Il est indispensable de développer des critères stricts pour

128

différencier et distinguer la provocation à la preuve qui est en accord avec le principe de loyauté, de la provocation à la commission d'une infraction qui est strictement prohibée parce qu'elle constitue un procédé non respectueux du principe de loyauté dans la recherche de la

551

preuve . Il est indéniable que certaines investigations ne peuvent être efficaces que si elles sont dissimulées aux personnes qu'elles concernent. Leur réalisation exige le secret, leur

552

réussite suppose la clandestinité, du moins dans un premier temps.

85. Provocations policières ordinaires. MM. Roger Merle et André Vitu évoquent l'idée des provocations policières ordinaires ou habituelles qui ne posent pas la question de loyauté

553

dans la recherche de preuve. Il est évident que certaines provocations policières donnent matière à douter de la régularité et de la loyauté de cette méthode dans la recherche de preuve, notamment son caractère dolosif, le dol étant une manoeuvre frauduleuse destinée à

. La provocation est déloyale lorsqu'elle provoque l'infraction en soi, mais elle est

554

tromper

548 V. F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008,in JCP G, n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 : « Provoquer à la commission d'une infraction, c'est inciter une personne à commettre une infraction qu'autrement elle n'aurait pas commise ».

549 V. sur la provocation : B. Shamloo, La provocation en droit pénal français et iranien, Thèse de droit, Université Montpellier I, 2000.

550 V. sur la définition de la provocation policière : A. Jacobs, « La loi du 6 janvier 2003 concernant les méthodes particulières de recherche et quelques autres méthodes d'enquête », in Rev. Dr. ULg., 2004/1, Doctrine, pp. 15-69, V. spec. p. 27 : « De manière générale, la provocation policière peut être définie comme étant un moyen de nature soit à faire naître chez l'auteur l'idée et la volonté de commettre le délit, soit à renforcer à cette fin la volonté déjà présente, dans une mesure telle que la personne commette effectivement l'acte, soit à confirmer son intention criminelle alors que l'auteur veut y mettre fin »

551 C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 252, pp. 178-179 : « La question qui se pose ici tout particulièrement est celle des provocations policières, notamment lorsque le policier se fait passer pour un délinquant afin d'obtenir la preuve. Si la Cour de cassation tolère la provocation à la preuve, la provocation à l'infraction n'est en principe, sauf exceptions légales strictes, jamais admise. ».

552 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg.

553 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n°157, p. 198 : « On ne peut parler de procédé déloyal lorsqu'un policier, dissimulé derrière un meuble ou dans une pièce voisine, se borne à constater une infraction de corruption au moment où elle se commet, ou lorsque, se faisant passer pour un client quelconque, il s'adresse à un trafiquant de stupéfiants qu'il soupçonne : aucune pression ne s'exerce sur le coupable pour l'incliner à l'infraction ; le policier se contente de constater le développement psychologique et matériel d'un processus infractionnel dans lequel la décision de commettre l'infraction demeure entièrement libre : le piège tendu n'est pas la cause de l'infraction, qui aurait été commise sans lui ».

554 W. Lubin, Libertés individuelles et police en droit Américain et Français, Thèse en droit, Université Montpellier 1, 1996, p. 160.

admise quand elle provoque la preuve d'une infraction préexistante

555

. La provocation

policière objective mettant en cause une conduite irrégulière de la police doit être sanctionnée pénalement. La provocation policière caractérise une double violation : du principe de loyauté

dans l'administration de la preuve et du droit au procès équitable

556

. La provocation à la

commission d'une infraction se traduit lorsque l'officier de police judiciaire, par des

557

.

sollicitations, amène l'intéressé à commettre l'infraction

C. La distinction entre différentes catégories ou différents types de provocations.

86. Les problèmes de la qualification juridique relative à la provocation à l'infraction. Parler de la qualification, c'est poser le problème de la nature de la preuve par provocations

558

policières. En principe, la provocation à l'infraction est déloyale

559

parce que tout

129

simplement la provocation à commettre une infraction est en soi même une infraction. En effet, il y a là une contradiction qui saute immédiatement à l'esprit. On peut remarquer directement qu'il s'agit d'un problème qui concerne le droit pénal en sens strict non pas la procédure pénale, il faut résoudre le problème de la preuve obtenue à la faveur d'une provocation policière au lieu de faire une distinction entre, d'une part, la provocation à la commission d'une infraction qui est considérée comme illégale et en même temps est un comportement strictement interdit par la loi pénale et, d'autre part, la provocation à la preuve. La provocation à la commission d'une infraction ne cesse de poser des difficultés aux

555 M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s.

556 V. Cass. crim., 9 août 2006, B.C., n° 202, p. 721: « Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus ».

557 G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail , « Droit pénal juin 2006 - novembre 2006 », in D., 2007, pp. 399 et s.

558 V. Cass. crim., 5 mai 1999, Gaz.Pal., 1999, II Chr.crim. 128 : « La provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le prévenu de sa responsabilité pénale, lorsqu'elle procède de manoeuvres de nature à déterminer les agissements délictueux, portant ainsi atteinte au principe de la loyauté des preuves ».

559 V. sur la provocation : M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « Il convient de préciser le sens de ce mot, qui, au premier abord, évoque l'outrance. Il s'est déduit d'une jurisprudence constante une distinction tenant à la portée réelle de l'action policière : la provocation est déloyale lorsqu'elle provoque l'infraction en soi, mais admise quand elle provoque la preuve d'une infraction préexistante. Dans ce cadre, deux comportements policiers peuvent être distingués : l'observation passive de la commission d'une infraction (suivie de son signalement) et un rôle plus actif dans la révélation de l'infraction ».

magistrats soucieux de concilier les nécessités de la recherche des infractions avec le principe

560

de loyauté dans cette recherche. Ce que n'admet pas la jurisprudence de la Cour de cassation française, c'est la provocation à la commission d'infractions qui, sans l'intervention

561

des policiers, ne se seraient pas produites

. Mme Michèle-Laure Rassat résume les solutions

130

retenues en droit positif français en matière des provocations policières par la formule suivante : « il y a provocation illégitime lorsque les policiers font commettre une infraction à quelqu'un qui n'en avait pas l'intention ; il y a procédure régulière pour un policier même à participer à un projet d'infraction (en se déclarant intéressé par elle, par exemple) du moment

562

qu'il n'y a pas de pression sur le délinquant pour qu'il passe à l'acte ». Selon M. Didier Guérin: « Un principe essentiel est celui selon lequel le juge d'instruction doit rassembler les preuves de manière loyale, ce qui exclut notamment toute provocation policière à commettre

563

l'infraction ». Ainsi, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française, « porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique, en l'absence d'éléments antérieurs permettant d'en soupçonner l'existence. La déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de

564

commission ». La chambre criminelle de la Cour de cassation française utilise le visa de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe de loyauté des preuves et de l'article préliminaire du CPP français pour prohiber la provocation à

. La chambre criminelle a étendu cette solution à l'hypothèse dans laquelle la

565

l'infraction

560 J. Pradel, « Procédure pénale janvier 2006 - décembre 2006 », in D., 2007, pp. 973 et s.

561 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 159 et s.

562 M.-L. Rassat, «Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

563 D. Guérin, « Un an d'instruction préparatoire. - Octobre 2007 - octobre 2008 », in Droit pénal, n° 1, Janvier 2009, chron. 1. Spec. n° 8.

564 Cass. crim., 4 juin 2008, B.C., n° 141.

565 V. Cass. crim., 9 août 2006, B.C., n° 202, p. 721: « Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves ; Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus. N'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations la chambre de l'instruction qui, tout en relevant que deux individus avaient été interpellés en flagrance alors qu'ils perpétraient de concert un vol dans un véhicule que l'un deux avait été provoqué à commettre par un fonctionnaire de police qui lui avait proposé de stationner, à proximité du lieu où des personnes suspectées de commettre ce type de délits se réunissaient, un véhicule dans lequel était disposé en évidence un téléphone portable et une sacoche d'ordinateur et qui lui avait remis une somme d'argent pour lui permettre de leur offrir une consommation afin de les attirer à proximité dudit véhicule, énonce que l'intéressé a

provocation est le fait d'un agent d'une autorité étrangère

566

c'est-à-dire même si cette

567

.

provocation est commise par la police étrangère

87. Une application souple du principe de la loyauté. La doctrine pénale française recourt toujours à la distinction entre provocation à l'infraction et provocation à la preuve. Une souplesse et une tolérance remarquable paraît quand il s'agit de la provocation à la preuve qui est admise comme souligne M. Édouard Verny « si la provocation à la preuve est tolérée, la

provocation policière à l'infraction est interdite. »

568

. Pour M. Patrick Maistre du Chambon :

131

« la véritable question consiste à déterminer la portée réelle des provocations. Et d'autres termes, ces provocations ont-elles eu pour résultat la commission de l'infraction ou bien se proposent-elles plus simplement de rassembler les preuves d'une infraction déjà commises ou sur le point de l'être ? C'est à cette conception des choses que se réfère très nettement la

569

Chambre criminelle dans un certain nombre de décisions ».

La question qui se pose est de savoir ce qu'il reste du principe de loyauté si la chambre criminelle de la Cour de cassation française restreint le champ d'application du principe de loyauté dans le domaine de la provocation policière. Est-il normal de limiter le champ d'application du principe de loyauté aux cas de provocation à la commission d'infraction par les acteurs de la provocation policière, qui est en soi considérée comme une infraction ? Il faut rappeler que les critères concernant la prohibition de la provocation policière retenus par la jurisprudence de la Cour de cassation française pour qualifier l'acte déloyal en matière de preuve est contraire à l'esprit du principe de loyauté dégagé de l'affaire Wilson en 1888 qui a

commis le vol de sa propre initiative et que le but de la mise en scène policière n'était pas de le provoquer à l'infraction mais seulement d'établir la preuve de son implication dans les faits ».

566 Intervention de Mme R. Koering-Joulin, La chambre criminelle garante du droit à un procès équitable, lors du colloque du 3 mai 2010. Disponible en ligne sur le site officiel de la Cour de cassation française : http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2010_3159/koering_joulin_16280.html

567 V. Cass. crim., le 7 février 2007, B.C., n° 37, p. 241 : « Porte atteinte, notamment, au principe de la loyauté des preuves, la provocation à la commission d'une infraction par un agent public étranger, en l'espèce un service de police new-yorkais, réalisée par un site pédophile créé et exploité par ce dernier aux fins de découvrir tous internautes pédophiles, dès lors qu'un individu, inconnu des services de police français, a fait l'objet de poursuites en France du chef d'importation, détention et diffusion d'images pornographiques de mineurs après que les autorités américaines eussent informé les autorités françaises de ce que l'intéressé s'était connecté sur le site» ; V. Cass. crim., 11 mai 2006, B. C., n° 132, p. 482 : « que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable la commission à la provocation d'une infraction par un agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire; que la déloyauté de pareil procédé rend irrecevable en justice les éléments de preuve ainsi obtenus ».

568 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 31, p. 23.

569 P. Maistre Du Chambon, « la régularité des provocations policières : l'évolution de la jurisprudence », in J.C.P G., 1989 I 3422.

permis de construire ce principe sur la base de l'interdiction de la provocation policière dans la recherche de preuve sans aucune condition de pousser le délinquant à la réalisation d'une

570

infraction

. Selon le principe de la loyauté dans la recherche de preuve pénale qui s'est

132

dégagé de l'arrêt de principe Wilson, la provocation à la preuve est condamnée directement et sans faire aucune distinction ou comparaison avec la provocation à la commission d'une infraction. D'après la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation

571

française , le procédé (le mensonge policier) doit seulement servir à faire apparaître la

572

preuve d'une infraction qui se serait de toute façon commise sans leur intervention. La chambre criminelle de la Cour de cassation française distingue en effet la «provocation à la

573

preuve» admissibleparce qu'elle se limite à rassembler des preuves d'une infraction déjà commise ou sur le point de l'être, de la «provocation au délit » qui détermine l'individu à la

574

commission même d'une infraction. La position de la Cour de cassation en la matière, qui restreint le champ d'application du principe de loyauté, est critiquable et elle mérite d'être modifiée parce qu'elle contribue au déclin du principe de loyauté dans la recherche de preuve.

88. La position restrictive de la Cour de cassation française en matière de trafic de stupéfiants. La chambre criminelle de la Cour de cassation française adopte une conception

575

restrictive de la provocation en matière du trafic de stupéfiantssous couvert de l'article 706-

570 V. P. Maistre Du Chambon, « la régularité des provocations policières : l'évolution de la jurisprudence », in J.C.P G., 1989, I (3422) : « à l'occasion de poursuite pour trafic de stupéfiants au cours desquelles un policier s'était fait passer lui-même pour un trafiquant, la haute juridiction confirme la condamnation en considérant que l'intervention policière n'a en rien déterminé les agissements délicieux du délinquant mais qu'elle a eu pour seule conséquence de permettre la constatation des infractions déjà commises et d'en arrêter la continuation (Cass. crim., 2 mars 1971, B.C., n° 71). La même motivation est reprise en partie par un arrêt de la chambre criminelle du 2 oct. 1979 (Cass. crim., 2 octobre 1979, B.C., n°266) ».

571 Cass. crim., 17 octobre 1991 et 27 février 1996.

572 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 253, p. 179.

573 V. sur la provocation : M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « Il convient de préciser le sens de ce mot, qui, au premier abord, évoque l'outrance. Il s'est déduit d'une jurisprudence constante une distinction tenant à la portée réelle de l'action policière : la provocation est déloyale lorsqu'elle provoque l'infraction en soi, mais admise quand elle provoque la preuve d'une infraction préexistante. Dans ce cadre, deux comportements policiers peuvent être distingués : l'observation passive de la commission d'une infraction (suivie de son signalement) et un rôle plus actif dans la révélation de l'infraction ».

574 Ch. Guéry, « Ecoutes téléphoniques et participation policière », Note sous Cass. Crim., 27 février 1996, B.C., 1996, n°93, p. 273, in D., 1996, pp. 346 et s.

575 V. J. Buisson, « Est valide le constat d'une infraction opéré sans ruse ni stratagème ni provocation », in Procédures, n° 4, Avril 2008, comm. 126: « en matière du trafic de stupéfiants, la chambre criminelle a adopté une conception restrictive de la provocation, en admettant que le policier se présente valablement comme acheteur de stupéfiants ; mais elle a pris soin de souligner que l'activité du trafiquant ainsi sollicité devait préexister à la proposition d'achat du policier ».

133

81 du CPP français qui donne légalement la possibilité de recourir à l'infiltration pour faciliter l'obtention des preuves du trafic de stupéfiants. Même avant l'adoption de l'article 706-81, un arrêt rendu le 2 mars 1971 a jugé que l'intervention d'un policier se présentant comme

576

acheteur de stupéfiants ne constitue pas une provocation à la commission d'une infraction: « La circonstance qu'un fonctionnaire de police s'est fait passer pour un acheteur éventuel d'opium ne saurait faire obstacle à la condamnation d'un individu appartenant à une organisation internationale de trafiquants de stupéfiants, dès lors qu'il est constaté par les juges du fond que l'intervention de ce fonctionnaire n'a en rien déterminé les agissements délictueux du prévenu, mais a eu seulement pour effet de permettre la constatation

577

d'infractions déjà commises et d'en arrêter la continuation ». L'article 706-81 du CPP

, à l'autorisation et au contrôle du

578

français constitue la base légale du recours à l'infiltration

579

procureur de le République ou du juge d'instruction. L'alinéa 2 de l'article 706-81 du CPP français est d'une formulation stricte en précisant que les actes d'infiltration ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions. À notre avis, l'application de cet article et la jurisprudence de la chambre criminelle concernant la provocation en matière de trafic de stupéfiants ne font pas réellement une distinction entre provocation à la preuve et provocation à la commission d'une infraction comme le fait habituellement la juriprudence de cette chambre hors le cas du trafic de stupéfiants. La chambre criminelle qualifie la provocation à la preuve en matière de trafic de stupéfiants en imposant une condition stricte qui nécessite que l'activité des trafiquants de stupéfiants existe avant les propositions d'achat de la part du

576 V. Cass. crim., 2 octobre 1979, B.C., n° 266, p. 722: « La circonstance qu'un fonctionnaire de police étranger et un indicateur se sont présentés comme des acheteurs éventuels de stupéfiants ne saurait faire obstacle à la condamnation d'individus appartenant à une organisation de trafiquants dès lors que les juges du fond constatent que cette circonstance n'a pas été déterminante des infractions retenues et qu'elle a eu pour seul effet de permettre la constatation d'une activité délictueuse qui existait et d'en arrêter la continuation ».

577 Cass. crim., 2 mars 1971, B.C., n° 71, p. 183.

578 L'infiltration consiste selon le texte de l'article 706-81 du CPP français : « L'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. L'officier ou l'agent de police judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés à l'article 706-82. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions ».

579 L'article 706-81 du CPP français dispose : « Lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 le justifient, le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, le juge d'instruction saisi peuvent autoriser qu'il soit procédé, sous leur contrôle respectif, à une opération d'infiltration dans les conditions prévues par la présente section ».

134

580

policier. Cette condition imposée par la chambre criminelle constitue une couverture légale permettant d'éviter la qualification de cette procédure de provocation à la commission d'une infraction organisée par les autorités parce qu'en réalité elle constitue à notre avis le standard, du point de vue procédural, d'une provocation flagrante et claire à la commission d'une infraction.

89. La provocation policière à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour européenne des droits de l'homme opère une distinction entre les infiltrations permises et les provocations qui sont attentatoires au droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1er de la Convention EDH. Dans l'arrêt Teixeira de Catro c/ Portugal rendu le 9 juin 1998, la Cour européenne des droits de l'homme a reconnu explicitement que l'exigence de loyauté en matière de provocation entre dans le champ d'application de l'article 6, § 1, de la Convention et donc fait partie des garanties du droit au procès équitable « Le respect du principe de loyauté entre dans les garanties du procès équitable. Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que viole l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme une condamnation pour trafic de drogue fondée essentiellement sur les déclarations de deux policiers dont l'intervention a provoqué

581

l'infraction ». D'abord, il faut prendre en compte que la Cour européenne des droits de l'homme rappelle à plusieurs reprises sa formule classique : « la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles de droit interne, et [qu'] en principe il revient aux

582

juridictions nationales d'apprécier les éléments recueillis par elles ». Elle ajoute que le rôle de la Cour est limité exclusivement au contrôle et à l'appréciation de la procédure dans son ensemble, englobant le mode de présentation des moyens de preuve au regard l'article 6 relatif

580 Cass. crim., 22 juin 1994, B.C., n° 247, p. 592: « Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus qui invoquaient l'excuse de provocation et contestaient la régularité de la procédure, tant au regard des articles 12 et suivants du Code de procédure pénale que du principe de la loyauté des preuves, l'arrêt confirmatif retient, d'une part, qu'il résulte des débats que l'intervention de la police a eu lieu dans un contexte préexistant de trafic, dont l'un des opérateurs, X..., rouage important de l'organisation, était déjà connu, ce que devait confirmer la rapidité avec laquelle un autre participant, Y..., avait pu recueillir 350 kilos de cocaïne presque pure ; que les faits ne révèlent aucune machination de nature à annihiler la volonté des prévenus, ceux-ci s'étant procuré un avion pour assurer le transport de la drogue, et Y... s'étant assuré le concours à l'atterrissage d'individus armés; Que les juges relèvent encore qu'eu égard à la personnalité des vendeurs et à l'objet du trafic, la forme prise par l'initiative de la police était sans influence sur la validité de l'enquête, dès lors que la recherche et l'établissement de la vérité ne s'en étaient pas trouvés fondamentalement viciés, ni la défense mise dans l'impossibilité d'exercer ses droits devant les juridictions d'instruction et de jugement ; Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; ».

581 J. Buisson, « Pour caractériser une provocation policière, il faut démontrer que le policier a déterminé la commission de l'infraction. Le juge peut prescrire tous actes utiles à la manifestation de la vérité », in Procédures, n° 4, Avril 2000, comm. 106.

582 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 34.

au droit au procès équitable : « la tâche de la Cour consiste à rechercher si la procédure envisagée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a

revêtu un caractère équitable »

583

. Selon la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, l'exigence

135

générale d'équité des procédures pénales n'est pas compatible avec l'utilisation d'éléments de preuve obtenus à la suite d'une provocation policière comme nous enseigne l'arrêt Edward et Lewis c/ Royaume-Uni rendu le 22 juillet 2003 : « La Cour rappelle que, si la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne, l'exigence générale d'équité des procédures pénales consacrée par l'article 6 implique que l'intérêt public à lutter contre la criminalité ne peut justifier l'utilisation d'éléments recueillis à la suite d'une provocation

584

policière ». Une différence dans l'utilisation des termes juridiques au sujet de provocation apparaît entre la Cour de cassation française et la Cour de Strasbourg. La première utilise les expressions « provocation à la preuve » et « provocation à l'infraction » pour distinguer entre la première admise et la seconde qui est prohibée. En revanche, la Cour de Strasbourg utilise les termes « agents infiltrés » et « provocations policières » pour distinguer la première situation, qui est admise, de la deuxième, qui est prohibée. La Cour européenne des droits de

585

l'homme condamne la provocation policière à la commission d'une infraction, attentive notamment à ce qu'une procédure claire et prévisible d'autorisation encadre l'action policière pour garantir la bonne foi des autorités et le respect de leur mission de défense de la loi (Arrêt

586

Khudobinc/ Russie, 26 oct. 2006, § 135)

. La Cour de Strasbourg tolère la provocation à la

preuve et admet le recours à ce moyen « lorsque la nature de l'infraction peut le justifier »587

588

surtout dans la difficulté de recueillir la preuve de certaines catégories d'infractions, mais à

583 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 34.

584 CEDH, 22 juillet 2003, Edwards et Lewis c/ Royaume-Uni, Requête n° 39647/98 et 40461/98, spec. § 49 ; V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 36: « L'intérêt public ne saurait justifier l'utilisation d'éléments recueillis à la suite d'une provocation policière ».

585 V. sur la provocation policière au regard de la jurisprudence de la cour européenne: A. Philippart De Foy, « La provocation policière devant la Cour européenne des droits de l'homme », obs/s. Cour eur. dr. h., Bannikova c. Russie, 4 novembre 2010, in RTDH, n°88, octobre 2011, pp. 977-990; Ch. De Valkeneer, Commentaire de l'arrêt Ramanauskas c. Lituanie de la Cour européenne des droits de l'Homme et de quelques décisions récentes, in RTDH, n° 77, 1er janvier 2009, pp. 211-225.

586 R. Filniez, « Loyauté et liberté des preuves », Note sous Cass. crim., 31 janvier 2007, n° 06-82.383 et Cass. crim., 7 février 2007, n° 06-87.753 in R.S.C., 2007, pp. 331 et s.

587 V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 35: « Plus particulièrement, la Convention n'empêche pas de s'appuyer, au stade de l'instruction préparatoire et lorsque la nature de l'infraction peut le justifier, sur des sources telles que des indicateurs occultes, mais leur emploi ultérieur par le juge du fond pour justifier une condamnation soulève un problème différent ».

588 V. en ce sens : CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 49: « La Cour souligne d'emblée qu'elle n'ignore pas les difficultés inhérentes au travail d'enquête et d'investigation de la police, chargée de rechercher et recueillir les éléments de preuve des infractions commises. Pour y parvenir, elle

condition qu'elle soit «circonscrite et entourée de garanties»

589

. Le problème c'est que la

136

Cour de Strasbourg utilise une expression vague comme «circonscrite et entourée de

garanties» 590 , qui pose un certain nombre de questions concernant l'étendue et la qualité de ces garanties.

Donc, selon la juriprudence de la Cour de Strasbourg la simple intervention d'un agent infiltré ne constitue pas une violation du droit à un procès équitable, si cette intervention n'est

. Au

591

pas de nature à exercer une influence, à inciter ou provoquer à commettre l'infraction

contraire, la Cour de Strasbourg a jugé qu'il y avait provocation à la commission de l'infraction dans le cas où l'intervention a exercé une influence remarquable et que, sans elle, l'infraction n'aurait pas pu être commise : « la Cour conclut que l'activité des deux policiers a outrepassé celle d'un agent infiltré puisqu'ils ont provoqué l'infraction, et que rien n'indique que, sans leur intervention, celle-ci aurait été perpétrée. Cette intervention et son utilisation dans la procédure pénale litigieuse ont privé ab initio et définitivement le requérant d'un

592

procès équitable. Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1. »et qu' « il y a provocation policière lorsque les agents impliqués - membres des forces de l'ordre ou personnes intervenant à leur demande - ne se limitent pas à examiner d'une manière purement passive

doit recourir de plus en plus souvent, notamment dans le cadre de la lutte contre le crime organisé et la corruption, aux agents infiltrés, aux informateurs et aux pratiques sous couverture ».

589 V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 36: « L'intervention d'agents infiltrés doit être circonscrite et entourée de garanties même lorsqu'est en cause la répression du trafic de stupéfiants. En effet, si l'expansion de la délinquance organisée commande à n'en pas douter l'adoption de mesures appropriées, il n'en demeure pas moins que, dans une société démocratique, le droit à une bonne administration de la justice occupe une place si éminente (arrêt Delcourt c. Belgique du 17 janvier 1970, série A n° 11, p. 15, § 25) qu'on ne saurait le sacrifier à l'opportunité. Les exigences générales d'équité consacrées à l'article 6 s'appliquent aux procédures concernant tous les types d'infraction criminelle, de la plus simple à la plus complexe ».

590 Par exepmle : CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 53: « Toutefois, l'emploi ultérieur de telles sources par le juge du fond pour fonder une condamnation soulève un problème différent et n'est acceptable que s'il est entouré de garanties adéquates et suffisantes contre les abus et notamment d'une procédure claire et prévisible pour autoriser, exécuter et contrôler les mesures d'investigation dont il s'agit ».

591 V. en ce sens : CEDH, 7 septembre 2004, Eurofinacom c/ France, Requête n° 58753/00 : « Bref, s'il est vrai que les policiers enquêteurs ont provoqué l'offre prostitutionnelle qui leur a été personnellement faite le 30 décembre 1996 sur « 36-15 ALINE », ils n'ont pas à proprement parler incité à la commission des faits de proxénétisme qui ont fondé la condamnation de la société requérante, qui revêtaient un caractère permanent et étaient le fait, non des prostituées, mais, par définition, de la société requérante. Celle-ci ne saurait donc se plaindre à cet égard d'une méconnaissance de l'article 6 § 1 de la Convention ».

592 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 39 ; V. encore spec. § 38: « Aucune preuve n'alimente la thèse du Gouvernement selon laquelle le requérant avait une propension à commettre des infractions. De ces circonstances, il faut déduire que les deux policiers ne se sont pas limités à examiner d'une manière purement passive l'activité délictueuse de M. Teixeira de Castro mais ont exercé une influence de nature à l'inciter à commettre l'infraction ».

l'activité délictueuse, mais exercent sur la personne qui en fait l'objet une influence de nature à l'inciter à commettre une infraction qu'autrement elle n'aurait pas commise, pour en rendre

possible la constatation, c'est-à-dire en apporter la preuve et la poursuivre ».

593

90. Provocation à la commission d'une infraction et provocation à la preuve en droit libanais. La provocation à la preuve de l'infraction est un procédé admis en droit libanais En revanche, la provocation à la commission d'une infraction constitue un procédé déloyal. Selon Mme Fawzia Abdel-Sattar, la provocation est une façon de créer l'idée de l'infraction dans l'esprit de l'auteur alors qu'elle n'existait pas avant la provocation dans l'esprit de son

auteur 594 . La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise

distingue la provocation à l'infraction de la provocation à la preuve

595

. Il faut rappeler à cet

137

égard que la juriprudence libanaise est rare en matière de provocation policière. La provocation qui crée la commission de l'infraction dans l'esprit de l'auteur de l'infraction pour le faire prendre en flagrant délit est considérée comme une preuve obtenue de manière illégale. C'est très logique de sanctionner la preuve qui a été obtenue à la suite de provocations policières ayant pour but de prendre en flagrant délit la personne. En effet, la notion d'infraction flagrante nécessite naturellement et suppose la présence ou l'existence antérieure des preuves pour qu'elle soit qualifiée d'infraction flagrante. La provocation admise par la jurisprudence libanaise a lieu lorsque la provocation est un moyen pour découvrir et réunir des éléments de preuve de l'infraction à condition que l'idée de commettre

596

.

l'infraction par l'auteur soit antérieure à l'acte de provocation

91. Provocation policière de la part des parties privées. La chambre criminelle de la Cour de cassation française fait preuve d'une tolérance ponctuelle face à ce moyen d'apporter la

597

preuve de la part des parties privées, contrairement aux chambres civiles

598

qui rejettent de

593 CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 55.

594 F. Abdel-Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975, n° 329, pp. 373-374, V. spec. p. 374.

595 Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré dans son arrêt rendu le 15/06/2006 numéro 185 (affaire Awde/ Moallim que la provocation à la commission d'une infraction est le fait de : « créer l'idée ou la création de la conception de commettre l'infraction dans un esprit vide de cette idée ».

596 V. en ce sens: Arrêt de la 6e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, décision n° 219, le 5/8/2003, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 2003, pp. 447 et s., V. spec. p. 449.

597 V. Cass. Crim., 16 mars 1972, B.C., n° 108, p. 263: « Ne saurait constituer une provocation au délit, de nature à exonérer un prévenu de toute responsabilité pénale, l'intervention d'un individu, s'étant révélé ultérieurement être un indicateur, dès lors qu'elle n'a pas été déterminante de l'action délictueuse du prévenu et qu'elle n'a d'ailleurs pas annihilé sa liberté de décision ».

138

façon plus générale les preuves obtenues par stratagème. Selon Mme Renée Koering-Joulin, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a une position plus nuancée: « elle les

599

admet de la part des parties privéesmais les refuse aux gardiens de l'ordre public, en opérant néanmoins une distinction bien connue entre agent provocateur et agent infiltré, entre provocation à la commission d'une infraction et provocation destinée à prouver une

600

infraction sur le point de se commettre ». La chambre criminelle de la Cour de cassation française, en se basant sur le triple visa de l'article 6 de la Convention, de l'article préliminaire du CPP français et du principe de la loyauté des preuves a jugé que la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique est un procédé déloyal qui rend irrecevable en justice les preuves obtenues à l'aide des procédés ainsi

601

.

mis en place

92. Provocation par l'indicateur en droit libanais. La cour criminelle du Mont Liban a considéré que le fait que l'indicateur crée l'idée de commettre l'infraction dans l'esprit de l'accusé a constitué la provocation illégale à la commission d'une infraction qui anéantit l'intention criminelle de l'accusé qui suppose sa volonté de commettre l'infraction ayant la

volonté consciente et délibérée de commettre l'infraction 602 . L'indicateur a incité, influencé et poussé l'accusé à la commission d'une infraction, ce qui constitue une provocation illégale parce que l'indicateur a joué un rôle actif qui anéantit l'intention criminelle de l'accusé. Dans l'arrêt précédent, la Cour criminelle de Mont-Liban n'a pas évoqué expressément le principe de la loyauté de preuve pour sanctionner la provocation qui est effectuée par l'indicateur, mais sans aucun doute le fait de l'indicateur cité dans l'arrêt précédent qui constitue la provocation à la commission d'une infraction porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable. Il faut noter que la jurisprudence libanaise considère que le rôle de

598 V. par ex. Cass. civ. 2/ 7 octobre 2004, B.C., ci. n/247: «L'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue... »

599 Par ex. Cass crim., 31 janvier 2007, B.C., n° 27 ; V. Sur l'ensemble de la question P. Lemoine, « La loyauté de la preuve à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation, pp. 165 et s.

600 Intervention de Mme R. Koering-Joulin, La chambre criminelle garante du droit à un procès équitable, lors du colloque du 3 mai 2010. Disponible en ligne sur le site officiel de la Cour de cassation française : http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2010_3159/koering_joulin_16280.html

601 Cass. crim. 11 mai 2006, B.C., n° 132; V. Cass. crim., 4 juin 2008, B.C., n°141 : « la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de commission ».

602 V. en ce sens: Arrêt de la cour criminelle du Mont Liban, décision n° 78, le 24/2/2004, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 2000-2004, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2005, n° 4, pp. 23-24.

l'indicateur est d'informer l'autorité et la police judiciaire de l'existence d'une infraction, et il n'est pas acceptable que l'indicateur influence et encourage une autre personne à la

603

provocation à la commission d'infraction

. Selon M. Fayez Al Iaali, il est interdit également

139

604

à l'officier de police judiciaire de provoquerune personne à commettre une infraction pour

605

ensuite arrêter l'auteur en cas de flagrant délitpendant la commission de l'infraction parce qu'une telle provocation est illégale et dans ce cas le fait de l'officier de police judiciaire est

.

606

une complicité par provocation à l'infraction

§ 2. La fin justifiant les moyens.

93. Les moyens les plus efficaces au service de la justice. Que signifie la fin justifie les

moyens dans la recherche de preuve ? L'expression « la fin justifie les moyens »607 implique que la fin occupe une place beaucoup plus importante que les moyens qui sont utilisés. Cependant, il faut une base légale qui détermine les exemptions du devoir de loyauté dans la

608

recherche des preuves. C'est comme une façon de couvrir la déloyauté de la preuve par un texte juridique qui légalise cette déloyauté dans le but de rendre la preuve obtenue de manière déloyale recevable en justice. Cette couverture juridique adoptée par le législateur empêche le juge de faire écarter ce mode de preuve qui devrait être normalement qualifié de preuve déloyale ainsi irrecevable en justice. L'intervention du législateur légalise un procédé ou un moyen de recherche de preuve qui est habituellement et logiquement déloyal. De ce qui précède découlent l'importance et la nécessité d'une base légale pour éviter l'arbitraire qui peut en résulter. Cependant, l'intervention du législateur ne peut pas être générale pour

603 V. en ce sens: Arrêt de la Cour criminelle du Mont Liban, décision n° 78, le 24/2/2004, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 2000-2004, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2005, n° 6, p. 26.

604 C'est-à-dire de pousser une personne à commettre une infraction.

605 On utilise l'expression flagrant délit pour designer le cas de flagrance et non la qualité de l'infraction (crime ou délit ...).

606 V. en langue arabe : F. Iaali, Procédure pénale, 1er éd., L'entreprise moderne du livre, Tripoli-Liban, 1994, p. 182.

607 On attribue à Machiavel la fameuse formule : « Qui veut la fin veut les moyens » ou « la fin justifie les moyens ».

608 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 210, p. 144 : « Lorsque la vérité est particulièrement difficile à découvrir, il semble logique de donner aux enquêteurs davantage de pouvoirs. En application du principe de la légalité criminelle, il appartient aux parlementaires de déterminer les hypothèses concernées, ainsi que les procédés d'investigation correspondants ».

140

concerner toutes les infractions parce qu'un texte général qui concernerait tous les types d'infraction désignerait de façon claire la mort ou le déclin total du principe de loyauté. Sans doute, la tendance ou l'orientation législative vers le non-respect total du principe de la loyauté de preuve en matière pénale va conduire la transformation du système pénal d'un État

de droit vers le modèle de l'État de police609. Cependant, il n'est pas efficace non plus d'interdire tout type de provocations policières parce qu'on risque pratiquement de les paralyser dans certains contextes fractionnels, comme par exemple dans le cas de la

610

délinquance organisée comme le trafic de stupéfiants, le terrorisme ou le trafic d'armes. En général, dans le but de préserver l'efficacité de la justice pénale, et pour faciliter la recherche des infractions graves, le législateur français et beaucoup trop timidement le législateur libanais ont tenu compte de la nécessité pratique urgente d'adopter des procédures pénales

611

d'exception ou spéciales dans la recherche de la preuve lorsque l'infraction est grave. Dans ce cas, l'intervention du législateur est nécessaire parce qu'il fournit une couverture légitime face aux comportements et procédés qui sont utilisés dans la recherche et l'administration de preuve d'infractions pénales graves, et qui sont considérés normalement comme ayant été obtenus d'une façon déloyale.

94. Une déloyauté admissible. La législation est le fondement légal de l'admissibilité d'un manquement au devoir de loyauté dans la recherche et l'administration de la preuve pénale pour certaines catégories d'infractions qui sont qualifiées d'infractions graves. Il y a beaucoup de vrai si nous considérons que l'objectif principal du procès pénal reste toujours la recherche efficace de la vérité, mais la recherche des preuves qui visent à la manifestation de cette vérité doit toujours obéir aux dispositions d'une loi procédurale établissant un équilibre délicat mais

désirable entre efficacité et légitimité 612 . Afin de faciliter l'obtention des preuves pour des infractions précises et en même temps échapper à la sanction d'un manquement au devoir de

609 V. K. Constant Katouya, Réflexions sur les instruments de droit pénal international et européen de lutte contre le terrorisme, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, n° 873, p. 528 : «La réaffirmation des principes de l'État de droit dans le contexte de la lutte antiterroriste est reflétée dans les efforts, de tous les gouvernements successifs, de parvenir à concilier légalité et efficacité ».

610 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 159 et s.

611 V. D. Thomas et al., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. p. 116 : « L'adaptation de l'administration de la preuve pénale est rendue nécessaire en raison de l'apparition et du développement de nouvelles formes de délinquance auxquelles s'associent inévitablement de nouveaux modes de preuves ».

612 B. Renard, « Les analyses génétiques en matière pénale : l'innovation technique porteuse d'innovation pénale ? », in Champ pénal/Penal field, Séminaire Innovations Pénales, septembre 2007, disponible en ligne sur : http://champpenal.revues.org/1241: « pourtant une vérité qui ne peut être produite qu'en vertu des règles de procédure d'administration de la preuve, qui établit un équilibre entre légitimité et efficacité ».

141

loyauté dans la recherche des preuves, le législateur a inventé une nouvelle technique pour assurer la recevabilité de la preuve déloyale qui porte atteinte au principe de la loyauté des preuves en encadrant le manquement au devoir de loyauté pour des infractions précises par la loi. Cette loi fournit un encadrement légal qui ne permet pas aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits déloyalement puisque son but premier est de faciliter la constatation des infractions aux lois pénales précisées par la loi, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. La fin justifie les moyens ne signifie pas que la recherche de preuve sera loyale, du point de vue de la loyauté de la preuve. C'est une façon de rechercher la preuve d'une manière déloyale mais conformément à la procédure puisque le législateur a légalisé et encadré expressément le recours à certains moyens de preuve recueillis de manière illicite. La loyauté de la preuve n'est pas une exigence absolue dans le procès pénal parce qu'un texte législatif peut purger les preuves obtenues déloyalement en s'appuyant sur la volonté du législateur. Chaque fois que la loi légalise et accepte la production de preuves recueillies de manière illicite ou déloyale, la jurisprudence ne peut pas écarter les preuves obtenues déloyalement. La preuve déloyale échappe à toute sanction si le législateur exprime sa volonté expresse de rendre un élément de preuve recevable en justice malgré son origine déloyale.

A. L'émergence de la notion de preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi.

95. La contribution du professeur allemand Günther Jakobs. Le droit pénal de l'ennemi est

613614

théorisé par le juriste allemand M. Günther Jakobs. M. Günther Jakobsa travaillé pour clarifier la distinction entre deux catégories de droit pénal dépendant de la personne visée : un

615

droit pénal de l'ennemi et un droit pénal du citoyen. Selon lui, il faut lutter contre le danger

613 Il faut prendre en compte la contribution de M. Carl Schmitt durant la période nazie et ses livres: Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen, Berlin, 1932. Traduction française : La notion de politique, éd Flammarion, Paris, 1963. Dernière édition : éd Calman Levy, Paris, 1994 ; V. en ce sens: S. Aubert, « L'ennemi dans le Livre IV du Code pénal français: approches comparées », in Revue électronique de l'AIDP / Electronic Review of the IAPL / Revista electrónica de la AIDP, (ISSN - 1993-2995), 2012 A-02:1: « Selon Carl Schmitt, l'essence de la politique est de pouvoir choisir un ennemi et de doter l'appareil étatique de moyens illimités pour le détruire. L'ennemi n'est plus, dans cette conception, l'inimicus, mais bien l'hostis qu'il convient de tuer avant de soi-même mourir ».

614 V. sur le droit pénal de l'ennemi: G. JAKOBS, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2009, n° 1, pp. 7-18.

615 V. J. Walther, « L'instruction et le droit allemand », in J.-P. Céré (dir), Procédures pénales d'exception et Droits de l'homme, L'harmattan, 2011, p. 136 : « Toujours selon Günther Jakobs, là où le droit pénal du citoyen

en utilisant des règles d'exception pour protéger la société contre ses ennemis « La lutte ne fonctionne pas dans le vide, mais selon des règles. L'État prévoit, pour les agents qui exécutent les normes, des règles qui limitent la lutte. Il s'agit, par conséquent, bien de droit pénal de l'ennemi. Les ennemis sont exclus selon des règles de droit et conformes au droit ; plus précisément ils s'excluent eux-mêmes. Il n'empêche que le droit pénal de l'ennemi maintient son caractère dangereux. C'est justement la raison pour laquelle il est important de donner une dénomination au phénomène et de caractériser ses règles comme du droit

exceptionnel »

616

. Mme Geneviève Giudicelli-Delage attire l'attention sur le rôle et

l'importance de la pensée de M. Günther Jakobs dans le développement de la doctrine du droit pénal de l'ennemi « Parler, de nos jours, de doctrine du droit pénal de l'ennemi, c'est renvoyer à la pensée de Günther Jakobs et au débat international qu'a suscité son premier

essai paru à la fin des années 90 »

617

. Quiconque s'intéresse au droit pénal connaît la

142

contribution fondamentale et indéniable de M. Günther Jakobs qui a fourni une base pour l'élaboration d'une théorie détaillée concernant le droit pénal de la dangerosité et de

l'ennemi618. Ce qui est remarquable dans la contribution de M. Günther Jakobs

619

, c'est la date

de cette contribution qui est sans doute antérieure à l'apparition du terrorisme moderne, c'est-

à-dire aux événements du 11 septembre 2001

620

. Donc on peut conclure que M. Günther

conforte le respect des normes, le droit pénal de l'ennemi combat des dangers - jusqu'à la destruction physique de l'ennemi ».

616 G. Jakobs, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2009, n° 1, pp. 7 et s.

617 G. Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité, droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2010, n° 1, pp. 69-80.

618 V. P. Varjão Cruz, Le droit pénal de l'ennemi. Du phénomène au paradigme, Éditions universitaires européennes, 2011, V. spec. la description du livre. : « L'incrimination des risques, le durcissement des peines et la relativisation des garanties bouleversent le droit pénal classique. Pour justifier un tel traitement pénal aux criminels "dangereux", le professeur allemand Günther Jakobs propose la scission du droit pénal en "droit pénal du citoyen" et "droit pénal de l'ennemi", issue de la division des êtres humains entre personnes et non-personnes. Cette dépersonnalisation fait surgir la figure de l'ennemi auquel s'appliqueraient, au nom de la sécurité, un droit pénal de fond et une procédure pénale attentatoires aux libertés fondamentales. Au fond de cette problématique se cache le choix entre un droit pénal de culpabilité - consacré dans les États de droit - et un droit pénal de dangerosité - infiltré dans le droit pénal ordinaire».

619 V. sur ce point : G. Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité, droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2010, n°1, pp. 69-80 : « La position de Jakobs est qu'il existe déjà un droit pénal de l'ennemi : son objectif n'est donc pas d'inventer ou de construire un tel droit mais simplement d'en constater l'existence. Etant précisé, que si le droit pénal de l'ennemi est souvent compris comme le droit pénal capable d'affronter les agressions venant des ennemis absolus que sont les terroristes, il faut se rappeler la date du premier essai de Jakobs, c'est-à-dire une date antérieure aux attentats du 11 septembre, et surtout constater que, pour ce dernier, le terroriste n'est que l'exemple extrême de l'ennemi et que c'est notamment sur la détention-sûreté allemande que Jakobs a fondé sa réflexion. La doctrine vise ainsi tous les dangereux et pas seulement les terroristes ».

620 Par exemple en Amérique : V. A. Mégie, « La guerre contre le terrorisme : discours, normes et pratiques au sein d'un ordre politique disloqué», in Ni guerre, ni paix : enquêtes sur les ordres politiques disloqués, Congrès

Jakobs a lancé en 1990 l'idée principale de créer des lois spéciales pour éviter le péril qui menace la nation et la société face à de véritables ennemis parfois invisibles comme le

621

terrorisme

. Les événements terroristes du 11 septembre 2001 ont accéléré la création de la

143

législation antiterroriste puisque les attentats du 11 septembre 2001 ont beaucoup motivé de nouvelles lois, procédures pénales et réglementations policières dans le monde entier sous forme de la guerre contre le terrorisme, ce qui montre bien à quel point la lutte antiterroriste est devenue importante et ce qui montre encore qu'il joue un rôle d'acteur quant à la procédure

622

pénale.

96. Le Liban n'a pas adapté sa législation. Au Liban, le législateur n'a pas adopté de lois spéciales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sur le plan procédural afin de faciliter l'obtention des preuves. Le législateur libanais n'a pas pris en considération les risques après les attentats du 11 septembre 2001. La position obscure du législateur libanais après ces événements peut être motivée par diverses raisons comme l'absence d'activités terroristes au Liban. Mais l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri à Beyrouth en 2005 et les crimes antérieurs et postérieurs mettent de nouveau en question la négligence du législateur libanais qui n'a jusqu'à maintenant adopté aucune loi concernant le droit pénal de l'ennemi surtout en matière de terrorisme malgré son importance dans la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée. Le législateur libanais a incriminé depuis longtemps les actes de terrorisme dans le Code pénal libanais. Cependant, le législateur libanais n'a pas complété la répression des infractions terroristes dans le Code pénal en améliorant le Code de procédure pénale libanais pour offrir des outils spécialisés qui encadrent la recherche des preuves pénales en matière de lutte contre le terrorisme afin que la justice établisse la culpabilité du

AFSP (Association Française de Science Politique) Strasbourg 2011, p. 4 : « À la suite du 11 septembre 2001, l'administration Bush décide, de construire un arsenal juridique dont l'objectif est de soustraire les autorités militaires et policières à ces règles afin de pouvoir répondre à l'obsession opérationnelle et politique de la chasse aux renseignements ».

621 V. sur ce point: S. Aubert, « L'ennemi dans le Livre IV du Code pénal français: approches comparées », in Revue électronique de l'AIDP / Electronic Review of the IAPL / Revista electrónica de la AIDP, (ISSN - 19932995), 2012 A-02:1: « Nous serions tentés dans un souci de simplification, de situer historiquement ce bouleversement à l'effondrement des Tours jumelles le 11 septembre 2001. En réalité, il faut remonter aux écrits de Günther Jakobs pour voir naître le concept de Feindstrafrechts et plus particulièrement à un Congrès qui s'est tenu en octobre 1999 ».

622 V. sur ce point: Mireille Delmas-Marty, « Études juridiques comparatives et internationalisation du droit », in L'annuaire du Collège de France, 109 | 2010, pp. 603-627 ; Disponible en ligne : http://annuaire-cdf.revues.org/374: « Au vu de ces évolutions apparemment convergentes, l'hypothèse semble plausible d'un effet indirect des attentats du 11 septembre 2001 qui auraient en quelque sorte libéré les responsables politiques, symboliquement et juridiquement, de l'obligation de respecter les limites propres à l'État de droit ; et ainsi déclenché, par une série d'ondes de choc, des mouvements qui sont d'autant moins contrôlables qu'ils relèvent pour une large part des interdépendances liées aux phénomènes d'internationalisation du droit ».

144

prévenu ou de l'accusé. Le Code pénal libanais du 1er mars 1943, dans son chapitre II, est consacré au terrorisme et vise les crimes portant atteinte à la sécurité de l'État et les articles 6 et 7 de la loi du 11 janvier 1958 relatifs à la répression de la sédition, de la guerre civile et de la lutte confessionnelle incriminent les actes terroristes et complots en vue d'attenter à la vie humaine. L'article 5 de la loi du 11/01/1958 énonce que « subit les travaux forcés à perpétuité quiconque s'aventure, dans le but de commettre ou faciliter l'un des crimes mentionnés dans les articles précédents ou n'importe quel autre crime contre l'État, à fabriquer, posséder, s'approprier des matières explosives ou inflammables, et des produits toxiques ou brûlants ou des éléments qui entrent dans leur composition ou leur fabrication ». L'article 6 de la loi du 11/01/1958 dispose que « tout acte terroriste nécessite les travaux forcés à perpétuité. Et ce même acte nécessite la peine capitale dans le cas où il entraîne la mort d'un être humain ou la destruction entière ou partielle d'un bâtiment dans lequel se trouve un être humain et dans le cas où il ne résulte la destruction, même partielle, d'un bâtiment public, des entreprise industrielle, d'un navire ou d'autres installations ou aussi l'entrave des moyens des services de renseignements, de la communication, et du transport ». La législation relative aux drogues permet aux autorités publiques de rechercher la preuve des infractions qui sont relatives aux drogues et contre le trafic illicite de stupéfiants par un mode procédural simplifié et accéléré. Pour lutter contre l'espionnage et les crimes contre l'État et la nation, en raison de l'absence de texte spécial qui propose des options de recherche facilitant la recherche des preuves, le législateur libanais est appelé à intervenir pour mettre fin à la violation des droits commis par les services de renseignements militaires et les services de renseignement des forces de sécurité intérieure pendant la recherche des preuves et des renseignements dans la lutte contre

l'espionnage militaire et les crimes contre l'État623. Le législateur devrait combler ce vide juridique. La lutte contre l'espionnage milliaire souffre du vide juridique qui se comble au nom de la sûreté nationale par des pratiques illégales et des atteintes aux droits de l'homme dans le but de rechercher les preuves. En même temps, le législateur libanais devrait intervenir afin de lutter légalement plus efficacement contre l'espionnage en améliorant de façon significative et légale tous les moyens de rendre plus efficaces la collecte d'information et la

recherche de preuves des crimes contre la nation et la sûreté générale de l'État624.

623 Les services de renseignement militaires libanais ont arrêté plusieurs réseaux soupçonnés d'espionnage pour le compte d'Israël.

624 Surtout avec la chute des dizaines de réseaux d'espionnage au Liban en 2009. En fait aucun texte ou loi organise ou dispose une procédure exceptionnelle dans l'administration de preuve concernant les infractions d'espionnage militaire qui nécessitent des dérogations visant à faciliter la recherche de la preuve pour protéger et préserver la sécurité nationale.

97. Les traits caractéristiques du droit de la preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi. Sans doute une lutte efficace contre la délinquance organisée impose en effet la mise

625

en oeuvre d'une procédure particulière

. Les opérations sous couvertures constituent une

méthode qui vise à faciliter la recherche de preuve des infractions graves surtout dans la lutte contre la criminalité organisée et dans le cadre de la lutte antiterroriste et antidrogue et parfois pour le renforcement des mesures de lutte des crimes contre la nation et la sûreté générale de l'État. Les liens entre la procédure pénale qui englobe l'ensemble des règles qui gouvernent la recherche de preuve et le droit pénal sont indissociables puisqu'il n'existe pas de droit pénal

sans procédure pénale, comme l'affirme M. Geneviève Giudicelli-Delage

626

. Le terme de

l'ennemi ou de dangerosité dans la procédure pénale

627

plus précisément en matière de preuve

145

permet d'exprimer la réalité de plusieurs législations qui légalisent des méthodes et pratiques de recherches de preuve par des procédés déloyaux par nature pour certaines infractions afin

628

de faciliter la recherche des preuves d'une infraction. Certaines pratiques policières non ordinaires qui sont utilisées dans la recherche des preuves permettent de conclure que c'est un indice indirect de l'enracinement d'une doctrine pénale qui est basée sur la dangerosité. Ce qui précède va avoir des conséquences comme la consécration et le renforcement de pratiques efficaces dans la recherche des preuves afin de combattre et d'arrêter les ennemis de l'État qui peuvent mettre en danger et menacer cette société, pour les présenter devant la justice

629

criminelle. En droit libanais, la loi numéro 673 du 16/03/1998 relative aux stupéfiants et

625 V. sur la recherche de preuve en matière de criminalité organisée : W. Mohemed Hagag Ahmed Abdel-Hafez, La preuve en matière de criminalité organisée, Thèse de droit, Université de Nantes, 2004.

626 G. Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité - Droit pénal de l'ennemi » in R.S.C., 2010, p. 69 : « ce droit pénal matériel de l'ennemi s'accompagne d'un droit procédural de l'ennemi, droit dérogatoire, qui restreint ou annihile les règles du procès équitable (n'y ont plus cours le droit au juge naturel, les droits de la défense, le droit au silence, le droit au recours, etc.) - il raisonne alors principalement sur le terroriste. Le procès équitable est donc un droit du citoyen, il n'est pas celui de l'ennemi ».

627 V. G. Jakobs, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2009, n° 1, pp. 7 et s: « Et, également en parallèle avec le droit pénal de fond, on constate des normes « de droit pénal de l'ennemi procédurales » : c'est très flagrant en ce qui concerne la façon dont on traite les dangers terroristes ».

628 J. Leblois-Happe, X. Pin et J. Walther, « Chronique de droit pénal allemand » (Période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009), in R.I.D.P., 2010/1, Vol. 81, pp. 277-310 : Mme Jocelyne Leblois-Happe considère le droit pénal de l'ennemi comme « une construction théorique qui entend expliquer la constance des coups de boutoirs qui ébranlent ces dernières années l'édifice du droit pénal et de la procédure pénale classique née des Lumières ».

629 V. sur ce point : G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 4 : « Pour faire face à la criminalité organisée et au terrorisme, les enquêteurs et magistrats sont dotés, dans la plupart des pays, de pouvoirs dérogatoires au droit commun, justifiés par les difficultés accrues d'établissement des preuves et la dangerosité de ces organisations criminelles. Ainsi, les principes du procès

substances psychotropes comporte des dispositions et procédures qui visent à faciliter la recherche des preuves des infractions relatives aux drogues et contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes. Le législateur libanais a promulgué la loi numéro 318 du 20 avril 2001 qui s'applique aux infractions qualifiées de blanchiment d'argent provenant d'infractions. Cette loi vise encore à faciliter la recherche de preuve dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Le blanchiment d'argent trouve sa source dans les différentes techniques de la criminalité financière (trafic de drogue, d'armes, extorsion, activités mafieuses, fraudes fiscales...). En France, la loi du 9 mars 2004 dite Perben II portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a pour objectif principal de renforcer l'efficacité des règles de procédure pénale applicables à la délinquance et à la criminalité

organisées

630

et la mise en place de moyens d'investigation supplémentaires pour les officiers

de police judiciaire concernant l'infiltration des réseaux, les écoutes téléphoniques, la

631

perquisition et la garde à vue. Selon M. David Dechenaud, « la loi du 9 mars 2004 a institué une procédure ayant vocation à s'appliquer à toutes les infractions de criminalité organisée. Cette réforme a introduit un nouveau titre dans le Code de procédure pénale, relatif à la criminalité et à la délinquance d'entente (V. art. 706-73 à 706-106 CPP français), dont les dispositions concernent les crimes et délits aggravés par la circonstance de bande organisée

ainsi que les infractions qui sont ordinairement le fait de plusieurs délinquants »

632

. À son

146

tour, Mme Julie Alix souligne que la loi du 9 mars « a consacré, en droit français, la notion de criminalité organisée, non définie mais composée d'un certain nombre d'infractions

équitable sont souvent aménagés ou écartés en matière de lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée ».

630 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 220, pp. 150-151 : « De même, la loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 a ajouté à l'énumération les infractions de corruption et de trafic d'influence, auxquelles certaines règles de procédure applicables à la criminalité organisée peuvent désormais s'appliquer ». (V. art. 706-1-3 CPP français).

631 V. sur la loi du 9 mars 2004 : P. Kramer, « La loi Perben II et les évolutions de la justice pénale », in Etudes, 2005/2, Vol. 402, pp. 175-183, V. spec. pp. 166-177 : « A partir de cet ensemble, est créé un droit pénal d'exception applicable à cette liste d'infractions particulièrement graves (une quinzaine : meurtre, enlèvement, proxénétisme, acte de terrorisme, blanchiment...), quelquefois commises en bande organisée. Face à ce type de crimes et délits, considérés comme signe d'une participation, dans certaines circonstances, à des formes organisées de criminalité, les enquêteurs peuvent utiliser des moyens de procédure encore plus coercitifs que ceux qui étaient déjà disponibles. Ainsi : des perquisitions peuvent intervenir la nuit ; la durée des garde à vue peut dépasser quarante-huit heures ; des écoutes peuvent intervenir plus facilement ; des opérations d'infiltration du milieu par des policiers deviennent possibles ; un statut des repentis qui collaborent avec la police est organisé, avec des réductions de peines en leur faveur ».

632 D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 220, p. 150.

commises en bande organisée et énumérées à l'article 706-73 du Code de procédure pénale.

633

Par cette loi, le terrorisme intègre la catégorie de la criminalité organisée. ».

B. La nécessité de nouveaux outils d'administration de la preuve non ordinaire pour certaines infractions graves.

98. Combattre la criminalité grave et organisée nécessite un renforcement des outils juridiques. Mme Julie Alix, dans sa thèse intitulée « terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes » précise que les outils juridiques d'investigation et de recherche des preuves utilisés dans les cas normaux et ordinaires qui concernent la criminalité classique apparaissent inefficaces pour combattre la criminalité grave et organisée et particulièrement le terrorisme « traditionnellement, l'enquête de police judiciaire a vocation à rechercher des indices permettant d'identifier les auteurs d'une infraction déjà commise, ou dont la commission est imminente. Dans le cadre d'une criminalité de type « classique », cette enquête s'inscrit en outre dans une relation entre un auteur et une victime, celle-ci (ou ses proches) étant le plus souvent la dénonciatrice de celui-là, et une précieuse source d'information. Ce cadre classique se révèle totalement inadapté pour lutter contre les

634

. Le

criminalités collectives et organisées en général, et contre le terrorisme en particulier »

système juridique doit assurer et renforcer de nouveaux instruments et outils efficaces d'investigations et de recherche de preuve pour offrir aux autorités étatiques et judiciaires la capacité de découvrir le crime terroriste et organisé et ses auteurs « l'adaptation de la procédure pénale à cet objet de recherche a conduit le législateur à développer de nouvelles techniques d'investigation destinées à faciliter l'information des enquêteurs ainsi que le

recueil des preuves »

635

. Mme Julie Alix souligne qu'en droit français, dans le but de faciliter

147

la recherche de preuve en matière de terrorisme, le législateur a renforcé les moyens d'investigation, « quelle que soit l'autorité chargée des poursuites et de l'instruction, tous les moyens d'investigation sont renforcés en matière terroriste, afin d'assurer et de faciliter la

633 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 527, p. 418.

634 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 519, p. 411.

635 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 519, p. 411.

148

découverte des preuves et le renvoi consécutif des participants devant une juridiction de jugement »636.

99. La provocation policière dans certains secteurs graves de la criminalité. Le législateur

par la loi du 19

637

français est intervenu face aux ravages de certaines formes de la criminalité

décembre 1991 qui a légitimé certaines pratiques en matière de trafic de drogue, en application de la convention de Vienne du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de

638

stupéfiants. Selon M. Jean Pradel, ce qui a été admis pour le trafic de drogue en décembre 1991 a été étendu aux infractions de criminalité organisée par la loi du 9 mars 2004. Ensuite, une loi du 5 mars 2007 a étendu la technique de provocation à d'autres infractions qui, quoique ne faisant pas partie de la famille de la criminalité organisée, sont cependant

639

graves . Il y a toutefois une hypothèse où la provocation policière est licite, c'est celle où l'infraction relève de la criminalité organisée, mais à la condition que la manoeuvre serve à révéler l'infraction pour mieux la prouver, non à la commettre (art. 706-81 s. CPP français.).

(V. art.

640

Ce système a été étendu par une loi du 5 mars 2007 à certaines autres infractions

641

706-35-1

642

et 706-47-3

du CPP français). Deux techniques policières sont prévues. « 1°

636 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 465, p. 374.

637 V. sur l'évolution de la criminalité et la recherche des preuves : A. Jacobs, « La loi du 6 janvier 2003 concernant les méthodes particulières de recherche et quelques autres méthodes d'enquête », in Rev. Dr. ULg., 2004/1, Doctrine, pp. 15-69, V. spec. p. 15 : « L'évolution de la criminalité, en particulier de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la criminalité grave et organisée, a amené les services de police à adapter leurs méthodes de recherche des infractions et de leurs auteurs. C'est ainsi que sont apparus les repérages et les écoutes téléphoniques, l'infiltration des milieux criminels par des membres des services de police sous la forme des pseudo-achats, livraisons contrôlées et autres techniques tendant à mettre au jour et à constater les trafics en tous genres, voire à recueillir des informations utiles ».

638 La France a signé la convention de Vienne le 13 février 1989 et qui est entrée en vigueur le 31 mars 1993, suite à sa publication par décret du 8 mars 1991.

639 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 417, p. 362.

640 J. Pradel, « Procédure pénale janvier 2006 - décembre 2006 », in D., 2007, pp. 973 et s.

641 L'article 706-35-1du CPP français dispose : « Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12 et 225-12-1 à 225-12-4 du Code pénal et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, dans des conditions précisées par arrêté, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ; 2° Etre en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions ».

642 L'article 706-47-3 du CPP français dispose : « Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 227-18 à 227-24 du code pénal et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication

149

C'est d'abord la préparation à la provocation par le biais de la surveillance. Elle est la généralisation des livraisons surveillées pratiquées en matière de trafic de drogues et consiste pour les enquêteurs à s'immiscer dans des réseaux de criminels pour en surveiller le fonctionnement et déterminer les membres. Les enquêteurs doivent avoir informé au préalable le Procureur de la République, qui ne doit pas s'y opposer, et ils peuvent agir sur l'ensemble du territoire national, mais seulement à l'égard de personnes contre lesquelles il existe des raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'une des infractions visées aux articles 706-73 et 706-74 du CPP français. 2° C'est ensuite la réalisation de la provocation par l'infiltration. Plus grave, elle ne peut concerner que les infractions de criminalité organisée

643

de l'article 706-73.» .

100. Les infiltrations policières en droit libanais. On désigne ainsi les pratiques par lesquelles des membres de la police judiciaire observent, sans se faire connaître, certains agissements délictueux, voire s'associent à ces agissements, dans le but de mettre la main sur

644

les commanditaires et les auteurs principaux de l'infraction. En droit libanais, le Code de procédure pénale ne contient aucune disposition qui autorise l'infiltration policière. Cependant, l'infiltration dans la lutte contre le trafic de stupéfiants n'est pas consacrée par la loi numéro 673 du 16/03/1998 relative aux stupéfiants et substances psychotropes. Tous les actes d'infiltrations policières sont illégaux en droit libanais parce que cette preuve est obtenue par un acte de procédure qui ne peut avoir de base légale.

101.

645

,

Les infiltrations policières en droit français. La loi du 9 mars 2004 dite Perben II

portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a profondément marqué la

électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, dans des conditions précisées par arrêté, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables : 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ; 2° Etre en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions ».

643 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 418, p. 362.

644 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg.

645 V. sur l'effet de la loi du 9 mars 2004 sur la recherche de preuve en droit français : C. Marie, « La montée en puissance de l'enquête », in AJ Pénal, 2004, p. 221 : « Dans un premier temps, c'est pour les infractions de terrorisme, de proxénétisme, de trafic de stupéfiants, « bêtes noires » du droit pénal, qu'un régime procédural, fortement dérogatoire, notamment quant à la recherche des preuves, a été mis en place par le législateur. La loi

procédure pénale française en introduisant nombre de nouvelles techniques de preuve utilisables dans le cadre d'une procédure spécifique en matière de criminalité organisée, de

terrorisme et de stupéfiants

646

. L'infiltration policière est réglementée

647

, depuis la loi du 9

150

mars 2004, par les articles 706-81 et suivants de cette loi. Cette procédure d'infiltration est donc applicable aux seules criminalité et délinquance organisées. Dix-huit infractions, dont le trafic de stupéfiants, sont visées à l'article 706-73 du CPP français qui établit le champ d'application des textes spéciaux. A peine de nullité, en application de l'article 706-81 du CPP français, l'autorisation d'infiltration donnée par le Procureur de la République ou par le juge d'instruction doit être écrite et spécialement motivée. « La procédure d'infiltration doit être autorisée soit par le Procureur de la République (par décision motivée et écrite) en cas d'enquête préliminaire ou de flagrance, soit par le juge d'instruction (en cas d'instruction déjà ouverte) et après avis du procureur. Dans ce type d'enquête, les policiers pourront transporter de la drogue, en acquérir afin de faire tomber des délinquants, sans que leurs

648

.

actes puissent faire l'objet de poursuites »

102. Les livraisons surveillées de stupéfiants en droit libanais. Le recours à cette technique

649

participe de la nécessité du démantèlement du réseau de trafiquants. Sans hésitation les livraisons surveillées constituent des provocations à la preuve en matière de stupéfiants. En

, l'article 220 de la loi n° 673 du 16/03/1998 relative aux stupéfiants et

650

droit libanais

substances psychotropes autorise le recours à des livraisons surveillées avec la permission du procureur général près la Cour de cassation et le directeur général des douanes afin d'identifier les individus impliqués dans ces crimes et d'engager des poursuites à leur encontre. Il existe

n° 2004-204 du 9 mars 2004portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité renforce cette tendance».

646 V. M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « Pour garantir une mise en oeuvre sécurisée des opérations d'infiltrations, qui soit à la fois conforme aux textes et au principe de loyauté, le décret n° 2004-1026 du 29 septembre 2004 a porté création, au sein de la Direction centrale de la police judiciaire, du Service interministériel d'assistance technique (SIAT). Ce service est le seul habilité à recruter, former et habiliter les fonctionnaires de la police nationale ou de la douane ou les militaires de la gendarmerie pouvant participer aux opérations d'infiltration. Il centralise par ailleurs les informations relatives à ces opérations demandant un grand professionnalisme en raison des risques encourus par ceux qui y participent ».

647 V. D. Thomas et al., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. pp. 118-119 : « En encadrant strictement certaines pratiques policières - telle l'infiltration -, le législateur français a enfin pris conscience de la nécessité de protéger le principe de loyauté qui constitue incontestablement la règle fondamentale devant régir l'administration de la preuve ».

648 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 254, p. 180.

649 J. Ngoba, Le droit de la drogue au Cameroun: Analyse d'une réforme législative, L'Harmattan, 2010, p. 43.

650 La technique des livraisons surveillées est communément considérée comme une invention américaine.

151

encore des opérations de surveillance passive connues sous le nom de livraisons accompagnées de stupéfiants. Le droit libanais ne connaît pas les livraisons accompagnées de stupéfiants par les policiers.

103. Livraisons surveillées en droit français. En matière de criminalité et de délinquance organisées, les opérations dites de « livraisons surveillées », autrement dit les surveillances passives des réseaux d'acheminements de biens ou produits tirés de la commission d'une infraction de l'article 706-73 du CPP français, sont prévues à l'article 706-80 de ce même

651

code, et ne sont pas contraires au principe de loyauté. Ces surveillances passives, qui peuvent impliquer les polices de plusieurs pays, ont pour but d'identifier ou de localiser les membres et structures des réseaux criminels, en n'intervenant que lorsque les biens arrivent à

652

.

leur destination finale

104. Les livraisons surveillées et les livraisons accompagnées de stupéfiants en droit français. La loi du 9 mars 2004 autorise, à certaines conditions, les livraisons surveillées et les livraisons accompagnées de stupéfiants par les policiers et les gendarmes. Les livraisons surveillées sont des opérations de surveillance passive qui permettent aux enquêteurs de différer leur intervention et de remonter la filière, dans le but d'identifier et d'arrêter les

commanditaires et les destinataires du trafic (et pas seulement des convoyeurs)653. Elles sont subordonnées à l'information préalable du procureur de la République (enquête) ou du juge d'instruction (information). Les livraisons accompagnées sont, elles, des opérations actives

651 L'article 706-80 du CPP français dispose : « Les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, après en avoir informé le Procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74 ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre. L'information préalable à l'extension de compétence prévue par le premier alinéa doit être donnée, par tout moyen, au Procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou, le cas échéant, au Procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76 ».

652 M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s.

653 V. B. Bouloc, « Les abus en matière de procédure pénale », in R.S.C., 1991, p. 221 : « Ainsi le fait de se présenter comme un acheteur potentiel de drogue et de constater une infraction à la législation sur les stupéfiants est-il pleinement admis, dans la mesure où le policier n'as pas été l'élément déterminant ou moteur de l'opération. Sans doute, en ce cas, la volonté du délinquant n'a pas été infléchie par telle pression, de sorte qu'on ne saurait parler de « contrainte », mais il reste que le procédé de constatation est un peu en marge de la méthode officielle : un agent de l'État doit opérer de manière visible et loyale, les insignes de sa fonction devant être apparents... ».

152

d'infiltration destinées à procéder à l'arrestation de l'ensemble des responsables du trafic. Elles nécessitent l'autorisation préalable du Procureur de la République (ou du juge d'instruction). La loi du 9 mars 2004 étend, à compter du 1er octobre 2004, le recours aux techniques d'infiltration à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées (art. 706-

80 et s. CPP)654. L'infiltration est, elle, réglementée par l'article 706-81 à 706-87 CPP français. Elle est subordonnée à l'autorisation écrite préalable et motivée du Procureur de la République (enquête) ou du juge d'instruction (instruction), autorisation donnée pour

655

une durée de quatre mois maximum mais renouvelable indéfiniment. L'autorisation de procéder à une livraison contrôlée ne crée pas de présomption de régularité de la procédure. La provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu'elle procède de manoeuvres de nature à déterminer les

656

agissements délictueux portant ainsi atteinte au principe de la loyauté des preuves. La

657

frontière entre qualités manoeuvrières et déloyauté caractérisée est délicate à déterminer. Sans doute, la provocation policière peut exercer quelque influence sur la volonté criminelle

658

du délinquant. Au plan procédural, il s'agit de savoir si l'attitude policière (provocation) n'est pas de nature à vicier la procédure en raison de l'atteinte qu'elle porterait au principe de

659

.

la loyauté de preuves

105. Le Conseil constitutionnel français sanctionne l'inconstitutionnalité partielle de la loi du 9 mars 2004. Sans doute, le Conseil constitutionnel reste le garant essentiel du respect des droits fondamentaux de l'homme et d'un procès équitable dans le procès pénal d'un État de droit : « Le juge constitutionnel est, d'un côté, le garant du respect des principes essentiels qui constituent l'essence de l'État, et il est, d'un autre côté, le garant des droits de l'Homme, qui appartiennent aussi à ces principes et constituent l'un des piliers des démocraties

654 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg.

655 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg.

656 Cass. crim., 5 mai 1999, « La provocation à l'infraction par un douanier peut-elle exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale ? », in D., 1999, p. 325.

657 P. Gagnoud, L'enquête préliminaire et les droits de la défense, Thèse de droit, Université Nice Sophia-Antipolis, 1997, n° 206, p. 295.

658 F. Démanya Akouete, L'enquête préliminaire dans la procédure pénale Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p. 112.

659 F. Démanya Akouete, L'enquête préliminaire dans la procédure pénale Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p. 114.

modernes »

660

. Selon une formule classique, le Conseil constitutionnel dans une décision

153

n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 sur la loi relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État, rappelle dans (§12) qu': « il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ». Dans sa décision du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel sanctionne l'inconstitutionnalité partielle de ce texte en invalidant deux

661

dispositions et en faisant sept réserves d'interprétation quant à son application. Le Conseil constitutionnel réaffirme que « si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle et que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas

662

.

de discriminations injustifiées »

Conclusion du chapitre II

106. La recherche de la vérité reste le principal objectif dans un procès pénal afin de produire des éléments de preuve susceptibles de convaincre et de persuader le juge qui va rendre le jugement. Donc, la preuve vise à la manifestation de la vérité et à la condamnation de l'auteur de l'infraction. Pour ce faire, la liberté dans la recherche de la preuve constitue le principe qui domine la procédure pénale afin de faciliter cette lourde tâche face à la

660 K. Roudier, Le contrôle de constitutionnalité de la législation antiterroriste. Étude comparée des expériences espagnole, française et italienne, Thèse de droit, Université du sud Toulon-Var, 2011, p. 1.

661 V. sur ce point : P. Kramer, « La loi Perben II et les évolutions de la justice pénale », in Etudes, 2005/2, Vol. 402, pp. 175-183, V. spec. p. 177 : « Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004, a validé cette approche dans sa quasi-totalité, en considérant qu'il y avait une proportionnalité entre les moyens nouveaux de procédure et les risques que font peser sur la société les activités délinquantes structurées ».

662 Décision n° 2004-492 DC du 02 mars 2004, Journal officiel du 10 mars 2004, p. 4637, Le Conseil constitutionnel Décide : Article premier.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité : - à l'article 1er, l'article 706-104 nouveau du Code de procédure pénale ; - à l'article 137, les mots : " en chambre du conseil " à la fin de la première phrase du second alinéa de l'article 495-9 nouveau du Code de procédure pénale.

154

présomption d'innocence qui signifie que la charge de la preuve repose entièrement sur les épaules de l'accusation. Cependant, le principe de la liberté de preuve n'est pas absolu puisqu'il comporte des limites. En effet, l'administration de la preuve doit respecter le principe de loyauté. Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve en matière pénale représente une limite et restriction à la liberté de la preuve qui domine la procédure pénale libanaise et française. En dépit de l'absence de consécration législative du principe de loyauté en droit libanais et français, dans un État de droit, la recherche et le recueil des éléments de preuve doivent se faire dans le respect du principe de loyauté. L'obtention de la preuve ne doit pas se faire au prix de violations de la loyauté parce que la preuve ne saurait être recherchée par n'importe quel moyen et à n'importe quel prix. L'objectif louable de recherche de la vérité dans le procès pénal ne doit pas justifier l'emploi de n'importe quels moyens. La loyauté fait appel à l'honnêteté et la droiture dans la recherche de preuve, ce qui a poussé certains auteurs à considérer le principe de loyauté d'inspiration essentiellement morale. La loyauté dans la recherche de la preuve pénale est un principe jurisprudentiel dégagé par la Cour de cassation française dans un arrêt de principe en 1888, l'affaire Wilson, puis dans l'arrêt Imbert rendu le 12 juin 1952 qui a confirmé la naissance du principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale et qui a contribué à éclaircir quelques points d'ombres concernant le champ d'application du principe de loyauté. Dans l'affaire Imbert, la Cour de cassation française a généralisé la portée de ce principe de loyauté dans la recherche de preuve. Le principe de loyauté en droit libanais et français n'est pas consacré d'une façon directe et textuelle, ce qui fait de la loyauté un principe controversé. Malgré sa place et son importance dans la recherche de la preuve pénale, il semble que le principe de loyauté en droit libanais et français connaisse un déclin ou une faiblesse, comme l'affirment certains pénalistes et comme l'affirme implicitement son application par la chambre criminelle des cours de cassation française et libanaise. Plusieurs facteurs ont contribué au déclin du principe de loyauté en droit libanais et français. Parmi les facteurs qui ont probablement contribué à ce déclin, on note : l'absence de consécration législative expresse en droit libanais et français, l'application trop stricte du principe de la liberté dans la recherche de preuve et la liberté totale du juge quant à l'appréciation des éléments de preuve. De surcroît, l'application variable du principe de loyauté de la preuve qui n'a pas un caractère absolu et ne s'impose pas de la même manière sur l'ensemble des acteurs du procès pénal a contribué sans doute au déclin du principe. Parallèlement, la découverte de la vérité ramène le procès pénal à un duel entre deux idées philosophiques. Le premier principe est la morale selon Kant : « la fin ne justifie jamais les moyens ». Le deuxième est selon l'expression Machiavélienne l'opposé : « la fin justifie les moyens ». En principe, dans un État de droit comme au Liban et en France, dans la recherche

155

et l'administration des preuves pénales, la fin ne doit pas justifier l'utilisation de n'importe quel moyen comme l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes en vue de réunir des éléments de preuve. Par exemple la tromperie dans la constitution de la preuve et la provocation à la commission d'une infraction sont interdites pour être considérées comme des procédés déloyaux. Pourtant, une distinction apparaît entre une provocation à la commission d'une infraction et une provocation à la preuve de l'infraction. La jurisprudence au Liban et en France est plus souple et tolérante quand il s'agit d'une provocation à la preuve qui est considérée un procédé loyal par nature. Bien qu'on ne puisse parler d'ennemis dans un État de droit, et qu'il n'y ait que des délinquants face à la loi, le droit pénal de la dangerosité et le droit pénal de l'ennemi ont conduit à l'émergence progressive de la preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi et ont fini par pousser les législateurs libanais et français à adopter partiellement le principe selon lequel : « La fin justifie les moyens » dans la procédure pénale. Mais cela reste l'exception à la règle face à l'évolution du phénomène de la criminalité organisée et la nécessité de trouver nouveaux moyens de lutte contre certaines infractions graves, notamment liées au terrorisme, au trafic de stupéfiants, au crime organisé. Afin de faciliter la recherche légale de preuves de certaines infractions graves, les législateurs libanais et français ont décidé d'adopter une législation spécifique contenant des dérogations visant à faciliter la recherche de la preuve, comme au Liban la loi numéro 673 du 16/03/1998 relative aux stupéfiants et substances psychotropes et en France, la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite Perben II. Ces lois couvrent les vices de loyauté, c'est-à-dire que la loi légalise la recherche de la preuve déloyale comme les infiltrations policières et les livraisons surveillées de stupéfiants. Donc, les législateurs libanais et français ont tenu compte de la nécessité pratique urgente d'adopter des procédures pénales d'exception dans la recherche de la preuve lorsque l'infraction est grave.

Titre II

Notion de preuve illégale

107. La nécessité de recourir à la notion de preuve illégale. Comment peut-on distinguer la preuve illégale ? Quels sont les moyens de preuve qui constituent une violation du principe de légalité de la preuve pénale ? Le principe de légalité de la preuve évolue-t-il avec l'évolution des modes de recherche des preuves en matière pénale ? La recherche de la preuve est indubitablement la base sur laquelle s'articulent les règles des procédures pénales. Ces procédures sont multiples et diverses dans les différentes étapes du procès pénal, soit les étapes de l'investigation, l'enquête et le jugement, et doivent respecter le modèle défini dans

663

le Code de procédure pénale.

108. Exemplaires et formes de transgression de légalité de la preuve. Les transgressions du principe de légalité de la preuve pénale consistent en des transgressions afférentes à la forme requise par le législateur lors de l'application des procédures pénales. Nous n'évoquons ici que les procédures pénales qui visent directement ou indirectement la recherche de la preuve pénale. En outre, pendant la phase de jugement, les preuves réunies durant l'instruction préparatoire et les preuves qui sont recueillies exclusivement pendant la phase de jugement doivent respecter les règles et les formes essentielles du procès équitable, c'est-à-dire les principes généraux qui régissent les procès dans la phase de jugement comme le principe de la publicité des audiences, l'oralité (la preuve fait l'objet d'un débat contradictoire et public) et le respect du contradictoire (la preuve soumise au débat contradictoire entre les parties au procès pénal). Les preuves qui ne respectent pas les principes généraux qui dominent la phase de jugement (publicité, oralité, contradictoire) sont des preuves illégales. Le droit à un procès

équitable, inscrit à l'article 6 de la Convention européenne

664

, recouvre de nombreux

156

éléments. Parmi eux, se trouvent des droits procéduraux intéressant spécialement la preuve

663 Dans la présente recherche, nous nous focalisons sur les transgressions et les violations de la loi qui ont lieu lors de l'application des procédures pénales relatives à la recherche de la preuve pénale, car il y a certaines procédures pénales ordinaires qui ne se rapportent pas à l'identification et la recherche de la preuve pénale, ici, il s'agit des procédures appelées par certains les procédures non essentielles qui ne concernent pas la légalité de la preuve pénale, dites réglementaires ou directives ou d'orientation, qui ne touchent pas à la liberté des individus, et n'ont rien à voir avec la preuve pénale, qui ne se rapportent pas à notre sujet.

664 Le droit à un procès contradictoire (article 6 § 1 et § 3 de la Convention européenne).

157

665

pénale comme le principe du débat contradictoire. Il existe d'autres transgressions du principe de légalité de la preuve lorsque la méthode ou le moyen qui a causé l'obtention de la preuve résulte de la violation des principes généraux, telle que celle qui protège l'inviolabilité de la vie privée de l'individu ou du suspect. L'inviolabilité de la vie privée de l'homme requiert son droit de garder la confidentialité de sa vie. Ainsi, le droit à la confidentialité est une qualité inhérente au droit à la vie privée, qui en est inséparable. Par ailleurs, le moyen d'obtention de la preuve ne doit pas avoir touché, affaibli ou enfreint la sécurité corporelle et morale de la personne soumise au procès pénal. D'où l'interdiction de toutes formes de contrainte matérielle et morale à l'encontre de cette personne. L'utilisation de certaines méthodes sophistiquées dans la recherche de la preuve, notamment les méthodes scientifiques, et la problématique de la violation des droits de l'homme, sont ainsi des sujets de discussion. De plus, l'obtention de la preuve pénale doit vraiment garantir le respect de tout ce qui a trait aux droits inhérents à la personne, c'est-à-dire l'inviolabilité de son domicile et la confidentialité de ses contacts et le respect des droits de défense qui sont prévus par le droit positif. Si la personne qui effectue la recherche de la preuve pénale s'engage à respecter ces règles, la preuve devient légale et l'évaluation de sa force probante comme une preuve est soumise à l'examen minutieux et à l'estimation du juge du procès ainsi qu'à la liberté de ce dernier. La recherche de la preuve pénale en respectant ces principes précédemment énumérés n'est en aucun cas un idéal, mais plutôt une obligation légale, et ceci est, en fait, la mise en oeuvre saine et judicieuse du principe de légalité de la preuve pénale, qui dispose que l'obtention de toute preuve doit se faire moyennant une méthode légale et non contraire au texte de loi.

109. Notion de l'illégalité de la preuve. Le terme de preuve illégale, au sens où M. Jérôme Benedict l'entend, est un raccourci qui recouvre une réalité plus complexe : 1° : l'illégalité provient tantôt de l'inobservation d'une disposition légale, tantôt du non respect d'un

666

« principe général » applicable à la procédure pénale . Parmi ces « principes généraux » figurent notamment selon M. Jérôme Benedict le principe du respect de la dignité humaine, les principes de la bonne foi et de la proportionnalité, le droit fondamental à la liberté

667

personnelle ou encore le droit d'être entendu. Ainsi, la protection de la dignité humaine est un impératif qui l'emporte, de l'avis de la doctrine et de la jurisprudence. Le principe de la

665 V. sur le principe du contradictoire : M.-A. Frison-Roche, Généralités sur le principe du contradictoire, Thèse de droit, Université Paris II, 1988.

666 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 21.

667 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 21.

bonne foi interdit au juge les procédés fondés sur la ruse. Le droit fondamental à la liberté personnelle prohibe les actes qui y portent atteinte et qui ne reposent pas sur une base

668

légale

. Le droit d'être entendu implique la faculté laissée au prévenu ou à son défenseur de

poser des questions aux témoins, au moins une fois au cours du procès

669

. 2° : la violation

158

d'une règle de forme légale en matière de preuve est plus remarquable, mais la disposition légale violée peut être une règle de fond ou une règle de procédure. Cette distinction revêt une importance pratique car, en effet les critères d'admission ou d'exclusion des preuves illégales

. 3° : la

670

varient suivant la nature de la règle juridique comme affirme M. Jérôme Bénédict

preuve illégale peut être le résultat d'une violation d'une obligation positive ou d'une obligation négative durant la mise en oeuvre de la procédure qui vise à faciliter la recherche de la preuve. « L'illégalité résulte soit de la violation d'une interdiction, c'est-à-dire d'une règle négative, soit de la transgression d'une règle positive fixant les conditions de la recherche et

de l'administration des preuves ». 4° : l'illégalité a trait soit à la preuve elle-même, soit aux

671

conditions dans lesquelles elle a été obtenue ou administrée. Ainsi, la narco-analyse est

672

prohibée en elle-même . 5° : la violation de la loi peut être commise de plusieurs façons différentes. « La loi peut être violée tantôt lors de la recherche des preuves, tantôt lors de leur administration aux débats » (c'est-à-dire au moment où elles sont soumises à l'appréciation

du tribunal)673. 6° : les acteurs qui produisent des preuves illégales sont encore multiples : les parties au procès pénal (on pense à la partie publique et aux parties privées) peuvent produire des preuves illégales pendant le déroulement du procès pénal. « L'illégalité peut aussi bien

674

être le fait de particuliers que des organes de l'état ». Le Code de procédure pénale est considéré comme un fondement essentiel pour la protection des droits de l'homme et ses libertés. L'illégalité de la preuve pénale est répartie en deux parties : la première concerne la transgression des règles procédurales définies dans le Code de procédure pénale qui vise la collecte de preuves et sa quête. Ici, il sera procédé à la définition des procédures prévues dans le Code de procédure pénale libanais et français, qui visent exclusivement à la recherche de la preuve et à la présentation des aspects de son illégalité. Il sera question ici dans ces lignes de

668 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 22.

669 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 22.

670 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 22.

671 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 22.

672 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 22.

673 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 22.

674 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 23.

159

la preuve obtenue en violation du droit au respect de la vie privée675 (écoute d'appels téléphoniques et l'enregistrement de conversations). C'est ce qui sera étudié dans le premier chapitre portant sur la preuve entachée d'une illégalité formelle (Chapitre I). Quant au deuxième type d'illégalité de la preuve pénale, il s'agit de ses applications par l'usage de moyens de quête de la preuve non conforme au respect des droits essentiels de l'homme. Ici, il s'agit de l'obtention de la preuve pénale par la violation du droit du suspect ou l'accusé à sa sécurité corporelle (par la torture par exemple) ou de son corps (analyses et utilisation du

sérum de vérité, du détecteur de mensonges ou de l'ADN)676. L'illégalité de la preuve pénale trouve sa source dans les éléments de preuve obtenus illégalement en violation des droits fondamentaux, notamment la dignité humaine. Le deuxième chapitre porte sur la preuve entachée d'une illégalité matérielle. (Chapitre II).

675 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : « Il ne doit pas non plus y avoir d'atteindre à l'intimité de la personne poursuivie par des procédés modernes de surveillance... ».

676 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : « Il ne doit pas être porté atteinte à l'intégrité physique de la personne poursuivie, que ce soit par la torture ou par des procédés plus modernes qualifiés de scientifiques qui représentent eux-aussi une violence infligée à la personne ».

160

Chapitre I

Preuve entachée d'une illégalité formelle

110. La question de l'illégalité. Comment déterminer de manière précise et de façon judicieuse le concept ou la notion de la preuve illégale dans le procès pénal ? Une question qui demeure ouverte : comment peut-on définir la notion de l'illégalité d'une procédure qui vise à la recherche des éléments de preuve dans le cadre d'une procédure pénale ? Plus précisément, comment définir la notion d'une preuve illégale ou la notion de preuve illicite ou irrégulière ? Plusieurs termes sont utilisés pour signifier qu'une procédure est incorrecte ou qu'un acte s'est déroulé d'une façon non conforme à la loi. C'est ce qu'on appelle exactement une procédure illégale ou irrégulière. On dit aussi qu'un acte de procédure est entaché d'une illégalité formelle ou matérielle. Au sens large, durant la recherche de preuve, les actes de procédure pénale peuvent être entachés d'irrégularités, lorsqu'un certain nombre d'éléments de preuve

677

ont été recueillis à la suite d'une action illégale ou irrégulière. Le thème présente un intérêt certain en ce sens que la sanction des irrégularités dans la conduite du procès pénal est apparue comme étant un gage essentiel de garantie du procès équitable qui est une exigence fondatrice inévitable et fondamentale participant largement à la consécration de l'État de droit. Mais il est nécessaire de trouver un critère qui permet de limiter la notion de preuve illégale parce qu'on ne peut pas considérer que n'importe quelle preuve entachée d'un vice sera considérée comme une preuve illégale même si le vice ne porte pas atteinte aux droits et aux principes généraux en matière pénale. Quels sont les sources, les origines et les causes d'une illégalité ? L'illégalité de la preuve trouve sa source dans la méconnaissance de la légalité procédurale, c'est-à-dire la méconnaissance des règles de procédure pénale et des principes généraux de la procédure pénale. On parle ici des grands principes gouvernant la preuve pénale qui sont intimement liés à la recherche et à l'administration de la preuve pénale. La première section de ce chapitre porte sur les procédés de preuve portant atteinte à la légalité procédurale (section 1). La seconde section de ce chapitre porte sur les procédés de preuves portant atteinte à l'intimité de la vie privée (section 2).

677V. sur ce point : Jean Du Jardin, Il s'agit des conclusions que M. J. Du Jardin, avocat général Belge, avait prononcées dans une affaire fiscale en cause Vande Vyvere et consorts, soumis à la Cour de cassation Belge (Cass. 13 mai 1986, Pas., 1987, p. 1107). : « Sous le régime de l'administration libre de la preuve en matière pénale, les éléments probants ne peuvent pas être recueillis d'une manière illégale. ... Il est à l'évidence, interdit aux organes du pouvoir d'agir, non seulement en violation d'un texte formel de la loi mais aussi d'une manière irrégulière, c'est-à-dire en violant les principes généraux du droit, ... ».

161

Section I.

Les Procédés de preuve portant atteinte à la légalité procédurale.

111. Les sources de l'illégalité procédurale. Les différentes sources de l'illégalité de la preuve qui affectent un moyen de preuve pénale peut avoir deux origines : la première résulte soit de la violation d'une règle juridique dont l'objectif est d'interdire ou de soumettre à des conditions précises la recherche de telle preuve, soit du manquement à une règle de procédure

678

relative à son administration. L'illégalité de la preuve peut puiser son origine dans la violation des principes liés la notion de procès équitable. Le droit à un procès équitable est une notion multiple, composée de plusieurs principes. En ce sens, la légalité de la preuve est étroitement liée au principe de l'oralité des débats avec le respect du principe du débat

679

contradictoire et la publicité des débats à l'audience. L'accusé doit pouvoir débattre et contredire les arguments et preuves avancés par l'autre. Ce qui impose aujourd'hui que les

680

.

éléments de preuve soient produits en audience publique, en vue d'un débat contradictoire

681

.

La preuve ne doit pas être obtenue en atteinte aux droits de la défense. L'utilisation des preuves ainsi obtenues en violation des principes précédents rend la preuve illégale

§ 1. Preuve illégale résultant de l'inobservation de la loi.

112. Preuve recevable en justice. Dans un État de droit, la manifestation de la vérité d'après la recherche de preuve, se déroule conformément à la procédure prescrite par la loi surtout selon le Code de procédure pénale qui organise la procédure de la découverte de la

678 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 19.

679 V. en ce sens : G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 2: « Procéduralement, la montée des standards communs du procès équitable est indéniable. Elle se marque par une constitutionnalisation et/ou conventionnalisation de plus en plus forte du droit de la preuve, par un développement des droits de la défense, du principe du contradictoire et de l'oralité, ... ».

680 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 7.

681 V. sur ce point : F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 200: « Si la recherche des preuves n'est pas toujours marquée par une obligation de loyauté, le respect des droits de la défense et le principe du contradictoire imposent la loyauté lors de la discussion des preuves ».

162

vérité et le rassemblement des preuves d'une infraction contre un criminel. Donc, l'acte de procédure non conforme à la loi qui vise à amasser des preuves est contraire au principe de la légalité de preuve pénale. Pendant la recherche de la preuve, il existe un formalisme à respecter qui est prévu par le Code de procédure pénale pour que la preuve soit légalement admise. L'obtention de preuves peut prendre plusieurs formes, le problème réside essentiellement dans la légalité de l'obtention de la preuve et non dans la crédibilité de la preuve. Il s'agit d'une formalité qui vise notamment à garantir la légalité et la régularité de la preuve pour assurer le droit à un procès équitable et les droits de la défense à toutes les personnes soupçonnées ou poursuivies dans une affaire pénale. Une question se pose : le non-respect d'une formalité substantielle entache-t-il la preuve d'une illégalité ou irrégularité? Quelles sont les conséquences du non-respect de cette formalité procédurale sur l'admissibilité de la preuve?

682

113. L'importance du respect des règles de forme. Les formalités de la procédure pénale assurent une application exacte de la loi sans risque d'arbitraire ou excès de pouvoir qui menace les droits de la défense, et les libertés individuelles pendant l'accomplissent des actes

683

de procédure qui visent la recherche de la preuve de l'infraction et son auteur. La recherche et l'administration de la preuve pénale doivent respecter les règles de forme de procédure car le respect de ces règles garantit au prévenu et accusé le droit à un procès juste et équitable et en même temps lui permet d'exercer efficacement et effectivement ses droits de la défense. C'est-à-dire qu'il offre au prévenu ou accusé pleinement la possibilité d'exercer les droits attachés à sa défense. Le non-respect d'une règle de forme peut entraîner la nullité de l'acte de

684

procédure qui vise au rassemblement des preuves. La procédure pénale vise à organiser

682 V. E. Vergès, « Rigueur du formalisme procédural et respect du droit au procès équitable », observations sous CEDH 26 juillet 2007 Walchi c/ France, in R.P.D.P., 2007-4, p. 893 : « le formalisme procédural est traditionnellement conçu comme un facteur de protection des droits fondamentaux dans le procès pénal ».

683 V. R. Garraud et P. Garraud, Précis de droit criminel, contenant l'explication élémentaire de la partie générale du Code pénal, du Code d'instruction criminelle et des lois qui ont modifié ces deux codes, Société anonyme du Recueil Sirey, 1926, p. 111 : MM. René Garraud et Pierre Garraud expliquent le rôle des formalités dans la procédure pénale en écrivant : « Le but de la procédure pénale est d'assurer la complète manifestation de la vérité judiciaire en protégeant, par les formalités dont elle entoure la poursuite, l'instruction et le jugement, l'intérêt de l'accusation et l'intérêt de la défense ».

684 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Cujas, Paris, 1967, n° 125 et s., pp. 138-139 : « La règle de droit pénal de forme a pour objet d'assurer la mise en oeuvre concrète de la justice criminelle, c'est à dire l'application, aux personnes poursuivies des règles de droit pénal de fond. Elles atteignent leur but d'une double façon. En premier lieu, elles établissent un certain ordonnancement judiciaire, en instituant des juridictions répressives dont elles déterminent les rouages et l'agencement interne. D'autre part, elles organisent le déroulement des procès. Elle apparaît sous forme de normes d'organisation, de normes de compétence et de normes processuelles ou d'activité ».

163

685686

légalement la recherche de la preuve, d'où la nécessité de respecter les formalités prescrites par loi sans que le législateur ajoute chaque fois à la fin de chaque article le terme « sous peine de nullité », parce que la recherche de preuve doit être effectuée conformément aux règles de procédure matérielle et formelle qui organisent les différentes formes d'actes de procédure. « Il ne saurait être question d'évoquer tous les textes de fond ou de forme dont la

687

violation peut aboutir à déclarer illégale la preuve produite ». La formalité dans la procédure pénale, notamment dans la recherche de preuve, revêt une importance essentielle lorsque la forme de la procédure a pour objectif d'assurer le caractère équitable du procès, les droits de la défense et pour limiter les abus de pouvoir et l'arbitraire. En droit libanais et français, le régime de nullité en matière pénale est mixte, la loi qui prévoit une formalité indique parfois qu'elle est requise à peine de nullité et parfois ne l'indique pas expressément. La violation des règles de procédure non prescrites expressément à peine de nullité pose la question de la légalité de la preuve obtenue en violation à ces règles. L'absence des termes « à peine de nullité » conduit plusieurs auteurs à constater que la formalité procédurale ne doit pas être respectée sauf si elle est prévue «à peine de nullité ». Mais cela, à notre avis, est inacceptable parce que la formalité doit être respectée conformément au principe de la légalité formelle. Mais il faut distinguer la formalité substantielle dont la violation ou l'omission peut entraîner l'illégalité de la preuve.

A. L'absence de base légale.

114. L'absence de règle de preuve. L'illégalité de la preuve pénale trouve sa source dans l'absence ou le défaut de base légale parce que l'acte de procédure qui vise la recherche de preuve doit trouver un fondement légal qui est un texte de loi. Chaque procédure qui vise à rechercher la preuve doit être mentionnée dans le Code de procédure pénale ou doit être indiquée comme base légale qui prescrit la forme juridique déterminée. Au contraire, les

685 V. L.-A. Macarel, Eléments de droit politique, Librairie de jurisprudence de H. Tarlier, Bruxelles, 1834, p. 100 : Selon M. Louis-Antoine Macarel « Les règles et les formalités de la procédure doivent, en général, avoir pour effet d'écarter de l'administration de la justice le désordre, l'arbitraire et la confusion... ».

686 V. F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray libraire-éditeur, Paris, 1845, 1er partie, p. 6 : « Les formes de la procédure sont destinées, comme des phares, à éclairer la marche de l'action judiciaire; leur but est d'arrêter les entraînements de la justice, d'attacher une sorte de solennité à chacun de ses pas, de préparer ses actes ».

687 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 4.

164

autorités étatiques ou judiciaires et les parties dans le procès pénal ne peuvent pas inventer un nouvel acte de procédure ou mode de preuve en justice sans aucune disposition ou base légale qui règle, organise et légalise ce moyen de preuve et qui a pour objet de fixer les conditions et les formes dans lesquelles elle peut être effectuée. Donc un vice existe dans la preuve s'il n'existe aucune disposition légale spécifique qui légalise le moyen de recherche de preuve. Ce défaut ou manque de base légale permet de dire que cette preuve est entachée d'illégalité au

688

motif du manque ou défaut et même pour absence de base légale.

B. La violation d'une formalité substantielle.

115. But du formalisme. La forme de l'acte de procédure qui vise la recherche et la constatation d'infractions est d'une application obligatoire. Tout simplement, l'application de l'article du Code de procédure pénale doit être strictement conforme à la forme prescrite par loi, soit prévue textuellement sous peine de nullité ou non, soit qu'il s'agisse d'une règle de forme substantielle ou règle de forme non substantielle. L'application stricte du modèle de l'acte de procédure pénale prévue dans le texte appliqué revêt une importance toute particulière dans le domaine de la preuve pénale parce que le législateur impose certaines formes juridiques pour garantir l'efficacité d'un des principes fondamentaux qui gouvernent la preuve pénale. Pour assurer une conciliation entre les valeurs de qualité et d'efficacité et, de façon plus générale, un équilibre entre les intérêts des parties au procès pénal, la procédure va fixer des règles gouvernant les actes utiles à la manifestation de la vérité. Ces formes procédurales ne sont pas établies par pur hasard ou de manière arbitraire. Au contraire elles ont pour objectif essentiel de garantir le respect d'un certain équilibre dans le cadre d'un procès pénal surtout durant la recherche de preuve où le prévenu ou l'accusé jouit d'une présomption d'innocence. Il en résulte que parfois le formalisme doit être allégé en vue de garantir la réalisation effective des droits. Les règles de procédure doivent donc veiller à

688 V. en droit français : P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 2 : « Deux situations peuvent en effet se produire. D'une part, la preuve peut être administrée en violation d'une règle de fond ou de forme. D'autre part, elle peut être rapportée sans fondement légal relatif à ses conditions d'obtention. Aucune de ces deux hypothèses ne devrait conduire à l'admission des éléments probatoires : en vertu des dispositions supra-législatives, la culpabilité doit être établie légalement, ce qui s'oppose à toute violation de la loi avant son prononcé et, aux termes de la Constitution, nul ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans le respect des formes que la loi a prescrites, ce qui prohibe tout recours à un moyen probatoire non réglementé » ; V. encore : P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 3 : « Or, en l'absence de dispositions spéciales, l'article 81 du Code de procédure pénale est invoqué pour justifier le recours à des procédés non réglementés, visant à l'obtention de déclarations auto-incriminantes à l'insu de l'accusé ».

maintenir le formalisme dans des limites bien précises afin que celui-ci ne soit pas appliqué de manière aveugle, ce qui peut lui faire perdre tout ou partie de son efficacité.

116. Le respect de certaines dispositions et conditions de forme est prescrit à peine de nullité. Certains actes de procédure pénale qui visent la recherche de la preuve sont prescrits à peine de nullité. Le législateur rédige l'article de procédure en mentionnant expressément que le respect de ces formes ou dispositions est sanctionné sous peine de nullité de la procédure. Donc, la méconnaissance de cette disposition est sanctionnée par la nullité sans hésitation et sans l'appréciation par la jurisprudence. Ici, le législateur a clairement manifesté son intention de sanctionner l'illégalité, ce qui implique que la méconnaissance de tous les actes de procédure qui sont rédigés « sous peine de nullité » est considérée par le législateur comme des éléments de preuve illégaux en cas de méconnaissance de la procédure.

117. L'incidence directe du respect des règles de forme sur la légalité des éléments de preuve. Sans doute, s'agissant de la procédure pénale libanaise et française, il y a certaines règles de forme qui n'ont aucun effet ni aucune incidence sur la légalité de la preuve et qui ne s'attachent pas aux garanties et formalités substantielles. Mais cela ne justifie pas de négliger l'importance et les garanties qui se trouvent dans nombre de règles de forme qui sont liées à l'efficacité et au bon déroulement de l'exercice du droit à un procès pénal équitable et les droits de la défense. Il faut noter qu'en général, le problème de la légalité de forme dans la procédure pénale est souvent négligé par la doctrine libanaise. La doctrine libanaise ne consacre pas l'importance du principe de la légalité formelle de la preuve, mais analyse ce problème d'une manière trop timide et implicite dans la théorie des nullités. Contrairement à la doctrine libanaise timide, la doctrine française pose explicitement la nécessité de respecter les règles formelles de procédure pénale dans la recherche des preuves comme l'affirme M.

689

Jacques Buissonqui rappelle également que ces règles de forme de procédure pénale doivent être respectées en toutes circonstances durant l'intervention des autorités étatiques et

même par les particuliers dans la recherche des preuves

690

. La chambre criminelle de la Cour

165

de cassation française, à son tour, confirme la force du principe de légalité formelle de

689 V. J. Buisson, « Preuve », in Rép. pén. Dalloz, février 2003, n° 94, p. 20 : « Il ne saurait être question d'évoquer tous les textes de fond ou de forme dont la violation peut aboutir à déclarer illégale la preuve produite ».

690 V. J. Buisson, « Preuve », in Rép. pén. Dalloz, février 2003, n° 94, p. 20 : « Ces normes doivent être respectées par tous, par les agents de l'autorité chargés du recueil de la preuve comme par les particuliers qui souhaitent apporter des preuves aux juges répressifs ».

l'administration de la preuve

691

. Nous pouvons dire que l'absence de la forme nécessaire pour

166

la validité de la procédure signifie le non-établissement de la procédure selon la forme prévue dans la loi, ce que l'on peut traduire par l'expression la « preuve illégale ». Cependant, les formes selon lesquelles la procédure doit être exécutée n'ont pas toutes la même importance. En effet, certaines de ces formes sont fondamentales. Leur négligence a pour conséquence de vicier la procédure. Par contre, d'autres formes ne sont pas indispensables (formes d'organisation) et donc ne touchent pas la validité de la procédure prise en

692

l'absence de conformité.

118. La violation de la forme rend la preuve illégale. Généralement, le rôle des règles formelles dans le domaine de la preuve est tout aussi important et vital que celui des règles de fond. En effet, ces règles jouent un rôle important dans l'aspect organisationnel du processus de la preuve devant les tribunaux, en sachant que cet aspect organisationnel est le pilier de la réalisation de la justice dans ses différents domaines. Les règles formelles dans le Code de procédure pénale imposent une forme, un modèle et des conditions spécifiques aux actions à exercer lors de l'exécution d'une procédure pénale.

119. Les formes déterminées par le législateur en vue de l'organisation et de l'orientation. Il convient de dire que les formes requises par le législateur ne sont pas toutes essentielles. La violation de certaines (formes) ne risque pas de détruire le but de l'acte de procédure, car elles certaines sont mentionnées par le législateur pour un rôle d'organisation et d'orientation. Le principe général est que le législateur veille toujours à la conformité de toutes les parties aux règles établies de procédure qu'elles soient objectives ou formelles. Si l'absence de ces formalités n'est pas une violation de la loi ou des garanties fondamentales, la procédure ne perd pas son efficacité, et donc n'a pas d'impact sur le but auquel aspire le législateur. En effet, ces règles ne sont pas considérées comme indispensables de sorte que si elles ont été touchées par un vice à cause d'une violation, cela n'entraîne pas la nullité. En effet, la violation de ces règles ne fait pas obstacle à la découverte de la vérité dans le crime reproché à l'accusé, et

691 V. Cass. crim., 19 juin 1989, B.C., n° 261, p. 648 : « selon les dispositions combinées des articles 342 et 451 du Code des douanes, tous délits en matière douanière ou cambiaire peuvent être prouvés par toutes les voies de droit, c'est à la condition que les moyens de preuve produits devant le juge pénal ne procèdent pas d'une méconnaissance des règles de procédure et n'aient pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe énoncé à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales».

692 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 157, p. 255.

167

donc n'a pas d'impact négatif sur la bonne conduite des procédures et ne contrarie pas la justice.

120. L'importance pour les procédures de recherche de la preuve d'inclure les formes fondamentales prévues par la loi. Les procédures de l'enquête préliminaire sont nombreuses et diverses : se déplacer au lieu du crime, l'étudier, écouter les témoins, rechercher et saisir les choses, les correspondances, la perquisition, la confrontation et l'interrogatoire. Elles peuvent également prendre la forme de procédures provisoires afin de sécuriser les preuves et d'éviter leur perte, comme l'arrestation du suspect et la mise en détention provisoire. Généralement, le législateur a entouré les différents actes pendant l'étape d'enquête de formes procédurales précises à respecter. Etant donné que certaines formes sont organisationnelles et qu'elles ont pour objectif unique l'orientation, la plupart des autres formes sont fondamentales, c'est-à-dire que le législateur vise en vertu de l'application de son rapport à garantir un droit

693

spécifique du suspect ou bien à assurer une nécessité publique. Dans ce dernier cas réside l'importance de la forme procédurale qui protège les droits fondamentaux dans le procès pénal. Dans ce sens, on distingue du champ des formes prévues par la loi toutes formes dites purement organisationnelles ou d'orientation ou en d'autres termes non fondamentales pour les distinguer des autres formes fondamentales. Parmi les principales formes d'orientation, il convient de citer l'ordre des procédures en audience en vue de succession et d'alternance.

C. L'illégalité résultant de la violation des conditions fixant les actes de recherche des preuves strictement réglementée.

121. Restreindre la mise en oeuvre de l'enquête d'une manière particulière. Bien que l'objectif de toute procédure de l'enquête soit la découverte de la vérité dans l'infraction produite, les législateurs libanais et français ont entouré les moyens d'atteinte de cet objectif de contrôles et de garanties assurant le respect des droits et libertés individuelles. En effet, le législateur tente de trouver un équilibre entre l'efficacité des enquêtes d'une part et le non respect des droits et libertés individuelles, d'autre part, y compris la reconnaissance de la dignité humaine de l'accusé. À la lumière de cet équilibre, il existe des procédures dont le

693 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 158, p. 256.

168

législateur limite l'application d'une façon particulière. Par conséquent l'arrestation et la perquisition menées par l'officier de police judiciaire pourraient être valides indépendamment de la méthode de sa procédure tant qu'elle est légale. Cependant, le législateur et la justice veillent à affirmer certaines conditions et formes associées aux procédures d'enquête, par exemple, en matière de perquisition694. Quelles sont donc les formes fondamentales de la procédure qui rendent la preuve illégale en cas de violation? Les formes fondamentales de la procédure pénale relatives ou associées à la preuve pénale dont la violation affecte la légalité, et qui doivent être respectées et appliquées de la façon prescrite par la loi sont variables. Cependant, elles sont toutes liées à des formes fixées par les législateurs libanais et français, en matière de perquisition, et s'agissant des formes relatives à l'interrogatoire et de l'audition des témoins. L'illégalité de la preuve pénale résulte de l'application d'une procédure pénale spécifique contraire à certaines conditions requises par la loi. A ce propos, il convient de citer la perquisition. En effet, il est possible de dire que la forme et les conditions prévues par les législateurs libanais et français relatives à la perquisition sont considérées parmi les formes fondamentales, étant donné que cette forme est nécessaire dans la procédure pénale afin de protéger les droits et les libertés individuelles et de fournir également la confiance dans la preuve résultant de cette procédure pénale. En résumé, il est constaté que l'application de ces procédures, contrairement à ce qui est exigé par la loi rend illégale la preuve issue de cette procédure.

§ 2. Preuve portant atteinte au droit à un procès équitable.

122. Les formes nécessaires pour la légalité des procédures de la phase du jugement. Les

procédures de la phase du jugement sont nombreuses et variées 695 . Après l'instruction préparatoire de l'affaire vient le temps du jugement. Devant la juridiction de jugement, la procédure est publique, orale et contradictoire, ce qui diminue la probabilité d'abus contre

l'accusé 696 . La phase décisoire, qui intéresse les juridictions de jugement, est le point

694 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la jurisprudence de la cour de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 160, pp. 259-260.

695 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 66, p. 40 : « Notre système procédural prohibe l'administration de preuves incompatibles avec le respect des droits de la défense. ».

696 V. en ce sens : B. Bouloc, « Les abus en matière de procédure pénale », in R.S.C., 1991, p. 221 : « Quant à la phase de jugement, à première vue, elle semble moins donner prise à des abus, en raison des caractères qui

d'aboutissement du processus pénal. Le législateur se soucie du déroulement des procédures de la phase du jugement à travers un ensemble de principes, de contrôles et de garanties qui assurent l'efficacité de la divulgation de la vérité, d'une part, et le respect des droits et des libertés de l'accusé, d'autre part, en particulier son droit inhérent d'être présumé innocent jusqu'à l'émission du verdict. Il existe des formes organisationnelles, et d'autres fondamentales. Le but des formes organisationnelles est uniquement indicatif. Toutefois, ces procédures sont valides dans le respect ou non de ces formes. En dehors de ces formes organisationnelles dont l'omission ne conduit pas à qualifier de vicieuses les procédures de la phase du jugement, il existe d'autres formes qui sont fondamentales, qui représentent d'une manière donnée une condition formelle pour la validité de cette phase du jugement. Par conséquent, en comptant le fondamentalisme de ces formes ou de ces conditions, leur négligence marque les procédures de la phase du jugement de la nullité, y compris le verdict dont l'émission est prévue à la base de ces procédures ou à leur suite697. En conclusion, il est possible de constater que les principes procéduraux qui dominent la phase de jugement sont en relation directe avec la légalité de la preuve pénale. Le non-respect de ces principes fondamentaux peut valablement rendre la preuve illégale. Généralement, les formes

698

dominantes des procédures de la phase du jugementse représentent dans la trilogie de la publicité, de l'oralité et du débat contradictoire, grands principes généraux dont la violation entraîne l'illégalité de preuve.

123. Les formes dominant l'ensemble du système des procédures de la phase du jugement. Ce sont sans doute les caractères fondamentaux de la procédure de jugement. Pendant la phase de jugement, on peut constater clairement que la procédure suit un modèle dit accusatoire qui a pour conséquence des audiences publiques, des débats oraux, contradictoires comme le souligne M. Édouard Verny : « l'audience de jugement s'inspire du modèle accusatoire qui

suppose, outre l'oralité et le contradictoire, la publicité des débats »

699

. La procédure

169

accusatoire présente les caractères suivants : c'est une procédure orale, publique et

sont les siens : oralité, contradiction et publicité».

697 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 163, p. 265.

698 V. D. Coujard, « instruction à l'audience », in Rép. pén. Dalloz, avril 1997, n° 5, p .4 : « La juridiction de jugement, saisie d'une prévention, l'examine publiquement, contradictoirement, au cours d'un débat oral et public : cette instruction à l'audience, en une forme de procédure à dominante accusatoire, donne des garanties à la société et aux parties privées ; elle ne présente pas les inconvénients de la procédure inquisitoire, qui domine l'information préparatoire, laquelle ne donne pas la même place au principe du contradictoire »

699 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 16, p. 14.

contradictoire. La phase de jugement en droit libanais et français apparaît plutôt accusatoire, la procédure de la phase de jugement prendra un caractère oral, public et respectant le contradictoire. Il est impératif que le juge pénal tire sa conviction des preuves présentées à l'audience lorsqu'elle a été soumise à la libre discussion des parties. Cette condition se base sur le principe de l'oralité et la confrontation dans la phase du jugement pénal. En effet, il s'agit d'un principe fondamental dans les procédures pénales, selon lequel le juge devrait étaler chaque preuve présentée au jugement pour la discussion devant les adversaires de façon à ce qu'ils soient au courant de ce qui est fourni contre eux comme preuves afin de pouvoir faire face à ces preuves et y répondre. Par conséquent, il en résulte qu'il est interdit au juge pénal de baser sa conviction sur une preuve présentée par l'une des parties du jugement sans présenter cette preuve lors de l'audience du jugement et la débattre pour mettre au courant les autres parties. Sans doute l'exigence d'une procédure orale, publique et contradictoire qui imposée lors de la discussion des preuves est un aspect de la loyauté de preuve comme le souligne M. Édouard Verny « si la recherche de la preuve n'est donc pas toujours marquée par une obligation complète de loyauté, le respect des droits de la défense et le principe du contradictoire imposent la loyauté lors de la discussion des

700

preuves ».

124. L'étendue de la notion de la phase de jugement. La phase jugement, a pour objet de clôturer définitivement le procès en statuant sur l'existence de l'infraction et la culpabilité du

prévenu ou accusé

701

. La procédure de jugement, encore appelée procédure d'audience ou

procédure d'instruction définitive, a pour but la production des preuves devant les juridictions de jugement et leur discussion publique et contradictoire ; elle permet aux juges de délibérer sur la culpabilité du délinquant et la mesure à prendre à son égard. La décision à laquelle tend

702

cette procédure porte le nom général de jugement. L'audience de jugement constitue l'étape décisive vers laquelle tend toute procédure pénale : il s'agit en cette occasion de permettre à un juge impartial de porter une appréciation objective et respectueuse des droits de la défense

sur l'exactitude des accusations formées à l'encontre du mis en cause

703

. Au Liban et en

170

France, lors de la phase de jugement, l'inculpé peut exercer pleinement ses droits de la

700 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 32, p. 23.

701 G. Vidal, Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, 2e éd., Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau, Paris, 1901, n° 771, p. 789.

702 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris, 2001, tome 2 Procédure pénale, n° 726, p. 839.

703 F. Debove et F. Falleti, Précis de droit pénal et de procédure pénale, 2e éd., P.U.F., Paris, 2006, p. 643.

171

défense au cours de l'audience qui constitue le point central de la procédure pénale. Le juge doit former son opinion en appréciant librement la preuve. Le jugement doit se fonder sur les éléments de preuve recueillis pendant l'audience. C'est pourquoi la phase de jugement est en principe longue et complexe. L'accusé ou le défendeur doit pouvoir discuter les charges

découvertes contre lui704, c'est pourquoi la phase de jugement est de caractère oral, public et contradictoire.

A. La violation du principe de la publicité des débats judiciaires.

125. La publicité des procédures de la phase du jugement. L'adage anglais « Justice must

exprime bien le « refus de tout secret, ..., de

705

not only be done, but must be seen to be done »

706

toute clandestinité qui jetterait un doute sur l'oeuvre de justice ». Le principe de la publicité signifie notamment que les portes de la juridiction sont ouvertes au public pendant le temps de

707708

l'audience sans que les magistrats puissent s'y opposer. La publicité des débatsest

favorable au bon déroulement du procès pénal709, surtout à la manifestation de la vérité et au respect des droits de la défense pendant la phase de jugement. Le principe de la publicité des

710

débats judiciaires est le garant de la sérénité et de l'impartialité de la justice. Pour MM. René Garraud et Pierre Garraud, la publicité des débats est un principe général qui doit être

704 M. Delmas-Marty et S. Lasvignes, (et al.), « La Mise en état des affaires pénales, Commission justice pénale et droits de l'homme», in La Documentation Française, Paris, 1991, v. spec. Rapport préliminaire (novembre 1989) introduction : du fait au droit, p. 13.

705 Traduction en langue française : « Il ne faut pas seulement que la justice soit rendue, il faut aussi qu'elle donne l'apparence d'être rendue ».

706 R. Perrot, « Le principe de la publicité dans la procédure civile » in Le principe de la publicité de la justice, Travaux du VIe Colloque des Instituts d'Etudes Judiciaires, Toulouse, Mai 1968, Librairies Techniques, 1969, p. 23.

707 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire : étude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université de droit, d'économie et des sciences d'Aix-Marseille, 2000, n° 37, p. 44

708 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris, 2001, tome 2 Procédure pénale, n° 728, p. 841 : « On voit d'ordinaire dans la publicité des débats à l'audience une garantie pour le justiciable et pour son juge: le premier est assuré que la vérité ne sera pas étouffée par une juridiction aveugle ou partiale, le second voit son oeuvre gagner en autorité morale. ».

709 F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle, Charles Hingray, Libraire-Editeur, Paris, 1858, Vol. 8, p. 589 :« la publicité de l'audience est une forme essentielle de la procédure, la plus essentielle peut-être, car elle éclaire tous les actes du juge ; elle les défère, à mesure qu'ils s'accomplissent, à l'examen et au contrôle du public ».

710 M. Bousaber, « Les principes généraux de droit et la procédure civile », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Beyrouth, octobre 2001.

711

appliqué devant toutes les juridictions . En droit libanais, la procédure de jugement et la

172

vérification de la preuve devant le juge unique selon l'article 178 du CPP libanais sont publiques et orales. « Les débats se déroulent, sous peine de nullité, en audience publique et oralement ». Le procès devant la Cour criminelle selon l'article 249 du CPP libanais est public. « Le procès devant la Cour criminelle est public ». La Cour européenne de Strasbourg condamne le manque de publicité des débats au sens de l'article 6§1 qui constitue un principe

712 713

fondamental. Les audiences sont publiques en droit libanais et français. Ce principe est

affirmé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

714

fondamentales. Il s'agit de permettre au public et aux médias sans discrimination d'assister à l'audience du jugement et de suivre les procédures prises, ainsi que les décisions et les arrêts rendus. Cette publicité est une forme fondamentale dont dépend la validité des procédures de la phase du jugement. En considérant l'importance du principe de la publicité des débats, la base reste la publicité des audiences. Toutefois, la publicité des audiences du jugement ne s'oppose pas à la possibilité de procéder discrètement à titre d'exception pour des raisons relatives à l'ordre public ou à la moralité, ainsi que dans les affaires concernant des mineurs délinquants. Dans ce cas, il faut souligner que la confidentialité n'est destinée qu'au public. Les parties au procès public et leurs mandataires ne peuvent point être empêchés d'assister à l'audience sous le prétexte de sa confidentialité. Le principe de publicité des audiences représente l'une des garanties fondamentales de la sécurité des procédures de la phase du jugement étant donné qu'il influence, à travers le contrôle direct de l'opinion publique, la conduite de la justice pénale, l'assurance de son équité, la neutralité du juge et sa

711 R. Garraud et P. Garraud, Précis de droit criminel, contenant l'explication élémentaire de la partie générale du Code pénal, du Code d'instruction criminelle et des lois qui ont modifié ces deux codes, Société anonyme du Recueil Sirey, 1926, p. 865.

712 L'alinéa 1 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès soit dans l'intérêt des bonnes moeurs, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, soit lorsque l'intérêt de la vie privée des parties en cause l'exige, soit encore dans la mesure où le tribunal l'estimera absolument nécessaire lorsqu'en raison des circonstances particulières de l'affaire la publicité nuirait aux intérêts de la justice; cependant, tout jugement rendu en matière pénale ou civile sera public, sauf si l'intérêt de mineurs exige qu'il en soit autrement ou si le procès porte sur des différends matrimoniaux ou sur la tutelle des enfants ».

713 L'article 400 du CPP français dispose : «Les audiences sont publiques ».

714 L'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, ... Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès ... ».

173

diligence dans l'application correcte de la loi715. La publicité des procédures de l'audience ne réside pas uniquement dans une forme à travers laquelle la procédure pénale est appliquée, mais plutôt cette publicité est associée étroitement à l'idée des droits de la défense716. La publicité des audiences représente donc une garantie du contrôle de l'opinion publique, et une assurance psychologique à l'accusé.

126. La publicité de l'audience en droit libanais. Le droit à un procès public est consacré par les articles 10 de la Déclaration universelle et 14 du Pacte de 1966. Il s'applique, en droit

717

interne libanais, pour les audiences et pour le prononcé du jugement; la procédure devant la Cour criminelle et toutes les juridictions du jugement en droit libanais étant orale, publique et contradictoire. Donc, les caractères principaux de la procédure accusatoire sont strictement prévus par la loi libanaise. L'audience devant la Cour criminelle est publique, sauf en cas de

huis clos (le huis clos étant l'exception)718 sur décision du président de la Cour criminelle s'il considère que cela est nécessaire pour des raisons de maintien de l'ordre ou de protection des bonnes moeurs. La publicité de la procédure devant la Cour criminelle est assurée par l'admission du public à l'audience, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou

719

les moeurs. Dans ce cas, le huis clos est ordonné.

127. La publicité de l'audience en droit français. Selon l'article 306 du CPP français, la procédure d'audience est en principe publique et tous les débats sont donc ouverts à toute

715 V. en langue arabe : A. Abdelkader Kahwaji, Interprétation du code des procédures pénales. Etude comparative, 1er éd., Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques Halabi), Beyrouth (Liban), 2002, pp. 446-447.

716 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 164, p. 267.

717 V. sur la publicité de l'audience en matière de procédure civile libanais : N. Antoine-Diab, « Inventaire des droits fondamentaux en matière de procédure civile au Liban », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, Beyrouth, novembre 2003, pp. 23 et s.

718 V. sur la définition du huis clos: Ph. Piot, Du caractère public du procès pénal, Thèse de droit, 2012, Université de Lorraine, p. 275 : « La procédure à huis clos est une exception qui s'applique aux audiences dont le principe est la publicité. Elle consiste à faire sortir le public de l'auditoire et à en fermer les portes afin d'en interdire l'accès ».

719 V. en droit libanais : sur la procédure du jugement devant la cour criminelle : L'article 249 du CPP libanais dispose, « Le procès devant la Cour criminelle est public, à moins que le président de celle-ci ne décide le huis clos pour des raisons de maintien de l'ordre ou de protection des bonnes moeurs » ; L'article 250 du CPP libanais dispose : « ...Toutes les preuves qui permettent de statuer en l'espèce doivent faire l'objet d'un débat public entre les parties. Les pièces à conviction doivent être présentées à l'audience et il doit être donné lecture des procès-verbaux de saisie correspondants. Il appartient à chacune des parties de formuler ses observations sur ces pièces ».

174

720

personne qui souhaite y assister. Cette règle vaut en principe devant toutes les juridictions

721

du jugement en droit français,« sauf dans les cas des exceptions prévues par la loi, la publicité des débats et du prononcé est une des conditions de la validité de toute décision que

722

rendra une juridiction pénale ». En outre, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme consacre le principe de la publicité de procédure comme l'un des éléments

723

fondamentaux du procès équitable. Ce principe constitue l'une des plus importantes

724

garanties pour l'accusé. Cette publicité porte surtout sur les débats que le public est admis à

725

suivre et dont un compte rendu peut être reproduit par la presse. Selon la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi. Ainsi, selon l'article 306, alinéa 1er, CPP, le huis clos ne peut être ordonné que si la Cour constate, dans l'arrêt, que la publicité est dangereuse pour l'ordre ou les

726

moeurs.

128. La sanction de la violation du principe de la publicité des débats devant la Cour. La sanction résultant de l'inobservation de la règle de la publicité des audiences est la nullité qui correspond à l'ordre public, car cette règle est liée aux fondements du jugement pénal correct.

M. Solaiman Abdelmoniim assure que le manque de la forme de la publicité ou en d'autres

720 L'article 306 du CPP français dispose : «Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou les moeurs. Dans ce cas, la cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique. Toutefois, le président peut interdire l'accès de la salle d'audience aux mineurs ou à certains d'entre eux. Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles ne s'y oppose pas. Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s'applique au prononcé des arrêts qui peuvent intervenir sur les incidents contentieux visés à l'article 316. L'arrêt sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique ».

721 V. en droit français : D. Coujard, « instruction à l'audience », in Rép. pén. Dalloz, avril 1997, n°6, p .4 : « Les audiences sont publiques (C. pr. pén., art. 400). Ce principe est affirmé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (art. 6 ; V. Décr. de publication no 74-360 du 3 mai 1974, D. 1974.181) et par le pacte international relatif aux droits civils et politiques publié par le décret no 81-76 du 29 janvier 1981 (D. 1981.79) ».

722 Ph. Piot, Du caractère public du procès pénal, Thèse de droit, 2012, Université de Lorraine, p. 296.

723 F. Debove et F. Falleti, Précis de droit pénal et de procédure pénale, op. cit., p. 644.

724 V. en droit français : D. Coujard, « instruction à l'audience », in Rép. pén. Dalloz, avril 1997, n° 21, p .6 : « Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui (C. pr. pén., art. 427, al. 2). Ce droit fondamental est encore consacré par l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

725 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 848, p. 773.

726 Cass. crim., 27 septembre 2000, B. C., n° 283, p. 837.

175

termes la publicité des audiences du jugement ou son omission risque de vicier ces

procédures, ou encore la production de l'audience et l'arrêt émis suite à celle-ci727. Il est possible de considérer la publicité comme une condition fondamentale pour la validité de la procédure du jugement, et sa négligence conduit à la nullité. Il est reconnu, comme l'explique

M. Mahmoud Najib Hosni, que la publicité des audiences est l'un des principes fondamentaux des phases des jugements, et par conséquent, son omission devrait se traduire par la nullité, et donc la nullité des arrêts. Cela se présente dans le cas où la décision prise par le tribunal pour rendre le jugement discret n'est pas nécessaire, et qu'il était possible de tenir une audience

728

publique.

B. La violation du principe de l'oralité des débats de la procédure de jugement.

729

129. Le principe de l'oralité des procédures des débats. Le caractère d'oralité de la procédure d'audience dérive du principe de l'intime conviction, qui gouverne l'activité du jugement répressif moderne : celui-ci ne doit former son opinion que d'après les preuves qui

730

ont été directement et immédiatement soumises au débat. La finalité du principe de l'oralité des débats est de rendre plus efficace la discussion des preuves à partir desquelles la juridiction de jugement doit se déterminer. Le principe signifie qu'au stade du jugement, les

731

preuves doivent être administrées oralement. Selon M. Jean Pradel, le droit français

727 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 163, p. 265.

728 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1986, p. 809.

729 V sur l'oralité des débats : F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle, Henri Plon Imprimeur-Editeur, Paris, 1867, t. 7, p. 487. n°3407 : L'instruction qui se fait à l'audience doit être exclusivement orale. C'est là une règle fondamentale de notre procédure criminelle. La discussion orale est la seule qui puisse faire jaillir la vérité d'un débat : elle place les accusés et les témoins en face les uns des autres ; elle provoque les explications et les révélations, les dénégations ou les aveux ; elle dépouille les faits de leur première apparence et les livre aux yeux dans leur nudité. La discussion écrite, plus froide et plus réservée, n'a ni ces épanchements, ni ces chocs qui font briller l'éclair ; elle est parfaitement propre à recueillir les éléments du débat ; mais le débat, c'est-à-dire la discussion de toutes les preuves, l'examen de tous les éléments du procès, ne peut se faire qu'oralement à l'audience ».

730 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris, 2001, tome 2 Procédure pénale, n° 727, p. 840.

731 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 512, p. 360 : «Le principe signifie qu'au stade du jugement les preuves doivent être administrées oralement. À ce titre, il concerne tous ceux qui participent au débat sur les preuves : le prévenu ou l'accusé doivent être interrogés, les policiers qui ont constaté l'infraction peuvent être entendus, les témoins déposent oralement, les experts relatent

consacre le principe d'oralité en vertu duquel le tribunal se fonde sur les déclarations faites devant lui par le prévenu, les témoins et les experts. Mais ce principe connaît des

exceptions

732

. L'oralité de l'instruction exprime cette idée que toute preuve doit être soumise à

la connaissance du juge dans sa source originaire ; elle a pour conséquence l'immédiateté de la preuve. Même dans le cas où une information a eu lieu, la juridiction de jugement ne se prononce donc pas sur la lecture des procès-verbaux de cette information, elle doit entendre et

733

voir, à l'audience, l'accusé, ou le prévenu, les experts et les témoins . Sans doute le principe

de l'oralité des débats est un principe substantiel aux droits de la défense

734

. M. Joseph-Louis-

176

Elzéar Ortolan souligne l'importance de discuter oralement de la preuve dans la phase de jugement qui est la phase d'instruction finale déterminante dans le procès pénal. Pour arriver à la connaissance, il est nécessaire de discuter les divers éléments ou instruments de cette connaissance. Les éléments ou instruments de cette connaissance sont les preuves dans le procès pénal. En d'autres termes, pour discuter les preuves, il est nécessaire de les recueillir. Pour les recueillir, il est nécessaire de les chercher. D'où, dans l'ordre chronologique : recherche, investigation, enquête ou inquisition des preuves ; recueillement, saisie, constatation des divers éléments de preuve ; discussions, débats. L'ensemble de ces trois sortes d'opérations est dirigé vers un même but, instruire le juge, former la connaissance du juge, et pourrait porter par conséquent, le nom d'instruction. Néanmoins, dans le langage pratique de la procédure pénale, ce nom d'instruction est donné particulièrement aux deux premières de ces opérations. La troisième de ces opérations, la discussion ou le débat des

verbalement le résultat de leurs opérations et, bien évidement, le ministère public prend des réquisitions orales et les avocats font valoir leurs plaidoiries ».

732 V. J. Pradel, « Notes en vue d'une brève présentation sur certaines questions de procédure pénale », In Conférence annuelle de l'Association Franco-britannique des juristes, GLASCOW, Septembre 2003 : « Le président de la cour peut autoriser un témoin ou un expert à s'aider de documents écrits ; le tribunal peut se fonder sur les procès-verbaux établis par les policiers ou gendarmes, voire par le juge d'instruction, quand le déposant est absent le président en en donnant lecture (ouï-dire ou hersay evidence) ; en cas d'appel, un usage consacré par la jurisprudence fait que les juges n'entendent presque jamais les témoins et se fondent donc sur les sur procès-verbaux ».

733 R. Garraud, Précis de droit criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, p. 805.

734 V. sur ce principe : F. Kuty, L'impartialité du juge en procédure pénale. De la confiance décrétée à la confiance justifiée, Coll. De thèses éd. Larcier, Bruxelles, 2005, Préface de Paul Martens et Marc Preumont, p. 155 : « le principe de l'oralité des débats apparaît comme un prolongement du principe du contradictoire. À l'origine, il s'agissait du principe de la séparation des fonctions de justice répressive entre l'instruction préparatoire et l'instruction d'audience en matière criminelle. Le principe de l'oralité implique que les juges ne peuvent alimenter leur intime conviction que dans les informations recueillies lors des débats et non dans les pièces de procédure préparatoire, de telle sorte que les éléments de preuve qu'ils retiennent ne peuvent être que les impressions que ces débats leur ont faites. Le juge impartial ne doit se laisser influencer que par ce qui se passe à l'audience devant lui ».

preuves constitue l'instruction finale ou l'instruction déterminante

735

. L'oralité des débats

177

signifie que les preuves et les pièces du procès sont présentées oralement d'une manière qui

736

permet aux justiciables de les vérifier et de les réfuter. Cela signifie donc que toutes les procédures de la phase du jugement se passent à la vue et à l'audition des parties du

: le témoin exprime son témoignage, l'expert récite son rapport, le procureur

737

procès

public revendique leurs demandes, le tribunal lit les pièces, et les justiciables se défendent et répondent aux propos qui ont été émis par voie orale. L'oralité des débats signifie également que le tribunal refait l'examen du procès lui-même en écoutant donc les témoins, en débattant avec les experts, en recevant les demandes et les défenses oralement, en présence des justiciables. Il s'agit donc de la façon d'appliquer le principe de la confrontation entre les justiciables. En effet, afin de permettre à chaque partie du procès de faire face à l'autre justiciable avec ses preuves, de connaître celles de son justiciable, et d'en donner son opinion, il faut que ces preuves soient présentées oralement durant l'audience et prennent place dans le débat entre les parties au procès. Il est donc possible de dire que le tribunal et les juges du fond constituent leurs convictions d'après les preuves en général et pas seulement à partir de la plaidoirie orale qui se passe devant eux durant les audiences du jugement. Dans ce sens, nous concluons que le principe de l'oralité est lié au principe de la conviction judiciaire. En effet, le juge tire ses convictions de l'ensemble des débats qui se passent devant lui. En outre, le principe de l'oralité permet également le contrôle du tribunal sur les travaux de l'enquête préliminaire, et ce qui en résulte comme preuves est évalué et estimé par le tribunal durant leur présentation et lors du débat oral. Il est clair que l'oralité des procédures de la phase de jugement compte parmi les droits de chaque justiciable. En effet, le tribunal ne peut pas se limiter à l'examen des procès-verbaux, étant donné que le juge ne peut pas constituer sa conviction qu'à partir des discussions directes menées avec les parties du procès pénal, présentant ainsi l'oralité des débats durant lesquels toutes les preuves sont présentées et débattues. En outre, il lui est interdit de constituer sa conviction et donc de procéder à son

735 J.-L.-E. Ortolan, Eléments de droit pénal; pénalité, juridictions, procédure, suivant la science rationnelle, la législation positive et la jurisprudence avec les données de nos statistiques criminelles, Librairie de Plon Frères, Paris, 1855, t. 1, n° 1799, p. 849.

736 V. en droit français : D. Coujard, « instruction à l'audience », in Rép. pén. Dalloz, avril 1997, n° 20, p .6 : « Le principe de l'oralité des débats, qu'aucun texte ne consacre, résulte logiquement de leur publicité et de la procédure accusatoire qui exige la discussion des éléments de preuve entre les parties, devant le tribunal ».

737 V. en droit libanais : L'exposition des preuves par voie orale. Au début de l'audience, le greffier lit attentivement le réquisitoire du ministère public ou l'ordonnance du juge d'instruction ou résume les faits existant dans la plainte directe avec toutes les preuves contre le défendeur, le juge unique pénal expose les preuves produites à l'encontre du défendeur. « Au début du procès, le greffier donne lecture du réquisitoire du ministère public ou de l'ordonnance du juge d'instruction, ou résume les faits mentionnés dans la plainte directe ».(art. 180 CPP libanais).

178

jugement à partir d'un document joint aux pièces du procès n'ayant pas été présenté durant l'audience. Dans ce cas, le jugement est nul738. En effet, la règle générale prévoit que la pièce, qu'elle soit formelle ou officielle, n'a pas d'authenticité dans l'affirmation, et elle est donc soumise comme les autres preuves à l'estimation du juge et à sa conviction739. Le système pénal libanais repose sur une procédure essentiellement orale. La procédure de jugement et de vérification de la preuve devant le juge unique doit obligatoirement respecter le principe et les

740741

règles de l'oralité du débat, conformément à l'article 178 du CPP libanais. La Cour criminelle ne statue pas sur pièces pour forger son intime conviction, mais d'après les preuves administrées directement devant elle durant l'audience. Les débats vont se dérouler oralement

742

devant la Cour criminelle libanaiseconformément à l'article 250 du CPP libanais qui

dispose que « les débats se déroulent oralement »

743

. Le président de la Cour criminelle peut

744

ordonner ou décider d'enregistrer certains procès sur cassette audio et vidéo . Les preuves sont soumises au débat et à la libre discussion des parties devant la Cour criminelle. Les parties du procès pénal, le président de la Cour et ses conseillers pourront discuter les divers

745

.

éléments des preuves

130. L'oralité des débats en droit français. Le caractère d'oralité de la procédure d'audience dérive du principe de l'intime conviction, qui gouverne l'activité du jugement

738 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, Le médiateur en procédure pénale, 7e éd., Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1996, p. 720.

739 V. en langue arabe : M. Mostafa, L'évolution de la procédure pénale en Egypte et dans d'autres pays arabes, 2e éd., L'imprimerie de l'université du Caire (Egypte), Le Caire (Egypte), 1985, p. 449.

740 Les caractères principaux de la procédure du jugement devant le juge unique qui sont l'oralité, le contradictoire et la publicité sont applicables devant la cour d'appel comme indique l'article 223 du CPP libanais dispose : « La Cour d'appel fixe la date du procès en appel, dans le cadre duquel sont reprises les règles de procédure ordinairement applicables devant le juge unique ».

741 V. en droit libanais : L'article 178 du CPP libanais dispose : « Les débats se déroulent, sous peine de nullité, en audience publique et oralement, à moins que le juge unique ne décide le huis clos pour des raisons de préservation de l'ordre public ou de protection des bonnes moeurs. En tout état de cause, il peut interdire l'accès à la salle d'audience aux mineurs » ; V. sur l'oralité de la procédure du jugement devant le juge pénal unique : l'article 186 du CPP libanais dispose : « Le témoin dépose oralement. Il ne peut être interrompu ni par la partie civile, ni par le défendeur, ni par leurs conseils respectifs ».

742 V. en droit libanais : sur l'oralité la procédure du jugement devant la cour criminelle : L'article 255 du CPP libanais dispose : « ... Le témoin dépose alors oralement et sa déposition est consignée par le greffier au procès-verbal de l'audience ».

743 L'article 250 du CPP libanais

744 L'article 250 du CPP libanais

745 L'article 250 du CPP libanais dispose : « Toutes les preuves qui permettent de statuer en l'espèce doivent faire l'objet d'un débat public entre les parties. Les pièces à conviction doivent être présentées à l'audience et il doit être donné lecture des procès-verbaux de saisie correspondants. Il appartient à chacune des parties de formuler ses observations sur ces pièces ».

répressif moderne : celui-ci ne doit former son opinion que d'après les preuves qui ont été

746

directement et immédiatement soumises au débat. M. Jean Pradel l'affirme : l'oralité découle de l'intime conviction du juge parce que ce dernier ne doit pouvoir se décider que sur

des preuves qui ont été directement et immédiatement soumises aux débats devant lui747

. Si la

179

mise en état des affaires au stade de l'enquête et de l'instruction préparatoire réserve une place essentielle à l'écrit, il n'en va plus de même s'agissant du déroulement de l'audience devant les différentes juridictions de jugement. Si l'oralité concerne plus particulièrement l'administration des preuves, elle intéresse plus généralement tous ceux qui, à un titre ou à un autre, sont susceptibles d'éclairer les juges, prévenus ou accusés, parties civiles, avocats,

748

témoins, experts, enquêteurs, ainsi le ministère public

.

131. Le domaine et le champ du principe de l'oralité des procédures. Le principe de l'oralité est parmi les principes obligatoires dans toutes les procédures de la phase du jugement depuis son début jusqu'à la prononciation du verdict au cours d'une audience publique. En effet, le tribunal est obligé d'écouter les témoins et les experts, de débattre avec eux, et de présenter les preuves durant l'audience. Par conséquent, l'oralité du débat représente une forme indispensable. Ainsi, la sagesse est présentée d'une part par la nécessité de cette forme pour le bon déroulement de la justice. Le juge écoute de nouveau les témoins et les experts et présente toutes les preuves et les pièces pour le débat, ce qui influe positivement sur l'opération de la découverte de la vérité qui est le but de l'action publique. D'autre part, l'oralité des procédures de la phase du jugement est une garantie des droits de la défense, voire des droits des autres parties du procès. En effet, durant la phase du jugement, l'accusé écoute les revendications du procureur, les paroles des témoins et les rapports des experts, et peut donc y répondre, et réfuter les preuves présentées contre lui. Il n'ignore donc aucune preuve présentée, ni la parole d'un témoin. Par conséquent, il est possible de déterminer le domaine de ce principe en disant qu'il est strictement interdit au juge du fond de fonder son jugement sur des procédures prises sans connaissance des justiciables, ou sans leur permettre de débattre autour des preuves produites. Il signifie que les preuves et les pièces du procès sont présentées oralement d'une manière permettant aux justiciables de les consulter et de les réfuter et par conséquent, toutes les procédures de la phase du jugement se passent sous la vue et l'audition des parties du procès, ou en d'autres termes le témoin présente son témoignage,

746 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris, 2001, tome 2 Procédure pénale, n° 727, p. 840.

747 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 847, p. 772.

748 F. Debove et F. Falleti, Précis de droit pénal et de procédure pénale, op. cit., p. 647.

l'expert lit son rapport, le procureur présente ses demandes, le tribunal lit les pièces dont il dispose et les justiciables se défendent et répondent à ce qui leur est adressé oralement749. L'opinion du juge ne résulte donc pas seulement des procédures de l'enquête préliminaire mais le juge refait l'enquête de nouveau durant l'audience ce qui a pour conséquence de permettre le principe de la conviction personnelle à partir des preuves présentées durant les plaidoiries.

C. La violation du principe du débat contradictoire de la procédure du jugement.

132. Le principe du débat contradictoire. Le procès pénal est essentiellement

750

contradictoire . Il suppose la présence des parties aux débats et devant le juge, dans une

situation et avec des armes égales

751

. Le principe du contradictoire, n'est pas le propre de la

procédure de jugement. Il trouve à s'appliquer en principe dès la phase d'instruction, mais est

752

particulièrement fort au cours de la phase du jugement. Lors de cette phase, le contradictoire se traduit par la possibilité pour les parties de défendre leurs intérêts, ce qui

753

implique leur présence, et la possibilité de prendre la parole pour discuter des preuves. Le principe du contradictoire est lié à celui d'égalité des armes entre les parties au procès : « Les débats sont contradictoires, c'est-à-dire que les parties discutent sur un pied d'égalité, sous le contrôle du président de la juridiction à qui sont confiées la direction des débats et la police

de l'audience »

754

. Mais il le dépasse, dans la mesure où il suppose l'existence d'un véritable

180

749 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, p. 268.

750 V. P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 84 : « Le principe du contradictoire s'impose donc non seulement entre les parties, mais également entre le juge et les parties ».

751 R. Garraud, Précis de droit criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, n° 426, p. 801.

752 V. sur l'absence de possibilité de contradiction des parties : A. De Nauw, « Les règles d'exclusion relatives à la preuve en procédure pénale belge », in Rev. dr. pén. crim. , 1990, pp. 705-723, V. spec. p. 714 : « La cause d'exclusion des preuves réside dans la règle que les parties doivent disposer de la possibilité de contredire librement la valeur probante des éléments de la cause ».

753 V. P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 97 : « La procédure d'audience contradictoire implique la présence des différentes parties au procès pénal et la liberté pour chacune d'elle de participer au débat sur la preuve ».

754 G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 773, p. 305.

755

débat judiciaire. Selon MM. Roger Merle et André Vitu, le trait le plus important est la contradiction dans la procédure à l'audience ; les parties sont présentes aux débats, y

756

produisent leurs preuves et y combattent librement celles de leurs adversaires. Ce principe signifie que les parties présentes doivent pouvoir discuter contradictoirement les éléments de

757

preuves acquis aux débats dans la phase de jugement. Chaque partie durant l'audience est libre de discuter les preuves administrées par les autres parties du procès et en même temps

d'invoquer ses propres preuves

758

. La vérité dans le procès pénal ne peut être vue qu'à travers

181

la contradiction entre l'accusation et la défense sur la base de l'égalité des armes. L'article préliminaire du CPP français dispose « la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ». Dans le procès pénal, le principe du débat contradictoire recouvre le droit d'être entendu par le juge du fond qui doit forger sa conviction et en même temps permet de discuter de façon contradictoire tous les éléments de preuves. Ce principe implique que le juge de fond pour juger l'affaire pénale ne puisse puiser les éléments de sa conviction que dans les preuves qui ont été soumises aux

759

débats contradictoires . M. Franklin Kuty considère que le principe du contradictoire constitue sans doute une garantie fondamentale de l'impartialité du juge. Le principe du

760

contradictoire est l'un des principes essentiels sur lesquelles les preuves pénales se basent

761

parce qu'il permet aux parties de se défendre avant qu'une décision soit rendue contre

755 V. P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 84 : « Le juge est tenu en toutes circonstances d'observer et de faire observer le principe le la contradiction et ne peut retenir dans sa décision que les éléments et les explications qu'il a recueillis contradictoirement ».

756 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris, 2001, tome 2 Procédure pénale, n° 731, p. 846.

757 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 48, p. 32 : « Le principe du contradictoire signifie, aussi, que les parties, présentes, doivent pouvoir discuter contradictoirement les éléments de preuve acquis aux débats ... Le principe du contradictoire engendre des droits pour les parties et des devoirs pour les juges. ».

758 V. P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 84 : « La discussion sur la preuve envisagée sous couvert du contradictoire pourrait dès lors s'entendre de la possibilité de contester les éléments de preuve fournis par l'accusation et de pouvoir les combattre par tous moyens ».

759 V. sur le principe du contradictoire : Ch. Gavalda-Moulenat, Le principe du contradictoire en procédure pénale, Thèse de droit, 2005, Université Montpellier I.

760 V. en même sens : F. Kuty, L'impartialité du juge en procédure pénale. De la confiance décrétée à la confiance justifiée, op. cit., p. 131.

761 V. sur le principe contradictoire : X. Labbée, Introduction générale au droit: Pour une approche éthique, Presse Universitaire du Septentrion, 2005, p. 247 : « C'est le juge qui est le gardien du principe du contradictoire : ce qui veut dire qu'il ne peut statuer que dans les limites du procès, qu'il peut écarter des débats des pièces ou des conclusions non communiquées, ou encore donner aux parties le temps nécessaire pour se défendre. On

182

762

elles. En effet, les parties se confrontent avec les preuves et reçoivent leur défense ou leurs observations à ce sujet. Le principe du contradictoire est l'un des plus importants principes du contentieux et l'une des garanties de la réalisation de la justice. Le principe du contradictoire est une application d'un droit plus large et plus profond, celui de la défense. Par conséquent, le principe du contradictoire occupe une place importante parmi les principes essentiels dans l'organisation de la procédure pénale. Ce principe signifie l'obligation de la présence des parties ou des adversaires devant le juge au cours des discussions et des plaidoiries dans toutes les phases de l'enquête finale, ainsi que leur réponse aux éléments de preuve présentés par les autres parties avec des arguments et des preuves échangés. En outre, il faut être en mesure de les clarifier et de se défendre en personne ou par des avocats désignés par les parties elles-mêmes ou par le tribunal automatiquement en relation avec la Cour pénale, et le service des mineurs au tribunal. Il est donc clair que la présentation des preuves et leur discussion sont la base sur laquelle le tribunal forme sa foi et son jugement. En outre, il n'est pas permis au tribunal d'adopter sa décision sur la base d'une preuve qui n'a pas été soulevée durant l'audience, ou qui a été soulevée mais non consultée ou discutée par les justiciables. Dès lors, il est interdit d'accepter de nouvelles preuves de la part de l'un des justiciables après la clôture de l'audience, car cela ne permettrait pas aux autres adversaires de les débattre. Dans le cas où cette preuve est considérée comme importante, le juge doit décider d'ouvrir à nouveau l'audience afin que les autres opposants puissent consulter la nouvelle preuve et en débattre. Dans le cas où la Cour a violé les règles précédentes et a prononcé son jugement, ce dernier est nul763.

133. Le principe du contradictoire est une forme fondamentale de la procédure pénale libanaise. Le principe du contradictoire exige que le défendeur à une procédure pénale ait pris connaissance de toutes pièces et éléments de preuve qui influencent et entrent dans la construction de l'intime conviction du juge. L'article 179 du CPP libanais énonce ce

comprendra que le respect du principe contradictoire rend impossible la justice expéditive : il faut donner le temps aux parties ».

762 V. sur le principe du débat contradictoire : L. Miniato, Le principe du contradictoire en droit processuel, L.G.D.J., 2008.

763 V. en langue arabe : A. Abdelkader Kahwaji, Interprétation du Code des procédures pénales. Etude comparative, 1er éd., Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques Halabi), Beyrouth (Liban), 2002, p. 452 ; V. R. Garraud et P. Garraud, Précis de droit criminel, 15e éd., Sirey, Paris, 1934, n° 383, p. 805: « Il n'est pas permis au juge de tenir compte d'une connaissance personnelle des faits acquise en dehors de ses fonctions, car les faits qu'il a connus en dehors des débats échappent à la discussion publique et contradictoire qui est le seul moyen d'en vérifier l'exactitude et d'en apprécier la portée. Par suite, il est de jurisprudence constante que tout jugement qui admet ou repousse un moyen d'accusation ou de défense, en se basant sur la connaissance personnelle acquise par les juges du fait en dehors des débats, doit être annulé, parce qu'il est contraire au principe de la contradiction ».

183

764

principe qui est applicable devant toutes les juridictions de jugement en droit libanais. Le principe du contradictoire entre les justiciables forme un élément fondamental de la

765

procédure, qui complète le principe de l'oralité. L'implication de ce principe permet aux autres parties du procès pénal de donner leurs témoignages ainsi que leurs preuves ou éléments des preuves, et d'informer également chacun des accusés des arguments et des preuves fournis par leur adversaire, et en général sur toute procédure judiciaire ouverte par le tribunal, notamment si cela influence le jugement adopté. Le principe du contradictoire reste incomplet sans que le juge examine lui-même les éléments de preuve conformément aux exigences de l'enquête finale. La raison évidente est de renforcer le principe du contradictoire en le considérant simultanément comme une idée et une forme procédurale. D'une part, ce principe est une idée qui réalise les droits de la défense. D'autre part, ce principe est une forme procédurale étant donné qu'il est un moyen de mener le procès dans la phase du jugement d'une manière équilibrée préservant ainsi les droits de toutes les parties dans le but de procéder au bon déroulement de la justice. La chambre criminelle de la Cour de cassation du Liban a considéré dans sa résolution n°138 en date du 28/06/2007 que faire sortir l'accusé de la salle de tribunal pénale pour interroger l'autre accusé, de le ramener et de l'interroger

sans l'informer des faits produits en son absence est illégal766. Durant l'audience du 09/06/2005, le président de la Cour criminelle a fait sortir l'accusé H.K de la salle de la Cour pénale et a commencé à interroger l'accusée A.CH, puis il a fait entrer le défendeur H.K dans la salle et a commencé à l'interroger, sans l'informer du témoignage qui a eu lieu en son absence, ce qui constitue une violation du texte de l'article 264 du CPP libanais qui dispose que le tribunal ne peut pas poursuivre le débat sans la présence de l'accusé dans la salle de l'audience et son information du témoignage qui a eu lieu en son absence. Par conséquent, le témoin doit faire un témoignage public devant le tribunal en présence de l'accusé, qui peut donc débattre avec le témoin après avoir fait son témoignage.

134. Le caractère contradictoire des débats en droit français. Selon une jurisprudence constante et rigoureusement appliquée par la Cour de cassation française « aux termes de l'article 427 du Code de procédure pénale le juge ne peut fonder sa décision que sur les

764 L'article 179 du CPP libanais dispose : « Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire en audience publique ».

765 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 166, p. 270.

766 Composée du président M. Abdullah Sami et des conseillers M. Ghassan Rabah et M. Elias Nayfeh, Décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise n° 138 rendu le 28/06/2007.

éléments de preuve, qui lui sont apportés au cours des débats et contradictoirement discutés

767

devant lui ». Deux principes régissent le déroulement des débats et limitent les pouvoirs du

768

président de la Cour : celui de l'oralité des débats et celui du contradictoire. En vertu du principe du contradictoire, les pièces nouvelles doivent être communiquées à toutes les parties qui en font la demande. Selon l'article 327 du CPP français, les débats devant la Cour d'assises débutent avec la lecture par le greffier de la décision de renvoi ainsi que, lorsque la Cour d'assises statue en appel, des questions posées à la Cour ayant statué en premier ressort, des réponses faites aux questions, de la décision et de la condamnation prononcée. L'article 327 du Code de procédure pénale français dispose que « le président invite l'accusé et les jurés à écouter avec attention la lecture de la décision de renvoi, ainsi que, lorsque la Cour d'assises statue en appel, des questions posées à la Cour d'assises ayant statué en premier ressort, des réponses faites aux questions, de la décision et de la condamnation prononcée. Il

invite le greffier à procéder à cette lecture »

769

. La chambre criminelle de la Cour de cassation

française avait déjà jugé qu'il suffit qu'il ne résulte d'aucune mention que le greffier d'une Cour d'assises statuant en appel ait donné lecture de l'arrêt de condamnation prononcé par la Cour d'assises de première instance, pour que soit encourue la cassation de l'arrêt prononcé en

appel ainsi que de la déclaration de la Cour et du jury et des débats qui l'ont précédée

770

. Selon

184

la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française : « Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et

contradictoirement discutées devant lui »

771

. Dans le même arrêt précédent, la Cour a

considéré que violent ce principe « les juges d'appel qui se sont déterminés sur des indications fournies par le service de la répression des fraudes, sans que ces documents,

767 Cass. crim., 15 décembre 1970, B.C., n° 338, p. 826.

768 Cass. crim., 30 octobre 2007, B.C., n° 260 : « Vu les articles préliminaire et 148-6 du Code de procédure pénale ; Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ».

769 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 3280, p. 2091.

770 Cass. Crim., 11 septembre 2002, B.C., n° 161, p. 559, Y. Monnet, Note sous Cass. Crim., 23 octobre 2002, in Gaz.Pal., 05 août 2003, n° 217, p. 12.

771 V. Cass. Crim., 2 juillet 1991, B.C., n° 290, p. 739 : « Tout prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet et doit, par suite, être mis en demeure de se défendre, tant sur les divers chefs d'infraction qui lui sont reprochés, que sur chacune des circonstances aggravantes susceptibles d'être retenues à sa charge. Il en est ainsi de l'état de récidive, non visé à la prévention, mais retenu par la cour d'appel pour aggraver la peine ».

adressés au procureur général, aient été soumis aux débats et contradictoirement

772

discutés ».

