Paragraphe 2 : Une incohérence textuelle
constatée au niveau national
Au niveau national, l'incohérence du cadre textuel se
perçoit à travers des faiblesses identifiées dans la
réglementation publicitaire en vigueur (A). Mais aussi et surtout, on
constate un déphasage des textes face à l'évolution
croissante des techniques de communications publicitaires (B).
A. Les faiblesses de la réglementation
publicitaire en vigueur
La protection du consommateur de façon
générale est assurée par divers textes relatifs à
la concurrence et désormais principalement par la loi n°2016-412 du
15 juin 2016 relative à la consommation. Spécifiquement, en
matière de publicité, la protection du consommateur est
organisée par la loi n°91-1000 du 27 décembre 1991 portant
interdiction et répression de la publicité mensongère. A
cela viennent se greffer divers textes spécifiques qui
réglementent la publicité faite dans certains
domaines133.
Cependant, suite aux avis recueillis de certains
consommateurs, il revient que les dispositions assurant leur protection ne
prennent pas en compte leurs préoccupations. Il est reproché des
imperfections aux textes de protection de leurs droits contre les pratiques
publicitaires malhonnêtes qui tiennent essentiellement à
l'ancienneté des dispositions réglementant les publicités
et l'inapplication des sanctions prévues dans les textes existants.
Par ailleurs, notons que l'action du législateur dans
le domaine de la publicité est remarquable. Dans la mesure où
face à un quasi-vide juridique, le législateur a eu le
mérite d'intervenir dans un domaine peu connu et maîtrisable.
Toutefois, faisant une brève comparaison à la législation
française, sur le modèle, de laquelle, elle a été
essentiellement faite, elle est quasiment inadaptée au contexte
économique actuel en constante évolution. Pendant
133 Voir Chap.1 de la Partie 1.
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que les Etats développés tels que la France, le
Canada ont dissocié droit de la concurrence et droit de la consommation,
les textes relatifs à la répression de la publicité
trompeuse en Côte d'Ivoire souffrent encore de la prédominance du
droit de la concurrence sur le droit de la consommation. Ce qui n'est pas sans
conséquence vu que l'imbrication du droit de la concurrence sur le droit
de la consommation rend les textes visant la protection du consommateur
difficile d'accès.
Au niveau de la réglementation publicitaire de certains
produits telle que présentée plus haut, on note également
des imperfections. Par exemple la question du contenu des messages
publicitaires en faveur du tabac et des produits du tabac ne se pose plus en
droit français dans la mesure où, le régime applicable est
celui de l'interdiction de principe de toute publicité directe ou
indirecte134 contrairement à la législation ivoirienne
qui est tâtonnante en posant le principe d'interdiction qu'au support
télévisé. Déduction faite de la possibilité
laissée aux autres supports de publicités.
A la réglementation publicitaire du tabac et des
produits du tabac, on relève également des imperfections au
niveau de la réglementation des boissons alcoolisées. Rappelons
que le système ivoirien de contrôle de la publicité en
faveur des boissons alcooliques consiste, à moduler la
réglementation en tenant compte du degré de nocivité des
boissons vantées. Ce principe est louable certes mais il a pour
conséquence de permettre aux producteurs de boissons à faible
degré d'alcool notamment la bière qui appartient au
2ème groupe d'y faire abusivement la publicité de
leurs produits. On peut le voir lorsqu'on sillonne la ville d'Abidjan avec ces
nombreux panneaux publicitaires des brasseries ivoiriennes qui envahissent le
paysage urbain et incitent les consommateurs à consommer l'alcool. Pour
ne relever que ces points, le bilan est que les dispositions protectrices du
consommateur contre les pratiques publicitaires malhonnêtes sont
imprécises et incomplètes.
Toutefois, il faudrait également ajouter
l'effectivité de l'application des dispositions existantes, notamment
les sanctions, afin d'assurer une protection réelle. Rappelons que la
législation interdit toute publicité mensongère ou
trompeuse135. Toutes les personnes qui s'adonneront à cette
pratique se verront appliqué des sanctions prévues à cet
effet136. Cependant, le constat est tout autre en ce sens que,
plusieurs opérateurs économiques qui font la publicité
mensongère et trompeuse ne se voient aucunement appliqués les
sanctions
134 Art. L.3511-3 du Code de la santé publique
français.
135 Art.2 de la loi portant interdiction et répression de
la publicité mensongère ou trompeuse.
136 Art. 6 al. 1 de la loi sus-indiquée.
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afférentes et ces publicités continuent
d'induire et de tromper le consommateur dans ces choix. Prenons l'exemple de la
publicité des produits cosmétiques qui présente de
façon général l'image d'une femme au teint «
éclatant de beauté » grâce à l'utilisation du
produit vanté qui en réalité ne donne pas le
résultat escompté. Les acteurs de ces pratiques publicitaires
devraient normalement répondre de leurs actes devant la juridiction
compétente et se voir appliqué les sanctions liées au
délit mais cela n'est pas le cas.
Le support publicitaire par affichage est aussi un domaine
où l'on constate beaucoup d'irrégularités. Le
décret portant affichage publicitaire organise clairement l'affichage
publicitaire en déterminant par exemple l'espacement entre deux (02)
panneaux à soixante-quinze mètres (75m) en agglomération
et cent mètre (100m) en rase campagne137. Le non-respect des
dispositions réglementant l'affichage publicitaire constitue une
contravention de troisième (3ème) classe et est punie
comme tel ; sans préjudice de sanctions disciplinaires prononcées
par le CSP ; avec la possibilité qu'elle a de saisir les tribunaux et de
se constituer partie civile pour les préjudices subis aux consommateurs,
à la concurrence ou à la profession138.
Néanmoins, on a pu constater dans notre visite d'étude dans la
ville d'Abidjan que les panneaux d'affichage installés ne respectent pas
l'espacement des soixante-quinze mètre (75m) en agglomération et
les auteurs de ces pratiques ne sont pas interpellés afin d'être
remis à l'ordre.
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