5. CONCLUSION
Les 7 populations du Mercantour étudiées,
produisent les mêmes types de réponse croissance/climat que les
populations du Queyras à des divergences stationnelles près. Le
climat régnant sur les stations étudiées semble ainsi
exercer une influence suffisamment importante pour que la variabilité
inter-annuelle soit semblable. Cependant, le climat n'explique que 59 % de la
variance au maximum et laisse supposer une influence importante d'autres
facteurs sur la croissance radiale. Il faut donc conserver à l'esprit
que les conditions stationnelles comme l'exposition, la topographie,
l'édaphisme, les phénomènes de compétition, etc.
sont également des facteurs à prendre en compte pour expliquer la
croissance des individus. Les paramètres largeur totale, surface,
largeur du bois initial, densité moyenne du bois final se
révèlent les plus sensibles vis à vis des facteurs
climatiques. Le paramètre largeur du bois final n'est pas un bon
descripteur des variations inter-annuelles de la croissance radiale,
résultat en accord avec Nicault (1999). Les relations entre les
différents paramètres climatiques révèlent
l'importance du rôle inverse des températures de l'hiver, du
printemps de l'année t et du rôle direct des précipitations
hivernales sur la croissance des individus.
Concernant l'influence d'une pollution par l'ozone, des
études antérieures ont montré que « la dynamique de
croissance radiale des jeunes arbres jaunissants ou défoliés
n'est pas incompatible avec l'hypothèse d'un effet des polluants
atmosphériques puisqu'une augmentation du décalage de croissance
radiale est constatée entre les arbres verts et jaunissants depuis une
quinzaine d'année ». (Dalstein, 1999). La modélisation ARMA
et l'estimation d'une croissance radiale potentielle pour la période
« polluée » ne permet ni de confirmer ni d'infirmer le
rôle de l'ozone sur l'état de santé du pin cembro dans le
Mercantour. Cela signifie que le climat, facteur pris en compte dans les
modèles de croissance, n'influence qu'en partie mais pas en
totalité la croissance radiale. Un déficit de croissance par
rapport à une croissance potentielle modélisée
apparaît comme significatif pour les 20 dernières années,
en particulier chez la population du site de Salèse 2. Cette
évolution de la croissance peut, outre l'ozone, avoir des causes
multiples avec en premier lieu des accidents climatiques de plus en plus
fréquents ces deux dernières décennies comme des
étés très secs (stress hydrique) ou des fins de printemps
très froids. L'âge élevé des arbres, des carences en
ressources minérales locales ou la sensibilité du pin cembro aux
excès d'eau (ce n'est pas le cas des sites étudiés, bien
drainés du fait d'une forte pente) peuvent jouer aussi un rôle
important. L'impact négatif de l'ozone sur la croissance peut être
masqué par l'augmentation du taux de CO2 ou l'apport
d'éléments azotés atmosphériques.
La sensibilité de la méthode, satisfaisante dans
le cas des études déjà citées (Tessier et
al., 1990, Gandolfo et al., 1994) ne met pas en évidence
un effet négatif. Il est possible que cette pollution
atmosphérique soit masquée par les effets fertilisants
évoqués plus haut. Enfin, peut-être que le taux
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d'ozone est encore insuffisant pour influer significativement
sur la croissance radiale et que les atteintes ne sont encore pas trop intenses
mais pas globale à l'échelle d'une région malgré
les symptômes visibles sur tous les arbres.
Cependant, il semble aujourd'hui qu'il faille prendre en
compte l'influence de la pollution par l'ozone en raison de la destruction des
tissus qu'elle provoque. Ces jaunissements encore localisés (pins
cembros dans le Mercantour, pins parasols en zones urbaines et suburbaines des
Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône) sont-ils les signes
avant-coureurs des problèmes qui attendent les forêts à
venir ? La concentration d'ozone dans l'atmosphère moyenne de l'Europe
augmente de 1 ppbv par an, et tous les écosystèmes forestiers
vont se trouver confrontés à des concentrations d'ozone
croissantes. Cependant, il faut garder à l'esprit que les
émissions annuelles naturelles (1 million de tonnes / an) de COV
précurseurs de l'ozone seraient d'environ la moitié des
émissions anthropiques. Dans les forêts de pins des régions
méditerranéennes, les émissions naturelles (sous forme
d'isoprène et de monoterpènes essentiellement) peuvent largement
dépasser durant certaines périodes les émissions
anthropiques (Luchetta et al., 2000).
Au final, pour mieux discerner la part de la pollution
atmosphérique (ozone en particulier) dans l'influence sur la croissance
radiale (par rapport au climat et à l'augmentation du taux de CO2
notamment), il conviendrait d'étendre les études spatialement
à d'autres populations, ainsi qu'à d'autres espèces
touchées (sapin par exemple) pour dégager une tendance à
plus grande échelle. Une perspective lourde à mettre en place,
parce que nécessitant de travailler sur de gros effectifs, consisterait
à chercher des différences significatives de la croissance
moyenne d'arbres de même âge mais à différentes
époques.
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