185

772 Cass. crim., 17 novembre 1965, B.C., n° 239.

Section II

Les procédés de preuves portant atteinte à l'intimité de la

vie privée

135. Le droit à la vie privée est un droit protégé. La protection de la vie privée est en train

d'émerger depuis plusieurs années

773

et elle a connu une reconnaissance remarquable et une

186

valeur considérable dans la majorité des pays du monde. Le droit au respect de la vie privée et

774

familiale est protégé en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme, au niveau

international

et par

775 776

par l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme

777

l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La protection juridique de la vie privée est reconnue au niveau national, en droit français par l'article 9 du

778

Code civil français. De surcroît, l'atteinte à l'intimité de la vie privée en droit français est

773 J.-C. Soyer, «L'avenir de la vie privée face aux effets pervers du progrès et de la vertu », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2000, tome 1, chapitre 1, pp. 7-12, V. spec. p. 7 : « Parmi les droits de l'homme, figure le droit au respect de la vie privée ».

774 L'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose:1. « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

775 V. F. Terré, « La vie privée », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 7, pp. 138151, V. spec. p. 138 : « La protection de la vie privée est volontiers affirmée à notre époque dans les instruments internationaux les plus prestigieux (déclarations, pactes et conventions) ».

776 L'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose: « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

777 L'article 17 de la Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « 1. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

778 Le droit au respect de la vie privée a été consacré par l'article 22 de la loi du 17 juillet 1970, devenue l'article 9 du Code civil français qui dispose: « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ».

779 780

sanctionnéepénalement

781

, comme la tentative. En droit libanais, au niveau national il

187

existe un vide juridique grave s'agissant de la protection de la vie privée qui est comblé par les obligations des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le Liban comme la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte International relatif aux droits civils et politiques.

136. La preuve pénale au regard du droit au respect de la vie privée. La recherche de la preuve pénale par un moyen qui constitue une divulgation de la vie privée constitue une

atteinte flagrante au droit au respect à l'intimité de la vie privée. Le droit au respect de la vie

782

privée protège l'individu contre le fait de rassembler des preuves pénales qui portent atteinte à 783 . La protection de la vie privée de la personne lors d'un procès pénal est un la vie privée

droit fondamental qui occupe un haut rang dans la hiérarchie des normes juridiques. Le

784

contenu de la vie privée est variable parce que la notion de la vie privée est floue et vague

779 F. Terré, « La vie privée », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 7, pp. 138151, V. spec. p. 149 : « les atteintes à la vie privée relatives à l'image ou à la voix sont frappées de sanctions pénales particulières, prévues aux articles 226-1 et suivants du code pénal ».

780 Article 226-1 du Code pénal français dispose : «Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui : 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.» ; L'article 226-2 du code pénal français dispose : « Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1. Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.».

781 L'article 226-5 du Code pénal français dispose: « La tentative des infractions prévues par la présente section est punie des mêmes peines ».

782 V. B. Beignier, « Vie privée et vie publique », in Arch. phil. Droit., t. 41, 1997, pp. 163-180, V. spec. p. 169 : « Le respect de la vie privée se traduit essentiellement par un devoir d'abstention : il faut laisser l'individu tranquille ».

783 V. A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 255-359, V. spec. p. 256 : « Le droit au respect de la vie privée regroupe ainsi deux droits. Le premier droit consiste à ne pas voir sa vie privée espionnée ou divulguée. Et le second droit impose que les relations avec autrui, dans un cadre public, ne soient pas conditionnées par la vie privée. Aucune discrimination ou aucune sollicitation abusive ne doit dépendre de la vie privée d'un individu si celui-ci désire qu'elle ne soit pas exposée. Le droit au respect de la vie privée a pour objet de défendre les citoyens contre l'exclusion, de même qu'il leur reconnaît un droit à être laissé tranquille ».

784 V. en ce sens : J.-C. Soyer, «L'avenir de la vie privée face aux effets pervers du progrès et de la vertu », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection :

188

en absence d'une définition juridique stable de la vie privée. La notion de vie privée n'est pas définie par la loi, les textes de droit énoncent simplement la protection de la vie privée sans la

785

définir

. Pour certains auteurs, la vie privée est une notion indéfinissable

786

. Par conséquent,

. En

787

M. Robert Badinter essaie de définir la vie privée en partant des notions de négation

effet, la protection de la vie privée face à la nécessité de la recherche des preuves n'est pas

788

absolue : elle est généralement limitée à travers des restrictions apportées par le législateur au droit au respect de la vie privée. L'audiosurveillance comme preuve pénale est l'un des principaux problèmes de la preuve pénale relatifs au droit au respect de la vie privée. Les cas d'atteinte à la privée sont innombrables, mais nous limiterons notre étude aux atteintes au respect de la vie privée qui sont en fait intimement liées à la preuve issue de l'écoute des conversations téléphoniques et de l'enregistreur vocal. Donc, le premier paragraphe porte sur la preuve obtenue par la mise sur écoute de conversations téléphoniques. Le second paragraphe porte sur la preuve obtenue au moyen d'un enregistrement audio ou l'enregistrement par magnétophone.

Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2000, tome 1, chapitre 1, pp. 7-12, V. spec. p. 8: « il faut souligner que la notion de vie privée, relevant d'une telle protection juridique, est une notion à géométrie des plus variables. Elle est tout autant relative qu'évolutive ».

785 V. en ce sens : A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 255-359, V. spec. p. 255 :« Ce que recouvre l'expression droit au respect de la vie privée est fort difficile à cerner » ; « La jurisprudence ne fournit pour sa part que des indices qui permettent au mieux de dresser une typologie des composantes de la vie privée et des atteintes qui sont susceptibles d'y être portées. En revanche, elle ne donne aucune définition précise de la «vie privée», et n'indique pas en quoi consisterait un «droit au respect» de celle-ci ».

786 V. B. Beignier, « Vie privée et vie publique », in Arch. phil. Droit., t. 41, 1997, pp. 163-180, V. spec. p. 165 : « L'impossible notion: La loi de 1970, d'où est extrait l'article 9 du Code civil, parle de vie privée. L'expression est tout à la fois restrictive et insuffisante. Lors du vote, le Garde des Sceaux avait indiqué que la loi se référait à l'intimité de la vie privée pour diminuer la portée de la formule vie privée dont on se sert dans l'alinéa 1er de cette disposition ».

787 V. R. Badinter, « Le droit au respect de la vie privée », in JCP. G., 1968, I (Doctrine), 2136 : « En l'absence de toute définition positive de la vie privée, comment ne pas tenter de la définir par la négative ? La vie privée, c'est tout ce qui n'est pas la vie publique de l'individu... cette définition a le mérite de mettre l'accent sur la primauté de la vie privée, celle-ci, interdite à toute intrusion indiscrète, étant pour chacun le sort commun, le reste, c'est-à-dire la vie publique ouverte à la curiosité de tous, étant l'exception ».

788 V. en ce sens : G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 8 : « Mais, si le respect de la dignité humaine est un principe qui ne souffre aucune exception, le droit au respect de la vie privée comme celui de la liberté d'expression peuvent, selon les dispositions de la Convention européenne, subir des restrictions, à la condition qu'elles apparaissent nécessaires dans une société démocratique ».

189

§ 1. Preuve obtenue par la mise sur écoute de conversations téléphoniques.

137. Les écoutes téléphoniques portent-elles atteinte au respect de la vie privée ? En isolant la question de la fiabilité des écoutes téléphoniques comme procédé dans la recherche de preuve pénale, il est pertinent de s'interroger sur la légalité de l'utilisation de ce procédé parce qu'il constitue une véritable atteinte à la vie privée des citoyens. Les écoutes

789

téléphoniques n'ont jamais cessé de susciter des questionset ont toujours soulevé un problème d'équilibre entre d'une part, le droit des individus de jouir de la confidentialité de la

790 791

vie privée, et de s'opposer à toute immixtion dans leur intimité sans autorisation, et, d'autre part, le droit de l'État de préserver sa sécurité intérieure et extérieure et le contrôle de tout ce qui pourrait nuire au système et à la sécurité de ses citoyens, et ce, à travers le contrôle

792

du phénomène criminel et le suivi de son évolution et de ses moyens. La question de l'écoute téléphonique a soulevé un vaste débat sur la légalité et l'admission de cette preuve

dans le domaine du droit pénal793. En effet, d'une part les enquêteurs considèrent que l'écoute téléphonique est un moyen qui va leur permettre de détecter certaines infractions importantes, et que l'intérêt général dans la détection des infractions et la récolte de preuve l'emporte sur les intérêts privés de l'individu, car la sécurité et la sûreté publique dépassent de loin la valeur de tout droit à la vie privée invoqué par l'individu. D'autre part, il faut protéger le droit du citoyen du fait de l'immixtion dans ses communications et sa vie privée, sinon la liberté individuelle serait en danger, ce qui sape les fondements de la vie publique et conduit les

789 V. R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 17 : « Il est remarquable de constater que c'est toujours sur le plan de l'admissibilité de la preuve d'un acte ou d'un fait juridique par le moyen d'écoute clandestine que le débat était placé ».

790 V. sur ce point : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 469, p. 322 : « Ces pratiques, même si elles sont encadrées par la loi, restent critiquées en ce qu'elles violent certains droits et libertés fondamentaux de l'individu concernés, en particulier sa vie privée ».

791 V. sur écoute téléphonique : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 468, p. 322 : « la pratique des écoutes entre en contradiction avec le respect de l'intimité de la vie privée protégé notamment par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ».

792 V. en ce sens : A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 750 : « II y a parfois un équilibre à trouver entre l'intérêt privé du secret et divers intérêts d'ordre général de prévention et de répression d'infractions pénales ou encore de défense de l'intimité de la vie privée ».

793 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 293, p. 248 : « À vrai dire, le problème de savoir s'il est licite pour la justice ou par voie de conséquence pour un officier de police judiciaire de rechercher des preuves au moyen de l'interception des communications téléphoniques est une question des plus délicates qui a fait l'objet d'abondantes études ».

citoyens à se méfier les uns des autres, à l'introversion et à la crainte permanente du contrôle

794

du pouvoir. En effet, la preuve pour être légalement acceptable doit être basée sur une procédure correcte qui ne porte aucune atteinte au droit de la défense de la personne suspectée ni au respect de la liberté individuelle ou de la vie privée. C'est justement ce qu'impose le principe pénal général qui exige le respect des règles d'intégrité et de crédibilité, « la loyauté

795796

des preuves », lors de la mission de recherche des preuves criminelles.

A. La nécessité d'une réglementation légale des écoutes téléphoniques.

138. La légalité de l'écoute téléphonique. L'écoute des communications téléphoniques, qu'elle soit judiciaire ou administrativs, doit être légale afin que ses effets soient reconnus valables. Elle doit donc être autorisée en vertu d'un texte légal. Pour certains auteurs, 1'écoute de conversations téléphoniques peut constituer un mode de preuve valable si elle a été conforme aux règles régissant les preuves pénales qui imposent la loyauté dans le processus de recherche des preuves criminelles, dans le cas d'absence de textes comme l'avait déjà

souligné M. Doreid Becheraoui797. Nous ne sommes pas d'accord avec M. Doreid Becheraoui qui n'exige la conformité de 1'écoute de conversations téléphoniques qu'aux principes d'intégrité et de crédibilité qui caractérisent le principe de la loyauté de preuve. Ce principe étant essentiellement moral, cela amène à négliger totalement l'exigence d'une base légale pour permettre l'écoute. En France, avant la loi du 10 juillet 1991, les écoutes téléphoniques

n'étaient soumises à aucun régime légal

798

comme en droit libanais avant la loi n° 140/99

799

.

190

794 V. en langue arabe : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 187.

795 La loyauté dans la recherche de la preuve pénale.

796 V. en langue arabe : D. Becheraoui, « Les écoutes téléphoniques », in La revue du barreau des avocats (Revue Al Adl), 1997, n° 2, pp. 23-40, V. spec. p. 24.

797 V. en langue arabe : D. Becheraoui, « Les écoutes téléphoniques », in La revue du barreau des avocats (Revue Al Adl), 1997, n° 2, pp. 23-40, V. spec. p. 24.

798 V. en se sens : J. Pradel, « Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le régime des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49 : « Longtemps, c'est vrai, les interceptions n'ont pas eu en France de statut légal véritable ... Les écoutes judiciaires étaient admises par la Cour de cassation sur le fondement des art. 81, al. 1er, et 151 c. pr. pén. qui sont tellement généraux qu'ils ne parlent même pas des écoutes téléphoniques».

799 V. en droit français : sur les interceptions de correspondances émises par voie de télécommunications : C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 362, p. 246 : « pendant longtemps le droit français ne connut aucune législation particulière concernant ces procédés techniques d'enregistrement des paroles des personnes soupçonnées. Le juge français se contenait d'ordonner de telles mesures en s'appuyant sur le seul article 81 du Code de procédure pénale, éventuellement combiné aux articles 151 et 152 relatifs aux commissions rogatoires. » ; L'article 81 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction

Certains auteurs français ont considéré que l'article 81 du CPP français couvre ce vide juridique et offre une base légale à l'écoute judiciaire. La situation est la même au Liban,

l'article 61 du CPP libanais

800 801

qui est parfaitement identique à l'article 81 du CPP française

.

 

191

En effet, en l'absence de texte juridique autorisant cette procédure dangereuse, une reconnaissance de la recevabilité ou de la légalité de toute procédure d'écoute qui vise à recueillir des preuves criminelles, nous semble inacceptable. Cette procédure doit être basée sur un cadre et une référence juridique explicite et sans ambiguïté, en vue du respect du principe de la légalité procédurale, et en particulier du principe de la légalité de la preuve pénale. Car le principe de la légalité de la preuve pénale représente la protection des libertés individuelles et le droit à la vie privée et constitue la pierre angulaire et le fondement de l'État de droit. En effet, la question de l'écoute va au coeur de la liberté et la confidentialité des communications. C'est un droit auquel il n'est pas possible de renoncer et qui n'est même pas susceptible de discussions car il concerne la vie intime de l'individu. L'écoute est un moyen de preuve illicite et immoral qui suppose l'utilisation de la fraude pour établir la preuve de l'implication d'une personne dans l'infraction, ce qui est tout aussi grave que la violence. Donc, l'exigence de la loyauté de la preuve est une condition complémentaire et intégrée à la condition de la légalité de la preuve, et l'absence de texte juridique pour encadrer l'opération d'écoute comme moyen de preuve, lui enlève toute base légale, c'est-à-dire toute validité juridique. Par conséquent, cette absence ne peut jamais être compensée par l'exigence du principe de la loyauté de la preuve, dont la présence, à côté du principe de la légalité de la preuve, est considérée parmi les principes de base dans le processus de l'exploration et de la recherche de la preuve en matière pénale. La preuve peut être déloyale mais légale, mais elle ne peut pas être loyale mais illégale.

139. L'écoute clandestine de la conversation téléphonique. Parmi les plus importants cas

802

de figure de fraude employée par l'enquêteur pour l'obtention des aveux de l'accusé, on

procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge ».

800 L'article 61 du CPP libanais dispose : « Dans le cadre de l'ensemble des mesures d'instruction qu'il entreprend aux fins de la manifestation de la vérité, le juge d'instruction a recours à des moyens légaux ».

801 V. A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n°2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 751 : « Sans doute, le juge d'instruction dispose-t-il des plus larges pouvoirs, mais à condition que soient respectés les droits de la défense. Les écoutes téléphoniques ne se prêtent pas au formalisme prévu par la loi pour les interrogatoires ou les auditions où la présence d'un avocat constitue une garantie sérieuse. En outre, les conversations surprises peuvent se situer entre le délinquant et son avocat et une telle écoute violerait les droits de la défense et serait contraire à l'ordre public ».

802 V. P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 4:« Afin d'obtenir la preuve de la commission d'une

192

distingue : l'écoute clandestine des conversations téléphoniques et l'enregistrement dérobé des

803

déclarations des accusés. Les conversations téléphoniques comprennent les secrets les plus intimes des gens, l'énigme de leurs âmes, et pendant lesquels le locuteur, rassuré par son correspondant à l'autre bout du fil, divulgue ses secrets en toute liberté sans embarras, ni crainte d'être entendu, et croyant qu'il est à l'abri de la curiosité et de l'écoute secrète de ses

804

conversations, leur surveillance et leur enregistrement. C'est un moyen frauduleux interdit. La cause de l'interdiction de cette méthode réside dans le fait qu'elle comporte une violation et une atteinte aux droits de l'homme et à la confidentialité de la correspondance qui représente une forme d'atteinte à la vie privée, protégée par la loi libanaise et française. En

805

.

effet, espionner les appels téléphoniques constitue une grave violation des libertés

Cependant, il est à noter que cette interdiction n'est pas absolue, car le développement technologique et l'évolution des techniques de commission des infractions ont engendré des

806

difficultés pour prouver l'incident criminel et l'attribuer à une personne en particulier. Par conséquent, les législateurs libanais et français, comme dans beaucoup de législations, a autorisé l'interception des appels téléphoniques et des communications accomplies par les moyens de communications à distance, sous certaines conditions. Ainsi, l'utilisation de ce moyen comme preuve, ou dans le cadre de procédures d'enquêtes et d'investigation, est considérée comme illégale si elle n'a pas été précédée d'une autorisation préalable du législateur, c'est-à-dire d'une disposition légale qui réglemente l'utilisation de cette méthode,

infraction, il peut être utile d'enregistrer certaines conversations. En effet, en écoutant les confessions que l'accusé adresse à un tiers, les autorités de poursuites reçoivent des déclarations ».

803 V. P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 4 : « L'écoute secrète vise à contourner les dispositions concernant l'interrogatoire formel et conduit à l'obtention d'une confession auto-incriminante ».

804 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 362.

805 V. R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 17 : « En général, le choix du législateur est à cet égard fondamental et révélateur, car en mettant l'écoute clandestine hors la loi, quels que soit sa forme ou son objet, le législateur affirme du même coup que la protection de l'individu contre toute forme d'espionnage est un droit essentiel en notre société » ; V. encore pour le même auteur : R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n°1, p. 21 : « La vie privée de chacun comporte en tout état de cause un noyau irréductible, une zone d'intimité qui appelle une protection absolue ».

806 V. A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 750 : « II est de nombreuses infractions pour la découverte desquelles des écoutes téléphoniques constituent presque une nécessité : proxénétisme, trafic de drogue, trafic d'armes notamment ».

807

.

193

compte tenu de la gravité qu'elle peut représenter pour les droits et les libertés Généralement, le législateur restreint l'utilisation de ces moyens au sein des cadres et normes spécifiques et bien précises, qui doivent être respectées. Par conséquent, et en l'absence de dispositions légales qui autorisent le recours à des écoutes téléphoniques ou à des enregistrements audio, on ne peut pas justifier sa légalité par le prétexte du principe de la

808

liberté de la preuve en matière pénale, ce qui aurait pour conséquences d'admettre cette

809

preuve illégale.

140. L'écoute téléphonique au Liban avant la loi n° 140/99. Avant la promulgation de la loi n° 140/99 publiée le 27/10/1999 et destinée à préserver le droit à la confidentialité des communications, par tout moyen de communication, telle que modifiée par la loi n° 158 du 27/12/1999, la législation libanaise ne contenait aucun texte relatif à la réglementation de l'écoute des appels téléphoniques, avec ou sans fil. Par conséquent, la loi libanaise n'a pas autorisé, ni dans le Code de procédure pénale ni dans aucune disposition particulière, les autorités judiciaires et policières à intercepter les communications téléphoniques avec ou sans

fil810. Toutefois, la loi n° 140/99, dont la majorité des dispositions ont été inspirées de la loi

811

française publiée le 10/07/1991, est devenue la base juridique réglementant l'écoute

812

judiciaire en droit libanais.

141. Des écoutes illégales avant la loi n° 140/99 en droit libanais. En l'absence de texte juridique, et avant la publication de la loi n° 140/99, M. Doreid Becheraoui considérait qu'on

807 V. R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 19 : « Le droit au respect de la vie privée apparaît ainsi général, absolu, extrapatrimonial ».

808 V. sur ce point : R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, pp. 17-18 : « En choisissant l'autre terme de l'alternative, la prohibition ou l'écoute en fonction de son objet, restrictivement limité, le législateur opte pour la légalité de l'écoute hors le champ interdit par la loi ».

809 V. R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 24 : « l'illégalité de l'écoute clandestine emporte des conséquences importantes concernant le problème de l'admissibilité comme preuve judiciaire des enregistrements ou documents réalisés grâce à de telles écoutes ».

810 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 287, p. 279.

811 La loi du 10 juillet 1991 qui légalise les écoutes téléphoniques en droit français, a été prise à la suite de deux condamnations contre la France par la Cour européenne des droits de l'homme condamnant la France pour des écoutes illégales (Huvig c. France et Kruslin c. France).

812 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 287, p. 279.

194

devait reconnaître au juge d'instruction le droit de recourir - en cas de nécessité - à l'écoute ou à l'interception des communications de l'accusé, ainsi qu'à celles de toutes les personnes ayant contribué avec lui à commettre l'infraction objet de l'enquête que ce soit directement, à travers la société des télécommunications nationale, ou par le biais de n'importe quelle société de communication agréée par l'État (comme les sociétés de téléphonie mobile par exemple), sous sa supervision et son contrôle permanent, et ce, en vertu d'une décision écrite motivée, signée et datée, soit indirectement, par l'émission d'une commission rogatoire en faveur de la police judiciaire, exécutant cette tâche sous sa supervision et son contrôle. C'est ce qui se passait réellement avant l'entrée en vigueur de la loi n° 140/99, d'une manière arbitraire et non organisée, de telle sorte que cette opération d'écoute étant exécutée, soit selon les conditions mentionnées, soit sans le respect des conditions préalables, ce qui a fait que cette opération constituait une procédure non soumise à des contrôles juridiques, menée par les membres des forces de l'ordre sans la connaissance du juge d'instruction ou sans la présence de toute commission rogatoire, ou encore menée par le procureur au cours des enquêtes

813

préliminaires . Ces agissements ont constitué une grave et flagrante violation des libertés individuelles et du respect de la vie privée, ainsi que du droit de la défense protégés par tous

. En

814

les pactes et les chartes internationales relatives à la protection des droits de l'homme

fait, l'avis du M. Doreid Becheraoui ne correspond pas à une logique juridique solide, ni aux principes de la légalité procédurale et de la légalité de la preuve pénale. Ce qu'il affirme signifie qu'en l'absence du texte juridique ; c'est-à-dire avant de légiférer sur l'écoute avec la loi libanaise n° 140/99, il a été reconnu au juge le recours - en cas de nécessité - à l'écoute ou à l'interception des communications de l'accusé et de toute personne ayant contribué avec lui au crime objet de l'enquête. Nous ne sommes pas d'accord avec cet avis de M. Doreid Becheraoui, car, bien que ce qu'il a avancé soit considéré comme la pratique courante de la justice libanaise avant la loi n° 140/99, nous ne pouvons attribuer à cette application illégale aucune légalité parce que l'illégalité est flagrante. Est-il permis de violer les garanties de la liberté individuelle et de la vie privée protégées par la constitution libanaise, par une ordonnance ou une décision judiciaire ? La décision du juge d'instruction peut-elle remplacer la volonté du législateur libanais ? L'avis du M. Doreid Becheraoui est-il cohérent avec le principe de séparation des pouvoirs, et en particulier du pouvoir judiciaire et du pouvoir législatif ? Qu'en est-il du principe de la légalité de la procédure pénale et de la légalité de

813 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 295, pp. 285-286.

814 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 295, p. 286.

preuve pénale ? Qu'est-ce qui peut en rester, si jamais nous acceptons et reconnaissons la position de M. Doreid Becheraoui et de ceux qui ont considéré qu'en l'absence de texte juridique, on admet que le juge peut recourir - en cas de nécessité - à l'écoute ou à l'interception des communications de l'accusé et de toute personne ayant contribué avec lui au crime objet de l'enquête ? En droit français, la situation est semblable à celle du droit libanais, on peut considérer que la situation des écoutes téléphoniques avant la loi du 10 juillet 1991 est d'une illégalité flagrante contrairement à la position de la Cour de cassation française qui

admettait les écoutes illégales sans les considérer comme illégales

815

. C'est dans cet esprit que

nous considérons qu'en droit libanais toutes les opérations d'écoute ayant eu lieu avant la loi n° 140/99 sont illégales. En fait, il s'agit d'un acte dont l'illégalité est particulièrement grave et flagrante, et qui aurait dû être frappé de nullité, ainsi que toute preuve en découlant, que ce soit d'une manière directe ou indirecte, pour avoir violé le principe de la légalité de la preuve pénale, et parce que tout ce qui s'est basé sur l'illégalité doit être jugé illégal, ces procédures

ont été en désaccord avec la légalité procédurale

816

. Il est également opportun de noter que

195

l'article 174 de la loi sur les stupéfiants, les substances psychotropes et les précurseurs n° 673/1998 a été publiée avant la législation sur l'écoute n° 140/99, et a traité la façon de surveiller et d'écouter les communications téléphoniques dans le cadre des crimes liés à la

drogue 817 . Ici, le législateur libanais a légiféré sur l'écoute exceptionnellement dans les cas d'infractions liées aux drogues, et ce, avant l'adoption de la loi n° 140/99. Cette disposition

dans la loi sur la drogue est toujours en vigueur aujourd'hui818.

815 V. en ce sens : Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 360, p. 263 : Les écoutes téléphoniques : « cette pratique courante ne connut, pendant longtemps, aucune réglementation, ce qui donna lieu à bien des abus, tant de l'administration (écoutes administratives) que de la justice (écoutes judiciaires). Elle était, pourtant, illégale, même si la chambre criminelle s'efforçait de soutenir le contraire. ».

816 La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise n'offre pas l'exemple de sanctions de ces illégalités car la preuve de ces écoutes est pratiquement impossible à faire par les personnes intéressées.

817 L'article 174 de la loi libanais sur les stupéfiants, les substances psychotropes et les précurseurs n° 673/1998 dispose que : « l'officier de police, peut - sous autorisation du procureur général- peut mettre sous surveillance ou sur écoute des lignes téléphoniques utilisées par des personnes, que des preuves sérieuses ont démontré leur implication dans des crimes liés aux drogues. Toutefois, les communications obtenues de la sorte ne peuvent être considérées comme des aveux, mais utilisés plutôt dans la surveillance des contrevenants et la détection des crimes ».

818 Il est à noter dans ce cas que l'article 2 de la loi sur la défense Nationale, publiée par le Décret-loi n° 102 /83 en date du 16/09/1983, c'est à dire avant la loi sur l'écoute n°140/99, dispose que « si le pays, ou une partie du territoire, ou un secteur parmi ses secteurs publics, ou une partie de la population, ont été exposés à un risque, on peut déclarer un état d'alerte qui peut être partiel ou total, ou un état de mobilisation partiel ou total. Dans ces cas, des mesures seront prises par des décrets au sein des conseils ministériels sur proposition du Conseil suprême de la défense et peut inclure des dispositions spéciales visant à : organiser le contrôle des transports et des communications ». On peut donc conclure à partir de ce texte, que l'État a le droit - dans les cas visés plus

196

142. Des écoutes illégales avant la loi du 10 juillet 1991 et la condamnation de la France par la CEDH pour violation de l'article 8 de la Convention EDH. Avant la loi du 10 juillet 1991, il y avait un vide juridique dans le domaine des écoutes téléphoniques qui n'étaient

soumises à aucun régime légal819. M. Édouard Verny a bien exprimé la situation juridique qui existait avant la loi du 10 juillet 1991 en soulignant qu'« avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1991, la législation française ne prévoyait pas expressément les écoutes téléphoniques. La Cour de cassation avait avalisé le recours à ce procédé en se fondant sur l'article 81 du Code de procédure pénale qui autorise le juge d'instruction à procéder à tous

820

les actes utiles à la manifestation de la vérité ». Donc, les écoutes téléphoniques faites avant la loi du 10 juillet 1991 l'ont été sans base légale, malgré la position de la jurisprudence

821

de la chambre criminelle de la Cour de cassation françaisequi a fait une couverture légale

822 823

purement formellepour des écoutes entachée d'illégalité flagrante. A plusieurs reprises, la

loin-, de recourir à l'écoute des communications des citoyens dans les états d'alerte ou de mobilisation, à condition que ceci ne soit possible qu'en vertu de décrets et dans des cas exceptionnels et très limités. Ce texte est toujours valable de nos jours.

819 V. S. Jacopin, « La réception par les lois pénales françaises contemporaines de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme », in Droit pénal, n° 6, Juin 2006, Etude 9 : « Pendant longtemps, les écoutes téléphoniques, régulièrement utilisées en France dans le cadre du procès pénal, n'étaient soumises à aucun régime légal. S'est donc posée la question légitime de savoir si ces procédés permettant d'écouter et d'enregistrer des conversations ou des communications téléphoniques étaient recevables ».

820 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, p. 192.

821 V. la juriprudence de la Cour de cassation française avant la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme: Cass. crim., 23 juillet 1985, B.C., n° 275 : « La mise sur écoutes de la ligne téléphonique attribuée à une personne soupçonnée d'être impliquée dans un crime à laquelle il a été procédé sur commission rogatoire régulière d'un juge d'instruction ne saurait constituer une cause de nullité des actes de la procédure ni une violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que cette mesure d'investigation a été accomplie sans artifice ni stratagème et que rien ne permet d'établir que ce procédé ait eu pour résultat de compromettre les conditions d'exercice des droits de la défense ».

822 V. en ce sens : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15 : « la Chambre criminelle avait forgé une jurisprudence et depuis l'arrêt Tournet du 9 octobre 1980, sur le fondement de l'article 81 du Code de procédure pénale, elle estimait que le juge d'instruction pouvait ordonner une écoute téléphonique s'il la jugeait nécessaire à la manifestation de la vérité » ; V. la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans l'arrêt Tournet : Cass. Crim., 9 octobre 1980, B.C., n°255 : « La mise sur écoutes téléphoniques du domicile d'un inculpé à laquelle il a été procédé sur commission rogatoire du juge d'instruction ne saurait constituer une cause de nullité de la procédure lorsque cette mesure d'investigation a été exécutée sous le contrôle de ce magistrat sans artifice ni stratagème et que rien ne permet d'établir que ce procédé ait eu pour résultat de compromettre les conditions des droits de la défense ».

823 V. sur ce point : A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 265 : « La jurisprudence s'est longtemps interrogée sur la légalité des écoutes judiciaires, dans la mesure où elles n'étaient pas expressément autorisées par la loi. Mais elle a finalement accepté qu'un juge d'instruction puisse, au cours d'une information, délivrer une commission

Convention européenne a exigé d'une manière indirecte mais explicite que les autorités disposent d'une base légale pour certains actes qui constituent en fait des atteintes aux droits

824

fondamentaux

. L'article 8 de la Convention EDH. n'admet l'ingérence d'une autorité

publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance que pour autant que celle-ci soit prévue par la loi825 . Cette position fut celle de

826

la Cour EDH qui a condamné la France en matière d'écoutes téléphoniques. Cette position

827

est illustrée par deux affaires importantes d'écoutes téléphoniques, Huvig contre la France,

24 avril 1990 et Kruslin contre la France, 24 avril 1990

828

« la France fut cependant

197

condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme dans les arrêts Kruslin et Huvig du

829

24 avril 1990 en raison de l'imprécision du droit français en la matière ». Dans les deux cas Huvig et Kruslin contre la France, le sujet essentiel de la plainte porte sur l'absence d'une base légale explicite autorisant les écoutes sur mandat du juge d'instruction en droit

rogatoire à un officier de police judiciaire l'autorisant à intercepter des conversations téléphoniques, dans le but de découvrir les auteurs d'une infraction grave».

824V. sur ce point: CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times C/ Royaume-Uni, Requête n° 6538/74, spec. § 49: « Aux yeux de la Cour, les deux conditions suivantes comptent parmi celles qui se dégagent des mots "prévues par la loi". Il faut d'abord que la "loi" soit suffisamment accessible: le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. En second lieu, on ne peut considérer comme une "loi" qu'une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite ; en s'entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé. Elles n'ont pas besoin d'être prévisibles avec une certitude absolue : l'expérience la révèle hors d'atteinte. En outre la certitude, bien que hautement souhaitable...».

825 V. en ce sens : P. De Hert, « La jurisprudence européenne dans le domaine des moyens de contrainte, des écoutes policières, des prisons, de la violence policière, du terrorisme, de la détention préventive, des témoins anonymes... », in Vigiles. Revue de droit de police, 1996, vol. 2 n° 4, 26-37.

826 V. H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15: « Le débat a pris un tour aigu après les arrêts Kruslin et Huvig de la Cour européenne (24 avr. 1990, A. 176), qui avaient condamné la France, estimant que le système jurisprudentiel, qui suppléait à l'absence de loi spécifique et constituait une base légale, n'était pas d'une qualité suffisante ».

827 V, sur ce point : A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 265 : « C'est précisément l'absence de texte légal pouvant justifier ces pratiques qui a conduit la Cour européenne des Droits de l'Homme à condamner la France à l'occasion des arrêts Kruslin et Huvig, rendus le 24 avril 1990. Par ces arrêts, la Cour désapprouve tant les écoutes judiciaires que les écoutes administratives ».

828 V. Des pratiques contraires aux engagements internationaux de la France et exposant le gouvernement à une condamnation : R. Errera, « Les origines de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et s,. V. spec. pp. 859-860 : « On pouvait assurément s'attendre à voir un jour un requérant français se plaindre devant la Cour, à propos d'écoutes téléphoniques, de la méconnaissance de l'article 8 de la Convention. C'est ce qui se produisit. MM. Huvig et Kruslin, n'ayant pu convaincre les juges français, y compris la Cour de cassation, du bien-fondé de leur position, saisirent la Cour européenne des droits de l'homme ».

829 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, pp. 192-193.

français 830 . La Cour de Strasbourg va considérer que le manque de base légale n'est pas le

sujet essentiel parce que la Cour européenne admet en fait que le droit non écrit et la jurisprudence constituent une base légale suffisante afin de recourir à des techniques de recherche ce qui constitue une nouvelle notion de la base légale en droit français. Donc, c'est la qualité de la législation française et plus particulièrement la prévisibilité qui ne répondaient pas aux conditions légales de l'article 8 C.E.D.H qui vont conduire la Cour de Strasbourg à

condamner la France

831

. Cela soulève évidemment bien d'autres questions inévitables parce

198

que le législateur français n'a pas encadré légalement les écoutes téléphoniques durant cette période. « Sans aucun doute, toutes ces discussions auraient pu être évitées si le législateur avait pris le soin de se prononcer nettement sur le problème de la légalité des interceptions

832

.

ordonnées par les autorités judiciaires »

143. Les conséquences immédiates de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme le 24 avril 1990. L'effet de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme se manifeste clairement et très rapidement dans la position de la Cour de cassation française. « Ainsi, trois semaines après les arrêts Kruslin et Huvig, a-t-elle, par son arrêt Bacha Baroudé du 15 mai 1990, aménagé sa jurisprudence

833

relative aux écoutes téléphoniques dans le sens indiqué par la Cour de Strasbourg ». Un arrêt rendu le 15 mai 1990 par la chambre criminelle de la Cour de cassation française énonça

834

les principes suivants: les écoutes téléphoniques trouvent une base légale dans les articles

830 V. B. Bouloc, « Réglementation des écoutes téléphoniques », in R.S.C., 1992, p. 128 : « On sait qu'après que la Cour de cassation ait cru devoir, sans texte précis, admettre qu'un juge puisse ordonner une écoute téléphonique la Cour européenne des droits de l'homme par un arrêt du 24 avril 1990 a estimé que les modalités de mise en oeuvre étaient peu précises et laxistes ».

831 V. P. De Hert, « La jurisprudence européenne dans le domaine des moyens de contrainte, des écoutes policières, des prisons, de la violence policière, du terrorisme, de la détention préventive, des témoins anonymes... », in Vigiles. Revue de droit de police, 1996, vol. 2 n° 4, 26-37 : « La Cour souffle le chaud et le froid à propos de la condition de légalité des techniques de recherche. Une disposition légale explicite, écrite sur mesure, n'est absolument pas nécessaire, mais toute réglementation, écrite ou non, doit atteindre un certain niveau de qualité, en ce sens que suffisamment d'informations doivent être fournies sur l'existence, la portée et la manière d'utiliser la technique de recherche».

832 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 296, p. 252.

833 J.-P. Marguénaud, « La dérive de la procédure pénale française au regard des exigences européennes », in D., 2000, p. 249.

834 V. Cass. crim., 15 mai 1990, B.C., n° 193, p. 490 : « Pour qu'il n'y ait pas méconnaissance de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, la mise sur écoutes et les enregistrements téléphoniques ne peuvent être ordonnés à l'insu des personnes intéressées que sur l'ordre d'un juge et sous son contrôle en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public et d'en identifier les auteurs. Il faut que l'écoute soit obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse être discutée par les parties concernées ».

199

81 et 151 du Code de procédure pénale français; elles ne peuvent être effectuées que sur l'ordre d'un juge et sous son contrôle, en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public et d'en identifier les auteurs; l'écoute doit être obtenue sans stratagème ni artifice ; sa transcription doit pouvoir être

835

contradictoirement discutée par les parties, le tout dans le respect des droits de la défense. Trois mois plus tard, un autre arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation

mentionna explicitement l'exigence d'une durée limitée, celle du procès-verbal de

836

française

la transcription des enregistrements opérés et celle de la saisie et du placement sous scellés

837

des cassettes supportant les enregistrements. Donc, il y avait un consensus général sur la nécessité de légaliser les écoutes téléphoniques en adoptant une nouvelle loi sur l'écoute

téléphonique pour légaliser l'écoute judiciaire838 dans la recherche de preuve pénale. Comme

839

souligne M. Roger Errera, « la nécessité d'une loi était désormais admise par tous ». Ce qui

840 841

a eu comme conséquence directe la légalisation de l'écoute téléphoniqueen droit français

835 R. Errera, « Les origines de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et s,. V. spec. pp. 861-862.

836 V. Cass. crim., 17 juillet 1990, B.C., n° 286, p. 724 : « Ne transgresse pas les dispositions de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l'homme la mise sur écoute et l'enregistrement de communications téléphoniques ordonnés par un juge d'instruction et sous son contrôle, à l'insu des personnes intéressées, en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public et d'en identifier les auteurs. Il faut que l'écoute, pratiquée pendant une durée limitée, soit obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse être discutée par les parties en cause » ; V. encore : Cass. crim., 26 novembre 1990, B.C., n° 401, p. 1008 : « Qu'en effet les écoutes et enregistrements téléphoniques trouvent leur base légale dans les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale ; qu'ils peuvent être effectués à l'insu des personnes intéressées, qui ne sont pas seulement celles sur qui pèsent les indices de culpabilité, s'ils sont opérés pendant une durée limitée, sur l'ordre d'un juge et sous son contrôle en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public, et d'en identifier les auteurs ; qu'il faut en outre que l'écoute soit obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse être contradictoirement discutée par les parties concernées, le tout dans le respect des droits de la défense ».

837 R. Errera, « Les origines de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques », in R.T.D.H.., 55/2003, pp. 851 et s,. V. spec. p. 862.

838 A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 265-266 : « La France voulant prévenir toute nouvelle condamnation de son droit par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il lui était dès lors devenu nécessaire de se doter d'une législation spécifique aux écoutes téléphoniques. Tel est l'objet de la loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative aux correspondances émises par la voie des télécommunications».

839 R. Errera, « Les origines de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et s,. V. spec. p. 863.

840 V. H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15 : « Si des problèmes restent évidemment posés en matière de force probante des écoutes téléphoniques, il faut néanmoins constater que le législateur a fait l'effort de tenter d'harmoniser la loi écrite avec les exigences de la Convention et qu'une fois encore une décision de la Cour européenne a seule été capable de faire progresser le droit dans un État démocratique ».

200

et une leçon tirée de la condamnation par la Cour européenne comme le soulignent Mme Haritini Matsopoulou « ... après la condamnation de la France par la Cour de Strasbourg dans les affaires Kruslin et Huvig, le législateur est intervenu par la loi du 10 juillet 1991 qui a fait de l'interception des correspondances émises par voie de télécommunications un acte judiciaire, insusceptible d'être prescrit par un policier, pas même lors d'une enquête

842

subordonnée » et M. Henri Leclerc : « Les écoutes téléphoniques sont donc enfin

réglementées en France, non seulement sur le plan judiciaire mais sur le plan administratif et il faut s'en féliciter, même si la loi du 10 juillet 1991 peut donner lieu à certaines

843

critiques ». Il est clair que la loi du 10 juillet 1991 était nécessaire au regard des exigences de l'article 8 de la CEDH comme le souligne M. Édouard Verny « la loi du 10 juillet 1991 a répondu aux exigences de la Cour européenne en autorisant, sous des conditions désormais strictement déterminées, d'une part les écoutes administratives (dites de sécurité) qui sont étrangères à la procédure pénale et d'autre part les écoutes judiciaires qui peuvent être

844

décidées par le juge d'instruction ».

B. L'encadrement légal des écoutes téléphoniques judiciaires en droit libanais et français.

144. Le retard dans l'élaboration des décrets d'application de la loi n°140/99 en droit libanais. L'écoute téléphonique constitue une lourde atteinte à un droit fondamental mais l'écoute judiciaire est considérée parmi les atteintes au respect de la vie privée fondées sur une base légale. À cet égard le législateur libanais est intervenu pour concilier les droits de

845 846

l'individu et l'intérêt publicen adoptant la loi n° 140 datant du 03/11/1999

. Il est bien

connu que dans certains cas, il existe certains détails de procédure, laissés par la loi pour le

841 V. J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, septembre 2008, étude 17, V. spec. n°12 : « Cette position européenne a conduit le législateur français à organiser une procédure spécifique relative aux interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications aux articles 100 et suivants du Code de procédure pénale. Ces dispositions pénales spécifiques apparaissent désormais comme une permission de la loi justifiant le délit de l'article 226-15 du Code pénal ».

842 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 902, p. 729.

843 H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15.

844 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, p. 193.

845 V. en langue arabe : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, pp. 187-188.

846 Journal officiel de la République libanaise : n° 52/99, p. 3160.

201

pouvoir exécutif qui va prendre en charge l'application de cette loi, et qu'on qualifie de décret

847

d'application des lois émises par le Parlement dans la loi libanaise. Ces décrets d'application de la loi n° 140/99 ont enregistré un retard d'environ cinq années. Il s'agit du décret n° 15280 datant du 1/10/2005 sur la loi n° 140 du 27 octobre 1999, publiée en date du 3 novembre 1999 au Journal Officiel n° 52 et relative à la protection du droit au secret des communications effectuées à travers tout moyen de communication, de quelque nature qu'il soit. Le décret 15281 datant du 1/10/2005 a défini le mode d'action de l'organisme indépendant chargé de vérifier la légalité de la procédure administrative d'interception des communications téléphoniques. D'où le décret n° 15871 datant du 2/12/2005 (amendement de l'article II du décret n° 15280 datant du 1/10/2005).

145. Conditions des écoutes judiciaires en droit libanais. En date du 27/10/1999, la loi n° 140/99 a été publiée. Cette loi porte sur la préservation du droit de confidentialité des communications menées par tous les moyens de télécommunications cités dans l'article

premier de la loi848. La loi protège le droit de confidentialité des communications internes et externes obtenues par tous les moyens de télécommunications (téléphones fixes, tous types d'appareils portables y compris les cellulaires, les fax, les courriels, etc....). Ce droit n'est soumis à aucun type d'écoute, de contrôle, d'interception ou de divulgation sauf dans les cas énumérés dans cette loi et par les moyens et dispositions qu'il définit. Cette loi distingue entre la contestation des communications sur décision administrative et la contestation sur décision juridique. Cependant, cette loi ne prévoit rien sur les relevés des communications téléphoniques ou ce que l'on appelle la base de données des télécommunications. En vertu de l'article 2 de la loi n° 140/99, il est interdit d'effectuer des écoutes sur les télécommunications des individus exerçant des professions ordinaires sauf sur décision à l'initiative du premier juge d'instruction dans chaque province ou sur demande manuscrite du juge d'instruction

849

chargé de l'instruction. De ce fait le parquet n'a nullement le droit, qu'il s'agisse du procureur général près la Cour d'appel ou de l'un de ses avocats généraux ou du procureur général près la Cour de cassation ou de l'un de ses avocats généraux, ni la police judiciaire de

847 Il est connu que dans certains cas il y a quelques détails procéduraux que la loi laisse parfois le soin au pouvoir exécutif de les appliquer, il s'agit des décrets des lois à appliquer adoptées par le Parlement libanais. Ces décrets à appliquer de la loi n° 140/99 ont pris un retard de cinq ans environ.

848 La loi n° 140/99, a été promulguée dans le but de mettre un terme à la grave atteinte aux droits des individus qui consiste en l'écoute illégale, non réglementée et sans contrôle administratif et judiciaire, cette loi représente désormais la base juridique régissant les procédures d'écoute et d'interception des communications, juridiques soient elles ou sécuritaires.

849 Qui est nommé le doyen des juges d'instruction en droit français.

prendre une décision d'interception des télécommunications de l'un des suspects ou

850

accusés

. La loi n° 140/99 dispose dans son deuxième article que dans des cas extrêmes, le

202

premier juge d'instruction de chaque province, à son initiative ou à la demande écrite du juge d'instruction chargé de l'enquête, a le droit de décider l'interception des communications qui s'effectuent par l'un des moyens énoncés dans l'article premier de la même loi, et ce dans chaque poursuite criminelle sanctionnée par une peine d'emprisonnement d'un an au minimum, à condition que sa décision se présente sous forme de notification écrite et justifiée. Cette décision n'admet aucune forme de recours. Ce qui signifie que cette procédure ne peut être ordonnée que dans le cadre d'une enquête devant le juge d'instruction sur notification écrite et justifiée provenant du premier juge d'instruction. En outre, le juge d'instruction ne peut en aucun cas recourir aux mesures qui pourraient porter atteinte à la vie privée sauf dans le cas où l'infraction jugée rentre dans le genre de crimes ou délits sanctionnés par un emprisonnement d'une année au minimum. Ajoutons à cela que la loi oblige à ce que cette procédure soit entreprise uniquement en cas d'extrême nécessité. Il n'existe néanmoins aucun mécanisme permettant de vérifier qu'il y a réellement nécessité extrême ou non puisque la décision du premier juge d'instruction ne peut être contestée, et donc on remarque l'existence d'une telle liberté d'appréciation pour le premier juge d'instruction. Cependant, il convient de signaler ici que la possibilité de l'écoute des communications des personnes, même dans les cas où l'infraction semble banale, tels les délits sanctionnés par un an de prison, constitue une exagération du législateur libanais, d'autant plus que le respect de la vie privée rentre parmi les libertés inviolables tel que le dispose le texte de l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le législateur libanais devrait donc suivre le législateur français et poser le principe de l'impossibilité de prendre une décision d'écoute sauf si l'infraction invoquée devant le juge d'instruction est sanctionnée d'un emprisonnement de deux ans au minimum851 (article 100 du CPP français)852. Sur la base de ce qui précède, le juge d'instruction ne peut pas effectuer directement des écoutes sur les télécommunications ni les contrôler, ni les intercepter, sauf conformément aux conditions inspirées majoritairement par le droit français et par l'assiduité de la jurisprudence européenne des droits de l'homme.

850 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 288, p. 280.

851 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 296, pp. 286-287.

852 L'article 100 du CPP français : « En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle. La décision d'interception est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours ».

203

853

Toutefois, la loi 140/99 ne prévoit pas toutes ces conditions. Ces conditions sont que le juge d'instruction ne peut avoir recours à l'écoute des télécommunications qu'en cas d'extrême nécessité, c'est-à-dire dans les cas ou l'écoute constitue le moyen unique de découvrir les circonstances et conditions de l'infraction commise, et la question de l'estimation du degré de cette nécessité doit être soumise au contrôle de la Cour de cassation. La loi libanaise n° 140/99 ne prévoit pas cette clause, c'est-à-dire, le contrôle par la Cour de cassation. Son article deux accorde au premier juge d'instruction le droit de décider l'écoute et l'interception des télécommunications sans aucune obligation de justifier cette procédure par un cas de nécessité, ce qui mène à un grand nombre de violations par le mauvais usage ou l'abus de ce

854

droit. Cette procédure ne peut être décidée que dans des cas de crimes ou délits sanctionnés conformément à la loi n° 140/99 par une année d'emprisonnement au minimum et par la loi

855

française de deux ans d'emprisonnement minimumconformément à l'article 100 du CPP

856

français. Nous pensons que l'écoute devrait être limitée aux cas graves, tels que les crimes uniquement, car l'écoute est un procédé qui viole les droits fondamentaux et naturels des individus et ne devrait pas être utilisée facilement sauf dans les cas très graves et d'extrême nécessité et durant leur enquête. M. Doreid Bechraoui estime que la décision d'écoute du premier juge d'instruction, conformément aux dispositions de la loi libanaise, jouit d'un

857

.

caractère administratif, et à partir de là, elle ne peut être soumise à aucun type de recours

Nous ne soutenons donc pas l'avis de M. Doreid Bechraoui sur ce point car nous estimons que la décision d'écoute venant du premier juge d'instruction est une décision purement juridique mais le législateur n'a pas autorisé sa contestation en raison de sa futilité, car la décision d'écoute n'est évidemment pas notifiée à la personne placée sur écoute. Nous préférerions que le contrôle de la condition d'extrême nécessité s'effectue de manière automatique à travers la chambre d'accusation (nommée chambre d'instruction en droit français) pour confirmer la décision du premier juge d'instruction ou la rejeter avant son application à condition de tenir

853 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 287.

854 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 287.

855 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, pp. 287-288.

856 L'article 100 du CPP français dispose : « En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle ».

857 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 288.

compte de la vitesse à prendre dans ce contrôle, de manière à ce qu'elle soit présentée à la chambre d'accusation qui prendra sa décision dans un délai très court. C'est justement cela que nous attendons du législateur libanais : qu'il rectifie cet article et l'ajoute à la loi 140/99. Il s'agit absolument d'interdire l'exécution, l'interception ou la surveillance de toute écoute téléphonique ou télécommunicative sauf sur décision écrite et justifiée du premier juge d'instruction à son initiative ou à la demande écrite du juge chargé de l'enquête, et ce sous sa

858

supervision et son contrôle. Il est impératif que la décision du premier juge d'instruction qui autorise l'écoute comporte tous les éléments imposant la nécessité de la procédure d'écoute

859

. La

avec la description pénale de l'infraction objet de cette écoute et sa durée maximale

décision d'écoute doit aussi déterminer le moyen de l'écoute conformément aux dispositions

du texte de l'article 3 de la loi 140/99

860

. Cet article fixe la durée de l'écoute à deux mois

204

comme délai maximal, et l'on suppose que la décision d'écoute fixe cette durée de telle sorte qu'elle n'excède pas les deux mois comme maximum et qu'elle admette la prolongation sous les mêmes conditions qui ont exhorté la décision d'écoute initiale, c'est-à-dire un délai n'excédant pas les deux mois au maximum selon ce que l'on déduit de la lecture du texte de l'article 2 qui est un texte vague et ambigu dans l'ensemble au sujet de la prolongation de l'écoute. Il aurait été préférable de préciser combien de fois on pouvait prolonger le délai pour empêcher toute controverse et confusion et ne pas laisser cette prolongation ouverte sans détermination claire, précise et rigoureuse. Nous admettons que dans chaque prolongation, la procédure d'écoute ne peut excéder la durée de deux mois mais sa prolongation sans restriction du nombre de répétitions constitue un risque d'abus dans l'usage de ce droit et une violation des libertés fondamentales. Ce qui incite à la prudence et à la préoccupation selon

M. Doreid Becheraoui qui trouve que le texte de l'article 3 de la loi 140/99 ne fixe pas la période de prolongation, ce qui pourrait donner libre cours au juge d'instruction pour prolonger la durée de l'écoute sur de longues périodes. Ceci constitue un danger pour les libertés personnelles tandis que le texte de la loi française dans l'article 100-2 du CPP

861

françaisprévoit l'écoute des communications pour une période de 4 mois renouvelable

858 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 288.

859 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 288.

860 L'article 3 de la loi 140/99 dispose : « La décision qui régit l'interception, détermine le moyen de communication que la procédure d'écoute saisie ainsi que l'infraction objet de la poursuite ou de l'enquête et la durée que nécessite l'opération d'interception, à condition que ce délai n'excède pas les deux mois et qu'il soit prolongeable conformément aux mêmes conditions et dispositions ».

861 L'article 100-2 du CPP français dispose : « Cette décision est prise pour une durée maximum de quatre mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée ».

862

. À

205

conformément aux dispositions prévues légalement pour réglementer cette procédure notre avis le même problème se trouve dans la loi française puisque la loi française comme la loi libanaise ne limitent pas le nombre de répétitions de la décision dans une même affaire pénale. L'article 6 de la loi 140/99 affirme que l'officier de police judiciaire ou le juge d'instruction en charge, peut, lorsqu'il exécute les procédures d'écoute lui-même, établir un

863

procès-verbal comportant toutes les opérations d'écoute et d'enregistrement. Les bandes d'enregistrement sont détruites sur instruction du procureur général de la Cour de cassation et

864

sous sa supervision à l'expiration d'un délai succédant la prescription de l'action publique conformément au texte de l'article 7 de la loi 140/99.

146. Conditions d'écoute judiciaire en droit français. Sans doute l'écoute téléphonique par sa nature constitue une violation de respect de la vie privée et de la correspondance en même temps comme l'affirme M. Louis-Edmond Pettiti « on pourra relever que dans son arrêt

865

Malone c/ Royaume-Uni du 2 août 1984 (série A, n° 82, § 64) la Couravait affirmé que « les communications téléphoniques se trouvant comprises dans les notions de «vie privée» et

866

de «correspondance» au sens de l'article 8 de la Convention ». Le législateur français a choisi le montant ou la durée de la peine de l'infraction comme référence pour ordonner une

867

écoute judiciaire. « Le législateur de 1991 s'attache au quantum de la peine ». Selon l'article 100 du CPP français, la peine de l'infraction doit être égale ou supérieure à deux ans

. Ce système a pour

868

d'emprisonnement pour justifier une écoute téléphonique judiciaire

862 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, pp. 288-289.

863 L'article 6 de la loi 140/99 dispose : « le juge instruisant la décision d'écoute ou l'officier de police judiciaire en charge établit un PV de l'opération d'interception, qui comporte les dates et heures du début et de la fin de l'interception et son enregistrement. Comme il établit un rapport contenant toutes les informations ayant trait au sujet. Cet enregistrement doit être placé dans une enveloppe scellée portant le seau du juge compétent conformément aux dispositions ».

864 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 289.

865 La Cour européenne des droits de l'homme.

866 L.-E. Pettiti, « Les écoutes téléphoniques et la protection de la vie privée », in R.S.C., 1998, p. 829.

867 J. Pradel, « Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le régime des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 8.

868 L'article 100 du CPP français dispose : « En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle ».

conséquence

869

d'exclure ce moyen d'écoute téléphonique dans la recherche des preuves

concernant les petits délits qui sont sanctionnés par une peine inférieure à deux ans

870

d'emprisonnement. Selon Mme Haritini Matsopoulou, la nouvelle loi de 1991 de l'écoute en France qui a introduit les articles 100 à 100-7 dans le Code de procédure pénale français « ... a exclu qu'il puisse y être recouru en cas de flagrance, ce qui, à notre avis, est justifié, car normalement les traces et indices sont présents sur les lieux, si bien qu'on ne saurait

871

accomplir des recherches ». L'autorisation qui permet légalement de pratiquer des écoutes

872

téléphoniques est accordée par décision écrite.La décision prescrivant les interceptions n'est pas considérée comme une décision juridictionnelle, donc n'est susceptible d'aucun

. « La décision du juge est écrite, elle n'a pas le caractère

873

recours et n'est point motivée

juridictionnel et elle n'est pas susceptible d'aucun recours : il s'agit donc d'un acte

d'instruction »

874

. La loi du 10 juillet 1991 consacre, dans l'alinéa premier de son article

206

premier, le principe selon lequel « le secret des correspondances par la voie des télécommunications est garanti par la loi ». L'alinéa second de cet article consacre

869 Certains auteurs critiquent l'article 100 du CPP français : V. H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « la loi a aligné le régime des écoutes téléphoniques sur celui de la détention provisoire en ne les autorisant que lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans (art. 100 nouveau c. pr. pén.), ce qui est un critère extrêmement vaste et recouvre, outre les affaires criminelles, la très grande majorité des affaires correctionnelles ».

870 V. J. Pradel, « Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le régime des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 8 : « L'application du seuil retenu a pour effet évident d'exclure toute interception à l'occasion de poursuites relatives à un petit délit... ».

871 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 306, p. 263.

872 L'article 100 du CPP français dispose : « La décision d'interception est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours » ; L'article 100-1 du CPP français dispose : « La décision prise en application de l'article 100 doit comporter tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci » ; L'article 100-4 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée. Les enregistrements sont placés sous scellés fermés ».

873 V. l'avis de M. Jean Pradel qui supporte l'avis du législateur selon lequel ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours et ne sont pas motivées : J. Pradel, « Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le régime des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 9 : « il serait hasardeux d'annuler une procédure importante dans laquelle le magistrat aurait ordonné des interceptions sans s'assurer au préalable qu'aucun autre mode de preuve n'était utilisable. Car obliger le juge à épuiser d'abord ces autres modes de preuve risquerait de lui faire perdre un temps précieux, néfaste aux investigations et donc à l'ordre public. Et la démonstration que ces autres modes n'ont pas été utilisés serait bien difficile à apporter. Il convient donc de fermer la porte à toute velléité de plaideurs qui soulèveraient la nullité d'une interception au motif que le principe de subsidiarité aurait été violé ».

874 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p. 429.

explicitement qu'« il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l'autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-

875

ci »

. Il est remarquable que la loi n'autorise pas les parties privées à effectuer des écoutes

876

téléphoniques. L'article 100-7 du CPP français ne permet pas l'écoute téléphonique lorsque

877

la ligne écoutée est celle d'un député, d'un sénateur, d'un avocat ou d'un magistrat. Les exceptions précédentes de mise sur écoute téléphonique sont expressément édictées à peine de

. Concernant l'autorité qui autorise les écoutes téléphoniques « la procédure

878

nullité

d'interception est bien précisée dans la loi. En premier lieu, les seules autorités habiles à ordonner des écoutes téléphoniques sont le juge d'instruction (art. 100 C.P.P.) et, dans le cadre d'une enquête, le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur et seulement en matière de criminalité organisée (art. 706-95 C.P.P.) : seuls ils sont visés dans les textes, ce qui exclut tout pouvoir du parquet dans le cadre de l'enquête et ce qui confirme

la jurisprudence »

879

. Concernant la durée des interceptions téléphoniques, elle est limitée par

la loi. « Le juge d'instruction peut prescrire une écoute pour une durée de quatre mois au plus, des prorogations étant possibles ; le juge des libertés et de la détention ne peut la

prescrire, en enquête, que pour un mois avec un seul renouvellement d'égale durée »

880

. Afin

207

de progresser dans la lutte contre la grande criminalité, la loi Perben 2 donne aux policiers, sous l'autorité et le contrôle du ministère public, des pouvoirs exorbitants, dès lors que l'on sera dans la sphère de la grande criminalité. Depuis la loi Perben 2 en 2004, il est également possible pour le procureur (avec l'accord du juge des libertés et de la détention) d'y recourir

875 L'article premier de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques dispose : « Le secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l'autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci ».

876 A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 266 : « Aux termes de cet article premier, les écoutes téléphoniques effectuées par des particuliers sont donc interdites. Quant à celles qui sont le fait de la puissance publique, la loi du 10 juillet distingue les deux cas traditionnels: les écoutes judiciaires et les écoutes administratives ».

877 E. Mathias, Procédure pénale, 3e éd., Bréal, 2007, p.152.

878 L'article 100-7 du CPP français dispose : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d'un député ou d'un sénateur sans que le président de l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d'instruction. Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction. Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un magistrat ou de son domicile sans que le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside en soit informé. Les formalités prévues par le présent article sont prescrites à peine de nullité ».

879 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p. 428.

880 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p. 428.

208

dans une enquête préliminaire ou de flagrance sur des affaires de terrorisme, blanchiment,

881

torture, enlèvement, trafic de drogue et délinquance en bande organiséeconformément à

882

l'article 706-95 CPP français. Toutes ces procédures selon Mme Pierrette Poncela « portent incontestablement atteinte aux droits de la défense, au respect de la vie privée, ..., au secret des correspondances... comment cela a-t-il pu recevoir l'assentiment du Conseil constitutionnel ? La réponse est simple : parce que toutes les dérogations aux droits et libertés qu'emportent les opérations d'enquête doivent, préalablement à leur mise en oeuvre, être autorisées en temps réel par l'autorité judiciaire, c'est-à-dire ici principalement soit par

883

le Procureur de la République, soit par le juge des libertés et de la détention (JLD) ». Il'est remarquable que le législateur français se fonde sur le critère de la dangerosité de l'infraction pour affaiblir l'efficacité de la protection ou du respect des principes généraux du droit des personnes comme le droit au respect de la vie privée.

§ 2. Preuve obtenue au moyen d'un enregistrement par magnétophone.

147. Questions autour de la preuve par magnétophone. L'enregistrement par magnétophone ou la preuve par magnétophone pose la question de la recevabilité ou de l'admissibilité des moyens de preuve qui est sans doute une question de principe qui revêt un grand intérêt. M. Pierre Mimin constate que l'apparition de l'enregistrement de la voix

881 V. P. Poncela, « Le combat des gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II », in Droit et Société, 60/2005, p. 482 : « Les écoutes téléphoniques deviennent possible dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance, sur requête du Procureur de la République et autorisation du juge des libertés et de la détention. Leur durée- 15 jours renouvelables une fois- est cependant plus brève que celles décidées par le juge d'instruction ».

882 L'article 706-95 CPP français dispose : « Si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, deuxième alinéa,100-1 et 100-3 à 1007, pour une durée maximum d'un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat. Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l'interception est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application de l'alinéa précédent, notamment des procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation, par application des articles 100-4 et 100-5 ».

883 P. Poncela, « Le combat des gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II », in Droit et Société, 60/2005, p. 482.

209

humaine sur disque en justice comme moyen de preuve soulève une série de questions :

884

juridiquement, ce moyen de preuve est-il admissible ? Est-il utilisable?

148. L'enregistrement magnétique et le témoignage. Il semble, à première vue, que le moyen de preuve présentant le plus d'analogies avec l'enregistrement magnétique est le

885

témoignage. L'idée précédente n'est pas totalement vraie. Selon M. Jean-Claude Georgin, il s'agit là d'une vue superficielle car la preuve par fil magnétique ne peut être assimilée à un témoignage et ceci pour deux raisons : 1° une raison de fond : le magnétophone n'a pas de personnalité. 2° une raison de forme : -- qui découle de la précédente -- les formalités de

886

.

l'enquête ne sont pas respectées

149. La différence entre la mise sur écoute téléphonique et l'enregistrement vocal d'une personne. M. Jean-Claude Georgin définit le magnétophone comme « une machine qui se contente de reproduire les paroles imprimées sur la bande sans essayer d'en comprendre ni

887

d'en interpréter le sens ». Il y a toujours eu confusion entre les écoutes téléphoniques et l'enregistrement des conversations. Toutefois, il faut faire la distinction entre eux d'une manière précise. En effet, l'écoute est pratiquée sur une conversation téléphonique, que ce soit à partir d'un téléphone fixe ou d'un téléphone cellulaire (mobile). Quant à l'enregistrement secret des conversations, ceci ne peut être qu'en mode audio, en plaçant un magnétophone dissimulé pour enregistrer la voix du locuteur, et peut aussi inclure l'enregistrement audio et

888

image à l'insu de l'intéressé par une caméra cachée. Il est possible d'utiliser la conversation interceptée, après son enregistrement sur un support magnétique, comme preuve vocale, ressemblant à l'enregistrement vocal du point de vue forme. Mais il y a un problème fondamental: l'enregistrement sur bande magnétique n'est qu'un enregistrement d'une conversation interceptée. Y a-t-il donc une différence entre eux en termes de légalité de la preuve pénale résultant de ces deux méthodes ? Il faut aussi faire une distinction entre les écoutes et l'enregistrement audio d'une part, et la base de données relative aux communications téléphoniques, d'autre part. En effet, cette base de données n'a rien à voir

884 P. Mimin, « La preuve par magnétophone », in JCP G., 1957, Doctrine (1370).

885 J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 70.

886 J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 70.

887 J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 71.

888 V. A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n°2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 753 : écoutes privées : « A l'aide d'appareils divers (micro, dérivations, etc.) ».

889

avec le contenu des appels téléphoniques, et ne comprend pas des enregistrements audio des conversations téléphoniques. C'est donc une chose totalement différente de l'écoute, car, par principe, elle ne porte pas atteinte directement aux libertés individuelles et à la vie privée des

individus

890

. Toutefois, il vaut mieux que le législateur réglemente la manière d'obtenir les

210

données téléphoniques et détermine avec précision ceux qui ont le droit d'obtenir ces informations, ainsi que ceux ayant le droit de contrôler la légalité et la manière d'accéder à ces informations et enfin ceux qui en autorisent l'accès.

A. Enregistrement des déclarations des accusés à leur insu au moyen d'un magnétophone.

150. La légalité de la preuve par un enregistrement audio. L'enregistrement audio signifie

891

l'enregistrement des sons au cours d'une conversation privéeen utilisant un appareil d'enregistrement vocal destiné à enregistrer les sons sur des bandes qui peuvent être réservées

892

pour être entendues plus tard, à tout moment. Un différend surgit dans la doctrine sur la légalité de l'utilisation de l'enregistrement audio. L'enregistrement des aveux et des déclarations des accusés en leur connaissance lors de l'enquête par un magnétophone est un acte légal et contre lequel nous n'avons pas d'objection, tant que la loyauté et toutes les garanties ont été prises en considération, pour confirmer la validité de ces enregistrements et écarter tout doute, et aussi pour que l'accusé admette ces enregistrements et ne les conteste

889 V. sur ce point en droit français: A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 751 : « La Cour de cassation française s'est prononcée sur ce point dans un arrêt du 4 janvier 1974 interprété par a contrario. Il précise qu'est légal -- dans une affaire de persécution téléphonique -- la pose d'un appareil ayant pour but et pour résultat non d'intercepter les communications téléphoniques mais de déterminer l'origine des appels et d'en identifier l'auteur ».

890 V. sur le repérage téléphonique et la localisation des télécommunications : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 323 : « Le repérage et la localisation des télécommunications visent des situations différentes : le repérage permet d'identifier les données d'appel de moyens de télécommunication à partir desquels ou vers lesquels des appels sont adressés ou ont été adressés (sans pour autant prendre connaissance de leur contenu, ce qui est le propre de l'écoute téléphonique), tandis que la localisation des télécommunications permet de déterminer leur origine et leur destination ».

891 V. en ce sens : J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 106 : « Les paroles enregistrées doivent avoir été prononcées au cours d'une conversation privée, leur auteur ne pouvant se plaindre de leur divulgation si elles ont été prononcées en public ».

892 V. J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 82 : « L'enregistrement magnétique porte la marque de son auteur, empreinte qui est alors le timbre de sa voix ; par répétition, il fait revivre dans le temps une conversation entre plusieurs personnes, dont les paroles ne constituent plus une simple présomption, mais en quelque sorte véritablement un aveu intégral d'une exactitude supérieure à tout autre ».

211

893

pas. Selon M. Mustapha Awji, il n'y a pas d'objection légale qui empêche le juge d'instruction d'enregistrer les interrogatoires sur une bande, à condition que l'interrogé soit mis au courant de cet enregistrement. Mais ce qui empêche l'utilisation de ce procédé, et qui n'est pas permis, c'est enregistrer secrètement les communications, sauf dans la limite

894

.

autorisée par la loi. Généralement cet enregistrement est effectué à travers le téléphone

Mais la question ayant soulevé un désaccord est l'étendue de la légalité des enregistrements des déclarations et des communications des accusés à leur insu. Le problème le plus complexe est d'enregistrer ces admissions par des personnes extérieures à l'enquête, comme des parties privées de l'action publique, ou des tierces personnes, et ce, avec ou sans la connaissance et le consentement de la personne qui parle. M. Mustapha Awji estime à cet effet qu'il n'y a aucun empêchement juridique pour que le juge d'instruction procède à l'enregistrement de l'interrogatoire sur une bande, à condition que l'interlocuteur soit mis au courant de cette procédure d'enregistrement.

151. L'orientation de la juridiction et de la jurisprudence sur le problème de légalité de l'enregistrement audio. Il y a un point de vue qui affirme que l'enregistrement audio, fait d'une manière furtive et pris en considération, ne constitue pas une procédure invalide, à condition que cet enregistrement n'ait pas été fait en violation de la loi, par exemple, effectuer un enregistrement dans un domicile où on est entré sans autorisation préalable. Ce point de vue est justifié par le principe de la conviction personnelle du juge, puisque l'aveu obtenu par

cette méthode est soumis à l'appréciation du juge, qui peut l'accepter ou le rejeter 895 . Il est indéniable que la doctrine et la jurisprudence pénale égyptiennes ont exercé une influence remarquable sur le droit libanais en matière pénale parce que plusieurs pénalistes égyptiens ont enseigné au Liban le droit et la procédure pénale dans les facultés de droit libanaises et ils ont contribué à la création des oeuvres de droit pénal général, de droit pénal spécial et de procédure pénale, notamment M. le professeur Mahmoud Najib Hossni, Mme le professeur Fawzia Abdel-Sattar, M. le professeur Soulayman Abdol-Miniin et M. le professeur Ali Abdel-Kader Kahwaji. La seconde opinion a été exprimée par le système judiciaire égyptien

893 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 363.

894 V. en langue arabe : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 187.

895 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 363.

212

dans un procès célèbre de contrebande, connu sous la dénomination « procès Al-Homsi », qui est un cas de contrebande où ont été accusés : Rizkallah Homsi -- directeur de la banque de Homs -- et Sobhi Maghrébi. Cette affaire se résume par le fait que l'enquête a révélé un trafic d'argent de l'Égypte vers l'extérieur (contrebande de fonds), et que ces deux accusés faisaient partie de la contrebande. À cet effet, les enquêteurs ont envoyé un informateur au premier pour le rencontrer - après avoir gagné sa confiance -- dans une pièce de la banque où ils ont eu une conversation concernant les conditions de réalisation d'une opération de contrebande de fonds. De ce fait, lorsque les deux accusés ont comparu devant la Cour, la conversation enregistrée était l'un des éléments de preuve invoqués dans l'enquête pour prouver le crime, à ce moment la controverse a éclaté au sujet de la légalité de recourir à cette méthode pour démontrer la légalité de la preuve provenant de cet enregistrement. Dans son jugement, la Cour a négligé la preuve délivrée par l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement caché, considérant qu'il s'agit là d'un acte contraire aux règles de l'éthique, inacceptable par les règles de liberté garanties par toutes les constitutions, et ce n'est qu'un espionnage fait par une autre personne qui s'est introduite en cachette pour écouter les conversations, puis apparaît plus tard sous la forme d'un autre témoin, ce qui est incompatible avec la protection des droits

896

et libertés. Les partisans de ce point de vue entendent conférer la validité juridique à cette méthode et la recevabilité des preuves qui en découlent si les conditions légales requises pour la surveillance des appels téléphoniques sont rencontrées, c'est-à-dire s'il y a une infraction commise, une enquête ouverte, une autorisation délivrée par le juge, et si l'utilisation de l'appareil d'enregistrement est faite avec la connaissance de l'enquêteur. Quant au troisième point de vue, qui est le plus probable, les partisans de ce point de vue estiment qu'il y a une grande différence entre l'enregistrement clandestin et la surveillance des communications téléphoniques, car dans le dernier cas, on commet une atteinte aux droits de l'homme, et notamment le droit au secret de la correspondance, l'un des droits universels garantis par les constitutions, comme la liberté individuelle, la liberté d'opinion et d'expression, la liberté de presse, d'impression, d'édition, et la liberté de réunion. Toutefois, ces droits ne sont pas absolus, ils ont été restreints par la loi. Il y a aussi des droits absolus, sans restriction, garantis par la constitution, on distingue : le droit de la défense -- que ce soit personnellement ou assisté par un avocat -- ainsi que le droit à la liberté de croyance. À cet effet, l'enregistrement clandestin viole les droits de la personne, le droit au respect de sa vie privée, est un droit absolu parmi les droits naturels de l'homme, que les constitutions n'ont pas parfois besoin de

896 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 364.

mentionner. Ce droit a été énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de

897898

1948, dans son article 12. Par conséquent, l'enregistrement d'une manière secrète est considéré comme une procédure invalide, même s'il a été autorisé par le juge d'instruction, si elle permet l'introduction dans la vie privée et l'intimité de la personne. Cela signifie que l'enregistrement subreptice est effectué dans un endroit privé où l'individu croyait être à l'abri de toute écoute, telle que les conversations qui ont lieu dans la maison, le bureau ou la voiture privée. Mais si l'enregistrement a eu lieu sans violer le droit à la vie privée, par exemple dans un lieu public, les preuves qui en résultent deviennent valables, tant que la personne a, elle-même, révélé son secret et divulgué son intimité dans un lieu public et au vu et au su de toutes

899

les personnes présentes. En France, Mme Haritini Matsopoulou souligne qu' « une bande magnétique peut faire l'objet de coupures ou de repiquages. Il est possible, dès lors, d'accoler

900

une réponse à une question différente, comme on peut ajouter, déformer ou dénaturer »et considère qu' « ... il est choquant que des propos tenus en privé puissent être enregistrés, puis ultérieurement produits en justice. Comment peut-on admettre que l'entrée dans un lieu privé soit soumise à des règles précises, tandis que la captation des paroles pourrait se faire à

l'insu des personnes »

901

. La protection de la vie privée a poussé le législateur français à

213

intervenir par la loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens « Il faut bien reconnaître que depuis la loi du 17 juillet 1970, tendant à protéger l'intimité de la vie privée, se trouve interdit, sous sanctions pénales, l'enregistrement des conversations ou discours prononcés dans des lieux privés sans le consentement des

902

intéressés ». Donc, en droit francais, il est strictement interdit d'enregistrer la voix d'une personne sans son autorisation. Cependant, la juriprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française considère que « des enregistrements audio, réalisés par un particulier à l'insu de la personne concernée, ne sont pas en eux-mêmes des actes ou pièces de l'information au sens de l'article 170 du code de procédure pénale et comme tels

897 L'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme dispose: « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

898 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 365.

899 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 365.

900 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, pp. 724-725.

901 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, p. 725.

902 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, p. 725.

214

susceptibles d'être annulés mais constituent des moyens de preuve qui peuvent être discutés

903

contradictoirement ».

B. L'utilisation de la bande magnétique dans le domaine pénal.

152. La légalité de l'utilisation de la bande magnétique. Mme Fawzia Abdel-sattar souligne qu'il est permis à l'officier de la police judiciaire d'utiliser cet appareil comme moyen de sauvegarde du contenu d'une conversation, ayant le rôle d'un procès-verbal dans lequel sont inscrits les propos du suspect. Il est requis que l'enregistrement ne soit pas effectué

904

par le biais d'une ruse ou violation de domicile, et que l'individu enregistré le reconnaisse. Selon l'avis de Mme Fawzia Abdel-sattar, la valeur de cet enregistrement consiste à renforcer des preuves fondées en possession du juge, mais on ne peut pas le considérer comme preuve fondée en soi car la voix enregistrée pourrait ne pas être la voix de l'accusé, et faire l'objet de manipulations telles que la censure de certains propos ou le découpage de certains passages et leur reconstitution de manière à modifier le contenu et le sens que contient l'enregistrement

original905. Dans le domaine pénal, selon le Code de procédure pénale libanais, le président de la Cour criminelle, qui est l'équivalent de la Cour d'assises en droit français, peut ordonner ou permettre l'enregistrement de l'audience devant la Cour criminelle par un moyen adéquat. Ceci à notre avis n'a aucun rapport avec la question de l'enregistrement vocal comme preuve que les lois pénales libanaises ont occulté. Cependant, le Code de procédure civile libanais est un texte général applicable au cas non expressément définis et notamment pour combler un vide procédural. Il faut appliquer ici le texte de l'article 217 du Code de procédure civile libanais qui réglemente la question de l'utilisation de la bande magnétique qui contient la voix enregistrée. Cet article prévoit qu'« il est permis d'extraire un aveu non juridique de la déclaration de l'adversaire enregistré avec sa connaissance sur enregistrement magnétique. Dans le cas où l'adversaire dément sa déclaration, le juge peut recourir à expert pour examiner la voix ». Il est évident que, si la personne enregistrée doit accepter la bande magnétique sur laquelle sa voix est enregistrée, il faut d'abord qu'elle soit au courant de la procédure d'enregistrement. Ensuite, dans le cas où la voix lui appartient, le juge peut mandater un expert pour examiner la voix pour que le juge puisse statuer sur le démenti de

903 Cass. crim., 7 mars 2012, B.C., n° 64.

904 V. en langue arabe : F. Abdel Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975, n° 329, pp. 374-375.

905 V. en langue arabe : F. Abdel Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975, n° 329, p. 375.

215

l'individu à cette voix. Mais que signifie la déclaration de l'adversaire enregistrée à sa connaissance ? Cela veut-il dire avec son consentement ? Premièrement, tout enregistrement forcé est absolument rejeté. Deuxièmement, à sa connaissance veut dire que l'individu était au courant de l'enregistrement de sa voix et ne s'y est pas opposé. Fondamentalement, si l'individu reconnaît que la voix de l'enregistrement lui appartient et a eu lieu sans contrainte cela ne crée aucun problème. Nous précisons sans contrainte, une condition évidente que nous ajoutons à l'article qui l'a omis. Il est à souhaiter que le législateur libanais ajoute cette condition au texte de l'article car cela n'a pas de signification que l'individu soit au courant de l'enregistrement de sa voix si cela ne s'associe pas à son acceptation de cette preuve. Car l'individu peut savoir que sa voix est enregistrée mais ne peut empêcher la procédure même s'il en est au courant. Mais le vrai problème survient lorsque l'individu prétend ou affirme que l'enregistrement a eu lieu subrepticement et à son insu, ou encore qu'il le savait mais n'était pas consentant. Comment pourra-t-on alors prouver le contraire et la charge de la preuve fondamentale repose-t-elle sur l'individu jusqu'à la preuve du contraire ? Des questions difficiles et compliquées que la brièveté du texte de l'article 217 du Code de procédure civile

906

libanais nous oblige à poser. Nous voyons sous l'égide de la formulation stérile actuelle du texte qu'il n'est pas permis au juge de considérer que l'individu auteur de la voix enregistrée sur la bande était au courant de l'enregistrement tant que cet individu n'a pas reconnu ouvertement et clairement qu'il en était au courant, à moins que le juge ne tombe sur une preuve formelle et sans équivoque que cet individu ment et qu'il était au courant de la procédure d'enregistrement avant et durant son interrogatoire et pas après. M. Elias Abou-Eid estime que le recours à l'enregistrement par la coercition est catégoriquement rejeté. Il est selon son avis considéré comme inexistant, et ce qui est entendu par coercition dans le discours de M. Elias Abou-Eid c'est une coercition manifestée par la violence physique sur l'individu dont le discours est enregistré ainsi que la coercition morale. Il ajoute à cela l'enregistrement obtenu par l'exploitation d'une situation personnelle de l'individu tel que l'état d'ivresse, ou un enregistrement obtenu lors d'une forte réaction. Tous les cas qui viennent d'être cités selon M. Elias Abou-Eid constituent des cas et des circonstances qui

907

rendent illégal le moyen d'obtenir ces déclarations. Mais M. Elias Abou-Eid ici n'a pas

906 V. sur ce point : J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 85 : « Le magnétophone reproduira bien les propos échangés au cours d'une conversation, mais il ne nous fera jamais savoir, si cette personne avait ou non connaissance de cet enregistrement et surtout, si elle savait qu'il serait ultérieurement utilisé comme moyen de preuve contre elle. Il y aura toujours de sérieux doutes sur cet élément intentionnel de l'aveu ».

907 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 338, pp. 386-387.

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expliqué la notion ou ce qu'il entend par la coercition morale. M. Elias Abou-Eid affirme encore que contrairement à ce qui précède, les autres cas ordinaires dans lesquels les enregistrements des discours s'effectuent doivent être considérés comme légaux si l'on s'appuie sur le principe selon lequel dans le domaine pénal la preuve peut être obtenue par

908

divers moyens. Il est donc nécessaire de préciser la notion de coercition morale en matière d'enregistrement vocal afin de préciser les limites d'applicabilité de cette méthode.

153. Décision pénale du juge unique pénal de Kesrouan (droit libanais)909. Le juge unique pénal de Kesrouan910 dans la résolution n° 66/99 datant du 10/03/1993, dans l'affaire Abou Eid contre Saliba, précise que principalement, l'usage des bandes d'enregistrement de manière générale comme moyen de preuve est confronté à divers obstacles. D'une part l'enregistrement est souvent effectué à l'insu de l'individu, un deuxième obstacle concerne la force probante de la preuve de la bande enregistrée même avec la connaissance de l'individu, puis que son contenu ne doit être compris que dans le cadre qui l'a engendré. D'autre part, on ne peut pas garantir que le discours enregistré n'a pas fait l'objet de manipulations par son découpage et sa reconstitution, particulièrement si l'on tient compte de la sophistication de l'appareil et de ses accessoires ; ce qui suppose que l'intégration de l'appareil dans le domaine de la preuve de manière générale basée sur la conviction personnelle du juge qui est une personne devrait être considérée avec prudence. Cela en sachant que la Cour est consciente de ce que l'article 217 du Code de procédure civile prévoit la validité du prélèvement non judiciaire d'un aveu de la déclaration de l'adversaire, enregistré à sa connaissance sur une bande magnétique, ceci en rappelant que la bande présentée dans cette affaire a été enregistrée à l'insu de l'accusée, comme indiqué dans la plainte. Cette Cour, en précisant les principes cités plus haut, a auditionné plusieurs fois la bande enregistrée, et en vertu de ce que la loi lui confère comme droit pour estimer et apprécier les moyens de preuves, l'a trouvée incohérente d'une part, et par conséquent le juge a décidé ne pas le prendre en considération et par digression, la Cour n'y a trouvé aucune preuve que l'accusée ait effectué une manoeuvre frauduleuse constituant le délit de fraude dont elle est accusée.

154. Réflexion critique sur la motivation de la décision pénale du juge unique pénal de Kesrouan (droit libanais). Là, on constate que le juge a fait une très grave erreur et le moins

908 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 338, pp. 386-387.

909 Le Kesrouan est un des cazas (divisions administratives) de la subdivision du Mont Liban au Liban.

910 Le President Maroun Zakhour.

217

que l'on puisse dire sur ce rapport est qu'il est l'exemple de l'erreur flagrante vu l'écart logique, idéologique et juridique qu'il comporte. Premièrement, le juge précise que la Cour est consciente de ce que l'article 217 du Code de procédure civile prévoit la validité du prélèvement non judiciaire d'un aveu de la déclaration de l'adversaire, enregistré à sa connaissance sur une bande magnétique. La bande présentée dans cette affaire a été enregistrée à l'insu de l'accusée, comme indiqué dans la plainte par les plaignants, c'est-à-dire sur la base de leurs déclarations. Le juge devait donc s'arrêter là et refuser l'écoute de l'enregistrement, en raison du fait prouvé que l'auteur de la voix n'était pas au courant de l'enregistrement, par conséquent, la condition de l'écoute par le juge de cet enregistrement est éliminée et il ne peut nullement invoquer la liberté de conviction du juge dans l'estimation et l'appréciation des preuves d'inculpation car les lois ont clairement prévu un moyen précis et des conditions précises pour accepter cette preuve et qui ne se pressentent pas dans ce cas. Il fallait donc négliger ou refuser d'écouter cette preuve en raison de son illégalité sans s'introduire dans son contenu et son argumentation. Nous croyons que le juge unique pénal de Kesrouan a commis une violation par refus d'application de la loi ou que le juge a violé la loi par fausse application, précisément des conditions prévues par l'article 217 du Code de procédure civile concernant l'admission de l'enregistrement vocal sur bande.

155. Position de la Cour d'appel par rapport au jugement proclamé par le juge unique pénal de Kesrouan (droit libanais). La Cour d'appel des délits du Mont-Liban a observé une position totalement différente en adoptant une preuve fondée sur l'enregistrement sonore magnétique et l'a prise en considération dans sa délibération n° 128/96 datant du 20/03/1996

911

qui cite: « Ce qui renforce la conviction de la Cour est cette conversation enregistrée sur cassette, présentée dans le dossier, entre Samia et Latifa Saliba (intimée) qui reconnaît clairement que l'appelant Samir est propriétaire de l'appartement objet du litige. Si l'on admet de manière generale l'avis exprimé par la doctrine et la jurisprudence selon lequel l'interdiction de recourir aux enregistrements comme unique preuve sur laquelle se baserait le juge pour constituer sa conviction, néanmoins, il en irait autrement, comme dans la présente affaire, lorsque cette preuve vient en renforcement et appui à d'autres preuves »

On s'aperçoit ici que la Cour a contourné la raison et justifié son acceptation de l'enregistrement audio comme preuve de façon illogique, puisqu'elle reconnaît avoir accepté l'enregistrement audio parce qu'il n'est pas l'unique preuve dans l'affaire et non parce qu'il vient comme preuve renforcer le reste des preuves. Ce qui signifie que la Cour reconnaît que

911 La Cour d'appel des délits du Mont-Liban qui était constituée du Président Abdellatif Al Huseini, Fayez Matar et Ghada Aoun et qui a examiné la même précédente affaire.

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les preuves disponibles, si l'on écarte l'enregistrement audio, avaient placé la conviction de la Cour dans le doute sur la culpabilité de l'accusée, car la Cour n'était parvenue à la certitude pour statuer sur la condamnation qu'en s'appuyant sur la preuve vocale qui a influencé cette conviction et converti le doute en certitude, sachant que le doute allait être interprété en faveur de l'accusée. De ce fait, l'enregistrement vocal qui est un élément de preuve illégal a servi pour dresser un jugement de condamnation et cela est contraire au principe de la légalité de la preuve. Ce jugement est basé sur une preuve illégale et la position de cette Cour est totalement inacceptable parce qu'elle s'oppose clairement au texte de l'article 217 du Code de procédure civile applicable obligatoirement dans ce cas.

156. Position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise. La chambre criminelle de la Cour de cassation a accepté le moyen d'enregistrement magnétique vocal

dans l'arrêt n° 144/97 datant du 03/06/1997 912 : « La Cour précise d'abord le principe suivant : contrairement au Code des dispositions civiles qui s'occupe de plus en plus des formalités, elle n'accepte pas durant les discussions devant la justice certains moyens de preuves, car les dispositions pénales sont régies par le principe de liberté des preuves comme conséquences directes dérivant du principe de conviction personnelle qui prévaut dans les dispositions pénales visant à découvrir la vérité et y accéder quel que soit le moyen, sauf dans les cas cités par la loi autrement, ou à travers des moyens spécifiques. S'il y a des limites et des exceptions à ce principe, cela n'affecte pas les bandes magnétiques car les tribunaux ont tendance à les adopter et si elles ne les considèrent pas comme aveux, elles font au moins office d'indices que l'on ajouterait au reste des indices qui pourraient contribuer à constituer une conviction. Lorsque le Code des dispositions des jugements civils libanais fut établi, et contrairement à ce que cite le sujet en appel, elle pourrait dépasser ces limites, car selon l'article 217 du Code de procédure civile il est permis de prélever un aveu non judiciaire de la déclaration de l'adversaire enregistrée dans une bande magnétique. Il s'avère que la situation est telle que décrite n'empêche pas de prendre le contenu de l'enregistrement comme moyen de preuve à ajouter au reste des moyens. La Cour précise aussi d'autre part, que cette tendance est susceptible de renforcer le fait que le sujet en appel aurait reconnu ouvertement finalement le contenu de cet enregistrement et son déroulement entre elle et la défunte Samia. Cette reconnaissance deviendrait incompatible avec son rejet de l'enregistrement et ce rejet serait déplacé du point de vue juridique. Sur la base de ce qui précède l'objection du côté du sujet en appel, à la bande d'enregistrement est rejetée et il

912 La Cour de cassation libanaise, sa septième chambre criminelle, constituée du président Ahmed Almouallem et les deux conseillers M. Elias Nammour et M. Nouhad Mourtadha.

219

serait préférable d'accepter cet enregistrement comme moyen de preuve à ajouter au reste des moyens ». Nous trouvons dommage ce genre de dérive intellectuelle juridique à laquelle est arrivée la Cour de cassation libanaise dans cette décision. Nous déplorons l'établissement d'une telle décision par la plus haute Cour du Liban vu la valeur de cette Cour et nous rejetons sa position. Dans tous les cas où il y a un texte de loi clair, la jurisprudence n'a pas le droit d'apprécier et d'interpréter faussement la situation. D'abord, lorsque la Cour s'appuie ouvertement sur le texte de l'article 217 du Code de procédure civile en le désignant comme la référence générale des procédures pénales en cas d'absence d'un texte dans le Code de procédure pénale, la Cour de cassation doit se conformer à la lettre au contenu de l'article 217 de procédure civile, car il ne faut pas innover avec la lettre claire du texte. Donc, parler de formalités dans la preuve civile et la libération dans la preuve pénale est une partie des innovations injustifiées et regrettables de la Cour de cassation. L'enregistrement audio est un aveu non judiciaire, il est soumis dans ses preuves aux règles générales des preuves dans le Code de procédure civile parce qu'il y a un vide juridique dans ce genre de preuve en matière pénale. Quant au dire selon lequel « les dispositions pénales sont régies par le principe de la liberté des preuves comme conséquences provenant du principe de conviction personnelle qui domine les procédures pénales » ceci n'a aucun rapport avec le texte et les conditions spécifiées demandées par le législateur pour accepter un élément de preuve acquis à l'aide d'enregistrement par magnétophone. Le juge pénal ne peut pas écarter un texte législatif. Le juge est tenu de respecter les textes législatifs qui émanent du législateur et s'imposent au juge. Car la volonté du législateur est plus forte que la liberté du juge pénal d'apprécier la preuve et ce jugement est en contradiction avec le principe de séparation des autorités entre l'autorité juridique et l'autorité législative. Quant au dire selon lequel : « et son objectif est de découvrir la vérité et y accéder quels que soient les moyens » ceci est vraiment dommage qu'il provienne des hauts magistrats et d'une Cour suprême telle que la Cour de cassation. « Quels que soient les moyens » implique la torture, la coercition, la violation des libertés individuelles et la violation de la vie privée. Par conséquent, en quoi aurions nous besoin d'un Code qui régit les procédures pénales tant qu'il se base sur le principe de «, quels que soient les moyens », selon le point de vue de la Cour de cassation libanaise. Et nous demandons à cette Cour quelle est l'utilité des Codes procéduraux ? Et à quoi servent le principe de la légalité procédurale et la légalité de la preuve et les droits de défense ? Et quel est leur rôle dans la procédure pénale ? Quant au dire de la Cour selon lequel « sauf dans les cas cités par la loi contrairement à cela ou par des moyens spécifiques, s'il y a des limites et des exceptions à ce principe, celles-ci n'affectent pas les bandes magnétiques », nous interrogeons la Cour : l'article 217 du Code de procédure civile ne représente-t-il pas en lui-même ces limites et

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exceptions citées par la loi ou même un moyen spécifique tel que vous l'avez mentionné ? Et qui vous a donné le droit d'affirmer que ces exceptions n'affectent pas les bandes d'enregistrement ? Le texte n'est-il pas clair dans l'article 217 du Code de procédure civile ?

157. L'utilisation d'un magnétophone pour enregistrer la voix en droit français. D'abord il faut bien faire attention que l'un des interlocuteurs peut utiliser le magnétophone pour enregistrer une conversation téléphonique. On ne peut considérer l'enregistrement comme une écoute téléphonique. « L'enregistrement de son téléphone par un particulier est un moyen de défense ; pour un policier c'est un acte d'enquête ou d'instruction qui doit être réalisé en

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conformité avec la législation ». La justice peut autoriser le placement de caméras et de

914

micros-espions dans les lieux privés afin de faciliter la recherche des preuves lorsque

l'infraction relève de la criminalité organisée. L'usage du magnétophone en justice ne cesse de

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soulever des questions concernant la légalité de ce moyen. Il faut rappeller à ce sujet, qu'avant la loi Perben II qui a légalisé la sonorisation de lieux privés et l'enregistrement de conversations privées, cette procédure spéciale était faite et appliquée en pratique sans texte ou base légale claire et précise contrairement au sens de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et contrairement à l'interprétation donnée à cet article par la jurisprudence constante de la Cour de Strasbourg. Comme l'indique M. Jean-Christophe

916

Saint-Paul : « Reconduisant la même approche qu'en matière d'écoutes téléphoniques », et pour justifier la régularité de ces actes de procédure concernant la sonorisation de lieux privés et l'enregistrement de conversations privées, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a eu recours à l'article 81, alinéa 1, et 151 et 152 du CPP français pour fournir une

913 G. Accomando et Ch. Guéry, « La sonorisation : un mode légal de preuve ? », in D., 2002, p. 2001.

914 V. L. Viau, « La surveillance vidéo et le droit à la vie privée au Canada et au Québec : l'impact des chartes des droits et l'exclusion de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 52, n° 3, Juillet-septembre 2000, pp. 581-603, p. 582 : « Avec les progrès technologiques qui amènent notamment une miniaturisation des caméras de surveillance, la vie privée des gens est de plus en plus menacée. Non seulement les policiers ont-ils recours à cette méthode d'enquête, mais des employeurs embauchent des détectives privés pour procéder à la filature de leurs employés lorsqu'ils les soupçonnent de conduites qui dénotent un manque de loyauté à leur endroit ».

915 V. sur la légalité de la sonorisation : G. Accomando et Ch. Guéry, « La sonorisation : un mode légal de preuve ? », in D., 2002, p. 2001 : « La sonorisation est un moyen de preuve peu utilisé en France. Les praticiens s'interrogent sur sa légalité. L'analyse de la jurisprudence, apparemment contradictoire, nous invite cependant à considérer comme licite l'usage de micros d'ambiance dès lors qu'il est ordonné par un juge d'instruction et que le principe de la loyauté des preuves est respecté ».

916 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 13.

couverture légale formelle à ses actes de procédure malgré leur illégalité flagrante

917

. « Par

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application des articles 81, alinéa premier, 151 et 152 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction peut prescrire par commission rogatoire, en vue de la constatation des infractions, la captation, la transmission et l'enregistrement de conversations privées, autres que des communications téléphoniques, pourvu que ces mesures aient lieu sous son contrôle

918

et dans des conditions ne portant pas atteinte aux droits de la défense». La loi Perben II

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donne la possibilité à la police d'écouter et filmer les particuliers à leur domicile. Donc, la

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loi Perben II prévoit conformément à l'article 706-96 du CPP françaisqu'en plus de ces écoutes téléphoniques, les juges pourront faire installer chez les suspects des caméras et des

de

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micros-espions dans la nécessité d'accroître l'efficacité de la recherche des preuves

certaines catégories d'infractions graves mentionnées dans l'article 706-73 du CPP français. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation est rigoureuse dans l'application de l'article 706-96 du CPP français. « Il résulte des articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale que le juge d'instruction qui décide de faire procéder à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes, à titre privé ou confidentiel, ou de l'image de personnes se trouvant dans un lieu privé, doit, non seulement rendre une ordonnance motivée autorisant ces opérations,

917 V. J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 13: « Cette jurisprudence contraire à l'interprétation européenne de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l'homme (Conv. EDH) est heureusement caduque dès lors que la sonorisation d'un lieu privé est désormais explicitement envisagée dans des conditions restrictives par les articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale ».

918 Cass. crim., 23 novembre 1999, B.C., n° 269, p. 840.

919 P. Poncela, « Le combat des gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II », in Droit et Société, 60/2005, p. 475.

920 L'article 706-96 du CPP français dispose : « Lorsque les nécessités de l'information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, après avis du Procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. Ces opérations sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction ».

921 V. M. Murbach, Les pouvoirs d'investigation en droit français. Essai d'une théorie générale, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2010, p. 367 : « La sonorisation et la captation d'images permettent comme la vidéosurveillance d'enregistrer et de consulter des données périmétriques. Ces deux catégories typologiques se distinguent par le fait que la vidéosurveillance s'applique dans des lieux publics pour enregistrer à titre proactif tout ce qui passe dans une zone. La sonorisation et la captation d'images vont principalement s'opérer dans un lieu privé, dans un cadre réactif et de façon clandestine, pour rechercher des éléments probatoires relatifs à un trouble à l'ordre public ciblé et des personnes déterminées ».

mais également délivrer une commission rogatoire spéciale aux officiers de police judiciaire

922

qu'il désigne pour y procéder ». La loi Perben II légalise et autorise l'usage des micros ou des caméras qui pourront être posés dans des lieux privés (sonorisations et fixation d'images)

923

au domicile des personnes suspectes, sur leur lieu de travail ou dans leur véhicule

. En ce qui

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concerne l'instauration de ces nouveaux outils non traditionnels comme moyens de recherche de preuve, Mme Julie Alix souligne qu'« outre les moyens d'investigation traditionnels, la récente intégration du terrorisme au sein de la criminalité organisée a pour conséquence de lui rendre applicable l'ensemble des nouveaux moyens d'investigation instaurés, en particulier la faculté de sonoriser les lieux privés. En offrant au magistrat instructeur la faculté de capter des sons ou des images provenant de lieux clos ou des véhicules, le législateur poursuit l'évolution vers l'utilisation de moyens de preuves qui, parce qu'ils s'effectuent à l'insu des personnes qu'ils concernent, sont potentiellement très efficaces - d'autant plus que, s'agissant des sonorisations, la mesure, si elle doit être renouvelée tous les

924

quatre mois, n'est pas limitée dans le temps, tout comme l'instruction préparatoire ». À l'exception des professions protégées par l'article 56-1, 56-2 et 56-3 du CPP français comme dans les locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, les médecins, avocats, notaires ou huissiers, les décisions de sonorisations et de fixations d'images de

925

certains lieux ou véhicules doivent remplir certaines conditionset elles sont prises pour une

926

durée maximale de quatre mois, renouvelable si les mêmes conditions sont remplies. De surcroît, la loi exige le respect de certaines formes procédurales dans l'application des opérations de sonorisation et de fixation d'image dans certains lieux ou véhicules comme le

927

procès-verbal de chacune des opérationset les opérations de destruction des

928

enregistrements sonores ou audiovisuels.

922 Cass. crim., 13 fevrier 2008, B.C., n° 40, p. 149.

923 V. A. Maron et M. Haas, « Quand les murs ont des oreilles sourdes », in Droit pénal n° 3, Mars 2009, comm. 43: « Les murs peuvent maintenant avoir des oreilles, pourvu que leur implant ait été autorisé conformément aux dispositions des articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale ».

924 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 468, p. 377.

925 L'article 706-97 du CPP français dispose : « Les décisions prises en application de l'article 706-96 doivent comporter tous les éléments permettant d'identifier les véhicules ou les lieux privés ou publics visés, l'infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que la durée de celles-ci ».

926 L'article 706-98 du CPP français dispose : « Ces décisions sont prises pour une durée maximale de quatre mois. Elles ne peuvent être renouvelées que dans les mêmes conditions de forme et de durée ».

927 L'article 706-10 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du dispositif technique et des opérations de captation, de fixation et d'enregistrement sonore ou audiovisuel. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée. Les enregistrements sont

223

Conclusion du Chapitre I

158. Le droit libanais, tout comme le droit français est dominé par le principe de la liberté de la preuve pénale avec toutes les conséquences qui en résultent. Le problème réside dans l'ambiguïté du concept de preuve illégale et également l'indétermination qui entoure la notion de preuve illégale. Il s'agit de trouver un critère stable qui peut tenir rigoureusement compte de tous les cas ou de trouver les formes de la preuve illégale car il est très important de trancher la question de la notion de preuve illégale. L'illégalité de la preuve se subdivise en illégalité formelle et illégalité matérielle. On a étudié dans ce chapitre l'illégalité formelle qui trouve sa source dans l'absence de base légale dans l'acte de procédure qui vise la recherche des preuves, la violation des règles et formes substantielles en procédure pénale intimement liées à la recherche et à l'administration de la preuve. De surcroît, l'illégalité formelle de la preuve pénale peut être le résultat de la méconnaissance de la réglementation de certains moyens de preuve qui sont strictement réglementés et la légalité de la preuve nécessite d'appliquer et de respecter strictement cette réglementation pendant la recherche des preuves en utilisant le moyen de preuve réglementé. D'autre part, pendant la phase de jugement, les

charges 929 réunies contre le prévenu ou l'accusé, les indices et les éléments de preuve doivent devenir des preuves, pour pouvoir étayer la condamnation supposée, c'est-à-dire des éléments de preuve permettant d'établir l'existence de l'infraction et l'auteur présumé de l'infraction. Ce sont ces preuves qui ont été recueillies avant le procès ou présentées au procès par les parties et le ministère public lors d'un procès criminel. Au cours de la phase de jugement, la procédure de l'administration de la preuve obéit aux grands principes fondamentaux. Ce sont les principes généraux de la procédure d'audience où les audiences sont publiques, les débats

placés sous scellés fermés » ; L'article 706-101 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui décrit ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les images ou les conversations enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Les conversations en langue étrangère sont transcrites en français avec l'assistance d'un interprète requis à cette fin ».

928 L'article 706-102 du CPP français dispose : « Les enregistrements sonores ou audiovisuels sont détruits, à la diligence du Procureur de la République ou du procureur général, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique. Il est dressé procès-verbal de l'opération de destruction ».

929 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris, 2001, tome 2 Procédure pénale, n° 143, p. 182 : « Le but du procès pénal est de transformer les soupçons et les charges qui ont servi de fondement à la poursuite en une certitude suffisante pour prononcer la condamnation. Quand l'accusation ne peut pas établir l'existence de l'infraction en ses divers éléments et prouver la culpabilité, l'accusé ou le prévenu doit être acquitté. Ainsi le doute que l'accusation n'a pas pu éliminer équivaut à une preuve positive de non-culpabilité. Tel est le sens de l'adage in dubio pro reo, traduction procédurale de la présomption d'innocence.».

224

oraux et contradictoires. Une preuve non soumise à la discussion publique, orale et contradictoire sera une preuve illégale à cause de la violation des principes généraux de la procédure de jugement. En outre, est considérée comme illégale l'utilisation de certains moyens non traditionnels, en particulier l'écoute téléphonique, l'enregistrement des conversations ou des appels téléphoniques sans justification légale. Bien évidemment, une preuve obtenue à l'aide d'une écoute téléphonique illégale rend la preuve résultante illégale. Il existe plusieurs preuves portant atteinte à la vie privée, telles que la surveillance des conversations et des appels et l'enregistrement audio. Étant donné que l'adoption des technologies modernes dans la preuve pénale s'inscrit dans le cadre du principe de la liberté de la preuve prédominant dans cet article pénal, cette exploitation risque d'entraîner des abus des droits et des valeurs protégés par la Constitution, en particulier le caractère sacré de la vie privée. Les intérêts suprêmes et vitaux de l'État imposent aux autorités de sécurité générale de procéder à l'écoute téléphonique afin de préserver ces intérêts, à condition d'établir des limites claires indiquant les cas d'écoute téléphonique, mettant en évidence leur ampleur, et fournissant aux individus des garanties offrant la protection nécessaire contre tous les excès de nature administrative ou judiciaire. Cependant, les écoutes doivent être soumises à des conditions et des contrôles qui assurent l'inviolabilité de la vie privée des membres de la société. A ce propos, le législateur français a influencé le législateur libanais en décidant de promulguer une loi au sujet de l'écoute, en s'inspirant dans la plupart de ses articles de la loi française relative à l'écoute, en introduisant quelques modifications.

225

Chapitre II

Preuve entachée d'une illégalité matérielle

159. Mode de preuve illicite. Le principe de la légalité dans l'administration des preuves en matière pénale implique l'obligation et le devoir de respecter les principes généraux du droit et les principes fondamentaux des droits de l'homme. Les principes de base des droits de l'homme, et particulièrement le respect de la dignité de la personne humaine fait partie

intégrante du principe de la légalité de la preuve pénale

930

. Il n'est pas permis d'adopter des

modes de preuve qui ne respectent pas l'individu, ses droits et sa dignité 931 . Il est donc inadmissible et formellement interdit d'arracher des aveux sous la violence, la torture ou la contrainte morale, ou de soumettre l'accusé à l'hypnose, ou encore lui administrer des produits dans le but d'affaiblir sa volonté et réveiller son subconscient, afin qu'il apporte son

témoignage sans conscience ni réflexion 932 . Il est interdit d'user de procédés de violence physique à l'encontre des suspects, inculpés ou témoins. Sont également prohibées les méthodes qui impliquent une diminution ou une suppression du contrôle de soi-même comme

933

la narco-analyse.

160. Respect de la dignité humaine et violence physique. Le respect de la dignité humaine

934

exige l'interdiction absolue du recours à la violence physique sous toutes ses formesafin

930 V. sur l'effet de la Convention européenne des droits de l'homme sur le respect de la dignité humaine : B. Maurer, Le principe de respect de la dignité humaine et la Convention européenne des droits de l'homme, Editeur : La documentation française, 1999.

931 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les principes des procès pénaux. Étude comparative, Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, 1993, p. 326 ; V. en même sens : C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 246-1, p. 173.

932 V. en ce sens : J.-Y. Chevallier, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 53 : « Quand il s'agit d'apprécier la preuve, tout le monde sait qu'il y a deux systèmes applicables : ou bien le juge devant qui une preuve prévue par la loi est régulièrement apportée est lié par cette preuve et doit automatiquement considérer que le suspect est coupable et entrer en condamnation : système de la légalité des preuves ; ou bien ce même juge apprécie librement les preuves qui sont apportées devant lui : système de l'intime conviction ».

933 V. sur ce point : P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 366 : « L'utilisation de l'hypnose et de la narco-analyse, s'attachent à supprimer toute volonté de masquer la vérité dans le discours en provoquant un état d'altération de la conscience ».

934 V. sur ce point : M. D.-Castelli, « La présentation de la preuve et la sauvegarde des libertés individuelles », 3e colloque du Département des droits de l'homme - Université Catholique de Louvain - Centre d'Études européennes, Bruxelles, Établissements Émile Bruylant, 1977, in Les Cahiers de droit, Vol. 21, n° 2, 1980, p.

d'obtenir l'aveu ou des éléments de preuves

935

. Pour certains, l'influence matérielle ayant pour

but d'obliger ou de faire passer l'accusé aux aveux, peut se manifester par plusieurs cas ou moyens, dont les plus importants sont : la violence (contrainte physique), fatiguer l'accusé par

un long interrogatoire, l'hypnose et l'utilisation de narcotiques

936

. Il est interdit au juge et aux

226

officiers de police judiciaire qui ont la charge d'interroger le suspect ou l'accusé, de recourir aux méthodes illégales pendant l'interrogatoire, comme l'utilisation de la violence, de la coercition physique, des moyens de tromperie et de duperie ou des moyens techniques (comme l'usage du polygraphe, de l'hypnose ou d'autres moyens), dans le but de lui extraire

937

des aveux et affaiblir sa volonté et sa conscience. Donc il y a une nécessité d'encadrer l'administration de la preuve pénale qui exige un profond respect pour la protection de la dignité humaine. Nous allons aborder la question de la preuve qui est entachée d'une illégalité portant atteinte à la dignité humaine et à la liberté individuelle dans la première section, et plus particulièrement la question de la légalité des aveux en matière pénale. Une première section porte sur les procédés de preuves qui sont attentatoires à la dignité humaine et à la liberté individuelle. La deuxième section va aborder la question de la légalité des procédés scientifiques qui visent à la recherche des preuves. La deuxième section porte sur la question de la légalité des procédés scientifiques.

487-493, V. spec. p, 489 : « Le respect de la dignité humaine et de l'intégrité de la personne conduit à interdire la violence physique (avec la prohibition de la torture) et les moyens utilisant la violence, l'astuce ou la ruse pour obtenir des preuves ».

935 V. sur le recours à la violence physique dans le procès pénal : G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 5 : « le recours fréquent à la violence physique des organisations criminelles oblige à assurer une protection particulière des témoins, ainsi que des personnes impliquées dans la commission d'une infraction, qui souhaitent collaborer avec la justice, et plus généralement des personnes participant à la conduite du procès ».

936 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 368.

937 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, op. cit., n° 268, pp. 263-364.

Section I

Les procédés de preuves attentatoires à la dignité humaine et à la liberté individuelle

938

161. L'importance de l'aveu. L'aveu a eu et pendant longtemps une haute importance

939

dans la législation pénale. Selon Mme Philomène Nasr, l'aveu occupe toujours un rang

940

prestigieux. Au contraire, selon MM. Georges Levasseur et Albert Chavanne « l'aveu n'est qu'un élément de conviction parmi tant d'autres et il est laissé à la libre appréciation des

941

juges. Ceux-ci ne sont donc jamais liés par lui ». L'aveu a longtemps été considéré comme

942

la preuve par excellence. M. Jean Pradel considère que l'aveu est loin d'être la reine des preuves comme il a longtemps été considéré dans l'ancien droit parce que l'aveu n'est pas toujours sincère ; il peut être un acte de défi, ou un aveu dans le but de protéger le vrai

943

coupable ou émaner d'une personne intimidable. Nous aurions tendance à penser que

944

l'importance de l'aveutrouve sa source dans le fait que l'aveu est considéré comme le plus

court chemin pour déchiffrer le doute qui n'est pas étranger de la preuve pénale

945

. MM.

227

938 V. en ce sens : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « On ne peut donc pas parler de preuve sans parler de l'aveu».

939 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n°3, Juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. 516: « Depuis les temps les plus anciens, l'aveu de l'inculpé a toujours été admis en preuve, il ne peut d'ailleurs en être autrement ; mais il a été admis différemment selon les moeurs, les coutumes et les systèmes généraux de procédure pénale ».

940 V. en langue arabe : Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, Sader Editeurs, Beyrouth, p. 390.

941 G. Levasseur et A. Chavanne, Droit Pénal et Procédure Pénale, Sirey, Paris, 1963, p. 96.

942 C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 2, p. 3 : « S'il n'est plus regardé comme la preuve parfaite, en revanche, il est toujours recherché en raison de sa faculté certaine à rassurer l'enquêteur et le juge ».

943 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 852, p. 781.

944 V. Rapport de M. François Gorphe, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 776-780, V. spec. p. 777 : « L'aveu se présente, en effet, comme la preuve la plus simple, et c'est surtout ce qui lui a donné une place privilégiée, tant en pratique qu'en théorie. La raison pratique est sérieuse : on comprend la première préoccupation de tout enquêteur ou instructeur d'obtenir un aveu, qui va immédiatement éclairer toute l'affaire et abréger les recherches ; il ne restera plus qu'à vérifier les faits reconnus. Voilà précisément le rôle propre de l'aveu : c'est beaucoup moins de faire preuve que de faire avancer l'instruction ».

945 V. sur ce point : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « ... il suffit de fréquenter les audiences pour constater l'importance que revêt l'aveu comme moyen de preuve, soit qu'il soit réitéré et dispense le plus souvent les acteurs du procès d'une

228

Georges Levasseur, Albert Chavanne et Jean Montreuil considèrent qu' « On a souvent reproché aux services répressifs d'avoir pour objectif essentiel d'obtenir l'aveu du suspect, et il est exact que ces services ont eu parfois tendance à considérer l'enquête comme pratiquement terminée lorsque la personne soupçonnée a avoué. Pourtant, il n'est pas certain

946

que l'aveu corresponde à la vérité. ». Mme Haritini Matsopoulou souligne que « dans le système français, postérieur à la période révolutionnaire, l'aveu n'occupe plus la place de reine des preuves. Du fait de la libre appréciation de ces dernières par le juge, par suite du procédé de la preuve morale ou par intime conviction, les magistrats peuvent accorder un crédit à l'aveu, comme ils peuvent ne lui en donner aucun. C'est un élément de preuve comme

. De surcroît, l'aveu est une preuve qui vient pour dissiper l'obscurité qui entoure

947

un autre »

la vérité, ce qui oriente la recherche de la preuve même d'une manière involontaire vers cette

948

preuve idéale.

§ 1. La légalité de la preuve par aveu en matière pénale.

162. L'aveu est dominé par un double déséquilibre. C'est ce que pense M. Jacques-Bernard

949

Herzog: « je crois que le problème de l'aveu est dominé par un double déséquilibre ». L'aveu comme preuve en matière pénale souffre de deux sortes ou types de déséquilibres. Le premier déséquilibre est fonctionnel. Il réside nettement dans le déséquilibre entre le cadre juridique de l'aveu dans la législation qui affirme l'absence de hiérarchie des preuves, ce qui implique que l'aveu n'est pas la meilleure des preuves. Tandis que la fonction réelle de l'aveu compte tenu de son application pratique affirme qu'il existe une véritable hiérarchie des preuves, l'aveu étant traditionnellement et jusqu'à aujourd'hui, considéré comme la « reine

partie importante des débats, soit qu'il soit rétracté et il devient alors le centre du débat contradictoire, l'accusé étant sommé de s'expliquer sur les raisons apparemment incompréhensibles qui l'ont amené à un moment de la procédure - et le plus souvent au cours d'un interrogatoire policier - à avouer des actes qu'il prétend ne pas avoir commis ».

946 G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 459, p. 184.

947 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 881, p. 712.

948 V. Rapport de M. François Gorphe, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 776-780, V. spec. p. 776-777 : « De tout temps l'on a eu tendance à s'en tenir à l'aveu comme preuve supérieure, non seulement en vertu d'une présomption de véridicité correspondant au cours normal des choses, mais aussi en raison d'une position juridique : on estime que chacun doit prendre la responsabilité de ses déclarations, et qu'on doit répondre des actes qu'on reconnaît avoir commis ».

949 Intervention de M. Jacques-Bernard Herzog, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. Jacques-Bernard Herzog p. 533.

des preuves »

950

. Le second déséquilibre concerne le déséquilibre des garanties de défense

229

entre les deux phases de l'enquête préliminaire et de l'information judiciaire (l'instruction qui est menée par un juge d'instruction). Ce déséquilibre rend illusoires les droits de la défense pendant la phase policière et pousse la police judiciaire à se concentrer sur la recherche de l'aveu comme preuve au lieu de procéder aux constatations matérielles, ce qui est

951

normalement le but de la phase policière ou d'enquête préliminaire.

A. Notion d'aveu en procédure pénale.

163. Définition et signification de l'aveu. En 1873, M. Edouard Bonnier a parfaitement

952

défini sur quoi doit porter l'aveuen écrivant : « L'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences

. Néanmoins, nous considérons

953

juridiques. Il doit porter sur le fait, et non sur le droit... »

que cette définition est incomplète, car elle ne comporte pas les conditions de validité de l'aveu pour qu'il soit compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale. Il est à noter qu'en général, la jurisprudence ne s'est pas limitée à un seul avis concernant la

950 V. Intervention de M. Jacques-Bernard Herzog, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n°3, Juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. Jacques-Bernard Herzog p. 533 : « Le premier de ces déséquilibres est un déséquilibre fonctionnel : toute la législation pénale est fondée sur l'idée que l'aveu est une preuve comme les autres, alors qu'en fait, il faut bien le reconnaître -- j'apporte peut-être ici plus qu'un point de vue doctrinal, une confession de praticien --, la pratique judiciaire est orientée vers la recherche de l'aveu. Il faut reconnaître que lorsque, moi-même, je vais au Parquet de la Seine chercher les dossiers qu'on me donne à régler, je commence par regarder ceux dans lesquels l'inculpé a avoué, parce que la chose est plus facile à régler. La pratique judiciaire est fondée sur cette recherche de l'aveu. Il y a un déséquilibre entre le cadre juridique et la fonction réelle de l'aveu dans notre système ».

951 V. Intervention de M. Jacques-Bernard Herzog, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. Jacques-Bernard Herzog pp. 533-534 : « le déséquilibre entre les deux phases de l'information ; puisque les garanties de la défense sont telles que souvent la spontanéité de l'aveu est empêchée au cours de l'information et puisque cet aveu est le but principal de celle-ci, on fait une sorte de transfert et, puisqu'on ne peut pas avoir l'aveu à la fin de l'information, on cherche à l'avoir à la première phase ; dès lors, la phase policière, qui devrait être une phase de pure constatation matérielle, devient une phase d'information proprement dite. Il y a hypertrophie de la phase policière, une sorte de délégation de la justice qui est sa négation, que ce soit la délégation aux médecins, à laquelle nous convie, peut-être un peu rapidement, malgré son intérêt, le mouvement criminologique moderne ou que ce soit la délégation aux policiers. Très souvent, on est obligé de constater, quand on voit des dossiers, que la phase de l'information devant le juge d'instruction confirme purement et simplement les aveux faits à la police ».

952 V. E. R. De Fresquet, De la preuve en droit Romain. De l'aveu. De la preuve testimoniale. De la preuve littérale, notes du cours de doctorat fait à la faculté d'Aix en 1862, Achille Makaire Imprimeur-Libraire, Aix, 1862, p. 6 : En 1862, M. Raymond de Fresquet a défini l'aveu comme suit : « L'aveu est la reconnaissance faite par une personne, de la vérité d'une allégation qui lui est opposée ».

953 E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 547, p. 440.

détermination de la signification ou de la définition de l'aveu. Dans les procès pénaux, l'aveu est la reconnaissance du suspect, ou du prévenu lui-même de tout ou partie d'un fait ou d'une situation constituant la preuve du bien-fondé des accusations criminelles portées contre lui954 .

955

M. Jean Pradel définit l'aveucomme « une déclaration par laquelle une personne reconnaît

956

en totalité ou en partie avoir commis un fait répréhensible ». Selon Mme Coralie Ambroise-Castérot, « l'aveu est la reconnaissance, par la personne soupçonnée, de sa culpabilité quant

aux faits qui lui sont reprochés »

957

. D'après M. Elyas Abou-Eid, l'aveu est un acte volontaire,

en vertu duquel le défendeur avoue lui-même avoir commis les éléments constitutifs du crime

958

dont on l'accuse, ou la réalité de tout ou partie des faits qu'on lui reproche. L'aveu a été défini par M. Sami Al-Mulla comme une reconnaissance de l'accusé d'avoir commis tout ou

959

partie des faits constituant l'infraction. M. Adly Khalil l'a défini comme une déclaration faite par l'accusé dans laquelle il reconnaît la réalité de tout ou partie des faits constitutifs de

l'infraction commise, ce qui fait de lui la meilleure et la plus forte des preuves

960

. Quant à M.

230

Farouk Al-Kilani, il le définit comme la reconnaissance partielle ou totale de l'accusé d'avoir commis l'infraction dont il est accusé, en avouant expressément l'accomplissement de l'acte

criminel961. Aussi, et dans le même contexte, M. Mahmoud Najib Hossni l'a défini comme la

révélation de l'accusé, contre son propre intérêt, d'avoir commis l'acte criminel962. Dans les procès pénaux, l'aveu est le témoignage du défendeur, reconnaissant, contre son propre

intérêt, une partie ou la totalité de la vérité des faits allégués par l'adversaire 963 . Une définition complète et satisfaisante est présentée par M. Hosni Al-Jondi qui indique que l'aveu est le témoignage émanant de l'accusé lui-même devant la juridiction, reconnaissant avoir bien

954 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, op. cit., n° 262, p. 260.

955 V. sur l'aveu : M.-J. Arcaute-Descazeaux, L'aveu. Essai d'une contribution à la justice négociée, Thèse de droit, Université Toulouse I, 1998.

956 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 464, p. 413.

957 C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 2, p. 3.

958 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, Théorie de la preuve, op .cit., n° 166, pp. 276-277.

959 V. en langue arabe : S. Sadek Al-Mulla, L'aveu de l'accusé, 3e éd., 1968, p. 1.

960 V. en langue arabe : A. Khalil, L'aveu de l'accusé dans la juridiction et la jurisprudence, 1987, p.17.

961 V. en langue arabe : F. Al-Kilani, Conférences sur le Code de procédure pénale Jordanien et en droit comparé, 3e éd., 1985, p. 253.

962 V. en langue arabe : M. Najib Hosni, L'explication du Code de Procédure pénale, 2e éd., p. 472.

963 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les principes des procès pénaux. Étude comparative, Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 331.

231

commis une partie ou la totalité de l'infraction reprochée, en tant qu'auteur principal ou bien

964

en tant que complice dans l'infraction, avec une volonté libre et consciente.

164. Proposition d'une définition plus complète de l'aveu. Dans l'intention de compléter les différentes définitions de l'aveu, nous proposons une nouvelle définition de l'aveu qui prend en compte les situations et les conditions qui accompagnent la production de l'aveu comme preuve en matière pénale et qui doit nécessairement sans exception, être compatible avec le principe de la légalité des preuves pénales. Parallèlement, l'aveu doit être défini d'une manière qui laisse apparaître et manifester que c'est une preuve pénale qui est soumise au principe de légalité et au respect des droits fondamentaux dans la recherche et l'administration de la preuve pénale. Par conséquent, nous avons tendance à définir l'aveu comme une

965 966

reconnaissance claire, explicite et précise, sans équivoque ni ambiguïté, faite par le suspect, le prévenu ou l'accusé, contre son propre intérêt, affirmant avoir commis l'infraction

967

conformément à la vérité et à la réalité, et ce, dans l'une des étapes de la procédure pénale devant le tribunal ou devant la police judiciaire, avec un choix personnel volontaire, sans pression, ni menace, ni peur et ce, à condition qu'il jouisse de toutes ses capacités mentales et

968

de discernement au moment de son aveu. Il est clairement identifié que l'aveu qu'on peut prendre en compte comme preuve pénale est celui qui prend appui sur la libre volonté, où l'accusé peut faire son aveu sans lui avoir fait subir toute forme d'influence physique ou

969

morale.

964 V. en langue arabe : H. Al-Jondi, Les dispositions de l'action en nullité de l'aveu à la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation d'Égypte, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1990, p. 5.

965 M. Edouard Bonnier affirme sur la qualité que doit remplir l'aveu, que l'aveu doit être clair, pour entraîner condamnation, il doit être précis et complet : V. E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 553, p. 444.

966 V. en ce sens : R. De Fresquet, De la preuve en droit Romain. De l'aveu. De la preuve testimoniale. De la preuve littérale, notes du cours de doctorat fait à la faculté d'Aix en 1862, Achille Makaire Imprimeur-Libraire, Aix, 1862, p. 10 : « Il faut que l'aveu soit précis ».

967 V. sur ce point : Rapport de M. François Gorphe, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n°4, Octobre-décembre 1952, pp. 776-780, V. spec. p. 776 : « La critique de l'aveu doit renverser la tendance naturelle que l'on a à croire en la sincérité de l'aveu, ou à se dispenser d'autre preuve en présence d'un aveu. L'aveu ne doit pas y faire exception ».

968 V. en ce sens : R. De Fresquet, De la preuve en droit Romain. De l'aveu. De la preuve testimoniale. De la preuve littérale, notes du cours de doctorat fait à la faculté d'Aix en 1862, Achille Makaire Imprimeur-Libraire, Aix, 1862, p. 9 : « Quant à la personne qui avoue, il faut qu'elle soit capable de comprendre la portée de son aveu ».

969 V. Sur les ces conditions de l'aveu : Rapport de M. Christo P. Yotis, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n°4, Octobre-décembre 1952, pp. 788-789, V. spec. p. 788 : « Mais il faut qu'il soit dépourvu,

970

165. Les différents types d'aveux. Il faut faire la distinction entre les différents types d'aveux. Certains fixent un cadre spécifique à la définition de l'aveu. En effet, d'après leur point de vue, l'aveu doit être nécessairement fait devant une instance judiciaire habilitée à recevoir des dépositions, faute de quoi, il est considéré comme de simples déclarations de l'accusé pendant le déroulement de l'enquête. Certains auteurs font la distinction entre deux

, émis au cours du procès et devant le juge et l'aveu

971

types d'aveux : l'aveu judiciaire

972

extrajudiciaire, qui est fait en dehors du procès en question, par écrit, par un officier public

ou sous seing privé

973

. Selon M. Edouard Bonnier, l'aveu extrajudiciaire est celui qui n'a pas

lieu en face de la justice dans le cours d'un procès

974

. Quant à la loi libanaise, et en ce qui

232

concerne l'aveu fait devant la police judiciaire, l'article 47 du Code de procédure pénale libanais indique que hors les cas d'infraction flagrante, l'agent de police judiciaire ne peut

975 976

procéder qu'à des auditions des prévenussous peine de nullité. D'autre part, l'article 76

977

du même Codea signalé au juge d'instruction plusieurs devoirs envers le défendeur lors de

en pratique, de tout soupçon de contrainte physique ou morale de l'inculpé de la part des autorités chargées de dépister la vérité dans les affaires pénales ».

970 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les principes des procès pénaux. Étude comparative, Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 336.

971 V. Aveu judiciaire ou extrajudiciaire : C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 3, p. 3 : « L'aveu peut être judiciaire, lorsqu'il est fait directement devant une autorité chargée de l'enquête ou du jugement (officier de police judiciaire lors d'une enquête de flagrance ou lors d'une enquête préliminaire, juge d'instruction, procureur, magistrats du siège...). Il peut aussi être extrajudiciaire. Cet aveu est alors indirect. Ce sera le cas, par exemple, s'il est rapporté par un témoignage, s'il figure dans un document écrit, etc. ».

972 V. E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 559, pp. 456-457 : « L'aveu extrajudiciaire, en le supposant légalement prouvé, n'est pas au fond d'une autre nature que l'aveu judiciaire. S'il est positif et précis, en quelque lieu qu'il ait été fait, il doit être décisif contre la partie qui s'est condamnée par sa propre bouche ».

973 V. en langue arabe : Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, Sader Éditeurs, Beyrouth, p. 390.

974 E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 557, p. 455

975 En droit libanais, hors le cas d'infraction flagrante, l'officier de police judiciaire n'a pas le droit de procéder à l'interrogatoire du prévenu.

976 L'article du 47 CPP libanais dispose: « En leur qualité d'auxiliaires de justice, les officiers de police judiciaire exécutent les missions que celui-ci leur confie. Ils enquêtent sur les infractions non flagrantes, ... ainsi que du recueil des dépositions des témoins sans les soumettre au serment et des déclarations de suspects et de personnes visées par des plaintes. Lorsque ces personnes refusent de faire des déclarations ou choisissent de garder le silence, mention en est portée sur le procès-verbal. Les officiers de police judiciaire ne peuvent dans ce cas les contraindre à parler ou les interroger, sous peine de nullité des déclarations recueillies».

977 L'article du 76 CPP libanais dispose: « Lors de la première comparution du défendeur devant lui, le juge d'instruction l'informe de l'infraction qui lui est imputée en lui en résumant les faits et en lui présentant les

sa première comparution devant le juge d'instruction à peine de nullité de l'interrogatoire

978

comme moyen de preuve. Mme Philomène Nassr considère qu'on peut conclure des deux textes précités que l'aveu ne peut pas être invoqué comme un élément de preuve en dehors des

exigences légales

979

. Cependant Mme Philomène Nassr reconnaît que cet aveu pourrait garder

un impact indirect sur la conviction du juge, sur la conduite de l'enquête et sur le déroulement

du procès

980

. Le fait est que, dans les affaires pénales, il n'est pas important de distinguer

entre les types d'aveux, tant que ces aveux ont été obtenus pendant les étapes de la procédure pénale, en l'occurrence l'enquête préliminaire menée par la police judiciaire, l'interrogatoire devant le juge d'instruction, et l'enquête finale (phase de jugement). Dans de tels cas, on peut utiliser le terme « aveu judiciaire » si l'aveu est délivré par le suspect ou le prévenu devant le juge pénal, ou devant l'officier de police judiciaire compétent dans le cadre d'une enquête

judiciaire prévue par la loi981 . Toutefois, on ne peut prendre cet aveu en considération qu'en

vertu des conditions de validité

982

imposées par la jurisprudence, de telle sorte que la valeur

233

probatoire de l'aveu soit de la seule compétence de l'appréciation de l'intime conviction du juge du fond983. En droit français, selon M. Jean Pradel, l'aveu extrajudiciaire984 est fait en

charges et suspicions qui pèsent contre lui afin qu'il puisse les réfuter et se défendre. Le juge d'instruction n'est pas tenu de lui fournir la qualification juridique des faits. Le juge d'instruction informe le défendeur de ses droits, notamment celui de se faire assister par un avocat unique pendant l'interrogatoire. L'omission par le juge d'instruction d'informer le défendeur de l'infraction qui lui est imputée conformément aux dispositions ci-dessus ou de l'informer de son droit de se faire assister par un avocat emporte nullité de l'interrogatoire en tant que preuve à charge ».

978 Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, p. 394.

979 Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, p. 394.

980 Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, p. 394.

981 V. voire en opposition : Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p. 771 : « Etant admis que l'aveu, pour avoir la valeur de preuve, doit avoir été fait devant le juge d'instruction, au cours d'un acte de procédure réalisé selon les règles légales qui le régissent, tout le problème réside à établir à quelles règles l'interrogatoire devra être assujetti, pour que soient sauve gardés, à la fois, les droits de la défense sociale et ceux de la liberté de défense de l'inculpé » ;V. en même sens : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 464, p. 413 : « Quant à l'aveu judiciaire, il est passé devant un magistrat (notamment un juge d'instruction) ou devant un officier de police judiciaire ».

982 V. E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 559, p. 457 : « L'aveu extrajudiciaire, en effet, est rarement bien complet et bien net. Les paroles qui échappent dans une conversation ne sont pas pesées par celui qui les prononce, comme celles qui sont proférées en justice dans un interrogatoire solennel. Il faudra donc examiner avec soin dans quelles circonstances une partie aura fait cette reconnaissance, dont on cherche à se prévaloir contre elle ».

983 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, op. cit., n° 273, p. 266.

984 V. M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1059 : « L'aveu peut être judiciaire ou extrajudiciaire. Dans le premier cas, il est fait devant le juge, dans le second, il n'est connu qu'indirectement par le juge (procès-verbal, témoignages, confessions écrites, etc...) ».

234

dehors de la présence d'un juge ou d'un officier de police judiciaire et l'on peut citer les

985

lettres par lesquelles une personne suspecte a reconnu sa culpabilité. De tels aveux selon M.

986

Jean Pradel, ont la nature d'indices.

166. Les formes de l'aveu. D'après le classement de la doctrine pénale, il existe plusieurs formes d'aveux : l'aveu tacite, qui découle de la prise de l'accusé en flagrant délit, c'est en général la constatation d'un délit commis sous les yeux des officiers de police. C'est l'aveu

direct, qui résulte de l'admission du délit commis. On peut distinguer aussi987

988

l'aveu simple

,

 

dans le cas où l'accusé avoue sans détour uniquement l'incident criminel qui est la matière du procès. L'aveu est dit qualifié lorsqu'à la reconnaissance des faits s'ajoutent des actes ou des circonstances invoqués en faveur de celui qui avoue afin d'avoir des circonstances atténuantes ou pour ôter à l'acte son caractère criminel, comme celui qui admet avoir tué une personne,

989

mais qui invoque la légitime défense.

167. La règle de la divisibilité de l'aveu. En matière pénale, l'aveu est par essence

990

divisible, ce qui implique que l'aveu peut n'être que partiellement efficace. En ce qui touche

985 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 464, p. 413.

986 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 464, p. 413.

987 Certains auteurs font une distinction entre aveu spontané et aveu provoqué : V. C. Robinson et A. Eser, « Le droit du prévenu au silence et son droit à être assisté par un défenseur au cours de la phase préjudiciaire en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique », in R.S.C., n° 3, juillet-septembre 1967, pp. 567-618, V. spec. p. 589 :« Dans la plupart des affaires qui nous intéressent, le prévenu a avoué au cours de l'interrogatoire fait par la police. Objection est faite au procès sur l'argument que les aveux n'étaient pas « spontanés», c'est-à-dire que le prévenu ne les avait pas faits de son plein gré » ; V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p. 770 : « Même dans les cas où l'aveu se produit au cours d'un interrogatoire d'office et par prescription de la loi par le magistrat instructeur, celui-ci, à aucun moment, ne peut employer des menaces ou des promesses tendant à obtenir l'aveu de la part de celui qui est interrogé sur son intervention dans le fait qui donne matière au procès. Il ne peut pas davantage lui poser des questions insidieuses ayant le même but, ni utiliser des ruses, tromperies ou machinations d'aucune sorte. Il est donc évident que, ces dispositions légales s'accomplissant, l'expression aveu provoqué devient impropre ».

988 V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p. 769 : « Il est aussi parlé dans notre droit argentin d'aveu simple et d'aveu qualifié. Pour le premier, le suspect reconnaît sans ambages son intervention dans le fait délictueux sur lequel on enquête et, pour le second, cette reconnaissance est accompagnée de manifestations qu'il est important d'invoquer en faveur de celui qui avoue, causes de justification, excuses absolutoires ou circonstances atténuantes ».

989 V. en langue arabe : Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, Sader Editeurs, Beyrouth, p. 391.

990 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, Juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 : « L'aveu n'est pas davantage indivisible, à la différence encore des matières civiles ».

235

l'indivisibilité de l'aveu, le motif principal sur lequel elle est fondée en matière civile n'existe

991

plus ici en matière criminelle. MM Pierre Bouzat et Jean Pinatel expliquent que la règle de la divisibilité de l'aveu en matière pénale, qui n'est pas admise traditionnellement en matière civile, est la conséquence directe du principe de la liberté dans l'appréciation des preuves

selon l'intime conviction du juge pénal

992

. Ainsi peut-on dire que tous les types d'aveux en

993

matière pénale sont divisibles, à la différence de la matière civile , et ce, en se basant sur le

994

principe de la conviction personnelle du juge. Dans le cas où le défendeur a avoué son crime, mais en même temps a ajouté des conditions qui pourraient limiter sa responsabilité ou l'exclure, le juge doit examiner toutes les parties de l'aveu et se baser uniquement sur ce qui

l'a convaincu 995 . Il peut ainsi prendre en considération la première partie et négliger la deuxième, s'il a estimé que l'enquête qu'il avait menée a révélé la non-exactitude des faits

996

négligés . M. Joseph Magnol résume l'application pratique de la notion de la divisibilité de l'aveu dans le domaine de la preuve pénale en soulignant que le juge pénal a le droit de ne retenir qu'une seule partie spécifique des déclarations de l'inculpé, celle par laquelle il reconnaît tel ou tel fait, d'où découlera sa culpabilité, et rejeter les autres qui tendaient à

997

démontrer son irresponsabilité.

991 E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 568, p. 469.

992 P. Bouzat et J. Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie, Dalloz, 1963, Vol. 2, p. 945.

993 V. sur la divisibilité de l'aveu en matière pénale : R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris, 2001, tome 2 Procédure pénale, n° 189, p. 238 : « A la différence de l'aveu civil, l'aveu fait en matière pénale est divisible: il est en effet du pouvoir du juge criminel, en vertu de son intime conviction, d'apprécier l'aveu dans chacune de ses parties et de ne retenir que ce qui lui paraît probant.».

994 V. en langue arabe : Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux, étude comparative et d'analyse, Sader Editeurs, Beyrouth, p. 391.

995 V. en même sens : H. de Page, Traité élémentaire de droit civil belge: principes, doctrine, jurisprudence, E. Bruylant, Bruxelles, 1967, Vol. 3, p. 1101 : « La divisibilité de l'aveu au pénal a tout simplement cette portée pratique que le juge peut se fonder sur un des éléments de l'aveu, joint aux autres circonstances de la cause, pour asseoir sa conviction ».

996 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les principes des procès pénaux. Etude comparative, Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 336.

997 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, Juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 : M. Joseph Magnol cite l'exemple classique concernant la divisibilité de l'aveu : « l'accusé reconnaît, avoir donné la mort à la victime, mais il déclare en même temps qu'il avait été attaqué et qu'il se trouvait en état de légitime défense. Le juge pourra retenir la partie de la déclaration où l'accusé reconnaît avoir porté les coups à la victime qui ont provoqué sa mort et rejeter l'allégation de la légitime défense ».

B. Conditions de recevabilité de l'aveu comme moyen de preuve en justice.

168. Les règles régissant l'aveu. La doctrine pénale au Liban et la doctrine pénale en France ont élaboré des règles et restrictions qui concernent la recevabilite de l'aveu. Au Liban , selon M. Atef Nakkib, il n'est pas permis au cours de l'interrogatoire du défendeur ou prévenu, d'utiliser des moyens illégaux comme la contrainte physique ou morale, ou encore de recourir à la tromperie ou à des moyens suspects pour affaiblir sa volonté ou sa

998

conscience. Lorsque l'officier de police judiciaire interroge l'accusé pour l'infraction présumée, il ne doit pas utiliser des méthodes incompatibles avec le caractère sacré des droits de l'homme. Selon M. Atef Nakkib, s'il a été prouvé que les aveux ont été obtenus par des moyens de tromperie, de violence ou de torture, cet aveu peut alors perdre de sa valeur au vu du doute que les moyens illégaux peuvent évoquer chez le juge, qui hésite à le prendre en

considération s'il n'est pas appuyé par d'autres preuves

999

. Contrairement à l'avis de M. Atef

236

Nakkib, nous considérons que la violation des droits de l'homme et des droits fondamentaux pendant la recherche de preuve est suffisante pour entraîner la nullité de cette preuve qui est entachée d'une illégalité et pour détruire la force probante de l'aveu sans nécessité d'évoquer l'idée du doute. En d'autres termes, l'illégalité de la preuve doit être considérée comme une cause suffisante en soi pour exclure la preuve et qui a pour effet direct l'inadmissibilité de la preuve obtenue illégalement. La doctrine pénale française est stricte et claire dans sa position qui prohibe l'utilisation des procédés illégaux pour obtenir l'aveu. Mme Haritini Matsopoulou affirme que « les procédés destinés à obtenir son aveu sous la contrainte, fût-elle morale,

doivent être prohibés »

1000

. Mme Michèle-Laure Rassat affirme que « l'aveu ne peut être

.

1001

obtenu par aucune espèce ni de pression ni de fraude ou de mensonge..»

169. La reconnaissance des conditions de validité de l'aveu. Il est à noter qu'on peut relever des différences dans l'identification et le recensement de ces conditions par les juristes, à tel point que certains n'abordent pas ces conditions dans les livres d'explication de la loi de procédure pénale dans le droit libanais et français. Aussi, il convient de souligner une condition initiale et évidente pour l'aveu, c'est que sa validité requiert qu'il soit émis par le

998 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les principes des procès pénaux. Étude comparative, Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, pp. 334-335.

999 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les principes des procès pénaux. Étude comparative, Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 335.

1000 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 888, p. 718. 1001 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 304, p. 322.

suspect ou l'accusé lui-même. Cela signifie qu'on ne peut pas discerner implicitement un aveu d'une déclaration de l'accusé et la décrire dans le procès comme l'aveu d'un accusé contre un

autre accusé

1002

. Les conditions de validité de l'aveu en matière pénale sont la conséquence

des avis doctrinaux libanais, arabes, français et parfois des restrictions jurisprudentielles des Cours de cassation libanaise et française. La Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Jalloh c. Allemagne du 11 juillet 2006 précise que « des éléments à charge - qu'il s'agisse d'aveux ou d'éléments matériels - rassemblés au moyen d'actes de violence ou de brutalité ou d'autres formes de traitements pouvant être qualifiés de torture - ne doivent jamais, quelle qu'en soit la valeur probante, être invoqués pour prouver la culpabilité de la

victime » (la victime des actes de torture)1003 . Mme Coralie Amcroise-Castérot affirme que « les garanties entourant l'aveu doivent donc être importantes, tant au regard de la protection des droits et des libertés des individus qu'au regard de l'intérêt de la justice et de la

recherche de la vérité »

1004

. Les conditions pour la recevabilité de l'aveu sont décrites par un

arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, qui soutient et approuve cette notion d'une manière indirecte, mais explicite. En effet le texte de l'arrêt spécifie que: « l'aveu est la reine des preuves à condition qu'il soit délivré par une volonté

libre et consciente, et qu'il soit appuyé par les faits du procès»

1005

. Aussi, dans un arrêt très

237

ancien rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, on distingue ce qui confirme l'adoption des conditions de validité de l'aveu. L'arrêt de la Cour indiquait qu': « il a été convenu, du point de vue science et diligence, que l'aveu émis par l'accusé constitue en soi une preuve suffisante qu'il a commis l'acte qui lui est attribué, si les conditions suivantes sont remplies : 1° : que le crime a eu réellement lieu ,
· 2° : qu'il soit explicite et vrai, appuyé par quelques éléments de preuve ,
· 3° : qu'il soit obtenu devant une autorité judiciaire dans le cadre d'une enquête qui cherche à résoudre le crime ,
· 4° : que le témoignage de l'accusé soit clair et continu ,
· 5° : qu'il soit volontaire, et déclare un crime, avec la conscience de l'accusé

1006

.

de tout ce qui lui a été attribué »

1002 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, op. cit., n° 262, p. 267. 1003 CEDH., Jalloh c. Allemagne, Requête n° 54810/00, spec. §105.

1004 C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 8, p. 17.

1005 Arrêt de la Cour de cassation n° 325 du 02-08-2000, rendu par la Cour de cassation, référence : 254 /2000, dans le livre de Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux, étude comparative et d'analyse, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, p. 391.

1006 Arrêt rendu par la chambre 4, n° 141 du 02-07-1968, ouvrage de Samir Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de sa re-création : 1950-1970, l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 19.

238

170. Les conditions de validité de l'aveu. La recevabilité de l'aveu comme preuve en matière pénale doit être conforme aux conditions générales élaborées par la doctrine pénale qui est la synthèse de plusieurs avis doctrinaux libanais, arabes, et français. Pour être juste et produire ses effets juridiques, l'aveu doit remplir plusieurs conditions appelées les conditions de validité de l'aveu, et qui sont en l'occurrence : 1° la réalité de la commission de l'infraction. 2° : La capacité juridique de celui qui reconnaît, vu que c'est un acte de disposition qui requiert cette aptitude ; 3° : la jouissance, par celui qui reconnaît, d'une liberté de choix et d'une volonté irréprochable ; 4° : la reconnaissance doit être explicite et conforme à la réalité ; 5° : l'aveu doit être basé sur des procédures correctes ou régulières.

1° la réalité de la commission de l'infraction. C'est une condition préalable sans laquelle il n'est guère logique de parler d'aveu, car il faut avant tout s'assurer de la réalité de la

1007

commission de l'infraction

1008

. Certains auteurs évoquent l'idée du corps du délitqui n'est

1009

autre chose que l'existence même de l'infraction. Évidemment, l'aveu comme preuve ne pourra pas produire d'effets juridiques sans tout d'abord l'existence réelle d'une infraction

. Ce qui

1010

parce qu'on ne peut pas prouver une infraction qui n'est pas commise en réalité

précède est considéré comme les règles générales doctrinales qui concernent l'aveu en droit pénal et qui doivent être respectées en droit libanais et français.

2-- La capacité juridique de l'accusé. C'est son aptitude à entreprendre certaines formes de procédures, c'est par définition avoir des droits et les exercer 1011 . Afin que la procédure soit

1007 V. Intervention de M. A. Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. Alfredo Molinario précisément p. 530 : « l'aveu ne peut être invoqué que si, d'abord, il y a eu constatation de l'existence du fait délictueux et surtout si l'aveu est absolument concordant avec les autres constatations faites dans le procès. C'est seulement dans ces conditions que l'aveu a valeur de preuve et arrive à constituer ce complexe unitaire que l'on appelle la preuve finale ».

1008 V. sur le corps du délit : M. Gilbert, Le Corps du délit, Presses de la Cité, 1977.

1009 V. J.-L.-E. Ortolan, Éléments de droit pénal: pénalité, juridictions, procédure, Librairie de Plon frères, Paris, 1855, p. 502 : « Le corps du délit n'est autre chose que l'ensemble des éléments physiques, des éléments matérielles et des éléments moraux... ».

1010 Intervention de Mlle Lila Prati, (avocat à Montevideo), « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de Mlle Lila Prati pp. 537-538 : « L'aveu seul, quoique fait avec toutes les formalités et les garanties légales, ne constitue pas une preuve absolue. L'aveu judiciaire doit être accompagné de ce qu'en instruction criminelle l'on désigne sous le nom de « corps du délit », c'est-à-dire : une série de circonstances, de faits d'une nature quelconque prouvant que le délit a été commis. La vérification de l'existence du délit doit être faite par d'autres moyens que l'aveu et c'est seulement cette existence établie, que l'aveu pourra servir pour prouver la responsabilité de l'accusé ».

1011 V. sur ce point: C. Margaine, La capacité pénale, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux IV,

2011.

1012

correcte et produise ses effets juridiques, celui qui avoue doit être un accusé, et jouir de la

239

perception et du discernement, qu'il soit l'auteur principal de l'infraction ou le complice. Le manque de discernement touche certains individus pour de multiples raisons, on distingue : leur jeune âge, la folie, la déficience mentale, le coma provoqué par le diabète ou par les substances narcotiques. La capacité juridique est une condition importante devant être requise par la personne qui a avoué, qui signifie la capacité d'entreprendre certains types de procédures, de manière à ce que cette procédure soit correcte et puisse produire ses conséquences juridiques. La capacité juridique n'est pas liée aux règles de responsabilité pénale, mais à partir de son contexte on peut comprendre l'essence de la procédure et la possibilité d'évaluer ses effets, en l'occurrence la disposition du discernement et de la perception sans l'exigence de la liberté de choix. Par conséquent, l'accusé doit avoir la

1013

.

capacité de discernement et de perception au moment où il fait ses aveux

3-- La jouissance par celui qui avoue, d'une liberté de choix et d'une volonté irréprochable. L'aveu constitue une déclaration volontaire et pour qu'un aveu existe valablement, il est sans doute une condition nécessaire que l'aveu doit émaner d'un suspect ou

d'un prévenu jouissant pleinement de sa volonté et de sa liberté 1014 . De surcroît, l'aveu doit être stable et constant durant les différentes étapes ou phases du procès 1015 . L'aveu doit être librement donné, librement consenti1016. L'individu ne doit pas subir des pressions, des

1012 Celui qui avoue : celui qui reconnait ce dont on lui attribue.

1013 V. Rapport de M. Carlos Fontan Balestra, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 764-769, V. spec. p. 765 : « L'aveu, comme tout acte susceptible de provoquer des conséquences juridico-pénales, doit être fait par une personne intelligente et libre. En disant intelligent nous voulons nous référer au sujet capable de se conduire de manière semblable à celle des autres individus du groupe social auquel il appartient, notion qui, tant au point de vue psychologique que juridique, coïncide avec celle de l'imputabilité. Il doit se considérer comme un homme libre quand il n'a pas oeuvré sous la menace, quelle que soit sa nature, ni en conséquence d'une erreur : celle-ci peut porter sur les circonstances de l'acte lui-même, comme sur la condition de l'inculpé ; tel est le cas de celui qui suppose qu'on l'accuse d'un délit, alors qu'un tiers est poursuivi, le cas de celui qui croit déposer devant un juge civil alors qu'il s'agit d'un juge d'instruction, ou, enfin, le cas de celui qui a avoué parce qu'on lui a conseillé de le faire pour favoriser ou améliorer sa situation dans le procès. Par ailleurs, en vertu de la première exigence -- l'intelligence -- l'aveu manque de valeur quand il est fait, en état d'agitation morale ou dans les états d'ébriété, de sommeil, ou d'hypnose ».

1014 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, op. cit., n° 276, p. 267.

1015 V. Rapport de M. Carlos Fontan Balestra, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 764-769, V. spec. p. 766 : « L'aveu doit être constant ou uniforme. C'est-à-dire, qu'il n'y a pas dû y avoir de rétractation immédiate ou postérieure. Cependant, ce principe doit être apprécié avec la plus grande attention vis-à-vis d'autres circonstances ».

1016V. en ce sens: C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 2, p. 3 : « L'aveu doit être libre et spontané. Il ne doit donc pas avoir été arraché ou provoqué, notamment par des procédés

240

violences qui vicieraient la preuve. C'est la raison pour laquelle plusieurs procédés sont interdits. L'aveu n'a de valeur probatoire que s'il a été conscient et libre, sans aucune ingérence de l'enquêteur par le biais de menace ou de pression. N'importe quelle preuve obtenue sous toute forme de coercition physique et morale que peut encourir l'accusé, est exclue, du fait que cette reconnaissance doit être nécessairement volontaire et qu'on ne peut pas déclarer valable un aveu arraché par la contrainte, indépendamment de la nature et de l'intensité de cette contrainte. Afin que l'aveu produise ses effets juridiques inévitables, il faut qu'il soit émis par l'accusé de son libre arbitre. De ce point de vue, si le défendeur a subi toutes sortes d'influences qui lui sont externes, qu'il s'agisse de violence physique ou morale, ou de menace, un tel impact altère son libre arbitre, et par conséquent abîme son aveu et affecte sa validité, l'empêchant de produire ses effets.

Le libre arbitre de l'aveu. Quelle est la notion de l'aveu par le libre arbitre de l'accusé? On entend par libre arbitre la capacité de l'être humain de s'orienter librement vers un acte bien déterminé ou s'abstenir. Cette capacité ne peut exister que si tous les facteurs externes d'influences sont inhibés, ces facteurs qui oeuvrent pour affaiblir sa volonté et lui imposent de suivre une autre direction. Il est exigé par certains que ces moyens d'influence doivent atteindre un certain niveau d'absence de volonté pour conclure à l'irrecevabilité de cet aveu, alors qu'il est plus juste de dire que toute défectuosité qui peut toucher cette volonté et l'affecter est suffisante pour rendre cet aveu illicite. Il n'est donc pas nécessaire qu'il y ait absence de volonté pour conclure à l'illégalité de l'aveu. De simples déficiences de cette volonté peuvent rendre l'aveu illégal et irrecevable comme moyen de preuve dans le procès pénal. Par conséquent, l'aveu doit émaner d'une volonté libre et consciente. Cela exige que l'accusé dispose d'une connaissance parfaite de l'objet des poursuites, soit conscient de la signification de ce qu'il reconnaît et jouisse de la liberté de choix. De ce fait, on devrait exclure d'évoquer les différents moyens d'influence, comme contraindre l'accusé à avouer, que ce soit moralement ou physiquement. L'aveu, pour avoir une valeur probatoire, doit être conscient et libre. Les normes légales établies pour assurer la conscience et la liberté de l'aveu sauvegardent à la fois les droits de la défense sociale et ceux de la défense de l'inculpé. Il faut, en effet, observer que la défense sociale doit être une défense juridique et non une simple réaction instinctive assimilable à la vengeance des premiers temps.

scientifiques modernes contraires au respect de la dignité de la personne humaine. L'essence de l'aveu est la liberté : il doit être recueilli dans le respect de celle-ci ».

4-- L'aveu doit être explicite et conforme à la vérité. L'aveu est explicite : l'aveu doit être explicite, non ambigu et sans équivoque, et le silence ne peut pas se traduire par une reconnaissance de l'exactitude des faits attribués à l'accusé. En d'autres termes on ne peut pas le considérer comme une présomption de culpabilité, d'autant plus que la loi libanaise autorise

et consacre le silence 1017 . Cela signifie que le silence est devenu un droit 1018 parmi les droits

1019

fondamentaux de l'accusé dans la loi libanaise. Le silence peut être dû à la crainte d'un abus dans le déroulement de l'enquête, une peur de faire des erreurs en se défendant, en s'impliquant par des mots ou par des preuves sans avoir consulté son avocat. Ainsi, le silence peut être le meilleur moyen de défense en attendant le conseil d'un avocat pour la préparation des réponses et la défense de l'accusé. Il faut toutefois noter qu'il y a une différence claire entre le silence du témoin et le silence de l'accusé. En effet, si le silence de l'accusé réside dans le fait que réellement ses paroles constituent pour lui un moyen de défense, par contre, le silence du témoin est inacceptable et punissable, car il a le devoir de témoigner et de dire la vérité d'autant plus que le faux témoignage constitue une infraction, le parjure, punissable de peines sévères. Par conséquent, et vu ce qui précède, on ne peut pas considérer le silence de l'accusé, du défendeur ou du suspect, comme étant un aveu, car le silence n'est pas une

approbation expresse par l'accusé de l'acte criminel qui lui est attribué

1020

. Aussi, le silence

, par tout

241

n'est qu'une permission et un droit donnés par la loi à l'accusé 1021 . Donc, il n'est pas admis, et sous aucun prétexte, d'obliger l'accusé, qui a décidé d'utiliser son droit au silence 1022

moyen de coercition morale ou physique à parler. Il résulte de l'utilisation de ces moyens

1017 L'article 41 du CPP libanais dispose : « Lorsqu'une infraction flagrante a lieu, l'officier de police judiciaire se transporte immédiatement sur les lieux ... Il interroge les témoins sans leur faire prêter serment... Il peut interroger le suspect à condition que celui-ci fasse sa déclaration volontairement, en connaissance de cause, et librement, sans être soumis à quelque forme de contrainte que ce soit. Si la personne interrogée choisit de garder le silence, il ne peut la contraindre à parler ».

1018 L'article 77 du CPP libanais dispose : « Il incombe au juge d'instruction de respecter le principe de libre volonté du défendeur pendant son interrogatoire. Il s'assure que celui-ci fait sa déposition en l'absence de toute influence extérieure, qu'elle soit morale ou physique. Si le défendeur refuse de répondre et choisit de garder le silence, le juge d'instruction ne peut le contraindre à parler ».

1019 V. sur le droit au silence : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 468, p. 415 : « Actuellement, ce droit n'est plus discuté encore que la question reste complexe».

1020 V. J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, traduit par Etienne Dumont, Bossange frères Libraires-Editeurs, Paris, 1823, t. 1, p. 354 : « Le silence est un acte de désobéissance, l'aveu est un acte de soumission ».

1021 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 468, p. 415 : « Il faut d'abord distinguer dans le droit du silence entre le droit de ne pas répondre aux questions et l'interdiction pour le juge de tirer des conséquences du silence du prévenu ».

