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Les océans face au réchauffement climatique.


par Pierrick ROGE
Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019
  

Disponible en mode multipage

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    FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES DE NANTES

    Les océans face au réchauffement climatique

    Mémoire de recherche

    Master II Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques
    Présenté et soutenu par Pierrick Rogé

    Sous la direction de Madame Odile DELFOUR-SAMAMA

    Maître de conférence HDR
    Année universitaire 2017-2018

    2

    3

    « La faculté de droit et des sciences politiques de l'Université de Nantes n'entend donner
    aucune approbation ni improbation aux opinions contenues dans ce mémoires, ces opinions
    doivent être considérées comme propres à leur auteur »

    4

    5

    Remerciements

    Je tiens à remercier Madame Odile Delfour-Samama, Maître de conférence HDR à l'Université de Nantes, pour m'avoir encadré dans ce travail de recherche.

    Je tiens également à remercier Clara, qui m'a été d'une immense dans la correction de ce travail.

    Mes remerciements vont, en outre, à l'ensemble du corps professoral du Centre de droit maritime et océanique de l'Université de Nantes.

    Enfin, pour leur aide indirecte et morale, je voudrais particulièrement remercier ma mère et mes amis.

    6

    7

    Sommaire

    INTRODUCTION 11

    PARTIE 1 - LES OCÉANS SUJETS DE PROTECTION CONTRE

    LES EFFETS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 23

    CHAPITRE 1 - L'EXISTENCE DE SOURCES DIVERSES DE PROTECTION DES OCÉANS 23

    SECTION 1 - LA PROBLÉMATIQUE DES INSTRUMENTS DE SOFT LAW 24

    SECTION 2 - LA NÉCESSITÉ D'UNE HARD LAW NONOBSTANT UNE FAIBLE EFFECTIVITÉ 32

    CHAPITRE 2 - LES SOLUTIONS PEU EFFECTIVES POUR LA PROTECTION DES OCÉANS 41

    SECTION 1 - DES CONVENTIONS SECTORIELLES APPORTANT DES SOLUTIONS ÉPARSES 41

    SECTION 2 - LA CONSTRUCTION D'UN DROIT SYSTÉMIQUE PAR LES PRINCIPES DU DROIT DE

    L'ENVIRONNEMENT ? 50

    PARTIE 2 - LA PROTECTION DES OCÉANS À TRAVERS LE

    PRISME DE LA RÉGULATION DU CLIMAT 59

    CHAPITRE 1 - LE PROBLÈME DE L'ENCADREMENT DES ACTIVITÉS PAR LE DROIT 60

    SECTION 1 - L'ABSENCE DE LIEN CONCRET ENTRE LES DIFFÉRENTES INSTITUTIONS EN

    PRÉSENCE 60
    SECTION 2 - LES PROPOSITIONS DE SOLUTIONS INSTITUTIONNELLES POUR UN CADRE PLUS

    PROTECTEUR 69

    CHAPITRE 2 - L'EXISTENCE D'UN DROIT TROP ACCOMMODANT POUR ASSURER LA PROTECTION DE L'OCÉAN EN TANT QUE RÉGULATEUR DU CLIMAT : L'EXEMPLE DE

    L'ENFOUISSEMENT DU CO2 77
    SECTION 1 - UNE QUALIFICATION TROP LARGE POUR APPORTER DES GARANTIES SUFFISANTES

    78

    SECTION 2 - UN ENCADREMENT INSUFFISANT POUR LA PROTECTION DU MILIEU MARIN 86

    CONCLUSION 95

    BIBLIOGRAPHIE 99

    8

    9

    Principaux sigles et abréviations


    ·


    ·


    ·

    AIFM Autorité internationale des fonds marins (Autorité)

    AMP Air marine protégée

    CCNUCC Convention-cadre des Nations unies sur les changements

    climatiques


    ·

    CCS

    Carbon Capture and Storage


    ·

    CDB

    Convention sur la diversité biologique


    ·

    CIJ

    Cour internationale de justice


    ·

    CNUDM

    Convention des Nations unies sur le droit de la mer


    ·

    CO2

    Dioxyde de carbone


    ·

    COP

    Conférence des Parties


    ·

    CSA

    Norwegian Continental Shelf Act


    ·

    GES

    Gaz à effet de serre


    ·

    GIEC

    Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (IPCC)


    ·

    IUCN

    Union internationale pour la conservation de la nature


    ·

    OMI

    Organisation maritime internationale


    ·

    ONG

    Organisation non-gouvernementale


    ·

    ORGP

    Organisation régionale de gestion de la pêche


    ·

    OSPAR

    Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est


    ·

    TIDM

    Tribunal international du droit de la mer


    ·

    UE

    Union européenne


    ·

    ZEE

    Zone économique exclusive


    ·

    Zone

    Zone internationale des fonds marins

    10

    11

    « We cannot solve a crisis without treating it as a crisis. If solutions within the system are
    impossible to find, then we should change the system itsefl
    » GRETA THUNBERG

    Introduction

    La fin de l'année 2018 et le début de l'année 2019 ont été ponctués d'une actualité plutôt brûlante sur le réchauffement climatique notamment médiatisé au travers des marches pour le climat. Ces manifestations se sont réalisées partout dans le monde et démontrent qu'à l'instar du problème posé, les volontés de ralentir, voire d'arrêter le processus, sont également mondiales. La question pourrait se poser de savoir quel est l'intérêt de réguler ces changements majeurs à l'aube du XXIe siècle.

    La réponse se trouve à travers le prisme des différentes sciences qui alertent des conséquences d'ores et déjà arrivées, en cours et évidemment futures. Le cadre ainsi défini se dénomme Anthropocène et ce dernier est donc une période géologique déterminée dans le temps pour indiquer le moment où les activités humaines ont commencé à impacter globalement l'écosystème planétaire. Cette période est ainsi définie comme débutant en 1784, qui se trouve être la date du dépôt du brevet de la machine à vapeur. Cette datation a été établie par le météorologue Paul Josef Crutzen dans un article de décembre 20071. Il est important d'établir cette période car elle a été une base scientifique de référence extrêmement importante pour les organismes comme le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)2 ou encore l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN)3 qui est une organisation internationale à l'instar de Greenpeace mais qui a la particularité d'accueillir des États en son sein.

    En effet depuis que l'Homme a débuté ses activités industrielles de nombreux changements sont intervenus sur la planète. Les changements les plus marquants sont évidemment les plus visibles dans un premier temps. Parmi ceux là il est possible d'évoquer la fonte des glaces, que celles-ci proviennent de l'Arctique, de l'Antarctique, ou encore celles issues des nombreux glaciers situés dans diverses montagnes. Par exemple, le rythme de la

    1WILL STEPHEN, P. J. CRUTZEN, JOHN MC NEILL, « The Anthropocene : Are Humans now Overwhelming the Great Forces of Nature? », Ambio, n° 36, décembre 2007, p. 614-621

    2IPCC en anglais : https://www.ipcc.ch/ 3IUCN en anglais : https://www.iucn.org/

    12

    fonte des glaces en Arctique n'a jamais été aussi rapide et il aura suffit moins de vingt ans pour que ce territoire perde 1,6 millions de km2 de glace4. La première conséquence évidente de ces fontes est la montée des eaux. En effet, la montée des eaux est une catastrophes tant sur le plan environnemental que sur le plan humain. Il a été constaté que le niveau de l'océan avait augmenté de presque vingt centimètres depuis le début du XXe siècle. Les différents rapports établissent que durant le siècle prochain cette augmentation pourrait atteindre 90 centimètres à 1,60 mètres, ce qui engendrerait des déplacements de populations colossales et ferait de ces personnes des réfugiés climatiques dont le statut non reconnu amène son lot de questions juridiques. La seconde conséquence est un bouleversement des courants comme le Gulf Stream ou le courant Est-Australien qui participent aujourd'hui à réguler le climat et qui offrent des zones de reproduction à certaines espèces constituant des ressources halieutiques.

    L'autre changement palpable est une augmentation de la température globale de la planète. Ce constat a été justement fait à partir de la période pré-industrielle afin de déterminer un état d'origine et une base à laquelle se référer. Il indique qu'à l'heure actuelle la température a sensiblement augmenté de 1°C. A priori cela peut paraître relativement peu mais suffit à engendrer une évaporation plus importante des eaux de la mer et ainsi générer des cyclones et des tempêtes à la fois plus fortes et plus régulières. La dernière en date qui a vraiment marqué les esprits est le cyclone Idai qui a eu lieu du 4 mars au 21 mars 2019 et qui fait état de presque mille morts et d'importants dégâts matériels. D'après Johan Rockström nous sommes bel est bien sortis « d'un espace de fonctionnement sécurisé 5 » de la planète.

    Il s'agit de la thématique abordée par le GIEC dans son rapport spécial approuvé lors de la 48e réunion du GIEC à Incheon (Corée du Sud) le 6 octobre 2018. Le GIEC ou Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a été créé de manière conjointe par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l'environnement en 1988 avec pour principale mission d'apporter une aide aux décisions politiques tant au niveau international que national.

    4JULIA PEREZ, « Etat des lieux de la fonte des glaces » dans le cadre de l'Organisation mondiale pour la protection : https://www.ompe.org/etat-des-lieux-de-la-fonte-des-glaces/

    5JOHAN ROCKSTRÖM ET AL., »A safe operating space for humanity », Nature, Vol 461/24, September 2009, p. 473.

    13

    Ce rapport6 se divise en quatre parties dont la première s'attarde à détailler les causes et le fonctionnement même du réchauffement climatique afin de poser une base aux explications scientifiques qui suivront. Il y est notamment spécifié que le réchauffement actuel pourrait entrer dans une phase hypothétique où les émissions de dioxyde de carbone seraient amenées à zéro, le réchauffement se poursuivrait automatiquement à cause d'un dérèglement global. Il y est expliqué qu'une limitation de l'augmentation à 1,5°C par rapport à la période préindustrielle permettrait de limiter grandement les dégâts, même si certains d'entre eux sont d'ores et déjà bien avancés7. Les conséquences qui s'en suivraient seraient une augmentation des météorologies extrêmes en certains endroits de la planète, passant ainsi de nombreuses précipitations à des sécheresses totales. Ces conditions vont nécessairement avoir des conséquences sur les activités humaines que celles-ci soient dans les infrastructures, l'agriculture ou l'exploitation de certaines ressources. Une des plus tragiques conséquences serait la destruction permanente de certains habitats et refuges pour la biodiversité et les écosystèmes. L'exemple a donner est celui de l'absorption par l'océan du dioxyde de carbone amenant ce dernier au phénomène d'acidification, limitant ainsi grandement la reproduction du plancton et de certaines espèces halieutiques. Ainsi comme le rapport le précise : « A high rate of global warming reduces the chances that species can adapt, as they do not have enough time for adaptation », affirmant donc la volonté de ralentir ce processus.

    Dans la deuxième partie du rapport le GIEC opère une comparaison des conséquences possibles entre une augmentation de la température globale limitée à 1,5°C et 2°C. Il ne fait aucun doute que la différence est importante. Par exemple, les pays en bordure de la Méditerranée ainsi que les pays Africains vont voir trois fois plus de vagues de chaleur qu'aujourd'hui dans l'hypothèse d'une limitation à 1,5°C. Les changements majeurs dans les écosystèmes ont 50% de risques en plus d'avoir des difficultés d'adaptation et donc de disparaître. C'est une importante quantité de solutions de recherches scientifiques pouvant améliorer le quotidien de l'être humain qui serait alors perdue. Cette affirmation s'opère tant pour les forêts que les océans dont le rôle est probablement le plus important. Malheureusement ce dernier n'est pas le plus appréhendé par le droit du climat comme il sera vu8. Pourtant l'océan est un important puits de carbone puisqu'il détient une capacité bien supérieure à celle de l'atmosphère pour aborder le carbone. Il est question d'une augmentation

    6GIEC, Rapport Spécial sur une augmentation de la température de 1,5°, 6 octobre 2018.

    7Comme la disparition de 70% à 90% des récifs coralliens d'ici 2050 dans l'hypothèse d'une augmentation limitée à 1,5°.

    8Infra Partie 1

    14

    d'environ 50%. Cette capacité n'est alors pas sans conséquence dans un environnement naturellement systémique. En effet, le CO2 absorbé par les océans entraine une acidification de ces derniers. Cette acidification a pour effet d'appauvrir considérablement la capacité des espèces halieutiques ou biologiques à se développer et se reproduire. À terme, c'est la disparition de beaucoup d'espèces qui pourra être constatée dans le cadre de l'Anthropocène et de la sixième extinction de masse que l'Homme a ainsi déclenchée.

    Cette comparaison est nécessaire car elle permet d'analyser et de mesurer les impacts à différents niveaux de notre civilisation, comme l'affirme le GIEC en précisant : « In combination, the greater physical changes at warming of 2°C as opposed to 1.5°C lead to greater risks to livelihoods, food and water security, human health and security, and economic growth.», marquant ainsi la dépendance de l'être humain dans ces ressources halieutiques et biologiques qui contribuent à la fois à la santé et à l'alimentation de ces derniers.

    La suite logique de l'analyse de ce rapport, et celle qui méritera l'un des plus grands intérêts d'un point de vue juridique, est l'établissement de solutions pour atteindre l'objectif urgent de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. La question que pose cette partie du rapport est la suivante : « How can the warming be limited to 1,5°C ?», et pour cela il faut comprendre que le réchauffement qui est actuellement constaté est la conséquence directe des émissions de CO2 relâché dans l'atmosphère. Ainsi, le GIEC n'hésite pas à citer les Accords internationaux sur le climat pour préciser que l'objectif de notre temps n'est pas de retrouver les températures existantes à l'ère pré-industrielle mais bel et bien d'arrêter toute progression de ce réchauffement. Cette vision des choses, bien que déjà ambitieuse est peut-être regrettable quand on sait que l'environnement prévoit dans certains cas une remise en état des milieux dégradés. Il serait envisageable bien que cela soit extrêmement amphigourique, d'envisager de tels résultats afin d'établir des plans d'action beaucoup plus rapides. Cela n'évite pas le fait que, même si les émissions étaient nulles, la désintégration du CO2 serait si lente que ce qui a été émis juste qu'alors aura tout de même des impacts sur des centaines voire des milliers d'années. La solution apportée par le GIEC est donc la suivante :

    « We need to effectively stop releasing CO2 into the atmosphere. There are two ways we can achieve this. We can actually reduce our emissions to zero ; or we can effectively do so by substantially reducing them and then offsetting remaining emissions by using technology and/or biological means to remove CO2 from the

    15

    atmosphere - with the overall effect being as though we were not emitting CO2 at all. »

    Il est donc nécessaire soit d'atteindre un objectif d'émission nulle, soit de les réduire majoritairement, et de les coupler d'une part avec l'utilisation de biotechnologies (pouvant faire une référence directe à la fertilisation des océans), et d'autre part à la géo-ingénierie (à l'instar du captage et de l'enfouissement du CO2). Ainsi l'idée principale qui se dégage de cette partie du rapport est que les solutions ne manquent pas et que les objectifs ainsi prescrits sont complètement atteignables bien qu'il faille engager des politiques d'actions très efficaces. Cela ne semble pas être le cas comme le constate directement le GIEC en précisant : « We are not on track to limit warming to 1.5°C; in fact, current emission reduction pledges made by nations in the Paris Agreement would lead to warming of 3-4°C by the end of this century ». Ce constat semble plutôt alarmant et donne une vision complètement inutile de l'Accord de Paris pourtant présenté comme un outil juridique et politique majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Fort heureusement, il est également précisé que : « the Paris Agreement has a mechanism that allows countries to raise their level of ambition for emission reductions over time », affirmant ainsi que la prise de conscience internationale doit passer par des actions nationales on ne peut plus concrètes. Il s'agit là probablement de la raison pour laquelle des procès climatiques se développent au travers du globe9 qui reste le sujet de nombreux questionnements.

    Au final, de manière pratique dans un premier temps il convient d'après le GIEC de réduire l'énergie globale, la demande matérielle et de nourriture. Cela permettrait de préciser que dans les développements qui vont suivre il ne sera ainsi pas question de s'attarder sur les moyens juridiques qui permet par exemple de réduire les émissions de gaz à effet de serre se dégageant des navires. Ces outils sont apportés par différentes conventions qui émergent des discussions en provenance de l'OMI10. En effet, un cargo à l'heure actuelle émet autant de CO2 que l'ensemble de 50 000 véhicules routiers. Cette institution a néanmoins un rôle à jouer dans le droit du climat et plus précisément sur les biotechnologies et la géo-ingénierie que le GIEC évoque dans son rapport.

    Le -dit rapport se termine sur des objectifs plus généraux démontant l'interrelation entre les dix-sept objectifs posés par les Nations-Unies dont l'objectif 13 intéresse les mesures

    9Voir Affaire Urgenda c. Pays-Bas : Cour de district de La Haye, 24 juin 2015 Fondation Urgenda contre Pays-Bas et Cour d'appel de La Haye, 8 octobre 2018, affirmant la décision de la Cour de district.

