0.2. Problématique
Située dans la Région des grands lacs africains
à l'Est de la République Démocratique du Congo, la
Province du Sud-Kivu est l'une des provinces du pays où l'on enregistre
un taux de croissance démographique annuelle de l'ordre de 3,6% et 5,3%
dans la ville de Bukavu (Léon de St Moulin, 2004). En effet, selon le
résultat de l'Enquête Démographique et de Santé
réalisée en RDC en 2013-2014 par le Ministère du Plan et
de la Santé Publique, au Sud Kivu, l'indice synthétique de
fécondité est de7,7. Etant donné l'importance de ces
naissances, il y'a lieu d'accorder davantage attention à la protection
de cette frange de la population sur laquelle repose l'avenir du pays.
De nos jours, la protection des enfants est un problème
préoccupant et d'actualité. De par le monde, des journées
de réflexions et des activités sont entreprises pour trouver des
voies et moyens afin d'assurer le mieux-être et l'épanouissement
des enfants. Cela se traduit par des prises de décisions aux niveaux
internationaux et nationaux.
Sur le plan international, l'Assemblée
générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) a
adopté à l'unanimité en novembre 1989, la Convention
relative aux droits de l'enfant (CDE). Elle a pour but de changer la situation
des enfants partout où ils se trouvent en leur reconnaissant les
mêmes droits et en leur assurant la même protection afin de
favoriser leur développement et leur épanouissement. Les Etats
qui ont ratifié la Convention reconnaissent les droits contenus dans le
document qu'ils acceptent de respecter et s'engagent à les faire
connaître.
Sur le plan Continental, l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA) a adopté en juillet 1990 à Addis - Abeba
(Ethiopie) la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. En
1992, les pays de l'OUA ont tenu à Dakar une conférence
internationale sur l'assistance aux enfants africains. Il s'en est
dégagé un consensus dit « consensus de Dakar » sur
l'urgence impérative d'améliorer les conditions de vie des
enfants africains. L'Organisation de l'Unité Africaine a aussi
consacré le 16 juin comme « journée de l'enfant africain
». Elle est célébrée chaque année dans tous
les pays africains (Yèlba P., 2008).
Sur le plan national, la République Démocratique
du Congo a signé la Convention relative aux droits de l'enfant en
Novembre 1989 et elle a ratifié la charte africaine en Juillet 1999.
Depuis l'entrée en vigueur de la convention relative aux droits de
l'enfant, la République Démocratique du Congo a promulgué
la loi portant protection de l'enfant et le code de la famille. Cette loi et la
Constitution de la République tiennent compte des droits de l'enfant.
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Ainsi, pour protéger l'enfant, il est nécessaire
de commencer par s'assurer qu'il est enregistré à l'Etat civil et
qu'il possède un acte de naissance. Au-delà de la protection des
enfants, l'enregistrement systématique des naissances contribue
également à la réalisation des objectifs du
millénaire pour le développement (OMD) qui sont relatifs à
l'élimination de la pauvreté et de la faim (OMD 1), à
l'enseignement primaire universel (OMD 2), à la réduction de la
mortalité infantile (OMD 4). Le but fondamental du système
d'enregistrement des naissances est d'aider à identifier chaque individu
vivant sur un territoire national. Ainsi, lorsqu'il fonctionne convenablement,
comme le système d'Etat civil en général, il peut à
la fois servir les intérêts des individus et ceux de l'Etat voire
de son administration. (MIMCHE, H. & AGBEVIADE D., 2012). Dans
l'idéal, l'enregistrement des naissances doit faire partie d'un
système d'Etat civil efficace qui reconnaît l'existence d'une
personne devant la loi, établit les liens communautaires de l'enfant,
lui donnant tout droit sur un territoire géographique bien défini
et garde la trace des évènements principaux de la vie d'un
individu dès sa naissance à sa mort, en passant par son mariage
(MIMCHE, H. & AGBEVIADE D., 2012).
En Afrique de l'ouest et du centre, seulement un enfant sur
trois est enregistré à la naissance et trois nouveaux nés
sur dix en Afrique subsaharienne. En privant à ces enfants des documents
juridiques auxquels ils ont droit, on les prive de leur nom, de leur
identité et on hypothèque leur avenir de citoyen (THIOYE D.,
2005)
Selon les estimations de l'UNICEF, 41% des naissances
intervenues dans le monde en l'an 2000 n'ont pas été
enregistrées, sapant le droit de plus de 50 millions d'enfants à
une identité, un nom et une nationalité ; bref pour qui l'avenir
risque d'être compromis (Yèlba P., 2008).
Il faut souligner que les données quantitatives
disponibles concernant les enfants non enregistrés à
l'état civil ne sont pas exhaustives. Beaucoup d'enfants naissent chaque
jour à domicile dans les zones difficilement accessibles ou
éloignées de l'administration. Pour susciter une dynamique de
prise de conscience autour de cette problématique, la session
extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies
consacrée aux enfants et tenue en mai 2002 avait recommandé aux
Etats membres de mettre en place des systèmes d'enregistrement de tous
les enfants à la naissance et de respecter le droit de chaque enfant
à un nom et à une nationalité
conformément à la CDE. De même, lors de la première
Conférence de l'Afrique de l'Ouest et du Centre sur l'enregistrement des
naissances qui s'est tenue à Dakar en 2004, les Etats participants,
parmi lesquels la République Démocratique du Congo, ont
décidé de faire de l'année 2005 l'année pour
l'enregistrement
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total et gratuit de tous les enfants âgés de 0
à 18 ans (MIMCHE H. & AGBEVIADE D., 2012).
Cependant, malgré la mise en place de mesures
encourageantes visant à rendre obligatoire la déclaration des
naissances et l'engagement de la société civile, nombreux sont
des enfants nés et vivant dans la Province du Sud-Kivu, et plus
particulièrement dans la ville de Bukavu, qui échappent à
l'enregistrement à l'Etat civil et parmi cela dont la naissance a
été déclarée nombreux parmi eux ne
détiennent pas d'acte de naissance à cause du dysfonctionnement
du service de l'Etat civil, de la négligence et/ou de l'ignorance des
parents.
Les données du rapport de l'Enquête
Démographique et de Santé indiquent qu'en République
Démocratique du Congo un enfant sur quatre (25 %), parmi les enfants de
moins de 5 ans a été enregistré et seulement 14 %
détiennent l'acte de naissance.
Au Sud-Kivu, Selon le même rapport, 24,7% d'enfants de
moins de 5 ans ont été enregistrés à l'Etat civil
parmi lesquels 16,3% ne détiennent pas l'acte de naissance. Quant au
rapport de l'Etat civil de la mairie de Bukavu, en 2014, le taux de couverture
de l'enregistrement des naissances a été de 34,9%. Le nombre
d'enfants qui seraient aujourd'hui privés d'une existence légale
et auraient besoin d'un jugement supplétif établissant leur
identité reste donc important. Par ailleurs, faute d'un enregistrement
systématique dans le délai requis, les nouvelles naissances
viennent encore grossir les effectifs des enfants non déclarés
à l'Etat civil.
Nous avons décidé de conduire cette
étude, en vue de mieux identifier et comprendre les barrières
à l'origine du non enregistrement des naissances à l'Etat civil
et du dysfonctionnement du système d'Etat civil Congolais en
matière de l'enregistrement des naissances.
Notre étude est focalisée sur la ville de Bukavu
chef-lieu de la Province du Sud-Kivu.
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