1022 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 468, p. 415 : « On admet dans notre droit que le suspect ou le mis en examen peut refuser de répondre aux questions qui lui sont posées. ».

illégaux, la nullité de toute preuve

1023

se basant sur la reconnaissance de l'accusé, car c'est le

242

résultat d'un interrogatoire invalide. Ce qui fait que l'ambiguïté de la déclaration de l'accusé pour la perpétration du crime attribué ne lui confère pas le statut d'aveu, puisqu'elle suscite plus d'une interprétation. On ne peut en aucun cas tirer une conclusion, et considérer comme un aveu, le fait que l'accusé ait pris la fuite après l'accident, et on ne peut pas non plus considérer le silence de l'accusé comme une preuve de sa culpabilité, mais il faut que l'aveu

1024

.

spécifie l'acte criminel plutôt que les circonstances

L'aveu doit être conforme à la vérité. L'aveu devrait également être en conformité avec la réalité, car la pratique a démontré que l'aveu peut être dû à une maladie mentale ou psychologique et peut aussi être délivré par la suggestion, ou pour se débarrasser d'un interrogatoire long et épuisant, ou dans le but de se sacrifier pour sauver le véritable accusé, en raison de liens de parenté, d'amitié ou d'amour. A moins que l'aveu ne soit conforme à la vérité, il ne peut pas être fiable, il doit aussi être explicite et sans ambiguïté. On ne peut pas le déduire de l'évasion de l'accusé, de son absence, ou de sa réconciliation avec la victime, ou

d'une quelconque indemnisation 1025 . Dans tous ces cas de figure, l'aveu ne correspond pas à la vérité et ne peut être pris en considération par l'instance judiciaire. L'aveu valide et recevable doit être sincère et conforme à la vérité. Une déclaration contraire à la réalité, qui fait l'objet de doute et de suspicion, ne peut être admise comme moyen de preuve au procès car elle a peut-être été faite par l'accusé dans l'intention de tromper la justice.

5-- L'aveu doit résulter d'une procédure légale. L'aveu obtenu à la suite d'une procédure irrégulière est nul. Par exemple l'aveu émis suite à un interrogatoire invalide pour serment imposé à l'accusé, ou encore non-convocation de l'avocat de l'accusé pour assister à l'interrogatoire, dans le cas des affaires criminelles. L'invalidité peut aussi frapper l'aveu

1023 Mesures prises par la police judiciaire en dehors des infractions flagrantes : L'article 47 du CPP libanais dispose (tel qu'amendé par la loi n° 359/2001) :« En leur qualité d'auxiliaires de justice, les officiers de police judiciaire ... Ils enquêtent sur les infractions non flagrantes, ..., ainsi que du recueil des dépositions des témoins sans les soumettre au serment et des déclarations de suspects et de personnes visées par des plaintes. Lorsque ces personnes refusent de faire des déclarations ou choisissent de garder le silence, mention en est portée sur le procès-verbal. Les officiers de police judiciaire ne peuvent dans ce cas les contraindre à parler ou les interroger, sous peine de nullité des déclarations recueillies ».

1024 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 : « Les déclarations de l'accusé ont, d'ailleurs, parfois besoin d'être interprétées. Elles ne contiennent pas toujours un aveu formel, ni complet ; mais on peut en induire un aveu implicite résultant des réponses embarrassées aux questions du juge, parfois contradictoires, niant des faits par ailleurs nettement établis, etc. ».

1025 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, op. cit., n° 275, p. 267.

obtenu à la suite d'une arrestation illégale ou d'une perquisition hors normes, ou si la victime ou le chien policier ont reconnu l'accusé dans une procédure d'identification irrégulière. Mais dans ces cas, pour que l'aveu soit nul, il est nécessaire qu'il y ait un lien de causalité entre la procédure illégale et l'aveu, peu importe que la procédure soit antérieure ou concomitante à l'aveu. Cependant, si cette procédure est postérieure et complètement indépendante, l'aveu demeure valide. Il est possible que l'aveu constitue à lui seul un élément de preuve recevable par la Cour, même si l'arrestation et la perquisition ont été déclarées nulles, et ce, tant que l'aveu n'a pas été affecté par l'invalidité de la procédure, et a conduit à la même conclusion résultant de la procédure invalide. Puisqu'il tend à la recherche de la vérité, l'interrogatoire doit être mené par des procédés loyaux et tels que la sincérité des déclarations ne puisse être suspectée. Sont évidemment à proscrire tous moyens directement coercitifs (c'est le cas de la torture). En pratique, le problème de la torture et de ses substituts ne se pose qu'au cours de l'enquête et, le cas échéant, dans le cadre de l'instruction préparatoire lorsqu'un policier entend un suspect sur commission rogatoire. Le but de l'interrogatoire policier ne doit pas être orienté vers l'obtention de l'aveu de la personne soupçonnée à tout prix et par n'importe quel moyen. L'interrogatoire doit permettre de recueillir tous les renseignements nécessaires et utiles concernant les circonstances qui peuvent apporter les preuves en matière de répression de la commission d'une infraction. Sans doute l'aveu comme preuve valide doit nécessairement respecter le principe la légalité de la preuve et les principes généraux du droit.

§ 2. L'illégalité des aveux issus des actes illégaux.

171. La corrélation historique entre coercition et torture, et aveu judiciaire. Depuis l'aube de l'humanité, l'aveu a une importance particulière dans le système des moyens de preuve

dans la matière pénale

1026

. Malgré les différents rituels régissant son contexte général, ainsi

243

que les méthodes adoptées pour l'obtenir, l'aveu a acquis une force probante absolue et a connu des méthodes de force à intensité variable pour contraindre l'accusé à avouer. De là, on peut voir la corrélation historique entre coercition et torture, et aveu judiciaire, où la violence et la torture psychologiques et physiques étaient autorisées pour extraire des aveux. Ces éléments de contraintes ont longtemps caractérisé l'aveu.

1026 V. sur la notion historique de l'aveu : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 434, p. 293 : « L'histoire du droit pénal révèle que l'aveu a, de tous temps et en toute procédure, été le mode de preuve le plus recherché ».

A. Aveu arraché par la violence ou la contrainte.

172. L'emploi de la torture et violence pour l'obtention des aveux. Historiquement, l'obtention des aveux a été associée à la torture. Aveu et torture étaient étroitement liés l'un à l'autre, en raison de l'impact que peut exercer la torture et la contrainte sur la volonté de l'individu qui avoue. Sans doute, la torture est illégale et inacceptable. La torture est

1027

expressément condamnée

1028

par la Déclaration universelle des droits de l'homme

.

 

244

Contrairement au législateur libanais, afin de s'assurer que les aveux ne seront pas provoqués par la contrainte, la lassitude, la fatigue ou les privations (de sommeil ou de nourriture), le législateur français a élaboré une réglementation très stricte de la garde à vue qui assure les

1029

droits essentiels et le libre arbitre d'une personne gardée à vue. Le législateur libanais est

1027 V. De nombreux textes internationaux prohibent la torture et les mauvais traitements : Le pacte relatif aux droits civils et politiques, en son article 7 dispose que : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement, à une expérience médicale ou scientifique. » ; La torture est contraire à l'article 3 de la ConvEDH qui impose que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; Code de conduite pour les responsables de l'application des lois, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979 (résolution 34/169), l'article 5 dispose : « Aucun responsable de l'application des lois ne peut infliger, susciter ou tolérer un acte de torture ou quelque autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, ni ne peut invoquer un ordre de ses supérieurs ou des circonstances exceptionnelles telles qu'un état de guerre ou une menace de guerre, une menace contre la sécurité nationale, l'instabilité politique intérieure ou tout autre état d'exception pour justifier la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » ; La Convention américaine relative aux droits de l'homme (adoptée à San José, Costa Rica, le 22 novembre 1969, à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les Droits de l'Homme), l'article 5 dispose : « 1.Toute personne a droit au respect de son intégrité physique, psychique et morale. 2. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Toute personne privée de sa liberté sera traitée avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine ».

1028 La torture est expressément condamnée par la Déclaration universelle des droits de l'Homme : L'article 3 dispose : « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » ; l'article 5 dispose : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » ; encore, l'article 1 alinéa 1 de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 dispose : « ... le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur la discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles » ; L'article 2 de la précédente convention dispose : « 1. Tout État partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction. 2. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture ».

1029 La torture est prohibée par tout un ensemble d'engagements internationaux du Liban, tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte International relatif aux droits civils et politiques, et la Convention

tenu de veiller au respect de la liberté individuelle et de la légalité des aveux en réformant la garde à vue pour éliminer tous les types de contraintes qui s'exercent sur la personne placée en garde à vue pour arracher des aveux. En droit libanais, l'article 401 du Code pénal prévoit des sanctions pénales pour l'extorsion d'aveux par usage de la violence mais la justice libanaise n'ouvre que rarement, voire jamais, des poursuites contre les officiers de police judiciaire coupables d'actes de tortures. En dépit du fait que l'article 401 du Code pénal libanais criminalise l'usage de la violence pour extorquer des aveux, nous constatons que cette disposition légale est souvent ignorée dans les faits. L'article 401 du Code pénal libanais punit la pratique de la torture d'une peine allant de 3 mois à 3 ans. Sans doute, la personne poursuivie doit être protégée contre toute forme de contrainte ou de violence, physique ou

1030

morale , qui aboutirait à un aveu non libre et dont la fiabilité ne serait de toute façon

certainement pas assurée

1031

. La torture ainsi que les traitements inhumains et dégradants sont

245

des pratiques utilisées la plupart du temps au Liban par la police judiciaire comme méthodes de recherche de preuves ou de renseignements. Au Liban, un jugement remarquable rendu le 8 mars 2007 par le juge unique pénal de Beyrouth a condamné un policier pour avoir commis l'infraction de torture mentionnée dans l'article 401 du Code pénal libanais. Un membre des forces de sécurité intérieure a été condamné par le juge Hani Abdel Méniim Hajjar, pour avoir utilisé le moyen de torture « farrouj » (terme libanais qui désigne en position farrouj) au cours de l'interrogatoire en 2004 d'un détenu, concierge d'origine égyptienne d'un immeuble de

1032

Badaro. Le coupable a été condamné en vertu des articles 401 et 254 du Code pénal

libanais, à 15 jours d'emprisonnement, et à verser la somme de 600 000 livres libanaises à la victime. La peine prononcée apparaît certes dérisoire face aux faits condamnés compte tenu de leur gravité, mais il convient cependant de souligner que pour la première fois, la pratique du moyen de torture par la police a été reconnue devant une juridiction. Le jugement rendu le 8 mars 2007 par le juge M. Hani Abdel Méniim Hajjar énonce que « Georges Khalil Raphaël

contre la Torture, ratifiée par le Liban en 2000. Il est par ailleurs regrettable que la loi libanaise soit défaillante en matière de définition et de criminalisation de la pratique. Le 22 décembre 2008, le Liban a ratifié le Protocole Optionnel à la Convention contre la Torture (OPCAT), mais ne s'est toujours pas conformé aux dispositions de l'OPCAT appelant à la création d'un mécanisme national de prévention (NPM) chargé de visiter et de contrôler les lieux de détention.

1030 V. E. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Editeur et Maresc Ainé Editeur, Paris, 1873, t.1, n° 597, p. 503 : « La contrainte physique, en réagissant sur ses dispositions morales, nuirait à la liberté de la défense ».

1031 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 250, p. 176.

1032 L'article 254 du Code pénal libanais énonce que « Lorsque les circonstances atténuantes seront reconnues en faveur de l'auteur d'un délit, le tribunal pourra réduire la peine prévue jusqu'à son minimum légal déterminé aux articles 51, 52, et 53. Il pourra aussi substituer l'amende à l'emprisonnement et à la résidence forcée, ou convertir la peine délictuelle, par décision motivée et hors le cas de récidive, en une peine contraventionnelle ».

est reconnu coupable du crime visé à l'article 401 du Code pénal, passible d'une peine de prison d'une année. En vertu de l'article 254 du Code pénal, la durée de la peine sera réduite à 15 jours, et du versement de 300 000 LL. Chaque retard de paiement entraînera un jour de plus d'emprisonnement par tranche de 10 000 LL non versées, conformément à l'article 54 du Code pénal. L'accusé est condamné à verser la somme de 600 000 LL à titre de dommages-intérêts au demandeur. Jugement susceptible d'appel publié à Beyrouth, 8 mars 2007. Juge :

Hani El Hajjar. ». La Cour d'appel de Beyrouth

1033

a rendu sa décision dans l'affaire Georges

246

Khalil Roufayel contre ministère public et M. Jomaa Sayyid Salem Ahmad n° 418/2007 en date 13/12/2012 et déclare recevable l'appel formé par l'appelant Georges Khalil Roufayel en ce qui concerne la peine seulement en remplaçant 15 jours d'emprisonnement (et 300 milles livres libanaises d'amende qui équivalent à 150 euros) par 400 milles livres libanaises d'amende seulement. Donc, la cour d'appel de Beyrouth a réduit la peine prononcée par le juge unique qui était de 15 jours d'emprisonnement par une amende.

Plusieurs facteurs ont contribué à ce jugement honteux qui concerne cette grave infraction qu'est la torture flagrante dont le juge unique pénal puis la Cour d'appel ont été convaincus qu'elle avait été commise puisqu'ils ont condamné le défendeur Georges Khalil Roufayel. Mais la peine n'a pas été proportionnelle à la gravite de l'infraction. Les lacunes ou les faiblesses de la législation libanaise sont sans doute une des causes de ce jugement. Le Code

pénal libanais doit être réformé pour contenir une définition claire et précise de la torture

conforme à l'article 1er de la Convention des Nations unies contre la torture qui a été ratifiée

par le Liban. De surcroît, le Code pénal libanais doit prévoir des peines proportionnelles avec

la gravité de ce crime de torture et doit dans ce genre d'infraction supprimer la

 

liberté du juge

dans la substitution et la réduction de peine. Il est regrettable que l'on constate encore aujourd'hui en droit libanais l'incapacité ou le manque d'empressement de la police, du ministère public, des tribunaux et même de la société et de l'Ordre des avocats de Beyrouth et de Tripoli dès qu'il s'agit de mener des enquêtes exhaustives sur des violations des droits humains impliquant des agents de la force publique et d'en poursuivre les auteurs présumés. Il est regrettable aussi que les peines soient sans commune mesure avec la gravité des infractions. Les victimes au Liban qui ont subi de la torture de la part d'un agent de la force publique n'avaient pas l'intention de porter plainte, car ils considéraient que les dispositifs d'enquête sur les plaintes étaient inéquitables et, partant, inefficaces. Le jugement de 8 mars 2007 en est une preuve flagrante. De nombreuses personnes ne voient pas l'intérêt de porter plainte dans un État et notamment devant une justice libanaise qui ne respecte pas la dignité

1033 Constituée du président M. Tannous Mechleb et M. Albert Koyoumji (conseiller), Mme Faten Iissa (conseillère).

de la personne. À notre avis, si le législateur libanais veut réellement respecter les obligations découlant des traités internationaux qui lui imposent de prohiber la torture et les autres mauvais traitements dans la recherche de preuve pénale, il doit prendre des mesures pour réformer ses mécanismes d'enquête sur les allégations de violations des droits humains. Le respect de cette obligation exige notamment que les autorités concernées mènent sans délai une enquête exhaustive, impartiale et indépendante sur toute allégation plausible de violations de ces droits, ou dès qu'il y a lieu de croire qu'une telle violation a été commise. Enfin, il leur incombe de faire en sorte que les auteurs présumés de ces agissements soient jugés dans le cadre d'une procédure équitable et que la victime bénéficie d'un recours utile et obtienne réparation.

En droit français, M. Frédéric Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer affirment

. MM. Jacques

1034

que « les violences exercées pour arracher des aveux sont prohibées »

Buisson et Serge Guinchard confirment qu'en droit français la violence sous tous ses aspects est absolument interdite « la violence sous toutes ses formes, physique ou morale, est

évidemment prohibée dans la recherche des preuves, de manière absolue...» 1035 . En droit français, l'article 3 de la Convention EDH a contribué largement à l'interdiction des violences pour obtenir l'aveu en matière de preuve pénale. MM. Philippe Conte et Patrick Maistre du Chambon rappellent aussi que « sont interdits, tous les procédés contraires à la dignité de la

justice ou de l'homme »

1036

; et ensuite qu'« on ne peut donc fonder une décision sur des aveux

obtenus par la violence, par la torture ou par des traitements inhumains et dégradants, par la

narco-analyse (sérum de verite) ...»

1037

. L'extorsion d'aveux sous la torture constitue une

247

violation de la Convention contre la torture ratifiée par le Liban et la France, et notamment

l'article 12

1038

.

173. Les différents types de contraintes. On peut distinguer deux types de contraintes : la contrainte physique et la contrainte morale. Il a été interdit d'obliger l'accusé à témoigner contre lui-même, c'est le principe selon lequel l'individu possède le droit de ne pas participer à sa propre incrimination, et ceci a notamment pour finalité de protéger l'accusé contre une

1034 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 281, p. 184. 1035 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 585, p. 588. 1036 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, 2002, n° 66, p. 41. 1037 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, 2002, n° 66, p. 41.

1038 L'article 12 de la Convention contre la torture dispose : « tout État partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction».

coercition abusive de la part des autorités et empêche les autorités de mener toute forme de coercition, que ce soit d'une manière directe ou indirecte, physique ou psychologique. Il est également interdit d'utiliser la torture, et les traitements cruels, inhumains et dégradants. Aussi, tout traitement qui viole les droits des détenus à être traités d'une manière qui assure le respect de leur dignité inhérente à leur personne en vertu de leur appartenance à la famille humaine, est prohibé. Il est également interdit d'imposer des sanctions judiciaires à l'accusé pour l'obliger à avouer. Dans ce même contexte, il est irrecevable de recourir à des moyens illégaux pour obliger le défendeur à parler, ou bien lui arracher des aveux contre sa

volonté

1039

. Cependant, ces actes illégaux peuvent constituer un crime de torture, ou

248

d'utilisation de la cruauté, ce qui expose son auteur à des sanctions. M. Robert Vouin affirme qu'on ne peut pas étudier l'aveu comme preuve en matière pénale sans rappeler immédiatement l'existence d'une autre institution de la procédure criminelle : l'interrogatoire qui provoque l'aveu. Et l'interrogatoire, à son tour, évoque nécessairement le souvenir de la torture 1040 . De ce qui précède, on peut conclure à l'importance de l'aveu obtenu lors d'un interrogatoire et la nécessité de réaliser l'interrogatoire dans le respect de toutes les garanties importantes et fondamentales du droit à un procès équitable, c'est-à-dire les garanties suffisantes contre toute forme de contrainte qui peut exister durant l'interrogatoire pour provoquer l'aveu 1041 . Sans doute, un équilibre doit être préservé entre l'efficacité de la procédure qui tend à rechercher les preuves et les garanties légales qui doivent exister dans la

1042

recherche des preuves.

1039 V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p.774 : « Une opinion souvent inexacte sur la valeur probatoire de l'aveu, ont poussé les polices de toutes les époques et de tous les lieux à se servir de la violence, pour obtenir un aveu de culpabilité de la part des inculpés ».

1040 Rapport de M. Robert Vouin, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 781-788, V. spec. p. 781.

1041 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 : « On voit par suite l'importance et le danger de l'interrogatoire, particulièrement au cours de l'instruction préparatoire. De là, la nécessité dans l'intérêt de la défense de soumettre cet interrogatoire à des règles qui en assurent la loyauté et l'absence de contrainte, puisque l'aveu qui pourrait en résulter ne saurait avoir de valeur, nous ne saurions assez y insister, que s'il a été fait consciemment et en toute liberté ».

1042 J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 : « Toutefois ces garanties ne doivent pas être telles qu'elles aboutissent à entraver la manifestation de la vérité, et la preuve de la culpabilité de l'inculpé si elle existe, sans quoi, dans cette conciliation nécessaire des exigences de la défense sociale et des garanties de la défense, qui est le grand problème de tout système de procédure pénale, si la mesure est dépassée au profit de l'accusé ».

174.

249

Les formes de contrainte pour obtenir des aveux. La détention préventive peut parfois prendre la forme d'un moyen de pression sur le défendeur pour l'obliger à faire des aveux : le passage à tabac, ou l'agression pratiquée sous quelques formes que ce soit, sur le corps de l'accusé, aussi bien que l'arrestation et l'emprisonnement d'une manière illégale, causer la douleur et la fatigue, comme exposer le visage de l'interrogé a un éclairage très intense, ou maintenir la personne debout pendant une longue période, ou le perturber par des sons forts, ou le priver de nourriture et d'eau. Tout ceci représente des formes de contraintes. Employer la contrainte pour faire avouer l'accusé, que ce soit une contrainte physique ou morale, rend l'aveu invalide, et il ne peut dans ce cas produire ses conséquences juridiques. M. Elias Abou-Eid confirme que la coercition peut être physique ou morale, et que la coercition physique suppose l'exercice de la force sur le corps de l'accusé, pour le forcer à dire ce qu'il ne voulait

1043

pas dire.

175. Notre avis sur l'impact de la violence ou la contrainte physique sur la volonté. En général, la violence ou la contrainte physique paralyse la volonté de l'accusé par une force qui ôte sa volonté et devant laquelle il ne peut pas résister, et qui consiste dans la torture, la pire forme de coercition que l'accusé peut encourir et qui rend son aveu invalide 1044 . La contrainte physique supprime donc la volonté de l'individu et l'oblige à avouer. Du point de vue général, nous avons tendance à considérer que la contrainte physique qui est réalisée avec n'importe quel degré de violence doit avoir comme conséquence la nullité de l'aveu, tant qu'elle peut porter préjudice à l'intégrité du corps, indépendamment du fait qu'elle cause ou non des

1045

souffrances physiques.

176. L'utilisation de la violence pour obtenir des aveux. Les éléments de preuve obtenus par suite du recours à la torture notamment les déclarations ou aveux obtenus par la torture doivent être rejetés par le juge du fond comme l'affirme Mme Haritini Matsopoulou : « ... les déclarations ou aveux qui seraient obtenus grâce à des moyens inhumains ou de torture ne peuvent, en aucune façon, être retenus par les juges du fond. Ces méthodes violent à la fois l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que l'article 10 du

1043 Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

1044 V. sur ce point en langue arabe : S. Sadek Al-Mulla, L'aveu de l'accusé, 2ème édition, 1975, p. 197.

1045 V. en ce sens en langue arabe : S. Al-Shawi, Les principes de l'enquête criminelle, Baghdâd (Irak), 1972, p. 136.

1046

.

250

décret du 18 mars 1986 portant Code de déontologie de la Police nationale » Incontestablement, la torture ne peut être tolérée en aucune circonstance afin de rechercher la preuve pénale. Parmi les formes les plus importantes de la contrainte physique, on distingue l'usage de la violence pour contraindre l'accusé à avouer son crime. On peut définir la violence par un acte direct que subit la personne et par lequel on porte préjudice à son corps. L'acte de violence est une agression faite dans le but de dominer la personne et de lui ôter définitivement sa volonté. Il paralyse la liberté de choix et l'affecte d'une manière relative, et lui laisse la possibilité de s'exprimer, sans pour autant dire ce qu'il souhaite dire. Dans les deux cas, la procédure devient nulle et non avenue. Ainsi, l'aveu qui en découle devient invalide et ne peut être invoqué dans la preuve. On distingue plusieurs méthodes de torture : 1° : Exposition de la victime à des coups, blessures, ligotage, menottage serré et enchaînement ; 2° : Privation de nourriture et d'eau ; 3° : Privation de sommeil pendant de longues heures ; 4° : Privation de couverture ; 5° : Privation de médicaments, si l'accusé est

malade. Le Code pénal libanais considère

1047

que l'extraction d'une admission ou des

informations, constitue un crime, et ce, en référence aux dispositions de l'article 401du Code

1048

pénal libanais. Ce qu'il y a de plus grave avec la torture est le fait que l'État soit impliqué, alors qu'il est censé être chargé de protéger les droits et les individus.

1049

177. La définition de la torture. La torture est un crimeet une violation grave des droits de l'homme, et c'est une preuve de l'échec et de l'incapacité de l'enquêteur d'arriver à un résultat, ou à des preuves solides compatibles avec les dispositions de la loi, et par des méthodes légales. L'interdiction de la torture 1050 compte parmi les droits absolus qui ne peuvent supporter aucune restriction. De ce fait, aucune valeur juridique ne doit être donnée

1046 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 878, p. 711 ; l'article 10 du décret du 18 mars 1986 portant Code de déontologie de la Police nationale dispose: « toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant ».

1047 L'article 401 du Code pénal libanais, qui punit la pratique de la torture d'une peine allant de 3 mois à 3 ans, interdit le recours à la torture et prévoit des sanctions contre les représentants de l'État reconnus coupables de torture ou d'autres formes de mauvais traitements.

1048 L'article 401 du Code pénal libanais prévoit des sanctions pénales pour l'extorsion d'aveux par usage de la violence: « Celui qui soumet une personne à toute forme de souffrance prohibée par la loi, désireux d'obtenir des aveux ou des informations liés à un crime ; est puni de trois mois à trois ans de réclusion criminelle. Dans le cas où ces actes de violence ont engendré une maladie ou des blessures, la peine minimale serait d'une année ».

1049 V. sur la torture : A. Mellor, La torture: son histoire, son abolition, sa réapparition au XXe siècle, Horizons littéraires, 1949.

1050 V. sur la torture : C. Jallamion, « Entre ruse du droit et impératif humanitaire : la politique de la torture judiciaire du XIe au XVIIIe siècle », in Arch.pol.crim., Éditions A. Pédone, 2003/1, n° 25, pp. 9-35.

aux preuves obtenues à la suite d'actes de torture. La torture est le fait d'infliger une douleur ou des souffrances aiguës, que ce soit physiques ou mentales, à une personne, avec le consentement d'un agent public, appartenant à la police judiciaire, avec l'intention bien déterminée d'obtenir des informations ou des aveux. La torture physique est un acte ou une abstention qui aurait une incidence sur la sécurité du corps ou sur la vie de la victime, dans le but de l'inciter à avouer. Donc, la torture matérielle ou physique est infligée au corps de la

1051

victime et lui cause un préjudice physiquement tangible

. La torture est un moyen illégal

1052

d'obtenir l'aveu en matière pénale. La torture est un acte qui tend à faire souffrir le prévenu de manière à lui faire craindre des souffrances plus grandes pour le forcer à dire la vérité ou non sous la forme d'un aveu. Certains définissent la torture comme: un abus grave, et un acte brutal ou violent. D'autres, parmi la doctrine française la qualifient d' «agressions graves qui

peuvent inclure la privation de nourriture, de vêtements ou de sommeil »

1053

. Certains, parmi

la doctrine arabe soutiennent que la violence de la torture doit entraîner un préjudice grave, un acte violent ou barbare infligé à l'accusé dans le but de lui causer des ennuis pour le conduire

à avouer

1054

. Contrairement à cette première tendance, d'autres disent que la violence n'a pas

251

à atteindre un certain degré de gravité - et c'est la tendance que nous soutenons. Ainsi, toute forme de torture, qu'elle soit grave ou non, affecte la volonté de celui qui admet, la rend non

libre et la frappe de défectuosité 1055 . Par conséquent, certains décrivent la violence comme l'action brutale envers quelqu'un, que ce soit une agression physique ou morale, et quel que soit le degré de gravité. Ainsi, le terme torture inclut diverses situations. On distingue les coups, les blessures, l'utilisation de chaînes, l'exposition à l'air, la privation de nourriture ou

1051 V. en langue arabe : O. Al-farouk Al-husseini, La torture de l'accusé pour l'emmener à avouer, le crime et la responsabilité, l'Imprimerie Arabe Moderne, 1986, pp. 134 et s.

1052 A. Mecheri, « La lutte contre la torture au Maghreb », in R.T.D.H., 2004, numéro 59, Vol. 15, pp. 791-817, v. spec. p. 793 : « Bénéficiant d'une intangibilité absolue, le droit à l'intégrité physique et morale de la personne humaine, contrairement au droit à la vie, ne peut souffrir aucune dérogation ».

1053 M. Rousselet et M. Patin, précis de droit pénal spécial, Paris, 1945, p. 380. 1054 V. en langue arabe : S. Sadek Al-Mulla, L'aveu de l'accusé, 1986, p. 402.

1055 La torture selon l'article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (New York, 10 décembre 1984, signée par la France en 4 février 1985 et ratifiée 18 février 1986, l'adhésion du Liban le 5 octobre 2000) est définie de la manière suivante: « Aux fins de la présente Convention, le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ».

de sommeil, et ainsi de suite 1056 . Certains estiment que la torture est tout acte d'agression ou

d'abus infligé par un agent public sur le corps de l'accusé pour le contraindre à avouer, quel

que soit le type d'agression, physique ou morale, grave ou non grave

1057

. Un autre point de

vue a ajouté que la notion de torture n'a pas besoin d'atteindre un certain degré de gravité, et nous soutenons cette thèse qui n'exige pas une certaine intensité de la torture physique, étant donné que cet aveu illégal est qualifié d'invalide et par conséquent ne peut pas produire ses effets juridiques. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), a précisé la notion de torture dans son jugement rendu le 10 décembre 1988 dans l'affaire Furundúija en jugeant que la torture est « le fait d'infliger intentionnellement par un acte ou une omission, une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, aux fins d'obtenir des renseignements ou des aveux, ou de punir, intimider, humilier ou contraindre la victime ou une tierce personne ou de les discriminer pour quelque raison que ce soit. Pour qu'un tel acte constitue un acte de torture, l'une des parties doit être responsable officielle ou doit, en tout cas, ne pas agir à titre privé, mais par exemple en tant qu'organe de fait d'un État ou de

1058

toutes autres entités investies d'un pouvoir »

. En droit libanais, il est difficile de trouver

252

une définition de la torture parce que la juriprudence libanaise est vide dans cette matière parce que, malheuresement, les allégations de torture ne font pas l'objet d'enquête lorsque les affaires sont jugées et de nombreux juges prononcent sans hésitaton des condamnations sur la base d'éléments de preuve illegaux obtenus sous la torture. L'absence de notion de torture dans la doctrine et la jurisprudence libanaises est remarquable alors que la torture et la pratique de traitements cruels, inhumains et dégradants sur des personnes arrêtées en garde à vue et incarcérées dans les prisons libanaises sont des pratiques courantes selon les rapports des associations qui défendent les droits de l'homme. Par conséquent, on a eu recours à la jurisprudence égyptienne parce que le droit pénal libanais est influencé par la doctrine et la jurisprudence égyptiennes. Voyons donc quelques définitions relatives à la notion de torture qu'on a pu trouver dans la jurisprudence égyptienne. La Cour criminelle égyptienne de Tanta, dans sa décision rendue le 28 juin 1927, a défini la torture comme une «violence cruelle qui fait son effet et affaiblit la volonté du torturé et le pousse à accepter le fléau de l'aveu pour se

1056 V. en langue arabe : A. Khalil, L'aveu de l'accusé, dans la juridiction et la jurisprudence, Dar Annahdha Al-Arabia, 1991, p. 402.

1057 V. en langue arabe : O. Al-farouk Al-husseini, La torture de l'accusé pour l'emmener à avouer, le crime et la responsabilité, l'Imprimerie Arabe Moderne, 1986, p. 134.

1058 Affaire n° : IT-95-17/1-T.

délivrer »

1059

. C'est à notre avis une définition très exagérée de la torture qui laisse beaucoup

de cas échapper à la définition, et qui ne peut être acceptée comme norme dans le domaine de l'aveu sous la pression de la torture. Dans une autre approche de la notion de la torture en vue de contraindre l'accusé à avouer, la torture est définie comme une agression faite sur l'accusé ou un préjudice physique ou moral causé sur sa personne. Selon cette définition, la torture est une forme de violence ou de coercition. Ainsi, la torture physique recouvre : les coups, les blessures, le fait d'attacher l'accusé avec des chaînes, de l'emprisonner, de l'humilier, de le priver de nourriture ou de sommeil, ainsi que d'autres formes d'abus et de privations. Il n'est néanmoins exigé aucun degré précis de gravité de la torture physique ou mentale, tant qu'elle est employée pour l'humiliation de l'individu et pour le contraindre à faire des aveux.

En France, les actes de torture sont sanctionnés à l'article 222-1 du Code pénal français qui énonce que « le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie est puni de quinze ans de réclusion criminelle » Donc, les actes de torture constituent des

1060

infractions et sont considérés parmi les causes d'aggravation de la peine au regard de droit

pénal français. Le problème c'est que les actes de torture ne sont pas précisément définis en droit français. Sans doute, cette absence de définition claire en droit français ne constitue pas un obstacle sérieux aux poursuites. Le Comité contre la torture s'est toutefois déclaré préoccupé par l'absence d'intégration dans le Code pénal français d'une définition de la torture strictement conforme à l'article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : « 13. Tout en reconnaissant le fait que la législation pénale de l'État partie incrimine les actes de torture ainsi que les actes de barbarie et de violence, et prenant acte des éléments jurisprudentiels relatifs à l'incrimination des actes de torture qui ont été portés à son attention, le Comité demeure préoccupé par l'absence d'intégration, dans le Code pénal français, d'une définition de la torture qui soit

strictement conforme à l'article premier de la Convention. (Article 1er) »

1061

. Il est

253

remarquable que la loi pénale en France établisse une distinction entre les actes de torture et les violences en fonction de la gravité de l'acte 1062 . Cette distinction se vérifie dans la

1059 La décision de la cour criminelle de Tanta, séance du 28 Juin 1907, recueil officiel de l'année 28, n° 115, p. 210.

1060 L'article 222-2 du Code pénal français énonce que « L'infraction définie à l'article 222-1 est punie de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'elle précède, accompagne ou suit un crime autre que le meurtre ou le viol. Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l'infraction prévue par le présent article ».

1061 Comité contre la torture, quarante-quatrième session 26 avril - 14 mai 2010.

1062 V. dans le même sens : C. Copain, L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011, n° 767, p. 332 : « Le droit interne distingue les tortures et les violences en fonction de la gravité des souffrances infligées et de l'intention de l'auteur. ».

détermination des peines encourues, qui sont plus importantes lorsque l'auteur est un agent public. Les tortures sont passibles de peine criminelle, alors que les violences seront, selon les

1063

circonstances, soit des crimes, soit des délits

. Bien qu'il n'existe pas en droit français de

définition du crime de torture

1064

, rien n'empêche les juges français d'avoir recours à l'article

1066

. Le

254

1 de la Convention des Nations unies, qui est ratifiée par la France, afin d'interpréter des faits susceptibles d'être analysés en actes de torture. 1065 En ce qui concerne la notion de torture en droit français, Mme Annabelle Le Sauce constate que « la notion de torture est floue »

19 janvier 1996, la chambre d'accusation de Lyon a considéré que « les tortures ou actes de barbarie supposent la démonstration, et d'un élément matériel consistant dans la commission d'un ou plusieurs actes d'une gravité exceptionnelle qui dépassent de simples violences et occasionnent à la victime une douleur ou une souffrance aiguë, et d'un élément moral

1067

.

consistant dans la volonté de nier dans la victime la dignité de la personne humaine »

Mme Carine Copain constate qu'« une telle définition, inspirée des critères internationaux, renvoie à une appréciation in concreto de la souffrance infligée à la victime. Quant à l'élément moral, au regard de cette décision, il semble qu'il s'agisse d'un dol spécial, l'auteur

de tortures ayant eu la volonté de nier la dignité »1068.De même, Mme Annabelle Le Sauce souligne qu' « on constate alors que, bien que l'élément matériel soit particulièrement précis

1063 V. articles 222-7 à 222-16-3 du Code pénal français.

1064 V. sur ce point en droit français : C. Copain, L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011, n° 768, p. 332 : « le droit interne ne donne pas plus de définition de ces actes que la Convention européenne des droits de l'homme. ».

1065 V. sur la définition de torture en droit français : M. Doucin (France) Comité contre la torture, trente-cinquième session, Compte rendu analytique partiel de la première partie (publique), de la 684e séance tenue au Palais des Nations, à Genève, le vendredi 18 novembre 2005, à 15 heures, Président : M. Mariño Menéndez, examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Troisième rapport périodique de la France: «4. selon la jurisprudence, la torture consiste en des actes de barbarie prenant la forme d'un ou plusieurs actes d'une gravité exceptionnelle dépassant de simples violences et occasionnant à la victime une douleur ou une souffrance aiguë, avec la volonté de nier dans la victime la dignité de la personne humaine. Le système juridique français étant moniste, la prise en compte directe des instruments internationaux s'impose aux juges, et la Convention est régulièrement prise en considération par les tribunaux. Quant aux actes de violence commis par un agent public qui ne seraient pas qualifiés d'actes de torture du fait de leur moindre gravité, ils sont visés par l'article 222-12 du Code pénal et passibles de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Il est à souligner que cette distinction entre actes commis par des agents publics qualifiés soit de torture, soit de violences simples est également faite par la Cour européenne des droits de l'homme. Ainsi, la France, qui considère que les faits de gravité moindre doivent faire l'objet de sanctions pénales a donc une interprétation de l'article premier de la Convention qui est très proche des recommandations du Comité ».

1066 A. Le Sauce, Le corps humain en droit criminel, Master de droit pénal et sciences pénales, Université Panthéon - Assas, 2010, p. 23.

1067 Lyon, ch.acc., 19 janv.1996.

1068 C. Copain, L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011, n° 769, p. 332.

255

et attentatoire au corps, il ne suffit pas. Il faut en plus un élément intentionnel dépassant la simple connaissance et volonté de l'acte, ce que certains qualifient de «dol spécial» (en

1069

.

l'espèce, la volonté de nier la dignité de la personne humaine) »

178. Le degré de violence qui frappe l'aveu de nullité. La contrainte physique se matérialise par n'importe quel degré de violence, et peut ainsi frapper l'aveu obtenu de nullité, tant qu'il y a un préjudice qui touche la sécurité et l'intégrité du corps humain, et cela indépendamment du fait qu'il ait généré ou non des souffrances et des maux. La contrainte physique est considérée comme une violence et par conséquent l'aveu qui en découle est qualifié d'invalide parce que c'est une preuve illégale. On cite en l'occurrence : le fait d'arracher les cheveux ou la moustache de l'accusé, de lui cracher dans la figure, de couvrir son corps d'huile sale ou de produits malsains, de tirer très fort ses vêtements et les déchirer, ou de l'agresser et le pousser très fort. La reconnaissance obtenue par la violence indirecte est invalide, c'est la violence par abandon ou délaissement, comme priver l'accusé de contacter sa famille, ou lui mettre une nourriture pour une semaine dans sa cellule, la privation de cigarettes, ou maintenir l'accusé dans l'obscurité pendant plusieurs jours avant l'interrogatoire 1070 . La contrainte peut être aussi réalisée quand la personne contrainte est obligée d'agir par peur qu'on mette en application les menaces avancées. Il est opportun d'ajouter à ce sujet que le degré de coercition et le degré de son impact sur la volonté de la personne varient d'une personne à une autre, et donc on mesure le côté personnel dans le domaine de la détermination du degré de coercition. Aussi, il est à préciser que nous ne soutenons pas l'approche de la jurisprudence et de la juridiction, qui exigent que l'abus ou l'agression portée sur l'accusé doit être grave, barbare, ou cruelle, pour que l'acte soit considéré comme acte de torture dans le domaine de l'aveu, alors que nous sommes en accord avec l'approche qui n'exige pas un certain degré de gravité, de brutalité, ou de cruauté dans la torture. Nous répondons à ce point de vue en disant que l'ampleur du préjudice ou de l'abus n'est pas adaptée pour être un critère de distinction, dans la mesure où tout degré de torture pouvant affecter la volonté de l'accusé et le désorienter, ou destiné à le faire passer aux aveux est considéré comme une torture de l'accusé pour le forcer à avouer. La violence exercée sur l'accusé peut être minime, en revanche, elle peut produire des effets néfastes physiques et psychologiques sur la personne l'ayant subi et peut menacer la sécurité de son corps. Nous

1069 A. Le Sauce, Le corps humain en droit criminel, Master 2 de droit pénal et sciences pénales, Université Panthéon - Assas, 2010, p. 15.

1070 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », in Journal arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380, V. spec. p. 369.

soutenons entièrement l'avis qui considère qu'il n'est pas exigé dans la violence physique un certain degré de gravité et l'affaire est laissée à la juridiction locale qui doit l'évaluer en tenant compte des circonstances de l'affaire. Sur la base de ce qui précède, nous définissons la torture comme tout acte positif, ou négatif, ou une abstention qui peut porter préjudice à la victime, qu'il s'agisse d'un abus physique ou moral, grave ou non, et qui le pousse à avouer.

179. La notion de torture et traitements inhumains ou dégradants dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et leur effet en droit français. Sans doute, la notion de torture n'a pas une définition exacte et complète et n'est pas une notion précise et

1071

stable

. Sur la base de l'article 3 de la Convention EDH

1072

qui se trouve encore repris par

des termes similaires dans l'ensemble des instruments internationaux de protection des droits

de l'homme

1073

, la Cour de Strasbourg a contribué efficacement à la protection des droits de

256

l'homme et des droits fondamentaux par le renforcement de la protection contre la torture et des traitements inhumains ou dégradants . Sa jurisprudence concernant la notion de torture était basée au début sur le seuil de gravité. Ceci implique que la Cour impose aux actes une certaine gravité pour être constitutifs de torture et aussi la notion de torture selon la jurisprudence de la Cour européenne nécessite un seuil de gravité à atteindre pour entrer dans le champ de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. C'est ce que nous montre l'arrêt de cette Cour rendu le 18 janvier 1978 dans l'affaire Irlande c/ Royaume-Uni §167 : « Pour déterminer s'il y a lieu de qualifier aussi les cinq techniques de torture, elle doit avoir égard à la distinction, que comporte l'article 3 (art. 3), entre cette notion et celle de traitements inhumains ou dégradants. A ses yeux, cette distinction procède principalement d'une différence dans l'intensité des souffrances infligées. La Cour estime en effet que s'il

1071 Selon l'article 1 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT) : « Aux fins de la présente Convention, le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ».

1072 L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose: « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

1073 L'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies de 1966 dispose: « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique ».

existe d'un côté des violences qui, bien que condamnables selon la morale et très généralement aussi le droit interne des États contractants, ne relèvent pourtant pas de l'article 3 (art. 3) de la Convention, il apparaît à l'opposé que celle-ci, en distinguant la "torture" des "traitements inhumains ou dégradants", a voulu par le premier de ces termes marquer d'une spéciale infamie des traitements inhumains délibérés provoquant de fort

graves et cruelles souffrances »

1074

. Il est indéniable, qu'il y a eu une évolution de la

257

jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à propos de la notion de torture. « La Cour européenne des droits de l'Homme a d'ailleurs renforcé la protection des personnes en donnant des notions de torture et peines ou traitements inhumains ou dégradants une interprétation compréhensive, par un revirement de sa jurisprudence (arrêt CEDH 27 novembre 1992, Thomasi c/ France), en considérant que ces notions s'appliquaient à toute violence physique, quel qu'en soit la forme ou le degré, une sanction principalement

1075

pénale ». Dans l'affaire Ribitsch c/Autriche rendu le 4 décembre 1995, la Cour de Strasbourg souligne qu' « à l'égard d'une personne privée de sa liberté, tout usage de la force physique qui n'est pas rendu strictement nécessaire par le propre comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l'article 3 (art. 3). Elle rappelle que les nécessités de l'enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité ne sauraient conduire à limiter la protection due à l'intégrité physique de la personne (voir l'arrêt Tomasi c. France du 27 août 1992, série A

1076

no 241-A, p. 42, par. 115) »

. Malheureusement, la Cour européenne des droits de l'homme

1077

a assoupli sa position en se reposant à nouveau sur le critère du seuil de gravité comme le

souligne M. Jacques Buisson, « elle paraît être revenue quelque peu sur cette position, en jugeant que le mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité pour tomber sous le

1074 CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, Requête n° 5310/71.

1075 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 3.

1076 CEDH, 4 décembre 1995, Ribitsch c/Autriche, Requête n° 18896/91, V. spec. § 38.

1077 V. sur le critère du seuil de gravité: F. Sudre, « L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, du 27 août 1992, Tomasi c/ France : mauvais traitements et délai déraisonnable », in R.S.C., 1993, p. 33: « Ce critère réside dans l'intensité des souffrances infligées aux victimes et a une double portée. D'une part, il permet de faire la part entre les violences qui, n'atteignant pas le degré de rigueur requis, ne constituent pas une violation de l'article 3 et les actes prohibés : ainsi, dans l'affaire grecque, la Commission semble considérer comme « normales » « certaines brutalités » infligées aux détenus (gifles, coups) ( Rap. 18 nov. 1969, aff. grecque, Ann p. 186.). D'autre part, il permet de distinguer entre les traitements interdits : selon les définitions données par la Cour, le traitement inhumain est celui qui provoque volontairement des souffrances mentales ou physiques d'une intensité particulière ...».

coup de l'article 3 »

1078, notamment dans l'arrêt Tekin Yildiz c/ Turquie rendue le 9 juin

1998 : « La Cour estime que la situation de M. Yýldýz, exacerbée par sa réincarcération et son maintien en détention, a atteint un niveau suffisant de gravité pour rentrer dans le champ

d'application de l'article 3 de la Convention »

1079

. La Cour de Strasbourg continue à faire

258

preuve de tolérance en se basant sur le critère de seuil de gravité élevé pour qualifier le fait de violation entrant sous la notion de torture et traitement cruel, inhumain ou dégradant visée par

l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme 1080 . Ceci se vérifie dans l'arrêt rendu le 28 juillet 1999 par cette Cour dans l'affaire Selmouni c/ France : « Dans ces conditions, la Cour est convaincue que les actes de violence physique et mentale commis sur la personne du requérant, pris dans leur ensemble, ont provoqué des douleurs et des souffrances " aiguës" et revêtent un caractère particulièrement grave et cruel. De tels agissements doivent être regardés comme des actes de torture au sens de l'article 3 de la

1081

Convention »

. En condamnant la France pour violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dans l'affaire Tomasi1082 et Selmouni, la Cour de

1078 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 3.

1079 CEDH, 9 juin 1998, Tekin Yildiz c/ Turquie, Requête n° 22913/04, spec. § 81.

1080 V. sur le seuil de gravité dans la juriprudence de la Cour européene des droits de l'hommme : CEDH, 1 avril 2005, Rivas c/ France, Requête n° 59584/00, V. spec. §37 : « La Cour rappelle également qu'un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité pour tomber sous le coup de l'article 3. L'appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l'ensemble des données de la cause et, notamment, de la durée du traitement, de ses effets physiques et/ou mentaux ainsi que parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. Lorsqu'un individu se trouve privé de sa liberté, l'utilisation à son égard de la force physique alors qu'elle n'est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l'article 3 » ; V. encore : CEDH, 28 février 2008, Saadi c/ Italie, Requête n° 37201/06, spec. § 134: « Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, pour tomber sous le coup de l'article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime (voir, entre autres, Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 24, CEDH 2001-VII, Mouisel c. France, no 67263/01, § 37, CEDH 2002-IX, et Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, 11 juillet 2006) ».

1081 CEDH, 28 juillet 1999, Selmouni c/ France, Requête n° 25803/94, V. spec. §105; V. encore § 100. « Autrement dit, en l'espèce, reste à savoir si les « douleurs ou souffrances » infligées à M. Selmouni peuvent être qualifiées d'« aiguës » au sens de l'article 1er de la Convention des Nations unies. La Cour estime que ce caractère « aigu » est, à l'instar du « minimum de gravité » requis pour l'application de l'article 3, relatif par essence ; il dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge, de l'état de santé de la victime, etc » ; V. encore §102. « La Cour a pu se convaincre de la multitude des coups portés à M. Selmouni. Quel que soit l'état de santé d'une personne, on peut supposer qu'une telle intensité de coups provoque des douleurs importantes. La Cour note d'ailleurs qu'un coup porté ne provoque pas automatiquement une marque visible sur le corps. Or, au vu du rapport d'expertise médicale réalisé le 7 décembre 1991 par le docteur Garnier, la quasi-totalité du corps de M. Selmouni portait des traces des violences subies ».

1082 V. sur l'arrêt Tomasi c/ France: F. Sudre, « L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, du 27 août 1992, Tomasi c/ France : mauvais traitements et délai déraisonnable », in R.S.C., 1993, p. 33: « Qu'il soit arrêt de

Strasbourg a bien établi une frontière dans la recherche de preuve que les autorités française ne peuvent franchir pour obtenir la preuve, spécialement l'aveu résultant d'un acte de torture

ou traitements inhumains ou dégradants

1083

comme le souligne M. François Fourment, « il

semblera évident que la preuve, notamment les aveux, ne peut pas être obtenue sous la torture ou d'autres traitements inhumains ou dégradants. La Cour européenne des droits de l'homme a cependant dû le rappeler aux autorités françaises, dans les affaires Tomasi et

Selmouni »

1084

. Un autre arrêt rendu le 28 février 2008 par la Cour européenne des Droits de

259

l'homme dans l'affaire Saadi c/ Italie vient affirmer que la lutte contre le terrorisme international n'ouvre pas le chemin de l'atténuation de l'interdiction de la torture ou des traitements inhumains ou dégradants assuré par la protection absolue de l'article 3 de la

. MM. Jean-Pierre Marguénaud et Damien

1085

Convention européenne des droits de l'homme

Roets considèrent que l'affaire Saadi c/ Italie vient « de donner à une Grande Chambre l'occasion de rappeler clairement et hautement que les exigences de la lutte contre le terrorisme international ne sauraient justifier la moindre relativisation des interdictions

circonstance ou véritable décision de principe marquant l'abandon des critères anciens d'appréciation des mauvais traitements, l'arrêt Tomasi atteint un double but. D'une part, cette décision a l'incontestable mérite d'assouplir nettement les conditions d'application de l'article 3 et, partant, d'élargir le champ de protection de cette disposition. La leçon est claire : l'usage de la force physique sur une personne privée de liberté est inacceptable dans une société démocratique».

1083 V. J.-P. Marguénaud, « La dérive de la procédure pénale française au regard des exigences européennes », in D., 2000, p. 249: « Contrairement à ce que pourrait laisser croire la condamnation pour tortures policières, il ne faut pas comprendre que le système français abaisse chaque année un peu plus le niveau d'exigence en matière de protection des droits fondamentaux, il faut entendre qu'il a de plus en plus de difficultés à échapper aux condamnations pour violation des droits de l'homme parce que la CEDH élève chaque année un peu plus ce niveau d'exigence. L'ampleur de la dérive ainsi entendue dépend à l'évidence des efforts que les autorités normatives françaises sont prêtes à consentir pour suivre le rythme imposé par la Cour de Strasbourg ».

1084 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 74, p. 56.

1085 V. CEDH, 28 février 2008, Saadi c/ Italie, Requête n° 37201/06, spec. § 127 : « L'article 3, qui prohibe en termes absolus la torture ou les peines ou traitements inhumains ou dégradants, consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Il ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des Protocoles nos 1 et 4, et il ne souffre nulle dérogation d'après l'article 15 même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (Irlande c. Royaume-Uni, arrêt du 8 janvier 1978, série A no 25, § 163, Chahal précité, § 79, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 95, CEDH 1999-V, Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], no 35763/97, § 59, CEDH 2001-XI, et Chamaïev et autres c. Géorgie et Russie, no 36378/02, § 335, CEDH 2005-III). La prohibition de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants étant absolue, quels que soient les agissements de la personne concernée, la nature de l'infraction qui était reprochée au requérant est dépourvue de pertinence pour l'examen sous l'angle de l'article 3 (Indelicato c. Italie, no 31143/96, § 30, 18 octobre 2001, et Ramirez Sanchez c. France [GC], no 59450/00, §§ 115-116, 4 juillet 2006) » et spec. § 140: « Pour ce qui est du deuxième volet des arguments du gouvernement du Royaume-Uni consistant à soutenir que, lorsqu'un requérant représente une menace pour la sécurité nationale, des preuves plus solides doivent être produites pour démontrer le risque de mauvais traitements (paragraphe 122 ci-dessus), la Cour observe qu'une telle approche ne se concilie pas non plus avec le caractère absolu de la protection offerte par l'article 3. En effet, ce raisonnement revient à affirmer que la protection de la sécurité nationale justifie d'accepter plus facilement, en l'absence de preuves répondant à un critère plus exigeant, un risque de mauvais traitements pour l'individu ».

1086.

formulées par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme »

B. Aveu obtenu sous la contrainte morale et la ruse.

180. La contrainte morale. Selon M. Laurent Kennes, l'aveu obtenu sous la menace ou à la

1087

.

suite de fausses promesses doit être examiné au regard du droit au silence du prévenu

Lorsque la situation engendrée par les enquêteurs implique une diminution du libre arbitre de

l'intéressé d'admettre ou non avoir commis une infraction, les aveux sont irréguliers 1088 . Il n'est pas nécessaire que la coercition qui invalide et rend l'aveu illégal comme preuve soit toujours sous la forme physique, car elle a une autre forme moins tangible, qui n'a pas une moindre importance, et qui affecte la morale et par conséquent annule la procédure et invalide

ses résultats, même s'il n'y a pas d'impact corporel apparent

1089

. La contrainte peut ainsi être

260

morale et prendre plusieurs formes, comme la menace, qui est une pression exercée par une personne sur la volonté d'une autre personne afin de la dominer et de l'orienter vers un comportement particulier, sans distinction entre les menaces qui touchent à sa personne, à son argent, ou à un proche qui lui est cher, par exemple menacer l'accusé d'arrêter son épouse ou sa mère. La promesse est considérée comme l'un des moyens traditionnels pour amener l'accusé à avouer, ce qui a pour effet de donner l'espoir à l'accusé d'améliorer sa situation dans le cas où il avouerait son crime, comme lui promettre qu'il sera gracié ou de lui accorder le statut de « témoin roi », ou de ne pas être jugé, ou de ne pas présenter l'aveu contre lui devant le tribunal ou encore d'atténuer sa peine. La contrainte morale est exercée généralement sous la forme de menace de porter préjudice ou de faire souffrir, en vue d'influencer la volonté de la personne et de l'orienter dans une voie bien déterminée, contraire même à son souhait. La contrainte morale peut être sous la forme d'une menace par des paroles ou par des actes, de manière à porter atteinte à la liberté de la personne, et la placer sous le poids de la crainte d'une chose en particulier, et la pousser à agir contrairement à son désir, comme la menacer de l'arrêter ou de la mettre en prison. La peur que peut éprouver l'accusé peut être une simple peur de l'enquêteur, de celui ayant délivré le mandat d'arrêt contre lui, de celui ayant ordonné sa détention provisoire ou ayant ordonné les actions en

1086 J.-P. Marguénaud et D. Roets, « Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in R.S.C., 2008, p. 692.

1087 L. Kennes, La preuve en matière pénale, Éditions Kluwer, Bruxelles, 2005, Vol. 1, n° 626, p. 326. 1088 L. Kennes, La preuve en matière pénale, Éditions Kluwer, Bruxelles, 2005, Vol. 1, n° 626, p. 326.

1089 V. en langue arabe : S. Nabrawy, L'interrogatoire de l'accusé, Dar Al-Nahdha Al Arabiya (maison de la renaissance arabe), le Caire, 1969, p. 423.

261

justice intentées contre lui. Par conséquent, avoir des propos sous l'emprise et le contrôle de ces idées ne peut pas être classé sous le statut de la coercition, car la personne n'a pas été contrainte de parler et par conséquent ceci n'aura pas d'effet sur la validité de cet aveu. Mais si l'action de menace a été suivie d'effet, ceci va détruire la volonté du concerné et frapper ainsi son aveu d'invalidité puisque cette preuve est qualifiée d'illégale. D'autre part, conseiller et attirer l'attention ne sont pas considérés comme des éléments d'influence sur la volonté de l'accusé. Toutefois, dans le cas où il y aurait eu des signaux de menace, cela devrait être considéré comme une coercition et légalement interdit. Certains considèrent que le simple fait d'attirer l'attention de l'interrogé sur l'obligation de dire la vérité est considéré comme une contrainte morale. Nous avons tendance à élargir le concept de coercition morale à l'influence sur la volonté de l'accusé. Ainsi, la validité et la légalité de l'aveu comme preuve dans une affaire criminelle en conformité avec la nature humaine, pour laquelle la coercition morale aurait le même degré d'influence que la coercition physique, dans le but d'emmener l'accusé à avouer. Pour notre part, nous croyons que tout comme celui obtenu sous la coercition physique, l'aveu obtenu sous la coercition morale ne sera irrecevable et illégal que si cette coercition a véritablement influencé la volonté de l'accusé de façon à l'amener à avouer.

181. Définition de la torture morale. Constitue une torture morale tout acte ou abstention, qui aurait pour effet de causer de l'intimidation, des douleurs et de la souffrance morale à l'accusé. En effet, la torture morale ou psychologique vise l'humiliation et le rabaissement de la personne. Parmi les exemples de la torture morale, on distingue: le fait d'habiller les hommes en vêtements de femmes et de les désigner par des noms de femmes, de proférer des injures indécentes touchant leurs épouses en leur présence, de menacer l'accusé de le torturer et de le tuer, ou de le menacer d'arrêter son épouse, sa mère ou un être qui lui est cher, de le menacer d'un attentat à la pudeur, le priver de nourriture ou d'eau, le menacer de porter atteinte à sa personne, à son argent, à des membres de sa famille ou à ses proches. Cette menace peut être directe ou indirecte : la menace indirecte consiste par exemple à torturer le complice de l'accusé devant lui. D'autre part, il est opportun d'ajouter que la menace garde toujours le même statut, qu'elle soit accompagnée par la torture physique ou non, que l'objet de la menace soit réalisé ou non, et ainsi pour les autres moyens de torture morale. Enfin, la torture morale qui représente la contrainte morale est humiliante pour les âmes, destructrice pour les sentiments les plus généreux et peut être plus douloureuse pour l'accusé que toute torture physique.

262

182. La contrainte morale au Liban. À ce sujet, il faut noter que, malheureusement, on trouve des applications de la contrainte morale dans le droit libanais par certains juges. En effet, il semble que la police judiciaire emploie d'une manière exclusive la contrainte physique pour obliger les accusés à avouer, tandis que les juges utilisent la contrainte morale. Des exemples de ces violations sont constatés dans la pratique au Liban : pendant l'interrogatoire devant le juge d'instruction, après la séance, et dès que l'avocat de l'accusé a quitté la salle avec le détenu soumis à l'interrogatoire par le juge d'instruction, le rapporteur rejoint la personne interrogée en lui disant que le juge d'instruction veut lui parler, et c'est alors que le juge lui dit : « je peux vous aider si vous reconnaissez tous les détails et si vous me dénoncez vos complices dans le crime, vous aurez dans ce cas aidé la justice, je peux appuyer votre position dans le procès et votre peine sera plus légère d'autant que les charges sont retenues contre vous, même si vous n'avouez pas, alors que votre aveu va vous aider à réduire votre peine ». L'interrogé, convaincu de ce que le juge lui dit, a été ainsi contraint moralement d'accepter. Le procès-verbal de l'interrogatoire est ensuite fait par le juge et son rapporteur, et le défendeur a ainsi avoué en absence de son avocat et a renoncé à son droit en présence de son avocat, faisant ainsi confiance aux promesses du juge. C'est exactement ce qui se passe dans beaucoup de procès. Telle est la réalité des tribunaux, mais on ne peut trouver aucune décision judiciaire qui annule cette coercition morale menée par le juge. Il n'y a pas de demande d'annulation présentée par l'avocat de la défense pour cette raison, et ce, en raison du niveau peu élevé de compréhension des garanties de la défense de la loi libanaise. Quant aux juges du fond, qui statuent sur les affaires pénales, ils sont obligés d'interroger l'accusé à nouveau, sachant que la phase du procès est appelée interrogatoire final. A ce sujet, ce que font certains juges de la Cour criminelle du Liban paraît remarquable, dans la mesure où ils menacent l'accusé au cours de l'interrogatoire de lui infliger une peine très lourde s'il n'avoue pas devant eux et pendant cette séance, ou bien s'il n'a pas dit toute la vérité, à la suite de quoi le président de la Cour lui promet d'alléger sa peine s'il veut bien coopérer et accepter son offre. C'est en effet le comportement de certains juges au Liban. Cela donne une idée du faible niveau de culture de respect du droit de la défense, et de l'illégalité de l'extraction des aveux par certains juges et également sur la nonchalance injustifiée de certains avocats qui permettent aux juges d'exploiter leur pouvoir dans la direction de l'audition, sans dénoncer ces graves violations, et sans réclamer la nullité de la procédure dans le procès verbal. Ces irrégularités compromettent les droits de la défense et la légalité de la preuve pouvant découler de ces violations, en raison du fait que l'avocat a la tâche de contrôler l'intégrité de la procédure et de plaider pour l'accusé. Il incombe donc à l'avocat présent avec l'accusé de préserver les intérêts de son client et faire valoir tous ses droits qu'il

connaît ou qu'il peut bien ignorer, comme son droit de faire sa déposition librement, et de l'informer que dans le cas où l'accusé refuse de répondre aux accusations portées contre lui, il n'est pas permis au juge du procès d'employer des moyens de coercition, comme le contraindre à parler, faute de quoi, ceci aurait pour effet la nullité de l'interrogatoire et par conséquent du jugement y afférent.

183. L'aveu résultant de l'interrogatoire sous pressions psychologiques et impartialité du juge. Malheureusement, nous notons une grave violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable commis par l'autorité du président de la Cour criminelle en droit libanais lors de l'interrogatoire. Ces contraintes, le plus souvent de nature psychologique, sont exercées par le président de la Cour sur l'accusé durant l'interrogatoire devant la Cour criminelle, surtout si l'accusé a choisi de plaider non-coupable. Le président de la Cour commence l'interrogatoire en s'adressant à l'accusé en disant « je veux juste savoir comment tu as commis cette infraction. Ne me fais pas perdre mon temps, c'est mieux d'avouer le crime sinon on va décider une sanction aggravée ». Cette méthode d'interrogatoire est arbitraire et illégale. Le juge ne doit pas manifester sa propre opinion sur la culpabilité de l'accusé avant l'arrêt de la Cour après clôture d'audience. À notre avis, les méthodes d'interrogatoire précédentes entraînent nécessairement la nullité de tous les actes et la décision finale du juge est entachée d'un vice de partialité parce que le juge viole le droit de l'accusé de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Techniquement parlant, l'avocat de la défense doit intervenir immédiatement pour empêcher le président de la Cour de continuer l'interrogatoire de l'accusé sous la contrainte en demandant à l'accusé de garder le silence et de ne répondre à aucune question posée par le président de la Cour. Ensuite, l'avocat de l'accusé doit demander la récusation du juge qui préside le procès en mettant en cause l'impartialité du président.

184. L'aveu par la ruse. La loi ne permet pas l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie pour obtenir des aveux de l'accusé, même si connaître la vérité s'avère impossible sans le recours à ces méthodes. Par conséquent, l'aveu basé sur la ruse et la tromperie est considéré comme irrégulier et irrecevable. La sixième conférence mondiale du droit pénal de 1953 a évoqué ce sujet et a recommandé de ne pas employer la ruse pour obtenir des aveux de

l'accusé

1090

. La raison de l'irrecevabilité de l'aveu fondé sur la ruse est que cette dernière

263

porte atteinte au libre arbitre, en raison du fait qu'elle est considérée comme un type de fraude

1090 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », n Journal arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380, V. Spec. p. 361.

264

qui induit l'accusé en erreur et affecte sa volonté. Ce qui fait que, tant que la volonté de

1091

l'accusé est défectueuse au moment où il a présenté son aveu, ce dernier est invalide. On cite comme exemple le cas de l'enquêteur qui dit à l'accusé que s'il reconnaît, cela sera gardé comme un secret. Cette promesse est une façon de mentir et de tricher. Un autre type de tricherie consiste à donner à l'accusé de l'alcool, en espérant qu'il en viendra à avouer et en croyant qu'un homme ivre dit toujours la vérité. Mais ceci est considéré comme une tricherie

1092

et une fraude contre l'accusé et est légalement inacceptable . Nous en concluons que, pour être admis comme preuve, l'aveu ne doit pas porter atteinte au libre arbitre et doit être volontaire et fait en toute conscience. Tandis que l'aveu de l'accusé, sous l'influence d'une fausse croyance et sans aucune ruse employée à son encontre est un aveu valide et par conséquent recevable, car il a été fait sans ruse ni tricherie 1093 . Il est donc exigé que l'aveu ne soit pas délivré à la suite de pratiques de manipulation et de tricherie, commises par le juge pénal ou l'officier de la police judiciaire, afin d'obtenir l'admission de l'accusé des faits criminels qui lui sont reprochés. D'autres formes de ruses existent. L'une des plus répandues consiste dans le fait pour l'enquêteur de faire croire à l'accusé pendant l'interrogatoire que son complice dans le crime a tout avoué, ou qu'il y a un témoin oculaire ayant déposé contre lui, ou d'imiter la voix d'un proche dans une conversation téléphonique. Nous suggérons que le législateur libanais introduise un texte dans le Code de procédure pénale qui oblige à filmer les interrogatoires et l'auditons afin de lutter contre l'obtention de preuves importantes comme l'aveu par la ruse.

C. Position de la jurisprudence libanaise par rapport à l'aveu obtenu sous l'influence de la coercition et la violence.

185. L'appréciation de la valeur ou de la force de l'aveu illégal dans la preuve pénale. Même si l'aveu est considéré comme la première preuve criminelle, on ne devrait pas surestimer sa valeur probatoire, même si toutes les conditions sont réunies. En effet, l'aveu

1091 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », in Journal arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380, V. Spec. p. 361.

1092 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », in Journal arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380, V. Spec. p. 361.

1093 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Reconnaissance de l'accusé- aveu résultant de l'utilisation des moyens de ruse et de tromperie », in Journal arabe de la jurisprudence et de la magistrature, n° 25, pp. 360380, V. Spec. p. 361.

265

peut ne pas être valide, du fait qu'il est basé sur des motifs multiples, qui n'incluent sûrement pas le désir de dire la vérité, du fait que le suspect ou l'accusé peut avouer pour plusieurs raisons, comme par exemple: s'attirer la compassion des autres, échapper à une autre infraction dont la peine serait plus sévère que celle de l'infraction qu'il reconnaît, protéger le vrai coupable, ou bien par solidarité avec lui, ou encore par peur d'une autre personne. Les aveux peuvent être mensongers pour des raisons diverses, il y a souvent de faux témoignages, faits par le suspect ou l'inculpé, en mélangeant faits réels à d'autres irréels, persistant dans la tromperie, ou fuyant les conséquences d'une déclaration faite sous une certaine influence. C'est pour cette raison que seul le juge du procès peut estimer la valeur de l'aveu et l'étendue de sa force probante, à travers sa comparaison avec les autres éléments de preuve disponibles dans l'affaire. Dans tous les cas, la valeur probante de l'aveu est laissée à l'appréciation du

1094

juge, qui peut l'accepter ou le refuser. C'est le principe de l'intime conviction du juge. Toutefois, le juge est appelé à expliquer les raisons pour lesquelles il a été amené à prendre sa décision, que ce soit en acceptant l'aveu ou en le rejetant. De l'extrapolation des décisions et des jugements rendus par la justice libanaise, on peut dire qu'il y a plus d'une direction ou position au sujet de l'aveu obtenu sous l'influence de la contrainte, ou de la violence, ou résultant de ces pratiques.

186. Les positions jurisprudentielles face à la violation des droits de l'homme pour obtenir les aveux. Les violations des droits de l'homme et des droits de la défense et de la légalité de preuve pour obtenir des aveux au Liban sont une pratique devenue courante mais malheureusement non sanctionnée effectivement, qui constitue une manière illégale pour obtenir les aveux du prévenu ou de l'accusé pour le condamner. En France, il semble que la situation est différente de celle du Liban parce que la torture et la violation des droits n'y sont

1095

pas pratiquées habituellement. M. Henri Leclerc confirme notre avis qui concerne l'absence ou l'abolition de la pratique de torture en France, d'autant que la jurisprudence française est pauvre en cette matière : « bien entendu, tout le monde s'accorde à dire que les aveux recueillis à la suite de tortures, de traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la Convention sont nuls. Mais il faut bien constater que la jurisprudence sur ce

1094 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, op. cit., n° 281, p. 273.

1095 V. M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 256, p. 265 : « D'une façon plus générale et ainsi que nous l'avons dit sous un autre aspect des choses, ne peuvent être conservées dans un dossier pénal que les preuves obtenues par des moyens admissibles eu égard à notre type et notre degré de civilisation. Cela élimine tout ce qui serait le produit de pressions physiques qu'il s'agisse de torture physique, difficilement envisageable aujourd'hui en Europe, mais aussi de violences policières, des torture par des procédés chimiques ou moraux... ».

1096

.

266

point est pauvre »

187. Une position jurisprudentielle traditionnelle. La première position est une position négative qui n'accorde pas d'importance à ces violations flagrantes des droits de l'homme, de sa liberté et de sa sécurité, et est fondée sur l'argument selon lequel le juge dans un système d'intime conviction a le droit d'évaluer la preuve et de construire sa conviction. En effet, l'évaluation de la valeur de l'aveu; quelle que soit la méthode avec laquelle il a été obtenu, est soumise à l'intime conviction du juge, et c'est exactement là où réside le problème fondamental, car cette tendance va réellement vers la recherche de la vérité qui a convaincu le juge, au détriment de la légalité de la preuve et ceci est cohérent avec le principe selon lequel, « la fin justifie les moyens ». C'est ce que nous rejetons complètement dans un État de droit sous l'égide du principe de la légalité procédurale et la légalité de la preuve. S'il est vrai que l'estimation de la valeur probatoire de l'aveu repose sur l'intime conviction du juge, on peut toutefois affirmer que ce principe n'autorise pas pour autant à passer outre les règles de validité de la preuve. De plus, la preuve retenue par le juge doit être conforme à la vérité, ce qui est loin d'être certain pour un aveu obtenu de manière illégale.

188. Une position jurisprudentielle critiquable. La deuxième position jurisprudentielle est appelée « doctrine paralysante », car elle exige la preuve que l'aveu a été obtenu grâce à la coercition, ce qui est quasiment impossible. Dans les cas où cette preuve serait tout de même obtenue, cette position exige ensuite que soit déterminé le degré de conformité de l'aveu avec la réalité.

En effet, si l'aveu qui a été obtenu par le sang, les coups, les humiliations et la torture n'est pas conforme à la réalité, il sera exclu. La Cour doit statuer sur une certitude et non sur des présomptions. Cependant, si l'aveu obtenu par la violence, les coups, la torture et la contrainte concorde avec les faits réels, la Cour considère qu'il produit tous ses effets. C'est un avis juridique contesté, car il argumente dans le but d'affaiblir et de paralyser la défense, indépendamment de la logique et de la légalité. À vrai dire, cet avis rencontre l'avis précédent d'une manière indirecte, selon le principe selon lequel « la vérité est demandée à tout prix ». C'est vraiment une application très honteuse de la justice dans un État de droit.

1096 H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15.

189. Une jurisprudence audacieuse. Il y a une troisième opinion différente des deux précédentes, mais très timide et peu appliquée dans la pratique, basée sur l'annulation ou la négligence de la force probante de l'aveu s'il a été obtenu par des actes de coercition et de violence ayant affecté la volonté de l'accusé. C'est là un principe que nous encourageons et nous soutenons, car c'est une bonne orientation qui consacre l'application appropriée du principe de la légalité de la preuve pénale et la légalité de la procédure pénale, et laisse place aux droits de l'homme et à la primauté du droit.

190. L'opinion qui soutient l'admissibilité de l'aveu obtenu illégalement comme preuve. Cette opinion est exprimée par plusieurs décisions des juges libanais, et ceci peut être déduit des décisions et des jugements qui ont été soigneusement sélectionnés et dépouillés avec précision séparément pour chacune des trois opinions que nous avons exposées précédemment. Dans l'une des décisions de la chambre de mise en accusation 1097 , il a été précisé que « dans toute affaire, et quel que soit le cas, et bien que la loi libanaise interdise l'usage de la violence et la coercition contre les interrogés pour les dissuader d'avouer, cela ne signifie absolument pas qu'il faille annuler toute admission obtenue de cette manière, car c'est la juridiction pénale qui a la charge d'estimer la validité de cet aveu et sa recevabilité, surtout s'il est renforcé par d'autres preuves qui le soutiennent et approuvent le même

résultat sur quoi il s'est basé »

1098

. Dans ce même sens, on cite la position de la chambre

267

criminelle de la Cour de cassation libanaise, qui a confirmé que « revenir sur son aveu en invoquant qu'il a été soutiré sous l'influence de la violence, n'affecte aucunement la conviction de la Cour de la validité de cet aveu, même si la Cour admet que le passage à tabac était le moyen pour le recueillir, et ce, tant que les événements mentionnés dans l'aveu, en l'occurrence les noms et les lieux, ne sont pas une invention de l'imagination, ni connus

1099

par les enquêteurs et n'étaient pas contraires aux faits ». Cette disposition encourage et justifie le recours à la brutalité pour obtenir des aveux, au lieu de punir les auteurs et c'est là une application extrémiste de la liberté du juge pénal dans l'élaboration de sa conviction. A ce sujet, dans un arrêt de la Cour criminelle pour les crimes (qui est nommé Cour d'assises en

1097 Au Liban : Chambre de mise en accusation. N.B : en France c'est la chambre d'accusation, Son nom a changé depuis la loi du 15 juin 2000 est devenu chambre d'instruction.

1098 La chambre d'accusation : Le Président : Ralph Riyashi, les deux conseillers : Albert kwamagi et Maddy Mattran, procès n° 262/1995, décision n°354/1995/le livre du juge R. Riyashi, Recueil de la jurisprudence de la chambre d'accusation, applications pratiques de la règle de droit, Dar Elhadhara , édition et impression, Société Ezzeddine pour l'imprimerie et l'édition, Beyrouth, 1997, Préface du juge Philippe Kairallah, p. 334.

1099 V. en langue arabe : Cour de cassation criminelle, chambre n° 5, Arrêt n° 218 du 29/04/1974, justice 332/74, cité dans le livre de Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, Sader Editeurs, Beyrouth, p. 391.

268

France), la Cour a insisté sur l'acceptation de l'aveu et a approuvé sa validité, bien qu'elle ait expressément reconnu que les enquêtes préliminaires l'ayant convaincue ont été marquées par une certaine violence, car l'accusé avait réellement dit la vérité sous la torture. Les termes de l'arrêt ont indiqué que: « Considérant qu'il est vrai que les accusés ont été exposés à la violence au cours de leurs interrogatoires par la police judiciaire, alors qu'elle ne devrait pas recourir à la violence pour en extraire la vérité, cette Cour ne peut pas décider de la nullité de ces enquêtes pour cette raison, mais ces admissions doivent être valorisées pour pouvoir conclure quant à leur acceptation ou à leur rejet ... La Cour a adopté le contenu de l'enquête préliminaire, même marquée par une certaine violence, parce que l'un des accusés a déclaré

1100

que, bien qu'il ait été soumis à la violence, il a dit la vérité».

191. La seconde opinion: L'admissibilité de l'aveu obtenu illégalement sur la base d'une motivation irrationnelle et illogique. Ici, nous citons comme exemple un procès libanais, qui démontre la formule bloquante et illogique de certains juges dans l'acceptation de l'aveu obtenu par la contrainte. La Cour a considéré que la violence, les coups et la coercition, en supposant qu'ils ont été accomplis, n'empêchent pas de confirmer la condamnation. En effet, la décision énonce textuellement que « si l'on suppose que l'incident de la violence a été prouvé - alors qu'il n'est pas permis de recourir à cette méthode pour l'extraction de la vérité, la Cour a estimé que les déclarations initiales des accusés sont des témoignages cohérents et convaincants, et la conscience serait tranquille en décidant de les condamner

1101

». Ceci paraît très étonnant. En effet, comment la Cour aurait une conscience tranquille en se basant sur une vérité entachée par la torture ? Dans une très ancienne décision, la Cour a considéré que l'évaluation de la validité de l'aveu arraché par la violence et la coercition sont au coeur des attributions du tribunal de première instance. Il est précisé que « bien que la loi ait interdit l'usage de la violence et de la coercition sur les accusés et les suspects pour les obliger à avouer, cette interdiction ne signifie nullement l'annulation de l'effet de chaque admission obtenue de cette manière. En effet, le juge pénal a le droit d'évaluer la validité de cet aveu et conclure quant à sa valeur probante et à sa recevabilité, surtout s'il a été renforcé

1100 V. en langue arabe : Cour criminelle du Mont Liban, le Président : Hatem Madi, procès du 03/11/1997 : le livre du juge : J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999, 1e éd., Sader Editeurs, Beyrouth, 2000, n° 54, p. 86.

1101 V. en langue arabe : Cour criminelle du Mont Liban, procès n° 42 du 05/01/1997, le Président : Hatem Madhi : le livre du juge : J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999, 1e éd., Sader Editeurs, Beyrouth, 2000, n° 173, p. 281.

1102

par d'autres preuves ». Dans une autre décision, on peut lire « évoquer que l'aveu a été le résultat de la violence et de la coercition, ne conduit pas à démentir l'état de fait qui en

résulte, ni tous les actes vrais et confirmés qu'il contient»

1103

. Dans un autre arrêt,

269

relativement récent, il a été indiqué qu' « attendu d'abord que l'accusé a admis, dans l'enquête préliminaire, être un trafiquant de drogue, qu'il est revenu sur ses déclarations devant le juge d'instruction et le tribunal, et a nié tout ce qui lui a été reproché, et a prétendu que tout ce qu'il a dit pendant la phase de l'enquête préliminaire était sous l'influence des coups violents qu'il a subis par les agents de la police judiciaire...et attendu ensuite que la partie de la défense a demandé de ne pas prendre en considération les déclarations contenues dans l'enquête préliminaire, à cause des contradictions dans ces enquêtes et aussi à cause du motif de la contrainte...et attendu encore que l'incident de la violence, des coups et de la contrainte invoqué est dépourvu de toute preuve, et étant donné qu'évoquer que l'aveu a été le résultat de la violence et de la coercition, ne conduit pas à démentir l'état de fait qui en a résulté, ni tous les actes vrais et confirmés qu'il a contenus, et que -- et dans tous les cas -- la Cour est libre de prendre en considération les premières déclarations de l'accusé qui contiennent l'aveu, et négliger les deuxièmes où il s'est rétracté, car ceci revient à son droit absolu de valorisation, surtout si cet aveu concorde avec les preuves et les faits matériels

1104

contenus dans le dossier » . Quand on lit le dernier arrêt, on souhaite que les juges qui ont rendu cette décision, se posent à eux-mêmes et à leur conscience cette question : pourquoi au Liban, la grande majorité des enquêtes menées par la police judiciaire, finit toujours par l'aveu des accusés ou des suspects, qui une fois arrivés devant le juge ou devant la Cour, reviennent sur les dépositions qu'ils ont faites devant les officiers de la police judiciaire ? La réponse est simple: la torture est pratiquée dans les lieux de détention pendant les enquêtes menées par la police judiciaire, et malheureusement les juges le savent et couvrent l'illégalité de telles enquêtes au lieu de procéder à l'annulation de ces aveux et à négliger leur valeur probante. Pour conclure, on peut dire que malheureusement l'acceptation de ces aveux par les juges représente à la fois :1° : un retour en arrière et notamment aux époques anciennes où l'on permettait le recours à la torture pour obtenir des aveux ; 2° : une couverture de la criminalité

1102 V. en langue arabe : Arrêt n° 108 du 11 /05/1962, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de sa recréation , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, Beyrouth, 1990, p. 20.

1103 V. en langue arabe : Arrêt n° 279 du 18 /06/1964, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de sa recréation , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 20.

1104 V. en langue arabe : Cour criminelle du Mont Liban, procès n° 30 du 01/01/1998, le Président : Hatem Madhi : le livre du juge : J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999, 1er éd., Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2000, n° 171, pp. 278-279.

de la police judiciaire ; 3° : une perte des garanties des individus ; 4° : une atteinte aux droits de la défense ; 5° : une violation des principes de la légalité de la procédure et des preuves pénales. Donc, il est honteux que le juge puisse dissimuler une telle réalité et être impliqué dans ce crime, par l'acceptation de ces aveux, et leur accorder une valeur juridique au lieu de les dépouiller de toute valeur et de sanctionner les auteurs de ces violations.

192. La troisième opinion : l'inadmissibilité de l'aveu obtenu illégalement. Ne pas accepter l'aveu obtenu sous la contrainte ou comme conséquence de la contrainte : représente la position de la Cour de cassation qui maintient la condition du libre arbitre comme critère essentiel de validité de l'aveu, comme indiqué dans l'arrêt ci-après de la Cour : Attendu que l'accusé...est revenu sur sa déposition lors de l'interrogatoire (l'enquête devant le juge d'instruction) et a nié son trafic de drogue, et a déclaré que la quantité saisie en sa possession est destinée à sa consommation personnelle, et il a ajouté qu'il revient sur sa première déposition car il a été battu, -- comme il est apparent sur son corps-- , et a demandé au juge d'instruction de désigner un médecin légiste pour l'examiner. Attendu que le rapport du médecin médico-légal a précisé que l'accusé a été soumis à la coercition pendant l'enquête préliminaire, ainsi son aveu n'a pas été délivré par son libre arbitre, et donc cette Cour ne doit

1105

pas lui accorder suffisamment de confiance et doit par conséquent le négliger . Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a également adopté la même position que le cas précédent, et n'a pas retenu l'aveu obtenu suite à la violence, comme indiqué dans sa décision : « Le suspect a été battu dans une période concomitante à la date de sa déposition à l'enquête préliminaire, ce qui entache cette déposition d'irrégularité, d'où elle ne peut être adoptée à

titre de preuve contre l'accusé »

1106

. Dans un autre arrêt plus ancien de la Cour de cassation, il

270

a été noté qu' « est considérée comme illégale, chaque méthode de coercition employée pour amener l'accusé à avouer, quelle que soit la véracité et la réalité des faits objet de cet

aveu » 1107 . Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a considéré que: s'il a été prouvé que l'accusé a été battu pendant son témoignage à l'enquête préliminaire, ceci anéantit1108 la

1105 V. en langue arabe : Cour de cassation en matière pénale, chambre n° 7, arrêt n° 182 du 27/07/2002, Président : Ahmed Almâallem, Conseillers : Samir Matar et Assem Safieddine / livre de A. Shamsiddine, Classification annuelle dans les affaires criminelles, jurisprudence de 2002, pp. 114-115.

1106 V. en langue arabe : Cour de cassation en matière pénale, chambre n° 6, arrêt n° 01 du 03/01/2002, Président : Ralph Riyashi, Conseillers : Khodhor Zenhour et Borkan Saâd / livre de A. Shamsiddine, Classification annuelle dans les affaires criminelles, jurisprudence de 2002, p. 137.

1107 V. en langue arabe : Arrêt n° 151 du 11 /06/1952, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de son rétablissement , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 14.

1108 Anéanti : complètement détruit.

271

valeur probante de l'aveu, comme indiqué dans la décision : «...attendu que l'accusé conteste la validité de l'aveu qui lui a été extirpé dans l'enquête préliminaire sous le poids de battements/ et attendu que l'accusé a été battu lors de sa déposition dans l'enquête préliminaire, chose qui a été vérifiée par le juge d'instruction pendant qu'il l'interroge, lorsqu'en l'examinant il a découvert de grandes taches verdâtres sur son bras, sa hanche et ses jambes, ainsi que des blessures sur ses poignets, et toutes ces indications prouvent que la personne en question a été bel et bien été exposée à la violence, surtout que cet accusé était en détention entre la période de l'interrogatoire de l'enquête préliminaire et l'interrogatoire de première comparution, chose qui exclut que cette violence provienne d'autres causes non liées à l'enquête initiale, tant qu'il n'y a pas de preuves de ces autres raisons; et attendu que l'incident de la violence pratiquée sur l'accusé, a été confirmé par le témoignage de Monsieur F.M, devant la Cour de cassation, qui a vu des traces de coups sur le corps de l'accusé lors de leur arrestation dans la même cellule ... et attendu que le fait que l'accusé a été battu lors de l'enquête préliminaire, comme cela a été prouvé précédemment, aurait pour effet de compromettre la valeur probante de son aveu dans l'enquête citée et rend cette reconnaissance négligeable et irrecevable et n'a pas d'effets pour prouver la véracité de ce

1109

qui lui a été attribué ». Dans un ancien arrêt, la Cour a aussi insisté sur le fait que l'aveu doit être conscient et volontaire pour être recevable, et qu'il ne peut être considéré ainsi s'il a été le fruit de la coercition et de la torture « il a été constaté que pendant l'enquête préliminaire, les officiers de la brigade des stupéfiants ont mentionné que les deux accusés ont admis qu'ils détenaient un lieu pour la consommation de la drogue, mais se sont rétractés devant le juge d'instruction, aussi, les témoins à charge sont revenus sur leurs dépositions, en indiquant que leurs premières déclarations ont été obtenues sous la pression et les coups. Il s'est avéré aussi que le juge d'instruction -- pendant qu'il interrogeait le prévenu «S» -- , avait remarqué qu'il avait une blessure au front ainsi que des ecchymoses au dos...le juge a également remarqué la présence d'ecchymoses sur le deuxième accusé...Attendu que le juge a mentionné dans les procès verbaux des interrogatoires des deux accusés, ce qui prouve l'incident de la violence, mentions confirmées par les témoins...et attendu que les preuves rapportées dans ce cas ne rassurent pas la Cour, qui n'aurait pas la conscience tranquille, si

1109 V. en langue arabe : Cour de cassation en matière pénale, chambre n° 6, arrêt n° 01 du 03/01/2002, Président : Ralph Riyashi, Conseillers : Khodhor Zenhour et Borkan Saâd, Hassoun / droit public (décision n° 166 publiée le 10/06/03, rendue en Cassation, livre de A. Shamsiddine, Jurisprudence criminelle 2003, pp. 389390.

ces aveux seraient acceptés et seront à la base du jugement des accusés »

1110

. La Cour a

272

également déclaré que l'aveu ne peut pas être fiable, s'il est obtenu par la coercition : «est considérée illégale, chaque méthode coercitive utilisée pour emmener l'accuser à avouer,

1111

.

indépendamment du fait que ces faits soient certains et réels»

193. Évaluation de la position adoptée par la jurisprudence libanaise. Le principe est que l'aveu en matière pénale est laissé à l'appréciation du juge pénal, mais cela ne signifie pas

1112

consacrer la domination du juge sur ses composantes et les moyens pour l'obtenir

.

Toutefois, la juridiction ne peut pas adopter comme principe juridique la formule: « la fin justifie les moyens ». En fait, et dans toute législation procédurale correcte, il faut que les moyens juridiques légaux soient capables à eux seuls de prouver l'innocence d'un innocent ou la culpabilité d'un accusé, faute de quoi toute la structure procédurale serait perturbée si elle ne permettait pas de prouver l'innocence ou la culpabilité, sans porter atteinte aux fondements du principe de la légalité. Ainsi, il n'est pas vrai de dire qu'arriver à trouver la vérité et prouver la perpétration du crime peut servir à justifier la non-soumission des éléments de preuve au principe de la légalité de la preuve pénale et surtout dans le domaine de l'aveu. Donc, et afin que l'aveu soit valable et produise ses effets juridiques, il est inévitable qu'il soit exempt de toute influence extérieure, c'est-à-dire qu'il soit délivré par l'accusé en toute volonté et conscience. Ce n'est qu'alors que cet aveu sera considéré recevable, valable et légal.

194. Proposition de réforme en droit libanais. À titre de réforme, nous suggérons, afin de garantir la déclaration volontaire, que le législateur libanais fasse des lois concernant l'obligation d'enregistrement des interrogatoires des gardés à vue et des interrogatoires simples pendant le déroulement de l'enquête (flagrante et préliminaire) pour deux raisons. La première raison, c'est que dans la pratique des interrogatoires, nous n'avons jamais vu des procès-verbaux vierges, c'est-à-dire vides, concernant l'audition et l'interrogatoire en raison du silence de suspect dont les raisons ne sont pas connues. Mais, à notre avis, si le suspect a choisi de garder sa silence, le procès-verbal doit être la preuve de

1110 V. en langue arabe : Arrêt n° 163 du 24/03/1966, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de sa recréation , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, pp. 19-20.

1111 V. en langue arabe : Arrêt n° 163 du 24/03/1966, ouvrage de S. Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de son rétablissement , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 20.

1112 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, Théorie de la preuve, op .cit., n° 164, p. 276.

273

son choix, l'officier de police qui est en train d'enquêter doit expliquer et noter sur le procès-verbal que le suspect a gardé le silence. En effet, la torture et les traitements inhumains ou dégradants pourraient porter atteinte au droit au silence du suspect, le recours à la torture par l'officier de police judicaire peut être un outil pratique pour bafouer le droit de garder le

silence 1113 . Au Liban, beaucoup d'éléments de preuve dans un interrogatoire de police judicaire sont recueillis au moyen de la torture. Nous suggérons que les interrogatoires soient enregistrés dans leur intégralité avec la caméra positionnée parce que la présence d'une caméra devrait décourager les policiers d'utiliser des méthodes d'interrogation inadéquates comme la torture ou la contrainte morale et physique. L'autre raison, c'est que les indices audiovisuels des interrogatoires pourraient aider les enquêteurs à évaluer plus précisément la spontanéité et la véracité des déclarations. De cette manière, l'obligation d'enregistrement des interrogatoires serait un moyen efficace de protection des droits des personnes interrogées et en même temps un indice de fiabilité d'un élément de preuve.

1113 V. « Liban : Tortures et poursuites pénales de civils devant des juridictions militaires » Alkarama for Human Rights a soumis au Rapporteur spécial sur la torture les cas de 9 personnes arrêtées, torturées et détenues au secret par des services de renseignements au siège du ministère de la Défense à Beyrouth. Elles ont été privées de soins à la prison de Roumié en dépit des blessures qu'elles ont subies et des séquelles de la torture et de l'état de délabrement physique et moral dans lequel elles se trouvaient après ces deux semaines de sévices. Le juge d'instruction a refusé de les faire examiner par expert médical pour faire constater les tortures dont elles ont fait l'objet et dont elles gardent encore les séquelles, au motif "qu'il leur appartenait à elles seuls de rapporter la preuve des tortures qu'elles ont subies !". Alkarama for Human Rights craint particulièrement que les procès-verbaux établis sur la base des aveux arrachés sous la torture ne soient pris en considération dans leur cas par la juridiction militaire de jugement et ne servent à les condamner à de lourdes peines d'emprisonnement. Rapport disponible en ligne sur : http://fr.alkarama.org/

Section II

La question de la légalité des procédés scientifiques

195. Recevabilité des méthodes scientifiques de preuve. Le fabuleux progrès scientifique et technique du monde moderne a apporté un changement impressionnant dans plusieurs

domaines 1114 et a laissé des traces dans la façon d'élucider des crimes, de les prouver et de retrouver les coupables, et ce en utilisant des moyens techniques et scientifiques révélés par le

monde moderne

1115

. Le développement des moyens de crimes s'est ponctué aussi par le

274

développement des moyens de les élucider. Les moyens classiques et traditionnels connus, comme la perquisition ou l'interrogatoire 1116 , ne sont plus les seuls utilisés dans les enquêtes criminelles et la recherche de preuves 1117 . Les techniques modernes sont devenus des moyens des plus importants pour élucider les crimes 1118 et trouver les preuves irréfutables de la

culpabilité de l'auteur du crime 1119 « et sous l'angle de la procédure, et de la procédure pénale en particulier, on se pose la question de savoir si le recours à certaines techniques n'autoriserait pas une meilleure approche de la vérité et bien sûr la découverte de

1114 V. sur ce point : M.-N. Georges, « La preuve de la paternité et le progrès de la science », in R.I.D.C., Vol. 9, n° 1, Janvier-mars 1957, pp. 43-55, V. spec. p. 44 : « Pour bien estimer l'influence que les progrès de la science ont eus sur le droit, on doit savoir dans les grandes lignes quelles sont la nature et la portée de ces progrès ».

1115 A. Diaa Eddine, « La preuve scientifique et son rôle dans la preuve pénale », in Magazine de la sécurité publique, n° 150, année 37, Juillet 1995, p. 62.

1116 V. sur ce point l'avis de M. Roger Houin : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. pp. 69-70 : « Il ne semble pas, non plus, que ces méthodes puissent fournir de nouvelles catégories juridiques de preuve » ; M. R. Houin continue à dire : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 6975, V. spec. p. 70 : « Il s'agira toujours de recueillir ou bien la volonté, la pensée, l'opinion des parties (c'est l'aveu, le serment, les titres préconstitués), ou bien de recevoir les témoignages des tiers, ou bien de réunir des indices matériels au moyen notamment d'expertises ».

1117 V. sur ce point : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 435, p. 294 : « L'aveu serait désormais concurrencé par les preuves scientifiques et médicales ».

1118 V. sur ce point : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 433, p. 293 : « La conception classique du droit de la preuve prônait l'aveu, qui s'oppose à la conception moderne se fondant sur le support scientifique et technique ».

1119 V. en ce sens : J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. pp. 523-524 : « En dehors des procédés abusifs de la police, que l'on ne peut que réprouver, d'autres moyens peuvent être appliqués pour obtenir l'aveu au cours de l'interrogatoire. Ils sont la conséquence de découvertes scientifiques ou psychologiques qui permettent d'explorer le subconscient de l'inculpé ».

coupable »

. Sans doute les progrès scientifiques peuvent contribuer au développement

1121

dans la manifestation de la vérité

275

1120

surtout dans la progression de la qualité de la preuve,

. Mais l'utilisation

1123

de ces moyens et techniques modernes dans la preuve pénale pose certains problèmes

1122

c'est-à-dire développer la satisfaction de critères de vérité dans la preuve

.

Quel est le problème essentiel ? C'est le problème de la légalité des méthodes scientifiques de preuve qui se résume par le problème de la recevabilité des preuves résultant des méthodes

1124

scientifiques . La recevabilité de ces méthodes connaît des obstacles qui peuvent surgir pour écarter ces méthodes scientifiques: les principes généraux de l'ordre public, le respect

. Il est donc nécessaire et

1126

indispensable que le législateur encadre strictement l'utilisation de la preuve scientifique

1125

des droits de la personnalité humaine et enfin le pouvoir du juge

.

M. Mustapha Awji pense, à ce propos, qu'il n'y a pas d'inconvénient juridique à utiliser ces

1120 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 880, p. 712.

1121 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 8, p. 3 : « Les procédés scientifiques de preuve ont largement modifié la recherche de la vérité dans le procès pénal ».

1122 V. sur ce point : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 70 : « Qu'est-ce donc que la science peut fournir dans cette recherche des preuves ? Essentiellement une plus grande précision, une plus grande certitude, en un mot la vérité. Car le but de la preuve est de persuader le juge de la réalité d'un fait ou d'un état psychologique. Or, la science, par définition même, tend à la découverte de cette réalité. L'utilisation des méthodes scientifiques permettra donc d'approcher cette vérité de plus près sinon même de l'atteindre ».

1123 M. Roger Houin aborde le problème : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 70 : « On reconnaît là les deux aspects traditionnels du droit de la preuve : la recevabilité et la valeur probante. Logiquement, les méthodes scientifiques devraient toujours être recevables et les preuves scientifiques toujours irréfragables. Telle n'est cependant pas la réalité juridique et il faut rechercher les limites qui peuvent s'opposer à la recevabilité des méthodes scientifiques ou qui peuvent limiter la valeur probante des preuves scientifiques. Il n'y a nul illogisme à le faire. Le droit n'est pas seulement ni même principalement une science ; c'est un art politique qui doit tenir compte des moeurs et des valeurs humaines. Il existe des vérités immorales qui ne sont pas bonnes à dire ni à imposer ; il existe en tout cas des droits supérieurs de la personnalité humaine devant lesquels la recherche de la vérité scientifique peut avoir à s'arrêter ».

1124 V. Intervention de M. Marc Ancel, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. Marc Ancel p. 5 41: « Je dirai même que la question qui se pose est peut-être moins de savoir absolument si un individu a commis une infraction, que comment il a pu y arriver ; la question n'est pas d'apporter une preuve irréfutable, une preuve légale de la matérialité du fait, elle consiste à expliquer le fait ; c'est à cet égard qu'une procédure plus largement comprise pourrait s'approprier des moyens d'investigation nouveaux sans danger pour le respect de la personnalité humaine. Seulement, c'est là un très grand problème ».

1125 R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. pp. 70-71.

1126 V. en ce sens : P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 3: « Les sciences et techniques étant en constante évolution, il serait inconcevable que leur progrès ne serve pas la justice criminelle. Cependant, à l'instar de la science, la justice doit demeurer au service des hommes et assurer le respect de leurs droits fondamentaux. Il est donc nécessaire que les conditions d'obtention de la preuve soient encadrées par la loi ».

moyens modernes dans la recherche de vérité tant que ceux-ci ne constituent pas une violation des droits consacrés par la loi, le plus important étant la liberté de volonté (libre arbitre) et la

1127

non-ingérence dans la vie privée des personnes

. Cette utilisation doit être faite dans les

276

limites autorisées par la loi et d'une façon qui ne porte pas atteinte à l'humanité de l'individu, à sa dignité, à ses affaires privées et à ses correspondances privées à caractère confidentiel dans les limites de ce qui est nécessaire pour élucider un crime et prouver la relation de la personne avec ce crime 1128 . Contrairement à l'avis de M. Mustapha Awji, nous pensons que l'application du principe de légalité de la preuve pénale nécessite forcément une intervention

et techniques

1129

du législateur pour qu'il légifère sur la légalité du recours à ces moyens

modernes dans l'enquête car la liberté de rechercher une preuve n'est limitée que par le

1130

principe de légalité de preuve, vu que le législateur libanais adopte le principe de liberté de la preuve pénale. Mais elle est limitée aux moyens et procédures reconnues et légalisées par la loi. De surcroît, le recours à certains procédés scientifiques pour obtenir des preuves va

1131

s'opposer aux limites résultant de l'ordre public et des droits de la personnalité humaine

.

Le problème essentiel du recours aux procédés scientifiques ou plus exactement la prohibition

1127 M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 184. 1128 M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 184.

1129 V. R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 72 : « Ce premier obstacle à la recevabilité des méthodes scientifiques est donc avant tout un problème législatif ; le juge ne semble pas avoir les moyens de le résoudre. S'il apparaît que certains procédés scientifiques sont utiles et ne heurtent pas les moeurs, c'est au législateur d'intervenir ».

1130 V. sur ce point et sur aveu involontaire en droit français: V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n°463, p. 319 : « Si la recherche de la preuve est au coeur de l'investigation policière, comme le rappelle l'article 14 du Code de procédure pénale, elle est gouvernée par le principe de la légalité qui interdit l'utilisation de certains procédés, largement attentatoires à certains droits et libertés fondamentaux de l'individu concerné. Les procédés comme l'hypnose, la narcose, le détecteur de mensonges sont des techniques qui permettent d'agir sur le consentement à parler de la personne en annihilant sa volonté »

1131 V. sur ce point : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 72 : « En dehors des textes précis, les principes généraux du droit fournissent d'autres limites à la recevabilité des méthodes scientifiques de preuve et ce sont, sans doute, les limites les plus graves. Certains procédés scientifiques intéressent en effet l'homme dans sa personne physique ou psychique ... Ce sont les procédés psychologiques ou physiologiques destinés à vérifier la véracité d'un aveu ou d'un témoignage ou même destinés à provoquer cet aveu ou ce témoignage, tel l'emploi des « sérums de vérité », scopolamine, penthotal, etc. Peut-on contraindre une partie au procès, un prévenu, un témoin à subir de tels examens, de tels traitements ? N'est-ce pas une atteinte aux droits de la personne humaine ? Question ardemment discutée qui a déjà été portée dans les enceintes judiciaires. Aux droits de l'individu on oppose les droits de la société, plus énergiques d'ailleurs en droit pénal qu'en droit privé. A la recherche de la vérité absolue on oppose le droit de l'accusé de mentir pour se défendre. Aux nécessités de la justice on oppose la crainte que des atteintes successives à la personnalité finissent par faire disparaître cette personnalité ».

de l'aveu provoqué par des procédés scientifiques est dû aux conditions nécessaires de l'aveu

1132

comme l'indique Mme Coralie Ambroise-Castérot

.

§ 1. Moyens d'obtenir la preuve qui vise à affaiblir et anéantir la volonté.

196. Procédé de preuve et volonté. Mme Coralie Amboise-Casterot affirme que « le procès pénal doit être conduit selon le respect de principes fondamentaux : respect de la dignité de l'individu et aussi de la justice, mais aussi respect du procès équitable. De plus, la procédure pénale doit répondre à l'exigence selon laquelle nul ne peut être contraint de participer à sa propre incrimination. Par conséquent, les policiers, le juge ou le Ministère public sont tenus

de rechercher la preuve loyalement. »

1133

. La preuve pénale, spécialement l'aveu, doit être

277

volontaire, ce qui désigne le rejet de tout moyen qui peut menacer la volonté de l'individu. L'usage des procédés scientifiques porte un risque considérable sur la volonté de l'individu

afin d'obtenir des éléments de preuve 1134 . Certains procédés scientifiques présentés comme de nouveaux outils pour produire des preuves probantes peuvent affaiblir la volonté individuelle de façon efficace, et peuvent même anéantir la volonté. Ce qui précède ouvre le débat sur la légalité des procédés utilisés et certainement sur la légalité d'un élément de preuve résultant

1135

.

d'un procédé scientifique qui a affaibli ou anéanti la volonté de l'individu qui a avoué

A. Preuve obtenue de l'emploi de la narco-analyse (sérum de vérité).

197. Que signifie le sérum de vérité. Il s'agit d'un anesthésique utilisé afin de produire une certaine réduction ou un dysfonctionnement sur le contrôle volontaire de la personne, ainsi que la suppression des entraves posées par son inconscient de façon qu'on puisse obtenir des

1132 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 35, p. 7 : « L'individu doit avoir la possibilité de se défendre comme il l'entend. Le droit au silence, qui lui est aujourd'hui reconnu constitue l'expression de cette liberté de choix dans sa défense. Provoquer son aveu en altérant ou en annihilant sa volonté et sa conscience contreviendrait à ses droits fondamentaux ».

1133 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 246-1, p. 173.

1134 V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 433, p. 293.

1135 V. Lesclous, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 71 : « Des procédés tels que l'hypnotisme, l'injection de narcotiques ou l'emploi de détecteur de mensonges, même avec le consentement de la personne concernée ou le concours d'un expert, sont nécessairement attentatoires à la dignité humaine ».

informations emmagasinées dans son inconscient, ce qui induit un état de sommeil ou de relaxation pour un certain temps où la volonté de la personne est anéantie sans que sa

1136

conscience ne soit affectée

. Or, sa résistance à dissimuler ce qu'elle ne veut pas divulguer

s'affaiblit. Ainsi, il sera facile de la pousser à faire des aveux car elle développe une volonté d'exprimer ses sentiments internes, le contrôle par l'accusé de sa volonté et de son choix est alors objet de dysfonctionnement, par conséquent, il avoue des propos qu'il ne veut pas divulguer grâce à ce procédé. On peut dire alors que l'utilisation du sérum de vérité dans l'interrogatoire et l'audition de l'accusé ou du suspect constitue à la fois une contrainte matérielle et morale à cause de l'injection de ce sérum dans le corps de l'accusé, l'exposant,

ainsi, au danger et exerçant indubitablement une pression morale sur sa volonté

1137

. De ce fait,

278

tout aveu résultant de l'utilisation de ce procédé ou de son effet est considéré comme aveu obtenu sous contrainte, ce qui est inacceptable et ne peut être pris pour une preuve pénale car incompatible avec le principe de la légalité des preuves et parce que dans un État de droit, la question de la preuve est nécessairement soumise au principe de légalité et au respect des droits fondamentaux qui gouvernent la recherche et la production des preuves. Concernant l'utilisation des anesthésiques, qui consiste à injecter au suspect un anesthésique appelé Penthotal ou sérum de vérité, une substance pouvant faire perdre à l'accusé le contrôle de sa volonté et l'induisant à parler sans contrôler les informations ni les aveux qu'il divulgue volontairement ou involontairement, il s'agit de l'évacuation involontaire des informations contenues dans l'esprit de l'accusé sans qu'il puisse les contrôler. Ainsi, la majorité de la doctrine considère que ce procédé transgresse le principe d'intégrité, loyauté et légalité dans la recherche, ainsi que les droits de l'accusé, notamment son droit à la défense, à la sécurité de son corps et d'avouer ce qu'il veut en toute liberté fondé sur le respect de son droit inné au silence et à l'utilisation de l'aubaine de conscience.

198. Nature de l'atteinte induite par l'utilisation de la narco-analyse. Au Liban, ce sujet ne revêt aucune importance d'un point de vue doctrinal, et est complètement négligé dans les ouvrages juridiques libanais. Le droit libanais n'y fait référence dans aucun texte juridique, et si nous le recherchons dans les livres libanais, nous ne pourrons que rarement trouver

1136 V. en ce sens : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 464, p. 319 : Narcose: « Il s'agit de provoquer un sommeil artificiel à l'aide de médicaments. L'utilisation de ce procédé est interdite car il vise à briser les résistances de l'individu à l'aide de la science, afin de l'obliger à avouer ».

1137 V. R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 70 : « Pour l'aveu ou le témoignage, des procédés psychologiques ou chimiques permettront d'en apprécier la véracité ou même de les obtenir par la contrainte ».

quelques idées traduites en arabe à partir de quelques avis de la doctrine française. Il est important de signaler qu'à ce jour, aucun système de sécurité libanais ou police judiciaire n'a avoué avoir utilisé le sérum de vérité dans une quelconque enquête judiciaire et aucun accusé

1138

n'a proclamé avoir subi un interrogatoire ou une audition avec le sérum de vérité

.

279

La position de la doctrine se divise, concernant la légalité de l'utilisation des anesthésiques dans les enquêtes criminelles, en deux courants :

Premier courant qui admet l'utilisation des anesthésiques. Ce courant doctrinal appuie le recours aux anesthésiques, mais cet appui n'est pas total et les partisans de ce courant ont émis des réserves. Certains d'entre eux pensent que ce recours ne doit être autorisé que dans certains crimes dangereux, comme les meurtres, incendies, obstructions de voies publiques, et les crimes qui menacent la sûreté et la sécurité de l'État1139, qu'il ne doit se faire que sur arrêt motivé pouvant faire l'objet de recours devant les juges, et que la procédure doit avoir lieu en

1140

présence de l'avocat de l'accusé. Nous leur répondons à ce propos que le principe fondamental de la preuve pénale est la liberté de choisir le moyen de preuve, et donc, il est illogique de consacrer des moyens de preuves spécifiques à certaines infractions car il s'agit d'une transgression de la règle de liberté de la preuve pénale, et il n'y a aucun motif justifiant de l'ajouter aux exceptions citées dans les Codes libanais et français dans le domaine de la liberté de la preuve. De plus, la gravité d'un crime ne justifie pas de sacrifier tous les principes juridiques généraux consacrés qui protègent les droits de l'homme, sa liberté et ses droits fondamentaux lorsqu'il fait l'objet d'une enquête pénale. D'autres avis et opinions doctrinaux ont exigé de ne pas avoir recours à cette méthode pour avoir des aveux de l'accusé ou connaître des données générales sur le crime, mais plutôt pour la recherche psychologique, c'est-à-dire pour démontrer la personnalité de l'accusé et dévoiler les différents mobiles

1138 V. sur la prohibition de l'interrogatoire sous penthotal : C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 37, p. 7 : « La narco- analyse, par emploi du penthotal ou sérum de vérité, duquel on doit rapprocher le procédé de recours à l'hypnose, vise à briser les résistances de l'individu à l'aide de la science, afin de l'obliger à avouer ».

1139 V. en ce sens : J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 528 : « La narco-analyse, écrit M. Graven à la fin de son étude précitée sur le problème des nouvelles techniques d'investigation au procès pénal, où il résume à ce point de vue l'opinion générale, ne devrait pouvoir être décidée que dans l'instruction judiciaire poursuivie sur des crimes graves de droit commun, comme le meurtre et l'assassinat, l'incendie et l'explosion, le brigandage, le viol, etc., et à l'encontre d'inculpés sur lesquels pèsent des charges sérieuses ne pouvant être infirmées ou confirmées par les procédés ordinaires ».

1140 J. Graven, « Le problème des nouvelles techniques d'investigation au procès pénal », in R.S.C., 1950, n° 3, pp. 312-357, V. spec. p. 326.

1141

intimes . Là aussi, cet argument paraît peu convaincant car la condamnation dans le

280

domaine pénal s'appuie sur la conviction du juge que l'accusé a commis le crime appuyé en cela par la preuve pénale, la pierre angulaire de cette conviction étant la preuve pénale correcte capable de convaincre le juge, c'est-à-dire que le juge focalise son jugement sur la conviction, elle-même basée sur la preuve et non sur des motifs psychologiques ou sur les études de criminologie ou de pénologie (science pénitentiaire). La doctrine pénale s'est arrêtée à ce que le motif amenant à commettre le crime ne soit pas pris en compte car il fait partie des mobiles qui n'influent pas sur la vérité de la perpétration du crime et sa sanction. Ainsi, utiliser cet argument pour justifier le recours au sérum de vérité est réfuté et inadmissible car il ne revêt aucune conviction rationnelle.

Deuxième courant qui n'admet pas l'utilisation des anesthésiques. Ce courant doctrinal refuse le recours à la narco-analyse 1142 dans les enquêtes criminelles 1143 , et ce courant est celui

1144

de la majorité de la doctrine française et de la doctrine égyptienne en général auxquelles on

a eu recours puisque la doctrine libanaise n'accorde pas autant d'importance à cette

vu qu'il respecte les droits de l'homme et

11451146

question. Nous le soutenons sans hésitation

1141 P. Bouzat, « Les procédés modernes d'investigation et la protection des droits de la défense », Cinquième Congrès international de droit comparé, Bruxelles, 4-9 août 1958, in R.S.C., 1958, n° 2, avril-juin, Supplément, p. 3-15, V. spec. p. 12.

1142 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « Le deuxième Congrès international de défense sociale, tenu à Liège en octobre 1949, a voté à la majorité la résolution suivante : Le Congrès condamne la narco-analyse sous toutes ses formes, de même que toutes les méthodes provoquant une modification de l'état de conscience comme moyen d'investigation judiciaire », tout en l'admettant « comme moyen thérapeutique employé par le médecin traitant lié par le secret professionnel ».

1143 V. sur ce point : Intervention de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. Alfredo Molinario précisément p. 533 : « Je m'oppose formellement à l'emploi de ce sérum comme moyen d'investigation de la procédure pénale parce qu'il ne faut pas oublier, au point de vue juridique, que si l'aveu est un fait, lorsque la loi reconnaît ce fait pour lui accorder un effet juridique, ce fait se transforme en un acte juridique, et cet acte juridique ne peut avoir de valeur que lorsque la partie, qui l'a fait, a agi en pleine conscience et pleine liberté. La règle sur la théorie générale des actes juridiques est, applicable à l'aveu de l'inculpé. Son aveu est un acte juridique comme n'importe quel autre : dès lors pour qu'il ait une valeur légale, il faut absolument qu'il soit conscient et libre comme tous les actes juridiques ».

1144 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « L'Académie de médecine de chez nous s'est prononcée à l'unanimité le 22 mars 1949 contre l'emploi du prétendu « sérum de la vérité » dans les expertises judiciaires (Bulletin de l'Académie, 1949, p., 266). De même le Conseil de l'Ordre des avocats de Paris s'est élevé contre l'emploi de la narco-analyse comme moyen d'obtenir l'aveu dans le procès pénal, sur le rapport de Me Coulhac-Mazérieux, le 13 juillet 1948 {Gaz. Pal., 21-23 juillet 1948) ».

1145 V. l'avis de la doctrine égyptienne en langue arabe : M. Mustapha, Explication de la procédure pénale, 12e éd., imprimerie de l'université du Caire, 1988, p. 303 ; A. Fathi Srour, L'intermédiaire dans la procédure pénale, imprimerie de l'université du Caire, édition 1979, tome 1, pp. 524-425 ; A. Abdarrahim Othmane, L'expertise

ses libertés fondamentales consacrés par la loi et les conventions internationales. Le recours à la narco-analyse ou au sérum de vérité est refusé par la doctrine française. Mme Haritini Matsopoulou considère que l'emploi de la narco-analyse comme moyen d'obtenir l'aveu dans le procès pénal est « incompatible avec les droits de la défense - qui impliquent un droit au silence, ainsi qu'un droit au mensonge et à la simulation -, et même il constitue une atteinte à

l'intégrité corporelle, puisqu'il faut administrer une piqûre à l'intéressé »

1147

. Mme Michèle-

281

Laure Rassat souligne que l'utilisation de la narco-analyse dans la recherche de la preuve est

inadmissible parce que le suspect ou l'accusé a le droit de mentir 1148 . Les principes de liberté et de légalité sont le fruit du développement des sociétés modernes et il faut y rester attaché

1149

car elles sont inviolables sous quelque prétexte ou raison que se soit . Certains partisans de ce courant ont considéré le recours à cette méthode comme une forme de contrainte matérielle pour l'accusé qui la subit, et certains l'ont considéré comme une contrainte matérielle et

1150

morale à la fois.

dans les affaires pénales. Etude comparative, Thèse de droit, le Caire 1964, p. 167 ; M. Najib Hosni, Explication de la procédure pénale, 3e éd., Dar Ennahda el arabia, 1998, p. 585 ; S. Sadek El Malla, L'aveu de l'accusé, édition 1986, pp. 177-178 ; H. Sadek El Merssafaoui, L'enquêteur pénal, Dar manchaat el maaref, édition 1996, p. 78 et s. ; A. Khalil, L'aveu de l'accusé doctrinalement et juridiquement, Dar el kotob el kanounia, 2004, p. 98 ; I. El Ghemaz, Le témoignage comme preuve en matière pénale, alem el kotob, 1980, p. 258 ; A. Mohamed Khalifa, « Le sérum de vérité et le détecteur de mensonges », in Magazine pénale nationale, Egypte, premier numéro-Mars 1958, p. 95.

1146 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « D'une façon générale la narco-analyse, la narco-enquête comme on l'a appelée quelquefois, est repoussée dans l'instruction judiciaire en tant que procédé d'interrogatoire à l'effet d'obtenir des aveux ».

1147 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 890, p. 720.

1148 V. M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 254, p. 263 : « C'est ainsi que le droit français a toujours refusé d'utiliser le polygraphe ou prétendu détecteur de mensonge. Cet appareil d'enregistrer les modifications subies par diverses fonctions physiologiques de l'individu interrogé. Il serait censé signaler les mensonges commis qui seraient la source d'une agitation du sujet perceptible par l'appareil... Même fiable, au surplus, l'appareil aurait l'inconvénient de révéler des signes qui ne sont pas sous la domination de la volonté du sujet interrogé ce qui est contraire au droit élémentaire de se défendre et même de mentir pour assurer sa défense. C'est la même idée qui conduit à repousser l'utilisation de la narcose pour procéder à un interrogatoire. Abolissant la volonté du sujet celle-ci aurait pour effet de le priver de la faculté de mentir ce qui est, en soi inacceptable surtout combiné avec la remarque que ce prétendu « sérum de vérité » apparaît parfois comme un « sérum de déballage » où l'individu révèle des choses ne correspondant par forcément à ce qui est exact. ... Il nous paraît certain, en tout hypothèse, que ce n'est pas le procédé de l'hypnose, lui-même qui est, en soi, condamnable, mais son utilisation pour rechercher des preuves pénales spécifiquement identifiées (interrogatoire et, selon la jurisprudence témoignage)».

1149 V. en ce sens : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 467, p. 321 : « En ce qui concerne ces procédés scientifiques, le polygraphe et le « sérum de vérité » : L'utilisation de ces procédés porterait atteinte à la dignité de la personne humaine et au principe de loyauté dans la recherche des preuves, en annihilant sa volonté par le biais de son consentement à parler et le contrôle de soi. L'aveu pour être exploitable doit être libre. Le suspect ne doit pas devenir un simple instrument destiné à livrer des aveux par des méthodes censées agir directement sur sa volonté, sur son consentement à parler »

1150 V. sur ce point : W. P. J. Pompe, « La preuve en procédure pénale », in R.S.C., 1961, p. 274. : « Même si la

199. Les critiques juridiques de cette méthode. M. Alec Mellor soulève une critique immanente qui nous semble assez complète et ferme « c'est en dehors de l'accusé qu'il faut

1151

découvrir les preuves »

. Le consentement préalable et libre de la personne concernée pour

282

être soumise à l'utilisation de sérum de vérité ne peut plus être une excuse pour violer les

droits humains et fondamentaux 1152 . Cette méthode ne respecte pas la personnalité1153 de l'être

1154

humain, et comprime sa liberté d'exprimer sa volonté. La personne peut réfuter l'accusation qui lui est reprochée ou se justifier ou se défendre, étant dans un état où il lui est difficile de se concentrer et d'avoir les idées claires pour choisir volontairement ce qu'elle veut dire pouvant influer sur la justesse de ses aveux et anéantir ses garanties à choisir et présenter sa défense. Et ceci constitue une atteinte inadmissible à la liberté personnelle de l'individu qui est sous l'effet de cette méthode, et une atteinte à sa dignité, du fait que cette méthode vise à lui soutirer des informations confidentielles au lieu que celles-ci émanent de lui volontairement dans les situations normales de l'enquête. En plus, l'utilisation de cette méthode renferme une contrainte matérielle qui gène la liberté de l'accusé pour se défendre et organiser cette défense comme d'utiliser son droit de citation qu'il doit exercer lors de son interrogatoire. Les aveux et informations qu'il fait sous l'effet de cette méthode doivent être considérés comme nuls et il ne faut pas leur donner la moindre valeur juridique ni les

contrainte envisagée n'implique aucune torture physique, elle enlève à l'inculpé sa liberté humaine. Ainsi, cette trouvaille de la science moderne, la narco-analyse, le soi-disant sérum de vérité, est interdit. Le "détecteur de mensonge" me paraît également interdit : cette détection du mensonge implique un quasi-cambriolage dans le for intérieur de l'inculpé. En dépit de leur aspect scientifique, ces méthodes modernes présentent les mêmes inconvénients que le banc de torture de jadis. Elles ne respectent pas la dignité de l'homme qui y est considéré comme un objet, et elles n'offrent aucune garantie quant à la véracité de l'aveu [...] » ; V. en langue arabe : S. Hamad Salah, Les garanties du droit de l'accusé à se défendre devant la cour pénale, Thèse de droit, Université Ain chams (Egypte), 1997-1998, p. 338 ; A. Abdarrahim Othmane, L'expertise dans les affaires pénales. Etude comparative, Thèse de droit, le Caire (Egypte), 1964, p. 167.

1151 A. Mellor, Les grands problèmes contemporains de l'instruction criminelle, Domat-Montchrestien, 1952, p. 75.

1152 V. sur en ce sens sur le consentement de la personne concernée sur l'utilisation de Penthotal ou sérum de vérité: C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 38, p. 7 : « Le consentement d'un individu en situation de faiblesse, puisqu'il est le sujet de la procédure, ne saurait être regardé comme excusant une telle violation des libertés et droits fondamentaux de l'individu (dans le cas contraire, pourquoi ne pas admettre un consentement à la torture ?). Il est des droits et libertés qui ne se négocient pas et qui ne sauraient souffrir la moindre violation ».

1153 V. Intervention de M. René de Sola, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. René de Sola p. 535 : « on doit considérer, d'une part, l'aspect de protection de la société, d'autre part, l'aspect de protection de la personnalité humaine »

1154 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 466, p. 414 : «... est à rejeter l'emploi de procédés scientifiques pouvant porter atteinte à l'intégrité de la personne ».

1155

considérer comme des preuves dans la citation. Ces aveux doivent être écartés de

283

l'évaluation de l'autorité des juges du fond, et le principe de la liberté du juge pénal de construire sa conviction pour juger l'affaire ne peut justifier leur admission. Il ne faut pas

davantage autoriser l'utilisation de cette méthode même si l'accusé la demande 1156 dans une tentative de prouver son innocence, car cela touche aux valeurs humaines de l'individu. Son

utilisation dans les enquêtes, même sur demande de l'accusé ou du suspect 1157 , en ferait

1158

graduellement une méthode acceptable pour certains, et à force de répéter son utilisation, elle deviendrait acceptable de façon indirecte car elle créerait la présomption que tout accusé qui ne proposerait pas spontanément ou volontairement d'y être soumis aurait peur qu'on

découvre qu'il a commis le crime 1159 . Cette présomption serait le coup de grâce porte au droit de défense comme concept et qui est un droit consacré dans sa forme actuelle, et constituerait

1155 J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « les aveux obtenus à l'aide de la narcose me paraissent dépourvus de valeur légale et ne peuvent être retenus comme preuve judiciaire, pas plus que ne peuvent l'être les aveux extorqués à l'aide de la torture. Non pas que l'application de ces substances à l'aide d'une piqûre provoque une souffrance physique appréciable et de très loin comparable à celle résultant de la torture, mais parce que dans l'un et l'autre cas l'aveu ne résulte pas d'une volonté consciente et libre ».

1156 V. sur ce point : Intervention de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. précisément p. 532 :« Je crois que tout ce qu'on dit à propos du consentement de l'inculpé pour l'application de ce sérum de vérité n'a aucune valeur juridique parce que l'inculpé ne peut pas disposer des garanties constitutionnelles qui doivent entourer sa défense. Ces garanties appartiennent à la société tout entière et non pas à lui seul ; il n'a pas le droit de renoncer à ses immunités .... Je crois que la législation procédurale doit s'orienter sur cette ligne générale ; il faut cependant diminuer le rôle de l'aveu sans arriver à le supprimer totalement. Je crois qu'un aveu sincère, spontané, rehausse la dignité humaine ».

1157 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « On est à peu près d'accord pour reconnaître qu'il n'existe pas de « sérum de la vérité » et qu'il faut se garder d'avoir recours à ce prétendu sérum, même du consentement de l'inculpé ».

1158 V. Intervention de M. René de Sola, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. René de Sola p. 535 : « il était très délicat de fixer, de façon satisfaisante, les véritables limites de ces deux protections, protection de la société et protection de la personnalité humaine ; lorsqu'on soumet l'individu à des interrogatoires, à des moyens contraires à la dignité humaine, on peut bien, ce faisant, croire protéger la société, mais il est indigne de la société elle-même de recourir à de tels moyens ».

1159 V. sur ce point : J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. pp. 528-529 : « On exigerait le consentement de l'inculpé. Mais puisque le procédé est bénin, sans souffrance appréciable et sans entraîner de suites fâcheuses pour la santé, comment pourrait-il dépendre de cet inculpé de son application étant donné le droit supérieur de la Société à établir sa culpabilité ? Que si l'inculpé refusait, avec le système de l'intime conviction du juge, ne pourra-t-il pas entraîner dans l'esprit de ce dernier une certaine présomption de culpabilité et ne sera-t-il pas porté à voir dans ce refus une sorte d'aveu tacite ? ».

200.

un passage spontané d'un système qui glorifie le droit de défense à un système qui oblige

1160

l'accusé à témoigner contre sa propre personne

.

284

L'aveu résultant de l'effet des anesthésiques. L'utilisation de cette méthode fait perdre à la personne sa capacité de choisir et son contrôle volontaire, ce qui la rend plus encline à l'insinuation et à vouloir avouer et exprimer ses sentiments. Et vu que ces substances diminuent le contrôle de la personne sur sa volonté, et gênent la faculté d'attention chez elle, la poussant à parler sans retenue et involontairement contrariant sa libre volonté, le désaccord naît de l'illégalité de cette contrainte matérielle... donc les aveux qui en résultent sont inacceptables, car ils ne sont pas faits de façon libre 1161 et sont involontaires 1162 . La majorité de la doctrine considère que l'aveu de l'accusé sous l'effet du sérum de vérité n'est pas accepté comme preuve. A partir de là, nous réalisons que cette méthode ne peut absolument pas être utilisée dans le droit libanais : premièrement, parce qu'elle est en contradiction avec tous les principes juridiques reconnus dans le droit libanais, et deuxièmement : parce qu'elle constitue une contrainte matérielle et morale, annulant ainsi toute preuve qui en découlerait directement ou sous son effet et qui sera en contradiction avec le principe de la légalité de la preuve pénale. On ne peut compter sur cette preuve comme preuve productive et ayant une valeur probante dans la preuve pénale et bien entendu parce que le droit libanais ne contient aucun texte juridique garantissant une couverture légale qui légalise ou autorisant l'utilisation du sérum de vérité.

201. Notre avis sur la question. Il faut d'abord commencer à dire que des questions sur la

1163

certitude

et la fiabilité1164 de preuves résultantes1165 de l'utilisation de la narco-analyse1166,

1160 V. en ce sens : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 464, p. 319 : « L'aveu, pour être pris en compte, doit avoir été librement consenti, l'individu doit être en pleine possession de ses moyens intellectuels ».

1161 V. Intervention de Mlle Lila Prati, (avocat à Montevideo), « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de Mlle Lila Prati p. 538 : « Les sérums de vérité, le penthotal, le nesdonal, la narco-analyse, ou toute autre méthode ayant pour but de faciliter l'aveu ou de le provoquer et ayant effet sur l'esprit de l'accusé, limitant la plénitude de sa liberté morale par l'affaiblissement de sa volonté, ne peuvent pas être admis dans le système de notre procédure criminelle parce qu'ils sont contraires aux règles et aux principes exposés sur l'aveu. Un aveu, ainsi obtenu, n'aurait pas de valeur légale parce qu'il n'est ni libre ni volontaire ».

1162 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V. spec. p. 379.

1163 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418 : « Le narco-interrogatoire (narco-audition), qui tend à l'obtention d'aveux est d'une efficacité réduite : l'aveu ne peut être obtenu avec certitude et celui qui est obtenu n'est pas forcément vrai si l'on songe à l'existence d'un phénomène d'auto-accusation ».

ce qui marque un manque de confiance 1167 concernant l'utilisation de cette moyenne 1168 . Nous

pensons que l'utilisation de la narco-analyse sur l'accusé afin d'obtenir l'aveu est

condamnée

1169

car elle constitue en même temps une agression matérielle et morale à son

285

encontre. Cette méthode constitue une agression matérielle pour celui qui la subit, à savoir que l'injection laisse une cicatrice à cause de l'aiguille de l'injection, et il ne fait aucun doute que cette blessure touche à l'intégrité physique de l'accusé, et lui inflige un mal corporel, et ceci est suffisant pour considérer l'utilisation du sérum de vérité comme une contrainte matérielle

qui pousse l'accusé à avouer 1170 . D'autre part, injecter des anesthésiques à l'accusé perturbe le bon fonctionnement des organes du corps, car l'utilisation de substances induit au changement de la tension artérielle, des battements de coeur, dilatation des pupilles, et d'autres effets néfastes. En outre, il lève, ou au moins affaiblit la barrière entre le conscient et l'inconscient et

la personne se retrouve dans un état oscillant entre le conscient et l'inconscient, 1171 bien loin

1164 V. C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 236, p. 164 : « Il faut convenir qu'un éventuel aveu fait sous penthotal ne constitue nullement la garantie d'obtention de la vérité. ».

1165 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 39, p. 7 : « il faut convenir que la reconnaissance des faits obtenue par narcose n'est en aucun cas une garantie d'obtention de la vérité matérielle ».

1166 V. Rapport de M. Christo P. Yotis, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 788-789, V. spec. p. 789 : « Les progrès des sciences positives ont apporté récemment un nouveau procédé d'investigation, la narco-analyse. Sans entrer ici dans la discussion de l'admissibilité de ce procédé en matière répressive, je me demande : ce procédé peut-il permettre d'obtenir un « aveu » au sens généralement connu du mot ? ».

1167 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418 : L'obtention scientifique d'indices : « Le premier obstacle touche à la fiabilité des moyens scientifiques. Tous les procédés modernes sont-ils susceptibles d'une égale et totale confiance ? Certes non ».

1168 V. R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. pp. 74-75 : « il semble douteux que les procédés de narco-diagnostic ou de narco-analyse permettent de découvrir de façon absolue -- dans l'état actuel de la science -- la véritable pensée d'un témoin ou d'un prévenu. Leurs résultats, pour précieux qu'ils soient, ne s'imposent donc pas au juge ».

1169 V. en même sens : J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « La narco-analyse en tant que narco-enquête à l'effet d'obtenir l'aveu de la culpabilité paraît donc généralement condamnée et c'est ce qui nous intéresse dans la question de l'aveu en procédure pénale ».

1170 V. en ce sens: J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 26 : « La loyauté implique également toute exclusion de procédés attentant à la liberté (narco-analyse, torture, interrogatoires captieux...) ».

1171 V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p. 77 6: « On ne peut pas dire, en effet, que l'aveu est conscient à travers l'emploi de substances, comme le penthotal, qui, en dissociant la zone corticale du cerveau des centres inférieurs, rendent physiologiquement et psychiquement impossible l'exercice de ces fonctions d'attention et

du contrôle intellectuel individuel conscient, ce qui lui cause un handicap momentané durant

1172

toute la période d'anesthésie

. Ceci signifie que l'accusé avoue involontairement sous

286

l'effet du sérum de vérité et ceci constitue une atteinte à la liberté de choisir de l'accusé des termes de sa déposition lors de l'enquête ou de l'interrogatoire 1173 , et donc son aveu ne peut

être considéré comme légitime ou acceptable comme preuve correcte et productive 1174 . Quant au préjudice moral causé par l'injection d'anesthésiques à l'accusé, il réside à notre avis dans ce qu'induit la narco-analyse de privation de l'accusé qui la subit de sa volonté. En outre, elle lui fait perdre le contrôle sur son cerveau et sa conscience et gêne sa faculté de concentration, il se met donc à parler sans se contrôler, et il ne fait aucun doute que ceci constitue une humiliation et une atteinte à la dignité de l'homme car ceci est, sans nul doute, une violation de la volonté de la personne interrogée et une infiltration de ses pensées et de son inconscient d'une façon inacceptable humainement. Le moins que l'on puisse en dire est que c'est un mode de preuve illégitime que les hommes ne sauraient utiliser et qui est inacceptable. Voire plus, car la narco-analyse constitue une atteinte à l'intégrité des personnes 1175 , mais aussi une atteinte à l'homme, car elle pénètre au plus profond de lui, dans une partie de sa personne qui ne devrait concerner que lui et ne devrait sortir que conformément à sa propre volonté directe et spontanément. L'utilisation de cette méthode peut être considérée comme une ingérence

1176

dans les hautes fonctions du cerveau humain . On peut ainsi conclure que ce n'est pas

d'inhibition qui constituent précisément la conscience psychologique. On ne peut pas dire non plus que soit libre, juridiquement parlant, l'aveu provoqué au moyen de tels procédés ou substances ».

1172 V. sur ce point en langue arabe (doctrine égyptienne) : H. Mahmoud Ibrahim, Les moyens scientifiques modernes dans la preuve pénale, Dar Ennahda El arabia, 1981, pp. 147-148.

1173 V. sur ce point : C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 39, p. 7 : « L'aveu doit toujours être librement consenti : il doit être donné alors que l'individu est en pleine possession de ses moyens intellectuels ».

1174 V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p. 775 : « Donc, raisons juridiques et motifs d'ordre pratique nous décident à nous prononcer catégoriquement contre remploi de procédés hypnotiques de narcotiques ou de stupéfiants pour capter l'aveu des inculpés. Il semble inutile d'ajouter que, dans notre opinion, un aveu obtenu grâce à l'emploi de tels procédés et substances manque de toute valeur probatoire ».

1175 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « en dehors de leur incertitude, ces procédés abolissent à peu près complètement chez l'individu qui y est soumis sa personnalité consciente, même parfois après le réveil ; ils portent atteinte à l'intégrité de la conscience et de la volonté. On a ainsi pu parler, d'une façon peut-être exagérée, de l'effraction des consciences ».

1176 V. R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953, pp. 69-75, V. spec. p. 75 : « En conclusion, il apparaît que les juristes se doivent d'utiliser, en principe, toutes les méthodes scientifiques de preuve qui leur permettent, de se rapprocher, sinon toujours d'atteindre, la réalité, la vérité. Mais ils doivent le faire avec circonspection. Non seulement parce que la science n'aboutit pas du premier coup ni toujours à des résultats absolument certains, mais aussi parce que ces résultats doivent être écartés lorsqu'ils risquent de porter atteinte à des principes supérieurs de morale ou d'ordre social, notamment

possible de considérer la narco-analyse comme un moyen de recherche de preuve car elle appartient aux procédés illégaux non compatibles avec le principe de la légalité des moyens de preuve pénale.

B. Éléments de preuve obtenus sous hypnose.

202. Que signifie l'hypnose? C'est une opération artificielle de provocation de sommeil de certaines facultés apparentes du cerveau. C'est une opération suggestive utilisée par l'hypnotiseur pour donner des ordres à la personne endormie, pour la priver de sa volonté et son autocontrôle, sous l'effet de sa domination par l'hypnotiseur qui prend le contrôle de son inconscient pour accéder, ainsi, à ses contenus. En d'autres termes, les aveux de l'hypnotisé émanent de son inconscient, et donc, l'interrogatoire de l'accusé pour l'inciter à faire des aveux est une sorte de contrainte matérielle contre lui. L'hypnotiseur devient le dominateur de l'hypnotisé, car ce dernier est souvent soumis à l'exécution des ordres donnés par l'hypnotiseur. Les réponses de l'hypnotisé ne sont que l'écho de la suggestion de l'hypnotiseur. L'hypnose a un passé historique, en effet, les prêtres traitaient les malades mentaux à l'époque à travers la suggestion et la longue invocation des dieux, cette méthode était appelée « le sommeil de la chapelle ». Le savant anglais James Braid est le premier à

1177

.

avoir utilisé le mot hypnose en 1843

203. Définition de l'hypnose. L'hypnose

1178

est une sorte de sommeil de certaines facultés

1179

.

287

apparentes du cerveau. Elle se fait artificiellement par la suggestion du sommeil L'hypnose s'effectue à travers les réflexes conditionnels concernant le sommeil qui sont ancrés dans l'esprit de l'homme depuis son enfance, en dormant sur le dos avec la suppression de toutes les causes de souci avant son hypnose. Par la suite, son hypnotiseur commence à lui insinuer de dormir de façon graduelle, alors, il répond effectivement et il devient

aux droits les plus élevés de l'homme. Le droit a pour mission de protéger l'individu avant même de rechercher la vérité. Le juriste doit donc conserver tout son esprit critique et apprécier en toute liberté les résultats que lui fournissent les méthodes scientifiques ».

1177 V. en langue arabe : A. Elkadi, « L'interrogatoire inconscient », in Revue de la sécurité publique, Égypt, 8 juillet 1965, numéro 30.

1178 V. sur l'hypnose : V. J. Susini, « L'hypnose d'investigation : des faits troublants ou prodromatiques? (les contenus nouveaux de l'enquête spécifique de police)», in R.S.C., 1986, pp. 915-920.

1179 A. Mellor, «Vers un renouveau du problème de l'hypnose en droit criminel?», in R.S.C., n° 2 avril - juin 1958, pp. 373 et s.

288

1180

hypnotisé. Selon Mme Haritini Matsopoulou, « en ce qui concerne les méthodes utilisées pour l'interrogatoire, une chose est certaine : ni le juge ni les policiers ne sauraient procéder sous la suggestion de l'hypnose. Ce que l'on cherche, grâce à cette technique, c'est à sonder

1181

le for intérieur de l'interrogé. ».

204. L'utilisation de l'hypnose dans l'enquête pénale. Comme résultat de l'hypnose, la personne devient incapable de contrôler sa volonté de façon que l'inconscient la prédomine. Alors, l'hypnotiseur lui pose n'importe quelle question et elle répond sans aucune discrétion 1182 . Quant à l'hypnose qui consiste à la provocation du sommeil chez le conscient de l'accusé ou du suspect de façon qu'ils répondent aux questions posées par l'hypnotiseur, l'avis répandu parmi la doctrine et de la jurisprudence tend à refuser l'utilisation de cette méthode en vue d'élucider l'infraction, car elle constitue une atteinte aux droits de l'homme en général et aux droits de l'accusé à l'autodéfense en particulier ; de même, c'est une méthode de contrainte qui prive l'homme de sa libre volonté 1183 . Dans une affaire américaine, cette méthode a été utilisée auprès d'une personne accusée d'avoir assassiné son père et sa mère avec un marteau, et qui, lors de son interrogatoire, a insisté sur sa non-perpétration du crime. Alors, la police a convoqué un psychologue qui est resté avec l'accusé dans une pièce équipée de microphones, le psychologue a hypnotisé l'accusé, puis lui a insinué qu'il avait tué

1184

.

son père et sa mère avec un marteau, l'accusé a reconnu avoir commis son crime

205. Nature de l'atteinte causée par l'utilisation de cette méthode. La doctrine semble être unanime quant au rejet de l'utilisation de l'hypnose auprès des accusés lors de l'interrogatoire, le Professeur Graven s'oppose à l'idée de recourir à cette méthode pour obtenir des aveux des

accusés 1185 , car l'hypnose est un acte illicite qui prive l'accusé de sa volonté et constitue une

1180 V. en langue arabe : A. Mohamed Salem Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête préliminaire. Étude comparative de la législation Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université Ain Chams (Égypt.), 2000, p. 244.

1181 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 883, p. 714.

1182 V. en langue arabe : A. Mohamed Salem Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête préliminaire. Étude comparative de la législation Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université Ain Chams (Égypt.), 2000, p. 244

1183 V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952. pp. 769-776, V. spec. p. 77 6: « Dans l'aveu obtenu par des moyens d'hypnose ou par des stupéfiants, la conscience et la liberté de l'inculpé brillent par leur absence ».

1184 V. en langue arabe : S. Sadek El-Malla, L'aveu de l'accusé, édition 1986, pp. 166-167.

1185 J. Graven, « Le problème des nouvelles techniques d'investigation au procès pénal [aveu, narco-analyse] », in R.S.C., 1950, n° 3, pp. 312-357, V. spec. pp. 314 et s.

1186

atteinte à son droit à la défense tout comme la torture . Certains juristes considèrent

289

l'hypnose comme une contrainte matérielle contre l'accusé, car l'hypnotisé est assujetti à la

1187

.

domination et à la merci de son hypnotiseur. Sa réponse est l'écho de ce qui lui est insinué

En outre, l'hypnose est un moyen pour subjuguer la volonté et pour la désactiver, et constitue

. D'autres

1188

une agression contre la sécurité du système nerveux et sensoriel lui étant soumis

estiment que l'hypnose implique, en fait, l'atteinte à la liberté psychique et la sécurité

1189

.

corporelle de l'hypnotisé à l'instar des anesthésiques

206. Impact de l'hypnose sur la volonté. L'hypnose est considérée comme une contrainte morale de l'hypnotisé. L'hypnose de l'accusé pour son interrogatoire à ce moment-là en vue d'obtenir des aveux est une procédure illégale, car l'accusé est soumis à l'effet de son hypnotiseur, alors sa réponse est l'écho de ce dernier, et l'hypnotisé est contraint matériellement à ses actes. A cet effet, il est interdit tout recours à l'hypnose lors de l'interrogatoire. L'enquêteur ou le juge n'ont pas le droit d'hypnotiser l'accusé pour obtenir de cette façon des aveux que l'accusé aurait refusé de révéler dans son état naturel lorsqu'il jouit de sa libre volonté et du contrôle de toutes ses facultés mentales. Les propos et les aveux émanant de l'accusé par le biais de l'hypnose ne revêtent aucune valeur et ne peuvent pas être pris en considération, car l'hypnose figure parmi les actes illicites exactement comme la torture qui lui ôte sa volonté et enfreint la liberté d'autodéfense. Dans une affaire judiciaire en Italie, l'accusé fut hypnotisé lors de l'interrogatoire de la police à Milan en 1947, et avait

1190

.

reconnu avoir commis le crime. Or, le tribunal n'avait pas pris cet aveu en compte

207. Impact de l'approbation de l'accusé de se soumettre à l'hypnose. Parmi les questions qui ont fait couler beaucoup d'encre, le cas du consentement de l'accusé ou du suspect à être

1186 A. Mellor, « Vers un renouveau du problème de l'hypnose en droit criminel? », in R.S.C., Paris, Nouvelle série n° 2 (avr.-juin 1958), pp.371-378, v. spec. p. 373.

1187 V. en langue arabe : M. Mostafa, Explication du code de procédures pénales, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, p. 303 ; M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1998, p. 585 ; A. Mohamed Salem Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête préliminaire. Étude comparative de la législation Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université Ain Chams (Égypte), 2000, p. 344.

1188 V. en langue arabe : H. Essmni, Légalité des preuves prises de moyens scientifiques, Thèse de droit, Université du Caire (Égypte), édition 1983, p. 356.

1189 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, L'intermédiaire dans le code de procédures pénales, imprimerie de l'université du Caire, édition 1996, p. 425.

1190 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 377.

interrogé sous l'effet de l'hypnose. D'aucuns pensent qu'il n'y a aucune objection légale contre l'hypnose de l'accusé pour le soumettre à l'interrogatoire, s'il accepte ou la demande lui-même librement. Il serait plutôt injuste de refuser la demande de l'accusé qui pourrait être

1191

en sa faveur

, d'autant plus s'il peut prouver son innocence via l'hypnose. Dans un

290

jugement prononcé par le tribunal allemand de Hamn, le tribunal a jugé que les aveux ou les simples propos émanant de l'accusé sous l'effet de l'hypnose ne peuvent pas être admis dans les procédures du jugement visant à l'établissement de la vérité, même si c'est l'accusé qui l'avait réclamée, sinon le moindre échec de cette méthode pour obtenir des aveux concernant sa perpétration du crime serait une preuve de son innocence. L'accusé a le droit de faire ses

. M. Jean

1192

aveux en toute liberté sans être contraint par la force de ces méthodes coercitives

1193

.

Pradel affirme clairement qu' « une preuve ne peut être obtenue au moyen d'une atteinte à l'intégrité physique ou morale de la personne, même si celle-ci donne son consentement »

Enfin, M. Jamal Moustapha estime qu'il est interdit d'utiliser l'hypnose lors des procédures pénales, même avec le consentement de l'accusé ou du suspect car son consentement pourrait être dû à sa crainte qu'on considère son refus de se soumettre à cette méthode comme une preuve de sa culpabilité. Ajouté à cela que le consentement de l'accusé n'a aucune valeur légale puisque l'accusé ne peut pas renoncer aux garanties constitutionnelles qui protègent son exercice des droits de la défense. Ces garanties ne le concernent pas lui seul mais concernent également la société. La société a le droit de garantir la sécurité du corps de l'être humain, du fait que ce dernier en est membre. Cela dit, il ne faut pas considérer son refus comme une raison pour autoriser l'atteinte à son corps. Par ailleurs, le consentement préalable de la personne objet d'interrogatoire ne peut pas être pris en considération, car elle ignore sur quoi elle a consenti du moment qu'elle ne l'avait pas expérimenté avant son consentement. De plus, elle ne pourra pas prévoir ses sentiments sous l'effet de l'hypnose, et ne pourra, donc,

pas garder ses secrets personnels qui doivent être respectés 1194 . On devrait oeuvrer pour appuyer ces droits afin d'assurer un procès équitable et loyal pour l'accusé, car le fait

1191 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V. spec. p. 378.

1192 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V. spec. p. 378.

1193 J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 26.

1194 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V. spec. p. 378-379.

291

d'accepter d'exercer cette méthode anormale qui s'oppose à la nature humaine et sa dignité signifie que nous soutenons la violation des droits de l'homme et du principe de la légalité de la preuve pénale, chose que nous refusons catégoriquement.

208. L'utilisation de l'hypnose en droit libanais et français. En droit libanais, la question ne s'est pas encore posée dans la jurisprudence libanaise. En droit français, Mme Coralie Ambroise-Castérot se montre ferme vis-à-vis de l'utilisation de l'hypnose « l'hypnose, pas

. L'utilisation de

1195

plus que le penthotal, ne saurait être un moyen légal d'investigation »

l'hypnose en procédure pénale pose un problème : d'une part, en ce qu'elle met un individu dans une situation dont il n'a plus aucune maîtrise et, d'autre part, en ce qu'elle est un moyen encore expérimental et incertain de remémoration. Elle soulève donc des difficultés, aussi bien par rapport à l'impératif de respect des droits des personnes que par rapport à l'objectif de

recherche de la vérité, qui sont, l'un et l'autre, inhérents à la preuve pénale 1196 . La question qui se pose est alors la suivante : le fait de soumettre une personne à l'hypnose lors d'une enquête

1197

pénale est-il qualifié d'illégal par la jurisprudence française? Un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation française a considéré que « si le juge d'instruction peut, en application de l'article 81 du Code de procédure pénale, procéder ou faire procéder à tous actes d'information utiles à la manifestation de la vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves. Viole les dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et compromet ainsi l'exercice des droits de la défense l'audition effectuée par les gendarmes, sur commission rogatoire, d'un témoin placé, avec son consentement, sous hypnose, par un expert désigné par le juge

1198

d'instruction »

. La chambre criminelle française considère implicitement que l'hypnose en

1199

.

tant que moyen de preuve dépasse la frontière de la légalité de la recherche des preuves

1195 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 237, p. 165.

1196 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in D., 2001, p. 1340.

1197 V. sur ce point : C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 44, p. 8 : « En matière d'hypnose, on est confronté à la même difficulté que pour la narcose. L'hypnose peut-elle être utilisée comme moyen d'investigation lors d'une enquête pénale ? En transposant la jurisprudence relative au penthotal, la réponse s'impose d'elle-même. Si un expert, désigné par le juge, utilise l'hypnose afin de réaliser sa mission (par ex., vérifier si le sujet est réellement aphasique ou non), le procédé ne saurait être banni. En revanche, s'il est requis du professionnel la réalisation d'un interrogatoire, les frontières de la légalité sont franchies ».

1198 Cass crim., 12 décembre 2000, B.C., n° 369, p. 113.

1199 V. A. Giudicelli, « Témoignage sous hypnose ou expertise hypnotique ? (Cass. crim., 12 déc. 2000)», in R.S.C., 2001, p. 610 : « Concernant le principe affirmé par la Cour de cassation, il est une parfaite illustration de ce que la théorie de la preuve pénale combine, en ce qui concerne les moyens de preuve, liberté et légalité. Si les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, si plus particulièrement le juge d'instruction peut

L'arrêt précédent montre que la Cour de cassation française n'accepte pas l'hypnose comme procédé afin de rechercher la vérité en matière pénale parce qu'il n'est pas conforme aux

dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves

1200

et il est incompatible

avec l'exercice des droits de défense 1201 . Selon Mme Catherine Puigelier, dans cet arrêt, « pour les juges suprêmes, le recours à l'hypnose est irrégulier parce qu'il ne se conforme pas aux dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et compromet les

droits de la défense » 1202 . Sans hésitation la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré dans cet arrêt que l'article 81 de CPP français ne peut servir de base pour fonder une audition sous hypnose pour accomplir un acte nécessaire à la manifestation de la vérité dans le procès pénal. « Par arrêt en date du 12 décembre 2000 (Crim. 12 déc. 2000, Wisse et a., Juris-Data n° 007696), la Cour de cassation avait d'abord censuré une audition opérée sous hypnose en exécution de la commission rogatoire, en rappelant que la liberté laissée au juge d'instruction d'accomplir tous actes utiles à la manifestation de la vérité en application de l'article 81 du Code de procédure pénale ne peut se concevoir que dans le respect de la

légalité »

1203

. M. Jean Pradel considère que cette décision « a annulé l'audition d'un témoin

292

sous hypnose pour réactiver sa mémoire sur des détails précis : quoique l'audition ait été menée avec l'aide d'un hypnologue et que le témoin ait été d'accord, la Cour de cassation y a vu une atteinte aux dispositions légales sur les modes d'administration des preuves et à

l'exercice des droits de la défense » 1204 . À son tour M. Jacques Buisson considère que cet arrêt vient de rappeler que le juge d'instruction ne jouit pas d'une liberté totale et absolue dans la recherche de preuve parce que l'article 81 du CPP français apporte une limite à la liberté de la

procéder ou faire procéder à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité (c. pr. pén., art. 81, al. 1er), encore faut-il que les preuves soient légalement rapportées ».

1200 V. A. Giudicelli, « Témoignage sous hypnose ou expertise hypnotique ? (Cass. crim., 12 déc. 2000)», in R.S.C., 2001, p. 610 :« L'utilisation de l'hypnose à des fins probatoires en procédure pénale, qui pourrait certes s'appuyer sur le principe de la liberté de la preuve, vient buter sur l'exigence de la légalité qui somme tous ceux qui contribuent à la recherche de la vérité de respecter le texte et la substance des normes de procédure pénale ».

1201 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 45, p. 8 : « En l'occurrence, l'expert avait hypnotisé un témoin afin que les enquêteurs puissent ensuite interroger celui- ci. Ce mélange des genres entre expertise et audition a été clairement sanctionné par la Cour de cassation. La solution peut être transposée à l'interrogatoire. Un accusé, même consentant, ne saurait valablement se soumettre à ce type d'opération médicale détournée et dont le cadre légal (expertise ? interrogatoire ?) demeure flou ».

1202 C. Puigelier, « Impossibilité pour un juge d'instruction de recourir à l'hypnose », in JCP G., n° 12, 21 Mars 2001, II 10495.

1203 J. Buisson, « Sonorisation illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue une ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/ France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607.

1204 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419.

preuve qui se caractérise par le principe de la légalité applicable dans la procédure pénale d'où l'accord ou le consentement libre et préalable de l'intéressé de se mettre volontairement dans un état hypnotique (à l'hypnose) ne rend pas l'acte conforme à la légalité : « C'est précisément ce que la Cour de cassation vient de rappeler. Même le juge instruction n'a pas la faculté d'administrer librement la preuve pénale ; car après avoir prévu la liberté de ce magistrat de choisir le mode de preuve utile, l'article 81 du Code de procédure pénale précise normalement le principe de la légalité qui lui interdit de sortir des règles régissant l'administration de la preuve et de concevoir en quelque sorte ex nihilo un acte d'administration de la preuve. Sous ce regard, on comprend que l'accord de la personne

1205

. Par

concernée est juridiquement indifférent, puisqu'il aboutit à la violation de la légalité »

contre, certains auteurs font une distinction entre l'utilisation de l'hypnose comme expertise et

l'audition de témoin sous hypnose.

1206

Il nous semble que cette distinction n'existe pas en

pratique parce qu'on parle toujours des éléments de preuve qui restent sous l'appréciation libre du juge de fond en vertu de son intime conviction qui ne distingue pas en fait entre audition de témoin sous hypnose et expertise sous hypnose pour forger son opinion malgré les

forts arguments proposés par MM. Daniel Mayer et de Jean-François Chassaing 1207 . En ce qui concerne l'effet du consentement de la personne soumises à l'hypnose, Mme Catherine Puigelier considère que «le consentement de l'intéressé hypnotisé par un expert désigné par un juge d'instruction est, à cet égard, indifférent. Seul le fait de porter atteinte aux intérêts des

personnes mises en examen l'emporte»

1208

. Même avec le consentement de la personne placée

293

sous hypnose, nous considérons que l'usage de l'hypnose dans la procédure pénale est toujours contraire à l'ordre public contrairement à l'avis de MM. Daniel Mayer et de Jean-François Chassaing qui considèrent qu'« en effet, dès lors que celle-ci a consenti à être placée sous hypnose, elle a exercé son libre arbitre pour abandonner d'elle-même les possibilités de

1205 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

1206 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in D., 2001, p. 1340 : « Ce procédé est-il irréductible aux règles actuelles de la procédure pénale ? Nous ne le pensons pas. L'expertise semble de nature à permettre l'utilisation de cette technique à condition de distinguer très clairement l'audition du témoin et l'expertise de son discours sous hypnose. Il nous semble envisageable de charger un expert d'entendre le témoin sous hypnose et de faire état des propos tenus dans son rapport ».

1207 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in D., 2001, p. 1340 : « Le refus de toute utilisation de l'hypnose nous paraît même contraire aux droits de la défense lorsque la demande d'investigation sous hypnose concernant la personne poursuivie émane d'elle-même : est-il légitime, sous un régime de liberté de la preuve, de priver le mis en examen d'une possibilité de faire avancer la recherche de la vérité ? N'est-ce pas amputer le droit des parties de participer à cette recherche qui se trouve pourtant consacré par les réformes législatives des dix dernières années ».

1208 C. Puigelier, « Impossibilité pour un juge d'instruction de recourir à l'hypnose », in JCP G., n° 12, 21 Mars 2001, II 10495.

contrôler sa parole. Il est difficile de soutenir qu'une telle renonciation serait contraire à

l'ordre public... »

1209

. Il faut rappeler que certains législateurs énoncent très clairement dans

un article du Code de procédure pénale que l'utilisation de l'hypnose est strictement prohibée dans l'audition et l'interrogatoire en matière pénale. Il serait préférable que les législateurs français et libanais précisent cette interdication en prévoyant expressément que l'usage de l'hypnose dans l'administration de la preuve pénale est prohibé par un texte de loi

suffisamment clair, en suivant le modèle de certains législateurs

1210

. Pour conclure, nous

294

approuvons la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui vient de juger irrecevable un témoignage sous hypnose et nous soutenons entièrement l'avis de M. Jacques

1211

Buisson favorable à la position de la Cour de cassation : « Une telle position ne peut

qu'être approuvée. L'acte consistant dans une audition sous hypnose n'obéissait ni aux règles de la légalité matérielle puisqu'il méconnaissait le principe du respect de la dignité humaine, ni à celles de la légalité formelle dès lors qu'il n'était pas prévu par la loi. Contrairement à une vision sommaire de la preuve en matière pénale, le principe de la liberté a, dans un État de droit, un empire nécessairement limité par le principe de la légalité, particulièrement

1212

. La

lorsque l'administration de la preuve est le fait des agents de l'autorité publique »

chambre criminelle de la Cour de cassation française a confirmé sa position précédente dans un nouvel arrêt rendu le 28 novembre 2001 en affirmant que le recours à l'hypnose dans le procès pénal n'est pas conforme aux dispositions légales relatives au mode d'administration

1213

des preuves en matière pénale :« Attendu que, d'autre part, par application des articles 81,

1209 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in D., 2001, p. 1340.

1210 V. par exemple le legislateur allemand: Aux termes de l'article 136a du Code de procédure pénale, concernant les méthodes d'interrogatoire prohibées (verbotene Vernehmungsmethoden) :« 1. Il ne doit pas être porté atteinte à la liberté de décision de l'inculpé et à sa liberté de manifester sa volonté par des sévices, par l'épuisement, par quelque forme de contrainte physique que ce soit, par l'administration de médicaments, par la torture, par la tromperie ou par l'hypnose. La contrainte ne peut être employée que lorsqu'elle est admise par les règles de procédure pénale. La menace d'appliquer une mesure prohibée par les règles de procédure pénale et la promesse d'un avantage non prévu par la loi sont interdites. 2. Est interdite toute mesure portant atteinte à la mémoire ou aux facultés de raisonnement et au libre arbitre de l'inculpé (Einsichtsfähigkeit). 3. Les interdictions visées aux paragraphes 1 et 2 sont applicables même si l'inculpé a consenti [à la mesure envisagée]. En cas de manquement à ces règles, les dépositions ne peuvent être versées [comme preuves], même avec l'accord de l'inculpé ».