    10Organisation maritime internationale

    16

    relatives à la lutte contre les changements climatiques. Cet objectif a été intégré lors de la Conférence de Rio en 1992, d'où provient la Convention sur le climat qui est à l'heure actuelle un instrument juridique majeur dans la lutte contre les changements climatiques, et qui s'imbrique avec les deux autres conventions que sont la Convention sur la diversité biologique et la Convention pour combattre la désertification. Ces points amènent donc logiquement à évoquer la saisie des objectifs scientifiques par le droit.

    Toutefois l'intérêt pour l'environnement n'est pas né en 2018. Cette notion est née dans les années 1970 et la définition traditionnelle est invoquée comme étant « l'ensemble des éléments naturels ou artificiels qui conditionne la vie de l'homme sur terre » qui provient du Larousse de 1972. Il faut d'ores et déjà comprendre deux choses via cette définition. La première est que la vie de l'être humain est intrinsèquement liée à l'environnement dans lequel il vit. Ce dernier se compose de tous les éléments de base nécessaires à sa vie comme l'eau, la nourriture et l'air. La seconde est que la définition est anthropocentrée, ce qui signifie que la vie ou la survie de l'être humain est la principale raison pour laquelle l'environnement devrait être protégé. Il ne fait donc aucun doute à la suite de celle-ci que le droit adoptera une vision également anthropocentrée de l'environnement.

    Saisi par le droit dès la conférence de Stockholm en 1972, l'environnement n'a eu de cesse de voir apparaître de nouvelles conventions internationales afin d'effectuer des protections de manière sectorielle. Dans cette dernière fût conclue une déclaration, où l'environnement a été défini au principe 2 qui dispose que : « Les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore et la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attention que le besoin ». Dans cette définition il est possible de remarquer qu'il est fait mention de l'ensemble des ressources et qu'il y est incorporé l'air et l'eau, la flore et la faune qui sont justement les premiers « objets »11 à être affectés par les émissions de CO2.

    Comme préalablement annoncé, la Déclaration de Stockholm et l'article 4 vinrent annoncer un droit de l'environnement envisagé sous l'égide du développement économique en précisant que : « La conservation de la nature, notamment de la flore et de la faune sauvages, doit donc tenir une place importante dans la planification pour le développement

    11Infra Partie 1, Chapitre 2, Section 2.

    17

    économique ». Cette affirmation peut être critiquable au sein d'un système où la croissance économique est fortement liée à l'endommagement voire à la destruction de l'environnement. Concernant le climat, il est aujourd'hui impossible, bien que cela soit un objectif à moyen terme, de poursuivre une croissance économique sans émettre de CO2. Mais force est de constater que les considérations pour le climat étaient grandement absentes et pour cause, en 1972 les connaissances scientifiques sur le climat n'étaient pas nécessairement très claires et les liens entre les milieux n'étaient pas évidents comme aujourd'hui. Juridiquement, c'est donc une approche sectorielle et par milieux qui s'est progressivement développée. Néanmoins, l'avancée est malgré tout présente et le droit international de l'environnement se trouve être aujourd'hui un ensemble de règles « énoncées et appliquées au sein de la société internationale organisant, au nom de certaines valeurs et à partir de certaines modalités, une protection de l'environnement12.» avec un champ d'application très vaste mettant en avant trois conceptions. Premièrement, toute forme de vie a une valeur intrinsèque13, deuxièmement cette valeur est liée aux êtres humains14. Enfin, en synthèse des deux premières conceptions au travers du prisme du patrimoine mondial, l'environnement doit être préservé pour l'humanité et pour le fait d'exister de manière autonome15.

    En effet, les premières théories sur le rapport entre la présence de CO2, dans l'atmosphère et le réchauffement de la planète date du début du XXe siècle. Néanmoins c'est vers les années 1960 que les scientifiques commencent à s'intéresser davantage à la question sans pour autant émettre de certitude sur le rapport et encore moins sur les conséquences à venir. En 1972, le scientifique J.S. Sawyer put prédire d'une manière qui se révéla effectivement juste que les températures allaient augmenter de 0,6°C d'ici l'an 2000. Toutefois ce n'était pas un danger imminent et il fallait nécessairement poursuivre ces recherches. Il était donc normal que l'environnement ne se préoccupe pas encore du climat puisque celui-ci est grandement centré sur le domaine scientifique.

    En 1981, les scientifiques climatologues reconnurent qu'il « est possible que les effets du CO2 ne soient pas détectables avant la fin du siècle, mais d'ici là, la concentration de CO2 sera suffisamment importante pour provoquer un réchauffement important. C'est pourquoi il pourrait être nécessaire de prendre des mesures avant même d'avoir des preuves formelles à

    12JEAN-MARC LAVIEILLE, HUBERT DELZANGLES, CATHERINE LE BRIS, Droit international de l'environnement, 4e

    édition, Ellipses, 2018.

    13Charte mondiale de la nature de 1982, Préambule, al.4.

    14Déclaration de Rio de 1992

    15Convention sur le patrimoine mondial, Paris, 1972,art.2.

    18

    cause du système climatique16 », pourtant l'environnement ne s'est pas saisi du sujet climatique à ce moment où les incertitudes pesaient encore. Nonobstant les doutes, les constats se faisaient de plus en plus nombreux et c'est alors qu'une étude franco-soviétique de 1985 put dégager une carotte ayant la contenance de 150 000 ans de glace. Cette carotte contenait le temps de plusieurs cycles où il fut possible d'observer que la courbe du CO2 suivait la courbe des températures17. Face aux inquiétudes des météorologues, le GIEC fut créée en 1988 et l'environnement fit un pas un peu plus important en avant les années suivantes.

    Ce pas a pu se faire grâce à la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, plus communément appelé le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro ou sommet de Rio. Cette fois, les inquiétudes vont au-delà de la vision de la simple limite des ressources du globe. Le Sommet de Rio de 1992 débouchera sur la réalisation de trois conventions dont les objectifs sont distincts en droit mais dont les liens sont indéniables sur le plan pratique. Ces trois conventions sont les suivantes : la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dont l'importance de l'indépendance est discutable. Ces conventions permettent une grande avancée de l'environnement en dégageant un certain nombre de principes qui vont permettre d'aller plus loin dans la protection de l'environnement. Ainsi s'ajoute au principe de prévention issu de la Déclaration de Stockholm le principe du droit au développement qui interroge sur le mode de développement et les liens qu'il peut émettre avec le climat, mais également le principe des responsabilités communes mais différenciées qui permet d'établir une responsabilité commune à tous les États liés à la CCNUCC (lequel manque probablement d'effectivité comme il sera vu), et enfin le principe de précaution qui permet dans le cadre de l'absence de connaissance certaine d'intervenir et de prendre des mesures. Ce dernier principe semble avoir été pris en considération des nombreux doutes scientifiques des années passées concernant l'influence des émissions de CO2 sur le réchauffement climatique. Le constat à faire est évidemment que ces conventions sont rédigées de manières indépendantes alors qu'il

    16BERNER, WERNER, et al. (1980). "Information on the CO2 Cycle from Ice Core Studies." Radiocarbon 22: 22735.

    DELMAS, R. J., et al. (1980). "Polar Ice Evidence That Atmospheric CO2 20,000 Yr BP Was 50% of Present." Nature 284: 155-57.

    NEFTEL, A., et al. (1982). "Ice Core Sample Measurements Give Atmospheric Content During the Past 40,000 Yr." Nature 295: 220-23. 17 http://23dd.fr/climat/histoire-rechauffement-climatique/102-histoire-de-la-decouverte-du-rechauffement-climatique-leffet-de-serre-et-le-co2-iv

    19

    est évident que le climat s'affiche comme une menace globale. Le droit du climat est ainsi né et de nombreuses évolutions au travers les COP18 permettront de préciser la CCNUCC notamment avec le protocole de Kyoto en date de 1997 qui verra apparaître de nouveaux outils juridiques et économiques de lutte contre le changement climatique. Ces outils seront renforcés avec une efficacité dont la remise en question a été nécessaire durant la COP 21 qui a mené à l'adoption de l'Accord de Paris le 12 décembre 2015 et à sa signature le 22 avril 2016.

    Le constat à faire est le suivant ; le droit du climat est une branche de l'environnement mais cette dernière à l'instar des autres est complètement indépendante des autres branches. Pourtant sur le plan scientifique il apparaît que les écosystèmes sont reliés et que la disparition de l'un d'entre eux peut avoir des conséquences sur un autre à l'autre bout de la planète. L'exemple typique est que le réchauffement climatique n'a pas seulement des conséquences sur la température de la Terre mais également sur celle des océans, qui eux-mêmes dévoilent une interrelation certaine. Cette interrelation ne se manifeste pas en droit ou ne semble pas assez avancée pour émettre une protection suffisante. C'est le cas des océans, en effet, les rapports de l'IUCN expliquent à quel point les océans sont reliés entre eux19. Dans un premier temps ce rapport évoque les différents types de relations environnementales entre l'océan et d'autres milieux. Ainsi il est question de « facteurs de stress » comme l'acidification des océans ou la désoxygénation. Une étude de l'IUCN a défini quatre dimensions systémiques de catastrophes. Deux sont directement liées aux changements de l'océan, c'est le cas des changements nocifs et nuisibles (physique et chimie de l'océan), et de l'utilisation humaine inappropriée avec l'interaction des océans.

    Deux le sont indirectement et concernent ainsi les politiques ineffectives des océans, de la gouvernance, et l'interaction entre l'océan et les autres systèmes de la terre. Dans un second temps le rapport établit la distinction entre une catastrophe et un risque. D'après ce dernier, un risque est une situation impliquant une exposition à un danger ou une catastrophe. Ce risque est donc défini comme une certaine probabilité. Il en résulte que le risque océanique est une fonction exposée à l'augmentation des catastrophes en provenance du changement de l'océan et dont les impacts résultant de vulnérabilités internes ou externes peuvent être arrêtés, réduits ou adaptés par des actions préventives. Cette définition peut être importante pour les secteurs

    18Conference of parties

    19D. LAFFOLEY ET J.M. BAXTER, « Ocean connections - An introduction to rising risks from a warming, changing ocean », IUCN.

    20

    privés comme celui des assurances qui devront à l'avenir gérer de nouveaux risques d'une part, et d'autre part les secteurs de la science marine et de la protection de cette dernière.

    Si les océans ont une si grande importance dans la régulation du climat, le droit de la mer est-il présent afin d'apporter sa pierre à l'édifice juridique ? Il faut nécessairement évoquer la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) signée le 10 décembre 1982 à Montego Bay mais dont l'entrée en vigueur s'est faite après la Convention sur le climat (en vigueur en mars 1994). Cela donne l'occasion de s'interroger sur la partie XII intitulée « Protection et préservation du milieu marin » qui ne semble pas offrir la moindre relation avec le climat dans une lecture textuelle. La CNUDM est pourtant un texte fondateur. Souvent dénommée « Constitution de la mer », ce texte volontairement général est à l'origine de bien d'autres textes plus précis dont il est possible de citer ceux à l'origine d'une protection de l'environnement marin comme la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, modifiée par les Protocoles de 1978 et de 1997 (MARPOL), ou encore la Convention internationale de 2004 pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires ainsi que la Convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (CLC) pour ne citer que des exemples. Le point commun de ces conventions est la protection contre les dommages envers l'environnement marin. Comme il a été dit l'approche est sectorielle, ainsi ne sont visés que les lieux de survenances du dommage et pour un type de dommage précis. Ces conventions n'appréhendent pas les dommages par ricochets où l'influence qu'aura l'endommagement d'une zone sur une autre. Il en est de même concernant le droit du climat et le droit de la mer, ce qui peut amener quelques questions vis-à-vis d'une protection globale face à un risque global.

    Ainsi, le droit de l'environnement est-il suffisamment systémique pour permettre une
    protection effective des océans face au réchauffement climatique ?

    Il conviendra donc d'analyser les textes en présence afin de déterminer si les armes juridiques actuelles sont suffisantes pour combattre les changements climatiques. C'est la raison pour laquelle il faut dans le cadre de cette étude envisager deux manières de considérer l'océan. L'évidence est que ces deux manières d'envisager les océans face au réchauffement climatique doivent permettre la protection du milieu marin. L'une d'elle est à court terme et l'autre à plus long terme.

    21

    D'une part, le droit du climat doit impliquer davantage les océans pour prévenir les impacts de ce risque global sur le milieu marin. Il est ainsi intéressant d'effectuer une double lecture pour savoir comment les océans peuvent être sujets de protection contre les effets du réchauffement climatique (I). D'autre part, l'océan détient un rôle dans le cycle du carbone et ce dernier pourrait dans certaines mesures se voir accroitre de manière artificielle sa capacité à stocker du carbone d'une manière ou d'une autre. L'intérêt sera donc d'observer comment le droit opère la protection des océans dans leurs rôles de régulateurs des effets du réchauffement climatique (II). Dans ce second point il s'agira d'analyser une activité maritime encore très peu pratiquée qu'est l'enfouissement du dioxyde de carbone dans les fonds marins.

    Finalement, il convient de mettre en relief les propos de la jeune Greta Thunberg afin d'analyser si des solutions n'existent pas déjà dans le système actuel. Autrement, il faudra probablement aller davantage en avant en traitant réellement cette crise comme une crise et trouver des solutions innovantes. Surtout, il se pourrait fortement que la solution innovante porte surtout sur le fait d'adopter une vision systémique des instruments existants et de pouvoir certes opérer des liens complexes, mais qui amèneraient les armes suffisantes pour affronter les défis qui attendent l'Humanité.

    22

    Partie 1 - Les océans sujets de protection contre

    les effets du réchauffement climatique

    La question qui va se poser dans les prochains développements est de savoir si juridiquement l'environnement a permi aux milieux océaniques d'être protégés du réchauffement climatique. Ici la menace identifiée est globale et provient de différentes causes comme le dioxyde de carbone relâché par l'ensemble des États dans le monde ainsi que d'autres gaz accélérant le réchauffement climatique. De même, ces relâchements ont différentes sources comme l'agriculture, les transports, les activités de production et représente 87% du total des émissions de sources humaines20.

    Ainsi l'océan est un milieu très affecté par l'ensemble des activités humaines quelle que soit l'origine de ces dernières. Cette remarque s'applique d'ailleurs à grande échelle aux pollutions plastiques d'actualité et qui sont pour 60 à 80 % des débris marins d'origine terrestre21.

    Dans cette optique il convient donc d'observer le droit du climat qui s'intègre à l'environnement et d'analyser en quoi l'océan n'est pas un objectif important dans les actuels outils juridiques permettant une protection contre le réchauffement climatique. Il faudra dans ce cas noter l'existence de sources diverses pouvant permettre une protection des océans (Chapitre 1) mais faire le constat que les solutions apportées sont peu effectives pour la protection de ces derniers (Chapitre 2).

    Chapitre 1 - L'existence de sources diverses de protection des

    océans

    Ces sources sont classiquement divisées en deux groupes : la soft law et la hard law. La distinction n'est absolument pas inutile car ces sources disposent d'une nature totalement

    20 https://votreimpact.org/gaz-a-effet-de-serre/sources-de-co2 21 https://www.greenpeace.fr/pollution-oceans-limpact-plastiques/?utm_medium=cpc&utm_source=google&utm_campaign=Plastique&utm_content=&utm_term=&gcl id=Cj0KCQjwtr_mBRDeARIsALfBZA48JM5F1aRWmT8bMMQV75afSKbL547BNYrPWn3VqGnlPdYr1kvE oRsaAsaPEALw_wcB

    24

    opposées l'une à l'autre quand bien même les objectifs poursuivis sont les mêmes. Il est donc possible d'observer que les instruments de soft law posent des problèmes en terme d'effectivité (Section 1) et que la conséquence de ce problème est la nécessité d'une effectivité renforcée au travers de la hard law.

    Section 1 - La problématique des instruments de soft law

    Cette problématique peut se traduire par une solide base politique reposant sur des engagements non contraignants de la part des États parties aux déclarations. Elles constituent néanmoins une source d'inspiration, quand bien même une évolution sectorielle de la soft law environnementale est critiquable (A), et que cette dernière s'est poursuivie avec l'Accord de Paris qui, devant faire ses preuves, ne marque pas d'étape pour protéger les océans des conséquences du réchauffement climatique (B).

    A - Une évolution sectorielle et politique de la soft law environnementale

    Il convient de retracer sensiblement l'évolution historique pour en comprendre les fondements et ainsi appréhender les différents aspects qu'offre la soft law environnementale22. Cette partie de la branche du droit international public est donc apparue le 16 juin 1972 durant la Conférence des Nations Unies sur l'environnement qui adopte la Déclaration de Stockholm. Cette conférence résulte du constat croissant de la détérioration de l'environnement à la suite d'incidents pouvant être qualifiés de « catastrophes écologiques » à l'instar du Torrey Canyon en 1967 suivie d'autres accidents maritimes, notons également la catastrophe de Tchernobyl en 1986.

    L'un des problèmes ici représenté n'est pas le problème inhérent à la soft law mais bel et bien au droit de l'environnement en général. Ainsi faut-il évoquer la problématique de la définition de son objet. Jusqu'alors, lorsqu'un traité était adopté l'objet ne posait aucune difficulté23. Ce constat est aujourd'hui toujours d'actualité avec pour exemple pertinent la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) dont l'objet concerne

    22Partie intégrante du droit international de l'environnement.

