UNIVERSITE D'ETAT D'HAITI
Faculté de Droit et des Sciences
Economiques
Port-au-Prince, Haïti
« Les sociétés
anonymes dans la législation
haïtienne : entre favoritisme et
rigorisme. II
Mémoire présenté et soutenu
publiquement par :
Maniela SEJOUR
Pour l'obtention du grade de licenciée en
Droit
Promotion 2007-2011
Sous la direction de :
M. le Professeur Charles Vorbe
Février 2012
A mes parents Marie-Lourdes et Asnel,
A mes frères et soeurs Cassandra, Amoroso, Alexander,
Izmaella et Lens,
A Ralph.
REMERCIEMENTS
Je ne pourrais songer à entamer mes remerciements sans
que mon Dieu, JEHOVAH n'y figure en premier plan. Il a
toujours été un Bienfaiteur pour moi dès ma conception
jusqu'à aujourd'hui, me protégeant et me bénissant
à chaque étape de ma vie. Merci mon Dieu de m'accompagner dans
tous mes projets et dans toutes mes entreprises. Et merci à ton fils,
Jésus mon guide et mon refuge dans tous les sentiers de
l'existence.
Je dis un grand merci à mes parents Asnel
SEJOUR et Marie-Lourdes CADET qui ont toujours été pour
moi un modèle de courage, une source intarissable de sagesse et
d'humilité. Ils ont su me combler de leur amour et ont fait de moi ce
que je suis aujourd'hui. Mes remerciements s'étendent à toute
ma famille qui a insufflé en moi l'esprit
d'équipe et le sens de la communauté.
Je remercie particulièrement Ralph JOSEPH
THOMASSAINT pour sa collaboration. Il est un conseiller sûr, un
ami sincère et un collègue exemplaire. Sa confiance en mes
capacités, son dévouement à mes causes et son support
inconditionnel font de moi une personne épanouie et accomplie. Plus
encore, son soutien intellectuel m'a permis d'exceller dans mes études
et m'a facilité dans ce travail. Merci Ralph.
Mes remerciements les plus nourris vont à mon
amie Esther Aslhey ELIACIN, à ses parents Mr et Mme
Gérard Eliacin et à toute sa famille. A
elle, pour être cette superbe amie dont j'ai tant besoin :
dévouée, fidèle, sincère, généreuse
et aimante. A ses parents pour leur soutien désintéressé
et pour me rappeler sans cesse le sens des vraies valeurs. A toute sa famille
pour sa bonté et sa magnanimité.
Le Professeur Charles M. Vorbe mérite
tous mes remerciements et toute mon admiration pour son implication dans la vie
universitaire, son soutien pour ce travail et sa
générosité intellectuelle. Ses conseils judicieux et son
orientation tout au long de ce mémoire m'ont été
grandement utiles. Merci Professeur pour votre grandeur d'âme.
Je remercie le staff Gran B, le Groupe Innovation
développement (G.I.D), tous mes amis sans restrictions et
tous ceux qui m'ont aidé d'une manière ou d'une
autre. Enfin je me remercie pour être une personne
fidèle à ses valeurs, à ses croyances et à ses
objectifs.
II
AVANT-PROPOS
Ce travail n'est pas réalisé dans l'unique but
de satisfaire une exigence académique. Il est le résultat d'un
grand intérêt pour l'environnement des affaires, leur cadre
légal ou leur régime juridique. En ce temps où l'on se
questionne de plus en plus sur le développement, la reconstruction et
les investissements en Haïti, notre recherche s'est naturellement
porté sur cette question d'intérêt général
qui se révèle être en même temps notre
préoccupation .
Il concerne principalement trois secteurs, disons mieux trois
acteurs. Les acteurs étatiques parce que l'Etat a le monopole de la
législation, seul le Parlement peut légiférer. Les acteurs
économiques pour être les objets de la législation en
question et les principaux concernés par elle. La société
en général pour être celle qui va bénéficier
des retombées positives d'une économie bien encadrée par
le droit positif.
Ce travail répond à plusieurs objectifs. En
premier lieu, celui de répondre à une exigence académique.
Pour l'obtention du grade de licenciée en Droit, ce travail
s'avère indispensable.
Mais l'objectif général de cette recherche est
de démontrer la nécessité de la mise en place d'une
législation univoque sur les sociétés anonymes. Il
s'accompagne de plusieurs autres dont celui d'encourager la cohérence
dans les politiques et les lois en vigueur sur les sociétés
anonymes. De plus, on veut montrer que le régime juridique des
sociétés anonymes mérite d'être modernisée et
souligner la nécessité de compléter et de renforcer cette
législation.
Enfin, ce travail veut encourager tous ceux, juristes ou non,
qui luttent pour le triomphe d'un Droit en adéquation avec notre
réalité économique, sociale et politique. Notre plus grand
souhait est que le résultat de nos recherches apporte sa modeste
contribution dans l'amélioration de la situation légale du
secteur des affaires, donc dans le développement économique
d'Haïti.
III
SOMMAIRE
Première Partie :
Considérations sur les sociétés anonymes en
Haïti
Notions générales sur les sociétés
anonymes
Chapitre I : La constitution des sociétés
anonymes dans la législation haïtienne
Section I : Les conditions de constitution
Section II : Les procédures de constitution
Section III : Sanctions pour irrégularités de
constitution
Chapitre II : La vie des sociétés anonymes au
regard du droit positif haïtien
Section I : Organisation des sociétés
anonymes
Section II : Fonctionnement des sociétés
anonymes
Section III : Dissolution des sociétés
anonymes
Deuxième Partie : Le régime
juridique particulier des sociétés anonymes
Chapitre III : Les droits des sociétés anonymes
à découvert
Section I : Les droits extrapatrimoniaux
Section II : Les droits patrimoniaux, des privilèges
exorbitants
Section III : L'intérêt de l'octroi des faveurs
spéciales légales
*Chapitre IV : Les obligations fiscales des
sociétés anonymes
Section I : L'égalité devant l'impôt, un
principe discuté
Section II : De la question de la double imposition
Section III : Impacts de ce rigorisme fiscal
iv
LISTE DES ABREVIATIONS
AAN : Autorité Aéroportuaire Nationale
AGD : Administration Générale des Douanes
APN : Autorité Portuaire Nationale
BNC : Banque Nationale de Crédit
BNRH : Banque Nationale de la République d'Haiti
BRH : Banque de la République d'Haïti
CCAH : Chambre de Conciliation et d'Arbitrage d'Haïti
CCIH : Chambre de Commerce et d'Industrie d'Haïti
CFI : Centre de Facilitation des Investissements
CIP : Carte d'Identité Professionnelle
DDHC : Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
DGI : Direction Générale des Impôts.
IRI : Impôt sur le Revenu Individuel
IS : Impôt sur les Sociétés
MAEC : Ministère des Affaires Etrangères et des
Cultes
MCI : Ministère du Commerce et de l'Industrie
MEF : Ministère de l'Economie et des Finances
MJSP : Ministère de la Justice et de la
Sécurité Publique
PDG : Président-Directeur Général
SA : Société Anonyme
TPI : Tribunal de Première Instance
1
INTRODUCTION
La législation s'entend d'un ensemble des normes
juridiques dans un pays ou dans un domaine déterminé. Elle est
constituée de lois et d'autres règles à caractère
obligatoire. C'est le droit positif qui prévoit et régit les
activités dans un Etat donné et/ou dans un domaine
spécifique1.
Le droit positif Haïtien est composé des
règles de la constitution en vigueur, des lois, des décrets-lois,
des décrets et d'autres règlements administratifs. A l'instar de
ces normes proprement internes il y a les accords, traités, et
conventions internationaux signés et ratifiés par Haïti.
Selon l'article 276.2 de la Constitution du 29 Mars 1987, les traités,
ou accords internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans
les formes prévues par la constitution, font partie de la
législation du pays et abrogent toutes les lois qui leur sont
contraires. Par ailleurs, grâce à l'influence du droit anglo-saxon
sur le droit romano-germanique, la jurisprudence tient une place de plus en
plus importante dans la législation. La règle de droit
édictée par le législateur est théorique tant
qu'elle n'est pas appliquée par le juge. Il revient à ce dernier
d'interpréter et de compléter les manquements de la loi dans ses
jugements. Ainsi, les arrêts de la Cour de Cassation peuvent servir de
précédents et même d'arguments pour des jugements
ultérieurs. C'est ainsi qu'on arrive à parler de droit
jurisprudentiel. D'où l'inclusion de la jurisprudence dans le droit
positif.
La législation haïtienne fait autorité sur
toute l'étendue du territoire car la loi est générale et
impersonnelle. Elle est de ce fait opposable à toute personne, physique
ou morale, sujet de droit haïtien ayant son domicile en Haïti. Il
faut souligner que pour les personnes morales, certaines conditions
légales doivent être remplies pour qu'elles acquièrent la
personnalité juridique et devenir des sujets de droit.
Avant le 20e siècle, seules les personnes
physiques faisaient véritablement objet de la législation. Elles
payaient l'impôt sur le revenu individuel (IRI) et jouissaient des
prérogatives du droit subjectif. Avec le développement du secteur
économique et financier au 20e siècle, l'impôt
sur les sociétés (IS) a été créé
à l'intention des sociétés commerciales aux Etats-Unis,
puis dans d'autres pays2. Bien sur, les privilèges qui vont
avec n'ont pas manqué de surgir. Avec la
1 - REY-DEBOVE, Josette (sous la direction de) : Le Robert
Méthodique, édition Le Robert, Paris, 1990. 2-
TROTABAS, Louis et COTTERET, Jean-Marie : Droit Fiscal,
8e édition Dalloz, Paris, page 8.
2
survenue de la loi fiscale, la législation venait
à s'occuper des personnes physiques et des personnes morales en ce qui a
trait à leurs droits et à leurs obligations. Haïti n'a pas
trainé le pas. Dès lors, le droit haïtien s'est
imposé aux simples citoyens comme aux sociétés
commerciales et leurs accorde à tous les deux des privilèges.
En Haïti, la loi prévoit deux types de
sociétés commerciales :
1- Les sociétés de personnes :
sociétés en nom collectif et sociétés en commandite
simple. (Article 40 du code de commerce).
2- Les sociétés de capitaux :
sociétés anonymes et sociétés en commandite par
actions. (Article 41 du code de commerce).
En ce qui a trait aux sociétés par actions,
seules les sociétés anonymes ont une existence réelle
selon les prescrits de l'article 20 du code de commerce. Les
sociétés de personnes sont dites transparentes et celles de
capitaux, opaques. Elles ne bénéficient pas du même
régime fiscal, ni des mêmes privilèges. Elles sont
régies différemment car selon la doctrine, les enjeux et les
intérêts ne sont pas forcément similaires.
Les faveurs accordées aux sociétés
anonymes concernent les droits et privilèges exorbitants de
fonctionnement dont ces sociétés jouissent. Elles sont seules
à jouir des prérogatives des droits subjectifs pour les personnes
morales. Elles jouissent du droit de propriété dans toutes ses
dimensions, avec quelques nuances pour les sociétés anonymes
étrangères établies en Haïti ou y ayant une
succursale ou une filiale. Plusieurs auteurs sont d'avis qu'elles sont le mode
d'organisation qui a le plus accès aux faveurs spéciales de la
loi. Elles ont également des spécificités exclusivement
attribuables à elles sur tous les aspects considérés, de
la constitution à la dissolution.
Paradoxalement, il y a un rigorisme dans le régime
fiscal haïtien quant aux sociétés anonymes. Elles sont les
grandes perdantes du fisc par rapport aux autres types de
sociétés. L'un des grands principes du droit fiscal est
l'égalité devant l'impôt. C'est un principe
constitutionnel1. Suivant ce principe, il n'y a pas de
discrimination devant le fisc. Or, les sociétés anonymes sont
désavantagées par rapport aux sociétés de
personnes. Tant les sociétés anonymes ont des
1 - Article 219 de la Constitution du 29 Mars 1987.
3
avantages, surtout dans le cadre des droits patrimoniaux, tant
elles subissent l'inégalité devant l'administration fiscale. Et
cette discrimination devant l'administration fiscale se situe à un
double niveau. En premier lieu, il y a une disparité entre l'impôt
sur le revenu individuel, et l'impôt sur les sociétés. Les
sociétés de personnes sont soumises à l'impôt sur le
revenu individuel, car elles sont considérées transparentes.
Celles de capitaux, sont assujetties à l'impôt sur les
sociétés. Deuxièmement, il y a la question de la double
imposition économique. La société anonyme est
imposée, et chaque actionnaire est distinctement imposé sur ses
revenus provenant de toutes les sources, dont les fameux
bénéfices industriels et commerciaux de la société
dont il est actionnaire.
Ces rigueurs sur l'imposition de la société
anonyme méritent l'attention dans la mesure où elles mettent en
évidence le système de deux poids deux mesures qui existe dans
leur régime juridique. Plus subtil encore, ce système donne
à la fois des faveurs et met des exigences dans tout ce qui a un rapport
à la société anonyme. De leur constitution à leur
dissolution, la loi fixe des conditions irritantes et éreintantes qui
pourraient décourager les plus convaincus, simultanément, il y a
des avantages qui leur sont exclusivement accordées. Les
procédures de constitution sont lourdes et les règles et
conditions de la vie sociale d'une société anonyme ne sont pas
des plus souples. Mais là aussi, il y a des privilèges de
fonctionnement. Les droits et les obligations sont assujettis à des
règles souples, et à des règles rigides.
Cette dichotomie législative interpelle les forces
vives de la nation. En effet, on s'interroge de plus en plus sur la pertinence
de certains prescrits légaux ou encore, de leur justesse. Les
procédures de constitution, les règles de fonctionnement,
l'imposition, rien n'échappe à la remise en question. On n'est
pas encore arrivé à contester la jouissance des
prérogatives spéciales, mais le débat fait rage sur les
rigueurs contraignantes et le déphasage entre les deux. Une fois de
plus, on se posera la question : « Que gagne l'Etat à appliquer un
régime juridique à double tendance sur les sociétés
anonymes?» Et une fois de plus, la question des sociétés
anonymes sera discutée.
Les actionnaires des sociétés anonymes, ceux
à qui elles profitent, et tous ceux qui ont un intérêt
généralement quelconque dans leur essor s'opposent avec force au
rigorisme imposé aux S.A. Ces partisans ont des arguments assez
convaincants pour qu'on élimine le gros des charges fiscales et autres
obstacles à l'épanouissement de leurs sociétés sans
pour autant renoncer aux intéressants privilèges qui leur sont
accordés. Ils soutiennent le principe de l'égalité
devant
4
l'impôt et le fait qu'on doit faciliter les
investissements en assouplissant les procédures trop
sévères. Ne doit-on pas alléger les procédures ? La
facilitation des investissements peut-elle se réaliser quand les
contraintes sont aussi nombreuses pour constituer et faire fonctionner une S.A
? Que fait-on de l'égalité devant le fisc ? Pourquoi veut-on
discriminer les S.A par le particularisme du régime juridique qui les
cadre ? Et d'ailleurs pense-t-on que les S.A sont si particuliers qu'il leur
faut un régime spécial tout en avantages et en obstacles, surtout
en obstacles ? Est-ce le moment, en ces temps de compétition
internationale sans pitié de restreindre l'accès aux
investissements ? Les contraintes imposées aux S.A n'avantagent en rien
le pays, pensent-ils.
Il se trouve cependant que les législateurs,
administrateurs et autres acteurs du fisc ou du gouvernement, ont
également des arguments de taille. Aujourd'hui on reconnait les vertus
de certaines rigueurs qui découragent les fraudeurs et ceux qui veulent
bénéficier de tous les avantages sans jamais avoir à
respecter leurs obligations. C'est tout à fait légitime
d'octroyer des faveurs aux S.A., car, elles jouent un grand rôle dans la
vie financière et économique du pays, mais elles doivent remplir
toutes les exigences légales que requière leur statut.
Qu'entend-on par discrimination ? Les S.A. ne doivent-elles pas contribuer plus
grandement de par l'importance et le volume de leurs activités ? Ne
doit-on pas mettre des barrières dans les procédures pour
éviter la prolifération de petites affaires douteuses qui ne
veulent que profiter des faveurs spéciales de la loi pour les S.A. ?
Pourquoi ne se plaint-on pas des privilèges sans précédant
qui leur sont donnés ? Ne peut-on pas comprendre que les lois tiennent
en général compte des réalités de l'objet sur
lequel elles portent ?
Il est à parier que la discussion sera vive sur la
spécificité du régime juridique des sociétés
anonymes. Et comme on peut le constater, répondre à la question
« Pourquoi cette dualité de la législation
haïtienne sur les sociétés anonymes ?
» est loin d'être une tache facile.
Les sociétés anonymes qui peuvent être
proprement commerciales (celles dont l'objet est le commerce), industrielles,
financières ou de service sont considérées comme le coeur
des principales activités économiques réalisées en
Haïti. Elles sont doublement importantes pour ce secteur
d'activités. Uno, elles engendrent la création d'emplois directs
et indirects. Secundo, elles fournissent des prestations fiscales. Ce qui, bien
entendu, favorise la redistribution des richesses en termes d'érection
de structures sociales et d'infrastructures destinées à l'usage
de tous. De ce fait, ces sociétés participent activement au
circuit économique et aident à
5
l'établissement de structures de base grâce
à leur quota dans les finances et le trésor publics. Et on n'est
pas sans savoir l'importance capitale de l'économie pour le
développement d'un pays.
Cependant, nonobstant notre intérêt pour cet
aspect de la question, ce n'est pas seulement les enjeux et perspectives
économiques qui ont nourri notre préoccupation. C'est
plutôt le cadre légal qui les contient qui a le plus
suscité notre intérêt. Quand une partie de la
législation présente de sérieux avantages pour les S.A,
l'autre partie les défavorise. C'est ce traitement spécifique
-(qu'il consiste en faveurs ou en rigueurs) qui accompagne la constitution,
régit le fonctionnement, détermine les droits, et fixe les
obligations- des sociétés anonymes par la législation
haïtienne qui nous intéresse dans ce travail de recherche. Notre
étude portera sur ce double aspect de la question, ou du moins, ce
régime particulier de favoritisme et de rigorisme dans la constitution,
la vie sociale, les droits et les obligations des S.A.
On croit que la législation singulière
attribuée aux sociétés anonymes est due à leurs
caractéristiques typiques. Nos recherches vont confirmer ou infirmer la
véracité d'une telle hypothèse. Mais peut importe, on veut
dans ce travail démontrer la nécessité de la mise en place
d'une législation univoque et modernisée sur les
sociétés anonymes. Pour ce faire, on utilisera
simultanément les méthodes historique, analytique,
exégétique, comparative et quantitative dans les quatre chapitres
qui le constituent. Le premier chapitre présentera la constitution, le
deuxième abordera la vie sociale, le troisième parlera des droits
et le quatrième étalera les obligations fiscales des
sociétés anonymes. Puisse ce travail porter sa contribution dans
l'incitation au changement en Haïti !
6
PREMIERE PARTIE : CONSIDERATIONS SUR LES SOCIETES
ANONYMES EN HAÏTI.
Les sociétés anonymes en Haïti font l'objet
de considérations spéciales. Elles sont prises en charge par une
législation particulière de la constitution à la
dissolution. Les conditions et procédures de constitution sont
limitativement et rigoureusement fixées par le législateur. La
vie sociale et le fonctionnement sont également encadrés par les
lois en vigueur. Rien n'est laissé à l'interprétation,
rien n'est laissé au hasard. Etant donné que la
société anonyme est une structure adaptée à tout
type d'entreprise, elle est soumise à de très nombreuses
exigences et barrières, mais aussi et surtout, à de grands
privilèges. Malgré toute cette précaution, il subsiste
encore des failles et des vides en ce qui a trait à la vie
économique et sociale de la société anonyme. Des manques
qui doivent impérativement être comblés pour des
sociétés anonymes mieux réglementées. Et la
modernisation des procédures de constitution ne peut plus attendre.
Dans cette partie sera étudié tout ce qui a un
rapport direct avec la constitution et la vie fonctionnelle des
sociétés anonymes dans le droit positif haïtien.
2- VIDAL, Dominique : Droit des
sociétés, édition L.G.D.J., Paris, 1993,
page 357.
7
Notions générales sur les
sociétés anonymes
Les sociétés anonymes sont l'une des structures
juridiques d'organisation d'une entreprise. Ce sont des personnes morales de
droit privé titulaires de droits et d'obligations. Elles sont l'une des
typologies des sociétés commerciales les plus
hiérarchisés. Puisqu'elles constituent le principal objet de
notre étude, on a jugé opportun d'en brosser une vue globale qui
contiendra les définitions, les caractéristiques, les
classifications, les titres émis, l'historique, le rôle
économique et financier.
Définitions
Pour Raymond GUILIEN1, une société
anonyme est une société commerciale dont le capital social est
constitué, par voie de souscription d'actions et dont les
associés ne sont responsables du paiement des dettes sociales
qu'à concurrence de leurs apports. C'est une société par
actions et une société de capitaux. Pour Dominique
VIDAL2, elle est une société dont le capital est
divisé en actions et qui est constitué entre les associés
qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. C'est la
société de capitaux par excellence, celle qui ne comporte que des
actionnaires.
La société anonyme n'est pas nommément
définie dans la législation haïtienne. Néanmoins,
l'article 1601 du code civil donne une définition
générique des sociétés commerciales qui peut
s'appliquer aux sociétés anonymes. Il stipule que « la
société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes
conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le
bénéfice qui pourra en résulter ».
Caractéristiques
Les auteurs s'entendent quand il s'agit des
caractéristiques des sociétés anonymes. Afin d'approcher
l'exhaustivité, on a reproduit deux approches.
1- GUILIEN, Raymond : Lexique des termes
Juridiques, 17e édition Dalloz, Paris 2010, page 488
.
2 - LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/
Sociétés commerciales (Mémento Pratique),
édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 379.
8
La société anonyme présente plusieurs
particularités selon Maurice COZIAN et Alain VIANDIER.1
- C'est une société à risque
limité : les actionnaires ne supportent les pertes sociales
qu'à concurrence de leur mise.
- C'est une société de capitaux : le
capital apporté comptant plus que la personne de celui qui l'apporte.
Elle n'est pas intuitu personae, elle est intuitu pecunie, l'actionnaire
s'effaçant derrière l'action.
- C'est une société
hiérarchisée : où chaque organe dispose de pouvoirs
propres et dont le caractère institutionnel est marqué.
- C'est une société commerciale par la forme
: la nature de l'activité, fut-elle civile, étant sans
influence sur la qualification commerciale de la société.
- C'est une société par actions : elle
émet des valeurs mobilières, lesquelles puisque fongibles, sont
susceptibles, d'être cotées en bourse.
Pour Francis LEFEBVRE2, les caractéristiques
les plus spécifiques des sociétés anonymes sont
les suivantes :
- La société anonyme est toujours commerciale
quelque soit sont objet
- C'est le type même de la société de
capitaux
- Son capital est divisé en actions librement cessibles et
négociables
- Les actionnaires ne sont pas commerçants et pas
nécessairement majeurs
- Leur responsabilité est limitée au montant de
leurs apports
Classifications
La loi distingue les sociétés anonymes en
fonction de leur nationalité et de la provenance des capitaux. Au moment
de leur constitution, les sociétés anonymes sont également
distinguées,
1-COZIAN, Maurice et VIANDIER, Alain : Droit des
Sociétés, 8eme édition, Litec, Paris,
1995, page 218.
1- RIPERT, Georges et ROBLOT, René :
Traité de droit commercial, Tome I, 14eme
édition L.G.D.J., Paris, 1991, page 818 et 852.
9
dépendamment du type de constitution envisagé.
En raison de leur nationalité, les sociétés anonymes sont
classées en :
- Sociétés anonymes haïtiennes :
Sont réputées telles lorsqu'elles sont créées en
Haïti, suivant la loi haïtienne et partant avec un conseil
d'administration composée de trois membres dont l'un au moins est
nécessairement haïtien en vertu de l'article 3 de la loi du 03
Août 1955. Elles sont constituées en Haïti,
conformément aux lois haïtiennes et ont leur siège social en
Haïti (art. 7 loi du 16 juin 1975)
- Sociétés anonymes
étrangères : Elles sont créées en terre
étrangère, selon des lois étrangères et ayant leur
siège social à l'étranger. Ou, toute société
anonyme constituée en Haïti en vertu des lois haïtiennes sera
considérée comme une société
étrangère, si elle part avec un conseil d'administration de trois
personnes dont aucun n'est Haïtien. (art.3 de la loi du 3 Août
1955).
Une autre classification s'opère en vertu de la provenance
des fonds de la société anonyme.
- Sociétés anonymes de capitaux
privés : Ce sont des sociétés anonymes ordinaires
prévues et régies par la législation haïtienne. Elles
sont entièrement financées par des capitaux du secteur
privé des affaires.
- Sociétés anonymes mixtes : Ce sont des
sociétés anonymes dans lesquelles l'Etat ou la commune
participent en qualité d'actionnaires. Ce sont par conséquent des
sociétés à capitaux mixtes (publics et privés) qui
sont régies par une loi spéciale, celle du 16 Septembre 1963.
Sur le plan des procédures de constitution, la loi
distingue encore deux types de sociétés anonymes.1
- Sociétés anonymes constituées avec
appel public à l'épargne : Elles sont soumises à une
réglementation plus complexe dans leur phase constitutive. Ce sont
celles qui n'ont pas soumis l'intégralité du capital social au
moment de la souscription. Elles sont peu courantes en Haïti. Ces types de
sociétés ont une constitution successive.
10
- Sociétés anonymes constituées sans
appel public à l'épargne : Elles sont celles qui souscrivent
l'intégralité de leur capital social au moment de la souscription
d'actions. Du coup, les procédures sont allégées, et elles
ne remplissent que peu de formalités administratives pour leur
constitution. Elles ont une constitution simultanée. Ce sont celles qui
se remarquent le plus en Haïti.
Emission de titres
Les sociétés anonymes émettent des
titres. Les titres émis sont des valeurs mobilières1.
Ces dernières sont les actions et les obligations. C'est un ensemble de
titres de même nature, cotés en bourse, ou susceptibles de
l'être. La plus importante des valeurs mobilières est l'action,
puisqu'une société anonyme ne peut pas se constituer sans
actions. Les obligations, sont la 2e catégorie de valeurs
mobilières.
- Actions : Ce sont les droits de l'associé dans une
société anonyme. Elles désignent également les
titres négociables qui représentent ces droits. Elles ont une
valeur nominale qui représente le quote-part du capital social.
- Obligations : Ce sont les titres négociables
constatant toute créance à long terme sur une
société. Elles confèrent à leurs titulaires, les
obligataires, les mêmes droits de créance pour une même
valeur nominale.
Les valeurs mobilières sont généralement
considérées comme des instruments financiers utilisés par
les sociétés par actions.
Historique
L'histoire des sociétés anonymes est importante
pour comprendre leur fonctionnement dans le présent. Les fondements de
cette structure juridique de société commerciale ne sont pas
tombés du ciel et n'ont pas été conçus en un jour.
On va faire l'historicité des Sociétés Anonymes et de la
législation haïtienne en la matière.
1 - JAUFFRET, Alfred : Manuel de droit
commercial, 20eme édition L.G.D.J., Paris, 1991, page
218 et 228.
11
- Histoire des sociétés
anonymes
Les sociétés anonymes se rattachent dans le
temps au système économique capitaliste. On serait alors
tenté de dire que l'histoire du capitalisme peut expliquer celle des
sociétés anonymes. Cependant, on ne le fait pas parce qu'il y a
une nuance. L'avènement du capitalisme moderne est un
événement sans précédant dans l'histoire de
l'Humanité. Son émergence est le plus souvent liée aux
prémisses de la révolution industrielle au XVIIIe siècle.
Durant cette période, les formes de propriété
privée des moyens de production et de salariat se développent. Ce
système économique fondé sur la dichotomie entre
détenteurs des moyens de production et détenteurs de la force de
production suit encore son cours aujourd'hui. La société anonyme
remonte plus loin dans l'Histoire que le capitalisme moderne. Elle a ses
origines dans le système colonialiste mis en place par les
sociétés européennes.
Les sociétés anonymes sont des instruments qui
ont été conçus pour perfectionner le système de
domination et d'exploitation du colonialisme. Au XVIIe siècle, la
Hollande devient le nouveau centre de l'Economie-Monde selon Fernand Braudel.
Elle acquiert d'importants comptoirs en Inde et développe le commerce
des épices, du poivre en particulier. Elle s'établit au Japon et
commerce avec la Chine. Elle fonde la première Compagnie des Indes
Orientales. C'est la première grande société par action.
Sa durée est permanente (selon ses statuts) et la responsabilité
des associés est limitée aux apports. La Compagnie Hollandaise
des Indes Orientales émet sa première obligation en 1623. La
Compagnie Anglaise des Indes Orientales prend le relais et le modèle
inspire la création de compagnie du même type dans les industries
métallurgiques, textiles et de papier. La Hollande connait aussi la
première bulle spéculative de l'Histoire, c'est la «
tulipomanie ». En 1630, le prix des tulipes connait une forte
envolée, l'oignon atteignant parfois le prix d'une maison bourgeoise.
Lorsque celui-ci devint manifestement irrationnel, le premier krach de
l'Histoire se produisit. C'est la genèse des sociétés
anonymes.
La société anonyme a évolué depuis
le colonialisme. Le capitalisme moderne a récupéré cette
structure et a travaillé à sa perfection. Dès la
moitié du XIVe siècle, le développement de la
législation sur les sociétés anonymes (1856 au
Royaume-Uni, 1867 en France et 1870 en Prusse) donne au capitalisme le
caractère d'anonymat et d'irresponsabilité qui lui manquait
encore. Aujourd'hui, le monde pullule de sociétés anonymes. C'est
la forme la plus usitée des structures
12
commerciales. Elles facilitent l'appel public à
l'épargne, la mobilité des actions et la concentration du
capital.
- Evolution de la législation
haïtienne sur les sociétés anonymes
L'histoire de la législation haïtienne sur les
sociétés anonymes et celle qui s'en rapporte d'une manière
ou d'une autre a débuté au XXe siècle avec le
décret-loi du 22 Décembre 1944. Ce décret-loi qui a
modifié la loi du 27 Mars 1826 constitue le Code de Commerce
Haïtien dont les articles 30 à 38 portent sur les
sociétés anonymes. Cette partie sera abordée de
manière énumérative et chronologique. Elle comprendra les
lois, décrets-lois et décrets portés spécifiquement
sur la société anonyme et ceux qui ont une influence quelconque
sur sa constitution, son fonctionnement, ses droits ou ses obligations.
1- Décret-loi du 22 Décembre 1944 (Code de
Commerce).
2- Loi du 03 Août 1955 (modifiée par le
décret du 16 Octobre 1967) sur les Sociétés Anonymes.
3- Décret du 23 Août 1960 modifiant certaines
dispositions du Code de Commerce sur les Sociétés Anonymes
(articles 30-38).
4- Décret du 28 Août 1960 sur les
Sociétés Anonymes.
5- Loi du 16 Septembre 1963 sur les Sociétés
Anonymes Mixtes.
6- Décret du 16 Octobre 1967 sur les
Sociétés Anonymes.
7- Décret du 11 Novembre 1968 sur les
Sociétés Anonymes.
8- Loi du 16 Juin 1975 accordant le droit de
propriété aux Etrangers (pour les Sociétés Anonymes
Etrangères, modifié par la loi du 20 Septembre 1979).
9- Loi du 20 Septembre 1979, modifiant la loi du 16 Juin 1975
pour les Sociétés Anonymes Etrangères.
10- Décret du 10 Octobre 1979 relatif aux
formalités de constitution des Sociétés Anonymes
11- Décret du 08 Mars 1984 sur les
Sociétés Anonymes.
12- Décret du 29 Septembre 1986 relatif à
l'Impôt sur le Revenu (modifié par le décret du 27
septembre 1988 ; par la loi du 05 Février 1995 ; par le décret du
29 Septembre 2005).
13- Décret du 02 Juin 1995 relatif aux
formalités de constitution des Sociétés Anonymes.