1211 V. encore l'avis de Mme Catherine Puigelier : C. Puigelier, « Impossibilité pour un juge d'instruction de recourir à l'hypnose », in JCP G., n° 12, 21 Mars 2001, II 10495 : « La solution adoptée par la Cour de cassation mérite pleinement l'approbation ».

1212 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

1213 V. sur les deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation française concernant l'hypnose : P. Lemoine, « La loyauté de la preuve (à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport

295

101 à 109 du Code de procédure pénale, si le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder à tous actes d'information utiles à la manifestation de la vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves ;Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a fait procéder à l'audition de X... qui avait été placé sous hypnose par un expert désigné par ce magistrat ; que ce même juge d'instruction a ordonné ensuite une expertise "en matière de profilage psychologique", confiée à un psychologue conseil et lui enjoignant, notamment, de procéder "à une préparation technique d'audition aux fins de garde à vue ultérieurement" ; que cet expert, au cours des auditions de X..., effectuées sur commission rogatoire par les gendarmes, après son placement en garde à vue, est intervenu à plusieurs reprises pour poser des questions à l'intéressé, lequel a avoué à cette occasion et pour la première fois le meurtre de son épouse et le dépeçage de son corps ; Attendu qu'après avoir annulé l'audition de X... effectuée sous hypnose, la chambre de l'instruction a écarté de l'annulation, notamment, le rapport déposé le 28 décembre 2000 par l'expert qui avait procédé au placement sous hypnose et le rapport de "profilage psychologique" déposé le 15 décembre 2000 qui se référaient, tous deux, en en rapportant la teneur, à l'audition sous hypnose de X... ; qu'elle a également refusé d'annuler les auditions au cours desquelles les enquêteurs ont recueilli, en présence du psychologue conseil désigné par le magistrat, les aveux de X... lors de sa garde à vue ;Mais attendu qu'en cet état, alors que le rapport d'expertise relative aux opérations de placement sous hypnose et celui "de profilage psychologique" avaient pour support nécessaire l'audition sous hypnose de X... et alors que le procédé consistant à faire entendre sur commission rogatoire, délivrée à des officiers de police judiciaire, une personne suspectée, placée en garde à vue, et à la faire, dans ces conditions, interroger par un psychologue conseil, sous couvert d'une mission d'expertise, viole les dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et compromet l'exercice des droits de la

1214

défense, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés ».

annuel de la Cour de Cassation 2004, (Deuxième partie): « Dans les deux premières affaires, qui ont fait l'objet d'arrêts rendu les 12 décembre 2000 et 28 novembre 2001, la chambre s'est prononcée sur la validité d'une audition effectuée sous hypnose ; il s'agissait, dans le premier cas, de l'audition d'un témoin et, dans le second, de celle d'une personne placée en garde à vue qui, l'un et l'autre, avaient exprimé leur consentement pour être entendus selon ces modalités et dont l'audition avait été recueillie avec l'assistance d'un expert désigné par le juge d'instruction. Dans ces deux cas, la chambre a jugé que l'audition réalisée dans ces conditions était irrégulière et qu'elle avait compromis l'exercice des droits de la défense ; la raison réside vraisemblablement dans le fait que cette forme d'audition neutralise la volonté et l'on peut donc légitimement se demander dans quelle mesure elle demeure compatible avec le serment que la personne concernée a prêté ».

1214 Cass. crim., 28 novembre 2001, B.C., n° 248, p. 823.

209. Notre avis sur l'utilisation de l'hypnose dans l'enquête pénale. Avant tout, il faut préciser que la preuve résultant de l'hypnose ne peut pas être considérée comme une vérité

1215

intouchable

. Mme Haritini Matsopoulou souligne qu' « une telle technique ne saurait être

mise en oeuvre par les services de police, quand bien même l'enquête effectuée par ces derniers n'est pas l'instruction judiciaire. De plus et surtout, la valeur scientifique du procédé

est des plus discutables »

1216

. A notre avis, l'utilisation de l'hypnose dans l'enquête auprès de

296

l'accusé dans le but de l'inciter à faire des aveux, est un moyen qui pourrait porter une atteinte matérielle et morale à l'accusé objet d'interrogatoire. Le préjudice matériel découlant de ce moyen consiste en un dysfonctionnement et des troubles affectant les organes du corps, car cela produit la désactivation de la fonction principale du cerveau de l'hypnotisé. Par ailleurs, l'hypnose induit un changement physiologique et psychologique qui pourrait porter préjudice à la sécurité corporelle, à l'image de changements clairs et directs sur le système respiratoire et la réduction du champ de vision, ainsi que le contrôle de l'inconscient de l'hypnotisé pour le guider selon la volonté de l'hypnotiseur. Ceci constitue la raison principale qui nous pousse à rejeter ce moyen et le considérer comme illégal, outre le fait que le législateur libanais ne l'a autorisé explicitement dans aucun des textes de loi, et vu que nous soutenons la limitation du principe de la liberté de preuve pénale aux moyens permis par la loi. Quant au préjudice moral affectant l'accusé lors de son hypnose, il consiste en l'utilisation de ce moyen qui pourrait conduire à la perte par l'hypnotisé de son autocontrôle, car il affaiblit la barrière entre son inconscient et son conscient exactement comme l'anesthésie 1217 la personne devient alors un outil et une marionnette entre les mains de son hypnotiseur qui le guide à sa guise, en lui faisant perdre le contrôle de sa volonté et répondre à ses questions sans autocontrôle ni autocensure 1218 . De surcroît, l'audition effectuée sous hypnose constitue une violation flagrante du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination qui est une norme internationale reconnue par le droit interne libanais et français et indirectement dans le texte de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme : « L'hypnose prive la personne interrogée de tout discernement. Cette personne est donc amenée, le cas échéant, à

1219

.

contribuer à sa propre incrimination»

1215 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 237, p. 165. 1216 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 883, p. 714.

1217 V. en langue arabe : H. Essmni, Légalité des preuves prises de moyens scientifiques, Thèse de droit, Université du Caire (Egypte), édition 1983, pp. 358-348-349.

1218 V. en langue arabe : H. Elmarsafawi, « modes modernes dans l'enquête pénale », in Revue nationale, Egypte, Vol. 10, n° 1, mars 1967, p. 45.

1219 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 75, p. 57.

297

§ 2. Preuve attentatoire à l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de la pensée.

210. Le respect de la dignité humaine et la collecte des preuves. Le respect de l'inviolabilité du corps humain est imposé dans la recherche et la production des preuves qui suppose naturellement qu'aucune atteinte ne peut être faite à l'intégrité du corps humain. Certains procédés de preuve constituent une atteinte à l'inviolabilité du corps humain. Il s'agit plus précisément des procédés scientifiques destinés à obtenir un aveu en matière pénale comme le détecteur de mensonges connu sous le nom de polygraphe qui constitue une double

atteinte concernant l'inviolabilité de la pensée 1220 et en même temps l'inviolabilité du corps humain. Il y a également des procédés scientifiques portant atteinte à l'inviolabilité du corps à propos des prélèvements ou l'utilisation de l'ADN comme preuve c'est-à-dire la technologie ADN dans la justice pénale. En effet, le pouvoir d'ordonner un test d'ADN n'est pas

1221

absolu.

A. Preuve obtenue par l'usage du détecteur de mensonges ou polygraphe.

211. Définition du détecteur de mensonges 1222 . Le but essentiel de l'utilisation de 1223

polygraphe ou du détecteur de mensongesest de vérifier la véracité et la crédibilité des allégations d'une personne « le polygraphe est censé indiquer si le sujet ment ou dit la

1220 V. en ce sens : J.-Y. Chevallier, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 51 : « De même, seront exclus, soit impérativement, soit en fait tout simplement, les procédés qui permettent soit de provoquer l'expression involontaire de la pensée (sérum de vérité), soit de contrôler la véracité de celle-ci, tel le détecteur de mensonge ».

1221 V. Atteintes légales à l'intégrité physique : V. Lesclous, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 73 : « Les seules atteintes qui sont reconnues légalement sont celles afférentes aux analyses et examens médicaux cliniques et biologiques prévus par la loi ».

1222 Cet appareil est appelé « la polygraphe » ou « le détecteur de mensonges ».

1223 V. sur le polygraphe : J. Susini, « Un chapitre nouveau de police scientifique La détection objective du mensonge », in R.S.C., 1960, pp. 326-330 ; J. Susini, « Place et portée du polygraphe dans la recherche judiciaire de la vérité », in R.I.D.P., 1972. pp. 255-275 ; J. Susini, « L'aveu : sa portée clinique », in R.S.C., 1972, pp. 677684 ; J. Susini, « Psychologie policière : aspects cliniques et techniques du mensonge et de l'aveu », in R.S.C., 1981, pp. 909-925; J. Susini, « La polygraphie du mensonge en 1983 », in R.S.C., 1983, pp. 521-532.

1224

vérité » . Selon M. John J. Palmatier « le polygraphe est censé indiquer si le sujet ment ou

12251226

dit la vérité » . Le détecteur de mensonges

1227

utilise

est un appareil que l'enquêteur

1228

pour s'assurer de la justesse des propos de l'accusé

1229

et de leur véracité

. Pour Mme

Haritini Matsopoulou le détecteur de mensonges est « un appareil qui enregistre les modifications de la pression artérielle, du rythme respiratoire et de la sudation, si bien qu'il

permet de mesurer le degré d'émotion d'une personne »

1230

. M. Mohammed Ibrahim Zaid

298

définit le détecteur de mensonges comme étant un appareil permettant d'enregistrer certains changements « physiologiques » qui concernent la tension artérielle, la respiration, la réaction psychologique de l'individu lors de l'enquête, et en détectant ces changements et en analysant les graphiques, l'on peut avoir un jugement approximatif que l'individu, objet de l'expérience, ment ou dit la vérité 1231. Il peut aussi être défini1232 comme l'un des moyens qui révèlent les réactions du corps et les changements physiologiques chez l'homme lorsqu'une série définie de questions lui est soumise avec un relevé précis de ses réactions au moyen de l'appareil à chaque question 1233 , ce qui indique s'il ment ou s'il dit la vérité à chaque fois qu'il répond à

1224 C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 46, p. 8.

1225 J. J. Palmatier, « Systèmes d'analyse du stress dans la voix : vrais détecteurs de mensonges? Un point de vue des États-Unis », in AJ Pénal, 2008, p. 124.

1226 Polygraphe - plus connu sous le nom de détecteur de mensonges.

1227 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418 : « Le détecteur de mensonge ou polygraphe peut tout au plus donner des indications pour orienter l'enquête ».

1228 V. en ce sens : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 466, p. 321 : Polygraphe : « Cet appareil est censé indiquer si la personne interrogée est en train de dire la vérité ou non ».

1229 V. C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 238, pp. 165-166 : « Le polygraphe est censé indiquer si le sujet ment ou dit la vérité.... L'appareil enregistre les réactions du corps. Le résultat est donc très aléatoire. Il n'indique nullement la vérité mais seulement l'émotivité ou la nervosité du cobaye. ».

1230 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 893, pp. 721-722.

1231 M. Ibrahim Zaid, « Les aspects historiques scientifiques des moyens techniques modernes», in Magazine pénale nationale, troisième numéro, novembre 1967, pp. 500-501.

1232 V. la définition de M. Laurent Kennes : L. Kennes, La preuve en matière pénale, Éditions Kluwer, Bruxelles, 2005, Vol. 1, n° 633, p. 330 : « Le Polygraphe peut être considéré comme une technique particulière d'audition, dès lors que l'objectif essentiel de sa réalisation est d'obtenir des aveux à la suite de la communication du résultat du test et non l'utilisation du résultat du test en justice. Dès lors que ce test est souvent présenté, à tort, comme une expertise, il sera examiné séparément, avec une attention particulière aux aveux obtenus par la suite ».

1233 V. B. Renard, « Quand l'expression de la vérité est attribuée au corps - État des lieux et quelques questionnements sur la légitimité de l'utilisation du polygraphe en procédure pénale », in La criminalistique : du mythe à la réalité quotidienne, sous la direction d'Anne le Riche, Manuel de la Police, Éditions Kluwer, Bruxelles, 2002, pp. 365 et s., V. spec. p. 365 : « Le polygraphe est un appareil qui enregistre les modifications d'une série de fonctions corporelles (rythme cardiaque, rythme respiratoire, pression artérielle, sudation,

une question qui lui est posée 1234 . Il s'agit donc d'une façon indirecte d'indiquer si l'accusé

ment ou dit la vérité quand il répond. C'est donc un appareil qui relève les fluctuations et les réactions psychologiques de la personne interrogée en stimulant les nerfs ou les sens pour ensuite calculer des réactions comme la peur ou la honte ou le sentiment de responsabilité ou

1235

.

la criminalité, et relever tous les changements psychologiques et de tension artérielle

212. Nature de l'atteinte provoquée par l'usage du détecteur de mensonges. La doctrine semble divisée, et les avis divergent quant à la façon de répondre à l'interrogation suivante : l'utilisation du détecteur de mensonges porte-t-elle atteinte à l'intégrité physique de la personne qui le subit ou non, en d'autres termes, est-ce que l'utilisation du détecteur de mensonges nuit à celui qui le subit ou non ?

213. Avis favorable à l'utilisation du détecteur de mensonges. Certains pensent que l'utilisation du détecteur de mensonges est un moyen scientifique bénéfique et nouveau, qui

peut s'avérer utile dans le domaine des enquêtes criminelles

1236

, car il permet de s'assurer de

299

la véracité des dépositions des accusés sans la moindre influence sur leur libre volonté. L'utilisation de l'appareil ne créerait aucune pression ou contrainte morale pour la personne qui le subit à cause de son sentiment de peur ou d'intimidation par rapport à ce qui est en train d'avoir lieu, ou du désagrément de l'appareil ou parce qu'elle n'a fait sa déposition qu'après avoir été battue et ses secrets dévoilés ; et ce parce que toute personne normale est intimidée

tension, mouvements ...), échappant toutes plus ou moins fortement au contrôle de la volonté, et permettant de mesurer le degré d'émotion d'une personne ».

1234 V. B. Renard, « L'usage du polygraphe en procédure pénale; analyse procédurale », in Partie III de l'avis pour Monsieur le Ministre de la Justice et le Collège des Procureurs généraux sur l'usage du polygraphe en procédure pénale belge, Institut National de Criminalistique et de Criminologie, Département de Criminologie, Bruxelles, septembre 2000, pp. 59-80, V. spec, p. 60 : « La nature même du test polygraphique vise la vérification de la véracité des déclarations d'une personne. Au niveau des questions qui sont adressées à la personne soumise au test, l'expérience et la pratique du polygraphe s'orientent clairement vers des questions portant sur des éléments de fait de l'infraction en cause ».

1235 V. sur ce point : P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 365 : « Les examens polygraphiques ou thermographiques reposent sur les réactions psychosomatiques de l'individu : en effet, un changement dans les sentiments consciemment contrôlés provoque chez le sujet des modifications physiologiques de divers ordres imputables au stress ».

1236 V. en ce sens : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1062 : « En effet, il reste difficile d'évaluer les conditions d'utilisations de son utilisation (polygraphe), sachant qu'un certain nombre de contre-indications physiologiques et psychiques doivent être prises en considération ; de même, l'impact d'un tel procédé sur la psychologie du sujet est malaisé à cerner ; enfin, il ne faut pas négliger la part d'interprétation des résultats du test par le polygraphiste, ce qui poussera le juge du fond, d'une part, à être vigilant quant aux circonstances dans lesquelles l'accord du suspect ou de l'inculpé a été obtenu et dans lesquelles le test s'est déroulé et, d'autre part, à en apprécier les résultats à l'instar de ceux d'une expertise psychologique, par exemple. Rien ne semble faire obstacle à ce que le juge du fond autorise lui-même le recours au polygraphe ».

300

devant tout acte juridique contre elle et elle est donc affectée psychologiquement dès qu'elle est convoquée devant l'enquêteur, et même dès son arrestation et sa mise en détention

préventive 1237 . Dans le même état d'esprit, certains disent que l'utilisation du détecteur de

1238

mensonges ne porte aucune atteinte à l'intégrité physique de celui qui le subit, car il ne s'agit de rien de plus que de connecter certaines parties de son corps à des fils reliés à des appareils pour calculer les différents changements du corps comme les pulsations et la tension

1239

.

artérielle et respiration. En fait c'est un appareil qui ressemble à l'électro cardiogramme

214. Avis rejetant le recours au détecteur de mensonges. Certains auteurs ont des doutes

1240

sérieux concernant la crédibilité et l'efficacité des résultats du détecteur de mensonges

.

1241

Certains auteurs considèrent que le détecteur de mensonges est un moyen qui menace les

1237 S. Nabrawy, L'interrogatoire de l'accusé, Dar Al-Nahdha Al Arabiya (maison de la renaissance arabe), le Caire, 1969, p. 497 ; I. El Ghemaz, Le témoignage comme preuve en matière pénale, alem el kotob, 1980, p. 258 ; A. Mohamed Khalifa, « le sérum de vérité et le détecteur de mensonges », in magazine pénale nationale, premier numéro-Mars 1958, p. 95 ; A. Salem Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête préliminaire. Étude comparative de la législation Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université Ain Chams (Égypte), 2000, p. 247.

1238 V. en ce sens : F. Goossens, « L'audition de suspects par la police en Belgique et le recours à la narcoanalyse, à l'hypnose et au polygraphe: un état de la question et quelques réflexions inspirées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », in R.I.C.P.T.S., Editeur : Genève : Polymedia Meichtry SA, Volume LX, octobre-décembre 2007, pp. 437 et s., V. spec. p. 445 : « Contrairement à l'hypnose ou à la narcoanalyse, le test polygraphique ne prive pas l'intéressé de son libre arbitre et lui permet de rester conscient: il peut ainsi décider de se taire, de donner une réponse inexacte ou de mentir. Il a même le loisir de mettre fin au test à tout moment. Nous estimons, dès lors, qu'il n'est pas question de contrainte physique ou d'atteinte à l'intégrité physique de la personne interrogée ».

1239 S. Sadek El Malla, L'aveu de l'accusé, éditions 1986, pp. 133-134

1240 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 46, p. 8 : « ...il est interdit non seulement en France, ... car on considère qu'il révèle davantage l'émotivité d'un sujet que sa culpabilité éventuelle et ne permet pas d'obtenir la vérité matérielle. Le procédé est donc rejeté » ; C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 48, p. 8 : « De plus, de tels procédés ne permettent pas d'atteindre sûrement la vérité. Les personnes ayant reçu une piqûre de penthotal ou placées sous hypnose peuvent se trouver plongées dans un état psychique capable de conduire leur inconscient fragile ou troublé à inventer des faits, sous l'effet de la drogue ou de la relaxation provoquée par l'hypnotiseur ».

1241 V. Jean-Yves Mariller, « La preuve pénale et le progrès scientifique ou la tentation séduisante mais dangereuse d'établir scientifiquement le mensonge », in Les enjeux de l'utilisation des outils des neuroscientifiques dans le procès pénal, Vendredi 8 février 2008 Centre Interfacultaire en Sciences Affectives à l'Université de Genève : « Quelle valeur probante le juge peut il accorder aux déclarations sous hypnose, aux tracés graphiques d'un polygraphe, aux résultats d'un électroencéphalogramme ou de l'imagerie médicale censés le renseigner sur la sincérité des déclarations d'une personne quelle soit prévenue, témoin ou victime ? En France notamment cette « lecture dans le cerveau des autres » est pour le moment rejetée au nom des grands principes mais la tentation d'y recourir reste forte surtout en matière de lutte contre le terrorisme et la grande criminalité ».

1242

libertés individuelles . On tend à penser que l'utilisation du détecteur de mensonges est une

301

forme de contrainte matérielle, car il comporte une atteinte au droit de l'accusé de se taire et de se défendre, et tout aveu obtenu avec cet appareil est considéré caduc, car n'émanant pas d'une volonté libre 1243 . Le courant majoritaire dans la doctrine refuse l'utilisation du détecteur de mensonges dans les enquêtes criminelles, et certains pensent que l'utilisation de l'appareil est une atteinte à la liberté intellectuelle de l'accusé qui le subit même s'il est d'accord, car l'accord, dans ce cas, peut être soit motivé par la peur de voir son refus utilisé contre lui1244 ou par une tentative de démontrer l'innocence à cause d'une position faible ou de l'absence d'une preuve concluante de son innocence. Ceci constitue à notre avis une contrainte morale indirecte. Un autre avis dit que l'utilisation du détecteur de mensonges est une forme de contrainte matérielle de l'accusé qui le subit. D'autres pensent que l'utilisation du dit appareil comporte deux types d'atteintes : l'une physique et l'autre psychologique. Concernant l'atteinte physique, l'utilisation de l'appareil relève d'une contrainte matérielle, car il constitue une violation du droit de l'accusé à se taire et son droit à l'autodéfense 1245 . Quant à l'atteinte psychologique, l'utilisation du détecteur de mensonges constitue une contrainte morale 1246 car elle porte sur des changements physiologiques et la nervosité que détecte l'appareil. La peur que ressent l'accusé lorsqu'il subit l'expérience sous l'effet du détecteur de mensonges influe, certainement, d'une façon directe sur lui. Ses battements de coeur

1242 V. en même sens l'avis de Mme Coralie Ambroise-Castérot sur le détecteur de mensonges : C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 238, p. 166 : « C'est un procédé très dangereux pour les libertés individuelles ».

1243 V. sur l'aveu et le consentement dans l'administration de la preuve pénale : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 359, p. 248 : « Le consentement intervient également de façon croissante dans les modes d'administration de la preuve en raison du fait qu'il est étroitement lié à l'aveu ».

1244 V. en langue arabe : S. Sadek El Malla, L'aveu de l'accusé, éditions 1986, pp. 133-134

1245 V. en ce sens : C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 47, p. 8 : « l'aveu arraché par narcose (ou par hypnose) et l'aveu censé apparaître à la lecture des graphiques produits par le polygraphe sont en tous points comparables à celui obtenu sous la torture physique. Ces procédés ne respectent pas le principe, essentiel, de liberté de l'aveu. f...] la personne se prêtant au jeu du polygraphe n'est pas libre de contrôler les réactions des organes servant de paramètres à la machine et que l'expert devra interpréter. Il est, par conséquent, impossible d'accepter de tels procédés de preuve ».

1246 V. F. Goossens, « L'audition de suspects par la police en Belgique et le recours à la narcoanalyse, à l'hypnose et au polygraphe: un état de la question et quelques réflexions inspirées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », in R.I.C.P.T.S., Editeur : Genève : Polymedia Meichtry SA, Volume LX, octobre-décembre 2007, pp. 437 et s., V. spec. p. 447 : « Nous estimons que le recours au détecteur de mensonge risque de porter atteinte au droit à la protection de la vie privée (notamment contenu à l'article 8 de la C.E.D.H.). En effet, le polygraphe constate des signes qui ne sont pas toujours visibles à l'oeil nu et sur base desquels l'on tente de contrôler la franchise de la personne interrogée. Il entretient donc des rapports étroits avec la vie privée, notion qui fait aujourd'hui l'objet d'une interprétation très extensive de la part de la Cour européenne des droits de l'homme ».

s'accélèrent et le taux de sucre dans le sang augmente et ses symptômes aident à la sécrétion

1247

d' «adrénaline» par les glandes surrénales

. Donc, on ne devrait pas se contenter d'interdire

302

l'utilisation du détecteur de mensonges et statuer sur la nullité des preuves obtenues, mais il faut aussi que son usage soit strictement interdit et incriminé car il constitue une forme

1248

.

d'atteinte à la liberté individuelle comme le crime d'usage de force

215. Notre avis sur la légalité de l'utilisation du détecteur de mensonges. D'abord, il faut généraliser et affirmer péremptoirement que n'importe quelle méthode ou moyen de collecte des preuves doit être limitée et compatible avec le droit au respect de la dignité humaine. De surcroît, le consentement de l'intéressé à se soumettre à un test polygraphique ne justifie absolument aucune sorte de dérogation à ce principe. Nous estimons que l'utilisation du détecteur de mensonges porte un préjudice matériel et moral à l'accusé. Le préjudice matériel à l'accusé vient du fait que la façon de l'utiliser exige de restreindre la liberté de celui qui le subit. Un tube est placé sur sa poitrine pour enregistrer la respiration, et un appareil pour enregistrer la tension artérielle est aussi attaché à son bras, et les deux mains doivent être posées sur deux plaques de métal pour enregistrer la sécrétion de sueur en l'exposant à un

courant électrique faible 1249 . Nul doute que faire subir de telles choses au prévenu constitue une nuisance matérielle pour lui, et il ne devrait pas le subir même s'il est minime et n'engendre pas de blessures. D'autre part, les effets néfastes sur le prévenu, comme l'augmentation du rythme cardiaque et de la tension artérielle et du taux de sucre dans le sang, constituent une atteinte à l'intégrité physique du prévenu et lui causent des lésions corporelles. L'appareil cause un préjudice moral au prévenu qui le subit du fait que l'utilisation de l'appareil crée une forte pression psychologique et conduit à une augmentation des sentiments

1250

de peur et de troubles psychologiques pour celui qui le subit . On ne devrait pas s'arrêter à une simple interdiction de l'utilisation de l'appareil et statuer sur la nullité des preuves obtenues en l'utilisant, mais il faut criminaliser son utilisation du fait qu'il constitue une forme

1247 H. Essemny, Légalité des preuves obtenues par des moyens scientifiques, Thèse de droit, Université du Caire (Égypte), édition 1983, pp. 280-281.

1248 S. Hamad Salah, Garanties du droit de l'accusé à se défendre devant la cour pénal, Thèse de droit, Université Ain Chamss (Égypte), 1997-1998, p. 328.

1249 V. en langue arabe : mode d'emploi de l'appareil : A. Mourad, L'enquête pénale technique et la recherche pénale, librairie universitaire moderne, Égypte, édition 1991, p. 149.

1250 V. en langue arabe : O. Farouk El Husseini, Torture de l'accusé pour avoir des aveux. L'infraction et la responsabilité, Librairie arabe moderne, édition 1986, p. 149.

1251

d'atteinte à la liberté individuelle exactement comme le crime avec usage de la force

. On

peut ajouter que l'utilisation du détecteur de mensonges peut être considérée comme une contrainte morale de dire la vérité sans aucun base juridique dans le droit libanais et français puisque l'accusé ne prête pas serment de dire la vérité et c'est sans doute une violation aux droits de ne pas s'auto-incriminer, droit de se taire, droit de ne pas collaborer à son accusation et une façon d'obliger l'accusé à produire des preuves contre lui-même. Selon Mme Haritini Matsopoulou « malgré ces précautions, il nous semble préférable de condamner le recours à cette technique. Puisque dans la procédure pénale française, l'accusé n'est pas tenu de prêter serment et de dire la vérité, on ne voit pas au nom de quoi on pourrait s'assurer de la

sincérité de ses dires » 1252 . Le droit libanais consacre le droit de ne pas participer à sa propre incrimination en assurant le droit de se taire ou de garder le silence dans les textes du Code de

procédure pénale

1253

. Il faut rappeler que le droit de ne pas participer à sa propre incrimination

303

est expressément prévu par l'article 14 du Pacte des Nations unies sur les droits civils et

1254

politiques du 16 décembre 1966. Ce droit est également consacré encore par la

1255

jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'homme, et est apparu dans le droit

1251 V. en langue arabe : S. Hamad Salah, Garanties du droit de l'accusé à se défendre devant la cour pénal, Thèse de droit, Université Ain Chamss (Égypte), 1997-1998, p. 328.

1252 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 895, p. 724.

1253 V. en droit libanais : L'article 41 du CPP libanais dispose : « Lorsqu'une infraction flagrante a lieu, l'officier de police judiciaire ... [Il] peut interroger le suspect à condition que celui-ci fasse sa déclaration volontairement, en connaissance de cause, et librement, sans être soumis à quelque forme de contrainte que ce soit. Si la personne interrogée choisit de garder le silence, il ne peut la contraindre à parler » ; l'article 47 du CPP libanais dispose : Mesures prises par la police judiciaire en dehors des infractions flagrantes « En leur qualité d'auxiliaires de justice, les officiers de police judiciaire ... effectuent des recherches en vue d'en identifier les auteurs ou les participants criminels et rassemblent des charges à leur encontre, ainsi que du recueil des dépositions des témoins sans les soumettre au serment et des déclarations de suspects et de personnes visées par des plaintes. Lorsque ces personnes refusent de faire des déclarations ou choisissent de garder le silence, mention en est portée sur le procès-verbal. Les officiers de police judiciaire ne peuvent dans ce cas les contraindre à parler ou les interroger, sous peine de nullité des déclarations recueillies » ; l'article 77 du CPP libanais dispose: « Il incombe au juge d'instruction de respecter le principe de libre volonté du défendeur pendant son interrogatoire. Il s'assure que celui-ci fait sa déposition en l'absence de toute influence extérieure, qu'elle soit morale ou physique.

Si le défendeur refuse de répondre et choisit de garder le silence, le juge d'instruction ne peut le contraindre à parler » ; Procédure de jugement et vérification de la preuve devant le juge unique, l'article 180 du CPP libanais dispose : « Si le défendeur refuse de répondre et garde le silence, le juge et la partie civile ne peuvent le contraindre à parler. Le juge ne peut retenir son silence contre lui » ; Devant la Cour criminelle, l'article 253 du CPP libanas dispose : « Si l'accusé refuse de répondre et garde le silence, il ne peut être contraint à parler ».

1254 L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que: « 3. Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes:g) A ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable ».

1255 V. sur le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination : F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 63, p. 48 : « Ce droit à été dégagé par la Cour européenne des droits de l'homme

pénal français depuis la réforme faite par l'innovation de la loi sur le renforcement de la présomption d'innocence et les droits des victimes du 15 juin 2000. Dans l'affaire Funke

contre la France

1256

, la Cour européenne des droits de l'homme a consacré pour la première

304

fois par sa jurisprudence d'une manière très claire le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination : « La Cour constate que les douanes provoquèrent la condamnation de M. Funke pour obtenir certaines pièces, dont elles supposaient l'existence sans en avoir la certitude. Faute de pouvoir ou vouloir se les procurer par un autre moyen, elles tentèrent de contraindre le requérant à fournir lui-même la preuve d'infractions qu'il aurait commises. Les particularités du droit douanier (paragraphes 30-31 ci-dessus) ne sauraient justifier une telle atteinte au droit, pour tout "accusé" au sens autonome que l'article 6 (art. 6) attribue à ce terme, de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination. Partant, il y a eu

violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) »

1257

. Dans un arrêt récent, la Cour de Strasbourg

confirme sa consécration du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. « La Cour rappelle que même si l'article 6 de la Convention ne les mentionne pas expressément, le droit de garder le silence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 § 1. En particulier, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination présuppose que les autorités cherchent à fonder leur argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l'« accusé » (voir Funke précité ; John Murray c. Royaume-Uni, 8 février 1996, § 45, Recueil 1996-I ; Saunders c. Royaume-Uni, 17 décembre 1996, §§ 68-69, Recueil 1996-VI ; Serves c. France, 20 octobre 1997, § 46, Recueil 1997-VI ; J.B. c. Suisse, no 31827/96,

1258

§§ 47-48, CEDH 2001-III, § 64) ».

216. L'utilisation du détecteur de mensonges au Liban. Premièrement, d'un point de vue juridique, il n'existe aucun texte dans le droit libanais permettant ou offrant la couverture du principe de la légalité de preuve qui permet ou légalise l'usage de cet appareil durant l'enquête ou l'enquête préliminaire dans le domaine pénal. Il n'existe pas, non plus, de texte qui aborde explicitement ce moyen ou en interdise l'usage explicitement, et devant une telle situation, il convient de certifier que ce moyen est interdit d'usage parce qu'il est incompatible avec le

de l'interprétation des §1er et 2e de l'article 6 de la Convention relatifs, respectivement, au droit à un procès équitable et au droit au respect de la présomption d'innocence ».

1256 CEDH 25 février1993, Funke c/ France.

1257 CEDH 25 février1993, Funke c/ France, requête 10828/84, V. spec. §44. 1258 CEDH 5 avril 2012, Chambaz c/ Suisse, requête 11663/04V. spec. § 52.

305

principe de la légalité de preuve pénale et avec les droits fondamentaux de l'homme et qu'il constitue une atteinte à son intégrité physique. Il est donc considéré comme une forme de contrainte matérielle, et donc en l'absence de base légale formelle légalisant l'utilisation du détecteur de mensonges, il est interdit d'y avoir recours dans le droit libanais. Toute preuve en émanant ne doit pas être acceptée et ne doit avoir aucune valeur probante. La question de l'utilisation du détecteur de mensonges n'occupe pas une place très importante en droit libanais et la doctrine ne s'y intéresse pas, préférant se concentrer sur la torture corporelle et la violence. On estime que c'est un moyen moderne d'enquête alors que d'un point de vue pratique, c'est une méthode ancienne dans les pays européens. Mais malgré le silence du droit, toute preuve émanant de ce moyen est un aveu nul et n'a aucun effet juridique, ni aucune valeur vu l'illégalité de ce moyen d'obtention de preuves. L'une des causes de l'illégalité de la preuve obtenue grâce au détecteur de mensonges est que la simple utilisation de cet appareil est en soi une contrainte pour l'accusé, et une complète abrogation de son droit de mentir et de son droit fondamental de se taire. Ce moyen comporte aussi une forte contrainte morale pour le prévenu ou suspect, car il est surveillé lors de son interrogatoire, en plus il s'agit de mettre l'accusé en situation d'examen devant le détecteur de mensonges ce qui lui donnera des sentiments de confusion, de panique et de peur de mentir, ce qui le rend nerveux et de volonté précaire lors de son interrogatoire. Dans tous les cas, l'avis scientifique n'est pas d'accord sur la légalité du recours au détecteur de mensonges, donc on ne peut le considérer comme une

1259

.

preuve convaincante qui peut être prise en considération sans équivoque

217. Soumission volontaire au détecteur de mensonges. En principe l'utilisation de cet appareil ne devrait pas être autorisée même si le prévenu ou son avocat demande à le subir, la première cause réside dans le fait qu'il n'y a pas de texte juridique autorisant un tel acte dans le droit libanais, et deuxièmement, dans le fait que le prévenu qui accepte volontairement de subir l'appareil pour prouver son innocence fera que ce moyen sera accepté davantage pour arriver, enfin, à une phase où tout prévenu qui ne propose pas ou ne demande pas volontairement de subir cet appareil formera une présomption retenue contre lui qu'il a commis l'infraction. De façon graduelle, l'appareil deviendrait une preuve obligatoire donnant une preuve forte influant sur la conviction du juge sans qu'il ne soit consacré par aucune loi. Toutefois, nous constatons que cette interdiction absolue de soumission volontaire au détecteur de mensonges peut avoir une seule limite dans le cas où le prévenu est incapable de présenter une preuve de son innocence alors qu'il y a des preuves qui l'inculpent et plus

1259 V. en langue arabe : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 195.

306

précisément des preuves susceptibles de le condamner, la demande du prévenu de subir volontairement le détecteur de mensonges peut être acceptée après l'accord de son avocat. Il va de soi que cette technique de défense doit être consacrée et organisée par un texte législatif détaillé et clair, et nous sommes ici d'accord avec une telle approche pour deux raisons. Premièrement, pour permettre à l'accusé de prouver son innocence lorsque les circonstances du crime sont telles qu'il ne peut avoir une preuve de son innocence, car ceci s'avère impossible. C'est la raison pour laquelle nous proposons l'autorisation partielle de l'utilisation de ce moyen de façon très restreinte et c'est à la Cour en charge de l'affaire d'évaluer cette impossibilité et le prévenu est soumis au détecteur de mensonges devant la Cour du fond et le juge du fond c'est-à-dire sous la surveillance et en présence de l'autorité judiciaire qui juge le fait et non devant l'enquêteur ou le juge d'instruction. Ceci représente une garantie importante, et là on peut dire que ce moyen devient dans ce cas un moyen de défense exceptionnel et contribue à se débarrasser de la règle qui dit que le doute est expliqué en faveur de l'accusé et ceci est un sujet de recherche sérieux que nous proposons.

B. Recevabilité de la preuve acquise d'identification par ADN.

218. L'utilisation de l'ADN à des fins juridiques. Des années durant, la preuve pénale s'est appuyée sur des méthodes traditionnelles diverses et des preuves pénales communes dans les enquêtes relatives à la découverte des acteurs et des victimes de crimes et des accidents de toutes sortes, jusqu'à la découverte, par le généticien britannique Alec Jeffreys de l'empreinte génétique, qui est devenue l'une des meilleures preuves usitées pour identifier avec une exactitude parfaite les personnes, qu'elles soient des criminels ou des victimes. Par ailleurs,

l'empreinte génétique revêt une importance capitale1260 dans l'identification de la descendance, mais nous allons nous contenter dans notre étude du rôle que joue l'empreinte

1261

génétique dans la preuve pénale.

1260 V. M.-A. Grimaud, « Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada, 1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 298 : « Cette preuve biométrique, mise au point en 1985 par un généticien britannique, Alec Jeffreys, fascine. C'est presqu'un truisme de dire qu'elle est séduisante et particulièrement prometteuse, non pas seulement parce qu'elle repose sur une biotechnologie de pointe, la génétique, mais surtout parce qu'elle permet, soit de désigner avec une quasi-certitude, de confirmer une identité sans un besoin de témoignage, soit d'exclure une telle identité ».

1261 M.-A. Grimaud, « Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada, 1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 300 : « En matière criminelle, cette preuve est particulièrement utile dans les causes de meurtres, de viols ou d'agressions sexuelles,

219. 307

L'ADN en matière de preuve pénale. L'utilisation de l'ADN à des fins judiciaires au

1262

cours de l'enquête judiciaire revêt une importance particulière. La question qui se pose est donc de savoir comment profiter de l'analyse génétique dans la recherche des éléments de preuve afin de découvrir la vérité dans le procès ? Mmes Geneviève Giudicelli-Delage et Haritini Matsopoulou répondent à cette question en écrivant : « l'analyse d'ADN permet d'identifier un individu, par comparaison de son empreinte génétique avec les substances prélevées sur la scène d'un crime. Le recours à un tel moyen permet souvent de faire le lien entre plusieurs affaires criminelles et d'aboutir à l'identification d'un criminel en série. L'utilisation des techniques, mettant en oeuvre l'ADN, a évolué depuis le début de leur emploi

dans le cadre de la criminalistique »

1263

. Donc, il s'agit d'une comparaison entre l'ADN de la

1264

trace trouvée sur le lieu du crime

ou sur la victime (sang, sperme, ...), et celui du suspect

 

1265

.

comme affirme la doctrine pénale

220. Conditions d'approbation de l'empreinte génétique dans la preuve pénale. L'importance croissante de l'ADN en matière de preuve pénale est remarquable mais soulève

de vols qualifiés, de crimes en série et de crimes non résolus où il n'est pas facile de trouver des preuves sur la base des méthodes traditionnelles ».

1262 V. en ce sens : Y. Padova, « À la recherche de la preuve absolue. Réflexions sur l'utilisation de l'ADN en procédure pénale et sur le développement des fichiers d'empreintes génétiques», in Arch.pol.crim., Éditions A. Pédone, 2004/1 - n° 26, pp. 71-90, V. spec. p. 72 : « Compte tenu de la force probatoire qui est désormais attachée aux résultats de l'analyse d'ADN, celle-ci possède de nombreux effets secondaires, sur l'opinion publique notamment, qui tend à considérer la présence d'échantillons génétiques comme la garantie d'identification du délinquant et donc la certitude du prononcé de la sanction pénale».

1263 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 5.

1264 V. en ce sens : G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « La méthode de l'empreinte génétique ADN se fait par comparaison de la structure ADN de la matière corporelle trouvée sur le lieu du délit ou sur la victime, avec la structure du matériel corporel prélevé sur le prévenu. C'est une méthode extrêmement complexe qui est mise en oeuvre pour trouver le résultat de cette comparaison ».

1265 V. en ce sens : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1097 : « L'analyse génétique en procédure pénale est une technique d'identification reposant sur la comparaison entre, d'une part, les profils génétiques de traces découvertes sur les lieux de l'infraction et, d'autre part, les profils génétiques d'échantillons prélevés sur une personne en cours d'information ou d'instruction. La comparaison peut également porter sur les profils de traces trouvées sur les lieux de l'infraction, d'une part et, sur les profils de traces stockées dans des bases de données ADN, d'autre part, ou sur le profil génétique d'échantillons de cellules prélevés, d'une part, et les données de la banque, d'autre part. La comparaison permet d'établir, avec un degré de certitude élevé, que la personne concernée par l'analyse se trouvait ou ne se trouvait pas sur les lieux d'infraction. ».

308

1266

plusieurs interrogations à propos de la légalité de ce moyen dans la recherche de preuve, ce

1267

qui ouvre le débat sur les conditions auxquelles doit être soumis un prélèvement ADN. La certitude de la valeur de l'analyse 1268 de l'empreinte génétique1269 dépend totalement de la qualité de la méthode de recherche et de l'exactitude dans l'interprétation des résultats découlant de cette analyse, ce qui nécessite la présence d'un atelier hautement qualifié. L'approbation des preuves requiert que les procédures adoptées pour son obtention soient conformes à celles prévues par la loi, sinon les preuves n'ont aucune valeur légale. Afin que la preuve soit approuvée, la condition de légalité de la preuve est sans doute nécessaire. Ce qui est sûr c'est que l'utilisation de la technique d'empreinte génétique, comme l'une des preuves adoptées dans la preuve pénale va ouvrir une question portant sur la légalité de ce moyen de preuve, parce qu'il pose certains problèmes inhérents aux principes généraux de la procédure pénale et des droits et garanties prévus pour les accusés, dont l'ampleur de l'atteinte à la sécurité corporelle de l'accusé 1270 afin de le contraindre à la prise d'un échantillon de son

1271

corps ou d'une cellule de son sang pour procéder à l'examen

.

1266 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419 : « L'appel à l'ADN doit être possible pour la preuve de toute infraction grave car la détermination du coupable va dans le sens de l'intérêt général en permettant à la fois d'éviter de la part de celui-ci la commission d'autres infractions et la condamnation d'un innocent contre lequel il y aurait eu des indices à charges. En clair, entre deux maux -l'atteinte (très réduite) aux droits de l'homme d'un individu et l'atteinte à l'ordre social- il faut choisir le moindre ».

1267 V. G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 5 : « il est permis de s'interroger sur les différentes conditions auxquelles doit être soumis un prélèvement ADN, qui doit assurer toutes les garanties de fiabilité et, assurer le respect du principe de la légalité dans l'administration des preuves ».

1268 V. M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1100 : « L'analyse génétique présente un degré de fiabilité suffisant ».

1269 V. sur ce point : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418 : « Ce procédé plus moderne qu'est le prélèvement de cellules aux fins de détermination de l'empreinte génétique d'un individu (A.D.N.) est indéniablement d'une grande fiabilité dès lors que les conditions de recueil des échantillons et leur degré de pureté sont au-dessus de tout soupçon ».

1270 V. sur ce point : Ch. Byk, « Tests génétiques et preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 50, n° 2, avril-juin 1998, pp. 683-709, V. spec. p. 684 : « L'impératif de la recherche de la vérité semble avoir prévalu sur celui du respect de l'inviolabilité corporelle, jusque peut-être à avoir réussi à déplacer l'équilibre précaire qui voulait qu'en droit français on ne puisse imposer de force à une personne, fut-elle suspectée d'un délit, une atteinte à son intégrité physique. L'analyse montrera également que les atteintes potentielles à la vie privée ne sont protégées que de façon très lacunaire par le droit positif ».

1271 V. sur ce point : G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Pour obtenir le matériel corporel dont on a besoin pour effectuer un test ADN, on devra avoir souvent recours à une ingérence dans l'intégrité corporelle du prévenu, telle que celle-ci a été garantie dans les Constitutions de beaucoup de pays. Le droit à l'intégrité corporelle n'est pourtant pas un droit absolu. Souvent les lois fondamentales déclarent que ce droit peut être limité par les dispositions légales ».

221. Les problèmes soulevés par l'utilisation de l'empreinte génétique dans la preuve pénale. L'utilisation de l'empreinte génétique dans la preuve pénale soulève de nombreux

1272

problèmes relatifs à la sécurité corporelle et à l'inviolabilité de la vie privée

. S'agissant

tout d'abord de la sécurité corporelle, l'analyse de l'empreinte génétique nécessite l'obtention d'un échantillon du corps humain 1273 , car il n'est pas possible de procéder à l'analyse dans le cadre scientifique actuel sauf sur des échantillons de sang ou de sperme ou toute autre cellule issue ou séparée du corps humain. Cette analyse fait la comparaison entre les traces laissées dans la scène de crime et les échantillons 1274 pris de l'accusé pour s'assurer s'ils proviennent

de la même source ou non

1275

. Cette comparaison requiert la prise d'une partie du corps

309

humain (soit l'accusé) pour effectuer l'analyse

 

1276

, ce qui constitue une atteinte à la sécurité

corporelle. De ce fait, elle peut être restreinte dans certains cas prévus par la loi. Outre ce qui a été dit concernant l'interdiction de prendre un échantillon du corps de l'accusé dans le but d'y analyser l'empreinte génétique, car ceci constitue une atteinte à l'inviolabilité du corps et

1272 V. sur ce point : M.-A. Grimaud, « Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada, 1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 328 : « La preuve obtenue par analyse génétique semble être porteuse de bénéfices notables pour la justice dans le domaine de l'identification; mais il ne fait nul doute que l'utilisation de cette preuve sans un contrôle efficace générera de nombreux problèmes. Les risques et les atteintes à la dignité humaine peuvent se multiplier (atteinte aux droits fondamentaux renforcés par les problèmes liés à la collecte et l'utilisation des échantillons, l'informatisation et la création des banques de données, les questions de sécurité génétique, les questions de coût, les questions de répercussion familiale et sociale etc...)» ; V. sur un droit fondamental qui serait en jeu au test d'identification ADN serait le droit à la vie privée : G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « La question est dans quelle mesure le test d'identification provoque-t-il une ingérence à ce droit et dans quelle mesure y pourra-t-on trouver des données qui tombent sous la protection des diverses Constitutions, ou de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou bien encore de l'article 17 de la Convention internationale des droits civils et politiques ? ».

1273 V. sur ce point : M.-A. Grimaud, « Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada, 1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 308 : « la source de l'échantillon utilisé pour l'analyse peut être variable (prélèvements frais, vieux, secs, congelés, décomposés) car l'ADN est stable et est extrêmement résistant aux effets de l'environnement ».

1274 V. en ce sens : La Mise en état des affaires pénales : rapports / Ministère de la justice, Commission justice pénale et droits de l'homme ; présidée par Mireille Delmas-Marty ; Serge Lasvignes, (et al.), V. spec. p. 201 : « En effet, toute technique d'identification repose sur une comparaison entre un indice relevé sur les lieux de l'infraction et un échantillon prélevé sur le suspect, qu'il s'agisse de sang, de sperme... Or, le respect de l'intégrité corporelle de l'inculpé constitue une exigence traditionnelle de la procédure pénale : le droit qu'a la justice d'accéder à ce que la personne possède de plus intime a pour borne infranchissable l'intégrité physique de celle-ci ».

1275 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 477, p. 434 : « La preuve par empreintes génétiques ou A.D.N (acide désoxyribonucléique) est souvent présentée aujourd'hui comme la preuve parfaite permettant de confondre par exemple l'auteur d'un viol ou d'un homicide volontaire dès lors qu'ils ont laissé sur les lieux du crime ou sur le corps de la victime quelques cellules de leur sang, salive, sperme... et qu'une comparaison pourra être faite avec des cellules appartenant à leur propre corps s'ils sont soupçonnés ».

1276 V. en ce sens : G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Le matériel avec lequel on procède dans un test ADN faisait partie du corps humain ».

une contradiction avec la liberté individuelle des personnes, seule la personne (l'accusé) a la liberté totale de soumettre son échantillon biologique à l'analyse biologique ou de s'y

1277

objecter.

222. Possibilité de contraindre l'accusé à l'analyse de l'empreinte génétique en cas de refus. L'opération de prise d'échantillon ou de cellule du corps de l'accusé est nécessaire pour la comparaison qui s'effectue sur la trace de la scène de crime ou sur le corps de la victime. Mais, est-il possible de contraindre l'accusé à se soumettre à l'analyse de l'empreinte genetique ? En d'autres termes, que faut-il faire si l'accusé refuse que l'on prenne un échantillon de son corps? Le refus est-il un aspect du droit au silence du suspect ou de

l'inculpé

1278

? M. Jean Pradel pose encore la question : « L'intéressé doit-il consentir au

1279

prélèvement ? », pour finir par affirmer que la question est délicate. Pour répondre à cette

question

1280

, il sied de distinguer entre les deux hypothèses suivantes : première hypothèse :

310

dans le cas où l'on trouve des traces du criminel sur la scène de crime, on n'a pas besoin d'un corps ou de contrainte pour prendre un échantillon du corps pour l'analyse. S'il s'avère nécessaire de prendre un échantillon du corps de l'accusé, il est nécessaire d'obtenir sa

. Si l'accusé ou prévenu refuse de donner son

1281 1282

permissionou celle de son tuteur

1277 V. M.-A. Grimaud, « Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le système pénal canadien », in R.D.U.S., (Revue de droit de l'Université de Sherbrooke) Canada, 1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 328 : « Comme toute autre technologie scientifique, la preuve d'identification par ADN pose le dilemme suivant : le savoir et le pouvoir confrontés aux garanties des droits de la personne et de la justice sociale. En effet, avec l'analyse génétique, c'est la personne toute entière qui est l'enjeu de pouvoirs; la personne dans sa dimension physique, dans sa dimension humaine et sociale, la personne dans sa dimension cosmique ».

1278 V. sur ce point : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1098 : « Le prélèvement de cellules humaines effectué sous la contrainte peut être ressenti par le suspect ou par l'inculpé comme violant son droit au silence ». (Telle n'est pas la position de la Cour européenne de l'homme voir arrêt Saunders c/Royaume-Uni le 17 décembre 1996).

1279 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 436.

1280 V. encore sur ce pont, la question posée par Gertrud A. Van Eikema Hommes et Peter Tak : V. G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Quelle réaction s'impose lorsque le prévenu refuse de subir un prélèvement du matériel corporel ou d'en procurer ? »

1281 Selon l'article 16-1 C. Civ français 1 du 29 juillet 1994 « Le corps humain est inviolable ».

1282 La loi pénale française incrimine la violation de l'intimité de la vie privée, sauf consentement de l'intéressé, art 226-1 et suivant du Code pénal français.

, alors, il faut se contenter de ce qui a été pris ou d'en prendre des échantillons

1284

de la scène de crime.

échantillon

1283

311

Concernant la deuxième hypothèse: s'il faut prendre un échantillon du corps de l'accusé, et si l'accusé refuse, il y a alors trois options découlant de longs débats se rapportant à l'utilisation de l'empreinte génétique pour la preuve pénale, notamment l'analyse de l'empreinte génétique.

Première option: Il s'agit d'imposer une sanction à l'accusé s'il refuse qu'on prenne un échantillon de son corps. Ceci n'est pas prévu par la loi libanaise, donc, nous excluons l'application de cette option au Liban. Au contraire, en droit français le fait de refuser de se soumettre à un prélèvement ADN est sanctionné pénalement et par amende.

Deuxième option : l'accusé ne fait pas l'objet de sanction s'il refuse de se soumettre à

l'analyse 1285

, et dire que le refus est considéré comme une preuve de la perpétration de

l'infraction par l'accusé ou non, dépend de l'estimation par l'autorité du juge 1286 . Or sur la base du droit du prévenu de ne pas s'auto-incriminer et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, nous critiquons fortement cet avis car le refus de l'accusé ne peut être considéré comme une preuve concluante de sa responsabilité sauf si le résultat de l'analyse confirme la compatibilité de l'échantillon pris de lui avec l'échantillon trouvé sur la scène de

1287

crime ou sur le corps de la victime.

1283 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419 : « Des auteurs considèrent que le droit au silence inclut le droit pour le prévenu de s'opposer de fournir à la justice des informations tirées de son corps ».

1284 V. R. Coquoz, Preuve par l'ADN. La génétique au service de la justice, 1er éd., Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003, p. 295: « Avec le consentement de la personne, le prélèvement ne soulève pas de problème particulier. Les choses se compliquent lorsque la personne refuse le prélèvement. Et la loi doit bien sûr déterminer s'il est possible d'effectuer un prélèvement contre la volonté d'une personne, et dans quels cas ».

1285 V. en ce sens : V. G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Une première option est de rendre le refus passible d'une peine, comme cela s'est produit pour le refus d'une prise de sang lors d'une infraction à la circulation routière prévue par le Code des débits de boissons. Cependant cette réaction n'a pas l'air très réaliste, puisque, pour se présenter au prévenu comme une incitation à coopérer au test, la peine imposée pour le refus de consentement devrait être identique à la peine encourue à la suite d'un test positif ».

1286 V. en ce sens : V. G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Une deuxième possibilité est de ne pas rendre le refus passible d'une peine, mais de laisser à la discrétion du juge de l'audience de décider quelles conséquences en matière de preuve il veut lier au refus. Cette réaction a été choisie par le législateur d'Angleterre, du pays de Galles, d'Irlande du Nord et de la République irlandaise ».

1287 V. critique concernant cette option : V. G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « A notre avis, la deuxième possibilité n'est pas

Troisième option: Il s'agit de contraindre l'accusé à se soumettre à l'analyse de l'empreinte

1288

génétique

. Cette option, proposée par certains auteurs

1289

, peut être considérée comme une

312

violation aux principes fondamentaux du droit de preuve. Notamment à l'interdiction de la contrainte de la personne à présenter une preuve à son encontre et au principe suivant lequel la charge de la preuve pèse sur le demandeur. Cependant, ceci constitue l'option usitée dans les pays européens et occidentaux qui ont attribué au juge le pouvoir de contraindre l'accusé à prendre un échantillon de son corps à condition que cet échantillon soit dans la proportion nécessaire pour procéder à l'analyse. Quant à nous, nous choisissons la troisième option, car elle est la plus idoine. En effet, l'obtention d'un échantillon du sang (ou salive, cheveux) de l'accusé peut certes être douloureuse, mais cette douleur n'est pas telle qu'il ne peut la

supporter puisque ce n'est qu'une petite piqûre 1290 . En outre, la prise d'échantillon du sang de l'accusé dans certains crimes où l'on trouve des preuves insuffisantes sur sa perpétration de ces crimes est considérée comme une procédure nécessaire pour la comparer avec les traces de sang, de sperme ou autres traces humaines sur la scène de crime. La prise de cet échantillon, même si elle est considérée comme une violation à la sécurité corporelle, n'est pas comparable avec le préjudice que le criminel a causé en commettant le crime, à cet effet, la loi a permis de soumettre l'accusé à des procédures susceptibles de porter légèrement atteinte à sa sécurité corporelle afin d'atteindre un intérêt d'une importance capitale, soit l'établissement de la sécurité et de la justice, comme c'est le cas pour la preuve pénale par rapport au conducteur de voiture en état d'ivresse. Toutefois, la dernière option est considérée comme étant illégale dans la loi libanaise à cause de la clarté du texte de loi libanaise qui interdit cette méthode. Il serait utile que le législateur libanais intervienne pour modifier la présente loi de façon fondamentale afin d'être conforme avec l'importance de cet examen dans les enquêtes

acceptable, puisque le prévenu peut avoir des raisons valables motivant ce refus. Par ailleurs ce même refus ne peut être considéré comme preuve tangible. En outre, cette alternative est tout à fait contraire au système de la preuve légale et négative, étant le système de preuve dans divers pays européens continentaux. Ainsi un refus de coopération ne peut jamais constituer une preuve positive pour la détermination de l'imputabilité du prévenu. Pour argumenter la preuve il n'y a que le résultat du test ».

1288 V. sur ce point : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419 : « En clair, entre deux maux -l'atteinte (très réduite) aux droits de l'homme d'un individu et l'atteinte à l'ordre social- il faut choisir le moindre ».

1289 V. G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Une troisième possibilité serait de passer outre le refus de coopération par l'application de la contrainte ou de la force. C'est le choix du législateur des pays scandinaves, de l'Ecosse, de l'Allemagne, des États-Unis et de quelques États de l'Australie ».

1290 V. en ce sens sur ADN et droit à l'intégrité corporelle de l'individu: M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1099 : « Dans la mesure où, dans la majorité des cas, l'analyse ADN de comparaison suppose le prélèvement de cellules sur une personne, il s'agit d'une atteinte- si limitée soit elle- au droit à l'intégrité corporel de l'individu ».

313

pénales et des preuves ou de choisir une autre option claire concernant le refus de soumettre à un prélèvement d'ADN en limitant les infractions visées par cette option.

223. Position du législateur libanais vis-à-vis de l'utilisation des profils d'ADN dans des procédures pénales. Les législations modernes, y compris la législation libanaise, permettent l'expertise technique pour la recherche de la vérité. Cette considération transcende toutes les autres considérations. Il convient de citer que M. Moustapha Awji qui pense que l'accomplissement de cette expertise ne permet pas l'utilisation de moyens agressifs ou de contrainte à cet effet, sauf si la loi permet d'effectuer l'expertise en dépit de l'objection du

défendeur 1291 . De ce fait, l'ADN est considéré comme faisant partie de l'expertise et non pas comme moyen de preuve selon M. Moustapha Awji. Les textes de loi de la procédure pénale libanaise ne comportent aucune mention de l'empreinte génétique. Nous pensons que l'empreinte héréditaire est considérée comme un acte d'expertise lorsqu'elle est obtenue sur la scène de crime ou en tout autre lieu, car le propriétaire de l'empreinte l'a laissée derrière lui. Par conséquent, il n'y a pas besoin d'obtenir son approbation ou de l'intervention d'une autre personne pour obtenir un échantillon de son corps. Concernant le cas où l'obtention de l'échantillon est impossible sans porter atteinte au corps de son propriétaire ni à sa volonté, le sujet est alors complètement différent et cela devient un moyen de preuve qui a besoin d'approbation explicite et manuscrite de la personne concernant son accord pour faire l'objet d'analyse car il s'agit ici de sa sécurité corporelle et volontaire.

224. La partie qui autorise l'accomplissement de l'analyse de l'empreinte héréditaire dans le droit libanais. La question suivante se pose : la science peut-elle être toujours infaillible dans l'identification du criminel devant les tribunaux ? En droit libanais la loi n° 625 a été promulguée le 20/11/2004 sous le nom d'analyses génétiques humaines. L'article 4 de cette loi confirme que « ni les considérations de recherche relative au stock génétique, ni aucune de ses applications dans le domaine biologique, génétique ou médical, ne doivent enfreindre les droits de l'homme, ses libertés fondamentales, et la dignité humaine de l'individu ou de la société ». Sur ce, est formellement interdite toute utilisation de moyens ou toute conduite d'examens qui transgressent la dignité de l'homme. L'article 5, à son tour, confirme la confidentialité de ces informations et de leur protection : « Il est impératif de respecter la confidentialité des informations génétiques propres à tout individu ou tout groupe. » Quant à l'article 9, il confirme la liberté de l'individu en imposant la déclaration explicite manuscrite

1291 V. en langue arabe : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Halabi Law Publisher, Beyrouth (Liban), 2002, p. 192.

314

de la soumission à cette analyse sans aucune contrainte : est interdite la conduite directe de toute analyse génétique sauf avec l'approbation explicite et manuscrite de la personne soumise à l'analyse, l'approbation n'est considérée comme étant explicite que si le donneur d'approbation avait suffisamment de temps de réflexion avant de la donner. Est interdit tout exercice de pression ou de tentation morale ou matérielle visant l'obtention de l'approbation de la personne soumise à l'analyse. La personne ayant accepté de se soumettre à l'analyse a le droit de changer d'avis ou de demander l'arrêt de l'examen ou d'annuler les résultats après les avoir consultés, conformément à l'article 11 qui énonce que « la personne ayant fait l'objet d'examen est habilitée à consulter les résultats de cet examen, de même, elle est habilitée à arrêter cet examen ou à annuler tout ce qui s'y rapporte à tout moment». L'article 14 de cette même loi interdit le recours des autorités générales ou toute autre personne au laboratoire pour obtenir les résultats de l'examen sans le consentement préalable par écrit de la personne ayant fait l'objet de l'examen. Cet article sert de protection à la personne, sa liberté et sa confidentialité dans les enquêtes pénales, à savoir l'article 14 affirme qu'il est interdit de communiquer les résultats de l'examen à la famille ou à toute autre tierce personne, privée ou publique, sans le consentement explicite par écrit de la personne objet d'examen. Concernant les mineurs ou les personnes n'ayant pas la capacité pour donner leur approbation explicite, les examens génétiques s'effectuent conformément à la demande manuscrite du tuteur. L'article 16 affirme que « les examens des traits génétiques pour confirmer la descendance et pour des raisons de médecine légale (empreintes génétiques et recherches de paternités) et les méthodes de son utilisation sont soumis au pouvoir judiciaire compétent qui décide si la conduite d'examen est légalement autorisée ». Ce texte est pauvre en terme de structure et il est très vague ne donnant aucune signification, excepté que le juge est habilité à décider s'il est permis légalement d'effectuer l'examen ou non en vue de confirmer la descendance ou en tant qu'expertise technique dans les procès. Cependant, il ne propose aucun critère pour connaître la façon dont le juge prend sa décision et comment il estime si l'examen est légalement permis ou non. Le législateur doit intervenir pour modifier le texte et expliquer la façon d'utilisation dudit examen dans les procès et enquêtes et leurs procédures, les garanties et les sanctions contre le non-maintien de cette confidentialité qui doit être préservée vu l'importance que revêt ce moyen dans la preuve et son utilisation croissante et son rôle dans les enquêtes. Pour ce qui est des laboratoires, l'article 21 dispose que « les activités des laboratoires de l'ADN et la sauvegarde d'échantillons et leur insertion sur les réseaux d'information doivent se plier à toutes les règles adoptées et connues en matière de sauvegarde des fichiers médicaux (articles 7 et 29 du Code de la déontologie médicale). De même, elles sont soumises aux Codes civils et pénaux en vigueur. » Quant à l'article 22, il

315

prévoit que « les registres et les échantillons d'ADN sont préservés dans des centres qui comportent toutes les garanties scientifiques et morales agréées par le ministère de la santé ». Concernant l'article 23, il dispose que « toute personne concernée est mise au courant de son droit à refuser de donner toute information génétique préservée la concernant, ainsi que de son droit d'obtenir ces informations à tout moment, ou à demander son abrogation sur le registre, ou le retrait ou la destruction des échantillons d'ADN propre à elle, à condition qu'elles ne contredisent pas les dispositions de l'article 22 de la présente loi. » Concernant la protection des informations, l'article 24 affirme que « des mécanismes particuliers codés sont adoptés dans les laboratoires d'ADN afin de protéger les informations et interdire toute prise de connaissance privée ou publique y afférente permettant l'identification de la personne concernée par le registre, par ailleurs, toute demande de présentation de tout document génétique aux personnes concernées est interdite ».

225. Position de la jurisprudence libanaise vis-à-vis de l'utilisation de l'examen génétique. Au Liban, la jurisprudence prend en considération l'empreinte génétique en sa qualité d'indice et de preuve scientifique dans la justice civile et pénale. C'est ce qui a été confirmé par le juge d'instruction au mont Liban, dans la décision du 05/02/1995 dans l'affaire du décès de l'enfant (Nathali Dabbas), où le juge d'instruction considérait que « l'analyse de l'ADN, dans le cas présent, prouve de façon catégorique que (Nathalie) est la fille de (Wadii Dabbas), car l'analyse a prouvé que les échantillons pris de (Natalie) après être déterrée, se caractérisent par des mêmes caractéristiques héréditaires, et correspondent aux échantillons utilisés par le docteur lors de l'autopsie du cadavre de Natalie, autrement dit, il n'y a aucun doute que la fille objet d'autopsie est (Nathalie Dabbas)... Attendu que l'enquête a concerné plusieurs aspects, et la tendance vers l'aspect médical n'a pas exclu les autres aspects qui sont restés continuels, attendu que nous avons écouté plusieurs témoins et médecins, ainsi que la partie/ demanderesse et défenderesse, attendu que le rapport d'expertise qui nous est parvenu de Washington, il échet donc de dire qu'il n'y a eu aucun abus sexuel contre (Nathalie Dabbas) ». Selon nous, beaucoup des questions problématiques n'ont pas été évoquées par la doctrine et la jurisprudence libanaises parce que rares sont les cas qui soulèvent la question du prélèvement d'ADN présentés devant la justice libanaise.

226. L'Admission de la preuve par ADN ou l'utilisation de l'ADN en droit français. Longtemps, la France n'a eu aucune disposition légale en la matière 1292 . Ce vide juridique en

1292 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 434.

matière D'ADN est comblé partiellement par un texte de loi civil qui est la loi du 29 juillet 1994 sur la bioéthique. « Jusqu'aux années 1990, au questionnement génétique répondait un immense vide juridique. C'est tout d'abord la loi du 29 juillet 1994 sur la bioéthique qui a

introduit dans le Code civil une législation spécifique. L'article 16-11, alinéa 1er, du Code civil fut pendant plusieurs années la seule disposition à apporter un début de solution à la

matière pénale »

1293

. Mme Coralie Ambroise-Castérot illustre parfaitement le problème qui

entoure l'application de l'article 16-11, alinéa 1er du Code civil en matière pénale face aux exigences du procès équitable comme une exigence incontournable : « Ce texte prévoit en effet la possibilité d'une prise d'empreintes génétiques dans le cadre d'une enquête ou d'une information judiciaire. Cependant, les exigences du procès équitable et de la protection des droits de la défense ne pouvaient nullement se satisfaire d'un demi alinéa dans le Code civil pour réglementer une méthode d'investigation pénale aussi invasive, intrusive au regard de la protection de la vie privée, et aussi dangereuse pour les libertés et les droits

fondamentaux » 1294 . Mais le vide juridique qui continue a existait en matière pénale d'ADN en droit français n'a pas empêché certains juges d'instruction de recourir à ce procédé et on peut citer un arrêt du 14 août 1997 de la Cour d'appel de Rennes qui a mentionné que « des prélèvements de sang ou de salive soient systématiquement effectués avec accord préalable des intéressés, sur tous les habitants de sexe masculin d'âge adulte de la commune de Pleine-Fougères, et, dans l'hypothèse de résultats négatifs, d'effectuer de semblables opérations dans

les communes avoisinantes»

1295

. Pour combler ce vide juridique qui existait en matière pénale

316

1296

en droit français, il faudra attendre jusqu'à la loi n° 98-468 du 17 juin 1998sur les

1297 1298

infractions de nature sexuelleet la protection des mineurs victimespour que soit

1293 C. Ambroise-Castérot, « La personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 66, V. spec. n° 6.

1294 C. Ambroise-Castérot, « La personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 66, V. spec. n° 6.

1295 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 436 : « Mais qu'en est-il en France ? Une décision (Rennes 14 aout 1997) a admis que le recours à l'A.D.N. suppose le consentement des intéressées. Mais elle a été rendue avant la loi de 1998 qui, il est vrai, ne disait rien en cette question ».

1296 V. C. Ambroise-Castérot, « La personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 66, V. spec. n° 7 : « Le Parlement a finalement adopté le 17 juin 1998 une législation spécifique. Cette législation n'a pas introduit les empreintes génétiques dans une section relative à la preuve, mais dans une partie du Code de procédure pénale traitant du fichier national automatisé des empreintes génétiques (dit FNAEG) ».

1297 V. sur la comparaison d'empreintes génétiques en droit français: P.-Y. Marot et G. Roussel, « La fabrique des populations problématiques par la suspicion policière », in Colloque international, Nantes, 13, 14 et 15 juin 2007, p. 6 : « D'abord instrument spécifique dédié à la lutte contre la délinquance sexuelle, il est devenu un outil plus général au service de l'élucidation des affaires ».

1299

. La

consacrée cette technique, sur amendement de parlementaires de l'opposition d'ailleurs matière est traitée à l'article 706-54 du CPP français, complété par une circulaire du 14 décembre 1998 et par un décret d'application en date du 18 mai 2000 relatif au fichier national

automatisé des empreintes génétiques (F.N.A.E.G)

1300

et au service central de préservation des

prélèvements biologiques. Les lois des 15 novembre 2001, 18 mars 2003, 9 mars 2004, 4 avril 2006, 10 mars 2010 et 14 mars 2011 « d'orientation et de programmation pour la performance sur la sécurité intérieure » (dite loi LOPSI II) apportent quelques retouches

comme le souligne M. Jean Pradel

1301

. Au début, la liste des infractions était limitée à certaines

317

infractions relatives aux infractions sexuelles qui figuraient dans la loi du 18 juin 1998. Mais survinrent trois lois postérieures prévoyant d'étendre la liste des infractions (loi 15 novembre 2001, loi 18 mars 2003 et loi 9 mars 2004). Aujourd'hui, la liste des infractions selon l'article 706-55 du CPP français est « énorme » selon l'expression de M. Jean Pradel1302 . En fait, dans le futur, il est possible que le législateur français abandonne un jour le système de la liste des

1303

.

infractions pour utiliser un critère différent en se basant sur le montant de la peine

227. Les hypothèses autorisant le recours aux analyses d'ADN en droit français. Est-il permis pour une personne objet d'une procédure pénale de refuser de se soumettre à des prélèvements d'ADN ? De la même manière, est-il possible légalement de contraindre une personne dans une procédure pénale à se soumettre à un prélèvement biologique destiné à la manifestation de la vérité ? Refuser de se soumettre à un prélèvement biologique est-il contraire à la loi ? Est-ce punissable ? Mme Coralie Ambroise-Casterot répond à cette question d'une manière générale en soulignant que « le droit français oscille entre la préservation du droit de ne pas s'auto-incriminer, le droit à la protection de l'intégrité corporelle, et la recherche de la preuve nécessaire à la résolution de l'affaire. Autrement dit,

1298 V. A. Giudicelli, « Sur la distinction du prélèvement et de l'analyse concernant les empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998), in R.S.C., 2001, p. 607 : « avec la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, a été ajouté dans ce même code un article 706-54 qui crée un fichier national automatisé de données génétiques ».

1299 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 435.

1300 V. sur le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) : F. Christine, Le fichier national des empreintes génétiques, DEA droit et justice année 2001-2002, Université de Lille 2.

1301 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 435. 1302 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 435.

1303 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 435 : « viendra sans doute le jour où le législateur abandonnera le système de la liste et décidera que sont concernées toutes infractions passibles par exemple de trois ans d'emprisonnement ».

le premier enjeu est d'examiner le corps face aux impératifs de vérité »

1304

. En droit français,

il y a plusieurs hypothèses concernant le prélèvement biologique. Le premier concerne le prélèvement biologique afin de conserver dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques concernant les auteurs qui sont déclarés coupable par la Cour d'avoir commis certaines infractions sélectionnées par le législateur ou qui ont fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale en application des articles 706-120, 706-125, 706-129, 706-133 ou

706-134 (les infractions sont énumérées dans l'article 706-55 du CPP français)

1305

. Quelles

sont les infractions qui nécessitent le prélèvement biologique pour conserver les empreintes génétiques des personnes condamnées et qui ont fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale ? En droit français « toute personne condamnée pour une des infractions mentionnées à l'article 706-55 du Code de procédure pénale verra ses empreintes génétiques centralisées

dans le fichier »

1306

. L'article 706-55 du CPP français énumère les infractions qui permettent

318

de recueillir les empreintes génétiques des personnes déclarées coupables de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 du CPP ; sont les infractions de nature sexuelle, autres infractions contre les personnes, infractions contre les biens, certaines infractions contre

la sûreté de l'État...1307 Le législateur français a exagéré avec cette longue liste d'infractions qui élargit le domaine de cet article qui permet de prélever l'ADN des personnes déclarées

1304 C. Ambroise-Castérot, « La personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 66.

1305 L'article 706-54 dispose que « Le fichier national automatisé des empreintes génétiques, placé sous le contrôle d'un magistrat, est destiné à centraliser les empreintes génétiques issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes déclarées coupables de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs de ces infractions. Sont conservées dans les mêmes conditions les empreintes génétiques des personnes poursuivies pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 ayant fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale en application des articles 706-120, 706-125, 706-129, 706-133 ou 706-134 ».

1306 C. Ambroise-Castérot, « La personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et social, 2008, p. 66.

1307 L'article 706-55 du CPP français: « Le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant les infractions suivantes: 1° Les infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 du présent code ainsi que le délit prévu par l'article 222-32 du code pénal; 2° Les crimes contre l'humanité et les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d'atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d'atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d'exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs, prévus par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18, 222-34 à 222-40, 224-1 à 224-8, 225-41 à 225-4-4, 225-5 à 225-10, 225-12-1 à 225-12-3, 225-12-5 à 225-12-7 et 227-18 à 227-21 du code pénal; 3° Les crimes et délits de vols, d'extorsions, d'escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d'atteintes aux biens prévus par les articles 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-9, 313-2 et 322-1 à 322-14 du code pénal; 4° Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l'association de malfaiteurs prévus par les articles 410-1 à 413-12, 421-1 à 421-4, 442-1 à 442-5 et 450-1 du code pénal; 5° Les délits prévus par les articles L. 2353-4 et L. 2339-1 à L. 2339-11 du code de la défense; 6° Les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 5°, prévues par les articles 321-1 à 321-7 et 324-1 à 324-6 du code pénal ».

319

coupable et les personnes poursuivies pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 ayant fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale. Il est souhaitable que le législateur français abandonne cette longue liste d'infractions pour n'énumérer que les crimes qualifiés de graves et dont la détection des auteurs est très compliquée. D'autre part, dans l'alinéa 2 de l'article 706-54 du CPP français 1308 , on trouve le fondement légal qui permet de recueillir l'empreinte génétique des personnes soupçonnées « à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 ». De surcroît, l'alinéa 3 de l'article 706-54 du CPP français permet aux officiers de police judiciaire d'effectuer d'office (ou à la demande du procureur de la République ou du juge d'instruction) une procédure de rapprochement avec les données qui sont incluse dans le Fichier national automatisé1309 des empreintes génétiques1310. Il est donc possible de « faire procéder à un rapprochement de l'empreinte de toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 avec les données incluses au

1311

.

fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée »

228. Argument contre le fait de procéder à un prélèvement par la contrainte. Il existait en faveur de l'emploi de la contrainte certains arguments : dans toutes les hypothèses se pose le

1308 L'alinéa 2 de l'article 706-54 du CPP français dispose: « Les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 sont également conservées dans ce fichier sur décision d'un officier de police judiciaire agissant soit d'office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d'instruction ; il est fait mention de cette décision au dossier de la procédure. Ces empreintes sont effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. Lorsqu'il est saisi par l'intéressé, le procureur de la République informe celui-ci de la suite qui a été réservée à sa demande ; s'il n'a pas ordonné l'effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l'instruction ».

1309 V. « Commentaire de la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 », in Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier n° 30: « Dans tous les cas, seules les infractions énumérées par l'article 706-55 permettront donc un prélèvement biologique. L'enregistrement est possible en cas de condamnation (article 70654, al. 1er) ou en cas d'« indices graves ou concordants rendant vraisemblable» que l'intéressé ait commis l'une de ces infractions (article 706-54, al. 2) ; l'enregistrement n'est pas possible, en revanche, s'il existe simplement « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que l'intéressé a commis l'une de ces mêmes infractions énumérées par l'article 706-55 (article 706-54, al. 3) ».

1310 V. sur ce point: É. Mathias, Procédure pénale, 3e éd., Bréal, 2007, p. 77: « les officiers de police judiciaire peuvent non seulement procéder à un rapprochement des échantillons prélevés sur la victime ou sur les lieux de l'infraction avec les données stockées dans le fichier, mais aussi comparer l'ADN d'un suspect avec les traces et empreintes génétiques déjà fichées ».

1311 L'alinéa 3 de l'article 706-54 du CPP français.

1312

problème du consentement de l'intéressé qui est sans doute une question fondamentale

.

L'article 16-11, C. civ., prévoit trois applications de l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques : en matière civile (filiation notamment) où « le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli », et en matière pénale où cette exigence ne figure pas, d'où l'on peut déduire que le consentement n'est pas nécessaire

comme affirme M. Jean Pradel

1313

. Contrairement à l'avis précédent de M. Jean Pradel, nous

croyons qu'il n'est pas logique de déduire que le consentement préalable de l'intéressé n'est pas nécessaire en matière pénale parce que cette exigence ne se trouve pas explicitement dans un texte de loi. Le consentement est toujours nécessaire en cas d'atteinte légale sur le corps sauf en cas d'exception lorsque le législateur exige de façon explicite qu'il faut appliquer cette atteinte légale sans consentement de l'intéressé. De surcroît, l'avis de M. Jean Pradel n'est pas compatible avec le principe qui garantit à toute personne le droit de ne pas s'auto incriminer et

1314

son droit au silence . Dans la fameuse « décision bioéthique » n° 94-343/344 du 27 juillet 1994, qui vient juste avant la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, créant l'article 16-11, C. civ., on n'a pas considéré que l'inviolabilité et l'intégrité du corps humain

avait une valeur constitutionnelle

1315

. Donc, le Conseil constitutionnel refuse de donner à

l'inviolabilité de l'intégrité du corps humain une valeur constitutionnelle

1316

. Dans la décision

320

1312 V. A. Giudicelli, « Sur la distinction du prélèvement et de l'analyse concernant les empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998), in R.S.C., 2001, p. 607 : « Dans tous les cas, se pose la question du consentement de l'intéressé. L'article 16-11 du Code civil se contente d'exiger le recueil du consentement dans le cadre d'une procédure judiciaire civile. Le silence du texte concernant la procédure pénale signifie-t-il que le consentement, préalablement au prélèvement nécessaire à l'analyse, n'est pas requis ? ».

1313 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 437 : « L'article 16-11, C. civ., prévoit trois applications de l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques : 1° dans le cadre des mesures d'enquête ou d'instruction déligentées lors d'une procédure judiciaire ; 2° À des fins médicales ou de recherche scientifique ; 3° Aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes décédées. Or ce texte ajoute « qu'en matière civile ( le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli », et il en va de même dans le cas des recherches médicales ou scientifiques alors que rien de tel n'est prévu pour les mesures d'enquête ou d'instruction. ».

1314 V. en ce sens : A. Giudicelli, « Sur la distinction du prélèvement et de l'analyse concernant les empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998), in R.S.C., 2001, p. 607 : « En droit français, au regard du principe de l'inviolabilité de la personne humaine consacré aux articles 16-1 et 16-3 du Code civil, il n'est pas possible d'admettre une atteinte au corps d'autrui qui ne serait pas consentie. Par la combinaison du principe de l'inviolabilité et des règles qui gouvernent la charge de la preuve, notamment celle qui veut que le défendeur n'ait pas à collaborer avec la partie poursuivante, il ne paraît pas concevable de soumettre à des prélèvements forcés, fussent-ils de salive, les personnes en cause ».

1315 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 437.

1316 DC n° 94-343/344 du 27 juillet 1994, spec. §18: « Considérant que lesdites lois énoncent un ensemble de principes au nombre desquels figurent la primauté de la personne humaine, le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, l'inviolabilité, l'intégrité et l'absence de caractère patrimonial du corps humain ainsi que l'intégrité de l'espèce humaine ; que les principes ainsi affirmés tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ».

n° 2003-467 du 13 mars 2003, le Conseil constitutionnel a affirmé : « Considérant, ainsi qu'il ressort de ses termes mêmes, éclairés par les débats parlementaires, que l'expression "prélèvement externe" fait référence à un prélèvement n'impliquant aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comportera donc aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des intéressés ; que manque dès lors en fait le moyen tiré de l'atteinte à l'inviolabilité du corps humain ; que le prélèvement externe n'affecte pas davantage la liberté individuelle de l'intéressé ; qu'enfin, le prélèvement étant effectué dans le cadre de l'enquête et en vue de la manifestation de la vérité, il n'impose à la "personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté

de commettre l'infraction" aucune rigueur qui ne serait pas nécessaire »

1317

. M. Jean Pradel

321

ajoute encore « que face à l'impérieuse nécessité de rechercher la vérité dans les affaires graves, en faisant appel à l'A.D.N., la collecte de quelques cheveux ou gouttes de salive ne

porte guère atteinte aux droits de l'homme »

1318

. Dans sa décision n° 2010-25 QPC du 17

septembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré que l'utilisation de la contrainte afin d'effectuer une prélèvement biologique sans l'accord de l'intéressé est conforme à la Constitution : « Considérant, en deuxième lieu, que le prélèvement biologique visé aux deuxième et troisième alinéas de l'article 706-54 ne peut être effectué sans l'accord de l'intéressé ; que, selon le quatrième alinéa du paragraphe I de l'article 706-56, lorsqu'il n'est pas possible de procéder à un prélèvement biologique sur une personne, l'identification de son empreinte génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché de son corps ; qu'en tout état de cause, le prélèvement n'implique aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comporte aucun procédé douloureux, intrusif

ou attentatoire à la dignité des personnes »

1319

. La jurisprudence européenne enfin, peut être

interprétée comme étant favorable à l'usage de la contrainte, si besoin est. Une décision de l'ancienne Commission E.D.H du 13 décembre 1979 rappelle que l'ingérence constituée par un prélèvement corporel obligatoire peut être justifiée, dès lors qu'elle est prévue par la loi,

nécessaire dans une société démocratique et proportionnée au but recherché 1320 . Encore, un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme rendu le 17 décembre 1996 dans l'affaire

Saunders c/ Royaume-Uni ouvre explicitement la possibilité de l'état d'user de contrainte1321

1317 DC n° 2003-467 du 13 mars 2003, spec. §55.

1318 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 437. 1319 DC n° 2010-25 QPC du 17 septembre 2010, spec. §13.

1320 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 437.

1321 V. arrêt de 17 décembre 1996 de CEDH, Saunders c/ Royaume-Uni, V. spec. n° 69 : «Toutefois, le droit de ne pas s'incriminer soi-même concerne en premier lieu le respect de la détermination d'un accusé de garder le

en précisant d'une manière très claire que le droit au silence en faveur du suspect et accusé ne s'étend pas aux procédés coercitifs tels le prélèvement de sang ou de tissus corporels en vue

1322

d'une analyse coercitive

. On ne s'étonnera donc pas que finalement le législateur français

ait adopté l'article 706-56 du CPP français (loi 15 novembre 2001, 18 mars 2003 et 9 mars 2004) qui a notamment pour objet d'incriminer le refus des personnes condamnées ou soupçonnées de se soumettre au prélèvement biologique et qui pose les règles suivantes : 1° Le prélèvement peut être effectué « sans l'accord de l'intéressé», donc de force à l'égard des

personnes condamnées 1323 pour crime ou délit puni de dix ans d'emprisonnement1324 (CEDH 4

décembre 2008 Marper c/ Royaume-Uni numéro 125)

1325

. 2° Dans les autres cas, le refus de

se soumettre au prélèvement biologique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros

d'amende, sans cependant que les enquêteurs puissent agir coercitivement

1326

. 3° Le fait de

322

silence. Tel qu'il s'entend communément dans les systèmes juridiques des Parties contractantes à la Convention et ailleurs, il ne s'étend pas à l'usage, dans une procédure pénale, de données que l'on peut obtenir de l'accusé en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect, par exemple les documents recueillis en vertu d'un mandat, les prélèvements d'haleine, de sang et d'urine ainsi que de tissus corporels en vue d'une analyse de l'ADN.»

1322 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 437.

1323 V. CEDH 4 décembre 2008, Marper c/ Royaume-Uni, Requêtes n° 30562/04 et 30566/04, spec. § 125: « la Cour estime que le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions mais non condamnées, tel qu'il a été appliqué aux requérants en l'espèce, ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, et que l'État défendeur a outrepassé toute marge d'appréciation acceptable en la matière. Dès lors, la conservation litigieuse s'analyse en une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique. Cette conclusion dispense la Cour d'examiner les critiques formulées par les requérants à l'encontre de certains points précis du régime de conservation des données litigieuses, tels l'accès, trop large selon eux, à ces données et la protection, insuffisante à leurs yeux, offerte contre les usages impropres ou abusifs de ces données ».

1324 L'article 706-56 du CPP français dispose: « Lorsqu'il s'agit d'une personne condamnée pour crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, le prélèvement peut être effectué sans l'accord de l'intéressé sur réquisitions écrites du procureur de la République ».

1325 V. sur ce point : CEDH, 4 décembre 2008, Marper c/ Royaume-Uni, Requêtes n° 30562/04 et 30566/04,, V. spec. § 112 :La Cour européenne observe que : « ... la protection offerte par l'article 8 de la Convention serait affaiblie de manière inacceptable si l'usage des techniques scientifiques modernes dans le système de la justice pénale était autorisé à n'importe quel prix et sans une mise en balance attentive des avantages pouvant résulter d'un large recours à ces techniques, d'une part, et des intérêts essentiels s'attachant à la protection de la vie privée, d'autre part. Pour la Cour, le fort consensus qui existe à cet égard au sein des États contractants revêt une importance considérable et réduit la marge d'appréciation dont l'État défendeur dispose pour déterminer jusqu'où peut aller l'ingérence dans la vie privée permise dans ce domaine. La Cour considère que tout État qui revendique un rôle de pionnier dans l'évolution de nouvelles technologies porte la responsabilité particulière de trouver le juste équilibre en la matière ».

1326 L'article 706-56 du CPP français dispose: « II. - Le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Lorsque ces faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5 du code pénal, les peines prononcées pour les délits prévus au présent article se cumulent, sans possibilité de confusion,

commettre ou de tenter de commettre des manoeuvres visant à substituer à son propre matériel biologique celui d'un tiers, avec ou sans son accord, est puni de trois ans d'emprisonnement et

1327

de 45000 euros d'amende

. Il faut que le législateur libanais prenne en compte cette idée du

323

législateur français.

Conclusion du Chapitre II

229. La liberté de preuve ne signifie pas la recherche de la preuve pénale avec une liberté absolue et extrême, sans aucune restriction. En effet, il est inadmissible de permettre la recherche de la preuve pénale et sa production, sans prêter attention à la légalité des moyens à travers lesquels la preuve est accessible. En réalité, le respect des droits de la défense et la protection de la dignité humaine exigent que l'accès à la preuve, ou plus précisément la méthode de l'obtention de la preuve pénale, soit en conformité avec les moyens juridiques légaux. Il est devenu naturel de baser les moyens de preuve dans les enquêtes criminelles sur la science moderne, mais afin de valider la preuve, ils doivent être exercés dans le cadre de la légalité et dans les limites tracées par la loi. En effet, il est interdit d'inclure les attaques sur l'immunité du corps de l'individu, sur sa liberté et sur sa vie privée, exception faite dans la mesure nécessaire, et dans les limites fixées par la loi. Toutefois, il est inacceptable d'exagérer dans l'établissement des restrictions qui entraveraient le déroulement de la justice. Cela signifie que si les méthodes et les moyens modernes occupent une importance particulière dans la recherche et l'administration de la preuve pénale, il est nécessaire que l'utilisation de ces moyens de preuve modernes soit strictement encadrés par le législateur. Cependant, la preuve scientifique doit être conforme aux règles prévues par le Code de procédure pénale afin de respecter la légalité, ou en d'autres termes la primauté de la loi. A ce propos, les moyens traditionnels illégaux pour chercher la preuve sont nombreux et variés. Il suffit de mentionner, en tant qu'exemples non limitatifs, l'utilisation de la torture et de la coercition physique et morale, les interrogatoires longs et épuisants de la force de l'accusé et influant sur la liberté de sa volonté, la convocation de l'accusé pour un interrogatoire d'une façon

avec celles que la personne subissait ou celles prononcées pour l'infraction ayant fait l'objet de la procédure à l'occasion de laquelle les prélèvements devaient être effectués ».

1327 L'article 706-56 du CPP français dispose: « Le fait, pour une personne faisant l'objet d'un prélèvement, de commettre ou de tenter de commettre des manoeuvres destinées à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d'une tierce personne, avec ou sans son accord, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ».

324

répétitive à une heure tardive dans la nuit ou aux premières heures du matin, l'extension de l'enquête pendant de longues durées insupportables. Ces moyens épuisent le prévenu et l'accusé en général, influant ainsi sur sa volonté. La situation actuelle au Liban en termes d'application pratique exige une intervention législative pour mettre fin à une jurisprudence non humaniste et illégale qui admet le recours à des preuves obtenues illégalement comme preuve de culpabilité dans un procès pénal. Bien que certaines pratiques de la police soient contraires à la légalité de la preuve, certaines décisions judiciaires ont accepté l'aveu forcé ou les traitements inhumains. Un nombre important d'organisations non gouvernementales ont dénoncé dans leurs rapports l'existence de cas de torture exercés dans les lieux de détention au Liban.

En outre, est considérée comme illégale l'utilisation de certains moyens non traditionnels, en particulier l'anesthésie, l'hypnose, le détecteur de mensonges. En relation avec le détecteur de mensonges, les juristes ainsi que le pouvoir judiciaire se sont accordés à le considérer parmi les moyens de contrainte, de la torture, et de la recherche dans les profondeurs de l'âme. Quant au sérum de vérité, il est reconnu sans désaccord que son utilisation est absolument rejetée. A propos de l'hypnose, son utilisation avec l'accusé, pour l'endormir est un moyen rejeté et inacceptable, car l'endormi reste sous les effets hypnotiques, lui faisant perdre ainsi sa volonté et sa liberté. L'utilisation du détecteur de mensonges, de l'analyse d'anesthésie, d'hypnose ou de l'interrogatoire prolongé, épuisant ainsi l'accusé peut donc constituer un comportement criminel. Il convient de souligner explicitement l'exclusion de toute valeur probante de la preuve produite par ces moyens, étant donné qu'il s'agit d'une preuve contraire au principe de la légalité de la preuve pénale.

Il est interdit d'invoquer le principe de la liberté de la preuve pour avoir recours à des moyens violant la sainteté de la vie privée ou encore la sécurité du corps de l'individu sans autorisation judiciaire préalable du législateur. Celui-ci permettra juridiquement certaines atteintes dans les cas où il estime que leur utilité à protéger l'intérêt public, à révéler la vérité sur l'infraction et à détecter les criminels est supérieure à l'intérêt de l'individu et nécessite un certain sacrifice de la liberté et de garanties de l'individu.

Dans ce cas, étant donné leur gravité et l'atteinte aux libertés que ces moyens provoquent, les législateurs doit en limiter le recours par des dispositions légales explicites afin de fournir certaines garanties et un contrôle judiciaire permettant l'annulation de la procédure faite contrairement aux dispositions de la loi et permettant la non-prise en compte de la preuve en résultant, en raison de son manque de légitimité. On peut citer les tests ADN permis par les législateurs libanais et français.

325

230. La légalité de la preuve pénale signifie que la preuve doit être conforme à l'ensemble du système juridique et pas seulement le respect d'une règle spécifique prévue par le législateur. Par conséquent, il est inacceptable d'appliquer le principe de la liberté de la recherche de la preuve pénale indépendamment de toute restriction légale fournissant les principes généraux du respect de la liberté, de la sécurité des droits de l'homme dans le procès pénal, et de la notion de la légalité procédurale dans la recherche de la preuve pénale. Il est également inadmissible de considérer que tout moyen qui crée la certitude sert de moyen preuve, sans égard à la légalité de la méthode utilisée pour obtenir la preuve. En outre, il est impossible de reconnaître le principe selon lequel « la fin justifie les moyens » en tant que principe légal, et par conséquent de l'appliquer dans la recherche de la preuve pénale, étant donné qu'il entraîne la perte de la règle de la légalité de la preuve pénale. En général, il est convenable de dire que la règle de la légalité de la preuve doit être prise en compte dans toutes les phases du procès pénal étant donné qu'elle représente un filtre qui affine les procédures d'une étape à l'autre, et qu'elle nécessite l'accord entre la preuve pénale et la règle écrite ou en d'autres termes le principe de la légalité de la procédure pénale (« pas de procédure sans texte») et par conséquent la règle de la légalité de la preuve pénale.

326

Partie II

La mise en oeuvre du principe de légalité de

la preuve

231. L'importance de l'étude de la mise en oeuvre pratique du principe de légalité de preuve pénale. L'importance de l'étude de la mise en oeuvre pratique (effective) du principe de légalité de la preuve pénale dans le procès pénal s'explique par la nécessité de découvrir la valeur réelle que revêt ce principe. Si on ne fait pas cette étude face aux défis imposés par ce principe, il sera impossible d'évaluer la protection des droits des individus lors de la recherche des preuves quels que soient l'effort consenti par le législateur en vue de garantir le processus de recherche de la preuve pénale se basant sur les lois pénales et les garanties qui pourraient être inspirées de la théorie pure. En effet, ces textes et lois visent à assurer l'équilibre entre les droits des individus et l'intérêt de la société en assurant la concordance entre le moyen de recherche de la preuve pénale et le respect des droits de l'individu, la dignité humaine et les considérations de la justice. Cette concordance ne peut être atteinte qu'à travers la reconnaissance théorique et l'application effective du principe de légalité de la procédure et de la preuve pénale.

232. L'importance de la valeur et des conséquences juridiques attachées au principe de légalité. L'application effective des principes légaux constitue la norme par laquelle l'on peut savoir l'écho et l'impact découlant de ces principes loin de la théorie, car toutes les théories s'inclinent devant la réalité de la mise en oeuvre pratique (effective) devant les tribunaux. D'où l'importance d'étudier l'impact et l'influence du principe de légalité de preuve en matière pénale et de son exécution ou son application par la jurisprudence libanaise et française pour connaître l'ampleur de la protection assurée par ce principe dans le procès pénal. Pour étudier et évaluer l'application du principe de légalité qui constitue un correctif à la liberté de la preuve, il faut d'abord confirmer et affirmer la véritable existence de ce principe et sa consécration dans le droit libanais et français et la valeur juridique qu'il revêt. Ensuite, nous allons étudier dans le deuxième titre de cette partie l'application du principe de la légalité de preuve en droit libanais et français pour évaluer le degré d'efficacité et de protection assurées par ce principe en se reposant sur l'étude des solutions jurisprudentielles et doctrinales

327

concernant l'admission d'éléments de preuve obtenus illégalement. Compte tenu de ce qui précède, on doit s'interroger sur le sort de la preuve illégale dans le deuxième titre.

Le premier titre de la deuxième partie tend à montrer l'existence et la valeur juridique du principe de la légalité de preuve en droit libanais et français : vers une reconnaissance du principe de légalité. Le second titre de cette partie porte sur les sanctions des preuves illégales et illicites dans le procès pénal.

328

Titre I

Vers une reconnaissance du principe de légalité

233. L'existence du principe de légalité. Le fameux principe de la légalité criminelle connu

1328

notamment sous l'aspect du principe de la légalité des délits et des peines ne laisse aucun

doute sur sa présence et sa consécration par les législateurs libanais et français. Par contre, un autre aspect du principe de légalité criminelle paraît fortement marginalisé et oublié par les juristes notamment la doctrine pénale et malheureusement par la jurisprudence. L'aspect négligé du principe général de la légalité est le principe de la légalité procédurale et de la légalité de la preuve pénale qui constitue un aspect essentiel du principe de légalité et une conception très large de la garantie des droits de l'homme dans un État de droit. Le principe de la légalité de preuve laisse bien des points d'ombre sur la réalité de son existence comme un principe de valeur juridique. Se pose la question de la réalité de l'existence du principe de la légalité de preuve pénale, laquelle amène forcément à cette autre question : quels sont les différents fondements sur lesquels repose le principe de la légalité procédurale et de la preuve pénale ?

234. La valeur du principe de légalité. Reconnaître la valeur juridique du principe est une condition nécessaire pour une évaluation effective de l'application jurisprudentielle du principe de la légalité de preuve pénale. La question qui se pose est donc : quelle valeur juridique peut-on attribuer au principe de la légalité de la preuve en droit libanais et français ? Il n'est pas possible de trancher définitivement cette question sans préciser la valeur juridique des différents fondements du principe de légalité en droit libanais et français. Si on a pu préciser minutieusement la valeur du principe de la légalité de preuve pénale, il sera possible de faire une comparaison entre la valeur juridique que mérite ce principe avec la valeur actuelle qu'on peut facilement déduire en examinant la jurisprudence criminelle formée en application de ce principe en droit libanais et français.

Le premier chapitre de ce titre porte sur la tentative d'affirmation de l'existence du principe de la légalité des moyens de preuve (chapitre I). Le deuxième chapitre de ce titre s'intitule : vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation du droit de la preuve (chapitre II).

1328 Le principe est connu sous le nom de la légalité des délits et des peines, mais justement c'est le principe de légalité des infractions (délits et des crimes) et des peines.

Chapitre I

Tentative d'affirmation de l'existence du principe de

la légalité des moyens de preuve

235. La notion classique du principe de légalité. C'est un principe essentiel, fondamental, que le droit pénal moderne est un droit légal, c'est-à-dire qu'il a uniquement sa source dans la

loi comme affirme M. Jean-André Roux

1329

. La loi selon cet auteur constitue uniquement la

seule source naturelle du droit pénal moderne, étant une conséquence normale du

1330

développement directe du caractère légal, qui lui est reconnu . Selon M. Henri Donnedieu de Vabres, la légalité est un principe qui désigne qu'un fait ne peut occasionner ou déterminer l'intervention du juge répressif s'il n'a pas été formellement prévu par une loi promulguée

antérieurement

1331

. Le principe de la légalité des délits et des peines est un principe qui a pu

329

mettre fin à l'injustice qui a dominé longtemps avant de recevoir l'apparence du principe de la

1332

légalité en matière répressive . Bien évidemment, le principe de légalité est considéré comme la pierre angulaire du système pénal dans un État de droit1333. En revanche, un système pénal qui n'est pas attaché à la prééminence de la légalité criminelle est sans doute un système pénal arbitraire. Le principe de légalité constitue le noyau du système juridique moderne comme l'affirmait M. Léon Duguit : « le principe de légalité domine tout le droit

1329 J.-A. Roux, Cours de droit criminel français, 2e éd., Recueil Sirey, Paris, 1927, t. 1 Droit pénal, p. 16. 1330 J.-A. Roux, Cours de droit criminel français, 2e éd., Recueil Sirey, Paris, 1927, t. 1 Droit pénal, p. 24.

1331 H. Donnedieu De Vabres, Traité élémentaire de droit criminel et de législation comparée, 3e éd., Librairie Sirey, Paris, 1947, n° 93, p. 52.

1332 V. C. Barberger, Droit pénal, Coll. La Découverte, Éditions « Repères », 1997, p. 27 : « Depuis la Révolution française, la doctrine pénale résume le fondement et la spécificité du droit pénal par une locution qui réunit deux termes forts: principe et légalité. Le principe fondamental du droit pénal est donc que seule la loi peut définir les infractions et leurs peines ».

1333 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 81, p. 36 : « La liberté des citoyens serait gravement menacée, si les pouvoirs publics pouvaient les poursuivre pour des faits qui n'auraient pas été incriminés par un texte préexistant porté à leur connaissance. Il y a là une règle fondamentale de justice tendant à empêcher toute arrestation ou toute poursuite arbitraire. Il y a là aussi, corrélativement, un principe délimitant la zone de libre activité des honnêtes gens ».

13341335

moderne ». C'est un principe qui ne supporte aucune exception. En ce qui concerne le champ d'application relatif au principe de légalité. Il est absolu « le principe de légalité est

1336

.

aussi absolu dans son application »

236. La contribution du pénaliste italien Beccaria. Selon M. Nicolas Catelan « il est de nos jours impossible de trouver un manuel de droit pénal où le nom de Cesare Beccaria n'est cité : il figure toujours en première ligne lorsqu'est abordé le principe de la légalité des délits et

des peines... »

1337

. M. Cesare Beccaria a été le premier qui a exigé que la loi, et elle seule,

puisse créer les incriminations et édicter les peines. Il a établi un régime de stricte légalité

comme base fondamentale en matière pénale

1338

. Influencé par la pensée libérale et

330

individualiste des Lumières, l'Italien Beccaria a formulé pour la première fois la légalité des

délits et des peines comme un principe fondamental pour punir 1339 . Dans son traité Des délits et des peines, qui paraît en 1764, M. Cesare Beccaria affirme que « les lois seules peuvent déterminer les peines des délits et que ce pouvoir ne peut résider qu'en la personne du

législateur », et il affirme « je ne trouve aucune exception à cet axiome général : tout

1340

1341

citoyen doit savoir quand il est coupable et quand il est innocent » , et que « les citoyens doivent savoir ce qu'il faut faire pour être coupable, et ce qu'il faut éviter pour être

1334 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de l'État, p. 552

1335 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de l'État, p. 682

1336 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de l'État, p. 682

1337 N. Catelan, L'influence de Cesare Beccaria sur la matière pénale moderne, P.U.A.M., 2004, V. spec. l'introduction.

1338 V. sur le principe de légalité criminelle: Ch. Claverie-Rousset, « La légalité criminelle », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 1 : « Le principe de légalité criminelle, généralement exprimé à travers l'adage « nullum crimen nulla poena sine lege », trouve sa source dans l'oeuvre de Beccaria et de Montesquieu. À l'origine, il signifie que l'infraction doit être créée uniquement par la loi : seule la loi en tant que manifestation de la volonté générale, dispose de la légitimité démocratique suffisante pour créer des infractions et des sanctions. L'objectif était d'éviter l'arbitraire judiciaire de l'Ancien Régime ».

1339 G. Minguan, Z. Bingzhi, L. Jianping, Z. Shihui, B. SuiXian, H. Xingwang et Y. Maokui, «Principes directeurs communs du droit pénal », in M. Delmas-Marty et G. Mingxuan (dir), Vers des principes directeurs internationaux. Criminalité économique et atteintes à la dignité de la personne Vol. V : Bilan comparatif et propositions, Fondation Maison des sciences de l'homme, Paris, 1997, p. 153.

1340 C. Beccaria, Des délits et des peines, traduit par Maurice Chevallier, Editeur : Flammarion, préface de R. Badinter, 1991, chap III, p. 65.

1341 C. Beccaria, Des délits et des peines, Traduit par P.-J.-S. Dufey et suivie du commentaire de Voltaire sur le Livre des délits et des peines, et du Discours de J.-M.-A. Servan, Dalibon librairie Palais Rroyal, Paris, 1821, p. 140.

1342

innocent »

. En adoptant le principe de la légalité criminelle « chaque citoyen peut faire

tout ce qui n'est pas contraire aux lois, sans craindre d'autres inconvénients que ceux qui

peuvent résulter de son action en elle-même »

1343

. M. Guy Casadamont et Mme Pierrette

Poncela affirment que la légalité de la peine apparaît comme l'image et comme un trait

distinctif de la modernité du droit pénal1344 . Le principe de la légalité des délits et des peines dispose qu'on ne peut condamner pénalement une personne qu'en application d'un texte de loi pénal précis et clair. Ce principe a été notamment développé par le pénaliste italien Cesare Beccaria qui réclamait l'abandon de l'arbitraire et la nécessité que les infractions soient définies par des textes. Mais il faut noter que si le principe de légalité criminelle contemporain est toujours basé sur les mêmes fondements théoriques du principe évoqué par l'Italien Cesare Beccaria, aujourd'hui, vu l'émergence de notions et de valeurs constitutionnelles des droits de l'homme, le principe de légalité s'est modernisé et enrichi. Le principe de la légalité procédurale dans la recherche de preuve se rapproche du principe de la légalité en droit

administratif1345

qui se définit selon M. André de Laubadère de la manière suivante :

« l'exercice de la fonction administrative est dominé par le principe fondamental de la légalité. Ce principe signifie que les autorités administratives sont tenues, dans les décisions qu'elles prennent, de se conformer à la loi ou plus exactement à la légalité, c'est-à-dire à un

1346

.

ensemble de règles de droit de rangs et de contenus »

237. La contribution du pénaliste allemand Von Feuerbach. M. Paul Johann Anselm Ritter Von Feuerbach, célèbre pénaliste allemand, a enrichi et développé la pensée de Beccaria, et a

formulé et avancé la célèbre formule Nullum crimen, nulla poena sine lege

1347

. Ce principe

331

signifie en langue française que « Nul crime, nulle peine sans loi » ou « pas de crime, pas de

1342 C. Beccaria, Des délits et des peines, Traduit de l'italien par Collin de Plancy, Éditions du boucher, Paris, 2002, p. 101.

1343 C. Beccaria, Des délits et des peines, Traduit de l'italien par Collin de Plancy, Éditions du boucher, Paris, 2002, p. 82.

1344V. G. Casadamont et P. Poncela, Il n'y a pas de peine juste, Odile Jacob, 2004, p. 14 : « la légalité de la peine est l'un des traits distinctifs de sa modernité ».

1345 V. sur la légalité en droit administratif libanais et français : A. Dennawi, Etude comparée du principe de légalité en droit administratif libanais et en droit administratif français, Thèse de droit, Université Paris 2, 1985.

1346 A. De Laubadère, Traité élémentaire de droit administratif, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1963, vol. 1, p. 193.

1347 M.-D. Mouchy, « Les Droits Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les Droits fondamentaux : Inventaire et théorie générale, Beyrouth, 2003, CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe. Faculté de droit et des sciences politiques, p. 6

peine sans loi »

1348

. Les juges répressifs ne peuvent retenir l'existence d'une infraction ni

prononcer une peine sans s'appuyer sur une loi. Cet adage rappelle la plus importante, peut-

être, des garanties en matière pénale

1349

. La pensée de M. Paul Johann Anselm Ritter Von

Feuerbach a joué un rôle décisif dans l'adoption de la légalité des peines 1350 . Le système de légalité proposé par M. Paul Johann Anselm Ritter Von Feuerbach a été adopté à Bavière en Allemagne, et le nouveau Code criminel bavarois de 1813, rédigé par M. Paul Johann Anselm Ritter Von Feuerbach qui y introduisit, conformément à sa doctrine et à ses recommandations,

est entièrement basé sur le projet et l'idée de ce jurisconsulte 1351 qui a joué un rôle particulièrement important. Il ne fait aucun doute que sa contribution a été très efficace dans le développement et a apporté réellement la diffusion du principe de la légalité criminelle.

238. Principe général de la légalité. Mme Elisabetta Grande affirme que : « depuis la Révolution française il est admis que le principe de légalité en droit criminel, tel qu'il est énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 représente la

garantie minimale pour le citoyen de tout pays civilisé »

1352

. Selon M. Pascal Beauvais, pour

Beccaria la légalité des délits et des peines n'est pas seulement une question de source, mais

aussi également de qualité de droit pénal

1353

. Certains pénalistes attirent l'attention sur le fait

332

qu'il existe un principe général de la légalité séparé du principe de la légalité criminelle, qui ne doit pas être confondu avec le principe de la légalité des délits et des peines qui impose que

1348 G. Minguan, Z. Bingzhi, L. Jianping, Z. Shihui, B. SuiXian, H. Xingwang et Y. Maokui, «Principes directeurs communs du droit pénal », in M.Delmas-Marty et G. Mingxuan (dir), Vers des principes directeurs internationaux. Criminalité économique et atteintes à la dignité de la personne Vol. V : Bilan comparatif et propositions, Fondation Maison des sciences de l'homme, Paris, 1997, p. 153 ; V. Signification initiale du principe : W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 12, p. 23 : « Le principe de légalité des délits et des peines trouve son expression dans l'adage latin nullum crimen, nulla poena sine lege, qui signifie « pas de délit, pas de peine sans loi ».

1349 M. Cliquennois, La Convention européenne des droits de l'homme et le juge français : Vademecum de pratique professionnelle, L'Harmattan, Paris, 1997, p. 109

1350 V. W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 13, p. 23 : « La formule latine nullum crimen, nulla poena sine lege exprimant le principe légaliste a été introduite, semble-t-il, par Paul Johann Anselm Ritter Von Feuerbach dans son Lehrbuch des gemeinen in Deutschland gültigen peinlichen Rechts, dont la première édition paru en 1801 ».

1351 D. Pistor, « Esquisse historique des théories allemandes sur le fondement légal et le but de la punition », in Revue de législation et de jurisprudence, Paris, Avril-septembre 1835, t. 2, p. 425.

1352 E. Grande, « Droit pénal, principe de légalité et civilisation juridique : vision globale », in R.I.D.C., 1-2004, vol. 56, pp. 119-129.

1353 P. Beauvais, Le principe de la légalité pénale dans le droit de l'union européenne, Thèse de droit, Université Paris X Nanterre, 2006, n° 55, p. 56.

l'infraction soit préalablement définie et punie par un texte législatif clair et précis. Le principe suppose l'existence d'un texte préalable et donc il ne peut y avoir rétroactivité en matière pénale. À la différence de la légalité des délits et des peines, le principe de la légalité générale tire son origine du libéralisme politique et sa quintessence réside dans le fait qu'une autorité politique, administrative ou judiciaire ne peut agir qu'en vertu et en conformité avec la loi écrite qui est un des éléments principaux de l'État de droit. En France, par exemple, le principe de la légalité est synonyme de l'État de droit. À notre avis, le droit pénal général et spécial comme notion d'infractions et peines respecte uniquement le principe de légalité des délits et des peines. Cependant, et en général, il existe un principe de légalité générale qui englobe la légalité procédurale. En fait, l'application et la domination de la légalité générale ou la conformité de la loi doivent envahir tout acte de procédure dans le cadre du procès pénal dans un État de droit pour assurer le règne de la loi et comme une garantie essentielle et fondamentale des droits reconnus à la personne suspectée ou poursuivie pénalement combinée avec les droits processuels conformément à l'exigence du procès équitable. M. Wilfrid Jeandidier affirme que le principe de la légalité ne concerne pas seulement le droit pénal en sens strict : « ce principe est généralement connu sous l'appellation du principe de la légalité des délits et des peines ; quoique courante, cette expression n'est pas pleinement satisfaisante car elle laisse, croire que le principe de la légalité concerne uniquement le droit pénal au

1354

.

sens strict et non les autres branches du droit criminel, ce qui est inexact »

239. La légalité de la preuve pénale. Le principe général de la liberté de la preuve en matière pénale ne signifie pas que la preuve pénale échappe à la loi car une preuve doit être recueillie en respect avec la loi. Mme Michèle-Laure Rassat souligne que « si, sauf cas particuliers, tous les modes de preuve sont admissibles, il est également vrai qu'on ne peut ni

obtenir ni produire n'importe comment des éléments de conviction »

1355

. Donc, pour obtenir et

333

rechercher la preuve, on ne peut commettre une infraction ou user des modes de preuve illégaux en se basant sur le principe de liberté de preuve en matière pénale. La preuve doit être acquise d'une manière conforme à la loi et ne peut être obtenue par des procédés illégaux. L'existence du principe de la légalité comme principe directeur qui gouverne la preuve pénale et sa relation avec le principe général de la légalité sont restées longtemps vagues et peu précises. Cette imprécision du principe de légalité de preuve fait l'objet de multiples controverses, hésitations et discussions. Quels sont donc les conséquences et les effets du

1354 W. Jeandidier, JurisClasseur Pénal Code > Art. 111-2 à 111-5, V. spec. n° 4.

1355 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 256, p. 264.

334

principe de légalité sur la procédure pénale, surtout sur la preuve pénale au niveau de la légalité ? Dans un premier temps, on va consacrer la première section de ce chapitre, à discuter et justifier l'existence et le contenu du principe de la légalité procédurale. Dans la deuxième section de ce chapitre, on va aborder la question de l'application de la légalité procédurale dans le domaine de l'obtention des preuves en matière pénale en droit libanais et français connue sous le nom le principe de la légalité des preuves.

La première section de ce chapitre porte sur les différents aspects du principe de la légalité criminelle. La deuxième section de ce chapitre porte sur la légalité criminelle appliquée en matière de preuve pénale.

Section I

Les différents aspects du principe de la légalité criminelle

240. Nécessité de justifier l'existence du principe de légalité. M. Raymond Gassin considère que la notion de légalité procédurale en matière pénale constitue une notion floue, incertaine, fuyante et il explique que la raison de ce phénomène se trouve dans le fait que, à la différence du principe de la légalité des délits et des peines, la légalité procédurale n'appartient pas à la tradition du droit pénal moderne née de la révolution et des Codes

1356

napoléoniens. À vrai dire, l'expression de la légalité procédurale sous le vaste empire du principe de la légalité des délits et des peines n'est pas d'un usage fréquent. Dans le langage courant, la légalité est le caractère de ce qui est légal, c'est-à-dire conforme à la loi. La légalité révèle quatre sens dans la langue juridique. Si le premier sens de la légalité est, comme dans le langage courant, la conformité à la loi, la légalité s'entend aussi, en un deuxième sens, du «caractère de ce qui doit être établi par la loi », par exemple dans le principe de la légalité des délits et des peines, en un troisième sens, du « caractère de ce que la loi impose de faire », par exemple dans le système de la légalité des poursuites, et, en un quatrième sens, le plus large, comme « l'ensemble des dispositions de la loi ou du droit écrit, ou du droit positif » : la

légalité, c'est alors l'ordre juridique, le droit objectif1357 . La preuve occupe une place centrale

lors de tout contentieux, mais elle est la question centrale du procès pénal

1358

. Comment

335

justifier ce principe général? La question principale à laquelle notre étude doit répondre est la suivante : le principe de légalité a-t-il un impact sur la procédure pénale et plus précisément sur l'admissibilité des différents modes de preuve? Si le principe de la légalité des délits et peines est considéré parmi les principes fondamentaux au Liban et en France et ne souffre aucune ambiguïté c'est parce que c'est un principe reconnu expressément depuis longtemps et consacré par les législateurs libanais et français sans aucun doute et aucune hésitation. Par contre, la question de l'application du principe de la légalité dans la procédure pénale souffre

1356 R. Gassin, « Le principe de la légalité et la procédure pénale », in R.P.D.P., Avril-Juin 2001, numéro spécial, pp. 300-334, V. spec. p. 300.

1357 L. Cadiet, « la légalité procédurale en matière civile », in Cycle Droit et technique de cassation 2005-2006,

6 février 2006, disponible sur le site de la cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2006_55/technique_cassation_6796.html

1358 M. Sanchez, Contribution à l'étude de la preuve pénale, Thèse de droit, Université Toulouse 1, 2010, V. spec. le résumé.

336

vraiment d'une ambiguïté remarquable : la légalité procédurale est un principe incertain et controversé. Allons plus loin, pour justifier que la légalité est un principe fondamental applicable à la recherche et à l'administration de la preuve pénale, il faut tout d'abord justifier que le principe de la légalité est applicable dans le cadre des procédures pénales, ensuite il faut justifier que le principe de légalité procédurale est également applicable dans le cadre de la preuve pénale. La légalité est connue en matière pénale sous le nom du principe de la légalité des délits et des peines qui est la garantie fondamentale des droits de la personne devant les juridictions répressives dans le but de protéger l'homme contre toute forme d'arbitraire. Donc, l'expression de légalité procédurale semble pour beaucoup d'auteurs, juristes et pénalistes un terme inconnu ou une innovation dans le principe de la légalité criminelle ou un nouveau concept d'application du principe de la légalité criminelle. Mais la légalité procédurale existe, malgré le doute qui plane sur le sujet et bien que certains auteurs n'utilisent pas le terme de la légalité expressément. Dans le vocabulaire juridique, la légalité envahit le droit administratif et constitutionnel. Mais dans la pratique les juridictions répressives et la plupart des juristes n'utilisent pas le terme légalité devant les juridictions. De surcroît, le terme légalité n'est évoqué que rarement dans les manuels de procédure pénale, les revues juridiques et même dans les plaidoiries des avocats. Ce qui est remarquable, c'est que les pénalistes abandonnent le principe de légalité en mélangeant l'exigence de la légalité avec les nullités de procédure.

§ 1. La légalité criminelle appliquée à la procédure pénale.

241. Un principe négligé. Il est regrettable de constater que ce principe fondamental est encore mal connu dans la culture juridique pour plusieurs raisons. Les causes de la négligence du principe de la légalité procédurale ou les raisons paraissent multiples. D'une part, il nous semble que l'absence d'études académiques précises sur le principe de la légalité procédurale est la cause la plus importante. Ajoutons à cela que la procédure pénale a été envahie ou dominée par le principe de la liberté des preuves en matière pénale qui a contribué pleinement à fragiliser le principe de la légalité dans la recherche et l'administration de la preuve pénale. D'autre part, le principe de la légalité procédurale a été négligé par la majorité de la doctrine pénale. Selon M. Loïc Cadiet, l'expression de légalité procédurale « n'est pas d'un usage fréquent, quel que soit du reste le domaine du droit considéré, public, privé ou pénal, interne

ou international »

1359

. De ce qui précède, on peut conclure que l'expression légalité

procédurale souffre d'une négligence totale de la part des juristes dans les différentes branches du droit. En droit libanais, il est remarquable qu'on ne trouve pas l'existence du principe de la légalité procédurale dans la plupart des ouvrages spécialisés en procédure pénale et on peut dire sans aucune réserve que le principe de la légalité procédurale est un principe qui a été négligé par la doctrine pénale libanaise jusqu'à aujourd'hui. On peut affirmer sans doute que c'est un principe reconnu en droit français par plusieurs auteurs pénalistes, mais non reconnu en droit libanais qui souffre vraiment d'une ignorance flagrante et évidente.

A. La doctrine française sur l'existence du principe de la légalité procédurale.

242. Une position doctrinale affirmative en France. La doctrine française a répondu par l'affirmative pour l'existence du principe de la légalité procédurale. Une forte affirmation doctrinale justifie l'existence quasi unanimement admise du principe de la légalité procédurale en matière pénale. La première affirmation, celle de M. André Vitu se révèle très absolue et péremptoire et affirme que le principe de la légalité criminelle constitue « la clef de voûte du droit pénal et de la procédure pénale, impose au législateur, comme une exigence logique de sa fonction normative, la rédaction de textes définissant sans ambiguïté les comportements qu'ils érigent en infractions, et les sanctions qui leur sont attachées. La loi criminelle ne peut assurer pleinement et véritablement son rôle de protection contre l'arbitraire possible des juges et de l'administration, sa mission pédagogique à l'égard des citoyens soucieux de connaître le champ de liberté qui leur est reconnu, et son devoir de prévention générale et spéciale à l'encontre des délinquants potentiels, que si elle détermine avec soin les limites du

permis et de l'interdit »

1360

. Mme Renée Koering-Joulin et M. Jean-François Seuvic ont

337

nettement affirmé que le principe de la légalité criminelle est applicable sur la procédure pénale en écrivant : « Il est aujourd'hui bien connu que le principe de la légalité criminelle signifie triplement : ni infraction, ni peine, ni procédure sans loi. Sa valeur juridique, triple également, est tout aussi nettement affirmée : valeur législative, internationale et

1359 L. Cadiet, « La légalité procédurale en matière civile », in Cycle Droit et technique de cassation 20052006, 6 février 2006, Bulletin d'information n° 636 du 15/03/2006 (Cour de cassation française), V. spec. n° 2 ;

disponible en ligne sur le site officiel de la Cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2006_55/technique_cassation_6796.html

1360 A. Vitu, « Le principe de la légalité criminelle et la nécessité de textes clairs et précis », Observations sous Cass.crim. 1er février 1990, in R.S.C., 1991, p. 555.

constitutionnelle »

1361

. M. Wilfrid Jeandidier affirme encore qu'« en réalité, comme le

souligne une partie de la doctrine, le principe de légalité doit dominer le droit criminel tout

entier et notamment la procédure pénale » 1362 . Mme Charlotte Claverie-Rousset affirme très clairement que le principe de légalité consacré en droit français s'applique en procédure pénale comme en droit pénal : « Le principe de légalité formelle est consacré par le Code pénal aux articles 111-2 et 111-3. Il trouve à s'appliquer en droit pénal substantiel mais aussi

en procédure pénale » 1363 . Jean Pradel et André Varinard auteurs de l'ouvrage intitulé « les grands arrêts de la procédure pénale » présentent leur livre en écrivant : « bien que le principe de la légalité criminelle s'applique autant à la procédure pénale qu'au droit pénal de fond, on retrouve en procédure aussi bien qu'en droit de fond la jurisprudence comme source

importante de la matière » 1364 . Sans doute l'application des règles de procédure pénale traduit le souci réel que l'on a de protéger et de préserver les droits et les libertés individuelles des personnes. Selon M. Henri Donnedieu de Vabres, il faut considérer le principe de légalité

1365

. M.

criminelle comme constituant le fondement nécessaire de la liberté individuelle

Georges Levasseur attire l'attention sur l'importance capitale de ces règles de procédure pour la protection du citoyen contre une action intempestive du pouvoir exécutif, qu'il s'agisse de la garde à vue, de la perquisition, de la citation, de la juridiction compétente et de la conduite des débats devant celle-ci, d'autant plus que la loi a réglementé les atteintes inévitables que les pouvoirs publics peuvent apporter à la liberté des citoyens pour assurer le cours nécessaire de

la justice pénale

1366

. M. Georges Levasseur finit par dire qu'« à vrai dire nul n'a jamais douté

338

1361 R. Koering-Joulin et J.-F. Seuvic, « Droits fondamentaux et droit criminel », in AJDA, 1998, p. 106. 1362 W. Jeandidier, Droit pénal général, 2e éd., Montchrestien, Paris, 1991, n° 77.

1363 Ch. Claverie-Rousset, « La légalité criminelle », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 2. 1364 J. Pradel et A. Varinard, Les grands arrêts de la procédure pénale, 5e éd., Dalloz, Paris, 2006.

1365 H. Donnedieu De Vabres, Traité élémentaire de droit criminel et de législation comparée, 3e éd., Librairie Sirey, Paris, 1947, n° 96, p. 53 : « Si ces règles n'étaient pas observées, s'il était admis que l'action publique peut être mise en mouvement pour la répression d'un fait que la loi n'incriminait pas lorsqu'il a été commis, que le juge peut prononcer une peine à laquelle le délinquant n'a pas dû s'attendre, la justice pénale serait une justice de circonstance, d'occasion, abandonnée à l'influence des passions individuelles ».

1366 G. Levasseur, « Réflexions sur la compétence, un aspect négligé du principe de la légalité », in Mélanges Hugueney, Paris, Sirey, 1964, pp. 13 et s., V. spec n° 4 ; V. spec. encore : G. Levasseur, « Réflexions sur la compétence, un aspect négligé du principe de la légalité », in Mélanges Hugueney, Paris, Sirey, 1964, pp. 13 et s., V. spec. n° 5 : « Les règles de compétence doivent être soumises au principe de la légalité de façon non moins stricte que le domaine des incriminations et que le taux des peines. Seul le législateur est habilité à les poser, en tant qu'interprète qualifié de la volonté générale ; seul il est habitué à les modifier, encore ne doit-il le faire qu'en observant certaines précautions. Tout délinquant doit savoir devant quelle juridiction il sera appelé à comparaître, et cela dès le jour même où il commet son infraction. Tout honnête homme doit être assuré de la juridiction compétente et de la procédure applicable pour le jour où on lui demanderait compte éventuellement de son comportement actuel. On justifie l'adoption du principe de la légalité par des considérations d'équité élémentaire et de politique criminelle ; on fait valoir en effet que le délinquant a pu mesurer le risque qu'il

1367

que le principe de la légalité dût s'appliquer à la procédure pénale ». On peut citer ainsi l'affirmation doctrinale de Mme Renée Koering-Joulin et M. Jean-François Seuvic que « le procès pénal baigne dans la légalité, qu'il s'agisse, au stade des poursuites, de vérifier l'existence de toutes les exigences juridiques pour une mise en oeuvre de la répression, au stade de l'enquête, de rechercher loyalement les preuves de la vérité et, lors de l'audience de

jugement, de faire éclater cette vérité dans la transparence et l'impartialité »

1368

. À son tour,

M. Jacques Buisson souligne qu'« À la vérité, ce principe de la liberté de la preuve doit forcément se concilier avec un autre principe, aussi fondamental, celui de la légalité à

laquelle se trouve nécessairement soumise la preuve »

1369

. M. Bernard Bouloc et Mme

Haritini Matsopoulou reconnaissent que le principe de légalité concerne la procédure pénale : « bien que l'article 4 du Code pénal n'affirmait le principe de légalité que pour la définition des infractions et des peines, on a toujours pensé que ce principe concernant également

1370

l'organisation de la procédure pénale »

. M. Jean-Christophe Saint-Paul affirme

339

d'une manière très ferme que le principe de la légalité criminelle s'applique sur la procédure pénale : « ..., il ne fait aucun doute que le principe de la légalité criminelle ne vise pas seulement les délits et les peines, mais également la procédure : nullum crimen, nullum

1371

poena, nullum judicium sine lege » .

B. La doctrine libanaise sur l'existence du principe de la légalité procédurale.

243. Position de la doctrine pénale libanaise. Malheureusement, la légalité procédurale est un principe très important, mais qui ne connaît aucun développement dans le système pénal libanais. Le principe de légalité procédurale ne figure pas dans les ouvrages de procédure pénale édités jusqu'à aujourd'hui. La seule exception se trouve dans l'ouvrage de MM. Samir

prenait le jour où il a enfreint la loi pénale ; il ne peut se plaindre d'une répression dont les modalités ont été établies à l'avance, de façon objective et sans considération de personne ».

1367 G. Levasseur, « Réflexions sur la compétence, un aspect négligé du principe de la légalité », in Mélanges Hugueney, Paris, Sirey, 1964, pp. 13 et s., V. spec n° 4.

1368 R. Koering-Joulin et J.-F. Seuvic, « Droits fondamentaux et droit criminel », in A.J.D.A., Juillet-Août 1998, numéro spécial consacré aux droits fondamentaux, pp.106-129, V. spec. p. 112.

1369 J. Buisson, «Preuve», in Rép. Pén. Dalloz, février 2003, n° 43, p. 10.

1370 B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et Procédure pénale, 18e éd., Sirey, Paris, 2011, n° 100, p. 59.

1371 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 20.

Alye et Hayssam Alye qui ont exprimé clairement l'existence du principe de légalité procédurale dans le système pénal libanais en affirmant que la formulation connue du principe de légalité criminelle « pas d'infraction, pas de peine sans texte » peut laisser croire ou penser que la légalité criminelle s'applique uniquement aux règles pénales de fond (les lois de fond)

et ne s'applique pas aux lois pénales de procédure 1372 . Nous pensons que le principe de légalité criminelle s'applique également à la procédure pénale. C'est inévitable d'affirmer que le principe de la légalité procédurale existe vraiment sans aucune hésitation parce qu'il repose évidemment sur les épaules du pouvoir législatif d'élaborer des lois pénales de fond et des lois pénales de forme et parce que les lois pénales de forme constituent aussi une limite importante

à la liberté individuelle des citoyens 1373 . En ce qui concerne la doctrine arabe, M. Hassan

Joukhadar insiste dans sa thèse

1374

intitulée « l'application de la loi pénale dans le temps » sur

le fait que la formule célèbre du principe de légalité criminelle connue « ni infraction ni peine sans texte » doit nécessairement être modifiée et obligatoirement remplacée par une autre qui

est « ni infraction, ni peine, ni jugement sans texte légal »

1375

. Nous partageons entièrement

340

cet avis sur la nécessité de reformuler l'idée du principe de légalité criminelle, mais nous proposons une formule différente qui est « ni infraction, ni peine, ni procédure sans texte légal ». Notre proposition introduit expressément et clairement les lois pénales de fond et de forme c'est-à-dire de droit pénal et de procédure pénale dans l'adage qui exprime le principe de la légalité criminelle. Ce qui va accélérer l'émergence du principe de légalité procédurale au niveau de la culture juridique. On peut également mentionner l'avis d'un juge libanais, celui de Mme Marie-Denise Mouchy qui nous paraît un avis timide en ce qui concerne le droit libanais car elle n'a pas dit expressément que le principe de légalité procédurale s'applique en droit libanais, qui affirme le principe de légalité procédurale de manière générale et abstraite en écrivant: « Traduit par l'adage Nullum crimen nulla poena sine lege dont la paternité est attribuée à M. Anselm Feuerbach, ce droit couvre tout le champ pénal, c'est-à-dire le droit pénal matériel comprenant les règles définissant les infractions et les peines, et le droit pénal formel englobant les règles d'organisation, de compétence et de

1372 S. Alye et H. Alye, La théorie générale de la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Etudes et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 15.

1373 V. en même sens: Alye et H. Alye, La théorie générale de la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Etudes et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 16.

1374 Etude comparée (jordanien et égyptien).

1375 H. Joukhadar, L'application de la loi pénale dans le temps, Thèse de droit, université du Caire, 1975, pp. 370-371.

procédure qui assurent la mise en oeuvre du droit matériel »

1376

. Pour cette raison Mme Marie-

341

Denise Mouchy affirme avec M. Marc Verdussen que l'adage traditionnel de la légalité criminelle « nullum crimen, nulla poena sine lege » doit être complété par le principe «Nullum

1377

judicium sine lege ». Le principe de légalité est devenu: « nullum crimen, nulla poena,

1378

nullum judicium, sine lege » signifiant qu'il ne peut y avoir ni crime, ni sanction, ni n'importe quelle procédure qu'en vertu d'une loi préalablement établie.

C. La doctrine européenne implicite sur l'existence du principe de la légalité procédurale.

244. Position de la doctrine pénale européenne. Selon M. Pascal Beauvais, le principe de la légalité dans le droit de l'Union européenne ne prend pas la forme classique de la légalité des peines et des délits, car le principe n'a pas pour objet de sélectionner les sources formelles de droit pénal, notamment en réservant à la loi parlementaire un rôle prééminent, mais d'établir et d'assurer des mécanismes permettant de garantir un certain niveau ou degré de

1379

sécurité juridique en matière répressive . En 1992, à l'audience solennelle de rentrée à la Cour d'appel de Paris, l'avocat général M. Régis de Gouttes déclarait : « l'ordre public européen repose sur quelques grands principes : le premier de ces principes est celui de la légalité européenne démocratique ayant pour caractéristique : qu'elle inclut le droit écrit et le droit non écrit ; qu'elle suppose une qualité de la loi, qui doit être prévisible, énoncée avec

1380

précision et accessible au citoyen ». Cette réflexion de l'avocat général M. Régis de Gouttes montre à quel point le principe de légalité fonde l'État de droit au sens européen du

. M. Jean-Christophe Saint-Pau souligne que « ce principe de légalité procédurale,...

1381

terme

trouve d'ailleurs sa consécration dans la Convention européenne des droits de l'homme qui

1376 M.-D. Mouchy, «Les Droits Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, Beyrouth, Date de publication : novembre 2003, Éditeur : Université Saint-Joseph, Faculté de droit et des sciences politiques, CEDROMA : Centre d'études des droits du monde arabe, p. 6, disponible en ligne sur : http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/drtsfond/meouchy.pdf

1377 M. Verdussen, Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal, Bruylant, Bruxelles, 1995, p. 93. 1378 Rappelons qu'un crime au sens large désigne toute infraction.

1379 P. Beauvais, Le principe de la légalité pénale dans le droit de l'union européenne, Thèse de droit, Université Paris X Nanterre, 2006, n° 28, p. 34.

1380 R. De Gouttes, « La Convention européenne des droits de l'homme et la justice française en 1992 », in Droit et Société, 1992, n° 20-21, p. 161.

1381M. Cliquennois, La Convention européenne des droits de l'homme et le juge français : Vademecum de pratique professionnelle, L'Harmattan, Paris, 1997, p. 109.

342

indique, d'une part, à l'article 6, § 2, que la culpabilité d'une personne doit être « légalement » établie et, d'autre part, à l'article 8, § 2, admettant la légitimité d'une ingérence dans la vie privée à la condition impérative d'être prévue par une loi claire et précise. Comme la Convention produit un effet vertical (entre l'État et les particuliers) et horizontal (entre particuliers), cette exigence de légalité devrait s'imposer pour les actes d'espionnage réalisés par l'autorité publique, mais également par les particuliers : la légalité

1382

.

ne se divise pas »

§ 2. La reconnaissance du principe de légalité procédurale.

245. Liberté de preuve encadrée par la légalité procédurale. En effet, la liberté de preuve en matière pénale ne doit pas être sans limite car la recherche de preuve porte un risque d'atteinte au respect de la vie privée et à la liberté individuelle de la personne dans le cadre du procès pénal. Ce qui nécessite que le législateur codifie tout acte de procédure nécessaire à la recherche de preuve pour éliminer tout risque d'arbitraire en se basant sur un adage proposé

1383

« pas de procédure sans texte ».

246. La raison de la justification du principe de légalité procédurale. La majorité de la doctrine pénale affirme l'existence du principe de légalité procédurale sans poser la question principale du fondement du principe et sans aucune vérification. Une doctrine qui ne propose aucun mode de vérification va laisser le principe de légalité procédurale dans le doute et l'hésitation. La légalité procédurale n'est pas un principe nouveau, mais peut-être un aspect négligé du principe fondamental de la légalité criminelle. Par contre, aucun doute n'existe sur la présence du principe de la légalité des délits et des peines en droit pénal et sur son application efficace. En effet, un principe qui ne s'applique pas d'une manière efficace comme le principe de la légalité procédurale indique que ce principe n'est pas stable. Ce qui est normal et naturel dans n'importe quel domaine des sciences juridiques, l'ambiguïté du principe peut entraîner une hésitation dans son application d'où la nécessité de justifier

1382 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 20.

1383 C. Ambroise-Castérot, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la quête du Graal de la Vérité », in AJ Pénal, 2005, n° 7-8, pp. 261-267 : «n'importe quel moyen ne pourra pas pour autant être employé... En effet, ce principe de liberté de la preuve ne signifie pas que n'importe quel procédé puisse être utilisé : torture, sérum de vérité, polygraphe (détecteur de mensonge), etc. Il existe donc des procédés interdits. La liberté des preuves est une liberté encadrée par la légalité : seuls les modes de preuves légalement prévus sont admissibles devant les tribunaux... ».

l'existence du principe afin d'éliminer et de supprimer toute ambiguïté. L'émergence du principe de la légalité procédurale dans la culture judiciaire nécessite de prouver son existence. Si le principe de légalité procédurale en matière pénale avait été appliqué correctement en droit libanais et français, sans doute cette étude n'aurait aucune base et aucun intérêt. Mais, puisqu'il s'agit d'un principe d'application largement circonscrit selon le point de vue qu'on adopte, cette méconnaissance du principe a rendu nécessaire de justifier son existence afin de respecter ce principe fondamental. Il faut noter que l'affirmation timide que le principe de la légalité s'applique à la procédure pénale par la majorité de la doctrine ne suffit pas pour appliquer le principe de la légalité criminelle à la procédure pénale. Il faut présenter un fondement solide indépendant de la position doctrinale pour prouver que le principe de la légalité criminelle s'applique à la procédure pénale. Une fois le principe de la légalité procédurale reconnu, on peut essayer d'imposer des jalons s'agissant de l'exigence du respect du principe dans le système pénal libanais et français.

A. La procédure pénale, complément naturel du droit pénal.

247. Le lien étroit entre le droit pénal et la procédure pénale. Le droit pénal est intimement

lié à la procédure pénale 1384 , la procédure pénale constitue le trait d'union impératif, le chaînon

1385

nécessaire entre l'infraction et la sanction. MM. Pierre Bouzat et Jean Pinatel affirment que la procédure pénale a, par rapport au droit pénal, une importance beaucoup plus grande que la procédure civile par rapport au droit civil car le droit civil peut se détacher de la procédure

civile, mais le droit pénal ne peut pas se détacher de la procédure pénale

1386

. Le Code pénal ne

peut être appliqué sans l'intervention du Code de procédure pénale

1387

. Le Code pénal présente

343

toutefois certaines particularités dans sa relation avec la procédure pénale par rapport à la relation qui existe entre le Code civil et la procédure civile : « le procès pénal est plus

1384 L. Aubert, R. Eccli, M.-H. Renault, J. Eggers, M. Samson, Législation, éthique et déontologie, responsabilité, organisation du travail, 4e éd., Masson, 2007, p. 3.

1385 É. Mathias, Procédure pénale, op. cit., p. 9.

1386 P. Bouzat et J. Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie, Dalloz, 1963, Vol. 2, p. 725.

1387 V. sur ce point : J.-L.-E. Ortolan, Résumé des éléments de droit pénal: pénalité, juridictions, procédure suivant science rationnelle, la législation positive et la jurisprudence, avec les données de nos statistiques criminelles, Plon, Paris, 1867, n° 1023, p. 351 : « Pour produire un effet quelconque, il faut une force, une puissance; et pour mettre cette force, cette puissance en jeu, un procédé. L'effet à produire, en droit pénal, une fois donné le précepte ou la détermination de la pénalité, c'est la mise en application de cette pénalité; la force destinée à produire cet effet, ce sont les juridictions pénales, avec l'ensemble des autorités diverses ou des personnes qui concourent à l'effet voulu ; et le procédé destiné à mettre cette force en jeu, c'est la procédure pénale ».

étroitement lié au droit pénal que le procès civil ne l'est au droit civil »

1388

. Le principe de la

légalité criminelle est un principe commun à l'ensemble du droit criminel donc s'applique à la procédure pénale. Notre avis précédent est renforcé par l'avis de MM. Philippe Conte et Patrick Maistre Du Chambon dans leur ouvrage de procédure pénale. Les deux professeurs soulignent qu'en matière pénale, la forme (la procédure pénale) est intimement liée au fond (le droit pénal), car le procès pénal est la condition même de la réalisation du droit substantiel : la condamnation, conclusion logique et nécessaire de la commission d'une infraction, vient

s'intercaler entre l'incrimination et la sanction 1389 . Les deux professeurs finissent par conclure que « le principe essentiel de la légalité criminelle est commun à l'ensemble du droit

criminel »

1390

. À son tour, M. Bertrand De Lamy affirme d'une manière très claire la présence

344

du principe de légalité procédurale en matière pénale et l'application du principe général de légalité sur la procédure pénale : « en effet, le principe de légalité ne joue pas seulement au profit des délits et des peines, mais aussi de la procédure pénale. Le droit pénal substantiel et la procédure pénale sont trop intimement liés pour que ce principe essentiel ne garantisse pas le droit criminel dans son ensemble. Il est donc préférable d'utiliser l'expression plus globale

1391

.

de « légalité criminelle » pour marquer son appréhension de l'ensemble de la matière »

248. Les nécessités de la politique criminelle exigent le respect de la légalité procédurale. L'objet de la politique criminelle est d'établir un équilibre entre les exigences de l'efficacité de la répression destinée à protéger la société et le respect des droits individuels, des droits de défense et du procès équitable. Donc, la politique criminelle doit établir un équilibre entre intérêt général et droit individuel qui se caractérise par l'équilibre entre légalité et efficacité dans le respect de la liberté dans la recherche des preuves. Selon M. Robert Cario, la politique criminelle recherche un équilibre entre les nécessités de la protection sociale contre le crime et la promotion des droits individuels ou collectifs qui sont apparues fondatrice de la politique

criminelle 1392 . Les nécessités de la politique criminelle, qui correspondent à l'idée que la loi doit avertir avant de frapper, de manière à avoir un rôle préventif est encore une nécessité

1388 M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 18.

1389 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 26, pp. 1314.

1390 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 26, p. 14.

1391 B. De Lamy, « Le principe de la légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Cahiers du Conseil constitutionnel n° 26 (Dossier : La Constitution et le droit pénal) - Août 2009.

1392 R. Cario, Introduction aux sciences criminelles: pour une approche globale et intégrée, 6e éd., L'Harmattan, Paris, 2008, p. 267.

dans le domaine de la procédure pénale. M. Achille Morin souligne que les lois humaines

doivent avertir avant de frapper

1393

. Un ancien auteur affirme que la loi doit avertir avant de

frapper constitue une théorie en soi en affirmant que parmi les mille et une théories sur la légitimité de la peine et le droit de punir, se présente la théorie de l'avertissement. D'après

cette théorie, la société doit, avant de frapper, avertir par la loi1394 . Il va de soi que ceci

concerne la totalité du droit répressif, de fond comme de procédure

1395

. Le point commun

entre procédure pénale et droit pénal, c'est qu'ils sont tous deux à haut risque pour les droits de l'individu. La procédure pénale est la mise en oeuvre concrète du droit pénal, donc le principe que la loi doit avertir avant de frapper doit être appliqué aussi sur la procédure pénale puisque ce principe est fermement affirmé et a sans doute été appliqué en droit pénal.

249. La nécessité démocratique. La légalité criminelle est le principe fondateur et

démocratique du droit pénal

1396

. Les législations démocratiques ont consacré ce principe de

345

légalité pénale. Le respect de la légalité criminelle est l'un des principes les plus importants dans une démocratie, car il est une garantie à la liberté des individus. Ce principe est une garantie contre l'arbitraire, cela assure le respect de la démocratie. Ce principe constitue un impératif démocratique. Il faut contenir le pouvoir répressif dans des limites légales, elles-mêmes législatives, en raison de la séparation des pouvoirs. Un tel impératif s'impose

naturellement tout autant en procédure pénale

1397

. Mme Elisabetta Grande souligne que le

principe de légalité criminelle représente la garantie minimale pour le citoyen de tout pays

civilisé 1398 . L'accueil formel du principe de légalité criminelle était la condition nécessaire

1399

pour être civilisé. Le principe de légalité criminelle se présente comme l'affirmation du principe de participation démocratique où le législateur, et non le juge, serait l'organe adéquat

1393 A. Morin, Répertoire général et raisonné du droit criminel, Chez A. Durand Libraire-éditeur, Paris, 1851, t. 2, p. 284.

1394 J.-S.- G. Nypels, Législation criminelle de la Belgique ou commentaire et complément du Code pénal Belge, Bruylant -Christophe et compagnie éditeur, Bruxelles, 1867, Vol. 1, n° 274, p. 120.

1395 M. Herzog-Evans, « Le principe de légalité et la procédure pénale », in LPA., 6 août 1999, n° 156, p. 4.

1396V. Wester-Ouisse, « Le droit pénal face aux codes de bonne conduite », in R.S.C., 2000, n° 2 (Avril-juin), p. 351.

1397 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Vuibert, 2009, n° 146, p. 54.

1398 E. Grande, «Droit pénal et principe de légalité : la perspective du comparatiste », in R.I.D.C., 2005, Vol. 56, n° 1, pp. 119-129, v. spec. p. 119.

1399 E. Grande, «Droit pénal et principe de légalité : la perspective du comparatiste », in R.I.D.C., 2005, Vol. 56, n° 1, pp. 119-129, v. spec. p. 129.

346

pour assurer la voix du citoyen dans la démarcation des contours du droit pénal, et donc dans

1400

la délimitation de ses libertés individuelles.

250. La nécessité d'éviter l'arbitraire. Ce risque d'arbitraire explique la diffusion du principe de la légalité criminelle dans les divers États afin d'éviter les dérives vers un pouvoir

arbitraire 1401 . La recherche de la preuve pénale nécessite de conférer des pouvoirs de contrainte aux officiers de police judiciaire, au parquet et au juge du fond dans la phase de

. M. William Benessiano

1402

jugement, mais l'acte de contrainte n'échappe pas de la légalité

indique dans sa thèse intitulée « légalité pénale et droits fondamentaux » qu'« originellement le principe de légalité des délits et des peines est un outil de lutte contre l'arbitraire

judiciaire » 1403 . Le danger est du côté de la multitude des actes de procédure, spécialement dans l'instruction et plus encore dans la phase d'enquête, sans texte ou sur la base de textes si

flous et ouverts 1404 . Dans un État de droit fondé sur la garantie de libertés individuelles, les

1405

.

variations de cette liberté sont soumises à des règles très strictes de forme et de procédure

Le fait de réserver au législateur le pouvoir d'édicter des incriminations permet d'établir un

contre-pouvoir à l'égard de l'intervention arbitraire du juge 1406 . De même, le fait de réserver la détermination des actes de procédure pénale au seul pouvoir législatif contribue directement à éviter toute sorte d'arbitraire parce que la procédure pénale doit garantir contre toute forme d'arbitraire. Selon le point de vue qu'on adopte, si la procédure pénale s'échappe de l'application du principe de légalité, ceci implique que la procédure pénale méconnaît le grand

1400 E. Claes, « La légalité criminelle au regard des droits de l'homme et du respect de la dignité humaine », in Y. Cartuyvels, H. Dumont, F. Ost, S. Van Drooghenbroeck et M. Van De Kerchove (dir), Les droits de l'homme, bouclier ou épée du droit pénal ?, Publications des facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles et Bruylant, 2007, pp. 211-234, V. spec. p. 213.

1401 V. Ch. Claverie-Rousset, « La légalité criminelle », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 3: « Le principe de légalité criminelle est l'essence de tout État de droit, État qui accepte de limiter ses propres pouvoirs pour protéger les libertés individuelles des citoyens ».

1402 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraireFontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 2 La théorie générale de l'État, p. 44 : « Qu'on ne croie pas cependant que l'acte de contrainte échappe à la prise du droit. Dans les pays qui sont parvenus, comme la plupart des pays modernes, à la notion de légalité, cet acte de contrainte ne peut être fait que dans les limites fixées par la loi. Seuls peuvent être employés les moyens de contrainte déterminés par là loi et seulement dans les conditions légales ».

1403 W. Benessian, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, 2008, V. spec. le résumé.

1404 M. Herzog-Evans, « Le principe de légalité et la procédure pénale », in LPA., 6 août 1999, n° 156, p. 4. 1405M. Bornicchia et M. Gottraux Prisons, droit pénal: le tournant ?, Édition d'en bas, Lausanne, 1987, p. 97.

1406 E. Claes, « La légalité criminelle au regard des droits de l'homme et du respect de la dignité humaine », in Y. Cartuyvels, H. Dumont, F. Ost, S. Van Drooghenbroeck et M. Van De Kerchove (dir), Les droits de l'homme, bouclier ou épée du droit pénal ?, Publications des facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles et Bruylant, 2007, pp. 211-234, V. spec. p. 212.

principe de la légalité criminelle et risque d'entraîner l'arbitraire dans le système répressif. Ce qui n'est pas souhaitable et n'est pas acceptable dans un État de droit. Il est convenu que naturellement l'État de droit est considéré comme le contraire de l'arbitraire, M. Yves Le Roy et Mme Marie-Bernadette Schoenenberger définissent l'État de droit comme un « État qui

respecte les droits de l'homme, pratique la séparation des pouvoirs... »

1407

. À notre avis, seule

347

une loi pouvait incriminer un acte et prévoir une peine, et seule une loi pouvait autoriser un acte procédural. Ce qui implique que la notion du principe de la liberté de preuve en droit libanais et français doit se concilier avec l'impératif du respect de la légalité procédurale dans lequel les parties ont la liberté de choisir entre les différents procédés de preuve ou les actes de procédure qui existent dans le Code de procédure pénale libanais et français. M. Didier Rebut écrit dans sa conclusion lors du colloque « Procédure pénale et droits de l'homme » : « nous sommes dans un domaine qui n'est pas comparable aux autres branches du droit. Et pour ce faire, eh bien le législateur - et c'est valable dans tous les pays -, dès lors qu'on est en procédure pénale, prévoit des actes, des procédures coercitives qui donc portent en elles

1408

.

une atteinte aux droits fondamentaux »

251. La légalité procédurale comme exigence formelle est une nécessité substantielle. M. Didier Rebut confirme l'existence du principe de légalité procédurale en matière pénale, il considère encore que la légalité procédurale apparaît à la fois comme une exigence formelle et

1409

une nécessité substantielle en matière pénale . La légalité procédurale est une exigence formelle car le principe de la légalité criminelle s'applique aussi à la procédure pénale, elle constitue aussi une nécessité substantielle parce qu'elle tient à l'objet même des dispositions de procédure pénale dont le caractère attentatoire aux libertés impose qu'elles soient prévues

1410

par la loi dont il appartient au juge répressif de veiller au respect de la légalité procédurale

.

M. Bertrand De Lamy croit que le principe de légalité ne joue pas seulement au profit des délits et des peines, mais aussi de la procédure pénale puisqu'il existe un lien direct entre le droit pénal substantiel et la procédure pénale qui sont trop intimement liés. C'est pourquoi cet

1407 Y. Le Roy et M.-B. Schoenenberger, Introduction générale au droit Suisse, L.G.D.J. (Paris), Bruylant (Bruxelles), Schulthess (Zurich), 2002, p. 59.

1408D. Rebut, « Synthèse des débats », in Procédure pénale et droits de l'homme, Colloque organisé par Institut de droit pénal du barreau de Paris Centre de droit pénal et de criminologie de l'Université Paris Ouest Nanterre, 4 février 2010.

1409 D. Rebut, « la légalité procédurale en matière criminelle », in Cycle Droit et technique de cassation 20052006, 6 mars 2006.

1410 D. Rebut, « la légalité procédurale en matière criminelle », in Cycle Droit et technique de cassation 20052006, 6 mars 2006.

auteur souligne qu'il est préférable d'utiliser l'expression plus globale de « légalité criminelle

1411

» pour marquer son appréhension de l'ensemble de la matière

. Pour M. Raymond Gassin, «

il y a atteinte à la légalité procédurale lorsque le résultat auquel aboutit l'application d'une disposition de procédure serait condamnable s'il était obtenu par l'effet d'une disposition de

1412

fond » . L'avis précédent nous semble très restrictif, le principe de la légalité procédurale est plus étendu que le suggère M. Raymond Gassin.

B. La légalité procédurale, pierre angulaire de l'État de droit.

252. L'État de droit nécessite le respect de la légalité procédurale. Selon M. Bertrand de Lamy « le principe de la légalité criminelle est un excellent révélateur de l'évolution et de l'État du droit pénal français »1413. M. Léon Duguit considère que le principe de la légalité est un principe fondamental et essentiel de l'État de droit « le principe de légalité matérielle, sans lequel il n'y a pas d'État de droit »1414. L'État de droit est communément défini comme l'« État dans lequel les pouvoirs publics sont soumis de manière effective au respect de la légalité

par voie de contrôle juridictionnel »

1415

. L'État de droit peut être défini encore selon une

approche spécifiquement juridique comme une « situation résultant, pour une société, de sa

soumission à un ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée »

1416

. Dans un sens

plus restreint, le « nom que mérite seul un ordre juridique dans lequel le respect du Droit est

réellement garanti aux sujets de droit, notamment contre l'arbitraire »

1417

. Donc, toutes ces

348

définitions concordent sur une caractéristique de l'État de droit : la supériorité du droit sur l'État, autrement dit la prééminence du droit ou le règne du droit et l'autorité de la loi1418. En

1411 B. De Lamy, « Le principe de la légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Cahiers du Conseil constitutionnel, Dalloz, n° 26, août 2009, p. 16

1412 R. Gassin, « Le principe de la légalité et la procédure pénale », in R.P.D.P., 2001, pp. 300 et s., V. spéc. pp. 326-327.

1413 B. de Lamy, « Dérives et évolution du principe de la légalité en droit pénal français : contribution à l'étude des sources du droit pénal français », in Les Cahiers de Droit, vol. 50, n° 3-4, sept.-déc. 2009, p. 585-609, v. Spec. p. 586.

1414 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de l'État, p. 686

1415 V. Le Petit Larousse illustré, Paris, 2006.

1416 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 6e éd., P.U.F., Paris, 2004, p. 368. 1417 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 6e éd., P.U.F., Paris, 2004, p. 368.

1418 E. Déal, La garantie juridictionnelle des droits fondamentaux communautaires : La Cour de justice face à la Communauté de droit, Thèse de droit, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2006, p. 46.

résumé l'État de droit exprime l'excellence du droit1419. En droit positif, l'État de droit exprime le règne du principe de la légalité dans tous les domaines de droit, surtout en droit pénal de fond et de forme.

253. Nécessité d'assurer et de préserver la sécurité juridique. La sécurité juridique prend la

forme du principe de la légalité dite criminelle

1420

. Bien évidemment, le principe de légalité

349

procédurale répond à la nécessité de garantir la sécurité juridique des victimes et des personnes mises en causes qui doivent tout simplement pouvoir connaître les règles

1421

applicables à la conduite de la procédure les concernant . Il commande en effet que chaque acte de procédure soit expressément prévu par un texte de loi clair et précis. La bonne administration de la justice commande également que soit toujours recherchée la vérité des faits : seule une procédure strictement encadrée par des textes, ayant à la fois souci de protéger le justiciable contre l'arbitraire et de frapper juste, est de nature à satisfaire cette

. Le principe de légalité contribue à une meilleure sécurité juridique parce qu'il

1423

permet de garantir l'effectivité du droit à chacun des échelons de la hiérarchie normative

.

1422

exigence

Au cours du procès pénal, il peut être porté atteinte par la police judiciaire ou par l'autorité judiciaire au droit à la liberté d'un individu ou au droit au respect de la vie privée d'un individu. Dans une conception large, le principe de légalité correspond, en matière procédurale comme en toute autre, à une exigence de sécurité juridique qui constitue une condition du procès équitable selon les termes de M. Frédéric Desportes et Mme Laurence

1424

Lazerges-Cousquer . Il n'est pas concevable que soient incertaines les règles de procédure pénale, car cela affecterait le droit fondamental que constitue l'accès au juge, et plus

.

1425

globalement, l'exigence d'un procès équitable

1419 E. Déal, La garantie juridictionnelle des droits fondamentaux communautaires : La Cour de justice face à la Communauté de droit, Thèse de droit, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2006, p. 46.

1420 C. Pomart, La magistrature familiale: vers une consécration légale du nouveau visage de l'office du juge de la famille, L'Harmattan, Paris, 2003, p. 208.

1421 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 257, p. 160 : « le principe de légalité procédurale répond, beaucoup plus largement, à la nécessité de garantir la sécurité juridique des victimes et des personnes mises en causes qui doivent tout simplement pouvoir connaître les règles applicables à la conduite de la procédure les concernant ».

1422 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Vuibert, 2009, n° 148, p. 55.

1423 A.-L. Valembois, La constitutionnalisation de l'exigence de sécurité juridique en droit français, L.G.D.J., 2005, Préface de Bertrand Mathieu, p. 68.

1424 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 253, p. 156. 1425 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 257, p. 160.

254.

