2.3.2 Favoriser l'émergence d'un
véritable marché de l'hospitalisation privée
Dans la plupart des secteurs économiques, les multiples
problèmes que connaît le système de santé seraient
perçus comme autant d'opportunités pour des entrepreneurs
privés. Cependant, comme les soins hospitaliers et médicaux
jugés « essentiels » sont monopolisés par l'État
au Québec, ces entrepreneurs sont par définition exclus d'une
bonne partie du secteur de la santé (Labrie, 2014).
Même dans les domaines où la prestation de soins
par le secteur privé est permise, il existe encore bon nombre
d'obstacles aux élans de ceux qui ont de bonnes idées et qui sont
désireux de se lancer en affaires.
Dans les comparaisons entre le secteur public et le secteur
privé, on entend souvent le stéréotype voulant que le
secteur privé ait des patients moins « difficiles ». La
perception voudrait que les hôpitaux privés se trouvent uniquement
dans des milieux urbains ayant une forte densité de population et un
pouvoir d'achat supérieur à la moyenne. Les données
allemandes montrent que ce n'est pas le cas. Les entreprises privées
à but lucratif semblent avoir développé les solutions les
plus appropriées aux régions rurales, où seuls les projets
de petits hôpitaux (moins de 200 lits) sont réalisables et
où un fonctionnement et une affectation des ressources efficaces sont
cruciaux afin de prodiguer les soins requis par la population locale (Labrie,
2014).
[21]
L'accès à du capital supplémentaire sur
les marchés privés met les hôpitaux à but lucratif
dans une meilleure position quand vient le temps de réaliser des
investissements requis, particulièrement ceux qui réduisent les
coûts de fonctionnement (par exemple, en favorisant les économies
d'énergie). C'est dans les hôpitaux privés à but
lucratif que l'on retrouve les investissements les plus élevés en
fonction du nombre de cas (64 % de plus que dans les hôpitaux publics).
Ces investissements leur donnent la possibilité d'offrir les traitements
les plus récents et de se procurer de l'équipement médical
à la fine pointe.
? Arrivée dans le secteur hospitalier de
cliniques privées, les autres hôpitaux ont amélioré
leur efficacité par le biais de l'augmentation de la
concurrence
Dans le sens rigoureux, les hôpitaux privés se
concentrent également sur la mission centrale de leur entreprise :
soigner les patients. Par conséquent, des activités secondaires
comme l'administration des services de restauration et d'approvisionnement ou
la gestion des locaux sont souvent confiées à d'autres
entreprises qui détiennent ces champs d'expertise. À l'inverse,
les hôpitaux publics ont tendance à conserver la gestion de
plusieurs services secondaires, ce qui hausse leurs coûts de
fonctionnement et nuit à la poursuite de leur mission première
(Labrie, 2014).
Il existe certaines inquiétudes à l'égard
du secteur privé qui, lorsqu'on y réfléchit, ne sont pas
justifiées. Par exemple, des critiques à l'ouverture au
privé font souvent valoir que les pathologies les moins coûteuses
soient prises en charge par les hôpitaux privés à but
lucratif et que les cas difficiles et risqués seraient laissés
aux hôpitaux publics.
Or, dans un contexte de concurrence et de transparence
où les établissements sont rémunérés en
fonction de la gravité des cas et de la complexité des
pathologies, cette situation ne risque pas de survenir, comme nous le montrent
les expériences étrangères. Rejeter les cas lourds ne
peut
[22]
que nuire à la réputation d'une clinique et lui
faire perdre des clients potentiels, et donc, de précieux revenus.
Évidemment, dans un contexte marqué par la
présence d'hôpitaux privés de petite taille uniquement, les
hôpitaux publics (universitaires, en particulier) demeurent souvent les
endroits les mieux adaptés pour traiter les cas d'une plus grande
complexité étant donné les équipements et les
installations d'envergure que cela requiert. Néanmoins, comme l'ont
montré les économistes Kessler et Geppert de l'Université
Stanford, il ne s'ensuit pas forcément une baisse d'efficacité ni
une dégradation de la qualité des services de santé
(Labrie, 2014).
Au contraire, la spécialisation est plutôt
susceptible de permettre une meilleure affectation des patients entre les
différents types d'établissements en fonction des avantages
comparatifs de chacun. Ces centres développent ainsi une expertise qui
mène à une amélioration de la qualité des soins
prodigués aux patients, comme le confirment de nombreuses études
(Labrie, 2014).
On observe actuellement que, l'arrivée dans le secteur
hospitalier de cliniques privées spécialisées pousse
généralement les autres hôpitaux à améliorer
leur efficacité par le biais de l'augmentation de la concurrence. Cela
se traduit par une augmentation de la productivité dans l'ensemble des
établissements du réseau, et plus de patients parviennent ainsi
à recevoir leurs soins en temps opportun.
Enfin, certains s'opposent à une plus grande
participation du secteur privé en affirmant que cela drainerait de
précieuses ressources médicales du secteur public,
entraînant du même coup une détérioration de la
qualité des services. Cet argument est contestable à plus d'un
titre. D'abord, on peut raisonnablement penser que des médecins
compétents et ambitieux voudront toujours traiter des cas plus
complexes, ne serait-ce que pour obtenir la reconnaissance des pairs, sinon une
certaine notoriété. Ensuite, en
[23]
contribuant à hausser la productivité du secteur
hospitalier comme on vient de le voir, les hôpitaux et les cliniques
privés sont au contraire susceptibles de libérer des ressources
médicales pour traiter davantage de patients dans le secteur public
(Labrie, 2014).
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