14- Décret du 29 Septembre 2005 relatif a
l'Impôt sur le Revenu.
13
Rôle économique et financier
Georges Ripert a un jour écrit que « la
société anonyme est le plus merveilleux instrument du capitalisme
moderne ». Un autre après lui, soit le Professeur Champaud a
démontré de façon décisive « le pouvoir de
concentration de la société par action ».1 Pour
sa part, Yves GUYON2 a déclaré que «la
société anonyme est la plus perfectionnée, la plus
puissante mais aussi la plus complexe des personnes morales de droit
privé».
La société anonyme est la société
la plus utilisée dans le monde. Elle facilite l'appel public à
l'épargne, la mobilité des actions et la concentration du
capital. En général les entreprises des secteurs
stratégiques (banques, assurances et autres institutions
financières, les industries, les activités commerciales et le
secteur des services) prennent la forme de la société anonyme.
Cependant, de petits entrepreneurs aimant l'appellation de PDG ou voulant
« «se réunir en conseil » adoptent cette structure
juridique de sociétés commerciales. Et les entreprises moyennes
s'y adonnent également. Les sociétés anonymes concentrent
une grande partie du capital en circulation3.Elles sont
créatrices d'emplois, elles fournissent des biens de production et
libèrent de l'argent. Comme on va le voir tout au long de ce travail,
les sociétés anonymes jouent un rôle primordial dans
l'histoire économique et financière de toutes les
sociétés capitalistes modernes. Ce n'est pas sans raison qu'elles
sont considérées comme le plus merveilleux instrument du
capitalisme moderne.
Ces éléments théoriques sur la
société anonyme posés, on est habilité poursuivre
notre travail pour aboutir à notre objectif.
1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, page 254.
2- GUYON Yves : Droit des affaires, Tome
I, 8eme édition economica, Paris, 1994, page 263.
3- Direction Générale des Impôts (DGI :
Les 600 plus grandes entreprises d'Haïti.). Le
Nouvelliste en date du 07 et 08 Janvier 2012 (Week-end).
14
Chapitre I : La constitution des sociétés
anonymes dans la législation haïtienne.
Au seuil même des débats, il convient de parler
du début des sociétés anonymes. Elles naissent, se
construisent et sont régies dès ce moment là par le droit.
Des conditions de trois ordres sont là pour régir leur
constitution, les procédures sont rigoureusement tracées par le
législateur et deux types de sanctions sont prévus pour les
irrégularités. Dans ce chapitre, on verra les conditions de
constitution d'une Société Anonyme (section I), les
procédures de constitution (section II) et les sanctions pour
irrégularités de constitution (section III).
Section I : Les conditions de constitution
Pour se constituer, toute société est assujettie
à des conditions stipulées dans la loi ou consacrées par
la doctrine. Les sociétés commerciales ne font pas exception
à la règle. Elles font l'objet de conditions de droit commun,
à celles qui les concernent et à celles spécifiques
à chacune des typologies. Les sociétés anonymes doivent
obéir à trois types de conditions : celles de droit commun,
celles légales de naissance de toutes sociétés
commerciales et celles qui leur sont spécifiquement
attribuées.
A) Les conditions de fond de droit commun
La société anonyme étant un contrat avant
d'être une institution, elle obéit aux règles de droit
commun sur les contrats et conventions. Pour la validité de ces
derniers, la loi pose certaines conditions de fond et de forme. Les conditions
de fond sont des conditions essentielles. Elles sont prévues aux
articles 903 et suivants du code civil haïtien. Cet article dispose :
« Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une
convention.
1- Le consentement de la partie qui s'oblige.
2- La capacité de contracter.
3- Un objet certain qui forme la matière de
l'engagement.
4- Une cause licite dans l'obligation.
Même si la société anonyme
n'échappe pas à ces conditions, il faut noter certaines nuances
dans l'application qui amortit la rigueur du droit commun, surtout en ce qui a
trait au consentement et à la capacité des parties qui
s'obligent.
2- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/
Sociétés commerciales (Mémento Pratique),
édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 60.
15
1. Le consentement des associés
Le droit des obligations accorde une importance capitale au
consentement des parties qui s'obligent. De manière
générale le consentement s'exprime clairement et formellement par
discussion, ou par apposition des signatures. Le défaut de cette
condition est qualifié de vice de consentement, lequel peut consister en
une erreur, une manoeuvre dolosive (dol), ou une violence. Un contrat ne doit
pas être vicié sous peine de la sanction de nullité. Dans
le cas du contrat des sociétés anonymes, le consentement peut ne
pas être aussi explicite. Le consentement des associés
/actionnaires s'obtient par leur adhésion. Il s'exprime dans des
conditions qui rappellent les contrats d'adhésion. Il suffit que les
intéressés détiennent des actions pour adhérer au
contrat de société. Ils deviennent ainsi consentants et sont
liés au même niveau avec les mêmes conséquences que
les actionnaires fondateurs1.
2. La capacité des associés
Pour contracter, il faut être capable. Ce qui exclut
d'emblée les mineurs et les interdits judiciaires. En matière
civile, la condition de capacité est absolue. Les incapables doivent se
faire entendre par le canal de leur représentant légal. En
matière commerciale, elle est absolue et affecte la validité du
contrat pour les commerçants et les sociétés de personnes
car ces dernières sont constituées d'associés
réputés commerçants. Cependant, il y a une nuance. Pour le
contrat de société anonyme où les associés ne sont
pas commerçants quel que soit l'objet, l'incapacité est relative.
Le contrat de société anonyme peut se former entre des
associés capables et incapables, à condition que dans la forme,
le consentement ait été régulièrement donné
par la signature ou l'adhésion d'un représentant légal.
Aucune interdiction, aucune incapacité, aucune incompatibilité ne
limitent l'accès aux sociétés anonymes2.
1 - Le Professeur Gélin I. COLLOT : Notes de cours de
Droit des Sociétés Commerciales.
16
3. La certitude de l'objet de la
société
Le défaut ou l'incertitude d'objet amène la
nullité de tout contrat. Le contrat de la société anonyme
reste dans cette même perspective, sans réserve, ni restriction.
Au contraire, la valeur de l'objet se renforce par sa mise en évidence
dans le contrat par son rôle déterminant dans l'exploitation et le
fonctionnement de la société1. Sur le plan fiscal,
l'objet social est important pour la catégorisation de la
société et le tarif d'imposition. Dans les sociétés
anonymes, l'objet permet de déterminer le montant minimal du capital
social. L'article 1er du décret du 11 Novembre 1968 modifiant
celle du 28 Aout 1960 sur les sociétés anonymes fixe le montant
minimal du capital social des sociétés anonymes à vingt
cinq mille (25 000) gourdes si leur objet se limite à des
opérations commerciales et cent mille (100 000) gourdes si elles ont
pour objet l'exploitation industrielle ou agricole. De plus, l'objet social
délimite le mandat des administrateurs quant à leurs actions
concernant la société.
4. La licéité de la cause
En dépit de la certitude de l'objet, si la cause de la
constitution d'une société n'est pas licite, le contrat de
société ne peut pas être valide. La licéité
de la cause vise la conformité ou la régularité de
l'exploitation de la société avec la loi2. La cause,
c'est le motif effectif pour lequel les associés ont constitué
une société commerciale. Même si l'objet est certain, si la
cause n'est pas licite ou si elle présente un caractère
pernicieux pour la morale sociale, elle est interdite par la loi (ex : le
trafic illicite de stupéfiants, le proxénétisme, la traite
d'humains, etc.).
B) Les conditions de naissance
L'article 1601 du code civil haïtien stipule : « la
société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes
conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le
bénéfice qui pourra en résulter ». Cette
définition des sociétés commerciales sous-tend trois
2- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/
Sociétés commerciales (Mémento Pratique),
édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 90.
3- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/
Sociétés commerciales (Mémento Pratique),
édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 108.
1- Note de l'auteur.
17
conditions : la pluralité des associés, la
vocation aux résultats, la mise en commun d'apports. Ce sont des
conditions particulièrement indispensables auxquelles s'ajoute presque
toujours une autre de souche doctrinale, l'affectio societatis ou le jus
fraternalis. Cette dernière a toute son importance, même si elle
ne vient pas de la loi. Ce sont les quatre conditions de naissance de toutes
sociétés commerciales, donc des sociétés
anonymes.
1. La pluralité des associés
C'est une condition sine qua non pour constituer une
société commerciale. La loi est très claire
là-dessus, pour avoir une société, il faut au moins deux
personnes pour s'associer et émettre l'acte créateur qui
constatera l'idée d'entreprise et la phase consensuelle. La
société anonyme obéit à cette logique puisque c'est
une société commerciale.
2. La mise en commun d'apports
La loi met l'accent sur la mise en commun des apports de
chaque associé dans la nouvelle société à
créer. Les apports sont nécessaires pour la formation du capital
social. Ce dernier est exigé lors de la signature du contrat de
société, lors de sa création et pour toute la durée
de son fonctionnement. C'est dire que les apports sont une condition
indispensable dans la formation de toute société commerciale.
Mais ils revêtent une importance beaucoup plus considérable dans
les sociétés de capitaux du fait de la valeur du capital social
pour ces dernières. Dans tous les cas (sociétés anonymes
incluses), le capital social est formé d'apports dont la nature est
déterminée par la loi. Le code civil en son article 1602 dernier
alinéa stipule : « Chaque associé
[doit]1 y apporter ou de l'argent, ou d'autres biens, ou
son industrie ». Il en ressort de ce fait trois types d'apports : en
espèces ou numéraires, en nature, en industrie.
a) Les apports en espèces ou en numéraires
sont constitués de valeur en espèces, quel quelque soit la
consistance (chèque, virement bancaire, paiement électronique,
carte de crédit, etc.). Ils sont les plus simples et les plus couramment
utilisés. Dans la formation des sociétés anonymes, ces
apports sont indispensables car le décret du 11 Novembre 1968 en son
article 2 sur la procédure de constitution prévoit le
dépôt du quart du capital social à la Banque Nationale de
la République d'Haïti (BNRH). La loi du 17 Août sur la
18
réforme bancaire a remplacé la BNRH par la
Banque de la République d'Haïti (BRH) et la Banque Nationale de
Crédit (BNC). Maintenant, le dépôt doit être
effectué à la Banque Nationale de Crédit. Ainsi, le quart
au moins du capital social des sociétés anonymes est
constitué d'apports en espèces.
b) Les apports en nature sont faits de biens meubles
et immeubles d'un ou de plusieurs associés de la société.
Les biens meubles peuvent être corporels et tangibles (matériels,
équipements, machines, etc.) ou incorporels et intangibles (fonds de
commerce, droit de propriété industrielle et commerciale, brevet,
marque de fabrique, nom commercial, etc.). Les biens meubles et immeubles
peuvent être apportés en jouissance ou en pleine
propriété. Ils doivent être évalués par les
commissaires aux apports puis, ils sont transférés du patrimoine
de l'associé apporteur à celui de la société.
(Article 1620 du code civil)
c) Les apports en industrie sont d'un type nouveau.
Ce ne sont pas des apports en numéraires et ils ne peuvent pas
être classés parmi ceux en nature en raison de leur typologie.
Pourtant, ce ne sont pas à proprement parler des apports «en
industrie» car il n'y a vraiment rien d'industriel en eux. En fait, ils
sont constitués de tout ce que l'associé peut offrir à la
société en connaissances non brevetables, en connaissance du
milieu d'affaires et en influence utile qu'il peut exercer d'une manière
ou d'une autre au bénéfice de la société. Ils ont
un caractère subjectif et pour cette raison, ils sont
évalués au plus bas montant des apports. Ils sont prévus
par l'article 1616 du code civil.
3- La vocation aux résultats
Les associés de toutes sociétés
commerciales ont vocation aux résultats financiers de la
société concernée, qu'ils soient des
bénéfices, des économies ou des pertes. Selon l'article
1601 du code civil, le but même d'une société est le
partage des bénéfices. On croit que par bénéfices,
le législateur voulait mettre résultats. Optimisme. Pour le
partage des résultats, l'article 1622 consacre la règle du
prorata, c'est-à-dire, la part de chaque associé est en
proportion de sa mise. Dans les sociétés de personnes, la
responsabilité est solidaire et conjointe entre les associés. Par
contre, la société anonyme étant une société
à risque limité, les actionnaires ne supportent les pertes
sociales qu'à concurrence de leur mise. En d'autres termes, leurs
obligations sont limitées au montant de leurs apports, sauf en cas de
banqueroute provoquée par la dilapidation des fonds
1 - LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/
Sociétés commerciales (Mémento Pratique), édition
Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 228.
19
par les administrateurs (art. 33 du décret du 28 Aout
1960). Cependant, les modalités de partage des bénéfices
sont laissées à la discrétion des associés
disposant librement dans leurs statuts. Cette liberté est pourtant
tributaire d'exigences. Car aucune clause de statuts ne peut écarter un
associé du partage des bénéfices, ni l'exonérer de
toute contribution aux pertes. Ils partagent les résultats
bénéficiaires, mais aussi et surtout, ils partagent ceux
déficitaires, proportionnellement au montant des apports.
4- L'affectio societatis
C'est un élément psychologique qui renforce
l'intention ou la volonté des associés de contribuer au
succès de l'entreprise commune1. Il fait penser au
consentement des parties prévues à l'article 903 du code civil,
à la solidarité des associés dans le partage des
résultats et transcende l'idée de l'engagement contractuel. Le
jus fraternalis ou l'affectio societatis est cependant moins présent
dans les sociétés anonymes. Il n'est presque pas perçu
comme une condition de validité de société. C'est une des
conditions particulières requises pour la constitution des
sociétés anonymes, même s'il n'est pas indispensable.
C) Les conditions spécifiques aux
sociétés anonymes
Quand ce ne sont pas les règles de droit commun, ce
sont des conditions relatives à toutes les sociétés
commerciales qui pèsent sur les sociétés anonymes. A
l'instar de ces exigences, il y a des conditions qui sont
particulièrement requises de leur constitution à leur
dissolution. Elles sont au nombre de trois et les particularités qui
seront énoncées sont exigibles uniquement pour les
sociétés anonymes. C'est le nombre d'actionnaires requis, le
capital social minimum requis en rapport avec l'objet social, et la
détermination de cet objet social.
1- Le nombre d'associés
Les sociétés anonymes sont des
sociétés de capitaux instituées en vue d'une association
de fonds pour la création et le développement d'entreprise. Dans
cet ordre d'idées, le financement d'une personne ou d'un groupe
restreint, limité dans ses risques est insuffisant et inopérant.
Malgré le
20
silence des lois haïtiennes sur la question, les
actionnaires fondateurs des sociétés anonymes se fondent le plus
souvent sur l'article 3 du décret du 3 Aout 1955. Cet article
prévoit pour la société anonyme haïtienne un conseil
d'administration de trois membres dont l'un est nécessairement un
citoyen haïtien. Une confusion est née de cet article car dans la
pratique, la composition de ce conseil a inspiré la création de
sociétés anonymes de trois actionnaires. Cette pratique est
contraire à l'esprit de la loi. La société anonyme, doit
se constituer avec plus de trois actionnaires, donc, quatre actionnaires au
minimum. C'est l'exacte interprétation de l'esprit de la l'article en
question.
2. Le capital social
Le capital social est la somme d'argent nécessaire pour
constituer une entreprise ou réaliser un objectif. Il est
constitué des différents apports. Pour les sociétés
anonymes, le capital social minimal est rigoureusement fixé par la loi,
et pour celles purement commerciales, et pour celles à vocation
industrielle ou agricole. Ce capital est divisé en actions cessibles.
L'article 1er du décret du 11 Novembre 1968 dispose ce qui
suit : «Le capital des sociétés par actions, dans les
proportions équitables, doit être en rapport avec l'objet de
l'entreprise. Le capital social minimum d'une société commerciale
est de 25 000gourdes ou 5 000 dollars et celui des sociétés
industrielles et agricoles est de 100 000 gourdes ou 20 000 dollars ». Le
dollar mentionné ici est le dollar américain ($ US).
3. L'objet social
L'article 903 du code civil mentionne la certitude de l'objet
de tout contrat ou convention. En effet, l'objet doit être précis
et clair pour que la société anonyme ne tombe pas sous le coup de
la loi en dépassant les limites de son objet. Il peut être
commercial, industriel ou agricole. Une société commerciale dont
l'objet est commercial, ne peut pas se complaire à réaliser des
activités de type industriel ou agricole. D'ailleurs, le capital minimum
requis pour la constitution d'une société anonyme dont l'objet
est le commerce est moindre que celui exigé pour une autre dont l'objet
serait industriel ou agricole. C'est dire que l'objet social, bien que
librement défini dans les statuts, est important, pour les
procédures de constitution, pour l'administration fiscale, et pour
circonscrire la compétence des dirigeants sociaux. Cependant, il peut
être modifié durant la vie sociale, il suffit d'une
révision des statuts.
21
Section II : Les procédures de constitution
Elles sont indispensables à la constitution. Il ne peut
y avoir de sociétés anonymes sans que des procédures
n'aient été engagées pour y arriver. Le jeu se fait entre
les étapes proprement dites, les personnes compétentes pour les
entreprendre, les institutions concernées et les délais.
A) Les étapes administratives1
La constitution d'une société anonyme est une
affaire de procédures. Elle est faite d'étapes administratives
qui s'imbriquent les unes aux autres. La complexité des
procédures et le nombre des formalités varient selon qu'il
s'agisse de constitution sans ou avec appel public à l'épargne.
Mais des règles générales s'appliquent à toutes
sociétés anonymes, quelle que soit le type de constitution
envisagé. Voici les formalités exigées pour quelque soit
le type de constitution retenue.
1- Les étapes indépendantes du type de
constitution2
a)L'enregistrement : il consiste en la reproduction
des mentions d'un acte sous seing privé ou authentique. Elle se
réalise dans un registre à ce destiné à la
Direction Générale des Impôts. L'enregistrement se fait
pour tous les actes de la société commerciale.
b) L'immatriculation au MCI : le délai entre
l'enregistrement à la DGI et l'immatriculation au MCI est de quinze (15)
jours. L'immatriculation est l'acte par lequel la société est
enregistrée dans les registres du commerce et des sociétés
moyennant le paiement d'un frais et l'attribution d'un numéro
appelé numéro d'immatriculation. Cette formalité
confère la personnalité morale à toutes les
sociétés commerciales, hormis les sociétés
anonymes. La date d'immatriculation est enregistrée à la
Direction des Affaires Juridiques dudit Ministère.
c) L'immatriculation à la DGI : c'est une
formalité fiscale à la suite de laquelle une carte
d'immatriculation fiscale (CIF) est attribuée à la
société commerciale nouvellement constituée.
1- Centre de Facilitation des investissements (CFI)/
Ministère du Commerce et de l'Industrie (MCI)
2- Tableau I dressé par le Ministère du
Commerce et de l'Industrie pour la constitution des sociétés
anonymes et notes de cours de Droit des Sociétés par le
Professeur COLLOT.
22
Elle intervient après l'immatriculation au MCI. Si
l'immatriculation au MCI et l'autorisation de fonctionnement confère la
personnalité morale, donc la capacité juridique, aux
sociétés commerciales, l'immatriculation à la DGI elle,
leur confère la personnalité fiscale et la faculté
contributive.
d) La transcription : elle se réalise au sein
de la DGI. C'est la reproduction in extenso de tous les actes de la
société commerciale (sauf les signatures). Ce qui la distingue de
la minute, c'est qu'elle ne porte pas les signatures en vrai. Certains actes
sont soumis au seul enregistrement, d'autres sont soumis aux
formalités.
e) La demande d'autorisation de fonctionnement :
l'article 4 du décret du 08 Mars 1984, stipule que les
sociétés anonymes ont la personnalité juridique à
compter de leur date d'autorisation. Ce sont les articles 2 et 3 du
décret du 2 Juin 1995 qui réglementent la question de la demande
d'autorisation. Cette autorisation de fonctionnement doit être
demandée par les fondateurs de la société anonyme. Elle
est donnée par le Ministre du Commerce et de l'Industrie. Elle doit
ensuite être vérifiée par la Primature et la
Présidence avant d'être publiée dans Le Moniteur. Ces
dernières formalités sont récentes.
f) Le retrait des fonds : pour retirer les fonds
déposés à la Banque Nationale de Crédit, il faut
que la société anonyme ait son autorisation de fonctionnement
publiée. Ce retrait ne peut être accompli que par le premier
conseil d'administration ou un mandataire de la société sur
présentation de l'autorisation de fonctionnement et la soumission de
signatures valables. (Art. 5 du décret du 28 Aout 1960).
g) Les formalités de publicité : ce
sont des procédures essentielles pour la formation de la
société. Le contrat de société doit être
rendu public. Les formalités de publicité se font en trois phases
:
i) La première phase consiste dans l'inscription de la
société au registre du commerce et des sociétés au
Ministère du commerce et de l'industrie. C'est l'immatriculation de la
société prévue par l'article 43 du code de commerce
haïtien.
ii) L'article 2 du décret du 28 Aout 1960 donne la
deuxième phase qui consiste en la publication au journal officiel le
Moniteur des statuts et de l'autorisation de fonctionnement. Cette étape
est importante pour le déblocage des fonds déposés.
23
iii) L'affichage pendant trois mois au Tribunal de
Première Instance du lieu du siège social et à la Chambre
de commerce d'Haïti, de l'acte constitutif de statuts et de l'autorisation
de fonctionnement constitue la dernière étape
h) Les formalités sociales : la loi
organique du Ministère des Affaires Sociales et du Travail, ci-devant le
Département des Affaires Sociales, du 28 Août 1967, publiée
dans le journal officiel Le Moniteur du 28 Septembre 1967 fait obligation aux
employeurs d'inscrire leurs employés aux systèmes de
sécurité sociale de l'OFATMA et de l'ONA et de remplir les
formalités y relatives. Cela concerne l'assurance-maladie,
l'assurance-maternité, l'assurance-invalidité,
l'assurance-vieillesse et autres services du droit travail de la
sécurité sociale.
g) La carte d'identité professionnelle : elle
est le document d'identification de toute entreprise ou de tout professionnel
exerçant une activité commerciale ou industrielle sur le
territoire national. Elle est délivrée par le Ministère du
Commerce et de l'Industrie à Port-au-Prince et par les directions
régionales dans les villes de province. Les formalités pour
l'obtention de la CIP seront résumées dans le tableau II y
relatif.
2- Constitution sans appel public à
l'épargne
Les sociétés anonymes qui se constituent sans
appel public à l'épargne sont dispensées de diverses
formalités. L'article 1er du décret du 8 Mars 1984
leur ôte les formalités prévues à l'article 1 et 2
du 28 Aout 1968. Néanmoins, il leur en reste quand même quelques
à remplir.
a)Le projet de statut : c'est une obligation de la
loi. C'est d'une nécessité pratique que d'établir les
statuts qui régiront la vie de la société, les droits,
obligations et privilèges des fondateurs par rapport à la
société. En général, ils contiennent les
éléments essentiels : objet, siège social, durée,
rémunération des apports en nature et/ou en industrie, le capital
social, les organes d'administration et de direction, les modalités de
fonctionnement et celles de cession des actions, etc. Dans la pratique, un
conseil juridique ou un notaire rédige le projet de statut qui en
général est proche du statut. Les fondateurs futurs actionnaires
signent le protocole d'accord qui consigne leur engagement sur les points les
plus importants que soulèvent la création et le fonctionnement de
la société. C'est une promesse de société, une
obligation de faire entre les contractants dont l'inexécution se
résout en dommages-intérêts selon les voeux de l'article
933 du code civil haïtien. Le plus souvent, avec quelques rectifications
mineures, le projet de statut
24
constitue le texte définitif qui devra être
signé par les souscripteurs. Les statuts doivent être
établis par écrit sous forme notariée. Ils sont plus ou
moins détaillés selon les actionnaires en cause.
b) La signature des statuts : c'est l'étape
la plus importante dans la constitution d'une société anonyme.
C'est à partir de la date de cette signature que la
société est réputée constituée. Cependant,
ce n'est qu'à la publication de l'autorisation de fonctionnement que la
société anonyme pourra pleinement jouir de la personnalité
morale, donc de son entière capacité juridique. En signant, les
contractants prennent l'engagement définitif de participer à la
société. Les statuts doivent être signés en autant
d'originaux qu'il y a d'actionnaires, ajoutés à ceux qui seront
déposés aux institutions compétentes. Ils sont
signés par tous les actionnaires et mandataires.
c) Désignation des membres et des organes de
direction : après la signature des statuts, les fondateurs doivent
désigner les premiers administrateurs. Ces derniers une fois
désignés sont habilités à nommer le
Président du conseil d'administration, et sur proposition
éventuelle de celui-ci, les directeurs généraux. Ces
désignations ont pour but de permettre l'accomplissement des
formalités administratives. Mais l'entrée en fonction des
désignés ne sera effective qu'à partir de la date
d'autorisation de fonctionnement.
d) L'acte constitutif : prévu à
l'article 2 du décret du 16 Octobre 1967, il mentionne tout ce qui a
rapport à la souscription, au versement, du certificat du
dépositaire du capital social initial. Il est dressé après
la tenue de la première Assemblée générale par un
notaire (art. 13 du décret du 28 Aout 1960).
e)La souscription du capital social : pour constituer
une société anonyme, il faut former le capital social et le
souscrire. Elle se réalise par des apports en numéraires qui
donneront droit à des actions de numéraires, ou par des apports
de nature qui donneront droit à des actions de même nature.
Toutefois, il faut procéder à la libération des actions.
Une liste des souscripteurs avec la somme versée par chacun d'eux au
moment du dépôt des fonds justifie la souscription.
25
3- Constitution avec appel public à
l'épargne
La constitution avec appel public à l'épargne
est plus complexe en durée et en formalités. A l'instar des
étapes pour la constitution sans appel public à l'épargne,
elle nécessite diverses autres opérations obligatoires. Elle
s'en diffère par quelques nuances, très significatives
pourtant.
a)Les statuts : ils peuvent être établis
sous seing privé ou sous forme authentique. Un exemplaire est
déposé par les fondateurs au Ministère du commerce et de
l'industrie et l'autre copie certifiant le dépôt est
déposée chez un notaire (art. 1er du décret du
28 Aout 1960).
b) L'avis de formation : un avis de formation doit
être inséré dans le Moniteur et dans un quotidien à
grand tirage de la capitale. Il doit contenir les indications pouvant permettre
à tout souscripteur d'être renseigné sur les principales
caractéristiques de la société telles : la
dénomination de la société et le siège social, son
objet, le nom des fondateurs, le montant du capital social, le montant à
souscrire, l'indication du dépôt, l'option de fonctionnement (Art.
2).
c)La formation du capital social : le capital social
d'une société anonyme se constituant avec appel public à
l'épargne se forme par souscription. Les procédures de
souscription et de libération d'une partie du capital social sont
prévues aux articles 3 et 4 du même décret.
d) Le certificat des dépositaires : c'est un
acte notarié pour confirmer l'existence des bulletins de souscription.
Il se fait tout de suite après le certificat du dépositaire
délivré par l'institution bancaire concernée par les
procédures. Il y est inscrit le montant et la répartition des
souscriptions et le dépôt des versements effectué à
la banque.
e)La libération des actions : la
libération des actions s'effectue quand le souscripteur réalise
l'apport qu'il avait promis en numéraire, en nature ou en industrie.
L'article 9 du décret du 28 Août 1960 prévoit le
délai dans lequel la libération doit s'effectuer sous peine de
sanctions. Le délai obligatoire de libération intégrale
est de cinq ans à compter de la date de l'immatriculation dans le cas
où c'est le quart du capital social qui a été
versé. Cette libération peut intervenir en une ou plusieurs fois.
Le versement du capital devrait se faire à la Banque Nationale de la
République d'Haïti (BNRH) selon l'art. 2 du décret du 11
Novembre 1968, il se fait à la BNC depuis la loi du 17 Août 1979.
Et le dépositaire réclamera un certificat qui constitue une
1- Tableau I : de constitution avec procédures,
délais, pièces institutions concernées et les personnes
compétentes pour remplir ces formalités.
26
constatation matérielle. Pour les apports en nature,
ils doivent être évalués par le commissaire aux apports
désigné par l'Assemblée générale de
constitution avant d'être libérés.
f) L'assemblée générale constitutive
: après le certificat des dépositaires, l'assemblée
générale de constitution est convoquée par les fondateurs.
Elle constate la souscription entière du capital social et la
libération du montant exigible des actions et adopte les statuts. Elle
nomme les premiers administrateurs et a pour tache d'approuver les actes
accomplis par les fondateurs pour le compte de la société. Elle
se prononce sur les avantages particuliers et les apports en nature et en
industrie et opère toujours à l'unanimité. Les
délibérations sont adoptées à la majorité
des deux tiers, et elle doit statuer à l'unanimité de tous les
souscripteurs.
Toujours est-il que toute constitution, avec ou sans appel
public à l'épargne doit procéder aux formalités
d'immatriculation, d'enregistrement, de publicité, de demande
d'autorisation, de retrait des fonds, aux formalités sociales et
fiscales1.
B) Les institutions concernées par le processus
Traditionnellement, il y a celles que le la loi et la doctrine
consacrent : le MCI, le MEF, le MAST, le TPI et le CCIH, les Presses
Nationales/le Moniteur ; et récemment celles qui ont été
ajoutées : la Primature et la Présidence.
1- Les institutions traditionnelles
a)Le Ministère du Commerce et de l'Industrie :
il est concerné pour les formalités d'immatriculation et
d'autorisation de fonctionnement. Les organes spécifiquement
achalandés sont la Direction des Affaires Juridiques, le Centre de
Facilitation des Investissements et le Ministre lui-même.
b) Le Ministère de l'Economie et des Finances
: c'est à la Direction Générale des Impôts,
organe déconcentré dudit ministère que s'effectuent les
formalités d'enregistrement, de transcription et de l'immatriculation
fiscale. Et encore, c'est cette entité qui a compétence pour
délivrer le quitus fiscal aux actionnaires et imposer la
société pour toute la durée de sa vie sociale.
27
c)Le Ministère des affaires sociales et du Travail
: c'est à l'Office Nationale d'Assurance Vieillesse et à
l'Office d'Accident de Travail de Maladie et de Maternité que les
dirigeants de la société anonyme constituée doivent
remplir les exigences de sécurité sociale et d'assurance pour ses
employés. De plus le ministère doit être avisé et
notifié des questions relatives aux conditions d'emplois, car c'est
également le ministère du travail.
d) Le Tribunal de Première Instance : celui du
lieu du siège social de la société, car il aura à
connaitre, en ses attributions commerciales les affaires qui concernent cette
société. Il est compétent pour les litiges opposant la
société à des tiers. En ce sens, il doit être
notifié de l'existence de la société anonyme en
question.
e)La Chambre de commerce et d'industrie :
étant donné que cette structure s'occupe de commerce et
d'industrie, c'est tout à fait légitime qu'elle soit
avisée quand une société commerciale ou industrielle
opère sur le territoire national.
f) Les Presses Nationales d'Haïti/ Le Moniteur :
ils sont sollicités pour les formalités de publicité
exigées par la législation haïtienne, uniquement pour la
constitution des sociétés anonymes.
2- Les institutions ajoutées
a)La Primature : cette instance est là pour
vérifier l'autorisation de fonctionnement délivré par le
Ministre du Commerce et de l'Industrie et y donner son aval. C'est l'une des
institutions qui s'est ajoutée à la liste traditionnelle
déjà longue.
b) La Présidence : récemment
ajoutée après la Primature, la Présidence jette le dernier
regard sur l'autorisation de fonctionnement. Après cette
vérification finale, elle envoie l'autorisation eux Presses Nationales
pour publication dans le journal officiel de la République, Le
Moniteur.