350

La légalité constitue l'unique garantie contre tout arbitraire dans un État de droit. Le principe de légalité procédurale constitue le principal et l'unique garantie contre tout arbitraire dans un État de droit. La procédure pénale est caractérisée par l'intervention des autorités étatiques surtout dans la recherche des preuves. Au Liban et en France, le principe fondamental en droit pénal est : « pas d'infraction sans texte ». C'est un principe fondamental qui constitue un aspect de la garantie des droits de l'homme : en droit pénal ni le juge ni l'administration n'ont le pouvoir d'inventer des infractions. Le droit pénal participe donc aussi, de cette manière, à la lutte contre l'arbitraire de l'État ou du pouvoir judiciaire dans un État de droit. Selon Mme Christine Lazerges, la relation du système pénal aux instances législatives

1426

.

en France se traduit par le principe de la légalité des délits et des peines et ses corollaires

255. Les procédures portant atteinte aux libertés individuelles doivent être strictement encadrées par la loi. Pendant et avant le procès pénal, les mesures de nature à porter atteinte à la liberté individuelle doivent être strictement encadrées par la loi afin de protéger les libertés individuelles de l'arbitraire. Pour M. Ahmad Fathi Srour, l'intérêt de la société peut imposer

1427

des limites à notre liberté individuelle . Le législateur vise à protéger les intérêts privés et ceux de la société en précisant les éléments constitutifs des faits punissables. Les infractions pénales sont incriminées par le législateur, la procédure pénale peut légaliser un acte attentatoire à la liberté individuelle, qui sert à appliquer le droit pénal. La procédure pénale permet la mise en oeuvre du droit pénal et comprend l'ensemble des règles qui organisent la recherche de l'auteur d'une infraction. L'application du Code de procédure pénale va poser des questions essentielles de libertés individuelles d'où la nécessité de l'intervention du législateur pour encadrer légalement les limites de la liberté individuelle et pour légaliser minutieusement

les atteintes légales à la liberté 1428 . La procédure pénale, par nature, porte atteinte à la liberté individuelle, seul le législateur est compétent pour décider ou déterminer les limites d'atteinte aux libertés de la personne conformément aux nécessités de la procédure, ce qui prouve l'application du principe de la légalité procédurale comme une garantie contre l'arbitraire pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à l'adoption du principe de légalité des délits et

1426 Ch. Lazerges, Introduction à la politique criminelle, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 38.

1427 V. en langue arabe: A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., maison Chorouk, Le Caire (Égypte), 2002, pp. 71 et s.

1428 V. sur ce point : C. Copain, L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011, n° 107, p. 58 : « En vertu du principe de légalité, le législateur a, en principe, une compétence exclusive pour créer une mesure de contrainte ».

des peines 1429 . C'est comme un rempart contre l'arbitraire, afin d'exclure tout arbitraire que «

351

le principe de la liberté de la preuve pénale [...] apparaît finalement d'une application

1430

.

circonscrite »

 

256. Aspect particulier de la légalité générale. Mme Emmanuelle Lemoine considère que

1431

le principe de la légalité criminelle est un dogme . La légalité criminelle est un aspect particulier de la légalité en général, qui fait de l'État un « État de droit ». Il s'agit de chercher en permanence l'équilibre entre État de droit et efficacité de la répression. Selon MM. Serge Guinchard et Jacques Buisson, « .... la légalité, dans un État de droit, imprègne forcément la matière de la preuve pénale, comme toutes les autres, que ce soit dans la production des preuves ou, en amont, dans l'administration de la preuve, au cours des phases de police judiciaire, de la poursuite et de l'instruction, c'est-à-dire dans la recherche ou le recueil des indices, à peine de nullité voire de condamnation civile ou pénale de l'enquêteur responsable

1432

... ».

1429 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., maison Chorouk, Le Caire (Egypte), 2002, pp. 71 et s.

1430 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 552, p. 572.

1431 E. Lemoine, La répression de l'indifférence sociale en droit pénal français, L'Harmattan, Paris, 2002, p. 161.

1432 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 552, p. 572.

352

Section II

La légalité criminelle appliquée en matière de preuve

pénale

257. L'application du principe de légalité dans le contexte des preuves. Selon MM. Serge Guinchard et Jacques Buisson, « la légalité dans l'administration de la preuve trouve donc essentiellement l'application en amont de l'audience pénale, mais elle ne peut évidemment être étrangère au juge de jugement, que ce soit au titre de l'obligation qui lui est faite de vérifier la légalité de la preuve produite, ou dans l'exécution du complément d'enquête qu'il

peut - et même doit - ordonner »

1433

. La preuve pénale est soumise au principe de la légalité.

1434

La procédure pénale fait une large place aux règles de preuve . En général, la procédure pénale dans tous les systèmes pénaux a pour objet essentiel la constatation des infractions, le rassemblement de leurs preuves, la recherche de leurs auteurs. Le principe de la légalité procédurale trouve son application et son expression dans le cadre de la preuve pénale. Le problème fondamental que doit aborder toute procédure pénale est la preuve. Le but ultime de toute procédure pénale, en effet, qu'elle soit système de droit continental ou de common law vise à la manifestation de la vérité à travers la recherche et l'administration de la preuve. Pour autant, la recherche de la preuve ne peut se faire à n'importe quel prix, mais uniquement par

1435

des voies non seulement légales, mais encore légitimes . Le principe de légalité procédurale a donc un rôle particulier à jouer en matière de preuve pénale. « Mais cette liberté du moyen de preuve et de son appréciation ne doit pas masquer l'existence d'un principe de légalité de l'administration de la preuve, aspect de la légalité procédurale, qui signifie que les moyens de preuves doivent résulter d'actes d'investigation ou de recherche régulièrement prévus par la

loi » 1436 . Ce principe de légalité procédurale s'applique sur la preuve surtout si on prend en compte que le principe de la légalité criminelle est un excellent outil juridique qui contribue largement et efficacement en vue de l'élaboration de l'État de droit. C'est autour de la preuve

1433 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 582, p. 587.

1434 P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, p. 4.

1435 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 10.

1436 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 20.

pénale que la procédure pénale toute entière gravite, affirment MM. Roger Merle et André Vitu: « la procédure pénale toute entière gravite autour du problème essentiel de la preuve, ce qui explique la place prééminente que lui réservent certains droits étrangers, par exemple

anglo-saxons »

1437

. Un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation française

le 19 juin 1989 constitue à notre avis une reconnaissance presque parfaite de l'existence juridique du principe de la légalité de preuve : « si, selon les dispositions combinées des articles 342 et 451 du Code des douanes, tous délits en matière douanière ou cambiaire peuvent être prouvés par toutes les voies de droit, c'est à la condition que les moyens de preuve produits devant le juge pénal ne procèdent pas d'une méconnaissance des règles de procédure et n'aient pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe énoncé à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de

1438

.

l'homme et des libertés fondamentales»

§ 1. Légalité procédurale appliquée en matière de preuve pénale.

258. Notion du principe de la légalité de preuve. Selon Mme Michèle-Laure Rassat « chaque mode de preuve est doté d'une procédure d'obtention particulière qui fait l'objet d'une réglementation spécifique et détaillée : l'aveu ne peut résulter d'un interrogatoire dont tous les détails sont prévus par le Code de procédure pénale ; le témoignage est recueilli au cours d'une audition, etc. Des preuves obtenues sans respect de ces règles sont irrecevables.

Il y a là des formalités spécifiques à chaque élément de preuve ... »

1439

. La loi réglemente la

353

recherche de la preuve, la constatation, la production et la discussion ; c'est ce qu'on appelle le principe de la légalité dans la recherche et l'utilisation des preuves, prolongement du principe général de la légalité criminelle comme l'affirment MM. Roger Merle et André

Vitu 1440 . La recherche des preuves en matière pénale ne peut non plus être abandonnée à l'arbitraire des autorités parce que la procédure pénale ne doit pas être fortement axée vers la recherche des preuves à tout prix. La liberté de preuve ne signifie pas qu'il convienne d'obtenir à tout prix les preuves ou le droit de rechercher les preuves à tout prix et de n'importe quelle manière comme l'affirme M. Jean Pradel : « n'importe quelle preuve peut être utilisée, mais

1437 R. Merle et A. Vitu, Traité De Droit Criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure Pénale n°140, p. 177.

1438 Cass. crim., 19 juin 1989, B.C., n° 261.

1439 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 256, p. 265.

1440 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n° 168, p. 211.

elle ne peut pas être recherchée de n'importe qu'elle manière. En d'autres termes, s'il n'y a pas de régime légal des preuves, il y a un régime de la recherche et de l'administration des

1441

preuves »

. La liberté de preuve donne le pouvoir de choisir tout moyen de preuve pour

354

établir la vérité et laisse aux autorités étatiques la liberté de choisir entre les différents procédés de preuve sans reconnaître une hiérarchie entre les moyens et les modes de preuve, ou imposer un moyen de preuve recevable notamment pour prouver une infraction spécifique. Il résulte de ce qui précède que les procédés ou moyens de preuve non expressément prévus

1442

par le Code de procédure pénale devraient être bannis. En effet, la procédure pénale en droit libanais et français est régie par le principe de la liberté des preuves. Cette liberté n'est toutefois pas sans limites. Il ne peut être recouru à des moyens qui sont incompatibles avec les principes fondamentaux et généraux du droit reconnus ou consacrés par les lois, qui portent atteinte à la dignité humaine, qui entament la liberté personnelle sans base légale suffisante ou encore qui sont formellement interdits par la loi elle-même et encore avec des nuances.

A. L'application des principes de procédure pénale en matière de preuve.

259. La légalité s'applique à la preuve. Après avoir identifié et justifié l'existence du principe de légalité procédurale, la question fondamentale qui est posée concerne l'application de ce principe en matière de preuve pénale. Les principes généraux relatifs à la procédure pénale s'appliquent également en matière de preuve. Le système pénal libanais et français ne consacre pas un Code spécifique et indépendant à la recherche et l'administration de la preuve pénale. Face à l'unité des règles de preuve en common law, dans les pays appartenant au système romano-germanique notamment le Liban et la France, on peut parler de l'unité des règles de procédure pénale étant donné que la procédure pénale repose beaucoup sur la question des preuves et tient à organiser légalement les moyens de rechercher et d'établir la

culpabilité et l'innocence.1443

1441 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 782, p. 716.

1442 V. sur la réglementation de la recherche des preuves : H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1074, p. 498 : « Entendue dans son sens matériel, cette réglementation de la recherche des preuves signifie que chaque acte d'administration de la preuve est régi strictement par un texte ».

1443 V. E. Verges, Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007, n°107, p. 80 : « le principe de licéité de la preuve signifie avant tout que la recherche, la production et l'appréciation des preuves pénales doivent se faire conformément au droit. Il s'agit là d'un énoncé tout à fait trivial, mais encore faut-il préciser ce que l'on entend par conforme au droit. D'un côté l'établissement de certaines preuves est soumis à un cadre législatif très précis. Ainsi en est-il des perquisitions, des écoutes téléphoniques ou procédures de sonorisation. Ces preuves sont, en réalité, des actes de procédures soumis à un formalisme lourd... Pour autant, la licéité de la preuve ne s'étend

355

B. La légalité procédurale applicable à la preuve pénale.

260. L'application de la légalité procédurale à la preuve. Dans un système fondé sur la prééminence du droit, le principe de légalité, ou encore l'exigence d'une « loi préalable » occupent pourtant une place centrale très essentielle en procédure pénale, même s'ils n'ont, en cette matière, ni la même raison d'être, ni la même portée qu'en droit pénal de fond1444

.

Pendant la recherche des preuves, les agents d'investigation ne sont pas libres, car si la présentation des preuves est bien libre, leur recueil ne l'est pas. Dans un État de droit comme en France et au Liban, les policiers et les magistrats sont tenus de respecter diverses conditions légales pendant tout acte de procédure tendant à rechercher les preuves. Le processus d'obtention de la preuve en matière pénale est strictement réglementée parce qu'il est sous-tendu par certains principes eux-mêmes presque sacrés. Certains auteurs croient que la légalité procédurale issue du principe de légalité des délits et des peines autorise les autorités étatiques (surtout judiciaires) à faire tout ce qui n'est pas interdit par la loi. Cette notion précédente ou interprétation est erronée, car tout acte de procédure criminelle attentatoire à la liberté individuelle ou contrevenant à la vie privée est interdit sauf si la loi prévoit légalement cette atteinte légale. Le Code de procédure pénale doit justifier expressément ces atteintes à la liberté individuelle afin de rechercher la preuve, mais à condition de ne pas porter atteinte aux garanties constitutionnelles, d'où la nécessité de réglementer légalement les différents procédés de preuve sans reconnaître aucune hiérarchie entre les divers modes de preuve et sans fixer la valeur probante des preuves. En matière criminelle, toute preuve est admise pour prouver une infraction, mais ceci ne veut pas dire que l'administration des preuves n'est pas réglementée. La légalité procédurale est applicable dans la recherche de preuve pénale. Le Conseil constitutionnel français dans sa décision n° 2004492 DC du 02 mars 2004 concernant la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a confirme l'application du principe de légalité criminelle sur les règles des preuves pénale : « 5. considérant, enfin, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ; que cette exigence s'impose non seulement pour exclure

pas uniquement de l'encadrement formel prévu par la loi. Elle consiste aussi dans le respect de principes inscrits dans le Code de procédure pénale ou établis par la jurisprudence ».

1444 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 248, p. 153.

l'arbitraire dans le prononcé des peines, mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ... »1445.

C. La preuve pénale, l'essence de la procédure pénale.

261. La preuve est l'objet de la procédure pénale. Selon M. René Garraud, l'idée de l'instruction et de la preuve dans le cadre du procès pénal, c'est-à-dire tous les procédés qui seront employés pour rechercher les délits et les délinquants et sans doute pour convaincre le juge de la culpabilité de l'accusé constituent le fond même de la procédure pénale, dont toutes les règles sont dirigées vers ce but : des moyens légaux, la découverte des crimes et la

1446

punition des criminels. Ensuite de la bonne ou de la mauvaise organisation de ces règles, dépend, avant tout, la sécurité de la société et celle de l'individu, c'est ce qu'affirme M. René

Garraud

1447

. Les règles de procédure pénale sont orientées vers la recherche et la production

356

de preuves. En réalité, la plupart des actes de procédure pénale visent l'obtention des éléments de preuve d'une infraction, par exemple, le procès-verbal constitue un instrument essentiel de la preuve au pénal, la perquisition ne peut avoir d'autre objet que de rassembler les preuves relatives à une infraction 1448 . L'interrogatoire n'a pas cessé d'être un moyen important de preuve. L'expertise est un moyen qui permet d'obtenir un avis non juridique basé sur des connaissances scientifiques, techniques ou artistiques spéciales et qui sert à découvrir certains indices et certaines preuves. À vrai dire, la preuve constitue l'essentiel de la procédure, ce qui confirme que la légalité procédurale doit être appliquée en matière de preuve pour encadrer légalement l'étendue de la liberté de preuve.

1445 DC n° 2004-492 du 02 mars 2004 concernant la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

1446 R. Garraud, Traité théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure Pénale, L. Larose & L. Tenin, 1907, t. 1, p. 9.

1447 R. Garraud, Traité théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure Pénale, L. Larose & L. Tenin, 1907, t. 1, p. 9.

1448 J. De Codt, Des nullités de l'instruction et du jugement, Larcier, Bruxelles, 2006, p. 54.

357

§ 2. Reconnaissance du principe de légalité de la preuve pénale.

262. Résoudre le conflit entre droits individuels et efficacité de la répression. Selon M. Bernard Bouloc et Mme Haritini Matsopoulou, la liberté de la preuve subit une restriction extrêmement importante du fait qu'il est exclut- en principe - qu'un policier ou tout autre

1449

.

citoyen se permette de commettre une infraction afin d'acquérir la preuve d'une infraction

M. Jacques Buisson affirme que « ... dans un État de droit, la légalité imprègne forcément l'administration de la preuve, c'est-à-dire dans la recherche ou le recueil de la preuve, à

1450

. La

peine de nullité, voire de condamnation civile ou pénale de l'enquêteur responsable »

procédure pénale vise d'abord à l'efficacité de la répression par la recherche des preuves afin de trouver l'auteur de l'infraction. Cette procédure vise encore à garantir les droits individuels des personnes pendant les différentes phases du procès. La recherche de preuve évoque plusieurs conflits entre intérêt public et intérêt privé, droits de l`individu et droits de la société, entre l'atteinte au droit individuel et l'intérêt général sauvegardé. La procédure pénale doit être équitable, elle doit donc trouver l'équilibre entre les droits des parties et l'équité de la procédure pénale, afin d'assurer les intérêts de la société et les droits des individus. En ce qui concerne la preuve, le principe, en droit pénal, est celui de la liberté de preuve. Cette liberté de preuve largement reconnue dans le domaine pénal ne nous empêche pas d'affirmer que lors de la recherche des preuves, toute procédure pénale tend à trouver l'équilibre entre le respect des droits de la défense et l'efficacité niveau des preuves suffisantes. La procédure pénale doit réserver l'équilibre des droits des parties. La reconnaissance d'une liberté absolue en matière de preuve détruirait l'équilibre en donnant à la recherche de la preuve la dominance sur la légalité. La procédure pénale recherche l'équilibre entre la protection des libertés individuelles, notamment ceux de la défense, et l'efficacité de la répression destinée à protéger

1451

la société . La légalité de preuve est un principe qui tend à renforcer l'équilibre de la procédure pénale et, en même temps, à l'humaniser et à améliorer l'équilibre des droits entre les parties. Le principe de la légalité de preuve vient résoudre complètement les conflits qui interviennent dans la recherche de preuve et leur efficacité qui peuvent porter atteintes à certains droits et libertés individuels. Contrairement à l'idée traditionnelle présentée,

1449 B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et Procédure pénale, 18e éd., Sirey, Paris, 2011, n° 441, p. 255.

1450 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 3.

1451 É. Espérance Nana, Droits de l'homme et justice: le délai de procédure pénale au Cameroun, L'Harmattan, Paris, 2010, Préface de Jean-Didier Boukongo, p. 34.

l'efficacité de la répression n'est pas toujours en opposition avec les droits et libertés. Le principe de la légalité de preuve offre une très bonne figure d'une procédure pénale respectueuse des droits individuels et efficace en même temps.

A. La liberté de la preuve limitée par la légalité.

263. Une liberté encadrée par la légalité dans la recherche des preuves. Il est coutumier de dire que la preuve en matière pénale est libre et surtout que le principe de la liberté de la preuve domine la procédure pénale. En réalité, malgré cette grande liberté, l'administration de la preuve reste soumise à de nombreuses règles qui s'imposent à toute société démocratique (respect de la dignité humaine, de l'intimité de la vie privée, du principe de loyauté...), car cette liberté dans l'administration de la preuve constitue le terrain d'élection des droits de la défense et la chambre criminelle se montre particulièrement vigilante quant aux principes qui

1452

la gouvernent . Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre Du Chambon, le principe de la légalité doit être d'emblée bien compris, notamment en ce qu'il touche aux moyens non aux

buts à atteindre

1453

. M. Jacques Buisson estime qu'« Il n'est pas sans intérêt de rappeler

immédiatement que la liberté du juge en matière de preuve, à l'instar de celle des parties, est nécessairement bornée par la légalité de l'administration de la preuve, comme elle l'est par

1454

la légalité du procès pénal » . La recherche de la vérité dans le procès pénal postule un équilibre entre les buts poursuivis et les moyens pour les atteindre. Selon M. Henri Donnedieu de Vabres, il faut signaler que si la loi n'impose au juge aucun critérium concernant l'appréciation de la valeur des preuves, la recherche et la production des preuves ne sont pas entièrement libres. Elles sont soumises à des règles légales. La juge n'est pas maître de recourir à tous les moyens d'investigation qui lui paraissent opportuns ; il ne peut puiser sa conviction que dans des preuves légalement examinées. Ces observations s'appliquent également à la production des preuves dans la procédure de l'instruction préparatoire et dans

celle de l'instruction définitive

1455

. Selon Mme Coralie Ambroise-Castérot, la liberté de

358

preuve ne signifie pas que n'importe quel procédé puisse être utilisé. Il n'est pas question de torturer un individu pour qu'il avoue, par exemple. Il existe donc des procédés interdits, parce

1452 D. Caron, « Les droits de la partie civile dans le procès pénal », in Rapport annuel 2000 de la Cour de cassation, Études sur le thème de la protection de la personne, Cour de cassation française.

1453 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 65, p. 40. 1454 J. Buisson, «Preuve», in Rép. Pén. Dalloz, février 2003, n° 69, p. 15.

1455 H. Donnedieu De Vabres, Traité élémentaire de droit criminel et de législation comparée, 3e éd., Librairie Sirey, Paris, 1947, n° 1242, p. 716.

359

1456

qu'illégaux. La liberté de preuve est une liberté encadrée par la légalité. Comme l'affirme M. Jacques Leroy, la liberté de preuve ne s'exerce pas sans limite, elle ne saurait exister que

1457

.

dans un cadre légal

B. La nécessité d'un encadrement légal pour chaque procédé de recherche de preuve qui porte atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée.

264. Atteinte légale à la liberté individuelle et à la vie privée. La recherche de preuve en matière pénale comme acte de procédure peut constituer une grave atteinte à la liberté individuelle. C'est pourquoi le législateur a réglementé dans le Code de procédure pénale les

différentes phases du procès pénal de manière stricte 1458 . Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre Du Chambon « un système procédural ne peut organiser en détail tous les types d'investigation concevables. Mais, dès l'instant qu'un procédé de recherche porte atteinte à la liberté individuelle par l'utilisation de la contrainte, il n'est licite que si un texte de loi l'autorise : en matière procédurale, le principe de la légalité signifie que tout ce qui n'est pas autorisé est interdit. Ainsi s'explique la réglementation minutieuse, au stade de l'enquête et de

l'instruction, des perquisitions et saisie ... »

1459

. Donc, chaque fois que le procédé de

recherche de preuve suppose une atteinte à un droit protégé, il y a une nécessité d'encadrer cette atteinte par le législateur pour créer une base légale qui légalise la preuve pénale. MM. Roger Merle et André Vitu expliquent d'une façon claire et sans équivoque l'idée de la réglementation du processus de recherche des preuves en matière pénale : « la loi française ne fixe pas la valeur de chaque preuve, elle en réglemente seulement la recherche, la constatation, la production et la discussion ; c'est ce qu'on appelle le principe de la légalité dans la recherche et l'utilisation des preuves, prolongement du principe général de la légalité criminelle. A mesure, en effet, le procès pénal s'achemine vers sa solution définitive, la loi entoure de plus de garanties la recherche et l'administration des preuves ; en même temps, elle accroît les pouvoirs donnés aux autorités pour cette recherche et cette production.

1456 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 245, p. 171. 1457 J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 348, p. 186.

1458 V. sur ce point : M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, p. 267 : « Le législateur a organisé la recherche de la preuve, notamment au travers des cadres juridiques d'enquête constituant les moyens d'accéder à celle-ci ».

1459 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 67, p. 42.

L'examen des divers phases du procès pénal révèle ce double aspect »

1460

. De surcroît, tous

360

les procédés de recherche de preuve qui constituent une atteinte à la vie privée doivent être strictement règlementés et encadrés par le législateur, ce qui prouve la nécessité d'appliquer le principe de la légalité procédurale en matière de preuve pénale, c'est-à-dire la reconnaissance de l'existence du principe de la légalité de preuve pénale.

Conclusion du chapitre I

265. Le principe de légalité des délits et des peines est reconnu comme l'aspect essentiel du principe de légalité criminelle. Ce qui précède n'empêche pas d'affirmer qu'il existe un autre aspect très important de la légalité criminelle, c'est le principe de la légalité procédurale. La légalité procédurale est un principe qui connaît une négligence remarquable dans le système répressif libanais et français. Un autre aspect de la légalité criminelle est né de l'application du principe de la légalité procédurale en matière de preuve sous la forme du principe de la légalité de preuve pénale. Le principe de la légalité procédurale connait ou souffre d'un problème d'existence, ce qui nécessite un essai visant à prouver la réalité et le fondement de l'existence du principe de la légalité procédurale. En effet, malgré l'ignorance et la négligence de ce principe par la doctrine en droit libanais, certains auteurs libanais ont souligné une exception remarquable en affirmant l'existence du principe de la légalité procédurale. La doctrine pénale française affirme pleinement l'existence du principe de la légalité procédurale. De surcroît, la légalité procédurale comme exigence de procès équitable dans un État de droit trouve son fondement dans la nécessité de protéger, d'assurer et de préserver la sécurité juridique, la protection de la liberté individuelle, et d'éviter l'arbitraire commis par l'autorité étatique et judiciaire. Donc, le principe de la légalité procédurale fait l'objet d'une reconnaissance, ce qui ouvre le débat sur l'application de ce principe en matière de preuve pénale sous le nom du principe de la légalité de preuve. Il est reconnu que la liberté de la preuve pénale trouve sa limite dans l'application du principe de la légalité procédurale en matière de preuve pénale. D'autre part, il est nécessaire d'encadrer légalement la recherche des preuves en procédure pénale surtout les procédés et les actes qui portent atteinte aux libertés individuelles ou à la vie privée. De ce qui précède, on peut conclure que la légalité

1460 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, tome 2 Procédure pénale, n° 168, p. 211.

361

procédurale est applicable en matière de preuve pénale, ce qui prouve l'existence et la reconnaissance du principe de la légalité de preuve pénale.

Chapitre II

Vers la constitutionnalisation et la

conventionnalisation du droit de la preuve

266. Importance et rôle du droit constitutionnel. Il est reconnu que ce qui caractérise l'État est l'ensemble des normes constitutionnelles qui sont au sommet de la hiérarchie du droit. L'État est tenu de respecter les normes constitutionnelles dans toutes les branches du droit surtout en ce qui concerne le domaine de procédure pénale afin de protéger les droits

1461

individuels au sein de la procédure pénale dans la recherche des preuves . Le droit constitutionnel est constitué de l'ensemble des normes qui fondent l'État de droit qui suppose l'existence d'un ordre juridique et d'une hiérarchie des normes bien établis, qui intègre toutes les branches du droit. Il y a une relation ou des liens entre la procédure pénale et le droit constitutionnel ; le droit constitutionnel étant le droit qui fonde l'ordre juridique qui reconnaît, organise et garantit les droits fondamentaux de la personne humaine dans un État de droit. Selon M. Maurice Duverger, un État de droit désigne nécessairement un État qui se conforme aux règles de droit établies, par opposition à l'arbitraire qui règne dans les régimes

1462

autoritaires.

267. La réception du droit conventionnel international. Les traités et les conventions jouent un rôle de plus en plus important en droit pénal généralement et plus précisément en procédure pénale. Chaque pays est invité à respecter ses engagements vis-à-vis des Conventions internationales. L'ordre hiérarchique du droit conventionnel international ayant un effet direct sur les normes juridiques internes est principalement lié à la place réservée par

le droit interne au droit conventionnel

1463

. La place des traités dans la hiérarchie des normes

362

permet aux conventions internationales relatives aux droits de l'homme de donner les moyens nécessaires d'influencer d'une manière efficace le droit et la procédure pénale. En France, il

1461V. G. Burdeau, F. Hamon et M. Troper, Droit constitutionnel, 22e éd., Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1991, p. 36 : Au sens formel, le droit constitutionnel est «l'ensemble des normes qui ont une valeur supérieure à celle des autres normes, qui peuvent servir de fondement de validité à d'autres normes et qui elles-mêmes ne sont fondées sur aucune norme juridique ».

1462 M. Duverger, Institutions politiques et droit constitutionnel, 18e éd., P.U.F., 1990, t. 1 Les grands systèmes politiques, p. 196.

1463 E. Roucounas, « L'application du droit dérivé des organisations internationales dans l'ordre juridique interne», in P. Michel Eisemann, L'intégration du droit international et communautaire dans l'ordre juridique national: étude de la pratique en Europe, Kluwer Law International, 1996, pp. 39-49, V. spec. p. 47.

n'est pas discutable que l'influence des traités adoptés au plan européen surtout la Convention européenne des droits de l'homme ne cesse d'augmenter. La procédure pénale n'échappe pas à ce phénomène et à cette influence européenne. La Convention européenne et la Cour européenne des droits de l'homme posent un certain nombre de principes auxquels le

droit interne doit être conforme 1464 . Sur le plan du droit libanais, le préambule de la

Constitution libanaise proclame l'adhésion du Liban à l'ONU

1465

et son engagement au

363

respect de ses chartes et notamment la Charte universelle des droits de l'homme. Le préambule de la Constitution libanaise reconnaît la primauté de la Charte universelle des droits de l'Homme, l'adhésion ou la ratification du Liban à toutes les conventions internationales reliées aux droits de l'homme et leurs protocoles facultatifs vont cohabiter avec les règles de procédure pénale en vigueur. Bien évidemment les conventions internationales reliées aux droits de l'homme viennent améliorer la protection des droits fondamentaux et combler certaines lacunes de notre dispositif de protection des droits de l'homme surtout dans la recherche des preuves dans le cadre du procès pénal.

268. La constitutionnalisation et la conventionnalisation du droit de la preuve. Mmes Geneviève Guidicelli-Delage et Haritini Matsopoulou expriment le mouvement vers la constitutionnalisation et la conventionalité de la procédure pénale notamment en matière de preuve, par une expression significative : « procéduralement, la constitutionnalisation et/ou conventionnalisation de plus en plus forte du droit de la preuve, par un développement des droits de la défense, du principe du contradictoire et de l'oralité, de l'égalité des armes et de la place des parties privées dans la recherche de la vérité, par les exigences de proportionnalité, d'adéquation et de loyauté des modes de recueil et d'administration des

1466

preuves ». Mme Laurence Burgorgue-Larsen considère que la conventionnalisation des branches du droit a succédé à leur constitutionnalisation, qui faisait suite à la naissance et au

. Il s'agit, bien évidemment, des limites

1467

développement de la justice constitutionnelle

imposées par les normes internationales conventionnelles dans le cadre d'une procédure

1464 CEDH, (Grande Chambre) 15 novembre 1996, Cantoni c/ France Affaire, n° 45/1995/551/637 (principe de légalité des délits et des peines, définition claire et précise des infractions par les textes.)

1465 L'Organisation des Nations unies.

1466 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 2.

1467 L. Burgorgue-Larsen, « La France et la protection européenne des droits de l'homme », in Annuaire Français de relations internationales, 2005, pp. 598-612, v. spec. p. 605.

364

1468

pénale tendant à la recherche de preuves. Il est indéniable que l'évolution de la procédure pénale moderne tend vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation du droit de la preuve.

269. Rapport entre droit pénal et droit constitutionnel. Longtemps, il n'existait aucun rapport direct entre le droit pénal et la Constitution qui sont restés fort étrangers l'un à l'autre

1469

comme souligne M. Jean-François Seuvic . Le droit pénal et le droit constitutionnel sont très loin l'un de l'autre et le droit public est en général opposé au droit privé, car d'après les conceptions classiques, le droit interne se divise en deux branches, le droit public, dont le droit

1470

constitutionnel fait partie et le droit privé, auquel appartient le droit pénal . Le droit pénal comme les différentes branches du droit n'a pas échappé à ce mouvement constitutionnel. En

. En

1471

1985, M. Loïc Philip a invoqué la constitutionnalisation du droit pénal français

revanche, le droit pénal est considéré comme une matière de droit public si l'on prend en compte l'objet du droit pénal qui vise à définir et réprimer les comportements contraires à un certain ordre social et à la sécurité juridique et en prenant compte que le droit pénal exprime traditionnellement l'autorité de l'État et l'exercice de la souveraineté étatique. En ce qui concerne le contenu de la constitutionnalisation du droit pénal, il est à la fois formel et

1472

substantiel comme le souligne M. Jean-François Seuvic . Un avis opposé à celui de M. Jean-François Seuvic porte un doute remarquable sur la force et la faiblesse qui entourent le droit constitutionnel en matière de procédure pénale. Cet avis est soutenu par M. Guy

1468 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 3 : « La manifestation de la vérité ne justifie nullement le recours à tout moyen de preuve. C'est qu'en effet, des traités posent, au niveau international ou européen, un certain nombre de limites à la recherche de preuves ».

1469 V. J.-F. Seuvic, « Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », in Cycle Procédure pénale 2006, Troisième conférence 16 mars 2006 : « La constitutionnalisation du droit pénal a un double contenu, relevant d'une part d'une constitutionnalisation formelle et d'autre part, d'une constitutionnalisation

substantielle » :Disponible sur le site officiel de la cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2006_55/intervention_m._seuvic_9574.html

1470 V. J.-F. Seuvic, « Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », in Cycle Procédure pénale 2006, Troisième conférence 16 mars 2006 : « La constitutionnalisation du droit pénal a un double contenu, relevant d'une part d'une constitutionnalisation formelle et d'autre part, d'une constitutionnalisation

substantielle » :Disponible sur le site officiel de la cour de cassation française :
http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2006_55/intervention_m._seuvic_9574.html

1471V. L. Philip, « La Constitutionnalisation du droit pénal français », in R.S.C., 1985, n° 4, pp. 711-723 ; V. encore : D. Mayer, « L'apport du droit constitutionnel au droit pénal en France », in R.S.C., 1988, pp. 439-446.

1472 Intervention de J.F. Seuvic, « Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », in Cycle Procédure pénale 2006, Troisième conférence 16 mars 2006.

1473

Canivet

. Il nous paraît illogique, puisque la reconnaissance de l'existence du droit

365

constitutionnel en matière de procédure pénale entraîne nécessairement la reconnaissance de sa valeur juridique complète sans aucune réserve concernant sa valeur juridique.

270. Mouvement de constitutionnalisation en matière pénale. Le but de l'intervention de la norme constitutionnelle en matière pénale est au profit de l'intérêt général pour garantir les droits et libertés individuels qui risquent d'être menacés pendant le déroulement du procès pénal. En France, selon M. Jean-Louis Nadal, « le mouvement de constitutionnalisation du droit pénal et de manière générale de la matière pénale s'est enclenché à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 qui a fait entrer dans ce que l'on appelle le bloc de constitutionnalité, non seulement la Constitution de 1958, mais également la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, progressivement dégagés par le Conseil constitutionnel. Le socle des principes constitutionnels propres à la matière pénale s'articule ainsi autour des principes de droit pénal et des principes touchant plus spécifiquement la procédure pénale. Parmi les principes constitutionnels de droit pénal, on peut citer parmi les plus importants le principe de la légalité des délits et des

1474

peines...»

1475

. En droit libanais, on peut remarquer l'absence de reconnaissance juridique

 

de ce mouvement de constitutionnalisation de la matière pénale. L'absence d'un véritable mouvement de constitutionnalisation du droit pénal est vraiment regrettable. Cette négligence a pu mettre gravement en péril les libertés individuelles surtout que la constitutionnalisation du droit criminel englobe le droit pénal et la procédure pénale, visant à mieux garantir la protection des libertés individuelles au cours du procès pénal en droit libanais.

271. L'harmonisation de la législation nationale. L'harmonisation des lois nationales pour qu'elles soient compatibles avec les instruments internationaux nécessite de trouver une harmonisation effective entre la législation nationale et les engagements internationaux. Ce qui précède va prouver que les effets directs des conventions se traduisent par l'harmonisation

1473 G. Canivet, « Propos introductifs », in « Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », in Cycle Procédure pénale 2006, Troisième conférence 16 mars 2006 : « s'il est admis par tous qu'il existe un véritable droit constitutionnel en matière de procédure pénale, des interrogations subsistent sur la force ou la faiblesse de cette constitutionnalisation ».

1474 J.-L. Nadal, « Propos introductifs », in Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal, Cycle Procédure pénale 2006 Troisième conférence 16 mars 2006.

1475 V. sur La constitutionnalisation de la matière pénale en Allemagne : K. Tiedemann, « La constitutionnalisation de la matière pénale en Allemagne », in R.S.C., 1994, pp. 1 et s.

de la législation

1476

nationale pour répondre aux impératifs conventionnels. Par exemple, la

Cour européenne des droits de l'homme reconnaît les interceptions téléphoniques comme une

méthode d'investigation criminelle acceptable, malgré leur caractère prima facie

1477

attentatoire à la vie privée. Cependant, elle ne le fait qu'avec beaucoup de réserve remarquable, en soulignant d'une façon très particulière que de ce moyen d'investigation est d'une nature exceptionnelle et en imposant sa réglementation qui vise un encadrement strict de manière explicite et détaillée par la loi. Les différents législateurs dans les pays européens sont tenus de respecter les exigences imposées par la Cour de Strasbourg et ne pouvaient de toute sorte que recevoir positivement les messages de la Cour européenne des droits de l'homme et s'efforcer d'harmoniser leur législation aux impératifs posés par la Convention 1478 . Sans doute, l'harmonisation des procédures pénales de manière compatible avec les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas une tâche facile et il est selon Mme Anne Weyembergh, très certainement un des domaines de l'espace

1479

pénal européen parmi les plus délicats, sinon le plus délicat . Là, l'influence du droit international est indéniable, et plus précisément s'agissant de l'Europe, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur la preuve pénale. La CEDH encadre doublement le système de preuve par les exigences du procès équitable et par

le respect des droits garantis par la Convention (articles 3, 8, 10)

1480

. La ministre de la Justice

366

hongroise en 2000, Mme Ibolya David affirme l'impact indéniable de la jurisprudence rendue par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur les législations nationales des pays membres de l'Union Européenne « les centaines d'arrêts de la Cour ont eu un impact considérable sur les législations des États membres et, par conséquent, sur la vie de millions

1476 V. sur l'harmonisation des législations: A. Weyembergh, L'harmonisation des législations: condition de l'espace pénal européen et révélateur de ses tensions, Éditions de l'université de Bruxelles, Bruxelles, 2004

1477 Prima facie : terme dérivé du latin qui désigne de prime abord.

1478 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, pp. 6-7.

1479 A. Weyembergh, « l'harmonisation des procédures pénales au sein de l'union européenne », in Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26, pp. 37-70, v. spec. p. 37.

1480 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 8.

1481

de citoyens européens » . Au Liban, malheureusement négligés par la doctrine libanaise,

367

l'importance cruciale du principe de légalité et l'impact de la Charte universelle des droits de l'homme et des autres conventions et obligations internationales de l'État sur le droit national précisément sur la procédure pénale libanais n'ont pas reçu toute l'attention qu'ils méritent face aux risques et menaces des libertés et des droits fondamentaux qui sont en péril pendant la recherche et l'administration de la preuve dans le procès pénal. Au Liban, nous pensons qu'il est nécessaire d'harmoniser les lois libanaises en vigueur qui touchent la procédure pénale et la recherche des preuves qui ne sont pas en conformité avec la Constitution libanaise et les obligations et les engagements internationaux du Liban parce que certaines lois libanaises en vigueur posent la question de la légalité des preuves et continuent de faire obstacle à la création de l'État de droit ou mettent en doute l'État de droit. Le législateur libanais doit redoubler d'efforts pour harmoniser la législation nationale en vigueur avec les obligations découlant des engagements internationaux et traités internationaux de protection des droits de l'homme. L'harmonisation des lois nationales avec les instruments internationaux est souhaitable afin d'éviter les conflits en matière d'application des lois et les problèmes d'applications, mais l'harmonisation n'a qu'un rôle limité puisque le juge peut et doit appliquer directement les conventions qui ne nécessitent aucune codification préalable par le législateur,

1482

,

car les conventions respectent et répondent strictement aux différents critères sur la clarté

l'intelligibilité et la précision de la loi1483

.

La première section de ce chapitre porte sur les fondements conventionnels et constitutionnels de la légalité de preuve en droit libanais. La deuxième section de ce chapitre porte sur les fondements conventionnels et constitutionnels de la légalité de preuve en droit français.

1481 I. David, Conférence ministérielle européenne sur les droits de l'homme et cérémonie commémorative du 50e anniversaire de la convention européenne des droits de l'homme, Rome 3-4 novembre 2000, Éditions du Conseil de l'Europe, 2002, p. 84.

1482 V. sur ce point : V. Lasserre-Kiesow, La technique législative: étude sur les codes civils français et allemand, L. G. D. J., préface de Michel Pédamon, 2002.

1483 V. en général sur ce point : Ph. Malauri, « L'intelligibilité des lois », in Pouvoirs, 2005/3, n° 114, pp. 131137.

368

Section I

Les fondements conventionnels et constitutionnels de la
légalité de preuve en droit libanais

272. La légalité est un principe largement reconnu. C'est un principe largement apprécié et reconnu sur le plan national et international. Le principe de légalité criminelle est le plus ancien et peut-être, la plus importante des garanties en matière pénale. De nombreux textes internationaux consacrent clairement le principe de légalité, comme la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme de 1950. Ce principe fut adopté aussi par l'article 14 de la Charte arabe des droits de l'homme 1484 . Le principe de la légalité pénale est déjà énoncé, en 1774, dans la Constitutions des États-Unis. Mais selon M. Joseph Effa, c'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui lui donne sa

1485

.

forme définitive et lui assure la généralité, l'universalité et la pérennité

273. L'impact de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Contre l'arbitraire de l'ancien régime, les Constituants, par ailleurs lecteurs de Beccaria, élaborent un

système pénal fondé sur la souveraineté nationale et l'exigence de légalité 1486 . Les fondements du principe de légalité en droit international et européen sont hérités de la Révolution française de 1789. Cette révolution a promulgué la première charte des droits de l'homme ou

la première déclaration des droits de l'homme de l'époque moderne 1487 . Les principes généraux de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations

1484 L'article 14 de la Charte arabe des Droits de l'Homme a été adoptée par le Conseil de la Ligue des États arabes le 15 septembre 1994 dispose : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation, d'une perquisition ou d'une détention arbitraire et sans mandat légal; Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour les motifs et dans les cas prévus préalablement par la loi et conformément à la procédure qui y est fixée ».

1485 J. Effa, La responsabilité pénale des ministres sous la Ve république, L'Harmattan, Paris, 2011, Préface de Dmitri Georges Lavroff, p. 156.

1486 P. Beauvais, Le principe de la légalité pénale dans le droit de l'union européenne, Thèse de droit, Université Paris X Nanterre, 2006, n° 60, p. 59.

1487 Le Cylindre de Cyrus (VIe s. av. J-C) est largement mentionné comme la première charte des droits de l'homme, découvert en 1879.

Unies, le 10 décembre 1948

1488

et la Convention européenne de sauvegarde des droits de

l'homme et des libertés fondamentales

1489

, trouvent leurs inspirations dans la Déclaration des

369

droits de l'homme et du citoyen (DDHC) qui a constitué le texte fondamental de la Révolution française, qui énonce un ensemble de droits naturels individuels et collectifs et les conditions de leur mise en oeuvre. La Convention européenne des droits de l'homme s'inspire de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui s'inspire à son tour de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. La légalité des peines est un principe affirmé depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le principe de la légalité des incriminations confère au législateur la charge de définir les éléments constitutifs des incriminations. Le principe de légalité des délits et des peines (en latin, Nullum crimen nulla poena sine lege) trouve sa source dans deux articles de la Déclaration des droits de

. Les articles 7 et

1490

l'homme et du citoyen de 1789 définissant le principe de la légalité pénale

8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 présentent l'une des innovations majeures dues à la Révolution française, puisqu'ils font échapper la procédure

1491

judiciaire à tout arbitraire. Donc, ce principe trouve son fondement originaire dans l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 selon lequel «la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». L'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance ». Selon M. Yves Bot, le

1488 La Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen adoptée par la première Assemblée nationale française dans le contexte révolutionnaire, en 1789, largement inspiré, avec les Déclarations américaines des droits (1776), les rédacteurs (le juriste français René Cassin a été, avec Eléonore Roosevelt, l'un des principaux rédacteurs) de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 10 décembre 1948.

1489 La Déclaration universelle a ainsi directement inspiré le Conseil de l'Europe dans la rédaction de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, traité unique en son genre puisqu'il prévoit aussi un mécanisme de surveillance de son respect de nature judiciaire et obligatoire : la Cour européenne des droits de l'homme.

1490 M. Cliquennois, La Convention européenne des droits de l'homme et le juge français, ademecum de pratique professionnelle, L'Harmattan, Paris, 1997, p. 113.

1491 S. Fauconnet, De la rétention de sûreté à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, Master Affaires Européennes et Internationales, Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2008, p. 24.

370

principe de légalité tel que défini par cette Déclaration des droits de l'homme en son article 8,

1492

englobent les règles de fond et de forme.

274. L'impact de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et les Pactes. La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) est adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948 à Paris au Palais Chaillot. Cette déclaration est généralement reconnue comme étant le fondement du droit international relatif aux droits de l'homme. Adoptée il y a près de 60 ans, la DUDH a inspiré un corpus abondant de traités internationaux légalement contraignants relatifs aux droits de l'homme et le développement de ces droits à l'échelle internationale au cours des six dernières décennies. L'article 11 alinéa 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dispose « nul ne sera condamné pour des actions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment ou l'acte délictueux a été commis ». Il faut noter que la Déclaration universelle des droits de l'homme est un texte qui n'a pas d'obligations et de valeur juridique. La question de la valeur juridique de la Déclaration

1493

. En

universelle fait l'objet d'une controverse parmi les auteurs, selon M. Marion Raoul

réalité la déclaration a indubitablement une très grande valeur morale, mais qui n'implique pas, de la part des États signataires, d'engagement juridique précis, sauf pour les États qui y font référence dans leur Constitution. Sans doute la Déclaration de 1948 peut être considérée comme l'une des sources d'inspiration d'un grand nombre de règles juridiques internationales, mais aussi nationales. L'alinéa 1 de l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) qui a été adopté à New York le 16 décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations Unies dispose « tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi ». Ce texte affirme clairement le principe de la légalité procédurale en exigeant que tout acte qui menace la liberté et les divers droits des citoyens doit être conforme à la procédure prévue par la loi, la procédure pénale n'échappe pas à ce phénomène. La procédure pénale est en effet une matière qui constitue un acte attentatoire à la liberté individuelle, ce qui nécessite que le législateur fixe légalement les limites de la liberté individuelle afin d'éviter l'arbitraire. L'alinéa 1er de l'article 9 du Pacte international relatif aux

1492 Y. Bot, « Principes constitutionnels et autonomie du droit pénal », in Ch. Guettier et A. Le Divellec (dir.), La responsabilité pénale du président de la République, L'Harmattan, Paris, 2003, p. 81.

1493 M. Raoul, Déclaration universelle des droits de l'homme et réalités sud-africaines, Unesco, 1983, p. 16.

371

droits civils et politiques (PIDCP) impose que les actes de procédure qui portent atteinte à la liberté individuelle comme ceux qui tendent à prouver les éléments de l'infraction, doivent être strictement limités conformément à la procédure prévue par la loi, c'est-à-dire consacrés par un texte de loi. L'alinéa 1er de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reprend le même texte que l'alinéa 2 de l'article 11 la Déclaration universelle des

1494

.

droits de l'homme qui consacre la légalité criminelle

275. L'impact de la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, l'objectif premier de la Convention européenne est d'assurer, au plan régional, la mise en oeuvre effective de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée

générale des Nations Unies 1495 . La Convention européenne des droits de l'homme, signée à Rome le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953 fonde aujourd'hui selon M. Frédéric Sudre la protection européenne des droits de l'homme et fournit le modèle le plus perfectionné d'une garantie effective de ces droits proclamés au plan international, en offrant

aux individus le bénéfice d'un contrôle juridictionnel

1496

. La Convention européenne des

1497

droits de l'homme consacre de façon générale le principe de légalité. Dans un État de droit, le principe de légalité criminelle exprime l'idée de la soumission à la loi de la responsabilité pénale. Naturellement, ce principe exclut toute répression pénale consécutive à des faits qui ne

. Le principe de

1498

seraient pas érigés en infraction par un texte préalable à leur commission

1494 « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ».

1495 P. Beauvais, Le principe de la légalité pénale dans le droit de l'union européenne, Thèse de droit, Université Paris X Nanterre, 2006, n° 70, pp. 74-75.

1496 F. Sudre, La Convention européenne des droits de l'homme, 8e éd., P.U.F., Paris, 2010, p. 3.

1497 V. sur la contribution de l'Union européenne au renouvellement de la légalité pénale : J. Tricot, Étude critique de la contribution de l'Union européenne au renouvellement de la légalité pénale, Thèse de droit, Université Panthéon-Sorbonne, 2009, V. spec. le résumé : « Le droit pénal a élaboré sa propre théorie générale de la loi, fondée sur la sécurité juridique et la prééminence du droit, exigences traversées par l'idéal démocratique. Elle est aujourd'hui l'objet d'importantes transformations, auxquelles l'Union européenne, à la suite de l'autre Europe, n'apparaît pas étrangère. Mais si l'Union européenne participe au renouvellement de la théorie générale de la loi pénale de fond, sa contribution se révèle ambivalente. Elle nourrit tout à la fois sa consolidation, en protégeant les droits fondamentaux et en maintenant l'ancrage national du droit pénal, et sa subversion, en révélant les faiblesses existantes de la légalité pénale et en en générant de nouvelles. Consolidation et subversion dessinent les contours de la contribution - qui s'avère diversifiée, complexe et inachevée - de l'Union européenne, au renouvellement de la théorie générale de la loi pénale de fond. Combinées, elles pourraient augurer sa recomposition ».

1498 X. De Roux, « La défense devant le T.P.I.Y » In S. Gaboriau et H. Pauliat, La justice pénale internationale, actes du colloque organisé à Limoges les 22-23 novembre 2001, P.U.L.I.M., 2002, Préface de Claude Jorda, p. 130.

légalité criminelle subordonne l'existence d'une infraction à un texte qui doit définir toutes les

1499

composantes de l'infraction pénale, c'est-à-dire l'incrimination et la sanction

. La loi

372

adoptée par le législateur (parlement) qui répond à la caractéristique de la loi formelle et démocratique a perdu sa place axiologique au sein des systèmes juridiques européens contemporains. Le principe de légalité est doté d'une nouvelle signification plus étendue

. L'alinéa

1500

désormais qui s'entend désormais comme le règne de droit ou principe de droit

1er de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme consacre clairement le

1501

principe de la légalité.

276. La question de la valeur juridique. La question de la valeur juridique des principes méritent une importance particulière parce que la valeur juridique du principe va préciser sa force et déterminer son effectivité et efficacité surtout son application dans le système juridique. Il existe plusieurs types de lois, mais les lois n'ont pas toutes la même valeur juridique. Dans un système juridique, la valeur juridique des lois et des principes n'est pas aléatoire, la hiérarchie des normes est le principe fondamental qui organise et fixe la valeur juridique des lois du pays. La hiérarchie des normes au regard de sa valeur intrinsèque constitue un système pyramidal qui implique que la norme de niveau supérieur s'impose à celle de niveau inférieur. Cette pyramide des normes est parfois appelée pyramide de Kelsen. Selon M. Hans Kelsen « l'ordre juridique n'est pas un système de normes juridiques placées toutes au même rang, mais un édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide ou hiérarchie formée (pour ainsi dire) d'un certain nombre d'étages ou couches de normes

1502

juridiques ». L'importance de cette pyramide de Kelsen prend sa source dans le fait que le droit n'est pas un ensemble homogène et que la hiérarchie des normes constitue une nécessité

démocratique dans chaque État1503.

1499 X. De Roux, « La défense devant le T.P.I.Y » In S. Gaboriau et H. Pauliat, La justice pénale internationale, actes du colloque organisé à Limoges les 22-23 novembre 2001, P.U.L.I.M., 2002, Préface de Claude Jorda, p. 130.

1500 É. Carpano, État de droit et droits européens: l'évolution du modèle de l'État de droit dans le cadre de l'européanisation des systèmes juridiques, L'Harmattan, Paris, 2005, Préface de Thierry Debard, n° 332, p. 320.

1501 L'alinéa 1 de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ».

1502 H. Kelsen, Théorie pure du droit, Traduite par C. Eisenmann, Dalloz, 1962, p. 2

1503 V. Ph. Malaurie, Introduction à l'étude de droit, Cujas, Paris, 1991, p. 160: « La hiérarchie des normes est un principe capital dans les pays démocratiques ... La hiérarchie des normes s'exprime sous forme d'une pyramide. En partant de la règle la plus élevée... ».

§ 1. Jalons pour une valeur supra-législative en droit libanais.

277. La valeur supra-législative des conventions et traités internationaux. Dans le principe général de la hiérarchie des normes juridiques, il est clair que le système juridique de tradition romano-germanique, considère que les conventions et traités internationaux ont une valeur infra-constitutionnelle mais supra-législative. On parle des lois et principes supra législatifs, ce sont l'ensemble des principes qui sont en dessous des normes constitutionnelles et au-dessus des lois ordinaires législatives. Les règles supra-législatives ont une autorité supérieure à celle des lois, c'est une valeur supra-législative, mais infra-constitutionnelle. La force juridique de valeur supra-législative qui se situe entre la Constitution et les règles à valeur législative concerne à la fois les lois internes antérieures et postérieures, de droit commun ou

1504

contenant des règles spéciales.

A. La Constitution libanaise et l'impact de la Charte internationale des droits de l'homme.

278. Première Constitution libanaise. Au Liban, la naissance de la première Constitution libanaise été en 1926 sous le mandat français avant que le pays n'accède à son indépendance

en 1948

1505

. La Constitution de 1926 a été largement inspirée de la Constitution de la

373

troisième République française connue sous le nom de Constitution de 1875. La Constitution libanaise de 1926 témoigne clairement de l'esprit de la IIIe République française 1506 qui exclut toute idée de contrôle de constitutionnalité des lois 1507 . Ensuite, la Constitution libanaise

1504 C.-L. Popescu, « Les rapports entre le droit international des droits de l'homme et le droit roumain », in Universitas : Revista de Filosofía, Derecho y Política, Roumanie, 2008, n° 8, Communication scientifique présentée le 27 mai 2004, à l'Animation scientifique régionale sur le thème « Les droits fondamentaux: perspectives francophones », organisée par le Comité du Réseau « Droits fondamentaux » de l'Agence Universitaire de la Francophonie, en coopération avec le Centre des droits de l'homme de la Faculté de droit de l'Université de Bucarest et du Collège juridique d'études européennes de l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne, à l'occasion de la Réunion du Comité de Réseau « Droits fondamentaux », qui a eu lieu à Bucarest, les 22-29 mai 2004, pp. 121-134, v. spec. p. 124.

1505 V. sur La genèse de la Constitution libanaise de 1926: A. Hokayem, La genèse de la Constitution libanaise de 1926, Le contexte du mandat français, les projets préliminaires, les auteurs, le texte final, Les Éditions universitaires du Liban, 1996.

1506 C. Koch, « La Constitution libanaise de 1926 à Taëf, entre démocratie de concurrence et démocratie consensuelle », in Egypte monde arabe, 2005, Troisième série n° 2, pp. 159-190.

1507 V. sur la Constitution libanaise avant la modification la plus importante résultant des accords de Taef du 22 octobre 1989 : I. Rabbâ?, La Constitution libanaise: origines, textes et commentaires, Éditeur: Université libanaise, Beyrouth (Liban),1982.

s'inspire de la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui consacre le principe de la primauté de la loi1508.

279. Amendement constitutionnel de 1990. Après le dernier amendement constitutionnel de

1990, la Constitution libanaise s'est dotée d'un Préambule

1509

. M. Bechara Mnassa, définit le

374

Préambule de la Constitution libanaise comme « l'une des conséquences d'une expérience

nationale vécue, pendant et après la guerre » 1510 . Ce qui caractérise ce Préambule est qu'il contient plusieurs références à des engagements internationaux explicitement visés par le Préambule de la Constitution. En fait, la Constitution libanaise avant l'amendement constitutionnel de 1990, n'a jamais contenu de mention relative à un traité ou à un engagement international. « Le Liban est arabe par son identité et son appartenance. Il est membre fondateur et actif de la Ligue des États Arabes et engagé par ses pactes; de même qu'il est membre fondateur et actif de l'Organisation des Nations Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. L'État concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception », ce que prévoit l'alinéa (b) du Préambule de la Constitution libanaise. La question de la capacité du juge libanais à intégrer tous ces engagements, vu la pluralité de ceux-ci s'est posée largement. Si l'on veut savoir si le juge se réfère à ce Préambule, il faut nécessairement qu'on traite sa valeur juridique. Le Conseil constitutionnel libanais s'est référé dans un premier temps explicitement au Préambule de la Constitution de 1990 sans révéler sa position sur la valeur juridique du

1511

Préambule de la Constitution qui est restée plusieurs années incertaine avec beaucoup de

points d'ombre.

280. Le principe de la légalité et le Préambule de la Constitution libanaise en vigueur. La Constitution libanaise s'est dotée d'un Préambule. Le principe de la légalité qui est énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et ces deux Pactes a été pleinement intégré au Préambule de la Constitution libanaise qui a été ajouté par la loi constitutionnelle

1508 H. Mouannes, « Le fonctionnement et l'autorité du conseil Constitutionnel Libanais », in Droit écrit, mars 2001, n° 1, p. 118.

1509 W. Wehbe, « Le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs: Expérience des conseils d'État libanais et français », in Magazine de défense, Liban, 1/4/2005, n° 55.

1510 B. Mnassa, La Constitution libanaise : dispositions et interprétations, Imprimerie de Ghazir, Beyrouth, 1998, p. 36.

1511 C.C. lib., n 3/95,18 septembre 1995.

du 21/9/1991

1512

. Cette disposition du Préambule de la Constitution libanaise est entérinée par

375

l'article 2 du Code de procédure civile libanais, mentionnant la suprématie des engagements internationaux du Liban sur son droit national. Autrement dit, même si la loi libanaise est en contradiction avec les engagements internationaux du pays, ce sont néanmoins ces derniers qui ont force de loi. Il faut noter que l'article 6 du Code de procédure civile libanais dispose que les principes généraux du Code de procédure civile s'appliquent dans l'hypothèse où il y a une lacune dans les autres Codes et lois de procédure. Bien évidemment, l'article 2 du Code de procédure civile libanais rend les traités et les conventions internationaux ratifiés par le parlement libanais directement applicables en matière pénale.

281. Les pactes internationaux ratifiés par le Liban. Le Liban a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1972. La Constitution libanaise contient un préambule qui proclame dans la partie (b) l'adhésion du Liban à l'organisation des Nations-Unies et son engagement au respect de ses chartes et notamment la Charte universelle des droits de l'homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. De même, la partie (b) de ce Préambule proclame encore qu'il est membre fondateur et actif de la Ligue des États Arabes et engagé par ses pactes. Donc, tous les pactes internationaux ratifiés par le Liban ont la nature de l'obligation juridique parce que ces pactes contiennent des principes généraux et directeurs en droit pénal et procédural. La fin de la partie (b) du Préambule libanais précité exige textuellement que L'État libanais concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception, ce qui inclut le champ pénal qui nous intéresse dans notre thèse. L'effet d'un engagement international est un acte lourd de conséquences, mais ce Préambule de la Constitution a été l'occasion d'un long débat juridique sur les valeurs constitutionnelles du Préambule et des principes énoncés dans la Charte universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques d'où la relation entre droit constitutionnel, pacte international et droit interne. De surcroît, il faut noter que selon l'article 2 du Code de procédure civile libanais, les règles de source internationale prévalent sur les règles de droit interne surtout que ces règles consacrent ou touchent la matière pénale et certaines garanties du justiciable. La législation pénale au Liban devra donc respecter un certain nombre de principes posés par la Constitution et le Préambule de la Constitution.

1512L'article b du préambule de la Constitution libanaise dispose : « Le Liban est arabe dans son identité et son appartenance. Il est membre fondateur et actif de la Ligue des États Arabes et engagé par ses pactes ; de même qu'il est membre fondateur et actif de l'Organisation des Nations-Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. L'État concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception ».

376

B. Les principes à valeur supra-législative en droit libanais.

282. La primauté des conventions internationales sur les lois nationales. En vertu de l'application combinée du Préambule de la Constitution libanaise et de l'article 2 du Code de procédure civile qui donne la prééminence à l'application des dispositions des traités internationaux sur celles de la loi ordinaire, les traités internationaux ratifiés par le Liban sont

applicables en droit interne dès leur publication au Journal officiel1513 . Sans doute, l'efficacité effective des traités internationaux dépend principalement de leur valeur vis-à-vis du droit interne, c'est-à-dire l'affirmation de la supériorité de leurs normes met en évidence la valeur des traités internationaux en cas de conflit avec les dispositions de l'ordre juridique interne et en cas de lacune dans le droit national. L'article 2 du Code de procédure libanais affirme clairement la supériorité des traités sur les lois interne en accordant la primauté aux conventions internationales sur les lois. En même temps les dispositions de l'article 2 du Code de procédure civile interdisent explicitement au juge libanais de déclarer la nullité d'un acte législatif pour non-conformité à la Constitution, il est évidemment mentionné dans l'article 2 que la déclaration de nullité par le juge libanais est interdite « ... les tribunaux ne pourront déclarer la nullité des activités du pouvoir législatif pour cause de non conformité des lois ordinaires à la Constitution ou aux traités internationaux ». Mais si la déclaration de nullité

1514

par le juge est strictement prohibée , la non-application de la loi inconstitutionnelle ou d'une loi qui n'est pas conforme avec les dispositions d'un traité international1515 devrait être

1513 M. Mansour et C. Daoud, « L'indépendance et l'impartialité du système judiciaire- Le cas du Liban », in Rapport REMDH 2010, F Copenhague, février 2010, Publication: Réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme, p. 8.

1514 V. M. Mansour et C. Daoud, « L'indépendance et l'impartialité du système judiciaire- Le cas du Liban », in Rapport REMDH 2010, F Copenhague, février 2010, Publication: Réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme, p. 8 : « Les normes incluses dans les traités ratifiés peuvent ainsi être appliquées par les tribunaux en vue de réaliser effectivement les droits des individus chaque fois que la législation interne est en contradiction avec ces normes. Elles priment donc sur celles de la législation interne qui resteront cependant valides jusqu'à leur harmonisation avec les termes du traité en question ».

1515 V. N. Diab, « Un droit processuel fondamental façonne par le conseil constitutionnel libanais », in Le conseil constitutionnel libanais : gardien, régulateur, protecteur, Colloque de Beyrouth 2002, Bruylant, Publié en 2003, p. 10 : « L'article 2 de l'ancien Code de procédure civile de 1933 interdisait aux magistrats de contrôler la conformité des lois à la Constitution. Cette prohibition a été atténuée dans l'article 2 du nouveau Code où elle ne concerne que l'annulation des lois pour inconstitutionnalité ou pour non-conformité avec les dispositions d'un traité international, sans semble-t-il toucher au pouvoir du juge d'écarter l'application des lois qu'il considérerait inconstitutionnelles : après avoir imparti aux magistrats, dans le premier alinéa de l'article 2 du nouveau Code, de respecter le principe de la hiérarchie des normes, le législateur leur a spécifié, dans le deuxième alinéa, qu'en cas de contradiction entre les dispositions de conventions internationales et les dispositions du droit commun, les premières prévalent sur les secondes, avant de déclarer expressément, dans le

tout à fait admise, ce qui est plus respectueux des droits de l'homme 1516 . Le juge doit prendre

lui-même l'initiative ou d'office de ne pas appliquer une loi contraire à la Constitution ou contraire à un traité international. En droit libanais, le juge national fait preuve d'une timidité remarquable dans l'application pleine et entière des traités internationaux comme faisant partie du droit interne. M. Georges Saad considère que « le juge libanais, même lorsqu'il adopte un système juridique continental, son comportement timide est bien visible: il suffit de constater

1517

qu'il n'applique pas les traités internationaux, même en l'absence d'une loi ». Le problème essentiel du Préambule de la Constitution libanaise réside dans la question de savoir s'il revêt une force juridique, et si oui laquelle. M. Georges Saad souligne que cette problématique « se pose pleinement en droit libanais depuis le dernier amendement constitutionnel du 21/09/1990 conformément aux accords de Taëf qui a introduit dans notre

constitution un préambule »

1518

. À notre avis, le juge libanais a fait preuve de timidité devant

377

le problème de la primauté des conventions et traités internationaux sur le droit interne. Il faut pour cela que le juge applique le principe hiérarchique des normes qui impose d'appliquer la norme la plus élevée conformément à la disposition de l'article 2 du Code de procédure civile libanais qui rend l'application des traités internationaux ratifiés par le parlement libanais directement applicables en cas de conflit avec les dispositions du droit interne. Effectivement, et il est remarquable que le juge libanais n'ait pas encore accordé ou renforcé la valeur de la primauté aux traités sur les lois, alors même que les textes prévoient cette primauté surtout sur

1519

la procédure pénale.

283. Valeur supra-législative des traités en droit libanais. L'article 2 du Code de procédure civile libanais accorde la primauté des conventions internationales sur les lois. Sans doute la valeur supra-législative des traités en droit libanais va influencer directement la valeur juridique du principe de la légalité de preuve pénale parce que les traités englobent le principe

troisième alinéa, que les tribunaux ne sont pas autorisés à déclarer la nullité des actes législatifs pour non-conformité des lois ordinaires avec la Constitution et les traités internationaux ».

1516 G. Saad, « Droits de l'homme, droit public musulman, droit administratif libanais », in Colloque International 2001, l'Odyssée des Droits de l'Homme, Grenoble 22-23-24 octobre 2001, pp. 25-26.

1517 G. Saad, « Droits de l'homme, droit public musulman, droit administratif libanais », in Colloque International 2001, l'Odyssée des Droits de l'Homme, Grenoble 22-23-24 octobre 2001, p. 23.

1518 G. Saad, « Droits de l'homme, droit public musulman, droit administratif libanais », in Colloque International 2001, l'Odyssée des Droits de l'Homme, Grenoble 22-23-24 octobre 2001, p. 12.

1519 y. W. Wehbe, « Le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs : Expérience des conseils d'État libanais et français », in Magazine de défense, Liban, 1/4/2005, revue n° 310 : « l'article 2 du Code de procédure civile a donné le droit de contrôle de constitutionnalité des lois aux juridictions ordinaires par voie d'exception et non par voie d'action. Il dispose que le droit confié aux juridictions ordinaires est limité à la mise à l'écart de la loi, sans avoir le droit d'annuler cette loi».

de la légalité criminelle. En effet, un problème essentiel concerne l'application effective des traités internationaux par les juges libanais malgré la reconnaissance de la valeur supra-législative des traités en droit libanais « les droits de l'homme ne peuvent frayer leur chemin tant que le juge libanais reste attaché avec chauvinisme à la loi parlementaire... puisque le juge libanais n'a pas encore fait le pas qui consiste à accorder de manière générale la primauté aux conventions internationales sur des lois, même antérieures. Et surtout il n'a pas encore fait le pas qui consiste à interpréter extensivement (dans le sens de la sauvegarde des droits de l'homme) les conventions internationales, et notamment les deux pactes

internationaux »

1520

. Le juge libanais doit et peut toujours faire preuve de la mise en oeuvre

378

efficace des traités internationaux s'il a le courage d'appliquer la hiérarchie des normes juridiques ainsi que des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme en vigueur ayant une force supérieure (une valeur supra-législative)1521 . L'article 2 du Code de procédure civile libanais interdit au juge de déclarer la nullité d'un acte législatif pour non-conformité à la Constitution, mais si la déclaration de nullité est prohibée, la non-application de la loi à travers l'exception d'inconstitutionnalité devrait être tout à fait admise, ce qui caractérise une tendance suffisante vers le respect des droits de l'homme en droit libanais. Donc les traités ont une valeur infra-constitutionnelle et supra-législative dans la hiérarchie des normes, mais dans le système juridique libanais la Déclaration universelle et les Protocoles facultatifs (ces deux Pactes internationaux constituent la Charte des droits de l'homme) constituent une partie du Préambule de la Constitution libanais qui a une valeur constitutionnelle. Il est permis de dire que la légalité criminelle est un principe de valeur supra-législative en droit libanais. En conséquence, le principe de la légalité procédurale en droit libanais doit avoir une valeur juridique identique à celle du principe de la légalité criminelle qui a une valeur supra-législative. De ce qui précède, il découle qu'on peut considérer que le principe de la légalité de preuve en matière pénale est l'un des principes fondamentaux à valeur supra-législative.

1520 G. Saad, « La réception des droits de l'homme en droit administratif libanais », in J. Ferrand, H. Petit et collectif , Mises en oeuvre des droits de l'homme, Colloque international organisé à l'Université Pierre Mendès-France (Grenoble 2), Faculté de droit, Centre Historique et Juridique des Droits de l'Homme 2001, L'Odyssée des droits de l'homme Grenoble - 22-23-24 octobre 2001, t. 2 L'odyssée des droits de l'homme, L'Harmattan, Paris, 2004, V. spec. p. 202.

1521 G. Saad, « La réception des droits de l'homme en droit administratif libanais », in J. Ferrand, H. Petit et collectif , Mises en oeuvre des droits de l'homme, Colloque international organisé à l'Université Pierre Mendès-France (Grenoble 2), Faculté de droit, Centre Historique et Juridique des Droits de l'Homme 2001, L'Odyssée des droits de l'homme Grenoble - 22-23-24 octobre 2001, t. 2 L'odyssée des droits de l'homme, L'Harmattan, Paris, 2004, V. spec. p. 202 : « Dans certains cas, le juge a la possibilité de faire bonne réception des droits de l'homme en appliquant tout simplement la loi interne, et à vrai dire en appliquant la loi dans le sens des droits de l'homme; même dans ces cas, une certaine dose de courage est exigée, voire d'amour pour les droits de l'homme ».

379

§ 2. Jalons pour une valeur constitutionnelle en droit libanais.

284. Valeur constitutionnelle et la reconnaissance de la supériorité de la norme constitutionnelle. Il est certainement reconnu que la plupart des constitutions des États notamment qui respectent et reconnaissent l'État de droit, occupent une place principale et essentielle au sommet de la pyramide de la hiérarchie des normes. Selon M. Louis Favoreu, « l'expression principes et règles à valeur constitutionnelle est utilisée de manière générique pour désigner l'ensemble des normes constitutionnelles contenues dans le bloc de

constitutionnalité » 1522 . Donc la notion de bloc de constitutionnalité désigne l'ensemble des règles juridiques ayant une valeur constitutionnelle. En vertu du principe général de légalité, chaque norme juridique doit se conformer à l'ensemble des règles en vigueur ayant une force supérieure dans la hiérarchie des normes, ou du moins être compatible avec ces normes.

285. La légalité est un principe intégré à la Constitution libanaise. Consacrer un texte constitutionnel spécifique au principe de la légalité criminelle est très significatif et revêt sans doute une grande valeur symbolique de ce principe qui fonde l'État de droit. Cette insertion dans la Constitution d'un tel texte marque l'émergence de ce principe essentiel dans les droits fondamentaux. Selon l'article 8 de la Constitution libanaise, nul ne peut être appréhendé, arrêté ou détenu qu'en conformité avec la loi, et une infraction ne peut être déterminée ou une peine fixée qu'en vertu d'une loi. Le législateur libanais a expressément souligné le principe de légalité dans l'article 8 de la Constitution libanaise qui dispose « la liberté individuelle est garantie et protégée. Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les dispositions de la loi ». La dernière fonction du même article proclamait le principe de la légalité des délits et peines

1523

.

clairement « aucune infraction et aucune peine ne peuvent être établis que par la loi »

Pourtant, certains auteurs soutiennent que la Constitution libanaise n'a pas fixé le champ du principe de la légalité et qu'il existe des points d'ombre qui peuvent subsister quant à l'interprétation de l'article 8 de la Constitution, et principalement sur l'application du principe

1522 L. Favoreu, « Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », in B. Mathieu et M. Verpeaux (dir), La république en droit français, actes du colloque de Dijon 10 et 11 décembre 1992 ; organisé par le Groupe d'études constitutionnelles appliquées et comparées (CRDPE) de Dijon et l'Association française des constitutionnalistes, Économica, 1996, pp. 231-240, V. spec. p. 233.

1523 A. Khair, « Droits fondamentaux et Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, communication présentée au colloque organisé par le centre d'études des droits du monde arabe, Université St-Joseph de Beyrouth en novembre 2003, Beyrouth.

sur le droit pénal de forme (procédure pénale)1524 . Néanmoins, le législateur constitutionnel

380

n'est pas tenu de préciser le champ d'application du principe de légalité criminelle, car nous pensons que l'article 8 de la Constitution libanaise en énonçant expressément et clairement le principe de la légalité des délits et des peines, désigne sans ambiguïté l'adoption du principe de la légalité criminelle général qui s'applique sans doute comme on l'a déjà évoqué plus haut dans cette thèse à tous les domaines du droit criminel, c'est-à-dire au droit pénal de fond et de forme. Bien évidemment, l'intégration du principe de légalité criminelle dans la Constitution libanaise d'une façon explicite a tranché un débat sur la valeur constitutionnelle du principe de légalité criminelle permettant d'affirmer pour la première fois que le principe de la légalité de preuve en matière pénale est un principe à valeur constitutionnelle en se basant sur la justification de l'application du principe de la légalité criminelle sur droit pénal de forme (procédure pénale) qui s'applique à son tour en matière de preuve pénale. Bien entendu, ceci n'empêche pas d'aborder la question de la valeur juridique des principes qui ont été introduits dans le Préambule de la Constitution libanaise puisque le Préambule fait référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui consacrent expressément le principe de la légalité criminelle.

A. La valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution libanaise.

286. Le problème de la valeur juridique du Préambule de la Constitution. Il faut bien noter le problème de la valeur ou force juridique du Préambule de la Constitution libanaise précisément depuis le dernier amendement constitutionnel du 21/9/1990 conformément aux

accords de Taëf1525

du 15/11/1989 qui ont introduit dans la Constitution libanaise ce

Préambule. L'insertion du Préambule dans la Constitution résultant de l'accord de Taëf a ouvert le débat sur la valeur juridique de ce Préambule. Le paragraphe b du Préambule de la Constitution libanaise dispose que le Liban est membre fondateur et actif de la Ligue des pays arabes et lié par ses Pactes, et qu'il est membre fondateur et actif de l'O.N.U. et lié par ses

1524 V. en ce sens : M.-D. Mouchy, «Les Droits Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, Beyrouth, Date de publication : novembre 2003, Éditeur : Université Saint-Joseph, Faculté de droit et des sciences politiques, CEDROMA : Centre d'études des droits du monde arabe, p. 6, disponible en ligne sur :

http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/drtsfond/meouchy.pdf

1525 Le 22 octobre 1989, réunis à Taëf (Arabie Saoudite) à l'initiative de la Ligue des États Arabes et du pays hôte pour tenter de mettre fin à la guerre civile au Liban, 31 députés musulmans et 31 députés chrétiens libanais signent un "document d'entente nationale", connu depuis sous le nom d'accords de Taëf. Ce document prévoit un plan de désarmement progressif des milices et une révision de la Constitution de 1943 pour adapter le système politique libanais au poids démographique actuel des diverses communautés.

Pactes et par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Une telle affirmation va de soi pour les Déclarations de 1966, mais la référence à la Déclaration universelle et son insertion dans le Préambule acquièrent une nouvelle portée puisque les résolutions de l'Assemblée générale ne sont pas obligatoires pour les États membres de l'Organisation. Mme Marie-Denise Mouchy pose la question: « est-ce à dire que le Constituant a opté pour la protection de droits qu'il a reconnus aux libanais, ou bien la protection s'étend-elle à tous les droits établis par les documents internationaux auxquels réfère le Préambule ? C'est au Conseil

Constitutionnel de répondre à cette préoccupation»

1526

. Bien que la constitutionnalisation des

droits fondamentaux par l'amendement du 21 septembre 1990 ait institutionnalisé la reconnaissance de l'existence de droits fondamentaux comme le souligne Mme Marie-Denise Mouchy qui affirme encore que la question reste entière: « quelle sera l'attitude du Conseil constitutionnel face à un recours en annulation d'une loi contraire aux Chartes suscitées, aux Pactes de 1966 ou à la DUDH ? Malgré ses efforts dans ce sens le système juridique libanais révèle une résistance à l'universalisme objectif et abstrait de la notion, sinon le Constituant se serait contenté, à l'instar de la Constitution française de 1948 au Préambule (concernant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) de laquelle réfère celui de 1958, d'adopter

1527

.

la DUDH ou les Pactes de 1966 comme repères des droits fondamentaux des libanais »

287. Rôle vigilant du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel libanais par une décision du 25 février 1995 pose comme principe, que « chaque fois qu'une loi parle de restreindre les conditions d'exercice d'un droit fondamental elle s'expose à être sanctionnée

et à voir le Conseil prononcer son annulation »

1528

. Le Conseil Constitutionnel libanais va

381

profiter de l'adoption, par le Préambule de la Constitution libanaise, de textes internationaux tels que les pactes de la Ligue des États Arabes et la Déclaration universelle des droits de l'homme et les deux protocoles de 1966, pour offrir aux Libanais l'une des plus importantes garanties extrinsèques au système législatif libanais. Pour avancer vers la garantie de l'État de

1526 M.-D. Mouchy, «Les Droits Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, Beyrouth, Date de publication : novembre 2003, Éditeur : Université Saint-Joseph, Faculté de droit et des sciences politiques, CEDROMA : Centre d'études des droits du monde arabe, p. 6, disponible en ligne sur : http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/drtsfond/meouchy.pdf

1527 M.-D. Mouchy, «Les Droits Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, Beyrouth, Date de publication : novembre 2003, Éditeur : Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA : Centre d'études des droits du monde arabe. Beyrouth, p. 5.

1528 A. Khaier, « Droits fondamentaux et Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, intervention présentées au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles).

droit, le Conseil constitutionnel libanais va introduire le Préambule dans le bloc de constitutionnalité qui occupe une place dans les limitations apportées au pouvoir législatif et qui constitue l'une des plus importantes garanties de l'État de droit. Le Conseil constitutionnel

1529

créé par la loi du 14 juillet 1993a commencé à contrôler depuis le 15 avril 1994 après le serment de ses membres, toute loi jugée contraire aux principes du Préambule ainsi qu'aux pactes, traités, accords internationaux qui sont les garanties des droits fondamentaux et des libertés publiques, signés par le Liban. Le mode de saisine accorde le droit de saisine au président de la République, au président du Conseil des ministres, au président de l'Assemblée nationale et à 10 députés, en plus, la réalité confessionnelle libanaise impose aux juristes de donner aux chefs des communautés le droit de saisir le Conseil constitutionnel pour

. À notre

1530

toutes les atteintes à l'éducation religieuse, au statut personnel et au droit de culte

avis, un tel mode de saisine n'est pas très fréquent et limité ne peut pas répondre aux besoins d'offrir une garantie fondamentale des droits du justiciable, car il n'existe pas de recours direct pour les justiciables. De surcroît, nous invitons le législateur libanais à intervenir rapidement pour réformer le droit de contester la constitutionnalité d'une loi parce qu'il y a une nécessité de donner à 10 avocats le droit de former un recours auprès du Conseil constitutionnel.

288. Termes employés par le Conseil constitutionnel. Les termes utilisés par le Conseil Constitutionnel libanais qui visent à donner une valeur constitutionnelle à un principe sont divers. Pour ne pas confondre les termes utilisés par le Conseil Constitutionnel libanais, M. Hassãn-Tabet Rifaat précise minutieusement les différents termes et formules que le Conseil

1531

constitutionnel libanais utilise: « les règles ayant valeur constitutionnelle»

1532

ou « les

dispositions et les principes constitutionnels ou ayant valeur constitutionnelle »

1533

ou encore

« les principes et règles ayant valeur constitutionnelle »

1534

et « les principes constitutionnels

382

1529 Loi n° 250 du 14 juillet 1993, J.O libanais du 15 juillet 1993.

1530 V en même sens H. Mouannes, « Le fonctionnement et l'autorité du Conseil constitutionnel libanais », in Droit écrit, mars 2001, n° 1, p. 118.

1531 H.-T. Rifaat, « L'expérience du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes généraux ayant valeur constitutionnelle », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Beyrouth, octobre 2001, Centre d'études des droits du monde arabe (CEDROMA) Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph (Beyrouth), p. 1.

1532 C.C. lib., n° 2001-1, 10 mai 2001, JO 2001, n° 24, p. 1794. 1533 C.C. lib., n° 2001-2, 10 mai 2001, JO 2001, n° 24, p. 1798.

1534 C.C. lib., n° 1997-1, 12 septembre 1997, JO 1997, n° 44, p. 3203 et C.C. lib., n° 2000-4, 22 juin 2000, JO 2000, n° 28, p. 2225.

et les règles ayant valeur constitutionnelle »

1535

ainsi que « les principes généraux ayant

15361537

valeur constitutionnelle », « les principes ayant valeur constitutionnelle »,ou « les

principes généraux constitutionnels »

1538

. Donc, ce sont les termes qui reflètent la position

383

explicite du Conseil constitutionnel libanais pour exprimer qu'un tel principe acquiert une valeur constitutionnelle ou pour affirmer que le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle d'un principe.

289. La position du Conseil constitutionnel. La question de la valeur juridique du Préambule de la Constitution s'est posée. Quelle valeur faut-il attribuer à ce Préambule ? Évidemment, la protection des droits fondamentaux est d'abord l'oeuvre du Conseil constitutionnel. Devant contrôler la conformité des lois à la Constitution, le Conseil constitutionnel libanais a dû se prononcer sur le caractère du Préambule de la Constitution qui se réfère expressément à la Déclaration universelle des droits de l'homme et énonce que l'État doit « en concrétiser les principes dans tous les champs et domaines, sans exception ». Selon M. Wassim Wehbe, il a fallu attendre la décision du 7 août 1996 pour qu'il soit déclaré

1539

que : « le Préambule de la Constitution fait partie intégrante et inséparable de celle-ci

1540

». Il a également déclaré dans la décision du 12 septembre 1997 que «les principes qui figurent dans le Préambule de la Constitution sont considérés comme partie intégrante de

1541

celle-ci ; qu'ils ont la même valeur juridique que les dispositions de la Constitution »

.

Donc le Conseil constitutionnel libanais a expressément et directement affirmé que les

1542

principes du Préambule de la Constitution avaient une valeur constitutionnelle, et cette importante prise de position lui a permis à diverses reprises d'annuler des lois estimées

1535 C.C. lib., n° 1997-1, op. cit.

1536 C.C. lib., n° 1999-2, 24 novembre 1999, JO 1999, n° 57, p. 3375.

1537 C.C. lib., n° 1999-2, op. cit.

1538 C.C. lib., n° 2000-4, 22 juin 2000 et C.C. lib., n° 2000-5, 27 juin 2000, JO 2000, n° 28, p. 2228.

1539 W. Wehbe, « Le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs : Expérience des conseils d'État libanais et français », op. cit.

1540 C.C. lib., n° 4/96, 7 août 1996.

1541 C.C. lib., n° 1/97, 12 septembre 1997 (loi relative à la prorogation du mandat des conseils municipaux).

1542 Voir notamment la décision du conseil constitutionnel libanais du 12 septembre 1997 qui a annulé la loi du 24 juillet 1997 prorogeant le mandat des Conseils municipaux, et la décision du 24 novembre 1999 relative au droit au secret des communications, J.O. 1999, n° 57, p. 3375, et la décision du 21 novembre 2003 relative aux droits des travailleurs des raffineries de Tripoli et du Zahrani, postérieurement à la privatisation de celles-ci (J.O. n 55 du 4 décembre 2003, p. 6395)

contraires aux droits fondamentaux

1543

. Il faut noter qu'au Liban la question de la valeur

384

juridique du principe de la légalité criminelle n'a pas été invoquée directement et n'a pas fait l'objet d'étude spécifique jusqu'à maintenant. Mais, puisque le principe de légalité est notamment consacré dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et le pacte international relatif aux droits civils et politiques qui fut intégré au Préambule de la Constitution libanaise, par la consécration de la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution par le Conseil constitutionnel, cela montre que tous les principes du Préambule sont visés par le Préambule de la Constitution.

B. Le principe de légalité et la théorie du bloc de constitutionnalité en droit libanais.

290. Théorie du bloc de constitutionnalité au Liban. Le Conseil constitutionnel libanais comme on l'a déjà mentionné déclare dans deux décisions du 12 septembre 1997 que « les principes inclus dans le préambule sont considérés comme faisant partie intégrante du texte constitutionnel et ont la même valeur constitutionnelle que les dispositions du corps même de

la Constitution ». Il s'est en outre référé 1544 au Pacte sur les droits civils et politiques du 16 décembre 1966, qui est l'un des pactes d'O.N.U. mentionnés dans le Préambule, ainsi qu'au

1545

paragraphe C du Préambule. Mais ce qui est remarquable, c'est que le Conseil constitutionnel libanais ne se limite pas à ces 2 arrêts précités. Il a eu le courage d'adopter une formulation qui est encore plus nette et plus exacte dans une décision du 24 novembre 1999 qui énonce « le préambule est considéré comme faisant partie intégrante de la Constitution et

a une valeur constitutionnelle équivalente »

1546

. De ce qui précède, il est clair que le Conseil

constitutionnel libanais consacre explicitement et sans ambiguïté une pleine valeur constitutionnelle à tous les alinéas du Préambule qui comprend également le principe de la légalité criminelle, car tous les principes mentionnés dans le Préambule ont la même valeur et constituent un tout. Ce sont des principes constitutionnels. Le Conseil constitutionnel libanais

1543 P. Gannagé, « Les Droits fondamentaux entre la tradition et la modernité: l'exemple libanais », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, communication lors du colloque organisé par Centre d'étude des droits du monde arabe de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, Beyrouth, novembre 2003, p. 5.

1544 C.C. lib., n° 1997-1 et n° 1997-2,12 Septembre 1997, JO 1997, pp. 3205-3210.

1545 H.-T. Rifaat, « L'expérience du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes généraux ayant valeur constitutionnelle », op. cit., p. 4.

1546 H.-T. Rifaat, « L'expérience du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes généraux ayant valeur constitutionnelle », op. cit., p. 4.

adopte la théorie du bloc de constitutionnalité qui reflète un incontestable indice de l'influence

1547

du Conseil constitutionnel français

. La décision du 12 septembre 1997 proclame

explicitement et très clairement le point de vue du Conseil constitutionnel libanais qui affirme que « les principes contenus dans le préambule de la Constitution en font partie intégrante et jouissent d'une valeur constitutionnelle certaine et égale à celle des dispositions mêmes du

texte constitutionnel»

1548

. Ce qui est significatif dans la décision précédente du Conseil

constitutionnel libanais, est que les principes qui découlent de l'application de l'alinéa b du

Préambule de la Constitution libanaise acquièrent une valeur constitutionnelle

1549

. Comme

conséquence directe de tout ce qui précède, M. Antoine Khaier affirme que « la jurisprudence du Conseil constitutionnel libanais eût l'occasion d'habiller de valeurs constitutionnelles

d'autres droits et principes que les textes n'avaient pas littéralement cités »

1550

. À vrai dire, la

385

jurisprudence précédente du Conseil constitutionnel allait faire du juge constitutionnel ou du Conseil constitutionnel un véritable protecteur des droits et libertés des citoyens, partenaire essentiel d'un État de droit, car il a contribué par sa jurisprudence, de manière innovante à un renforcement de l'État de droit.

291. Une décision remarquable du 10 mai 2001. Cette nouvelle décision ou jurisprudence du Conseil constitutionnel libanais constitue une action confirmatrice de sa jurisprudence

courageuse du 12 septembre 1997 1551 . M. Hassãn-Tabet Rifaat souligne que la décision du 10

1547 A. Khaier, « Droits fondamentaux et Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, intervention présentées au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles) : « Le Conseil constitutionnel libanais a adopté la théorie du bloc de constitutionnalité à l'instar de son homologue français et ce dès ses premières décisions ».

1548 A. Khaier, « Droits fondamentaux et Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, intervention présentées au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles).

1549 V. A. Khaier, « Droits fondamentaux et Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, intervention présentée au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles) : « Dans la même décision le Conseil cita une convention internationale à laquelle le Liban avait officiellement adhéré pour faire jouer l'alinéa du paragraphe b du préambule disant que l'État libanais étant membre fondateur et actif de l'Organisation des Nations Unies, engagé par ses pactes et par la déclaration universelle des droits de l'Homme, il devrait concrétiser ces principes dans tous les domaines sans exception ; la même allusion était faite également au Pacte de la Ligue des États arabes et aux pactes y afférant ».

1550 A. Khaier, « Droits fondamentaux et Droit constitutionnel libanais », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, intervention présentées au colloque de Beyrouth en novembre 2003, et a fait l'objet d'une publication en 2005 aux éditions Bruylant (Bruxelles).

1551 V. sur ce point : H.-T. Rifaat, « L'expérience du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes généraux ayant valeur constitutionnelle », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Beyrouth, octobre 2001,

mai 2001 fait également application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « ledit pacte constitue un maillon qui complète la Déclaration universelle des droits de l'homme ». De surcroît, la décision du 10 mai 2001 applique également la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, approuvée par l'Assemblée générale de l'ONU le 21 décembre 1965 et à laquelle l'adhésion du Liban a été autorisée par la loi n° 71-44 du 24 juin 1971 1552 . Le Conseil en conclut qu'« il est acquis que ces pactes auxquels renvoie expressément le préambule de la Constitution constituent avec ce préambule et la Constitution un ensemble indivisible et ont valeur

constitutionnelle »

1553

. La jurisprudence précédente du Conseil constitutionnel libanais nous

386

permet d'affirmer de nouveau que le principe de la légalité criminelle est un principe à valeur constitutionnelle puisqu'il fait partie des principes inclus dans le Préambule de la Constitution qui sont déjà considérés comme faisant partie intégrante du texte constitutionnel et ont la même valeur constitutionnelle que les dispositions du corps même de la Constitution. De nouveau on peut affirmer et souligner pour la première fois en droit libanais que le principe de la légalité de preuve en matière pénale est un principe à valeur constitutionnelle puisqu'on a déjà confirmé et justifié que le principe de la légalité criminelle s'applique sur le droit pénal formel (procédure pénale) qui s'applique à son tour en matière de preuve pénale.

292. Légalité insuffisante. Devant cette jurisprudence bien établie et plus d'une fois confirmée du Conseil constitutionnel libanais, ce dernier a fortement contribué à renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales au Liban. Il est inévitable de parler d'un renforcement considérable et remarquable conformément à l'avis de M. Hassan Tabet Rifaat qui affirme que les libertés et droits fondamentaux ont reçu un appui renforcé. C'était vraisemblablement le dessein du législateur lorsque, par la loi constitutionnelle du 21/9/1991, il ajoutait un préambule à la Constitution et décidait, dans le paragraphe B du Préambule, que le Liban est "engagé par (les) pactes (de l'O.N.U) et par la Déclaration universelle des droits de l'homme. L'État concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans

Centre d'études des droits du monde arabe (CEDROMA) Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph (Beyrouth), p. 4. « Enfin, dans une décision prise le 10 mai 2001, le Conseil constitutionnel Libanais a considérablement enrichi sa jurisprudence sur ce plan ; elle a, en effet, fait application du paragraphe "d" du préambule, ainsi que de la Déclaration Universelle des droits de l'homme...»

1552 H.-T. Rifaat, « L'expérience du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes généraux ayant valeur constitutionnelle », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Beyrouth, octobre 2001, Centre d'études des droits du monde arabe (CEDROMA) Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph (Beyrouth), p. 4.

1553 C.C. lib., n° 2001-2, 10 mai 2001, J.O. 2001, p. 1797.

exception

1554

. Ce qui précède n'empêche pas de dire que la légalité est toujours insuffisante et

387

souffre de manière continue dans le système juridique libanais. Les causes de recours y compris ceux de la cassation (article 296 du CPP libanais) n'autorisent que le contrôle de

1555

.

conformité des jugements à la légalité englobant la loi et les principes généraux de droit

Cette protection constitutionnelle, si précieuse soit-elle, demeure cependant insuffisante pour défendre la légalité. Elle est en effet limitée par les dispositions rigoureuses relatives à la saisine du Conseil constitutionnel. L'intervention du Conseil constitutionnel libanais dépend en effet de l'initiative des parlementaires qui à son tour dépend largement de la volonté politique sans prendre en considération les exigences constitutionnelles et sans tenir compte de la légalité dont on peut redouter l'inertie ou la complaisance. Le recours en inconstitutionnalité n'est pas en effet ouvert aux particuliers et aux justiciables qui ne peuvent davantage soulever l'exception d'inconstitutionnalité devant les juridictions ordinaires. Enfin, l'absence de toute instance régionale habilitée à recevoir ces recours fragilise encore davantage cette protection 1556 et l'efficacité réelle de cette protection 1557 . Il faut toujours souligner que le problème réside dans le manque ou l'absence de mécanismes procéduraux efficaces qui permettent de contrôler par le juge l'application des droits fondamentaux consacrés. On ne peut pas pousser le juge libanais à élargir le champ de son contrôle de la légalité. Le Conseil constitutionnel1558 libanais qui caractérise la deuxième République libanaise se présente comme juge et sauveur selon M. Chadi El-Hajal qui ajoute que « le Conseil constitutionnel libanais fut établi dans le but de protéger la Constitution libanaise et

1554 H.-T. Rifaat, « L'expérience du Conseil constitutionnel libanais en matière de principes généraux ayant valeur constitutionnelle », op. cit., p. 5.

1555 M.-D. Mouchy, «Les Droits Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, Beyrouth, novembre 2003, p. 16.

1556 P. Gannagé, « Les Droits fondamentaux entre la tradition et la modernité : l'exemple libanais », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, communication lors du colloque organisé par Centre d'étude des droits du monde arabe de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, Beyrouth, novembre 2003, p. 5.

1557 V. M.-D. Mouchy, «Les Droits Fondamentaux en Droit Pénal International », in Les droits fondamentaux : inventaire et théorie générale, Beyrouth, novembre 2003, p. 16 : « L'ensemble des droits individuels ainsi protégés par le Code pénal ne sont autres que les droits fondamentaux, retenus par le chapitre II de la Constitution comme il apparaît des textes y relatifs. Cependant ces textes constituent aussi une limitation légale à l'exercice de tels droits comme l'a voulue la Loi suprême. Dans ce cadre comment empêcher le juge de vérifier leur respect par la norme d'incrimination ou du moins de permettre à la Cour de Cassation de procéder à tel contrôle ? Rien dans les textes de droit libanais ne le permet. Les causes de recours y compris ceux de la cassation (article 296 du Code de procédure pénale) n'autorisent que le contrôle de conformité des jugements à la légalité englobant la loi et les principes généraux de droit. La constitutionnalisation des droits fondamentaux, l'internationalisation du droit interne et l'alignement du droit interne sur le droit international, constituent des bornes à la dictature législative et à l'autocratie judiciaire, et prétendent parfaire le cheminement contre l'arbitraire du politique initié par le droit à la légalité ».

1558 V. D. Khair, Le Conseil constitutionnel, gardien des libertés fondamentales : étude comparative du Conseil constitutionnel libanais, Mémoire DEA : Droit public interne, Université Paris 2, 2004.

d'assurer le respect de ses règles, en plus de protéger l'entité de l'État et son existence,

désirant ainsi instaurer un État juste »1559. Pour M. Pierre Gannage, les pouvoirs du Conseil constitutionnel, dans le domaine du contrôle de la constitutionnalité des lois reposent sur la nécessité de vérifier la conformité des lois aux textes constitutionnels. Or, ces textes étant libellés sous forme de principes le Conseil constitutionnel contrôlera donc la conformité des lois aux principes fondamentaux caractérisant l'État de droit, à des dispositions générales,

1560

ou même à des déclarations solennelles qui figurent dans le Préambule de la Constitution

.

Mais ce qui est important est que les déclarations qui ont été ajoutées à la Constitution libanaise par la loi constitutionnelle du 21 septembre 1991, suite à l'accord de Taëf, se réfèrent notamment à la Déclaration universelle des droits de l'homme, pour assurer d'une manière générale la protection des libertés publiques. Le Conseil constitutionnel libanais, comme son homologue français, a dû résoudre le point de savoir si de pareilles déclarations qui précèdent l'énoncé des dispositions mêmes de la Constitution avaient une valeur

constitutionnelle

1561

. Les motifs de l'arrêt du 12 septembre 1997 qui a annulé la loi du 24

juillet 1997 prorogeant le mandat des conseils municipaux ne laissent aucun doute à ce sujet, l'arrêt affirme : « Attendu que les principes énoncés dans le préambule de la Constitution constituent un élément de la Constitution, qu'ils ne peuvent en être dissociés, qu'ils ont la même valeur constitutionnelle que les dispositions de la

Constitution »

1562

. Cette affirmation a une grande portée parce qu'elle conduit à étendre d'une

388

manière considérable les attributions du Conseil constitutionnel et l'érige d'abord en un défenseur des libertés publiques. Il est vrai que cette protection était déjà assurée par les dispositions précises de la Constitution relatives aux libertés essentielles, comme la liberté de conscience, la liberté de l'enseignement, la liberté d'expression et celle d'association (art. 8, 9, 10, 13 de la Constitution). Mais aucun texte général n'en énonçait le principe et la loi constitutionnelle du 21 septembre 1991 est venue combler cette lacune. En lui conférant une valeur constitutionnelle, le Conseil Constitutionnel s'arroge désormais un pouvoir général sur les activités du législateur en veillant à ce que la loi respecte, dans tous les domaines, les droits fondamentaux de l'homme et les libertés qui s'y rattachent. Dans l'appréciation de ces

1559 Ch. El-Hajal, Le Conseil constitutionnel libanais, Thèse de droit, Université Jean Moulin Lyon 3, 2007, V. spec. le résumé.

1560 P. Gannage, « Le conseil constitutionnel libanais », in Les Constitutions des pays arabes, Actes du colloque de Beyrouth, Février 1998, Ouvrage publié en1999, Distribution : Éditions Bruylant, Bruxelles et Librairie Le Point, Beyrouth, p. 7.

1561 P. Gannage, « Le conseil constitutionnel libanais », in Les Constitutions des pays arabes, p. 8. 1562 P. Gannage, « Le conseil constitutionnel libanais », in Les Constitutions des pays arabes, p. 8.

droits, le Conseil Constitutionnel devra tenir compte de la structure et de la physionomie

1563

propres de la nation libanaise.

293. L'utilisation des normes constitutionnelles par le juge du fond. Selon Mme Hiam Mouannes, lorsque le juge cherche la règle de droit adaptée au litige qui lui est soumis, il ne peut se limiter aux textes législatifs sans remonter jusqu'à la Constitution, surtout si la loi est

silencieuse

1564

. À notre avis, il s'agit bien d'une compétence aussi minutieuse que rigoureuse

conférée au juge sur la base de l'alinéa premier de l'article 2 du Code de procédure civile libanais qui demande, « aux tribunaux de respecter le principe de la hiérarchie des normes ».

. Pour M.

1565

Le juge est donc tenu par le principe du respect de la hiérarchie des normes

Ibrahim Chiha, le principe de la séparation des pouvoirs ne peut être considéré comme un obstacle au contrôle de la constitutionnalité. La recherche de la règle de droit applicable au

litige qui lui est soumis rentre en effet intrinsèquement dans la mission du juge 1566 . Dès lors, en cas de contradiction entre deux normes juridiques c'est la norme supérieure qui s'applique, sans pour autant prononcer l'annulation de la norme inférieure. Le juge est ainsi tenu de dire le droit conformément aux normes juridiques en vigueur qu'elles soient d'ordre constitutionnel, législatif ou réglementaire. Le Liban est un membre fondateur et actif de l'Organisation des Nations-Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Donc l'État concrétise les principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme dans tous les champs et domaines sans exception, consacrant la garantie légale des justiciables

surtout par les articles 5

1567

, 8

1568

15691570

, 9, 10

1571

, 11

1572

, et 12

puisque ces articles

389

1563 P. Gannage, « Le conseil constitutionnel libanais », in Les Constitutions des pays arabes, p. 8.

1564 H. Mouannes, « Le fonctionnement et l'autorité du conseil Constitutionnel Libanais », in Droit écrit, mars 2001, n° 1, p. 121.

1565 H. Mouannes, « Le fonctionnement et l'autorité du conseil Constitutionnel Libanais », in Droit écrit, mars 2001, n° 1, p. 121.

1566 H. Mouannes, « Le fonctionnement et l'autorité du conseil Constitutionnel Libanais », in Droit écrit, mars 2001, n° 1, p. 120.

1567 Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

1568 Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi.

1569 Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé

1570 Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

15714 . Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. 2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne

390

contiennent des principes applicables au déroulement de la procédure pénale libanaise et qui constituent, avec d'autres textes du Code de procédure pénale libanais, le fondement du principe de la légalité dans le système libanais. Mais il ne faut pas oublier que dans le système libanais les particuliers n'ont pas accès à la justice constitutionnelle, ni directement, ni par

voie d'exception soulevée devant les juges ordinaires 1573 . À notre avis, il est souhaitable que le législateur libanais intervienne afin d'adopter un système semblable ou identique ou au moins fortement inspiré de celui du système français en vigueur qui est le système de la

question prioritaire de constitutionnalité (QPC)1574. En effet, l'instauration de ce système par le législateur libanais comme nouveau droit reconnu permettrait au justiciable libanais de contester la constitutionnalité d'une disposition législative lors d'une instance en cours devant une juridiction, lorsqu'il estime que ce texte, applicable au litige ou à la procédure, ou constituant le fondement des poursuites, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution libanaise garantit.

constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis.

1572 Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

1573 P. Gannage, « Le Conseil constitutionnel, protecteur des libertés», in Le Conseil constitutionnel libanais : gardien, régulateur, protecteur, op. cit.

1574 V. Question prioritaire de constitutionnalité : O. Hasenfratz, Question prioritaire de constitutionnalité et procédure pénale, états des lieux et perspectives, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2012.

Section II

Les fondements conventionnels et constitutionnels de la
légalité de preuve en droit français

294. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Il est important de souligner que la Constitution française n'a pas intégré la Déclaration universelle des droits de l'homme dans son Préambule comme l'a fait la Constitution libanaise. Un avant-projet de Déclaration fut rédigé par un grand juriste français, M. René Cassin, et le texte final fut adopté à Paris le 10 décembre 1948. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948

. La

1575

n'ayant pas été transposée en droit interne n'a aucune valeur juridique en droit français

Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 n'a aucune force contraignante explicitement sur les États. Pour avoir une force juridique, la Déclaration doit être

explicitement incorporée dans les textes constitutionnels en vigueur d'un État1576. Selon M. Michel Simon, le cas de la France est intéressant puisque la Constitution de 1958 fait référence à la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui donnant ainsi une force juridique, mais elle ne fait aucune mention explicite de la Déclaration universelle de 1948. Les rédacteurs de la Constitution française de 1958 ont voulu rester dans une tradition purement française, sans faire référence ni relier les lois françaises à l'édifice

international en cours de constitution 1577 . Si la Déclaration universelle des droits de l'homme possède une forte valeur symbolique ou philosophico-morale, elle n'a pas pour autant vocation

à faire l'objet d'une application concrète

1578

. La Déclaration universelle des droits de l'homme

391

n'a pas valeur obligatoire pour ceux qui l'ont adoptée, même si certains auteurs lui reconnaissent cette force sans aucun fondement légal. Donc, la portée juridique de la Déclaration universelle des droits de l'homme est faible. Il s'agit en fait d'une résolution de l'assemblée générale des Nations unies. Elle n'a pas donc la valeur juridique d'un traité international et est dépourvue de dimension contraignante, elle ne peut donc être invoquée

1575 A. Bertrand-Mirkovic, Droit civil : personnes, famille, Studyrama, 2004, p. 194.

1576 M. Simon, Les droits de l'homme: guide d'informations et de réflexion, Chronique Sociale, 1985, p. 27.

1577 M. Simon, Les droits de l'homme: guide d'informations et de réflexion, Chronique Sociale, 1985, p. 27 ; V. sur ce point : N. Nelson Daniel, La coopération juridique internationale des démocraties occidentales en matière de lutte contre le terrorisme, L'Harmattan, Paris, 1987, p. 152.

1578 X. Latour et B. Pauvert, Libertés publiques et droits fondamentaux, Editeur : Studyrama - Vocatis, 2006, p.

43.

devant un juge. Sa portée est donc morale, s'appuyant sur l'autorité que confère la signature

de la majorité des États du monde1579. Pour que la Déclaration ait une portée normative, il faut qu'elle soit intégrée dans une constitution nationale. On peut dire que la Déclaration universelle des droits de l'homme n'a pas une valeur juridique dans le système pénal français puisque la Constitution et son Préambule ne proclament pas explicitement son engagement à la Déclaration universelle des droits de l'homme. L'absence de l'intégration expresse dans la Constitution de la Déclaration universelle des droits de l'homme peut être la cause directe de l'impact trop timide de cette Déclaration universelle sur les lois internes notamment sur la procédure pénale surtout en comparaison avec l'impact trop envahissant de la convention européenne des droits de l'homme sur la loi nationale en France. Mais il y a une autre cause pour ce faible impact de la Déclaration universelle sur le droit interne français, c'est l'influence du texte révolutionnaire de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 sur le droit international des droits de l'homme notamment sur la Déclaration universelle des droits de l'homme. À notre avis, il n'était pas logique de faire intégrer la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dans le texte de la Constitution française puisque les principes de la Déclaration de 1789 qui ont influencé le plus fortement la Déclaration universelle ont été largement reconnus dans le système juridique français.

295. Les Pactes de 1966. Le 4 novembre 1980, la France a adhéré au Pacte du 16 décembre 1966 avec une entrée en vigueur trois mois plus tard. Alors que la Déclaration universelle était une résolution à la valeur morale évidente, mais dont la majorité des juristes estiment qu'elle n'implique pas de la part des États d'engagement juridique précis, les Pactes de 1966 ont été traduits sous forme de traités juridiquement contraignants, et ont donc force contraignante

pour ceux qui y ont adhéré

1580

. On constate pourtant que les deux Pactes de 1966 n'ont pas

392

non plus joué un rôle essentiel en droit français, en tant que facteur de renforcement des libertés fondamentales. Toutefois, de manière à assurer plus efficacement le respect des libertés fondamentales sur le plan international, il a été décidé de rédiger des déclarations des droits ayant valeur juridique. Tel est l'objet des deux pactes adoptés le 16 décembre 1966 : le

1581

.

premier relatif aux droits civils et politiques, le second aux droits économiques et sociaux

Mais les Pactes de 1966 mettant en oeuvre cette déclaration de 1948 ont pleine force

1579 P. Gévart, C. Crettaz-Nedey, B. Modica et Ch. Mondou, Les droits de l'homme, Editeur : L'Etudiant, 2006, p. 76.

1580 D. Lagot, Droit international humanitaire : États puissants et mouvements de résistance, L'Harmattan, Paris, 2010, p. 80.

1581 P. Gévart, C. Crettaz-Nedey, B. Modica et Ch. Mondou, Les droits de l'homme, Editeur : L'Etudiant, 2006, p. 76.

obligatoire pour les États ayant ratifié ces conventions1582. Ces deux textes sont entrés en vigueur en France en 1981. Ils ont pour principal intérêt de reprendre, en détail, l'ensemble des libertés évoquées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et de leur

1583

conférer une valeur juridique

: «il figure également (le principe légaliste), non seulement à

l'article 11§2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 (qui n'a cependant pas de valeur normative), mais aussi à l'article 15-1 du Pacte international

relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 »

1584

. L'article 15-1 du Pacte

international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 dispose : « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ».

§ 1. Jalons pour une valeur supra-législative en droit français.

296. La Convention de sauvegarde des droits de l'homme. Mme Michèle-Laure Rassat nous rappelle qu'il y a quelque quarante ans, M. Georges Levasseur grommelait : « il paraît que la ratification de la Convention européenne des droits de l'homme ne nous posera aucun problème, car notre procédure pénale est strictement conforme. Ils vont voir ». Mme Michèle-Laure Rassat poursuit après les multiples condamnations de la France par la Cour européenne

des droits de l'homme en disant : « ils ont vu et ils continuent de voir »

1585

. La Convention de

393

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui est généralement appelée Convention européenne des droits de l'homme, a été adoptée par le Conseil de l'Europe en 1950 et est entrée en vigueur en 1953. Cette Convention internationale a pour objectif essentiel d'assurer la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour aboutir à cette protection envisagée, la Cour européenne des droits de l'homme exerce et

1582 G. Chianéa et J.-L. Chabot, Les droits de l'homme et le suffrage universel, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 265, V. spec le bas de page n° 15.

1583 P. Gévart, C. Crettaz-Nedey, B. Modica et Ch. Mondou, Les droits de l'homme, Editeur : L'Etudiant, 2006, p. 76.

1584 W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 24, p. 32.

1585 M.-L. Rassat, « Encore et toujours la Cour européenne des droits de l'homme », in JCP G, 15 Avril 2009, n° 16, act. 200, pp. 3-4.

assure un contrôle judiciaire. La motivation qui a poussé à l'adoption de la Convention européenne était la même que celle qui animait les rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme: il s'agissait d'établir un ensemble coordonné de principes et de règles

1586

destinés à protéger les droits de toutes les personnes

.

297. La prééminence du droit. Ce principe est rappelé dans le Préambule de la Convention européenne des droits de l'homme, ce principe de la prééminence du droit revêt une importance considérable, d'autant plus qu'il est une condition sine qua non à l'adhésion d'un

État au Conseil de l'Europe1587. Le respect de la légalité criminelle constitue l'un des principes les plus importants du droit pénal dans une démocratie parce qu'elle protège et garantit la liberté des individus. Cependant, la rédaction de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales constitue une base solide pour le respect de ce principe de légalité. L'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme consacre sans aucune ambiguïté et très clairement le principe de légalité

criminelle

1588

. Donc, les fondements du principe de légalité sont : « les fondements

internationaux. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui a vocation à s'appliquer en France depuis 1974 (V. Décret n° 74360 du 3 mai 1974, JORF, 4 mai 1974, p. 4570.), comporte également une disposition relative

au principe de légalité pénale »

1589

. Ainsi, l'article 7 précise que « nul ne peut être condamné

pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ». L'article 7 consacre le principe de légalité, à l'image des articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de

l'homme et du citoyen

1590

. De son côté, la Cour européenne des droits de l'homme affirme le

394

1586 M. Robinson, « Intervention lors de la cérémonie commémorative du 50e anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme », in Conférence ministérielle européenne sur les droits de l'homme et cérémonie commémorative du 50e anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme, Rome 3 et 4 novembre 2000, Éditions du Conseil de l'Europe, 2002, pp. 160 et s., V. spec. p. 160.

1587 J.-F. Renucci, Droit européen des droits de l'homme : contentieux européen, 4e éd., L.G.D.J., Paris, 2010, n° 18, p. 25.

1588 L'article 7 de Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1.Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise».

1589 W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 24, p. 31.

1590 W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 24, p. 31.

22 novembre 1995 dans l'affaire C.R. c/ Royaume-Uni que « la garantie que consacre l'article 7 (art. 7), élément essentiel de la prééminence du droit, occupe une place primordiale dans le système de protection de la Convention, comme l'atteste le fait que l'article 15 (art. 15) n'y autorise aucune dérogation en temps de guerre ou autre danger public. Ainsi qu'il découle de son objet et de son but, on doit l'interpréter et l'appliquer de manière à assurer

1591

.

une protection effective contre les poursuites, les condamnations et sanctions arbitraires »

298. La supériorité des traités ratifiés sur la loi interne en France. Depuis sa ratification en 1974, la Convention européenne des droits de l'homme est appliquée directement par les

1592

juridictions nationales françaises. En France, les traités ratifiés et publiés ont une valeur supérieure à celle de la loi. La Cour de cassation a par exemple jugé que « le cannabis se définit non par référence aux dispositions réglementaires du Code de la santé publique, mais à la Convention internationale unique du 30 mars 1961, qui, en application de l'article 55 de la Constitution, a acquis une autorité supérieure à la loi interne dès sa publication au Journal

officiel du 2 mai 1969 »

1593

. Le juge pénal français ne peut apprécier leur conformité à la

Constitution, car il n'a pas les pouvoirs pour le faire : « Il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire de se prononcer sur la constitutionnalité des traités non plus que de la

loi» 1594 . Dans le cas de conflit entre une disposition d'un traité ratifié et une loi interne française, la primauté appartient sans aucun doute au texte international, quand bien même la

1595

loi serait postérieure au Traité . En France, le système est dit moniste, ce qui signifie que les conventions internationales produisent ses effets d'une façon directe devant le juge national, c'est-à-dire d'application immédiate devant les juridictions : « Selon le système moniste auquel prétend appartenir la France, droit interne et droit international ne sont pas d'essence

différente mais au traité est reconnu une autorité supérieure à la loi »

1596

. L'article 55 de la

395

Constitution du 4 octobre 1958 reconnaît la suprématie du droit communautaire sur le droit national : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie». Depuis sa ratification, la Convention européenne

1591 CEDH, 22 novembre 1995, C.R. c. / Royaume-Uni, Requête n° 20190/92, §32.

1592 J. Godard, Les atteintes à la liberté avant jugement comparaison des systèmes Français, Anglais et Écossais, Thèse de droit, Université de Poitiers, 2008, p. 68.

1593 V. Cass. crim., 9 mars 1992, B. C., n° 103, p. 267.

1594 V. Cass. crim., 27 février 1990, B. C., n° 96, p. 251.

1595 V. Cass. crim., 17 octobre 1988, B. C., n° 347, p. 934.

1596 P. Puig, « Hiérarchie des normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p. 749, v. spec. n° 19.

des droits de l'homme, a une autorité supérieure à la loi votée par le Parlement français : «... l'article 55 de la Constitution affirme la suprématie du traité sur la loi que les juges acceptent

d'écarter la seconde pour faire prévaloir le premier »

1597

. De surcroît, la convention est

d'application directe c'est-à-dire qu'elle peut être invoquée par les justiciables eux-mêmes devant les tribunaux ou les juridictions 1598 , ainsi que l'a consacré la chambre criminelle de la Cour de cassation française dans la décision Raspino du 3/6/1975 : « Les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

1599

doivent être appliquées par les juridictions françaises ». En ce qui concerne la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, elle dispose, en son article II-49, que 1600 « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou le droit international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée ». De même, ce principe de légalité fut consacré par le statut de la Cour pénale internationale : « enfin, le principe est inscrit aux articles 22 et 23 du statut de la

Cour pénale internationale »

1601

. Un auteur évoque la diversité des fondements du principe de

396

légalité en écrivant : « il s'agit là d'un principe (de légalité) dont les fondements sont

1602

nombreux et la nature diversifiée ».

A. L'impact des normes européennes sur le droit français.

299. L'application directe de la convention européenne des droits de l'homme. En général, les modalités d'application de la convention dans l'ordre juridique interne sont multiples. La modalité technique la plus utilisée étant l'applicabilité directe, encore appelée effet direct ou

1603

self-executing . Il ne faut pas oublier que cette modalité est la plus efficace pour mettre en

1597 P. Puig, « Hiérarchie des normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p. 749, v. spec. n° 9.

1598 P. Feuillée-Kendall et H. Trouille, Justice en question: le juge mis en examen, Peter Lang International Academic Publishers, Berne, 2004, p. 243.

1599 Cass. crim., 3 juin 1975, B. C., n° 141, p. 382.

1600 V. W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 24, p. 32.

1601 W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 24, p. 32.

1602 W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 24, p. 32.

1603 G. Barnabe-Georges, Le Bénin et les droits de l'homme, l'Harmattan, Paris, 2001, p. 115.

oeuvre les droits garantis par la Convention et pour obliger les États à se conformer à leurs obligations afin d'appliquer les dispositions de la Convention en droit interne. À notre avis, plus cette modalité est pratiquée, plus elle devient efficace. D'une manière générale, une convention est dite self-executing ou auto-exécutoire lorsqu'elle crée des règles au niveau international d'où découlent des obligations ou simplement lorsque le droit constitutionnel des

États parties à la convention l'admet comme telle1604. Cette applicabilité directe de la Convention européenne des droits de l'homme découle de l'article 1er de la Convention. Ainsi, tout individu peut se prévaloir directement des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme devant les juridictions internes : le caractère self-executing de ces

dispositions ne fait aucun doute

1605

. Selon M. Fréderic Sudre, l'applicabilité directe suppose,

en premier lieu, que la règle internationale n'a pas besoin, pour être applicable, d'être introduite dans l'ordre juridique interne par une disposition spéciale. Cette question de la réception de la règle conventionnelle relève du régime constitutionnel des États, qui définit

l'attitude générale de l'État face au droit international1606. À cet égard, la lettre de la CEDH (tout comme celle du Pacte) n'impose pas l'intégration de la Convention européenne en droit interne français. S'agissant de la France, c'est l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui affirme que les traités sont supérieurs aux lois et ont une autorité supérieure à celle de la

loi interne dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution 1607 . Donc, c'est de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 que résultent l'intégration directe de la règle conventionnelle - CEDH ou PIDCP - dans l'ordre juridique interne français et la définition de

son rang dans la hiérarchie des normes 1608 : l'article 55 de la Constitution française en vigueur dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou

traité, de son application par l'autre partie »

1609

. Incontestablement l'influence du droit

397

européen sur les droits nationaux a contribué à hausser le niveau de protection du citoyen, au regard des droits de l'homme et de la dignité, grâce à l'effet direct du droit européen et à sa supériorité sur le droit national. Le principe de légalité exprimé souvent par le droit de n'être

1604 G. Barnabe-Georges, Le Bénin et les droits de l'homme, l'Harmattan, Paris, 2001, p. 115.

1605 J.-F. Renucci, Droit européen des droits de l'homme : contentieux européen, 4e éd., L.G.D.J., Paris, 2010, n° 17, p. 25.

1606 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 136, p. 194.

1607 V. sur ce point: H. Batiffol et P. Lagarde, Traité de droit international privé, L.G.D.J., 1993, Vol. 1, pp. 70 et s.

1608 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 136, p. 194. 1609 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 136, p. 194.

poursuivi et puni qu'en vertu d'une loi existante, relève aussi de la confiance légitime qui constitue un principe fondamental classique en matière de procédure et de jugement

répressifs

1610

.

300. Primauté de la norme conventionnelle. La question de la primauté de la règle conventionnelle se dédouble selon qu'on l'aborde dans l'ordre international ou dans l'ordre interne 1611 . Dans l'ordre international, s'agissant de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour européenne a clairement affirmé la primauté de la convention sur tous les

. La Convention

1612

actes internes, quelle que soit leur nature ou l'organe qui les adoptées

l'emporte donc sur les actes constitutionnels. L'affaire Open Door et Dublin Well Women C/

Irlande1613 illustre le conflit entre la Convention européenne et la Cour suprême irlandaise basée sur l'article 40 § 3 alinéa 3 de la Constitution irlandaise reconnaissant le droit à la vie de

1614

l'enfant à naître

. L'arrêt Parti communiste unifié de Turquie, du 30 janvier 1998

1615

rappelle que la Convention l'emporte 1616 parce que la Cour européenne des droits de l'homme, dans cet arrêt (Parti communiste unifié de Turquie et autres c. la Turquie, 30 janvier 1998, § 29) a affirmé clairement que la Convention européenne des droits de l'homme « ne fait aucune distinction quant au type de normes ou de mesures en cause et ne soustrait aucune partie de la juridiction des États membres à l'empire de la Convention (...) ». Donc, aucune exception de nature constitutionnelle n'existe devant la Cour de Strasbourg dans l'application des exigences ou normes issues de la Convention européenne des droits de l'homme. Une confirmation éclatante en est donnée par la Cour de Strasbourg dans l'arrêt Zielinski et Pradal

et Gonzalez et autres c/ France, du 28 octobre 1999

1617

, par lequel la Cour européenne

398

considère qu'une loi de validation jugée conforme à la Constitution par le Conseil

1610 V. « Influence de la CEDH et de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme sur le droit français et polonais », in Conférence Cracovie des 22 et 23 octobre 2010.

1611 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 136, p. 194. 1612 G. Cohen-Jonathan, La Convention européenne des droits de l'Homme, P.U.A.M., 1989, p. 246.

1613 CEDH., 29 octobre 1992, GACEDH, n° 70.

1614 Kémal Gözler, Le pouvoir de révision constitutionnelle, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997, Vol 1, p. 342 ; V, encore : CEDH., Ruiz-Mateos c/ Espagne, 23 juin 1993, GACEDH, n° 2.

1615V. GACEDH., n° 6.

1616 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 137, p. 195.

1617 V. D. Dokhan, Les limites du contrôle de la constitutionnalité des actes législatifs, Thèse de droit, L.G.D.J., 2001, p. 236 : « L'arrêt Zielinski, Pradal et Gonzales / France du 28 octobre 1999 ' concerne la question de la conventionnalité des lois de validation au regard de l'article 6 § 1 de la Convention et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention ».

1618

constitutionnel français est néanmoins contraire à la Convention. En d'autres termes, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé inconventionnelle une loi de validation déclarée conforme à la Constitution française par le Conseil constitutionnel français. M. Louis Favoreu considère en ce sens que « même les normes constitutionnelles doivent s'incliner

devant les normes européennes »

1619

. Il faut prendre en compte que la prééminence du

399

droit international sur le droit interne français est partielle ou relative en ce qui concerne la coutume internationale, celle-ci étant une règle non écrite : « la prééminence de la norme internationale sur les lois ne présente pas un caractère absolu. Si l'article 55 de la Constitution confère aux traités internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, sous réserve de réciprocité, une autorité supérieure à celle des lois, cette suprématie ne bénéficie pas à la coutume internationale. Telle est du moins l'interprétation qui ressort d'un important arrêt rendu le 6 juin 1997 par le Conseil d'État... »1620. C'est ce que nous enseigne l'arrêt Aquarone rendu le 6 juin 1997 par le Conseil d'État : « considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 "les traités ou accords régulièrement ratifié, ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie"; que ni cet article ni aucune autre disposition de valeur constitutionnelle ne prescrivent ni n'impliquent que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes » 1621 . Le Conseil d'État confirme clairement dans cet arrêt que l'article 55 de Constitution de 1958 n'accorde pas au juge administratif la compétence ou le droit d'écarter une loi contraire à une coutume internationale en cas d'existence d'un conflit entre les deux. M. Pascal Puig considère que la solution donnée par le Conseil d'État dans l'arrêt Aquarone est basée sur une distinction faite par le Conseil d'État entre coutume internationale qui est parmi les sources non écrites du droit international et les normes de droit écrites désignées par l'article 55 de la Constitution « cette solution, implicitement fondée sur la reconnaissance d'une différence de nature entre la coutume et les normes de droit écrites visées par l'article 55, en l'occurrence les traités internationaux, pourrait avoir des prolongements susceptibles d'affecter un peu plus encore la suprématie du droit international » 1622 . Il apparaît que, selon le Conseil d'État français, la coutume internationale n'entre pas dans la notion de traités ou accords régulièrement ratifiés ou

1618 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 137, p. 196. 1619 L. Favoreu, « Souveraineté et supraconstitutionnalité », in Pouvoirs, 1993, n° 67, p. 76.

1620 Pascal Puig, « Hiérarchie des normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p. 749, v. spec. n° 20. 1621 CE Ass., 6 juin 1997, Aquarone, requête n° 148683.

1622 P. Puig, « Hiérarchie des normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p. 749, v. spec. n° 20.

approuvés qui ont une autorité supérieure à celle des lois selon la disposition de l'article 55 de la Constitution française.

301. La suprématie constitutionnelle en France. M. Pascal Puig souligne que « la Constitution apparaît comme la norme juridique supérieure de laquelle découlent toutes les autres sources de droit au point que la loi votée par le Parlement n'exprime plus la volonté

1623

générale que dans son respect ». L'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 85-197 du 23 août 1985 exprime la place et la supériorité que revêt la Constitution sur les autres normes juridiques « considérant donc que la procédure législative utilisée pour mettre en conformité avec la Constitution la disposition déclarée non conforme à celle-ci par le Conseil constitutionnel a fait de l'article 23 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique une application ne méconnaissant en rien les règles de l'article 10 de la Constitution et a répondu aux exigences du contrôle de constitutionnalité dont l'un des buts est de permettre à la loi votée, qui n'exprime la volonté générale que dans le respect de la

. Dans l'ordre interne français, la

1624

Constitution, d'être sans retard amendée à cette fin »

solution est très différente de celle de la Cour de Strasbourg. La controverse a été tranchée par les juridictions françaises : le Conseil d'État et la Cour de cassation ont tous deux affirmé, dans l'ordre juridique interne, la supériorité de la Constitution sur toutes les autres règles, y

compris communautaires

1625

. L'article 55 de la Constitution implique que la Constitution ait

400

primauté sur le traité international. Le Conseil d'État français, dans son arrêt d'Assemblée du 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, énonce clairement le principe que « la suprématie conférée (par l'article 55 de la Constitution) aux engagements internationaux ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ». D'autre part, la Cour de cassation se prononce de manière similaire « la suprématie conférée aux engagements internationaux ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de valeur

1626

constitutionnelle ». Elle reconnaît à la Constitution la qualité de norme supérieure de l'ordre juridique français 1627 . Les juridictions supérieures refusent ainsi de s'engager dans la

1623 P. Puig, « Hiérarchie des normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p. 749, n° 4. 1624 DC n° 85-197 du 23 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie (§ 27). 1625 D. Roman, L'indispensable du droit administratif, 2e éd., Studyrama, 2004, p. 57.

1626 Cass. Ass. Plen., 2 juin 2000, B.C., n° 4, p. 7.

1627 V. P. Puig, « Hiérarchie des normes : du système au principe », in RTD Civ., 2001, p. 749, v. spec. n° 29 : « Bénéficiant d'une suprématie relative à l'égard des règles ayant au moins valeur législative, les normes internationales sont de surcroît subordonnées à celles de rang constitutionnel. Au regard des textes, cette soumission résulte principalement des dispositions de l'article 54 de la Constitution qui impliquent, certes, que la Constitution peut être révisée en considération d'un traité international mais signifient surtout qu'aucune

1628

.

voie d'un contrôle de conventionalité de la Constitution, c'est-à-dire d'un contrôle de la compatibilité d'une disposition constitutionnelle avec une stipulation conventionnelle

L'article 55 de la Constitution pose également le principe de la primauté du traité international sur la loi nationale et, en conséquence, sur les actes juridiques internes subordonnés à la

loi

1629

. Par sa décision 74-54 du 15 janvier 1975 relative à la loi sur l'IVG

1630

, le Conseil

constitutionnel refuse de contrôler la conventionalité de la loi dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, au motif, notamment, que la supériorité du traité sur la loi a un caractère «

relatif et contingent » ce qui est très discutable s'agissant d'un traité de caractère objectif1631

.

B. La valeur supra-législative du principe de légalité en droit français.

302. Valeur supra-législative des traités en droit français. La Convention européenne des droits de l'homme revêt une valeur supra-législative dans le système juridique français donc, elle est plus forte que la loi, sa valeur juridique est supérieure à celle de la loi, cela découle de l'article 55 de la Constitution de 1958. Parmi les engagements de la France, figure la Convention européenne des droits de l'homme de 1950. Cette convention comporte l'énoncé de la garantie de la plupart des droits et libertés consacrées par la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 et même de nombreux droits qui ne figurent pas dans ces deux textes. La Convention ayant une autorité supérieure à celle des lois, il est désormais possible aux citoyens français (les justiciables) de s'en prévaloir contre celles-ci devant les Cours et tribunaux, les parties du procès peuvent s'en prévaloir devant les Cours et tribunaux qui doivent bien veiller à la faire respecter, sous peine pour la France d'être condamnée par la

Cour de Strasbourg

1632

. De ce qui précède, on peut déduire que « le juge français, juge de

droit commun du droit communautaire, applique la primauté du droit communautaire (traité,

protocoles, règlements, directives et décisions) au niveau juridique interne »

1633

. M. Jean-

401

François Renucci souligne que les dispositions de la Convention européenne des droits de

ratification n'est possible tant que la révision n'a pas été opérée. En s'opposant ainsi à l'insertion du texte international dans l'ordonnancement juridique national, la Constitution marque bien sa prééminence dans l'ordre interne ».

1628 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 137, p. 196. 1629 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 137, p. 197. 1630 L'IVG désigne l'interruption volontaire de grossesse.

1631 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 9e éd., P.U.F., Paris, 2008, n° 137, p. 197. 1632 B. Chantebout, Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey Université, Paris, 2010, p. 606.

1633 L. Delicostopoulos, Le procès civil a l'épreuve du droit processuel européen, Thèse de droit, Université Panthéon-Assas (Paris II), 1999, n° 315, p. 428.

l'homme sont d'applicabilité directe et que tout individu peut s'en prévaloir devant les juridictions internes et les juges européens de la Cour de Strasbourg eux-mêmes, interprètes

1634

officiels de la Convention

. Mais il faut bien distinguer l'applicabilité directe de la

Convention européenne devant la Cour de Strasbourg de l'application de cette Convention

devant les juridictions nationales en droit interne

1635

. Le juge doit écarter la loi française en

402

cas de contradiction flagrante entre la législation interne française et la loi européenne pour appliquer sans hésitation les dispositions de la Convention européenne.

303. Valeur supra-législative du principe de légalité de preuve. L'article 5 de la Convention EDH qui concerne précisément les actes de procédure attentatoires aux libertés individuelles - comme la détention avant jugement et l'arrestation -, requiert qu'elles soient légalement réalisées. Cela suppose qu'elles soient prévues par la loi de manière précise. Il y a donc bien sur cette base un principe de légalité en procédure du moins pour les actes les plus

1636

coercitifs

. L'article 7 de la convention EDH avait adopté expressément le principe de la

légalité criminelle 1637 . De ce qui précède, on peut conclure sans aucune hésitation que le principe de légalité de preuve revêt une valeur supra-législative dans le système pénal français, conformément à tous les arguments déjà mentionnés, qui justifie l'application du principe de la légalité criminelle sur le droit pénal de forme (procédure pénale).

1634 J.-F. Renucci, Introduction générale à la Convention européenne des droits de l'homme, Éditions du Conseil de l'Europe, 2005, p. 6.

1635 L. Delicostopoulos, Le procès civil à l'épreuve du droit processuel européen, Thèse de droit, Université Panthéon-Assas, 1999, n° 15, p. 61 : « L'applicabilité directe de la Convention devient de fait une notion bidimensionnelle dès lors que l'intégration de la Convention dans le droit national n'est pas imposée en droit européen. Dans l'ordre juridique européen - et devant la Cour de Strasbourg - la Convention est directement applicable (article 1 Convention) car elle confère directement aux individus des droits qui ont un caractère objectif - ils s'attachent à la seule qualité de personne humaine dont ils vont pouvoir se prévaloir devant les juridictions nationales. Mais dans l'ordre national, cette applicabilité directe restait lettre morte dans l'hypothèse où la Convention n'avait pas été insérée dans l'ordre juridique interne ».

1636 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, n° 144, p. 53.

1637 L'article 7 de la convention EDH dispose : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ».

§ 2. Jalons pour une valeur constitutionnelle en droit français.

304. Le doyen Duguit attribue un rang supra constitutionnel à la légalité. M. Léon Duguit affirme dans son « traité de droit constitutionnel », que la Déclaration de 1789 avec tous ses principes et notamment celui de la légalité criminelle, avaient non seulement une valeur de

droit positif, mais aussi une valeur supra-constitutionnelle

1638

. « D'abord, si l'on croit comme

moi que la Déclaration des droits de 1789 a encore force de loi supérieure aux lois ordinaires et même aux lois constitutionnelles, on doit dire : que le législateur ne pourrait, sans violer une règle positive supérieure qui s'impose à lui, décider qu'une loi pénale aura un effet rétroactif. Quant aux lois autres que les lois pénales, le législateur peut certainement décider,

sans violer une règle constitutionnelle écrite, qu'elles auront un effet rétroactif »

1639

. Selon

403

l'avis de M. Léon Duguit, le principe de la légalité criminelle constitue une loi fondamentale ayant force de loi supérieure aux lois ordinaires et même aux lois constitutionnelles. La légalité est un principe qui ne connaît ou ne supporte aucune exception comme l'affirme fort justement M. Léon Duguit. « Si l'on fait une seule exception au principe de légalité matérielle, on ne sait pas où cela peut conduire ; et si certaines circonstances se présentent, on peut

1640

.

facilement arriver au despotisme »

A. Principe d'origine constitutionnelle.

305. Principe intégré à la Constitution de la Vème République française de 1958. On peut remarquer que le principe de la légalité criminelle a été intégré à la Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur qui est le texte fondateur de la Ve République française. L'art. 34 de la

Constitution française de 4 octobre 19581641 dispose : « la loi fixe les règles concernant : la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure

1638 V. sur La notion de principes supra-constitutionnels : M. Troper, « La notion de principes supra-constitutionnels », in R.I.D.C., Journées de la Société de législation comparée, 1993, vol. 15, n° spécial, pp. 337 - 355.

1639 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, 2e éd., Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 2 La théorie générale de l'État, pp. 200-201.

1640 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de l'État, p. 686.

1641 V. sur ce point: Ch. Claverie-Rousset, « La légalité criminelle », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 6 : « L'article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe les règles concernant la détermination des crimes et des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, et les règles concernant la procédure pénale... ».

pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des

1642

magistrats »

. M. Raymond Gassin affirme que la prise de conscience en droit français de

l'existence d'un principe de légalité procédurale en matière pénale n'a véritablement commencé à se manifester qu'avec la Constitution de 1958, précisément sur la base de

l'article 34 de la Constitution

1643

. De même comme en droit libanais, l'article 34 de la

Constitution française a également affirmé la valeur constitutionnelle du principe de légalité

criminelle. Le principe de légalité criminelle figure à l'art. 8 de la DDHC

1644

, qui énonce que

404

« la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Le principe a été internationalisé (cf. l'art. 7 de la Convention européenne, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Il a été répété aux articles 111-2 et 111-3 du Code pénal

français 1645 . Il demeure essentiel de trancher la question de la valeur juridique accordée au Préambule de la Constitution de 1958 en vigueur. Il est nécessaire de préciser la valeur

1646

juridique de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'autant plus que la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution signifie que la légalité criminelle constitue un principe de valeur constitutionnelle, ce qui implique que le principe de la légalité de preuve est un principe à valeur constitutionnelle dans le système pénal français : « le principe de légalité des délits et des peines a donc valeur constitutionnelle

1647

et

en droit français. Il s'impose au législateur comme au juge. Dans ses décisions de 1973

1648

1982

, le Conseil constitutionnel estime en effet que le législateur est tenu de respecter les

éléments du bloc de constitutionnalité, parmi lesquels figure la Déclaration des droits de

1642 V. B. De Lamy, « Le principe de la légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Cahiers du Conseil constitutionnel, Août 2009, n° 26.

1643 R. Gassin, « Le principe de la légalité et la procédure pénale », in R.P.D.P., avril-juin 2001, numéro spécial, pp. 300-334, V. spec. p. 301.

1644 La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

1645 V. en même sens : W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 22, p. 30 : « Les fondements législatifs. Il est réaffirmé par le Code pénal dans son article 111-2, ... ».

1646 V. en ce sens : W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 23, p. 30 : Principe de légalité : « Les fondements constitutionnels. Il est inscrit à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui est, cela va sans dire, l'un des éléments du boc de constitutionnalité ».

1647 V. Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973 (Loi de finances). 1648.V. Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 (Loi de nationalisation).

l'homme et du citoyen »

1649

. Ce qui précède est confirmé encore par le Conseil constitutionnel

dans la décision Sécurité et Liberté des 19 et 20 janvier 1981 où il rappelle qu' « aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée

1650

» .

B. Valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution française.

306. Principes fondamentaux. En France, les principes fondamentaux 1651 sont des principes dégagés, par le Conseil constitutionnel, du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et particulièrement de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il s'agit notamment des principes de la légalité des délits et des peines, de la liberté individuelle, de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et de la rétroactivité de la loi nouvelle plus douce, de la nécessité de la proportionnalité des peines, de la responsabilité personnelle ainsi que la personnalité des peines. En procédure pénale, les principes des droits de la défense, de l'inviolabilité du domicile et de la présomption d'innocence sont des principes

fondamentaux

1652

, comme l'affirme le Conseil constitutionnel qui en a fait une énumération

quasi exhaustive dans une décision capitale du 22 janvier 1999 relative à la Cour pénale

internationale

1653

. Donc, à l'occasion de la ratification du traité portant statut de la Cour

405

pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 qui doit être précédée d'une révision de la Constitution, le Conseil Constitutionnel français a jugé que « considérant que l'article 66 affirme la présomption d'innocence dont bénéficie toute personne jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie devant la Cour ; qu'il incombe au procureur de prouver la culpabilité de l'accusé ; qu'en application de l'article 67, celui-ci bénéficie de la garantie de "ne pas se voir imposer le renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la réfutation" ; que sont en

1649 W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 23, p. 30.

1650 V. Décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, (Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes) ; V. sur en ce sens: W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 23, p. 31.

1651 V. T. Meindl, La Notion De Droit Fondamental Dans Les Jurisprudences Et Doctrines Constitutionnelles Françaises Et Allemandes, Thèse de droit, L.G.D.J., 2003, Préface de Dominique Rousseau.

1652 A. Beziz-Ayache, Dictionnaire de droit pénal général et procédure pénale, op. cit., p. 144.

1653 J. Pradel, « Les principes constitutionnels du procès pénal », in Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 14 (Dossier : La justice dans la constitution) - mai 2003.

1654

.

406

conséquence respectées les exigences qui découlent de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen »

307. Bloc de constitutionnalité. Selon M. Michel Lascombe l'apparition du contrôle de constitutionnalité a conduit très logiquement à la naissance d'un « bloc de constitutionnalité »

. Le

1655

regroupant l'ensemble des actes par rapport auxquels cette constitutionnalité s'apprécie

Conseil constitutionnel a donc commencé à apprécier la constitutionnalité des lois pénales en se basant sur le contenu du « bloc de constitutionnalité ». Cette expression a été forgée par le

doyen M. Louis Favoreu qui est considéré comme son père putatif1656 . Selon M. Bernard Chantebout, communément regroupées sous le nom de bloc de constitutionnalité, les normes à valeur constitutionnelle par rapport auxquelles le Conseil constitutionnel exerce son contrôle sur les lois et les traités, comportent trois éléments : la Constitution de 1958, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l'environnement de 2004, auxquels le Préambule de la Constitution de 1958 se réfère et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république et déclarés tels par

le Conseil constitutionnel.

1657

Ce dernier n'établit pas de hiérarchie entre les principes à valeur

1658

constitutionnelle en fonction de leur origine.

308. Le Conseil constitutionnel garant de la suprématie de bloc de constitutionnalité. La suprématie du bloc de constitutionnalité sur les autres normes est assurée par le contrôle de constitutionnalité de ces dernières. Ce contrôle est exercé par le Conseil constitutionnel, mais

et

1659

uniquement, jusqu'en 2008, à la demande des personnalités habilitées à le saisir

seulement à condition qu'elles agissent dans le bref délai qui sépare le vote définitif de la loi de sa promulgation par le chef d'État. Depuis la révision de la Constitution française de juillet 2008 et l'instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, la saisine du Conseil constitutionnel est également ouverte aux justiciables qui, par voie d'exception, invoquent l'inconstitutionnalité d'une loi qui leur est opposable. Mais ils ne peuvent d'eux-mêmes saisir

1654 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, § 21.

1655 M. Lascombe, Le Droit Constitutionnel De La Ve République, L'harmattan, Paris, 2005, p. 339.

1656 V. sur le bloc de constitutionnalité : Ch. Denizeau, Existe-t-il un bloc de constitutionnalité ?, Mémoire de DEA Droit Public Interne, Université Paris 2, 1996, L.G.D.J., Paris, 1997.

1657 B. Chantebout, Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey Université, Paris, 2010, p. 597. 1658 B. Chantebout, Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey Université, Paris, 2010, p. 597.

1659 Le président de la république, le premier ministre, les présidents des deux assemblées, et soixante sénateurs.

le juge constitutionnel. Ce sont le Conseil d'État ou la Cour de cassation qui le feront, s'ils

1660

jugent que leur requête a des chances de succès

.

407

309. Valeur constitutionnelle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1978. Le Conseil constitutionnel français confirme la valeur constitutionnelle du principe de la légalité consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1978 dans deux décisions, une des 19 et 20 janvier 1981 1661 et l'autre du 11 octobre 1984 1662 . C'est toutefois une décision du 17 janvier 1989, du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui est la plus prometteuse. Outre que le Conseil y prône l'application du principe de légalité à des sanctions administratives - ce qui montre qu'il faut avoir une vision compréhensive de son domaine -, il

1664

,

1663

en donne aussi une définition élargie: « considérant qu'il résulte de ces dispositions

comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de nécessité des peines, le principe des droits de la défense ». Donc on peut affirmer de nouveau que le principe de

1665

,

légalité criminelle est un principe à valeur constitutionnelle dans le système pénal français

1660 B. Chantebout, Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey Université, Paris, 2010, p. 599.

1661 Décision n° 802-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, cons. n° 75: « 7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ; qu'il en résulte la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ».

1662 Décision du Conseil constitutionnel n° 84-181 DC du 10 octobre 1984: « 8. Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines soutiennent que les définitions ainsi énoncées présentent un caractère extensif et imprécis ; que, par suite, les dispositions pénales de la loi qui font référence, directement ou indirectement, à ces notions insuffisamment définies enfreignent le principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines proclamé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en outre lesdites définitions permettent l'application de la loi aux partis politiques en violation de l'article 4 de la Constitution ; que les sénateurs auteurs de l'autre saisine reprennent ce dernier grief à propos de l'article 21 de la loi » ; « 19. Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines font valoir que ni l'article 3 ni l'article 26 précités ne définissent les éléments constitutifs de l'infraction de prête-nom, notamment en ce qui concerne le domaine de l'interdiction, et sont ainsi contraires au principe de la légalité des délits et des peines proclamé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » ; « 20. Considérant, d'une part, que les éléments constitutifs de l'infraction ressortent des termes mêmes de l'article 3 dont il reviendrait aux juridictions compétentes de faire application dans les espèces qui leur seraient soumises ; que, d'autre part, il résulte nécessairement de la place de ces dispositions dans une loi tendant à assurer la transparence financière des entreprises de presse que l'interdiction de prête-nom visée par ces dispositions ne concerne, sans préjudice de semblable interdiction en d'autres matières, que les actes de prête-nom pouvant porter atteinte aux règles de transparence financière intéressant les entreprises de presse ; qu'ainsi les articles 3 et 26 de la loi ne sont pas contraires à la Constitution »;

1663 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, n° 143, p. 52.

1664 Le Conseil visait ici les articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et 34 de la Constitution de 1958.

1665 V. F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 51, p. 43 : « Associés à des garanties puisées dans le bloc de constitutionnalité et dans la Convention européenne des droits de l'homme, ils forment

408

ce qui nous conduit à admettre la valeur constitutionnelle du principe de légalité de preuve en matière pénale pour la même raison que celle déjà indiquée en droit libanais.

Conclusion du chapitre II

310. Pour déterminer le champ d'application d'un principe, il sera essentiel de déterminer sa force et sa valeur. La question de la valeur juridique du principe paraît nécessaire puisque le principe de la légalité de preuve est controversé et encore d'application inefficace. On a essayé de déterminer sa valeur juridique en droit libanais et français en se référant aux fondements divers du principe de légalité qui sont de nature constitutionnelle, nationale et internationale conventionnelle. Ce chapitre propose une nouvelle contribution à l'approche du principe de la légalité criminelle au niveau de la preuve en matière criminelle. Cette approche rationnelle commence par justifier l'existence du principe de la légalité procédurale, ensuite celui de la légalité de preuve, car il n'est pas logique d'évoquer la faiblesse dans l'application du principe de la légalité de preuve avant de justifier ce principe controversé. Une fois le principe justifié, la valeur juridique de ce principe va déterminer le champ d'application dans le droit interne français et libanais. Le principe de la légalité criminelle englobe les divers aspects de la légalité criminelle, c'est- à-dire le principe de la légalité procédurale et de la légalité de la preuve pénale. En droit libanais, le principe de la légalité criminelle doit être considéré comme un principe fondamental dans le système juridique puisqu'il revêt une valeur triple: valeur législative, valeur supra-législative et valeur constitutionnelle. En droit français, le principe de légalité criminelle est consacré par la Constitution et son Préambule, par le Code pénal et par la Convention européenne des droits de l'homme. Ici, il faut mentionner que le principe de la légalité procédurale est consacré explicitement par la Constitution française. Le principe de la légalité criminelle revêt en France une valeur constitutionnelle, supra-législative et législative. De ce qui précède, on peut affirmer que le principe de légalité de preuve est un principe à valeur constitutionnelle en droit libanais et français. Ce même principe ayant une valeur supra-législative et législative en droit libanais et français.

une théorie générale de la preuve en matière pénale. Elle garantit une bonne administration de la preuve. La sanction de cette obligation procède d'une autre théorie générale, celle de la nullité des actes de procédure ».

409

Titre II

Sanctions des preuves illégales et illicites dans le

procès pénal

311. L'application de l'acte de procédure pénale. La procédure pénale consiste en toute procédure entamée afin que l'action publique puisse atteindre son objectif, soit la découverte de la vérité dans l'infraction commise et son attribution à l'accusé, à travers le procès pénal. Normalement, l'application incorrecte des procédures pénales lors de la recherche de la preuve pénale rendra la preuve illégale et soumise à l'application de sanctions. La plus importante de toutes les sanctions est la nullité de la preuve pénale et son exclusion. La preuve illégale ne sera pas prise en considération et ne produira pas d'effets. Ces procédures sont diverses et varient au cours des différentes étapes de l'action publique, soit durant les étapes des investigations policières, d'enquête sur l'infraction et la phase de jugement. Ces procédures doivent se dérouler conformément au modèle prévu par le législateur dans le Code de procédure pénale, tant en ce qui concerne la forme qu'en ce qui concerne les conditions d'application. Mais, en pratique ce n'est pas toujours le cas. Dans la présente étude, nous nous focalisons sur les violations survenues lors de l'application des procédures pénales relatives à la recherche de la preuve pénale, car il y a certaines procédures pénales ordinaires qui n'ont rien à voir avec l'identification et la recherche de la preuve pénale. Il s'agit des procédures nommées par certains non-essentielles, dites également organisationnelles, directives ou réglementaires, n'ayant aucun rapport avec le respect de la liberté des individus et rien à voir avec la preuve pénale et qui sont hors de notre sujet. D'autre part, il se peut que l'obtention de la preuve pénale soit contraire ou constitue une violation flagrante de certains principes généraux qui protègent l'homme, ses droits, sa personne, sa liberté et son intimité. Il est alors nécessaire d'annuler cette preuve illégale qui a été obtenue en violation de ces principes. Ici, il y a lieu de dire que la preuve légale peut comporter des lacunes qui la rendent illégale dans les différentes étapes de l'action pénale. Autrement dit, la lacune peut toucher la preuve au cours de l'investigation pénale ou lors de l'étape de l'enquête préliminaire accomplie par la police judiciaire qui vise la recherche et la collecte des preuves ou pendant la procédure devant le tribunal ou le juge de fond dans la phase de jugement. Donc, la preuve peut comporter des lacunes lors d'une étape d'enquête devant le juge d'instruction et la chambre d'accusation

(droit libanais) ou chambre d'instruction (droit français). De même, la preuve peut comporter une lacune qui rend la preuve illégale lors de l'enquête définitive dans la phase de jugement. D'où la nécessité d'étudier la mise en oeuvre du principe de légalité dans l'obtention de la preuve. Les procédures qui ne respectent pas le modèle légal sont donc illégales, ça peut être le cas par exemple d'une perquisition ou d'un interrogatoire qui se déroule de façon non conforme aux exigences de la loi. L'illégalité de l'obtention de la preuve peut aussi provenir d'une atteinte aux droits de la défense contrairement au modèle de procès équitable prévu par la loi.

312. Rapport entre application des procédures pénales et la preuve pénale. Si la commission d'une infraction appelle sa répression, les législateurs libanais et français ont organisé pour y parvenir un ensemble de règles, d'actes qui tendent vers la recherche et l'administration des preuves, d'actions et d'habilitations pour procéder aux constatations matérielles, aux investigations appropriées, à la tenue des audiences. L'ensemble de ces aménagements constitue la procédure pénale, et vise essentiellement à assurer la légalité de la répression et à empêcher l'arbitraire. La théorie de la preuve est indubitablement la base sur laquelle s'articulent les règles des procédures pénales. La recherche de la preuve n'est pas inséparable de la procédure pénale, car elle constitue, en elle-même, un acte de procédure visant la recherche de la preuve. Selon Mme Haritini Matsopoulou, « dès lors que la loi indique selon quelle manière il est permis de procéder à la recherche des indices ou des éléments de preuve, se pose tout naturellement la question de savoir quelles sanctions ont été prévues pour le cas, sans doute exceptionnel, où les dispositions légales auraient été

méconnues »

1666

. La non-conformité entre la procédure réelle de recherche de la preuve et son

modèle défini par la loi sera sanctionné

1667

. C'est ainsi que Mme Muriel Guerrin affirme que «

1668

.

410

les nullités constituent donc une technique de contrôle de la régularité des procédures et une sanction de leur non-respect »

Le premier chapitre de ce titre porte sur la multiplication des sanctions des preuves illégales. Le deuxième chapitre de ce titre porte sur l'admission nuancée de la preuve illégale.

1666 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1019, p. 815.

1667 V. É. Vergès, Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007, n° 400, p. 253 : « La cause de la nullité de trouve dans un vice procédural qui s'est produit lors de la réalisation de l'acte ».

1668 M. Guerrin, « Nullités de procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre 2005, n° 1, p. 2.

411

Chapitre I

La multiplication des sanctions des preuves illégales

313. Le sort de la preuve illégale. Si nous avons pu aboutir à un concept clair de la notion d'illégalité de la preuve pénale ou de la preuve illégale, il faut ajouter que toute preuve illégale ne doit pas être exclue et considérée comme caduque, car il n'existe pas de mécanisme juridique excluant automatiquement toute preuve pénale illégale. Ainsi, il est nécessaire de chercher quel sera le sort de la preuve pénale illégale en fonction de l'application de la théorie de la nullité par la jurisprudence libanaise et française et la position de la doctrine pénale sur ce point. Cette recherche permettra d'appréhender de façon claire le sort de la preuve pénale dans le procès, qui se traduira soit par une acceptation totale ou partielle, soit par un rejet. Ceci reflète l'importance de l'application du principe de légalité pénale, mais aussi la défaillance des mécanismes juridiques disponibles en droit libanais et français à garantir la bonne application de ce principe du moins à un niveau permettant d'affirmer qu'il garantit la préservation des droits des individus dans l'action pénale, sans empêcher d'élucider efficacement les infractions pénales. Pourtant, c'est ce que requiert, en pratique, l'État de droit. En effet, on ne peut pas accepter l'idée d'un État de droit qui négligerait les droits et libertés individuels au profit de l'obtention illégale de preuves. Le Code de procédure pénale a été rédigé précisément pour régir la méthode d'obtention de la preuve pénale dans le respect de certains droits des individus et toute autre méthode reviendrait à consacrer un État de police qui s'oppose complètement avec l'État de droit1669. Dans l'État de police, tous les moyens sont bons pour l'obtention de la preuve pénale sans égard aux droits fondamentaux

1669 V. A. Saad, La nullité de l'acte d'instruction, Thèse de droit, Université Jean Moulin (Lyon) et Université de Tunis, 2011. Spec. le résumé : « La lecture des règles procédurales régissant l'information judiciaire révèle qu'elles obéissent à deux objectifs majeurs. Certaines règles entendent protéger les intérêts des justiciables; d'autres, en parallèle, tendent à garantir un véritable fonctionnement de la justice et un bon déroulement du procès pénal. Elles mettent respectivement la lumière sur le respect d'un certain formalisme indispensable, dont l'inobservation doit être sanctionnée. En clair, la nullité constitue une sanction nécessaire et un moyen efficace contre les dérives et "l'arbitraire" de certains magistrats instructeur afin de garantir le respect de certains principes d'ordre public et préserver les droits élémentaires de la défense. La nullité de l'acte d'instruction irrégulièrement accompli présente une garantie procédurale fondamentale accordée aux justiciables. La pratique judiciaire a mis l'accent sur les inégalités des armes entre les autorités investigatrices qui bénéficient de larges moyens pour remplir leur mission et les justiciables qui subissent les résultats de preuves recueillies à leur encontre; or la détermination des causes des nullités de preuves est problématique non seulement au regard du domaine étroit des nullités textuelles, mais aussi et surtout de la nature incertaine des nullités substantielles. En fait, l'efficacité des investigations doit nourrir l'intention de parvenir à la vérité objective et elle ne doit pas répondre à l'objectif d'une répression aveugle. ».

412

des individus, et cela serait le modèle effectif si l'obtention de la preuve pénale se faisait au détriment du respect du principe de légalité de la preuve.

314. La nullité et la légalité de la preuve pénale. Quel est le rapport entre la nullité en tant que système procédural et la légalité de la preuve pénale ? La nullité est un outil juridique

pour contrôler la légalité des procédures

1670

et la sanction du non-respect des formalités

imposées par la loi expressément ou reconnues par la jurisprudence. M. Jean Pradel a bien exprimé le rapport entre la nullité et la preuve qui est la sanction de la preuve illégale : « que la preuve présentée soit irrecevable par sa nature même ou qu'elle soit irrecevable par son mode d'administration, un problème de sanction se pose. Partout existent des sanctions disciplinaires et civiles et surtout procédurales. À ce dernier point de vue, le plus intéressant et le seul qui nous retiendra, l'idée est partout la même : on n'excluera la preuve qu'en cas de

.

1671

faute grave ou assez grave. Cela étant, l'habillage technique n'est pas toujours le même »

Il est bien connu que dans le procès pénal, l'ensemble des actes et formalités qui concourent et visent aux constats des infractions, à la recherche de leurs auteurs ainsi qu'à leur répression est enserré dans un formalisme dont le législateur a bien pris conscience de la nécessité afin

d'encadrer très précisément ces procédures et d'éviter l'arbitraire 1672 . Les procédures de recherche des preuves varient lors des différentes étapes depuis la perpétration de l'infraction jusqu'au prononcé du jugement pénal en passant par la phase de jugement, car la question de nullité est soulevée à chaque occasion de l'accomplissement d'un acte de procédure pénale visant à la recherche des éléments de preuve pénale. Une question relative à l'impact de la preuve issue d'une procédure nulle vient à l'esprit. La théorie de nullité est l'une des principales théories dans le domaine de la procédure pénale, car son champ est vaste et ses applications multiples. L'importance de la définition du rôle de la théorie de la nullité consiste en la consécration du principe de légalité procédurale, en général, et la légalité de la preuve pénale, en particulier, en vue d'établir un équilibre entre la lutte contre l'infraction et

1670 G. Clément, « L'appel voie de nullité en procédure pénale », in R.S.C., 1990, p. 260 : « Soucieuse des droits de la défense et des libertés fondamentales de l'individu, notre procédure pénale est dense en dispositions de détails qui ont pour but de garantir une justice impartiale. Ces règles rassurantes mais aussi contraignantes sont nécessaires et utiles. Leur efficacité n'est toutefois assurée que si leur violation est susceptible d'être sanctionnée par la nullité »

1671 J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2em trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 27.

