1. Introduction
Depuis le début des années 1980, dans les Alpes
Maritimes et plus particulièrement dans le massif du Mercantour,
l'état de santé du pin cembro est l'objet d'une attention
soutenue. En effet, des jaunissements et défoliations de la partie
supérieure des houppiers ont été signalés sur des
arbres, par les agents du Parc National, dans la vallée du Boréon
(Vésubie).
Une concentration élevée de polluants
atmosphériques (l'ozone en particulier) dans le massif est actuellement
incriminée. Ce gaz s'accumule sur la barrière montagneuse
située dans l'arrière-pays des agglomérations urbaines de
Nice en France et Cuneo-Turin en Italie. L'ozone et ses précurseurs sont
transportés depuis le littoral niçois par exemple. Il est ainsi
constaté dans le sud-ouest du Mercantour l'arrivée d'un front
d'ozone du littoral le jour et la persistance de concentrations
élevées la nuit (Dalstein-Richier, 1997). Cette situation est
classique en montagne : les substances réductrices (NO) qui
détruisent l'ozone la nuit en ville sont absentes car elles restent
confinées dans les vallées du fait des inversions thermiques.
Pour l'Europe, la commission économique des Nations Unies a
défini les « niveaux critiques » en ozone pour la forêt
comme le cumul des dépassements horaires au dessus du seuil de 40 ppb
(ou 80 jig/m3). Cet indice d'exposition appelé AOT 40 correspond
à la somme des différences entre les concentrations horaires et
la valeur de 40 ppb pour chaque heure pendant laquelle la concentration
excède 40 ppb. Cette exposition cumulative est calculée pour les
heures ensoleillées durant une période de 6 mois à partir
du 1er avril. Un seuil critique de 10000 ppb.h au-dessus de 40 ppb
pour cette période a été adopté. Pour la station
expérimentale d'Adrechas-Mercantour (vallée de Mollières,
Tinée), la valeur de l'AOT 40 est dépassée de plus du
double en 2 mois de saison de végétation. En Europe de l'Ouest,
le taux d'ozone a plus que doublé depuis les années 1930 (figure
1).
Figure 1 : Evolution de l'ozone dans l'atmosphère libre
au dessus de l'Europe de l'Ouest durant le XXème siècle,
déduite des mesures effectuées au Pic du Midi et dans diverses
stations européennes d'altitude.
5
L'objectif de l'étude est de déterminer si les
symptômes (jaunissements, défoliation) observés
s'accompagnent d'une perturbation de la croissance des arbres. Il s'agira donc
de rechercher un changement dans la croissance radiale annuelle, plus
précisément de rechercher un éventuel déficit de
croissance significatif des arbres des Cembraies du Mercantour. La croissance
annuelle en diamètre pourrait être considérée comme
un bon indicateur de l'état de santé des arbres. Cependant, les
variations inter-annuelles sont influencées par les fluctuations des
paramètres climatiques. Il est donc nécessaire de séparer
dans les séquences de cernes annuels, la part de variation attribuable
au rythme interne de la croissance et celle liée aux variations
inter-annuelles du climat. En d'autres termes, il est indispensable de mieux
discerner le rôle du climat du rôle éventuel de la pollution
atmosphérique
Une analyse dendroclimatologique a donc été
réalisée pour avoir une image plus complète des variations
des caractéristiques de la croissance radiale et de la
sensibilité climatique du pin cembro au cours du temps. La
première étape a été d'établir les relations
cernes/climat sur une période dite « non polluée »
(1932-1966) pour mieux cerner l'écologie du pin cembro. La
méthodologie mise en oeuvre conduit à l'établissement d'un
modèle statistique des relations cerne/climat basé sur les
variations de haute fréquence. L'analyse porte sur plusieurs
paramètres descripteurs du cerne : l'épaisseur totale du cerne,
l'épaisseur du bois initial et final, la surface des cernes, les
densités moyennes du bois initial et final. La deuxième
étape a été de rechercher un impact de la pollution
atmosphérique (ozone en particulier) sur la croissance radiale pour une
période dite « polluée » (1967-1998) avec comme
période de calibration la période « non polluée
». Une telle méthode est une adaptation de celle employée
auparavant pour étudier l'impact de la pollution fluorée sur la
croissance radiale des conifères en Maurienne par Tessier et
al. (1989).
Cette étude s'inscrit dans un programme de recherche
financé par la Direction Santé des Forêts de l'Office
National des Forêts (2000-2001).
6
|