Un tableau qui présente les formalités, les
pièces, les institutions, les personnes compétentes pour les
accomplir, les délais et les frais de procédures illustrera ce
qui vient d'être dit. Bien entendu, les étapes à accomplir
par les fondateurs eux-mêmes ne sont pas détaillées (par
exemple les statuts, l'acte constitutif, etc.). Cela va de soi qu'il faut les
réaliser avant de solliciter l'Administration Publique pour les
procédures qui sont dans sa fourchette de compétence.
28
Tableau I : Constitution des sociétés
anonymes
Vérification de la disponibilité de la raison
sociale dans les registres du Ministère du
|
sur l'ORCC sur le site
www.cfihaiti.net
et
|
Commerce et de l'Industrie (MCI).
|
Etapes Administratives
|
Documents nécessaires et détails des
étapes
|
Requête adressée au MCI soumise par un Avocat
avec l'ensemble des pièces requises à la Direction des Affaires
Juridiques (DAJ) du MCI.
Formulaire de conformité à remplir, disponible
au Centre de Facilitation des Investissements (CFI) et au MCI.
Soumission de la copie du reçu du dossier complet au
CFI.
|
Deux expéditions des pièces suivantes :
- Statuts de la société
- L'acte Constitutif
- L'acte de dépôt des statuts et de l'acte
constitutif chez un notaire
- L'acte de souscription et de versement par les
souscripteurs d'au moins 1/4 du capital minimum requis pour
l'activité
- Certificat de dépôt à la BNC du 1/4
du capital minimum
- Rapport d'un commissaire au compte dans le cas d'apports en
nature Accompagnées de :
- Formulaire de conformité
- Vignette bleue disponible au MCI (25
gourdes)
- Attestation du paiement des frais de traitement du
dossier (250 gourdes)
- Chèque pour la publication des statuts de la
société aux Presses Nationales
|
Analyse du dossier à la Direction des Affaires
Juridiques du MCI.
Délai de quatre (4) jours pour enregistrement au MCI
|
- Avis de formation de la société
- Lettre de transmission pour publication
du journal Officiel
- Lettre au requérant autorisant la
société à fonctionner
|
29
Etapes Administratives
|
Documents nécessaires et détails des
pièces
|
Publication des statuts et documents de la Société
par les Presses Nationales.
Délai de publication est de trente (30) jours
ouvrables sous réserve de paiement pour publication
expresse
|
Le chèque à l'ordre des Presses Nationales
est remis avec l'ensemble du dossier au MCI. Il correspond à une
fourchette basée sur le tarif forfaitaire suivant :
- 1-9 pages : 5 000 Gdes
- 10-25 pages : 20 000 Gdes
- 26 pages et plus : 35 000 Gdes
Le forfait sera doublé pour un service
express.
|
Déclaration de fonctionnement et paiement des
différents droits à la Direction Générale des
Impôts (DGI).
|
-Dépôt du bilan d'ouverture rédigé
par un expert-comptable assermenté.
-Formulaire de déclaration de fonctionnement à
remplir.
-Paiement des droits suivants :
a) Immatriculation fiscale pour délivrance de la carte
d'immatriculation fiscale
b) Droits de fonctionnement pour délivrance de la
patente
c) La taxe sur action
d) Droit de timbre proportionnel sur le capital social
e) Taxe sur la masse salariale, le
cas échéant
|
Obtention de la carte d'identité professionnelle (CIP)
au MCI.
|
- Paiement des frais de 250 Gdes ou 500
Gdes selon les catégories pour la CIP
- Présentation des pièces (carte
d'immatriculation, avis de cotisation patente, avis
cotisation CIP)
- Délivrance de la CIP
|
Demande du quitus fiscal de la société à la
DGI
|
Présentation des preuves de paiement des taxes et
droits pour l'obtention du quitus fiscal.
|
30
Etapes Administratives
|
Documents nécessaires et détails des
étapes
|
Déclaration définitive d'impôts à la
DGI
|
Formulaire de déclaration définitive d'impôt
à remplir par au moins trois sociétaires.
|
Enregistrement au Greffe du Tribunal de Première Instance
et à la Chambre de Commerce et d'Industrie.
|
Présentation d'un exemplaire du Moniteur publiant les
statuts de la société.
|
Source : CFI /MCI
Tableau II : Carte d'Identité Professionnelle
des sociétés anonymes
Etapes Administratives
|
Documents nécessaires et détails des
étapes
|
Paiement des droits de fonctionnement de la
société à DGI
Paiement des droits liés à la CIP à la
DGI
|
-Droits d'immatriculation -Droits de patente -Droits pour la
CIP
|
Dépôt des pièces requises à la
Direction du Commerce Intérieur du MCI
Communication du reçu de dépôt de ces
pièces. CFI pour suivi le cas échéant.
|
-Carte d'immatriculation fiscale
-Avis de cotisation de la patente
-Avis de cotisation de la CIP
-Certificat de patente
-Frais de traitement de dossier au MCI de 250
ou 500 Gdes selon la catégorie de CIP
-Copie de l'autorisation de fonctionner du MCI
ou du journal officiel ayant publié les statuts de
la société.
|
Délivrance de la CIP
Délai de 48h pour la délivrance de la carte.
|
Carte remise au requérant sur présentation du
reçu de dépôt des pièces.
|
Source : CFI/MCI 2011
C) Enregistrement des succursales des
sociétés anonymes étrangères
Les sociétés anonymes étrangères
avant de pouvoir fonctionner en Haïti, doivent être
enregistrées au Ministère du Commerce et de l'Industrie. Les
formalités y relatives sont peu
31
nombreuses et pas du tout compliquées. Comme c'est
dressé par les autorités compétentes, nous reproduisons
exactement le tableau1 de la procédure à suivre.
Tableau III : Enregistrement des
sociétés anonymes étrangères
Procédure célère Dépôt de la
requête avec un chèque de
163,00 gourdes à l'ordre de la Direction
Générale des Impôts pour le paiement de la taxe
d'enregistrement
Acquisition du sceau sec et des timbres au Ministère du
Commerce et de l'Industrie.
Requête adressée au MCI par un avocat pour le
dépôt des statuts de la société et les suites
légales (le dépôt du 1/4 du capital social n'est pas
requis).
|
· Légalisation des statuts et de l'acte constitutif
de la société au Consulat Général d'Haïti au
pays du domicile de la société
· Légalisation de la signature du consul au
Ministère des Affaires en Haïti
|
|
Remettre une copie de la requête au Centre Facilitation
des Investissements (CFI) pour suivi
|
· A défaut d'un Consulat Haïti dans le pays
où la société a son siège social, authentifier les
pièces chez un Notaire Public du domicile de la société
· Légaliser la signature du Notaire au
Ministère des Affaires Etrangères du pays concerné.
|
|
Livraison de la pièce attestant de l'enregistrement du
nom commercial
Deux (2) semaines à partir de la date de
dépôt de la requête
· Faire traduire les pièces rédigées
en langue étrangère par un expert commis par le doyen du tribunal
civil compétent.
· Constituer un avocat en Haïti pour les
formalités
Formalités Mode opératoire
1- Direction des Affaires Juridiques du Ministère du
Commerce et de l'Industrie.
32
Frais de traitement de 250 gourdes.
|
Délai de livraison (procédure célère)
Une (1) semaine et demie à compter de la
date de dépôt de la requête
Eviter l'utilisation du nom commercial par d'autres personnes
physiques ou morales
Durée de Validité 10 ans renouvelables
Après son enregistrement, une société
commerciale est réputée avoir son domicile fiscal en Haïti
et devient donc une personne morale imposable, et est assujettie à
l'Impôt sur le Revenu Individuel (IRI), ou à l'Impôt sur les
Sociétés (IS). Nous y reviendrons dans le dernier chapitre. De
toute façon, une société anonyme étrangère
qui veut établir domicile dans le pays n'a qu'à s'enregistrer,
car elle a déjà été constituée dans un pays,
lequel lui a donné une nationalité.
O) Les particularités
Dans la constitution des sociétés anonymes, les
particularités sont nombreuses. Uno, il y a deux modes de constitution
avec deux procédures différentes pour deux projets distincts de
sociétés anonymes. Pour les autres types de
sociétés commerciales, il n'y a qu'un seul procédé
de constitution. Deuxio, quelque soit les procédures envisagées,
la constitution d'une société anonyme requiert plus de
formalités que toutes les autres sociétés commerciales
réunies, prévues par la législation. De plus, ces
formalités sont à la fois contraignantes, éreintantes et
irritantes. Tertio, la société anonyme courbe sous le poids de
trois types de conditions de constitution : celles de droit commun, celles de
naissance, et celles à elles spécifiques. Alors que les autres
sociétés commerciales ne sont soumises qu'aux deux premiers
types. Quarto, les institutions qui supervisent la constitution des
sociétés anonymes sont deux fois plus nombreuses que dans le cas
des autres sociétés commerciales. Même la Primature et la
Présidence s'en mêlent ! In fine, les sanctions pour
irrégularités de constitutions sont plus graves dans le cas des
sociétés anonymes. Ces dernières sont de deux ordres.
33
Section III : Sanctions pour
irrégularités de constitution
A) Les sanctions civiles
Ce sont les sanctions qui n'engagent pas la
responsabilité pénale des fauteurs, mais qui implique une action
en régularisation, en nullité ou en en dommages et
intérêts car les instigateurs des irrégularités sont
quand même responsables devant la loi.
1. La régularisation
Pour les irrégularités de constitution, quand le
manquement ou la faute ne porte pas préjudice à la
société et n'a pas de conséquences sur des tiers, il
suffit simplement de régulariser la situation. C'est le cas notamment
pour un retard valablement motivé dans les délais de
procédures. Ou d'une erreur qui ne découle pas des fondateurs,
mais de l'administration publique. Ou encore d'une faute commise
indépendamment de la volonté des administrateurs et qui n'a pas
de conséquences majeures. Dans le cas d'insuffisance de capital ou de
nombre manquant d'actionnaires, les intéressés doivent
immanquablement régulariser leur situation. (Art. 16 décret du 28
Aout 1960). A défaut de la régularisation, tout
intéressé peut demander la dissolution de la
société anonyme en question.
2. La nullité
Prévue aux articles 16 et 17 du décret du 28
Aout 1960, la nullité sanctionne les sociétés fictives ou
frauduleuses. C'est le cas également pour l'illicéité
d'objet. En revanche, les vices de consentement et l'incapacité ne sont
pas sujets à la nullité car la société demeure
valable entre les personnes capables et dont le consentement n'est pas
vicié. En ce qui concerne les exigences spécifiquement faites aux
sociétés anonymes, leur irrespect n'entraine pas la
nullité, mais une régularisation conforme à la loi.
3. La responsabilité civile
Selon les articles 18,19 et 20 du même décret, la
responsabilité des fondateurs est engagée si par leur fait, leur
imprudence ou leur négligence, la société est
annulée. Tout fait de l'homme qui porte préjudice à autrui
oblige celui par qui la faute a été commise à le
réparer, nous dit le code
34
civil. C'est le cas par exemple lorsqu'ils ont fermé les
yeux sur le caractère fictif des apports. Ici, la répression est
également pénale.
B) Les sanctions pénales
Les sanctions pénales sont les plus sévères.
Elles sanctionnent les fautes les plus graves et peuvent s'accompagner de
sanctions civiles. C'est souvent le cas d'ailleurs.
1. L'emprisonnement
Les articles 21 et 22 du décret du 28 Août 1960
et l'article 337 du code pénal haïtien punissent les fondateurs et
dirigeants pour émission irrégulière d'action. Ils peuvent
être inculpés si les formalités d'immatriculation et
d'autorisation de fonctionnement ont été obtenues par fraude,
dans des conditions irrégulières, par des affirmations
trompeuses, par majoration frauduleuse des apports en nature ou par
autorisation de consigner des apports fictifs dans les statuts, etc. (Arts. 4,5
loi du 3 Aout 1955 ; arts 2,14 décret du 16 Octobre 1967).
L'emprisonnement est de un an au moins et de trois ans au plus.
2. L'interdiction d'exercice de certains droits
En plus de la peine d'emprisonnement, l'article 337 du code
pénal prévoit, pendant 3ans au moins et 9 ans au plus, l'exercice
de certains droits mentionnés en l'article 28 du même code. Ces
droits sont des droits politiques, civils et de famille. Ce sont les droits
:
« De vote et d'élection ;
d'éligibilité aux fonctions de jurés ou autres fonctions
publiques ; d'être éligible aux emplois publics de
l'administration, ou d'exercer ces fonctions ou emplois ; de port d'arme ; de
vote et de suffrage dans les délibérations de famille,
d'être tuteur, curateur, si ce n'est de ses enfants, et sur l'avis
seulement du conseil de famille ; d'être expert ou employé comme
témoin dans les actes ; de témoignage en justice, autrement que
pour y faire de simples déclarations. »
Ce sont là tout ce qui se rapporte à la
constitution des sociétés anonymes au regard du droit positif
haïtien. Une seule dispense existe dans la législation
haïtienne sur la constitution des sociétés anonymes. Elle
concerne les sociétés anonymes qui se constituent avec la
souscription intégrale du capital social. Elle est prévue
à l'article 1er du décret du 8 Mars 1984.C'est
l'unique
35
faveur de la loi y relatif mais elle permet de voir que la loi
est duale quand il s'agit de la constitution des sociétés
anonymes. Il faut croire que ce n'est pas avec facilité et
légèreté que les multiples sociétés anonymes
qui fonctionnent en Haïti se sont constituées. Surtout lorsqu'on
regarde la lourdeur des procédures et les ajouts non indispensables qui
se sont greffés à une structure déjà difficile
d'accès (par exemple cette question de vérification par la
primature et la présidence), on se demande quelles sont les motivations
du législateur. En effet, pourquoi, la constitution des
sociétés anonymes prévue et régie par le droit
haïtien est aussi lourde et complexe ? Une réflexion doit
être engagée à ce sujet. Le débat est
lancé.
36
CHAPITRE II : LA VIE DES SOCIETES ANONYMES AU REGARD DU
DROIT POSITIF HAÏTIEN.
Ce chapitre concerne la vie active des sociétés
anonymes. Après l'étape de constitution, les SA peuvent
réellement commencer à fonctionner. Etant une structure hautement
hiérarchisée et complexe, son organisation (section I), son
fonctionnement (section II) et sa dissolution (section III) sont ici
étudiés.
Section I : Organisation des Sociétés
Anonymes
Les sociétés anonymes ont une organisation
complexe. Quatre composantes en constituent la structure : les actionnaires,
les organes de gestion, les organes de contrôle et les salariés.
Les organes classiques (les deux premiers) ont une charpente plus complexe que
dans les autres sociétés commerciales et les autres y sont quasi
inexistants.
Tableau IV : Organisation des sociétés
anonymes (Schéma)
|
|
|
|
Direction Generale ou Directoire
|
|
|
Conseil
d'Administration ou Conseil de Surveillance
|
|
|
|
|
Salaries
|
Assemblee d'Actionnaires
|
|
|
|
|
Commissaires aux Comptes et Experts de Gestion
|
|
Salaries
|
|
|
C'est la structure hiérarchique horizontale de l'arbre des
décisions au sein de la société anonyme.
1- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/
Sociétés commerciales (Mémento Pratique),
édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 536.
37
A) Les Assemblées d'Actionnaires ou Organes
délibérants
Les Assemblées d'Actionnaires sont les organes
délibérants à travers lesquels s'exprime la volonté
des actionnaires. Ce sont elles qui prennent les décisions majeures qui
transcendent la gestion quotidienne et qui désignent la majorité
des autres organes. Elles sont souveraines et exercent un pouvoir
suprême. On arrive même à parler de la
prééminence de l'Assemblée tant son rôle est
essentiel1. Il y a plusieurs types d'Assemblées :
l'Assemblée constitutive, l'Assemblée générale
ordinaire, l'Assemblée générale extraordinaire,
l'Assemblée mixte et l'Assemblée spéciale.
1. L'Assemblée Constitutive
Elle est nécessaire quand la société
anonyme se constitue en faisant appel public à l'épargne, donc,
qu'elle veut réunir des souscripteurs. Elle a pour mission de constater,
d'adopter, de désigner et de mandater toutes personnes et toutes
formalités qui concernent la constitution de la société
anonyme avec appel public à l'épargne. Elle ne peut avoir lieu
qu'avant le fonctionnement normal de la société.
2. L'Assemblée Générale
Ordinaire
D'une manière générale,
l'assemblée générale ordinaire prend toutes les
décisions dans les circonstances normales de fonctionnement. Elle statue
sur l'approbation des comptes, la nomination ou le remplacement des membres des
organes de gestion et de contrôle et les décisions à
prendre concernant un certain nombre d'opérations. C'est une
assemblée de droit commun qui a une compétence pour toutes les
décisions autres que la gestion courante et autre que la modification
des statuts. La loi oblige toute société anonyme à tenir
une assemblée générale ordinaire au moins une fois l'an,
particulièrement dans les six mois qui précèdent la
clôture de l'exercice annuel. L'actionnaire qui est empêché
peut se faire représenter seulement par un autre actionnaire, personne
physique ou morale. S'il est absent et ne s'est pas fait représenter, on
tombe dans le principe des mandats en blanc ou pouvoir en blanc. Dans ce cas,
le
Il existe deux types d'organes de gestion pour les
sociétés anonymes. Il y a d'abord l'organe classique de type
moniste, le conseil d'administration, et le nouvel organe de type dualiste,
le
38
Président détient les votes ou pouvoirs qui
s'attachent aux procurations et ainsi, on peut aisément parvenir au
quorum.
3. L'Assemblée Générale
Extraordinaire
Elle est compétente pour la modification des statuts,
la seule habilitée à les modifier en partie ou dans toutes leurs
dispositions. Donc, elle seule peut restreindre ou élargir l'objet
social, changer la dénomination, transférer le siège
social, anticiper la dissolution, etc. Cependant, elle ne peut augmenter la
responsabilité des actionnaires, changer la nationalité de la
société, ni empiéter sur les droits des autres organes.
Ses limites sont fixées par la loi ou découlent des principes
généraux. Tout actionnaire peut y participer. Ceux qui ne peuvent
pas être présents, peuvent recourir à la
représentation. Une majorité de deux tiers des voix est
nécessaire pour qu'une résolution puisse être
adoptée par l'assemblée générale extraordinaire.
Lorsque les décisions de l'assemblée générale
extraordinaire entrainent la modification effective des statuts, les
mêmes formalités de publicités exigées lors de la
constitution sont applicables car les tiers doivent en être
informés.
4. L'Assemblée Spéciale
L'assemblée spéciale réunit les
titulaires d'actions d'une catégorie déterminée (actions
de priorité, actions amorties, actions à dividendes prioritaires
sans droit de vote...). Ce sont des sous-assemblées qui sous-tendent des
conditions (de quorum et de majorité) qui sont celles des
assemblées générales extraordinaires.
5. L'Assemblée Mixte
C'est une nécessité pratique qui réunit
deux assemblées en une. Elle a été créée
pour éviter d'avoir deux assemblées successives dans un laps de
temps réduit et d'établir deux feuilles de présence. Y
sont prises des décisions dont certaines relèvent de la
compétence de l'assemblée générale ordinaire et
d'autres, de l'assemblée générale extraordinaire.
B) Les Organes de gestion et de direction
39
directoire et le conseil de surveillance. La
législation haïtienne prévoit les deux types mais ne
régit que le conseil d'administration. On va quand même parler des
deux. Il faut avant tout préciser que les deux sont alternatifs.
1- La société anonyme avec conseil
d'Administration
Les administrateurs sont nommés par l'Assemblée
Générale d'Actionnaires pour une durée
déterminée. Le nombre, les conditions, le mode de nomination,
ainsi que la durée de fonction sont déterminés par la loi.
Lorsqu'ils se réunissent en conseil, ils forment un collège
chargé de gérer et de diriger la société. Le
conseil d'Administration est l'intermédiaire entre l'Assemblée,
organe intermittent et la direction qui assure la permanence du
pouvoir1. Mais comment fonctionne le conseil d'administration d'une
société anonyme ?
a)Le conseil d'administration
Tout d'abord, selon l'article 3 de la loi du 03 Aout 1955, une
société anonyme est administrée par un conseil qui
comporte au moins trois membres. Ce conseil d'administration n'est pas
réuni en permanence, il joue plutôt un rôle de
contrôle de la gestion et des décisions qui sont prises par la
direction. Pour être nommé au sein du conseil d'administration
d'une société anonyme, il faut posséder la qualité
d'actionnaire. Cependant, le nombre d'actions à avoir pour devenir
administrateur est limitativement fixé par les statuts. L'administrateur
pourra être soit une personne physique, soit une personne morale. Dans le
dernier cas, la personne morale doit désigner un représentant
personne physique. Ces administrateurs sont nommés par
l'assemblée générale des actionnaires et la durée
de leurs fonctions ne pourra excéder le temps fixé par la loi.
Par ailleurs, il est important de noter que la fonction d'administrateur d'une
société anonyme n'est pas stable. En effet, l'administrateur peut
être révoqué à tout moment par l'assemblée
générale des actionnaires, sans préavis ni
indemnités, et sans qu'il soit nécessaire de donner un motif de
révocation. L'Assemblée Générale a donc un pouvoir
discrétionnaire en ce qui concerne la mise à pied des membres du
conseil d'administration.
Toutefois, les administrateurs n'ont pas la qualité de
commerçant et ne sont pas personnellement responsables du passif de la
société. Leur responsabilité se cantonne au montant de
leur apport. Leur responsabilité civile et/ou pénale n'est
engagée que dans les cas de fautes graves de gestion.
1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, page 389.
40
b) La direction générale
A l'instar des Administrateurs, d'autres entités
assurent la gestion de a société anonyme. Ce sont les organes de
direction qui constitue le comité exécutif du conseil
d'Administration (article 27 du décret du 28 Aout 1960). Il y a d'abord
le Président du conseil d'Administration encore appelé
Président Directeur Général (P.D.G). Il est élu par
le conseil d'administration et est accompagné d'un ou de plusieurs
Directeurs Généraux (D.G). Ce sont des assesseurs du
Président Directeur Général. Ce dernier peut encore
être remplacé en cas de décès ou d'empêchement
par Administrateur-Délégué (un administrateur par lui
délégué). Les trois assurent la direction de la
société anonyme. Un quatrième élément peut
encore surgir, le Vice-président1. Absolument rien n'interdit
une telle démarche, pourvu que le rôle dudit vice-président
soit limité.
2- La société anonyme avec directoire et
conseil de surveillance
Une autre forme d'administration de la société
anonyme est le directoire et le conseil de surveillance2. Dans toute
la législation haïtienne, exceptionnel est l'article qui a
mentionné cet organe de gestion. Il n'est donc ni prévu, ni
régi par les lois du pays. Néanmoins, par souci
d'équilibre et pour prêter mains fortes à l'article 120 du
décret du 27 Septembre 2005, nous y jetons quand même un coup
d'oeil avec le regard d'un Allemand ou d'un Français.
La gestion classique d'une société anonyme par
un conseil d'administration n'est pas forcément efficace. C'est pourquoi
les sociétés anonymes peuvent être gérées par
un autre type d'organe : le directoire et le conseil de surveillance. Ce
dernier est inspiré du droit allemand, et apporte une nouvelle formule
d'organisation. Nous allons voir comment fonctionne le directoire et le conseil
de surveillance d'une société anonyme.
a) Le Directoire
C'est l'organe de direction de la société. D'une
part, le directoire d'une société anonyme poursuit un objectif
clair : celui de diviser les fonctions de direction et les fonctions de
contrôle. Comme son nom l'indique, le directoire se charge des fonctions
de direction. Le directoire est un
1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001,
page 466.
2 - MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, page 477.
41
organe collégial dont les membres ne sont pas
actionnaires. Pour ce qui est du contrôle de la gestion ce sera un autre
organe qui aura cette fonction : le conseil de surveillance.
D'autre part, les membres du directoire ne sont pas
élus par l'assemblée des actionnaires, mais ils sont
nommés par le conseil de surveillance. Les membres du directoire sont au
maximum de cinq, et doivent être des personnes physiques. La durée
du mandat des membres du directoire se situe entre deux et six ans.
Par ailleurs, les membres du directoire ne pourront être
révoqués que par décision de l'assemblée
générale des actionnaires, sur proposition du conseil de
surveillance. Ils ont donc une fonction beaucoup plus stable que dans d'autres
formes de sociétés.
b) Le conseil de surveillance
Le mode de fonctionnement du conseil de surveillance d'une
société anonyme est assez similaire à celui du conseil
d'administration. Toutefois leurs fonctions sont très
différentes.
Tout d'abord, le conseil de surveillance est nommé par
l'assemblée générale, il doit comporter au moins trois
membres qui doivent être actionnaires de la société. Tout
comme les membres du conseil d'administration, les membres du conseil de
surveillance peuvent être révoqués à tout moment et
sans motifs légitimes.
Les membres du conseil de surveillance pourront cumuler leur
mandat avec un contrat de travail qui reflète un emploi effectif. Le
rôle principal du conseil consiste à contrôler de
manière permanente la gestion de la société anonyme.
A ce titre, le contrôle s'effectue sur les comptes de la
société, mais aussi sur la régularité de la gestion
et sur les actes accomplis par le directoire. Il a donc la possibilité
de se faire communiquer tous les documents pour mener à bien sa mission
de contrôle.
C) Les organes de contrôle
Le contrôle des sociétés anonymes est
exercé par un ou plusieurs commissaires aux comptes (articles 35 et
suivants du décret du 28 Aout 1960) et un expert de gestion. Ils sont
là pour vérifier la sincérité des comptes de la
société et d'en faire un rapport à l'Assemblée
Générale. En principe, la mission de contrôler et de
surveiller la société anonyme devrait être impartie
à l'Assemblée Générale d' Actionnaires. Mais, la
question de leur disponibilité et de leur compétence a convaincu
le législateur de doter la société d'organes de
contrôle chargés de
42
vérifier les comptes sociaux. Ce contrôle est
donc devenu possible, effectif et efficace grâce à l'intervention
des commissaires aux comptes et de l'expert de gestion. Cette tache de
contrôle et de surveillance est faite non seulement au profit des
actionnaires, mais aussi et surtout au profit de toutes personnes ayant un lien
d'affaires avec la société anonyme.
1. Les commissaires aux comptes
Ils sont obligatoirement comptables et des conditions
rigoureuses accompagnent leur éligibilité. De plus, ces
comptables assermentés doivent avoir à leurs actifs dix ans
d'expérience au minimum. Cependant, ils ne sont pas unis à la
société par un lien contractuel, contrairement aux
comptables-salariés chargés de tenir les comptes au jour le jour
et aux experts comptables qui en assurent la révision. C'est un organe
social dont la loi fixe les relations avec la société. Il en faut
au moins un pour chaque société anonyme. Sa mission principale
est le contrôle de la situation comptable et financière de la
société. Cette entité a également une mission
d'information et de vérification de la régularité de
l'ensemble de la vie sociale, et un devoir d'alerte dès lors que la
continuité de l'exploitation de la société est
compromise1.
L'indépendance par rapport aux actionnaires est l'une
des conditions premières pour être un commissaire aux comptes. Ils
sont frappés des mêmes interdictions et des mêmes
déchéances que les administrateurs prévues à
l'article 29 du décret du 28 Aout 1960. Toujours est-il que l'article 38
du même décret consacre des interdictions spécifiques pour
garantir l'indépendance et l'impartialité de ces
contrôleurs. Les commissaires aux comptes sont responsables tant à
l'égard de la société qu'à l'égard des
tiers. Leur inconséquence peut entrainer la responsabilité
civile, la responsabilité pénale et la responsabilité
disciplinaire.
2. L'expertise de gestion
L'expertise de gestion est un droit de la minorité.
Dans une société comme dans tout régime
démocratique, les décisions se prennent à la
majorité. La minorité doit se soumettre ou éventuellement
se démettre. Pourtant, la protection de la minorité des
actionnaires doit être prise en considération dans les
sociétés anonymes. On ne peut décemment pas accepter que
la minorité soit totalement sous la dépendance des
décisions de la majorité. Le droit des sociétés
1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, page 533.
43
commerciales organise cette protection pour contrecarrer
l'abus de la majorité1. C'est l'expertise de gestion, qui
contrairement à la théorie de l'abus de la majorité
s'érige pour faire entendre les voix minoritaires2. Cet
organe d'origine légale en France et ailleurs n'a pas de sources
légale, jurisprudentielle ou doctrinale en Haïti. Elle n'est ni
prévue, ni régie par la législation du pays. Mais dans les
systèmes où c'est prévu, l'expertise de gestion consiste
dans le fait qu'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins un
dixième du capital peuvent demander en justice la désignation
d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une
ou plusieurs opérations de gestion. Ces experts sont des professionnels
chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs
opérations de gestion. Cette expertise de minorité est souvent le
moyen pour ces actionnaires de se constituer des preuves avant d'intenter une
action en responsabilité contre les dirigeants sociaux.
Généralement, ce sont des actionnaires minoritaires qui demandent
cette expertise, mais, cette possibilité est également ouverte au
comité d'entreprise, au Ministère Public et, dans les
sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, et
à la Commission des Opérations Boursières (C.O.B.). En
Haïti, ce serait la Banque de la République d'Haïti (B.R.H.)
qui remplacerait la C.O.B. parce qu'il n'y a pas de Bourses de valeurs ou
d'autres entités similaires dans le pays. C'est le Président du
Tribunal qui détermine la mission et les pouvoirs des experts. Cette
expertise, quoique ponctuelle et extraordinaire participe dans le
contrôle de la société anonyme et c'en est un organe.
D) Les salariés
Dans les nouvelles formes de sociétés anonymes,
les salariés ont leur place. Ils participent plus que par le
passé dans la vie économique de la société dont ils
reçoivent un salaire. L'heure est aux actionnaires-salariés et
aux salariés devenant actionnaires. Dans cet imbroglio où les
rôles, statuts et fonctions se mélangent, de nouveaux droits et de
nouveaux horizons sont désormais accessibles aux salariés. Ces
derniers constituent à ce moment précis de l'Histoire une
composante importante de l'organisation d'une société
anonyme3.
1- LE GALL, Jean-Pierre et RUELLAN Caroline : Droit
Commercial, 13e édition Dalloz, Paris, 2006, page
116.
2 - MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, page 555.
3 - MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, page 570.
44
1. Le droit à l'information
Ils ont le droit à l'information. Ils doivent
être informés en temps et lieux de la situation de l'entreprise
afin de pouvoir orienter leurs actions et travailler de façon
adéquate. Ces informations peuvent être systémiques ou
occasionnelles, dépendamment de la politique en vigueur dans la
société anonyme en question. Cependant, peu importe la
fréquence qui rythme leur livraison, elles constituent désormais
une obligation à la faveur des salariés. Les salariés
formant le comité d'entreprise doivent être obligatoirement
informés et consultés sur les questions intéressant
l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise.
Dans les sociétés anonymes, le comité d'entreprise a les
mêmes droits d'information, de communication et de copie que les
actionnaires. Tous les salariés, dans la législation
française, bénéficient d'une information complète
et objective : informations permanentes et informations en cas de crise.
2. La participation financière
Les salariés participent financièrement dans les
sociétés anonymes de trois manières : par
l'intéressement aux bénéfices (attribution d'une fraction
des bénéfices aux salariés), par la participation au
capital (souscription et achat d'actions), et grâce au rachat de
l'entreprise par les salariés eux-mêmes (RES). Il y a des
actionnaires-salariés et des salariés acquéreurs
d'actions. C'est la participation au capital. La loi n'interdit pas à un
salarié de devenir à titre individuel, actionnaire de la
société qui l'emploie. Ils participent également aux
résultats financiers de l'entreprise. Surtout aux
bénéfices dans le cas de revenus supplémentaires, de
gratifications, de primes ou d'augmentation. Malheureusement en cas de perte ou
de déficit, ils participent aussi dans la déconvenue
financière sous forme de baisse de salaire, réduction d'avantages
ou de licenciement de quelques uns ou de beaucoup d'entre eux.