1672 V. sur la légalité du recueil des preuves par les enquêteurs : Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n° 49, p. 13: « Les enquêteurs sont tenus au respect des principes fondamentaux et des textes notamment ceux qui organisent le respect de la vie privée ou encore les droits de la défense ».

l'élucidation de ses auteurs, d'une part, et la nécessité de garantir la mise en oeuvre de la légalité procédurale, d'autre part, dans le but d'assurer et garantir à toute personne le droit à un procès équitable et juste dans les affaires pénales. La recherche des preuves est susceptible

1673

d'être entachée d'irrégularités et illégalités

que la loi sanctionne par les différentes causes

413

et catégories de nullités. A cet effet, le législateur a organisé un ensemble de règles qui

1674

constitue l'encadrement légal des nullités.

315. Définition de la nullité. La plupart des législations ne s'étaient pas intéressées à donner une définition précise à la nullité. Or, du point de vue doctrinal, les définitions sont variées. Elle a été définie comme: l'une des formes de sanctions qui surviennent à la procédure défaillante, c'est-à-dire à l'acte procédural dans le cadre du procès pénal ou dans l'étape précédente et préliminaire, qui est l'étape d'investigation, lorsque cet acte manque de l'une de ses composantes objectives ou est privé de ses conditions de forme. Il en résulte sa nullité et l'empêchement des effets juridiques qui auraient existé si l'acte de procédure avait été justement accompli1675 . La nullité a été également définie comme : une sanction procédurale résultant de la non-considération des dispositions de la loi relative à toute procédure substantielle. Il est important que les dispositions relatives à la procédure substantielle soient liées au contenu et à l'essence de la procédure, ou à la forme dans laquelle elles sont formulées. De même, il est important qu'elles soient incluses dans le Code de procédure pénale ou dans le Code pénal1676. Selon M. Dimitrios Giannoulopoulos, la nullité est « la sanction qui s'attache aux actes irréguliers de la procédure, autrement dit des actes

1677

. La

commis sans respecter les règles et les formes fixées par la procédure pénale ... »

nullité est considérée par M. Ahmed Fathi Srour comme un outil de contrôle judiciaire sur la

1673 Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n° 45, p. 13 : « l'administration de la preuve, notamment par l'autorité publique, est soumise à un principe de légalité soit par un formalisme particulier à un acte soit à raison d'un principe général (respect de l'intimité de la vie privée et des droits de la défense par exemple). Cet encadrement s'est développé au fur et à mesure de l'apparition de modalités nouvelles d'investigations coercitives dans le cadre préliminaire... ».

1674 V. sur la nullité en droit français : M. Guerrin, Les irrégularités de procédure sanctionnées par la nullité dans la phase préalable au jugement pénal, Thèse de droit, Université Strasbourg III (Robert Schuman), 1999.

1675 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, p. 17.

1676 V. en langue arabe : A. Chawarbi, Nullité pénale : Théorie de nullité, nullité d'enquête, nullité du procès, nullité du jugement, Maison de connaissance, Egypte, 1990, p. 24.

1677 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 226.

légalité de la procédure pénale. Il ajoute que comme les procédures pénales sont la source des preuves sur lesquelles le tribunal appuie sa conviction de condamnation, la recevabilité de ces preuves est tributaire de la légalité des procédures qui en résultent. Ainsi, la sanction de nullité consiste à déclarer l'illégalité de la preuve et la nullité de l'effet en résultant. Cette nullité interviendra en cas de contradiction entre la procédure et les garanties énumérées dans la Constitution et la loi, faisant jouer à la nullité un rôle décisif dans la protection constitutionnelle des droits et libertés 1678 . M. Ahmed Chafii considère que la nullité est la sanction découlant de toute procédure qui viole ou néglige la règle substantielle dans la procédure, ce qui donne lieu à la non-production d'effet juridique 1679 . La définition de nullité comporte toute lacune ayant affecté toute procédure de l'action publique, à compter de l'enquête préliminaire effectuée par la police judiciaire, en passant par l'instruction préparatoire jusqu'à l'enquête définitive accomplie par le tribunal. La nullité est une description jurdique ou légale touchant l'acte procédural en cas de sa violation du modèle

légal décidé

1680

. La nullité est une sanction décidée et prévue par la loi des procédures pénales

pour le non-respect de ses dispositions établies, pour que sa considération ou son application permette d'atteindre la vérité en réalisation de l'intérêt de sanction et en assurance des garanties que les autorités s'engagent à respecter vis-à-vis des parties en litige au regard des

libertés fondamentales et de l'intérêt des parties en litiges 1681 . Selon M. Abdelhamid Chouarbi, la nullité est une procédure arrangée par le législateur ou décidée par le tribunal sans texte si l'acte procédural est privé de l'une des conditions de forme requises pour sa justesse conformément à la loi. Cette procédure conduit à l'inefficacité de l'acte procédural et

1682

la perte de la valeur légale prévue dans le cas de sa justesse . M. François Fourment considère que « la nullité est la sanction de l'inobservation d'une condition de validité d'un

acte juridique »

1683

. Nous avons tendance à définir la nullité comme une sanction procédurale

414

visant le non-arrangement de l'effet juridique ordinaire prévu par l'acte procédural, car l'acte

1678 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p. 531.

1679 V. en langue arabe : A Chafii, La nullité dans le code de procédure pénale. Etude comparative, 2e éd., maison Houma, Algérie, 2005, p. 11.

1680 V. en langue arabe : Gh. Benmelha, Le code judiciaire algérien, office des publications universitaires, Algérie, 1995, p. 265.

1681 V. en langue arabe : M. Mohamed Hocini, La nullité dans les articles pénaux, maison de publications universitaires, Alexandrie (Égypte), 1993, p. 17

1682 V. en langue arabe : A. Chawarbi, La nullité civile procédurale et du fond, Maison de la connaissance, Alexandrie (Egypte), 1991, p. 9.

1683 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 80, p. 61.

415

procédural réalisé sur cette base n'a pas parachevé les conditions de sa justesse ou sa forme, sa formulation ou la façon prévue par la loi.

La première section de ce chapitre porte sur l'interaction des nullités des actes de procédure avec les règles de l'exclusion de la preuve. La deuxième section de ce chapitre porte sur les règles variables de la recevabilite de la preuve en fonction de l'auteur de la preuve.

416

Section I

L'interaction des nullités des actes de procédure avec les
règles de l'exclusion de la preuve

316. Efficacité du système de nullité dans la garantie de l'application judicieuse du principe de légalité de la preuve. Sans doute, le régime juridique des nullités en matière pénale a été établi dans le but d'assurer la régularité du procès et notamment contribue à assurer le respect des droits de la défense. C'est pourquoi l'efficacité de la nullité en tant que sanction procédurale des illégalités et irrégularités commises participe indéniablement du contrôle de la légalité des procédures pénales et va contribuer à ce titre à l'application du principe de la légalité de preuve pénale. Il est important de garantir l'application effective de tout principe légal grâce à un outil juridique efficace qui assure l'application pratique de façon effective conforme à la valeur réelle du principe juridique et son rôle en termes de protection des droits et libertés des individus dans l'État de droit. D'où l'importance de lier le système de nullité pénale au principe de la légalité de preuve pénale. Les violations du principe de légalité de la preuve oscillent entre les transgressions relatives à la forme ou à l'exemple légal exigé par le législateur lorsqu'on entame les procédures pénales. De même, il y a des violations du principe de la légalité de la preuve pénale chaque fois qu'il y a une violation des principes dominants de la preuve pénale lors de la phase du jugement. Ces principes dominants tournent autour de la nécessité d'introduire la preuve dans une audience publique et de donner l'opportunité à l'accusé de la débattre et de se justifier devant le tribunal, car ceci constitue l'un de ses droits de défense et des principes du procès équitable. Il existe d'autres violations du principe de légalité de la preuve résultant du moyen de recherche de la preuve qui enfreint la liberté de l'individu, sa sécurité corporelle ou l'intimité de la vie privée de l'accusé, du défendeur ou du suspect. Ceci donnera lieu à l'évaluation de la théorie de nullité des procédures pénales, considérées comme l'ossature de nullité de la preuve pénale illégale. Cette évaluation de la théorie de nullité au Liban et en France, s'articule autour de l'étude du rôle joué par cette théorie dans la mise en oeuvre du principe de légalité de la preuve et de l'efficacité et des garanties attribuées par la théorie de la nullité, afin que le principe de nullité de la preuve puisse assumer le rôle qui lui est dévolu.

317. La nullité protège la légalité de preuve. L'un des principaux outils juridiques qui protègent le principe de la légalité de preuve pénale et sanctionnent de façon procédurale toute procédure illégale de recherche de la preuve pénale, est la théorie de nullité. Il est important

417

de lier les règles de nullité et leurs dispositions ainsi que l'avis de la doctrine et la jurisprudence au Liban et en France avec le principe de légalité de la preuve pénale afin de savoir à quel point le système de nullité en vigueur constitue une application judicieuse et suffisante du principe de légalité de la preuve pénale et si ce système de nullité est suffisant pour garantir ce principe ou s'il a besoin d'être optimisé afin que la légalité des preuves atteigne son but qui est de conserver les droits des individus dans l'action pénale et sans affaiblir l'efficacité de la sanction à travers la collecte de preuves conformément à la loi. Par ailleurs, la liaison du système de nullité avec le principe de légalité de la preuve pénale nous invitera si nécessaire à réfléchir à de nouveaux mécanismes juridiques aidant la consécration effective du principe de légalité de la preuve dans le cas où les systèmes de nullité s'avèrent inutiles et incapables d'aller de pair avec le principe de légalité de la preuve du point de vue pratique. Ceci donnera lieu à la réflexion sur des mécanismes autres que la nullité pour contribuer à l'exclusion de la preuve illégale. Il s'agit ici de l'illégalité en fonction de la façon dont la preuve a été obtenue et non pas en fonction de sa justesse, de sa valeur ou de sa force probante puisque leur appréciation est soumise à la conviction du juge. A partir de là, il s'agira de l'exclusion de la preuve pénale illégale du dossier sur lequel le juge mettra sa main afin d'éviter toute opposition entre la liberté du juge dans l'appréciation de la preuve où domine l'intime conviction du juge et la règle d'exclusion de la preuve illégale. Ici, la principale problématique qui s'impose est de savoir si le système de nullité pénale au Liban et en France est à même d'assurer efficacement la mise en oeuvre du principe de légalité de la preuve pénale ou si nous avons besoin d'une méthode et d'une technique juridique nouvelle évoluée pour assurer l'application pratique effective du principe de légalité de la preuve pénale. Concernant la nullité des moyens de preuve devant la justice pénale, elles varient à cause de la prise en considération du principe de liberté de la preuve pénale. La loi donne au juge pénal toute la liberté d'apprécier la valeur des preuves présentées dans le procès pénal, son poids et la primauté des unes par rapport aux autres, en application du principe de liberté de la preuve conformément à l'intime conviction du juge sauf dans des cas exceptionnels limités. Or, l'appréciation des moyens de preuve pose plusieurs problématiques concernant les formalités et le contenu des moyens de preuve.

§ 1. Les règles variables de l'exclusion de la preuve illégale en fonction de la détermination du type de nullité.

318. Les catégories de la nullité dans la procédure pénale. La doctrine pénale fait une distinction traditionnelle entre les nullités textuelles qui sont celles expressément prévues par

le législateur dans le Code de procédure pénale et les nullités substantielles 1684 qui ne sont pas expressément prévues par un texte, 1685 mais qui sont destinées à sanctionner la violation des

règles touchant à l'ordre public procédural

1686

ou aux droits de la défense

1687

. Il y a deux

418

théories qui régissent la théorie procédurale de la nullité 1688 , en général, et à travers ces deux théories et dans leur cadre, d'innombrables doctrines pénales sont apparues dans les

législations procédurales pour déterminer les cas de nullité 1689 . La politique législative en

1684 V. J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec. n° 3 : « Nullités d'ordre public, textuelles, substantielles, automatiques ou subordonnées à la preuve d'un grief, vices de fond, vices de forme... : les notions qui régissent les différentes catégories de nullités sont nombreuses, disparates, et utilisées de manière différente en procédure civile et en procédure pénale... ».

1685 V. sur cette distinction en droit français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 2 :« la distinction entre nullités textuelle et virtuelle est inutile, toutes les nullités concernant les actes ou pièces de la phase préalable et nécessitant la preuve d'un grief( Art. 170, 171 et 802 c. pr. pén.). L'art. 171 c. pr. pén. est explicite en ce sens : il ne dissocie pas les deux types de nullité, mais subordonne l'annulation à la qualité de la règle violée, qui doit être substantielle, d'intérêt privé ou d'ordre public ».

1686 V. sur l'importance de la distinction entre nullités textuelles et nullités substantielles en droit francais : D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 233 : « ... jusqu'à la réforme du régime des nullités avec la loi du 24 août 1993, la distinction entre nullités textuelles et nullités substantielles était significative. Les premières étaient des nullités automatiques, alors que les dernières étaient prononcées soit de manière automatique, quand il y avait violation de formalités d'ordre public, soit de manière non-automatique, quand il y avait violation de formalités relative à l'intérêt privé, les formalités relatives aux droits de la défense étant traditionnellement considérées comme d'intérêt prive. Or, après la loi du 24 août, la distinction entre nullités textuelles et substantielles ne présente plus d'intérêt. Le critère de la nullité prescrite ou non prescrite n'a qu'une valeur académique ».

1687 V. C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 415, p. 276: « Il existe plusieurs variétés de nullités qui se classent en différentes catégories : nullités d'ordre public et nullités d'ordre privée, typologie qui doit elle-même se combiner avec la distinction entre nullités textuelles et substantielles ou virtuelles. ».

1688 V. sur ce point : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 781, p. 715 : Les cas de nullités au point de vue théorique : « Rationnellement, deux systèmes sont concevables : celui des nullités textuelles en vertu duquel la loi qui prévoit une formalité indique qu'elle est requise à peine de nullité ; celui des nullités substantielles (ou virtuelles) selon lequel la nullité peut être encourue, même si la loi est muette, à la condition que l'irrégularité soit grave ou ait nui à la défense. ».

1689 V. J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec. n° 6 : « La procédure pénale met en place une division différente, en opposant les nullités

1690

. Le

419

termes d'organisation de la nullité de procédure pénale révèle deux avis opposés premier concerne la nullité textuelle ou légale, décidant qu'aucune nullité de sanction n'est décidée sur la violation d'une règle ou procédure sauf si la loi en fait mention explicite. La deuxième théorie est celle des nullités dites substantielles ou encore virtuelles, selon laquelle la nullité doit être prononcée en cas de violation des règles procédurales importantes uniquement ou substantielles, ce qui tolère la violation des règles moins importantes ;

1691

autrement dit, il n'y a pas de nullité dans ce cas-là. Cet avis s'appuie sur le fait que la nullité substantielle (ou virtuelle) garantit une concordance entre l'importance de la règle

1692

procédurale qui a été enfreinte et la sanction de sa violation. Cette théorie (la nullité substantielle ou virtuelle) s'articule autour du fait que la nullité doit résulter uniquement de la violation de la règle procédurale importante, ce qui signifie la restriction des cas de nullité au cadre défini par le juge par rapport à la violation de la règle ou de l'acte procédural substantiel. Il sied de dire ici que la nullité de la preuve pénale, qui constitue le rudiment de la procédure pénale, est influencée par le type de théorie de la nullité adopté par le législateur. Nous étudions la nullité textuelle (A), puis la nullité substantielle (B).

A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité textuelle.

319. La violation sanctionnée par la nullité textuelle. M. Henri Angevin considère que « les nullités textuelles ou formelles sont celles qui sont expressément prévues par un texte de loi...» 1693 . M. Sulaiman Abdelmonim définit la nullité textuelle comme suit : il n'y a pas de nullité sans texte juridique la décidant. C'est au législateur lui-même et à personne d'autre de décider de la nullité de l'acte procédural en fonction des considérations constatées, et des

textuelles et substantielles, que nous pouvons regrouper sous le terme de nullités d'intérêt privé, aux nullités d'ordre public ».

1690 V. Sur Nullités textuelles et nullités substantielles : H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p. 142 : « Dans le domaine des nullités de procédure, on distingue traditionnellement deux catégories de nullités: les nullités textuelles et les nullités substantielles ».

1691 V. sur la distinction entre nullité textuelle et nullités dites substantielles ou encore virtuelles: J. Danet, « Brèves remarques sur la typologie et la mise en oeuvre des nullités », in AJ Pénal, 2005, p. 133 : « La distinction entre des nullités textuelles, expressément visées par le code de procédure, et d'autres qui ne le sont pas mais qui existeraient en puissance et sont donc virtuelles, est née de la nécessité, relevée très tôt par la jurisprudence, d'élargir le champ des annulations aux formalités jugées substantielles même si elles n'ont pas été prescrites par le législateur à peine de nullité ».

1692 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 370, p. 338.

1693 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p. 143.

1694

objectifs visés à travers la procédure . La nullité textuelle est également appelée la théorie «

1695

pas de nullité sans texte ». Elle prévoit que c'est le législateur qui détermine les cas de nullité de façon explicite et claire sans ambiguïté. Il n'entre pas dans les prérogatives du juge de décider la nullité dans les cas autres que ceux décidés par le législateur en exclusivité, quels que soient les circonstances ou les faits. Cette théorie est soutenue par certains, car elle est cohérente par rapport aux principes juridiques. Elle s'articule autour du principe « pas de nullité sans texte », qui constitue un exemple semblable de la règle de la légalité criminelle en

droit pénal « pas de sanction sans loi »

1696

. Parmi les caractéristiques de cette théorie, le fait

qu'elle facilite, au préalable, la distinction entre les procédures correctes et les procédures nulles. De même, elle empêche les juges de monopoliser le sort de la procédure illégale et élimine le pouvoir discrétionnaire du juge dans l'appréciation de la nullité. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a appliqué cette théorie de nullité textuelle dans l'une de ses décisions anciennes, jugeant que « parmi les principes établis le fait qu'il n'y a

1697

pas de nullité sans texte ». L'idée de cette théorie de nullité textuelle consiste à dire que c'est le législateur qui s'occupe de la détermination des cas de nullité, et le juge n'a pas le droit de décider la nullité en dehors de cas qui ont été définis par le législateur.

320. Caractéristiques de la nullité textuelle. La nullité textuelle signifie que c'est la loi, seule et exclusive, qui s'occupe de déterminer les cas de nullité préalablement, comme la sanction du non-respect des règles procédurales qu'elle a imposées. Le juge n'a pas le droit de décider la nullité sauf dans les cas prévus par la loi, à titre limitatif, car son pouvoir est

restreint par la règle de « pas de nullité sans texte»

1698

. Nous pensons que les nullités

420

textuelles empêchent toutes les possibilités d'interprétation et d'appréciation du juge et donc

1694 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : Tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, pp. 46-47.

1695 V. J.-C. Soyer, Droit pénal et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., 2012, n° 876, p. 386: « Dans certains cas, un texte prévoit expressément la nullité de tel ou tel acte irrégulièrement accompli. On parle alors de nullités textuelles ».

1696 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 120.

1697 Décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise au Liban, décision n° 481 du 3/12/1964, publiée dans l'encyclopédie Samir Alia des jurisprudences de cassation n° 304, p. 84.

1698 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : Tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Egypte, 1999, p. 43.

tout arbitraire possible de sa part

1699

. L'utilité de l'adoption de la théorie de la nullité textuelle

est double. D'une part, elle permet d'éviter les lacunes de l'adoption de la théorie de la nullité substantielle, qui peut avoir pour effet de sanctionner n'importe quelle violation de forme ou de procédure. Au contraire, la nullité textuelle les possibilités de nullité aux cas jugés importants par le législateur. D'autre part, elle permet d'éviter les lacunes de la théorie de la nullité substantielle, en ne laissant au juge aucune liberté d'appréciation, autrement dit, elle assure le non-abus par les juges de leur pouvoir discrétionnaire, ce qui garantit le respect du principe de légalité pénale.

321. La nullité textuelle nécessite une législation rigoureuse. En dépit des avantages précités, l'on reproche à cette théorie de la nullité textuelle ce point faible : qu'elle suppose l'existence d'une loi hautement rigoureuse et claire. La loi doit prendre en compte l'ensemble des règles procédurales et formelles afin de déterminer explicitement les règles importantes dont la violation nécessite la nullité. Cela n'est pas évident, car l'importance de certaines règles ne peut être perçue qu'à travers l'application pratique, c'est ce qui ne pourrait être connu par le législateur que par l'assistance des juristes pratiquant le métier d'avocat et des juges répressifs ainsi que par des études doctrinales. Autrement dit, le législateur se doit de recourir à des personnes d'une haute compétence spécialisées dans le domaine de la procédure pénale.

322. Les conséquences de l'adoption de la théorie de la nullité textuelle. D'abord, il ne suffit pas d'une violation d'un texte de procédure pénale pour que la nullité en résulte. Mais il faut que le législateur impose cette sanction en cas de sa violation. Autrement dit, est interdit tout jugement de nullité sans texte explicite décidant la nullité de toute procédure lors du non-respect des règles y afférentes. Deuxièmement, le juge n'a aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard, donc, il n'a pas à décider la nullité tant que le législateur ne l'a pas mentionnée. En d'autres termes, le juge n'est pas habilité à s'abstenir de décider la nullité alors que le

législateur l'avait décidée

1700

. Cette théorie se caractérise par l'exactitude et la détermination :

421

car elle ne donne lieu à aucune divergence d'opinions concernant la justesse ou la nullité de la procédure. Le législateur a exclu le pouvoir discrétionnaire y afférent. Cependant, l'on reproche à cette théorie, selon M. Mahmoud Najib Hosni et la majorité de la doctrine arabe,

1699 V. sur ce point : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 781, p. 715 : les nullités textuelles : « Le premier système présente l'avantage que l'on sait à l'avance ce que la loi considère comme essentiel, il exclut toute interprétation du juge et donc tout arbitraire de sa part. ».

1700 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 371, p. 388.

l'impossibilité pour le législateur de délimiter tous les cas qui nécessitent la nullité

1701

. Il serait

422

exagéré de dire qu'il est impossible pour le législateur de délimiter les cas de nullité exposés notamment à la lumière de l'existence de plusieurs études se rapportant aux cas de nullité soulevés dans la doctrine comparative, que ce soit en langue arabe ou française. Ce qui signifie qu'il est devenu possible pour le législateur de délimiter tous les cas de nullité et de déterminer au préalable explicitement et clairement le sort de la procédure objet de violation du modèle prévu par la loi que ce soit la nullité ou la non-nullité sur la base des études juridiques dans ce domaine dans les universités nationales, arabes et françaises. Cela garantit le non-abus par le juge de son droit à l'appréciation de la qualité de la procédure et sa substance met les parties du procès au courant préalablement du sort de la procédure qui enfreint le modèle prévu par la loi. Pour conclure, cette théorie se caractérise par la privation du juge de son pouvoir discrétionnaire dans le domaine de la nullité, en garantissant ainsi son non-abus, et comporte une définition claire des cas de nullité de la procédure, assurant ainsi le respect du principe de la légalité procédurale.

323. Critique de la théorie de nullité textuelle. La doctrine reproche à cette théorie de ne pas toujours assurer la préservation totale des droits de défense. En effet, elle repose sur la prévision préalable du législateur des cas de nullité en dépit du fait qu'il est impossible pour le législateur, malgré tous les efforts consentis, de délimiter les cas de nullité en une liste précise et exacte. Ici, nous pouvons constater que cette faille est citée par la doctrine dans les livres et les ouvrages juridiques libanais. De même, en France la doctrine utilise toujours le même argument classique pour dire qu'il n'est pas possible de délimiter tous les cas de nullités textuelles. Cet avis doit être critiqué pour la simple raison que lorsque la doctrine disait que le législateur ne pouvait pas prévoir ou décider au préalable tous les cas de nullité, ceci était normal à l'époque de l'apparition et l'émergence de la théorie de nullité. Mais, après l'écoulement de nombreuses années sur les études de nullité et d'application juridique, tous ces cas sont devenus limités aux avis de la doctrine. Il est donc devenu facile à tout législateur de collecter tous ces cas dans des textes globaux.

1701 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 371, p. 389.

423

B. La position des législateurs libanais et français vis-à-vis des théories de nullité textuelle.

. Il

1702

324. Position du droit libanais des théories de nullité. Le Code de procédure pénale libanais n'a pas réservé un titre important à la théorie de nullité des procédures pénales

n'a pas cité la nullité à titre limitatif pour l'ensemble des instances et tribunaux libanais, même s'il l'a abordé à travers ses différents textes, incitant ainsi certains à dire qu'il y a une difficulté réelle empêchant de savoir la position du législateur libanais vis-à-vis des théories

1703

exposées à propos du sujet de la nullité . M. Abdelkader Kahwaji estime que le législateur libanais n'a pas établi dans le Code de procédure pénale libanais une théorie générale de nullité. Il n'a pas mentionné ces cas à titre limitatif, mais s'est contenté de citer certains cas. Il a prévu que la violation d'une procédure donnée mène à sa nullité, dans d'autres cas, cette sanction est exclue malgré la violation de la loi, et dans plusieurs cas, il n'a pas déterminé sa

position lors de la violation de la loi1704. Toutefois, le Code de procédure pénale libanais n'a pas inséré une théorie générale de la nullité parmi ses articles et s'est contenté de consacrer la nullité explicite de certaines violations procédurales, ce qui laisse certains croire que le

. En fait, le Code de

1705

législateur libanais n'a pas adopté une théorie précise de la nullité

procédure pénale libanais a établi des textes explicites révélant l'existence de la théorie de la nullité, même si ces textes sont éparpillés et non inclus sous un même titre clair sur la nullité, c'est-à-dire qu'on peut connaître la position du législateur libanais indirectement, en voyant que sa position est critiquée et non judicieuse, car il n'a pas déclaré clairement quelle théorie il adoptait. De même, le Code de procédure pénale libanais consacre la nullité substantielle en attribuant au juge le pouvoir de décider la nullité en cas de violation des procédures pénales adoptées et jugées substantielles. Nous critiquons le législateur libanais parce que le législateur doit viser l'exactitude et la clarté dans l'établissement de la législation afin de

1702 V. sur la situation de la théorie des nullités pénales en droit français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 2 : « Le code de procédure pénale ne contient aucune théorie approfondie des nullités » ... L'article 802 du CPP français « est confus et mal rédigé ».

1703 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 122.

1704 V. en langue arabe : A. Abdelkader Kahwaji, Interprétation du code des procédures pénales. Etude comparative, 1er éd., Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques Halabi), Beyrouth (Liban), 2002, Vol. 2, p. 434.

1705 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 122.

424

faciliter l'application des lois et de les rendre claires et non controversées en pratique. En dépit des textes clairs sur la nullité dans l'étape d'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire et dans la phase de jugement, il apparaît à la lecture minutieuse des textes de loi que le législateur libanais n'a pas voulu se contenter dans le domaine de nullité des textes clairs (qui reflètent les avantages de la théorie de nullité textuelle), mais qu'il a voulu adopter la théorie de nullité substantielle individuelle, à travers des textes clairs qui traitent des violations des règles substantielles procédurales survenues devant les tribunaux de première instance, les tribunaux d'appel et les chambres d'accusation. Cela reflète explicitement la volonté du législateur libanais d'adopter la théorie de la nullité substantielle individuelle outre

1706

la théorie de la nullité textuelle en principe . MM. Samir et Hayssam Aliya se basent

17071708

juridiquement sur les articles 230, 296

, et l'alinéa 2 de l'article 3061709 du Code de CPP

libanais. Nous soutenons l'avis de MM. Samir et Hayssam Aliya à ce propos. Ainsi, à travers la collecte des textes consacrés à la nullité de façon explicite dans le Code de procédure pénale libanais, et les textes relatifs au manquement des juges d'instruction et des jugements des règles substantielles, on peut dire que le Code de procédure pénale libanais appuie explicitement la théorie globale de la nullité sur la base de la théorie de la nullité textuelle et

de la théorie de la nullité substantielle 1710 . Nous avons tendance à nommer cette théorie mixte des nullités parce qu'elle englobe ces deux théories apparemment opposées.

325. La nullité textuelle en droit français. Quelles sont les causes de nullité textuelles en droit français? L'article 802 du CPP français définit la cause de nullité textuelle comme suit: «

1706 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 123.

1707 L'article 230 du CPP libanais dispose : « Lorsque la Cour d'appel annule le jugement attaqué pour non-respect de la loi ou violation des règles fondamentales de procédure, elle évoque le fond et statue sur l'affaire ».

1708 L'alinéa D de l'article 296 du CPP libanais dispose : « Les jugements rendus par les cours criminelles sont susceptibles de cassation sur la base de l'un des moyens suivants : omission de la procédure prévue sous sanction de nullité ou violation des règles fondamentales de conduite des débats ».

1709 L'alinéa 2 de l'article 306 du CPP libanais dispose : « Exception faite du cas des décisions rendues par des formations composées de manière non conforme à la loi, et des décisions relatives à la compétence et à l'extinction de l'action publique pour des raisons de prescription, d'amnistie ou d'exception d'agir en justice pour la force de l'autorité de la chose jugée, les pourvois formés contre des décisions définitives de la chambre d'accusation ne sont recevables qu'à condition qu'il existe une différence entre la qualification juridique donnée aux faits par le juge d'instruction et celle donnée par la chambre d'accusation, et qu'ils soient formés sur la base d'un des moyens suivants : 2. Omission de la procédure prévue sous sanction de nullité ou violation des règles fondamentales d'instruction».

1710 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 123.

1711

violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité » . Il faut prendre en compte le

425

rôle important de la présence d'un grief pour prononcer la nullité en droit français: « que la nullité soit textuelle ou substantielle, son régime est identique : elle est subordonnée à la

. La

1712

preuve d'un grief, sauf si les juges estiment que la règle violée est d'ordre public »

notion de grief en matière de nullité n'est pas claire et certains points d'obscurité existent: « il est difficile de donner à la notion de grief un contenu tangible et elle se confond souvent avec

la gravité de l'irrégularité en cause »

1713

. La nullité textuelle est expressément prévue par un texte, principalement par le Code de procédure pénale. En droit français 1714 , il y a très peu de

nullités textuelles dans le Code de procédure pénale 1715 . Il s'agit de dispositions techniques dont certaines sont inspirées par le respect de la liberté individuelle ou encore de l'intimité de

la vie privée 1716 . L'article 76 du CPP français constitue la pierre angulaire des cas de nullités textuelles 1717 : « l'article 76 du Code de procédure pénale, complété par un alinéa prévoyant

1711 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 82, p. 62.

1712 M. Guerrin, « Nullités de procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre 2005, n° 30, p. 6. 1713 M. Guerrin, « Nullités de procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre 2005, n° 16, p. 4.

1714 V. sur les nullités en droit pénal français: F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 80, p. 61 : « Le Code de procédure pénale ne réserve que quelques dispositions aux nullités de procédure: essentiellement les articles 802 et 170 et suivants. Alors que l'article 802 est général à la théorie des nullités, les articles 170 et suivants sont particuliers aux nullités soulevées au cours de l'instruction ».

1715 V. sur les nullités textuelles en droit français: H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1213, p. 582 : « Les nullités textuelles, rares dans notre matière comme dans l'ensemble de la procédure pénale ... » ; H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 330, p. 143: « Il ne reste donc de nullités textuelles que celles qui sont expressément édictées par quelques articles disséminés dans le Code de procédure pénale : articles 59, étendant la nullité aux articles 56, 56-1, 57, 95 et 96, 706-24, 706-24-1, 706-28 et 706-35 en matière de perquisitions et de saisies, 78-3, dernier alinéa, en matière de rétention en vue de vérification d'identité, 100-7, en matière d'interceptions téléphoniques. Il faut y ajouter, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000, l'article 80-1 tendant à restreindre les mises en examen. La loi du 9 mars 2004 y a aussi ajouté les articles 706-81 et 706-83 en matière d'infiltrations et 706-92 et 706-93 en matière de perquisitions ».

1716 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 403, p. 394.

1717 L'article 76 du CPP français dispose: « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du Code pénal ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu. Cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès verbal ainsi que de son assentiment. Les dispositions prévues par les articles 56 et 59 (premier alinéa) du présent Code sont applicables. Si les nécessités de l'enquête relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans l'exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l' article 131-21 du Code pénal le justifie, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. A peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention précise la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent être effectuées ; cette décision est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations

dans certains cas, en enquête préliminaire, la possibilité de procéder à une perquisition sans l'assentiment de l'intéressé, mais avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention, crée deux nullités textuelles : la première sanctionne expressément le défaut de motivation de la décision du magistrat, la seconde les détournements de procédure si c'est, en réalité, une autre infraction que celle mentionnée dans la décision du juge que les enquêteurs avaient

pour objectif de constater »

1718

. Il existe encore d'autres cas de nullité textuelle qui ont été

426

introduits par le législateur français en 2004 qui a institué de nouvelles nullités textuelles, pour la plupart applicables à la criminalité organisée. En matière d'infiltration, les articles

706-81 du CPP français

17191720 1721

, 706-83et 706-92

1722

et 706-93

du CPP français imposent la

sanction de la nullité en cas de détournement de procédure. L'article 706-95 prévoit que la nullité textuelle de l'article 100-7 est étendue aux écoutes téléphoniques, désormais exceptionnellement autorisées au stade de l'enquête. L'article 495-14 du CPP français prescrit à peine de nullité la rédaction d'un procès-verbal en matière de comparution sur

reconnaissance préalable de culpabilité 1723 . Dans les nullités textuelles, comme le souligne M.

sont nécessaires. Les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou la saisie des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du Code pénal. Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ».

1718 M. Guerrin, « Nullités de procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre 2005, n° 29, p. 6.

1719 L'article 707-81 du CPP français dispose : « L'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. L'officier ou l'agent de police judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés à l'article 706-82. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions ».

1720 L'article 706-83 du CPP français dispose: « A peine de nullité, l'autorisation donnée en application de l'article 706-81 est délivrée par écrit et doit être spécialement motivée ».

1721 L'article 706-92 du CPP français dispose: «A peine de nullité, les autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-91 sont données pour des perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites ; cette ordonnance, qui n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales ».

1722 L'article 706-93 du CPP français dispose: «Les opérations prévues aux articles 706-89 à 706-91 ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction. Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidents ».

1723 L'article 495-14 du CPP français dispose : « A peine de nullité de la procédure, il est dressé procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13. Lorsque la personne n'a pas accepté la ou

Henri Angevin « il ne faudrait toutefois pas croire que la méconnaissance de l'une des

1724

dispositions précitées oblige le juge à prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché »

.

427

C. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité substantielle.

326. La nullité substantielle, une théorie instituée par la doctrine et la jurisprudence française. Selon M. Henri Angevin « ni la loi ni la jurisprudence ne donnent de définition des nullités substantielles. On s'accorde généralement à considérer comme telles, ce qui est bien vague, celles qui, bien que non expressément édictées par un texte (c'est pourquoi on les

.

1725

qualifie aussi de virtuelles), sanctionnent l'inobservation d'une formalité substantielle »

La délimitation des cas de nullité par le législateur a eu pour effet d'empêcher de prononcer la nullité de certaines irrégularités de procédures au cours de l'enquête qui auraient mérité

l'annulation, mais qui ne faisaient pas partie des cas prévus par la loi. 1726 . C'est cela qui a incité la doctrine et la jurisprudence française à chercher un moyen de couvrir l'ensemble des cas de nullité qui pourraient toucher les procédures pénales. C'est ce qui a donné lieu à l'apparition de la théorie de nullité substantielle. La nullité substantielle est une nullité adoptée par la jurisprudence en tant que sanction résultant des violations dangereuses des procédures, en dépit du fait que la loi ne l'a pas mentionnée explicitement. Les atteintes aux règles procédurales résultent soit de la négligence ou de la violation des formes essentielles et substantielles, soit de l'exercice des droits de l'action publique, ou de l'exercice des droits de défense. Contrairement à la nullité textuelle, la nullité substantielle se caractérise par l'attribution du pouvoir discrétionnaire au juge dans la décision de la nullité, de statuer, même si la loi ne la mentionne pas explicitement, en cas de violation d'une règle ou substantielle

1727.

dans les procédures

les peines proposées ou lorsque le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, le procès-verbal ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure ».

1724 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 330, p. 143. 1725 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p. 143.

1726 V. sur les nullités substantielles : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 781, p. 715 : « Mais le second a pour lui l'avantage à la fois de pallier les lacunes éventuelles d'une liste légale des nullités indispensables et surtout d'apporter une grande souplesse en une matière où, très souvent, il n'y aurait que des inconvénients à annuler des actes porteurs d'irrégularités n'ayant fait grief à personne. ».

1727 V. J.-C. Soyer, Droit pénal et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., 2012, n° 876, p. 386 : « Dans d'autres cas, le texte ne prévoit pas de nullité, mais les exigences qu'il énonce paraissent essentielles, c'est-à-dire d'une importance telle que leur irrespect n'est pas acceptable. On parle alors de nullités virtuelles, ou plus

327. Théorie de la nullité substantielle. Conformément à cette théorie, M. Raouf Obayd affirme que la décision de nullité d'une procédure donnée ne dépend pas forcément d'un texte de loi qui décide sa nullité, mais que le juge a le pouvoir discrétionnaire de décider la nullité de la procédure défaillante ou illégale si elle porte sur le non-respect ou l'inobservance de règles substantielles, plus particulièrement sur tout ce qui concerne l'atteinte à la liberté individuelle et la violation des droits de défense. Elle est également dite la nullité essentielle

ou individuelle par la doctrine arabe

1728

. En outre, elle est appelée par M. Sulaiman

428

Abdelmoniim la nullité menaçante, car elle constitue un outil de menace utilisé par le juge en vue de respecter les formalités prévues et les règles des procédures. La nullité, au sens de cette théorie de nullité, est sélective: les règles procédurales n'ont pas toutes le même degré d'importance. Elle distingue plutôt d'une part, entre ce qui est substantiel et nécessite que la jurisprudence statue par la nullité, et d'autre part, entre ce qui n'est pas substantiel et dont la jurisprudence s'abstient alors de statuer la nullité 1729 . Cette théorie de nullité substantielle s'articule autour du fait qu'il n'est pas toujours indispensable ou nécessaire, pour décider la nullité, que le texte la cite explicitement. Donc, les juges peuvent décider la nullité lors d'une violation ou de l'inobservation des règles procédurales substantielles outre les cas stipulés explicitement par le législateur. Ce principe vise à la reconnaissance au juge, par le législateur, du pouvoir discrétionnaire dans la détermination des règles dont la violation nécessite la nullité, et sa distinction des autres règles dont la violation ne nécessite pas la nullité. Le législateur établit une norme abstraite sur laquelle le juge peut se baser dans cette distinction. Cependant, l'application de cette norme exige un critère permettant au juge de détecter soigneusement la règle substantielle, et sur la base duquel il peut distinguer entre la règle substantielle et la règle non substantielle. Un tel critère doit être objectif vu la

1730

divergence des avis de la doctrine et les solutions juridiques . La théorie de la nullité substantielle se caractérise par la flexibilité et la mesure de la sanction sur la base de l'importance de la règle et l'ampleur de la violation et la reconnaissance du pouvoir

évocatoirement de nullités substantielles. Leur existence est consacrée par un texte général (art. 171 CPP). Les causes de nullité sont donc nombreuses. Néanmoins, la nullité ne s'ensuit qu'assez rarement. Cela tient à sa mise en oeuvre. ».

1728 V. en langue arabe : R. Obayd, Problèmes scientifiques importants dans les procédures pénales, Dar Al-Fikir Al-Arabi (Maison de la pensée arabe), le Caire (Egypte), 1973, p. 365.

1729 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, p. 49.

1730 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1988, n° 372, p. 339.

discrétionnaire, ce qui constitue une preuve de confiance en la jurisprudence. Quant à la faille de cette théorie, il s'agit de la difficulté de distinction entre les règles substantielles et les

1731

règles non substantielles

. Dans la doctrine française, M. Édouard Verny souligne que « la

reconnaissance des cas de nullité conduit à distinguer les nullités textuelles d'une part qui sont par définition prévues expressément par la loi et les nullités substantielles d'autre part

1732

. M.

dont le principe est consacré par la loi et qui sont dégagées par la jurisprudence »

Édouard Verny constate que parmi les caractéristiques de la théorie de nullités substantielles se trouve « la possibilité offerte au juge de sanctionner des irrégularités graves par une nullité qui n'est pourtant pas en l'occurrence expressément prévue par la loi apporte en la

matière une certaine souplesse »

1733

. À son tour, M. Étienne Vergès trouve que

traditionnellement on a recours à la distinction entre nullités textuelles et substantielles « on distingue traditionnellement les nullités textuelles, qui sont prévus par un texte spécial, et les nullités substantielles, qui ne sont pas prévues par un texte, mais sanctionnent la violation

1734

.

d'une formalité substantielle de la procédure »

328. Causes de nullité substantielles ou virtuelles en droit français. M. Édouard Verny souligne que « les nullités substantielles, dites aussi virtuelles, sont annoncées par l'article

171 du Code de procédure pénale ...»

1735

. Pour savoir ce qu'est une nullité substantielle ou

429

virtuelle, il faut faire application à la fois de l'article 802 du Code de procédure pénale, qui décrit cette nullité comme l'inobservation des formalités substantielles, et de l'article 171 du même Code, qui précise que lesdites formalités doivent être « prévues par une disposition du présent Code ou toute autre disposition de procédure pénale ». On ne retrouve nulle part dans le Code de procédure pénale d'exemple formel de nullités substantielles, comme c'est le cas pour les nullités textuelles 1736 . On doit donc examiner les formalités, qu'elles soient prévues par le Code de procédure pénale ou par toute autre disposition de procédure pénale, et tenter

1731 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 372, p.339.

1732 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 380, p. 216. 1733 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 382, pp. 216-217. 1734 É. Vergès, Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007, n° 401, p. 253. 1735 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 382, p. 216.

1736 V. M. Guerrin, « Les principales causes de nullité de l'audience pénale », in AJ Pénal, 2008, p. 181 : « la règle violée à l'audience est généralement qualifiée par la Cour de cassation de substantielle - ou d'ordre public - sans qu'il soit besoin de démontrer un grief subi par les parties » et « c'est le juge qui analyse la règle violée et décide, selon l'atteinte portée d'une part, selon le caractère substantiel ou non de la règle d'autre part, s'il faut annuler ou valider la procédure ».

de rechercher leur caractère substantiel ou fondamental

1737

. M. Édouard Verny résume les

conditions requises en droit français pour entraîner la nullité « pour qu'une irrégularité entraîne la nullité de l'acte, il faut d'une part qu'elle corresponde à une hypothèse de nullité et d'autre part qu'elle fasse grief à celui qui l'invoque ou encore qu'elle relève de l'ordre

1738

public ».

329. Position du législateur libanais vis-à-vis des théories de nullité substantielle. Bien que le législateur libanais ait prévu la sanction de nullité en cas de transgression de certaines règles procédurales et ait exclu la nullité pour les autres cas, il ne s'est pas prononcé sur sa position dans certains autres cas, dont la formule utilisée comporte l'importance d'accomplir la procédure requise, ou l'abstention d'accomplir une certaine procédure, ou la détermination d'un délai minimal ou maximal pour accomplir la procédure. Il faut s'interroger sur l'impact de ce fait sur la procédure, par rapport à sa nullité. Parmi les expressions révélatrices de ce fait, on peut remarquer que le législateur libanais utilise les termes « il faut » mentionné dans les articles 42, 27, 35 et 107 alinéa 2,131 et 194 du CPP libanais. Le législateur libanais utilise le terme « doit » qui porte en principe le sens de « la personne doit » dans les articles 8, 16,

28, 31, 32, 36 et 37 du CPP libanais

1739

. Parmi les exemples révélateurs de l'abstention d'un

acte, les termes « ne s'applique pas » dans l'article 20, les termes « n'est pas accepté » dans l'article 27, les termes « il n'a pas le droit » dans les articles 34 alinéa 4 et 44 alinéa 2 et 50 alinéa 2 et 100 et 305, et les termes « il n'est pas permis » dans les articles 33 alinéa 5 et 52 et 84 alinéa 2 et 102 alinéa 3, 108 et 152 dernier alinéa et 213, 219, 243 E alinéa 3 du CPP libanais. Parmi les exemples des délais minimum et maximum dont la sanction due à son inobservation, on cite les articles 32 alinéa 2, 42 et 47 alinéa 3 clause 4, 69 et 78, alinéa 2, 82, alinéa 2, 83, 86 alinéa 3, 107, 108, 121 alinéa 1, 136, 149, 152 alinéa 2, 156 alinéa 2, 157,

244, 272 alinéa 2 du CPP libanais

1740

. M. Samir Aliya estime qu'en dépit du silence du

430

législateur libanais quant à la nullité ou la non nullité comme sanction procédurale dans les cas cités et qui n'ont fait l'objet d'aucune mention dans le Code de procédure pénale libanais,

1737 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 83, p. 62 : « Contrairement à ce qui est le cas pour les nullités textuelles, aucune disposition du Code de procédure pénale ne donne donc d'exemple formel de ces nullités substantielles. Pour les formalités prévues au Code de procédure pénale, il faut donc s'interroger, matériellement, sur leur caractère substantiel, c'est-à-dire fondamental. ».

1738 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 379, p. 216.

1739 S. Alye et H. Alye, La théorie générale de la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 128.

1740 S. Alye et H. Alye, La théorie générale de la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 129.

431

le législateur libanais a laissé, quand même, à la doctrine et à la jurisprudence la détermination du degré de violation de la règle substantielle qui peut entraîner la nullité, ou au contraire d'estimer qu'il s'agit d'une règle d'orientation ou directive qui n'est pas sanctionnée par la nullité. M. Samir Alya s'appuie dans son avis sur le fait que le législateur libanais a adopté la théorie de la nullité globale de la théorie de nullité textuelle avec la nullité substantielle. Lorsque la loi prévoit clairement la nullité, elle doit être appliquée, mais en cas de silence quant à la sanction, il faut s'en remettre à l'appréciation de la doctrine et la jurisprudence pour

1741

.

savoir si la règle procédurale qui a été enfreinte, était de nature substantielle ou directive

La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a statué que dès que la règle procédurale est substantielle, sa violation conduit à sa nullité, même si le texte du Code de procédure pénale ne le précise pas, puisque le critère consiste en la nature de la procédure et

1742

son rapport aux règles substantielles . Comment déterminer si la règle est substantielle ? Selon Mme Fawzi Abdel-Sattar, la règle procédurale est substantielle si son but consiste à atteindre un intérêt général ou l'intérêt de l'une des parties dans le procès pénal, ou si elle se rapporte aux droits de défense et aux libertés des individus. Au contraire, la règle n'est pas considérée comme substantielle si son but consiste à orienter ou guider les instances chargées de l'investigation, la poursuite, l'enquête et le procès vu la nécessité d'organiser le

1743

.

fonctionnement de la justice procédurale

330. Les critères de nullité substantielle. La problématique posée ici est : quelles sont les dispositions substantielles dont la violation exige la nullité ? La réponse n'est pas du tout simple, mais plutôt très délicate. Effectivement, il existe de nombreuses normes préconisées par la doctrine pénale, mais elles ne sont pas toutes rigoureuses. Pour décider la nullité, on a besoin d'une norme rigoureuse afin d'ancrer les droits et les garanties substantielles et sans donner au juge un trop grand pouvoir. En somme, il n'existe pas de norme, ni critère rigoureux pour déterminer les critères de nullité substantielle. Cependant, la doctrine a tenté d'établir des normes ou critères pour déterminer des procédures substantielles. Mais quel est le critère permettant de distinguer la règle substantielle de la règle non substantielle ? Autrement dit, quel est le critère de distinction entre les procédures substantielles, dont la violation conduit à la décision de sa nullité et les procédures non substantielles, dont la

1741 S. Alye et H. Alye, La théorie générale de la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 129.

1742 Cassation pénale libanaise n° 48, datée du 9/03/1953, et l'ordonnance n° 52 du 12/03/1953 et l'ordonnance n°135 du 11/05/1953, encyclopédie de Samir Aliya/jurisprudence de la Cour de cassation, n° 306, p. 85.

1743 F. Abdel-Sattar, Interprétation du Code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975, n° 35, p. 34.

432

violation n'a aucun effet ? La doctrine a établi trois normes ou critères de distinction entre les règles substantielles et non substantielles.

331. Premièrement : la norme du but derrière l'acte procédural. Il s'agit là du fait que si le but derrière l'acte n'est pas atteint, cet acte est alors nul et n'a pas d'effet juridique. Et si le but de l'acte est atteint, il sera alors juste et produira des effets juridiques. En d'autres termes, la nullité affecte toute procédure dont le but n'a pas été atteint. Or, il n'y a pas de nullité en cas de procédures qui ne visent pas à atteindre un objectif, telles que les procédures organisationnelles ou ordinatrices qui visent à servir d'autres procédures plus importantes et suprêmes.

332. Deuxièmement : la norme d'intérêt général. La règle procédurale, selon cette norme, est substantielle si elle se rapporte à l'intérêt général, ou si elle assure le bon fonctionnement du système juridique. Les règles procédurales relatives à l'intérêt général ou d'ordre public sont: 1-Les règles qui assurent les garanties de liberté individuelle de l'accusé se basant sur le principe selon lequel l'accusé est présumé innocent, le principe de la présomption d'innocence. 2-Les règles relatives à la supervision de l'autorité judiciaire sur les procédures pénales visant au respect de la liberté individuelle de l'accusé, parce que ces règles revêtent la qualité d'autorité judiciaire sur le système procédural.

333. Troisièmement : la norme des droits de défense. Toute violation d'une règle

1744

procédurale qui protège les droits de défense doit être sanctionnée par la nullité. Donc, la nullité est imposée à toute procédure qui porte atteinte à l'un des droits de défense ou constitue un affaiblissement des droits de la défense. En général, les normes précédentes sont intégrées à l'ensemble quant à la décision de la nullité d'un acte procédural parce qu'il n'est pas possible d'adopter une norme parmi celles-ci et la considérer seule suffisante pour ancrer la théorie la nullité. Il convient de signaler que ces normes interfèrent entre elles, c'est-à-dire que la règle procédurale peut exprimer dans ses dispositions ces trois normes à la foi. D'autre part, ces normes ne semblent pas rigoureuses et absolues, car il n'y a pas de détermination législative y afférente, la doctrine et la jurisprudence ne sont pas parvenues à lui trouver une

1744 V. sur ce point : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 782, p. 716 : « Sur la base de l'ancienne jurisprudence et de ces textes, on distingue aujourd'hui deux sortes de nullités substantielles : 1° celles qui tiennent à la méconnaissance des principes touchant à l'ordre public et qui doivent être relevées même s'il n'y a pas atteinte aux droits de la défense ; 2° celles qui portent atteinte aux droits de la défense. Le nouvel article 171 ne paraît rien changer sur ce plan. ».

433

définition ou détermination globale exhaustive par rapport à l'ordre public ou aux droits de défense.

334. Les avantages de la théorie de la nullité substantielle. Cette théorie se caractérise par sa flexibilité, en ne déterminant pas les causes de nullité à l'avance. C'est au juge d'évaluer le rapport entre l'ampleur de la violation et l'intérêt général au lieu qu'il soit mesuré en fonction de textes figés qui ne permettraient peut-être pas l'annulation de certaines procédures pourtant entachées de faille grave, mais qui ne sont pas mentionnées dans la loi1745 . Elle assure donc la protection suffisante des règles procédurales en laissant à la jurisprudence la liberté d'apprécier l'opportunité de la nullité. Elle a également pour effet d'empêcher que des coupables échappent à la sanction uniquement parce que la violation de la procédure ne concernerait pas une règle de procédure substantielle et ne puisse par conséquent pas être

1746

sanctionnée par une annulation.

335. Les inconvénients de la théorie de nullité substantielle. En général, les dangers de cette théorie consistent en sa flexibilité excessive, car il n'est pas souhaitable de laisser la décision du sort d'un acte procédural dont pourrait dépendre le résultat du procès à l'appréciation absolue du juge et à sa volonté seule sans aucun critère stable et objectif. Le fait de laisser la détermination des cas de nullité au juge amène la situation à l'incertitude, par conséquent, sa violation à la garantie substantielle dans l'une des actions devient relative, et dans d'autres cas, devient sans effet. Si la sanction procédurale est incertaine, cela porte atteinte au principe de légalité qui impose la certitude. Cela porte également atteinte au principe d'égalité entre les parties dans le procès, puisque la nullité peut profiter à certains et pas à d'autres dans des conditions de fait semblables, ce qui fait reposer une lourde

. De

1747

responsabilité sur les épaules de la Cour de cassation pour contrôler les cas de nullités

même, en droit français, cette théorie présente les mêmes inconvénients parce que « les

1745 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., Maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p. 536.

1746 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, p. 49.

1747 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., Maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p. 536.

nullités substantielles ne sont pas définies par le Code ou par la jurisprudence. C'est donc la

1748.

Cour de cassation qui les relève au fil des arrêts »

§ 2. Les règles variables de l'exclusion de la preuve illégale en fonction de la détermination de la nature de nullité.

336. Les types de nullité. Des divisions multiples ont été données à la nullité, mais celle-là plus importante selon la jurisprudence et la doctrine reste la répartition de la nullité entre une nullité absolue ou liée à l'ordre public, et une nullité relative ou liée aux intérêts des

parties 1749 . D'ailleurs, la question de la distinction entre les deux types de nullité reste d'une grande importance, en raison de la modification des dispositions et des effets de chaque type

de nullité conformément au changement de la description qui lui est attribuée

1750

. Cette

434

division a une importance essentielle dans le domaine pratique en raison de ses conséquences dans le procès pénal en termes de résultats et d'effets.

A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité absolue.

337. Notion de nullité absolue ou d'ordre public. En France, la nullité substantielle d'ordre public trouve sa source dans la jurisprudence, elle est la conséquence d'une consécration

1751

jurisprudentielle. En droit français, les nullités d'ordre public se divisent en deux

1748 É. Vergès, Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007, n° 401, p. 253.

1749 V. J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec. n° 6 : « La caractéristique essentielle de ces nullités d'ordre public est leur automaticité : lorsque le juge constate la violation d'une règle qu'il estime être d'ordre public, il annule immédiatement et sans autre considération l'acte vicié. L'examen de la jurisprudence montre que ces nullités correspondent à des règles d'intérêt général, concernant la bonne marche de la justice ».

1750 V. sur la distinction entre nullités d'ordre public et nullités d'intérêt privé en droit français: M. Guerrin, « Les changements opérés par la loi relative à la présomption d'innocence sur les nullités de procédure dans la phase préalable au jugement pénal », in R.S.C., 2000, p. 753 : « Aussi bien, à côté des nullités d'ordre public avec présomption irréfragable de grief qui ne recouvrent en pratique que la méconnaissance des règles de compétence, on trouve des nullités d'intérêt privé qui regroupent les nullités textuelles pour lesquelles la preuve du grief est nécessaire, les nullités substantielles avec grief et, pour finir, les nullités substantielles avec présomption simple de grief, pour lesquelles le demandeur n'a pas à prouver le préjudice par lui subi, dans la mesure où la haute juridiction considère que la violation porte « nécessairement » atteinte aux intérêts du requérant. C'est là, par exemple, le contentieux de l'authentification des actes de procédure, de la notification de ses droits au gardé à vue ou des mises en examen tardives ».

1751 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64 : « la source de ces nullités d'ordre public est jurisprudentielle. ».

catégories « par nullité d'ordre public, la jurisprudence entend d'une part les nullités d'ordre public au sens strict, d'autre part les nullités assimilées aux nullités d'ordre public. Les nullités d'ordre public au sens strict ont trait aux violations des dispositions concernant la compétence des juridictions, leur organisation et composition, les formes et délais des voies

de recours, notamment »

1752

et « dans la catégorie des nullités assimilées aux nullités d'ordre

public, on range les garanties de procédure dont la violation cause une atteinte aux droits de

la défense »

1753

. Selon la doctrine libanaise et arabe, il s'agit de la nullité liée à l'ordre public.

435

En effet, c'est une décision prise non seulement en tant que pénalité pour la violation d'une règle procédurale fondamentale ou substantielle, mais également en tant que sanction pour la violation d'une règle procédurale substantielle liée à l'ordre public1754, ou en d'autres termes une règle qui vise à réaliser l'intérêt général bien qu'elle conduise à la réalisation des intérêts des justiciables1755. La doctrine libanaise et arabe utilise le terme de la nullité absolue dans le cas où cette nullité est attachée à l'ordre public ; tandis que dans le cas où elle s'attache aux intérêts des justiciables eux-mêmes, elle est considérée et nommée en tant qu'une nullité relative. Le terme nullité absolue signifie que cette nullité n'accepte pas de correction, il incombe donc au tribunal de la juger de lui-même c'est-à-dire d'office, même sans la demande des justiciables. Cela signifie également que ces derniers peuvent la soulever à n'importe quelle étape de la procédure, même pour la première fois devant la Cour de

1756

cassation.

338. Les caractéristiques de la nullité absolue. La nullité absolue peut être invoquée par toute partie intéressée. En plus, le tribunal compétent doit de lui-même invoquer ou soulever d'office la nullité. En outre, il est permis de soulever la nullité absolue dans n'importe quelle étape du procès, même pour la première fois devant la Cour de cassation. Également, le tribunal peut juger la nullité absolue de lui-même c'est-à-dire le juge peut prononcer d'office la nullité, même si les parties au procès ne l'ont pas demandée. La nullité absolue peut également être demandée même en l'absence d'intérêt. Enfin, la nullité absolue n'accepte pas la correction avec l'accord explicite ou implicite du justiciable. En droit français,

1752 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64. 1753 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64.

1754 V. en langue arabe : J. Sarwat, Procédure pénale, Maison de la nouvelle université, Alexandria, (Egypte), 2003, p. 528.

1755 V. en langue arabe : F. Abdel-Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1991-1992, p. 48.

1756 V. en langue arabe : O. Saiid Ramadan, Les principes de la procédure pénale, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1993, p. 43.

1757

l'exigence d'un grief n'est indispensable pour prononcer la nullité« la loi subordonne en outre le prononcé de la nullité à l'existence d'un grief pour celui qui dénonce l'irrégularité. Cette exigence correspond aux nullités d'ordre privé tandis que le grief n'a pas à être

1758

.

démontré lorsque l'irrégularité est telle que la nullité devient d'ordre public »

339. La nullité absolue et la nullité liée à l'ordre public. En droit français, on ne trouve pas un texte dans la loi qui présente une définition de la nullité d'ordre public, parce que « la notion même est le résultat d'une construction jurisprudentielle dont il est malaisé de dégager

des critères objectifs »

1759

. La juriprudence de la chambre criminelle de la Cour de Cassation

française ne propose pas non plus de définition précise de la notion de nullité d'ordre public parce que « peu nombreux sont les arrêts qui s'y réfèrent explicitement. La plupart ne le font

1760

qu'implicitement, soit en écartant expressément l'application de l'article 802, soit en

relevant d'office la nullité

1761

, soit encore, et c'est le cas le plus fréquent, en la prononçant

436

sans caractériser l'atteinte aux intérêts de la partie concernée, ce qui permet d'en déduire

1762

que la nullité a été estimée d'ordre public ». Certains interprètes du droit considérant que la nullité absolue est un type de nullité ont choisi de la fonder sur l'idée d'ordre public. En effet, la nullité absolue et la nullité liée à l'ordre public s'expliquent mutuellement en raison leurs conséquences face à la violation des règles et des procédures liées à l'ordre public que le

1757 V. M. Guerrin, « Les principales causes de nullité de l'audience pénale », in AJ Pénal, 2008, p. 181 : « la Chambre criminelle ne distingue plus selon que la nullité est textuelle ou substantielle, mais selon qu'elle est d'ordre public ou d'intérêt privé, ne sanctionnant dans ce dernier cas que lorsque l'irrégularité a porté atteinte aux droits de la défense, conformément à l'article 802 du code de procédure pénale ».

1758 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 383, p. 217.

1759 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, pp. 144-145.

1760 V. Cass crim., 27 septembre 1984., B.C., n° 275: « La seule circonstance que l'inculpé est détenu ne constitue pas une impossibilité d'assister à une perquisition opérée à son domicile alors que cette présence est prescrite par l'article 95 du Code de procédure pénale et que ce n'est qu'en cas d'impossibilité que les dispositions subsidiaires prévues par l'alinéa 2 de l'article 57 du même code peuvent être appliquées. La nullité encourue porte atteinte aux intérêts de l'inculpé et l'article 802 dudit Code lui est étranger » ; V. Cass crim., 14 octobre 2003, B.C., n° 187, p. 773: « Les dispositions de l'article 77-1 du Code de procédure pénale sont édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, leur méconnaissance est constitutive d'une nullité à laquelle les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale sont étrangères ».

1761 V. Cass. crim., 23 juin 1987, B.C., n° 260, p. 705: « Ne sont pas conformes aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, la plainte avec constitution de partie civile et le réquisitoire introductif qui ne qualifient pas précisément les faits incriminés et qui ne visent pas le texte de loi applicable à cette qualification Il n'importe que l'arrêt attaqué ait retenu à l'encontre de l'inculpé le délit de diffamation publique prévu et réprimé par les articles 23, 29 et 32 de la loi sur la liberté de la presse ; la chambre d'accusation n'avait d'autre pouvoir que de constater la nullité de la plainte, du réquisitoire et celle des actes subséquents laquelle nullité, étant d'ordre public, doit être soulevée d'office, tant par les juges que par la Cour de cassation ».

1762 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145.

1763

législateur a prescrites dans le but de protéger l'intérêt public. Cependant, les intérêts publics et les intérêts particuliers sont en symbiose dans le cadre de l'ordre des procédures pénales, et par conséquent il n'est pas possible de considérer que l'ordre public n'est pas en relation avec la nullité que le législateur a prescrite pour l'intérêt particulier, ou encore

négliger l'intérêt particulier en parlant de l'intérêt public

1764

. En effet, la protection de l'ordre

437

public peut être atteinte grâce à la protection des intérêts particuliers, étant donné que la nullité absolue n'accepte pas la correction, et qu'il n'est pas nécessaire d'émettre un jugement d'annulation d'un travail procédural invalide d'une nullité absolue, du fait que ce travail n'a pas d'existence réglementaire malgré son existence matérielle. Quant à la distinction de la nullité en nullité absolue ou relative, elle est courante dans le cadre du droit civil. En outre, l'application de cette division dans le cadre de l'ordre procédural conduit à des résultats qui n'ont aucun lien avec l'idée de la nullité du travail procédural. Autrement dit, la nullité absolue signifie la nullité du travail lui-même. Par contre, le jugement du juge par la nullité

.

1765

vise essentiellement à révéler et à rapporter le vice qu'a encouru la procédure

340. La norme de la distinction de la nullité absolue. Selon M. Henri Angevin « si l'on tente de la définir (nullité d'ordre public) par son contraire, la nullité d'ordre privé étant cette qui a été instituée pour protéger l'intérêt particulier d'une partie, laquelle peut renoncer à son prévaloir (art 172 CPP français), la nullité d'ordre public sanctionne la violation d'un règle procédurale imposée dans l'intérêt général, dans celui d'une bonne administration de la justice . Nul ne peut y renoncer et celle doit être prononcée d'office comme le commande

.

17661767

l'article 206 (CPP français) ». La nullité absolue est la nullité liée à l'ordre public

1763 V. en langue arabe : E. Ghali Dahabi, Procédure pénale dans la législation égyptienne, 2e éd., Librairie Gharib, 1990, Le Caire (Égypte), p. 777 ; F. Abdel-Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1986, p. 35.

1764 V. critique sur la distinction entre l'ordre public et l'intérêt privé en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 10 : « Le système gouvernant les nullités de l'information conduit à un paradoxe : les autorités en charge de faire respecter la loi peuvent impunément la violer en raison de la distinction artificielle opérée entre l'ordre public et l'intérêt privé ».

1765 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, pp. 90-92.

1766 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145 ; V. sur la nullité d'ordre public qui sanctionne la violation d'un règle procédurale imposée pour une bonne administration de la justice : Cass. crim., 14 octobre 2003, B.C., n° 187, p. 773: « Les dispositions de l'article 77-1 du Code de procédure pénale sont édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, leur méconnaissance est constitutive d'une nullité à laquelle les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale sont étrangères ».

Certains juristes ont déduit une norme pour la distinction entre la nullité relative et la nullité absolue. En effet, la norme qui permet cette distinction se base sur le type d'intérêt que

protège la règle procédurale

1768

. Si l'intérêt est public, la nullité résultant de sa violation est

438

donc absolue. Par contre, si l'intérêt est particulier, la nullité résultant de sa violation est donc relative. D'un autre côté, et d'après l'avis de M. Mahmoud Najib Hosni, cette norme « reste à étudier », étant donné que l'intérêt public et celui des justiciables sont souvent en symbiose dans les procédures pénales. Autrement dit, les règles indiquées en tant qu'exemples clairs et solides des règles procédurales protégeant l'intérêt public, notamment les règles de la compétence spécifique et la présence d'un défenseur ou d'un avocat avec l'accusé devant le tribunal pénal, protègent en vérité en même temps l'intérêt de l'accusé d'avoir un procès équitable. En outre, les règles qui sont indiquées en tant qu'exemples qui protègent l'intérêt de l'accusé, c'est-à-dire l'intérêt particulier, tels que les règles relatives à l'interrogatoire, l'arrestation et la détention provisoire, intéressent également l'intérêt public qui est touché par la perte des droits de la défense ou l'abolition de la présomption d'innocence. M. Mahmoud Najib Housni croit que la norme réelle pour la distinction entre les deux types, absolu et relatif, de la nullité réside dans l'importance de l'intérêt que protège la règle procédurale et non pas son type, et précisant que le juge du fond est celui qui est en charge de déterminer l'importance de cette règle. En effet, la violation d'une règle qui protège l'intérêt dont le juge a déterminé l'importance a pour conséquence la nullité absolue, sans aucune distinction entre un intérêt public dans le but de l'organisation de la justice et sa bonne marche, ou un intérêt important en faveur de l'accusé ou tout autre justiciable. Généralement, il est donc considéré que les règles relatives à la formation de la magistrature, son mandat et sa compétence qualitative et spatiale, la description du déclenchement du procès, les restrictions de ce déclenchement, les cas de la non-compétence du juge de se prononcer sur le procès, les droits fondamentaux de la défense, la présomption de l'innocence et la garantie de la dignité humaine de l'accusé sont des règles importantes, dont la violation donne lieu à nullité absolue. Enfin, il est bien clair que les règles peuvent s'attacher soit aux procédures de l'enquête

.

1769

préliminaire et de l'instruction préparatoire, soit aux procédures de la phase de jugement

1767 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 382, p. 348.

1768 V. J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec. n° 6 : « il est impossible d'établir un critère unique et fiable de qualification, de telle sorte que les juges disposent d'un très large pouvoir d'appréciation pour décider quels sont les cas de nullités d'ordre public ».

1769 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 383, pp. 348-349.

341. Notion de l'ordre public. Il n'y a pas de critère précis pour définir minutieusement les caractéristiques de l'ordre public, ou encore une limitation de ses cas. Par conséquent, la jurisprudence a un rôle important dans la définition des caractéristiques de cette nullité absolue. L'idée de l'ordre public est l'une des idées courantes dans la plupart des législations et aussi dans la plupart des branches du droit, puisqu'elle a une grande importance dans la détermination des règles de l'ordre juridique. Bien que cette idée se caractérise par l'abstraction, l'aspect public et la flexibilité, certains ont essayé de définir l'ordre public dans le cadre des procédures pénales. En effet, certains ont considéré l'ordre public comme celui qui a pour but la bonne gestion ou la bonne conduite de la justice, telle que les règles de l'organisation juridique, les règles de la compétence et les règles qui doivent être prises en compte pour réaliser le but des travaux procéduraux 1770 . D'autres ont vu que l'idée de l'ordre public fait partie des intérêts primordiaux de la société, d'où la nécessité de lui donner la priorité au détriment de l'intérêt personnel particulier en cas de contradiction et d'opposition 1771 . Quant à M. Awad Mohammed Awad, il voit que la norme déterminante du degré de liaison de la nullité avec l'ordre public est la capacité du droit protégé par la règle procédurale d'accepter la renonciation. Autrement dit, si le droit protégé ne permet pas la renonciation, la nullité est donc liée à l'ordre public, et vice versa 1772 . En droit français, M. Henri Angevin énumère les cas de nullité d'ordre public selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française : « Parmi les nullités déclarées d'ordre public, on peut citer celles qui sanctionnent la méconnaissance des règles relatives à l'organisation et à la composition des juridictions »1773. Sont aussi sanctionnés par des nullités d'ordre public les atteintes aux

« règles de compétence répressive »

1774

ainsi que « l'usage de stratagèmes portant atteinte au

1775

.

439

principe de la loyauté des preuves »

1770 V. en langue arabe : A. Mohamed Awad, Les principes généraux de la procédure pénale, Dar el matbouaat el gameya (Maison de publications universitaires), Alexandria (Egypte), 1999, p. 567.

1771 V. en langue arabe : B. Jilali, L'enquête, étude comparative théorique et pratique, 1er éd., office national des travaux éducatifs, Algérie, 1999, p. 250.

1772 V. en langue arabe : A. Mohamed Awad, Les principes généraux de la procédure pénale, Dar el matbouaat el gameya (Maison de publications universitaires), Alexandria (Egypte), 1999, p. 580.

1773 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145.

1774 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145 ; V. Cass. crim., 6 aout 1977, B.C., n° 276, p. 691 : « En matière répressive, la compétence est une question d'ordre public que toute partie a le droit de soulever » ; V. Cass. crim., 15 février 2000, B.C., n° 70, p. 193: « Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que les fautes dont les prévenus, agents du service public hospitalier, ont été déclarés responsables ne peuvent être considérées comme détachables de leurs fonctions, et alors que l'exception d'incompétence, touchant à l'ordre public, peut être opposée en tout état de la procédure, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé » ;V. Cass. crim., 6 janvier 2004, B C., n° 1, p. 1: « Lorsque la chambre de l'instruction, saisie directement d'une demande d'actes, faute par le juge

440

B. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité relative.

342. Notion de nullité relative ou nullités d'ordre privé. Selon la doctrine arabe, la notion de nullité relative signifie que le tribunal ne peut pas la juger de lui-même, mais il faut qu'elle soit soulevée par les justiciables. Il est également permis à celui pour lequel la nullité a été jugée de renoncer à son droit de la soulever. La renonciation à la présentation de la nullité peut être explicite ou implicite. En outre, il n'est pas permis que la nullité décidée en faveur des justiciables soit décidée sans l'attachement du justiciable à cette nullité devant le tribunal de première instance. En effet, il n'est pas permis de la présenter pour la première fois devant la Cour de cassation, car cela nécessite une enquête spécialisée sur le fond du sujet. La Cour de cassation est un tribunal de droit et non pas un tribunal du fond1776, elle examine en droit, mais non en fait, c'est une juridiction chargée de dire seulement le droit. Dans le cas où le justiciable évoque la nullité, le tribunal sera donc obligé de répondre à cette demande de nullité, car c'est une présentation substantielle. En l'absence de réponse, le jugement sera défectueux par manque de motivation 1777 . Il est possible de définir logiquement la nullité

d'instruction d'avoir statué dans le délai légal, ordonne un supplément d'information et délègue un juge pour y procéder, celle-ci évoque nécessairement l'affaire dans sa totalité. Encourt la censure l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse d'évoquer et de procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204 et 205 du Code de procédure pénale, alors qu'elle a décidé de prescrire l'accomplissement des actes sollicités, ordonné, à cette fin, un supplément d'information et commis un magistrat de la cour d'appel pour y procéder » ; V. Cass. crim., 6 janvier 2004, B C., n° 2, p. 4: « Lorsque la chambre de l'instruction, après infirmation d'une ordonnance du juge d'instruction, ordonne un supplément d'information et délègue un juge pour y procéder, celle-ci évoque nécessairement l'affaire dans sa totalité. Encourt la censure l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse d'évoquer et de procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204 et 205 du Code de procédure pénale, alors quelle a décidé de prescrire l'accomplissement des actes sollicités, ordonné, à cette fin, un supplément d'information et commis un magistrat de la cour d'appel pour y procéder ».

1775 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145 ; V. Cass. crim., 27 février 1996, B.C., n° 93, p. 273: « Dès lors qu'il résulte des énonciations des juges que l'interpellation d'une personne, suspectée de trafic d'influence, a procédé d'une machination de nature à déterminer ses agissements délictueux et que, par ce stratagème, qui a vicié la recherche et l'établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe de la loyauté des preuves, la chambre d'accusation est fondée à prononcer la nullité de la procédure subséquente » ; V. Cass. crim., 16 décembre 1997, B.C., n° 427, p. 1402: « Mais attendu qu'en prononçant ainsi, après avoir précédemment constaté que le policier agissait dans l'exercice de ses fonctions, et, alors que l'accord, au demeurant hypothétique, du magistrat instructeur n'était pas de nature à retirer au procédé son caractère illicite, la chambre d'accusation, qui aurait dû apprécier la validité de la transcription de l'enregistrement et des actes ou partie d'actes s'y référant au regard du principe ci-dessus énoncé, n'a pas justifié sa décision ».

1776 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 92.

1777 V. en langue arabe : R. Obayd, Les principes de la procédure pénale, 17e éd., Dar al Jill, Le Caire (Egypte), 1989, p. 437.

relative comme toute nullité qui n'est pas absolue. M. Mahmoud Najib Housni, définit la

1778

nullité relative comme la nullité qui n'est pas liée à l'ordre public

. Cependant, cette

441

définition reste limitée, ambiguë et ne décrit pas la vérité du concept de la nullité relative. En outre, certains considèrent la nullité relative comme la nullité donnée aux procédures contraires à une règle protégeant un intérêt, dont la justice estime qu'elle n'est pas assez importante pour justifier la nullité absolue. Il est préférable de considérer la nullité relative comme une nullité qui arrive à cause d'une violation d'une règle procédurale dont le but est de réaliser un intérêt fondamental pour l'une des parties du procès, sans que cet intérêt équivaille à l'importance de celui considéré d'ordre public selon le législateur. Parmi les caractéristiques de la nullité relative en comparaison avec la nullité absolue, se trouve l'obligation de soulever la nullité relative devant le tribunal ou le juge du fond, comme il n'est pas permis non plus de soulever la nullité relative pour la première fois devant la Cour de cassation. En outre, il est interdit au tribunal de l'invoquer de lui-même d'office sans la demande de l'une des parties du procès pénal de prononcer explicitement la nullité de la procédure. En outre, il n'est pas permis de soulever la demande de la nullité relative sauf de la part du justiciable qui a un intérêt direct dans l'annulation de la procédure. La nullité relative, elle, signifie que le tribunal ne peut pas la juger de lui-même, mais il faut qu'elle soit demandée par les justiciables, et il revient à celui pour lequel la nullité a été jugée de renoncer à son droit de s'en tenir. À signaler que la renonciation à la nullité relative peut être explicite ou implicite. M. Solayman Abdol Miniim affirme que comme elle doit être demandée en première instance et ne peut pas être présentée pour la première fois devant la Cour de cassation, le fait de ne pas l'invoquer en

1779

.

première instance constitue une renonciation tacite à la nullité

343. Le critère de distinction entre la nullité absolue et la nullité relative. La jurisprudence a essayé de déterminer un critère afin de distinguer entre la nullité absolue et la nullité relative. Certains ont cherché dans le type de l'intérêt et son degré d'importance, tandis que d'autres ont choisi de déterminer le concept de l'ordre public en le considérant en tant que critère distinctif entre les deux types de nullité.

344. Le critère de l'intérêt. Ce critère signifie que si la procédure vise la protection de l'intérêt particulier des parties du procès pénal, la procédure est donc substantielle. Quant aux

1778 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 385, p. 350.

1779 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 92.

442

procédures qui visent seulement à guider et à diriger la bonne organisation du déroulement du dossier pénal, elles ne sont pas considérées comme indispensables. Une partie de la jurisprudence a choisi de déterminer le type de nullité qui suit la règle procédurale violée selon le type d'intérêt protégé ou voulu par cette règle. En d'autres termes, si cet intérêt est particulier, la nullité qui émane de sa violation est une nullité relative, et reste à la justice le pouvoir d'évaluer si la procédure fondamentale contraire influe sur l'intérêt particulier des parties du procès pénal. Par conséquent, il émane du préjudice qui a touché à cet intérêt une nullité relative. Cette partie de la doctrine a cherché à se concentrer sur le type de l'intérêt alors qu'une autre partie de la doctrine considère que cela n'est pas un critère déterminant pour la distinction entre les deux nullités, mais plutôt pour l'importance de l'intérêt protégé. En effet, la nullité absolue provient de la violation de toute règle procédurale que le juge considère viser un intérêt important, sans prendre en compte que cet intérêt soit public (tels que les restrictions du déclenchement du procès pénal et les cas de non-compétence du juge de prononcer sur le procès) ou que cet intérêt particulier important est relatif à l'accusé ou à l'un des justiciables (tels que le droit de défense ou la présomption de l'innocence). Par conséquent, tous les autres intérêts dont le juge estime que leur importance ne se compare pas avec les intérêts publics et particuliers précédents, la violation des règles qui décident ces intérêts ne provoque que la nullité relative. Il est donc clair que cette partie ne distingue pas entre l'intérêt lié à l'individu ou à la société, mais plutôt au degré d'importance de cet intérêt. En effet, quand l'importance est grande, la nullité est absolue. Par contre, si cette importance est minime ou futile, la nullité est donc relative.

345. L'idée des normes. Une partie de la doctrine croit que le critère précédent ne suffit pas, d'où le choix de l'idée des normes, qui se résume comme suit : 1 - Norme de l'intérêt public dans le bon déroulement des institutions judiciaires ; 2 - Norme de l'intérêt des parties ; 3 - Norme du respect des droits de la défense ; 4 - Norme de l'objectif de la procédure. Par conséquent, dès l'existence de l'une des normes citées ci-dessus, la procédure est donc substantielle, et la nullité est une conséquence de sa violation.

346. Le critère de l'ordre public. En général, la doctrine et la jurisprudence au Liban et France ont essayé de déterminer la notion d'ordre public. Cependant, elles ne sont pas arrivées à une formule unique à cause de l'ambiguïté, la relativité et la flexibilité de cette idée. En effet, ce qui est considéré dans l'ordre public aujourd'hui peut ne pas l'être demain. Également, ce qui est considéré dans l'ordre public dans un lieu donné pourra ne pas l'être dans un autre endroit. Par conséquent, les diverses législations se sont abstenues de donner

une définition précise. C'est le cas de la législation libanaise et française. M. Sulayman Abdel Mouniim qui a traité le sujet en droits français, libanais et égyptien, préfère l'idée du bon déroulement de la justice au détriment de l'idée de l'ordre public à cause de l'ambiguïté de cette dernière, étant donné que le but du système des règles procédurales pénales est la découverte de la vérité réaliste en ce qui concerne l'infraction faite, et le degré de sa relation à l'accusé. En outre, la considération du bon déroulement de la justice ne signifie pas seulement l'alignement sur des règles procédurales liées à l'intérêt de la société, mais englobe aussi les

. L'idée de

1780

règles qui garantissent la liberté individuelle ainsi que le droit de la défense

l'ordre public est une idée vague. En effet, cette idée est non limitable et non déterminable. Cependant, cette ambiguïté donne à l'ordre public son importance et sa grandeur. Dès lors,

tous les efforts échouent à en trouver un concept bien précis 1781 . En France, M. Édouard Verny confirme que la conception de l'ordre public dans le domaine des nullités est à peu près indéfinissable « il est particulièrement difficile de proposer une définition de l'ordre public et il semble plus aisé de relever des aspects fondamentaux de l'ordre public comme le rapport avec un élément majeur de notre système juridique ou une règle indispensable pour le

fonctionnement de la justice »

1782

. M. Jean Danet constate que « les nullités d'ordre public

443

recouvrent traditionnellement les règles touchant à l'organisation et à la composition des juridictions, à leur compétence, à l'exercice des pouvoirs des juridictions et de leurs auxiliaires, ou aux formes substantielles des actes de procédure. C'est ici l'intérêt d'une bonne administration de la justice qui est en cause. Globalement la catégorie ne s'étend pas, bien au contraire. La qualification de nullité d'ordre public donnée ou refusée par la jurisprudence

1783

.

aux nullités soulevées mérite évidemment la plus grande attention »

347. La nullité liée aux intérêts des justiciables. Il s'agit de toute nullité qui émane de la violation d'une règle procédurale substantielle qui fait perdre l'un des droits ou intérêts individuels qui ne profite qu'à celui qui la soulève, soit que le législateur ait stipulé la détermination de ces procédures substantielle ou qu'il l'ait laissée au pouvoir d'évaluation ou

1780 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, pp. 89-91.

1781 V. en droit français: M. Guerrin, « Les principales causes de nullité de l'audience pénale », in AJ Pénal, 2008, p. 181 : « la règle violée à l'audience est généralement qualifiée par la Cour de cassation de substantielle - ou d'ordre public - sans qu'il soit besoin de démontrer un grief subi par les parties ».

1782 É. Verny, Procédure pénale, 3e ed., Dalloz, 2012, n° 385, p. 217.

1783 J. Danet, « Brèves remarques sur la typologie et la mise en oeuvre des nullités », in AJ Pénal, 2005, p. 133.

d'appréciation du juge du fond selon les critères objectifs précédemment déterminés par le

1784

législateur, et qui assure le non-abus des juges

.

348. Exigence du grief en nullité en droit français. Le grief symbolise qu'il y a eu atteinte

directe aux droits d'une partie au procès

1785

. Les nullités procédurales n'ont pas pour unique

objectif de protéger les parties 1786 , certaines règles ont pour vocation de soutenir l'institution

1787

judiciaire dans sa mission. Pour cette raison, l'exigence d'un grief peut être écartée lorsque

. L'article 802 du CPP

1788

sont en cause des questions qui relèvent de l'ordre public

1789

françaisexige la preuve de l'existence d'un grief pour juger un acte de procédure pénale nulle : « la nullité considérée entre dans la catégorie des nullités textuelles ou dans celle des nullités substantielles, elle ne peut, en application de ce texte, être prononcée que lorsqu'elle

a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne »

1790

. Donc, on

444

peut conclure qu'en droit français il y a une exigence de grief en nullité substantielle et

1791

textuelle . « Au plan des conditions de leur prononcé, il convient de souligner que les deux causes de nullité ont une vocation égale à être soumises à l'exigence du grief. En bref, par

1784V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 93 ; F. Wali, Théorie de la nullité dans la procédure, Thèse de droit, Université de Caire, 1959, Le Caire (Egypte), p. 487.

1785 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p. 409.

1786 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p. 409.

1787 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p. 409.

1788 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p. 409.

1789 L'article 802 du CPP français dispose : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ».

1790 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 332, p. 144.

1791 V. en droit français : J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in Recueil Dalloz, 1996, p. 98, V. spec. n°14 : « La distinction entre nullités d'ordre public et nullités d'intérêt privé permet la mise en place d'un système cohérent quant à la preuve d'un grief, qui ne peut être exigée que dans le second cas. Nous avons décelé les inconvénients résultant cependant d'une application stricte de cette exigence : la nécessité pour le demandeur d'établir l'existence d'un préjudice subi effectivement fait souvent obstacle au prononcé de la nullité, ce qui permet la violation en toute impunité de règles de procédure prévues par la loi, et que l'on met finalement de côté ».

1792

.

nullité textuelle, il ne faut pas entendre nullité de jure, c'est-à-dire nullité de plein droit » La jurisprudence de la Cour de cassation française applique cette règle d'une manière stricte en considérant qu'« il résulte des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge saisi d'une demande d'annulation ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle

1793

concerne ». M. Henri Angevin souligne que « c'est la consécration en procédure pénale

de la maxime pas de nullité sans grief »

1794

. Selon la Cour de cassation, si le législateur a

décidé que la méconnaissance ou la violation d'une forme procédurale entraînait sa nullité, ça ne signifie pas qu'il y aura application automatique de la nullité par le juge, « le juge saisi d'une demande d'annulation ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet

de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne »

1795

. Ces nullités sont donc

445

subordonnées à l'existence d'un grief1796 ou, selon le vieil adage, « pas de nullité sans grief », ce qui signifie pas de nullités sans un préjudice, dont la preuve pèse sur celui qui réclame l'annulation. Mais cette solution restrictive ne vise que les « formes » et les « formalités ». Qu'en est-il alors des violations de garanties de fond, par exemple la durée maximale de garde à vue ? Leur non respect devrait conduire à la nullité indépendamment de tout préjudice prouvé. Il y aurait alors « nullité sans grief », ou, comme on dit parfois, « nullité péremptoire ». La jurisprudence pénale française, jusqu'à présent, est loin d'avoir accepté cette solution puisqu'en l'absence d'un « grief » démontré, elle réduit les nullités péremptoires à quelques rares violations affectant la justice pénale dans son aspect d'ordre public. Cette jurisprudence est en général critiquée, notamment en raison de l'incertitude qu'elle entretient. 1797 La chambre d'instruction n'est pas souveraine lorsqu'elle apprécie si l'atteinte invoquée porte réellement atteinte aux intérêts de la partie, la chambre criminelle de la Cour de cassation contrôle cette appréciation « et c'est elle qui, en dernière analyse apprécie s'il y

1792 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 85, p. 63.

1793 Cass. crim 25 février 2003, B.C., n° 50.

1794 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 332, p. 144. 1795 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p. 146.

1796 V. H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p. 146: « Il résulte des dispositions des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale que, hormis celles qui entrent dans la catégorie des nullités dites d'ordre public, les nullités, qu'elles soient textuelles ou substantielles, ne peuvent être prononcées que lorsque l'irrégularité qu'elles sanctionnent a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée ».

1797 J.-C. Soyer, Droit pénal et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., 2012, n° 877, p. 387.

a eu ou non atteinte auxdits intérêts »

1798

. Par exemple, la Cour de cassation n'exclut pas les

formalités prévues en matière de perquisitions et de saisies du champ d'application de l'article 802 du CPP français et refuse donc de prononcer la nullité si leur inobservation n'a pas porté

atteinte aux intérêts de la partie concernée

1799

: « les formalités prévues en matière de

perquisitions et de saisies par les articles 56 et suivants du Code de procédure pénale, bien qu'assorties d'une nullité textuelle (CPP, art. 59), ne sont pas, estime la Cour de cassation, exclues du champ d'application de l'article 802, en sorte que leur inobservation ne saurait entraîner de nullité de procédure lorsque aucune atteinte n'a été portée aux intérêts de la

partie concernée » 1800 . Quoi qu'il en soit, le principe « pas de nullité sans grief » reste une exigence relative et non absolue comme l'affirme M. Francois Fourment : « aux termes communs des articles 802 et 171 du Code de procédure pénale, le grief s'entend d'une cause de nullité qui a pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée par l'irrégularité de procédure. Les nullités de procédure pénale paraissent donc répondre au principe pas de nullité sans grief. Le caractère absolu de ce principe est un leurre. Il faut distinguer entre les causes de nullités, textuelles comme substantielles, celles qui sont d'ordre public, c'est-à-dire dispensées de grief, et celles qui sont d'ordre privé, soumises à l'exigence

du grief »

1801

. Ainsi, on peut dire qu'en droit français la nullité d'ordre privé est soumise à une

condition de preuve de l'existence d'un grief. « Une nullité est d'ordre privé à défaut de pouvoir être qualifiée d'ordre public. Il ne suffit pas qu'un grief soit causé à une partie. Il faut

1802

.

encore que ce grief soit invoqué par la partie que l'irrégularité de procédure concerne »

En ce sens, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a jugé qu' « un accusé ne saurait se prévaloir de ce qu'un témoin régulièrement cité par un co-accusé n'a pas été

entendu, cette irrégularité ne faisant pas grief à ses intérêts »

1803

. Au contraire, les nullités

446

d'ordre public en droit français sont dispensées de la condition de grief pour être susceptibles d'encourir la nullité. Notons que la jurisprudence classe les nullités d'ordre public en deux catégories, d'une part les nullités d'ordre public au sens strict, d'autre part les nullités « assimilées » aux nullités d'ordre public. La première catégorie concerne principalement les

1798 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p. 146.

1799 V. en ce sens: Cass. crim. 17 septembre 1996, B.C., n° 316: « Les formalités prévues par les dispositions du Code de procédure pénale en matière de perquisition et de saisie ne sont pas exclues du champ d'application de l'article 802 du même Code. Dès lors, leur inobservation ne saurait entraîner de nullité de procédure lorsqu'aucune atteinte n'a été portée aux intérêts de la partie concernée ».

1800 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p. 146.

1801 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 87, p. 64. 1802 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 89, p. 65. 1803 Cass. crim., 27 mai 1981, B.C., n° 175.

violations des dispositions concernant la compétence des juridictions, leur organisation et composition, les formes et délais des voies de recours. La deuxième catégorie vise les garanties de procédure dont la violation porte atteinte aux droits de la défense. C'est le cas par exemple d'une atteinte au principe selon lequel la personne poursuivie doit avoir la parole en dernier à l'audience ou de la violation des dispositions légales relatives au mode

1804

.

d'administration des preuves

447

1804 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64.

448

Section II

Les règles variables de la recevabilité de la preuve en
fonction de l'auteur de la preuve

349. La participation des parties privées du procès pénal à la recherche de la vérité. Traditionnellement dans le procès pénal, l'intervention des autorités étatiques dans la recherche de la preuve est considérée comme une responsable primaire. Mais la place des parties privées dans la recherche de la vérité a connu un développement considérable au cours des dernières années, ce qui a poussé certains auteurs à évoquer le phénomène de

1805

privatisation dans le procès pénal comme le souligne M. Xavier Pin et notamment dans la

1806

recherche de la preuve pénale . Sans doute la production des éléments de preuve par les parties privées s'appuie sur les textes de loi réglementant les droits des parties privées de produire des éléments de preuve. Mais il est indéniable de souligner l'importance des éléments de preuve obtenus illégalement versés aux débats dans le procès pénal par les parties privées ou l'accusé ou par un tiers. Cet effet d'influence des preuves illégalement recueillies qui sont produites par les parties privées pose le problème de la recevabilité des éléments de preuve illégale qui ne sont pas qualifiés ou qui ne constituent pas un acte de procédure.

350. Principe d'égalité des armes et le droit à la preuve. Le principe d'égalité des armes a joué un rôle actif et essentiel dans la progression de la recherche de la preuve de la vérité par les parties privées dans le procès pénal. On peut parler d'une sorte d'égalité dans l'administration de la preuve, résultant du principe d'égalité des armes. L'énoncé même d'un droit à l'égalité dans l'administration de la preuve constitue une véritable révolution de notre procédure pénale imprégnée du principe fondamental de la présomption d'innocence

1805 X. Pin, « La privatisation du procès pénal », in R.S.C., 2002, p. 245 : « La privatisation du procès pénal est un phénomène caractérisé, en droit, par le renforcement du rôle des acteurs privés à tous les stades du procès pénal et par l'émergence de règles de procédure protégeant davantage des intérêts individuels ou collectifs que l'intérêt général ».

1806 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 4 : « Il est permis de constater que les parties privées, longtemps à l'écart du procès pénal, bénéficient depuis quelques années d'un renforcement de leurs droits de sorte que l'on parle désormais de «privatisation » dans la recherche de la preuve (droit d'accès aux pièces du dossier, droit de demander la réalisation d'actes d'enquête supplémentaires, renforcement des droits des victimes)».

conduisant naturellement et historiquement à la passivité de la personne poursuivie dans

1807

l'attente de l'avènement de la vérité judiciaire

. Le principe de l'égalité des armes qui

449

recoupe parfois le principe du contradictoire sans pour autant se confondre avec lui, a

1808

contribué efficacement à faire progresser les droits des parties privées . Cependant, nous croyons qu'il est nécessaire de préciser que le rôle croissant des acteurs privés dans la preuve pénale est limité aux actes procéduraux pénaux stipulés par la loi. A ce propos, il faut être prudent et faire la différence entre ces droits prévus par la loi d'une part, et qui sont considérés comme acte de procédure pénale, soumis à la théorie de la nullité pénale, et d'autre part, le processus de la pénétration de la preuve pénale illégale directement devant le tribunal ou le juge dans le dossier pénal. Ce dernier processus ne possède aucune base juridique dans le Code des procédures pénales et ne peut être considéré comme un acte de procédure, ni ne peut être soumis à la théorie de la nullité pénale. Cette distinction est nécessaire, car la preuve pénale illégale présentée par les parties privées au tribunal n'est pas soumise à la théorie de la nullité, et tourne par conséquent autour de la problématique de son acceptation (admission) ou non par le pouvoir judiciaire.

351. La théorie de la nullité non applicable à la preuve qui ne constitue pas un acte de procédure pénale. Il est à noter que la théorie de la nullité ne tient compte que des procédures pénales au sens précis du mot, ou, en d'autres termes, les procédures fixées par le législateur dans les textes de la loi des procédures pénales afin de rechercher et de produire la preuve pénale. La plupart de ces textes organisent et régularisent les travaux des pouvoirs publics dans la recherche de la preuve pénale. A ce sujet, la théorie de la nullité soulève une grande importance sur l'échelle de l'application du Code des procédures pénales, notamment dans le cadre du travail procédural. Par conséquent, le travail procédural est l'axe sur lequel se base la théorie de la nullité, qui est d'ailleurs une pénalité ou sanction conséquente du travail procédural qui ne dispose pas d'une ou plusieurs conditions de sa validité. De ce fait, il est évident que la théorie de la nullité ne se préoccupe pas du sort des éléments de preuve fournis par les parties privées devant le juge ou le tribunal. En effet, cette présentation ne prend pas la forme d'une procédure pénale puisque la loi ne considère comme telle que les procédurales relatives à la prospection et à la recherche de la preuve par des personnes et des pouvoirs publics, comme la police judiciaire, les magistrats du parquet, le juge d'instruction et

1807 P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 146.

1808 Intervention de Mme Renée Koering-Joulin, «La chambre criminelle garante du droit à un procès équitable », in cycle Droit et technique de cassation, lors du colloque du 3 mai 2010 organisé à la Cour de cassation en 2010 (France).

450

les juges du fond. Ainsi, les actions des parties privées ne sont pas limitées par l'autorité et le champ de la théorie de la nullité en considérant que la présentation d'une preuve pénale au tribunal par l'une des parties privées n'est pas le résultat d'une procédure pénale. Par conséquent, les mécanismes de la théorie de la nullité ne parviennent pas à caractériser la nullité de la preuve illégale dans le cas où elle n'est pas basée sur une procédure pénale malgré l'illégalité flagrante de ces preuves. En effet, il s'agit du processus de la pénétration de la preuve ou des éléments de la preuve pénale acquis d'une manière ou par un moyen illicite par les parties privées telles que l'accusé, sa famille, la victime ou la partie civile, voire une personne étrangère au procès pénal telle qu'une personne qui se présente volontairement au tribunal pour présenter directement des preuves utiles pour révéler la vérité. Ce qui précède ouvre le débat sur la défaillance ou l'échec de la théorie de la nullité pour exclure ou sanctionner la preuve illégale obtenue par les parties privées.

352. La notion de la preuve pénale émise en dehors du système procédural prévu par la loi. Il faut préciser que la participation des parties privées dans la présentation et la production de la preuve pénale n'est pas identique à celle avec laquelle les autorités publiques produisent la preuve pénale, étant donné que la loi a confié exclusivement à ces autorités l'application des dispositions de la loi des procédures pénales pour la recherche de la preuve pénale, qui nécessite un certain degré de restriction sur les libertés des individus et de violation de leur vie privée au cours de sa mise en oeuvre. Par conséquent, il est interdit aux autres personnes d'effectuer cette action notamment à une partie privée du procès pénal ou en dehors de ce procès. Or, le vrai problème survient lorsque les parties privées soumettent des preuves obtenues illégalement au tribunal, non produites par une procédure pénale, et non liées à leur participation exclusive, limitée selon la loi à la production de la preuve, prenant souvent la forme de demandes adressées au tribunal. Il peut s'agir par exemple, de la présentation au tribunal d'une preuve obtenue illégalement par les parties privées, telle que le vol d'un document important servant de preuve, une vidéo ou un enregistrement audio de l'accusé obtenu à son insu ou sans l'accord de la justice, où l'accusé admet avoir commis l'infraction, capturé à son insu par un appareil d'enregistrement posé par la victime, par un individu affecté par l'infraction ou même toute autre personne pouvant témoigner. Il s'agit donc d'une preuve obtenue sans une procédure pénale, ou en d'autres termes, un moyen non considéré en tant qu'une procédure pénale. Est-il possible d'accepter cette preuve au cours d'un procès pénal, sachant que l'individu par lequel elle a été obtenue n'a pas le pouvoir ou le droit de rechercher la preuve, car la loi ne lui permet pas d'exercer cette fonction ? La vraie problématique est liée à cette preuve illégale incontestablement, étant donné que la manière de

451

l'obtention de la preuve est illicite, et que la personne qui a reçu la preuve a agi sans tenir compte de la loi ne lui permettant pas de chercher la preuve de cette manière illégale. Par conséquent, quel serait donc le sort de cette preuve illégale ? Il est reconnu que la théorie de la nullité s'est préoccupée et a traité principalement la sanction des procédures illégales menées par les pouvoirs publics, tels que la police judiciaire, le procureur général, et les juges d'instruction lors de leur recherche de la preuve pénale, ainsi que les juges de première instance au cours des jugements. Or, cette théorie ne s'est pas intéressée à la sanction de la preuve illégale émanée des parties privées. Quel est donc le sort de cette preuve illégale ? Le juge est-il obligé de l'accepter ou de la rejeter ? Le juge pénal a-t-il la possibilité ou le droit d'évaluer la valeur probante de la preuve illégale afin de condamner l'accusé ? En outre, une autre problématique semblable à la première se met en évidence. Il s'agit de la problématique relative à la présentation d'une preuve issue d'un moyen illégal de la part de l'accusé afin de prouver son innocence. En effet, la preuve de l'innocence est-elle censée à être en conformité avec le principe de la légalité de preuve pénale semblablement à celle de la culpabilité ? Ou, au contraire, doit-on considérer que la preuve de l'innocence n'est pas conditionnée par son respect du principe de la légalité de preuve, et par conséquent que le juge a le droit de disculper l'accusé se basant sur une preuve illégale présentée par l'accusé au tribunal?

La théorie de la nullité a joué un rôle essentiel pour sanctionner l'illégalité de la preuve pénale fournie par les autorités étatique et judiciaire. Cependant, cette théorie n'a fourni aucune solution à l'illégalité flagrante de la preuve pénale fournie par les parties privées et par l'accusé. Nous abordons cette problématique dans le premier paragraphe, en montrant le point de vue de la jurisprudence et de la doctrine au Liban et en France dans le but de remédier à ce problème afin de connaître le sort de la preuve illégale fournie par les parties privées, notamment par la victime, par le demandeur, ou à leur avantage en tant que preuve de condamnation de l'accusé. Dans le deuxième paragraphe, nous traitons la preuve illégale soumise au juge par l'accusé ou à son avantage en tant que preuve de l'innocence.

§ 1. Éléments de preuve illégale fournie par le plaignant et la victime ou preuves illégales de culpabilité.

353. La participation de la victime1809 ou de la partie civile dans la démonstration de la

preuve pénale. L'argument soutenant que le défendeur ou l'accusé est innocent

1810

amène à

452

dire que le procureur général (Ministère public) doit présenter la preuve afin d'appuyer et de soutenir l'accusation 1811 , ou en d'autres termes de présenter la preuve de la perpétration des

1812

infractions

1813

et la preuve que la personne recherchée est le coupable

. Cette obligation est

également la responsabilité du demandeur qui comprend son affaire personnelle visant à réclamer son indemnisation pour les dommages qu'il a subis en raison de l'acte, dans le procès

. A

1814

pénal. Le demandeur personnel doit également prouver son préjudice allégué

l'exception de cela, il n'existe pas de différence entre lui et le procureur général, sauf que le demandeur civil agit à son propre profit, et que le procureur général agit pour l'intérêt public et au nom de société. Les deux parties peuvent bénéficier les uns des autres dans la présentation de la preuve1815. En effet, le ministère public veille sur l'entité de la société en tant que représentant de l'autorité chargée d'appliquer la loi, sans laquelle les impulsions et les désirs remplacent la raison et la justice, étant donné que les personnes instaurent la justice elles-mêmes. Par conséquent, le Code des procédures pénales au Liban et en France a

1809 V. sur la notion de victime : R. Cario, Victimologie, L'harmattan, Paris, 2006, p. 33 : « toute personne en souffrance, dès lors que cette souffrance est personnelle, réelle et socialement reconnue comme inacceptable ».

1810 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 433, p. 176 : La charge de la preuve : « La règle fondamentale en la matière est la présomption d'innocence. Tout homme doit être présumé innocent des infractions qui lui sont reprochées, tant qu'un jugement régulier et une décision définitive ne sont pas intervenus ».

1811 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 433, p. 176 : charge de la preuve et présomption d'innocence et la conséquence de la présomption d'innocence :« Du fait de cette présomption, c'est la partie poursuivante (le ministère public et éventuellement la partie civile) qui doit rapporter la preuve de tous les éléments de l'infraction et de tous ceux qui permettent d'apprécier la responsabilité du coupable. Toutefois, la personne poursuivie agira sagement en apportant de son côté des arguments en sens inverse ».

1812 V. F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 61, p. 47 : « Il ne revient pas à la personne poursuivie de démontrer qu'elle est innocente de l'infraction dont elle est accusée ; il revient en revanche à l'accusation, au ministère public, de prouver sa culpabilité avec une force que l'idée de présomption induit: renverser la présomption d'innocence ».

1813 V. sur le rôle de la victime dans le procès pénal en langue anglais : A. Confalonieri, « The Role of the Victim in Administrative and Judicial Proceedings », in Revue Internationale de Droit Pénal, 2011, Vol. 81, issue 3, pp. 529-550

1814 V. F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 61, p. 47 : « À l'accusateur public qu'est le ministère public s'ajoute en pratique un accusateur privé : la victime qui s'est constituée partie civile ».

1815 V. en langue arabe : E. Nammour, La cour criminelle. Etude comparée, op. c it., 2e partie, n° 1360, p. 950.

453

donné aux autorités publiques l'exclusivité de la recherche des preuves dans le procès pénal conformément aux dispositions de la loi des procédures pénales, et au demandeur du droit civil ou à la victime certains droits à travers lesquelles il est possible de participer à la démonstration de l'acte criminel, dans les limites utiles à son procès civil1816. M. Maamoun Salama pense que dans le cas où le tribunal a accepté la demande civile, le demandeur devient l'un des justiciables dans le procès civil et l'accusé sera le responsable des droits civils des autres justiciables au même procès. Cependant, cette qualité ne lui confère pas de droits directs sur le procès pénal devant le tribunal, étant donné que cette action est limitée au procureur général. Toutefois, il lui est possible de participer à la démonstration de l'acte criminel, dans les limites utiles à son procès civil. En outre, le législateur a pris des dispositions afin d'affirmer cette qualité en conférant des droits et des obligations au

demandeur civil1817 . A ce propos, M. Raouf Obayd affirme que la loi a accordé au demandeur civil des droits importants afin de lui permettre d'exiger son droit vis-à-vis de l'accusé, en contribuant d'une part à prouver la responsabilité de celui-ci, et en profitant de cette situation d'autre part pour exercer un contrôle effectif sur les autorités de l'accusation et

1818

.

de l'enquête portant de lourdes responsabilités

Afin de connaître le sort de la preuve illégale de culpabilité soumise par le demandeur civil ou la victime au tribunal, il est nécessaire de se référer aux tendances de la jurisprudence au Liban et en France dans le but d'extrapoler l'approche suivie par les Cours de cassation dans ces deux pays sur cette question, c'est-à-dire les solutions apportées au problème de l'illégalité de la preuve de culpabilité soumise par le procureur civil ou la victime, l'application du principe de la légalité de la preuve, la pertinence de l'incident de ces solutions et les critiques qui leur sont adressées. D'abord, il convient d'examiner la position de la jurisprudence libanaise par rapport à l'admission de la preuve illégale de culpabilité présentée par le défendeur ou la victime (A). Ensuite, la position de la Cour de cassation française par rapport à cette admission sera abordée (B).

1816 V. F. Agostini, « Les droits de la partie civile dans le procès pénal », in Rapport annuel de la cour de cassation de l'année 2000 : « La victime d'une infraction, qui a personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction, a, conformément aux articles 1, alinéa 2, 2 et 3 du Code de procédure pénale français, droit à agir devant la juridiction répressive. En se constituant, elle devient partie civile au procès pénal ».

1817 V. en langue arabe : M. Salameh, La procédure pénale dans la législation pénale égyptienne, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 2000, pp. 438-539.

1818 V. en langue arabe : R. Obayd, Les principes de la procédure pénale en droit égyptien, 8e éd., Imprimerie renaissance Égypt, Le Caire (Egypte), 1970, p. 217.

454

A. La recevabilité de la preuve illégale de culpabilité produite par un particulier en droit libanais.

354. L'admission de la preuve illégale en droit libanais. D'abord, il faut souligner que le concept de l'illégalité de la preuve pénale dans le droit libanais est encore une nouvelle idée non traitée d'une façon claire et directe par la doctrine ni par la jurisprudence libanaise. Dans la loi libanaise, il semble que la jurisprudence et les arrêts judiciaires n'ont pas traité explicitement la preuve illégale, mais la recherche a été limitée plutôt dans un aspect étroit relatif au sort de la preuve, lié à la théorie de la nullité pénale sans la dépasser. Il convient de rappeler qu'il a été auparavant expliqué que la preuve pénale émise hors des cadres et du système de la procédure pénale, fournie par les parties privées dans le procès pénal n'est pas soumise à la théorie de la nullité. En effet, cette preuve dépasse le champ de cette théorie étant donné que le rôle de celle-ci est limité à un mécanisme juridique sanctionnant ou pénalisant le non-respect ou de la violation de la règle procédurale. Par conséquent, nous avons cherché dans tous les ouvrages des procédures pénales libanaises, ainsi que dans la jurisprudence libanaise, sans trouver aucun avis doctrinal ou arrêt judiciaire portant sur la question de l'illégalité de la preuve pénale soumise par les parties privées sans prendre la forme ou la formule de la procédure pénale. En outre, il convient de noter que l'idée de la distinction entre la preuve émise ou résultant d'une procédure pénale et celle émise hors du champ de la procédure pénale est une idée anonyme ou un concept inconnu dans la jurisprudence et la doctrine pénale au Liban. Il est possible de conclure que les dispositions de la jurisprudence libanaise adoptent un principe général fixe. En effet, toute preuve présentée à la magistrature est placée sous l'étude et l'évaluation du tribunal et du juge du fond sans considérer sa source illégale ou de la partie la soumettant. Ces dispositions reflètent l'adoption par la jurisprudence libanaise d'un concept large sans limite de la liberté de la preuve pénale. A notre tour, nous le décrivons en tant qu'un concept très radical du principe de la liberté de la preuve sans aucune autre entrave que la présentation de la preuve en public, son débat oral devant le tribunal, et la focalisation sur sa valeur probante. Par conséquent, les dispositions de la justice libanaise ne considèrent pas le principe juridique de la légalité de la preuve pénale en tant qu'une des restrictions de la liberté de la preuve pénale. Il convient de noter que par plusieurs arrêts très clairs, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise affirme qu'elle ne surveille pas l'appréciation du tribunal et du juge du fond sur la preuve pénale, notamment la Cour criminelle, mais elle s'assure uniquement de la

non-déformation de la preuve par ce juge et ce tribunal du fond. En effet, la Cour de cassation libanaise est une juridiction de droit et non un tribunal de faits. De ce fait, les tribunaux de première instance (du fond) monopolisent l'évaluation de la valeur probante de la preuve qui lui est soumise, en ignorant sa source illégale, sans aucun contrôle imposé par la Cour de cassation à ce sujet.

355. La confirmation de la Cour de cassation libanaise que l'appréciation de la preuve est incluse dans l'évaluation absolue du tribunal de première instance, en l'absence du contrôle de la Cour de cassation. Dans sa résolution n° 1, publiée le 05/01/2006 dans l'affaire du ministère public /Yaghi, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise affirme

1819

que: « l'évaluation des preuves est incluse dans l'autorité absolue de la Cour de démontrer les faits et les preuves, sans que cette évaluation soit soumise au contrôle de la Cour de cassation ». Dans un autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation

,

1820

libanaise, dans sa résolution n° 3, publié le 09/01/2007 dans l'affaire Dib/ ministère public

a confirmé que « ce que l'appelant provoque dans cette raison sous le couvert de la déformation de la preuve n'est qu'un débat sur le droit de la chambre d'accusation dans son appréciation des preuves contenues dans le procès, l'adoption de ce qui lui fournit sa conviction, et l'exclusion du reste, qui est d'ailleurs un droit revenant à l'autorité de la chambre d'accusation sans supervision de la Cour de cassation ». Dans un autre arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, dans sa résolution n° 43 en date

du 27/2/2007

1821

, elle a confirmé que « ce que la partie appelante soulève dans le cadre de la

455

présente raison, est considéré en tant qu'un débat sur les faits et les preuves invoquées par le tribunal afin d'atteindre le résultat sur lequel elle s'est basée dans son jugement contesté, et dans son droit d'évaluer les déclarations des témoins, sachant que l'évaluation des faits et des preuves et l'évaluation des déclarations des témoins reviennent uniquement au tribunal de première instance, sans aucun contrôle de la part de la Cour de cassation. Par conséquent, la résolution adoptée à cette fin ne constitue pas une déformation des faits ou du contenu des documents en conformité avec le concept juridique pour cette raison ». De plus, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a confirmé qu'il n'y a aucun contrôle discriminatoire (c'est-à-dire de la part de la Cour de cassation) sur l'autorité absolue de la Cour criminelle dans l'appréciation de la référence à la preuve,

1819 La chambre criminelle de la Cour de cassation du Liban, composée du : président M. Labib Zwein et les conseillers Mme Alice Chabtini Alaam et M. Elias Nayfeh.

1820 Composée du : Président M. Ralph Rayashi, et les conseillers M. Ghassan Fawaz, M. Malek Saaibi. 1821 Composée du : Président M. Ralph Rayashi et les conseillers M. Ghassan Fawaz et M. Malek Saaibi.

et l'évaluation de la préférence d'une preuve sans l'autre 1822 . Dans un autre arrêt de la

456

chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, dans la résolution n° 106 en date

1823

du 20/07/1999 dans l'affaire Abid/ ministère public, la Cour a souligné que « l'évaluation des preuves revient à l'autorité du tribunal de première instance et n'entre pas dans le cadre du contrôle de la Cour de cassation ».

356. L'exclusion de la preuve illégale de culpabilité en raison de la faiblesse ou de la perte de la valeur probante de cette preuve après son évaluation sous le couvert de l'illégalité de la preuve. Dans l'un des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, la cour a fondé son arrêt sur un principe public très important : « le fondement de la conviction du tribunal repose sur des preuves recevables juridiquement et valides, et non sur l'aveu suspect de l'accusé qui est fait chez l'autorité non étatique ». A ce fait, dans un arrêt unique, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise dans sa résolution n° 104 en date

a

1824

du 28/04/1999 dans l'affaire Majzoub et ministère public/ Mustafa et ses collègues

confirmé selon les éléments de son arrêt que dans la loi : les cinq accusés nient devant les autorités de la sécurité et la juridiction libanaise les infractions qui leur sont assignées. Les preuves avancées contre eux, adoptées par l'acte d'accusation, et dont l'exigence de l'adoption émane également des deux parties de l'accusation publique et personnelle, sont limitées avec l'aveu qui leur a été attribué inclus dans les copies des documents, les cassettes et la vidéo incluses dans le dossier et liées aux enquêtes menées par des dispositifs de l'armée de la

libération Palestinienne, y compris le prétendu jugement émis par la
magistrature palestinienne. Cependant, elle a également mis en évidence dans le dossier les déclarations des cinq accusés dans la lutte armée palestinienne le 24/09/1990, dont le retrait de leur reconnaissance qu'ils ont décrit comme falsifié, étant donné qu'il était pris sous l'influence de coups et de menaces. Le rapport du conseiller de la Cour criminelle libanaise qui a vu et entendu les enregistrements de l'enquête avec les accusés et qui contiennent leurs reconnaissances a prouvé que ces enquêtes sont inspirées et enveloppées par la peur et la confusion. En outre, la Cour criminelle libanaise s'est assurée de cette

1822 Conformément à la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise Composée du: Président M. Afif Chamseddine et les conseillers M. Anthony Elias Khouri, M. Issa Abdallah dans sa résolution n° 100 en date du 29/3/2000 dans l'affaire Abdullah et Salloum / ministère public, la cour a affirmé que «les déclarations du demandeur de cassation dans les raisons évoquées sont relatives à l'évaluation du tribunal pénal des preuves dont il dispose, de s'en contenter, et à la composition de sa conviction sur la base d'une preuve ou d'une autre. Toutes ces actions sont laissées à son évaluation absolue tant qu'il ne semble pas déformer la preuve ou les documents, sans aucun contrôle de la Cour de cassation ».

1823 Composée du Président M. Ralph Rayashi et des conseillers M. Samir Aalia et M. Joseph Samaha. 1824 Composée du Président Afif Shamseddin et les conseillers Elias Abdullah et Fouad Gaâgaâ.

457

approbation après avoir vu et entendu ces enregistrements. Étant donné que la conviction se base sur les preuves estimées par le tribunal et qui doivent être juridiquement acceptables et basées sur des procédures valides, il ne résulte des enquêtes menées par les autorités de la sécurité et la justice libanaise, qui ont pris en considération tous les principes juridiques, aucune preuve démontrée contre l'accusé. La reconnaissance attribuée aux accusés, résultant de la contrainte physique et morale et devant la force du fait réel sans pouvoir ni capacité, qui est d'ailleurs la seule preuve contre les accusés, n'est pas acceptable par la loi. Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de dire que les cinq accusés ne sont pas reconnus coupables des infractions qui leur sont assignées, et de déclarer leur innocence en l'absence d'une preuve acceptable.

357. Commentaire sur la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise dans l'arrêt précédent (résolution n° 104 en date du 28/04/1999). Cet arrêt semble intéressant en confirmant que la conviction du tribunal doit se fonder sur des preuves admissibles par la loi et des procédures valides qui sont indirectement une consécration du principe de la légalité de preuve pénale comme condition ou limite à la liberté de la conviction du juge. En effet, il confirme en termes de forme en formulant indirectement l'appui du principe de la légalité de la preuve pénale. Cependant, cet arrêt semble médiocre et insuffisant en termes de fond lorsqu'on lit les explications des juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise. D'abord, il révèle à la fois l'ignorance et la négligence des juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise de l'existence du principe de la légalité de la preuve pénale. Quelle est la preuve de l'ignorance de la Cour de cassation pénale du Liban à la présence d'un principe juridique appelé le principe de la légalité de la preuve pénale ? La réponse est un prélude à notre critique de la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise. Il faut clarifier un point important et fondamental concernant la source de la preuve dans le jugement : ces preuves présentées contre les accusés sont une enquête menée par les milices palestiniennes au Liban qui n'ont aucune autorité officielle ni légitime dans l'État de droit supposé au Liban, et qui se nomme l'armée de l'indépendance palestinienne. Il s'agit des milices de sécurité existant au sein des camps de réfugiés palestiniens dans l'État du Liban, tolérées par l'État pour des considérations politiques et sécuritaires libanaises liées au problème de la présence palestinienne (peuple palestinien dans les camps de réfugiés) au Liban pour l'exercice de ces milices de certains rôles de sécurité les camps de réfugiés situés sur le territoire libanais. En effet, elles mènent des enquêtes considérées judiciaires par ces milices elles-mêmes, ainsi qu'un nombre de jugement et procès dans ces camps sans avoir aucune autorité légitime ni officielle, et sans être

458

déléguées par l'État libanais pour mener à bien ces travaux. Notons que la loi des principes des procès pénaux libanais dispose en son article 14 que ce travail est sous la responsabilité exclusive des services de sécurité (libanaise) qui travaillent en la qualité d'une police judiciaire, sous la supervision du procureur général1825. Ainsi, aucun service sécuritaire libanais officiel n'est mentionné par l'article 14 du CPP libanais, pouvant exercer l'activité et les pouvoirs de la police judiciaire et jouer un rôle dans les enquêtes judiciaires. La critique est donc une question adressée au tribunal (c'est-à-dire la Cour criminelle) et à la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise : comment le tribunal peut-il admettre d'inclure au dossier des preuves illégales de culpabilité contre les accusés, obtenues et produites par des milices ? Ne s'agit-il pas de preuves d'une illégalité flagrante ? La critique est donc adressée au tribunal en raison de son annexion au dossier de preuves illégales indépendamment de leur valeur probante qui doit être inadmissible. Les services de sécurité de l'État libanais ne peuvent pas exercer la fonction de police judiciaire et admettre les preuves qu'elles obtiennent si elles ne possèdent pas la qualité de la police judiciaire conformément au texte de la loi de l'article 14 du CPP libanais. Par conséquent, comment le tribunal libanais peut-il admettre que les milices exercent un pouvoir interdit à un service sécuritaire libanais ? La question est donc posée à la Cour de cassation. En sachant que le Liban est un État de droit selon sa Constitution et le serment prononcé par tout président de la République d Liban au début de son mandat constitutionnel, étant donné que le président est le garant de la Constitution et jure de faire dominer l'État de droit dans son mandat. La position du tribunal d'accepter de mettre cette preuve dans le dossier du procès est-elle en accord avec les considérations que le Liban est un État de droit ? D'autre part, il est clair que les preuves pénales du dossier de procès sont toutes provenues et regroupées par ces milices. Ces preuves sont une cassette vidéo montrant les aveux de l'accusé d'avoir commis le crime. En outre, il est clair que le tribunal a chargé un de ses membres, un juge-conseiller, de voir et entendre l'enregistrement vidéo. Par conséquent, le tribunal a décidé que les accusés ont avoué dans cette vidéo avoir commis le crime sous la pression de la coercition physique et morale ainsi que les coups pratiqués par les milices fournissant la preuve au procureur général. A ce propos, le problème réside dans la légalité de la preuve présentée, étant donné que le juge chargé par la Cour criminelle de visionner la vidéo a décidé qu'il n'est pas convenable de l'admettre en tant que preuve de culpabilité, en constatant que les aveux

1825 L'article 38 du CPP libanais dispose que : « Les fonctions de police judiciaire sont exercées, sous l'autorité du procureur général près la Cour de cassation, par les procureurs généraux et les avocats généraux. Apportent leur concours au ministère public et officient sous sa supervision dans le cadre de l'exercice des fonctions de police judiciaire les personnes suivantes, chacune dans les limites des compétences qui lui sont conférées par le

présent code et les statuts régissant sa profession : ».

459

faits dans cette vidéo sont le résultat de la pression et des coups pratiqués par les milices qui ont filmé et enregistré cette vidéo en tant qu'une preuve condamnant les accusés. Cependant, une question logique s'impose : qu'aurait-il fallu faire si cette vidéo avait montré le contraire au tribunal, soit des aveux valides et volontaires, sans être le résultat de la contrainte, des coups et des intimidations exercées par les milices contre les accusés pendant l'enquête ? Le juge aurait-il été convaincu que les cinq accusés sont coupables et par conséquent la Cour criminelle aurait-elle pu se prononcer sur la culpabilité des accusés en se basant sur une preuve illégale présentée par une tierce partie, ou en d'autres termes une milice qui a mené des enquêtes illégitimes avec les détenus ? Une lecture attentive de cet arrêt confirme que notre critique concernant l'attitude inadmissible du tribunal est tout à fait raisonnable. En effet, le tribunal a placé la preuve sous l'examen et l'évaluation de sa conviction, sans être convaincu par cette preuve illégale non à cause de l'illégalité de son obtention, mais plutôt en raison de l'absence de toute valeur probante possible afin de condamner les accusés. En effet, la vidéo a montré au tribunal que les accusés ont subi une coercition les obligeant à avouer durant l'enregistrement de la vidéo. Par conséquent, dans le cas où la vidéo n'aurait pas révélé au tribunal que les accusés ont été forcés d'avouer leur reconnaissance du crime, le tribunal aurait dû accepter leur aveu en tant que preuve de culpabilité, et les juger donc coupables. Cette conclusion est déduite de la raison pour laquelle le tribunal refuse les preuves présentées. En effet, le fait que le tribunal rejette cette preuve illégale en raison du « fondement de la conviction du tribunal sur des preuves admissibles par la loi et valides, non pas sur l'aveu douteux, fait devant une autorité non étatique » ne change pas la vérité, soit une contradiction de la position du tribunal entre la raison formelle sur laquelle il s'est basée et la véritable raison qui fait que les preuves illégales présentées devant le tribunal sont dépourvues de valeur probante. Il convient de rappeler une nouvelle fois que le principe de la légalité de la preuve pénale exige le courage de la justice de reconnaître son contenu juste, que l'illégalité n'est aucunement liée à la force probante de la preuve illégale, mais se rapporte plutôt uniquement à la manière illégale et illicite avec laquelle la preuve a été obtenue. Nulle importance de la valeur probante d'une preuve tant que la source et le biais de son obtention ne s'accordent pas avec la manière légale conforme à la loi c'est-à-dire au principe de la légalité de la procédure et de la preuve pénale. Il faut préciser que la simple admission par le tribunal de l'évaluation de la preuve sans se baser sur celle-ci en raison de la perte de sa valeur probante, c'est-à-dire le simple examen de cette preuve illégale est une admission préliminaire ou formelle de cette preuve, violant ainsi le principe de la légalité de la preuve pénale. Ce dernier point est le champ de notre critique de la position du tribunal de ce jugement.

358.

460

L'appréciation ou l'évaluation de la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise dans le jugement précédent (résolution n° 104 en date du 28/04/1999). La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise ne fait pas de distinction et ne connaît même pas la définition ou la notion de la preuve illégale. Cette Cour ignore ce principe. En effet, si elle avait connu le principe qui exige que la preuve pénale soit obtenue légalement, elle n'aurait même pas regardé cette vidéo ni inclus dans le dossier des procès-verbaux illégaux émis par les milices palestiniennes exerçant la violation des lois dans un État de droit appelé le Liban. Nous croyons que cet arrêt, bien qu'il n'ait pas condamné les cinq accusés, reste une stigmatisation à l'encontre de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, de la justice libanaise et des juges qui l'ont émis étant donné qu'il accepte indirectement d'inclure une preuve illégale produite par des milices devant le tribunal pour l'appréciation de la valeur probante et la force de cette preuve. En d'autres termes, il est bien clair que la chambre criminelle de la Cour de cassation pénale libanaise adopte un principe insolent relatif à la fin qui justifie les moyens pour atteindre la vérité à tout prix et par tous les moyens illégaux. Dans le cas où ce principe est conforme avec l'État de la police, il est inacceptable au Liban étant donné qu'il n'est pas en conformité avec l'État de droit, le principe de la légalité procédurale et celui de la légalité de la preuve pénale. Il était préférable dans ce cas que le tribunal pénal refuse d'accepter la preuve et l'exclue du dossier du procès par défaut d'illégalité. Étant donné que la Cour criminelle a accepté de voir cette preuve et a rejeté sa valeur probante, la Cour de cassation aurait dû corriger cette erreur commise par la Cour criminelle et l'exclure de l'évaluation en raison de l'absence de base juridique plutôt que de soutenir ce que la Cour criminelle a admis. Nous critiquons ici le moyen illégal utilisé pour obtenir la preuve et non pas sa valeur probante, puisque le sujet de notre intérêt est la manière illégale et illicite de la recherche de preuve et non pas sa valeur ou sa crédibilité, contrairement à la justice libanaise qui ne considère aucunement le moyen, mais plutôt à la valeur probante de la preuve sans considérer son illégalité.

B. La recevabilité de la preuve illégale de culpabilité produite par un particulier en droit français.

359. Position rigoriste de la chambre criminelle de la Cour de cassation en matière de preuve illégale apportée par l'autorité publique. Il existe une distinction remarquable entre le traitement et l'admissibilité de l'élément de preuve recueillie de manière illégale selon la

partie qui a apporté cette preuve bien que l'origine illégale de la preuve soit la même. En fait, il semble que la prohibition des preuves illégales ne vaille pas pour tous les acteurs du procès

1826

pénal. On peut remarquer qu'il y a une tolérance

qui est inacceptable envers l'illégalité de

la preuve obtenue par les parties privées 1827 , et qu'au contraire, cette prohibition de l'admission des éléments de preuve illégale est appliquée avec fermeté contre les preuves qui ont été recueillies par les autorités publiques. Cette solution jurisprudentielle critiquable et

discutable par certains pénalistes 1828 est considérée comme traditionnelle conformément aux dispositions de l'article 427 du CPP français selon lequel « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide

d'après son intime conviction »

1829

. Nous soutenons que l'évolution de cette jurisprudence

461

illogique constitue un facteur négatif qui empêche l'application effective du principe de légalité de la preuve pénale comme sanction essentielle de l'illégalité de la preuve. La légalité de la preuve doit prévaloir sur la recherche de la preuve et la vérité dans le procès pénal. Ainsi, une preuve illégalement acquise devra être déclarée irrecevable par le juge sans aucune

1826 V. R. Filniez, « Loyauté et liberté des preuves », Note sous Cass crim. 31 janvier 2007, n° 06-82.383 ; Cass. crim. 7 février 2007, n° 06-87.753, in R.S.C., 2007, p. 331 : « Cette tolérance du juge pénal au profit de la partie privée s'inscrit dans la finalité de la preuve, assurer la manifestation de la vérité et permettre à toute partie de faire valoir ses droits, pour la défense soit de son innocence soit de ses intérêts atteints par la violation de la loi pénale ».

1827 V. C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La jurisprudence confirme, par l'arrêt du 15 juin 1993, le principe du libre recueil des preuves, et laisse aux parties une totale liberté des modes de preuves qui sont produites dans une instance pénale ».

1828 V. en ce sens : J. Buisson, « Recevabilité des éléments de preuve produits par les parties privées (Cass. crim. 12 juin 2003, Pittau et a., n° 02-81122, inédit) », in R.S.C., 2004, p. 427 : « Dans l'antagonisme entre les deux principes de la liberté et de la légalité dans la preuve pénale, le premier ne devrait pas, dans un État de droit, l'emporter sur le second. Mais la Cour de cassation considère que, pour la production de pièces au procès par les parties privées, doit prévaloir le principe de liberté, sauf à démontrer une atteinte à un principe fondamental ».

1829 V. une stricte application de l'article 427 CPP français: C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La consécration du libre recueil des preuves par les parties doit être approuvée sans réserve. En décidant que le mode d'obtention des preuves n'a aucune incidence sur la validité de la procédure, la Cour de cassation ne fait qu'une stricte application des dispositions de l'art. 427 c. pr. pén. Ce texte pose clairement le principe de la liberté d'admission et d'administration de la preuve ; il n'est pas dans les pouvoirs du juge de créer des restrictions que le législateur n'a pas souhaitées. Le rejet d'une preuve produite par les parties, en l'espèce une lettre, en considération de l'illicéité de son obtention viole manifestement le principe de liberté. L'illicéité peut permettre au juge, lors de l'appréciation de la valeur probante du document, de l'écarter, en application du principe de l'intime conviction, mais absolument pas de déclarer les parties irrecevables en leur action. Cette solution ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dans la mesure où le respect du contradictoire est garanti par le juge, qui garde ensuite une totale liberté dans la décision finale ».

distinction puisque l'origine de la preuve est illégale 1830 . Il a été admis par la jurisprudence de

la chambre criminelle qu'une preuve illégale puisse être produite et utilisée en justice dès lors qu'elle avait pu être discutée : « la Cour de cassation évince totalement le principe de légalité procédurale quant aux actes d'investigation ou de recherche réalisés par des particuliers,

1831

. La

éviction compensée par le principe du contradictoire et de l'intime conviction ... »

chambre criminelle de la Cour de cassation française considère que la victime a le droit d'utiliser une preuve illégale, mais débattue contradictoirement pour le besoin de sa défense

sans méconnaître l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

1832

. La Cour

462

européenne des droits de l'homme adopte une solution semblable à la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française concernant la tolérance envers l'admission des preuves illégales produites par une partie privée contrairement aux preuves produites par une

1833

autorité publique . M. Vincent Lesclous constate que les particuliers ne sont pas tenus au formalisme procédural qui ne s'impose qu'aux agents publics concernés, lesquels sont seuls à pouvoir accomplir des actes de procédure annulables et ensuite la justification de cette distinction entre partie privée et autorité publique peut être trouvée dans les nécessités de la

1834

défense.

360. La recevabilité de la preuve illégale de condamnation apportée par une partie privée. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française a eu recours à l'argument de l'absence d'un texte de loi clair imposant au juge répressif d'exclure un élément de preuve à cause de son illégalité ou sa déloyauté de sorte que cette preuve illégale ou

1830 V. R. Filniez, « Loyauté et liberté des preuves », Note sous Cass crim. 31 janvier 2007, n° 06-82.383 ; Cass. crim. 7 février 2007, n° 06-87.753, in R.S.C., 2007, p. 331 : « La Chambre criminelle distingue en effet, pour juger de la licéité de ce recueil, selon l'origine de la preuve. Apportée par une partie privée, cette preuve n'est soumise à aucune contrainte particulière préalable à son utilisation à des fins probatoires devant le juge, à la différence de celle produite par l'autorité publique ».

1831 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 19.

1832 Cass. Crim., 31 janvier 2007, B.C., n° 27, p. 100 : « Ne méconnaît pas les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel qui, après en avoir contradictoirement débattu, admet comme mode de preuve, la production de l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, dès lors qu'elle est justifiée par la nécessité de rapporter la preuve des faits dont l'auteur de l'enregistrement est victime et par les besoins de sa défense ».

1833 P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 2 : « la CEDH n'adopte pas de solution uniforme en matière probatoire : si, comme en l'espèce, elle se montre intransigeante envers les autorités de poursuites pour ce qui concerne l'exigence d'une loi, elle tolère, notamment lorsque la preuve est rapportée par une partie privée, une simple compatibilité entre les moyens d'obtention des éléments probatoires et les principes généraux commandant la procédure pénale ».

1834 V. Lesclous, JurisClasseur Procédure pénale, Art. 75 à 78 Fasc. 20 : enquête préliminaire, n° 60.

déloyale reste soumise à l'appréciation du juge selon son intime conviction conformément au principe de la liberté du juge dans l'appréciation de la preuve pénale. C'est le cas dans cette décision du 23 juillet 1992 : « aucun texte de procédure pénale n'interdit la production par le plaignant à l'appui de sa plainte de pièces de nature à constituer des charges contre des personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du Code de procédure pénale. Il appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur au regard des règles relatives

1835

.

à l'administration de la preuve des infractions »

361. Critique. L'argument utilisé par la Cour de cassation pour admettre toute preuve illégale et déloyale produite par une partie privée n'est pas justifiée selon nous et montre une tolérance inacceptable de la part de la chambre criminelle de la Cour de cassation envers une illégalité flagrante. Nous soutenons l'avis de M. Jean-Christophe Saint-Pau selon lequel « le silence du Code de procédure pénale relativement aux actes d'investigations et de recherche réalisés par les particuliers ne constitue pas un argument justifiant la recevabilité d'une preuve illégale, mais au contraire son irrecevabilité. Si en droit pénal de fond, il est légitime de poser que tout ce qui n'est pas interdit est permis, en droit pénal de forme, tout ce qui n'est

pas permis est interdit »

1836

. Les éléments de preuve apportés par des parties privées ne

463

constituent pas des actes de procédure selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française 1837 . Selon M. Etienne Verges, « la qualité d'acte procédural permet d'établir une relation avec un principe. Le principe de loyauté, en droit processuel, permet d'annuler les actes résultant de manoeuvres frauduleuses » 1838 . À vrai dire, le problème réside principalement dans l'incapacité de la théorie des nullités de sanctionner l'illégalité des éléments de preuves produits par les parties privées, spécifiquement les preuves de condamnation rapportées par le plaignant ou la victime. La chambre criminelle de la Cour de cassation française admet traditionnellement des éléments de preuves illégales rapportés par la victime ou le plaignant : « aucun texte de procédure pénale n'interdit la production par le plaignant, à l'appui de sa plainte, de pièces de nature à constituer des charges contre les personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant pas, au demeurant, des actes

1835 Cass. Crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744.

1836 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 20.

1837 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, pp. 391-392.

1838 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, p. 391.

d'information susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du Code de procédure pénale ; qu'il appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur au regard des

règles relatives à l'administration de la preuve des infractions »

1839

. Selon la chambre

criminelle, les règles de procédure pénale qui sont essentiellement applicables aux organes étatiques et judiciaires ne s'appliquent pas aux parties privée du procès pénal comme il a été dit dans cet arrêt de la Cour de cassation : « attendu qu'en prononçant ainsi, en répondant comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, et alors que les dispositions des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale ne s'appliquent pas à l'interception, l'enregistrement et la transcription par une personne privée des correspondances émises par la voie des télécommunications, la Cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur probante des éléments de preuve régulièrement soumis au débat contradictoire, et qui a déduit des faits et circonstances de la cause relevant de son appréciation souveraine que les messages étaient susceptibles d'être perçus par les mineurs, a

justifié sa décision »

1840

. Dans ce contexte, la chambre criminelle de la Cour de cassation

464

française a considéré que les éléments de preuve illégale remis au juge par des personnes privées ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement parce que les éléments de preuve apportés par des parties privées ne sont pas des actes de

1841

procédure : « l'enregistrement clandestin, par un policier, des propos qui lui sont tenus ne

constitue pas un acte de procédure susceptible d'annulation, mais seulement un moyen de preuve soumis à la libre discussion des parties, lorsqu'il est effectué par lui, non dans l'exercice de ses fonctions, en vue, par exemple, de constater des agissements délictueux sur délégation judiciaire, mais pour se constituer la preuve de faits dont il est lui-même victime

1842

» . Donc, la Cour de cassation a jugé toujours depuis longtemps que les éléments de preuve produits par les parties civiles ne constituaient pas en eux-mêmes des actes d'information.

. La position de la

1843

Donc, ces éléments de preuves illégales échappent à la sanction de nullité

1839 Cass. Crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744. 1840 Cass. crim., 12 septembre 2000, B.C., n° 265, p. 780.

1841 V. en ce sens : Cass. crim., 31 janvier 2012, inédit, n° de pourvoi: 11-85464: « Les enregistrements de conversations privées, réalisés à l'insu des personnes concernées par un particulier, en ce qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l'information, au sens de l'article 170 du Code de procédure pénale, et dès lors qu'ils ne procèdent d'aucune intervention, directe ou indirecte, d'une autorité publique, ne peuvent être annulés en application des articles 171 à 173 du même code. Il en va de même de leur transcription, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu. Il s'agit de simples moyens de preuve soumis à la discussion contradictoire ».

1842 Cass. Crim., 19 janvier 1999, B.C., n° 9, p. 17.

1843 V. Cass. crim. 28 avril 1987, B.C., n° 173, p. 462 : « Des bandes magnétiques supportant l'enregistrement, effectué par l'un des participants, de conversations présentent le caractère de pièces à conviction n'ayant que la

465

chambre criminelle est claire et stable sur ce sujet, mais tout à fait choquante dans un État de droit, en validant et admettant la preuve illégale de culpabilité apportée par les parties privées qui est à notre avis attentatoire aux libertés publiques et individuelles, et peut-être susceptible de généraliser des dérives attentatoires aux libertés. Dans l'affaire Bettencourt, il est très clair qu'il y a eu collecte de preuves d'une façon illégale et déloyale qui ont été admises par la Cour, ce qui constitue une violation flagrante du principe de la légalité de la preuve pénale. Donc, l'admission de cette preuve est contraire à l'esprit de la loi, car elle permet aux parties privées de collecter toutes les preuves même en utilisant des procédés illégaux, en méconnaissant le secret professionnel, notamment, quand la Cour a autorisé l'utilisation de l'enregistrement effectué par un particulier d'une conversation téléphonique entre une cliente et son avocat. Dans l'affaire Bettencourt, la preuve a été collectée par une partie privée sans respecter le principe du secret professionnel et de la confidentialité des conversations puisque ce n'était pas une autorité publique qui avait procédé à l'enregistrement. On peut conclure qu'aucune sanction procédurale ne permet d'écarter les preuves illégales produites par les

1844

parties privées dans les débats.

362. Inapplicabilité des sanctions procédurales lorsqu'un élément de preuve n'a pas la qualité d'acte de procédure pénale. La question essentielle demeure de savoir si la preuve obtenue par une partie privée est susceptible d'annulation ou non. En droit français, la preuve de condamnation qui a été obtenue illégalement par une partie privée sort du champ d'application de la théorie des nullités parce qu'elle ne constitue pas un acte de procédure

1845

pénale comme celle produite par les autorités publiques. Le juge pénal peut-il prendre en compte une preuve obtenue de manière illégale? Voilà une excellente question posée par M.

valeur d'indice de preuve et ne constituent pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en vertu de l'article 172 du Code de procédure pénale ; leur transcription n'est que la matérialisation de leur contenu afin d'en permettre la consultation ».

1844 V. au contraire la solution satisfaisante en matière civile : E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, p. 392 : « Le moyen de preuve apporté par l'une des parties est donc contrôlé au regard du principe de loyauté par le juge civil. Il ne prend pas la qualité d'un acte de procédure, mais une sanction autre que la nullité peut lui être appliquée : l'irrecevabilité. Le principe trouve avec cette sanction une certaine efficacité ».

1845 V. E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, p. 392 : « la chambre criminelle distingue dans la recherche des preuves, celles qui sont réunies par les organes publics de la mise en état (officiers de police judiciaire, juge d'instruction, Procureur de la République) et celles qui sont apportées par les parties privées. La recevabilité des preuves produites par ces personnes privées n'est pas soumise aux principes qui déterminent la validité des actes. Seule leur force probante doit être appréciée ».

Thierry Garé

1846

. Le fait pour la chambre d'instruction de prendre la décision d'accepter de

verser au dossier de l'affaire des éléments de preuve obtenus de manière illégale par les parties privées est immunisé contre toute sorte d'annulation comme l'affirme la chambre criminelle de la Cour de cassation. En même temps, la chambre d'instruction soutenue par la Cour de

cassation a admis les preuves obtenues illégalement par les parties privées

1847

parce que «

pour la Cour de cassation, l'admission d'une preuve illégale ne constitue en rien un vice de la

procédure d'instruction »

1848

, bien qu'« en l'espèce, il ne fait pas de doute que les preuves

retenues par le juge d'instruction avaient été obtenues illégalement »

1849

. M. Thierry Garé

1850

critique la solution adoptée par la chambre criminelle de la Cour de cassation française concernant l'admission sans réserve des preuves qui ont été obtenues de manière illégale en

1851

. En

considérant que : « la position de la haute juridiction est malheureusement classique »

effet, la chambre criminelle a affirmé à plusieurs reprises de façon suffisamment clairement son refus et son opposition extrême d'écarter les éléments de preuve illégaux produits par les parties privées en se basant dans chaque arrêt sur la formule célèbre selon laquelle « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par

les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de manière illégale »

1852

. Il apparaît

466

1846 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391.

1847 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391 : « La question posée à la chambre d'accusation était donc double. D'une part, la décision de verser au dossier des preuves obtenues illégalement est-elle susceptible d'annulation ? D'autre part, l'admission d'éléments de preuve obtenus illégalement est-elle de nature à vicier la procédure d'instruction ? La chambre d'accusation, approuvée sur ce point par la Chambre criminelle, rejette ces griefs. Elle admet donc, implicitement, que la décision de prendre en compte des preuves illégales n'est pas susceptible d'annulation. Et elle ajoute, explicitement, qu'elle ne constitue pas, non plus, un vice de la procédure d'instruction ».

1848 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391.

1849 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391.

1850 V. dans ce cens encore : Cass. Crim., 30 mars 1999, B.C., n° 59, p. 144 : « Qu'en effet, la circonstance que des documents ou des enregistrements remis par une partie ou un témoin aient été obtenus par des procédés déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de refuser de les joindre à la procédure, dès lors qu'ils ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement ; que la transcription de ces enregistrements, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation ».

1851 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391.

1852 V. sur l'admissibilité de la preuve illicite : C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La Chambre criminelle consacre l'admissibilité des preuves obtenues illégalement. Elle précise qu'aucun texte du Code de procédure pénale ne permet au juge d'écarter des moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite

467

qu'aucune sanction procédurale ne peut interdire ou limiter efficacement la recevabilité par le

1853

juge de la preuve illégale apporté par une partie privéeet par conséquent le versement d'un élément de preuve illégale dans le dossier de l'affaire pénale doit à ce titre être débattu contradictoirement. La position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française est sans doute une conséquence naturelle d'une application ferme du principe de liberté de la

qui

1854

preuve pénale qui interdit au juge, selon certains auteurs, d'écarter une preuve illégale

sera appréciée exclusivement et souverainement par les juges du fond. Un autre facteur important paraît d'ailleurs jouer un rôle qui a empêché l'évolution de l'avis de la Cour de cassation française, c'est la jurisprudence de la Cour de Strasbourg qui a considéré ce point de vue compatible au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans ce contexte, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé à plusieurs reprises que la recevabilité de la preuve illicite n'est pas en contradiction avec l'exigence d'un procès

1855

équitable énoncée par l'art. 6, paragraphe 1 de la Convention . La Cour de Strasbourg rappelle toujours dans ces arrêts que la Convention européenne des droits de l'homme ne réglemente pas l'admissibilité des modes de preuve puisque ce dernier est considéré comme une matière qui relève des droits internes, ce qui la pousse à ne pas exclure ou condamner, par

principe, l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale 1856 . Ce qui précède

ou déloyale. Par conséquent, le juge n'a pas le pouvoir de déclarer la partie civile irrecevable en son action, au seul motif que celle-ci se fonde sur une preuve obtenue illégalement. Il doit l'admettre, rechercher si la preuve produite est de nature à établir la prévention, et en apprécier la valeur probante afin de se prononcer selon son intime conviction comme l'exige la loi ».

1853 V. J. Pradel, « Un plaignant peut-il utiliser, à l'appui de sa plainte, des enregistrements obtenus à l'insu des personnes qu'il suspecte d'avoir commis une infraction dont il est victime ? », in D., 1993, p. 206 : « L'acte de procédure est en réalité celui qui obéit à des règles de fond et de forme précises, dictées par la loi ; et c'est pourquoi l'annulation en est possible, seule véritable sanction de la violation de ces règles. Au contraire, les pièces à conviction ou autres documents réunis par les parties privées ou plus généralement par les victimes ont été rassemblées en dehors des règles du Code de procédure pénale ; et c'est pourquoi une annulation ne se conçoit pas, à moins qu'il y ait eu violation d'un principe général comme l'intégrité corporelle ou l'intimité de la vie personnelle...».

1854 V. J. Buisson, « Recevabilité des éléments de preuve produits par les parties privées (Cass. crim. 12 juin 2003, Pittau et a., n° 02-81122, inédit) », in R.S.C., 2004, p. 427 : « Le principe de la liberté de la preuve a une telle force que, dans la phase de jugement, les juges répressifs ne peuvent, selon cette jurisprudence, écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 précité, d'en apprécier la valeur probante ».

1855 V. en ce sens : CEDH, 12 juill. 1988, Schenck, série A, n° 140 ; CEDH, 20 nov. 1989, Kostovski, série A, n° 166 ; CEDH, 27 sept. 1990, Windish, série A, n° 186 ; CEDH, 19 déc. 1990, Delta, série A, n° 191.

1856 V. sur ce point: C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La recevabilité de preuves illicites, comme l'admet la jurisprudence française, n'est-elle pas en contradiction avec cette notion de procès équitable ? Certes, la preuve est totalement libre, les modes d'obtention des preuves n'ont pas d'importance, la Cour de cassation l'affirme. Mais la production en justice de preuves obtenues illicitement, qui détermineront peut-être l'intime conviction du juge, permet-elle

468

n'empêche pas la Cour de Strasbourg de contrôler et de rechercher soigneusement si le procès en général, dans son ensemble, revêt un caractère équitable. Il est bien clair que la Cour de cassation française admet la preuve illégale obtenue par les parties privées sous réserve d'être l'objet d'un débat contradictoire1857 durant l'audience1858. Sans doute, le respect absolu par le juge du fond du principe contradictoire est un signe protecteur. C'est un principe directeur du procès pénal, mais qui n'est pas suffisant pour purger l'illégalité de la preuve obtenue par les parties privées et ne justifie pas l'admission des preuves illégales rapportées par les parties privées même sur la base de l'argument de l'absence d'un texte qui permet d'exclure une

. Donc, la recevabilité de la preuve illégale apportée par une partie privée

1860

reste critiquable malgré le respect d'un débat oral et contradictoire de cette preuve illégale

1859

preuve illégale

.

En matière pénale, puisque la fin ne peut justifier les moyens, la chambre criminelle doit réformer sa jurisprudence pour être compatible avec le principe de légalité de la preuve pénale et le droit à un procès équitable. Le législateur français est invité à combler la lacune législative en adoptant un texte qui renforce l'application effective du principe de légalité de la preuve pénale qui permet expressément au juge d'exclure une preuve illégale apportée par

d'assurer un procès équitable ? La Cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur ce point, et considère que la recevabilité des preuves obtenues illicitement n'est pas contraire aux dispositions de la convention. Son argumentation repose sur l'idée que la convention ne réglemente pas l'admissibilité des preuves en tant que telles ».

1857 V. C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La liberté est totale pour les parties, quelle que soit la nature du moyen utilisé, l'admissibilité des preuves illicites est consacrée ; la seule exigence procédurale, qui demeure, est celle du respect du contradictoire».

1858 V. T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391 : « Selon la Chambre criminelle, la preuve illégale est parfaitement recevable dès lors qu'elle peut être, ensuite, contradictoirement discutée. On retrouve là la seule limite imposée au juge par l'art. 427 c. pr. pén. Le juge peut retenir tout mode de preuve (al. 1), mais il ne peut, dans son intime conviction, fonder sa décision que sur des éléments de preuve contradictoirement discutés devant lui (al. 2). Le principe du contradictoire purgerait en quelque sorte la preuve de son origine illicite ».

1859 V. T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391 : « Cette motivation n'est pas nouvelle puisque la Chambre criminelle a déjà admis, notamment dans le cas des appels téléphoniques malveillants, que le juge peut fonder sa décision de condamnation sur des enregistrements sonores effectués illégalement par la victime desdits appels, au motif que le prévenu peut discuter les éléments de preuve réunis contre lui » ; V. en ce sens : Cass. crim., 17 juill. 1984, B.C., n° 259 : « Leur enregistrement, à la diligence du destinataire, afin de permettre l'identification de l'auteur de cette contravention, ne présente pas le caractère d'une atteinte à l'intimité de la vie privée de l'auteur desdits appels. Il n'est pas contraire aux droits de la défense de les utiliser pour identifier celui-ci ».

1860 V. T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391 : « on voit mal comment cette libre discussion peut faire disparaître l'illégalité à l'origine de l'obtention de la preuve ».

1861

la partie privée au débat ou interdit le versement des éléments de preuve illégaux dans le

dossier de l'affaire pénale. Si la preuve illégale apportée par la partie privée dans le procès pénal se trouve hors du champ d'application de la théorie des nullités en matière pénale, il est

possible d'utiliser une solution pragmatique autre que la nullité 1862 qui a encore le même effet

1863

et la même efficacité, comme l'irrecevabilité de l'élément de preuve illégale

.

363. Les critiques de Mme le professeur Michèle-Laure Rassat à propos l'attitude de la chambre criminelle de la Cour de cassation française. La chambre criminelle de la Cour de cassation française a admis dans sa jurisprudence les preuves illégales apportées par les victimes et en même temps a refusé les preuves illégales apportées par les officiers de police judiciaire. Sans doute, une telle attitude de la part de la chambre criminelle est illogique. Malgré les arguments et les vêtements juridiques dont la Cour essaie de la revêtir, sa position qui nous semble très critiquable et a d'ailleurs été critiquée notamment par Mme le professeur Michèle-Laure Rassat. Un arrêt rendu le 27 février 1996 par la chambre criminelle de la Cour de cassation fut l'occasion pour elle de critiquer d'une façon juste et précise les arguments fragiles de la chambre criminelle qui fait une distinction entre d'une part les preuves illégales apportées par les victimes parties civiles dans un procès pénal qui sont autorisées à enregistrer ce qu'elles veulent comme elles le veulent en toute liberté pour enfin produire ces enregistrements à la justice comme éléments de preuve dans le dossier pénal malgré son origine illégale, et d'autrepart les officiers de police judiciaire qui ne sont pas autorisés à procéder à des enregistrements, de sorte que les preuves qui en résultent ne peuvent être pas

intégrées au dossier pénal

1864

: « la jurisprudence selon laquelle les enregistrements pirates

469

1861 V. C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « Au regard du Code de procédure pénale, le juge répressif ne peut pas rejeter la preuve illicite : l'art. 427, al. 1er, ne le lui permet pas. Mais le droit français et les décisions jurisprudentielles ne doivent pas contredire les dispositions européennes constitutionnellement supérieures. De se demander, alors, si l'admissibilité des preuves illicites n'est pas contraire à l'art. 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ? ».

1862 V. en même sens : E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 404, p. 395 : « Parmi les différentes sanctions procédurales, certaines possèdent des effets très proches de la nullité »... « elles peuvent conduire plus simplement à un rejet de l'acte soit par ce qu'il est irrecevable, soit par ce qu'il n'est plus recevable ».

1863 V. en même sens : E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 406, p. 397 : « Le rejet de l'acte des débats n'est pas une sanction aussi forte que son annulation » ... « Elle produit pourtant les mêmes effets. L'acte est privé de toute efficacité dans la mesure où il ne peut être produit en justice ».

1864 V. Cass. Crim., 27 fevrier 1996, B.C., n° 93, p. 273 : « Les articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale confèrent au juge d'instruction le pouvoir exclusif d'ordonner que soit pratiquée l'interception des

des parties civiles ne sont que les pièces à conviction n'ayant dans le procès pénal que la valeur d'indices de preuve pourrait peut-être se défendre (et encore) s'il y avait deux dossiers distincts sans rapport l'un avec l'autre et que lesdits enregistrements ne quittent pas le dossier purement indemnitaire. Mais nous savons bien qu'il n'en est rien, les prétendus "indices de preuve" (formule au sens juridiquement inconnu et donc inexacte) de la Chambre criminelle étant versés au dossier global de la procédure où ils pourront très officiellement servir de motifs fondant la déclaration de culpabilité dans le cadre du jugement sur l'action

1865

publique » . Nous sommes d'accord avec ces commentaires. En effet, dans le procès pénal il n y a pas une distinction entre la notion d'indice, preuve et élément de preuve dans un même dossier pénal devant le juge du fond qui apprécie les preuves souverainement en toute liberté d'après son intime conviction. C'est sans doute ce qui pousse Mme Michèle-Laure Rassat à affirmer que « les enregistrements, éléments de preuve, fournis par la partie civile sont donc des éléments de preuve tout court du procès pénal et il est alors à l'évidence illogique de les autoriser tout en les interdisant aux policiers qui présentent tout de même des garanties

techniques, morales et d'indépendances supérieures »

1866

. De plus, en ce qui concerne

l'argument classique de la chambre criminelle pour refuser de rejeter ou d'exclure les éléments de preuve illégale produits par les parties privées en l'absence de texte juridique selon la formule « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale », Mme Michèle-Laure Rassat répond d'une façon logique et détruit cet argument en écrivant qu' « en s'accrochant ainsi à la nécessité d'un texte pour garantir l'honnêteté élémentaire d'un procès pénal, la Chambre criminelle d'aujourd'hui fait preuve, d'abord, d'une particulière étroitesse d'esprit. Elle oublie que la règle de l'interprétation restrictive de la loi pénale ne s'impose que pour les dispositions défavorables à la personne poursuivie. Elle bafoue de ce fait toute l'oeuvre accomplie par son ancêtre tant sous le régime du Code d'instruction criminelle que du Code de procédure pénale pour installer, en marge

des textes, la théorie des droits de la défense, par exemple »

1867

. Mme Michèle-Laure Rassat

470

ajoute encore que cet argument classique de la chambre criminelle « n'est guère probant ni en

correspondances émises par la voie des télécommunications. Ce pouvoir n'est, en aucun cas, attribué aux officiers de police judiciaire agissant en enquête préliminaire comme en l'espèce ».

1865 M.-L. Rassat, «Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

1866 M.-L. Rassat, «Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

1867 M.-L. Rassat, «Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

droit interne ni en droit international »

1868

. Elle finit de critiquer la position de la chambre

471

criminelle avec une question qui met en échec tous les arguments de la chambre criminelle : « la jurisprudence de la Chambre criminelle est un chef-d'oeuvre d'hypocrisie. À quoi sert, en effet, de faire assaut de légalisme en interdisant aux officiers de police judiciaire de procéder à des enregistrements si le même élément de preuve, exactement le même (enregistrement de la même personne tenant la même conversation au même endroit) peut être obtenu par la

1869

.

partie civile sans aucune restriction?»

§ 2. Preuves illégales fournies par l'accusé ou preuves illégales d'innocence.

364. La prédominance des pouvoirs publics sur la recherche de la preuve pénale. En droit libanais et français, la recherche de la preuve pénale est confiée à une autorité publique (police judiciaire, juge d'instruction, membre du ministère public ou policier). L'objectif ultime du Code des procédures pénales est la recherche de la vérité en utilisant une quantité suffisante et adéquate permise par les lois concernant l'atteinte à la liberté des individus afin d'atteindre cet objectif, qui est d'ailleurs la recherche de la preuve et de l'auteur de l'infraction. Le pouvoir chargé de rechercher la preuve applique les procédures pénales définies par le législateur dans le but de recueillir la preuve et de découvrir l'auteur de l'infraction dans le but de l'attribuer à son auteur. Cependant, cette domination sur la recherche de la preuve pénale par les autorités publiques et judiciaires ne signifie pas que le reste des parties du procès public n'ont aucun rôle dans cette recherche. Les autres parties sont les parties privées, soit l'accusé, la victime de l'infraction ou le plaignant.