    23DAILLIER Patrick, FORTEAU Mathias, PELLET Alain, QUOC DINH Nguyen†, Droit International Public, 8e édition, L.G.D.J.

    25

    directement la mer en tant que telle24. La conséquence de cette difficulté est donc l'absence d'une définition claire dans la plupart des textes existants. Pour autant il existe des exceptions comme la résolution25 de l'IDI26 de 1997, qui reprend de manière quasi-similaire la définition présente à l'article 2, paragraphe 11 de la Convention du Conseil de l'Europe de 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement. Cette convention dispose dans son article premier les suivantes :

    « Aux fins de la présente Résolution, le concept d' « environnement » englobe les ressources naturelles abiotiques et biotiques, notamment l'air, l'eau, le sol, la faune et la flore ainsi que l'interaction entre ces mêmes facteurs. Il comprend aussi les aspects caractéristiques du paysage. »

    C'est-à-dire qu'en l'espèce il existe une définition de l'environnement qui peut prétendre à englober les océans à travers la présence de l'eau (ainsi que de la faune et de la flore de ces derniers) mais également du climat en général avec la présence de l'air. Le climat ayant une incidence sur la globalité des écosystèmes, la définition permet également d'observer le cadre scientifique qui établit les interactions entre les différents facteurs. Des questions peuvent alors se poser : pourquoi avec la présence de cette définition l'océan n'est-il pas plus considéré dans le droit du climat ? Comment se fait-il qu'une définition large de l'objet ne permette pas le développement de liens entre les Déclarations et les Conventions ?

    Par ailleurs la science a joué un rôle extrêmement important pour le développement de ce droit. Davantage encore pour le droit du climat depuis, car en 1967 deux scientifiques établissent que la concentration de CO2 dans l'atmosphère allait doubler d'ici l'an 2000. La question a pu être abordée durant la première conférence mondiale sur le climat en février 1979 qui développa un programme mondial de recherche sur le climat et qui déboucha sur la création du GIEC en 1988. Le GIEC a été déterminant dans l'avancement des connaissances sur le climat et son second rapport de 1995 affirme qu'il y a « une influence perceptible de l'Homme sur le climat ». Le premier rapport rendu en 1990 a été initiateur de la prise de conscience des enjeux que représentent les changements climatiques. Il faut observer que ces

    24CNUDM, en vigueur le 16 novembre 1994.

    Même si cette dernière n'a pu aborder toutes les problématiques actuelles lors de son adoption en 1982. 25 http://www.idi-iil.org/app/uploads/2017/06/1997_str_02_fr.pdf consulté le 06/05/2019.

    26Institut de Droit International.

    26

    rapports ne s'intéressent pas précisément aux océans de prime abord et ne permettent pas d'inclure ces derniers dans le cadre de la protection de l'environnement. Cette dernière étant « limitée » au sein de multiples Conventions s'inspirant de la partie XII de la CNUDM.

    Ainsi les sujets de droits internationaux, les États donc, se sont saisis de la question lors de la Conférence de Rio de 1992. Alors que la CNUDM avait été signée en 1982, démontrant ainsi l'intérêt pour le milieu marin, la question se pose de savoir si les rédacteurs de la Déclaration de Rio de 1992 ont su intégrer ce dernier dans ses articles. Le principe premier énonce : « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. »,il est donc davantage question de développement durable que de protection même de l'environnement. Néanmoins la Déclaration de 1992 a opéré de grandes avancées sur les questions environnementales.

    Premièrement ces avancées ont permis l'apparition de la notion de développement durable qui semble trouver son sens au principe 4 qui précise : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément. » et démontre ainsi la continuité de la volonté de créer des normes de manière sectorielle. Ainsi, cette Déclaration consacre une nouvelle fois l'intention de lier l'environnement à des secteurs bien précis.

    L'exemple ici présent est l'intégration de l'environnement à l'économie par la voie du développement durable qui reste malgré tout une notion relativement vague et non définie. Cette notion est néanmoins assistée de trois piliers que sont l'économie, l'écologie et le domaine social. Ainsi une recherche d'un développement économiquement efficace est mise en place, socialement équitable et écologiquement soutenable. L'inconvénient de ces mesures est qu'elles font de l'environnement l'accessoire de domaines différents qui viennent également fractionner la globalité que représente l'environnement. La vision sectorielle est présente depuis la création du droit international de l'environnement en 1972 quand elle prenait pour fondement les Droits de l'Homme. Pour terminer à propos du développement durable il est nécessaire de préciser que les trois aspects qui le composent sont indivisibles et interdépendants, et que « les préoccupations environnementales ne peuvent pas être opposées aux préoccupations sociales et économiques, ni être mise en concurrence avec elle »27, ce qui

    27ROS Nathalie, Développement durable et droit de la mer, ADMO 2017, p. 149.

    27

    explique en partie la raison pour laquelle l'environnement est aujourd'hui profondément accessoire mais d'une importance capitale.

    Deuxièmement, il y a une forte juridicité dans la rédaction de la Déclaration de Rio qui établit des principes importants tel que le principe 7 :

    « Les États doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l'intégrité de l'écosystème terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l'environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l'effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent. »

    Cela signifie en théorie la fin du déni environnemental. Ce qui se révéla faux, ou en tout cas peu effectif dans la mise en pratique puisque boudé par les États ayant signé la Déclaration. Un autre principe, très commenté mais d'une importance capitale est le principe 15 qui établit le devoir pour les États de prendre des mesures de précaution. Le principe de précaution est complémentaire au principe de prévention. Pour son application il doit y avoir un danger potentiel qui risque de causer un dommage grave et irréversible et dont l'incertitude scientifique est probante28.

    Néanmoins ces avancées ne se font pas sans contreparties. Il convient d'observer que tous les sujets n'ont pas été abordés, ce qui peut parfois être regrettable notamment pour les océans. L'un de ces sujets a fait l'objet de débats ; l'abattage des forêts. Force est de constater que le droit international s'intéresse aux dégâts visibles aux yeux des Hommes. L'avis n'est pas tant de discriminer la volonté des États participant au Sommet de la Terre de vouloir créer une Convention contraignante et spécifique aux forêts, au contraire aujourd'hui celle-ci serait tout aussi appréciée quand le constat est fait des déforestations massives dans les pays subtropicaux comme le Brésil. Toutefois l'océan est un objet de droit silencieux et qui

    28BOISSON DE CHAZOURNES Laurence, MALJEAN-DUBOIS Sandrine, Principes du droit international de l'environnement, Jurisclasseur Environnement et Développement Durable, 2011, p. 14-17.

    28

    absorbe encore correctement les dégâts de cette période. Les conséquences physiques ne se font pas encore ressentir comme aujourd'hui.

    Ce qui vient en revanche discréditer la soft law est son absence de contraintes. C'est-à-dire que même si les États sont signataires, il n'existe rien qui puisse les obliger à respecter ou à développer les lignes directrices établies au sein de leurs législations. Pourtant il est permis de croire qu'à l'instar des déclarations des Droits de l'Homme, les États se sentiront moralement contraints d'y adhérer29.

    La soft law, si elle n'est pas contraignante, reste malgré tout créatrice de droits qui sont eux contraignants aux travers des Conventions qui y sont rédigées, adoptées et pour beaucoup ratifiées. L'exemple même se trouve au Sommet de Rio de 1992 qui a vu apparaître la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC)30 ainsi que la Convention sur la diversité biologique31 (CDB)32, toutes entrées en vigueur.

    La faible présence des océans dans ces textes n'incite pas à aller plus loin et à intégrer ces derniers comme des milieux à protéger comme certaines zones sensibles notamment les récifs coralliens qui ont fait l'objet d'une attention plus particulière33. La question de l'application des déclarations reste pour le moins entière. D'autres Conférences donnant lieu à d'autres Déclarations ont été faites. N'est-ce pas là le signe d'une certaine inefficacité ? Il faut également se demander si les océans ont été depuis intégrés au droit du climat, notamment avec les connaissances toujours plus grandes de l'impact du réchauffement climatique sur ces derniers.

    B - La portée problématique de l'Accord de Paris pour les océans

    Il convient d'effectuer un rapide rappel des Conférences qui ont eu un faible impact pour ne pas dire un impact quasi-nul dans le développement de l'environnement et d'autant plus pour le climat dans son rapport avec les océans. Elles sont au nombre de deux et se sont déroulées en 2002 et en 2012.

    29 https://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.

    30En vigueur le 21 mars 1994, et comprend à ce jour 197 États parties.

    31En vigueur le 29 décembre 1993.

    32Avec actuellement 193 États parties : https://www.un.org/fr/events/biodiversityday/convention.shtml. 33GUYONNARD Thomas, La protection des récifs coralliens, mémoire de recherche sous la direction de Madame DELFOUR-SAMAMA, Odile, 2017-2018.

    29

    D'une part, la Conférence de Johannesburg s'était donnée pour objectif de faire un bilan des années passées depuis la Conférence de Rio de 1992 et d'adopter un plan d'application et une déclaration politique. La conséquence a été la rédaction de deux textes qui sont la Déclaration de Johannesburg sur le développement durable et le Plan de mise en oeuvre34. Ces deux textes sont non-contraignants sur le plan juridique et il s'agit davantage de réaffirmations politiques des déclarations précédentes ou encore des rappels du protocole de Kyoto35. Au sein de ces derniers l'absence des océans se fait sentir dans le flot des questions portant sur le développement durable et de son rapport à l'économie. Le développement durable est un principe qui intéresse pourtant grandement le milieu marin avec les opportunités économiques qui s'ouvrent au XXIe siècle.

    D'autre part le Sommet de juin 2012 à Rio, également nommé « Rio+20 », se ressent comme un élément négatif pour le droit de l'environnement. Qu'en dirait-on pour l'environnement marin ? De manière générale les ambitions « d'économie verte » sont totalement revues à la baisse dans la crainte d'un ralentissement global du développement économique. Ici encore, le climat et les océans sont mis de côté. La Déclaration finale sera également non-contraignante pour les États l'ayant signée. Pire encore, « elle n'a même pas la force d'une déclaration de principes ; elle est plus proche d'un plan d'action incitatif36. ».

    Trois années après il serait tout à fait approprié de reprendre la formule du président français Jacques Chirac qui en 2002 déclarait déjà « La maison brûle et nous regardons ailleurs... ». Cette formule était pourtant assez claire pour engager les États parties aux Conférences à aller plus loin. Lors de la 21e COP37, qui réunit les États engagés depuis 1992 par la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a été adopté l'Accord de Paris le 12 décembre 2015. Réunissant 195 pays ainsi que l'Union européenne, l'objectif était d'analyser l'application pratique de la Convention et de négocier les nouveaux engagements.

    De prime abord, le texte semble être une déclaration très proche des deux précédentes car il n'est pas prévu qu'elle soit contraignante immédiatement après être entrée en vigueur,

    34Voir Rapport du Sommet mondial pour le développement durable, Doc.ONUA/CONF199/20, Publication des Nations unies, New York, 2002.

    35Protocole de Kyoto à la CCNUCC.

    36 LAVIEILLE Jean-Marc, DELZANGLES Hubert, LE BRIS Catherine, Droit international de l'environnement, 4e

    édition, Ellipses, 2018. 37Conferance of parties.

    30

    ce qui arrivera à la date du 4 novembre 2016. Avant celle-ci la France, dans la loi du 15 juin 2016, a autorisé sa ratification. Le 7 novembre 2017, 195 pays et l'Union européenne signent l'Accord de Paris. Le Nicaragua et la Syrie ont annoncé qu'ils allaient le signer, à l'inverse le président Donald Trump annonce le 1er juin 2017 que les États-Unis se retirent de l'accord. Le 20 août 2018, l'Australie annonce qu'elle renonce à inscrire dans la loi l'objectif d'une réduction de 26% des émissions de gaz à effet de serre (GES), pourtant prévue dans l'Accord de Paris. Ces annonces démontrent indéniablement le caractère très politique qu'engage le réchauffement climatique. Par ailleurs certains auteurs ont pu qualifier ce texte de « réussite diplomatique »38, mais la question se pose de savoir s'il s'agit d'un succès juridique.

    En France une loi39 signe la fin de l'exploitation des hydrocarbures. Ce mouvement de désinvestissement des énergies fossiles est qualifié « d'ampleur remarquable » ce qui n'est pas vraiment le cas puisque les pays qui découvrent des gisements envisagent sérieusement de les exploiter. Sur le plan diplomatique et juridique les revendications sont présentes pour la mer Arctique qui apparaît suite à la fonte progressive des glaces. Ainsi se pose la question de l'intérêt porté à la fois au climat et à l'océan derrière les engagements ou plus précisément en pratique.

    Il faut rappeler que le rapport du GIEC annonce des conséquences catastrophiques pour les océans si rien ne se fait au niveau de cet Accord. Juridiquement il pourrait être mener à une instrumentalisation de l'obligation de diligence. Jusqu'alors les obligations conventionnelles étaient les plus efficaces. Il pourrait cependant y avoir une lecture jointe des deux types d'obligations. Notamment celle de diligence qui signifie une interdiction de causer un dommage à l'environnement des autres États. Ici ce sont des obligations de moyen et non de résultat. Au vu de l'urgence qui se présente face au réchauffement climatique, il faudrait néanmoins envisager un glissement des obligations d'États vers des obligations de résultats et non plus de moyens. Ces obligations doivent en vérité sortir du contexte de la diligence et doivent être interprétées largement. En effet, le réchauffement est global et un État qui ne répond pas de ses obligations en matière de réduction de GES endommage très probablement l'environnement des États qui lui sont voisins mais participe également à plus grande échelle à endommager voire détruire l'environnement de la planète entière y compris les océans.

    38MALJEAN-DUBOIS, Sandrine, Directrice de recherche CNRS, Aix Marseille, Université de Toulon et Université de Pau & Pays Adour, L'Accord de Paris sur le climat : aboutissement et/ ou nouveau départ ?, Quel droit pour le climat ? : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01684948/document

    39Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et

    portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement (1).

    31

    Ceci étant précisé, l'Accord devrait devenir contraignant à partir de 2020 et ainsi remplacer le protocole de Kyoto en vigueur depuis 2005. Cependant il existe une inquiétude juridique de taille concernant sa rédaction en comparaison de Kyoto. En effet, ce dernier n'est pas revêtu de mécanisme de sanctions. Cela signifie qu'en apparence le texte n'apparaît pas contraignant. Mais il est probable que ce dernier ait appris des échecs du Protocole de 1997. Il se trouve que le mécanisme de sanction consistait à une obligation renforcée de réduire de 30% les émissions de GES. Sous la pression, le Canada a quitté le protocole suivi par la Russie, le Japon et l'Australie.

    L'Accord n'étant pas encore entré en application il n'est pour le moment pas possible d'émettre une critique fondée sur les actions ou les omissions des États l'ayant signé et ratifié. L'analyse des formulations peut néanmoins donner certaines indications. Par exemple l'article 5 alinéa premier de l'Accord dispose que « Les Parties devraient prendre des mesures pour conserver et, le cas échéant, renforcer les puits et réservoirs de gaz à effet de serre comme le prévoit l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention, notamment les forêts. », ce qui permet d'opérer une double analyse, tant sur le degré de l'obligation que sur le thème abordé même.

    Premièrement, comme il a été dit en amont, les Conventions dispensent des obligations de moyens ou des obligations de résultat. Ici la présence du terme « devraient » s'adressant aux États affiche une des premières faiblesses face à l'urgence climatique. Il s'agit d'une obligation de moyen et en conséquence les États ne sont pas tenus d'en faire une application stricte qui pourrait permettre d'atteindre le résultat escompté de réduction des GES.

    Deuxièmement, il faut noter qu'il est fait mention de « prendre des mesures pour conserver et [...] renforcer les puits et réservoirs de gaz à effet de serre », suivi d'un exemple (les forêts) qui ne semble pas exhaustif au vu de la présence du terme « notamment ». La présence de ce terme peut laisser penser que le champ reste ouvert à l'accueil de nouveau puits ou réservoir de GES, en particulier le dioxyde de carbone à l'instar des océans. Si la mention n'est pas directe l'interprétation est largement permise cette fois-ci en comparaison avec les déclarations précédentes. Cette affirmation peut se dégager de la présence des océans dans le préambule de l'Accord de Paris qui précise les faits suivants: « Notant qu'il importe de veiller à l'intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans, et à la protection de la

    32

    biodiversité, reconnue par certaines cultures comme la Terre nourricière, et notant l'importance pour certains de la notion de «justice climatique ». Cette considération permettra probablement une application conjointe beaucoup plus large que la simple CCNUCC car elle évoque clairement l'intégrité des écosystèmes ainsi que la protection de la biodiversité. La question se pose alors de savoir si la présence de ces notions dans l'Accord permettra à elle seule de créer un lien suffisant pour générer une lecture conjointe avec les Conventions précédentes.