Pour le RES, il s'agit d'une opération
financière qui permet aux cadres, aidés par un groupe
d'investisseurs extérieurs, de racheter l'entreprise, sans faire appel
à des capitaux personnels trop importants, grâce à des
avantages fiscaux substantiels. Il survient lorsqu'il y a une menace pour la
continuité de l'entreprise (cas d'un dirigeant âgé n'ayant
pas de successeur par exemple).
45
3- La participation à la gestion
Ils sont souvent représentés dans les
sphères de décisions de la société. Ainsi, ils
prennent part à la gestion de ladite société. Cette
représentation est pourtant facultative dans certains pays, dont
Haïti, dans d'autres, elle est obligatoire comme en Allemagne (pour les
sociétés importantes), et dans certains cas, elle est timide, tel
en France. C'est toute une histoire de cogestion et de co-surveillance entre
les actionnaires et les salariés. Cependant une législation qui
veut réaliser l'intégration des employés dans les
sociétés qui les emploient doit y encourager la participation des
salariés à la gestion. Les sociétés elles
mêmes peuvent encourager cette pratique qui au final ne nuira aucunement
les intérêts des actionnaires, des créanciers et des
tiers.
Section II : Fonctionnement des sociétés
anonymes
L'organisation très hiérarchisée de la
société anonyme impose à celle-ci un fonctionnement
complexe. La vie sociale se déroule conformément aux
règles légales et statutaires. Le fonctionnement des
sociétés anonymes se décline en fonctionnement normal, en
incidents de fonctionnement, en restructuration desdites sociétés
et dans le non-fonctionnement spécifiquement prévu par la
législation haïtienne.
A) Le fonctionnement normal
Par fonctionnement normal, on entend les décisions
à prendre lors de chaque exercice social comme l'approbation des comptes
et l'affectation des résultats. La durée de vie d'une
société anonyme est généralement fixée pour
la durée maximale autorisée, à savoir quatre dix neuf
ans1. Cette vie est divisée en exercices sociaux. Les
opérations entrainant la modification du capital social et le
financement des sociétés anonymes se rattachent également
au fonctionnement normal de la société.
1- Les exercices sociaux
Les exercices sociaux sont la durée constante au terme
de laquelle l'approbation des comptes et le partage des bénéfices
s'effectuent. On ne saurait attendre le terme légal de la
société pour
1- GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome
I, 8eme édition economica, Paris, 1994
46
distribuer les résultats. Chaque année, les
actionnaires doivent se réunir pour se prononcer sur les comptes et
décider de l'affectation des résultats.
a) L'approbation des comptes
Les sociétés anonymes comme les autres types de
société commerciale et les commerçants, doivent tenir une
comptabilité régulière. Elles doivent enregistrer
chronologiquement tous les mouvements pouvant, d'une manière ou d'une
autre affecter le patrimoine de l'entreprise. Elles doivent faire l'inventaire
au moins une fois annuellement des éléments de leur actif et ceux
du passif et d'établir des comptes annuels à la clôture de
l'exercice en rapport avec les enregistrements comptables et l'inventaire. Les
comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat, et une
annexe1. Mais plus important encore, ils doivent être
réguliers, sincères et donner une image fidèle du
patrimoine, de la situation financière et du résultat de
l'entreprise sous peine de sanctions pénales envers les dirigeants. Les
articles 34 et 35 du décret du 28 Aout 1960 organisent la manière
de faire. Il s'agit pour les administrateurs d'adresser un rapport
détaillé sur la situation active et passive de la
société aux actionnaires, sur le bilan et le compte
d'exploitation, quinze jours au moins avant la tenue de l'assemblée
générale de nomination des commissaires aux comptes ou trente
jours avant l'assemblée générale de vérification
des comptes.
Généralement ailleurs, la manière de
procéder diffère quelque peu. Quoique, dans la pratique
haïtienne, on s'en sert des comme référence. Les comptes
sont établis par le conseil d'administration ou le directoire dans les
quatre mois qui suivent la clôture de l'exercice. L'assemblée
générale ordinaire annuelle se réunit dans les six mois de
la clôture de l'exercice. Et durant cette réunion, après
être éclairée par les rapports du conseil d'administration
(ou du directoire et du conseil de surveillance), les rapports des commissaires
aux comptes, l'assemblée délibère et statue sur les
comptes sociaux et sur les comptes consolidés. Ces derniers sont
valables pour les sociétés à la tête d'un groupe.
Ils consistent en une récapitulation dans un document unique de la
situation et des résultats de toutes les sociétés du
groupe. Trois possibilités s'offrent aux actionnaires : ils peuvent
approuver les comptes en y apportant des
1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, page 593.
47
modifications (solution qui amène des
difficultés dans la pratique), les approuver simplement ou les rejeter.
En règle générale, l'assemblée approuve toujours
les comptes à elle présentés, sauf si elle veut
révoquer ensuite les dirigeants en place pour ensuite intenter
(éventuellement) une action en responsabilité. Pourtant, il ne
suffit pas seulement d'approuver les comptes, il faut encore affecter les
résultats.
b) L'affectation des résultats
Avant l'affectation des résultats il faut faire au
préalable la distinction de deux situations : l'existence ou
l'inexistence de bénéfices distribuables. Tous les
bénéfices réalisés par la société ne
sont pas distribuables. Le bénéfice distribuable est
constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué
des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en
réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du
report bénéficiaire. L'assemblée générale
ayant approuvé les comptes de l'exercice et constaté l'existence
des sommes distribuables, après avoir effectué les
différentes dotations obligatoires doit : soit mettre tout ou partie des
bénéfices en réserve ou les distribuer sous forme de
dividendes. Cette décision oppose souvent les dirigeants sociaux et les
actionnaires minoritaires1.
Si les comptes de la société ne font pas
apparaitre de bénéfices distribuables, aucun dividende ne peut
être alloué aux actionnaires, sinon il y aurait distribution de
dividendes fictifs. Les pertes constatées peuvent subsister dans le
compte « report à nouveau », ou être imputées sur
les comptes de réserve, y compris la réserve légale. En
cas de perte de la moitié du capital social, une consultation des
actionnaires est imposée pour la dissolution éventuelle de la
société. Le code civil en son article 1601 a compris que les
résultats devraient être affectés quand il disait que la
société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes
conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager les
bénéfices qui en résultent.
2- Les modifications du capital social
Elles peuvent consister en une augmentation ou une
réduction et supposent la modification des statuts en assemblée
générale extraordinaire. L'augmentation du capital social est
plurielle. Elle peut se faire par apport en numéraire, par apport en
nature, par incorporation des réserves légale
1- MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, page 598.
48
et/ou statutaire, par conversion de titres (conversion
d'obligations en actions). Cependant, les deux premiers cas sont les plus
fréquents. La société peut souhaiter se procurer de
l'argent frais et demande à ses actionnaires de participer à
l'opération d'augmentation de capital par apport en numéraires ou
en espèces. L'augmentation peut également se réaliser
grâce à un apport en nature : un immeuble, un brevet, etc. Le
capital de la société doit être intégralement
libéré avant toute émission d'actions nouvelles à
libérer1.
La réduction du capital intervient
généralement lorsque la société a subi des pertes.
C'est une mesure d'assainissement financier qui permet d'aligner le capital sur
l'actif réel net. Elle facilite la reprise de la distribution des
dividendes lorsque la société, après avoir accumulé
des pertes, recommence à faire des bénéfices. Elle peut
être le préalable à l'entrée d'argent frais. Enfin,
dans le cas de perte de la moitié du capital social, la réduction
du capital peut être imposée. Dans les sociétés
prospères, la réduction du capital social est
rare2.
3- Le financement des sociétés
anonymes
Le mode de financement des sociétés anonymes
sont les valeurs mobilières ou titres émis. Quelque soit la
rentrée d'argent frais dans une société anonyme, elle se
fait au moyen des valeurs mobilières. Il existe deux sortes de valeurs
mobilières : les actions et les obligations. L'action se définit
comme une fraction du capital social d'une SA. L'obligation se définit
comme la fraction de l'emprunt émis par une SA. Les valeurs
mobilières sont des titres nominatifs ou des titres au porteur. S'ils
sont nominatifs, le nom du propriétaire est inscrit dessus ; s'ils sont
au porteur aucun nom ne figure dessus et le passage de la forme nominative
à la forme au porteur se fait par une opération que l'on appelle
« conversion ». Les valeurs mobilières ont pour
caractéristique essentielle d'être librement négociables et
transmissibles, ce qui facilite considérablement les
transferts3.
1- DE JUGLART, Michel et BENJAMIN, Ippolito : Cours de
Droit Commercial, 9eme édition Montchrestien, Paris,
1992, page 533.
2- DE JUGLART, Michel et BENJAMIN, Ippolito : Cours de
Droit Commercial, 9eme édition Montchrestien, Paris,
1992, page 549.
3- CASIMIR, Jean-Pierre et COURET, Alain : Droit des
affaires, édition Sirey, Paris, 1987, page 112.
49
a) L'action
Comme nous l'avons dit précédemment, l'action
représente la fraction du capital social d'une société
anonyme. C'est donc un titre d'associé qui donne droit non seulement
à participer à la gestion de la société mais encore
à percevoir un dividende variable suivant ces bénéfices.
Juridiquement l'action est donc un meuble et est indivisible
(c'est-à-dire que les propriétaires indivis sont dans
l'obligation de se faire représenter par l'un d'entre eux). On distingue
plusieurs types d'actions.
i) Les actions de numéraire : ce sont des actions qui
sont libérées par des apports en espèces.
ii) Les actions d'apports : ces actions sont remises aux
actionnaires qui ont effectué des apports en nature ou en industrie.
iii) Les actions à vote double : En principe, le fait
de détenir une action donne droit à une voix à
l'assemblée générale des actionnaires mais certaines
législations étrangères confèrent à
certaines actions un droit de vote double. Il en est ainsi lorsque
l'actionnaire a entièrement libéré ses actions et qu'il
les possède depuis au moins deux ans. Ces actions doivent
également être nominatives. C'est la pratique France, en Belgique
et en Allemagne.
iv) Les actions de priorité : ce sont des actions
à droit de vote double mais qui confèrent certains avantages
supplémentaires à l'actionnaire notamment une priorité
dans la distribution des bénéfices et dans le partage de l'actif
social.
v) Les actions en accumulation : elles existent depuis 1983
en France (la loi du 3 janvier 1983). Il s'agit d'une possibilité
offerte aux actionnaires de percevoir leurs dividendes sous forme d'actions
nouvelles. Cette possibilité leur est offerte par un vote de
l'assemblée générale ordinaire.
vi) Les actions à dividende prioritaire sans droit de
vote : il s'agit ici pour une société anonyme d'attirer les
investisseurs (en offrant une priorité dans la distribution des
dividendes) sans pour autant leur accorder un pouvoir de gestion et de
décision. Il s'agit ici d'une forme de dissociation
50
entre la propriété et le pouvoir. La
possibilité d'émettre des actions à dividende prioritaire
sans droit de vote est prévue par la législation française
(loi du 13 juillet 1978) à 3 conditions.
- Les titres participatifs : ils sont particuliers dans la
mesure où leur rémunération comportant une partie fixe et
une partie variable en fonction des résultats de la
société. Ils sont également remboursables à
l'initiative de la société ou au moment de sa liquidation mais
dans un délai qui ne peut être inférieur à 7 ans.
- Les droits de l'actionnaire sont les suivants : libre
négociation de ses actions ; participation aux bénéfices
au prorata des titres dont il dispose ; droit d'être informé sur
la vie, la gestion et les comptes de la société ; droit de vote
aux assemblées générales (ordinaires ou
extraordinaires).
En France, concernant la transmission des actions la cession
d'actions entraîne pour l'acquéreur le paiement de droits
d'enregistrement : 1 % plafonné. Pour le cédant : Les plus-values
réalisées sont imposées au taux de 26 %
(exonération jusqu'à un montant annuel de cessions d'un montant
déterminé) pour les personnes physiques et les personnes morales
soumises à l'IR et au taux de 20,9 % ou 22,8 % pour les personnes
morales soumises à l'IS.
b) L'Obligation
Il s'agit ici d'un mode de financement classique des
sociétés anonymes. Pour se procurer des fonds, une
société anonyme peut recourir à l'emprunt avec la
possibilité de fractionner le montant nominal de cet emprunt en
émettant des titres négociables appelés obligations.
L'obligation est donc la fraction de l'emprunt émis par une
société anonyme. Certaines obligations sont dites «
émises au pair » c'est-à-dire que leur prix
d'émission est égal à leur valeur nominale (par exemple,
versement de 50 gourdes pour une obligation de 50 gourdes).\ D'autres
obligations sont qualifiées d'obligations « à prime ».
Il s'agit ici d'attirer les investisseurs en offrant un remboursement pour une
valeur supérieure au prix d'émission (par exemple versement de 50
gourdes pour une obligation de 75 gourdes).D'une manière
générale, une quantité de produits financiers existe et
les variantes sont nombreuses. Mais ces deux là sont les seuls modes de
financement des sociétés anonymes.
51
B) Les incidents de fonctionnement
Beaucoup de situations peuvent influer sur le bon
fonctionnement d'une société anonyme. Ces situations peuvent
être externes (augmentation brutale du prix des matières
premières, récession, une conjoncture défavorable, etc.)
ou internes (mauvaise gestion d'un dirigeant trop âgé,
grèves répétées, difficultés
financières, etc.). Ces causes peuvent engendrer des incidents de
fonctionnement dans tout type de société commerciale. En
revanche, les sociétés anonymes sont peut être plus que
d'autres exposées à des irrégularités de
fonctionnement et à des conflits entre actionnaires, deux incidents de
fonctionnement fréquents1.
1- Les conflits entre actionnaires
Le code de commerce dans son article 54 prévoit le
règlement des conflits entre actionnaires et la manière de les
résoudre. Les sociétés anonymes comprennent souvent des
actionnaires nombreux et qui se connaissent mal, les conflits sont donc
inévitables. Généralement, les actionnaires minoritaires
reprochent à ceux majoritaires d'abuser de leurs droits et de diriger la
société pour le compte de leurs intérêts. A cause de
cela, la loi organise la protection des actionnaires minoritaires. Cependant,
il ne faudrait pas que cette protection conduise au blocage de la
société. Car, si des droits sont reconnus aux minoritaires, il
leur faut un pourcentage minimum de capital. Il faudrait donc une politique de
protection pour les actionnaires minoritaires en Haïti. Il peut s'agir de
deux groupes devenus antagonistes qui bloquent tout processus qui permettrait
de reconstituer le conseil d'administration. Ou encore, d'un actionnaire
disposant d'une minorité « de blocage » qui, en
assemblée générale extraordinaire interdit toute
modification des statuts, pourtant indispensable à la survie de la
société. Ces abus de majorité et de minorité
entrainent souvent de lourds conflits entre les actionnaires. Pour pallier
à ces conflits et les résoudre, les législations
étrangères prônent la protection de tous les actionnaires
(les minoritaires surtout) par l'information d'abord, et l'action en justice si
besoin est. La justice peut y répondre par la désignation d'un
administrateur provisoire ou par des sanctions à l'abus de
majorité ou de minorité. Notre législation s'est juste
contentée de prévoir l'accès à la justice quand il
y a conflits entre actionnaires, et les instances compétentes pour en
juger. Le législateur n'a pas prévu de
1- GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome
I, 8eme édition economica, Paris, 1994, pages 430 et
431.
Les différentes formes de restructuration des
sociétés anonymes sont des instruments au service de l'adaptation
de la structure juridique de l'entreprise. Les procédés de
restructuration utilisés
52
solution alternative ou de palliatif aux conflits entre
actionnaires, il en laisse l'initiative aux juges, ou arbitres. En effet,
l'art. 54 du code de commerce dit :
« Toutes contestations entre associés et pour
raison de la société sont de la compétence du Tribunal
Civil, jugeant en ses attributions commerciales, dans la forme et de la
manière prévue pour la procédure à suivre devant la
juridiction commerciale par le titre III Du Livre Quatrième du Code de
commerce. Toutefois, il est loisible aux associés en contestation de
recourir à l'arbitrage volontaire, tel qu'il est prévu en la loi
No. 7 du code de procédure civile ou à ce qui est prévu
par la loi du 11 Juin 1935 créant la chambre d'arbitrage et de
conciliation. De même, les tribunaux civils jugeant en leurs attributions
commerciales devant lesquels pareilles contestations seront portées,
auront la faculté de s'éclairer des lumières
d'arbitres-rapporteurs, qui pourront être appelés à donner
leur opinion sur le différend ».
2- Annulation des comptes et
délibération
Un autre incident de fonctionnement est ce qu'on peut appeler
l'annulation des comptes et des délibérations. Les
procédures de constitution et de fonctionnement des
sociétés anonymes sont si lourdes que des erreurs et
irrégularités peuvent y glisser, intentionnellement ou non. On
l'a vu au chapitre premier en troisième section, l'une des sanctions
pour irrégularités est l'annulation pure et simple des actes, des
délibérations ou des procédures. C'est également
valable pour les sociétés anonymes qui fonctionnent
déjà à plein régime. Une irrégularité
se remarque dans un acte des organes de contrôle, de gestion ou de
direction, en méconnaissance de la loi ou expressément, cet acte
est automatiquement frappé de nullité sans autre forme de
procédure. Plus encore, même si l'assemblée
générale d'actionnaires a délibéré, du
moment qu'il y ait eu irrégularité, c'est l'annulation. On
comprend alors que c'est un incident de fonctionnement dans tous les sens du
terme car il bloque toutes les procédures et formalités
ultérieures pour le bon fonctionnement de la société
anonyme. Pour parvenir à le contourner, il faut juste reprendre les
actes et délibérations et les produire sans
irrégularité. Et alors, tout rentrera dans l'ordre et la
société pourra continuer son fonctionnement normalement.
C) La restructuration des sociétés
anonymes
53
sont la fusion, la transformation, la scission, le transfert
de patrimoine et le transfert de siège transfrontalier et le groupe ou
groupement d'entreprises. Ces six opérations ne sont ni prévues,
ni régies par le droit haïtien. Mais dans la pratique, ces
opérations s'effectuent grâce aux prévisions du droit
commun. C'est l'une des plus grandes failles de notre législation
à caractère économique. Cependant, malgré le
silence de la loi, on va puiser dans les législations
étrangères (française surtout) pour en parler.
1. La fusion
La fusion n'est pas définie en tant que telle dans la
loi haïtienne. Elle l'est toutefois par la doctrine française comme
«la réunion juridique de deux sociétés ou plus
sans liquidation, par transfert de patrimoine et, en général,
contre attribution de parts sociales ou de droits de sociétariat de la
société reprenante aux associés de la
société transférante». La législation
française reprend les deux espèces de fusions déjà
connues (mais jusqu'ici limitées aux sociétés anonymes),
soit la fusion par absorption et la fusion par combinaison1.
2. La scission
S'agissant de la scission, la loi n'en donne pas non plus de
définition générale. Celle-ci doit être
recherchée dans la doctrine : «Par scission, une
société (société transférante)
transfère des parts de son patrimoine à d'autres
sociétés (sociétés reprenantes) contre attribution
de parts sociales ou de droits de sociétariat de ces dernières
à ses associés». La loi française mentionne deux
cas de figure : la scission par division et la scission par séparation.
Dans chaque cas, il existe une variante dite symétrique et une variante
dite asymétrique.
3. La transformation
Au cours de sa vie sociale, une société peut
subir une transformation juridique. Ainsi, quelle que soit sa forme d'origine,
elle peut adopter la forme juridique qu'elle souhaite, en respectant les
règles requises2. Nous allons voir comment faire pour
transformer une société anonyme. Il s'agit en substance du
changement de la forme juridique d'une seule et même
société, effectué par le biais de la modification de ses
statuts. La société conserve son identité et sa
personnalité. Afin de transformer une société anonyme en
une autre société, il faudra respecter des conditions. En
1 -GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome
I, 8eme édition economica, Paris, 1994, page 620. 2-
GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome I, 8eme édition
economica, Paris, 1994, page 560.
54
effet, tout d'abord, la société anonyme devra
avoir au moins deux ans d'existence. Il faudra aussi que la
société ait fait établir et approuver son bilan par les
actionnaires.
Ensuite, le commissaire aux comptes devra établir un
rapport. La décision de transformation ne pourra avoir lieu que si ce
rapport atteste que les capitaux propres de la société sont
égaux à son capital social. Enfin, la transformation de la
société anonyme devra faire l'objet d'une publicité dans
un journal d'annonces légales et auprès du greffe du tribunal de
commerce (TPI en Haïti), en déposant les nouveaux statuts. L'accord
unanime ou à la majorité des associés sera requis selon le
type de société choisie. Par exemple, l'unanimité sera
requise dans le cas où la société anonyme décide de
se transformer en société en nom collectif.
4. Le transfert de patrimoine
Le transfert de patrimoine constitue probablement la
principale innovation de la Loi de la Fusion en France. Cette institution y est
décrite -- plus que définie -- à l'article 69
alinéa 1. Il a lieu par le biais d'un contrat conclu entre deux sujets,
dont l'objet est la cession à titre universel, par un seul acte (Uno
actu), de tout ou partie de l'entreprise. La contre-prestation du
transfert peut consister en toute prestation patrimoniale, en nature ou en
espèces. Le patrimoine cédé doit être clairement
identifié dans un inventaire. La valeur de ce dernier (net asset
value) doit nécessairement être positive.
5. Le transfert de siège transfrontalier
Le transfert de siège transfrontalier est
l'opération qui permet à un sujet de transférer son
siège du pays d'origine vers l'étranger ou simplement d'un pays
à un autre, sans procéder à une liquidation, ni à
la constitution d'une nouvelle société. Cette opération
est autorisée par la législation Suisse sur les
sociétés anonymes. C'est une innovation qui n'a pas encore fait
le tour du monde.
6. Le groupe ou groupement
Le groupe est un ensemble de sociétés
juridiquement indépendantes les unes des autres, mais qui sont en fait
soumises à une unité de décision
économique1. C'est la grande tendance actuellement cette
réalité de groupe. En Amérique du Nord et en Europe, les
groupements d'Intérêts Economiques (GIE) pullulent.
1- GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome
I, 8eme édition economica, Paris, 1994, page 574.
55
Bien que la loi soit très libérale, il existe
des formes de restructurations que celle-ci ne consent pas entre certains types
de sujet de nature différente. Il n'est par exemple pas possible de
fusionner une société avec une fondation, ni de transformer une
société en une fondation. Il existe ainsi un numerus clausus
des possibilités de restructuration. Cette restriction est en
pratique toutefois atténuée -- pour ne pas dire
éludée -- par la possibilité, qui est
délibérément offerte par la Loi sur la Fusion, d'effectuer
la plupart des opérations de restructuration en recourant à cette
autre méthode qu'est le «transfert du patrimoine».Du point de
vue fonctionnel, le transfert de patrimoine est ainsi une alternative à
toutes les autres formes de restructurations; il joue en d'autres termes le
rôle de palliatif au numerus clausus des opérations
spécifiquement codifiées.
D) Le non-fonctionnement des sociétés
anonymes en Haïti
L'une des spécificités de la loi haïtienne
sur les sociétés anonymes est la question de non-fonctionnement.
Contrairement aux autres types de sociétés commerciales, la
société anonyme est autorisée à ne pas fonctionner
tout en gardant sa personnalité morale, sa capacité juridique et
son existence légale. La loi du 03 Aout 1955 en ses articles 6 et
71 prévoient et réglementent le non-fonctionnement des
sociétés anonymes, moyennant le paiement d'un droit ou frais de
non fonctionnement à acquitter annuellement à la Direction
Générale de s Impôts (D.G.I.). Ces articles stipulent :
Article 6 : Toute société anonyme
haïtienne régulièrement constituée qui ne fonctionne
pas mais qui désire cependant conserver son existence légale,
devra en donner avis à l'Administration Générale des
Contributions, au plus tard le 15 Janvier de chaque année. Dans ce cas,
la société sera tenue de payer -outre la taxe sur les actions-
une taxe annuelle spéciale de cinq cent gourdes. Cette taxe devra
être acquittée dans les jours de la date d'émission du
bordereau par le Bureau des Contributions. (Direction Générale
des Impôts)
Article 7 : Faute par la société
d'accomplir les formalités prescrites à l'article
précédant, l'arrêté autorisant son fonctionnement
sera rapporté, conformément aux dispositions de l'article 38 du
code de Commerce.
1- PAILLANT, Joseph : Code Fiscal,
édition Henri Deschamps, Port-au-Prince, 2008, page...
56
L'article 38 du code de commerce a été
abrogé par le décret du 23 Aout 1960. Mais il est textuellement
repris par l'article 15 dudit décret qui stipule en son 2e
alinéa : « Cette autorisation et cette approbation qui sont
donnés par arrêté ; sont sujettes à
révocation, lorsque la société qui les a obtenues ne se
sera pas conformée aux buts pour lesquels elle a été
constituée ou aura violée ses statuts ».
Selon le calendrier fiscal établi par le
Ministère de l'Economie et des Finances (MEF), le droit de
non-fonctionnement des sociétés anonymes est payable du 01
Octobre au 15 Janvier de chaque année fiscal, en dépit des
prescrits de l'article 6 précité. De toute façon, la taxe
de non fonctionnement des sociétés anonymes est payable dans le
délai prescrit par loi, c'est-à-dire à partir du premier
Octobre.
En d'autres termes, une société anonyme peut
cesser toute activité et garder son existence légale avec tout ce
que cela implique d'avantages et d'obligations. Bien entendu, c'est uniquement
valable pour les sociétés anonymes. Cette particularité
est une faveur spéciale de la législation haïtienne sur les
SA. L'une parmi d'autres non moins considérables.
Section III : Dissolution des sociétés
anonymes
La dissolution est l'opération par laquelle on met fin
à la personnalité morale de la société anonyme.
C'est l'extinction de cette dernière. Elle a des causes et des
conséquences.
A) Les causes de dissolution
La dissolution de toutes sociétés commerciales
peut résulter de plusieurs causes. Les unes sont en rapport avec les
statuts qui constituent la loi des parties, elles engendrent la dissolution
statutaire. Les autres sont en rapport avec la loi imposant cette dissolution
par voie légale, elles conditionnent la dissolution légale.
57
1- Causes statutaires/ Dissolution statutaire
Ce sont les causes prévues par les statuts
eux-mêmes Elles entrainent la dissolution statutaire. Toutes
sociétés peuvent être statutairement dissoutes pour les
causes suivantes :
a) Arrivée à terme des statuts :
Lorsque la société est prévue pour une durée
déterminée, les statuts le stipule. Ainsi, au terme de la
durée, les statuts expirent eux aussi. Expiration de la durée
stipulée dans les statuts (sauf prorogation décidée
à l'unanimité ou à la majorité stipulée dans
les statuts, au moins avant le terme). Si la société continue son
activité sans prorogation, elle se transforme en société
créée de fait.
b) Extinction de la chose faisant l'objet de
l'exploitation : si l'objet social est réalisé ou
éteinte, alors, il n'y a plus de raison de ne pas dissoudre la
société car il n'y a plus rien à exploiter.
c) Décision des parties de mettre fin au contrat
de société dans les formes (dissolution anticipée) :
par une décision de l'assemblée générale
constatée en la forme authentique, une dissolution anticipée peut
être décidée.
d) Toutes autres conditions prévues par les
statuts : Les statuts sont rédigés selon les voeux des
actionnaires. Donc, toutes conditions prévues par les statuts peuvent
entrainer la dissolution de la société anonyme.
2- Causes légales/ Dissolution légale
La loi peut imposer la dissolution d'une société
commerciale, notamment dans les cas suivants :
a) La perte du 1/4 du capital social et faillite :
L'Article 8 de la loi du 03 Aout 1955 stipule : « Toute
société anonyme qui aura perdu les trois-quarts de son capital
devra tenir une Assemblée Générale de ses Actionnaires
afin d'envisager les mesures à prendre, soit pour remédier
à la situation, soit pour procéder à la dissolution de la
société [...] ». Pourtant, l'article 31 du décret du
28 Août 1960 déclare à peu près la même chose,
mais, au lieu des trois-quarts, c'est le quart (1/4) qui est prévu. Il
déclare qu'en cas de perte du quart du capital social versé, les
administrateurs devront obligatoirement convoquer une assemblée
générale pour décision sur la continuation ou la
liquidation de la société. Le décret du 28 Août 1960
ayant modifié la loi 03 Août 1955, c'est le quart qui est
maintenu. D'ailleurs, le 1/4 est plus logique.
La liquidation d'une société est une
opération consistant à transformer en argent les
éléments de l'actif et à payer les dettes sociales de la
société, afin d'en apurer le patrimoine. La dissolution
58
b) La réduction du capital au dessous du minimum
légal : Le décret du 11 Novembre 1968 en son article
1er stipule : « [...] Le capital minimal d'une
société anonyme est de 25000 gourdes et celui des
sociétés industrielles ou agricoles, de 100 000gourdes ». La
réduction du capital à moins du minimum requis par la loi est une
cause de dissolution.
c) La diminution du nombre d'associés à
moins de quatre : La pluralité des associés est une
condition essentielle pour la constitution de toute société
commerciale. Pour les sociétés anonymes, la loi laisse supposer
qu'un minimum de quatre actionnaires est nécessaire. Dans ce cas, une
société anonyme diminuée à trois actionnaires est
légalement vouée à la dissolution. Même si dans la
pratique, c'est une situation fréquente.
d) Les infractions à la loi : Des infractions
lourdes à la loi peuvent entrainer la dissolution d'une
société anonyme. La dissolution est alors une sanction
pénale qui punit les infractions commises par les dirigeants sociaux de
la société.
e) Mésentente grave entre les parties/actionnaires
: Lorsqu'il n'y a pas d'alternative pour résoudre les conflits
entre les actionnaires et que la seule solution réside dans la
dissolution, la loi n'hésite pas. Elle tranche et prononce la
dissolution de la société en question.
Il faut souligner que la mort d'un associé n'entraine pas
la dissolution de la société anonyme. La société
cesse d'exister à compter de la date et de l'heure inscrites sur le
certificat de dissolution délivré par le Registre de commerce et
des sociétés.
B) Les conséquences de la dissolution
La dissolution entraine la liquidation de la
société et le partage du boni de liquidation. La
personnalité morale existe encore pour les besoins de la liquidation.
Cette dernière comprend trois opérations : la réalisation
de l'actif (on vend les biens), l'extinction du passif (on paie les dettes), et
on partage la différence. La différence peut être
négative (perte), ou positive (gain soulte ou boni de liquidation).
1- La liquidation
59
d'une société entraîne sa liquidation,
sauf bien sûr en cas de fusion ou de scission. Il s'agit de la vente des
actifs qui serviront en premier lieu au paiement des créanciers (selon
un ordre spécifique). L'actif net éventuel est partagé
entre les associés (certains associés bénéficiant
également de droits préférentiels). La liquidation d'une
société anonyme est différente de la liquidation des
autres types de sociétés commerciales. Une société
qui a des créances à recouvrir, des obligations à
exécuter ou dont le reliquat de ses biens doit être partagé
entre ses actionnaires, doit être liquidée.
Les actionnaires d'une société, ayant
préalablement consenti à la dissolution de ladite
société, doivent nommer un ou des liquidateurs lors d'une
assemblée tenue à cet effet. Le liquidateur de la
société doit sans délai produire un avis de liquidation et
le déposer au registre des entreprises en y joignant une copie
certifiée de la résolution autorisant la présentation
d'une demande de dissolution.
Par la suite, il doit réaliser un compte
définitif présentant l'actif de la société au
moment de sa nomination et le reliquat des biens de la société
à partager entre ses actionnaires lorsque ladite société
aura été liquidée. Le liquidateur doit par ailleurs faire
une proposition de partage. Le compte définitif (par résolution
spéciale) et la proposition de partage doivent être
approuvés par les actionnaires. La liquidation de la
société prend effet lorsque le liquidateur dépose l'avis
de clôture de la liquidation et la déclaration de dissolution au
registre du commerce et des sociétés. Ensuite, les comptes de
liquidation sont déposés au greffe du Tribunal de Première
Instance en chambre commerciale afin que la société soit
radiée du registre du commerce et des sociétés. Elle perd
ainsi sa personnalité morale. L'avis de clôture de la liquidation
doit être publié dans un journal à grand tirage afin
d'être porté à la connaissance des tiers.