365. Le fardeau de la preuve incombe au procureur général et au tribunal. Il est reconnu que dans les affaires pénales, le fardeau de la preuve repose sur le ministère public qui représente la société dans l'affaire pénale devant le tribunal, et par conséquent, le demandeur civil. En effet, la victime et le procureur général portent le fardeau de prouver la culpabilité de l'accusé, étant donné que celui-ci est légalement exempté de l'obligation de prouver son innocence, en raison de l'avantage tiré des implications de la consécration du principe de la

1868 M.-L. Rassat, « Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

1869 M.-L. Rassat, « Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

472

présomption d'innocence dans le droit libanais et français. A ce propos, il est clair que les législateurs libanais et français, en principe, exonèrent l'accusé de fournir la preuve de son innocence. Cependant, bien que le fardeau de la preuve incombe en principe à la partie accusatrice conformément au principe de présomption d'innocence dont l'accusé profite, en pratique ce principe n'est pas respecté en raison des difficultés de certains procureurs à fournir la preuve pénale, ou encore à cause d'une tendance inconsciente du procureur général et des juges d'instruction à privilégier la recherche de la preuve de culpabilité et à négliger la recherche de preuves d'innocence, soit par habitude soit parce qu'ils croient dès le départ à la culpabilité de l'accusé, même si les preuves contre lui sont fragiles ou faibles, voire illogiques. Le fardeau de prouver l'accusation est de la responsabilité de l'autorité de l'enquête ou de l'accusation en conformité avec les règles de la preuve dans les affaires pénales. En effet, l'accusé n'est pas obligé de fournir la preuve de son innocence sans que cela soit considéré comme une preuve de la perpétration de l'infraction, il en va de même lorsqu'il garde le silence. Toutefois, il a le droit de débattre des preuves recueillies contre lui, de les réfuter ou de remettre leur valeur en question. Il peut également soumettre volontairement toute preuve afin de prouver son innocence, ou admettre l'accusation. La tâche du juge d'instruction, de l'accusateur public ou du tribunal du fond ne se limite pas à prouver l'accusation, étant donné qu'ils sont des services de justice qui ont pour mission principale de prouver la vérité, car l'idée de la justice ne peut pas être construite sur l'illusion ou sur de fausses convictions. De ce fait, ces services judiciaires doivent enquêter sur cette vérité par le biais de la vérification et l'examen des preuves. Le processus de cette enquête est basé sur la vérification de l'existence de preuves suffisantes pouvant réfuter ou non l'origine de l'innocence. En outre, il est possible de se fonder sur une preuve extraite ou obtenue illégalement pour un acquittement, bien qu'il ne soit pas possible de s'y baser pour une déclaration de culpabilité selon le principe.

A. Le droit de l'accusé de faire valoir ses preuves pour prouver son innocence.

366. Le manque d'égalité effective entre le ministère public et l'accusé ou le défendeur. La rivalité dans le procès pénal n'est pas sur le même degré d'égalité des droits dont jouissent les

parties du procès pénal1870 . En effet, le ministère public a des pouvoirs exclusifs et des droits

1870 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 620, p. 417 : « Parmi les différents principes directeurs du procès pénal, celui de l'égalité des

473

larges concernant la recherche de la preuve, compte tenu de son rôle et de la tâche difficile qu'il accomplit, par la recherche des preuves de l'infraction et ses auteurs. Le ministère public jouit donc d'une liberté considérable pour prouver la culpabilité de l'accusé ou du défendeur grâce à des procédures pénales permises par le législateur. Alors que de l'autre côté il existe un accusé ou un défendeur qui dépend de lui-même pour prouver son innocence, se servant de la présomption d'innocence pendant toutes les étapes du procès pénal jusqu'à prouver le contraire, ou en d'autres termes, sa culpabilité relative. A ce propos, M. Elias Nammour affirme que le ministère public a le droit de rechercher la preuve pénale librement et de voir le dossier d'enquête devant le juge d'instruction. Par contre, le défendeur ne peut pas avoir accès au dossier de l'enquête en raison de la confidentialité de l'enquête devant le juge d'instruction. Ainsi, les moyens du défendeur afin de prouver son innocence sont limités en comparaison avec les moyens du ministère public, et son droit de prouver son innocence est presque bloqué lors de sa détention, en particulier si la durée de celle-ci est étendue jusqu'à la phase du jugement1871. Par conséquent, l'égalité dans le sujet de la présentation de la preuve et l'arme des preuves entre le défendeur ou l'accusé en

comparaison avec le ministère public est inexistante 1872 . L'hypothèse de la présomption d'innocence en faveur de l'accusé et le défendeur est la seule façon de compenser le manque d'égalité entre le ministère public d'une part, et le défendeur ou l'accusé d'autre part dans l'application du principe de la liberté de la preuve qui bénéficie au ministère public.

367. Le contenu du droit de l'accusé à la preuve. Certains pourraient penser que l'accusé ou le défendeur n'a nullement besoin d'un droit de participation dans le processus de la preuve au cours du procès pénal dans le but de convaincre le juge ou le tribunal de son innocence tant qu'il jouit de la présomption d'innocence. Cependant, la vérité est tout à fait différente. En effet, l'accusé ou le défendeur est mis dans une situation critique lors de la présentation de toute preuve contre lui, même si cette preuve est faible. Le fardeau de la preuve initialement attribué au ministère public se change en un lourd fardeau épuisant l'accusé et l'obligeant à fournir la preuve contraire à celle présentée contre lui, afin de réfuter

armes entre la personne poursuivie et l'autorité poursuivante est certainement celui dont l'apparition est la plus récente ».

1871 V. en langue arabe : E. Nammour, La cour criminelle. Etude comparée, Sader Editeurs, Beyrouth, 2005, 2em partie, n° 1362, p. 953.

1872 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 621, p. 417 : « Aucun texte ne formule expressément le principe de l'égalité des armes. Il ne figure ni dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ni les textes appartenant au bloc de constitutionnalité, ni dans le Code de procédure pénale. Son origine est donc prétorienne ».

474

la preuve le condamnant et convaincre le tribunal de son innocence. De ce fait, il devient impératif à l'accusé d'avoir le droit naturel de participer à la production de la preuve pénale lorsqu'il est nécessaire de prouver son innocence. Le principe de la présomption d'innocence dans le droit positif et les conventions internationales relatives aux droits de l'homme devrait permettre à l'accusé d'apporter librement des éléments de preuve pouvant convaincre le juge de l'invalidité de l'accusation portée contre lui. Le droit de la preuve a permis d'autoriser l'adversaire à établir la preuve devant la justice selon les formes fixées par la loi. Dans le procès pénal, il est permis à l'accusé, suspect et défendeur - supposant son innocence - d'établir la preuve de l'invalidité de l'accusation qui lui était attribuée. Par conséquent, il est impératif de lui permettre d'avoir toutes les facilités et les moyens nécessaires pour convaincre le juge de l'invalidité des preuves présentées contre lui par l'autorité de l'accusation. Le droit de l'accusé à la démonstration fait partie du système d'accusation sur le plan procédural, qui fait prévaloir l'égalité entre l'accusé et l'autorité de

l'accusation 1873 . Ce système ne donne pas le moindre avantage à un justiciable face à l'autre, afin d'assurer à chaque adversaire le droit de recueillir des preuves afin de faire face à l'autre justiciable, dans un procès public où les débats ont lieu oralement, en présence des adversaires (justiciables).

B. Le droit de l'accusé de démontrer son innocence sur la base d'une preuve illégale.

368. La problématique de la preuve illégale d'innocence. Auparavant, il a été dit que le jugement de culpabilité doit se fonder sur des preuves en conformité avec le principe de la légalité de la preuve pénale. Toutefois, relativement à la preuve de l'innocence, une partie

de la doctrine 1874 pense qu'il n'existe aucune restriction quant à la mise en place de l'acquittement sur une preuve illégale. Ce raisonnement est fondé sur le principe de la présomption d'innocence qui en est d'ailleurs à l'origine. En outre, la nullité de la preuve dérivée d'une manière illégale est initiée principalement afin de protéger la liberté de l'accusé.

1873 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 619, p. 416 : « À l'issue d'une évolution amorcée au milieu des années 1990, l'égalité des armes entre la personne poursuivie et le représentant du ministère public semble être devenue une réalité ».

1874 V. en langue arabe : M. Mostafa, La preuve en droit pénal comparé, Imprimerie de l'université de Caire, Le Caire (Egypte), 1977, 1e partie (théorie générale), p. 114 ; A. Fathi Srour, Le médiateur en procédure pénale, 7e éd., Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1996, p. 752 ; H. Abdallah Ahmad, La théorie générale des preuves. Etude comparée entre système procédural latin, anglo-saxonne et islamique, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 2004, p. 505.

475

Par conséquent, il est illogique de le faire retourner contre lui dans le cas de l'attachement au rejet de la preuve de l'innocence au motif qu'elle est illégale, le résultat très grave serait la condamnation d'un innocent. A cet endroit, la société supporte deux préjudices : l'acquittement d'un criminel de la sanction pénale et au lieu de cela punir un innocent en dépit de la preuve démontrant son innocence. En outre, dans le cas de l'existence d'un doute, le juge acquitte l'accusé, et a priori, il devait acquitter la personne dont la preuve de l'innocence serait disponible - bien que cette preuve ait été illégalement obtenue - et non uniquement un doute dans sa condamnation1875. Les preuves en matière pénale sont persuasives, tirant ainsi leur valeur probante de la conscience du juge et son intime conviction. Cependant, le juge doit respecter les restrictions imposées par la loi afin que sa conviction ne soit pas purement personnelle et puisse convaincre les autres. Ces restrictions ne sont pas considérées comme une contrainte directe sur la conviction, mais plutôt comme une garantie du respect de la liberté individuelle et des droits de l'homme, en s'appuyant sur le principe de la présomption d'innocence. Ces restrictions relèvent du principe de la légalité des procédures pénales qui impose que les preuves soient recueillies conformément aux dispositions de la loi. Sur la base de ce qui précède, la restriction de la légalité est l'une des plus importantes restrictions imposées pour le bien de l'accusé sur la base de l'innocence du prévenu jusqu'à preuve définitive du contraire. Dans le cas où il s'agit de la position de la loi relative aux preuves de culpabilité, cette position s'applique-t-elle sur les preuves de l'innocence ? En d'autres termes le juge est-il admis à établir l'innocence sur une preuve illégale ? Quelle est la position de la loi et des principes généraux des procédures pénales concernant par exemple les preuves découlant de l'écoute ou de l'observation cachées ? Le juge pénal doit fonder sa conviction de condamnation en s'appuyant sur des preuves légales et non pas sur des preuves produites par des procédures illégales. Toutefois, il a la liberté de former sa conviction d'innocence à partir d'une preuve illégale. En effet, le juge n'ayant pas besoin de faire la preuve de l'innocence, son doute sur la culpabilité l'oblige à choisir l'acquittement, selon la règle du doute en faveur de l'accusé et du principe de la présomption d'innocence. Par illustration, le frère ou le père de l'accusé peut voler un document démontrant l'innocence de son frère ou de son fils, et l'offrir au juge pénal. Dans ce cas, le juge peut acquitter l'accusé s'il est convaincu par la preuve démontrant l'innocence de l'accusé ou pouvant remettre en cause les preuves du procureur, produisant ainsi un jugement d'acquittement. En effet, il n'est pas permis de refuser de reconnaître l'innocence d'une personne sous prétexte que la preuve n'aurait pas été

1875 V. en langue arabe : H. Abdallah Ahmad, La théorie générale des preuves. Etude comparée entre système procédural latin, anglo-saxonne et islamique, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 2004, pp. 505-506.

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obtenue par une voie légale. Cette position est critiquée. On lui reproche de donner des effets à une preuve qui viole le principe de la légalité procédurale. Ce à quoi il est répondu que même s'il y a atteinte à la justice et aux intérêts de la société et de sa sécurité, il est préférable que l'innocence, si elle est réelle, soit reconnue. Il vaut mieux que mille criminels s'en tirent plutôt qu'un seul innocent soit condamné. Si le juge peut avoir des doutes quant à la culpabilité de l'accusé alors qu'il y a des preuves l'incriminant, il ne peut que conclure à son innocence si a des preuves de celle-ci. Le contraire reviendrait à juger la culpabilité d'une personne dont on sait qu'elle est innocente, ce qui serait une agression flagrante de la justice. En effet, le principe de la légalité pénale n'accepte certainement pas cet argument étant donné qu'il est posé à l'origine pour protéger l'innocent, et non contre lui. En outre, le principe de la sanction personnelle, pris par toutes les législations pénales exige que la punition soit infligée uniquement au véritable acteur du crime, de condamner le coupable en particulier pour atteindre la punition, la dissuasion privée, la dissuasion publique, et donc l'établissement de la sécurité de la société. Ce principe lui-même permet au juge pénal de s'appuyer dans son jugement d'acquittement sur des preuves illégales montrant l'innocence du coupable, afin de ne pas punir un innocent alors que le vrai criminel jouit de sa liberté et commet d'autres crimes. Ainsi, le juge pénal peut se baser dans son jugement d'acquittement sur des preuves illégales contenant l'innocence de l'accusé, dans le cas contraire, la conséquence dangereuse serait la culpabilisation d'un innocent. Par conséquent, le droit de l'accusé de se défendre est un droit sacré placé au-dessus de tout autre droit de la société. Il est inadmissible de restreindre la liberté de l'accusé de se défendre avec une exigence similaire à celle requise dans la preuve de culpabilité. La légalité est donc une base de la preuve valide et sans défaut de la culpabilité ou de l'innocence. Mais il n'est pas possible de dire que la preuve de la culpabilité doit être légale. Au contraire, il suffit que la preuve de l'innocence soit présente sans compter sa légalité. Certains auteurs peuvent critiquer cet avis en disant que l'équilibre de la justice est détruit pour devenir discriminatoire dans l'évaluation de la preuve, étant donné que les jugements judiciaires se fondent sur l'affirmation et la certitude, non pas sur la supposition et l'hypothèse et toujours sur la base d'une preuve légale. Nous disons non, car il faut tenir compte du principe de la présomption d'innocence et de celui selon lequel le doute doit favoriser l'accusé, de sorte que le jugement de culpabilité est seul à être fondé sur l'affirmation et la certitude. Quant au jugement d'innocence, il suffit pour le juge pénal d'avoir un simple doute dans les preuves d'affirmation pour juger l'acquittement. De ce fait, il vaut mieux pour le tribunal de libérer un millier de criminels que de condamner un innocent.

477

369. La présomption d'innocence exonérant l'accusé de prouver de son innocence. La question évidente se pose donc : si la loi a permis à l'accusé ou au défendeur de montrer ses défenses, d'être écouté par le tribunal, de demander au juge d'instruction de mener à bien certaines actions qu'il juge nécessaires afin de découvrir la vérité, en considérant qu'il n'est pas coupable, ou de fournir des documents et des preuves, le problème principal reste centré sur le sort de la preuve illégale de l'innocence de l'accusé ou du défendeur fournie par lui au tribunal, sans que cette preuve soit le résultat d'une procédure pénale au sens strict du mot. Quelle est donc la position de la magistrature et la loi sur cette preuve illégale ? Existe-t-il une différence selon que cette preuve émane de l'accusé ou du défendeur lui-même ? La preuve illégale doit être écartée de l'examen et de la conviction du juge, même si elle représente la vérité, puisque la légalité des procédures pénales en général, et plus particulièrement l'illégalité de la preuve pénale basée sur l'illégalité du moyen de la recherche, de l'obtention ou de la production de la preuve obligent à ne pas prendre en considération la vérité et la valeur probante de cette preuve même si cela conduit à l'impunité d'un criminel coupable. Est-il possible d'admettre l'exclusion de la preuve illégale qui prouve l'innocence de l'accusé pour la raison que celui qui l'a obtenue, soit l'accusé, l'a obtenue d'une manière illégale ? Peut-on accepter ce qui n'est pas acceptable pour la conscience et la justice, c'est-à-dire de punir une personne d'un péché qu'il n'a pas commis et négliger la preuve de son innocence en raison de l'illégalité de cette preuve ? Faut-il faire une comparaison de position et donner la même solution pour le sort de la preuve illégale fournie par l'autre partie privée dans le procès pénal, en d'autres termes le demandeur civil ou la victime ? Il découle du principe de la présomption d'innocence que la personne mise en cause est en toute logique dispensée d'avoir à établir son innocence. Cependant, l'enjeu du procès pénal ne peut se satisfaire du rôle passif de la personne mise en cause dans l'établissement de son innocence. Loin d'être analysée comme une atteinte à ses droits fondamentaux, la possibilité pour la personne mise en cause de rapporter des éléments de preuve de nature à établir son innocence ou à atténuer sa responsabilité constitue une chance supplémentaire, pour le procès pénal, de

. La notion de

1876

tendre vers son objectif de vérité et de prévention de l'erreur judiciaire

1877

preuve contraire n'est pas inconnue du droit en général et du droit pénal en particulier

.

1876 P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 7.

1877 P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p.

7.

370.

478

Arguments en faveur du droit pour l'accusé de prouver son innocence par une preuve illégale. Est-il possible à l'accusé ou au défendeur de prouver son innocence grâce à l'utilisation d'une preuve obtenue illégalement? Se pose la question de la possibilité pour l'accusé de présenter une preuve illégale afin de prouver son innocence. A ce propos, il existe plusieurs points de vue doctrinaux vis-à-vis de la preuve sur laquelle le juge fonde sa conviction de l'innocence.

371. Un premier avis contre l'admission d'une preuve illégale. En réponse à cette problématique, certains exigent la légalité de la preuve dans le cas de la culpabilité et également de l'innocence. En effet, dans le cas où la nullité d'une procédure est décidée, cela influence tous les effets qui en découlent directement ; compte tenu du fait que le texte n'a pas distingué entre la preuve de la culpabilité et celle de l'innocence. En outre, les voies légales assurent la démonstration de l'innocence, et par conséquent il n'est pas donc permis de juger cette innocence au détriment de la perte du principe de la légalité. Une deuxième opinion pense que l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence par la justice implique la violation du principe de la légalité de la preuve, et qu'il n'est pas possible à la justice d'établir la règle que la fin justifie les moyens. Les adeptes de cette tendance voient que la démonstration de l'innocence est soumise au principe de la légalité de la preuve, comme la démonstration de la culpabilité. Cependant, cet avis n'a pas pris en considération un point important, qui est que la preuve illégale de l'innocence soumise par l'accusé ou le défendeur ne prend pas la forme d'une procédure pénale, ni ne peut être considéré réellement comme un acte de procédure.

372. Deuxième avis soutenant l'acceptation de la preuve illégale. La légalité n'est pas une condition obligatoire dans la preuve de l'innocence, étant donné que cette dernière compte parmi les principes fondamentaux des procédures pénales, que chaque accusé profite de la présomption d'innocence jusqu'à être jugé coupable en vertu d'un jugement définitif. La partie doctrinale soutenant cet avis affirme qu'il n'existe pas de restriction pour la mise en place de l'acquittement sur la base d'une preuve illégale, en se fondant sur le principe général de la présomption d'innocence de la personne, et par conséquent, rien n'oblige le tribunal à le prouver. Il suffit que le tribunal doute de la culpabilité de l'accusé pour l'acquitter de ce que lui était attribué sur la base que la légalité qui n'est pas une condition obligatoire dans la preuve de l'innocence. La raison principale est que parmi les principes fondamentaux des procédures pénales, chaque accusé jouit de la présomption d'innocence jusqu'à être jugé coupable en vertu d'un jugement définitif.

373.

479

Un troisième avis établit une distinction entre deux cas de l'acceptation ou le rejet de la preuve illégale. La troisième tendance pense que les preuves illégales de l'innocence sont acceptées dans des cas spécifiques. En effet, si la preuve a été obtenue par un moyen considéré comme une infraction pénale, tel que le vol d'un document ou par la fraude, cette preuve n'est donc pas fiable et par conséquent elle doit être écartée. Dans le cas où la méthode n'atteint pas le niveau de la criminalité, mais comprend plutôt une violation d'une règle procédurale, la preuve obtenue n'est donc pas gaspillée et reste prise en considération. Ce dernier point de vue parvient à établir un équilibre entre l'intérêt de l'innocent dans sa libération et les intérêts de la société afin d'empêcher la perpétration des infractions dans le cadre de la recherche de la vérité. Cette logique doctrinale voit la distinction entre les cas où l'illégalité de la preuve remonte à la façon d'obtention qui viole les règles des procédures pénales, et entre le cas où cette méthode est une infraction pénale. La preuve illégale pour prouver l'innocence est acceptée seulement dans le premier cas. L'accusé ne doit pas être atteint par un fait dont il n'est pas responsable. Dans le second cas où la preuve est produite par des moyens constituant une infraction pénale - comme la fraude ou les faux témoignages - la preuve doit être perdue, sur la base que le moyen devrait prendre la description du but : si la fin est légale, le moyen qui en mène doit être légal également. L'avis contraire va encourager à commettre des crimes espérant prouver son innocence.

374. La possibilité d'établir l'innocence sur une preuve illégale. Si l'accusé est à l'origine innocent, le tribunal de première instance n'est pas tenu à la conformité avec les règles de preuve. En principe, le juge devrait fonder sa conviction sur une preuve légale comme règle générale, mais il faut faire la distinction entre la culpabilité et l'acquittement ou l'innocence. En effet, seule la preuve de culpabilité doit être légale sans aucune exception. La culpabilité ne se fonde pas sur une preuve illégale. Quant à la preuve de l'innocence, elle peut être obtenue par un moyen illégal qui n'est pas conditionné par sa légalité comme une manifestation d'une tolérance en faveur du principe de la présomption d'innocence. Par conséquent, nous soutenons l'avis qui préfère l'obligation de la construction de la culpabilité sur une preuve légale en respectant le principe de la légalité de preuve pénale et ne pas exiger cette condition pour la preuve de l'innocence.1878. Nous soutenons avec clarté la non-

1878 V. en ce sens : Cour de cassation criminelle Égyptienne, pourvoi numéro 4684 année 1958, bureau technique, p. 819, date 02/11/1989 : A ce propos, il est possible de donner des exemples de quelques importants arrêts qualitatifs émis par la Cour de cassation égyptienne comme un exemple de droit comparatif pour le

480

exigence de la légalité de la preuve de l'innocence. La non-considération de la preuve illégale n'était prévue que pour garantir la liberté de l'accusé et ne doit pas se retourner contre lui. L'accusé a une totale liberté dans le choix des moyens de défense selon sa position dans le procès. Ainsi, le droit de l'accusé à se défendre est supérieur aux droits du corps social qui est plus affecté par la culpabilité d'un innocent que par l'acquittement d'un coupable.

375. Position de la justice libanaise sur la preuve illégale présentée par l'accusé. Après la révision des dispositions de la justice libanaise, nous n'avons pas remarqué l'existence de dispositions indiquant ou mettant en évidence la position de la justice sur ce sujet qui ne semble pas être débattu dans la pensée juridique libanaise. En outre, il n'existe pas de distinction fondée sur la norme de la partie qui a présenté la preuve illégale, qu'elle soit l'accusé, le demandeur civil ou la victime. Ainsi, la justice libanaise ne prend pas la moindre considération à ce sujet, et nous voyons cette même attitude dans la doctrine libanaise qui n'accorde aucune importance à ce sujet et nous ne pouvons pas trouver un avis sur ce sujet. En outre, il semble que la justice et la doctrine libanaises n'accordent aucun intérêt en termes de distinction entre la preuve illégale émise sur la base d'une procédure pénale au sens strict du mot, et la preuve illégale qui n'est pas le résultat d'une procédure pénale, et présentée au tribunal ou versée dans le dossier pénal. Par conséquent, il est possible de confirmer que la situation pratique dans le droit libanais est toujours hésitante s'agissant de la compréhension du terme de la preuve illégale et du choix de la façon de la confrontation de cette preuve et de son sort. Ainsi, il est possible de dire avec certitude que l'idée de punir ou de sanctionner la preuve illégale est encore en croissance très lente, sans l'existence d'une position claire et fixée de la justice libanaise sur ce sujet. Nous voyons que la justice libanaise doit a priori établir un concept unifié de la preuve illégale, adopter une position unifiée et par

soutien de notre avis en termes d'explication de l'avis que nous soutenions. La Cour de cassation égyptienne est allée jusqu'à dire littéralement : « Étant donné qu'il est décidé que bien que la légalité est nécessaire dans la preuve de culpabilité, il est interdit de fonder une culpabilité valide sur une preuve invalide dans la loi ; toutefois, (la légalité n'est pas une condition) obligatoire dans la preuve d'innocence, car l'origine selon l'article 67 de la Constitution et les principes fondamentaux dans les procédures pénales que chaque accusé a la présomption d'innocence jusqu'à être jugé coupable avec un arrêt définitif, et jusqu'à l'émission de cet arrêt, il a une totale liberté dans le choix des moyens de défense selon sa position dans le procès et ce qu'il ressent comme conditions de peur, de prudence et d'autres symptômes naturelles à la faiblesse des êtres humains. A la direction de ces principes, le droit de l'accusé à se défendre s'est fondu, devenant ainsi un droit avancé supérieur aux droits et intérêt de la société qui n'est pas affectée par l'acquittement d'un coupable mais plutôt nuise ainsi que la justice par la culpabilité d'un innocent. En outre, la loi a décidé, sauf ce qui est nécessaire comme moyens spéciaux de preuve, la permission totale au juge pénal de choisir parmi ces moyens ce qu'il considère une voie amenant à la révélation de la vérité , en pesant la force de la preuve provenant de chaque élément, avec une liberté absolue dans l'appréciation de ce qui lui est soumis, et la vérification de sa force probante dans chaque cas selon ce qui est tiré des faits du procès et ses circonstances sans acceptation de la restriction de la liberté du tribunal dans la preuve de l'innocence avec une exigence semblable à ce qui est requis dans la preuve de culpabilité ».

conséquent décider une voie particulière dans l'inacceptation de cette preuve. En conclusion, il convient de dire que rien n'empêche la justice libanaise d'adopter notre précédente opinion sur le sujet de l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence pour toutes les raisons précédemment décrites.

376. La position de la jurisprudence française concernant l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence. Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française « le droit à un procès équitable et la liberté d'expression justifient que la personne poursuivie du chef de diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, les pièces de nature à établir la vérité des faits ou sa bonne foi, sans qu'elles puissent être écartées des

débats au motif qu'elles auraient été obtenues par des moyens illicites ou déloyaux »

1879

. Quel

est le fondement de la recevabilité d'une preuve illégale ou déloyale présentée par un particulier ? Premièrement, le silence du Code de procédure pénale ou le vide juridique concernant l'absence d'un texte de loi claire qui oblige le juge répressif à écarter un élément de preuve illégal ou déloyal, comme l'a indiqué la chambre criminelle de la Cour de cassation française dans sa formule classique à plusieurs reprises « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; [qu']il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante

» 1880 . D'autre part, la chambre criminelle de la Cour de cassation française accepte les preuves déloyales et illégales produites par une partie privée qui permet de prouver l'innocence en considérant qu'elles sont nécessaire. Pour justifier la recevabilité de cette preuve illégale, la Cour de cassation a eu recours à l'idée des besoins de la défense « attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que l'enregistrement de la conversation téléphonique privée, réalisé par Alain Y..., était justifié par la nécessité de rapporter la preuve des faits dont il était victime et de répondre, pour les besoins de sa défense, aux accusations de violences qui lui étaient imputées, la Cour d'appel, devant qui la valeur de ce moyen de preuve a été contradictoirement débattue, n'a pas méconnu les textes et les dispositions conventionnelles

visés au moyen »

1881

. On peut donc dire que la Cour de cassation française accepte la preuve

481

illégale si cette preuve constitue un moyen de défense pour prouver l'innocence. M. Jean-Christophe Saint-Pau considère que « s'il n'est pas concevable qu'un particulier organise des

1879 Cass. crim., 19 janvier 2010, B.C., n° 12.

1880 Cass. Crim., 6 avril 1994, B.C., n° 136, p. 302. 1881 Cass. Crim., 31 janvier 2007, B.C., n° 27, p. 100.

investigations ou recherches illégales, notamment en procédant à des écoutes téléphoniques et en enregistrant des conversations privées, il reste que le principe de légalité procédurale peut trouver sa limite dans les droits de la défense. Lorsque, en effet, une personne est victime d'une infraction ou d'une accusation, il serait contraire aux droits de la défense de ne pas l'autoriser à en rapporter la preuve, alors même qu'elle serait obtenue de manière illicite ou

déloyale »

1882

. Cet avis généralise l'argumentation de la recevabilité de la preuve illégale ou

482

déloyale en se basant sur le principe que la légalité procédurale trouve sa limite dans les droits de la défense sans faire une distinction entre preuve de culpabilité et preuve d'innocence ou preuve apportée par une partie privée qui est victime d'une infraction ou d'une accusation. Nous soutenons partiellement l'avis de M. Jean-Christophe Saint-Pau concernant la recevabilité de la preuve illégale d'innocence par la chambre criminelle de la Cour de cassation mais nous rejetons son avis concernant la recevabilité de la preuve de culpabilité qui doit être toujours soumise à l'application effective du principe de la légalité procédurale et de la légalité de preuve pénale. Donc, il est remarquable que la chambre criminelle de la Cour de cassation française constate que l'utilisation d'un élément de preuve illégale par une partie privée afin d'identifier ou prouver son innocence est considérée comme un moyen de

1883

défense et qui est conforme avec les exigences du procès équitable. Cette possibilité

d'utilisation de preuves illégales pour prouver l'innocence de la personne poursuivie s'appuie selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française sur les mêmes raisons qui ont poussé cette chambre à accepter les preuves illégales de culpabilité apportées par une partie privée.

1882 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 21.

1883 V. Cass. Crim., 11 février 1992, B.C., n° 66, p. 166 : « Le fait que des pièces produites par une partie pour sa défense auraient été obtenues par des moyens déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de refuser de les joindre à la procédure, dès lors qu'elles ne constituent que des moyens de preuve dont la valeur peut être discutée contradictoirement. Il ne peut donc être reproché au juge d'instruction ni de saisir une bande magnétique, à lui remise par une partie, contenant l'enregistrement d'une conversation, ni de faire procéder à la transcription de cet enregistrement et de la joindre au dossier de la procédure, même si cet enregistrement a eu lieu à l'insu d'un des participants à cette conversation ».

483

Conclusion du chapitre I

377. La justice garantit la protection de la légalité procédurale par le contrôle des procédures pénales, afin de s'assurer que les autorités étatiques chargées de la recherche de la vérité agissent selon les règles juridiques fixées par la loi pour la recherche de la preuve pénale, assurant de ce fait la protection nécessaire aux droits et libertés des citoyens, en les maintenant contre l'arbitraire et l'abus de l'autorité. C'est pourquoi il n'est pas permis de chercher la preuve pénale par un moyen illégal non autorisé par la loi ou qui constitue une violation des droits et libertés des individus. La sanction de la recherche de preuve en violation de la loi sera la nullité et la non-recevabilité de la preuve. La nullité est donc une sanction procédurale résultant de l'absence des éléments nécessaires pour la validité du travail juridique ou encore la sanction infligée à une procédure particulière, qui peut être annulée totalement ou partiellement, à cause de l'omission d'un élément requis légalement dans la procédure, ou, car la procédure a été effectuée d'une manière incorrecte. La nullité est le moyen pratique nécessaire pour atteindre la validité de la justice et son prestige dans toutes les phases de la procédure. Par conséquent, les législateurs libanais et français sont soucieux d'identifier les cas de nullité, sans laisser place au doute. En outre, le responsable de la procédure connaît d'avance le sort subi par son travail, afin de faire attention aux dispositions relatives à son travail. Cependant, cela ne signifie pas que la nullité n'intervient que dans le cas de sa disposition explicite dans la loi. Au contraire, la nullité peut être provoquée par la violation d'une règle particulière fondamentale dans le concept de droit, bien que le législateur n'ait pas décidé une sanction explicite de sa violation.

En outre, les dispositions de la nullité varient selon que les procédures prises sont relatives aux intérêts des justiciables dans le procès ou à l'intérêt suprême de la société. Le problème en matière de nullité substantielle est qu'il n'est pas toujours facile de faire une distinction claire entre les procédures fondamentales qui sont sanctionnées par la nullité, et celles considérées comme secondaires et dont la violation n'entraîne pas la nullité. Il s'agit donc d'un obstacle pouvant donner différents points de vue et des incohérences dans les arrêts. En outre, il n'est pas possible pour le législateur d'adopter seulement et totalement le système des nullités substantielles parce qu'il est susceptible d'entraîner de graves conséquences. Par conséquent, les règles considérées comme secondaires et non fondamentales seront ignorées tant qu'il n'existe pas de sanction spécifique à leur violation, en contradiction avec le désir du législateur qui ne dicte pas ses dispositions pour négliger sa valeur, mais celles-ci sont

484

destinées à parvenir à un intérêt vital. La sagesse exige de prendre en compte les deux systèmes de nullité ensemble comme l'ont fait les législateurs français et libanais, le système de la nullité textuelle (appelé encore nullité juridique dans la doctrine arabe) et le système de la nullité substantielle. En effet, à côté de la disposition législative sur certains cas de la nullité, le juge dispose de la possibilité de conditionner cette peine selon la violation que le juge considère fondamentale.

Cependant, il existe des commentaires sur les dispositions de la nullité dans la loi libanaise et française représentées par l'incapacité de la théorie de la nullité à contenir le principe de la légalité et l'assurance de la sanction appropriée, pratique et logique de la violation du principe de la légalité de la preuve pénale. En outre, la théorie de la nullité a échoué à trouver une solution au problème de la preuve illégale émise par des parties privées dans le procès pénal qu'il s'agisse de preuve de culpabilité ou preuve d'innocence. Nous parlons ici de la preuve illégale non considérée comme un acte de procédure pénale, mais qui est présentée directement dans le dossier du procès par les parties privées. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française ne fait aucune distinction entre preuve illégale de culpabilité et preuve illégale d'innocence, admet les preuves illégales à condition qu'elles soient apportées par une partie privée. Il doit exister une distinction entre la preuve illégale de l'innocence et celle de la culpabilité. D'une part, il ne faut pas juger la condamnation en se fondant sur une preuve illégale étant donné que le principe de base est que le jugement de culpabilité doit être fondé sur une preuve conforme au principe de la légalité de la preuve pénale. D'autre part, la preuve illégale de l'innocence semble être acceptable pour fonder l'acquittement de l'accusé, en particulier si le doute influence la conviction du juge, puisque le doute doit favoriser l'accusé, conformément à la présomption d'innocence. En vérité, la jurisprudence libanaise ne fait absolument aucune distinction entre la preuve correcte et celle illégale, mais s'assure seulement de soumettre toute preuve soumise au tribunal à un débat public et oral, sans se soucier de son origine illégale, ou sa présentation par les autorités publiques ou par les parties privées. En France, ce sujet semble différent du Liban, car le droit français distingue entre la preuve illégale soumise par les autorités publiques qui est inacceptable, et la preuve illégale fournie par les parties privées dans le procès pénal qui est acceptable, en raison de l'absence de tout texte obligeant le juge ou le tribunal à exclure la preuve pénale du dossier du procès et à ne pas estimer de sa valeur probante sous prétexte de son illégalité. A ce propos, nous pouvons noter que la justice française ne distingue pas entre la preuve illégale de culpabilité et celle d'innocence soumise par les parties privées, en acceptant ces deux types sans aucune distinction entre eux. Il serait bon pourtant de réfléchir sur une modification législative dans le

485

droit libanais et français qui distinguerait entre l'acceptation de la preuve de la culpabilité fournie par la victime ou la partie civile, et la preuve de l'innocence présentée par l'accusé. Si l'exclusion du tribunal de la preuve illégale de culpabilisation se justifie, ce n'est pas le cas de la preuve illégale de l'innocence dont l'acceptation ne pourrait avoir pour effet que l'impunité d'un coupable, ce qui est bien moins grave que la condamnation d'un innocent parce qu'on refuserait la preuve illégale de son innocence. Nous soutenons entièrement l'avis qui écarte et interdit l'utilisation d'un élément de preuve obtenu en méconnaissance d'une règle de la procédure pénale, par la violation du droit au respect de la vie privée, en méconnaissance des droits de la défense ou en méconnaissance du droit à la dignité humaine. Les éléments de preuve obtenus de manière illégale ne peuvent être retenus dans la mesure où leur utilisation est contraire au droit à un procès équitable. Donc, la jurisprudence au Liban et en France est invitée, désormais, à appliquer de façon uniforme et rigoureuse la règle selon laquelle un élément de preuve pénale obtenu illégalement ne peut en aucune manière contribuer, que ce soit directement ou indirectement, à apporter la preuve d'une infraction. En même temps, les législateurs libanais et français sont invités à trouver une solution qui assure l'application effective du principe de légalité de la preuve pénale.

486

Chapitre II

L'admission nuancée de la preuve illégale

378. Recevabilité de la preuve illégale. Il est essentiel de préciser d'abord un point fondamental, c'est qu'il ne faut pas du tout prendre en compte la force ou la valeur probante de la preuve pénale lorsque l'on parle du problème de la légalité de celle-ci, de son acceptation ou de son rejet, car la base de la question de la légalité de la preuve pénale n'a pas de rapport avec la force probante et la crédibilité de la preuve pénale. Elle est exclusivement liée au mode ou moyen illégal par lequel cette preuve a été obtenue et qualifiée d'illégale. Ce qui précède n'empêche pas d'affirmer qu'en pratique, la valeur probante de la preuve illégale joue un rôle essentiel dans l'admissibilité et dans l'appréciation des preuves illégales par la justice. La question principale dans la preuve pénale tourne toujours autour de la recevabilité de la preuve illégale et sa fiabilité pour le juge du fond. Il est logique de dire que le système des nullités en procédure pénale ou de l'application pratique de celle-ci en droit libanais et français n'a pas donné une solution ou un traitement intégré et satisfaisant au problème du sort de la preuve illégale dans le procès pénal soit en décidant de sa nullité ou en l'écartant ou l'acceptant. De surcroît, la théorie des nullités n'a pas pu faire ou présenter une application effective du principe de la légalité de preuve pénale. Donc, ni le législateur libanais ni le français n'ont tracé un plan clair qui nous permettrait de savoir clairement quel est le sort de la preuve illégale dans le procès pénal, ce qui crée une contradiction lorsqu'il faut déterminer quand on peut admettre ou rejeter la preuve illégale. On peut donc dire que la théorie des nullités pénales n'a pas fourni une solution complète au problème de la légalité de la preuve pénale et de là ressort l'importance de la recherche des normes sur la base desquelles la justice accepte ou rejette la preuve illégale et en même temps il s'agit de trouver une solution satisfaisante qui permet de résoudre le conflit entre l'existence théorique et l'application effective du principe de la légalité de preuve pénale qui a sans doute une valeur juridique en droit libanais et français.

La première section de ce chapitre porte sur le traitement de la preuve illégale. La deuxième section de ce chapitre porte sur la modernisation des moyens et des mécanismes juridiques afin de consacrer une application effective du principe de la légalité de preuve.

487

Section I

Le traitement de la preuve illégale

379. Position de la justice par rapport à la preuve illégale. Comment la justice libanaise et française a résolu le problème de la preuve illégale dans le procès pénal ? M. Dimitrios Giannoulopoulos dans sa thèse intitulé « l'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique » souligne que « l'admissibilité de la preuve pénale déloyale - c'est-à-dire la question de savoir s'il est permis au juge du fait d'apprécier une telle preuve ou s'il doit, au contraire, l'exclure du procès - est l'un des sujets

. Il

1884

les plus controversés de la procédure pénale et du droit de la preuve en particulier »

faut dire que comme principe général le système répressif libanais et français a soumis la preuve illégale à l'évaluation et à l'appréciation de la Cour de première instance ou le juge du fond en leur laissant la liberté d'évaluer la valeur probante de la preuve illégale. Une question fondamentale se pose dans ce domaine : quelles sont les raisons qui ont conduit le système judiciaire libanais et français à admettre la preuve illégale? Est-il possible de déduire les critères généraux fixes de l'acceptation ou l'admission de la preuve illégale ou au contraire de son rejet par le système judiciaire français ou libanais? C'est ce que nous allons traiter dans le premier paragraphe intitulé « les raisons de l'admission de la preuve illégale ». Cependant, l'acceptation de cette preuve illégale est soumise à certains critères fixés par le système judiciaire dans ses dispositions qu'il faudra respecter, ce qui constitue le sujet dont nous débattrons dans le deuxième paragraphe intitulé « la sanction contrastée de la preuve illégale ».

§ 1. Les raisons de l'admission de la preuve illégale.

380. La liberté dans l'appréciation de la preuve a dirigé l'attention vers la force probante de la preuve illégale. Le juge pénal jouit d'un large pouvoir dans la constitution de sa conviction de la preuve. L'autorité du juge dans l'acceptation et l'estimation des preuves trouve son appui dans l'application du principe de l'intime conviction du juge pénal qui signifie la libre appréciation de la preuve et qui considère le résultat nécessaire à la liberté du juge qui jouit de cette autorité d'accepter ou de rejeter cette preuve en se basant sur sa force de

1884 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse de droit, Université Paris I, 2009, p. 19.

conviction, c'est-à-dire la force probante de la preuve. M. Dimitrios Giannoulopoulos remarque que « cette règle de l'admissibilité générale de preuves obtenues par les parties privées, indépendamment du fait qu'elles aient ou non été obtenues de manière déloyale, reflète le rôle dominant du principe de la liberté de la preuve en droit français contemporain qui amène les tribunaux à relativiser le principe de la loyauté de la preuve en se concentrant sur le seul critère de la force probatoire de la preuve en question »1885. Ce qui est essentiel dans les procès pénaux est de convaincre le juge parce que le jugement se base sur l'affirmation et la certitude conclusive et non sur le doute et la spéculation, c'est pour cela que le juge doit constituer sa conviction sur la base des preuves présentes dans le dossier pénal. Il a la liberté absolue d'adopter une preuve parmi les preuves obtenues sans devoir de se conformer à l'ordre ou à la hiérarchie dans les moyens de preuve étant donné que l'objet consiste dans la disponibilité de la valeur probante de la preuve qui procure au juge une parfaite conviction pour juger l'affaire pénale. Les lois françaises et libanaises ont conféré au juge dans les affaires criminelles un large pouvoir et une totale liberté pour déceler la vérité dans le jugement qu'il va rendre et estimer la force probante provenant de chaque élément de son propre gré et conscience et choisir la preuve la plus plausible pour sa conviction et ignorer le reste. Il est clair que le juge possède la liberté absolue dans l'estimation de la force probante de la preuve qui lui est exposée et il n'est soumis à aucun contrôle de la Cour suprême, c'est-à-dire la Cour de cassation, sauf en cas de distorsion de la preuve. Mais un problème se pose lorsque la preuve présentée au juge a été obtenue de façon illégale. Il s'agit donc d'une preuve illégale. Comment le juge devra-t-il se comporter avec cette preuve illégale ? Est-ce que la loi à travers ses textes a contraint ou obligé le juge à adopter une attitude particulière face à la preuve illégale ? Il n'y a aucun texte juridique que ce soit dans la loi française ou libanaise qui prévoit clairement et explicitement que le juge est obligatoirement tenu d'écarter ou d'exclure cette preuve illégale du cadre de la liberté quasi absolue qu'il exerce dans l'évaluation des preuves qui lui sont exposées. Honnêtement, la question devient plus évidente quand on lit les dispositions des juridictions françaises qui justifient toujours dans leurs arrêts qu'aucun texte juridique n'autorise ou oblige le juge pénal à écarter une preuve en raison de son illégalité. Par conséquent, toute preuve présentée au juge est soumise à la liberté du juge d'évaluer la valeur probante sans aucune distinction ou discrimination entre la preuve conforme au principe de la

légalité et la preuve illégale

1886

. Mais la question qui se pose est la suivante : est-il conforme à

488

1885 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 258.

1886 V. au contraire en droit belge : O. Leroux et Y. Poullet, « En marge de l'affaire GAIA : de la recevabilité de la preuve pénale et du respect de la vie privée », in Revue générale de droit civil Belge, Éditions Kluwer,

l'esprit de la loi dans un État de droit d'accepter une preuve ou un élément de preuve illégal sous le couvert de l'argument tiré de la liberté du juge d'apprécier la preuve en toute liberté d'après son intime conviction ?

A. L'absence d'un texte de loi permettant aux juges répressifs d'écarter ou d'exclure la preuve illégale.

381. La formation de l'intime conviction du juge néglige l'origine illégale de la preuve. La loi confère au juge pénal une large liberté dans l'estimation ou l'appréciation des preuves, mais nous pensons que la liberté d'apprécier la preuve par le juge ne doit pas négliger

l'application du principe de la légalité de preuve pénale

1887

. Les juges de première instance

489

(fond) invoquent toujours qu'en vertu du principe de la conviction personnelle ou l'intime conviction du juge pénal, toute preuve pénale est soumise à la liberté absolue du juge d'estimer sa valeur probante préalablement à l'établissement d'un verdict qui sera l'emblème de la justice. Dans leur argumentaire de non-exclusion de la preuve illégale, les juges invoquent toujours l'absence d'un texte juridique dans les lois française ou libanaise qui leur

permet ou les oblige à exclure la preuve illégale qui leur est exposée 1888 . Par conséquent, ils n'ont pas d'autorité pour écarter une preuve quelconque même si elle était illégale. Ils doivent par contre soumettre toute preuve qui leur est présentée à leur conscience et conviction en application du principe prédominant les preuves pénales au Liban et en France qui est le principe de la liberté du juge pénal dans l'appréciation des preuves et dans la constitution de sa conviction personnelle pour juger dans un procès pénal. Donc, le juge pénal est libre de puiser sa conviction de n'importe quelle preuve présentée au procès et il n'est pas tenu

Bruxelles, 2003, n° 3, pp. 163-176, V. spec. p. 163 : « Tout élément de preuve rationnel est en principe admis, de sorte que le juge recherche librement la preuve des infractions dans tous les éléments de la cause régulièrement recueillis et en apprécie souverainement la force probante ».

1887 V. en même sens : H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1062, p. 493 : « En droit pénal, le juge peut recevoir et apprécier souverainement toute preuve, à condition qu'elle ait été recherchée légalement. En d'autres termes, les moyens de la preuve sont régis par le principe de la liberté dans l'établissement de la preuve et par celui de la légalité dans l'administration de cette preuve » ; J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., 1994, p. 40 : « Si la loi confère au juge le pouvoir d'apprécier librement les preuves, elle le contraint en revanche à respecter les règles relatives à leur recherche, leur administration et leur discussion ».

1888 V. sur ce point en droit comparé : O. Cahn, « L'arrêt HL. R. v. Secretary of State for the Home Department, ex parte Ramda du 27 juin 2002 : incident isolé ou précédent dommageable ? », in Cultures et Conflits, juin 2007, n° 66 « Construire le voisin. Pratiques européennes », pp. 121-156, v. spec. p. 150 : « Il peut, d'abord, se référer aux implications du principe de légalité criminelle et considérer que les normes constitutionnelles et internationales doivent prévaloir sur la norme législative pour exclure la preuve obtenue en violation des droits fondamentaux de l'individu ».

d'écarter toute preuve illégale présentée au procès en raison de l'absence d'un texte juridique qui l'en oblige. Là, le juge n'accorde pas d'importance à l'illégalité de la preuve tant que cette preuve est soumise à l'autorité du juge et à sa liberté de conviction. Ce qui renforce théoriquement la position des juges est l'absence d'un texte juridique qui les oblige à rejeter la preuve illégale tant que celle-ci n'a pas été annulée ou exclue du dossier du procès pénal. En

droit français, toutes les preuves sont admissibles

1889

, c'est le juge qui apprécie la valeur

490

1890

probante de chaque preuve sans prendre en compte l'illégalité de la preuve

.

382. L'absence d'un texte juridique encadrant la liberté du juge de rejeter la preuve illégale constitue-t-il une restriction du pouvoir du juge d'exclure une preuve illégalement obtenue? Est-ce que réellement l'absence d'un texte juridique obligeant clairement le juge à rejeter ou écarter la preuve illégale justifie son acceptation de celle-ci tant qu'il se fie à sa valeur probante? Une question digne d'attention se pose : est-ce que l'absence d'un texte législatif obligeant clairement le juge à écarter la preuve illégale est un argument juridique lui permettant d'évaluer la valeur de la preuve selon le principe de la libre conviction du juge? On peut aussi poser la question de la façon inverse qui serait : est-ce que l'absence d'un texte juridique permet au juge de n'exclure aucun des éléments de preuve présents dans le procès

1891

pénal sans distinction ou discrimination entre les preuves légales et illégales? Cette

question logique relève du débat sur le thème de la liberté du juge pénal dans l'estimation des preuves dont il dispose, un thème qui est aussi le principe prédominant du système de justice pénale au Liban et en France. Est-ce que cette liberté octroyée au juge est une liberté absolue qui lui permet de s'appuyer sur une preuve illégale ou est-ce une liberté relative qui ne lui permet pas de se baser sur une preuve illégale? Autrement dit, l'appréciation de la preuve par le juge en matière pénale est-elle souveraine? Il semble clair que la jurisprudence française et libanaise a adopté et appliqué et applique actuellement encore la notion extrême du principe

1889 G. Roussel, « Liberté de la preuve des fraudes communautaires », Note sous Cass. crim., 19 nov.2008, pourvoi n° 07-82.789, in AJ pénal, 2009, p. 75 : « Puisque le principe de l'intime conviction entraîne celui de la liberté de la preuve, toute preuve est admissible devant les juridictions pénales. La preuve est recevable même si elle est illicite ou déloyale (V. Crim. 11 juin 2002). Elle est aussi recevable même si elle ne se conforme pas à certaine prescription de forme ou de recueil »

1890 Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482 : « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Méconnaît ce principe la cour d'appel qui, dans une procédure suivie du chef de discrimination, refuse d'examiner les éléments de preuve obtenus par les parties civiles au moyen du procédé dit " testing ", consistant à solliciter la fourniture d'un bien ou d'un service à seule fin de constater d'éventuels comportements discriminatoires, au motif que ce procédé aurait été mis en oeuvre de façon déloyale ».

1891 Les preuves qui sont en conformité avec le principe de la légalité de preuve pénale.

de la liberté du juge pénal dans la conviction et l'évaluation des preuves 1892 sans tenir compte

491

de leur source ni du moyen illégal de leur obtention tant que ces preuves ont pu être présentées en audience publique et ont été discutées par les diverses parties du procès. Il semble compliqué ou qu'il n'y ait pas de solution pour que l'application effective du principe de la légalité de la preuve soit effectuée et que cet élément de preuve illégale sorte du cadre de la liberté absolue d'appréciation du juge. Il faudrait pour cela une intervention législative, tant au Liban qu'en France, qui obligerait le juge à écarter ou exclure toute preuve illégale du cadre de son évaluation de sa valeur probante, même s'il s'agit d'une preuve qui représente effectivement la vérité ou présente une force probante importante. Sans intervention législative, il faudrait que la jurisprudence pénale en droit libanais et français renonce au concept de la liberté absolue et extrême dans l'intime conviction du juge. Il est raisonnable de penser que l'intervention législative est la solution parfaite pour résoudre le problème de l'application pratique et effective du principe de la légalité de la preuve pénale suivant l'exemple du législateur belge ou italien 1893 . Il convient de dire que nous faisons face ici à un vrai problème ou une crise juridique pour une raison logique : est-il admissible de violer les libertés et droits individuels protégés par la Constitution, les traités et les dispositions juridiques en vue d'obtenir des preuves pénales? Pourquoi la magistrature n'applique pas ces garanties prévues pour les individus? Plus que cela, nous voyons que le juge doit tenir compte des principes juridiques généraux comme restriction à sa liberté d'évaluer la preuve illégale plutôt que d'argumenter par l'absence d'un texte législatif clair l'obligeant à écarter la preuve illégale du cadre de sa liberté de constituer sa propre conviction lorsqu'il juge dans un procès pénal. Là aussi, il est nécessaire de dire que les législateurs français et libanais doivent intervenir pour combler ce vide juridique, s'il n'y a aucun texte juridique permettant d'appliquer le principe de la légalité de la preuve pénale qui est l'un des principes fondamentaux généraux dans les États de droit. La question qui se poserait donc serait : qu'est-ce qui a empêché et empêche encore les législateurs français et libanais d'intervenir de façon législative et instaurer un texte juridique permettant l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale clairement par un texte sur l'exclusion de la preuve illégale du cadre de la liberté du juge pénal dans l'appréciation des preuves.

1892 La liberté d'appréciation de la preuve pénale.

1893 V. l'article 191 du Code de procédure pénale italienne qui régit l'admissibilité des preuves dans le procès pénal italien : l'article 191 du CPP italien dispose : « 1. Les preuves recueillies en violation des interdictions prévues par la loi ne peuvent pas être utilisées. 2. L'impossibilité d'utilisation peut être vérifiée, même d'office, en tout état et instance du procès ».

B. Le pouvoir discrétionnaire du juge de négliger ou d'admettre les preuves illégales.

383. Un pouvoir sans limite d'accepter la preuve illégale. Le contrôle de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française s'arrête au pouvoir souverain des juges du fond. Il ressort de ses arrêts qu'elle reconnaît la liberté totale de la Cour criminelle pénale (en droit libanais), qui ressemble à la Cour d'assises en droit français, d'exercer sa liberté absolue d'accepter toute preuve même s'il s'agit d'une preuve illégale 1894 . En droit libanais comme en droit français, la question de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admise même si les preuves sont illégales. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a jugé que « la Cour criminelle, qui est une Cour de fond a la liberté absolue d'adopter tout ce qui contribuerait à constituer sa propre conviction comme déclarations et preuves ; elle peut en adopter certaines et négliger d'autres et ignorer certaines contradictions d'importance minime pour pouvoir faire concorder les déclarations et constituer cette conviction et parvenir a la solution adoptée sans

1895

que la Cour de cassation ait à la superviser à cet égard ». La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a reconnu que l'évaluation des preuves n'est pas soumise à son autorité de contrôle, qui est laissée à la discrétion de la Cour du fond. Elle n'y interfère pas et

ne contrôle pas cette évaluation de la preuve qu'effectue la Cour du fond

1896

: « l'évaluation

492

des preuves est laissée à la discrétion de la Cour du fond et est soumise à son autorité; elle n'est pas soumise à l'autorité de la Cour de cassation, tant qu'il n'est pas prouvé que la Cour du fond a modifié les faits qui ont fourni ces preuves, comme elle a sous son autorité l'évaluation des rétractations des accusés sur leurs déclarations initiales lors des étapes

1894 V. sur ce point en droit français : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « Si l'on observe aujourd'hui la situation du système des preuves en droit pénal français, on doit bien constater que le passage du carcan des preuves légales à la liberté de la preuve ne peut se concevoir que s'il s'inscrit dans un cadre de principes forts dont le juge doit sans cesse s'inspirer pour écarter de sa raison, au moment où se forge l'intime conviction, les éléments qui, tout en établissant peut-être la vérité, heurtent les principes nécessaires à la démocratie. En l'absence de principes directeurs, de recours individuel ou judiciaire devant le Conseil constitutionnel, seule la jurisprudence contraignante de la Cour européenne peut permettre d'achever l'évolution de notre système souvent trop conservateur vers un système moderne, totalement conforme aux exigences d'une société démocratique ».

1895 Cour de cassation libanaise, 3e chambre, décision n° 58 date du 06/02/2002, cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Jurisprudence 2002, p. 124.

1896 Cour du fond : Dans la langue arabe, le terme désigne les affaires jugées en première instance par le juge ou tribunal.

d'enquête antérieures »

1897

. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a

493

également reconnu la liberté absolue de la Cour du fond de négliger tout élément de preuve qu'elle juge incertain et accepter toute autre preuve qu'elle juge valable comme dans l'arrêt suivant: « L'évaluation des preuves et déclarations est soumise à l'autorité absolue de la Cour pour prouver les faits et preuves et adopter ce qu'elle juge valable et ignorer le reste

» 1898 . En bref, les Cours françaises et libanaises montrent une souplesse et une tolérance critiquable dans la recevabilité de toutes les formes de preuves dans le procès pénal sans prendre en compte la source illégale de cette preuve, quelle que soit leur nature, pourvu qu'elles comportent une force probante et une fiabilité suffisante pour forger l'intime conviction du juge du fond. Nous aurions préféré que les arrêts et la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise imposent la légalité de la preuve afin qu'elle soit applicable effectivement devant le juge du verdict sans tenir compte de la valeur probante des preuves illégales, c'est-à-dire que le système judiciaire soit contraint d'exiger que la preuve de condamnation soit légale, car il est choquant de constituer une condamnation sur la base d'une preuve illégale. L'autorisation par la justice d'utiliser des preuves illégales constitue un abus de la confiance que les individus octroient au système juridique et peut contribuer de façon

indirecte à la violation des libertés individuelles dont il est le gardien naturel1899 . En droit français, la chambre criminelle de la Cour de cassation française réaffirme toujours le pouvoir

1900

souverain d'appréciation, par le juge du fond : « Les juges du fond disposent d'un pouvoir

1897 Cour de cassation libanaise, 6e chambre, décision n° 74 date du 19/03/2002 : le président M. Ralph Riadi et les conseillers M. Khodr Zanhour et M. Borkane Saad, cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Jurisprudence 2002, p. 131.

1898 Cour de cassation libanaise, 1ère chambre, décision date du 02/02/2006, le président M. Labib Zouein et les conseillers M. Sami Abdallah et M. Elias Naifeh, cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Classification des jurisprudences publiées en 2006, Beyrouth 2007, p. 122.

1899 V. sur ce point : X. Bachellier, « Le pouvoir souverain des juges du fond », in Droit et technique de cassation 2009, Publications de la Cour de cassation française, Bulletin d'information de la Cour de cassation, Bulletins d'information 2009: « La Cour de cassation vit dans un certain paradoxe. Placée au sommet de la hiérarchie judiciaire, elle dit le droit et fixe la jurisprudence. Et pourtant, elle n'a pas le pouvoir, dans chaque dossier qui lui est soumis, d'aller au fond des choses et, comme tout juge, de rechercher la vérité en droit et en

fait » : disponible en ligne sur le site de la cour de cassation française:
http://www.courdecassation.fr/publications_cour_26/bulletin_information_cour_cassation_27/bulletins_informat ion_2009_2866/n_702_3151/communication_3153/droit_technique_cassation_2009_3155/juges_fond_12678.ht ml

1900 V. en ce sens : Cass. crim., 5 octobre 2012, B.C., n° 147 : « D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche se fonde sur une pure allégation et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis »; V. encore : Cass. crim., 12 octobre 2010, B.C., n° 156 : « Attendu que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ».

souverain pour apprécier les éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnels, de l'infraction d'entrave concertée à la liberté d'expression et de réunion à l'aide de menaces,

violences et voies de fait, délit prévu par l'article 431-1 du Code pénal »

1901

. M. Henri Leclerc

494

considère que la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française ne prend pas en compte le droit à un procès équitable comme repère dans l'admissibilité de la preuve

illégale 1902 . Nous soutenons entièrement l'avis de M. Xavier Bachellier qui affirme que « le pouvoir souverain des juges du fond est difficile à appréhender, car il est tentaculaire. Il doit

1903

.

être encadré pour éviter l'arbitraire »

384. L'atténuation du principe de liberté de la preuve dans le domaine criminel. Bien que le juge pénal soit libre d'adopter une preuve, cette liberté est non conforme à la légalité criminelle, constitue une violation flagrante des principes fondamentaux et est contraire à l'esprit de la loi puisqu'elle permet de soumettre une preuve illégale ou obtenue par voie illégale à l'évaluation et l'appréciation libre du juge. Celui-ci devrait avoir l'obligation d'enquêter sur le moyen de l'obtention de cette preuve et vérifier tout ce qui peut la corrompre ou endommager sa valeur dans le cadre de la confirmation pour établir son verdict de manière saine de façon à éviter que la justice rende des verdicts sur la base de preuves illégales. Par conséquent, les systèmes judiciaires libanais et français doivent changer l'approche actuellement dominante qui reconnaît la liberté absolue du juge pour constituer son auto conviction dès lors que la preuve illégale a été exposée contradictoirement en audience publique et a été publiquement discutée. L'exposition de la preuve et sa discussion ne transforment pas la preuve illégale en une preuve légale. Il devient donc nécessaire de modifier cette assiduité dévouée au Liban et en France à la liberté du juge pour évaluer la preuve pénale en adoptant un concept atténué de cette liberté d'appréciation confiée au juge et qui limiterait la liberté du juge d'accepter la preuve illégale.

1901 Cass. Crim., 22 juin 1999, B.C., n° 141, p. 382.

1902 V. sur ce point : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : «« La Cour de cassation, toutefois, ne se ralliera pas à la norme européenne de procès équitable » que, bien entendu, elle ne contredira pas, mais elle tentera de fixer des limites à la liberté de la preuve en trouvant des critères plus spécifiquement français. Ce qui semble distinguer, en effet, la jurisprudence comparée de la Cour européenne de celle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en matière de preuve, ce n'est pas la nature des preuves susceptibles de forger la conviction du juge, ni même les méthodes employées pour les réunir, c'est la finalité supérieure qui détermine la recevabilité de cette preuve. Pour la Cour de cassation, c'est essentiellement sa valeur probante, son rôle dans la manifestation de la vérité. Une preuve est une preuve et la haute juridiction répugne à laisser impuni un coupable avéré et à sacrifier la vérité à des principes non écrits et dont la définition est l'objet de discussions »

1903 X. Bachellier, « Le pouvoir souverain des juges du fond », in Droit et technique de cassation 2009, Publications de la Cour de cassation française, Bulletin d'information de la Cour de cassation, Bulletins d'information 2009

385. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme admet l'utilisation de la preuve illégalement recueillie. Lorsque l'on envisage les problèmes de l'exclusion des preuves illégales, il est intéressant d'examiner quelle a été la contribution de la Cour de Strasbourg dans l'application de principe de légalité de la preuve pénale et la protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies dans le procès pénal. La jurisprudence de la Cour européenne y a apporté une réponse différente selon que l'illégalité en cause trouve son origine dans une violation du droit interne, de l'article 8 de la Convention ou de l'article 3 de

la Convention1904. Sans doute, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg est digne d'attention car elle reflète la position de cette Cour en ce qui concerne le problème de la légalité de preuve en matière pénale. Mme Marie-Aude Beernaert souligne que « la question des répercussions de l'utilisation d'éléments de preuve illégalement recueillis sur l'équité du procès pénal figure assurément parmi les problématiques les plus délicates du droit

contemporain de la preuve pénale »

1905

. En fait, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg

495

considère qu'une preuve illégalement recueillie peut être utilisée pour établir la culpabilité d'un accusé sans avoir comme conséquence de rendre le procès inéquitable. C'est ce qui découle de la fameuse affaire Schenk contre Suisse rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 12 juillet 1988 1906 . La Cour de Strasbourg motive et défend son attitude en confirmant sa jurisprudence constante qui considère que la recevabilité des preuves relève, au premier chef, des règles de droit interne et qu'il n'est pas possible d'exclure par principe l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale 1907 . Dans l'affaire (Schenk) qui concernait l'enregistrement d'une conversation téléphonique opéré d'une façon illégale car il n'était pas ordonné par un juge d'instruction comme l'impose le droit national suisse, la Cour européenne a conclu qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 de la Convention européenne

1904 M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 90.

1905 M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 90.

1906 V. sur ce point : M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 91 : « Dans son arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1998, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé qu'un procès peut être équitable même si la culpabilité de l'accusé est établie au moyen d'éléments de preuve recueillis en violation de la loi nationale ».

1907 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §46 : « Si la Convention garantit en son article 6 (art. 6) le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne. La Cour ne saurait donc exclure par principe et in abstracto l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale, du genre de celle dont il s'agit. Il lui incombe seulement de rechercher si le procès de M. Schenk a présenté dans l'ensemble un caractère équitable ».

aux motifs qu'il n'y avait pas eu de violation des droits de la défense, celle-ci ayant eu la

1908

possibilité de contester l'authenticité de l'enregistrement litigieuxet que l'enregistrement en cause n'avait, par ailleurs, pas constitué le seul moyen de preuve retenu pour motiver la

condamnation

1909

. Il faut observer que l'affaire Schenk concerne les éléments de preuve

496

illégaux obtenus en violation du droit interne. L'arrêt Schenk contre Suisse a été critiqué au sein même de la Cour par une opinion dissidente commune de MM. les juges Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo qui ont manifesté leur désaccord explicite. En principe, une opinion dissidente permet à un membre d'un tribunal d'exprimer son désaccord avec le jugement émis. Les juges ont joint à l'arrêt l'exposé de leur opinion dissidente commune « la majorité de la Cour a considéré que l'article 6 (art. 6) de la Convention ne règle pas "l'admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne". Elle a estimé que la Cour ne pouvait "exclure par principe et in abstracto l'admissibilité d'une preuve recueillie d'une manière illégale, du genre de celle dont il s'agit" et devait "seulement (...) rechercher si le procès" avait "présenté dans l'ensemble un caractère équitable". La Cour a sans doute relativisé la portée de son arrêt en le rattachant au cas litigieux, mais elle ne pouvait, à notre sens, éluder le problème de l'illégalité de la preuve. À notre plus grand regret, nous ne pouvons nous rallier au point de vue de la majorité, car, à notre avis, le respect de la légalité dans l'administration des preuves n'est pas une exigence abstraite ou formaliste. Au contraire, nous estimons qu'il est d'une importance capitale pour le caractère équitable d'un procès pénal. Aucune juridiction ne peut, sans desservir une bonne administration de la justice, tenir compte d'une preuve qui a été obtenue, non pas simplement par des moyens déloyaux, mais surtout d'une manière illégale. Si elle le fait, le procès ne peut être équitable au sens de la Convention. En l'espèce, il n'est pas contesté que "l'enregistrement litigieux a été recueilli illégalement". Même si les juges qui ont statué sur l'accusation portée contre le requérant se sont, comme le constate l'arrêt, appuyés sur des "éléments distincts de l'enregistrement mais corroborant les raisons,

1908 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §47 : « Elle constate d'abord, avec la Commission, qu'il n'y a pas eu méconnaissance des droits de la défense. Le requérant n'ignorait pas que l'enregistrement litigieux se trouvait entaché d'illégalité parce que non ordonné par le juge compétent. Il eut la possibilité, dont il usa, d'en contester l'authenticité et d'en combattre l'emploi, après en avoir au début approuvé l'audition (paragraphe 18 ci-dessus). Que ses efforts en ce sens aient échoué n'y change rien ».

1909 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §48 : « La Cour attache aussi du poids à la circonstance que l'enregistrement téléphonique n'a pas constitué le seul moyen de preuve retenu pour motiver la condamnation. Le tribunal criminel de Rolle refusa d'écarter des débats la cassette car il eût suffi d'ouïr M. Pauty comme témoin sur le contenu de l'enregistrement (paragraphe 20 ci-dessus). Il entendit en outre plusieurs autres témoins, cités d'office - comme Mme Schenk - ou convoqués à la demande de la défense (paragraphe 22 ci-dessus). Il prit soin de préciser, en divers endroits de son jugement, qu'il s'appuyait sur des éléments distincts de l'enregistrement mais corroborant les raisons, tirées de celui-ci... ».

tirées de celui-ci, de constater la culpabilité" de l'intéressé, il n'en reste pas moins qu'ils ont "accepté l'enregistrement comme moyen de preuve" et qu'ils ont fondé "en partie" leur décision sur la cassette litigieuse. Pour ces raisons, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans la présente affaire, il y a eu violation du droit au procès équitable, garanti par l'article 6

(art. 6) de la Convention »

1910

. Nous approuvons et soutenons la même opinion dissidente et

497

les critiques émises par les juges Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo contre l'arrêt Schenk de la Cour européenne des droits de l'homme. Mme Marie-Aude Beernaert attire l'attention sur l'importance de cette jurisprudence consacrée dans l'arrêt Shenk contre Suisse qui « fut ensuite étendue à l'hypothèse d'une violation non plus de la loi nationale,

mais bien de la Convention elle-même » 1911 . Dans trois arrêts, soit Sultan Khan c. Royaume-

Uni du 12 mai 2000

19121913

, P.G. et J.H. c. Royaume-Uni du 25 septembre 2001

et Allan c.

1914

Royaume-Uni du 5 novembre 2002 , la Cour européenne a considéré comme « équitable » au sens de l'article 6 de la Convention, un procès dans lequel l'accusé avait été condamné sur la base d'éléments de preuve dont il ne faisait aucun doute qu'ils avaient été obtenus de façon contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, c'est-à-dire sur la base d'une preuve illégale. Dans les deux premiers arrêts, le juge Loucaides pour le premier (Khan c. Royaume-Uni) et la juge Tulkens pour le second ont émis des opinions partiellement dissidentes. Pour sa part, le juge Loucaides a rejeté l'idée qu'un procès puisse être équitable au sens de l'article 6 alors que la culpabilité de l'accusé avait été établie au moyen d'éléments de preuve obtenus en violation des droits de l'homme garantis par la Convention, à plus forte

raison, lorsque ces éléments constituent la seule preuve à charge de l'accusé 1915 . Selon le juge Loucaides, « le terme `équité', lorsqu'il est envisagé dans le contexte de la Convention européenne des droits de l'homme, requiert le respect de la prééminence du droit, ce qui présuppose celui des droits de l'homme énoncés dans la Convention. Je ne pense pas qu'on puisse considérer comme « équitable » un procès dont le déroulement est contraire à la loi

1910 Arrêt Schenk c. Suisse 12 juillet 1988, Requête no 10862/84, opinion dissidente commune à MM. les juges Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo.

1911 M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 91.

1912 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, requête n° 35394/97.

1913 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98. 1914 CEDH, 5 novembre 2002, Allan c. Royaume-Uni, requête n° 48539/99.

1915 V. CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et en partie dissidente de M. le juge Loucaides : « Je ne saurais admettre qu'un procès puisse être « équitable » au sens de l'article 6 si la culpabilité d'un individu relativement à une infraction est établie au moyen d'éléments de preuve obtenus en violation des droits de l'homme garantis par la Convention ».

1916

»et « l'exclusion de preuves recueillies au mépris du droit au respect de la vie privée garanti par la Convention doit être considérée comme un corollaire essentiel de ce droit, si l'on veut reconnaître de la valeur à celui-ci. Il y a lieu de rappeler que, à maintes reprises, la Cour a insisté sur le fait « que la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs ». L'exclusion de pareilles preuves est, à mon avis, d'autant plus nécessaire dans des affaires comme celle-ci qu'il n'existe aucun autre recours effectif contre une violation du droit pertinent. L'argument fondamental militant contre ce principe d'exclusion réside dans la recherche de la vérité et l'intérêt général à une application effective de la loi pénale qui implique d'admettre des éléments de preuve sérieux et dignes de foi, faute de quoi les valeurs ainsi défendues pourraient se flétrir et les coupables échapper aux sanctions de la loi. Il est contradictoire dans les termes et insensé d'enfreindre

la loi dans le but de l'appliquer »

1917

. La juge Tulkens, de son côté

1918

, a souligné qu'en

prétendant que l'article 6 n'avait pas été violé, « la Cour prive l'article 8 de toute effectivité. Or les droits consacrés par la Convention ne peuvent demeurer purement

théoriques ni virtuels »

1919

. Elle se demande aussi si l'opinion majoritaire aurait été la même si

498

la preuve avait été « obtenue en violation d'autres dispositions de la Convention, comme l'article 3 ? Où et comment situer la frontière ? En fonction de quelle hiérarchie dans les

1916 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et en partie dissidente de M. le juge Loucaides.

1917 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et en partie dissidente de M. le juge Loucaides.

1918 V. CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente de Mme la juge Tulkens : « La Cour a reconnu - à l'unanimité - que l'utilisation d'un appareil d'écoute tant dans l'appartement des requérants qu'au commissariat viole l'article 8 de la Convention en ce que cette ingérence dans leur droit au respect de la vie privée n'est pas prévue par la loi. Cependant, la majorité a considéré que l'utilisation de cette preuve dans le cadre du procès des requérants ne contrevient pas à l'exigence du procès équitable figurant à l'article 6. Je ne puis me rallier à ce point de vue pour différentes raisons. 1. Je ne pense pas, en effet, qu'un procès peut être qualifié d'« équitable » lorsqu'a été admise au cours de celui-ci une preuve obtenue en violation d'un droit fondamental garanti par la Convention. Comme la Cour a déjà eu l'occasion de le souligner, la Convention doit s'interpréter comme un tout cohérent (arrêt Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978, série A no 28, pp. 30-31, §§ 68-69). A cet égard, je partage l'opinion en partie dissidente du juge Loucaides à la suite de l'arrêt Khan c. Royaume-Uni (no 35394/97, CEDH 2000-V) : « Je considère que le terme « équité », lorsqu'il est envisagé dans le contexte de la Convention européenne des Droits de l'Homme, requiert le respect de la prééminence du droit, ce qui présuppose celui des droits de l'homme énoncés dans la Convention. Je ne pense pas qu'on puisse considérer comme « équitable » un procès dont le déroulement est contraire à la loi. » En l'espèce, la violation de l'article 8 de la Convention constatée par la Cour découle, et découle même exclusivement, de l'absence de légalité de la preuve litigieuse (paragraphes 63 et 78 in fine de l'arrêt). Or l'équité qui est visée à l'article 6 de la Convention comporte aussi une exigence de légalité (arrêt Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 102, CEDH 2000-VII). L'équité suppose le respect de la légalité et donc aussi, a fortiori, le respect des droits garantis par la Convention dont précisément la Cour assure le contrôle ».

1919 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente de Mme la juge Tulkens.

droits garantis ? En fin de compte, la notion même d'équité dans le procès pourrait avoir

tendance à se réduire ou à devenir à géométrie variable ».

1920

L'arrêt Jalloh c. Allemagne du

499

1921

11 juillet 2006, concernant des éléments de preuve illégaux obtenus en violation de l'article 3 de la Convention, répond partiellement à l'interrogation de la juge Tulkens. La Cour y précise que «... l'utilisation dans le cadre d'une procédure pénale d'éléments de preuve recueillis au mépris de l'article 3 soulève de graves questions quant à l'équité de cette procédure. En l'espèce, la Cour n'a pas conclu que le requérant avait été soumis à des actes de torture. A son avis, des éléments à charge - qu'il s'agisse d'aveux ou d'éléments matériels - rassemblés au moyen d'actes de violence ou de brutalité ou d'autres formes de traitement pouvant être qualifiés de torture ne doivent jamais, quelle qu'en soit la valeur probante, être invoqués pour prouver la culpabilité de la victime. Toute autre conclusion ne ferait que légitimer indirectement le type de conduite moralement répréhensible que les auteurs de

. La Cour consacre ici la règle de

1922

l'article 3 de la Convention ont cherché à interdire.»

1923

, qui

l'article 15 de la Convention des Nations unies contre la torture du 10 décembre 1984 demande aux États de faire en sorte qu'une déclaration obtenue par la torture ne puisse pas

être invoquée comme élément de preuve 1924 . Mais dans cette affaire, la question était différente : la Cour a décidé que le traitement qu'on avait administré au requérant, soit l'administration forcée d'un émétique, était certes inhumain et dégradant, mais toutefois pas constitutif de faits de torture. Mais elle se limite aux faits de l'affaire qui lui est soumise et refuse de généraliser sa solution et d'affirmer que l'utilisation de preuves obtenues au moyen d'actes inhumains et dégradants compromet systématiquement le caractère équitable d'un

procès 1925 . On peut penser que le fait que les stupéfiants saisis suite à la mesure litigieuse aient été l'élément décisif de la condamnation et ainsi le fait que l'infraction en cause n'était pas spécialement grave (il s'agissait d'un trafic de drogue à petite échelle) ont contribué à ce que

1920 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente de Mme la juge Tulkens.

1921 CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, requête n° 54810/00.

1922 CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, requête n°54810/00, V. spec. §105.

1923 V. CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, requête n°54810/00, V. spec. §105 : « La Cour note à cet égard que l'article 15 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants énonce que toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne peut être invoquée comme élément de preuve dans une procédure contre la victime des actes de torture ».

1924 M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 93.

1925 V. dans le même sens : M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 93.

la Cour estime qu'il y a eu violation du droit à un procès équitable

1926

. Il est regrettable que la

500

Cour ne soit pas allée plus loin dans sa décision. En affirmant qu'il n'y a pas nécessairement atteinte au caractère équitable du procès à chaque fois que des éléments de preuve sont obtenus La prudence affichée par la Cour dans cette affaire nous paraît extrêmement regrettable. En laissant entendre que le fait de prendre en compte des éléments de preuve obtenus au moyen d'un acte qualifié de traitement inhumain et dégradant, la Cour laisse entendre que même si l'interdiction des traitements inhumains et dégradants fait partie des droits les plus fondamentaux protégés par la Convention qui la proclame en termes absolus, sans réserve ni possibilité de dérogation, même en cas de guerre ou d'autre danger public menaçant la vie de la Nation, les autorités publiques pourraient être autorisées à tirer profit de la transgression de cette interdiction en obtenant, par des traitements inhumains ou dégradants des preuves pouvant entraîner une condamnation pénale, sans que cela ne soit nécessairement contraire aux exigences d'équité du procès.

§ 2. La sanction contrastée de la preuve illégale.

386. L'impact de la force de conviction de la preuve illégale sur son admission. La valeur probante de la preuve pénale constitue l'élément essentiel qui peut convaincre le juge afin de rendre son jugement dans un procès criminel. L'importance d'une preuve particulière provient de la valeur probante qu'elle procure au juge dans la constitution de sa conviction propre. De là émerge l'importance de la valeur probante de la preuve. Dans le cas des preuves illégales, y a-t-il des critères stricts qui influencent le juge du fond pour accepter la preuve illégale puisqu'il jouit d'une grande liberté d'appréciation des preuves 1927 ? Inversement, est-il possible de trouver des critères stables qui permettent de rejeter la preuve illégale par le juge du fond ? Sur cette problématique compliquée qui concerne l'admissibilité de la preuve pénale, M. Jean Pradel résume la situation « la preuve est-elle libre ? Le juge peut-il accueillir toutes sortes de preuves ? La réponse dépend du point de savoir sur quel aspect on met l'accent. Si l'on met l'accent sur la liberté d'appréciation du juge, on pourra admettre un système de liberté de la preuve; si on met l'accent en revanche sur les risques d'erreur

1926 Arrêt Jalloh c. Allemagne du 11 juillet 2006, §107.

1927 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 41 : « Le problème de l'admissibilité des preuves obtenues en violation de la loi est étroitement lié à celui de la libre appréciation des preuves : écarter une preuve illicite, c'est renoncer à l'apprécier »

judiciaire, ou sur le respect de la personne, on s'en tiendra prudemment à la légalité de la preuve. À vrai dire cependant, et comme on va le voir, la distinction n'est pas absolue »1928.

A. Essai d'élaboration des critères justifiant l'exclusion de la preuve illégale.

387. L'exclusion d'une preuve lorsque l'illégalité commise a entaché sa fiabilité. Il est reconnu que la fiabilité de la preuve pénale joue un rôle essentiel dans la condamnation. Par conséquent, les juges accordent une très grande importance à la fiabilité des preuves, d'où la nécessité de négliger et écarter ou exclure les preuves non fiables surtout lorsque le vice de

l'illégalité de la preuve a entaché la fiabilité de la preuve

1929

. Dans certains cas, l'illégalité de

501

la preuve pénale influe sur la valeur de la preuve probante et la rend inexistante et pour illustrer ce point nous pouvons soulever une problématique dans l'un des plus importants types de preuves, en l'occurrence l'aveu, que l'on a souvent qualifié de maîtresse des preuves de par sa force et son influence à convaincre le juge. Par exemple, lorsque l'aveu est accompagné de la contrainte physique, lorsque cette contrainte est permanente et l'aveu non conforme à la réalité, nous pouvons dire que l'illégalité a anéanti la valeur probante de la preuve illégale. On constate que l'illégalité de la preuve n'influe pas toujours sur sa valeur probante ; parfois, la contrainte physique est exercée par la police pour mener l'accusé à reconnaître avoir commis l'infraction et l'aveu ici reflète la vérité réellement malgré son illégalité en tant que preuve du fait qu'il a été obtenu par la contrainte et la force. L'illégalité de la preuve ici n'a donc pas altéré ni influencé sa valeur probante en tant que preuve qui présente une vérité effective malgré son illégalité, particulièrement lorsque l'aveu mène l'enquête à découvrir d'autres preuves dont le corps du délit, par exemple lorsque le suspect reconnaît sous la pression de la coercition avoir commis l'infraction de trafic et possession de stupéfiants et avoue le lieu de stockage et que la police perquisitionne le lieu sur la base de cet aveu ou déclaration involontaire et découvre une quantité de drogue. Ou lorsque le suspect reconnaît sous la pression de la coercition avoir commis un homicide et guide la police vers

1928 J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 18.

1929 V. en ce sens : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1044 : « Le juge doit écarter la preuve irrégulière lorsque son obtention est entachée d'un vice de nature à lui ôter sa fiabilité ; tel serait le cas d'une audition beaucoup trop longue dans des conditions inacceptables ».

502

l'arme qu'il a utilisée et qui contient ses empreintes digitales. Il est évident dans les derniers exemples que tous les éléments de preuve sont illégaux, cependant, ils ont fourni des preuves ayant des valeurs probantes très convaincantes et suffisantes pour le juge à inculper l'accusé bien que les preuves sont illégales et que leur illégalité est flagrante. L'exclusion d'une preuve illicite lorsque l'illégalité ou l'irrégularité commise en entache sa fiabilité ne doit pas être

1930

mélangée avec l'exclusion des preuves illégales et irrégulières . Réellement, la question de la valeur probante ou de la crédibilité de la preuve illégale ne devait pas être soulevée, car le problème de l'illégalité de la preuve est exclusivement lié au moyen de son obtention sans tenir compte de sa valeur probante. En d'autres termes, le problème de la légalité de la preuve pénale n'est pas lié à la fiabilité et à la crédibilité de la valeur probante de la preuve, mais la jurisprudence n'a pas distingué entre le moyen et le résultat en raison de son engagement vers l'application radicale du principe de la liberté du juge pénal sans tenir compte de la question de leur légalité.

388. Les dispositions de la jurisprudence en droit libanais sur la valeur probante de la preuve illégale. Il est à noter que lorsque la preuve illégale n'a pas une valeur probante suffisante, le juge pénal ne l'adopte pas dans la constitution de sa conviction et cette attitude est logique et naturelle. Cependant, il convient de préciser que le juge rejettera cette preuve en

. Par

1931

raison de l'insuffisance de sa force probante et non à cause de son illégalité

conséquent, le juge n'adoptera pas non plus la preuve conforme au principe de la légalité de preuve qui manque de valeur probante. Donc, si la preuve manque de valeur probante, peu importe de quelle façon elle a été obtenue et si elle est légale ou non, elle sera refusée en raison de son inutilité. La révision des décisions jurisprudentielles confirme que la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise est instable formellement sur un seul point de vue concernant la valeur probante de la preuve illégale. Dans certains arrêts, la chambre criminelle

1930 V. en ce sens : F. Kuty, « La sanction de l'illégalité et de l'irrégularité de la preuve pénale », in F. Kuty et D. Mougenot (Dir.), La preuve questions spéciales, Anthémis, Vol. 99, Liège, janvier 2008, pp. 7-62, V. Spec. p. 34 : « La légalité ou la régularité de la constatation d'une preuve ne se confond pas nécessairement avec sa valeur probante. Si une preuve illicite peut être matériellement fiable, un élément de preuve licite peut être dépourvu de toute valeur probante. L'illégalité ou l'irrégularité d'un élément de preuve n'empêche donc pas qu'il puisse néanmoins s'avérer probant. Il peut néanmoins arriver que la valeur probante d'une preuve soit critiquable du seul fait de la manière dont elle a été constatée ou recueillie ».

1931 V. sur ce point : L'appréciation anticipée des preuves : J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 40 : « Il peut arriver que le juge renonce par avance l'administration de certaines preuves, parce qu'il considère comme superflues ou non pertinentes. Il s'agit là d'une question d'apprécier qui ne porte pas sur la preuve elle-même, mais sur l'opportunité de la soumettre à l'examen du tribunal. Cette mesure, qui a pour but une économie de procédure, doit être distinguée de celle par laquelle le juge soustrait également un moyen de preuve à son appréciation, mais pour une raison liée à l'admissibilité légale de ce moyen ».

de la Cour de cassation libanaise considère parmi les prérogatives de la Cour du fond l'estimation de la valeur probante de la preuve illégale. Et dans d'autres arrêts, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise estime qu'il n'est pas permis de compter ou de s'appuyer sur une preuve illégale en dépit de sa valeur probante. Mais en réalité, la Cour de cassation semble distinguer entre la preuve issue d'une procédure pénale illégale que le législateur libanais a explicitement et clairement annulée par un texte juridique et la preuve illégale dont aucun texte juridique ne prévoit la nullité. En d'autres termes, la Cour de cassation pénale libanaise distingue entre la nullité textuelle d'une procédure qui a fourni une preuve illégale et une procédure dont aucun texte ne prévoit la nullité. Il faudra noter que nous nommons cette preuve « preuve illégale », cependant, les tribunaux libanais n'utilisent pas cette appellation, pas plus que les parties impliquées.

389. Le cas où l'illégalité de la preuve est sanctionnée par la nullité textuelle. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré que la preuve illégale dont la nullité a été clairement prévue par un texte juridique n'est pas soumise à la liberté du juge d'estimer sa valeur. Le tribunal ne peut donc pas constituer sa propre conviction en se basant sur la valeur probante d'une preuve dont la nullité est clairement prévue par un texte juridique. Dans la

résolution n° 19 du 25/01/2007 la Cour de cassation pénale libanaise

1932

a décidé dans le

503

procès Al Ghaliti / ministère public que : considérant la décision pénale ordonnançant que le battement n'invalide absolument pas les aveux obtenus durant l'enquête préliminaire en négligence des dispositions imposées sous peine de la nullité. Étant donné que l'arrêt sujet de pourvoi ou demande de cassation a jugé que « les battements n'imposent pas forcément la nullité des aveux obtenus durant l'enquête préliminaire, mais entraîne en cas de confirmation la question de la conduite des enquêteurs, les aveux et déclarations obtenus dans ce cas demeurent soumis à l'évaluation absolue de la Cour ». Inversement de ce qui précède, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré que ce verdict aura négligé les dispositions imposées en vertu de la nullité en violant ce que prévoit l'article 47 du CPP libanais, ce qui l'exposerait au rejet (l'admission du recours en cassation) et à la tenue d'une nouvelle audience publique selon les dispositions. Dans un autre arrêt, la chambre criminelle

de la Cour de cassation libanaise 1933 a considéré dans la résolution n° 215 du 29/11/2007 du procès Amer et ses compagnons / ministère public et Électricité du Liban statuant du verdict pénal inculpant l'accusé d'une crime de vol se basant sur un aveu invalide obtenu lors de

1932 Constituée par le président Mme Alice Chabatini Al amm et les deux conseillers M. Chahid Salama et M. Elias Nayfeh.

1933 Constituée par le président M. Elias Nayfeh et les deux conseillers M. Ghassan Rabah et M. Chahid Salama.

504

l'interrogatoire effectué par des coups et coercition, modifiant les faits et manquant d'argumentation (motivation de l'arrêt) le conduisant au rejet (l'admission d'une demande de cassation) : « L'alinéa 1 de l'article 47 du CPP libanais prévoit : ils n'ont pas le droit de les forcer à parler ni les interroger sous peine de nullité de leurs déclarations . Vue la motivation de l'arrêt qui a subi le recours en cassation : que cette interdiction ne signifie pas la nullité absolue de l'effet de tout aveu obtenu par ce moyen, la Cour pénale a le droit d'évaluer la validité de cet aveu et de l'adopter... . Puis l'adopter comme moyen d'inculpation par la Cour, la Cour aura ainsi déformé les faits et adopté certains d'entre eux malgré leur nullité juridique, et son argumentation aura été inappropriée et insuffisante pour parvenir à sa conclusion d'inculpation, le verdict exigerait ainsi une admission du pourvoi en cassation, et imposerait la tenue d'une nouvelle audience selon les procédures ».

390. Contradiction de la position juridique au Liban dans l'acceptation ou l'admission de la valeur probante de la preuve illégale. La majeure partie des dispositions de la jurisprudence libanaise reconnaît de manière ouverte que l'illégalité de la preuve, bien que sa nullité soit prévue juridiquement, ne lui enlève pas sa valeur probante. Le juge peut donc estimer sa valeur probante en dépit de son illégalité. L'une des dispositions de la Cour criminelle suit : « vues les informations abondantes et cette explication détaillée du rôle de l'accusé et qui reste des intervenants dans cette affaire de trafic de drogue ne peut être le fruit de l'imagination ou que l'accusé ait été obligé de divulguer ces renseignements détaillés sous l'effet des coups selon les prétentions, car il n'a pas été prouvé que ce genre de traitements que l'accusé a invoqués a vraiment eu lieu, par conséquent, il est impossible de s'arrêter sur ses prétentions face à l'enquêteur et ses tentatives de nier les faits reconnus précédemment de manière spontanée et volontaire lors de l'enquête préliminaire, d'autant plus que ce qui appuie ou renforce la validité de ses aveux lors de l'enquête préliminaire est que ses

1934

. Ce

déclarations ont pris forme lorsque la quantité de drogue a effectivement été saisie »

verdict révèle que le tribunal a considéré l'accusé comme menteur en raison de la saisie de la drogue, et cela signifie simplement que le tribunal n'a pas accordé de crédit aux plaintes de l'accusé d'avoir subi des coups et de la coercition lors de l'enquête et ce à cause de l'importante valeur probante de la preuve qui a garanti une parfaite conviction au juge sur la perpétration du crime sans se soucier de l'illégalité de la preuve. Il ne s'agit pas de défendre l'accusé si nous reconnaissons que ce verdict a compliqué l'explication de la puissante valeur probante de la preuve qui résulte de la confession de l'accusé face aux enquêteurs, ce qui leur

1934 Cour criminelle de Beyrouth, le président Zouein, verdict du 20/11/1995, cité par J. Bsaybes, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 268, p. 176.

505

a permis d'accéder à la vérité effective. On remarque cependant que la Cour criminelle lors de ce procès ne s'est pas demandé pourquoi cet accusé qui prétend avoir subi les coups et la coercition de la police judiciaire a reconnu spontanément les faits devant la police judiciaire selon la motivation de la Cour criminelle et lors de l'audience devant le juge d'instruction il a nié toutes ses déclarations précédentes et attestant qu'elles ont eu lieu sous l'effet des coups et coercition. En réalité, cet accusé a été sévèrement battu durant l'interrogatoire par les forces de la police judiciaire tout comme la plupart des gens qui subissent des interrogatoires au Liban et bien entendu sous l'effet de tant de coups et de douleurs l'accusé a fini par tout avouer et dans les détails qui prouvent la perpétration du crime et qui a permis aux enquêteurs de découvrir la quantité de drogue, ce qui a fait que le dossier du procès contienne des preuves à valeur probante irréfutable que cet accusé a bien commis l'infraction, chose qui a réellement eu lieu. Cependant, la Cour ici n'a pas accordé d'importance à l'illégalité de la preuve, car la valeur probante de la preuve illégale en raison de sa force déterminante à garantir une conviction parfaite et formelle au tribunal que l'accusé est celui qui a perpétré le crime a incité la Cour à fermer délibérément les yeux sur l'illégalité de la preuve sur laquelle elle s'est basée pour établir sa condamnation. Malheureusement, telle est la position appliquée par les dispositions de la magistrature (jurisprudence pénale) au Liban et qui demeure très loin de l'État de droit. Dans une autre décision, la Cour rejette théoriquement l'acceptation de la preuve en raison de son illégalité, mais la réalité est différente parce la motivation de l'arrêt nous démontre que la Cour se leurre elle-même. Il s'avère que la véritable raison qui a poussé la Cour à rejeter l'acceptation de la preuve illégale est que cette preuve n'a aucune valeur probante après que la Cour se soit assuré que la preuve est totalement contraire à la vérité et à la réalité telle que ce que prévoit la disposition : « tel que l'accusé a subi durant son interrogatoire au bureau de la lutte anti drogue de la pression physique par des coups ainsi que de la pression morale ayant été retenu au poste de police pendant huit jours loin de sa garantie réelle de défense qui est le juge d'instruction, et lors de sa comparution devant celui-ci il a renié catégoriquement ses premières déclarations. Aussi, en plus de ce qui a été cité les faits substantiels contenus dans ces déclarations se présentent contrairement à la réalité et à la vérité... Sur la base de tout ceci donc la Cour ne peut plus s'appuyer sur les déclarations de l'accusé contenues dans le procès-verbal du bureau de lutte anti drogue et que ces

1935

.

déclarations tout au plus, rentrent dans le cadre des preuves faibles donc négligeables »

Et dans un autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré que « concéder aux allégations de l'avocat de l'accusé, disant que son client a subi des coups

1935 Cour criminelle du Mont du Liban, décision n° 106 du 19/12/1992, cité par J. Bsyabess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 11, pp. 14-15.

dans sa déclaration préalable, si la loi interdit le recours à la force, la coercition et l'épuisement des accusés lors des interrogatoires, cette interdiction ne signifie pas absolument l'annulation des déclarations obtenues par ces moyens et il revient à la Cour de

1936

.

s'appuyer sur d'autres preuves en sa faveur comme c'est le cas dans le ce procès »

Rappelons que l'article 401 du Code pénal libanais punit quiconque ayant tenté d'obtenir par des procédés non autorisés par la loi telle que la force ou les coups, des déclarations ou reconnaissances d'une infraction, ou des informations relatives à cette infraction. La quête des preuves doit se faire par des procédés corrects, conformes aux valeurs morales, tandis que les sévices cruels tels que les coups et la torture dans leurs divers procédés démontrent un mépris de la dignité humaine et le prestige de la magistrature et de la justice et sont en même temps un signe de paresse intellectuelle ou d'esprit, car le juge préfère obtenir une reconnaissance de

. À

1937

l'infraction à n'importe quel prix au lieu d'effectuer des recherches compliquées parfois

notre avis, l'illégalité de la preuve pénale doit avoir pour conséquence stable que le juge du fond lorsqu'il apprécie les preuves pour former ou constituer sa conviction, ne doit pas prendre en considération les éléments de preuve illégale, ni directement, ni indirectement, soit lorsque le respect de certaines conditions de forme est prescrit à peine de nullité, soit lorsque l'illégalité de la preuve a entaché totalement ou partiellement la fiabilité de la preuve, soit lorsque cette preuve illégale constitue une violation du droit à un procès équitable. Donc, le juge du fond doit obligatoirement écarter la preuve illégale. Dans ce contexte, nous nous

référons au jugement de la Cour criminelle de Bekaa

1938

le 20/06/1996, numéro de base

506

485/95. Dans les faits, les agents du bureau de lutte anti drogue ont saisi un véhicule de type VAN / ou camionnette dans la région de Chaath (nom d'une région du Liban) et y ont découvert en le fouillant un certain nombre de bidons en plastique remplis d'acide astatique, puis ont arrêté un individu circulant près du véhicule qui a avoué après avoir subi de violents coups qu'il était trafiquant d'héroïne et qu'il disposait d'environ 200 kg d'opium et de 100 kg de haschich (drogue à fumer) enfouis dans son jardin. Des fouilles et perquisitions ont été effectuées dans le jardin du domicile de l'homme qui a avoué ces informations sous les coups et la torture et on y trouva une quantité de 187 kg d'opium et 110 kg de haschich. Les agents du bureau de lutte anti drogue ont alors insisté dans leur torture et violence pour qu'il cite les noms de ses acolytes, le suspect se mit alors à faire des déclarations mêlées de vérités et de

1936 Cour de cassation libanaise, Kechlan & co/ministère public, décision n° 219 du 05/08/2003 : le président M. Ralph Riachi, et les conseillers M. Khoder Zanhour et M. Borkane Saad, cité par Sader Cassation-Pénal 2003, pp. 447 et s., V. précisément p. 451.

1937 E. Namour, La cour criminelle. Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p. 923. 1938 La Bekaa est une région du Liban, frontalière avec la Syrie.

mensonges. Le jugement a énuméré les préjudices que l'accusé avait subis lors de ses interrogatoires comme « fracture d'une dent dans sa mâchoire supérieure » et marques des coups reçus sur ses membres supérieurs et inférieurs, le dos, la taille et les oreilles. Des coups ont entraîné aussi des inflammations des reins et des oreilles, des irrégularités dans les battements de son coeur, une surdité, précisément à l'oreille droite atteinte à 100/100, en plus de douleurs aiguës dans la mâchoire droite résultant d'une inflammation articulaire l'empêchant de manger de façon permanente exigeant son placement dans un hôpital, « entraînant ensuite la paralysie de son côté gauche et une hémiplégie du côté gauche également lui causant un problème de prononciation, un problème que le tribunal avait noté lors de sa dernière audience », tout ceci avec l'appui de trois rapports médicaux. A la suite de tout cela, le tribunal déclare dans son jugement que l'état de santé de l'accusé « résulte des actes de violence et de torture dont il a fait l'objet de son interrogatoire préliminaire ». Le jugement cite aussi dans l'une de ses dispositions que « si la magistrature tolère parfois certaines formes de redressements disciplinaires légers... elle ne peut cependant en aucun cas tolérer quelques pratiques violentes, et précisément celles qui atteignent un certain degré de dommage que pratiquent les agents de la police judiciaire, comme c'est le cas dans cette affaire et qui a conduit l'accusé à la perte de sa santé et son équilibre physique ou lui causant

de graves et permanents dysfonctionnements »

1939

. Cependant, ce jugement a condamné

507

l'accusé pour le crime énoncé dans l'article 3, alinéa 2 de l'ancien Code des stupéfiants et a transféré le dossier au Parquet (le procureur général près la Cour de cassation) en ce qui concerne les auteurs des procès verbaux de l'enquête préliminaire, exécutants, participants et superviseurs afin que les poursuites juridiques nécessaires soient prises à leur encontre. La Cour a ainsi adopté les déclarations initiales en dépit de la violence que l'accusé avait subie, en raison de la conformité des déclarations avec les faits matériels de cette affaire et principalement la saisie des drogues dans les lieux que l'accusé avait indiqués après avoir subi des coups, ce qui leur confère vérité et authenticité, bien que cela implique les responsabilités des auteurs des actes de violence. Par ailleurs, la Cour a renvoyé devant le Parquet (le procureur général près la Cour de cassation) les enquêteurs qui ont battu et torturé l'accusé pour lui soutirer des aveux de force et a engagé des poursuites pénales pour le crime qu'ils ont commis et qui est sanctionné par la loi. M. Elias Fares Nammour estime que la solution adoptée par la Cour criminelle de Bekaa est le plus conforme à la logique et la raison. Il cite qu'il est vrai que l'accusé a subi des coups et de la torture, mais il est vrai aussi que les informations qu'il avait données suite à ce qu'il a subi étaient conformes aux faits concrets

1939 E. Namour, La cour criminelle. Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p. 924.

1940

.

508

qu'il avait cités et qu'on ne peut donc les dépouiller de leur force probante. Et s'il en avait été autrement, on n'aurait pas pu les adopter

391. Commentaire du jugement de la Cour criminelle de Bekaa le 20/06/1996, numéro de base 485/95. La position de la Cour criminelle de Bekaa rendu le 20/06/1996 donne de plus en plus l'impression choquante que la fin justifie les moyens. L'examen des dispositions de ce jugement montre qu'il distingue entre les cas de correction disciplinaire légère et les pratiques violentes qui causent des dommages, et il souligne la possibilité de tolérer la première situation, mais nullement la dernière. Cette distinction n'a pas sa place juridiquement et il

1941

a

aurait été préférable que le jugement l'évite. Si l'article 401 du Code pénal libanais

associé les pratiques violentes avec celles interdites par la loi, il est alors certain que ces pratiques ne rentrent en aucun cas dans la cadre de ce qu'autorise la loi, très précisément l'article 186 du Code pénal libanais 1942 , qui prévoit les coups correctionnels infligés aux enfants par leurs parents ou instituteurs selon ce qui est autorisé par le sens commun, et les opérations chirurgicales ou traitements médicaux pratiqués dans les règles de l'art et les pratiques violentes qui surviennent lors des rencontres sportives. La coercition ne se limite pas au traitement physique uniquement, elle englobe aussi des pratiques morales incomparables

aux pratiques physiques lourdes ou légères

1943

. Dans le jugement de la Cour criminelle de

Bekaa, l'on constate qu'un lien est fait entre la nullité des aveux obtenus par la torture et la nécessité de prouver la torture comme condition primordiale. Dans le cas où l'on prouve réellement la torture qui amène l'accusé à avouer, on passera alors à une toute nouvelle condition qui consiste à prouver que l'accusé n'a pas avoué la vérité, c'est-à-dire que la Cour, après avoir prouvé la torture, devra examiner la validité des aveux, ce qui revient à effectuer l'évaluation de la preuve en dépit de son illégalité. C'est là que se trouve le danger de cette méthode, car en général, l'accusé sous l'effet des douleurs de la torture va reconnaître la vérité. Pourquoi soulever la question de l'illégalité de la preuve ? Et quelle est la valeur de ce

1940 E. Nammour, La cour criminelle. Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, pp. 924925.

1941 L'article 401 du Code pénal libanais dispose : « Quiconque, dans le but d'obtenir l'aveu d'une infraction, ou des renseignements sur une infraction, aura soumis une personne a des rigueurs non autorisé es par la loi sera puni de 3 mois à 3 ans d'emprisonnement. Si les violences exercé s ont entrainé une maladie ou des blessures, le minimum de la peine sera d'un an ».

1942 L'article 186 du Code pénal libanais dispose : « Il n'y a pas d'infraction lorsque le fait était autorisé par la loi.Sont autorisées :1. Les corrections infligées aux enfants par leurs parents ou leurs maîtres dans la mesure oùelles sont tolérées par le commun usage ;2. Les opérations chirurgicales et les traitements médicaux pratiqués selon les préceptes del'art et, sauf le cas d'urgence, du consentement du patient ou de ses représentants légaux ;3. Les violences commises au cours d'exercices sportifs si les règles du jeu ont été respectées ».

1943 E. Namour, La cour criminelle. Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p. 925.

509

principe tant que la preuve soutirée sous le poids de la torture va être évaluée par la Cour au même titre que la preuve intacte c'est-à-dire conforme au principe de la légalité de preuve pénale ? Ainsi, l'évaluation par la Cour de cette preuve ne prend pas en compte l'origine de la preuve, mais uniquement le degré de conformité de la preuve par rapport à la réalité. Dans cette démarche, la Cour fait primer la logique de l'obtention de la vérité, quel qu'en soit le prix, chose inacceptable et inadmissible. Pour conserver le principe de la légalité de la preuve et de la légalité procédurale, il faut admettre l'idée de l'existence d'un criminel qui a commis une infraction dont on a obtenu une preuve qui jouit d'une valeur probante puissante et importante qui affirme que ce suspect et parfaitement l'auteur du crime ; toutefois, les moyens de recherche et d'administration de cette preuve ont été contraires aux modes de collecte des preuves définis par la loi. Cette violation des procédures sera en faveur de l'accusé qui ne sera pas sanctionné bien qu'il a réellement commis l'infraction. Cette logique représente une victoire de la justice et de la légalité. Cette logique obligera les magistrats et les enquêteurs à se conformer à la loi et au principe de la légalité de la preuve pour ne pas laisser un criminel échapper à la sanction ou à la peine après avoir commis une infraction pénale. Ce raisonnement se rapproche du principe selon lequel on doit prononcer l'innocence de l'accusé lorsqu'il y a un doute sur la preuve. Il serait tout aussi préjudiciable à la justice qu'un criminel puisse échapper à son châtiment que de porter atteinte à ses libertés individuelles dans le seul but de parvenir à une preuve dans une infraction. Qu'un millier de criminels échappent au châtiment de la loi ne nuirait pas à la justice autant que la condamnation d'un innocent ou la condamnation d'un individu sur la base d'une preuve illégale. La victoire du principe de la légalité de preuve est plus importante que la fuite d'un criminel au châtiment de la justice malgré la certitude de son inculpation, car un État de droit doit protéger tous les citoyens de l'arbitraire dans les procédures pénales et notamment de la torture pour l'obtention de preuves. L'intérêt de la communauté est au-dessus de toute autre considération et cet intérêt ne se concrétise que par l'application correcte de la loi plutôt que d'arrêter des gens de manière contraire à ses dispositions. La question de la valeur probante de la preuve illégale est sans importance puisque l'illégalité de la preuve est en rapport uniquement avec le mode de son obtention. Il n'est donc pas important que la preuve représente toute la vérité ou une partie de celle-ci ou au contraire, un simple montage ou fabrication de preuve ou résultant d'un mensonge de l'accusé, car le problème fondamental consiste dans le moyen illégal. Cependant, comme nous l'avons déjà dit, cela ne représente pas l'opinion de la jurisprudence ni au Liban ni en France, car la jurisprudence a une disposition différente et accorde une très haute importance à la valeur probante de la preuve illégale. Lorsque la valeur probante de la preuve illégale est faible ou inexistante, le juge criminel ne l'adopte pas. Selon nous, cela ne

510

représente pas une application du principe de la légalité de la preuve criminelle, car, lorsque le juge n'adopte pas une preuve en raison de l'absence de sa valeur probante, il ne fait là que son devoir en application du principe de la conviction personnelle du juge qui lui impose d'être certain de la commission de l'infraction. Là, le juge peut écarter une preuve légale en raison de sa faible valeur probante. Il n'y a donc pas de différence entre la preuve légale et la preuve illégale sur ce point, car le juge lors de sa condamnation doit être convaincu en toute certitude qui n'admet nullement le doute. L'arrêt de la cour criminelle de Bekaa est la conséquence naturelle d'une jurisprudence libanaise très critiquable qui privilégie la fiabilité des preuves par rapport à leur légalité. Contrairement à la position de la Cour criminelle de Bekaa en droit libanais qui est critiquable, il nous paraît souhaitable que le juge libanais opère un revirement de jurisprudence en considérant qu'un élément de preuve illégal qui résulte d'un acte expressément interdit par la loi ou d'un acte incompatible avec les règles substantielles de la procédure pénale ou avec les principes généraux du droit, doit être sanctionné d'irrecevabilité.

B. Essai d'élaboration des critères justifiant l'admission de la preuve illégale.

392. Une décision de mise en accusation définitive ayant pour effet de purger la procédure illégale et les causes de nullités antérieures s'il en existe. Tout d'abord rappelons que tous les procès pénaux n'émettent pas une décision de mise en accusation par la chambre d'accusation en droit libanais et par la chambre d'instruction en droit français, mais uniquement ceux qui jugent des crimes. La loi française et libanaise a fait de la chambre d'accusation (Liban) et de la chambre d'instruction (France) le responsable principal du contrôle et de la supervision des enquêtes préliminaires et des enquêtes menées par le juge d'instruction dans le crime. Cependant, lorsque cet organe accusateur ou la chambre d'instruction rend l'arrêt de mise en accusation définitive, il protège toute preuve qu'il a adoptée pour établir sa décision accusatoire. La Cour criminelle en droit libanais et la Cour d'assises en droit français ne reviennent pas alors ultérieurement sur le contrôle de l'illégalité de la preuve pénale et ne se considèrent pas responsables de l'illégalité de cette preuve. L'argument de la Cour criminelle libanaise pour justifier cela serait que la décision de mise en accusation définitive lorsqu'elle est émise cache tous les défauts résultant de l'étape antérieure des enquêtes et de la recherche des preuves, c'est-à-dire qu'indirectement l'acte d'accusation purge l'illégalité de la preuve selon la philosophie qu'adopte la jurisprudence libanaise. Quant à nous, nous émettons des réserves au sujet de la protection de la preuve illégale en raison du fait que l'acte d'accusation

511

est absolument irréfutable, car nous croyons que la preuve illégale reste toujours illégale. Rien n'y changera même si l'accusé soulève l'illégalité pour la première fois devant la Cour criminelle. Nous pensons qu'il n'y a aucune restriction légale qui empêche l'accusé de soulever l'illégalité de la preuve criminelle à n'importe quel moment devant toute autorité judiciaire, car elle représente aussi une autre forme de défense et il est inadmissible de priver l'accusé de tout moyen légal et juridique de se défendre sous prétexte de l'irréfutabilité de l'acte d'accusation. D'autant plus qu'il n'existe aucun texte juridique clair en droit libanais qui confirme que l'on n'a pas le droit de soulever devant la Cour tout problème ayant atteint l'enquête préliminaire. La preuve illégale ne doit jouir d'aucune immunité et l'idée que l'acte d'accusation est absolument irréfutable est inadmissible selon notre point de vue parce que « la recherche de la preuve, quel qu'en soit son auteur, est l'occasion pour la personne

1944

.

poursuivie de réclamer l'impunité en soulevant l'irrégularité de la procédure »

Cependant, quelle est la position de la magistrature libanaise et française sur la question de l'immunité de la preuve illégale après l'irréfutabilité de la décision de mise en accusation ?

393. L'arrêt ou la décision de mise en accusation ayant pour effet de purger la procédure antérieure en droit français. L'article 181 du CPP français précise que, lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure

1945

antérieure . Il est clair que le législateur français consacre explicitement la règle de la purge des nullités et donc si la chambre de l'instruction avait statué sur la validité des actes de la

1946

procédure, son arrêt aurait pour effet de purger la procédure antérieure. La chambre criminelle de la Cour de cassation française a considéré que « méconnaît le sens et la portée des articles 181, alinéa 4, et 215 du Code de procédure pénale, selon lesquels la décision de mise en accusation, lorsqu'elle est devenue définitive, couvre, s'il en existe, les vices de procédure, la Cour d'assises qui, après avoir accueilli une exception de nullité prise du défaut d'impartialité d'un enquêteur ayant participé à l'enquête préliminaire, prononce l'annulation

. Donc, la décision de renvoi aux assises purge définitivement toutes les

1947

de la procédure »

nullités de l'information s'il en existe. Sans doute l'article 181 du CPP français qui constitue actuellement la base légale de la règle de la purge des nullités qui couvre indirectement

1944 M. Sanchez, « Flagrance, apparence et provocation ou la souplesse des règles de preuve », in D., 2004, p. 1845.

1945 L'article 181 du CPP français qui dispose « Lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure ».

1946 En ce sens : Crim. cass., 19 février 1997, B.C., n° 66, p. 211. 1947 Cass. crim., 10 juin 2009, B.C., n° 119.

l'illégalité procédurale commise avant la phase de jugement est parmi les problèmes délicats et essentiels qui empêchent l'application effective du principe de la légalité de preuve ou, pour préciser, est l'argument essentiel du juge de fond qui empêche cette application satisfaisante du principe de légalité dans le domaine de preuve pénale. Trois techniques en droit français

, la

1948

constituent un paravent devant la nullité de la preuve illégale. Ce sont: l'irrecevabilité

1949

purge successive des nullités et la forclusion. En ce qui concerne les nullités soulevées devant la chambre de l'instruction ou la chambre criminelle : « la chambre de l'instruction doit relever d'office les nullités des procédures qui lui sont soumises (art 206 al. 2 du CPP). Les parties sont cependant prises aux pièges de l'irrecevabilité de l'article 173-1, de la purge des nullités de l'article 174 et de la forclusion de l'article 175 du Code de procédure pénale, de telle manière qu'elles sont irrecevables à soulever les nullités de la procédure

d'instruction du premier degré »

1950

. Sans doute, la purge successive des nullités de l'article

512

174 alinéa 1er est le principal obstacle à la nullité de la preuve illégale devant la Cour ou le juge du fond1951 . M. François Fourment décrit ainsi le mécanisme de la purge successive des

1948 V. sur l'irrecevabilité en droit français: F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 93, p. 67 : « L'article 173-1 du Code de procédure pénale prévoit que la personne mise en examen et la partie civile doivent, sous peine d'irrecevabilité, soulever les causes de nullité antérieures ou concomitantes, respectivement, à leur interrogatoire de première comparution et à leur première audition, dans un délai de six mois à compter, selon le cas, de la notification de la mise en examen ou de la première audition. La loi du 4 mars 2002 a étendu cette irrecevabilité aux moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun des interrogatoires ultérieurs de la personne mise en examen et avant chacune des auditions ultérieures de la partie civile ». (art. 7 de la loi).

1949 V. sur la forclusion en droit français: F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 95, p. 67 : « L'article 175 du Code de procédure pénale institue un mécanisme de forclusion. Quand le juge d'instruction croit devoir clore son information, il avise les parties de ce que l'instruction lui paraît terminée. À l'expiration d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas, délai qui court à compter de la date d'envoi de cet avis, les parties ne sont plus recevables à formuler la moindre requête en nullité. Le règlement de l'instruction purge les cause de nullités » ; V. encore: H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 341, p. 150: « L'expiration de délai de forclusion institué par l'article 175 du Code de procédure pénale, en sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000 fait toutefois obstacle à ce que les parties invoquent devant la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance de règlement en application des articles 177, 178, 179 ou 181, les nullités de la procédure antérieure à l'avis de fin d'information lorsque celui-ci a été régulièrement notifiée » ; « Il en est de même en cas d'expiation du délai instauré par l'article 173-1, inséré dans le Code de procédure pénale par la loi du 15 juin 2000 et complété par la loi du 4 mars 2002 ».

1950 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 96, pp. 67-68.

1951 V. sur la purge de nullité en droit français: H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 355, p. 157 ; V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1220, p. 586 : « Si une partie privée à un procès pénal peut invoquer la nullité d'un acte de police devant une juridiction de jugement, elle ne peut le faire que selon un régime restrictif et complexe à raison de la volonté du droit positif d'éviter les manoeuvres dilatoires et de la hiérarchie des juridictions entre elles, régime qui s'applique également aux magistrats de poursuite ou de jugement ».

nullités : « l'article 174 alinéa 1er du Code de procédure pénale1952 institue un mécanisme de purge des nullités par lequel la partie - la purge ne s'applique donc pas davantage au juge d'instruction qu'au procureur de la République - qui soulève une nullité doit prendre garde de se prévaloir toutes les causes de nullité qu'il lui est possible de connaître au jour de sa requête en annulation, à peine d'irrecevabilité de toute requête ultérieure du chef de ces

nullités »

1953

. Pour sa part, M. Henri Angevin considère que c'est une couverture des vices de

la procédure : « l'arrêt de mise en accusation, statuant sur le règlement de la procédure, couvre, s'il en existe, les vices de la procédure antérieure, sauf le cas où les parties n'auraient pu connaître une nullité de l'information. La partie qui n'a pas soulevé devant la chambre de l'instruction la nullité d'un acte ne saurait l'invoquer pour la première fois

devant la Cour de cassation »

1954

. L'arrêt de mise en accusation de la chambre de l'instruction

purge les vices de nullités de la procédure antérieure (art. 305-1 du CPP)1955. En ce qui concerne les demandes des parties présentées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, c'est-à-dire les nullités soulevées devant les juridictions de jugement, « les demandes en nullité émanant des parties doivent être présentées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir -c'est-à-dire avant l'interrogatoire du prévenu ou de l'accusé sur les faits - à peine d'irrecevabilité »1956 (pour le tribunal correctionnel, voir l'art. 385 al 1er du CPP). Pour les nullités soulevées devant la Cour d'assises : « s'agissant des causes de nullité antérieures à l'ordonnance de mise en accusation, les parties ne peuvent plus les soulever devant la Cour d'assises : l'ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction "couvre s'il en existe, les

vices de procédure" »

1957

(art. 181 alinéa 4 du CPP). « Aux termes de l'article 305-1 du Code

513

1952 L'alinea 1er de l'article 174 du CPP français dispose : « Lorsque la chambre de l'instruction est saisie sur le fondement de l'article 173 ou de l'article 221-3, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d'office, lui être proposés. A défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n'auraient pu les connaître ».

1953 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 94, p. 67.

1954 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 257, p. 112.

1955 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 96, p. 68. 1956 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 97, p. 68.

1957 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 98, p. 68 ; V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1220, p. 587 : « en matière criminelle, aucune annulation ne peut être demandée à la Cour d'assises puisque, étant attributif de compétence, l'arrêt de renvoi purge définitivement la procédure antérieure de toute nullité » ; V. Cass. crim, 10 juin 2009, B.C., n° 119: « Méconnaît le sens et la portée des articles 181, alinéa 4, et 215 du code de procédure pénale, selon lesquels la décision de mise en accusation, lorsqu'elle est devenue définitive, couvre, s'il en existe, les vices de procédure, la cour d'assises qui, après avoir accueilli une exception de nullité prise du défaut d'impartialité d'un enquêteur ayant participé à l'enquête préliminaire, prononce l'annulation de la procédure » ;V. Cass. crim, 16 janvier 2013, B.C., N° de pourvoi: 11-83689: « Le prévenu qui a échappé à des poursuites dont il connaissait l'existence ne saurait se faire grief d'avoir été déclaré irrecevable à demander à la juridiction de jugement devant laquelle il a été

de procédure pénale, les parties doivent soulever les causes de nullité postérieures à la décision de mise en accusation et antérieures à l'ouverture des débats dès que le jury de

jugement est constitué »

1958

. Pour les nullités soulevées devant le tribunal correctionnel ou de

1959

police: « si le tribunal correctionnel ou de police statue sur renvoi d'une juridiction d'instruction, les demandes en nullité formées contre un acte d'instruction sont irrecevables

(irrecevabilité de l'article 173-1, forclusion de l'article 175, purge des vices de l'article

1960

»

181 al. 4, rappel de l'article 385 a l. 1er du CPP pour le tribunal correctionnel et renvoi de l'article 522 dernier al., à l'art. 385, pour le tribunal de police). « Si le tribunal correctionnel ou de police ne statue pas sur renvoi d'une juridiction d'instruction, il peut bien sûr connaître des demandes en nullité soulevées contre des actes pris antérieurement à sa saisine, tels les

procès-verbaux d'enquête de police »

1961

. Mme Julie Alix constate qu' « en pratique, les

1962

.

514

risques d'annulation sont toutefois relativement faibles. Le législateur a en effet balisé la procédure pénale de délais de forclusion et de mécanismes de purge des nullités »

394. L'irréfutabilité de la décision de mise en accusation définitive consacrant la preuve illégale dans la juriprudence libanaise. L'absence de fondement juridique de la règle de la

renvoyé l'annulation d'actes de l'enquête et de l'instruction, dès lors que, d'une part, en application de l'article 385, alinéa 1er, du code de procédure pénale, les nullités de la procédure antérieure à l'ordonnance de renvoi ne peuvent pas être constatées par ce tribunal, d'autre part, s'étant soustrait à la justice, il ne peut bénéficier des autres dispositions du même article, enfin, il lui est reconnu la possibilité de discuter, devant la juridiction de jugement, la valeur probante des éléments réunis contre lui ».

1958 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 98, p. 68.

1959 V. sur ce point: Cass. crim, 3 avril 2007, B.C., n° 103, p. 500: « Il se déduit de l'article 134 du code de procédure pénale qu'une personne en fuite et vainement recherchée au cours de l'information n'a pas la qualité de partie au sens de l'article 175 dudit code ; il s'ensuit que si elle est arrêtée après que le juge d'instruction l'a renvoyée devant le tribunal correctionnel, elle ne peut se prévaloir des dispositions du troisième alinéa de l'article 385 dudit code pour exciper devant cette juridiction d'une quelconque nullité d'actes de l'information, l'ordonnance de renvoi ayant, comme le prévoit l'article 179 du même code, purgé, s'il en existait, les vices de la procédure » ;V. Cass. crim, 3 octobre 2007, B.C., n° 237: « Selon l'article 134 du code de procédure pénale, une personne en fuite et vainement recherchée au cours de l'information n'a pas la qualité de partie au sens de l'article 175 dudit code et ne peut se prévaloir des dispositions du troisième alinéa de son article 385, l'ordonnance de renvoi ayant purgé, s'il en existait, les vices de la procédure ».

1960 V. Cass. crim, 16 janvier 2013, B.C., N° de pourvoi: 12-81199: « Justifie sa décision la cour d'appel qui déclare irrecevables les exceptions de nullité de la procédure d'instruction soulevées devant le tribunal correctionnel par le prévenu, en fuite et vainement recherché au cours de l'information, dès lors qu'en application de l'article 385, alinéa 1er, du code de procédure pénale, la juridiction correctionnelle, saisie par une ordonnance de renvoi, n'a pas qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure, que le prévenu s'est volontairement soustrait à la justice et a été mis en mesure de discuter devant la juridiction de jugement, la valeur probante des éléments réunis contre lui ».

1961 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 99, p. 68.

1962 J. Alix, « Les droits de la défense au cours de l'enquête de police après la réforme de la garde à vue : état des lieux et perspectives », in Recueil Dalloz., 2011, p. 1699, V. spec. n° 22.

515

purge des nullités concernant la décision de mise en accusation définitive émise par la chambre d'accusation en droit libanais est remarquable. L'irrévocabilité de la décision de mise en accusation définitive est absolument irréfutable et couvre le défaut de l'illégalité de la preuve pénale. Les irrégularités ou l'illégalité d'une enquête de police et de l'instruction préparatoire sont purgées à sa clôture. Les preuves illégales résultant de l'enquête de police et de l'instruction préparatoire vont ainsi être purgées indirectement du vice de l'illégalité. La

chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise1963 dans la décision n° 198 du 03/06/1998 dans le procès Kabalan / ministère public, considère que la décision de mise en accusation définitive cache tous les défauts qui se produisent durant les enquêtes préliminaires « tel que, en supposant que les enquêtes préliminaires sont entachées d'un quelconque défaut, l'acte d'accusation qui n'a pas été contesté (qui n'a pas subi un recours devant la Cour de cassation) et qui est désormais final a caché les défauts dans le cas de leur présence ; cependant, il revient à la Cour du fond le droit d'évaluer la valeur de ces enquêtes lorsqu'elle les adopte comme moyen de preuve ». Ce qui est saisissant, c'est que nous ayons rencontré un arrêt émis par la même chambre criminelle de la Cour de cassation constituée des mêmes magistrats, rendu dans les mois suivants le jugement précédent, dans lequel la Cour avait contredit cette déclaration et considéré que la Cour criminelle a l'aptitude d'exploiter les enquêtes préliminaires et adopter ce quelle estime valable et précis malgré l'irréfutabilité de l'acte d'accusation: « Tel que, bien que la décision de mise en accusation irréfutable cache en principe les défauts que revêtent les enquêtes qui se déroulent contrairement à certaines dispositions. Et que malgré cela, s'il s'avère que les dispositions requises pour le mode de conduite de certaines enquêtes préliminaires n'ont pas été strictement respectées, cela ne conduit pas à la nullité de ces enquêtes... ; en outre, ces enquêtes demeurent soumises à l'examen de la Cour à laquelle il revient de dire ce que ces enquêtes comportent comme informations auxquelles elle se fie suffisamment, au vu de leur réalité (exactitude) et de leur précision, particulièrement si elles sont approuvées et renforcées en vertu d'autres enquêtes

1964

préliminaires ultérieures ». L'arrêt précédent confère à la Cour criminelle le pouvoir d'accepter et d'exclure toute preuve légale ou illégale, car la Cour jouit désormais de la liberté de l'évaluation des preuves auxquelles elle se fie sans subir le moindre contrôle, conformément à ce qu'a établi la chambre criminelle de la Cour de cassation. Dans un autre arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, sixième chambre, dans la

1963 Constituée par le président M. Afif Chams Eddine et les conseillers M. Elias Abdallah et M. Fouad Jaajaa.

1964 La Cour de cassation pénale libanaise constituée par : le président M. Afif Chams Eddine et les conseillers M. Elias AbdAllah et M. Fouad Jaajaa, dans la résolution n° 296 du 04/11/1998 procès Materji contre Chaabane / ministère public.

décision n° 38 du 23/02/1999, cette Cour certifie clairement l'effet de la décision de mise en accusation définitive dans la dissimulation de toute cause de nullité en ce qui concerne

1965

l'enquête préliminaire ou l'instruction

: « ce que l'accusé avance comme contestation ou

recours saisissant l'enquête préliminaire ou l'instruction dans le but de demander leur annulation demeure rejeté, car ce type de recours ne trouve sa place que devant la chambre d'accusation et non devant les juges du fond ; car la décision de mise en accusation de la chambre d'accusation doit dissimuler toute nullité concernant l'enquête préliminaire ou l'instruction ». On considère que la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation

libanaise est compatible à la position de la cour Criminelle

1966

qui a estimé dans son jugement

du 31/05/2001 qu'« il est interdit de déclarer la nullité des enquêtes préliminaires devant la

Cour criminelle parce que la décision de mise en accusation est inattaquable »

1967

. Dans un

516

autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, septième chambre, dans la décision n° 259 du 26/12/2001, a confirmé aussi que la chambre d'accusation jouit exclusivement, contrairement à la Cour criminelle du droit d'annuler les enquêtes

1968

préliminaires et initiales: « l'annulation des enquêtes préliminaires et primaires relève des prérogatives de la chambre d'accusation et n'entre pas dans les prérogatives de la Cour criminelle ». Également, dans un autre jugement, la chambre criminelle de la Cour de cassation certifie que « la déclaration de la nullité des enquêtes préliminaires devant la Cour criminelle est interdite, car la décision de mise en accusation doit dissimuler tous les défauts, il serait donc impossible de soulever ces défauts de nouveau devant le tribunal. Dans tous les cas, il revient à la Cour du fond d'évaluer le contenu de la déclaration initiale des accusés ainsi que le reste des déclarations contenues dans le dossier. Elle peut les adopter comme elle peut les négliger ou ignorer selon sa conviction dans ce contexte ; et que la position qu'elle adoptera de ce côté n'est pas soumise au contrôle de la Cour de cassation tant qu'elle n'envisage pas de distorsion ou de modification des faits que comportent ces déclarations

1969

». La Cour criminelle libanaise a considéré qu'elle ne peut pas déclarer la nullité de

1965 Cour de cassation libanaise, président M. Ralph Riachi et les conseillers M. Samir Alia et M. Joseph Samaha , procès Arris/ Al Ahmad et ministère public, cité par P. Germanus, Le crime, théâtre et scène, édition 2009, p. 442, et cité par Sader cassation-pénale 1999, p. 304.

1966 Cour d'assises en droit français.

1967 Cour criminelle du Sud Liban constituée par les juges : le premier président M. Said Mirza, et les conseillers M. Hafez Eid et M. Mohammad Badran

1968 Cour de cassation libanaise, président M. Ahmad Moallim et les conseillers M. Samir Matar et M. Assem Safiyeddine, procès Nassif/mnistere public et l'État du Liban, cité par P. Germanus, Le crime, théâtre et scène, édition 2009, p. 442, et cité par Sader cassation-pénale 2000, p. 1163.

1969 Cité par Sader cassation-pénale 2003, pp. 552-553.

l'enquête préliminaire malgré les défauts qui ont affecté les mesures prises y compris, en conclusion, les éléments de preuve illégale résultant de ces mesures défectueuses. Donc la Cour criminelle confirme qu' « il revient à la Cour le droit d'évaluer les preuves qui lui sont exposées, en particulier les déclarations de l'accusé dans l'enquête préliminaire et la déclaration de la décision de mise en accusation inattaquable baisse le rideau sur les défauts qui ont porté préjudice aux enquêtes préliminaires ainsi que les instructions, que sur la base de ce qui précède, il faut rejeter la déclaration du côté de l'annulation des enquêtes l'enquête

1970

préliminaire ». Au sujet de l'annulation de l'enquête préliminaire lorsqu'une preuve illégale en résulte, la Cour criminelle confirme dans son jugement son interdiction de déclarer la nullité de cette preuve illégale qui résulte des enquêtes préliminaires « la déclaration de la nullité des enquêtes préliminaires devant la Cour criminelle est interdite dès que la décision

de mise en accusation est inattaquable »

1971

. Dans une autre résolution, la Cour criminelle

confirme clairement que la décision de mise en accusation dissimule les défauts de l'enquête qui le précède, c'est-à-dire qu'elle dissimule l'illégalité de toute preuve résultant d'une

procédure pénale préalable au procès

1972

: « la science et la jurisprudence s'accordent pour

517

dire que la décision de mise en accusation dissimule les défauts qui la précèdent et efface toutes les erreurs qui ont saisi les enquêtes préliminaires et les instructions, et il ne devient donc plus possible de les annuler, car elles accompagnent la décision d'accusation ».

395. Évaluation de la position jurisprudentielle en droit libanais. Il semble clair que la jurisprudence au Liban considère que l'acte d'accusation dès qu'il sera inattaquable n'admet aucune demande d'annulation ou d'écartement de la preuve pénale en raison de son illégalité. Plus que cela encore, elle considère qu'elle purifie cette preuve de son illégalité, ce qui lui permettrait de prendre sa place au procès au même titre que toute autre preuve légale. La Cour décidera de sa valeur probante en vertu de sa liberté de constituer sa propre conviction. Donc, la valeur probante de la preuve illégale est la norme dans l'acceptation ou le rejet de la preuve et rien d'autre ne peut restreindre la liberté de la Cour et du juge dans l'acceptation de la preuve illégale excepté la valeur probante qu'elle représente. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise applique cette position avec assiduité dans ses arrêts. Cette

1970 Cour criminelle du Mont du Liban, jugement n° 249 du 28/04/2004, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions Juridiques Sader, n° 11, p. 21.

1971 Cour criminelle du Mont du Liban, jugement n° 74 du 31/05/2001, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions Juridiques Sader, n° 2, p. 21.

1972 Dérogation du conseiller M. Jean Bsaybess, cour criminelle du Mont du Liban du 22/06/1999, procès Abi Chaker/Maalouf et compagnons, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 45, p. 75.

518

position de la jurisprudence libanaise n'a pas été critiquée par la doctrine libanaise bien que la Cour de cassation pénale et les Cours criminelles ne se soient appuyées sur aucun texte juridique justifiant leur position. Il est logique de dire que cette position est l'une des causes de l'affaiblissement de l'application pratique du principe de la légalité de la preuve pénale dans le système judiciaire libanais et que la position de la jurisprudence ne semble pas convaincante, car elle ne se base sur aucun argument juridique pour justifier son comportement dans la reconnaissance de la purification de l'acte d'accusation du défaut de l'illégalité de la preuve pénale.

396. Technique de négligence de la preuve criminelle. Il est à noter que la majeure partie de la doctrine de droit pénal comparé utilise l'expression « exclusion de la preuve pénale et la nullité de la preuve pénale ». Mais il semble que les tribunaux de juridiction criminelle au Liban utilisent l'expression « négligence de la preuve pénale » et c'est là une technique digne

d'être examinée 1973 . La négligence de la preuve par le tribunal signifie que le tribunal place la preuve sous son examen et analyse sa force probante. Si la preuve ne fournit ni à la Cour ni aux juges qui la constituent la conviction requise suffisante dans la démonstration de l'infraction, la Cour néglige alors cette preuve, c'est-à-dire qu'elle écarte son influence sur sa conviction et ainsi, la Cour n'aura pas adopté sa force probante comme preuve pénale.

397. L'absence d'annulation des procès verbaux de l'enquête préliminaire par la Cour criminelle libanaise. La Cour criminelle libanaise n'annule pas les procès verbaux de l'enquête préliminaire, mais elle les néglige, car ils ne constituent pas une référence séquentielle pour la police judiciaire. La Cour criminelle au Liban considère qu'elle ne peut pas décider l'annulation du procès verbal de l'enquête préliminaire, cependant, elle estime sa valeur probante et elle est en mesure de la négliger si elle ne la juge pas assez fiable ou si elle ne trouve pas assez convaincante sa valeur probante. La Cour juge que «la jurisprudence de cette Cour s'arrête à dire que la Cour criminelle n'annule pas les procès-verbaux de l'enquête préliminaire, car ils ne constituent pas une référence séquentielle pour la police judiciaire et qu'il ne peut y avoir annulation sans texte juridique. Il en résulte que la Cour criminelle néglige le contenu des procès-verbaux des enquêtes préliminaires lorsqu'elle constate que leur contenu ne lui apporte pas de preuve suffisamment fiable permettant de

1973 V. sur la signification matérielle de l'exclusion des preuves illégales : J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 303 : « en quoi consiste exactement l'exclusion des preuves illégales ? Certaines lois de procédure pénale prévoient expressément la destruction physique des preuves viciées. D'autres indiquent simplement que celles-ci doivent être éliminées du dossier ou ne pas figurer à la procédure. D'autre enfin se contentent d'interdire au juge d'en faire usage, sans autre précision ».

constituer sa conviction et non pas en raison des vices dont sont entachés ces procès-verbaux, tant que ces vices n'influent pas sur la conviction de la Cour, bien qu'il soit du devoir de la police judiciaire de respecter la loi et ses procédures durant l'exercice de ses fonctions. C'est là la conséquence d'un système juridique pénal basé sur le principe de la conviction du juge. Toutes les pièces du procès sont égales pour le juge y compris les procès-verbaux préliminaires et sont toutes soumises à son examen et son évaluation, il a le pouvoir de les accepter intégralement ou partiellement et son seul guide dans cette démarche est la

constitution de sa propre conviction »

1974

. À notre avis, l'arrêt précédent est choquant, la Cour

a reconnu explicitement et fortement qu'elle cherche seulement à être convaincue à n'importe quel prix et de n'importe quelle manière sans aucune considération des restrictions et limites qui doivent exister sur la liberté de l'appréciation des preuves par le juge du fond. Les principes généraux comme le principe de la légalité des preuves pénale doivent être pris en considération.

398. L'impossibilité d'annuler l'interrogatoire puisque l'acte d'accusation est inattaquable, sa valeur probante négligée. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise considère que « si la Cour ne peut pas faire face à l'annulation de cet interrogatoire en raison du fait que l'acte d'accusation est inattaquable, elle peut cependant l'ignorer et la considérer comme simple élément de preuve au même titre que les autres éléments de preuve... Et que d'autre part, il est certain que bien qu'elles soient niées, ces déclarations accompagnent les coups et la violence, conformément aux constatations du premier juge d'instruction dans l'observation qu'il a portée dans le procès-verbal de l'interrogatoire. Ces déclarations ne sont donc plus fiables, ce qui enlève à cet interrogatoire la crédibilité ou la

loyauté qu'il est supposé apporter dans la recherche des preuves »

1975

. L'arrêt précédent

519

prouve que la jurisprudence libanaise adopte la notion extrême de la liberté de preuve dans son double impact : la quête absolue de la recherche de la vérité en utilisant la liberté de la preuve et la liberté absolue dans l'appréciation de la preuve illégale sans aucune limite.

399. La liberté de la Cour criminelle de négliger la valeur probante des procès-verbaux de l'enquête en droit libanais. La Cour criminelle a considéré dans son jugement que « supposant que les officiers de police judiciaire aient violé les dispositions relatives aux

1974 Cour criminelle du Mont du Liban, le président M. Hatem Madi, jugement du 06/01/1997, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 51, p. 82.

1975 Cour de cassation libanaise, président M. Ahmad Moaallem, décision n° 45 du 22/01/1998, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 50, p. 81.

enquêtes à l'égard de l'accusé dans le but de lui soutirer un aveu sous l'effet des coups, cela n'entraîne pas l'annulation de l'enquête en raison de l'absence d'un texte juridique à ce sujet. Bien qu'il soit possible de poursuivre ceux qui ont usé de violence si preuve en est. Au contraire, il revient à la Cour d'adopter ou de rejeter les preuves de l'enquête, ou d'effectuer une enquête supplémentaire sur les faits dont elle doute, et l'enquête préliminaire prouve ce que les officiers de la police judiciaire ont effectué comme interrogatoires, rencontres et procédures qu'il n'est pas raisonnable d'ignorer, en termes de réalité ou en termes de contenu, mais sans pour autant avoir une force contraignante, car il revient au juge de la mettre en discussion et en tirer des informations pouvant le guider s'il le juge nécessaire, comme preuves renforçant sa conviction basée sur d'autres éléments de preuve.... Et, tant que les procès verbaux des enquêtes préliminaires ne sortent pas du cadre des preuves non contraignantes, le juge n'en tire que ce qui le convainc, et il n'en est pas obligé et puisqu'il n'y a pas de texte qui oblige son annulation tant qu'elle n'enfreint pas la loi, la requête de

l'accusé serait juridiquement déplacée et digne d'être rejetée »

1976

. La quantité des violations

520

des droits fondamentaux comprise dans l'arrêt précédent est remarquable. Elle excède la logique et la philosophie du droit de punir pour sacrifier tous les principes qui protègent la société et l'individu dans le procès pénal dans le seul but de chercher des preuves par n'importe quel moyen et à n'importe quel prix.

1976 Cour criminelle du Mont du Liban, jugement n° 54, procès n° 471 du 08/03/1988, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader,1997, n° 61, pp. 36-37.

Section II
La modernisation des moyens et des mécanismes
juridiques afin de consacrer une application effective du
principe de la légalité de preuve

400. L'inefficacité et l'insuffisance de la théorie de la nullité pour pénaliser ou sanctionner l'illégalité de la preuve pénale. L'échec de la théorie de la nullité en matière pénale pour la protection des libertés des individus et la garantie de l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale nous contraint à réfléchir à un traitement adéquat de ce vide de la

légalité sur le plan théorique et pratique 1977 . Pourquoi la nécessité de sanctionner les violations

1978

procédurales pendant la recherche de la preuve pénale? M. Emannuel Molina répond à la question précédente en considérant que « si ce n'est à considérer que les prescriptions légales applicables à la phase de recherche de la preuve des infractions ne sont que de simples recommandations, il est essentiel de prévoir l'existence d'un mécanisme de sanction procurant l'assurance que les preuves obtenues par transgression des dispositions

procédurales sont écartées »

1979

. Mais le développement des mécanismes juridiques pour

521

sanctionner effectivement l'illégalité de la preuve pénale exige aussi un développement intellectuel du législateur, du juge et des parties au procès pénal. Plus précisément, cela exige un développement intellectuel considérable de la société et du système juridique pour accepter

le résultat de ce développement des mécanismes juridiques 1980 . En toute franchise, nous devons avoir plus d'audace pour exposer la question ou la problématique relative au développement des mécanismes et des moyens juridiques en vue de l'application pratique du

1977 V. E. Molina, La liberté de la preuve des infractions du droit français contemporain, op. cit., n° 298, p. 302 : « La certitude de la répression, dont on s'accordera sans mal à reconnaitre qu'elle est de l'intérêt de la société, conduit à cet égard le juge pénal à évincer autant qu'il lui est possible la sanction relative à la légalité de la preuve sous l'influence d'une conception restrictive des causes de non admissibilité de la preuve ».

1978 V. en droit français : H. Matsopoulou, « Un revirement jurisprudentiel favorable à l'admission des nullités », Note sous Cass. crim., 6 sept. 2006, n° 06-84.869, in JCP. G., n°19, 9 Mai 2007, II 10081 : « La question des irrégularités commises au cours des enquêtes et de l'instruction est une matière sensible. Au lendemain du Code de procédure pénale, qui avait prévu la nullité des actes en cas de violation de dispositions substantielles, la jurisprudence s'était nettement prononcée pour une interprétation restrictive, la loi ayant confié, au demeurant, aux seuls magistrats la maîtrise du déclenchement du contrôle de la régularité des actes ».

1979 E. Molina, La liberté de la preuve des infractions du droit français contemporain, op. cit., n° 302, p. 306.

1980 V. sur la détermination problématique des causes de nullité de la preuve : E. Molina, La liberté de la preuve des infractions du droit français contemporain, op. cit., n° 301, p. 306 : « La recherche d'un équilibre entre l'intérêt de la société et la protection des droits de la personne faisant l'objet de poursuites pénales confère au juge du fond un large pouvoir dans l'appréciation des nullités qui méritent d'être sanctionnées ou écartées ».

522

principe de l'illégalité de la preuve pénale. Cette audace se résume à accepter que l'accusé ne soit pas puni pour son infraction à cause de l'illégalité du mode d'obtention de la preuve pénale. Cette proposition peut sembler choquante pour certains, mais la réalité est que le respect du principe de la légalité de preuve pénale nécessite de sanctionner d'une manière efficace les éléments de preuve obtenus d'une façon illégale, par conséquent détruire la force probante de la preuve et rendre cette preuve inutilisable malgré sa véracité, et ensuite ne pas punir un coupable en se basant sur cette preuve. Si les législateurs libanais et français ne parviennent pas à cette conviction, nous ne parviendrons pas à l'étape du développement des mécanismes de l'application du principe de la légalité de la preuve pénale. Les pratiques illégales permettant de parvenir à obtenir des preuves par des moyens illégaux se développeront, particulièrement avec le développement rapide et surprenant des moyens techniques tels que les enregistrements vidéo et autres comme les téléphones portables très répandus de nos jours. Il est nécessaire que les législateurs libanais et français considèrent que le respect du principe de la légalité de preuve pénale se réalise en appliquant une sanction effective qui néglige la véracité et la force probante de la preuve illégale et ensuite considèrent

cette preuve illégale non utilisable dans le procès pénal1981 . Par conséquent, le législateur doit choisir clairement de ne pas punir un accusé sur la base d'un élément de preuve illégal malgré l'existence d'une preuve contenant une puissante force probante, car tout simplement, le problème de l'illégalité de la preuve pénale est lié au moyen illégal et non à la force probante de la preuve pénale. Il faudra donc exclure la preuve illégale et ensuite anéantir la force probante de cette preuve.

401. L'excessive rigueur de la jurisprudence dans l'application du principe de la liberté du juge de constituer sa conviction. Il s'agit de l'autorisation ou du pouvoir discrétionnaire conféré au juge par le législateur concernant l'évaluation des preuves pénales dont la jurisprudence a interprété le cadre de manière extrémiste et auquel prennent part la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française dont le rôle doit être de superviser ses

travaux et ses dispositions et leur degré de conformité aux dispositions de la loi1982 . La rigueur

1981 V. sur ce point : A. Pellet et O. de Frouville (dir), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale, approches et perspectives : Rapport final », Centre de droit international (Nanterre), Éditeur CEDIN, 2005, p. 189 : « Le principe bien établi de la liberté dans la production donc de l'admissibilité des preuves doit être combiné au principe de légalité, tant formelle que matérielle, dans l'administration de la preuve, qui influe directement sur la phase au procès pénal. Ainsi le juge répressif doit-il écarter les preuves qui ont été illégalement recueillies au stade de l'enquête ou de l'instruction. La collecte du mode de preuve est donc primordiale ».

1982 V. sur le pouvoir discrétionnaire du juge pénal : S. Al-Amiri, Le pouvoir discrétionnaire du juge pénal, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2013, V. spec. le résumé : « Dans toutes les étapes d'un procès pénal,

de la justice dans l'octroi de la liberté absolue au juge pénal dans son pouvoir d'évaluation impose de repenser ce pouvoir absolu qui ne reconnaît pas le principe de la légalité de la

1983

preuve

. Pour cela il devient nécessaire de limiter ce pouvoir absolu et de réhabiliter le

principe de la légalité de preuve pénale en pensant à mettre des restrictions légales à la liberté du pouvoir du juge d'évaluer la preuve pénale, en réfléchissant à de nouveaux moyens juridiques permettant de limiter cette liberté exagérée qu'exerce la magistrature dans

l'acceptation de la preuve illégale

1984

. Le pouvoir estimatif du juge pénal n'est pas absolu,

523

mais il doit être exercé conformément à un ensemble de normes visant à garantir la légalité de la preuve pénale afin que la recherche de la preuve dans un État de droit ne ressemble pas à sa recherche dans une jungle ou règne la loi du plus fort, c'est-à-dire les pouvoirs publics au lieu que ce soit la légalité procédurale, pilier et base de l'État de droit qui triomphe. Par conséquent, la légalité de la preuve pénale exige de ne pas accepter toute preuve dont la recherche et l'obtention se sont effectuées de manière illégale. Si les droits libanais et français ont confié expressément au juge pénal la liberté d'apprécier les éléments de preuve pour forger sa conviction, cela ne veut pas dire que la recherche et l'obtention de la preuve peuvent se faire par n'importe quel moyen notamment au détriment des droits des individus. C'est pour cela qu'il devient impératif de trouver un nouveau mécanisme juridique qui consacre un principe général selon lequel « on ne peut compter sur la valeur d'une preuve même si elle contient une vérité effective tant que cette preuve est obtenue par un moyen illégal ». C'est cette idée que retient doctrine pénale belge qui limite la liberté d'appréciation du tribunal ou du juge de fond sur la frontière de la légalité de preuve : le juge ne peut condamner sur la base des preuves obtenues illégalement comme le soulignent MM Michel Franchimont, Adrien Masset et M. Ann Jacobs « le juge du fond doit vérifier la régularité des preuves, car il ne

dès son ouverture jusqu'à sa clôture et le prononcé du verdict, le juge dispose d'un pouvoir particulier, dit « discrétionnaire », qui n'est pas soumis à un contrôle par une cour supérieure. La latitude du pouvoir discrétionnaire du juge pénal a suscité plusieurs enjeux afin de déterminer sa nature juridique et son étendue. À plusieurs reprises, l'ampleur de ce pouvoir a aussi conduit à l'enchevêtrer avec certaines notions voisines, telles que le pouvoir arbitraire, pouvoir souverain et l'intime conviction du juge... ».

1983 V. en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 4 : « Il est donc nécessaire de prévoir clairement les règles d'invalidité, la liberté de la preuve ne pouvant concerner que son appréciation. Or le droit français pèche par une insuffisance de textes et par leur clarté relative. Cette démission législative a pour but d'éviter l'annulation d'une procédure irrégulière ayant, néanmoins, permis de découvrir la vérité. Mais elle prive les nullités de leur rôle préventif, l'absence d'automaticité de leur prononcé ne dissuadant pas les acteurs du procès pénal de recourir à des modes probatoires illégaux ou déloyaux ».

1984 V, sur ce point en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 5 : « En tout état de cause, la position française est fondée sur un postulat dangereux : le principe de la liberté de la preuve justifie la recevabilité des éléments irréguliers puisque, en vertu de son intime conviction, le juge dispose de la faculté de les écarter. Mais la libre fixation de la valeur probante n'est légitime que si elle repose sur des charges régulières,...».

peut fonder sa conviction que sur des preuves régulièrement obtenues »

1985

. Quant à nous,

nous soutenons cet avis incarnant et assurant l'application effective du principe de légalité de la preuve pénale.

402. L'urgente nécessité de nouveaux mécanismes juridiques. L'échec de la théorie de la nullité en matière pénale en droit libanais et français pour assurer l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale nous impose de nous demander sérieusement si nous avons désormais besoin de développer les outils juridiques classiques afin qu'ils assimilent le principe de la légalité de la preuve. Il est évident que la théorie de la nullité a totalement échoué à garantir un minimum d'efficacité pratique dans l'application du principe de la légalité de la preuve pénale. Il est donc devenu nécessaire de penser à développer cette théorie de la nullité afin qu'elle assimile le principe de la légalité de la preuve pénale, car il est inadmissible que les choses restent en leur état actuel concernant l'absence d'un mécanisme juridique capable de garantir le respect de la légalité procédurale dans la recherche de la preuve pénale et c'est ce sujet que nous aborderons dans le paragraphe 1 de cette section. Mais il est aussi devenu important de réfléchir sérieusement à des outils juridiques différents pour sanctionner l'illégalité de la preuve pénale loin de la théorie de la nullité, par exemple ajouter de nouveaux motifs ou causes de recevabilité d'un pourvoi en cassation qui soient en mesure de garantir un contrôle parfait de l'application par les magistrats du principe de la légalité de la preuve pénale, et c'est ce que nous allons traiter dans le paragraphe 2.

§ 1. Développement du système de nullité ou théorie de l'annulation dans les procédures pénales.

403. L'échec de la théorie de nullité en droit libanais et français. Selon M. Yves De Montigny «l'enchâssement des droits fondamentaux n'a de sens que dans la mesure où leur

violation se traduit par des sanctions effectives »

1986

. Donc, il faut rechercher à améliorer un

524

outil effectif permettant de bien sanctionner toute violation des droits fondamentaux. Le système de nullité en matière pénale, dans sa forme actuelle que ce soit au Liban ou en

1985 M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1041.

1986 Y. De Montigny, « Grandeur et misère du recours en exclusion de la preuve pour des motifs d'ordre constitutionnel», in Revue de droit de McGill, Vol. 40, 1995, p. 105.

1987

France

, n'a pas pu assimiler le principe de la légalité de la preuve pénale pour deux

525

raisons : la première concerne l'omission du législateur libanais ou français dans son recensement des cas de nullité textuelle pour confirmer la nullité absolue d'un grand nombre de violations des procédures pénales qui produisent les éléments de preuve illégale. Les règles de procédure pénale dont le non-respect est sanctionné de nullité sont peu nombreuses en droit libanais et français. Deuxièmement, en raison de la nécessité du législateur français d'annuler l'élément de preuve illégal de prouver de l'existence d'un grief pour la mise en oeuvre de la nullité d'un acte de procédure comme l'affirme l'article 802 du CPP français 1988 qui pose le principe « pas de nullité sans grief ». Il appartient à celui qui se prévaut de la nullité comme condition de la mise en oeuvre des nullités d'un acte de procédure pénale en droit français, s'il s'agit des nullités protégeant l'intérêt privé ou d'ordre privé, d'apporter la preuve de l'existence d'un grief. En l'absence de précision sur ce qui constitue un grief, il est difficile de prouver que l'irrégularité ou l'illégalité de l'acte de procédure en a causé un 1989 sans compter l'intransigeance de la jurisprudence au Liban et en France quant à la théorie de la nullité substantielle et le fait que la jurisprudence ne tienne pas compte que l'illégalité de la preuve rentre dans la théorie de la nullité substantielle qui se base sur l'annulation des actes substantiels dans lesquels les normes et les formes procédurales n'ont pas été respectées.

1987 V. en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in Recueil Dalloz, 2004, p. 1265, v. spec. n°4 : « Il est donc nécessaire de prévoir clairement les règles d'invalidité, la liberté de la preuve ne pouvant concerner que son appréciation. Or le droit français pèche par une insuffisance de textes et par leur clarté relative. Cette démission législative a pour but d'éviter l'annulation d'une procédure irrégulière ayant, néanmoins, permis de découvrir la vérité. Mais elle prive les nullités de leur rôle préventif, l'absence d'automaticité de leur prononcé ne dissuadant pas les acteurs du procès pénal de recourir à des modes probatoires illégaux ou déloyaux ».

1988 L'article 802 du CPP français dispose : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ».

1989 V. P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 2 : « Enfin, s'intéressant moins à la cause qu'aux effets de l'irrégularité commise, la loi introduit le grief comme l'étalon de mesure de la gravité de l'inobservation des règles légales. Cette présentation est inadaptée : elle procède d'une confusion entre le rôle inhérent à la nullité, la sanction de la violation de la loi et des principes fondamentaux, et un rôle qui lui est étranger, la réparation d'un préjudice ».

526

A. La nécessité de se concentrer sur les procédures qui sont en rapport direct avec la preuve pénale.

404. La nécessité de développer la théorie de la nullité. Le développement de la théorie de la nullité veut dire l'orienter dans le sens ou elle assimilerait un nombre plus grand et plus précis des procédures pénales et précisément les procédures qui produisent les éléments de la preuve pénale et ce développement dans la théorie reflétera une volonté claire et évidente du législateur d'adopter les cas nouveaux de nullité qui n'étaient pas stipulés auparavant, ce sera ainsi une consécration au principe de la légalité de la preuve pénale à travers la nullité des procédures pénales qui ont produit une preuve illégale en raison de leur non-application des procédures suivant le modèle imposé par le législateur. Cette évolution dans les cas de nullité relative à la preuve illégale reflète l'intention du législateur de traiter sérieusement et rigoureusement avec les infractions et les violations qui se produisent durant l'application des procédures pénales lors de la recherche des preuves. Il devient nécessaire de développer la théorie de la nullité dans les systèmes juridiques libanais et français en adoptant la théorie de la nullité textuelle, mais dans ce cas il faudra consacrer tous les cas de nullité dans lesquels la preuve est illégale en veillant à ce que soient consacrés tous les cas de façon précise et évidente sans aucune confusion. Étant donné que le système français et libanais adopte la théorie mixte de la nullité, c'est-à-dire la nullité textuelle et la nullité substantielle côte à côte et en droit français avec la règle « pas de nullité sans grief », il faudra également développer la doctrine de la nullité substantielle pour rajouter le concept de la nullité pour illégalité de la preuve côte à côte avec les droits de défense, les procédures fondamentales et un procès équitable, et ce pour garantir la fuite de toute preuve illégale de la sanction de nullité au cas où elle n'est pas prévue dans les dispositions parmi les cas de nullité textuelle. Ce qui signifie, en d'autres termes, qu'il faut se concentrer sur un concept nouveau de la nullité qui se base sur la formulation de la nullité fondée sur l'illégalité de la preuve au lieu de focaliser uniquement et exclusivement sur les critères de la nullité relatifs à l'intérêt général, les procédures fondamentales et les droits de défense.