    Aujourd'hui l'Accord en tant que tel constitue du droit « mou »40 et ne saurait en ce sens prétendre à une application concrète de la part des États parties. De même, le constat est aisément remarquable, à la lecture du texte, de l'absence même de certains termes à l'instar des objectifs de la limitation du réchauffement climatique à 1.5°C. À vrai dire, il n'est même pas fait mention du réchauffement climatique mais bel et bien du « changement climatique »41. L'avis qui peut être dégagé du choix de ces termes est que si le texte devait devenir contraignant ou inspirer des textes contraignants pour les États, la notion de changement climatique est beaucoup plus souple. Cette souplesse est loin d'être péjorative et dégage au contraire une vision bien plus large que le simple réchauffement climatique. Toutefois n'y a-t-il pas une erreur en ce sens ? Les changements climatiques sont les conséquences du réchauffement climatique, ce dernier étant lui-même la conséquence des activités humaines. Ainsi est-il possible de penser que l'Accord n'a que pour objectif de panser les plaies et non de prendre le taureau par les cornes en s'attaquant aux réels problèmes. Il est permis de penser que ce sera le cas lorsque ce dernier entrera en vigueur et fera partie intégrante de la hard law.

    Section 2 - La nécessité d'une hard law nonobstant une faible

    effectivité

    Le devenir de l'Accord de Paris dans la hard law semble constituer un passage inévitable afin que ce dernier puisse voir ses effets se développer. L'affirmation est réelle bien que paradoxale en droit international car la loi est faite par les États et pour les États. À ce

    40En anglais soft law.

    41LEPAGE Corinne, HUGLO Christian, « Commentaire iconoclaste (?) de l'Accord de Paris », dans Revue juridique de l'environnement, 2016, p. 9.

    33

    titre, il est bon de rappeler que ces droits sont développés (A) et qu'il existe également des opportunités à saisir dans le cadre des Nations unies (B).

    A - L'état de la législation internationale sur le climat et les océans

    En 1972 la conférence de Stockholm n'avait abouti qu'à un texte de soft law dont se dégageait néanmoins une base plutôt solide pour la construction du droit international de l'environnement. L'année 1992, durant la Conférence de Rio, les États ainsi réunis décidèrent d'aller plus loin concernant la mise en oeuvre de la déclaration ainsi proclamée. La solution pour cette mise en oeuvre fût d'utiliser un outil multilatéral d'ores et déjà utilisé depuis plusieurs siècles, le traité international. Ce sont donc trois conventions qui naîtront de cette conférence parmi lesquelles la CCNUCC, centrale pour les aspects climatiques. Entrée en vigueur le 21 mars 1994, cette Convention établissait un objectif en son article 2 :

    « L'objectif ultime de la présente Convention et de tous les instruments juridiques connexes que la Conférence des Parties pourrait adopter est de stabiliser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d'atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d'une manière durable. »

    Cet article amène le lecteur à se poser une question importante quand son intérêt porte sur les océans ; cette convention permet-elle d'accueillir juridiquement les océans en son sein ? La réponse se trouve dans la définition des termes car il faut noter que les concentrations de gaz à effet de serre doivent être limitées afin d'éviter une perturbation du système climatique. Or l'article 1 de la dite convention définit justement le système climatique comme étant « un ensemble englobant l'atmosphère, l'hydrosphère, la biosphère et la géosphère, ainsi que leurs interactions. ». L'attention doit particulièrement porter sur le terme « hydrosphère ». En effet, l'hydrosphère est l'ensemble des éléments liquides de la planète quelque soit son état (liquide,

    34

    solide, gazeux)42 et permet ainsi d'inclure largement les mers et océans de tout horizon, y compris l'Arctique.

    Sur le papier, la hard law semble opérer les liens jusqu'ici absents des déclarations représentatives de la soft law. Néanmoins, à la lecture de cette dernière il est aisé d'y voir des termes plus incitatifs que contraignants à l'instar de « encouragent » ou « tiennent compte », et couplé à l'absence d'un mécanisme de sanctions. Il faut croire que le principe de précaution défini à l'article 3 ainsi que la responsabilité commune mais différenciée établie à l'article 4 ne sont que des revendications sans une réelle volonté d'application. À cela s'ajoute l'aspect politique réticent qui se remarque à la durée d'entrée en vigueur de cette dernière, soit deux ans. Peut-être est-ce toutefois plus rapide que les cinq années décidées pour l'Accord de Paris qui constitue une des suites de cette Convention. En l'espèce, l'incitation n'a pas été d'un grand effet et les États parties à la Convention43 se sont probablement davantage tournés vers des formulations comme celle-ci : « travailler de concert à un système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une croissance économique », plutôt que sur le développement durable lui-même. C'est cette inaction qui fit finalement de la CCNUCC un instrument du même niveau et du même intérêt que les déclarations. En conséquence, il devenait nécessaire de traduire ces termes juridiques en un texte contraignant.

    Le protocole de Kyoto est un instrument qui marque la naissance d'un droit du climat contraignant. Plusieurs questions vont se poser comme le fait de savoir s'il est à lui seul un outil utile à la protection des océans contre les menaces climatiques ou encore si la contrainte qu'il a amenée a été d'une grande utilité. Ces questions sont légitimes car la présence même de ce protocole semble marquer l'ineffectivité de la CCNUCC. En allant plus loin, il serait légitime de se demander si la création de l'Accord de Paris ne marque pas l'échec du protocole de Kyoto.

    En décembre 1997, à l'issue de la troisième réunion des pays signataires de la convention sur les changements climatiques, 38 pays industrialisés se sont engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre en signant le Protocole. Les engagements se fondaient sur une réduction de 5,2% en moyenne par rapport aux niveaux définis en 1990. L'objectif fut atteint pour ces

    42 https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/structure-terre-hydrosphere-13862/

    43197 aujourd'hui, https://unfccc.int/fr/process-and-meetings/the-convention/status-of-ratification/etat-des-ratifications-de-la-convention.

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    pays atteignant même collectivement une réduction de 20%44. En cela le protocole de Kyoto permet de mettre en relief la faisabilité des objectifs de réduction croissante établie par l'Accord de Paris. Cependant le protocole n'a pas été nécessairement le modèle de réussite escompté.

    En effet, ce dernier met en place plusieurs systèmes permettant une gestion coopérative des GES. Parmi ces systèmes il est possible de citer les permis d'émission, mécanisme qui permet de vendre ou d'acheter des droits à émettre des GES entre les pays industrialisés afin d'améliorer les systèmes de production les plus polluants, la « mise en oeuvre conjointe » (MOC), mécanisme de financement de projets ayant pour objectifs principaux le stockage de carbone45 , la réduction des émissions de GES et le « mécanisme de développement propre » (MDP), mécanisme qui permet aux pays développés de réaliser leurs objectifs de réductions d'émissions de GES en investissant dans des projets réduisant les émissions de GES dans des pays en voie de développement.

    Au final, c'est un marché du carbone qui est crée. Loin d'être réparateur il s'agit de créer un véritable marché à circuit fermé avec une raréfaction des droits à polluer faisait augmenter le prix de la tonne de carbone. Le premier système en place est le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE) mis en place le 1er janvier 2005 dans l'Union européenne. Il s'agit du plus grand système d'échange de quotas d'émission de GES mis en place dans le monde, il couvre ainsi plus de 11 000 installations européennes. L'échec de ce marché provient notamment de la délivrance de trop nombreux droits qui vont prochainement faire culminer le droit à polluer pour la tonne de carbone entre trente cinq et quarante euros alors que ce dernier devrait atteindre cent euros pour devenir efficace46.

    Plusieurs autres échecs ont également marqué le Protocole de 1997. Il est possible de citer un certain échec de politique internationale avec les États-Unis, plus grand émetteur jusqu'au milieu des années 2000, qui n'a pas ratifié ce protocole. De plus, ce dernier établit des sanctions via le mécanisme de l'observance qui se révèle être un mécanisme de contrôle dur pour un instrument plutôt flexible Cette rigidité a convaincu le Canada de se retirer du Protocole en 2012. La question se pose alors de savoir si le protocole a fait l'objet d'une réelle effectivité du fait de sa faible popularité sur le plan politique. Pourtant l'idée d'apporter une

    44 https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/protocole-de-kyoto.

    45Infra Partie 2, Chapitre 2.

    46. https://www.actu-environnement.com/ae/news/prix-carbone-marche-europeen-hausse-quota-gaz-charbon-31866.php4.

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    contrainte permettait d'affirmer à la société civile une certaine garantie que les États parties oeuvreraient à la réduction des GES responsables du réchauffement climatique.

    Une des questions centrales reste malgré tout en suspend au niveau de l'analyse. En son article premier, le protocole précise qu'il est relatif à la CCNUCC. Est-il toujours possible que le lien effectué entre le CCNUCC et les océans puisse ainsi être appliqué ? Il n'en reste pas moins que les océans sont les grands absents des engagements internationaux sur le climat.

    Pour terminer il convient évidemment d'aborder la question de la partie XII de la CNUDM. En effet, si le droit du climat semble bouder la protection de l'environnement marin, ce dernier semble lui bouder les risques qu'il encourt du fait des changements climatique. Ainsi l'article 192 dispose que les États ont « l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin ». Dans son article 193, il est précisé que les États ont « le droit souverain d'exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique en matière d'environnement et conformément à leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin », ce qui signifie que la Convention de Montego Bay s'attarde essentiellement sur les aspects économiques et de l'exploitation de l'océan47. Cette dernière étant antérieure au droit du climat, c'est à ce dernier qu'il aurait importé de se saisir de la protection des océans face aux changements climatiques. Le développement sectoriel du droit international semble alors casser toute l'effectivité qui aurait été construite. Est-il alors possible d'envisager un droit davantage systémique dans le futur ?

    B - L'opportunité de créer des liens concrets entre les différents régimes

    L'heure est donc au changement mais il serait préférable que ces derniers soient davantage juridiques que climatiques. Ceci étant il convient d'opérer une comparaison entre le régime de Kyoto et le régime de l'Accord de Paris afin de savoir si les rédacteurs ont su apprendre des erreurs de Kyoto. Il faut malgré tout remarquer que l'existence d'un système spécifique en droit international n'est jamais fondamentalement mauvaise et que son bon fonctionnement dépend majoritairement de la volonté politique des États de le faire fonctionner correctement. Partant de ce postulat, il s'agit d'une critique ouverte à l'idée que le protocole de Kyoto n'était pas un échec dans son existence mais bien dans sa mise en oeuvre.

    47Infra Partie 2.

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    Un point peut attirer l'attention de prime abord, à savoir la différence de qualification. En effet, le terme de protocole est en adéquation avec la CCNUCC car il peut s'agir d'un instrument complémentaire. Dans ce cas, il s'agira d'un protocole de signature. Mais le cas de Kyoto est beaucoup plus développé car il s'agit en réalité d'un protocole fondé sur un traité-cadre et il permet ainsi de faciliter l'adoption par les mêmes parties de nouveaux instruments contraignants à partir « d'obligations de fond déterminées »48. D'une autre manière, le terme « accord », est une dénomination qui n'est pas déterminante dans son caractère contraignant et obligatoire. Il en ressort que les « Protocoles » et les « Accords », de par leur contenu font partie de la hard law contrairement aux déclarations précitées. Quel est alors l'apport de l'Accord de Paris par rapport à Kyoto en prévision de son application en 2020 ? Les rédacteurs de l'Accord de Paris ont tenté de ne pas répéter ce qui avait semblé être des erreurs dans le protocole de Kyoto. Dans ce sens, l'Accord évite non seulement un mécanisme de sanction inefficace dans ses 29 articles, mais il n'instaure pas non plus de « comité de contrôle du respect des dispositions », ce qui en un sens enlève un poids conséquent dans la contrainte exercée par l'Accord lui-même.

    Par ailleurs, il convient de souligner que l'Accord de Paris va avoir un caractère contraignant car c'est un accord qui comporte de nombreuses obligations juridiques, exprimées dans le texte par les « shall » [doit], ou de moyens (« should » [devrait]). Ainsi les États parties seront obligés d'établir une contribution nationale. Cela signifie que chaque État a malgré tout l'obligation non seulement d'en créer une mais également de la mettre en oeuvre, et surtout de la réviser à la hausse tous les cinq ans, selon les articles 3 et 4 de l'accord. Pour terminer, l'article 13 prévoit un mécanisme de transparence, qui conduira un comité d'experts internationaux à vérifier publiquement les informations fournies par les pays en terme de suivi de leurs émissions et des progrès accomplis pour les réduire. Les comptes-rendus pourraient donc servir à l'avenir à appuyer l'argumentation des citoyens des États parties dont certains n'hésitent pas à créer un contentieux d'un nouveau genre ; le contentieux climatique. Ce phénomène nouveau qui ne cesse de s'accroître depuis les années 2000 est aujourd'hui marqué par l'affaire Urgenda en Europe et par l'affaire Juliana v. USA aux États-Unis. Il pourrait permettre à terme d'obliger davantage les États à faire respecter les engagements internationaux auxquels ils ont souscrit et cela inclut sans aucun doute l'Accord de Paris.

    48 ASSEMBONI Alida « Quelle différence entre Protocole de KYOTO et Accord de Paris en terme de contraintes juridiques ? Quelles autres formes d'Accords sont-elles possibles ? Existe-t-il d'autres accords contraignants dans le domaine de l'environnement ? », Exposé de la Faculté de droit de l'Université de Lome.

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    Ainsi dans l'affaire Urgenda, contentieux qui opposait la Fondation Urgenda face à l'État des Pays-Bas, il aura résulté qu'en juin 2015 le juge hollandais enjoindra au gouvernement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 25% d'ici à 2020. Actuellement ces contentieux climatiques font face à l'extra-territorialité, à la globalité, à l'incertitude scientifique et aux difficultés probatoires. Cela appelle d'ores et déjà à adopter une « lecture dynamique du droit positif, en interprétant les règles existantes à l'aune des nouveaux enjeux climatique49. ». Le résultat est donc assez positif même si le lien entre le climat et l'océan n'est ici pas direct, il convient d'y voir un effet ricochet de l'influence du climat sur les océans. En ce sens, la protection des océans du point de vue climatique se fera avec l'appui probatoire du comité mis en place par l'Accord de Paris. Il s'agit là d'un système beaucoup plus contraignant pour les États parties que la création d'une institution internationale ou la possibilité de sanctionner directement un État à l'instar du protocole de Kyoto. En quelques mots, l'affirmation d'objectifs à atteindre pour la limitation du réchauffement climatique permet d'accueillir le milieu océanique sans lien concrètement réel. L'inverse est-il possible ? Surtout, cela est-il utile ? Si la réponse est affirmative il faudra s'intéresser aux travaux de la Conférence des Nations unies sur le statut de la haute-mer.

    En effet depuis 2017 et durant 4 rounds jusqu'en 2020 les Nations unies ont lancé les négociations en vue « d'élaborer un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des "zones ne relevant pas de la juridiction nationale", c'est-à-dire la haute mer50. ». Le problème est ici que les sujets dont il est question n'abordent pas les dangers issus des changements climatiques en cours pour la biodiversité marine. Le cas le plus flagrant est la disparition annoncée par le GIEC de 70% à 90% des récifs coralliens si le réchauffement atteint 1,5°C depuis l'air pré-industrielle. La solution à apporter est probablement de passer comme il a été dit par le prisme climatique mais cela n'est probablement pas suffisant et la nécessité d'un apport concret de la question climatique pour les océans devient alors préoccupante au regard du manque d'intérêt.

    En partant du constat des sujets abordés, les États peuvent-ils dépasser la seule vision de croissance économique afin de répondre juridiquement à l'enjeu de la protection des

    49LAURA CANALI, « Droit du procès et climat », dans Quel droit pour le climat sous la direction de MATHILDE HAUTEREAU-BOUTONNET

    50 https://www.un.org/press/fr/2019/mer2093.doc.hrm

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    océans et plus largement de la question climatique ? De même, comment les textes actuels peuvent-ils servir la cause de protection des océans face à ces changements ?

    40

    41

    Chapitre 2 - Les solutions peu effectives pour la protection

    des océans

    Dire qu'il n'existe pas de solutions pour protéger l'environnement serait un non sens. Il convient de rappeler que les conventions sont issues de la volonté des États et sont destinées à être appliquées par ces derniers. Cette application passe par différents cheminements selon la forme de l'État (République, Monarchie) mais il y a consensus pour dire que les conventions doivent être ratifiées. Une fois ratifiée, une convention n'est pas directement applicable à l'instar des règlements de l'Union européenne (UE) et l'usage veut que celle-ci soit traduite par une loi. Il est important de comprendre ce mille-feuille juridique afin de mieux observer les problèmes inhérents à la protection des océans contre le réchauffement climatique ou pour malgré tout limiter les dégâts des changements en cours.

    Ainsi se pose la question des problématiques qui concernent la structure de construction des droits en présence (Section 1), il s'agit d'en dégager quelques pistes pour évoluer vers une interrelation des différents sujets de droits et des différents niveaux de la pyramide de Kelsen notamment à travers le prisme des principes du droit de l'environnement (Section 2).