2- Le partage
La clôture de la liquidation est suivie du partage entre
les associés de l'éventuel boni de liquidation. La dissolution se
traduit par un double ensemble d'opérations : la liquidation et le
partage qui consiste à rembourser aux associés leurs apports,
ainsi qu'un éventuel boni de liquidation (généralement
proportionnellement aux apports).
60
Toutefois, il est bien évident que toutes les
liquidations ne dégagent pas de boni et lorsque les pertes sont
supérieures aux apports, il faut appliquer les règles de
responsabilité propres à la société anonyme,
c'est-à-dire les actionnaires ne supportant les dettes sociales
qu'à concurrence de leurs apports. (Tous les créanciers ne
pouvant être désintéressés).
La dissolution d'une société, quand elle a
été décidée par les actionnaires, peut être
arrêtée tant que le reliquat des biens de la société
n'a pas été fait. Pour cela, il faut obtenir, par
résolution spéciale, une rétractation du consentement
concernant la dissolution de la société, produire un avis
d'arrêt de la liquidation, puis le déposer au registre du commerce
et des sociétés.
Il ressort de ce chapitre que la législation
haïtienne, si elle consacre des faveurs et prévoit des restrictions
dans le fonctionnement des sociétés anonymes, est muette sur des
points cruciaux intéressant la vie même des SA. Pour
l'organisation de la SA, la loi réglemente les questions relatives aux
organes délibérants, ceux de gestion et de direction et ceux de
contrôle. Encore que le directoire et le conseil de surveillance ainsi
que les experts de gestion ne sont pas présents dans les
différents textes qui composent notre droit. Mais, les grands absents de
notre législation sont les salariés. Ils ne sont
mentionnés nulle part et le législateur n'a pas jugé
nécessaire de faire d'eux des organes à part entière de la
société. Quant au fonctionnement de la SA, elle est muette en ce
qui à trait aux restructurations et le seul incident de fonctionnement
qui en fait l'objet est le conflit entre actionnaires. Cependant, pour le
non-fonctionnement, la loi est assez exhaustive.
Une fois de plus, on constate les rigueurs qui pèsent
sur la société anonyme. Son fonctionnement est lourd tant les
procédures et formalités sont complexes et nombreuses. Sa vie
sociale et économique est jalonnée d'exigences tendant à
assurer sa bonne marche en conformité avec les statuts et avec la loi.
Dans la même optique, les faveurs ne manquent pas. Les
sociétés anonymes ont l'immense privilège de ne pas
fonctionner et de garder leur personnalité morale et leur existence
légale. Plus encore, dans le silence de la loi et en l'absence de textes
réglementaires, les SA ont toute la latitude d'agir à leurs
convenances car la loi ne punit pas ce qu'elle n'a pas prévu. Et
là ou il n'y a rien, le droit perd ses droits.
61
DEUXIEME PARTIE : LE REGIME JURIDIQUE PARTICULIER DES
SOCIETES ANONYMES.
La personnalité morale des sociétés
anonymes, par analogie aux personnes physiques, se manifeste tant par les
droits que par les obligations. En d'autres termes, les sociétés
anonymes comme toutes les autres sociétés commerciales sont
titulaires de droits et passibles d'obligations. Les SA font l'objet d'un
régime juridique particulier quand il s'agit de leurs droits et de leurs
obligations. C'est véritablement à ce niveau que la
dualité de la législation s'impose. Sur le plan des droits, la
société anonyme est nettement privilégiée par
rapport aux autres types de sociétés commerciales. Les droits
patrimoniaux à elle accordés sont exorbitants -quoique pour la
société anonyme étrangère, il y a des restrictions-
et illimités. C'est assez intéressant pour encourager les
investisseurs et autres entrepreneurs. Ses obligations envers l'administration
publique sont, par contre, assez pesantes. Le fisc n'est pas très
sympathique avec les SA et peut décourager d'éventuels
investisseurs. Une politique à double visage.
Seront étudiés dans cette partie les droits
extrapatrimoniaux et ceux patrimoniaux de la SA, ses obligations fiscales et la
démarcation entre les deux systèmes. Mais plus encore, il y sera
question de perspectives et de recommandations en vue d'une législation
uniforme et exhaustive pour la facilitation des investissements par le canal
des sociétés anonymes.
62
CHAPITRE III : LES DROITS DES SOCIETES ANONYMES A
DECOUVERT
Même si les droits et les obligations des SA sont la
manifestation de leur personnalité morale, cette dernière
s'incarne généralement sous deux formes concrètes
spécifiques : sous la forme de droits extra patrimoniaux d'une part
(section I) et d'autre part, sous la forme de droits patrimoniaux (section II).
L'intérêt de l'octroi des faveurs spéciales légales
quant aux droits (surtout patrimoniaux) fera l'objet de la troisième
séquence de ce chapitre (section III).
Section I : Les droits extrapatrimoniaux
On distingue d'une manière générale deux
grandes catégories de droits pour les sujets de droit : les droits extra
patrimoniaux et les droits patrimoniaux. L'identité d'une
société anonyme, son domicile ou siège social, sa
nationalité, son droit d'exercer le commerce et d'ester en justice, la
protection diplomatique, l'existence légale etc., sont autant de droits
extrapatrimoniaux reconnus aux SA. Ils ne font pas partie du patrimoine de
l'entreprise mais leur jouissance et/ou exercice sont tributaires de la
naissance de la personnalité juridique. De ce fait, ils ont une triple
importance. Uno, ils font ressortir la personnalité morale et lui
servent de référence. Secundo, ils servent à
l'individuation de chaque société anonyme. Tertio, ce sont des
prérogatives qui n'entrent pas dans le commerce juridique. Et à
ce titre, ils sont insaisissables et incessibles.
A) Le droit à un nom
Le nom est le premier élément d'identification
d'une personne, qu'elle soit physique ou morale. Le droit au nom commercial est
consacré par le décret du 17 Juillet 1954 sur les droits de la
propriété industrielle et commerciale, modifié par le
décret du 18 Juillet 1956 et celui du 12 Octobre 1967 sur le nom
commercial. Il est protégé par la Convention du Nom de Paris
de1983 signée et ratifiée Haïti. Le nom commercial
diffère de la raison sociale. Cette dernière est exclusivement
réservée aux sociétés de personnes et
employée seule, elle peut servir de nom commercial. Alors que le premier
s'applique à tout type de société. Il est choisi à
la fantaisie des fondateurs de la société et figure dans les
premières clauses du statut. Traditionnellement, il est choisi en
fonction de l'objet de l'entreprise et/ou dans une optique de marketing pour
attirer la clientèle. En plus du nom commercial, l'article 3 du
décret du 8 Mars 1984 fait obligation aux
63
sociétés anonymes de se désigner par une
dénomination sociale avec le nom d'un ou de plusieurs fondateurs inclus.
La dénomination sociale est aux sociétés anonymes ce que
la raison sociale est aux sociétés de personnes.
B) Le droit à un domicile ou siège social
Le siège social des sociétés anonymes est
l'équivalent du domicile pour les personnes physiques. C'est le lieu
fixe où l'entreprise exerce ses principales activités, où
sont prises les principales décisions intéressant sa vie et son
fonctionnement et où se trouvent ses principaux organes. En règle
générale, il est indiqué dans les premières clauses
du statut. C'est le siège social statutaire ou siège social de
droit. Le siège social peut se déplacer si c'est prévu par
les statuts ou en vertu d'une décision de l'organe
délibérant. Cependant, le siège social peut se trouver
dans un endroit autre que celui indiqué dans les statuts. Les organes de
la société peuvent se réunir en un autre lieu pour prendre
toutes les décisions concernant la société. Dans ce cas,
la société est réputée avoir un siège social
réel ou de fait distinct du siège social statutaire ou de droit.
C'est le cas des sociétés transnationales.
Le siège social détermine la compétence
ratione locci des tribunaux et au besoin, la loi applicable au litige
présentant un élément d'extranéité. Il
constitue également l'un des critères qui conditionnent la
nationalité des sociétés anonymes.1
C) Le droit à une nationalité
La nationalité des sociétés commerciales
a fait l'objet de controverses doctrinales au cours de la seconde guerre
mondiale. A cette époque, les mesures de séquestre prises par la
France contre les sociétés étrangères se sont
achoppées à une grande difficulté d'application visant
l'existence et la définition de la nationalité des personnes
morales. Une telle difficulté a porté le Professeur de Droit,
François NIBOYET à s'interroger sur cette question.
A la question de savoir si les personnes morales et en
particulier les sociétés commerciales ont une nationalité,
la réponse est vite donnée affirmativement. Mais cela ne suffit
pas. Cela ne saurait suffire dans la mesure où il faut aussi et surtout
identifier cette nationalité quand le
1- Le Professeur Gélin I. COLLOT : Note de Cours.
64
financement, l'exploitation et le fonctionnement
présentent des éléments d'extranéité. Deux
grands critères sont généralement retenus pour
déterminer la nationalité des sociétés commerciales
: les uns d'ordre juridique (siège social, le lieu et la loi de
constitution de la société), les autres d'ordre économique
(source de financement ou origine du capital social, nationalité de la
majorité des associés, contrôle de droit ou de fait,
etc.).
La nationalité des sociétés commerciales
est régie en Haïti par la loi du 16 Juin 1975 modifiée par
le décret du 10 Octobre 19791, qui fait une discrimination
entre les sociétés anonymes d'une part et des autres formes de
sociétés commerciales d'autre part, toutes typologies confondues.
Il faut seulement les critères juridiques pour déterminer la
nationalité des sociétés anonymes. En vertu de l'article 7
de la loi du 16 Juin 1975, les sociétés anonymes sont
réputées haïtiennes si et seulement si elles sont
constituées en Haïti, selon les lois haïtiennes, ayant leur
siège social en Haïti et partant avec un conseil d'administration
composée de trois membres dont l'un est nécessairement un citoyen
haïtien, en conformité avec la loi du 3 Aout 1955, modifiée
par le décret du 28 Aout 1960.
Pour déterminer la nationalité des autres
sociétés commerciales, les critères doivent être
juridiques et économiques. Elles sont régies par l'article 8 de
la dite loi. Pour être réputées de droit haïtien,
elles doivent être constituées dans les mêmes conditions que
précédemment, mais il faut qu'il y ait une participation
majoritaire des Haïtiens à la formation du capital social.
Autrement dit, il faut que plus de la moitié, soit 51% du capital social
appartienne à des Haïtiens.
A ce stade de notre étude, il convient
d'élucider le cas des sociétés dites multinationales. On
dit société multinationale en référence aux
critères économiques. Selon les critères juridiques, la
société a une nationalité et une seule, pas deux, sept ou
quinze. C'est pour cela que l'adjectif transnational est mieux adapté
pour qualifier ce type de société. Et lorsqu'on parle de conflit
de nationalité, il s'agit en général d'un conflit de
lois.
D) Le droit d'exercer le commerce
La société anonyme est une société
commerciale par la forme : la nature de l'activité, fut-elle civile,
étant sans influence sur la qualification commerciale de la
société. En d'autres termes, la
1- PAILLANT, Joseph : Code Fiscal, édition Henri
Deschamps, Port-au-Prince, 2008, ....
65
société anonyme est commerciale quelque soit son
objet. Mais plus encore que l'attribut commercial, la société
anonyme a le droit d'exercer le commerce après son autorisation de
fonctionnement. Car c'est à partir de ce moment là qu'elle est
réputée existante et est habilitée à fonctionner.
La nationalité d'une société anonyme ou sa reconnaissance
juridique donne une certaine authenticité aux actes et faits par elle
posés. Ainsi, elle est à même d'exercer le commerce comme
toute personne physique ayant la qualité de commerçant et les
contrats conclus avec cette société produit normalement ses
effets juridiques. Mais encore, elle peut exercer d'autres activités qui
peuvent ne pas être des actes de commerce. Dans cette veine, elle peut
faire des achats et réaliser des ventes qui n'ont aucun rapport avec ses
activités commerciales sans faire l'objet d'interdiction de poursuivre
ses activités commerciales. Les sociétés anonymes
étrangères ont la capacité de se livrer à des
activités commerciales comme les sociétés anonymes
haïtiennes, une fois que les formalités requises par la loi sont
remplies. Sur ce point, elles ont les mêmes prérogatives, à
la seule différence que les sociétés anonymes
étrangères n'ont pas toute la liberté d'acquérir
des biens immobiliers comme les sociétés anonymes haïtiennes
selon l'article 1 de la loi du 16 Juin 1975.
E) L'existence légale
Ce droit extra patrimonial est consacré par toute la
législation haïtienne à partir de l'octroi de l'autorisation
de fonctionnement. L'article 4 du décret du 8 Mars 1984 stipule que les
sociétés anonymes ont la personnalité juridique à
compter de la date d'autorisation de fonctionnement. Devenue sujet de droit, la
société anonyme peut maintenant jouir des prérogatives
accordées aux personnes morales et remplir les obligations qui s'y
rattachent. Fonctionnement ou non fonctionnement, la société
anonyme haïtienne ou étrangère conserve son existence
légale dans la mesure où elle n'est pas dissoute. L'article 10 de
la loi du 03 Aout 1955 dispose ce qui suit : « Les sociétés
anonymes étrangères autorisées à fonctionner en
Haïti mais ne fonctionnant pas momentanément est
conditionnée par les dispositions des articles 6 et 7 de la
présente loi.» Or, les deux articles cités régissent
les conditions de non fonctionnement des sociétés anonymes
haïtiennes et les sanctions contre les contrevenants aux formalités
exigées. De ce fait, l'existence légale pour les deux types de
sociétés se conserve de la même façon et produit les
mêmes effets dans les mêmes circonstances. La conservation de
l'existence légale d'une société anonyme, haïtienne
ou étrangère, produit des conséquences. Ces
dernières consistent en des privilèges et
« Les dispositions ci-dessus relatives à
l`autorisation et à l'approbation des sociétés par actions
ne peuvent préjudicier au droit des sociétés
établies à l'étranger d'ester en justice en Haïti
tant en
66
des protections dont jouissent les sociétés
anonymes découlant directement du droit de l'existence légale.
Les voici de manière énumérative.
1- Elle permet d'éviter les frais et les
procédures de reconstitution. Dans la mesure où
la
société perdrait son existence légale, pour
recommencer à fonctionner, elle devrait entreprendre toutes les
démarches relatives à la formation et au fonctionnement d'une
société anonyme.
2- Elle assure la protection du nom commercial de la
société. Une autre société ne
pourra pas se
former sous le nom d'une société anonyme déjà
établie
3- Les brevets d'invention obtenus sous le nom de la
société sont maintenus tout au long
de son existence en
conformité avec l'article 1er de la loi du 17 Juillet
1954.
4- En dernier lieu, puisque la société conserve
son existence légale, son patrimoine se
conserve également.
Tous les droits réels et personnels y restent.
F) Le droit d'ester en justice
La société anonyme en tant que personne morale
est un sujet de droit, donc, un justiciable. Elle peut se constituer partie en
instance, assigner, être représentée par devant les
tribunaux et cours, poursuivre quelqu'un ou être poursuivi en justice. En
somme, elle a le droit d'ester en justice tant comme demanderesse que comme
défenderesse. Ici, on se réfère à la
capacité juridique de tout individu selon la loi d'introduire une action
en justice pour tout préjudice dont il fait l'objet. Les
sociétés anonymes doivent suivre les prescrits des règles
de droit en ce qui concerne les commerçants (personnes physiques). Elles
peuvent se constituer partie civile devant un Tribunal de Première
Instance en chambre civile, ou en chambre commerciale pour affaires
commerciales, ou même en chambre correctionnelle pour des sanctions
pénales, ou encore, devant un Tribunal de Paix selon les articles
640-642, 610 et 635 du code de commerce.
Les sociétés anonymes étrangères
ne sont pas en reste avec la législation. Ce droit leur est pleinement
reconnu, comme à celles haïtiennes. L'article 1er de la
loi du 27 Juin 1952 modifiant l'article 38 du code de commerce relatif aux
sociétés par actions établies à l'étranger.
Prévoit :
67
demandant qu'en défendant, à l'occasion des
obligations contractées envers elles par des Haïtiens ou Etrangers
en Haïti et réciproquement. »
Et comme les sociétés haïtiennes, elles
peuvent ester en justice sans avoir l'obligation de payer la caution
judicatum solvi selon l'article 96 du Code de Procédure Civile.
Toutes les sociétés anonymes confondues -qu'elles soient
haïtiennes ou étrangères- en Haïti
bénéficient des mêmes privilèges quand il s'agit du
droit d'ester en justice.
G) La protection diplomatique
La protection diplomatique est ainsi définie dans le
lexique des termes juridiques : « Protection que l'Etat peut assurer
à ses nationaux lorsqu'ils ont été lésés par
des actes contraires au Droit International, commis par un étranger et
qu'ils n'ont pas pu obtenir réparation par les voies de droit interne de
cet Etat. L'Etat qui exerce la protection diplomatique endosse la
réclamation de son ressortissant et se substitue à lui dans le
débat contentieux qui devient un débat entre Etat. »
En général, l'Etat se sent toujours
concerné par les traitements infligés à ses
ressortissants. Il pose des actions pour les protéger en situation de
difficulté et s'efforce de leur faire bénéficier de
certains avantages découlant des accords signés sur le plan
international. Les sociétés commerciales dotées de la
personnalité morale et de la nationalité haïtienne jouissent
en principe de la protection diplomatique à l'étranger par
l'entremise de leurs représentants (personnes physiques). Ces
sociétés exercent des activités qui les mettent en
relation avec d'autres personnes, physiques ou morales, de nationalité
différente et qui sont régies par des lois différentes.
Dans les conflits occasionnés à l'extérieur, entre des
ressortissants de divers Etats, l'intervention de ces derniers (en tant
qu'arbitre, médiateur, conciliateur ou défenseur), est
indispensable pour la résolution des conflits. Le recours à la
protection diplomatique est une sécurité et une garantie pour les
sociétés commerciales.
Les sociétés anonymes étrangères
ne doivent bénéficier de la protection diplomatique que de l'Etat
dont elles reçoivent la nationalité. L'Etat Haïtien assure
la protection diplomatique des sociétés anonymes haïtiennes
établies ailleurs, mais la protection diplomatique des
sociétés anonymes étrangères établies sur
son territoire ne dépend pas de lui. Cependant, suivant certains accords
de réciprocité, une société étrangère
peut bénéficier des avantages particuliers sur le territoire de
la République d'Haïti.
68
Section II : Les droits patrimoniaux, des
privilèges exorbitants
Les droits patrimoniaux sont pour Raymond Guillien des droits
subjectifs entrant dans le patrimoine. Ils sont dans le commerce juridique, ils
sont donc cessibles et prescriptibles. En principe, tout droit subjectif est
réputé patrimonial. Comme ils sont dans le patrimoine, les droits
patrimoniaux se portent donc sur les biens mobiliers et immobiliers. La
constitution du 29 Mars 1987, dans le titre III qui traite du citoyen, de ses
droits et de ses devoirs, (précisément les articles 36 à
39) consacre le droit de propriété qui est le droit patrimonial
par excellence.
A) Droit de la propriété mobilière
Le droit de propriété est un droit réel
conférant toutes les prérogatives que l'on peut avoir sur un bien
: l'usus (le droit d'user de la chose), l'abusus (le droit d'en disposer) et le
fructus (le droit d'en percevoir les fruits). Le droit de la
propriété mobilière se porte sur les meubles, ceux qui le
sont par nature et ceux qui le sont par détermination de la loi.
1. L'acquisition
L'acquisition de la propriété mobilière
se fait en général par contrat achat-vente verbal ou
écrit. Cependant elle peut se réaliser par héritage ou par
legs, par donation, par adjudication ou par saisie-exécution. Le
législateur n'a pas mis de barrières, les sociétés
anonymes peuvent acquérir autant de biens meubles qu'elles peuvent ou
qu'elles estiment nécessaire. Elles peuvent en acquérir pour la
réalisation de l'objet social, de l'exploitation commerciale ou pour
toute autre besogne qui peut n'avoir aucun rapport avec l'objet social. Mais
quelque soit le motif de l'acquisition, il revient à ces
sociétés d'en faire un usage correct.
2. La jouissance
Les sociétés anonymes jouissent de
l'intégralité du droit de la propriété
mobilière avec tout ce que cela implique. Elles peuvent en percevoir les
fruits (fructus), en user à volonté (usus), ou en disposer comme
bon leur semble (abusus). Le législateur n'a pas fixé de limites
à la jouissance du droit à la propriété
mobilière. Et la jouissance de ce droit n'a pour limites que les
prérogatives de l'Administration Publique que nous verrons
après.
69
B) Droit de la propriété
immobilière
C'est le droit patrimonial le plus important aussi bien en
termes de modes et de moyens d'acquisition qu'en termes de jouissance, de
prescription acquisitive, de suspension ou de transmission. La
propriété se définit par l'article 544 du code civil comme
le « droit d'user, d'en disposer, de la manière la plus absolue,
pourvue qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les
règlements. » Et la jouissance du droit de propriété
est l'aptitude légale à avoir ce droit, à pouvoir,
l'ayant, recueillir l'avantage qu'il procure. C'est valable et pour la
propriété mobilière que pour celle immobilière.
L'article 7 de la loi du 16 Juin 1975 reconnait aux sociétés
anonymes haïtiennes les mêmes droits qu'aux simples citoyens
haïtiens. Il dispose :
« Les sociétés anonymes constituées
en Haïti, conformément aux lois haïtiennes et qui auront leur
siège social dans le pays, jouiront sans restrictions de tous les droits
reconnus à l' Haïtien quant à la propriété
immobilière. »
Autrement dit, de la même manière qu'un simple
Haïtien peut acquérir une propriété et en jouir,
ainsi peut faire la société anonyme haïtienne. Il ne nous
reste plus qu'à voir les modes et moyens d'acquisition de la
propriété immobilière et les modalités de
jouissance.
1- Les modes et moyens d'acquisition a)Titre
onéreux
L'acquisition à titre onéreux est la plus
répandue et la mieux utilisée. Elle fait appel à la
monnaie comme intermédiaire d'échange dans la transaction.
Acquérir à titre onéreux signifie simplement qu'on a
conclu un contrat de vente ou qu'on recouru à
l'adjudication. Le contrat de vente est un contrat conclu entre deux
ou plusieurs personnes physiques ou morales, de droit privé ou de droit
public, dans lequel l'une des parties consent à céder à
l'autre un bien moyennant le paiement du prix convenu. Ce sont les articles 897
et suivants du Code Civil Haïtien qui réglemente les contrats et
conventions. Le droit des obligations fait du contrat de vente une obligation
de donner. L'adjudication fait référence à la vente aux
enchères ou vente à l'encan public. Les sociétés
anonymes peuvent donc se porter acquéreuses de biens immobiliers par
l'achat ou en se faisant adjudicataires.
70
b) Titre gratuit
L'acquisition à tire gratuit est celle qui ne
nécessite aucun mouvement d'argent dans son processus. Elle peut
consister en une succession, une prescription ou une donation entre vifs. La
succession est le premier mode d'acquisition gratuite de la liste. Il
s'agir d'un héritage d'ascendants à descendants (de parents
à enfants), de parents collatéraux (entre frères et
soeurs), conjugal (entre conjoints), ou de descendants à ascendants
(enfants à parents). Il peut être également question d'un
legs testamentaire. Le De Cujus, dans son testament a légué ses
biens à un légataire sans forcément qu'il y ait un lien de
parenté ou un lien matrimonial. A l'instar de la succession, il existe
la donation entre vifs. C'est un don d'une personne encore vivante
à une autre. Et puis, il y a la prescription utile ou
acquisitive qui trouve son fondement dans les rapports de fait en tenant compte
de la bonne foi de l'occupant et en négligeant l'aspect purement
légal constitué par un contrat de vente ou par des liens
familiaux. Cependant, si toute personne physique peut acquérir des
immeubles par ces moyens, les sociétés anonymes ne peuvent les
acquérir par succession étant donné qu'elles n'ont pas de
parents dont elles recueilleraient l'héritage ou le legs.
c)Apport en nature
Les sociétés anonymes peuvent acquérir
des biens immobiliers par des apports en nature. Principalement l'apport en
pleine propriété. L'un ou plusieurs des actionnaires peuvent,
lors de la constitution de la société, au moment de la
réalisation d'apports, donner leurs biens immobiliers en pleine
propriété. Par cette action, le droit de propriété
passe des mains de l'actionnaire donateur au patrimoine de l'entreprise.
L'apport en pleine propriété peut également être
réalisé lors de l'augmentation du capital social de la
société anonyme.
d) Saisie-exécution
En général, la saisie-exécution est
l'apanage des sociétés anonymes comme les banques commerciales,
les compagnies d'assurance, les sociétés de crédit, en
somme, des institutions financières et monétaires. Le client
présente des garanties (des biens immobiliers surtout) et un prêt
lui est accordé. Comme c'est stipulé dans le contrat, si ce
client n'arrive pas à honorer son prêt avec tous les
intérêts, ses biens présentés en garantie sont
saisis par l'institution financière concernée.
71
Ce sont ces moyens dont dispose la société
anonyme, comme toute personne physique, d'acquérir des biens immobiliers
pour devenir titulaires du droit de la propriété
immobilière. Il faut également souligner que les
sociétés anonymes ont leur propre patrimoine, distinct du
patrimoine de chacun des actionnaires. Quelque soit le mode d'acquisition, la
propriété confère à son titulaire le droit d'en
user à sa guise. Ce n'est pas pour rien qu'elle est le droit subjectif
le plus entier et le plus important.
2- La jouissance
Les sociétés anonymes haïtiennes ont un
droit de jouissance absolu sur leurs biens immobiliers. Elles jouissent de
l'intégralité des prérogatives liées au droit de la
propriété. La législation consacre cette capacité
de jouissance sans réserve en stipulant qu' « elles jouiront sans
restrictions de tous les droits reconnus à l'haïtien quant à
la propriété immobilière. »
a)Quantité disponible et utilisation
Les S.A. haïtiennes ont la capacité
d'acquérir tous les terrains, maisons, et tout autre immeuble par nature
ou par destination qu'elles désirent. Et sans qu'elles aient à
justifier leur utilisation par devant les autorités. Autrement dit,
elles peuvent avoir tous les biens immeubles, sans restrictions de superficie,
mais aussi et surtout, elles peuvent les utiliser à leur gré et
pour leur besoins spécifiques. L'utilisation peut n'avoir aucun rapport
avec l'exploitation de l'objet commercial. Cette capacité juridique des
sociétés anonymes haïtiennes s'accompagne d'une aptitude
légale de recueillir tous les fruits des biens immeubles acquis. C'est
une jouissance pleine et entière qui suppose :
i) L'acquisition de la quantité voulue de biens
immobiliers, sans limites de superficie.
ii) L'acquisition effective sans notification et justification
par devant les autorités compétentes.
iii) La liberté de les occuper, de les donner en
usufruit, les louer pour réaliser des revenus, les hypothéquer
afin d'en percevoir des intérêts, les exploiter dans le but d'en
recueillir les fruits naturels et industriels ou les laisser
inexploités.
iv) L'exercice des actions en justice pour faire entrer dans
leur patrimoine tous les biens immobiliers acquis mais qui sont passés
en situation de litige.
72
v) L'exercice des actions en justice pour
récupérer leurs créances sur toutes sortes de prêts
consentis.
vi) L'exercice des actions paulienne et oblique pour
protéger leur patrimoine. b) Suspension ou transmission de
droit
Généralement, un droit se perd suite à
une déchéance, provoquée par des peines correctionnelles
ou criminelles. Ou, à la mort du de cujus, le droit se transmet. C'est
presque la même chose pour une société commerciale,
particulièrement pour la société anonyme. Une
société anonyme à qui les autorités
compétentes ont révoqué l'autorisation de fonctionnement
(art. 15 du décret du 23 Août 1960), est considérée
comme déchue. De plus, une société en faillite est
réputée civilement morte. Elle ne conserve son existence que pour
les besoins de sa liquidation qui intervient dans la dissolution. Tous les
biens meubles et immeubles doivent être vendus pour les besoins de la
liquidation et le partage entre les associés de l'éventuel boni
de liquidation. Et à partir de ce moment, la société
anonyme défunte perd tous ses droits extrapatrimoniaux et patrimoniaux,
avec tous les privilèges y relatifs. Il faut dire que des actionnaires
peuvent acheter des biens immobiliers que la société met en
liquidation. Mais en aucun cas, on ne pourrait parler de transmission.
Le droit de propriété souffre de quelques
restrictions, toutes, venant de l'Administration publique1. Devant
l'entité administrative, le droit de propriété perd ses
droits. L'une des caractéristiques essentielles de cette structure est
qu'elle jouit des privilèges exorbitants de droit commun. Parmi ces
privilèges se place celui de suspendre ou de mettre fin au droit de
propriété que détient une personne physique ou une
personne morale. Elle peut le suspendre pour servitude d'utilité
publique. Par exemple, pour les besoins de l'administration, elle peut
prendre la propriété, car c'est pour une cause
d'intérêt général. Pour des questions
d'urbanisme, d'environnement ou de zonage, l'Administration Publique
peut suspendre le droit de propriété de tout propriétaire.
Ce n'est pas tout, elle peut même faire la réquisition de
toute propriété pour servir la population civile ou pour toute
autre cause d'utilité publique. Enfin l'administration peut
réaliser l'expropriation de tout propriétaire pour se
servir ou pour servir l'intérêt général.
1 - JEAN-CHARLES, Enex : Manuel de droit
administratif, Imprimeur II, Port-au-Prince, 2002, page 189.
Article 10 : (3e alinéa)
«Toutefois, en raison de nécessité de
récupération de leurs capitaux et seulement en qualité de
créanciers gagistes, les sociétés étrangères
d'investissement, de
73
Cependant, toutes ces mesures s'accompagnent de
rémunération pour le propriétaire ciblé par
l'Administration. Ce sont les seuls obstacles au droit de
propriété immobilière (et mobilière dans une
moindre mesure).
3- Cas des sociétés anonymes
étrangères
La législation haïtienne ne fait pas de
discrimination entre les sociétés anonymes
étrangères et celles haïtiennes en ce qui concerne
l'acquisition et la jouissance du droit de la propriété
mobilière. De la même manière qu'une société
anonyme haïtienne acquiert et jouit de son bien meuble, la
société anonyme étrangère peut le faire. Sur ce
plan là, il n'y a vraiment pas de disparité. Il y a même
une thèse selon laquelle les étrangers jouissent de tous les
droits qui ne leur sont pas refusés expressément par un texte de
loi. Mais pour ce qui est du droit de la propriété
immobilière, c'est une toute autre histoire.
La première constitution de la République
d'Haïti (1805) en son article 12 interdit à tout étranger de
race blanche de devenir propriétaire d'immeuble en Haïti et toutes
les constitutions subséquentes ont consacré l'idée. Bien
que la loi du 16 Juin 1975 en ait porté un bémol, les
sociétés étrangères assimilées aux personnes
physiques étrangères n'ont pas les mêmes
prérogatives que les sociétés anonymes haïtiennes en
droit de propriété immobilière. Les discriminations se
concentrent au niveau de l'acquisition et de la jouissance. Le titre IV de la
constitution en vigueur consacré à eux explique les conditions
d'acquisition de biens immobiliers par les étrangers, les limites,
réserves et interdictions, sans parler des modalités de
transmission et de suspension du droit de propriété.
L'acquisition d'immeubles par des sociétés anonymes
étrangères est une opération soumise à des
règlements très stricts et très compliqués. Comme
les sociétés anonymes haïtiennes, elles peuvent le faire
à titre gratuit, à titre onéreux, ou par adjudication. Les
articles 6 et 10 de la loi du 16 Juin 1975 modifiée par la loi du 20
Septembre 1979 sont clairs là-dessus.