527

B. La résolution du problème de la preuve illégale produite par les parties privées.

405. L'assimilation de la théorie de la nullité des éléments de preuve qui ne sont pas considérés actuellement comme acte de procédure. L'une des raisons majeures de l'échec de

la théorie de nullité en droit libanais et français 1990 est le manque d'intérêt de cette théorie à faire face à la sanction des éléments de preuve qui sont directement injectés des parties privées du dossier du procès pénal et qui ne sont pas considérées comme des actes de procédure. Parmi les conséquences de ce problème, la sortie d'éléments de preuve illégale présentés par les parties privées dans le procès pénal du cadre de la théorie de la nullité et l'acceptation de la jurisprudence à ces preuves illégales en raison d'absence du texte juridique qui exige l'écartement de ces éléments de preuves de la liberté d'appréciation du juge. Il est logique et souhaitable que les législateurs libanais et français recherchent un mécanisme juridique permettant à la magistrature d'annuler cette preuve illégale et la sortir du dossier du procès pénal et détruire ainsi sa force probante, et cela ne peut se réaliser que grâce à une intervention législative évidente qui soumet ces preuves expressément et sans la moindre ambiguïté à la théorie de la nullité par des textes clairs et sans équivoque, car c'est l'une des raisons majeures de la non-application effective du principe de la légalité de la preuve pénale par la justice libanaise et française. Il faut rappeler que les juges français énoncent qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de manière illicite ou déloyale et que la jurisprudence européenne ne réglemente pas l'admissibilité des preuves qui relève du droit interne ; qu'en en tout état de cause, l'élément de preuve procuré par un particulier ne peut faire l'objet d'une annulation dès lors que n'émanant pas d'un magistrat ou d'un service d'enquête, il ne constitue pas un acte de procédure. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française est stable dans ce sens, elle déclare que l'absence de disposition légale ou d'un texte de loi empêche le juge répressif d'écarter un moyen de preuve

illégal produit par les parties 1991 « attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce

1990 V. sur ce point en droit français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 5 : « En définitive, le droit français s'intéresse aux effets de la méconnaissance des dispositions légales sur la personne concernée. Or la nullité n'est pas une faveur accordée à une partie, mais une garantie du bon fonctionnement de la justice. En d'autres termes, la sanction d'une irrégularité procédurale participe de l'intérêt général ».

1991 Cass. crim., 27 janvier 2010, B.C., n° 16 : « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d'enquête, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de

qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils avaient été obtenus de façon illicite ou déloyale, et qu'il leur appartient, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en

apprécier la valeur probante après débat contradictoire »

1992

. Dans un autre arrêt, la chambre

criminelle de la Cour de cassation juge qu'«aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Méconnaît ce principe la Cour d'appel qui, dans une procédure suivie du chef de discrimination, refuse d'examiner les éléments de preuve obtenus par les parties civiles au moyen du procédé dit " testing ", consistant à solliciter la fourniture d'un bien ou d'un service à seule fin de constater d'éventuels comportements discriminatoires,

au motif que ce procédé aurait été mis en oeuvre de façon déloyale »

1993

. La Cour de cassation

528

aussi juge qu'« aucun texte de procédure pénale n'interdit la production par le plaignant à l'appui de sa plainte de pièces de nature à constituer des charges contre des personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du Code de procédure pénale. Il appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur au regard des règles relatives à

1994

.

l'administration de la preuve des infractions »

C. Vers une théorie de la nullité de la preuve pénale.

406. Constitution de la théorie de nullité de la preuve pénale. L'échec de la théorie des

nullités des actes de procédure en droit libanais et en droit français 1995 à sanctionner les multiples aspects des violations du principe de légalité de preuve pénale nous conduit à réfléchir à un moyen qui développe la notion de nullité afin d'assurer une sanction efficace à

procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante, après les avoir soumis à la discussion contradictoire des parties ».

1992 Cass. crim., 24 avril 2007, B.C., n° 108, p. 516. 1993 Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482. 1994 Cass. crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744.

1995 V. en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in Recueil Dalloz, 2004, p. 1265, v. spec. n°3 : « Les lacunes et les incertitudes des dispositions légales révèlent une double dénaturation des nullités de l'information. D'une part, en faisant du grief le principal fait générateur des nullités, la loi dénature la fonction essentielle de la nullité. D'autre part, maître de fixer le contenu des formalités d'ordre public ou d'intérêt privé, le juge pénal modifie souverainement la qualification des nullités. Il opère ainsi, au gré des espèces, une dénaturation de la notion de nullité ».

529

la diverse illégalité de preuve. Par conséquent, le processus de filtrage des preuves peut jouer un rôle essentiel pour prononcer la nullité de preuves illégales en ouvrant le droit aux parties du procès pénal de présenter une demande d'annulation de la preuve illégale avant la plaidoirie devant la Cour. Par ailleurs, la Cour devra examiner cette demande de nullité de preuve pour filtrer les preuves et exclure les preuves illégales du dossier pénal avant de juger la culpabilité ou l'innocence de l'auteur et avant le début des plaidoiries. Le but de ce mécanisme est d'ouvrir la voie pour les parties à demander la nullité de la preuve illégale à une période très importante qui est l'étape précédant l'appréciation de la valeur probante des preuves par le juge, de manière à ce que cette procédure constitue une sorte de filtrage de preuve dans le dossier pénal permettant de ressortir les preuves illégales du cadre de l'intime conviction du juge ou du champ de la liberté du juge à évaluer les preuves. Ce mécanisme de filtrage des preuves a pour but de faire sortir les éléments de preuve illégaux du cadre de la conviction de la Cour qui va juger l'affaire pénale, de façon que n'entrent dans le cadre de la liberté de la Cour de constituer sa conviction que les preuves correctes. À partir de là, nous pourrons à travers ce mécanisme juridique mettre fin au problème de la purification de l'acte d'accusation à tous les types d'illégalités de preuves pénales. Car il n'est ni logique ni équitable de ne pas permettre à l'accusé de demander la nullité d'un élément de preuve illégal devant la Cour du fond qui va décider la culpabilité ou l'innocence d'une personne accusée, simplement parce qu'il a tardé à soulever la question de l'illégalité de la preuve devant la chambre d'accusation en droit libanais et la chambre d'instruction en droit français ou le juge d'instruction. Le silence de l'accusé à divulguer avoir subi de la coercition lors de l'une des étapes de son interrogatoire ne peut pas nier totalement cette coercition, qu'elle soit physique ou morale. De plus, il n'est pas correct d'estimer que l'accusé qui demande le rejet d'une preuve illégale devant le tribunal le fait de façon tardive. Au contraire, le moment opportun pour soulever cette défense est justement lors du déroulement du procès pour lequel la loi garantit à tout accusé son droit d'exprimer ses défenses et ses arguments. La conviction du juge doit se baser sur une preuve résultant d'une procédure correcte et légale, donc il est souhaitable d'adopter un mécanisme juridique qui permet à l'accusé de demander à la Cour ou au juge du fond d'exclure un élément de preuve illégal du dossier pénal et la Cour devra rejeter ou accepter la demande avec une décision motivée. Évidemment, toute preuve ayant été considérée comme illégale par la Cour doit être ensuite écartée du champ des éléments qui emportent la conviction du juge sur laquelle repose le jugement, c'est-à-dire comme preuve de jugement.

407. Proposition d'adopter le mécanisme de la question prioritaire de légalité. Nous proposons aux législateurs libanais et français d'adopter un mécanisme similaire ou identique à celui de la question prioritaire de constitutionnalité qui existe en droit français en faisant les modifications nécessaires pour garantir une bonne application de ce nouvel outil ou mécanisme juridique proposé. Sans, doute, ce mécanisme permet de renforcer la qualité de la légalité dans le procès pénal et notamment dans le processus de recherche de preuve. Nous proposons que la question prioritaire de légalité soit un moyen pour chaque partie au procès pénal de demander indirectement à l'aide de la chambre criminelle de la Cour de cassation d'examiner afin d'exclure tout acte de procédure ou n'importe quel élément de preuve qui peut être ou même soupçonné d'être illégal, illicite ou déloyal avant la clôture de la phase de jugement. Contrairement aux questions prioritaires de constitutionnalité, la chambre criminelle de la Cour de cassation sera compétente pour saisir directement de la question de l'illégalité de la preuve envoyée par les parties du procès pénal à travers les tribunaux. Ce mécanisme empêche le juge du fond d'examiner la valeur probante de la preuve illégale parce que cette preuve illégale va influencer l'intime conviction du juge et forger indirectement sa conviction malgré l'illégalité de cette preuve. Donc, il est préférable de faire un filtrage des preuves versées dans le dossier de l'affaire pénale afin de faire sortir les preuves qualifiées illégales par la chambre criminelle de la Cour de cassation saisie par les parties avant la clôture des débats de la phase de jugement. Ensuite chaque preuve qualifiée illégale sera placée hors le dossier de l'affaire pénale et pratiquement hors le champ de l'intime conviction du juge pénal qui va juger l'affaire. Ce mécanisme de question prioritaire de légalité qu'on propose mérite d'être discuté afin de développer cette idée comme solution efficace et pratique qui renforce la qualité du procès pénal et contribue effectivement à l'application du principe de légalité de la preuve pénale.

§ 2. Réforme et instauration d'un nouveau cas d'ouverture à cassation.

408. Nécessité d'ajouter une nouvelle cause de cassation. Le pourvoi en cassation constitue une voie de recours extraordinaire « voie de recours extraordinaire, le pourvoi en cassation n'est possible que dans certains cas déterminés, les cas d'ouverture, que le

demandeur fait valoir sous forme de moyens de cassation »

1996

. En principe, les Cours de

530

1996 G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e éd., Dalloz, 2012, n° 938, p. 967.

531

cassation libanaise et française n'exercent aucun contrôle sur l'appréciation de la preuve faite par la Cour du fond parce que la Cour de cassation n'exerce qu'un contrôle de droit et l'illégalité de preuve n'est pas une cause de cassation directe en droit libanais et en droit français. Cela signifie que le contrôle de la légalité de la preuve s'échappe du champ de contrôle de la Cour de cassation. On peut conclure encore que l'appréciation de la preuve, c'est-à-dire l'intime conviction du juge, échappe à tout contrôle de la part de la Cour de cassation puisqu'elle n'est pas un deuxième ou un troisième degré de juridiction et qu'elle n'exerce pas son contrôle sur les faits dont l'appréciation est laissée au pouvoir souverain des juges du fond selon une jurisprudence stable en droit libanais et en droit français. Dans l'intention de contrôler la recevabilité de la preuve illégale et indirectement la liberté de l'appréciation souveraine du juge de fond pour le réduire à une liberté non absolue, il est indispensable que les Cours de cassation libanaise et française exercent un contrôle efficace sur les éléments forgeant l'intime conviction du juge de fond en imposant l'exclusion de la preuve illégale. Comment atteindre ce but? Une intervention législative ouvrant aux justiciables le pourvoi en cassation peut introduire une nouvelle cause de cassation qui serait « l'illégalité de la preuve pénale ». Cette intervention législative aurait pour but d'assurer l'application du principe de la légalité de preuve pénale qui contrôle la recevabilité des preuves illégales par le juge du fond en adoptant de nouvelles causes de pourvoi en cassation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation en droit libanais et français. Un arrêt remarquable de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise montre que la Cour de cassation n'exerce aucun contrôle sur la recevabilité des éléments de preuve illégaux par la Cour criminelle « l'avocat de défense (de l'accusé) avait plaidé devant la Cour criminelle (d'assises en droit français) et a fait valoir les motifs et les causes de défense dont la nullité des enquêtes préliminaires obtenues sous les coups, la coercition et la torture, et ce que suscite la partie plaignante des aspects cités plus haut ne constitue pas un motif ou raison de défense selon le concept juridique exact, mais considéré comme l'un des mécanismes permettant de nier la responsabilité pénale... et dans tous les cas, l'évaluation de la substance des déclarations contenues dans les enquêtes préliminaires et l'adoption de l'une ou de certaines d'entre elles et la négligence d'autres, et donc les adopter comme preuves parmi d'autres d'incrimination ou de non-incrimination, est une question qu'il revient à la Cour criminelle de décider, conformément à sa conviction dans ce contexte, et ce qu'elle en décide n'est pas soumis au contrôle de la Cour de cassation tout comme la question de la

532

disponibilité des preuves incriminantes demeure à son tour sujette à l'évaluation de la Cour

criminelle »

1997

.

A. Proposition visant à ajouter une nouvelle cause de cassation.

409. Contradiction entre le rôle de la Cour de cassation et l'adoption de la violation de la légalité de preuve comme nouvelle cause de cassation. Le Code de procédure pénale libanais a limité les causes de l'acceptation en cassation des dispositions pénales et n'a pas autorisé la Cour de cassation à s'ingérer dans la conviction du tribunal de première instance. Le pourvoi de cassation devant la Cour de cassation, dans les jugements définitifs établis par la Cour criminelle et la Cour d'appel pénale n'est pas considéré comme un des degrés objectifs de litige dans lequel le procès est exposé pour un nouvel examen, mais comme un type particulier de recours dans lequel est exposé un type particulier de contrôle purement juridique. La Cour de cassation est une Cour de droit seulement. En principe, la Cour de cassation est considérée comme locution ou métaphore d'un cours de droit, et n'accorde pas d'importance au fond ou aux faits, c'est pourquoi les moyens de cassation doivent être des points de droit qui n'ont pas de relation avec les faits ; ce qui incite à poser une question, qui est : quel est ce fond ou quels sont ces faits qui ne sont pas admis comme moyens de cassation du jugement pénal et qu'entend-on par les points ou les causes de droit qui doivent constituer les moyens de pourvoi en cassation; afin d'éviter toute confusion, il faut étudier le premier point pour comprendre le deuxième. En réalité, afin de connaître la signification du fond, il faut analyser de plus près le travail du juge pénal de fond ; ce dernier effectue deux opérations pendant l'examen ou l'étude de l'action pénale. La première est le rassemblement des preuves et leur examen, la deuxième opération est la constitution d'une conviction dans l'affaire, sur la base des preuves qui ont été rassemblées afin de dévoiler la vérité dans l'affaire, c'est ce qu'on appelle l'enquête judiciaire. Sur ce, nous pouvons déterminer le fond ou les faits qui ne doivent pas constituer des moyens de cassation, car tout ce qui entre dans le cadre de l'enquête judiciaire, fait partie de la tâche du juge du fond. Il n'est donc pas possible, dans un pourvoi en cassation, de demander d'ajouter une preuve qui n'a pas été présentée devant le tribunal du fond, telle qu'entendre des témoins, interroger un prévenu, le déplacement pour constations et affrontement et demander la désignation d'un expert, et même aborder les termes et éléments de ces preuves, car ceci

1997 Cour de cassation libanaise, chambre 6, organe de la Cour : le président M. Ralph Riachi et les conseillers M. Khodor Zanhour et M. Borkane Saad ; procès Al Majdoub et Mahmoud / ministère public, jugement n° 59 du 19/02/2004, cité par Sader Cassation- pénal 2004, p. 510.

533

entre dans le cadre de l'enquête judiciaire dont le juge du fond se charge, et qui achève sa mission, une fois le jugement pénal rendu. Aussi, il n'est pas possible de faire un pourvoi en cassation contre la conviction du juge du fond, qui est libre de la constituer. En effet, le juge rend sa décision dans un cas, selon la conviction qu'il a constituée conformément au principe de la liberté de conviction du juge. Cependant, la liberté de conviction du juge n'est pas absolue, car il faut que le juge du fond se base, dans la constitution de sa conviction, sur les preuves et les voies définies par la loi. Il faut, donc, que cette conviction soit basée sur les moyens de preuves déterminées dans la loi de façon limitative ; le juge ne doit pas juger un cas en se basant sur son savoir personnel par exemple ou sur une preuve nulle ou illégale. A partir de ce dernier point, nous pouvons dire qu'il faut considérer que le contrôle de la légalité de la preuve pénale est un des moyens de cassation, car il concerne le contrôle juridique de la légalité des preuves et n'entre pas dans le cadre du contrôle des faits, mais du contrôle de la loi qui doit être exercé par la Cour de cassation sur les tribunaux de degré inférieur, c'est-à-dire les tribunaux de base (de première instance). Et étant donné que la jurisprudence de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française refuse d'imposer leur contrôle sur la légalité de la preuve pénale dans la constitution de la conviction du juge pénal dont résultera le jugement pénal, il est devenu indispensable que le législateur intervienne au Liban et en France, afin de créer un mécanisme juridique qui ouvre le domaine de façon claire et explicite à la Cour de cassation pour exercer un contrôle strict de la légalité de la preuve pénale qui sera utilisée par le juge du fond, à travers le rajout d'un moyen nouveau dans le Code de procédure pénale libanais et français qui autorise un contrôle strict de l'utilisation ou l'admission de preuves illégales dans l'action pénale. L'application pratique du principe de la légalité des procédures, y compris dans le domaine de la preuve pénale, nécessite un contrôle judiciaire strict du recours à une preuve illégale ou son admission. Ceci est le seul moyen pour garantir la non-utilisation par les juges d'une preuve illégale dans leurs jugements. Et étant donné que la Cour de cassation est une juridiction de loi, elle contrôle l'application des juridictions de moindre degré des textes de loi, nous proposons le rajout d'un moyen de cassation nouveau contre les décisions pénales ; ce nouveau moyen serait nommé « jugement basé sur une preuve illégale ». Ce nouveau moyen que le législateur peut rajouter en plus des moyens de cassation actuels dans la législation libanaise et française, permettrait pour la première fois une assimilation des moyens de cassation comme un nouvel outil de contrôle de la légalité, qui prendrait en charge de façon claire et sans équivoque, le contrôle précis de la liberté d'appréciation des juges du fond, lorsqu'ils fondent leurs jugements sur des preuves illégales.

410.

534

Jugement basé sur une preuve illégale comme cause de cassation. Dans ce contexte, nous proposons au législateur libanais d'ajouter une phrase à l'article 296 du Code des procédures pénales libanais, qui ajoute un nouveau moyen en plus des autres moyens contenus dans cet article, ce moyen concerne le « fondement de la décision sur une preuve illégale ». L'ajout de ce moyen de cassation nouveau par le législateur libanais couvrirait le manque et le vide que contient la législation libanaise qui empêche réellement la protection des droits des individus dans l'action pénale à travers l'application effective du principe de la légalité des procédures pénales et la légalité de la preuve pénale. Cette modification que nous proposons au législateur libanais est le meilleur moyen pour permettre une technique légale efficace et rapide afin de garantir l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale, sans avoir besoin de créer une Cour suprême nouvelle ou légiférer de nouvelles règles de droit qui demandent de nombreuses études et du temps pour les approuver et les appliquer. Cette proposition donne droit, dans ce contrôle du travail des tribunaux, à une partie qui se charge, principalement, de cette tâche, et par conséquent, s'il est ajouté le nouveau moyen de cassation que nous proposons au législateur libanais, le rôle de contrôle de la Cour de cassation sera renforcé, pour qu'elle impose son autorité légale procédurale sur les travaux des tribunaux pénaux au Liban. En droit français, la Cour européenne des droits de l'homme garantit l'application du droit à un procès équitable, tel qu'il est défini à l'article 6 de la Convention européenne, mais ce droit essentiel n'est pas devenu une réalité dans la pratique parce que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelle toujours que la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles de droit interne et qu'en principe il revient aux juridictions nationales d'apprécier les éléments de preuve. De ce qui précède, on peut conclure qu'il sera très utile que le législateur français intervienne pour adopter une nouvelle cause de cassation comme celui qu'on a proposé pour le législateur libanais afin d'assurer l'application effective et satisfaisante du principe de la légalité de preuve pénale.

B. Proposition de réforme par Mme Michèle-Laure Rassat.

411. La solution proposée afin de résoudre le problème de l'admission de la preuve illégale obtenue par les parties privées en 1996(avant les réformes introduites par la loi du 15 juin 2000 sur le Code de procédure pénale français). La position proposée par la chambre criminelle de la Cour de cassation française acceptant la preuve illégale soumise par des parties privées devant le tribunal, notamment par le demandeur civil et la victime, n'est pas acceptable dans un État de droit en raison de son manque de logique juridique. A ce

propos, Mme le professeur Michèle-Laure Rassat a fait au législateur français une proposition très importante en 1996 visant à reformuler texte de l'article 6 du Code de procédure pénale, de la façon suivante : Article 6. « la victime constituée partie civile peut participer à l'établissement de la preuve pénale dans les limites de la loi ». L'objectif de cette reformulation est clairement de contrer la position de la Cour de cassation « cet article à pour but de casser la jurisprudence de la Chambre criminelle sur la question. La Chambre criminelle estime que la partie civile peut déposer tout ce qu'elle veut comme élément de

1998

.

preuve à l'appui de son action civile sans se soucier de la façon dont elle l'a recueilli »

Pour renforcer son excellente proposition de réforme Mme Rassat critique l'argument classique de la chambre criminelle de la Cour de cassation française « l'argument de la Chambre criminelle est de dire que ce que la victime dépose concerne son action civile aux fins d'indemnisation et ne constitue donc pas une preuve pénale. L'ennui c'est qu'il n'y a pas de séparation véritable entre le dossier pénal et le dossier civil et que les éléments de preuve déposés par la partie civile peuvent ensuite et très officiellement servir de base à la condamnation pénale proprement dite. Ce sont donc bien de véritables preuves pénales, de

fait, peut-être mais il n'importe »

1999

. Nous soutenons entièrement cette critique qui dénonce

535

le manque de logique de la position de tolérance de la chambre criminelle de la Cour de cassation française. Mme Michèle-Laure Rassat avance un autre argument très important « la position de la Chambre criminelle est donc inadmissible. Dès lors qu'une preuve est déposée au dossier pénal, elle doit avoir respecté toutes les règles prévues pour lui et à quoi servirait de limiter au juge d'instruction et d'interdire aux policiers, par exemple, de procéder à des enregistrements téléphoniques si les particuliers peuvent le faire sans aucun contrôle, puis déposer leurs enregistrements au dossier ce que la Chambre criminelle trouve tout à fait

2000

normal ». Enfin, Mme Rassat explique le but de cette proposition : « la rédaction a pour but de tenir compte du fait que la victime ne peut pas respecter l'ensemble des règles imposée

1998 M.-L.Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 52.

1999 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 52.

2000 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 52.

aux autorités publiques (elle n'a pas la possibilité de faire une véritable perquisition) mais

2001

qu'on doit lui imposer de s'en rapprocher le plus possible et en tout cas d'être loyale »

.

536

412. Notre avis concernant la proposition de Mme Michèle-Laure Rassat. Les arguments et les justifications de la position de la Cour de cassation française en faveur de l'acceptation de cette preuve illégale sont inadmissibles parce qu'ils reposent sur l'idée qu'il faut pas considérer que la partie civile présente une preuve au dossier du procès pénal au sens strict du mot. En outre, il ne s'agit pas d'une preuve, mais seulement d'un élément de la preuve soumise à l'appréciation du juge. Cet argument est inadmissible parce qu'il est clair que la décision du juge émanant de sa propre conviction ne peut pas exclure l'impact de tout élément au dossier tant que cet élément est soumis à son étude et à son examen. Chaque élément peut contribuer à des degrés divers à la formation de la conviction du juge. Même si le juge ne peut pas se baser sur cet élément directement pour la justification de sa conviction, celui-ci peut quand même influencer sa conviction et même le convaincre de juger de la culpabilité, sans pour autant le mentionner d'une manière explicite dans l'explication de jugement. Ainsi, chaque élément contribuant à la formation de la conviction du juge est une preuve au sens large du mot, qui constitue le les piliers du jugement par sa valeur probante. Sur ce point, nous suivons l'avis du professeur Mme Michèle-Laure Rassat.

La position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française soulève un grand nombre des questions difficiles relatives à la façon de faire pénétrer une preuve illégale dans le dossier du procès pénal et la placer devant le juge pour qui elle servira de base pour prononcer la culpabilité. La conséquence en est que la personne civile devient libre de toute restriction légale et légitime, alors que la police judiciaire et le juge d'instruction sont obligés d'appliquer la loi et la légitimité procédurale dans la recherche de la preuve pénale. À ce propos, une question s'impose : est-il permis aux civils d'avoir des autorités plus larges que celles de la police et la justice dans la recherche de la preuve pénale? La Cour de cassation française encourage-t-elle les personnes civiles à prendre des initiatives individuelles pour chercher la preuve de la culpabilité de l'infraction commise à leur encontre ? Ces jugements de la Cour de cassation sont-ils justes et conformes à l'État de droit ? Le texte proposé par le professeur Mme Michèle-Laure Rassat vise, selon ses propres termes, à forcer la victime à

2001 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 52.

537

rester autant que possible dans le cadre ou le champ légal imposé aux pouvoirs publics lors de la recherche de la preuve pénale.

413. Proposition ambiguë qui peut affaiblir indirectement le droit à la preuve pour la personne poursuivie. Mme Michèle-Laure Rassat propose d'ajouter au Code de procédure pénale français un article 7 formulé ainsi « la personne poursuivie n'est tenue de participer ni au rassemblement ni à la discussion des preuves produites contre elle ou en sa faveur. Elle

2002

peut garder le silence ». Ce texte exprime clairement le droit au silence, mais sa lecture attentive montre qu'il affaiblit la position de l'accusé ou de la personne poursuivie pour commettre l'infraction en lui laissant croire qu'il n'a pas besoin de défense. Nous croyons que le texte proposé fait perdre à l'accusé ou au défendeur l'élément de l'initiative dans le procès pénal. En effet, en admettant qu'il est théoriquement acceptable de proposer la non-participation de l'accusé à la collecte de preuves, il est inacceptable de proposer sa non-participation au débat de la preuve car ce débat et sa confrontation avec la logique et les arguments sont parmi les aspects les plus importants du droit de la défense, en plus d'être une manifestation directe du principe de la légalité de la preuve pénale, qui exige que la preuve soit soumise à un débat public et oral.

Ajoutons qu'il n'est pas possible de restreindre l'action de l'accusé ou du défendeur dans la recherche ou la participation à la recherche de la preuve de son innocence sous l'autorité claire de l'idée que l'accusé est coupable jusqu'à preuve du contraire. C'est ce qui se produit en réalité dans la pratique même si théoriquement, le principe de la présomption d'innocence domine. En effet, la présomption d'innocence n'a pas réellement un effet important puisque l'enquête repose toujours sur l'hypothèse que le suspect est l'auteur, en dépit du fondement de cette hypothèse sur l'existence d'une preuve faible. Il existe donc un facteur psychique pour les enquêteurs et les juges qui les pousse inconsciemment à la recherche de la preuve de culpabilité au lieu de la recherche de la preuve de l'innocence. Ainsi, le suspect, le défendeur ou l'accusé devient seul dans ce champ de bataille judiciaire sans instrument réel à sa disposition pour confronter les preuves recueillies contre lui pour le condamner, à part le principe théorique de la présomption d'innocence. Par conséquent, il n'est pas possible d'admettre un texte semblable à celui proposé par le professeur Mme

2002 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 53.

538

Michèle-Laure Rassat limitant le rôle de l'accusé ou le défendeur dans la recherche de preuves.

Mme Michèle-Laure Rassat propose encore la nouvelle formulation suivante à l'article 9 du Code de procédure pénale français : « La preuve pénale est libre. Sont toutefois irrecevables les éléments de preuve recueillis au moyen d'infractions pénales. Un élément de preuve n'est, d'autre part, recevable qu'autant que la procédure prévue pour son recollement a été intégralement et régulièrement respectée et que la mise en oeuvre de cette procédure ne

2003

porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine ». Cette proposition a pour but de répondre à la jurisprudence de la Chambre criminelle évoquée ci-dessus à propos de l'article 6 et de compléter le principe de liberté de la preuve par le principe de sa légalité : on peut admettre n'importe quelle pièce mais il faut que la perquisition et la saisie aient été régulières et n'importe quel témoignage à condition qu'il n'ait pas été recueilli sous la torture ni avec

La proposition du professeur Michèle-

2004

l'usage d'un prétendu détecteur de mensonges, etc.

Laure Rassat contribue au renforcement du principe de la légalité de la preuve pénale affirmant clairement que la preuve pénale obtenue au moyen d'un crime est inacceptable et que les éléments de preuve sont inadmissibles sauf dans le cas de leur respect de la légalité de la preuve, et que cette procédure de recherche de la preuve ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine. Nous estimons que le texte proposé par Mme Michèle-Laure Rassat est une démarche avancée et nécessaire dans l'établissement du principe de la légalité de la preuve d'une manière claire. En outre, ce texte représente un mécanisme rigoureux pour sanctionner la preuve illégale loin du cadre de la théorie de la nullité pénale qui est selon nous un mécanisme primitif non suffisamment développé pour assurer l'application efficace et efficiente du principe de la légalité de la preuve pénale. Le législateur libanais aurait lui aussi intérêt à s'inspirer des suggestions de Michèle-Laure Rassat en adoptant le texte proposé pour en faire un article de base dans le Code des procédures pénales concernant l'organisation de la recherche des preuves pénales dans le droit libanais.

2003 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 53.

2004 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 53.

539

C. Le rejet de la sanction.

414. Faire prévaloir le respect du principe de légalité sur le droit de punir. Sans doute, le principe de la légalité sur le plan procédural offre des garanties substantielles qui contribuent directement à l'assurance de bénéficier d'un procès équitable. De ce qui précède, on peut conclure que l'application du principe de légalité de preuve d'une manière efficace est un besoin de base dans chaque société, de même que le droit de punir. Le problème réside dans le conflit qui pourrait naître en cas d'inadmissibilité d'une preuve fiable mais recueillie de manière illégale. Est-il acceptable de condamner des coupables sur la base d'une preuve illégale ? Il est évident que cette question continuera de faire couler beaucoup d'encre. En fait, l'illégalité de preuve trouve sa source dans la violation des principes, règles et procédures liées à la garantie de la liberté personnelle, à la protection de la vie privée et la dignité humaine du prévenu, et le respect des droits de la défense. La justice dans un État de droit doit veiller à consacrer l'application réelle de toutes les implications du principe de légalité qui vise l'intérêt général exactement comme le droit de punir. Par conséquent, il faut admettre que l'application effective du principe de légalité de preuve nécessite d'écarter ou d'exclure un élément de preuve illégal et ensuite le rend inutilisable malgré la crédibilité et la fiabilité qu'il porte. L'exclusion d'une preuve fiable du dossier pénal peut avoir comme conséquence de « ne pas punir une personne coupable ». Est-il inimaginable de voir un jour une évolution ou une révolution jurisprudentielle dans la position de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française en rejetant des moyens de preuve illégaux fiables qui ont pour conséquence « ne pas punir une personne coupable »?

415. Les positions classiques qui empêchent l'application du principe de la légalité de preuve pénale. Certains juristes ont une position extrême concernant la technique qui consiste à exclure la preuve illégale dans l'action pénale et considèrent que l'exclusion de la preuve illégale n'est rien d'autre que l'exclusion de la justice. Nous pensons que les racines de cette position extrême remontent à la logique à laquelle ils croient, et qui est l'accès à la vérité par tous les moyens et toutes les voies, sans aucun égard envers la légitimité du moyen ou la méthode suivie pour aboutir à cette preuve. C'est la position exprimée par le célèbre juriste anglais M. Jeremy Bentham il y a 200 ans : « l'exclusion de toute preuve serait l'exclusion de

540

2005

toute justice ». Malheureusement, de nos jours on peut trouver indirectement que l'avis de M. Jeremy Bentham est toujours appliqué jusqu'à maintenant par la jurisprudence libanaise et française et dans la position de la doctrine pénale. La loi, que ce soit en France ou au Liban laisse au juge la liberté de constituer sa conviction afin de juger l'affaire pénale, et donc il est libre de préférer une preuve à une autre, en fonction de la preuve qui lui a été présentée et de sa force probante, mais le juge tout en effectuant cette opération, doit toujours prendre en considération le fait que cette liberté dont il jouit n'est pas une liberté absolue, mais doit se tenir aux frontières du principe de la légalité de la preuve pénale, des principes constitutionnels et conventions internationales, qui ont été reconnus par l'État et qui sont devenus une partie intégrante de son système juridique. Dans ce cadre, la grande question qui se pose est de savoir comment le juge peut-il accepter de s'appuyer sur des preuves obtenues en violation des principes qui protègent la liberté de l'individu, la vie privée, la confidentialité et la légalité de la procédure ? Y a-t-il un texte de loi ou un mécanisme légal qui oblige le juge à écarter la preuve illégale des preuves sur lesquelles il s'appuie pour la constitution de sa conviction, indépendamment de la force probante de cette preuve illégale ? La réponse est négative. Il n'existe aucune disposition légale claire en droit libanais et en droit français qui oblige le juge du fond à écarter la preuve illégale du dossier pénal.et la simple existence de cette preuve illégale dans le dossier permet indirectement au juge de constituer effectivement son intime conviction sur cette preuve illégale. Il est nécessaire d'évoquer le problème de l'influence de la preuve illégale sur l'intime conviction du juge. Il est impossible de nier que la présence d'un élément de preuve illégal mais fiable dans le dossier pénal va exercer une influence sur la formation de l'intime conviction du juge du fond. Donc, il serait souhaitable d'exclure les éléments de preuve illégaux du dossier pénal avant que le juge apprécie librement les preuves pour forger son intime conviction. La solution efficace est d'éliminer la preuve illégale du dossier pénal pour entraver la valeur probante de cette preuve illégale. Une jurisprudence constante de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française a expressément affirmé que la Cour de cassation n'exerce aucun contrôle sur la liberté d'appréciation de la preuve dont dispose le juge du fond pour accorder aux éléments de preuve une valeur probante. Par conséquent, le juge du fond peut être influencé directement, psychologiquement et intellectuellement par cette preuve illégale qui est présente dans le dossier de l'affaire en se basant sur une autre preuve moins crédible et insuffisante pour motiver son jugement. Les législateurs libanais et français doivent trancher la question de la preuve illégale. Le législateur doit choisir l'efficacité du droit de punir à travers la légalité

2005 J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, traduit par Etienne Dumont, Bossange frères Libraires-Editeurs, Paris, 1823, t. 2, p. 96.

pour rassembler les preuves de l'infraction et d'en rechercher le ou les auteurs. Le législateur dans un État de droit ne peut pas choisir l'efficacité de la justice répressive et punir par n'importe quels moyens parce que l'assurance du droit de punir ne peut se faire au détriment du principe de légalité. Il est inadmissible de sacrifier la garantie des droits de l'homme et des droits fondamentaux dans le procès pénal afin d'assurer seulement l'application du droit de punir. Il est important de souligner que le principe de la légalité de la preuve ne doit pas être lié à la fiabilité et véracité de la preuve, parce que sous la pression des moyens illégaux comme la contrainte ou la violence, l'accusé ou le prévenu souvent est prêt à dire la vérité pour que la douleur et la pression cessent. Et parfois, l'accusé ou le prévenu est prêt à avouer n'importe quoi sous la torture et la contrainte. On doit se focaliser sur les éléments de preuve fiables ou qui présentent suffisamment d'indices de fiabilité mais obtenus de manière illégale. Par exemple, une preuve illégale qui a été extorquée par un moyen illégal mais qui, en même temps, présente la vérité. La question est de savoir s'il est acceptable, dans un État de droit, d'utiliser une preuve illégale afin de punir un coupable. Est-il acceptable qu'un juge prenne en considération, pour former son intime conviction, une preuve illégale qui présente la vérité en ignorant la source illégale de cette vérité ? Le juge est-il tenu d'écarter la valeur probante fiable d'une preuve parce qu'elle a été obtenue de manière illégale et par conséquent de négliger la vérité qui en résulte ?

416. L'application du principe de la légalité de preuve nécessitant de sacrifier le droit de punir d'une manière limitée et relative. L'application du principe de la légalité de la preuve pénale de la façon qui a été développée plus haut, signifie réellement que certains accusés échapperont à la sanction de manière légale, sachant que si la preuve illégale a été prise en considération par la Cour, ceci conduirait à leur inculpation alors qu'ils sont réellement coupables, car la preuve illégale possède une force probante suffisante pour convaincre la Cour ou le juge de leur inculpation. Nous pouvons donc déduire que c'est la conséquence

logique de l'application du principe de la légalité de la preuve pénale

2006

, mais la question qui

541

se pose est : est-ce que cette conséquence logique de l'application effective de ce principe est acceptable ? Et sera-t-elle acceptée par la société et le système juridique ? Probablement, cette conséquence peut ne pas être acceptée ni par la société ni par le système juridique, cependant elle est la conséquence inévitable de l'application effective du principe de légalité de preuve pénale. Dans la vie juridique, il y a beaucoup d'exemples de personnes innocentes

2006 V. S. Berneman, « L'admissibilité de la preuve dans un système continental : Le modèle belge », in R.D.P.C., 2007, pp. 298-343, V. spec. p. 341 : « La légitimité morale d'un système de droit doit être préservée si l'on veut qu'il garde son autorité envers les justiciables. (...)L'application sans nuance de la règle d'exclusion ne fait qu'augmenter la méfiance du citoyen envers l'intégrité de la justice et sape l'autorité de l'État de droit ».

condamnées à de lourdes peines, bien qu'elles n'aient pas commis de crime, mais qui pour une raison ou une autre, n'ont pas pu rassembler des preuves convaincantes pour les opposer à celles qui les inculpent ou suffisantes pour modifier la conviction de la Cour ou du juge. Il est donc clair que parfois, certains individus sont victimes de jugements pénaux injustes à cause de défaut de preuve pénale ou d'incapacité de ces individus de présenter la preuve de leur innocence, et la société respecte le jugement de la loi et la conviction de la Cour qui a rendu la décision d'inculpation bien que cette société sache que l'accusé a été condamné alors qu'il n'a pas commis l'acte. On rappelle certaines expressions significatives comme « mieux vaut

laisser un fait délictueux impuni que de condamner un innocent »

2007

et en anglais « It is better

542

that ten guilty persons escape than that one innocent suffer », c'est-à-dire « que dix coupables

2008

échappent à la justice plutôt que souffre un seul innocent ». A partir de cette logique, la question qui se pose est la suivante, pourquoi ne pas se comporter de la même façon et appuyer l'application du principe de la légalité de la preuve pénale avec ses bons et mauvais côtés, c'est-à-dire, pourquoi ne pas accepter qu'un criminel échappe à la sanction, car la preuve de son inculpation a été obtenue de façon illégale en violation des droits fondamentaux des individus dans la société, des valeurs humaines et des principes juridiques et constitutionnels de l'État? La question essentielle est pourquoi est-il difficile d'accepter l'idée de rejeter la peine, c'est-à-dire ne pas punir un accusé dont ses droits fondamentaux ont été violés ? L'autorité judiciaire et policière qui a rassemblé les preuves illégales doit comprendre que nul ne peut violer les droits de l'homme et le principe de légalité dans la recherche de preuves, car ces droits et principes bafoués sont protégés par la loi, et la police et la justice ne peuvent obtenir et réunir la preuve de l'inculpation qu'en suivant la voie légale et aucune autre. Le fait de ne pas punir un accusé en écartant les preuves illégales du dossier pénal est mieux qu'accepter que l'État et ses autorités sécuritaires et judiciaires violent les droits et libertés des membres de la société et les textes de loi à chaque fois qu'une infraction est commise, en voulant rassembler les preuves pour arrêter celui qui l'a commise.. Il est certain qu'il n'y a pas de contradiction entre l'application de la loi conformément au principe de la légalité des procédures et la preuve pénale d'une part, et la capacité ou l'efficacité de la recherche de criminels et la preuve qu'ils ont commis les infractions, car, tout simplement, la loi a octroyé à la police judiciaire et à l'autorité judiciaire tous les moyens possibles pour rechercher la preuve. La loi n'a exigé que l'application, à la lettre et de façon correcte, des

2007 Traduction de la maxime de l'empereur Trajan : « satius esse impunitum facinus nocentis quam innocentem damnare ».

2008 W. Blackstone, Commentaire sur les lois d'Angleterre, t. 1 ; Oxford, Clarendon press, 1ère édition, 1765.

543

restrictions légales et conditions que la loi dispose, et si la police judiciaire et la justice se plient à ces conditions et restrictions et l'application du texte de loi, il résultera les mêmes conséquences pratiques, ce qui mènera au même rôle requis pour l'arrestation des criminels et la présentation des preuves de leur inculpation pour préparer leur jugement devant le tribunal et leur sanction, et par conséquent, la loi a permis la recherche de la preuve, pourquoi donc ne pas se plier aux textes de loi au lieu de les violer quotidiennement ? Pour sanctionner effectivement l'illégalité de la preuve pénale il faut mettre fin à la possibilité du juge du fond de prendre en considération un élément de preuve irrégulier ou illégal pour prononcer son jugement. L'adoption de cette solution amènerait un nouveau visage à la justice, faisant prévaloir le principe de la légalité de la preuve sur l'exigence de punir. La jurisprudence libanaise ferait preuve d'efficacité et de courage si elle adoptait cette solution qui aurait pour effet de marquer un retour à un État de droit qui nous paraît de plus en plus malmené au Liban. De même les législateurs libanais et français, en adoptant cette solution, contribueraient éviter la transformation vers l'État de police dans la recherche de preuve.

417. Comment trouver une raison fondamentale d'accepter les outils et mécanismes juridiques que nous proposons et qui ont pour effet la dispense de sanction et peine dans le cas où la preuve de l'infraction du prévenu a été obtenue illégalement ? Afin d'appliquer le principe de la légalité de preuve pénale d'une manière effective avec toutes les conséquences qui en résultent, on peut se référer aux différents arguments traditionnels de la doctrine pour l'admission de la théorie et des règles de la prescription de l'action publique dans les Codes de

2009 2010 2011

procédure pénale français et libanais , de la prescription de la peineet de l'amnistie

2009 V. sur la prescription en droit pénal français:l'article 7 du CPP français dispose : « En matière de crime et sous réserve des dispositions de l'article 213-5 du code pénal, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite.S'il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. Le délai de prescription de l'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et le crime prévu par l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est de vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers » ;l'article 8 du CPP français dispose : « En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article précédent.

Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés à l'article 706-47 et commis contre des mineurs est de dix ans ; celui des délits prévus par les articles 222-12, 222-30 et 227-26 du code pénal est de vingt ans ; ces délais ne commencent à courir qu'à partir de la majorité de la victime.Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés aux articles 223-15-2, 311-3, 311-4, 313-1, 313-2, 314-1, 314-2, 314-3, 314-6 et 321-1 du code pénal, commis à l'encontre d'une personne vulnérable du fait de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou de son état de grossesse, court à compter du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique » ; l'article 9 du CPP français dispose : « En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7 ».

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générale ou spéciale. A notre avis, l'application efficace du principe de la légalité de preuve pénale à travers la dispense de peine ou l'exemption de peine de l'accusé ou prévenu dont l'infraction a été prouvée contre lui mais d'après des éléments de preuve obtenus illégalement est recevable puisque le droit pénal libanais et français connaît « le sursis », mesure qui consiste dans la dispense d'une personne condamnée à exécuter tout ou partie de sa peine. Le législateur accepte des règles et principes juridiques qui ont pour effet d'exempter de sanction ou de peine quelqu'un qui a été condamné selon des preuves obtenue légalement comme dans le cas de la prescription de la peine ou le sursis. Il serait donc logique qu'il accepte également notre proposition qui vise à trouver un mécanisme juridique moderne permettant de donner sa pleine efficacité au principe de la légalité de preuve pénale, jusqu'à admettre l'exemption de la peine d'un prévenu ou accusé contre qui pèsent des preuves de culpabilité très crédibles, mais qui ont été recueillies illégalement. Pourquoi ne pas admettre les conséquences juridiques qui peuvent découler de l'application efficace du principe de la légalité de preuve pénale, alors qu'on admet la même logique juridique en matière de prescription de l'action publique et de peine, sursis et amnistie ?

2010 V. sur la prescription en droit pénal libanais: l'article 10 du CPP libanais : « L'action publique s'éteint par: a) le décès du défendeur; b) l'amnistie; c) la prescription décennale pour les crimes, triennale pour les délits et annuelle pour les contraventions; d) l'extinction de l'action civile dans les cas prévus par la loi » ; l'article 147 du Code Pénal libanais dispose: « Tel que modifié par l'article 7 du DL n°112 du 16/9/1983, qui a abrogé les alinéas 4 et 8 et ajouté un alinéa à l'article 147:Les causes qui éteignent les condamnations pénales ou en font cesser ou suspendre l'exécution sont:1. La mort du condamné;2. L'amnistie ; 3. La grâce; 4. Abrogé;5. La réhabilitation ; 6. La prescription ; 7. Le sursis» ; l'article 163 du Code Pénal libanais dispose: « La prescription de la peine de mort et des peines criminelles perpétuelles est de vingt-cinq ans. La prescription des peines criminelles temporaires est du double de leur période prononcée par la Cour, sans toutefois excéder vingt ans ni être inférieure à dix ans. La prescription de toute autre peine criminelle est de dix ans et cette durée est appliquée également pour toute peine délictuelle prononcée pour un crime précis. La prescription court du jour du jugement s'il est rendu par contumace, et du jour où il devient définitif s'il est contradictoire et le condamné non détenu. Sinon, la prescription court du jour où le condamné s'est soustrait à l'exécution: Lorsque le condamné s'est soustrait à l'exécution d'une peine privative ou restrictive de liberté, la durée de la peine subie sera imputée pour moitié sur la durée de la prescription » ; l'article 164 du Code Pénal libanais dispose: « Les peines délictuelles se prescrivent par un temps double de celui fixé par le juge pour leur durée, sans toutefois que ce temps puisse excéder dix ans ni être inférieur à cinq ans. Toute autre peine délictuelle se prescrit par cinq ans ».

2011 En droit libanais, le législateur utilise le terme « d'annuler les effets des jugements pénaux ».

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Conclusion du chapitre II

418. La légalité d'une preuve comme condition dans la recherche et l'administration de la preuve pénale doit prévaloir sur sa fiabilité et sa force probante parce que la fin ne justifie pas les moyens. Nous soutenons entièrement l'avis qui interdit l'utilisation d'un élément de preuve obtenu en méconnaissance d'une règle de la procédure pénale, par la violation du droit au respect de la vie privée, en méconnaissance des droits de la défense ou en méconnaissance du droit à la dignité humaine. Les éléments de preuve obtenus de manière illégale ne peuvent être retenus dans la mesure où leur utilisation est contraire au droit à un procès équitable. Sans doute, la doctrine pénale classique considère la théorie de la nullité en matière pénale suffisante pour sanctionner l'illégalité d'un acte de procédure pénale. Bien évidemment, cette théorie de nullité classique n'arrive pas à punir et sanctionner effectivement l'illégalité procédurale des éléments de preuve pour répondre aux conditions et dispositions imposées par le principe de la légalité de preuve pénale en droit libanais et français. Plusieurs raisons ont contribué à l'échec de la théorie des nullités en vigueur au Liban et en France d'assurer une application pragmatisme et réaliste du principe de la légalité de preuve pénale. Parmi les facteurs de l'échec de la théorie des nullités que l'on pourrait imputer à la concentration sur la nullité de l'acte de procédure pénale sans prendre en compte la nullité des éléments de preuve illégale d'une part, et la distinction entre nullité d'intérêt privé et nullité qui protège l'intérêt général ou l'ordre public d'autre part. On pourrait sur ce qui précède ajouter qu'en droit français, s'agissant des nullités protégeant l'intérêt privé, la nullité de l'acte illégal ou irrégulier est soumise à la démonstration d'un grief (la nullité d'ordre privé). Donc en droit français pas de nullité sans grief, la partie concernée devra rapporter la preuve qu'elle a subi un grief du fait du non-respect du formalisme légal pour que la Cour prononce la nullité d'ordre privé, ce qui a très largement contribué aux échecs massifs de la théorie de nullité à mettre en évidence le principe de la légalité de preuve pénale . De surcroît, le fait que l'acte d'accusation purge la procédure de toutes les nullités antérieures à celles-ci constitue un obstacle radical à la mise en oeuvre du principe de la légalité de preuve. La théorie des nullités en droit libanais et en droit français n'a pas pu sanctionner les éléments de preuves illégales produits par les parties privées en raison de l'absence d'un texte de loi selon la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise et de la Cour de cassation française, qui permet au juge répressif d'écarter les moyens de preuve produits par les parties privées en considérant que la soumission à un débat oral, public et contradictoire des éléments de preuve illégale purge en quelque sorte la preuve de son origine illégale, irrégulière et

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illicite. Ajoutons encore aux points qui précèdent, la jurisprudence des Cours des cassations libanaise et française adopte le concept de la liberté absolue du juge d'accorder aux éléments de preuve la valeur probante selon son intime conviction sans prendre en compte l'origine illégale de l'élément de preuve en faisant abstraction de toute considération du principe de la légalité de preuve pénale. Il ne faut pas négliger le rôle négatif de la règle de la purge des nullités de la décision de mise en accusation définitive émise par la chambre d'instruction en droit français et la chambre d'accusation en droit libanais dans l'échec de sanctionner efficacement les preuves illégales. Le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'évaluer la crédibilité ou la fiabilité de la valeur probante de la preuve illégale pour décider d'après sa conscience et sa conviction loin de tout contrôle de la Cour de cassation, ce qui constitue encore une cause supplémentaire qui fait obstacle à l'application effective du principe de la légalité de preuve pénale en droit libanais et français. Donc, la jurisprudence au Liban et en France est invitée, désormais, à appliquer de façon uniforme et rigoureuse la règle selon laquelle un élément de preuve pénale obtenu illégalement ne peut en aucune manière contribuer, que ce soit directement ou indirectement, à apporter la preuve d'une infraction. Mais comment appliquer ce qui précède en l'absence d'outil juridique en droit libanais et français permettant d'appliquer d'une façon efficace le principe de la légalité de preuve pénale ? On peut ainsi conclure la réalité de l'échec de la théorie des nullités et son incapacité à contribuer à l'humanisation de la recherche de la preuve pénale et de garantir une application pleinement satisfaisante du principe de la légalité de preuve pénale d'où la nécessité de développer la théorie classique des nullités en matière pénale qui a prouvé une inefficacité remarquable à sanctionner les éléments de preuve illégale en accroissant les cas de nullités textuelles automatiques à la violation des actes de procédure pénale et des principes généraux produisant des éléments de preuve sans la nécessité ou la condition adoptée par le législateur français de démontrer l'existence d'un grief pour prononcer la nullité qui protège les intérêts privés. Un autre mode ou moyen de développement peut rendre la théorie des nullités en matière pénale plus efficace et même d'une manière plus satisfaisante qui se caractérise par un mouvement de modernisation et de développement de la théorie des nullités classique vers la transformation à une théorie des nullités des preuves pénales qui permettent d'assurer et de garantir l'application effective et satisfaisante du principe de la légalité de preuve pénale. Sans doute il faut prendre en compte en droit libanais et français, la nécessité d'adopter un nouveau mécanisme juridique qui permet de sanctionner la preuve ou les éléments de preuve illégale en éliminant sa valeur et sa force probante, ce qui ouvre le choix vers la modernisation des outils juridiques qui permet d'exclure la preuve illégale sans prendre en considération la crédibilité et la fiabilité de la preuve. Il est permis de proposer une nouvelle façon de sanctionner la

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preuve illégale loin de la technique de la théorie des nullités qui peut assurer un renforcement et un établissement du principe de la légalité de preuve pénale entérinant une nouvelle voie ou manière efficace par l'adoption du système de filtrage de preuves acquises illégalement par le juge de fond avant de forger sa conviction, ce qui nécessite d'instaurer des textes de loi qui permettent d'exclure ou d'écarter les preuves illégales du pouvoir absolu du juge d'apprécier la preuve en matière pénale. L'adoption du système de filtrage des preuves ou des éléments de preuve illégaux, constitue une étape importante de la part du législateur vers l'atténuation de l'application jurisprudentielle radicale et extrême de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française de la liberté du juge d'apprécier les preuves en négligeant l'origine illégale de la preuve et en s'intéressant seulement sur sa valeur probante pour condamner. Une autre technique ou outil juridique permet aussi d'appliquer effectivement le principe de la légalité de preuve pénale loin de la théorie des nullités classiques. Il est possible d'utiliser le droit d'évoquer des moyens de cassation non traditionnels en droit libanais et français qui peut servir l'application du principe de légalité. Les législateurs libanais et français peuvent insérer un nouveau moyen de cassation en matière pénale qui est la violation de la légalité procédurale en la considérant comme une procédure substantielle. La violation de la légalité procédurale ou de la preuve comme un nouveau moyen de cassation est un mécanisme juridique qui peut améliorer la qualité du respect du principe de légalité dans la recherche de la preuve pénale si les législateurs libanais et français ajoutent explicitement une nouvelle cause de cassation conformément à notre proposition. Certainement, cela aurait des conséquences sur la recevabilité de l'application effective du principe de la légalité de preuve qui nécessite dans certains cas d'exempter l'accusé de la sanction même en présence des preuves irréfutables, mais illégales pour condamner. En résumé, l'application du principe de la légalité de preuve pénale en droit libanais et français ne peut être efficace et satisfaisante sans l'adoption d'une solution qui peut résoudre le problème de l'inefficacité des outils juridiques en vigueur pour sanctionner effectivement l'illégalité de la preuve pénale. La solution nécessite un esprit créateur pour choisir des instruments, mécanismes et outils juridiques modernes qui permettent d'assurer l'application effective du principe de la légalité de preuve pénale d'une manière qui reflète la véritable valeur juridique de ce principe en droit libanais et en droit français.

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Conclusion générale

419. La preuve tend à l'établissement de la vérité dans le procès pénal. Cette thèse est une contribution à l'étude du principe de la légalité de la preuve pénale sous l'angle du droit comparé (Liban et France). Évidemment, le droit français sous ses multiples aspects (loi, jurisprudence et doctrine) a exercé une influence marquante sur le droit libanais et continue à le faire. Le recours au droit comparé contribue au mouvement de la circulation des solutions juridiques entre les pays. La procédure criminelle au Liban et en France correspond à un système de procédure mixte entre le modèle inquisitoire et le modèle accusatoire. La recherche des preuves est dominée par un trinôme de principes : liberté, légalité et loyauté. La liberté est le principe essentiel dans la recherche de preuve en matière pénale. L'importance de la preuve dans le contentieux pénal est indiscutable. Dans le cadre du procès pénal, le principe de la liberté de la preuve gouverne le processus de la recherche de la vérité, ce qui laisse croire que tout mode de preuve est recevable sans limite puisque la liberté est absolue dans la recherche des preuves pénales.

420. Le droit pénal libanais repose sur la liberté de la preuve qui se manifeste clairement par une consécration législative et jurisprudentielle du principe de liberté de la preuve. Le principe de liberté de la preuve en matière pénale trouve son fondement dans les dispositions de l'article 179 du CPP libanais « les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement. Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire en audience publique... ». En outre, ce principe est confirmé par une jurisprudence stable dans les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise et du Conseil judiciaire libanais qui ont affirmé à plusieurs reprises la dominance du principe de liberté comme un principe général qui gouverne la recherche de preuve dans le contentieux pénal. À son tour, la doctrine pénale libanaise est presque unanime à cet égard en ce qui concerne l'application du principe de la liberté dans la recherche des éléments de preuve en droit libanais.

421. En droit français, le régime des preuves en matière pénale est celui de la liberté de la preuve. La liberté de la preuve en matière pénale est soutenue en droit français par une consécration législative et jurisprudentielle de ce principe. Le Code de procédure pénale français adopte le système de la liberté des preuves en matière pénale aux termes de l'article 427 du CPP qui affirme la liberté de la preuve : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son

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intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ». La doctrine pénale française reconnaît clairement et de manière unanime que le principe de liberté de la preuve constitue une règle générale en matière pénale, suivie en cela par la chambre criminelle de la Cour de cassation française qui a consacré ce principe grâce à une jurisprudence bien établie dans les arrêts de cette Cour. Ce principe général de la liberté de la preuve en matière pénale adopté en droit libanais et français connaît des limites. Sans doute, la liberté de preuve n'est pas une liberté entière et absolue. Dans un État de droit, la liberté de preuve s'incline parfois afin d'atteindre un équilibre entre deux objets recherchés dans la politique criminelle qui ne sont pas identiques et parfois soumis à deux pressions contradictoires. Le premier objet est l'efficacité dans la recherche de la preuve pour atteindre la vérité. Le deuxième objet est le respect des droits fondamentaux de l'homme et les principes généraux de droit qui assurent des garanties procédurales substantielles qui se caractérisent par le respect de la légalité. En effet, malgré la difficulté qui existe dans la recherche de la preuve et qui justifie cette liberté de preuve, cela n'empêche pas de préciser qu'il faut concilier la recherche de la vérité avec d'autres principes, et donc, chercher à trouver un équilibre satisfaisant entre l'efficacité du système pénal et la garantie des droits de l'homme parce que l'efficacité de la recherche des preuves ne doit pas être obtenue au prix d'atteintes aux droits individuels. L'adoption du principe de la liberté de preuve pénale par le législateur ne signifie pas que cette liberté dans la recherche et l'administration des preuves pénales est absolue et sans aucune restriction. En effet, une telle liberté de preuve sans restriction constituerait un abus ouvrant la porte à la violation de droits et libertés des individus sous prétexte de la recherche de preuves. En dépit de l'importance de l'obtention de la preuve pénale, il est inadmissible de sacrifier la totalité des droits et libertés des individus pour cette fin. Le principe de la légalité de la preuve pénale va dessiner les contours de la liberté de preuve. Par conséquent, le principe de la légalité de la preuve pénale dans ses deux aspects, formelle et matérielle, constitue une restriction fondamentale à la liberté de la preuve, afin d'empêcher tout extrémisme dans le cadre du concept de cette liberté. Quel est le rôle que peut et doit jouer le principe de la légalité dans la recherche de preuve ? Le principe de la légalité exprime l'idée de la primauté du texte de la loi qui est considéré comme une conséquence normale et naturelle de l'État de droit. La légalité en matière de preuve pénale apparaît comme une exigence fondamentale de l'État de droit. Ce qui précède offre l'occasion de souligner que l'adaptation du principe de liberté de la preuve en matière pénale par les législateurs libanais et français ne signifie pas que la fin justifie les moyens. Les deux systèmes procéduraux libanais et français soumettent la recherche de la preuve pénale à diverses restrictions qui limitent cette liberté de preuve. Cependant, le

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principe de légalité souffre d'une ambiguïté remarquable dans la culture juridique parce qu'il y a confusion entre le principe de la légalité dans la recherche de la preuve pénale, qui focalise sur la façon d'obtenir les preuves et le système de la preuve légale, où la loi énumère et définit les modes de preuve admissibles dont elle détermine la force probante. Une distinction doit être faite entre légalité des preuves et preuves légales pour éviter de confondre les notions de « légalité des preuves » et de « preuves légales ». La légalité des preuves désigne le caractère légal de la preuve qui est bien différent de la preuve légale. Le système dit de preuve libre ou morale qui est basé sur l'intime conviction du juge pénal est le contraire du système de la preuve légale. En fait, la légalité est un principe qui offre un outil juridique qui peut contrôler une application libérale du principe de la liberté de la preuve qui peut se transformer au nom de l'efficacité du système répressif en un outil permettant de commettre des violations graves et systématiques des droits humains et des droits fondamentaux du suspect et accusé dans le procès pénal. La légalité vient freiner toute dérive possible dans l'application de la liberté dans la recherche des preuves. Le principe de la légalité constitue un rempart efficace contre l'injustice et l'arbitraire qui peuvent naître de la liberté de preuve. En réalité, en présence du principe de légalité, il sera difficile de considérer que le principe de liberté de preuve consiste en une liberté infinie et radicale. La légalité dans la recherche de preuves en matière pénale va remplir une mission essentielle tout au long du processus de recherche des preuves qui est le fait de réduire strictement la liberté de la preuve dans la mesure du possible pour garantir l'efficacité de la répression à travers la manifestation de la vérité en droit processuel, et d'autre part dans le but de garantir les droits de la défense et du procès équitable tout au long de la conduite de la procédure pénale. Le principe de la légalité trace le contour du principe de la liberté de preuve pénale. La légalité contribue à former un outil d'encadrement du principe de la liberté de preuve. Évidemment, la recherche des preuves pénales peut porter atteinte aux droits individuels et seul le législateur est compétent pour en décider et fixer la marge de l'atteinte nécessaire sur les droits individuels qu'on l'appelle atteinte légale au service de la manifestation de la vérité dans le procès pénal.

422. La légalité en matière de preuve pénale se divise en deux aspects : légalité formelle et légalité matérielle. La légalité formelle de la preuve pénale signifie que la recherche de celle-ci est le résultat d'une procédure pénale admise par la loi, en veillant à l'application de cette procédure produisant cette preuve pénale selon le modèle légal imposé par le législateur. La légalité formelle de la preuve pénale indique également le respect du droit à la protection de la vie privée, et l'interdiction d'obtenir les éléments de preuve en violation des principes généraux de droit intimement liés à la preuve pénale. En d'autres termes, la légalité formelle signifie la non-violation des principes liés à la preuve pénale à la phase de jugement dans le

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procès. Ces principes sont la publicité, l'oralité et le contradictoire, dont la violation représente une violation de la légalité formelle de la preuve.

423. Relativement à la légalité formelle, le respect de la légalité formelle impose que la liberté de preuve comme principe général est soumise à des formes et restrictions imposées par les dispositions des lois qui régissent le processus de la recherche de preuve. Sans doute, il faut distinguer entre deux sortes de formalités, connues d'une part sous le nom de formalités substantielles dont l'inobservation rend les preuves illégales, et d'autre part les formalités non substantielles ou secondaires, dont l'inobservation ne rend pas les preuves illégales. La liberté de la preuve doit respecter la légalité formelle s'agissant de toutes les conditions, interdictions ou entraves que le législateur a voulu déterminer dans la procédure pénale lors de la recherche de la preuve ou sa production. Ainsi, le respect de la légalité formelle impose de respecter l'application des principes directeurs relatifs à la preuve qui sont : le respect du principe de l'oralité du débat, du principe du contradictoire et la publicité des débats. Les éléments de preuve dans un procès pénal doivent faire l'objet d'un débat contradictoire pour que la preuve soit conforme au principe de la légalité formelle de la preuve pénale. Par conséquent, le juge du fond ne peut pas prendre en compte des éléments de preuve qui portent atteinte au principe du contradictoire, de l'oralité et de la publicité des débats parce que cela est contraire à la légalité formelle de la preuve. Enfin, la légalité formelle de la preuve désigne le respect et la protection de l'intimité de la vie privée, c'est-à-dire que la liberté dans la recherche de preuve ne peut pas porter atteinte à l'intimité de la vie privée, sauf si le législateur a encadré légalement cette atteinte afin de collecter la preuve, qui est nommée dans ce cas une atteinte légale à l'intimité de la vie privée, notamment l'encadrement de l'écoute téléphonique judiciaire par le législateur en droit libanais et en droit français.

424. Quant au concept de la légalité matérielle en matière de preuve, il se traduit par une exigence du respect de la dignité humaine et de la loyauté dans la recherche de preuves pénales. La légalité matérielle de la preuve signifie l'interdiction d'obtenir la preuve pénale en violation du principe du respect de la dignité humaine, ainsi que de l'intégrité physique et morale de la personne. La protection de la dignité humaine est une préoccupation centrale du droit. Certains avis doctrinaux en France considèrent que le principe de la loyauté de la preuve pénale fait partie de celui de la légalité matérielle. En dépit de ce point de vue, il est préférable d'aborder ce principe à part entière. En effet, le principe de loyauté de la preuve pénale est un principe complémentaire à celui de la légalité de la preuve pénale, en se basant sur la moralité, sans pour autant être soutenu par un texte juridique. Ainsi, la loyauté de la preuve comme principe faisant partie de la légalité matérielle (selon la doctrine française) est moins prise au

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sérieux parce qu'elle est considérée comme une simple exigence morale ou éthique. En revanche, le respect de la dignité humaine est une exigence fondamentale de la légalité matérielle dans la recherche de preuve qui ne souffre aucune exception parce que le respect de la dignité humaine dans la recherche de preuve est une garantie essentielle pour éviter la coercition et son utilisation pour obtenir des aveux et éviter la torture, des traitements inhumains et dégradants. En ce qui concerne la loyauté dans la recherche des preuves, nous avons préféré dans cette thèse étudier ce principe dans un chapitre entier indépendant de la légalité matérielle.

425. La loyauté dans la recherche de preuves est un principe controversé. D'abord, il souffre d'une définition imprécise et d'un manque de détermination en ce qui concerne la notion. Ensuite, la loyauté selon beaucoup d'auteurs est un principe d'inspiration morale, ce qui soulève des questions à propos de sa valeur juridique. Le Code de procédure pénale libanais et le Code de procédure pénale français ne consacrent pas formellement et d'une manière claire l'adoption du principe de loyauté dans la recherche de preuves. Le principe de loyauté est la conséquence d'une pure construction jurisprudentielle. En 1888, la célèbre affaire Wilson offre l'occasion pour la Cour de cassation française d'exprimer sa volonté expresse de créer le principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale. Ensuite, ce principe de loyauté revêt une portée générale après une consécration lumineuse par la jurisprudence de la Cour de cassation française dans une autre affaire célèbre qui est l'arrêt Imbert du 12 juin 1952. En définitive, la loyauté comme principe est une invention jurisprudentielle de la Cour de cassation française dans l'arrêt Wilson (1888), qui s'est développée ultérieurement dans la célèbre affaire Imbert rendue le 12 juin 1952. Le principe de la loyauté est reconnu par la majorité de la doctrine pénale française. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme interprète d'une manière très extensive la notion et le champ d'application de procès équitable ce qui permet au principe de loyauté d'être appliqué d'une manière implicite en droit français sous couvert de l'article 6 de la Convention européenne bien que les juges de Strasbourg considèrent que la Convention ne réglemente pas l'admissibilité des modes de preuve, matière qui relève au premier chef des règles de droit interne. Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme n'applique pas d'une manière efficace le principe de loyauté dans la recherche des preuves et les juges de Strasbourg devraient réformer leur jurisprudence pour assurer une application effective et réelle du principe de loyauté de la preuve. En droit libanais, on ne peut passer sous silence l'influence ou la contribution négative de la doctrine et de la jurisprudence libanaise qui n'ont pas fait d'effort dans la production et la diffusion du principe de loyauté dans la culture juridique

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libanaise. Cependant, le principe de la loyauté de la preuve pénale souffre d'une baisse significative en raison de l'absence de consécration législative dans le droit libanais et français. Cette situation a engendré deux résultats négatifs. En premier lieu, les parties privées dans le procès pénal ne sont pas soumises aux restrictions du principe de la loyauté de la preuve pénale selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française, en raison de l'absence d'un texte explicite permettant à la justice d'écarter la preuve déloyale apportée par les parties, contrairement aux autorités publiques qui sont soumises à ce principe. En droit libanais, la reconnaissance de ce principe de loyauté souffre d'une très grande timidité de la part de la jurisprudence. En deuxième lieu, le principe de la loyauté de la preuve pénale peut être surmonté à travers une législation claire et explicite permettant l'utilisation d'un outil ou d'un moyen déloyal pour l'obtention d'une preuve pénale, mais admissible et légal, parce que prévu par la loi. Cette situation est répandue en France et dans d'autres pays, notamment dans le but de lutter contre les crimes graves, en particulier le terrorisme. Quant au Liban, le principe de la loyauté de la preuve pénale est négligé et non répandu dans la culture juridique libanaise, en dépit de la forte influence du droit français, de sa jurisprudence, de ses points de vue doctrinaux, de ses principes, ainsi que de la plupart des lois, notamment en droit pénal. Le législateur libanais n'a pas rectifié des lois pour pouvoir continuer à utiliser des moyens de recherche de preuve déloyale dans le but de l'obtention de preuves liées aux crimes graves et terroristes. Les autorités procédant à la recherche de la preuve pénale au Liban utilisent des moyens déloyaux sans pour autant être sanctionnées par les tribunaux en raison des preuves obtenues au moyen de procédés déloyaux.

426. Une preuve peut être illégale lorsqu'elle est entachée d'une illégalité formelle ou d'une illégalité matérielle. Il était nécessaire de déterminer un concept minimal fixe à la preuve illégale. L'illégalité de la preuve pénale a plusieurs causes, notamment l'absence d'un texte juridique justifiant la procédure pénale produisant la preuve, ou encore l'existence de ce texte sans que l'application effective de la procédure produisant la preuve soit en conformité avec le modèle exigé par le législateur, rendant ainsi la preuve illégale. De plus, l'obtention de la preuve pénale en violation des trois principes prédominants dans le procès pénal, qui sont la publicité, l'oralité et le contradictoire intimement liés à la preuve pénale, rend la preuve illégale en raison de cette violation.

La preuve est entachée d'une illégalité formelle si la recherche et l'administration de cette preuve portent atteinte à la légalité procédurale, mais également si les procédés de preuves ont porté atteinte à l'intimité de la vie privée. La légalité formelle de la preuve pénale regroupe les conditions à respecter dans le processus de recherche de la preuve. Ces conditions sont

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imposées par le Code de procédure pénale parce que la recherche de la preuve pénale est un acte de procédure prescrit dans le Code. Le respect de la légalité formelle dans la recherche de preuve se réalise par l'application minutieuse du texte de loi qui est la base de l'acte de recherche de preuve. Ce dernier texte de loi qui légalise la recherche des preuves constitue la base légale de cet acte et impose qu'il soit appliqué en respectant minutieusement les diverses dispositions relatives aux restrictions et aux conditions prévues dans le texte du Code de procédure pénale. En effet, la preuve qui porte atteinte à la légalité procédurale trouve la source de l'illégalité dans l'absence de base légale, la violation d'une formalité substantielle, ou la violation des conditions fixant les actes de recherche des preuves strictement réglementées et enfin l'atteinte au droit à un procès équitable. La légalité formelle englobe encore le respect des principes généraux liés directement au droit de la preuve qui sont l'oralité, la publicité et le contradictoire.

427. Un autre aspect de la légalité formelle dans la recherche de preuve concerne les moyens qui portent atteinte à la vie privée. En ce qui concerne l'illégalité qui entache la preuve provenant des procédés de preuves portant atteinte à l'intimité de la vie privée, cette illégalité trouve sa source dans la preuve obtenue par la mise sur écoute de conversations téléphoniques et dans la preuve obtenue au moyen d'un enregistrement par magnétophone. Ces procédés constituent une violation du droit au respect de la vie privée. Les législateurs libanais et français sont soucieux d'encadrer strictement certains moyens de preuve qui sont considérés normalement comme une atteinte illicite à l'intimité de la vie privée. L'écoute téléphonique figure parmi les violations les plus importantes du droit de l'individu à protéger sa vie privée. Évidemment, les écoutes téléphoniques sont l'essentielle atteinte au respect de la vie privée de la personne durant la recherche de la preuve pénale. C'est pourquoi le législateur dans un État de droit doit être très soucieux d'encadrer légalement cette atteinte à la vie privée par une loi qui assure un équilibre satisfaisant entre la recherche de la preuve nécessaire pour la manifestation de la vérité et le droit au respect de la vie privée. Une loi qui réglemente et encadre légalement l'écoute téléphonique va formellement assurer des sauvegardes adéquates contre divers abus à redouter. En outre, l'obtention de cette preuve pénale en violation du droit au respect de la vie privée ouvre le débat sur l'écoute téléphonique et sur les lois libanaises et françaises dans ce domaine où la loi libanaise est très influencée par la loi française en dupliquant la plupart des articles de la loi en vigueur. Pour la nécessité de combler un vide juridique et sous l'influence du droit français, notamment de la loi du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques, le législateur libanais a pris soin de réglementer l'écoute téléphonique par la loi n° 140/99. Après plusieurs années de retard, le décret pour l'application de la loi n° 140/99 qui réglemente l'écoute téléphonique en droit

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libanais a été adopté. Pourtant, cette loi a besoin d'une réforme complète parce qu'elle contient beaucoup trop d'ambiguïtés. En droit libanais, la jurisprudence admet l'utilisation des enregistrements sur bande magnétique comme moyen de preuve dans le domaine pénal. Cette solution jurisprudentielle ne repose sur aucune source légale. En droit français, avant que le législateur français n'adopte la loi Perben II qui a légalisé la sonorisation de lieux privés et l'enregistrement de conversations privées, cette procédure spéciale était faite et appliquée en pratique sans base légale claire et précise, portant ainsi atteinte à l'esprit de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne. En conséquence, la justice française peut autoriser le placement de caméras et de micros-espions dans les lieux privés afin de faciliter la recherche des preuves. Le législateur libanais serait bien avisé d'encadrer légalement la sonorisation de lieux privés et l'installation d'une caméra surveillance dans un lieu privé pour mettre fin à la violation des droits et libertés individuels pratiquée par les autorités publiques sans base légale dans la recherche de preuve pénale en droit libanais.

428. La preuve est dite entachée d'une illégalité matérielle si elle a été obtenue par le biais d'un moyen qui porte atteinte à la dignité humaine. Le respect de la dignité humaine proscrit toute forme de recours à la violence physique ou morale afin d'obtenir l'aveu ou des éléments de preuves. Le respect de la dignité humaine figure parmi les principes dont la violation est totalement inadmissible et par conséquent toute preuve émanant des moyens classiques tels que la contrainte sous toutes ses formes, la torture physique et morale, la menace ou encore la pression rend cette preuve illégale. Malgré l'abandon de l'expression classique « l'aveu : reine des preuves », l'aveu dans la procédure pénale revêt une importance capitale, ce qui a poussé la doctrine libanaise et la doctrine française à imposer des conditions de recevabilité de l'aveu comme moyen de preuve en justice de sorte que l'aveu soit compatible avec le principe de la légalité de la preuve en matière pénale. Le problème de la légalité de l'aveu en matière pénale se caractérise par l'aveu arraché par la violence ou la contrainte. L'aveu peut être encore obtenu en exerçant la contrainte matérielle ou morale et la ruse. En droit français, la torture et la violence physique sont quasiment absentes de nos jours. Au contraire, la torture et la contrainte sous toutes ses formes font partie intégrante de l'enquête dans la pratique libanaise durant l'enquête pénale. La position de la jurisprudence libanaise nous paraît honteuse par rapport à l'aveu obtenu sous l'influence de la coercition et la violence. Le juge libanais n'accorde pas d'importance à la souffrance de l'homme qui a subi contrainte, violence et torture pour se voir arracher l'aveu involontairement. Le juge ne prend en compte que la fiabilité de la preuve arrachée illégalement à la personne suspecte ou accusée. Sans doute, la jurisprudence libanaise est une jurisprudence primitive en matière de protection de la dignité

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humaine. Nous avons proposé une réforme législative en droit libanais qui peut contribuer d'une manière efficace à mettre fin à cette tragédie libanaise qui entraîne la souffrance de la contrainte et de la torture pendant la garde à vue et l'enquête faite par l'autorité publique. À titre de réforme, nous suggérons, afin de garantir la déclaration volontaire, que le législateur libanais légifère sur l'obligation d'enregistrement des interrogatoires des gardés à vue et des interrogatoires simples pendant le déroulement de l'enquête (flagrante et préliminaire). Cette réforme proposée pourrait contribuer efficacement et lutter contre les déclarations extorquées sous torture, contrainte physique ou psychologique et assurer que toute personne a droit à une procédure judiciaire équitable. Il est important de mentionner que l'utilisation de certains moyens non classiques permettant l'obtention de la preuve pénale ouvre le débat sur leur degré de légalité. Nous pensons à l'hypnose, au sérum de vérité, au détecteur de mensonges, ou encore aux tests ADN, et à leur conformité avec le principe de la légalité de la preuve pénale. La question de la légalité de l'utilisation des procédés scientifiques dans la recherche de preuve a fait couler beaucoup d'encre. Les procédés scientifiques peuvent être des moyens d'obtenir la preuve qui vise à affaiblir et anéantir la volonté comme le sérum de vérité et l'hypnose. D'autre part, le recours à certains procédés scientifiques pour obtenir des preuves peut être attentatoire à l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de la pensée, comme l'usage du détecteur de mensonges (polygraphe) et la preuve par l'ADN. Par conséquent, il est possible de considérer la preuve émanant de ces moyens comme illégaux, à l'exception du test ADN que la loi au Liban et en France a rendu légal. En droit libanais, la loi n° 625 qui a été promulguée le 20/11/2004 sous le nom d'analyses génétiques humaines vient combler un vide juridique dans cette matière. En droit libanais, la personne intéressée a le droit de refuser un prélèvement ADN. Le refus de prélèvement ADN n'est pas sanctionné en droit libanais, mais la loi n° 625 doit subir une réforme pour éclairer le but de l'utilisation du test d'ADN dans la recherche de preuve pénale et préciser le rôle et la compétence de l'autorité judiciaire permettant d'ordonner un test d'ADN. La loi libanaise concernant l'ADN n'est pas en mesure de répondre aux besoins de la recherche de preuve et en même temps ne consacre pas une vraie protection des droits fondamentaux liée au test ADN. Cependant, il est fréquent de s'interroger sur la légalité d'obliger le suspect ou l'accusé à subir involontairement l'examen de l'ADN, et la légalité de ce moyen, ainsi que l'admission de la preuve qui en résulte, en dépit de la permission légale d'utiliser la force afin de subir cet examen, qui est d'ailleurs un abus sur la volonté de l'individu. Il est indispensable que le législateur libanais exprime une volonté claire sur la question de l'obligation du recours aux tests ADN en matière pénale. Donc, il est nécessaire d'évoquer la réforme de la loi sur les tests ADN en droit libanais. En droit français, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 sur les infractions de nature sexuelle et la

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protection des mineurs victimes est venue combler le vide juridique qui existait dans cette matière dans la procédure pénale française et consacre cette technique en matière de preuve. En droit français, le prélèvement peut être effectué dans certains cas sans l'accord de l'intéressé et le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. Les lois des 15 novembre 2001, 18 mars 2003, 9 mars 2004 et 4 avril 2006 apportent quelques retouches à la liste des infractions qui était limitée à certaines infractions relatives aux infractions sexuelles dans la loi du 18 juin 1998. Les trois lois postérieures prévoient d'étendre la liste des infractions (loi 15 novembre 2001, loi 18 mars 2003 et loi 9 mars 2004). La liste des infractions selon l'article 706-55 du CPP français en vigueur est vaste, il est souhaitable que le législateur français abandonne un jour le système de la liste des infractions pour utiliser un critère différent en se basant sur le montant de la peine ou autre critère. Dans sa décision n° 2010-25 QPC du 17 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que l'utilisation de la contrainte afin d'effectuer un prélèvement biologique sans l'accord de l'intéressé est conforme à la Constitution française.

En ce qui concerne les éléments de preuve obtenus par l'emploi de la narco-analyse (sérum de vérité), la majorité de la doctrine française est contre l'utilisation de ces procédés. Ce sujet n'attire pas l'attention de la doctrine libanaise, mais généralement la doctrine arabe est contre l'utilisation du sérum de vérité en matière de preuve.

En ce qui concerne les éléments de preuve obtenus sous hypnose, on remarque qu'en droit libanais, la question ne s'est pas encore posée. En droit français, certains pénalistes, comme Mme Coralie Ambroise-Castérot, se montrent fermes vis-à-vis de l'utilisation de l'hypnose : la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française refuse l'utilisation de l'hypnose en considérant que le juge d'instruction ne jouit pas d'une liberté totale et absolue dans la recherche de preuve parce que l'article 81 du CPP français apporte une limite à la liberté de la preuve qui se caractérise par le principe de la légalité applicable dans la procédure pénale qui fait que l'accord ou le consentement libre et préalable de l'intéressé de se mettre volontairement dans un état hypnotique ne rend pas l'acte conforme à la légalité.

En ce qui concerne les éléments de preuve obtenus par l'usage du détecteur de mensonges ou polygraphe, le Code de procédure pénale libanais de même que le Code français sont muets sur cette question, ce qui n'empêche pas la doctrine française d'affirmer le rejet de ce moyen dans la recherche de preuve. L'usage du détecteur de mensonges ou polygraphe n'occupe pas la place qu'il mérite en droit libanais parce que la doctrine libanaise néglige le traitement de cette question. Il serait préférable que les législateurs libanais et français adoptent des textes clairs dans le Code de procédure pénale qui privent, empêchent et sanctionnent pénalement l'emploi de l'hypnose, du sérum de vérité et du détecteur de mensonges dans la recherche et

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l'administration de la preuve pénale. Un législateur qui refuse textuellement l'utilisation des procédés comme l'hypnose, le sérum de vérité et le détecteur de mensonges est un législateur soucieux du respect des droits de l'homme.

429. Comment est-il possible d'évaluer l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale ? Il était nécessaire a priori de confirmer l'existence réelle du principe de la légalité de la preuve pénale. En droit libanais et en droit français, le principe de légalité connaît une crise d'identité et d'existence dans la procédure pénale, notamment en matière de preuve pénale, contrairement à la situation de ce principe dans le droit pénal. La légalité de la preuve pénale est l'un des éléments du principe fondamental et général connu sous l'appellation de la légalité criminelle, qui contient le droit pénal dans ces deux aspects, de fond ou en d'autres termes le Code pénal, et formel qui est présent dans le Code de procédure pénale. La procédure pénale est en effet au service du droit pénal. Par conséquent, le principe de la légalité criminelle connu sous le nom du principe de la légalité procédurale est appliqué également aux procédures pénales conformément à plusieurs affirmations doctrinales en France. En droit libanais, on peut trouver une affirmation timide par quelques rares avis juridiques puisque ce principe souffre d'une négligence remarquable de la part de la doctrine libanaise. La légalité procédurale signifie que seul le législateur possède le pouvoir de déterminer minutieusement dans un texte clair et précis du Code de procédure pénale les divers actes de procédure et les principes généraux dès le début des différentes phases de la procédure, depuis l'enquête jusqu'au jugement. À cette fin, le Code de procédure pénale énumère les atteintes aux libertés qui sont devenues nécessaires pour l'efficacité de la répression généralement et notamment pour la manifestation de la vérité. Ce sont des atteintes légales autorisées par le législateur et encadrées par le texte de loi. La légalité procédurale interdit à l'autorité publique d'accomplir un acte de procédure qui porte atteinte aux droits et libertés de la personne, ou encore qui constitue une violation des principes généraux de droit. Elle ne permet pas de revêtir ces actes de légalité. À cet égard, le principe de la légalité dans le droit pénal (légalité des délits et des peines constitue) est le premier élément du principe de la légalité criminelle, qui comprend également un deuxième élément qui est le principe de la légalité procédurale, et un troisième élément connu sous le nom du principe de la légalité de la preuve pénale. Évidemment, puisque la légalité criminelle s'applique en droit pénal de forme, c'est-à-dire dans la procédure pénale, il est logique de considérer que la légalité criminelle s'applique encore en matière de preuve pénale parce que la légalité procédurale s'applique à la preuve pénale, qui constitue l'un des sujets les plus importants du Code de procédure pénale, dû à l'importance de la recherche de cette preuve. Cette étude a cherché à montrer que le

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principe de la légalité de la preuve pénale existe bien, en soulignant que le principe de la légalité criminelle qui est appliqué au Code pénal, dont l'application sur les procédures pénales sous le nom du « principe de la légalité procédurale » est précédemment justifiée, il est ainsi à son tour appliqué à la preuve pénale sous le nom du principe de la « légalité de la preuve pénale ». Étant donné la confirmation de l'existence d'un principe négligé dans la loi, le principe de la légalité de la preuve pénale, il est devenu nécessaire d'évaluer son application effective en pratique dans les tribunaux par les juges en droit libanais et en droit français. Cependant, il faut appliquer une première condition avant l'évaluation de l'application effective et pratique du principe de la légalité de la preuve pénale. Il s'agit de l'évaluation de la valeur juridique de ce principe en droit libanais, et également en droit français. Sans doute, le principe de la légalité criminelle admet une valeur juridique triple qui doit être une valeur commune à tous les aspects du principe de légalité, notamment le principe de légalité de la preuve pénale. En droit libanais et en droit français, ces principes de légalité qui englobent le principe de la légalité de preuve en matière pénale ont une valeur législative, supra-législative et constitutionnelle. La valeur juridique attribuée au principe de la légalité de preuve en matière pénale dans notre étude est la conséquence d'une longue synthèse faite sur les différentes valeurs juridiques attribuées par la loi, la jurisprudence et la doctrine libanaise et française au principe général de la légalité criminelle qui est consacré par plusieurs sources juridiques (constitution, préambule, loi, convention ...) et revêt diverses valeur juridique en droit libanais et en droit français.

430. La nullité de l'acte de procédure qui a produit l'élément de preuve illégal est sans doute la sanction procédurale la plus efficace qui assure la bonne application du principe de la légalité de preuve pénale. Par conséquent, il était nécessaire d'exposer et analyser dans cette étude le régime des nullités en matière de procédure pénale en droit libanais et droit français pour évaluer la capacité de ces régimes des nullités à appliquer une sanction procédurale proportionnelle à la valeur juridique du principe de légalité violée. Effectivement, la théorie des nullités en droit libanais et français n'a pas pu assurer une bonne application du principe de la légalité de la preuve pénale. D'abord, cette théorie des nullités n'a pas pu sanctionner l'illégalité de la preuve, parfois elle a pu sanctionner quelques sortes d'illégalités de preuve produite par les autorités publiques, mais ceci n'empêche pas de dire que même devant les autorités publiques cette théorie n'a pas pu sanctionner effectivement les divers cas d'illégalité de la preuve pénale. Ensuite, les éléments de preuve produits par les parties privées sont toujours exempts du principe de légalité étant donné que ces preuves ne sont pas considérées comme des actes de procédure pénale pour que ces éléments de preuves soient sanctionnés par

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la théorie des nullités. C'est ainsi que les juges répressifs, conformément à une jurisprudence stable de la chambre criminelle de la Cour de cassation française, refusent d'écarter les moyens de preuve produits par les parties privées. En outre, selon la règle générale dans la théorie des nullités en droit français, le juge ne peut prononcer la nullité s'il n'existe pas de grief selon l'expression «pas de nullité sans grief». Le législateur français a limité dans le Code de procédure pénale le champ d'application de la théorie des nullités à la condition d'existence de grief, ce dernier étant une condition de la nullité. Il n'y aurait donc pas lieu à annulation sans grief prouvé dans beaucoup de violations du principe de la légalité de preuve parce que le grief en matière de nullité est une notion floue, vaste, vague et indisciplinée. En second lieu, la décision de mise en accusation a pour effet de purger la procédure antérieure en droit français. L'article 181 du CPP français précise que, lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure antérieure. Couvrir ou purger les vices de légalité par un texte de loi clair comme dans le cas du Code de procédure pénale française montre que le législateur français a instauré une entrave juridique et un obstacle à l'application effective du principe de légalité de preuve pénale et a empêché la théorie des nullités de sanctionner les éléments de preuve illégaux.

431. En droit libanais, cette théorie des nullités a rencontré plusieurs problèmes qui ont empêché l'application effective de la sanction des violations des formalités prévues par la loi qui assure une application efficace du principe de la légalité de preuve pénale. D'abord, la théorie des nullités en droit libanais souffre de l'absence de critère solide, clair et stable dans le Code de procédure pénale libanais et dans la jurisprudence qui peut servir pour distinguer les différentes catégories de nullités. En droit libanais, la notion de nullité d'ordre public est floue et il manque donc un critère stable et clair de distinction pour qualifier avec précision si la règle violée constitue une nullité relative ou absolue et même si la nullité est d'ordre public ou non. Donc, le problème en droit libanais est de trouver un concept et une notion stables qui distinguent les différents cas de nullités qui sont en relation avec le droit de la preuve pénale. Quant aux nullités textuelles en droit libanais, les cas limitativement énumérés dans le Code de procédure pénale devraient être revus pour mettre fin aux lacunes et incertitudes qu'ils entraînent. Le problème fondamental dans la théorie des nullités en droit libanais réside dans la jurisprudence rigide et stable de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise qui considère qu'une décision de mise en accusation définitive a pour effet de purger la procédure illégale et les causes de nullités antérieures s'il en existe. L'arrêt de mise en accusation de la chambre d'accusation purge les vices de nullités de la procédure antérieure. La jurisprudence libanaise considère que l'irréfutabilité de la décision de mise en accusation définitive protège la preuve illégale de toute nullité. Ceci rend difficile, voire impossible la sanction de la preuve

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illégale par la théorie des nullités, ce qui est regrettable, car il faudrait au contraire donner à l'accusé toutes les voies possibles pour exercer ses droits de défense, notamment le droit de demander les nullités des éléments de preuves illégaux jusqu'à la dernière minute dans la plaidoirie devant le juge de fond.

Compte tenu de ce qui précède, la théorie des nullités en droit libanais et en droit français est incapable d'assurer une application effective et efficace du principe de légalité de la preuve pénale. À cette fin, il est nécessaire de développer la théorie de la nullité en droit libanais et français pour donner au principe de légalité de la preuve légale sa valeur réelle, en utilisant d'autres modes et mécanismes légaux inédits dans le but d'assurer l'efficacité de l'application du principe de légalité de la preuve dans le domaine pénal pour assurer toutes les garanties qui doivent être fournies par le principe de légalité de preuve pénale. De surcroît, la théorie des nullités en matière pénale des preuves obtenues d'une manière illégale par les parties privées a connu un échec tout à fait remarquable parce que la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française et implicitement la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise ont considéré que ces éléments de preuve illégaux sont en dehors du champ d'application de la théorie de nullités et ne sont susceptibles d'aucune annulation malgré l'illégalité de ces preuves dans la mesure où la jurisprudence ne qualifie pas d'acte de procédure les preuves obtenues par les parties privées et ce qui constitue la raison de l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale par la partie privée. On pourrait ajouter qu'un autre argument plus général doit être mis en débat, celui de l'absence de texte juridique permettant aux juges répressifs d'écarter des moyens de preuve illégaux, donc une application explicite de la liberté absolue du juge du fond d'apprécier n'importe quelle preuve, même d'origine illégale, à condition qu'elle soit débattue contradictoirement entre les parties devant le juge. Ce qui précède va ouvrir le débat dans les années qui viennent sur l'importance de trouver une solution autre que la théorie des nullités pour contribuer à appliquer d'une façon efficace le principe de légalité de la preuve pénale. Dans cette thèse, nous avons proposé plusieurs outils et mécanismes juridiques qui peuvent combler cette lacune et manier de façon satisfaisante le principe de la légalité de la preuve pénale en droit libanais et français comme la question prioritaire de légalité qui est une proposition qui mérite qu'on s'y intéresse parce qu'elle peut constituer un outil juridique très important qui rendrait le principe de légalité de la preuve pénale applicable en droit libanais et français et contribuerait sans doute à humaniser la recherche de la preuve pénale. La question prioritaire de légalité que nous proposons est inspirée de la « question prioritaire de constitutionnalité » qui est en vigueur en droit français. Nous avons proposé dans cette thèse que la question prioritaire de légalité soit un moyen pour chaque partie au procès pénal d'exprimer son droit de demander la nullité des

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éléments de preuve illégaux du dossier de l'affaire. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise et de la Cour de cassation française seront seules compétentes pour trancher la question de l'illégalité de la preuve sans juger l'affaire (l'innocence ou la culpabilité). À cette fin, la question prioritaire de légalité permet à la chambre criminelle de la Cour de cassation d'examiner la légalité de la preuve loin du juge du fond qui juge l'affaire et décide de l'innocence ou la culpabilité, afin d'exclure tout acte de procédure ou élément de preuve illégal, illicite ou déloyal avant la clôture de la phase de jugement. La question prioritaire de légalité offre des garanties essentielles qui contribuent à assurer le droit à un procès équitable en éloignant le juge du fond qui juge selon son intime conviction de la question de la légalité de preuve pour garantir l'impartialité intellectuelle du juge du fond face à la fiabilité de la preuve illégale.

432. Y a-t-il une nécessité de réformer le régime de nullité au Liban et en France ? Il apparaît que le régime de nullité en vigueur en droit libanais et en droit français est loin d'être satisfaisant et que seule une réforme législative pourrait y remédier et être efficace. Est-ce que l'application effective de la légalité constitue un idéal qui ne peut pas être atteint ? Il est nécessaire de développer la théorie de la nullité. Le développement de la théorie de la nullité veut dire l'orienter dans le sens où elle assimilerait un nombre plus grand et plus précis de procédures pénales et précisément les procédures qui produisent les éléments de la preuve pénale. Il est souhaitable que les législateurs libanais et français essaient d'inventer un mécanisme juridique permettant au juge d'annuler un élément de preuve obtenu d'une manière illégale et détruire ainsi sa force probante. En droit libanais, il faut que le législateur développe les cas des nullités textuelles, définisse et détermine des critères d'évaluation des cas de nullités d'ordre public et mette fin à la jurisprudence établie qui considère que l'ordonnance de mise en accusation purge les nullités antérieures concernant les éléments de preuve obtenus illégalement. En droit français, le législateur doit réformer le régime actuel des nullités par la modification de la condition de preuve de l'existence de grief pour la recevabilité de la demande de nullité en déterminant une notion exacte et claire de grief minimum ou même éliminer le grief comme condition pour sanctionner par la nullité un acte de procédure. De surcroît, le législateur français doit ouvrir le droit de demander la nullité d'un acte de procédure illégal ou irrégulier à n'importe quelle phase tout au long du procès pénal en éliminant le système adopté « purge les nullités antérieures ». Une telle réforme nous paraît être le minimum nécessaire en vue de corriger les défauts du régime actuel.

La théorie des nullités en droit libanais et en droit français peut être reformée d'une manière claire et efficace par la transformation de la théorie générale des nullités vers une

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théorie de la nullité de la preuve pénale. Ce mécanisme juridique peut traiter les problèmes de la légalité de la preuve pénale d'une manière stricte et directe à travers des textes de loi spéciaux qui visent à sanctionner par la nullité la preuve obtenue d'une manière illégale.

433. Nous avons proposé dans cette étude aux législateurs libanais et français d'ajouter dans le Code de procédure pénale libanais et dans le Code de procédure pénale français, un texte qui ajouterait une nouvelle cause de cassation qui serait le « fondement de la décision sur une preuve illégale ». Un tel texte pourrait garantir une application efficace du principe de la légalité de preuve pénale en considérant que fonder une décision sur la base d'un élément de preuve illégal est une violation des droits de procédure substantiels qui ouvrent le droit à la cassation.

434. Mme le professeur Michèle-Laure Rassat a déjà proposé en 1997 dans les « propositions de réformes de la procédure pénale », une reformulation d'un article du Code de procédure pénale français de la façon suivante: « La preuve pénale est libre. Sont toutefois irrecevables les éléments de preuve recueillis au moyen d'infractions pénales. Un élément de preuve n'est, d'autre part, recevable qu'autant que la procédure prévue pour son recollement a été intégralement et régulièrement respectée et que la mise en oeuvre de cette procédure ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine ». Cette proposition est valable et efficace pour mettre fin au vide juridique qui existe en droit libanais et en droit français qui concerne l'exclusion des éléments de preuve illégaux. De même, cette proposition de Mme le professeur Michèle-Laure Rassat mettrait fin à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française qui refuse d'exclure les éléments de preuve illégaux pour l'absence de texte juridique. Également, si le législateur libanais prenait en compte cette proposition de réforme, cela aurait pour effet de paralyser la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui refuse d'exclure les éléments de preuve illégaux pour l'absence d'un texte juridique clair et explicite qui motive l'exclusion de preuve dans un système de liberté d'appréciation de preuve ou d'intime conviction du juge. En définitive, la proposition du professeur Michèle-Laure Rassat contribue au renforcement de l'application du principe de la légalité de la preuve pénale.

435. L'application effective et efficace du principe de légalité de la preuve en matière pénale peut avoir une conséquence choquante qui est « une dispense de peine » ou « le rejet de la peine » si la preuve illégale exclue du dossier est la seule preuve qui existe dans le dossier et que la force et la fiabilité de cette preuve sont la seule manière d'établir une vérité même entachée d'illégalité. Pour justifier les outils et mécanismes juridiques que nous proposons et qui ont dans certains cas pour effet « une dispense de peine » résultant de l'exclusion d'un élément de preuve de culpabilité fiable, nous avons eu recours aux différents

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arguments traditionnels de la doctrine libanaise et de la doctrine française qui justifient l'admission de la théorie et des règles de la prescription de l'action publique dans le Code de procédure pénale français et libanais, de la prescription de la peine et de l'amnistie générale ou spéciale.

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En langue arabe :

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Bentham Jeremy : Traité des preuves judiciaires, traduit par Etienne Dumont, Bossange frères Libraires-Éditeurs, Paris, 1823, t. 2.

Bentham Jeremy : Traité des preuves judiciaires, Traduit par P.-E.-L. Dumont, 3e éd., Société Belge de librairie. Hauman & Cie, Bruxelles, 1840, t. 2.

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Chauveau Adolphe et Hélie Faustin : Théorie du Code pénal, 3e éd., Imprimerie et Librairie générale de jurisprudence, Paris, 1852, t. 6.

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Duguit Léon : Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Éditeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de l'État.

Duguit Léon : Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Éditeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 2 La théorie générale de l'État.

Garraud Pierre et Garraud René: Précis de droit criminel, contenant l'explication élémentaire de la partie générale du Code pénal, du Code d'instruction criminelle et des lois qui ont modifié ces deux codes, Société anonyme du Recueil Sirey, 1926.

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B- OUVRAGES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE

En langue française :

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Bonfils Philippe et Verges Etienne : Travaux dirigés de droit pénal et de procédure pénale,

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Bouloc Bernard et Matsopoulou Haritini : Droit pénal général et procédure pénale, 18e éd.,

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Bouloc Bernard, Levasseur Georges et Stéfani Gaston : Procédure pénale, 23e éd., Dalloz,

2012.

Bouzat Pierre et Pinatel Jean : Traité de droit pénal et de criminologie, Dalloz, 1963, Vol.

2.

Chavanne Albert et Levasseur Georges : Droit Pénal et Procédure Pénale, éd. Sirey, Paris,

1963.

Chavanne Albert, Levasseur Georges, et Montreuil Jean : Droit pénal et procédure

pénale, 9e éd., éditions Sirey, 1988.

Conte Philippe et Maistre Du Chambon Patrick : Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin,

Paris, 2002.

Debove Frédéric et Falleti François : Précis de droit pénal et de procédure pénale, 2e éd.,

P.U.F., Paris, 2006.

Decocq André, Montreuil Jean, et Buisson Jacques : Le droit de la police, 2e éd., Litec,

Paris, 1998.

Desportes Frédéric et Lazerges-Cousquer Laurence : Traité de procédure pénale, 3e éd.,

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Donnedieu De Vabres Henri : Traité élémentaire de droit criminel et de législation

comparée, 3e éd., Librairie Sirey, Paris, 1947.

Fourment François : Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013.

Franchimont Michel, Jacobs Ann et Masset Adrien : Manuel de procédure pénale, 3e éd.,

Larcier, Bruxelles, 2009.

Guinchard Serge et Buisson Jacques : Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC,

2013.

Herzog-Evans Martine : Procédure pénale, Éditions Vuibert, 2e éd., 2009.

Jeandidier Wilfrid : Droit pénal général, 2e éd., Montchrestien, Paris, 1991.

Leroy Jacques : Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013.

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Mathias Eric : Procédure pénale, 2e éd., Bréal, 2005.

Mathias Eric : Procédure pénale, 3e éd., Bréal, 2007.

Merle Roger et Vitu André : Traité de droit criminel: problèmes généraux de la législation

criminelle, droit pénal général, procédure pénale, Éditions Cujas, 1967.

Merle Roger et Vitu André : Traité de droit criminel, 3e éd., Cujas, Paris, 1979, t. 2

Procédure pénale.

Merle Roger et Vitu André : Traité de droit criminel, 4e éd., Cujas, Paris, 1989, t. 2

Procédure pénale.

Merle Roger et Vitu André : Traité De Droit Criminel, 5e Éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2

Procédure Pénale.

Patin Maurice et Rousselet Marcel : précis de droit pénal spécial, Paris, 1945.

Pradel Jean : Droit pénal comparé, 2e éd., Dalloz, Paris, 2002.

Pradel Jean : Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013.

Rassat Michèle-Laure : Procédure pénale, 2e éd., Éditeur : Ellipses, Paris, 2013.

Soyer Jean-Claude : Droit pénal et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., Paris, 2012.

Verges Etienne : Procédure pénale, Litec, 2005.

Verges Etienne : Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007.

Verny Édouard : Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012.

En langue arabe :

Abdelkader Kahwaji Ali : Interprétation du Code des procédures pénales. Étude comparative, 1er éd., Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques Halabi), Beyrouth (Liban), 2002.

Abdel-Sattar Fawzia : Interprétation du Code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975.

Abdel-Sattar Fawzia : Interprétation du Code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1986.

Abdel-Sattar Fawzia : Interprétation du Code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1991-1992.

Abou-Eid Elias : Théorie de preuve en procédure civil et pénal, Publication Zein, 2005. Al-Kilani farouk : Conférences sur le Code de procédure pénale Jordanien et en droit comparé, Édition 3e éd., 1985.

Alye Samir et Alye Hayssam : La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004.

Awji Mustafa : Leçons sur les principes de la procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002.

Becheraoui Doreid : Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003.

Fathi Srour Ahmad : L'intermédiaire dans la procédure pénale, imprimerie de l'université du Caire, édition 1979, t. 1.

Fathi Srour Ahmad : Le médiateur en procédure pénale, 7e éd., Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), le Caire (Égypte), 1996.

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Ghali Dahabi Edwar : Procédure pénale dans la législation égyptienne, 2e éd., Librairie Gharib, 1990, le Caire (Égypte).

Iaali Fayez : Procédure pénale, 1er éd., L'entreprise moderne du livre, Tripoli-Liban, 1994. Madi Hatem: Procédure pénale, 2e éd., Éditions juridiques Sader, 2002.

Mohamed Awad Awad : Les principes généraux de la procédure pénale, Dar el matbouaat el gameya (Maison de publications universitaires), Alexandria (Égypte), 1999.

Mustapha Mahmoud : Explication de la procédure pénale, 12e éd., imprimerie de l'université du Caire, 1988.

Mustapha Mahmoud : Explication du Code de procédures pénales, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1988.

Najib Hosni Mahmoud : Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1986.

Najib Hosni Mahmoud : L'explication du Code de Procédure pénale, 2e éd.

Najib Hosni Mahmoud : Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1998.

Nakkib Atef : Procédure pénale. Étude comparative, Éditions juridiques Sader, 1993, Beyrouth.

Nammour Elias : Cour criminelle. Étude comparative, 1e éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2005, t.2.

Nasr Philomène: Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, Sader Éditeurs, Beyrouth, 1999.

Obayd Raouf : Les principes de la procédure pénale en droit égyptien, 8e éd., Imprimerie renaissance Égypte, le Caire (Égypte), 1970.

Obayd Raouf : Les principes de la procédure pénale, 17e éd., Dar al Jill, le Caire (Égypte), 1989.

Saiid Ramadan Omar : Les principes de la procédure pénale, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1993.

Salameh Maamoun : La procédure pénale dans la législation pénale égyptienne, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), le Caire (Égypte), 2000.

Sarwat Jalal : Procédure pénale, Maison de la nouvelle université, Alexandria, (Égypte), 2003.

II. OUVRAGES SPECIAUX ET THÈSES

En langue française :

Adjovi Roland et Della- Morte Gabriele : « La notion de procès équitable devant les Tribunaux Pénaux Internationaux », in H. Ruiz- Fabri (dir.), Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs, Ed. de la Société de Législation comparée, 2003. Al-Amiri Samer : Le pouvoir discrétionnaire du juge pénal, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2013.

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Alix Julie : Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010.

Ambroise-Casterot Coralie : De l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire, Thèse de droit, Université de Bordeaux 4, 2000.

Angevin Henri : La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004.

Antoine Virginie : Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011.

Arcaute-Descazeaux Marie-José : L'aveu. Essai d'une contribution à la justice négociée, Thèse de droit, Université Toulouse I, 1998.

Beauvais Pascal : Le principe de la légalité pénale dans le droit de l'union européenne, Thèse de droit, Université Paris X Nanterre, 2006.

Benedict Jérôme : Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, Thèse de droit, Université de Lausanne, Éditions Pro Schola, Lausanne, 1994.

Benessiano William : Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, 2008.

Benessiano William : Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet. Bolze Pierre : Le droit à la preuve contraire en procédure pénal, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010.

Bonnaire Delphine : Le modèle accusatoire et l'instruction préparatoire, mémoire de D.E.A., Université de Limoges, 2001.

Bot Yves : « Principes constitutionnels et autonomie du droit pénal », in Ch. Guettier et A. Le Divellec (dir.), La responsabilité pénale du président de la République, L'Harmattan, Paris, 2003.

Bourgancier Olivier : Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale, Mémoire DEA en droit pénal et sciences pénales, Université Panthéon-Assas (Paris), 2005. Boursier Marie-Emma : Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003.

Capdepon Yannick : Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011.

Christine François : Le fichier national des empreintes génétiques, DEA droit et justice année 2001-2002, Université de Lille 2.

Constant Katouya Kevin : Réflexions sur les instruments de droit pénal international et européen de lutte contre le terrorisme, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010.

Copain Carine: L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011.

Coquez Raphaël : Preuve par l'ADN. La génétique au service de la justice, 1er éd., Presse polytechniques et universitaires romandes, 2003.

Daniel Julie : Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, Université Jean Moulin Lyon 3, 2006.

De Codt Jean : Des nullités de l'instruction et du jugement, Larcier, Bruxelles, 2006.

De Valkeneer Christian : La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, Préface de Henri-D. Bosly.

Déal Emilie : La garantie juridictionnelle des droits fondamentaux communautaires : La Cour de justice face à la Communauté de droit, Thèse de droit, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2006.

574

Dechenaud David : L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon.

Decocq André, Montreuil Jean et Buisson Jacques : Le droit de la police, Litec, Paris, 1991.

Deharo-Dalbignat Gaëlle : Vérité judiciaire et vérité scientifique, Thèse de droit, Université Paris I, 2002.

Deharo-Dalbignat Gaëlle : Vérité scientifique et vérité judiciaire en droit privé, L.G.D.J., 2004, préface de L. Cadiet.

Delicostopoulos Loannis : Le procès civil a l'épreuve du droit processuel européen, Thèse de droit, Université Panthéon-Assas (Paris II), 1999.

Démanya Akouete Foli : L'enquête préliminaire dans la procédure pénale Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002.

Denizeau Charlotte : Existe-t-il un bloc de constitutionnalité ?, Mémoire de DEA Droit Public Interne, Université Paris 2, 1996, L.G.D.J., Paris, 1997.

Dennawi Adnan : Étude comparée du principe de légalité en droit administratif libanais et en droit administratif français, Thèse de droit, Université Paris 2, 1985.

Dimitrios Giannoulopoulos : L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse de droit, Université Paris I, 2009. Dokhan David : Les limites du contrôle de la constitutionnalité des actes législatifs, Thèse de droit, L.G.D.J., 2001.

El Hajj Chehade Farah : Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010.

El-Hajal Chadi : Le Conseil constitutionnel libanais, Thèse de droit, Université Jean Moulin Lyon 3, 2007.

Esquerre Frédérique : Les procédures accusatoire et inquisitoire, Mémoire de D.E.A., Université Paris 2, 1997.

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Notes et observations :

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Enderlin C. S. : « Recevabilité d'une preuve illicite ou illégale en matière civile et pénale », Note sous Cass. civ., 7 octobre 2004, n° 03-12.653 in AJ Pénal., 2005, p. 30.

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Fourment François : « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008, in JCP G, n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009. Guéry Christian : « Écoutes téléphoniques et participation policière », Note sous Cass. Crim., 27 février 1996, B.C., 1996, n° 93, p. 273, in D., 1996, pp. 346 et s.

Mascala Corinne : « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim., 15 juin 1993, B.C., n°210, in D., 1994, jurisprudence p. 613.

Matsopoulou Haritini : « Un revirement jurisprudentiel favorable à l'admission des nullités », Note sous Cass. crim., 6 sept. 2006, n° 06-84.869, in JCP. G., n°19, 9 Mai 2007, II 10081.

Monnet Yves : Note sous Cass. Crim., 23 octobre 2002, in Gaz.Pal., 05 août 2003, n° 217, p. 12.

Roussel Gildas : « Liberté de la preuve des fraudes communautaires », Note sous Cass. crim., 19 nov.2008, pourvoi n° 07-82.789, in AJ pénal, 2009, p. 75.

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Vergès Etienne : « Rigueur du formalisme procédural et respect du droit au procès équitable », observations sous CEDH 26 juillet 2007 Walchi c/ France, in R.P.D.P., 2007-4, p. 893. Vitu André : « Le principe de la légalité criminelle et la nécessité de textes clairs et précis », Observations sous Cass.crim. 1er février 1990, in R.S.C., 1991, p. 555.

596

Index de la jurisprudence citée

I. Arrêts de la Cour européennes des droits de l'homme (classement par ordre chronologique)

CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, Requête n° 5310/71.

CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times C/ Royaume-Uni, Requête n° 6538/74.

CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c/. Suisse, Requête n° 10862/84.

CEDH, 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, Requête n° 10519/83.

CEDH, 6 décembre 1988, Barbara, Massegue et Jabardo c/ Espagne, Requête n° 10588/83,

10589/83 et 10590/83.

CEDH, 20 novembre 1989, Kostovski c/ Pays-Bas, Requête n°11454/85.

CEDH, 24 avril 1990 Huvig c/ France, Requête n°11105/84.

CEDH, 24 avril 1990 Kruslin c/ France, Requête n°11801/85.

CEDH, 27 septembre 1990, Windish, série A, n° 186.

CEDH, 19 décembre 1990, Delta c/ France, Requête n°11444/85.

CEDH, 27 août 1992, Tomasi c/ France, Requête n° 12850/87.

CEDH, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin Well Women C/ Irlande, Requête n°14234/88

et 14235/88.

CEDH 25 février1993, Funke c/ France, Requête 10828/84.

CEDH, 22 novembre 1995, C.R. c / Royaume-Uni, Requête n° 20190/92.

CEDH, 4 décembre 1995, Ribitsch c/Autriche, Requête n° 18896/91.

CEDH, (Grande Chambre) 15 novembre 1996, Cantoni c/ France, n° 45/1995/551/637

CEDH, 17 décembre 1996, Saunders c/ Royaume-Uni, Requête n° 19187/91.

CEDH, 23 avril 1997, Van Mechelen et autres c/ Pays-Bas, n ° 21363/93.

CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie et autres c/ Turquie,

133/1996/752/951.

CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034.

CEDH, 9 juin 1998, Tekin Yildiz c/ Turquie, Requête n° 22913/04.

CEDH, 28 juillet 1999, Selmouni c/ France, Requête n° 25803/94.

CEDH, 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres c/ France, Requêtes jointes

n° 24846/94 et 34165/96 à 34173/96.

CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, Requête n° 35394/97.

CEDH, 5 novembre 2002, Allan c. Royaume-Uni, Requête n° 48539/99.

CEDH, 22 juillet 2003, Edwards et Lewis c/ Royaume-Uni, Requête n° 39647/98 et 40461/98.

CEDH, 7 septembre 2004, Eurofinacom c/ France, Requête n° 58753/00.

CEDH, 1 avril 2005, Rivas c/ France, Requête n° 59584/00.

CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, Requête n° 44787/98.

CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, Requête n°54810/00.

CEDH, 26 juillet 2007, Walchi c/ France, Requête n° 35787/03.

CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01.

CEDH, 28 février 2008, Saadi c/ Italie, Requête n° 37201/06.

CEDH, 4 décembre 2008, Marper c/ Royaume-Uni, Requêtes n° 30562/04 et 30566/04.

597

CEDH, 19 décembre 2009, Delta c/. France, Requête n°11444/85. CEDH, 5 avril 2012, Chambaz c/ Suisse, Requête 11663/04.

Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) :

Jugement rendu le 10 décembre 1988 dans l'affaire Furundúija, affaire n° : IT-95-17/1-T.

II. Décisions du Conseil constitutionnel français (classement par ordre chronologique)

DC., n° 73-51 du 27 décembre 1973 (Loi de finances).

DC., n° 80-127 des 19 et 20 janvier 1981, (Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté

des personnes)

DC., n° 81-132 du 16 janvier 1982 (Loi de nationalisation).

DC., n° 84-181 du 10 octobre 1984.

DC., n° 85-197 du 23 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

DC., n° 86-213 du 3 septembre 1986 sur la loi relative à la lutte contre le terrorisme et aux

atteintes à la sûreté de l'État.

DC., n° 94-343/344 du 27 juillet 1994.

DC., n° 98-408 du 22 janvier 1999.

DC., n° 2003-467 du 13 mars 2003.

DC., n° 2004-492 du 02 mars 2004, J O du 10 mars 2004, p. 4637.

DC., n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010.

DC., n° 2010-25 QPC du 17 septembre 2010.

III. Les décisions les plus importantes du Conseil d'État français.

CE Ass., 6 juin 1997, Aquarone, requête n° 148683. CE Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres

IV. Grandes décisions judiciaires (classement par ordre chronologique) Arrêts de la chambre criminelle de la Cour de Cassation française :

Cass. crim., 12 juin 1952, B.C., 1952, n° 153, p. 258. Cass. crim., 17 novembre 1965, B.C., n° 239. Cass. crim., 15 décembre 1970, B.C., n 338, p. 826. Cass. crim., 2 mars 1971, B.C., n° 71, p. 183. Cass. crim., 16 mars 1972, B.C., n° 108, p. 263. Cass. crim., 3 juin 1975, B. C., n°141, p. 382. Cass. crim., 6 août 1977, B.C., n° 276, p. 691. Cass. crim., 2 octobre 1979, B.C., n° 266, p. 722.

598

Cass. crim., 9 octobre 1980, B.C., n° 55.

Cass. crim., 9 octobre 1980, B.C., n° 255.

Cass. crim., 27 mai 1981, B.C., n° 175.

Cass. crim., 17 juillet 1984, B.C., n° 259.

Cass. crim., 27 septembre 1984., B.C., n° 275.

Cass. crim., 23 juillet 1985, B.C., n° 275.

Cass. crim., 18 novembre 1986, B.C., n° 345, p. 901.

Cass. crim., 26 avril 1987, B.C., n° 173.

Cass. crim., 28 avril 1987, B.C., n° 173, p. 462.

Cass. crim., 23 juin 1987, B.C., n° 260, p. 705.

Cass. crim., 17 octobre 1988, B.C., n° 347, p. 934.

Cass. crim., 13 juin 1989, B.C., n° 254, p. 634.

Cass. crim., 19 juin 1989, B.C., n° 261, p. 648.

Cass. crim., 27 février 1990, B.C., n° 96, p. 251.

Cass. crim., 4 avril 1990, Non publié au bulletin, N° de pourvoi: 90-80126.

Cass. crim., 15 mai 1990, B.C., n° 193, p. 490.

Cass. crim., 17 juillet 1990, B.C., n° 286, p. 724.

Cass. crim., 26 novembre 1990, B.C., n° 401, p. 1008.

Cass. crim., 26 février 1991, B.C., n° 97, p. 242.

Cass. crim., 2 juillet 1991, B.C., n° 290, p. 739.

Cass. crim., 17 octobre 1991.

Cass. crim., 11 février 1992, B.C., n° 66, p. 166.

Cass. crim., 9 mars 1992, B. C., n° 103, p. 267.

Cass. crim., 10 mars 1992, B.C., n° 105, p. 272.

Cass. crim., 22 avril 1992, B.C., n° 169, p. 441.

Cass. crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744.

Cass. crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744.

Cass. crim., 15 juin 1993, B.C., n° 210, p. 530.

Cass. crim., 6 avril 1994, B.C., n° 136, p. 302.

Cass. crim., 22 juin 1994, B.C., n° 247, p. 592.

Cass. crim., 27 février 1996, B.C., n° 93, p. 273.

Cass. crim. 17 septembre 1996, B.C., n° 316.

Cass. crim., 19 février 1997, B.C., n° 66, p. 211.

Cass. crim., 16 décembre 1997, B.C., n° 427, p. 1402.

Cass. crim., 19 janvier 1999, B.C., n° 9, p. 17.

Cass. crim., 24 mars 1999, B.C., n° 55, p. 135.

Cass. crim., 30 mars 1999, B.C., n° 59, p. 144.

Cass. crim., 22 juin 1999, B.C., n° 141, p. 382.

Cass. crim., 23 novembre 1999, B.C., n° 269, p. 840.

Cass. crim., 15 février 2000, B.C., n° 70, p. 193.

Cass. crim., 12 septembre 2000, B.C., n° 265, p. 780.

Cass. crim., 27 septembre 2000, B. C., n 283, p. 837.

Cass. crim., 12 décembre 2000, B.C., n° 369, p. 113.

Cass. crim., 28 novembre 2001, B.C., n° 248, p. 823.

Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482.

Cass. crim., 11 septembre 2002, B.C., n° 161, p. 559.

Cass. crim., 25 février 2003, B.C., n° 50.

Cass. crim., 14 octobre 2003, B.C., n° 187, p. 773.

Cass. crim., 6 janvier 2004, B C., n° 1, p. 1.

Cass. crim., 6 janvier 2004, B.C., n° 2, p. 4.

Cass. crim., 11 mai 2006, B.C., n° 132, p. 482.

Cass. crim., 9 août 2006, B.C., n° 202, p. 721

Cass. crim., 31 janvier 2007, B.C., n 27, p. 100.

Cass. crim., le 7 février 2007, B.C., n° 37.

Cass. crim., 13 mars 2007, B.C., n° 80, p. 397.

Cass. crim., 3 avril 2007, B.C., n° 103, p. 500.

Cass. crim., 24 avril 2007, B.C., n 108, p. 516.

Cass. crim., 3 octobre 2007, B.C., n° 237

Cass. crim., 30 octobre 2007, B.C., n° 260.

Cass. crim., 13 février 2008, B.C., n° 40, p. 149.

Cass. crim., 4 juin 2008, B.C., n° 141.

Cass. crim., 10 juin 2009, B.C., n° 119.

Cass. crim., 19 janvier 2010, B.C., n° 12.

Cass. crim., 27 janvier 2010, B.C., n° 16.

Cass. crim., 12 octobre 2010, B.C., n° 156.

Cass. crim., 31 janvier 2012, inédit, N° de pourvoi: 11-85464.

Cass. crim., 31 janvier 2012, inédit, n° de pourvoi: 11-85464.

Cass. crim., 7 mars 2012, B.C., n° 64.

Cass. crim., 5 octobre 2012, B.C., n° 147.

Cass. crim., 16 janvier 2013, B.C., N° de pourvoi: 11-83689.

Cass. crim., 16 janvier 2013, B.C., N° de pourvoi: 12-81199.

Chambre civile de la Cour de cassation française :

1- Cass. civ. 1er 27 avril 1977, B.C., n° 192, p. 151.

2- Cass. civ. 2/ 7 octobre 2004, B.C., ci. n/247.

Ass plénière de la Cour de Cassation française:

1- Cass. Ass. plén. 7 janv. 2011, Bulletin 2011, Assemblée plénière, n° 1.

2- arrêt Wilson (loyauté) : La Cour de cassation française, toutes chambres assemblées, constituée en Conseil supérieur de la magistrature, 31 janvier 1888.

3- Cass. Ass. Plen., 2 juin 2000, B.C., n° 4, p. 7.

Arrêt de la Chambre d'accusation :

599

- Lyon, ch.acc., 19 janv.1996.

600

Jurisprudence en droit libanais :

Décisions du Conseil judiciaire Libanais (ou Conseil de justice) en langue arabe:

Décision du Conseil judiciaire Libanais du 12/4/1994 (affaire : les 2 frères Antonios). Décision du Conseil judiciaire Libanais du 19/10/1994 (affaire : Omran Mouayta).

Décision du Conseil judiciaire Libanais du 24/6/1995 (l'affaire de l'assassinat de M. Dani Chamoun) : Le juge-président M. Phillipe Khairallah, juge-assesseur M. Hikmat Harmouch, juge-assesseur m. Kassoufs, juge-assesseur M. Zein et juge-assesseur M. Kawwasse.

Décision du Conseil judiciaire Libanais du 25/6/1999(l'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre M. Rachid Karami en 1987). Le juge-président Mounir Honein, juge-assesseur Ahmad al-Moallem, juge-assesseur Hussein Zein, juge-assesseur Ghassan Abou Alwan et juge-assesseur Ralph Riachy.

Conseil Constitutionnel libanais :

C.C. lib., n 3/19995,18 septembre 1995.

C.C. lib., n° 2/1996, 3 Avril 1996.

C.C. lib., n° 4/1996, 7 août 1996.

C.C. lib., n° 1997-1, 12 septembre 1997, JO 1997, n° 44, p. 3203 et s.

C.C. lib., n° 1997-2,12 Septembre 1997, JO 1997, n° 44, pp. 3205-3210.

C.C. lib., n° 1999-2, 24 novembre 1999(relative au droit au secret des communications), JO

1999, n° 57, p. 3375.

C.C. lib., n° 2000-4, 22 juin 2000, JO 2000, n° 28, p. 2225.

C.C. lib., n° 2000-5, 27 juin 2000, JO 2000, n° 28, p. 2228.

C.C. lib., n° 2001-1, 10 mai 2001, JO 2001, n° 24, p. 1794.

C.C. lib., n° 2001-2, 10 mai 2001, JO 2001, n° 24, pp. 1797-1798.

C.C. lib., 21 novembre 2003 (relative aux droits des travailleurs des raffineries de Tripoli et

du Zahrani, postérieurement à la privatisation de celles-ci), J.O. n° 55 du 4 décembre 2003, p.

6395.

Arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise en langue arabe:

1- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 151 du 11/06/1952, cité dans l'ouvrage de M. Samir Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de son rétablissement , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 14.Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 131 du 08/03/1955.

2- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 108 du 11/05/1962, Cité dans l'ouvrage de M. S. Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de sa re-création , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, Beyrouth, 1990, p. 20.

3-

601

Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 279 du 18/06/1964, cité dans l'ouvrage de M. Samir Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de sa re-création , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 20.

4- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 163 du 24/03/1966, cité dans l'ouvrage de M. Samir Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de sa re-création , l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, pp. 19-20.

5- Cass. crim lib., arrêt de la 4e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 141 du 02/07/1968, cité dans l'ouvrage de M. Samir Alya, Encyclopédie des décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de sa re-création :1950-1970, l'établissement universitaire des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 19.

6- Cass. crim lib., arrêt de la 5e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 218 du 29/04/1974, cité dans l'ouvrage de Mme Ph. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, Sader Éditeurs, Beyrouth, p. 391.

7- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 144/97 du 03/06/1997 (constituée du président Ahmed Almouallem et les deux conseillers M. Elias Nammour et M. Nouhad Mourtadha).

8- Cass. crim lib., arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 45 du 22/1/1998, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 1996-1999, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth, 2000, n° 50, p. 81.

9- Cass. crim lib., arrêt de la 7e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 145 du 30/4/1998, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 1998, p. 896.

10- Cass. crim lib., arrêt de la 7e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 38 du 23/02/1999, in Les arrêts des Chambres criminelles de la Cour de cassation pour l'année 1999, éd. Sader, p. 304.

11- Cass. crim lib., arrêt de la 3e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 152 du 23/6/1999, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 1999, p. 163.

12- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanais, arrêt n° 325 du 02/08/2000.

13- Cass. crim lib., arrêt de la 6e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 1 du 03/01/2002 (Président : Ralph Riyashi, Conseillers : Khodhor Zenhour et Borkan Saâd) / cité dans l'ouvrage de M. Afif Shamsiddine, Classification annuelle dans les affaires criminelles, jurisprudence de 2002, p. 137.

14- Cass. crim lib., arrêt de la 6e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 1 du 03/01/2002 (Président : Ralph Riyashi, Conseillers : Khodhor Zenhour et Borkan Saâd,) cité dans l'ouvrage de M. Afif Shamsiddine, Jurisprudence criminelle 2003, pp. 389-390.

15- Cass. crim lib., arrêt de la 6e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 219 du 5/8/2003, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 2003, pp. 447.

16-

602

Cass. crim lib., arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 185 du 15/06/2006 (affaire Awde/ Moallim).

17- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 138 du 28/06/2007.

18- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 182 du 27/07/2002 (Président : Ahmed Almâallem, Conseillers : Samir Matar et Assem Safieddine ), cité dans l'ouvrage de M. Afif Shamsiddine, Classification annuelle dans les affaires criminelles, jurisprudence de 2002, pp. 114-115.

19- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 481 du 3/12/1964, publiée dans l'encyclopédie de M. Samir Alia des jurisprudences de cassation n° 304, p. 84.

20- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 1 du 05/01/2006 dans l'affaire Ministère public c/ Yaghi, (la chambre criminelle de la Cour de cassation du libanaise est composée du: président M. Labib Zwein et les conseillers Mme Alice Chabtini Alaam et M. Elias Nayfeh).

21- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 3 du 09/01/2007 dans l'affaire Dib/ ministère public (Composée du : Président M. Ralph Rayashi, et les conseillers M. Ghassan Fawaz, M. Malek Saaibi).

22- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 43 du 27/2/2007 (Composée du: Président M. Ralph Rayashi et les conseillers M. Ghassan Fawaz et M. Malek Saaibi).

23- Cass. crim lib., arrêt de la 5e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 1 du 29/3/2000 dans l'affaire Abdullah et Salloum c/ ministère public.(la Cour de cassation libanaise Composée du: Président M. Afif Chamseddine et les conseillers M. Anthony Elias Khouri, M. Issa Abdallah).

24- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 106 du 20/07/1999 dans l'affaire Abid c/ ministère public (Composée du Président M. Ralph Rayashi et des conseillers M. Samir Aalia et M. Joseph Samaha).

25- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 104 du 28/04/1999 dans l'affaire Majzoub et ministère public c/ Mustafa et ses collègues (la Cour est composée du Président Afif Shamseddin et les conseillers M. Elias Abdullah et M. Fouad Gaâgaâ).

26- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 58 du 06/02/2002,cité dans l'ouvrage de M. Afif Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Jurisprudence 2002, p. 124.

27- Cass. crim lib., arrêt de la 6e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 74 du 19/03/2002 ( la Cour est composée du président M. Ralph Riadi et les conseillers M. Khodr Zanhour et M. Borkane Saad), cité dans l'ouvrage de M. Afif Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Jurisprudence 2002, p. 131.

28- Cass. crim lib., arrêt de la 1er chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt du 02/02/2006, (la Cour est composée du président M. Labib Zouein et les conseillers M. Sami Abdallah et M. Elias Naifeh), cité dans l'ouvrage de M. Afif Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Classification des jurisprudences publiées en 2006, Beyrouth 2007, p. 122.

29- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n°, n° 219 du 05/08/2003 dans l'affaire Kechlan & c/ministère public (la Cour est composée du

603

président M. Ralph Riachi, et les conseillers M. Khoder Zanhour et M. Borkane Saad) in Sader Cassation-Pénal, 2003, pp. 447 et s., V. précisément p. 451.

30- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n°: (la Cour est composée du président M. Afif Chams Eddine et les conseillers M. Elias AbdAllah et M. Fouad Jaajaa). n° 296 du 04/11/1998 dans l'affaire Materji c/ Chaaban eet ministère public.

31- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 38 du 23/02/1999 dans l'affaire Arris/ Al Ahmad et ministère public (la Cour est composée du président M. Ralph Riachi et les conseillers M. Samir Alia et M. Joseph Samaha), cité dans l'ouvrage de M. Peter. Germanus, Le crime, théâtre et scène, édition 2009, p. 442, et in Sader cassation-pénale 1999, p. 304).

32- Cass. crim lib., arrêt de la 7e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 259 du 26/12/2001 dans l'affaire Nassif c/ministère public et l'état du Liban, (la Cour est composée du président M. Ahmad Moallim et les conseillers M. Samir Matar et M. Assem Safiyeddine), cité dans l'ouvrage de M. Petert Germanus, Le crime, théâtre et scène, édition 2009, p. 442, et in Sader cassation-pénale 2000, p. 1163).

33- Cass. crim lib., arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 45 du 22/01/1998 (la Cour est composée du président M. Ahmad Moaallem), in J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 50, p. 81.

34- Cass. crim lib., arrêt de la 6e chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, arrêt n° 59 du 19/02/2004 dans l'affaire Al Majzoub et Mahmoud c/ ministère public (la Cour est composée du président M. Ralph Riachi et les conseillers M. Khodor Zanhour et M. Borkane Saad), in Sader Cassation- pénal 2004, p. 510.

Cour criminelle libanaise en langue arabe :

1- Cour criminelle du Mont du Liban, décision n° 54, procès n° 471 du 08/03/1988, in J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader,1997, n° 61, pp. 36-37.

2- Cour criminelle du Mont du Liban, procès n 106 du 19/12/1992, in J. Bsyabess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 11, pp. 14-15.

3- Cour criminelle de Beyrouth, (président de la cour M. Labib Zouein), procès du 20/11/1995, in J. Bsaybes, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 268, p. 176.

4- Cour criminelle du Mont Liban, procès n° 42 du 05/01/1997, (Président de la Cour : M. Hatem Madhi) in J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999, 1e éd., Sader Éditeurs, Beyrouth, 2000, n° 173, p. 281.

5- Cour criminelle du Mont du Liban, (le président M. Hatem Madi), décision du 06/01/1997, in J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 51, p. 82.

6- Cour criminelle du Mont Liban, (Président de la Cour M. Hatem Madi), décision du 03/11/1997 in J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999, 1e éd., Sader Éditeurs, Beyrouth, 2000, n° 54, p. 86.

7- Cour criminelle du Mont Liban, procès n° 30 du 01/01/1998, le Président de la Cour M. Hatem Madhi), in J. Bsaybiss, La jurisprudence des juridictions pénales 1996-1999, 1er éd., Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2000, n° 171, pp. 278-279.

8-

604

Cour criminelle du Mont du Liban (Dérogation du conseiller M. Jean Bsaybess), décision du 22/06/1999, procès Abi Chaker/Maalouf et compagnons, in J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 45, p. 75.

9- Cour criminelle du Sud Liban (la Cour est composée du premier président M. Said Mirza, et les conseillers M. Hafez Eid et M. Mohammad Badran). Décision du 31/05/2001.

10- Cour criminelle du Mont du Liban, jugement n° 249 du 28/04/2004, in J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions Juridiques Sader, n° 11, p. 21. Cour criminelle du Mont du Liban, décision n° 74 du 31/05/2001, in J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions Juridiques Sader, n° 2, p. 21.

11- Cour criminelle du Mont Liban, procès n° 78 du 24/2/2004, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 2000-2004, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2005, n° 4.

Juge unique pénal (droit libanais) :

Juge unique pénal de Kesrouan, le President Maroun Zakhour, dans la résolution n° 66/99 datant du 10/03/1993, dans l'affaire Abou Eid contre Saliba.

Juge d'instruction (droit libanais) :

Juge d'instruction au mont Liban, dans la décision du 05/02/1995 dans l'affaire du décès de l'enfant (Nathali Dabbas).

Cour d'appel libanaise :

Cour d'appel des délits du Mont-Liban dans sa délibération n° 128/96 du 20/03/1996 (La Cour d'appel des délits du Mont-Liban qui était constituée du Président Abdellatif Al Huseini, Fayez Matar et Ghada Aoun).

Chambre d'accusation (droit libanais) :

Chambre d'accusation (la chambre est composée du Président M. Ralph Riyashi, les deux conseillers: M. Albert kwamagi et M. Madi Mattran), procès n° 262/1995, décision n° 354/1995 in R. Riyashi, Recueil de la jurisprudence de la chambre d'accusation, applications pratiques de la règle de droit, Dar Elhadhara , édition et impression, Société Ezzeddine pour l'imprimerie et l'édition, Beyrouth, 1997, Préface du juge Philippe Kairallah.

Arrêts étrangers : Égypte :

Cour criminelle de Tanta, séance du 28 Juin 1907, recueil officiel de l'année 28, n° 115, p. 210.

Cour de cassation criminelle Égyptienne, pourvoi numéro 4684 année 1958, bureau technique, p. 819, date 02/11/1989.

605

Index

 

- fondamental · 3, 107, 157, 158, 187, 200, 309, 349, 381, 405.

- fondamentaux · 3, 49, 51, 56, 58, 59, 66, 70,

71, 75, 76, 77, 87, 91, 152, 159, 162, 167,

A

ADN · 41, 159, 297, 306, 307, 308, 309, 310,

173, 197, 203, 231, 236, 241, 256, 259,

275,

311, 312, 313, 314, 315, 316, 318, 319, 322, 324,

277, 278, 279, 282, 305, 309, 316, 331,

332,

556.

338, 339, 341, 346, 347, 362, 363, 367,

371,

 

373, 379, 380, 379, 381, 382, 383, 384,

385,

agents infiltrés · 135, 136.

386, 387, 388, 389, 391, 393, 394, 396,

405, 411, 438, 477, 489, 495, 520, 524,

404,

525,

 

541, 542, 549, 550, 556.

 

B

 
 
 

Droits de la défense:

 

bande organisée · 146, 147, 208.

- égalité des armes · 4, 6, 26, 27, 66,

180,

 

181, 363, 448,449, 473, 474.

 
 

-auto-incriminer · 303, 311, 317.

 

C

 
 

Constitution:

-bloc · 42, 365, 379, 382, 384, 385, 404,

Droit pénal:

-dangerosité · 40, 141, 142, 145, 155, 208.

406, 407, 473.

-de l'ennemi · 40, 141, 142, 143, 145, 155.

 

-constitutionnalisation · 42,

161,

328,

362,

 
 
 
 

363,

364, 365, 381.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

-Préambule · 42, 363, 365, 374, 375, 376,

Débat:

 
 
 

377,

378, 380, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 388,

- contradictoire · 18, 30, 32, 33,

38, 40,

66,

391,

392, 394, 401, 404,

405,

406,

408,

559.

 

81, 88, 156, 157, 161, 169, 180, 181,

182, 183,

 
 
 
 
 
 
 

228, 464, 468,

528, 548, 551.

 
 
 
 
 
 
 
 

-oral · 169,

177, 454, 468, 545.

 

coercition · 41, 65, 215, 216, 219, 226, 240,

 
 
 

241,

243, 248, 249, 253,

255,

260,

261,

262,

263,

dignité humaine · 39, 40, 50, 54,

56, 59, 77,

264,

266, 267, 268, 269,

270,

271,

272,

323,

458,

83, 84, 85, 86,

88, 157, 159, 167, 188, 225, 226,

459,

501, 504, 505, 506,

508,

529,

531,

552,

555.

227, 257, 258,

277, 283, 294, 297, 302, 309,

313,

 
 
 
 
 
 
 

323, 326, 354,

552, 555.

358, 438, 485, 506, 539, 545,

551,

E

Couverture:

-juridique · 51, 139.

-légale · 122, 134, 196, 221, 284.

 
 

Engagements internationaux:

 
 

D

 

- Charte · 42, 94, 123, 194,

363, 367,

368,

 
 

379, 375, 378, 381, 396, 406.

 
 
 

Droit (droits):

-convention · 6, 7, 42, 57,

59, 77, 80,

81,

84, 85, 92, 94, 96, 106, 107, 111, 126, 130, 134,

606

135,

 

136,

138,

148,

156,

164,

166,

172,

174,

186,

188,

189,

196,

197,

198,

199,

205,

220,

221,

225,

244,

245,

246,

247,

249,

251,

253,

254,

256,

257,

258,

259,

260,

265,

275,

281,

296,

301,

304,

309,

322,

341,

342,

353,

362,

363,

365,

366,

367,

368,

369,

371,

372,

373,

375,

376,

377,

378,

385,

386,

392,

393,

394,

395,

396,

397,

398,

399,

401,

402,

404,

407,

408,

462,

467,

468,

469,

473,

474,

495,

496,

497,

498,

499,

500,

534,

540,

552,

555,559.

 

-conventionnalisation · 42, 161, 328, 362, 363, 364.

-Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 · 368, 369, 392, 404, 405, 406, 407,.

-Déclaration universelle des droits de l'homme · 77, 186, 187, 202, 213, 244, 368, 369,

370, 371, 374, 375, 380, 381,383, 384, 385, 386, 388, 389, 391, 392, 393, 394, 404.

-Pacte · 77, 121, 172, 173, 174, 186, 187m

194, 244, 256, 303, 370, 371, 374, 375, 378, 380,

381, 382, 384, 385, 386, 389, 392, 393, 397, 404. -traité · 370, 373, 374, 375, 376, 377, 378,

382, 389, 391, 392, 395, 396, 397, 399, 400, 401, 403., 405, 406, 491.

Enregistrement :

-audio · 40, 188, 193, 209, 213, 214, 216, 217, 218, 219, 224, 450.

- bande magnétique · 30, 209, 212, 213,

215, 217, 219, 464, 482, 555.

- clandestin · 40, 200, 212, 464.

- écoute · 5, 30, 40, 79, 82, 108, 126, 127,

146, 148, 159, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194,

195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204,

205, 206, 207, 208, 209, 210, 217, 220, 221, 224,

354, 426, 482, 498, 551, 554.

F

fixation d'images · 222.

G

grief ·: 30, 84, 134, 407, 418, 425, 427, 429,

430, 434, 436, 443, 444, 445, 446, 466, 513, 525,

526, 528, 545, 546, 560, 562. J

Juge:

- pouvoir discrétionnaire · 420, 421, 422, 427, 428, 492, 522, 523, 546.

-appréciation souveraine · 8, 67, 464, 492, 493, 531.

L

-légalite formelle: 55, 59, 69, 71, 78, 79, 81, 82,

87, 88, 163, 165, 294, 338, 550, 551, 553, 554.

-légalité matérielle :· 54, 78, 83, 86, 87, 88,

99, 294, 348, 403, 550, 551, 552.

M

Modèle procédural:

-procédure accusatoire · 16, 17, 18, 19, 21, 24, 169, 173, 177.

-procédure inquisitoire · 17, 19, 21, 23,

24, 25, 169.

-système accusatoire · 16, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 25, 26.

-système inquisitoire · 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25.

-système mixte · 22, 23, 26.

Moyen de preuve:

- polygraphe · 41, 57, 76, 85,

298, 299, 300, 301, 342, 556, 557.

226,

281,

297,

- hypnose · 41, 54, 62, 80, 81,

108,

225,

226,

239, 276, 279, 281, 287, 288,

289,

290,

291,

292,

293, 294, 295, 296, 300, 301,

324,

556,

557,

558.

- Narco-analyse · 41, 85,

158,

225,

247,

 

277, 278, 279, 280, 281, 282,

284,

285,

286,

557.

- Empreinte génétique ·

306,

307,

308,

309,

310, 311, 312, 313, 315, 319,

321.

 
 
 

- détecteur de mensonges · 76, 108, 159,

276,

277,

281,

297,

298,

298, 299,

300,

301,

302,

303,

304,

305,

306,

324,

538, 556,

557,

558.

 

- Sérum de vérité · 41, 57, 76,

159,

247,

277,

278,

279,

280,

281,

282,

283, 284,

285,

286,

297,

324,

342,

556,

557,

558.

 
 
 
 

N

Nullité (théorie de nullité):

-nullité absolue · 434, 435, 436, 437, 438, 439, 441, 442, 504, 525.

-nullité de la preuve · 409, 416, 419, 450,

474, 512, 518, 521, 528, 529, 563.

-nullité d'ordre privé · 437, 446, 545. -nullités d'ordre privé · 418, 436, 440.

-nullité d'ordre public · 435, 436, 437, 439, 443, 560.

-nullité liée à l'ordre public · 435, 436,

437.

-nullité relative · 434, 435, 438, 440, 441, 442, 526, 560.

-nullité substantielle · 419, 421, 423, 424,

427, 428, 429, 430, 431, 433, 434, 444, 483, 484, 525, 526.

-nullités substantielles · 42, 411, 418, 419,

427, 428, 429, 430, 432, 434, 444, 483.

-nullité textuelle · 419, 420, 421, 422, 423,

424, 425, 426, 427, 431, 445, 446, 484, 503, 525, 526.

-nullités textuelles · 42, 411, 418, 419,

420, 421, 422, 425, 426, 429, 430, 434, 444, 446, 546, 560, 562.

-nullité virtuelle · 418, 419, 427, 429.

P

Pouvoir législatif:

- réforme ·: 20, 22, 24, 27, 43, 53, 81, 111,

146, 150, 247, 272, 293, 304, 382, 418, 468, 530,

534, 535, 555, 556, 562, 563.

-légiférer ·: 71, 194, 534.

-consécration législative · 31, 32, 36, 96,

109, 110, 111, 154, 548, 554.

Preuve:

-déloyale · 87, 114, 115, 116, 118, 120, 139,

141, 155, 481, 487, 490, 553.

-loyauté de preuve · 89, 93, 95, 96, 98, 99,

103, 103, 104, 105, 106, 108, 109, 110, 111, 112,

115, 116, 118, 125, 138, 140, 152, 170, 190.

Preuve illégale:

-écarte · 114, 115, 141, 465, 466, 467, 481,

488, 489, 490, 491, 500, 501, 506, 510, 522, 540, 547, 553.

-filtrage des preuves · 529, 530, 547. -illégale · 40, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 50, 52,

59, 66, 74, 79, 80, 82, 83, 108, 11, 119, 129, 137,

138,

139,

144,

156,

157,

158,

160,

161,

163,

165,

166,

168,

169,

186,

191,

192,

193,

194,

195,

196,

201,

218,

223,

224,

226,

243,

244,

249,

255,

263,

265,

266,

270,

272,

289,

312,

324,

327,

409,

410,

411,

412,

416,

417,

418,

420,

428,

434,

448,

449,

450,

451,

452,

453,

454,

455,

456,

458,

459,

460,

461,

462,

463,

464,

465,

466,

467,

468,

469,

470,

471,

472,

474,

475,

476,

477,

478,

479,

480,

481,

482,

484,

485,

486,

487,

488,

489,

490,

491,

492,

493,

494,

495,

496,

497,

500,

501,

502,

503,

504,

505,

506,

509,

510,

511,

512,

514,

515,

517,

518,

519,

522,

523,

525,

526,

527,

529,

530,

531,

533,

534,

536,

538,

539,

540,

541,

542,

545,

546,

547,

551,

553,

555,

560, 561, 562,

563.

 
 
 
 

-exclure · 43, 44, 236, 450, 462, 468, 470,

484,

488, 489, 490, 491, 515, 522, 529,

539, 540,

546,

547,

563.

 
 
 
 
 
 
 

- illégalité (de la preuve) · 38, 40,

50, 69,

80, 83, 157, 158, 159, 160, 161, 163, 168, 169,

195,

223,

236,

305,

410,

411,

414,

450,

451,

453,

454,

456,

461,

463,

468,

477,

479,

490,

496,

501,

 

502,

503,

504,

505,

506,

508,

509,

510,

511,

515,

517,

518,

521,

522,

524,

525,

526,

529,

530,

531,

539,

543,

547,

553,

554,

559,

561,

562.

 
 

Provocations policières : ·

-provocation à l'infraction · 127, 128, 129, 130, 131, 135, 137, 139, 152.

-provocation à la commission d'infraction ·

130, 131, 139.

-provocation à la commission d'une infraction · 107, 127, 128, 129, 130, 131, 132,

133, 134, 137, 138, 155.

-provocation à la preuve · 125, 127, 128, 129,

131, 132, 133, 135, 137, 155.

R

Ruse · 4, 53, 86, 90, 91, 98, 101, 103, 105,

117, 118, 123, 124, 125, 126, 127, 132, 155, 158,

214, 226, 234, 260, 263, 264, 555.

607

S

Stratagème · 30,

86,

90, 91, 97, 98, 101, 103,

105,

107,

118,

123,

124,

125,

126, 130, 132, 138,

155,

196,

198,

199,

439,

440.

 

T

Terrorisme :· 85, 121, 122, 140, 142, 143,

144,

145,

146,

147,

149, 150,

153, 155, 208,

222,

259,

300,

318,

553.

 
 
 
 
 
 

Torture ·: 6, 8, 57, 58, 59, 71, 76, 83, 84,

91,

108,

159,

174,

208,

219,

225,

226,

236,

237,

243,

244,

245,

246,

247,

248,

249,

250,

251,

252,

253,

254,

255,

256,

257,

258,

259,

261,

265,

266,

268,

269,

271,

273,

282,

283,

285,

289,

294,

301,

305,

318, 323, 324, 342, 358, 389, 499, 506, 507,508,

608

509, 531, 538, 541, 552, 555, 556.

Tromperie · 39, 89, 123, 124, 125, 155, 226, 234, 236, 263, 265, 294.

V

Valeur juridique:

-valeur constitutionnelle ·3, 68, 320, 378,

379, 380, 382, 383, 384, 385, 386, 388, 399, 400,

403, 404, 405, 406, 407, 408.

- valeur supra-législative · 107, 373, 376,

377, 378, 393, 401, 402, 408. -infra-constitutionnelle · 373, 378

vérité judiciaire: · 12, 13, 15, 21, 47, 81, 162, 449.

609

Table des matières

INTRODUCTION 1

PARTIE I 45

LA NOTION DE LÉGALITÉ DE LA PREUVE 45

TITRE I 53

LÉGALITÉ, LOYAUTÉ ET LA LIBERTÉ DE LA PREUVE 53

Chapitre I 56

La légalité, un outil d'encadrement du principe de la liberté de preuve 56

Section I 61

La légalité, une limite normale à la liberté de la preuve 61

§ 1. La légalité, une limite à l'arbitraire de la liberté de la preuve 62

A. La légalité souffre d'une ambiguïté remarquable 63

B. La légalité tend à limiter l'arbitraire de la liberté de preuve 65

C. La légalité va réduire strictement la liberté de preuve 67

§ 2. La légalité, une garantie procédurale substantielle 69

A. Encadrement par la loi des mesures portant atteinte aux droits fondamentaux

70

B. Nécessité d'encadrer la recherche de la preuve pénale par la loi 71

Section II 73

La légalité, frein au caractère absolu de la liberté de la preuve 73

. § 1. Légalité formelle. 78

A. Les formalités substantielles. 79

B. Les principes directeurs relatifs à la preuve. 81

C. La liberté de la preuve au regard du respect de la vie privée. 82

610

§ 2. Légalité matérielle. 83

A. Le respect absolu de la dignité humaine dans la recherche de la preuve 83

B. La liberté de la preuve limitée par le respect du principe de la loyauté. 86

Conclusion chapitre 1 87

Chapitre II 89

La loyauté de la preuve en lien avec la légalité de la preuve 89

Section I 93

Un principe fondamental controversé 93

§ 1. La genèse du principe de la loyauté de la preuve. 100

A. La loyauté, un principe purement jurisprudentiel. 103

B. Les visas fondant le principe de loyauté. 106

§ 2. La faiblesse du principe de loyauté de la preuve. 109

A. L'absence de consécration législative expresse du principe de loyauté. 110

B. L'application stricte de la liberté de preuve opposée à la loyauté. 112

C. Application variable du principe de loyauté. 115

Section II 121

Duel ou affrontement entre respect de la loyauté et efficacité dans la recherche des

preuves 121

§ 1. La fin ne justifiant pas les moyens. 122

A. La tromperie dans la constitution de la preuve. 123

B. La loyauté interdisant la provocation policière. 126

C. La distinction entre différentes catégories ou différents types de

provocations. 129

§ 2. La fin justifiant les moyens. 139

A. L'émergence de la notion de preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi.

141

B. La nécessité de nouveaux outils d'administration de la preuve non ordinaire

pour certaines infractions graves. 147

Conclusion chapitre 2 153

611

TITRE II 156

NOTION DE PREUVE ILLÉGALE 156

Chapitre I 160

Preuve entachée d'une illégalité formelle 160

Section I. Les procédés de preuve portant atteinte à la légalité procédurale. 161

§ 1. Preuve illégale résultant de l'inobservation de la loi. 161

A. L'absence de base légale. 163

B. La violation d'une formalité substantielle. 164

C. L'illégalité résultant de la violation des conditions fixant les actes de

recherche des preuves strictement réglementée 167

§ 2. Preuve portant atteinte au droit à un procès équitable 168

A. La violation du principe de la publicité des débats judiciaires. 171

B. La violation du principe de l'oralité des débats de la procédure de jugement.

175

C. La violation du principe du débat contradictoire de la procédure du

jugement. 180

Section II 186

Les procédés de preuves portant atteinte à l'intimité de la vie privée 186

§ 1. Preuve obtenue par la mise sur écoute de conversations téléphoniques. 189

A. La nécessité d'une réglementation légale des écoutes téléphoniques. 190

B. L'encadrement légal des écoutes téléphoniques judiciaires en droit libanais et

français. 200

§ 2. : Preuve obtenue au moyen d'un enregistrement par magnétophone. 208

A. Enregistrement des déclarations des accusés à leur insu au moyen d'un

magnétophone. 210

B. L'utilisation de la bande magnétique dans le domaine pénal. 214

Conclusion du Chapitre I 223

Chapitre II 225

Preuve entachée d'une illégalité matérielle 225

Section I 227

612

Les procédés de preuves attentatoires à la dignité humaine et à la liberté individuelle

227

§ 1. La légalité de la preuve par aveu en matière pénale. 228

A. Notion d'aveu en procédure pénale. 229

B. Conditions de recevabilité de l'aveu comme moyen de preuve en justice. 236

§ 2. L'illégalité des aveux fruit des actes illégaux. 243

A. Aveu arraché par la violence ou la contrainte. 244

. B. Aveu obtenu sous la contrainte morale et la ruse. 260

C. Position de la jurisprudence libanaise par rapport à l'aveu obtenu sous

l'influence de la coercition et la violence. 264

Section II 274

La question de la légalité des procédés scientifiques 274

§ 1. Moyens d'obtenir la preuve qui vise à affaiblir et anéantir la volonté. 277

A. Preuve obtenue de l'emploi de la narco-analyse (sérum de vérité). 277

B. Eléments de preuve obtenue sous hypnose. 287

§ 2. Preuve attentatoire à l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de la

pensée. 297

A. Preuve obtenue par l'usage du détecteur de mensonges ou polygraphe. 297

B. Recevabilité de la preuve acquise d'identification par ADN. 306

Conclusion du Chapitre II 323

PARTIE II 326

LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ DE LA PREUVE 326

TITRE I 328

VERS UNE RECONNAISSANCE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ 328

Chapitre I 329

Tentative d'affirmation de l'existence du principe de la légalité des moyens de

preuve 329

Section I 335

Les différents aspects du principe de la légalité criminelle 335

§ 1. La légalité criminelle appliquée à la procédure pénale. 336

A. 613

La doctrine française sur l'existence du principe de la légalité procédurale.

337

B. La doctrine libanaise sur l'existence du principe de la légalité procédurale.

339

C. La doctrine européenne implicite sur l'existence du principe de la légalité

procédurale. 341

§ 2. La reconnaissance du principe de légalité procédurale. 342

A. La procédure pénale, complément naturel du droit pénal. 343

B. La légalité procédurale, pierre angulaire de l'État de droit. 348

Section II 352

La légalité criminelle appliquée en matière de preuve pénale 352

§ 1. Légalité procédurale appliquée en matière de preuve pénale. 353

A. L'application des principes de procédure pénale en matière de preuve. 354

B. La légalité procédurale applicable à la preuve pénale. 355

C. La preuve pénale, l'essence de la procédure pénale. 356

§ 2. Reconnaissance du principe de légalité de la preuve pénale. 357

A. La liberté de la preuve limitée par la légalité. 358

B. La nécessité d'un encadrement légal pour chaque procédé de recherche de

preuve qui porte une atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée. 359

Conclusion du chapitre I 360

Chapitre II 362

Vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation du droit de la preuve 362

Section I 368

Les fondements conventionnels et constitutionnels de la légalité de preuve en droit

libanais 368

§ 1. Jalons pour une valeur supra-législative en droit libanais. 373

A. La Constitution libanaise et l'impact de la Charte internationale des droits de

l'homme. 373

B. Les principes à valeur supra-législative en droit libanais. 376

§ 2. Jalons pour une valeur constitutionnelle en droit libanais. 379

A.

614

La valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution libanaise. 380

B. Le principe de légalité et la théorie du bloc de constitutionnalité en droit

libanais. 384

Section II 391

Les fondements conventionnels et constitutionnels de la légalité de preuve en droit

français 391

§ 1. Jalons pour une valeur supra-législative en droit français. 393

A. L'impact des normes européennes sur le droit français. 396

B. La valeur supra-législative du principe de légalité en droit français. 401

§ 2. Jalons pour une valeur constitutionnelle en droit français. 403

A. Principe d'origine constitutionnelle. 403

B. Valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution française. 405

Conclusion du chapitre II 408

TITRE II 409

SANCTIONS DES PREUVES ILLÉGALES ET ILLICITES DANS LE PROCÈS PÉNAL 409

Chapitre I 411

La multiplication des sanctions des preuves illégales 411

Section I 416

L'interaction des nullités des actes de procédure avec les règles de l'exclusion de la

preuve 416

§ 1. Les règles variables de l'exclusion de la preuve illégale en fonction de la

détermination du type de nullité. 418

A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité textuelle. 419

B. La position des législateurs libanais et français vis-à-vis des théories de nullité

textuelle. 423

C. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité substantielle 427

§ 2. Les règles variables de l'exclusion de la preuve illégale en fonction de la

détermination de la nature de nullité. 434

A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité absolue. 434

B. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité relative. 440

615

Section II 448

Les règles variables de la recevabilité de la preuve en fonction de l'auteur de la

preuve 448

§ 1. Éléments de preuve illégale fournie par le plaignant et la victime ou preuves

illégales de culpabilité 452

A. La recevabilité de la preuve illégale de culpabilité produite par un particulier

en droit libanais. 454

B. La recevabilité de la preuve illégale de culpabilité produite par un particulier

en droit français. 460

§ 2. Preuves illégales fournies par l'accusé ou preuves illégales d'innocence. 471

A. Le droit de l'accusé de faire valoir ses preuves pour prouver son innocence.

472

B. - Le droit de l'accusé de démontrer son innocence sur la base d'une preuve

illégale. 474

Conclusion du chapitre I 483

Chapitre II 486

L'admission nuancée de la preuve illégale 486

Section I 487

Le traitement de la preuve illégale 487

§ 1. Les raisons de l'admission de la preuve illégale. 487

A. L'absence d'un texte de loi permetant aux juges répressifs d'écarter ou

d'exclure la preuve illégale. 489

B. Le pouvoir discrétionnaire du juge de négliger ou d'admettre les preuves

illégales. 492

§ 2. La sanction contrastée de la preuve illégale. 500

A. Essai d'élaboration des critères justifiant l'exclusion de la preuve illégale. 501

B. Essai d'élaboration des critères justifiant l'admission de la preuve illégale.

510

Section II 521

La modernisation des moyens et des mécanismes juridiques afin de consacrer une

application effective du principe de la légalité de preuve 521

616

§ 1. Développement du système de nullité ou théorie de l'annulation dans les

procédures pénales. 524

A. La nécessité de se concentrer sur les procédures qui sont en rapport direct

avec la preuve pénale. 526

B. La résolution du problème de la preuve illégale produite par les parties

privées. 527

C. Vers une théorie de la nullité de la preuve pénale. 528

§ 2. Réforme et instauration d'un nouveau cas d'ouverture à cassation. 530

A. Proposition visant à ajouter une nouvelle cause de cassation. 532

B. Proposition de réforme par Mme Michèle-Laure Rassat. 534

C. Le rejet de la sanction. 539

Conclusion du chapitre II 545

Conclusion générale 548

Bibliographie 565

Index de la jurisprudence citée 596

Index 605

Table de des matières 609






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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire