Contexte
Au Burkina Faso, comme dans la plupart des pays de l'Afrique
occidentale, le secteur agricole détermine considérablement la
situation de l'économie nationale. Selon les données de la Banque
Mondiale, la part du secteur agricole dans le Produit Intérieur Brut
(PIB) en 2014 est évaluée à 34,2% au Burkina Faso. Par
ailleurs, le Burkina Faso est un pays qui enregistre un fort taux de croissance
démographique. Selon les résultats du dernier Recensement
Général de la Population et de l'Habitat (RGPH 2006), le taux de
croissance démographique en 2006 était de l'ordre de 3,1% avec
une population évaluée à 14.017.262 habitants à
cette date. Cette forte croissance démographique, du fait de la hausse
de la demande en produits alimentaires agricoles qui s'en suit, provoque une
intensification et extensification de l'agriculture. Selon les données
de la Banque Mondiale, entre 1990 et 2015, la superficie forestière
burkinabè a régressée de 14.970 km2. Cette
perte de forêt étant en partie due à l'extension des terres
cultivées pose un véritable problème environnemental.
Quant à l'agriculture intensive, elle provoque à son tour un
appauvrissement des terres cultivables du fait de la forte utilisation des
produits chimiques. Pourtant, en plus de leur état défavorable,
ces terres subissent fortement une dégradation naturelle.
La dégradation des sols est un phénomène
qui désigne la perte de la capacité de production de ces
derniers. Cette dégradation est due, non seulement, à
l'érosion du sol et à leur état pauvre conditionné
par une situation géographique et climatique défavorable, mais
aussi à des facteurs anthropiques (déforestation, feux de
brousse, pratiques culturales inadaptées, pollution, etc) (IFAD, 1992).
La première cause de la dégradation des sols, l'érosion,
se manifeste par un déplacement des particules du sol. Elle est dite
hydrique lorsque ce déplacement est causé par l'eau et
éolienne lorsqu'il est causé par le vent. La zone
sahélienne, du fait de sa situation géographique
(proximité du Sahara), reste la plus touchée par l'érosion
des sols. Ce phénomène n'est pas sans conséquence sur la
situation économique de cette localité et le secteur agricole est
principalement le secteur le plus exposé. En effet, en diminuant leur
fertilité, l'érosion contribue à réduire
considérablement le rendement des terres cultivées dans la zone
sahélienne. Le déplacement de des matières organiques, la
réduction de la profondeur des terres, les dépôts
poussiéreux sont les principaux aspects de l'érosion qui
affectent la fertilité et donc la productivité des terres
emblavées
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
dans cette zone. Par ailleurs, l'érosion est
occasionnée et favorisée par des facteurs de natures
différentes. Certains facteurs tels que le degré d'inclinaison
des terres, l'intensité des pluies sont d'ordre géographique
tandis que d'autres, l'absence de couvert végétal sur les terres
et la nature du sol sont respectivement d'ordre biologique et
pédologique. De ce fait, pour ralentir la chute de la
productivité de leurs exploitations, les agriculteurs doivent prendre
des mesures visant à s'adapter ou à combattre ces facteurs. C'est
dans ce contexte qu'apparait la nécessité de la mise en oeuvre de
techniques de conservation des eaux et sols (CES)/défense et de
restauration des sols (DRS).
La conservation des eaux et sols (CES) consiste à
pratiquer une ou plusieurs techniques au niveau d'une parcelle agricole afin de
protéger le sol contre l'érosion hydrique ou éolienne. Ces
techniques visent en général à contrôler les
facteurs qui favorisent l'érosion (Mahmoudou et Salim, 2011). La
conservation des sols fait intervenir les techniques de défense et de
restauration des sols (DRS). Les techniques de défense visent à
protéger le sol contre la dégradation causée par l'eau, le
vent et l'action des animaux en divagation. La restauration est quant à
elle utilisée lorsque le sol a déjà subi une forte
dégradation. Les techniques de CES/DRS ont été
essentiellement développées dans les années 1970 et 1980,
en réponse à des crises humanitaires et écologiques
s'accompagnant de famines sévères et de pertes importantes
d'espaces agricoles, pastoraux et sylvicoles (servant de sources
d'approvisionnement en bois et en fourrage mais également de
réservoirs de biodiversité).