Article 6 : « Aucune acquisition de
propriété immobilière titre gratuit ou onéreux ne
peut être faite par une société constituée en vertu
des lois étrangères si ce n'est pour les besoins des entreprises
agricoles, commerciales, ou industrielles ou d'enseignement etc. ».
74
financement, de crédit et de banque légalement
établies en Haïti, pourront être proclamées
adjudicataires de plusieurs immeubles à la fois ».
Si les sociétés anonymes haïtiennes peuvent
se porter adjudicataires qu'elles que soient la nature et la provenance des
biens à vendre aux enchères, les sociétés anonymes
étrangères ne peuvent se déclarer adjudicataires de
plusieurs immeubles que dans le but de récupérer leur
créance. De plus, l'acquisition est conditionnée dans la mesure
où qu'elle doit être faite dans un but bien
déterminé, c'est-à-dire, pour les besoins de
l'exploitation de l'objet social. Elles n'ont pas la latitude d'acquérir
tous les biens immobiliers qu'ils veulent. L'article 4 fixe la superficie
à 1 carreau ou 1 ha 29 en zone urbaine et à 5 carreaux ou son
équivalent en ha en zone rurale, et un supplément qui
n'excédera pas un carreau pourra leur être accordé pour le
logement des travailleurs car c'est une nécessité de
fonctionnement. Et l'article 5 de ladite loi précise que les
sociétés étrangères ne peuvent acquérir
plusieurs maisons d'habitation car elle ne peut acquérir d'immeubles que
pour les besoins de leurs entreprises. Les restrictions ne se terminent pas
là. L'article 22 de la même loi stipule que « le droit de
propriété immobilière des sociétés
étrangères n'a pas un caractère absolu, il comporte pour
tous des tempéraments :
a) Il ne s'étend pas aux sources, rivières ou
autres cours d'eau, mines, carrières, lesquels relèvent du
domaine public de l'Etat1.
b) Il s'entend de la propriété du sol, celle du
dessus dont la hauteur maximum sera fixée par la loi.
c)Il astreint la propriété à toutes les
charges généralement quelconque et aux restrictions que les lois
auront établies quant à l'usage et à la jouissance du
droit.
De plus, aucune société étrangère
ne peut être propriétaire d'un immeuble borné par la
frontière haïtienne (art. 55-3 de la constitution). Et leur droit
de propriété prend fin avec la cessation de leurs
activités et opérations commerciales. Les liquidateurs ont un
délai de deux ans pour vendre les biens immobiliers. Passé ce
délai, les biens acquis seront dévolus au bureau des successions
vacantes pour être vendus aux enchères publiques (articles 13, 14
et 15 de la loin du 16 Juin 1975).
1- Cette condition vaut également pour les
sociétés commerciales haïtiennes.
75
A l'instar de toutes ces exigences, les sociétés
étrangères, pour faire l'acquisition de biens immobiliers doit
suivre toute une série de procédures selon les articles 4 et 5 de
la loi en débat. D'abord, elles doivent avoir une autorisation du
Ministre de la Justice. Ensuite, elles doivent déposer une requête
au même Ministère avec une expédition dûment
signée de son acte constitutif.
Comme on le voit, les sociétés
étrangères sont nettement désavantagées par rapport
aux sociétés anonymes haïtiennes sur le plan de
l'immobilier. Et on peut aisément comprendre les motivations des
législateurs !
4- Priorité des sociétés anonymes
sur les autres formes de sociétés commerciales
Les sociétés anonymes sont en plus grand nombre
que toutes les autres formes de sociétés commerciales
réunies. De 2001 à 2010, elles ont pris un essor
considérable. C'est la société de prédilection des
institutions financières (grandes banques, compagnies d'assurance,
maisons de transfert d'argent, les institutions de placement, etc.), les
grandes compagnies de navigation maritime et aérienne... De plus, on
rencontre cette forme juridique dans tous les secteurs d'activités sans
restriction aucune. En général, elles concernent les entreprises
à grands capitaux, mais ces derniers temps, des petites et moyennes
entreprises peuvent être des sociétés anonymes dans la
mesure où elles remplissent les conditions requises par la loi. C'est la
forme la plus répandue de société commerciale en
Haïti et ailleurs. De ce fait la loi lui accorde des prérogatives
à elles seules reconnues. Par exemple, pour les sociétés
anonymes, il suffit d'un Haïtien dans le conseil d'administration pour
qu'elle possède la nationalité haïtienne. Alors que pour les
autres types de société, il faut plus que la moitié du
capital social soit entre les mains des Haïtiens pour qu'elles soient
réputées haïtiennes et jouir des prérogatives du
droit de la propriété immobilière. Les
sociétés anonymes sont les entreprises qui rassemblent des
capitaux considérables dans l'économie d'un pays. Ainsi, elles
jouissent de beaucoup plus de privilèges que les autres types. Le
tableau dans la page suivante montrera l'évolution des
sociétés anonymes de 2001 à 2010.
76
Tableau V : Evolution des Sociétés
anonymes en Haïti de 2000 à 2010.
Années
|
Nombre de S.A.
|
Taux d'évolution (%)
|
2001
|
132
|
_
|
2002
|
181
|
+37,12
|
2003
|
176
|
-2,76
|
2004
|
156
|
-11,36
|
2005
|
144
|
-7,69
|
2006
|
222
|
+35,13
|
2007
|
189
|
-14,86
|
2008
|
195
|
+3,07
|
2009
|
203
|
+4,10
|
2010
|
199
|
-1,97
|
Total
|
=1797
|
= +40,78
|
Source : Ministère du Commerce et de
l'Industri Légende : S.A. = Sociétés
Anonymes.
Entre 2001 et 2010, les sociétés anonymes ont
augmenté de plus de 40 %. On peut toutefois remarquer des fluctuations,
dépendamment de la période annuelle considérée. Par
exemple, à partir de 2003 à 2005, la courbe va en descendant.
Faut-il attribuer cette baisse à la conjoncture politique d'alors ? Tout
de suite après l'élection de Mr René Garcia PREVAL
à la présidence en 2006, on remarque une progression, dans la
courbe et peu après, une descente. Doit-on croire que la
sécurité politique a des incidences sur la création
d'entreprises et les investissements ? On n'a pas d'arguments solides pour
appuyer cette hypothèse. Cependant, on peut remarquer une
corrélation négative entre une conjoncture politique
délicate et la création de richesses par le biais de la
création d'entreprises. Malgré tout ces contretemps, de 2001
à 2010, sur une période de 10 ans, 1797 sociétés
anonymes ont eu leur autorisation de fonctionnement, avec un rythme
d'augmentation de 40,78. On comprend alors l'importance des
sociétés anonymes dans l'économie du pays.
1- Archives de la Direction des Affaires Juridiques du MCI.
77
Graphe I : Evolution des sociétés
anonymes en Haïti de 2001 à 2010
Source : Données du MCI
78
Section III : L'intérêt de l'octroi des
faveurs spéciales légales
Dans cette section, on se donne pour tache de montrer
l'intérêt du favoritisme de la législation haïtienne
à l'égard des sociétés anonymes. Et des
éventuels inconvénients. Qu'il s'agit des privilèges de
fonctionnement, ou de dispenses de certaines formalités de constitution,
ou encore, des prérogatives en ce qui concerne les droits patrimoniaux,
et même des exonérations fiscales (et oui !), ils ont leurs raison
d'être. Les législateurs ne sont pas nés de la
dernière pluie, ils savent que, pour attirer les investissements,
garantir la croissance et promouvoir le développement durable, il faut
accorder des faveurs et faire quelques concessions. Pourtant, il faut veiller
à ce que des individus mal intentionnés détournent ces
faveurs de leur objectif. Dans cette optique, les sociétés
anonymes dans lesquelles se concentre le gros de l'argent en circulation dans
une économie font l'objet de faveurs légales spéciales.
Dans les lignes qui suivent, on s'est fait une obligation de montrer les
implications de ce favoritisme.
A) Les avantages du favoritisme
1- Encourager et faciliter les investissements
L'article 1er du Code des Investissements
(décret du 30 Octobre 1989), donne l'objectif dudit code. Il a pour but
de définir les conditions, garanties et formes générales
d'incitations offertes à l'investissement. Il faut croire que
l'investissement a été une préoccupation et une
priorité pour le législateur. Dans cette perspective, il a
jugé utile et nécessaire de doter le pays d'une
législation qui présente de sérieux avantages pour les
investisseurs. Mais comment ces faveurs peuvent elles encourager et faciliter
l'investissement ?
a) Le presqu'anonymat que suggère la forme juridique,
ajouté à la capacité juridique et la qualité de
commerçant qui ne sont pas obligatoires font de la société
anonyme la structure idéale pour l'investissement de grands capitaux
sans qu'on ait à s'exposer aux yeux du grand public comme
détenteurs de telles somme d'argent ou d'aussi importants biens. Ce
n'est pas pour rien que c'est une société opaque et une
société intuitu pecunie. En somme, les
caractéristiques1 de la société anonyme
ajoutée aux privilèges que la loi lui accorde font d'elle la
structure la plus séduisante, la plus adéquate, la moins
risquée, et la mieux protégée dans laquelle il faut
investir d'importants
1- Référence : Notions Générales sur
les sociétés anonymes.
79
capitaux, de sommes d'une valeur moyenne, ou d'un petit
capital(du moment que la somme en question répond aux exigences
légales).
b) L'avantage d'une procédure de
constitution1 plus légère et moins compliquée
pour les fondateurs des sociétés anonymes qui souscrivent
l'intégralité du capital social initial encourage
l'investissement dans la mesure où les entrepreneurs qui ont
l'intégralité du minimum requis par la loi (25000 gourdes) savent
que les formalités pour monter une société anonyme seront
peu nombreuses et pas du tout complexes.
c) Le privilège de non fonctionnement2
uniquement accordé aux sociétés anonymes est sans
précédant. C'est un incitateur de plus pour l'investissement. La
personne qui veut investir sait que si jamais la société dont il
est actionnaire n'arrive plus à fonctionner, elle pourra se mettre en
veilleuse ou en état de non-fonctionnement tout en conservant son
existence légale.
d) Les grandes faveurs relatives aux droits
patrimoniaux3 dont bénéficient les
sociétés anonymes haïtiennes les rendent très
attrayantes pour les investisseurs haïtiens. Les investisseurs
étrangers, pour jouir de ces privilèges, doivent s'associer avec
au moins un investisseur Haïtien. Ces faveurs ont une double importance
pour le pays. D'abord, elles encouragent les Haïtiens à investir
dans leur pays. Ensuite, elle incite les investissements étrangers, mais
ces derniers doivent se mêler à ceux de nationaux pour
acquérir la nationalité haïtienne et ainsi jouir des
privilèges accordés seulement aux sociétés anonymes
nationales.
e) L'octroi des franchises et exonérations4
sur les exigences fiscales et douanières par la législation
à caractère économique pour certains secteurs
d'activités bien ciblés est un appât génial pour
l'investissement. La majorité des entreprises ciblées sont des
sociétés anonymes ou d'autres types limitativement
spécifiés dans la loi. Dans tous les cas possibles, le
favoritisme fiscal a un impact favorable sur l'investissement dans les secteurs
ciblés.
1- Réf. : Chapitre I.
2- Réf : Chapitre II
3- Réf. : Chapitre III.
4- Réf. : Chapitre IV
80
De toute façon, le pays gagne à tous les coups
en instaurant ces mesures spéciales. Car, elles encouragent les
investissements et facilitent la rentrée d'argent dans le circuit
économique. Ce qui nous amène à notre deuxième
bienfait résultant des faveurs spéciales légales.
2- Garantir une certaine croissance
économique
De manière très simple, on peut dire que la
croissance économique est l'accroissement sur une longue période
des quantités de biens et services produits dans un pays. Le code des
investissements et la législation sur les sociétés
anonymes haïtiennes, étrangères et mixtes, font partie de la
législation à caractère économique du pays. L'une
des grandes qualités de l'investissement est qu'il garantit la
croissance économique. Là, l'effet d'enchainement dont parle
Ragna KNURSE prend tout sens : en investissant, les entrepreneurs produisent
une chaine où un flux d'argent circule en circuit. Les investissements
ont le grand mérite de favoriser la croissance économique et on
va voir de quelles manières.
a) Les investissements génèrent la
création d'emplois directs et réduisent le taux de chômage.
En ouvrant ses portes, les sociétés anonymes s'assurent
déjà d'avoir tous ses salariés, le sommet
stratégique, les cadres médian, le personnel d'exploitation, la
technostructure, et le personnel de support, sans compter le petit personnel.
Tout ce beau monde est fait de gens qui ont un travail, donc, un salaire pour
subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Autant il y a
d'investissements, donc de sociétés commerciales à fournir
des emplois, autant le taux de chômage sera réduit. Et on aura
plus de gens autonomes financièrement.
b) La création d'emplois indirects est
également assurée. Entre la restauration des employés,
leur transport sur les lieux du travail et chez eux, leurs vêtements, les
loisirs, etc., c'est tout un marché qui se crée. Ils ont le
pouvoir d'achat, ils vont surement se doter du minimum décent. Et tous
les fournisseurs de ces salariés comptent sur cette clientèle
pour faire marcher leur négoce. Plus nombreux sont les gens qui
travaillent, mieux c'est. Car eux et les gens qui dépendent d'eux ou de
leur fonds de commerce vivent indirectement des investissements qui
créent des emplois.
c) Les investissements font baisser la pauvreté non
seulement par la création d'emplois, mais aussi et surtout par les
taxes, droits et impôts qu'ils apportent aux finances publics. Dans le
dernier cas, la redistribution des richesses est assurée pour les plus
nécessiteux et pour la mise en
Le développement économique et social
(infrastructures, structures et superstructure, environnement,
industrialisation, modernisation, croissance économique) passe
certainement par
81
place d'infrastructures dans le pays. Or, on sait combien le
trésor de l'Etat est indispensable pour pouvoir fournir des services
publics et des services de base pour les gens les plus démunis.
d) Le flux d'argent que les investissements injectent dans
l'économie est un facteur non négligeable de croissance
économique. L'argent circule et permet la production sans cesse
croissante de biens et de services et facilite la consommation. On produit, on
consomme, on reproduit, on re-consomme, etc. L'argent circule et permet la
création de richesses. C'est le mouvement du flux et du reflux en
Economie.
Toutes ces considérations faites, on peut
s'agréer le droit de dire que faciliter les investissements, c'est
garantir la croissance économique. Accorder des faveurs spéciales
aux sociétés anonymes pour encourager les investissements directs
et directs, c'est préparer la croissance économique. C'est comme
une imbrication, l'un ne va sans l'autre. Mais un troisième
élément mérite qu'on s'en occupe.
3- Promouvoir le développement
La croissance économique est l'une des composantes du
développement durable. On a longtemps assimilé le
développement à la croissance économique. La formule
était : développement= croissance économique=
modernisation= industrialisation. Mais on a vite compris que ce
n'étaient que des phases du développement. Le
développement s'entend d'un progrès qui prend en compte les
réalités sociales, économiques et humaines. Le
développement est un processus conduisant à
l'amélioration du bien-être des humains. L'activité
économique et le bien-être matériel demeurent essentiels
mais la santé, l'éducation, la préservation de
l'environnement, l'intégrité culturelle par exemple le sont tout
autant. Pour être durable, le développement doit concilier trois
éléments majeurs : l'équité sociale, la
préservation de l'environnement et l'efficacité
économique. On l'a dit plus haut, les faveurs de la loi
pour la société anonyme favorisent la survenue des
investissements, ces derniers amènent la croissance économique
qui elle, est corollaire du développement durable. La chaine se
construit et se tient : le favoritisme de la législation haïtienne
attirent de bonnes vibrations. Le développement a plusieurs dimensions :
économique, sociale et humaine.
La politique du favoritisme, une fois appliquée sur les
sociétés anonymes, attirera sans nul doute possible les
fraudeurs. Les adeptes de l'économie souterraine, les pratiquants des
circuits
82
l'essor économique et l'effort social mais elle ne se
réduit pas seulement à cela. Le développement
économique et social fait référence à l'ensemble
des mutations positives (techniques, démographiques, sociales,
sanitaires...) que peut connaître une zone géographique (monde,
continent, pays, région...). Le développement économique
nécessite notamment la création de richesses. On associe
développement économique et « progrès »,
puisqu'il entraîne, généralement, une progression du niveau
de vie des habitants. On parle alors d'amélioration du bien-être
social (au sens économique).
La volonté de concilier simple développement
économique et progrès ou amélioration du bien-être a
mené à forger, à côté des indicateurs de
développement traditionnels (PNB, PIB), d'autres indicateurs, tels que
l'indice de développement humain (IDH), qui prend en compte la
santé, l'éducation, le respect des droits de l'homme (dont font
partie, depuis 1966, les droits économiques et sociaux), etc. Les
paramètres économiques et sociaux tels que le BIP 40
(baromètre des inégalités et de la pauvreté) l'IPH
(indicateur de la pauvreté humaine.), l'accroissement de la
sécurité juridique, innovation (via la recherche),
l'investissement dans la santé et l'éducation,
l'équité de genre sont là pour mesurer le
développement économique et social d'un pays.
Un pays qui croît économiquement à un
rythme constant ou grandissant a toutes les chances et opportunités pour
se développer. Les moyens ne manqueront pas, il suffira d'un peu de
bonne volonté de la part des décideurs, du respect des valeurs et
libertés fondamentales, du respect des droits humains, de la
facilitation de l'accès aux services sociaux, du progrès
etc. et le reste suivra. Il n'y a plus de
doute possible, ce sont des réalités imbriquées : l'octroi
des faveurs spéciales légales accordées aux
sociétés anonymes ? importants investissements
? croissance économique ?
développement. Le favoritisme à l'égard des
sociétés anonymes est une assurance pour l'avenir du pays. Mais,
certains inconvénients peuvent également découler de ce
favoritisme.
B) Les principaux inconvénients
1- Attirer des fraudeurs
83
parallèles, les tenants des négoces illicites et
illégaux, les trafiquants et contrebandiers se donneraient à
coeurs joie. Ils n'auraient qu'à former une société
anonyme pour blanchir leurs avoirs et jouir des privilèges qui en sont
associés. Certes, ils le font quand même, dans l'état
actuel des choses, mais, ils se réjouiraient et auraient plus de
motivations pour légaliser leurs fraudes et affaires douteuses dans la
société anonyme avec un régime juridique axé sur le
favoritisme.
2- Encourager l'oligarchie foncière
Favoriser complètement la société anonyme
aurait une autre conséquence : encourager à l'oligarchie
foncière. En effet, aucune barrière, aucune limite, aucune
réserve, aucune restriction n'est faite pour l'acquisition du droit de
la propriété par les sociétés anonymes. C'est
simple, des investisseurs étrangers arrivent, sélectionnent un
haïtien pour s'associer avec eux et acquièrent la
nationalité haïtienne pour leur société anonyme. Dans
un cas pareil, cette société anonyme haïtienne peut
s'approprier tous les biens qu'elle peut et jouir de tous les avantages
prévus par la loi. C'est un inconvénient dans la mesure où
des sociétés anonymes haïtiennes, mais dont la majeure
partie du capital social provient de l'étranger pourraient avoir le
contrôle foncier en Haïti. Une fois ce contrôle obtenu, ces
sociétés seraient les nouveaux seigneurs terriens de cette
moitié d'île. L'oligarchie terrienne établie, elles
dicteraient les lois du marché en matière de
propriété immobilière.
Dans ce chapitre si riche en informations sur les faveurs
accordées aux sociétés anonymes, on a appris pas mal de
choses jusque là incomprises. Premièrement, que les droits
extrapatrimoniaux ne révèlent pas autant de faveurs qu'on
pourrait le croire au premier abord. Ils sont pareils pour toutes les
sociétés commerciales, sans exception aucune, même pour les
sociétés étrangères. On ne peut alors pas parler de
privilèges puisque c'est la règle. Deuxièmement, que les
droits patrimoniaux sont carrément avantageux pour les
sociétés anonymes haïtiennes mais pas pour les
sociétés anonymes étrangères. Cette discrimination
est compréhensible pour nos 27500 km2.On a relevé
également que les autres sociétés commerciales, pour jouir
des mêmes privilèges en ce qui concerne les droits patrimoniaux
doivent également être haïtiennes. Mais les exigences pour
que la nationalité haïtienne leur soit attribuée sont plus
rigides que pour les sociétés anonymes. La priorité
accordée aux sociétés anonymes est due, on l'a vu,
à leurs caractéristiques, leur évolution sans cesse
croissante en Haïti, ses secteurs de prédilection et les importants
capitaux
84
qu'elles rassemblent. En dernier lieu, on a
démontré les liens étroits qui existent entre les faveurs
de la loi, les investissements, la croissance économique et le
développement, et les inconvénients qui peuvent résulter
du favoritisme.
Une fois de plus, la dichotomie dans la législation
haïtienne sur les sociétés anonymes est frappante. Ce
régime qu'on vient de voir tout en faveurs va être
contrebalancé par un autre fait de rigueurs. C'est à croire que
le législateur jouait un double jeu. Mais, le dernier chapitre finira de
nous éclairer sur ses vraies motivations et sur l'interprétation
qu'on doit en faire, sans parler des recommandations et perspectives.
85
CHAPITRE IV : LES OBLIGATIONS FISCALES DES SOCIETES
ANONYMES
Les obligations des sociétés anonymes sont
nombreuses et ont toujours un caractère contraignant. Elles sont d'ordre
juridique, d'ordre administratif ou d'ordre fiscal. En général,
les trois sont consacrées par la législation et on peut donc
affirmer sans l'ombre d'un doute qu'elles découlent toutes du droit
positif. Cependant, les obligations fiscales sont celles qui soulèvent
le plus de controverses dans le domaine. L'une des caractéristiques du
fisc c'est qu'il est réaliste, c'est-à-dire qu'il est opposable
au contribuable dès qu'il y a matière à imposer, sans
considération de la légalité et/ou de
licéité des sources de revenus imposables. C'est peut être
ce réalisme -ou ce cynisme- qui rend les obligations fiscales aussi
accablantes. Dans ce chapitre, il sera question des obligations fiscales dans
ce qu'elles ont de rigueurs et de libertés (ou faveurs !). La section I
traitera de l'inégalité devant l'administration fiscale, la
section II abordera la question de la double imposition applicable seulement
aux sociétés anonymes et la section III énoncera les
impacts du rigorisme fiscal (et de toutes les autres rigueurs).
Section I : L'égalité devant
l'impôt, un principe discuté
Les sociétés commerciales sont
généralement soumises aux différents
prélèvements fiscaux dans le pays où elles sont
fiscalement domiciliées, quelque soit leur nationalité. La loi
fiscale ne tient pas compte de la nationalité, mais de la
territorialité. En d'autres termes les sociétés
commerciales haïtiennes et étrangères sont imposées
en vertu des mêmes principes. Chaque Etat est souverain pour imposer
selon le principe de la territorialité. Aussi, a-t-il la
possibilité ou bien d'imposer des revenus réalisés sur son
territoire ou bien de n'imposer que les revenus réalisés par ses
résidents quelque soit leur provenance, ou les deux.
Les sociétés commerciales sont assujetties
à différents droits, taxes et impôts. Ils peuvent
être des impôts indirects (ex : le droit d'accise, la taxe sur le
chiffre d'affaire, les droits de douane, le droit d'enregistrement...), des
impôts locaux (ex : la patente, la contribution foncière des
propriétés bâties, la contribution au fonds de gestion et
de développement des collectivités territoriales), ou des
impôts sur les revenus. Généralement, il n'y a pas de
discrimination lorsque les sociétés commerciales paient les
impôts locaux et indirects. Mais s'agissant de l'impôt sur le
revenu, les disparités sont criantes entre les sociétés
anonymes et les autres types de sociétés
86
commerciales. Voilà pourquoi l'accent sera mis
l'impôt sur le revenu individuel (IRI) ou celui sur les
sociétés (IS).Parlons d'abord de l'impôt tout court.
L'impôt constitue un prélèvement
obligatoire effectué par voie d'autorité par une administration
(État, collectivités territoriales, provinces, régions et
départements, cantons, pays, communes etc.) sur les ressources des
personnes vivant sur son territoire ou y possédant des
intérêts pour être affecté aux services
d'utilité générale. Formant aujourd'hui la plus grosse
part des recettes publiques (sauf ressources minières extraordinairement
abondantes), les impôts alimentent le budget de l'État ou d'une
subdivision nationale ou fédérale (une province, une
région, un territoire, un département, un district, etc.), et
dans une moindre mesure des organismes à compétence
spécialisée. Historiquement, l'impôt est un
élément important dans l'histoire des États et
l'évolution de leurs formes : l'État moderne se réserve le
monopole de la levée des impôts. Gaston Jèze a
défini dans la première moitié du XXe siècle
l'impôt de la manière suivante : « L'impôt est une
prestation pécuniaire requise des particuliers par voie
d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue
de la couverture des charges publiques1». C'est la
définition classique de l'impôt. Selon BELTRAME2,
l'impôt est un acte de la puissance publique, perçu dans un but
d'intérêt général et qui constitue un
prélèvement sur la propriété.
L'égalité devant l'impôt est un principe reconnu en droit,
mais un principe souvent discuté.
A) Du principe de l'égalité devant
l'impôt
Les lois fiscales ont des caractères qu'elles seules
s'attribuent3. Elles sont à la fois autonomes et
réalistes. Elles s'encadrent d'un ensemble de principes juridiques pour
les aider à bien remplir leur mission. Le droit fiscal consacre quatre
principes concernant l'impôt :
1- Le principe de la légalité de l'impôt :
qui fait de la loi la source de tout impôt. Un impôt n'est pas
valable s'il ne découle pas d'une loi, d'un décret, d'un
décret-loi,
1 - Professeur Gélin I. COLLOT : Cours de Droit
Fiscal, 3e Année ,2009-2010.
2- BELTRAME, Pierre : La fiscalité en
France, 3e édition Hachette 1994, page 12.
3- GORE, F. et JADAUD, B. : Droit fiscal des
affaires, 2eme édition, Précis Dalloz, Paris, 1997, page
8.
87
d'un traité international, ou d'une règle
administrative (art. 218 de la constitution du 29 Mars 1987).
2- Le principe de l'égalité devant
l'impôt : qui fait des contribuables des sujets égaux devant
l'administration fiscale. Ce principe a fait couler jusqu'ici beaucoup d'encre,
car l'égalité devant l'impôt est comprise
différemment par chaque contribuable selon ses intérêts.
(art. 219 de la constitution). De manière générale, on
parle de l'égalité fiscale pour absorber toute la masse fiscale
dans le principe.
3- Le principe de la nécessité de l'impôt
: l'impôt est nécessaire pour la couverture des charges publiques
et la redistribution des richesses. Pour remplir des fonctions
d'intérêt général, économiques et sociales
que l'Etat s'attribue, l'impôt est indispensable.
4- Le principe de l'annualité de l'impôt :
Généralement, l'impôt est perçu chaque année.
D'ailleurs un calendrier fiscal est établi annuellement et
l'année fiscale est aussi ponctuelle que l'année ordinaire.
(Article 152 du décret du 29 Septembre 2005).
L'égalité fiscale recouvre une dimension
politique et juridique1. Le principe d'égalité fiscale
est d'abord entendu comme l'égalité des contribuables devant
l'impôt. En ce sens, il découle de l'article 13
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC). Celle ci
établit que la " contribution commune (...) doit être
également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs
facultés ". C'est l'idée d'une justice fiscale. Afin d'assurer
une répartition plus juste de la charge fiscale et de favoriser une
égalité de sacrifices financiers, le législateur est donc
autorisé à opérer des différences de traitement (ex
: payer 20 % de son revenu est un effort plus important pour les moins
aisés).
En 1987, les Constituants ont reconnu au principe
d'égalité devant l'impôt une valeur constitutionnelle. Bien
qu'un contrôle attentif ne soit pas exercé sur chaque impôt
séparément des autres, la constitution du 29 Mars 1987, en son
article 219 consacre le principe de l'égalité devant
l'impôt. Elle considère que l'égalité devant les
charges publiques s'entend comme l'égalité devant le
système fiscal, c'est-à-dire devant l'ensemble des
prélèvements obligatoires, ensemble des impôts et des
cotisations sociales perçus par l'administration publique.
1 - TROTABAS, Louis et COTTERET, Jean-Marie : Droit
Fiscal, 8e édition Dalloz, Paris, page 118.
88
Le principe d'égalité devant l'impôt
consiste également en l'égalité des contribuables devant
la loi fiscale. Il découle des articles 1 et 6 de la DDHC qui proclament
respectivement l'égalité des hommes et l'égalité
devant la loi. Un même régime fiscal doit alors s'appliquer
à tous les contribuables placés dans la même
situation.
Posée en réaction face aux privilèges
fiscaux de l'Ancien Régime en France et à ceux accordés
aux nantis d'Haïti à l'époque moderne,
l'égalité fiscale est aujourd'hui surtout invoquée dans le
débat politique contre des exonérations fiscales ciblées,
assimilées à des privilèges. Elle est souvent
rapprochée des principes de proportionnalité et de
progressivité de l'impôt.
B) L'impôt sur le revenu
Avec l'impôt sur la consommation, l'impôt sur le
capital et sur le patrimoine, l'impôt sur les opérations
financières et l'impôt sur la production, l'impôt sur le
revenu est l'une des obligations fiscales qui s'appuient sur des
critères économiques. Il est perçu sur les revenus
individuels (IRI) et sur les bénéfices des sociétés
commerciales (IS). Le décret1 du 29 Septembre 2005, modifiant
celui du 29 Septembre 1986 porte sur l'impôt sur le revenu individuel et
sur celui des sociétés. Les articles 1, 2 et 3 du décret
du 29 Septembre disposent :
Article 1 : « Il est établi un
Impôt sur le Revenu des personnes physiques et morales,
désigné sous le nom d'impôt sur Revenu pour les personnes
physiques et d'Impôt sur les Sociétés pour les
sociétés et autres personnes morales. »
Article 2 : « Le revenu est le produit d'une
activité individuelle ou collective résultant d'une initiative
d'ordre intellectuel ou matériel, le fruit d'un droit engendrant un
accroissement de patrimoine ou une satisfaction des besoins. Ce produit ou ce
fruit peut être soit en numéraire, soit en nature. »
Article 3 : « L'impôt sur le revenu frappe
le revenu net du contribuable, sauf dispositions contraires prévues par
la loi et les accords internationaux ratifiés par la République
d'Haïti. »
1- Moniteur du 05 Octobre 2005.
89
Ce sont les dispositions générales, objet du
Titre I, sur l'impôt sur le Revenu et des personnes physiques et des
personnes morales. Elles l'introduisent, le définissent et
déterminent le champ de son application.
1- L'impôt sur le revenu individuel (IRI)
L'impôt sur le revenu individuel (IRI) frappe les
personnes physiques ayant leur domicile fiscal en Haïti, en raison de
l'ensemble de leurs revenus ; les personnes physiques dont le domicile est
situé hors d'Haïti en raison de leurs revenus de sources
haïtiennes et les personnes physiques de nationalité haïtienne
ou étrangère qui recueillent les bénéfices ou
revenus dont l'imposition est attribuée à Haïti par une
convention internationale relative aux doubles impositions (art.4). Mais
encore, les revenus des enfants mineurs et autres personnes à charge
sont imposés, et ceux du conjoint également selon l'article 4 en
question. L'article 5 donne l'interprétation de la loi en ce qui a trait
au domicile. L'article 13 donne les revenus imposables. Ce sont les :
i) Revenus fonciers.
ii) Bénéfices industriels et commerciaux.
iii) Bénéfices des professions non commerciales et
revenus assimilés.
iv) Traitements, indemnités, salaires, y compris
rémunérations pour heures supplémentaires, boni,
étrennes, gratifications, avantages en nature, de même que les
commissions et courtages.
v) Rémunérations alloués aux
gérants et aux associés des sociétés.
vi) Plus-values réalisées sur la cession de
biens mobiliers ou immobiliers.
vii) Revenus de capitaux mobiliers et tous autres produits de
valeur mobilière.