    Section 1 - Des conventions sectorielles apportant des
    solutions éparses

    L'identification des risques est probablement la source de l'aspect sectoriel du droit de l'environnement tel qu'il existe actuellement. Il est donc possible de constater une volonté d'anticiper et de répondre aux risques pour l'environnement qui proviennent des changements climatiques ou non (A). Néanmoins, ce constat plutôt encourageant se trouve affecté par une préférence politique notoire pour un droit de l'environnement qui répond avant tout à des enjeux économiques (B).

    A - La volonté d'anticiper et de répondre aux risques pour l'environnement

    Pour identifier les conventions il convient d'énumérer quelques conventions utiles aux différents combats en présence liant de fait les océans et le climat. Ici le traitement est donc par nature moins global qu'une application directe du droit du climat au sens large. Mais il

    42

    convient d'opérer une analyse pour déterminer si cette vision sectorielle est efficace ou non pour la menace urgente qu'est le réchauffement climatique. Les risques pour les océans sont établis par le rapport du GIEC de 2018. Ces risques sont d'abord l'acidification de la colonne d'eau, qui elle-même entraine une réduction considérable de la biodiversité marine, dont les milieux qui vont être les plus impactés dans les années avenirs sont les récifs coralliens, du moins en apparence. Ensuite, le second risque est la multiplication de certaines algues invasives dont le milieu ainsi changé favorise leur développement. En bref, un risque en entraine un autre c'est là toute la vision de la structure d'un écosystème. Le droit est-il armé pour répondre à ces risques en cascade ?

    Il serait possible d'aborder énormément d'aspects dans cette analyse mais il s'agira d'aborder uniquement quelques-uns d'entre eux. Premièrement la Convention sur la diversité biologique51 est un pilier de la protection de l'environnement car il s'agit du premier traité conclu au niveau international qui énonce tous les aspects de la diversité biologique, notant non seulement la protection des espèces mais aussi celle des écosystèmes et du patrimoine génétique. Ainsi, elle garantit l'utilisation durable des ressources naturelles, c'est-à-dire que l'exploitation des écosystèmes, des espèces et des gènes doit se faire au bénéfice de l'humanité mais à un certain rythme et de manière à ce que cela n'entraîne pas, à long terme, une diminution de la diversité biologique. Ses trois objectifs principaux sont donc la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments constitutifs et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation de ses ressources génétiques. Cette convention est importante car elle opère des définitions non négligeables dans son article 2 pour l'apport d'une protection effective à l'instar d'un écosystème qui est « le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par leur interaction, forment une unité fonctionnelle. », mais également d'une zone protégée qui se définit comme suit : « toute zone géographiquement délimitée qui est désignée, ou réglementée, et gérée en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation. ». Ces définitions sont essentielles car l'une marque l'affirmation de la conscience que l'environnement est formée d'écosystèmes liés entre eux, l'autre marque pourtant la volonté de protéger des zones bel et bien délimitées. Ainsi se pose la question de l'établissement de ces zones. Ces dernières sont effectuées discrétionnairement

    51Convention sur la diversité biologique (CDB) de 1992.

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    par les États signataires52, ce qui signifie que l'établissement de ces dernières, même si elles prennent en compte des études scientifiques relèvent avant tout d'une décision politique une nouvelle fois. Néanmoins, dans une approche systémique la protection d'une zone ne devrait-elle pas en amener à une autre du fait des liens entre les écosystèmes qui les relient ? La critique ici apportée est non plus l'absence d'un lien entre les droits mais le manque de prise en compte de faits scientifiques par le droit.

    Une autre critique à apporter consisterait à dire que les aires marines protégées (AMP), ne protègent pas du réchauffement climatique. De plus ces dernières sur le fondement de la CDB ne peut être créées que dans un cadre national au sein du territoire d'un État partie. Or comme il a déjà été vu, le réchauffement climatique est un danger global qui va toucher indistinctement les écosystèmes les plus sensibles sans distinction étatique. Néanmoins, cette approche peut être un levier supplémentaire avec l'apparition du contentieux climatique qui est principalement interne même si des éléments internationaux peuvent a fortiori avoir un rôle de preuve dans les manquements des États. Cette vision pose davantage de questions non négligeables. Parmi ces dernières, il est possible de se demander si, en l'absence de conventions pour répondre à ces risques, il existerait une volonté politique centrée sur l'environnement. Plus précisément le politique est-il aussi pertinent que le scientifique sans distinction des affaires internes ou internationales ?

    Certains auteurs dépeignent la protection de l'environnement comme effectivement globale dès la saisie de ce domaine par le droit international et dès lors que celui-ci adopte des Conventions-cadres mises en application par des protocoles53. Il y a certes une part de vérité dans ces affirmations. Néanmoins la mise en place est assurément sectorielle et si elle est globale d'un point de vue juridique il manque une vision d'ensemble pour affronter les changements climatiques. L'exemple même est celui des récifs coralliens qui ne sauraient être prêts, comme les océans à affronter ces risques « invisibles » qui pèsent sur eux.

    Deuxièmement, l'exemple des récifs coralliens est le parfait indicateur pour dégager le manque cruel de transversalité entre la protection des océans face au climat. En effet, toujours

    52Ici 168 ratifications

    53BOISSON DE CHAZOURNES Laurence « La protection de l'environnement global et les visages de l'action normative internationale », dans Pour un droit commun de l'environnement, Mélanges en l'honneur de Michel Prieur.

    44

    d'après le rapport du GIEC de 2018 auquel s'ajoute le rapport de l'IPBES54 de mai 2019, les récifs coralliens font face à diverses menaces d'origine humaine. Les changements climatiques ainsi que les risques sous-jacents marquent la présence de menaces globales pour les récifs coralliens55. Juridiquement il importe donc peu de s'interroger sur la nature des obligations qui se dégagent des conventions car ces dernières s'attaquent aux problèmes de manière tellement sectorielle que leur étendue même ne permet pas d'obtenir un champ d'application suffisamment large pour permettre une action contre la menace du réchauffement climatique. Toujours dans la même logique, Greenpeace cherche à influencer les discussions sur le statut de la haute-mer en faisant participer la société civile à une pétition. La finalité de la demande et d'obtenir une sanctuarisation de 30% de la haute-mer. Loin d'être une réclamation inutile, la question est encore de savoir si cela est vraiment utile face à un risque systémique ?

    Dans les termes qui concernent purement le droit de la mer, l'article 192, issu de la partie XII de la CNUDM56 énonce la chose suivante : « Les États ont l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin. », l'article suivant affirme que les droits souverains de ces États leur permettent d'exploiter les ressources naturelles de leurs territoires à condition de remplir l'obligation de l'article précédent. L'obligation de protection est formulée en des termes généraux. Ainsi il n'est pas nécessairement question de protéger le milieu marin qui incombe directement à leurs territoires mais seulement et uniquement « le milieu marin ». Il est possible d'en déduire qu'un lien juridique avec le droit du climat serait ici fort utile car il étendrait largement l'obligation de résultat énoncé à cet article. Ce lien s'il devenait effectif viendrait donc appuyer les obligations de due diligence et de coopération qui viennent parfaire le système juridique actuel. Il y aurait donc une obligation par ricochet de devoir limiter les changements climatiques en pratiquant des politiques effectives au sein des États parties à la CNUDM.

    Néanmoins, la Convention57 a su développer une approche écosystémique de l'article 63 à l'article 67. Mais cette approche se cantonne au domaine des pêcheries qui se démarque en droit de la biodiversité. Pourtant, d'un point de vue scientifique, la biodiversité inclut en son

    54Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques.

    55GUYONNARD Thomas, La protection des récifs coralliens, mémoire de recherche sous la direction de Madame

    Odile DELFOUR-SAMAMA, 2017-2018.

    56Op.cit.

    57Ibid.

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    sein les espèces de poissons pêchés. C'est ici une décision au service de l'économie agroalimentaire.

    Troisièmement, il existe des protections qui ne s'attachent pas aux océans mais dont les inspirations juridiques devraient être certaines. Ces protections existent non seulement au niveau régional (avec l'exemple de l'UE) mais également au niveau national.

    Au sein de l'environnement il existe des mécanismes naturels dont la fonction est d'absorber le dioxyde carbone. Ces mécanismes peuvent être pris en compte en droit de deux manières. D'une part, il faut simplement protéger leur existence voire les assister de façon à ce que ces derniers se développent. D'autre part, il faut permettre aux acteurs économiques de participer à la réduction du CO2 dans l'atmosphère que ce soit par des mécanismes d'incitations ou encore par l'encadrement juridique d'une activité58. Sur le point de vue incitatif il est possible d'évoquer la Politique Agricole Commune (PAC) de l'UE car les sols sont reconnus comme étant le second plus grand puits de carbone notamment après les océans59. La question se pose alors de savoir s'il ne pourrait exister au niveau régional des instruments juridiques permettant à l'instar de la PAC d'actionner des politiques de protection du puits de carbone « océan ». Une telle politique ne serait pas totalement absurde concernant les océans qui fournissent le domaine alimentaire avec une importance aussi grande que l'agriculture. Néanmoins la mise en place d'une telle politique dans l'UE obligerait une nouvelle fois à opérer des liens entre des règlements sectoriels et rendant le droit de l'UE transversal concernant les domaines de l'environnement et des pêches.

    Au niveau national il est important de noter qu'il existe également des mesures qui ne sont pas sans importance. Ainsi par exemple, la France a promulgué une loi le 15 juin 2016 autorisant la ratification de l'Accord de Paris de 2015. Les objectifs de l'Accord sont donc repris notamment pour la limitation de l'élévation de la température mais également en ce qui concerne les capacités d'adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à

    58Infra Partie 2, Chapitre 2 l'enfouissement du dioxyde de carbone.

    59DESROUSSEAUX Maylis, « La protection des puits de carbone par la PAC », dans Energie - Environnement - Infrastructures, n°5, mai 2018, p. 42.

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    effet de serre. L'importance de la biodiversité océanique face au réchauffement climatique60 oblige à considérer la loi du 8 août 2016 dite de Biodiversité comme un pilier des mesures françaises contre le réchauffement climatique.

    Néanmoins l'Accord de Paris prévoit de rendre les flux financiers compatibles, dans un profil d'évolution, vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et adapté aux changements climatiques, il est donc prévu dans la loi de ratification. De même la loi Biodiversité semble elle aussi adoptée avec des considérations économiques61. Cela amène à s'interroger sur la réelle volonté de protection des océans face au réchauffement climatique ou d'ores et déjà sur l'environnement. Ainsi l'outrecuidance des politiques adoptées n'est-elle pas en train de rendre moins efficaces ces mesures existantes ?

    B - La préférence politique pour un droit de l'environnement répondant aux enjeux économiques

    Rien n'est nouveau lorsqu'il s'agit de dire que le droit représente et sert les intérêts d'une population à un moment donné. Ainsi il n'est pas étonnant que dans une période de mondialisation qui ne cesse de croître le droit soit adapté aux développements des économies de chaque État même si les enjeux sont d'autant plus grands pour les États en développement. Néanmoins la vision actuelle de la volonté de la société civile pourrait paraître biaisée. Le droit de l'environnement est-il subsidiaire ou complémentaire au droit économique ? Le droit de l'environnement n'est-il pas devenu une branche du droit économique ? Comment de droit économique pourrait-il être un outil pour combattre le réchauffement climatique ? Le droit économique peut-il créer un pont entre le droit du climat et la protection des océans ? Au final il existe une multitude de questions qui mériteraient des développements conséquents.

    Afin d'effectuer un survol du sujet, il est important de préciser que la vision économique du droit de l'environnement s'est effectuée à compter des années 1990. Dès lors le principe et l'objectif portant le même nom de « développement durable », offrent une terminologie alliant aisément environnement et économie. En conséquence, le développement

    60 http://www.ocean-climate.org/wp-content/uploads/2017/02/oc%C3%A9an-biodiversit%C3%A9-climat_FichesScientifiques_04-10.pdf.

    61yAN LANG Agathe, « Protection du climat et de la biodiversité au prisme du droit économique », dans Energie - Environnement - Infrastructure, n°5, p. 21.

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    ne saurait être distingué des aspects environnementaux offrant une vision durable de cette économie. Qu'en est-il ?

    Certains auteurs62 ont pu s'interroger sur les relations qui existent entre biodiversité et « problématique climatique » mais également sur la présence « d'instruments économiques ». Ces interrogations permettent d'amener d'autres questions juridiques comme celle de savoir si un instrument économique serait justement le plus efficace dans la lutte contre les problématiques climatiques. Les océans seront-ils présents dans cette lutte ? Au sein de l'article précité, l'auteur évoque notamment la loi du 8 août 201663 dite « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », qui en plus d'opérer des liens entre la biodiversité et le climat se penche principalement sur les milieux forestiers et en ce qui intéresse ces développements, les milieux marins. Existe-t-il au sein de cette législation française des outils économiques ? Avant de répondre il est nécessaire d'évoquer la notion de « droit économique de l'environnement » définie par Gilles Martin comme suit : « droit de l'organisation de l'économie lorsqu'il a pour finalité directe ou indirecte la protection de l'environnement ou la gestion des questions environnementales64. ». Ainsi la loi sur la biodiversité adopte deux types de nouveaux outils : ceux qui sont innovants et ceux somme toute plus classiques. Une question émerge de ces développements et relève d'un ordre moins juridique que moral. Les changements climatiques sont une conséquence directe de l'économie de marché. À partir de là comment est-il possible d'accorder une certaine confiance aux instruments de marché pour remédier aux menaces qu'ils ont contribué à créer ?

    Dans ses motifs la loi présente une terminologie assurément d'origine économique avec des termes comme « valeur potentielle importante », « capital économique extrêmement important » et l'orientation des mesures qui suivent l'est tout autant à l'instar d'outils classiques comme l'éco-fiscalité (par voie d'exonération par exemple) et il faut malheureusement regretter l'absence de mécanisme osés comme la présence d'une écotaxe sur l'huile de palme65. Il existe par ailleurs des mécanismes contractuels qui naissent, non seulement par l'existence de cette loi mais également au niveau international.

    62Ibid.

    63Loi n°2016-1087, 8 août 2016 : JO 9 août 2016, texte n°2

    64MARTIN Gilles, « Le droit économique de l'environnement, une nouvelle frontière pour la doctrine et l'enseignement du droit de l'environnement ? », RJE, numéro spécial, p. 72-81.

    65Taxe appliquée à tout système ou entreprise qui cause des dégâts sur l'environnement, destinée à réduire l'émission de pollution : https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/ecotaxe/.

    48

    En effet l'origine des menaces actuelles fut l'industrialisation et avec elle l'augmentation croissante d'une mondialisation galopante qui participe aujourd'hui massivement aux émissions de CO2. En partant de ce constat il est impossible de se cantonner à la législation française uniquement. Quid alors des instruments économiques internationaux ?

    La protection de l'environnement a pu directement passer par le prisme de l'économie. À l'origine ce n'est donc pas l'économie qui s'initia dans le droit de l'environnement mais bien l'environnement qui se rendit présent au sein des règles concernant l'économie. Il s'agit malgré tout d'observer cette évolution et de savoir si aujourd'hui une telle imbrication serait davantage effective que des mesures environnementales aux influences économiques. D'une part, le General Agreement on Tariffs and Trade66 avait pour objectif principal la libéralisation du commerce dans le monde. Néanmoins il existait et il existe toujours67 des exceptions dans la mise en oeuvre des conventions conclues au sein de l'article XX de l'Accord. Cet article énonce successivement dans ses paragraphes b) et g) les faits suivants : « b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux; », ainsi que « g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales; ».

    L'article XX du GATT relatif aux exceptions générales comprend deux prescriptions cumulatives pour permettre la justification de telles mesures. Pour qu'une mesure environnementale incompatible avec le GATT soit justifiée au regard de l'article XX, un Membre doit procéder à une double analyse prouvant que sa mesure relève au moins de l'une des exceptions précédemment citées en ce qui concerne l'environnement et qu'elle ne constitue pas une « restriction déguisée au commerce international ». Cet article a fait l'objet de plusieurs affaires68 concernant l'environnement telle que l'affaire États-Unis - Crevettes, dans laquelle l'Organe d'appel a admis qu'une politique s'appliquant aux tortues qui vivent dans les eaux des États-Unis, ainsi qu'au-delà de leurs frontières, relevait de l'article XX g). Il a estimé qu'il existait un lien suffisant entre les populations marines migratrices et menacées d'extinction considérées et les États-Unis aux fins de l'article XX g).

    66GATT, en français : accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé le 30 octobre 1947 par 23 pays, pour harmoniser les politiques douanières des parties signataires

    67Règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) 68 https://www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/envt_rules_exceptions_f.htm.

    49

    Une autre affaire peut mettre en relief le commerce et l'utilisation des règles de l'OMC dans un but de protection de l'environnement et plus précisément contre les émissions ici responsables des changements climatiques. Il s'agit de l'affaire États-Unis -- Essence, les États-Unis avaient adopté une mesure réglementant la composition de l'essence et ses effets en matière d'émissions afin de réduire la pollution de l'air dans ce pays. L'Organe d'appel a constaté que la mesure choisie « visait principalement » l'objectif général de conservation de l'air pur aux États-Unis et relevait par conséquent de l'article XX g). Il est donc possible pour un État de protéger ses intérêts environnementaux au-delà de ses engagements économiques et commerciaux. Néanmoins, l'OMC ne devrait-il pas pouvoir intégrer plus profondément des règles en faveur d'une réduction conséquente des émissions de dioxyde de carbone ? Les États étant parties à la fois à l'OMC et à l'Accord de Paris ne devraient-ils pas acter à davantage de conventions économiques permettant une évolution vers le développement durable ?