Problématique
Depuis 1970, Plusieurs projets ont été mis en
place pour vulgariser l'utilisation des techniques de CES/DRS dans la zone
sahélienne subsaharienne. Parmi les plus récents, on distingue le
Programme Mali Nord (PMN) de 1997 à 2001, le Projet de Gestion et
Restauration des Terres dégradées du Bassin Arachidier (PROGERT)
en 2007 au Sénégal, le Programme de Lutte contre l'Ensablement du
bassin du fleuve Niger (PLCE) en 2008, les projets de Protection
intégrée des ressources agro-sylvo-Pastorales Tillabéri
Nord (PasP) entre 2004 et 2011 et de développement rural de Tahoua
(PdrT) dans le cadre du projet de Lutte contre la pauvreté (LUCOP) au
Niger. Au Burkina Faso, le projet d'aménagement des terroirs et de
conservation des ressources (PATECORE) est mis en oeuvre à partir de
1990 à la suite de deux précédents projets nationaux
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
de lutte contre la dégradation1. Le champ
d'action du PATECORE était la région du Centre Nord dans la zone
sahélienne et l'objectif visé était de mettre en place des
comités de gestion provinciaux qui encourageront les agriculteurs
à recourir à l'aménagement des terres cultivables par
l'utilisation des techniques de conservation. La dimension de ces projets
décrits précédemment révèle l'enjeu de
l'application des méthodes de conservation des eaux et sols.
Cependant, bien que les bilans des différents projets
de vulgarisation des techniques de CES/DRS aient fait ressortir un recul
considérable du niveau de dégradation des sols dans les zones
d'action, l'on ne peut affirmer un renversement global de l'allure de la
dégradation des sols dans la zone sahélienne burkinabè
(BMZ, 2012). Par ailleurs, malgré les efforts de vulgarisation des
techniques de CES/DRS et les avantages liés à ces pratiques,
elles ne sont utilisées que de façon limitée dans les
lieux subissant fortement l'érosion. Cela suscite des interrogations
premièrement sur les éventuelles barrières à
l'adoption des techniques de CES/DRS et deuxièmement sur la perception
des producteurs agricoles quant aux avantages liés à ces
pratiques.
Objectifs
L'objectif général de ce travail est de
déterminer d'une part les facteurs qui empêchent les agriculteurs
d'adopter les techniques de CES/DRS et d'autre part les avantages
économiques liés à cette adoption.
Afin d'atteindre cet objectif, il serait nécessaire de
:
? déterminer les différents facteurs susceptibles
d'influencer le comportement d'adoption de la CES/DRS ;
? analyser l'influence de chaque facteur sur ce comportement
afin d'en déduire les facteurs dont l'influence est négative ;
? expliciter les relations existant entre les indicateurs de
performance (efficacité technique) d'une unité de production
agricole et le choix d'adoption des techniques de CES/DRS.
1 Projet « Groupe Energies Renouvelables, Environnement et
Solidarités » (GERES) dans les années 1960, les projets
menés par le Fonds de l'Eau et de l'Equipement Rural (FEER) dans les
années 1970 et 1980
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
sahélienne
Hypothèses
Certaines hypothèses concernant les
déterminants et les avantages du choix d'adoption des CES/DRS peuvent
d'ores et déjà être formulées.
? H1 : la décision d'adoption des
techniques de CES/DRS est négativement influencée par la
faiblesse du niveau d'instruction, le niveau de responsabilité de
l'exploitant agricole;
? H2 : la décision d'adoption des
techniques CES/DRS est négativement influencée par les facteurs
réduisant les capacités financières et économiques
de l'exploitant ;
? H3 : l'utilisation d'une méthode
adéquate de CES/DRS améliore la productivité des terres
cultivées ;
? H4 : l'adoption d'une méthode de
CES/DRS adéquate pour une culture donnée contribue à
réduire l'inefficacité du système d'exploitation agricole
qui les met en oeuvre.
Plan d'analyse
La suite du document sera subdivisée en 4 chapitres.
Le premier chapitre se penchera sur une description générale des
techniques CES/DRS, les développements théoriques faites sur les
déterminants de l'adoption d'une technique agricole et l'analyse de
l'efficacité d'une unité de production. Le deuxième
chapitre relatera la méthodologie d'analyse des déterminants de
l'adoption et les avantages de cette décision sur l'efficacité de
l'exploitation agricole. Les deux dernier chapitre présenterons les
résultats obtenus à l'issus de la mise en oeuvre de la
méthodologie d'analyse à savoir, respectivement, les
barrières à l'adoption des techniques CES/DRS et l'effet de leur
adoption sur l'efficacité de l'unité de production agricole.
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Barrières et opportunités à
l'adoption des techniques de CES/DRS au Burkina Faso, dans la zone
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