Pour chacune de ces catégories de revenus, il y a une
définition, la détermination de la base d'imposition et les
modalités d'imposition. Il est perçu sur la base forfaitaire ou
sur la base de bénéfice réel. Les exonérations
à l'impôt sur le revenu des personnes physiques sont
mentionnées à l'article 15. Et toutes les personnes physiques
ayant leur domicile en Haïti doivent faire leur déclaration
définitive d'impôt à la Direction Générale
des Impôts avant le 1er Février de chaque année
pour les revenus de l'exercice fiscal de l'année
précédente.
90
2- L'impôt sur les sociétés
(IS)
L'impôt sur les sociétés, autre variante
de l'impôt sur le revenu, frappe les sociétés commerciales,
les autres personnes morales se livrant à l'exploitation ou à des
opérations à caractère lucratif, les entreprises publiques
et organismes d'Etat jouissant de l'autonomie financière, quelque soit
leur objet (article 150 du décret du 29 Septembre 2005). Le domicile
fiscal de ces personnes morales est établi selon les mêmes
critères que pour les personnes physiques, c'est-à-dire en
fonction de la territorialité et non de la nationalité. Rappelons
que le domicile fiscal est pour les personnes physiques le foyer ou lieu de
séjour principal, le lieu de l'activité professionnelle ou le
centre des intérêts économiques. A la différence de
l'impôt sur le revenu individuel, l'impôt sur les
sociétés doit être calculé par la
société elle-même et versé spontanément par
elle au percepteur, sans émission préalable d'un rôle par
le service d'impôt1. L'impôt sur les
sociétés est perçu en un lieu que nous dit l'article 155
:
« L'impôt sur les sociétés est
établi au lieu du principal établissement de la personne morale.
Toutefois, la Direction Générale des Impôts peut
désigner comme lieu d'imposition soit celui où est assurée
la direction effective de la société, soit celui de son
siège social.
Les personnes morales exerçant des activités en
Haïti ou y possédant des biens, sans y avoir leur siège
social sont imposables au lieu du domicile fiscal de leur représentant
en Haïti. »
L'impôt sur les sociétés est payable du
1er Octobre au 31 Janvier de chaque année pour l'exercice
fiscal précédant. Il obéit aux mêmes règles
sur la déclaration définitive et celle prévues à
l'article 47 dudit décret pour les personnes physiques. Les
procédures administratives, la question de la comptabilité
informatisée (art.185) sont communes à l'impôt sur le
revenu individuel et à l'impôt sur le revenu des
sociétés.
C) Inégalité devant l'impôt entre les
contribuables
Les charges publiques ne sont pas également reparties
entre toutes les catégories de contribuables. Les disparités
sévissent entre l'impôt des personnes physiques et l'impôt
des
1- LEFEBVRE, Francis : Fiscal,
(Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1992, page
473.
91
sociétés. Elles existent même entre les
sociétés commerciales. Le décret du 29 Septembre n'a pas
arrangé la situation.
1- Inégalité entre personnes physiques
et personnes morales
L'inégalité entre les personnes physiques et les
personnes morales est une discrimination positive. Les personnes morales sont
constituées de personnes physiques, donc, c'est une concentration de
revenus. Cela peut se comprendre que le législateur fasse une
distinction entre les deux. D'ailleurs, elles n'exercent pas le même type
d'activités et ne génèrent pas le même volume de
ressources. Le tarif d'imposition est différent selon l'article 149 du
décret du 29 Septembre 2005. D'ailleurs, c'est le seul véritable
élément de démarcation entre les personnes physiques et
les personnes morales quant à l'impôt sur le revenu. On reproduit
l'article à titre d'illustration.
Article 149 : « L'impôt sur le revenu
imposable des personnes physiques et l'impôt des sociétés
seront calculés sur l'ensemble des revenus du contribuable ou de la
société d'après les barèmes ci-après :
a)Personnes Physiques
Pour la fraction du revenu allant de : (en
gourdes)1
|
Imposition : (en %)
|
De 1.00 à 60.000.00
|
0 %
|
De 60.001,00 à 240.000,00
|
10 %
|
De 240.001,00 à 480.000,00
|
15 %
|
De 480.001,00 à 1.000.000,00
|
25 %
|
A partir de 1.000.000,00
|
30 %
|
b) Personnes Morales
L'impôt sur les sociétés et
assimilées sera calculé sur les revenus nets
réalisés par les sociétés et autres personnes
morales au taux de 30 %.
1- Le tableau et les mots en italiques sont de l'auteur.
92
Sous réserve de la déclaration
définitive, les bénéfices industriels et commerciaux, le
revenu global net de l'exploitant individuel sont imposables selon le
barème relatif à l'impôt des sociétés.
Dans le but de tenir compte des effets de l'inflation sur les
tranches de revenus, le Ministre Chargé des Finances peut proposer au
Parlement des modifications dans les barèmes de l'impôt sur le
Revenu et l'Impôt des sociétés directement dans la loi des
finances. »
L'article est très clair. Les personnes morales paient
30 % de leur revenu global net au fisc, quelque soit leur revenus (de 1 gourde
à 8). Les personnes physiques paient un quota (%)
proportionnel à leur revenu (que l'article s'est chargé de
déterminer). Pourtant, la question des personnes morales, surtout en ce
qui à trait aux sociétés commerciales, n'est pas pour
autant résolue. On verra l'ambigüité qui y existe plus
loin.
2- Inégalités entre les
sociétés commerciales
L'article 149 du décret en débat,
révélateur des différences entre le tarif de l'impôt
sur le revenu des personnes physiques et des personnes morales, nous sera
également utile pour étudier les inégalités entre
les sociétés commerciales. Pour comprendre ce dynamisme, il faut
distinguer les sociétés de personnes des sociétés
de capitaux.
Dans les sociétés de personnes, chacun des
associés est personnellement imposé sur sa part de
bénéfices lui revenant du partage, bien qu'ils soient
solidairement responsables de la totalité de l'impôt sur le revenu
de la société. Ce type de sociétés commerciales est
règlementé par l'article 154 du décret du 29 Septembre
2005. Il stipule : « L'impôt des sociétés de personnes
est établi au nom de chacun des associés pour sa quote-part des
revenus de la société et calculé suivant les dispositions
du présent décret. Cependant, les associés demeurent
responsables personnellement du paiement dudit impôt. »
Pour les sociétés anonymes, l'imposition est
faite sur l'ensemble des bénéfices réalisés par la
société. L'impôt est censé être
prélevé avant toute distribution de dividendes, mais après
le prélèvement de la réserve légale. Ensuite,
chacun des actionnaires paie l'Impôt sur le Revenu Individuel. C'est la
question de la double imposition économique. La société
est imposée, les
93
actionnaires le sont également sur leur part de
bénéfices. De plus, le tarif d'imposition est très
discriminant pour la société anonyme.
Les sociétés de personnes sont passibles de
l'Impôt sur les Sociétés, mais elles sont imposées
comme les personnes physiques. De ce fait on peut dire qu'elles relèvent
de l'Impôt sur le Revenu Individuel. Par conséquent, elles sont
concernées par le tableau de l'article 149 du décret du 29
Septembre. Elles peuvent ne pas payer l'impôt sur le revenu (cas 1), en
payer 10% (cas 2), 15% (cas 3), 25% (cas 4) ou 30% (cas 5). Il faut un revenu
d'un million de gourdes (1000.000 de gourdes) à une
société de personne pour qu'elle en paie 30% en impôt,
alors que pour les sociétés de capitaux (passibles de
l'impôt sur les sociétés), c'est différent : elles
paient 30% de leurs revenus, même si ce dernier est d'une (1) gourde. Une
société anonyme avec un revenu de 25 000 gourdes paiera 30%
d'impôt alors qu'une société de personne dont le revenu de
soixante mille gourdes (60.000 gourdes) ne paiera pas du tout d'impôt sur
le revenu. C'est d'une criante injustice ! De plus, seules les
sociétés anonymes sont victimes de la double imposition. On voit
bien que les inégalités sont frappantes entre les
sociétés de personnes et les sociétés de
capitaux.
A l'instar du tarif d'imposition et de la double imposition
économique, un troisième élément marque la
différence entre les deux types de sociétés commerciales.
L''impôt sur les sociétés, selon l'article 153, est
établi sur la base du bénéfice réel accusé
par les états financiers et déterminé selon le
barème établi à l'article 149 du décret du 29
Septembre 2005. Alors que l'impôt sur les sociétés de
personnes est établi au nom de chacun des associés pour sa
quote-part des revenus de la société [...], nous apprend
l'article 154. On comprend aisément que les sociétés de
personnes sont passibles de l'impôt sur le revenu individuel (IRI), les
sociétés anonymes elles, relèvent de l'impôt sur les
sociétés (IS). Cette distinction marque la tendance fiscale
attribuable à ces types de sociétés. D'ailleurs, de
là part toutes les discriminations. Le tableau de la page suivante
montrera le résultat de ces inégalités.
1 - Direction Générale des Impôts (DGI) :
Les 600 plus grandes entreprises d'Haïti. Le
Nouvelliste en date du 07 et 08 Janvier 2012 (Week-end).
94
Tableau VI : Les 600 plus grandes entreprises en
Haïti en 2011.
P.M. /P.E
|
Nombre
|
Fréquence (%)
|
Sociétés Anonymes
|
402
|
67
|
Autres types
Sociétés
Commerciales
|
185
|
30,83
|
Entreprises
publiques et Organismes d'Etat
|
12
|
2
|
Organisations
Non
Gouvernementales
|
1
|
0,16
|
Total=
|
600
|
100%
|
Source : Direction Générale des
Impôts1
Légendes : P.P. =Personnes Morales P.E. =
Paramètres d'Etude
Dans ce tableau, il s'évidente que les
sociétés anonymes occupe une place de choix dans le classement
des grandes entreprises pour ce qui a à voir avec les obligations
fiscales. Elles se concentrent en haut de la liste et l'ensemble paient plus de
taxes-impôts-droits que tous les autres secteurs
représentés. Toutes les autres sociétés
commerciales réunies ne sont pas en nombre suffisant pour voler la
vedette aux sociétés anonymes qui se positionnent en reines. Les
entreprises publiques et organismes d'Etat et les personnes morales à
but non lucratif (ONG et Eglises...) arrivent au bas de la liste, car moins
important en nombres et en gourdes payées.
95
Graphe II : Les 600 plus grandes entreprises
d'Haïti en 2011
450 400 350 300 250 200 150 100
50
0
|
|
|
|
S.A Autres S.C Etat O.N.G
|
Source : Données de la
DGI/MEF
D) Les exemptions fiscales et douanières
Les exemptions fiscales et douanières sont
constituées de dispenses, d'exonérations et de franchises
fiscales et douanières. En général, les exemptions
fiscales sont destinées aux plus vulnérables, mais par un jeu
politique visant à attirer les investissements, elles sont de plus en
plus accordées aux sociétés commerciales. Cependant, on se
demande selon quels critères elles sont accordées si elles n'ont
pas été prévues par une loi ou un texte à
caractère réglementaire. C'est une question de politique.
Purement et simplement.
1- Les franchises
Comme moyen d'exemption fiscale, la franchise concerne les
droits et taxes douaniers. Qu'elles soient prévues par une loi, un
règlement de l'Administration Générale des Douanes (APN,
AAN), ou qu'elles consistent en une faveur d'ordre politique, les franchises
sont bornées en général par un intervalle de temps. Ce
temps peut varier de trois ans à un temps plus long. C'est le cas par
exemple, d'une société commerciale qui a soutenu un candidat pour
le poste de chef
96
d'Etat. Une fois au timon des Affaires de l'Etat, l'ex-
candidat peut donner une franchise à la société qui a
financé en partie sa campagne électorale. Ou, la franchise peut
dériver d'une liberté du code des investissements ou d'un vide
des règlements fiscaux et douaniers. De toute façon, les
sociétés anonymes en bénéficient car elles sont
nombreuses à importer et à exporter pour l'exploitation de leur
objet social. Mais c'est plus l'apanage de la politique, qu'autre chose.
2- Les exonérations
L'exonération vise à soulager de l'impôt
les contribuables disposant de revenus modestes. C'est une mesure de justice
sociale. Ainsi en France, plus de 50% des ménages ne paient pas
l'impôt sur le revenu : ils en sont exonérés. Pour ne pas
pénaliser les plus démunis, l'Etat les dispense de la plupart des
impôts : impôts locaux et bien sûr impôt sur le revenu.
C'est ce qu'on appelle l'exonération. Souvent accordées sur la
base de critères financiers, les exonérations fiscales peuvent
aussi être soumises à des conditions plus sévères :
âge et situation sociale (invalide, handicapé, veuf) notamment.
Cependant, en Haïti, dans le code des investissements,
beaucoup d'entreprises, pour la plupart des sociétés anonymes,
sont exonérées des charges fiscales dépendamment du
secteur d'activités dont l'Etat veut faire la promotion ou veut inciter
à y investir. C'est le cas par exemple des zones franches, de la
Société Nationale des Parcs Industriels (SONAPI), de la loi sur
les industries nouvelles, des dividendes revenant aux actionnaires des
sociétés anonymes mixtes (art.12 de la loi du 16 Septembre 1963),
etc. De plus, les sociétés anonymes bénéficient de
l'exonération de l'impôt sur le revenu sur le fonds de
réserve. Une faveur spéciale de la loi. Le tableau
ci-après montre la répartition par secteur des 500 plus grands
importateurs d'Haïti en 2011. Pour les questions douanières, on
aurait préféré avoir la liste des 500 plus grands
exportateurs, mais, il semblerait que ce sont les importations qui donnent du
travail à l'Administration Générale des Douanes.
Janvier 2012 (Week-end).
97
Tableau VII : Les 500 plus grands importateurs
d»Haïti en 2011.
P.M. /P.E
|
Nombre
|
Fréquence (%)
|
Sociétés Anonymes
|
226
|
45,2
|
Autres types
Sociétés
Commerciales
|
262
|
52,4
|
Organisations
Non
Gouvernementales
|
9
|
1,8
|
Rassemblements Religieux (Eglises)
|
2
|
0,4
|
Entreprises
publiques et Organismes d'Etat
|
1
|
0,2
|
Total=
|
500
|
100%
|
Source : Administration Générale des
Douanes
Légendes : P.P. =Personnes Morales P.E. =
Paramètres d'Etude
Contrairement pour les impôts, les
sociétés anonymes, si elles remplissent beaucoup d'exigences
douanières ne sont que deuxième en importation. Les autres
sociétés commerciales importent sensiblement plus, et paient
sensiblement plus de taxes douanières. De toute façon, des
exemptions douanières existent pour tous types d'entreprise. L'Etat, les
ONG et les Eglises, contre toute attente, remplissent les exigences
douanières également.
1- Administration Générale des Douanes (AGD) :
Les 500 plus grands importateurs d'Haïti. Le
Nouvelliste en date du 09 et 10
98
Graphe III : Les 500 plus grands importateurs
d'Haïti en 2011
Source : Données de l'AGD
Section II : De la question de la double
imposition
La double imposition est le fait, pour un revenu, d'être
imposé deux fois au niveau fiscal. Par exemple, si une entreprise est
présente dans deux pays dont les États n'ont pas conclu de
convention de double imposition entre eux, elle devrait en théorie
s'acquitter de ses impôts dans les deux pays. Cette question est
actuellement résolue par le principe de l'imputation d'impôt et
celui du crédit d'impôt. Cependant ici, il sera question de la
double imposition économique1 qui pèse sur les
sociétés anonymes et sur leurs actionnaires.
Simultanément, la part de bénéfices de l'actionnaire est
imposée à la source (dans l'imposition de la
société), et ce même actionnaire paie également
l'impôt sur le revenu individuel.
1- Il y a une distinction entre double imposition juridique et
double imposition économique. La première explique le fait qu'une
même personne (ou une personne et son prolongement) soit imposée
deux fois sur le même revenu. La seconde implique deux personnes
juridiquement et économiquement distinctes, mais liées par un
même revenu et imposées chacune séparément sur le
revenu en question. C'est le cas des S.A. et de leurs actionnaires.
99
A) L'imposition des sociétés anonymes
Les sociétés anonymes, on l'a vu, ne sont pas
imposées de la même manière que les autres types de
sociétés ou que les personnes physiques. En plus des
inégalités, les sociétés anonymes s'en distinguent
encore par les modalités d'imposition que constituent la réserve
légale et le tarif d'imposition.
1. Le fonds de réserve
L'article 41 du 28 Aout 1960 stipule que : « Il est fait
obligation aux sociétés anonymes de constituer un fonds de
réserve en prélevant le dixième du bénéfice
net jusqu'à ce que ce fonds atteigne la moitié du capital
versé. Les revenus servant à la constitution de la réserve
légale seront exempts de l'impôt sur le revenu. Les dividendes ne
pourront être distribués qu'après prélèvement
pour la constitution du fonds de réserve. » Les trois derniers
alinéas de l'article 153 du décret du 29 Septembre 2005 disent
exactement la même chose. La réserve légale ou fonds de
réserve est une faveur spécialement accordée aux
sociétés anonymes. Ce n'est qu'après ce
prélèvement que les dividendes peuvent être
imposées, traitées et distribuées. Donc, les
sociétés anonymes ne peuvent subir l'impôt sur le revenu
qu'après le prélèvement de 10 % destiné au fonds de
réserve.
2. Le tarif d'imposition
Les sociétés anonymes sont imposées sur
la base du bénéfice réel. Leur tarif d'imposition, quelque
soit le montant de leur revenu, est de 30% (art. 149 du décret du u 29
Septembre 2005). Le décret du 29 Septembre 1986, en son article 157,
consacrait l'impôt forfaitaire opposable à tous types de
sociétés sans distinction aucune, et l'impôt sur la base du
bénéfice réel différent selon le type de
société en question. Le décret du 29 Septembre 2005 a fait
une croix sur l'impôt forfaitaire pour les sociétés
commerciales. En définitive, les sociétés anonymes sont
imposées sur le revenu à 30%, sur la base du
bénéfice réel, après prélèvement des
10% de la réserve légale obligatoire.
1- Réf. page 88. 2 - Réf. page 90.
100
B) L'imposition des actionnaires sur leur quote-part
Les actionnaires des sociétés anonymes sont
passibles de l'impôt sur le revenu individuel. Ils sont imposés
sur leur quote-part découlant des dividendes distribués dans la
société dont ils sont actionnaires. Il faut re-souligner que les
dividendes provenant des sociétés anonymes sont doublement
imposées. Voyons les modalités de cette imposition sur les
actionnaires.
1. Les revenus imposables
L'article 12 du décret nous dit que le
bénéfice ou revenu imposable est constitué de
l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages
dont le contribuable a joui en nature, sur les dépenses
effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. Ils
sont donnés à l'article 131. L'article 2 du même
décret nous a appris que l'impôt est dû en raison des
bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés
ou dont il a disposé au cours de l'année d'imposition.
2. Le tarif d'imposition
L'article 149 donne le tarif d'imposition pour les personnes
physiques. Le taux d'imposition est proportionnel au revenu ou
bénéfice réalisé. Il par de 0 % à 30
%passant par 10 %, 15 %, et 25 % selon des revenus déterminés. Le
législateur s'est chargé de calculer cette
proportionnalité2.
Section III : Impacts de ce rigorisme fiscal
L'État tire sa légitimité de son aptitude
à lever l'impôt sur toutes les catégories de citoyens. En
régime démocratique le contribuable-citoyen étant
censé consentir librement à l'impôt, de grandes doctrines
théorisent l'acceptation de l'impôt et la légitimité
du pouvoir fiscal. La politique fiscale telle qu'elle est conçue en
Haïti s'articule autour de trois grands objectifs : la couverture des
charges publiques qui sont à la fois les dépenses de
fonctionnement et d'investissement, la promotion de l'investissement et la
protection des catégories les plus vulnérables. Pour atteindre
ces objectifs, l'État utilise environ une soixantaine d'impôts et
de
101
taxes. Six ou sept sont assez effectifs. Les autres «
sont des poussières, des impôts de nuisance », selon le
président de la commission Économie et Finances du Sénat,
Jocelerme Privert1. L'impôt a un objectif de faire grossir les
recettes, mais aussi un objectif dissuasif. S'il ne répond pas à
l'un de ceux-là, il est inutile. De ce fait, on va voir les incidences
de notre politique fiscale sur la santé économique du pays.
A) Les avantages
1. Une protection contre les investissements
douteux
Le rigorisme fiscal protège le pays contre les
investissements douteux. C'est vrai que le droit fiscal est réaliste et
pratique, ne se préoccupant pas de la source des revenus qu'il impose,
mais c'est également vrai que les rigueurs des règles fiscales
peuvent décourager toute société commerciale qui ne se
sent pas prête à être en règle avec la loi. Plus
encore, elle décourage à la base les entrepreneurs fougueux mais
animés du désir de fraude. Cela ne veut pas dire que dans
l'état actuel de la fiscalité haïtienne, il n'y a pas
d'entreprise qui fraude, ou que tous les investissements imposés sont
au-dessus de tout doute. On explore plutôt l'idée selon laquelle
un régime fiscal rigide aura le mérite de décourager les
investissements dont les sources ne sont pas fiables ou susceptibles de
doute.
2. Une prévision pour la santé des
finances publiques
Les finances publiques sont constituées des
impôts, taxes, et droits que les contribuables versent à l'Etat
par le biais de l'Administration Générale des Douanes (AAN, APN),
ou par la Direction Générale des Impôts. Un système
fiscal rigoureux aide le trésor public, car il lui permet de se garnir.
N'oublions pas que l'une des fonctions principales de l'impôt c'est de
pourvoir les caisses de l'Etat en argent. Ainsi, régir efficacement
et/ou rigoureusement les règles fiscales peut être une garantie
pour un trésor public sain.
1 - EDOUARD, Lionel : « Le défi
d'investir». Le Matin en date du 09 Décembre 2011.
102
3. Un moyen de redistribution des richesses
Redistribuer les richesses est une des fonctions de l'Etat.
Cette redistribution se fait par l'érection des infrastructures,
l'accès aux services sociaux et de l'assistance sociale pour les plus
vulnérables. Un Etat dont les finances sont maigres ne peut pas
s'octroyer le luxe de gratifier ses démunis d'avantages sociaux, de
permettre l'accès aux services sociaux de base et de se doter
d'infrastructures. D'où la nécessité des caisses
étatiques bien garnies. Le rigorisme fiscal, à ce point là
du débat a un argument de taille.
4. Pour une fiscalité dissuasive
Des mesures appropriées doivent être
adoptées pour arriver à une fiscalité dissuasive. La
fiscalité persuasive, incitative ou permissive a tout son
intérêt et tous ses avantages. La fiscalité dissuasive a
également son importance, et on l'a vu. Pour un régime fiscal
plus rigide, le législateur peut cumuler les options suivantes
a)La refonte de la fiscalité permissive est l'un des
moyens les plus surs pour parvenir à un régime fiscal dont le
rigorisme serait la norme. Par refonte, on entend le procédé qui
transvaserait les normes fiscales permissives à celles dissuasives. Les
avantages fiscaux et autres seraient amoindris au profit des exigences et
barrières.
b) L'actualisation des textes désuets est une condition
sine qua non dans la mesure où la fiscalité doit marcher au gout
du temps et des réalités du moment. Dans ce cas, les textes
dépassés seraient actualisés et modernisés pour un
régime fiscal plus efficace et plus efficient. La norme doit accompagner
l'évolution de l'objet qu'elle réglemente.
c)L'élargissement des perspectives fiscales est une
mesure appropriée. Il serait de bon ton d'élargir l'horizon
fiscal si on veut vraiment parvenir au rigorisme fiscal quasi-complet. C'est
vrai que les impôts ne manquent pas, mais, ils ne sont pas
appliqués. Il faudrait revoir la législation pour la
dépouiller des impôts de nuisance et l'agrémenter de ceux
qui manquent. Plus important encore, il faudrait donner force exécutoire
aux décisions de l'Administration fiscale et faire appliquer
effectivement les textes de lois en vigueur. C'est à ces seules
conditions qu'un régime fiscal rigoureux, efficace et efficient peut
être obtenu.
103
B) Les inconvénients
1. Une barrière pour les investissements
Une étude économique des impôts permettra
de comprendre comment l'impôt peut constituer une barrière pour
les investissements. Les caractéristiques et les impacts des
impôts sont étudiés en détail par les sciences
économiques, en particulier l'économie publique. Les
économistes étudient l'effet du niveau relatif d'imposition, et
des politiques fiscales, sur la croissance économique. Plus largement,
la théorie économique étudie la manière dont le
système fiscal s'intègre au sein de l'activité
économique, les distorsions économiques dont il est la cause ou
l'effet, et sa façon d'influencer les agents dans leur comportement
à l'égard du revenu et de l' épargne.
Les systèmes fiscaux génèrent des «
comportements d'évitement » de la part des contribuables,
particuliers et entreprises (fraude fiscale, travail au noir, évasion
fiscale ou simple dés-incitation au travail et/ ou à
l'investissement). Il reste cependant difficile de prévoir les
conséquences d'une augmentation des impôts ou d'un impôt
rigide sur l'activité économique et l'investissement. Les
contribuables personnes physiques et sociétés de personnes ont en
effet deux options antagonistes : diminuer leur quantité de travail
parce qu'ils estiment que le revenu qu'ils en tirent ne correspond plus aux
efforts consentis. C'est l'effet de substitution. Ou, augmenter leur
activité pour conserver leur niveau de vie ou leur régime de
fonctionnement. C'est l'effet de revenu. Les sociétés anonymes
elles seront désenchantées par rapport à l'investissement
dans un pays à politique fiscale rigoureuse pour elles. Or, l'un des
objectifs de l'impôt est la promotion des investissements. Paradoxe. En
effet, comment concilier l'effet dissuasif de l'impôt avec ses
velléités de promotion pour attirer les investissements ?
2. Un frein pour le progrès
Il convient ici de parler de l'influence de l'impôt sur
la croissance. Les économistes ont étudié l'ampleur
à différentes échéances de l'impact récessif
d'une hausse des impôts sur la croissance économique. Ils ne sont
pas unanimes sur l'importance de cet impact négatif, qui dépend
du type d'impôt considéré. Par exemple, Christina D. Romer
et David H. Romer ont estimé cet impact sur des données
américaines, et montrent qu'une hausse des impôts de un ( 1)
dollar provoque une diminution du PIB de trois (3) dollars, essentiellement du
fait d'une diminution de
Effect, 1997.
104
l'investissement. Les deux auteurs tentent de séparer
l'impact purement fiscal des autres impacts économiques, pour mieux
isoler son effet, ce qui leur donne une latitude importante, pour «
retraiter » la corrélation historique entre le taux d'imposition et
la croissance. Ce retraitement vise aussi à neutraliser les variations
fiscales liées à des contraintes macro-économiques
(augmentation des dépenses ou relance de la conjoncture) pour se
concentrer sur celles qui visent à promouvoir la croissance à
long terme. Pour y parvenir, ils ont analysé les discours politiques.
Leur travail montre qu'une hausse d'impôts accompagnant un discours de
réduction du déficit budgétaire ont un impact
économique meilleur que les autres.
Il n'existe pas de relation simple entre niveau d'imposition
et niveau du PIB ; en revanche un niveau d'imposition élevé tend
à réduire la croissance du PIB, et donc le PIB futur. De
manière plus globale, le niveau d'imposition dépend des
politiques sociales mises en oeuvre et de l'efficacité du secteur
public. Dans tous les cas, le secteur public doit être efficient,
c'est-à-dire il doit accroître l'utilité de ses citoyens
pour un coût minimal. Les évolutions au sein des pays
développés à partir des années 1980 visaient
à répartir la charge fiscale de manière optimale entre les
différents modes de prélèvement (rôle de la
politique fiscale).
Par ailleurs, moduler l'imposition en fonction de la
conjoncture économique par la politique conjoncturelle est
recommandé par une partie des économistes, si les incertitudes
sur les prévisions et les impacts de long terme sont correctement pris
en compte. Alberto ALESINA et Roberto PEROTTI ont étudié ces
ajustements dans une étude sur tous les pays de l'OCDE1.
3- Pour une fiscalité plus souple et
équitable
Un adage courant énonce que : « Trop
d'impôts tue l'impôt ».Cette formule a été
théorisée par Arthur Laffer, économiste américain
de l'école de l'offre. Cet auteur de la courbe de Laffer qui
modélise les rentrées fiscales en fonction du taux d'imposition,
estime qu'au-delà d'un certain niveau d'imposition, l'optimum, les
recettes fiscales diminuent car la baisse d'activité ne compense plus
l'augmentation d'imposition (ces recettes étant nulles pour les taux
d'imposition 0
1- ALESINA, Alberto, et PEROTTI, Roberto: Fiscal
Adjustments in OECD Countries: Composition and Macroeconomic
105
ou 100 %). Lorsque la pression fiscale augmente trop, les
acteurs économiques cherchent des moyens de la compenser :
a) En cherchant dans la complexité des règles
du système fiscal des dispositifs fiscaux plus favorables à leur
cas ;
b) En émigrant vers des pays où la
fiscalité est moindre (comme les paradis fiscaux) : c'est
l'évasion fiscale ;
c) En fraudant (par exemple en falsifiant leur
comptabilité ou par des fausses déclarations définitive
d'impôt) ;
d) En réduisant leur activité pour payer moins
d'impôt, ou en l'augmentant pour garder le même niveau de vie
malgré l'impôt.
Florin Aftalion en donne une illustration au début des
années 2000 aux États-Unis : la réduction des taux
d'imposition des plus-values et des dividendes appliquée en 2003 est
allée de pair avec une hausse des recettes fiscales de 8 % en 2004 puis
9% en 20051.Tout cela pour dire qu'en faveur des
sociétés anonymes, l'Etat Haïtien peut adopter une politique
fiscale en adéquation avec ses velléités de
développement. Il s'agit d'articuler une
politique qui inclurait dérogation, justice et neutralité
fiscales.
Une niche fiscale, ou dérogation fiscale, ou
abri fiscal, peut être, soit une disposition fiscale qui permet de payer
moins d'impôts lorsque certaines conditions sont réunies, soit une
lacune ou un vide législatif permettant d'échapper à une
catégorie d'impôt de nuisance sans être en infraction avec
la loi. Elle peut concerner les revenus les plus faibles qui sont alors
exonérés, certaines corporations, en compensation d'obligations
pour soutenir l'activité ou sous la contrainte des pressions
catégorielles ; une incitation à investir dans tel ou tel secteur
économique. On veut parler des dispositions fiscales et non des lacunes
législatives. Cette alternative serait en adéquation avec un
régime fiscal plus favorable pour les sociétés anonymes
qui sont très discriminées par rapport au fisc.
La justice fiscale ou le principe
d'équité demande le même effort à tous les
contribuables. Il peut prendre deux formes : l'équité verticale
et l'équité horizontale. L'équité verticale
module
1- FLORIN, Aftalion : L'Economie de l'offre se porte
bien, Economica, Paris 2005
106
l'imposition en fonction de la « capacité
contributive », exigeant un impôt plus important aux personnes les
plus aisées. Il motive l'impôt progressif . L'équité
horizontale impose un traitement équivalent à une situation
équivalente. Il s'oppose aux exonérations catégorielles. A
défaut d'attribuer le même régime fiscal à toutes
les sociétés commerciales (ce serait trop facile !), le
législateur peut appliquer le principe d'équité en
matière d'imposition. Les sociétés anonymes en seraient
soulagées.
La neutralité fiscale suggère
l'idée que l'Etat ne devrait pas avoir d'état d'âme en
matière d'impôt. Son objectif premier étant de se doter de
mesures et de politiques fiscales qui attireront les investissements et
provoqueront à coup sûr le développement économique.
C'est vrai que l'impôt doit influencer le comportement des acteurs
économiques en les dissuadant ou en les encourageant, mais c'est
également vrai que le pays a besoin d'investisseurs haïtiens et
étrangers pour contribuer à son développement. Et cela,
seule la neutralité fiscale peut porter l'Etat à se
départir de ses préjugés pour accueillir convenablement
les futures sociétés anonymes d'Haïti ou qui seront
implantées en Haïti.