    D'autre part, l'économie s'est invitée dans le droit de l'environnement dans les années 90 notamment dans la CCNUCC déjà évoquée et au sein de la Déclaration de Rio de 1992. C'est ici que la terminologie de développement durable est née et n'a cessé de se structurer et de s'adapter. En effet le protocole de Kyoto permettait l'utilisation d'instruments économiques en ouvrant notamment un marché du CO2 avec le mécanisme de flexibilité. Aujourd'hui l'Accord de Paris établit des mécanismes d'incitation économique pour le carbone forestier mais qui restent carbo-centrés. Malgré cette vision qui semble aujourd'hui critiquée69 il se pourrait que cette méthode appliquée aux océans soit davantage favorable car ces derniers ne risquent pas une exploitation libérant de nouveau les GES. Mais cette question relève moins des questions climatiques que de la protection du milieu marin70.

    Pour conclure, le problème qu'il est bon de relever est que les aspects économiques ont une tendance à empiéter sur le véritable objectif, concernant le sujet, de combattre les changements climatiques pour garantir la viabilité des océans. Néanmoins l'apport de ces instruments économiques apparaît comme un liant. Les liens nouvellement apportés pourraient-ils apporter une effectivité renforcée de la protection des océans des conséquences

    69MOLINER-DUBOST Marianne, « Quel rôle pour les mécanismes d'incitation économique pour le carbone forestier dans la mise en oeuvre de l'Accord de Paris », dans Energie - Environnement - Infrastructures, n°5, 2018, p. 37.

    70Infra Partie 2, chapitre 2.

    50

    climatiques ? À moins que la volonté politique ne soit préalablement accordée qu'à une croissance économique éternelle et destructrice.

    De plus la confiance accordée aux instruments économiques pour réparer ou arrêter les menaces visées n'est plus aussi importante qu'elle a pu l'être. En revanche, les années 1990 ont permis l'affirmation ou la naissance de principes qui peuvent avoir un impact sur la protection des océans des changements climatiques. Mais cette possibilité est-elle palpable dans les textes ?

    Section 2 - La construction d'un droit systémique par les
    principes du droit de l'environnement ?

    Depuis la Déclaration de Stockholm de 1972 l'environnement se structure autour de différents principes dont la juridicité, c'est-à-dire que la force normative issue de la rédaction de ces derniers est parfois variable selon la nature de la source dont ils proviennent. Ces principes proviennent de la soft law mais il ne fait aucun doute que la hard law aura permis une plus grande applicabilité sans que cette dernière soit pour autant très efficace. Ces derniers traversent les normes conçues pour l'environnement et semble dessiner une toile juridique qui permettrait d'obtenir la vision globale pouvant être recherchée dans la lutte contre le réchauffement climatique. C'est la raison pour laquelle il convient d'aborder l'apport de ces principes pour les océans et le climat (A) avant d'étudier l'application délicate des principes pour une approche globale (B).

    A - L'apport des principes pour les océans et le climat

    L'intérêt est fortement marqué par la recherche spécifique non pas d'un lien direct mais bien d'un principe directeur qui proviendrait et serait utilisé dans plusieurs textes. L'idée est alors de savoir si les principes permettent une effectivité de la protection de l'environnement. En effet, il a été vu qu'il pouvait exister une « dualité » entre la protection de l'environnement marin et le droit de climat. Mais ces derniers répondent-ils aux mêmes principes ? Est-il possible qu'un principe similaire dans chaque domaine puisse permettre d'aborder le thème des changements climatiques pour la protection des océans ?

    51

    Pour tenter d'y répondre il convient de s'arrêter sur certains d'entre eux sans spécifiquement distinguer la soft law de la hard law. C'est alors que le principe 7 de la Déclaration de Stockholm énonce les faits suivants :

    « Les États devront prendre toutes les mesures possibles pour empêcher la pollution des mers par des substances qui risquent de mettre en danger la santé de l'homme, de nuire aux ressources biologiques et à la vie des organismes marins, de porter atteinte aux agrément naturels ou de nuire à d'autres utilisations légitimes de la mer. »

    Il s'agit d'un texte de soft law et par conséquent ce dernier n'est pas contraignant, notamment s'il est observé l'utilisation du terme « devoir » visant les États signataires. Il s'agit alors davantage d'une incitation plutôt que d'une contrainte posée. L'autre aspect de ce principe est le terme « substance » qui est évoqué car il n'existe, ni en droit international, ni au sein de droits internes de définition de ce terme. À partir de là il est possible d'interpréter ce terme largement ou restrictivement même s'il ne fait aucun doute qu'une interprétation large permettrait de considérer le CO2 comme une de ces substances concernées. Ceci-dit le cas de ce principe de la Déclaration de Stockholm est utopique car le texte fait partie de la soft law et ne saurait être invoqué devant un juge international. Une hypothèse qui apparaîtrait alors comme une opportunité environnementale serait d'envisager de rendre contraignants des principes aussi forts et aussi larges que ce dernier.

    Néanmoins, la terminologie de « principes », n'est pas nécessairement très explicite en droit international et comme Pierre-Marie Dupuy ainsi que Yann Kerbat ont pu l'énoncer : « Le terme "principe" appliqué à une notion juridique n'est pas en droit international une appellation contrôlée71. ». Ce constat s'opère notamment à la vue des utilisations qui se chevauchent entre le juridique et le politique. L'objectif étant à la fin de structurer en donnant du contenu à des normes éparses. Il faut préciser que les principes du droit de l'environnement existent à plusieurs niveaux, c'est-à-dire tant au niveau international, qu'au niveau régional, ou interne.

    Il est impossible de ne pas évoquer le principe de prévention et de principe de précaution tant le rapport avec le climat apparaît complexe. En effet, ces principes sont

    71DUPUY Pierre-Marie, KERBAT Yann, Droit international public, Dalloz, 13e édition, 2016, pt.335.

    52

    apparus lors de la Conférence de Rio de 1992 et le GIEC avait d'ores et déjà rendu un rapport en 1990 sur les possibles conséquences climatiques des activités anthropiques. C'est donc naturellement que ces principes furent intégrés pour une lutte contre les changements climatiques. En premier lieu, le principe de prévention se retrouve au principe 14 de la Déclaration de Rio de 1992 et s'énonce comme suit :

    « Les États devraient concerter efficacement leurs efforts pour décourager ou prévenir les déplacements et les transferts dans d'autres États de toutes activités et substances qui provoquent une grave détérioration de l'environnement ou dont on a constaté qu'elles étaient nocives pour la santé de l'Homme. »

    De même le principe 15 énonce la précaution de la manière suivante :

    « Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. »

    Il est possible d'observer que contrairement aux principes en provenance de la Déclaration de Stockholm, la juridicité de ces derniers est beaucoup plus affirmée. En effet, en l'espèce les États « doivent » et ne « devraient » plus, marquant ainsi un tournant dans la volonté de protection.

    En second lieu, même si la prévention semble laissée de côté dans la hard law elle est majoritairement consacrée dans un texte qui a déjà été mentionné : la CCNUCC. C'est l'article 3.3 de la Convention qui vient définir ce nouveau principe en des termes bien plus précis que la Déclaration et explique que le principe de précaution est appliqué lorsque l'absence de certitudes, notamment des connaissances scientifiques et techniques en présence, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque. Ainsi la principale différence provient de la certitude scientifique de ce dernier. La conséquence est que la précaution « empêche que l'on retarde l'adoption de mesures de

    53

    protection de l'environnement en prétextant de la nature encore incertaine des risques incriminés72. ».

    En somme, les textes visant à la mise en oeuvre de la CCNUCC (bientôt l'Accord de Paris) doivent alors prendre en compte ce principe de précaution. Par ricochet, les océans devraient en bénéficier tout autant car ils font partie d'un écosystème mondial et ces derniers on dévoilé grâce aux scientifiques la richesse des liens qui existaient entre eux73. Mais qu'en est-il au sein des conventions qui s'orientent davantage vers les océans ? Dans un premier temps il faut remarquer que la CNUDM a été rédigée en 1982, soit dix ans avant l'apparition concrète du principe de précaution. Cela signifie qu'il ne peut y avoir la présence de ce principe au sein de la partie XII de la convention. Néanmoins il n'y a pas d'absence de principe car « Les États ont l'obligation de protéger et préserver le milieu marin74 », ces derniers doivent prendre les mesures nécessaires pour « prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin » d'après l'article 194 de la CNUDM. Ces mesures sont ici listées mais il est clairement possible d'identifier la présence du principe de prévention qui établit une obligation de moyen envers des États ayant ratifiée la Convention. L'obligation de moyen se dégage notamment de la présence d'action à l'instar de la réduction ou de la maîtrise d'une pollution. Malgré ces termes, et à l'instar de la Déclaration de Stockholm, il n'est pas possible d'établir avec précision quelles sont les substances visées. En effet, l'article 194.3 énonce « toutes les sources de pollutions du milieu marin ». En partant d'une interprétation basique, le dioxyde de carbone n'est-il pas une des sources qui provoque lui-même l'acidification et l'eutrophisation des océans, le blanchiment des coraux ? La réponse est positive car celle-ci est affirmée par le GIEC. Mais il reste encore à savoir si ces propos peuvent juridiquement être acceptés au regard des engagements des États parties à la CNUDM. À cela s'ajoute la formulation du a) de l'article 194.3 qui évoque, tout en parlant des substances que ces dernières peuvent avoir, une provenance tellurique. N'est-il pas opportun d'envisager une interprétation en faveur du climat pour les océans ?

    72DE SADELEER Nicolas, « Le rôle ambivalent des principes dans la formation du droit de l'environnement : l'exemple du principe de précaution », dans Le droit international face aux enjeux environnementaux, Acte du 43e colloque d'Aix-en-provence.

    73D. LAFFOLEY ET J.M. BAXTER, « Ocean connections - an introduction to rising risks from a warming, changing ocean », iucn.

    74Article 192 CNUDM

    54

    B - L'application délicate des principes pour une approche globale

    Les principes inhérents à l'environnement ont pu avoir des difficultés à s'intégrer juridiquement. La source de cette difficulté provient du fait qu'il s'agit d'un droit jeune au moment où ces derniers sont affirmés et que certains d'entre eux sont difficiles à appréhender. Par exemple, le principe de prévention établit une obligation et une responsabilité qui doit s'opérer avant l'apparition d'un dommage lorsque ce dernier est connu scientifiquement parlant. Ce principe apparu dès 198775 a permis l'apparition en 199076 du principe de précaution qui se différencie par la prise de mesures y compris lorsqu'il existe une incertitude sur le risque mais que ce dernier est probable77. Mais comment ces derniers ont-ils pu être davantage reconnus ? La réponse se trouve évidemment dans la mise en oeuvre des États parties aux conventions présence, mais ce sujet invite communément à s'intéresser aux différents domaines de ces mises en oeuvre78. L'autre pendant est bel et bien l'application au regard de la jurisprudence internationale. Mais celle-ci peut-elle être suffisamment affirmée pour que le climat soit davantage représenté comme un des aspects de protection des océans ?

    Il faut pour cela regarder les récentes décisions de la Cour internationale de Justice, ainsi que les avis consultatifs du Tribunal international du droit de la mer79 qui sont venus préciser les obligations des États en matière de préservation de l'environnement, et ainsi identifier un socle coutumier d'obligations substantielles et procédurales visant la prévention des dommages environnementaux sur un ensemble pouvant englober océan et climat. Il existe par exemple les obligations de due diligence qui peuvent potentiellement produire des effets systémiques recherchés sur l'ensemble du droit international de l'environnement et ainsi viser les domaines concernés. Il est possible d'imaginer et d'espérer que dans les années à venir, les juges nationaux puissent se saisir davantage des règles du droit international de l'environnement et ainsi venir opérer des affirmations plus poussées80.

    75R 42/186 du 11 décembre 1987 et 44/227 du 22 décembre 1989

    76R 45/212 du 21 décembre 1990 et R 46/169 du 19 décembre 1991

    77TORRE-SCHAUB Marthe, « Le principe de précaution dans la lutte contre le réchauffement climatique : entre

    croissance économique et protection durable », dans Revue européenne de droit de l'environnement, 2003, p.

    151-170.

    78Infra Partie 2, Chapitre 2.

    79TIDM

    80KERBRAT Yann, MALJEAN-DUBOIS Sandrine, « Quelles perspectives en droit international de l'environnement ? », dans Revue de droit d'Assas, Université Paris 2 Panthéon-Assas / Lextenso éditions, 2015. ffhal-01400400f

    55

    Comme il a été vu, des « principes » du droit international de l'environnement ont été proclamés dans la Déclaration de Rio de 1992 qui, à l'époque où la Convention-cadre et le Protocole de Kyoto ont été conclus, avaient une nature « programmatoire »81. Le caractère contraignant de ces principes était alors encore incertain mais ils ont acquis depuis, avec une pratique internationale de plus en plus concertée, une valeur coutumière et sont désormais obligatoires pour les États. Apparu en premier, cet avancement avait d'abord concerné le principe de prévention, illustré par l'arrêt rendu par la Cour internationale de Justice en date du 20 avril 2010 dans l'affaire des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay82 et a confirmé ce caractère coutumier, et donc une reconnaissance au niveau international pouvant permettre une meilleure application de ce principe dans l'interrelation climat-océan.

    La Cour a précisé à ce moment que le principe résultait de la diligence due par les États et avait pour conséquence que tout État était et est encore : « tenu de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent un préjudice sensible à l'environnement d'un autre État. ». La formule est inspirée du « principe 21 » de la Déclaration de Stockholm de 1972, mais le dépasse aussi en faisant peser sur chaque État une obligation d'agir83. La due diligence, un des principes de l'environnement permet alors de développer la fonction recherchée, c'est-à-dire une approche systémique du droit. La question se poserait alors de savoir si les principes visés peuvent fonctionner de manière autonome.

    L'exemple sujet à débat auprès de la doctrine est le principe de précaution. En effet ce dernier se retrouve dans plusieurs conventions internationales84 et a même été consacré au sein de l'UE85. Pour autant, les juridictions internationales ne se prêtent pas toujours à l'accueillir favorablement. Par exemple la CIJ dans l'affaire du 25 septembre 1997, Hongrie contre Slovaquie86, l'a clairement rejeté en invoquant que le péril n'était ni grave, ni imminent. La question peut alors se poser d'un point de vu climatique car à l'heure où certains États du monde déclarent l'urgence climatique, les juridictions internationales ne

    81Idem..

    82C.I.J., 25 ordonnance du 13 juillet 2006, affaire relative à des usines de pâtes à papier sur le fleuve Uruguay

    (Argentine c. Uruguay)

    83Op. cit. KERBRAT Yann, MALJEAN-DUBOIS Sandrine, « Quelles perspectives en droit international de

    l'environnement ? »

    84Liste exhaustive, voy. A. Trouwborst, « Evolution and Status of the Precautionary Principles in International

    Law », o.c.

    85Article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)

    86C.I.J. , 25 septembre 1997, Hongrie c. Slovaquie, par. 56.

    56

    devraient-elles pas mettre le pied à l'étrier pour engager ces changements juridiques futurs ? D'autres exemples permettent d'affirmer que la CIJ ne sera pas des juridictions internationales nécessairement pionnière sur une appréciation des principes87.

    A contrario, dans le Tribunal international du droit de la mer88 ce principe a été invoqué de multiples fois par les parties requérantes. Dans un arrêt de 199989, le TIDM a démontré qu'il était sensible d'user de ce principe notamment en accolant les termes « prudence » et « précaution », ce qui a engagé des difficultés d'interprétation. L'application fût également amphigourique dans l'affaire de l'Usine Mox90. Dix ans après une pratique juridictionnelle hasardeuse, l'autorité coutumière du principe a été affirmée dans un avis rendu en 2011 par la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du Tribunal international du droit de la mer. Ils doivent notamment se prononcer sur la question de savoir si les États sont tenus de respecter « une approche de précaution » lorsqu'ils patronnent une entreprise qui procède à des activités d'exploration ou d'exploitation dans la Zone, y compris hors du champ des deux règlements relatifs à la prospection et l'exploration des nodules polymétalliques et des sulfures polymétalliques qui la mentionnent expressément. La chambre spéciale91 a constaté « approprié de souligner que l'approche de précaution fait aussi partie intégrante des obligations de diligence requise incombant aux États qui patronnent, laquelle est applicable même en dehors du champ d'application des Règlements relatifs aux nodules et sulfures », marquant ainsi encore la dépendance du principe de précaution à la due diligence. Ainsi, la due diligence étant une obligation coutumière consacrée notamment par la CIJ dans son arrêt usines de pâtes à papier et l'approche de précaution faisant partie de la due diligence, il faut en déduire que la précaution est obligatoire en tant qu'elle découle d'une règle coutumière. La conséquence d'après la Chambre, est que les États doivent « prendre toutes les mesures appropriées afin de prévenir les dommages qui pourraient résulter des activités ». Faut-il alors croire que les problèmes climatiques pourraient être saisis par la CIJ ou le TIDM dans un avenir proche ? Ou bien les États n'oseraient pas enclencher les mécanismes juridictionnels internationaux ? Dans cette

    87C.I.J., ordonnance du 13 juillet 2006, affaire relative à des usines de pâtes à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c. Uruguay, §73.

