Paragraphe 2 : La simplification des modes de
résolution des litiges de
consommation
L'accès à la justice, c'est-à-dire aux
tribunaux demeure un mythe aux yeux de plusieurs citoyens ivoiriens en raison
de plusieurs facteurs qu'il convient d'analyser afin de faciliter
l'accès des consommateurs à la justice (A) mais également
de promouvoir le recours aux moyens alternatifs de règlement des litiges
(B) qui serait sans doute bénéfique dans la résolution des
litiges de consommation.
A. Le facile accès du consommateur à la
justice
Il est nécessaire de préciser que le terme
« justice » dans le cadre de notre étude, renvoie à
l'accès aux tribunaux. Le régime judiciaire du consommateur
ivoirien s'est nettement amélioré avec l'adoption de la nouvelle
loi relative à la consommation. Elle donne la faculté aux
associations de consommateurs d'ester en justice pour des préjudices
directs ou indirects subis par les consommateurs individuellement ou
collectivement selon les conditions indiquées par ladite
loi168. C'est un progrès remarquable en ce sens que depuis
lors, les consommateurs
168Art. 255 et 256 de la loi relative à la
consommation
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victimes de préjudice lié à un contrat de
consommation avec un professionnel ne pouvaient se prévaloir de la
qualité de « consommateur » pour ester en
justice169.
Toutefois, malgré cette faculté dont disposent
les consommateurs de faire valoir leurs droits devant les instances judiciaires
dorénavant, peu d'affluence est constatée de la part de ces
derniers. Ce manque d'enthousiasme est dû à plusieurs facteurs. Le
principal d'entre eux est sans doute le coût excessif de la
justice170. Cette plaie qui ronge le désir des consommateurs
d'obtenir justice, et qui fait que, dans la plupart des affaires de
consommation, "le jeu n'en vaut pas la chandelle": les frais exposés
seraient supérieurs au gain espéré.
A cet obstacle d'ordre matériel s'ajoutent des
obstacles de nature psychologique : le formalisme de la procédure, le
langage de la justice et jusqu'à la robe des magistrats
inquiètent la plupart des consommateurs et les éloignent des
tribunaux. Pour le Président de l'UFC-CI, Monsieur KOFFI Jean-Baptiste,
cela s'explique par la vulnérabilité du consommateur qui se
traduit par les forts taux de pauvreté et d'analphabétisme
(entraînant l'inculture juridique) des populations ivoiriennes. Il
apparaît nécessaire et important que soient mises en oeuvre des
mesures visant à faciliter l'accès des consommateurs aux
instances judiciaires. C'est dans ce sens que ayant été
séduit par le modèle canadien en matière d'accès du
consommateur à la justice, il serait bénéfique que le
législateur ainsi que les pouvoirs publics ivoiriens s'en inspirent. En
vue d'encourager l'accès à la justice, le gouvernement
québécois a prévu un système d'aide juridique pour
les citoyens qui désirent consulter un avocat. C'est une institution qui
assure aux personnes dont les ressources sont insuffisantes la gratuité
provisoire ou définitive des frais de justice. C'est une technique qui
méritera d'être mise sur pied par les pouvoirs publics ivoiriens
afin de favoriser le recours aux instances judiciaires pour les consommateurs.
C'est une mesure qui consistera à permettre aux consommateurs moins
nantis
169 Propos recueillis auprès d'un membre de l'UFC-CI
qui précisait que les actions des associations de consommateurs
même pour leur membre étaient frappées
d'irrecevabilité à cause de l'absence de qualification juridique
du consommateur et des dispositions spécifiques pour la défense
de ses intérêts. Selon lui, les juges demandaient une
requalification de « consommateur » en « client » pour que
les actions soient recevables en fonction des dispositions du code civil.
170 Evaluons le coût des frais de justice et celui des
auxiliaires de justice en prenant l'exemple d'un consommateur victime de
publicité mensongère ou trompeuse de la part de la
société UNILEVER CI ; et qui décide de faire valoir ses
droits devant le tribunal de commerce par une assignation en paiement et
dommages intérêts.
En ce qui concerne les frais de justice, le consommateur devra
payer la somme de 30.000fr CFA pour les frais d'enrôlement. Mais bien
avant l'enrôlement, il va falloir que le consommateur saisisse un
huissier ou un juriste pour rédiger l'acte d'assignation qui coûte
au moins 30.000frs CFA ainsi que la signification cet acte au requis
c'est-à-dire UNILEVER qui devra accuser bonne réception et cela
pour un cout de 50.000f CFA. Soit environ 110.000frs CFA sans compter les
honoraires de l'avocat qui se chargera de l'affaire. Les honoraires d'un bon
avocat ne sont pas moins de 1.000.000 frs CFA.
Cette évaluation du coût de la justice pour le
consommateur montre à quel point il lui est difficile d'y avoir
accès.
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de se faire assister des services d'un avocat. Elle suppose
pour sa mise en oeuvre l'établissement de critère
d'admissibilité en fonction par exemple comme c'est le cas au
Québec, du revenu annuel que perçoit le consommateur et de sa
capacité à contribuer en donnant un montant qui variera selon un
barème établi.
Il y a également la solution de l'assurance
procès. Cette mesure consistera pour chaque citoyen de contracter
auprès d'une compagnie d'assurance une police et verser une prime. En
contrepartie, s'il a un procès soit en demande, soit en défense,
c'est la compagnie d'assurances qui prend tous les frais en charge, y compris
les honoraires de l'avocat que le plaideur choisit librement. L'assurance peut
même être collective. Ainsi, une association de consommateurs
envisagera assurer tous ses adhérents171. Il est
démontré que les consommateurs sont généralement en
position d'infériorité vis-à-vis des vendeurs, en ce sens
que la modicité des dommages qu'ils subissent leur interdit d'en
rechercher une réparation dont l'obtention serait d'un coût
beaucoup plus élevé que la valeur du dommage subi, alors que pour
le vendeur, qui n'ignore pas cette situation, la multiplicité des petits
profits illégitimes constitue un enrichissement fort
appréciable.
La nouvelle configuration juridique des associations de
consommateurs ivoiriens offre la possibilité à ces derniers
d'exercer des actions dans l'intérêt collectif des consommateurs.
Ce nouveau moyen judiciaire consiste à fédérer, dans un
procès unique, la défense d'un grand nombre de consommateurs
victimes d'agissements déloyaux. L'action collective a pour avantage
d'être moins onéreux et plus efficace. Une publicité
mensongère, par exemple, est de nature à léser des
milliers de personnes. Pour les raisons sus-indiquées, les victimes
n'agiront pas individuellement. Une action collective est beaucoup plus
pratique, ne serait-ce que parce qu'elle répartit les frais. L'action
collective ne résout cependant pas tous les problèmes. Il y a des
circonstances où l'action individuelle s'impose. Il serait donc
souhaitable que soit instituée une procédure simplifiée,
réduite à un minimum de formalisme, le cas échéant
dispensée de l'assistance d'un avocat et, en tout cas, d'un coût
aussi modique que possible. Ces mesures coûteraient sans doute aux
pouvoirs publics, mais à défaut d'une justice réellement
accessible, le droit de la consommation restera purement théorique en
Côte d'Ivoire.
171 LACOURSIERE (M.), Le consommateur et l'accès
à la justice, Les Cahiers de droit, vol. 49, n° 1, 2008, p.
97-130.
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