II.7.6. La Démographie de la Ville de Bukavu
De 1909 à 2009, sur une période de 100 ans, les
effectifs de la population urbaine de Bukavu sont passés de 114 à
668.033 habitants, soit près de 6.000 fois la population initiale.
Arithmétiquement, l'augmentation de cette population urbaine est de
l'ordre d'une moyenne de 668 nouveaux citadins par an durant ce centenaire. Ce
calcul a l'avantage de fournir à titre indicatif certaines valeurs-
repères de ce peuplement de la ville de Bukavu, mais ne peut traduire
fidèlement son déroulement dans le temps. La ville de Bukavu,
traditionnellement terre des pâturages verdoyants de la famille du Mwami
KABARE, va devenir progressivement habitat des colons belges et de la main
d'oeuvre autochtone à leur service. Au départ son peuplement est
lent et sera aussi soumis plus tard à un contrôle rigoureux de la
part de l'administration coloniale. Avant l'accession de notre pays à
l'indépendance, la stabilité démographique était
assurée par deux mécanismes régulateurs importants :
a) la planification démographique urbaine qui limitait
à 50.000 les habitants des centres extra-coutumiers (12.500 à
Kadutu , 12.500 à Bagira et 5.000 à Cyangugu au
Rwanda)-initialement appelées villes indigènes et de la commune
rurale de Kasha (20.000 habitants) ;
b) et le Service du Bureau des Passeports dont le rôle
était d'enregistrer et de contrôler les
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mouvements migratoires de la population à
l'intérieur de la ville et des milieux ruraux environnants vers elle
(exode rural). Au rythme actuel de 28.000 à 30.000 nouveaux citadins par
an, les récentes projections démographiques mettent entre 2020 et
2022 la période où la ville de Bukavu atteindra son premier
million d'habitants. Cela prendrait ainsi plus de 110 ans .Mais, il est
à retenir qu'il a fallu à cette population : 16 ans pour passer
de la centaine au millier ; 19 ans du millier à la dizaine de milliers ;
22 ans de la dizaine à la centaine de milliers ; et 40 ans pour franchir
la barre du demi-million d'âmes. On peut dire, sans risque de se tromper,
que la population urbaine de Bukavu, de 1909 à 2009, s'est
dédoublée tous les 7 à 8 ans et a connu une croissance
exponentielle (BIREMBANO, R, 2013)
II.7.7. Les Naissances et le Taux de natalité de la
population urbaine de Bukavu
La ville de Bukavu, au cours de ses quarante premières
années de création, a connu de très forts taux de
natalité dépassant excessivement la première
catégorie d'Etats au monde qui se situent à plus de 40 pour
mille. Cette période de surnatalité est surtout celle de
l'implantation dans la ville d'une nombreuse population autochtone en
provenance des milieux ruraux environnants en quête de l'emploi. Sans
transition et presqu'entièrement analphabète, elle a
quitté les villages périphériques pour s'installer en
ville. En réalité, cela a été vécu au
départ comme un simple changement de lieu, c'est-à-dire un
transfert du village à la ville avec tout son cachet culturel
(aménagement de l'espace, type d'habitat, place de l'enfant et du
mariage dans les relations sociales,...).L'administration coloniale belge a
laissé faire pendant ce temps car la ville était au début
de son peuplement mais concernait plus les centres extra-coutumiers, ou villes
indigènes, que la Ville européenne de laquelle a
été progressivement extirpée la population autochtone.
Mais à la longue ce mouvement des populations rurales vers la ville a
été soumis à un contrôle de l'administration
coloniale qui imposera un certain nombre de seuils d'habitabilité dans
sa planification urbaine. La période du laisser-faire est révolue
et l'autorisation de séjourner en ville est conditionnée par
l'obtention d'un emploi, conséquence logique de l'accès à
un certain niveau d'études, surtout primaires à l'époque,
pour pouvoir communiquer avec le patron blanc. Cela va naturellement favoriser
une sélection des catégories de personnes devant vivre en ville.
Les jeunes « instruits » et célibataires, dont certains en
provenance des autres provinces du Congo, vont constituer le gros de ces flux
de la population vers la ville. Ce premier changement socio-économique
aura comme retombées positives le désir général de
confort et de valorisation de l'enfant à qui on veut assurer une
promotion sociale .Par conséquent, contrairement au milieu rural , cela
va se traduire socialement par le relèvement de l'âge du
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mariage .C'est ainsi que depuis 1944 ces taux de
natalité n'ont que continuellement baissé jusqu'à
atteindre le niveau le plus bas en 1996 (03.4 pour mille).Nous pensons ,sans
qu'on ait jusqu'ici atteint le niveau des villes des pays
développés , que le planning familial tel que recommandé
par l'administration coloniale au départ , puis relayée
après l'indépendance du pays par des organisations
internationales spécialisées en matière de la population ,
a réalisé de bons scores dans le domaine des naissances
désirables que dans les villages. A voir le nombre de mariages
bénis annuellement dans la ville de Bukavu ,entre 1100 et 1300 couples
civilement et religieusement unis, on ne peut que rester sceptiques dans
l'optique de la réduction durable des naissances à Bukavu. Avec
près de 110 mariages par mois, 3 à 4 par jour, il ya lieu
d'être réservés si on n'arrive pas à
déterminer clairement les caractéristiques démographiques
de nouveaux mariés, surtout dans une population avec une forte
proportion des jeunes et des adultes (moins de 18 ans : 55,16% ; 18 à
60ans :43.22%). Bien qu'il y ait encore beaucoup à faire, les efforts
déployés pour la revalorisation du statut de la femme (nombreuses
associations féminines, organisation de la marche mondiale de la
femme,...), au-delà de simples questions de prise de conscience,
pourront en améliorer lesdits scores. Mais il ne faudrait pas qu'on s'en
réjouisse outre mesure en espérant ainsi s'aligner dans la
catégorie de villes aux populations suffisamment stabilisées qui
auraient résolu les grands problèmes de sa démographie
galopante et de son hypertrophie. Le problème de la ville de Bukavu est
ailleurs et exigerait des taux de natalité inférieurs à
ceux d'aujourd'hui pour espérer arrêter dans les vingt ans qui
viennent la sursaturation de son espace. Elle n'est pas la seule solution
à envisager mais devra se faire accompagner par d'autres comme la
création des métropoles d'équilibre dans les territoires
ou un projet de refonte urbaine. (BIREMBANO R, 2013).
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