    88TIDM

    89Affaires du thon à nageoire bleue (Nouvelle-Zélande c. Japon ; Australie c. Japon), affaires n°3 et 4, Ordonnance du 27 août 1999.

    90Affaire de l'Usine Mox (Irlande c. Royaume-Uni), affaire n°10, Ordonnance du 3 décembre 2001.

    91Ou Tribunal dans le Tribunal (TIDM)

    57

    hypothèse le contentieux climatique se cantonnerait alors aux recours internes des États. La question de l'effectivité de ces deux alternatives n'entre ici pas en compte.

    En somme les principes ne semblent pas être le fer de lance du droit du climat. À partir de ce point de vue il ne semble pas que les océans bénéficient d'une protection suffisante à partir d'un droit global. Peut-être faudrait-il aborder chaque droit non pas comme un ensemble mais comme faisant partie d'un ensemble. Les renvois sont entre le climat et la protection du milieu marin plutôt absents. La question se pose de savoir si une protection des océans via le prisme des activités en mer ne serait pas d'une utilité sur un autre plan. Scientifiquement parlant, protéger la biodiversité par exemple, c'est également protéger le climat, notamment lorsqu'il est sujet des océans. Quelles gouvernances et quelle activité pourraient permettre aux océans de jouer un rôle dans la régulation du climat ?

    58

    59

    Partie 2 - La protection des océans à travers le

    prisme de la régulation du climat

    L'approche précédemment effectuée avait pour principal but d'observer le manque de lien entre le droit du climat et la protection du milieu marin. Il a notamment été observé de manière climato-centrée que l'environnement marin était grandement soumis à une vision et une application sectorielle passant par le prisme de l'activité économique. Ces activités, quand elles sont une émanation à des fins de protection du milieu marin, laissent en effet une grande place aux enjeux économiques. Cela provient notamment de la recherche d'un équilibre entre les nombreux risques que supportent les océans, l'économie se pose ainsi au côté d'enjeux technologiques, touristiques, archéologiques, météorologiques, climatologiques et énergétiques. À bien y regarder, ces domaines constituent autant de secteurs que le droit de l'environnement appliqué aux océans pourrait voir apparaître. C'est la raison pour laquelle la protection du milieu marin passe très souvent par des mesures en relation avec l'économie. Néanmoins les objectifs peuvent parfois manquer d'uniformité afin de répondre à des objectifs systémiques à l'instar des changements climatiques. De même, la protection du milieu marin ne se trouve être qu'un domaine pouvant permettre une protection plus globale92. Ainsi le rapport entre la biodiversité et les changements climatiques n'est plus à remettre en cause93, et la protection de cette dernière est un élément essentiel dans les actions à mener contre le réchauffement global.

    Il va donc être question d'aborder non plus le manque ou l'absence de lien entre deux droits aux objectifs différents mais de s'attarder sur les éléments distincts de la protection du milieu marin. Pour ce faire il faudra observer qu'il existe une multitude d'institutions pour la gouvernance des océans, mais qu'elles ne sont peut-être pas opérationnelles pour la mission de protection des océans (Chapitre 1). De même, il sera abordée la question de l'enfouissement du CO2, une activité nouvelle méritant un encadrement juridique relativement strict (Chapitre 2).

    92Infra Partie 1.

    93 https://uicn.fr/biodiversite-et-changement-climatique/.

    60

    Chapitre 1 - Le problème de l'encadrement des activités par

    le droit

    L'étude des institutions au sein de ces développements se fera sous le prisme de la régulation du climat. Au final la question principale est de savoir comment la gouvernance des océans peut permettre une protection effective du milieu marin dans le cadre de la régulation du climat. En effet, les institutions qui existent fournissent des actions concrètes pour encadrer certaines activités (la pêche, la surveillance d'une zone, la délivrance de permis d'exploration ou d'exploitation). Ces dernières doivent en effet appliquer des conventions protectrices quand la mission n'est pas elle-même la protection. C'est notamment le cas des aires marines protégées. Par ailleurs, la question au sujet de ces dernières est de savoir si elles peuvent jouer un rôle dans la régulation du climat.

    Néanmoins pour une protection globale, il semble évident d'observer l'absence de lien concret entre les différentes institutions (Section 1). Ce constat n'empêche pas pour autant de proposer des solutions institutionnelles sur cette base (Section 2).

    Section 1 - L'absence de lien concret entre les différentes
    institutions en présence

    Pour noter l'utilité d'un lien entre des institutions il convient de préciser que celles-ci sont à l'origine très fragmentées et obéissent donc à une vision sectorielle (A). De plus, ces dernières disposent d'outils juridiques qui pourraient être complétés pour permettre une meilleure efficacité des relations actuelles, ou même pour en créer de nouvelles (B).

    A - Des institutions présentes mais sectorielles

    Les institutions ayant des rôles plus ou moins importants dans la régulation et la protection des milieux marins sont nombreuses. Cette multiplicité pourrait apparaître comme le constat de l'inefficacité des institutions. Toutefois elle est davantage le reflet d'une approche sectorielle sur plusieurs plans, d''abord, sur la répartition des missions. En effet, chaque institution qui participe à cette gouvernance dispose de missions différentes. Ces missions se développent selon les niveaux des institutions existantes. Il sera vu par exemple

    61

    que l'Organisation Maritime Internationale94 agit à un niveau différent de celui des AMP. Pourtant il existe des enjeux parfois communs et l'une et l'autre auraient tout intérêt à faire converger leurs actions.

    Le second plan de l'approche se concentre sur les champs géographiques déterminés. Ce peut être à la fois l'un des freins mais également un des avantages des institutions. En effet, d'une certaine manière le manque d'une vision globale ne permet pas la convergence des actions dont il était question préalablement. Comment considérer les effets du réchauffement climatiques si ces derniers ne sont pas reconnus de manière universelle par les institutions ? D'un autre côté, l'attribution à chaque institution d'un champ géographique permet une répartition en termes d'objectifs et de moyens. Cette approche participe notamment à ce que l'institution puisse exercer ses missions dans un cadre préalablement défini.

    Enfin l'approche se concentre sur l'étendue des compétences des institutions à agir et à réglementer. Il s'agit d'une particularité qui leur est donnée. Le terme d'institutions est ici abordé au sens large : il peut s'agir d'institutions dont la mission est de réglementer des domaines déterminés (à l'instar de l'OMI) ou encore des organes moins puissants permettant la gestion et le contrôle des AMP. Entre autres, il convient de s'arrêter sur la CNUDM car des auteurs confirment que :

    « La Convention des Nations unies sur le droit de la mer n'assure pas la cohérence des innombrables instruments juridiques qui régissent les océans et leurs ressources. Si elle n'a pas le statut de Constitution de la mer, l'évolution des instruments démontre tout de même qu'elle encadre les dispositions adoptées par des institutions sectorielles et régionales indépendantes, et peu coordonnées »95.

    Il est ainsi démontré que la coordination n'est pas le point fort du droit de la mer et que cela dessert fortement la protection du milieu marin.

    Cette fragmentation a des origines antérieures à la CNUDM de 1982 et se structure notamment sur la multiplicité des acteurs. L'un d'eux est l'OMI, agence spécialisée des Nations unies créée en 1948 par la Convention OMI, elle se voit attribuer des compétences concernant la navigation. Elle a donné naissance à de nombreux traités et mesures à l'instar de ceux identifiés à la sécurité maritime, et plus précisément à la prévention des accidents, mais

    94OMI

    95DIRE TLADI, Gouvernance des océans : un cadre de réglementation fragmenté ?, Regards sur la Terre, 2011.

    62

    également des traités sur la prévention de la pollution marine. Cela reste toutefois orienté sur l'exploitation des navires principalement. Nonobstant ces textes, de nombreux aspects du milieu marin ne sont pas du ressort de l'OMI, telles que la réglementation des pêcheries, la protection des fonds marins contre les pratiques destructrices et même la réglementation de la pollution imputable à des sources telluriques (la principale source de pollution marine). Si cela peut apparaître regrettable après les développements apportés96, cela reste néanmoins cohérent.

    L'OMI apporte néanmoins des nuances quant à son implication dans la protection du milieu marin. La première est l'intégration à l 'OMI de la protection du milieu marin, car sur 51 instruments conventionnels qui ont été adoptés à ce jour, 21 sont directement liés à l'environnement, voire 23, si l'on tient compte des aspects des Conventions sur l'assistance et sur l'enlèvement des épaves liées à l'environnement97. En sus, il existe le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) qui est le principal organe technique de l'OMI traitant des questions relatives à la pollution des mers. Ce dernier traite notamment des questions relatives à la Convention MARPOL98, c'est-à-dire principalement à la pollution causée par les navires, c'est à dire la pollution par les hydrocarbures, les produits chimiques transportés en vrac, les eaux usées ou les ordures. Le MEPC participe également à la réduction des GES en provenance des navires et des polluants atmosphériques.

    La deuxième nuance est la préparation de travaux afin de prévenir la pollution de l'océan par l'immersion de déchets et d'autres matières. Cela a principalement été réalisé au travers du prisme de la Convention de Londres de 197299 et de son protocole de 1996 sur « la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières ». Cette convention est particulièrement intéressante car elle va constituer le socle d'une activité nouvelle qui pourra grandement participer à la diminution (davantage que la réduction) du dioxyde de carbone dans l'atmosphère notamment à travers le captage et le stockage de ce

    gaz100.

    96Notamment dans la partie 1.

    97 http://www.imo.org/fr/OurWork/Environment/Pages/default.aspx

    98Convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires, du 2 novembre 1973

    complétée par le protocole de 1978.

    99Adopté le 13 novembre 1972 et entrée en vigueur le 30 août 1975.

    100Infra chapitre 2.

    63

    Enfin, l'OMI peut déterminer des zones maritimes particulièrement vulnérables (PSSA). Ces zones « en raison de l'importance reconnue de ses caractéristiques écologiques, socio-économiques ou scientifiques et de son éventuelle vulnérabilité aux dommages causés par les activités des transports maritimes internationaux »101, sont éligibles à : « [une] protection particulière, conférée par des mesures prises par l'OMI ». Il existe pour cela des critères applicables à l'identification de ces zones et des critères applicables à la désignation de zones spéciales qui ne s'excluent pas mutuellement. Dans de nombreux cas, une PSSA peut être identifiée à l'intérieur d'une zone spéciale et inversement, ce qui peut permettre un croisement entre des zones de pêcheries ou même des AMP. Dans ce dernier cas, la zone bénéficiera d'une protection double en terme d'institutions. La résolution A.982(24)102 contient des Directives révisées pour l'identification et la désignation des zones maritimes particulièrement vulnérables. Ces directives proposent un certain nombre de critères qui s'appliquent à la désignation des PSSA comme des critères écologiques relatifs aux écosystèmes rares ou uniques, relatifs à leur diversité ou expose encore leur vulnérabilité face aux dégradations d'origines naturelles ou humaines. Parmi ces zones, il est possible de citer la grande barrière de corail, en Australie103 ou encore le détroit de Bonifacio, en France et Italie104.

    Au final, l'OMI est une institution plutôt complète concernant la protection du milieu marin même si ce n'est pas sa mission première. D'autres organisations se trouvent moins adaptées à cette protection. Pire encore, il est possible de constater une servitude totale à des intérêts économiques dans une organisation dont la mission d'origine et de permettre une meilleure gestion des ressources. L'exemple qui suit est celui de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). C'est une agence spécialisée créée en 1945105, qui oeuvre en faveur de la sécurité alimentaire dans le domaine des pêcheries et de l'aquaculture. Ici il faut remarquer que sa mission est bel et bien déterminée. Un cadre est

    101 http://www.imo.org/fr/OurWork/Environment/PSSAs/Pages/Default.aspx.

    102Résolution A.982(24) adoptée le 1er décembre 2005 (point 11 de l'ordre du jour) Directives révisées pour

    l'identification et la désignation des zones maritimes particulièrement vulnérables

    103Désignée en 1990 puis étendue afin d'inclure le détroit de Torres en 2005.

    104Désignée en 2011.

    105Par les Nations unies.

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    établi afin de cantonner l'organisation à un secteur, celui du prélèvement halieutique. Elle a pour compétence d'élaborer des instruments relatifs à la pêche, contraignants ou non106.

    Il est possible de constater une articulation avec la CNUDM ici. Par exemple la liberté en haute-mer accorde une liberté de pêche, sauf pour certaines espèces protégées spécifiquement107, mais celle-ci contribue au déclin des pêcheries et à de plus grandes menaces sur la biodiversité marine. Par ailleurs, les dispositions issues du droit des pêches ne peuvent relever de la Convention sur la biodiversité et ce à travers les organisations régionales de pêches (ORGP). En effet ces dernières sont destinées à permettre une utilisation durable des ressources halieutiques. La nature juridique de ces organisations a pour unique but de servir les intérêts économiques via le prisme de l'alimentation humaine et ne prend pas en compte les poissons comme faisant partie de la biodiversité. Ce constat peut se faire notamment à travers la Convention OSPAR de 1992 qui établit une organisation régionale dans l'Atlantique du Nord-Est et dont les missions sont la protection de l'écosystème de la zone ainsi que la protection de la diversité biologique qui s'y trouve. Il faut pourtant noter la définition donnée de la diversité biologique au sein de l'article 2 de la Convention qui dispose que celle-ci est une :

    « Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. »

    Il est possible d'extraire ici les expressions « organismes vivants de toute origine » et « diversité au sein des espèces et entre espèces » qui permettent sans doute d'inclure les poissons péchés. Ainsi sur la même zone dispensée par OSPAR il est possible de retrouver l'ORGP NEAFC ou Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (CPANE)108.

    Au final, la fragmentation observée au sein des droits permettant la protection des océans face au climat se retrouve lui-même au sein du droit de la protection du milieu marin.

    106DIRE TLADI, « Gouvernance des océans : un cadre de réglementation fragmenté ? », Regards sur la Terre, 2011

    107Convention Baleinière Internationale de 1946 par exemple.

    108https://www.neafc.org/

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    En effet, l'équilibre est précaire entre les dispositions de la CNUDM sur la protection du milieu marin et les intérêts économiques qui restent l'intérêt majeur. Cette « Constitution pour la mer », aurait du apporter un ciment solide pour créer des liens et une uniformité dans ces problématiques, surtout en notant que la CNUDM a été adoptée en 1982, c'est-à-dire 10 ans après la Déclaration de Stockholm qui marquait la naissance du droit international de l'environnement. Pour exemple, l'article 193 qui dispose que les États ont : « le droit [souverain] d'exploiter leurs ressources selon leur politique en matière d'environnement et conformément à leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin », marque avant tout le droit d'exploiter les ressources selon leur bon vouloir.

    Néanmoins ces institutions et organisations disposent pour certaines de la capacité à créer des règlementations et à les faire appliquer. À ce titre, il est nécessaire d'observer quels outils elles peuvent mettre en oeuvre.

    B - Des outils juridiques incomplets pour protéger le milieu marin

    Ces diverses organisations ont pour la plupart les moyens de créer du droit et d'organiser la mise en oeuvre de la protection en pratique. En effet, la CNUDM qui établie les zonages et la protection du milieu marin en deça des lignes de la ZEE109 n'implique que les juridictions et les souverainetés des Etats. Ces derniers peuvent avoir à appliquer les directives et conventions dégagées par l'OMI comme il a été vu, mais le principe de la Convention de Montego Bay est celui de la liberté de la haute-mer, il est ancré depuis que Grotius l'a affirmé au XVIIe siècle. Ce principe nuit indéniablement à l'efficacité de la protection et de la préservation du milieu marin. En outre, la CNUDM ne remédie pas à la fragmentation de la gouvernance des océans. Au contraire le problème est accru par la création d'institutions supplémentaires dont les domaines de compétence risquent de se chevaucher à l'instar des organisations gérant les pêches, et d'une AMP. Ce sont trois nouvelles organisations qui sont établies par la Convention : la Commission des limites du plateau continental (la Commission), le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) et l'Autorité internationale des fonds marins (l'Autorité). Les deux qui peuvent avoir une influence sur la protection du milieu marin sont l'Autorité et le TIDM. Le champ d'application de l'Autorité reste limité aux grands fonds marins. Le TIDM peut ainsi répondre

    109Zone économique exclusive

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    des contentieux issus des activités d'exploration ou d'exploitation dans les grands font marins par la voie de la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins, Chambre constituée conformément à la section 5 de la partie XI de la CNUDM et à l'article 14 du Statut. Cette Chambre a des compétences concernant les différends relatifs aux activités dans la Zone internationale des fonds marins.