Ce chapitre montre une fois de plus, une fois de trop, que la
législation haïtienne en vigueur sur les sociétés
anonymes a un double visage. Il accorde quelques privilèges fiscaux et
douaniers (franchises, exonérations, dispenses) mais,
simultanément, elle s'empresse de réduire les libertés en
consacrant des rigueurs opposables uniquement aux sociétés
anonymes (double imposition, tarif d'imposition...). C'est à croire que
la législation concède des particularités pour tout ce qui
a trait aux sociétés anonyme. Pourtant, il suffirait de
moderniser et d'harmoniser les mesures et politiques applicables aux
sociétés anonymes pour durcir ou adoucir le ton.
107
CONCLUSION
Les sociétés anonymes sont l'objet d'un
régime juridique spécifique. Chacun des chapitres l'a
démontré, sur un même sujet il y a des libertés
énormes et des contraintes irritantes. Sur le plan de la constitution,
les particularités sont nombreuses, et elles consistent tant en faveurs
qu'en rigueurs. La vie sociale des sociétés anonymes est
jalonnée d'exigences qui à elles seules rendent lourde cette
structure juridique de société commerciale. Simultanément,
la législation accorde des privilèges de fonctionnement et de non
fonctionnement reconnus aux seules sociétés anonymes. En
matière de droits extrapatrimoniaux et patrimoniaux, les avantages ne
manquent pas. Cependant, il y a des nuances pour les sociétés
anonymes étrangères : des interdictions très
significatives pèsent sur elles pour les droits patrimoniaux. Et c'est
tout à fait légitime. Les obligations fiscales sont aussi
à double visage, une partie est faite d'exemptions, l'autre, de
rigueurs. Mais, elles sont en majeure partie constituées de rigueurs, de
discriminations et d'injustices. La législation est prise entre deux
feux d'une égale intensité : le favoritisme et le rigorisme. Ce
régime spécial découle, non pas d'une incohérence
législative, mais en considération des caractéristiques et
particularités des sociétés anonymes. Les vides, les
imperfections, les contradictions, les incohérences, les lacunes, tout
montre que la législation haïtienne sur les sociétés
anonymes doit être repensée, revue, corrigée,
augmentée et actualisée.
Cette ambivalence dans les mesures déroute quelque peu.
D'une part, les avantages présentés subjuguent les entrepreneurs.
D'autre part, les contraintes découragent les plus prudents. De
là découle la nécessité d'adopter une politique
législative univoque pour les sociétés anonymes. Le
nouveau régime sera tout à fait rigide ou grandement
favorable.
Pour une législation dont le rigorisme serait
la norme, un remaniement serait nécessaire. Il va falloir
revoir à la hausse les exigences fiscales et douanières, les
procédures de constitution, les modalités de fonctionnement et de
non-fonctionnement et les privilèges patrimoniaux. Les anciens textes
doivent être modernisés. Les exonérations, dispenses et
franchises doivent diminuer. Les textes de lois doivent produire leurs effets.
Et le système fiscal doit être renforcé par de nouvelles
réglementations visant l'efficacité de l'administration fiscale.
Cette option serait l'idéal pour fermer les vannes du
néo-libéralisme galopant et sauvegarder le pays de ses effets
pervers mais subtils.
108
1- Le maintien des rigueurs existantes est la première
mesure impérative pour une législation tout à fait
rigoureuse. L'épaisseur des conditions et procédures de
constitution, les contraintes de la vie sociale, les restrictions pour
l'acquisition et la jouissance du droit de la propriété
immobilière pour les sociétés étrangères,
les rigueurs fiscales, tout doit être maintenu.
2- L'augmentation des exigences est la deuxième phase
du processus. Le législateur doit parfaire son oeuvre en ayant soin
d'ajouter de nouvelles dispositions pour remplir les vides, manquements et
lacunes. Il faut revoir les imperfections. La législation se rectifie,
se corrige, s'augmente à l'humeur du fait réglementé. De
ce fait, les incohérences doivent tomber pour faire de la place à
la clarté.
3- Les ouvertures permissives, les privilèges relatifs
aux droits patrimoniaux, les exonérations fiscales et douanières
et toutes les autres faveurs accordées aux sociétés
anonymes doivent être revues à la baisse. C'est le temps des
restrictions, des réserves et des limites.
4- L'actualisation du régime juridique est
indispensable. L'évolution actuelle des choses est en
inadéquation avec les structures légales existantes. Garder
Haïti au monde des affaires avec des structures rigides est une tache
sérieuse. D'où la nécessité d'actualiser nos lois.
La modernisation de la législation devient par conséquent
inéluctable.
Si on se penche sur la deuxième option, à savoir
une législation portée sur le favoritisme, il y
a beaucoup à faire. Pour reconstruire ce pays, on a besoin de beaucoup
d'investissements et dans tous les secteurs. Il faut dynamiser le secteur
tertiaire, mécaniser nos techniques, insérer la culture
technologique et industrielle dans notre vie, nous développer en somme.
Ce développement qui ira de pair avec l'accès aux services de
santé, d'éducation et d'un niveau de vie acceptable, ne peut pas
se concrétiser sans la croissance économique. Or, cette
croissance, on l'a compris, doit provenir en grande partie des investissements,
qui eux sont concentrés dans les sociétés de capitaux (en
majeure partie). Par conséquent, pour attirer la chaine de
développement, il faut nécessairement rectifier le tir quant
à nos lois. Pour ce faire, plusieurs étapes doivent
s'emboiter.
2- Président de la commission Finances et Budget du
Sénat.
109
1- Il faut revoir toute la procédure de constitution
des sociétés anonymes. On laissera, les formalités
indispensables et on se passera de celles dont le défaut n'entrainera
pas de conséquences. Une procédure moderne et plus
légère convaincra les entrepreneurs à investir dans cette
structure juridique qu'est la société anonyme.
2- Les entraves qui chargent la vie économique et
sociale inutilement doivent être enlevées. Les gangues et scories
qui biaisent le jeu du fonctionnement à plein régime n'ont pas de
place dans une législation qui veut faire la promotion des
investissements.
3- Les rigueurs fiscales et douanières doivent
s'adoucir. Le caractère dissuasif de l'impôt remplit trop
parfaitement son rôle dans le cas des sociétés anonymes. Il
devient donc impérieux de remédier à cette situation en
édictant de normes fiscales nouvelles, appropriées, efficaces,
utiles et surtout plus équitables et moins rigides.
4- Tous les avantages accordés doivent être
maintenus. Les faveurs concernant les droits et tous autres privilèges
relatifs aux sociétés anonymes ont un impact positif sur les
investissements. Donc, il faut à tout prix les conserver.
5- L'amélioration de l'environnement légal des
affaires par la mise en place des conditions favorables aux investissements.
Pour y arriver, beaucoup de lois méritent d'être conçues et
promulguées pour renforcer le cadre des investissements. Les lois
d'application sur les affaires en rapport avec la constitution qui n'existent
pas doivent naitre, et les accords et conventions signés par Haïti
que le Parlement n'a jamais pris la peine de ratifier doivent être
ratifiés1. Les propositions de lois économiques en
souffrance au Parlement (celle sur les assurances, celle sur la
régulation des ports, celle sur l'énergie et les
télécommunications, celle sur la copropriété)
doivent être activées. Le Sénateur Jocelerme
Privert2 insiste sur la nécessité de remanier tout un
ensemble de documents légaux relatifs à l'activité
économique. Pour lui, la révision du cadre légal des
affaires constitue un sujet de première importance, car on ne peut pas
encourager des
1- CADET, Carl-Henry : Investissement : le gouvernement
ne fait qu'en parler. Le Nouvelliste en date du 16 au 23
Janvier 2012 (Semaine).
110
investissements nationaux et internationaux avec la
législation à caractère économique en vigueur.
6- En définitive, l'actualisation ou la modernisation
des procédés législatifs s'avère nécessaire.
On doit évoluer au rythme du temps. A l'instar des rigueurs à
atténuer, des faveurs à conserver et des vides à combler,
il faut penser à ajuster la législation en fonction des nouvelles
tendances récemment utilisées par et/ou pour les
sociétés anonymes particulièrement et pour tout le secteur
des affaires en général.
Ces derniers jours, le gouvernement se montre
préoccupé par la situation légale des
sociétés commerciales dans le pays et dit vouloir faire changer
les choses de concert avec le Parlement. Il est même question de la
réduction des délais pour la procédure de constitution des
sociétés anonymes et d'allègement des procédures
non nécessaires. Beaucoup espère que ces mesures deviennent
effectives dans les jours à venir et qu'elles soient suivies par
d'autres du même genre.
Haïti est un pays riche en opportunités et vierge
en ouvertures. L'heure est venue de reconstruire cette terre que nous ont
laissée nos vaillants et conséquents ancêtres. Cette
reconstruction n'est pas seulement physique, elle est structurelle et
systémique. Pour arriver à bouger les choses, il faut bouger les
lois, car un fait social normal est un fait social juridicisé. Doter le
pays de lois en adéquation aux faits qu'ils réglementent est une
nécessité pratique. Voilà pourquoi il est impérieux
d'ériger une législation univoque en matière de
sociétés anonymes. Avec le temps, les résultats d'une
telle démarche dépassera toutes les attentes. Et ce sera tant
mieux pour notre Haïti.
111
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
Ouvrages généraux
:
1- ALESINA, Alberto, et PEROTTI, Roberto: Fiscal
Adjustments in OECD Countries: Composition and Macroeconomic Effects,
1997.
2- BELTRAME, Pierre : La fiscalité en France,
3e édition Hachette 1994, 190 pages.
3- BOUVIER, Michel : Introduction au droit fiscal
général et à la théorie de l'impôt,
8e édition LGDJ, Paris, 2007.
4- CASIMIR, Jean-Pierre et COURET, Alain : Droit des
affaires, édition Sirey, Paris, 1987, 507 pages.
5- CHATIER, Yves : Droit des affaires, Entreprises
commerciales, 1ere édition Thémis, PUF, Paris,
1990, 138 pages.
6- CHATIER, Yves : Droit des affaires,
PUF, Paris, 1985, 647 pages.
7- COLLOT, Gélin I. : Traité de droit
fiscal, édition Henri Deschamps, Port-au-Prince, 2006,
442 pages.
8- COZIAN, Maurice et VIANDIER, Alain : Droit des
Sociétés, 8eme édition, Litec, Paris,
1995, 653 pages.
9- DE JUGLART, Michel et BENJAMIN, Ippolito : Cours de
Droit Commercial, 9eme Edition Montchrestien, Paris, 1992, 990
pages.
10- FLORIN, Aftalion : L'économie de l'offre se
porte bien. Economica, Paris, 2005.
11- GORE, François : Droit des
affaires, Edition Mont Chrétien, Paris, 1977, 571
pages
12- GORE, F. et JADAUD, B. : Droit fiscal des
affaires, 2eme édition, Précis Dalloz, Paris,
1997, 434 pages.
13- GUILIEN, Raymond et JEAN, Vincent : Lexique des
termes juridiques, 17eme édition Dalloz, Paris, 2010,
769 pages.
14- GUYON, Yves : Droit des affaires,
Tome I, 8eme édition economica, Paris, 1994, 1012 pages.
15- HEMARD, J., TERRE, F. et MABILAT, P. :
Sociétés Commerciales, Tome I, Dalloz,
Paris, 1972, 1040 pages.
16- JAUFFRET, Alfred : Manuel de droit
commercial, 20eme édition L.G.D.J., Paris, 1991, 698
pages.
112
17- JEAN-CHARLES, Enex : Manuel de Droit
Administratif, Imprimeur II, Port-au-Prince, 2002, 438
pages.
18- JEAN-PIERRE, Marc- André, ARCHAMBAULT, J.P et ROY,
M.A. : Le Droit des Affaires, les éditions HRW
limitée, 2eme édition, Paris, 1986, 548 pages.
19- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/
Contrats, droits et biens de l'entreprise (Mémento
Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1994, 1678 pages.
20- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/
Sociétés commerciales (Mémento Pratique),
édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, 1390 pages.
21- LEFEBVRE, Francis : Fiscal,
(Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1992, 1276
pages.
22- LE GALL, Jean-Pierre : Droit commercial,
règles applicables aux commerçants, sociétés
commerciales et G.I.E. banque et bourse, 10eme édition
mémentos Dalloz, Paris, 1985, 289 pages.
23- LE GALL, Jean-Pierre et RUELLAN Caroline : Droit
Commercial, 13e édition Dalloz, Paris, 2006, 226
pages.
24- LEMEUNIER, Francis : Société
Anonyme, 16eme édition Delmas, Paris, 1994.
25- MERLE, Philippe : Droit commercial/
Sociétés commerciales, 8eme édition
Dalloz, 2001, 794 pages.
26- RIPERT, Georges et ROBLOT, René :
Traité de droit commercial, Tome I, 14eme
édition L.G.D.J., Paris, 1991, 1303 pages.
27- RIPERT, Georges et ROBLOT, René :
Traité de droit commercial, Tome II, 15eme
édition L.G.D.J., Paris, 1996, 1364 pages.
28- RIPERT, Georges et ROBLOT, René, (par) Patrick
SERLOOTEN : Traité de droit commercial, Tome III,
5eme édition L.G.D.J., Paris, 1997, 957 pages.
29- SPENCER, Herbert : Le Droit d'ignorer
l'État, édition Les Belles Lettres, collection
Iconoclastes, 1993.
30- TROTABAS, Louis et COTTERET, Jean-Marie : Droit
Fiscal, 8e édition Dalloz, Paris, 434 pages.
31- VANDAL, Jean : Code des Sociétés de
commerce, de banque et de coopérative, Ateliers Fardin,
Port-au-Prince, 1980.
113
32- VIDAL, Dominique : Droit des
sociétés, édition L.G.D.J., Paris, 1993,
446 pages. Ouvrages méthodologiques
:
1- ANGERS, Maurice : Initiation Pratique à la
méthodologie des Sciences Humaines, 3e édition
CEC Anjou, 2000, ... pages
2- GIROUX, Sylvain et TRAMBLAY, Ginette :
Méthodologie des Sciences Humaines, La recherche en
action, Editions du Renouveau Pédagogique (ERPI),
Saint-Laurent, 2002.
3- GRAWITZ, Madeleine : Méthode des Sciences
Sociales, 11e édition Dalloz, Paris, 2001,
1019 pages.
4- FRAGNIERE, Jean Pierre : Comment Réussir un
mémoire, DUNOD, Paris, 2000, 117 pages.
5- LAMOUREUX, Andrée : Recherche et
Méthodologie en Sciences Humaines, Editions Etudes
Vivantes (EEV), Laval 1995.
6- MICHEL, Beaud et DANIEL, Latouche : L'art de la
thèse, éditions du Boréal, Québec,
1988.
7- PIARD, Frantz : Construire son mémoire de
sortie, les presses de l'imprimerie NAPCO, Port-au-Prince,
2004, 300 pages.
8- REY-DEBOVE, Josette : (sous la direction de) Le
Robert Méthodique, édition Le Robert, Paris,
1990, 1618 pages.
Textes de lois :
1- ETIENNE, Max : Code Monétaire et
Financier, publication de la Banque de la République d'
Haïti (BRH), Port-au-Prince, 2009, 697 pages.
2- HECTOR, Luc D. : Code de Procédure
civile, édition Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1989,
441 pages.
3- HECTOR, Luc D. : Code de Procédure civile
(Supplément), édition Henri Deschamps, Port-au-Prince,
1998, 291 pages.
4- PAILLANT, Joseph : Code Fiscal,
édition Henri Deschamps, Port-au-Prince, 2008, 663pages.
5- PIERRE-LOUIS, Menan et PIERR-LOUIS, Patrick : Code
Civil Haïtien, annoté et mis à jour Tome I,
les presses de DEL, Port-au-Prince, 1995, 420 pages.
114
6- PIERRE-LOUIS, Menan et PIERRE-LOUIS, Patrick : Code
Civil Haïtien, annoté et mis à jour, Tome
II, les presses de DEL, Port-au-Prince, 1995, 322 pages
7- PIERR-LOUIS, Menan et PIERRE-LOUIS, Patrick : Code
de Commerce, les presses de DEL, Port-au-Prince, 1995, 131
pages.
8- PIERRE-LOUIS, Menan et PIERR-LOUIS, Patrick : Code
Pénal, annoté et mis à jour,
édition Areytos, Port-au-Prince, 2008, 229 pages
9- SALES, Jean-Frédéric : Code de
Travail, édition Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1993,
398 pages.
10- TROUILLOT, Ernst et TROUILLOT, Ertha Pascal : Code
de Lois Usuelles, Tome I, les éditions SEMIS Inc.,
Port-au-Prince, 1998, 819 pages.
11- TROUILLOT, Ertha Pascal : Code de Lois Usuelles,
Tome II, les éditions SEMIS Inc., Port-au-Prince, 1989,
588 pages.
12- Deux siècles de
constitution, les éditions Fardin, Port-au-Prince,
2010,300 pages.
Thèses et mémoires
:
1- COLLOT, Benès I. : Les sociétés
commerciales étrangères au regard du droit positif
haïtien, 000569jcol, Faculté de Droit et des sciences
Economiques, Port-au-Prince, 1994.
2- COLLOT, Gélin I. : Droit fiscal haïtien
et relations économiques internationales, thèse
inédite, Aix Marseille III, 1990.
3- VIDEAU, Francisque : Considérations sur la
société anonymes en Haïti, 000810jvid,
Faculté de Droit et des sciences Economiques, Port-au-Prince, 102
pages.
Articles de journaux
1- Administration Générale des Douanes (AGD) :
Les 500 plus grands importateurs d'Haïti. Le
Nouvelliste en date du 09 et 10 Janvier 2012 (Week-end).
2- CADET Carl-Henry : Investissement : le gouvernement
ne fait qu'en parler. Le Nouvelliste en date du 16 au 23
Janvier 2012 (Semaine).
3- CADET Carl-Henry : Pour une vision claire et
globale des recettes fiscales. Le Nouvelliste en date du 11
Janvier 2012.
4- Direction Générale des Impôts (DGI) :
Les 600 plus grandes entreprises d'Haïti. Le
Nouvelliste n date du 07 et 08 Janvier 2012 (Week-end).
115
5- EDOUARD Lionel : Le défi
d'investir. Le Matin en date du 09 Décembre 2011.
6- JOACHIM, Dieudonné : E-Power et Oasis= deux
modèles d'investissement. Le Nouvelliste en date du 07
Avril 2011.
7- LISSADE, Joseph Guerdy et LAUTURE, Napoléon :
L'affaire NABATCO S.A. vs Nahoum Acra dans l'impasse. Le
Nouvelliste en date du 22 Avril 2009.
8- Ministère du Commerce et de l'Industrie (MCI) :
Choix de la forme juridique des entreprises en Haïti. Le
Nouvelliste en date du 1er Aout 2007.
116
SITES CONSULTES
1-
www.businessandlaw.be
2-
www.ccih.org.ht
3-
www.cfihaiti.net
4-
www.droit-finances.commentcamarche.net
5-
www.lematinhaiti.com
6-
www.lenouvelliste.com
7-
www.mae.gouv.ht
8-
www.mci.gouv.ht
9-
www.mefhaiti.gouv.ht
10-
www.mjsp.gouv.ht
11-
www.premye.com
12-
www.wikipedia.org
117
GLOSSAIRE
Un travail académique ne saurait être
scientifique sans la définition des concepts-clés autour desquels
gravite la recherche. Les concepts ont des dimensions et sont souvent
polysémiques. Il s'avère donc indispensable de préciser le
sens attribué aux concepts clés par une définition qui a
été opératoire dans ce travail. Ainsi, on évitera
les ambigüités.
Actionnaires : Ce sont les
associés des sociétés de capitaux ou par actions.
Associés : Ce sont les
sociétaires ou membres d'une société qui font un apport,
participent aux résultats et ayant la volonté de s'associer.
Décret :
Décision exécutoire à portée générale
ou individuelle signée par le Président de la
République.
Décret-loi :
Décret du gouvernement pris en vertu d'une habilitation
législative dans un domaine relevant normalement de la compétence
du Parlement, et possédant force de la loi, c'est-à dire
susceptible de modifier les lois en vigueur.
Domicile fiscal : Lieu ou une
personne a son principal établissement. Demeure légale et
officielle ou elle exerce une activité professionnelle salariée
ou non. En d'autres termes, le domicile fiscal est pour une personne le foyer
ou le lieu de séjour principal, le lieu de son activité
professionnelle ou le centre de ses intérêts
économiques.
Droits extrapatrimoniaux
: Droits subjectifs qui n'entrent pas directement dans
le patrimoine, et qui par conséquent n'entrent pas dans le commerce
juridique. Ils sont incessibles et insaisissables. Ils constituent des
exceptions au principe de la patrimonialité des droits subjectifs.
Droits Patrimoniaux : Droits
subjectifs entrant dans le patrimoine. Ils sont dans le commerce juridique, et
sont à la fois cessibles et prescriptibles. En principe, tout droit
subjectif est patrimonial.
Exonération : Exercice
qui consiste à exempter quelqu'un de ses obligations. Autrement dit,
c'est une manière de le dispenser de remplir les obligations en
question.
Rigorisme :
Sévérité et dureté extrême envers quelqu'un
dans le but de le protéger malgré lui, de le nuire, ou de
restreindre son champ d'action.
118
Favoritisme : Disposition
à accorder de l'appui, des avantages à une personne de
préférence aux autres. Considérations spéciales qui
confèrent une importance.
Franchise : Technique
d'exonération fiscale consistant à ne pas percevoir un
impôt lorsque le montant théoriquement du n'atteint pas un chiffre
minimum.
Impôt : Prestation
pécuniaire requise autoritairement des assujettis selon leurs
facultés contributives par l'Etat, les collectivités
territoriales et certains établissements publics, à titre
définitif et sans contrepartie identifiable, en vue de couvrir les
charges publiques ou d'intervenir dans le domaine économique et
social.
Impôt sur le revenu :
L'impôt sur le revenu est l'une des obligations fiscales qui s'appuient
sur des critères économiques. Il est perçu sur les revenus
individuels (IRI) et sur les bénéfices des sociétés
commerciales (IS).
Investissements : Placement
de capitaux dans l'achat de biens de production pour l'exploitation d'une
entreprise.
Législation : Ensemble
de normes juridiques dans un pays ou dans un domaine déterminé.
C'est le droit, c'est la loi.
Loi : Règle
écrite, générale et permanente élaborée par
le Parlement.
Personne morale : Groupement
de personnes ou de biens ayant la personnalité juridique, et
étant par conséquent titulaire de droits et d'obligations.
Personne physique : Toute
personne humaine, sujet de droit. C'est le citoyen ou le sujet individuel
titulaire de droits et d'obligations.
Revenu : Le revenu est le
produit d'une activité individuelle ou collective résultant d'une
initiative d'ordre intellectuel ou matériel, le fruit d'un droit
engendrant un accroissement de patrimoine ou une satisfaction des besoins. Ce
produit ou ce fruit peut être soit en numéraire, soit en
nature.
119
Société Anonyme
: Société commerciale dont le capital social est
constitué, par voie de souscription d'actions et dont les
associés ne sont responsables du paiement des dettes sociales
qu'à concurrence de leurs apports. C'est une société par
action et une société de capitaux.
Sociétés de
capitaux : Société constituée en
considération des capitaux apportés, dans laquelle les parts
d'associés appelées actions sont négociables et peuvent
être librement transmises entre vifs et à cause de mort. Les
actionnaires ne sont tenus du passif que jusqu'à concurrence de leurs
apports.
Société de
personnes : Société créée
<intuitu personae> c'est-à-dire en considération de la
personne des associés, dans laquelle la part de chaque associé
appelée part d'intérêt est en principe personnelle à
l'associé et n'est pas cessible entre vifs ou ne l'est que dans
certaines conditions. C'est une société par
intérêt.
120
Table des Tableaux et Graphes
1- Tableau I : Constitution des sociétés
anonymes. .. Page 28-30
2- Tableau II : Carte d'Identité Professionnelle des
sociétés anonymes. Page 31
3- Tableau III : Enregistrement des sociétés
anonymes étrangères en Haïti. Page 31-32
4- Tableau IV : Organisation des sociétés
anonymes (schéma). Page 36
5- Tableau V : Evolution des sociétés anonymes
en Haïti de 2001 à 2010. Page 76
6- Graphe I : Evolution des sociétés anonymes
en Haïti de 2001 à 2010. . Page 77
7- Tableau VI : Les 600 plus grandes entreprises en
Haïti en 2011. Page 94
8- Graphe II : Les 600 plus grandes entreprises en Haïti
en 2011. .. Page 95
9- Tableau VII : Les 500 plus grands importateurs
d'Haïti en 2011. . Page 97
10- Graphe III : Les 500 plus grands importateurs
d'Haïti en 2011. Page 98
Section II : Les procédures de
constitution. . Page 21
121
Table des matières
Remerciements. .. Page i
Avant-propos. . Page ii
Sommaire. Page iii
Liste des Abréviations. Page iv
Introduction. Page 1
Première Partie : Considérations sur les
sociétés anonymes en Haïti Page 6
-Notions générales sur les
sociétés anonymes. Page 7
Chapitre I : La constitution des sociétés
anonymes dans la législation haïtienne. Page 14
Section I : Les conditions de
constitution. .. Page 14
A) Les conditions de fond de droit commun. . Page 14
1- Le consentement. . Page 15
2- La capacité. Page 15
3- La certitude de l'objet. . Page 16
4- La licéité de la cause. ... Page 16
B) Les conditions de naissance. .. Page 16
1- La pluralité des associés. .. Page 17
2- La mise en commun d'apports. Page 17
3- La vocation aux résultats. . Page 18
4- L'affectio societatis. . Page 19
C) Les conditions spécifiques aux sociétés
anonymes. Page 19
1- Le nombre d'associés. . Page 19
2- Le capital social initial. Page 20
3- L'objet social. ... Page 20
122
A) Les étapes administratives. Page 21
1- Les étapes indépendantes du type de
constitution Page 21
2- Constitution sans appel public à l'épargne. ..
..Page 23
3- Constitution avec appel public à l'épargne.
Page 25
B) Les institutions concernées par le processus. Page
26
1- Les institutions traditionnelles. Page 26
2- Les institutions ajoutées. . .Page 27
C) Enregistrement des Sociétés Anonymes
Etrangères Page 30
D) Les particularités. Page 32
Section III : Sanctions pour
irrégularités de constitution. .. Page 33
A) Sanctions civiles. . Page 33
1- La régularisation. Page 33
2- La nullité. ... Page 33
3- La responsabilité civile. ... Page 33
B) Sanctions pénales. Page 34
1- L'emprisonnement. Page 34
2- L'interdiction d'exercice de certains droits. . Page 34
Chapitre II : La vie des sociétés anonymes
au regard du droit positif haïtien. Page 36
Section I : Organisation des sociétés
anonymes. . Page 36
A) L'Assemblée d'actionnaires ou organes
délibérants. Page 37
1- Constitutive. . Page 37
2- Ordinaire. . Page 37
3- Extraordinaire. . Page 38
4- Spéciale. .. Page 38
5- Mixte. .. Page 38
B) Les organes de gestion et de direction. .. Page 38
1- Le conseil d'administration. . Page 39
2- Le directoire et le conseil de surveillance. .. Page 40
C) Les organes de contrôle. . Page 41
1-
123
Les commissaires aux comptes. Page 42
2- L'expert de gestion. . Page 42
D) Les salariés. Page 43
1- Le droit à l'information. Page 44
2- La participation financière. .. Page 44
3- La participation à la gestion. Page 45
Section II : Fonctionnement des
sociétés anonymes. Page 45
A) Le fonctionnement normal. Page 45
1- Les exercices sociaux. Page 45
2- Les modifications du capital social. . Page 47
3- Le financement des sociétés anonymes. Page
48
B) Les incidents de fonctionnement. Page 51
1- Les conflits entre actionnaires. . Page 51
2- Annulation des comptes et délibération. ..
Page 52
C) La restructuration des sociétés anonymes. .
Page 52
1- La fusion. .. Page 53
2- La scission. Page 53
3- La transformation. Page 53
4- Le transfert de patrimoine. Page 54
5- Le transfert de siège transfrontalier. Page 54
6- Le groupe ou groupement. Page 54
D) Le non-fonctionnement de sociétés anonymes en
Haïti. Page 55
Section III : Dissolution des sociétés
anonymes. . Page 56
A) Les causes Page 56
1- Causes statutaires/ Dissolution statutaire. Page 57
2- Causes légales/ Dissolution légale. . Page
57
B) Les conséquences. .. Page 58
1- La liquidation. .. Page 58
2- Le partage. Page 59
124
1- Attirer des fraudeurs. Page 82
Deuxième partie : Le régime juridique des
sociétés anonymes. Page 61
Chapitre III : Les droits des sociétés
anonymes à découvert. Page 62
Section I : Les droits
extrapatrimoniaux. . Page 62
A) Le droit à un nom. Page 62
B) Le droit à un domicile ou siège social. . Page
63
C) Le droit à une nationalité. . Page 63
D) Droit d'exercer le commerce. Page 64
E) L'existence légale. Page 65
F) Droit d'ester en justice. Page 66
G) Protection diplomatique. .. Page 67
Section II : Les droits patrimoniaux, des
privilèges exorbitants. Page 68
A) Droit de la propriété mobilière. Page
68
1- L'acquisition. . Page 68
2- La jouissance. . Page 68
B) Droit de la propriété immobilière. Page
69
1- Les modes et moyens d'acquisition. .. Page 69
2- La jouissance. . Page 71
3- Le cas des sociétés anonymes
étrangères. Page 73
4- Priorité des sociétés anonymes. Page
75
Section III : L'intérêt de l'octroi des
faveurs spéciales légales. .. Page 78
A) Les avantages du favoritisme. . Page 78
1- Encourager et faciliter les investissements. . Page 78
2- Garantir une certaine croissance économique. Page
80
3- Promouvoir le développement. .. Page 81
B) Les principaux inconvénients. . Page 81
125
2- Encourager l'oligarchie terrienne. .. Page 83
Chapitre IV : Les obligations fiscales des
sociétés anonymes. ... Page 85
Section I : L'égalité devant
l'impôt, un principe discuté. Page 85
A) Du principe de l'égalité devant l'impôt.
Page 86
B) L'impôt sur le revenu. . Page 88
1- L'impôt sur le revenu individuel (IRI). Page 89
2- L'impôt sur les sociétés (IS). Page
90
C) Inégalité devant l'impôt entre les
contribuables. .. Page 90
1- Inégalité entre personnes physiques et
personnes morales. Page 91
2- Inégalité entre les sociétés
commerciales. Page 92
D) Les exemptions fiscales. Page 95
1- Les franchises. Page 95
2-Les exonérations. . Page 96
Section II : De la question de la double
imposition. Page 98
A) L'imposition des sociétés anonymes. Page 99
1- Le fond de réserve. . Page 99
2-Le tarif d'imposition. .. Page 99
B) L'imposition des actionnaires sur leur quote-part Page 100
1- Les revenus imposables. .... Page 100
2-Le tarif d'imposition. ... Page 100
Section III : Impacts de ce rigorisme
fiscal. .... Page 100
A) Les avantages du rigorisme. Page 101
1-
126
Une protection contre les investissements douteux. .
Page101
2- Une prévision pour la santé des finances
publiques. Page 101
3- Un moyen de redistribution des richesses. Page 102
4- Pour une fiscalité dissuasive. Page 102
B) Les principaux inconvénients. Page 103
1- Une barrière pour les investissements. Page 103
2- Un frein pour le progrès. . Page 103
3- Pour une fiscalité plus souple et équitable.
. Page 104
Conclusion. Page 107
Bibliographie Sommaire. Page 111
Sites consultés. Page 116
Glossaire. .. Page 117
Table des Tableaux et Graphes. .. Page 120
Table des Matières. .. Page 121