    Ainsi le Tribunal ne crée pas de droit à proprement parler. Il le complète, et infirme ou affirme l'application de certains principes comme dans l'avis que ce dernier a pu rendre le 1er février 2011 dans lequel il participe à la mise en oeuvre de la protection de l'environnement des grands fonds marins. Il est ainsi précisé dans le considérant 122 :

    « 122. Parmi les plus importantes de ces obligations directes qui incombent à l'Etat qui patronne figurent l'obligation d'aider l'Autorité dans l'exercice de son contrôle sur les activités menées dans la Zone, l'obligation d'adopter une approche de précaution, l'obligation d'appliquer les meilleures pratiques écologiques, l'obligation de prendre des mesures de garantie dans l'éventualité de l'adoption, par l'Autorité, d'ordres en cas d'urgence pour la protection du milieu marin, l'obligation de garantir des voies de recours aux fins de l'indemnisation des dommages causés par la pollution et l'obligation de procéder à des évaluations de l'impact sur le milieu marin »110.

    Le Tribunal dégage ainsi sa ligne de conduite pour les contentieux à venir. Il est à noter que le principe de précaution est invoqué et qu'il aura à s'appliquer à tous les niveaux des missions de l'AIFM.

    La mission première de l'AIFM n'est pas en effet la protection des grands fonds marins même si cela est regrettable. La mission première est l'exploration et l'exploitation des ressources qui s'y trouvent comme les granulats, les nodules polymétalliques ou encore l'hydrogène naturel. C'est donc une organisation dont les objectifs sont de poser un cadre économique des grands fonds marins pour développer le partage des ressources et des bénéfices de ces dernières entre les pays concernés. Il s'agit ainsi d'éviter le pillage des pays développé, même si cette affirmation est à nuancer aux vues des négociations houleuses

    110Avis consultatif de la chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du Tribunal international du droit de la mer du 1er février 2011, relatif aux responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone.

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    concernant la partie XI de la CNUDM. C'est dans ce cadre que l'AIFM se voit attribuer des compétences de réglementation dont elle fait bon usage. En effet, cette dernière a établi un ensemble détaillé de règles, réglementations et procédures dénommé « Code minier ». Cette réglementation a pour but de réglementer la prospection, l'exploration et l'exploitation des ressources minérales marines dans la Zone internationale des fonds marins (qui recouvre les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale)111. Ainsi, l'articulation entre la CNUDM qui se fait le cadre originel de l'Autorité, et l'Autorité elle-même établissent que cette dernière doit faire application de la première. C'est la raison pour laquelle au-delà des aspects économiques, l'AIFM doit faire application de la CNUDM et notamment de l'article 145 qui dispose que : « En ce qui concerne les activités menées dans la Zone, les mesures nécessaires doivent être prises [...] pour protéger efficacement le milieu marin des effets nocifs que pourraient causer ces activités ». La responsabilité est alors de prévenir, réduire et maîtriser les pollutions issues des activités d'exploration et d'exploitation. Ainsi, il pourra se poser la question de savoir si l'exploitation des sols et sous-sols entre nécessairement en résonnance avec l'extraction des ressources dans le cadre de l'immersion de CO2 par exemple112. Toutefois le Code minier n'est actuellement pas complet et pourrait envisager une extension des compétences de l'AIFM par analogie à sa mission d'exploitation. L'organisation participerait alors grandement à la réduction du CO2 atmosphérique dans l'enfouissement de ce dernier.

    Il faut noter également la possibilité pour l'Autorité de créer des zones concernant un plan de gestion environnementale comme par exemple la zone de Clarion-Clipperton113 dans le Pacifique. Ce plan de gestion permettrait de geler l'exploration et l'exploitation de certains minéraux sur les fonds marins de la zone concernée. Il y a donc une exclusion de la colonne d'eau qui reste tributaire du principe de la liberté de la haute-mer. En revanche114, la mise en oeuvre de ces zones permettrait la protection de la biodiversité même si celle-ci est temporaire115. Il conviendra alors de trouver un équilibre lorsque l'exploitation débutera afin de ne pas perdre « les trésors de cette biodiversité inconnue »116 qui peuvent dans le cadre du

    111 https://www.isa.org.jm/fr/mining-code/Regulations.

    112Partie 2, Chapitre 2.

    113 https://www.isa.org.jm/fr/documents/isba18c22, Décision du Conseil de l'Autorité internationale des fonds

    marins au sujet du plan de gestion de l'environnement pour la zone de Clarion-Clipperton

    114NATHALIE ROS, « Développement durable et droit de la mer », ADMO 2018, p.147.

    115Ici 3 ans.

    116Ibid.

    maintien de la biodiversité marine, servir à limiter les impacts des changements climatiques en préservant les écosystèmes et le fonctionnement des océans en tant que puits de carbone naturel. Néanmoins, il faudrait que le droit participe davantage à privilégier un choix de protection plutôt que d'exploitation. L'avenir de la planète en dépend.

    Il existe d'autres exemples d'organisations capables de créer du droit dans la gestion des zones. Il ne sera pas possible d'établir un parangonnage exhaustif de ces dernières mais il convient néanmoins de citer la Commission OSPAR comme exemple de zone protégeant la biodiversité et les écosystèmes de la colonne d'eau. Ainsi, l'objectif de la Commission est : « [la] mise en application de la convention OSPAR et de ses stratégies se fait par l'adoption de décisions, qui ont force de loi sur les Parties contractantes, de recommandations et d'autres accords. Les décisions et les recommandations abordent les actions à entreprendre par les Parties contractantes »117. Ces stratégies sont adoptées au sein de différents programmes de surveillance de l'environnement qui se succèdent dans le temps et s'adaptent aux enjeux actuels. L'un de ces programmes est le CEMP coordonné de surveillance de l'environnement (CEMP) et dont l'objet est de produire des données comparables provenant de toute la zone maritime OSPAR. Ces dernières peuvent être utilisées dans les évaluations qui permettent de traiter les questions spécifiques posées par le JAMP, lui-même un programme conjoint d'évaluation et de surveillance interdisciplinaire.

    Ces programmes sont certes du droit mais répondent à des objectifs pratiques très proches de la réalité. Il s'agit d'un droit très opérationnel fonctionnant de matière thématique. Par exemple, concernant les effets néfastes du réchauffement climatique, il existe un programme de lutte contre l'eutrophisation mais également contre la perte de la biodiversité. Par ailleurs au sein de ce dernier il faut constater qu'il est également évoqué la restauration du milieu marin endommagé, ce qui n'est, pour des questions climatiques, pas encore abordé aujourd'hui. De plus, ces programmes répondent à six principes importants dont certains redondants mais nécessaires au droit de l'environnement. Parmi ces derniers se trouvent le principe de précaution; le principe du pollueur payeur; l'application de meilleures techniques disponibles (BAT) et de la meilleure pratique environnementale (BEP) notamment. Ce programme met aussi en place la technologie propre; le principe du développement durable

    68

    117 https://www.ospar.org/about/how.

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    grâce à l'application de l'approche écosystémique; le principe des mesures préventives; et le principe de la correction à la source des atteintes à l'environnement.

    L'application de l'approche écosystémique est presque une réussite concernant la mise en oeuvre d'OSPAR. En effet la Commission travaille à devenir une entité interdisciplinaire en abordant plusieurs domaines de la protection du milieu marin. Cette dernière crée également des liens auprès d'autres structures participant ainsi à une coopération internationale bénéfique et nécessaire. Parmi ces dernières il faut compter par exemple le Conseil de l'Arctique qui est devenu un observateur au sein de la Commission OSPAR. Néanmoins, aussi complète que soit la zone OSPAR, cette dernière est limitée à son champ géographique et ne permet pas l'application de la définition d'aires protégées telles que définies par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature, et qui implique que la conservation de la nature soit le premier objectif de la zone protégée118.

    Des interrogations peuvent alors naître quant à l'utilité des AMP en l'état actuel du droit, notamment au regard de l'apparition d'activités nouvelles comme l'enfouissement du CO2 ou la fertilisation des océans.

    Section 2 - Les propositions de solutions institutionnelles
    pour un cadre plus protecteur

    Les représentants des gouvernements sont réunis aux Nations unies, à New York, pour discuter d'un traité mondial sur la haute-mer. Cet espace représente en effet 61% de la surface des océans et près de la moitié de la surface du globe. Il s'agit d'après Greenpeace d'une occasion de consacrer 30% de la haute-mer en tant que zone protégée119. Au-delà des questions que pose une telle superficie ainsi que sa gouvernance, cela est peut-être l'occasion de créations et d'innovations quant à l'approche à adopter vis-à-vis des organisations. C'est la raison pour laquelle il convient d'établir des communications effectives entre les structures existantes ou à créer (A), et de mettre en place un cadre juridique plus scientifique (B).

    118ODILE DELFOUR-SAMAMA, « Les aires marines protégées, outil de conservation de la biodiversité en haute mer », Neptunus, revue électronique, Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, Vol. 19, 2013/1

    119 https://www.greenpeace.fr/proteger-30-oceans-dici-2030/

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    A - La nécessité d'établir des communications effectives entre les zones

    Dans son rapport du 4 avril 2019, Greenpeace rappelle que les écosystèmes marins de haute-mer sont « une pompe biologique des océans » et qu'ils « captent le dioxyde de carbone en surface et le stockent dans les profondeurs »120. Il s'agit ici d'un fonctionnement crucial qui permet à notre atmosphère ne pas contenir 50 % de CO2 en plus, et la hausse des températures rendrait le monde inhabitable. L'étude démontre ainsi la capacité actuelle à collecter des données et la présence de moyens à disposition permettant de cartographier les zones océaniques à protéger et ainsi créer un réseau de réserves marines interconnectées et représentatives de la biodiversité marine mondiale.

    Sans doute ce type de projet est-il ambitieux, mais cela pourrait permettre de mettre un terme aux dérives étatiques de la surexploitation des océans. Il faut noter qu'en terme de compétence il ne s'agit ici que de la colonne d'eau puisqu'il est question de la haute-mer. Comme il a été vu, l'AIFM, bien que son but premier soit l'exploitation, a le devoir d'assurer une protection du milieu marin vis-à-vis des personnes qui pratiquent pour le moment l'exploration et à l'avenir l'exploitation. Pourtant, le rapport de Greenpeace évoque, tout en évoquant un traité sur la haute-mer, la question des ressources minières qui concerne directement les grands fonds marins et donc l'AIFM. Ce constat amène une question cruciale en terme de protection du milieu marin : comment assurer la protection effective d'une zone qui dépend d'un point de vue systémique d'une autre zone ? La réponse à apporter semble couler de source. Cela semble impossible et il est déjà difficile d'appréhender les problèmes de pollutions telluriques s'étendant dans le milieu océanique. Comment serait-il possible de gérer une pollution en provenance des grands fonds marins sans que la colonne d'eau soit impactée ?

    Cela amène nécessairement à penser qu'il faudrait d'abord créer, à l'image des commissions existantes, d'autres commissions sous l'égide d'une Commission centrale des aires marines protégées. Ce modèle serait fait sous la coupe des Nations Unies à l'instar de grandes institutions existantes. Ainsi, cette Commission centrale pourrait disposer d'un fichier commun permettant d'opérer des liens entres les sous-commissions gérant des zones

    120Ibid.

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    régionales afin d'assurer la protection de la biodiversité. Cette Commission devra également pouvoir communiquer avec l'AIFM afin qu'il n'y ait pas de contradictions.

    Les missions qui lui seraient attribuées seraient à l'instar des organisations déjà existantes d'établir la surveillance et de permettre une gestion éco-responsable des ressources biologiques pouvant apporter des solutions clés pour l'humanité. À la fin, il ne s'agit pas de couper totalement l'accès des activités humaines sur ces zones mais d'en limiter grandement la présence et l'impact afin de garantir la résilience des océans. En effet, l'échec d'un consensus politique pour la création par la Commission CCAMLR d'une réserve de 1,5 millions de mètres carrés en mer de Ross permet d'imaginer à quoi peuvent ressembler les négociations sur un traité sur la haute-mer. La Chine, la Norvège et la Russie se sont opposées à l'institution de cette réserve qui aurait bloqué toutes les activités économiques. Un projet d'une telle ambition semble alors complètement utopique. De même, si des organes tels que la CCAMLR continuent d'échouer dans leur mandat de protection de l'océan, ils ne pourront plus faire partie de la solution, y compris sous l'égide d'une Commission centrale.

    Finalement dans une tentative de consensus politique entre les intérêts économiques et la protection des océans, il semble clair que les États privilégieront constamment les aspects économiques ne comprenant pas à quel point ce manque de protection sera faillible pour l'économie dans le futur. Si une institution aussi grande qu'une Commission centrale de la haute-mer ne peut exister, peut-être faut-il néanmoins permettre aux instruments déjà existants de posséder des outils de communication entre eux pour établir une coordination des objectifs de protection.

    Il s'agit une nouvelle fois d'une proposition moins utopique qu'ambitieuse car après tout : « Rien ne s'est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée »121.

    L'inspiration pourrait également venir de ce qui existe au travers des travaux de la Commission OSPAR qui possède un domaine de compétence interdisciplinaire. Il va de soi que l'avenir de la protection du milieu marin se trouve dans l'interdisciplinarité. En effet, « protéger les espaces en mer reviendrait à protéger de façon spécifique un immense chapelet

    121Jules Verne.

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    de biotopes particuliers tout en tenant compte des interactions que chacun d'eux peut entretenir avec l'espace voisin »122. Il serait ainsi dommage de n'envisager qu'un domaine de compétence pour les AMP à venir, car les risques en provenance directe des activités humaines sont relativement nombreuses, y compris quand ces dernières ont pour objectif à long terme de réduire les émissions de CO2123. Ceci-dit, certains auteurs ont déjà pu aborder la thématique de la protection de la haute-mer au travers de ce prisme et ont pu affirmer que le sujet était d'une « extrême complexité » car il nécessite une conjugaison « au niveau de la société internationale, [de] la protection d'espaces dont la définition juridique ne se calque pas sur la réalité biologique »124. C'est ici tout le problème invoqué par Greenpeace et la solution recherchée à travers ce réseau d'AMP qui concernerait 30% ou davantage de la haute-mer. Même si la Convention de Montégo Bay fixe une délimitation juridique des espaces en mer pour les États, elle confie également la protection des espaces qui sont attribués à ces derniers. Cela signifie alors que la protection des espaces est conçue au travers de la souveraineté et qui plus est de celle de l'État côtier principal bénéficiaire des dispositions du texte.

    Cette vision des choses permet d'opérer un constat déjà effectué : « Créer un instrument global de protection ne peut être efficace qu'à la condition d'être appliqué uniformément, et des initiatives locales ou régionales ne peuvent être bénéfiques qu'à la condition de pouvoir être généralisées ». Le choix sera très probablement discuté lors des négociations en cours au siège des Nations unies à New York mais il faudra attendre 2020 avant d'observer le choix qui aura été fait. Il faudra néanmoins que soit envisagée une meilleure prise en compte des études scientifiques effectuées pour accompagner et comprendre les instruments décisionnaires.

    B - Le besoin d'un cadre juridique plus scientifique

    Dès l'origine l'environnement a été réputé comme étant un droit de techniciens. Cependant ce droit n'avait pas encore fait ses marques et les principes n'étaient pas aussi établis qu'ils le sont aujourd'hui. Il s'agissait d'un droit qui se faisait « l'expression d'un

    122Hana AKROUT, Marie BARBAT et Louis NAUX, « La protection des espaces en mer : utopie ou réalité ? », Neptunus, revue électronique, Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, Vol. 13 2007/2 123 https://www.greenpeace.fr/proteger-30-oceans-dici-2030/

    124Ibid.

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    constat scientifique »125. C'est ainsi que les praticiens du droit se retrouvaient confrontés aux limites qu'imposait la lecture des annexes de réglementation. Ces dernières faisaient de ce droit un droit de techniciens plus que de juristes. Des interrogations naissaient à propos de la valeur scientifique du droit de l'environnement ou encore de sa pertinence scientifique. Aujourd'hui la question s'orienterait d'une autre manière et aborderait davantage le point de vue de la science émettant l'interrogation suivante : le droit est-il suffisamment réceptif envers la science ? En effet, il existe de nombreux organismes déjà cités à l'instar du GIEC ou de l'IPBES désignés comme des organismes intergouvernementaux dont l'objectif est principalement de vulgariser des thématiques scientifiques concernées. Pour les deux organismes précisés il faut donc noter les thématiques du climat et de la biodiversité. En revanche, quelle est leur place ? Puisqu'il s'agit d'organismes intergouvernementaux il faut observer qu'ils n'ont aucunement les moyens de proposer des analyses aux institutions comme OSPAR ou d'autre AMP par exemple. De même il s'agit ici d'interfaces qui ne sont pas directement liées au droit et ne permettent pas une juridisation suffisante des solutions à apporter. Ces interfaces servent donc les politiques et ont pour objectif la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité, sous-tendant le bien-être humain sur le long terme et le développement durable. Il a pourtant d'ores et déjà été vu que les gouvernements des États pouvaient être réticents si une mesure de protection à prendre engageait nécessairement des sacrifices sur le plan économique. En partant de ce postulat il est important de se demander s'il n'y a justement pas trop d'intermédiaires, et si pour répondre à des besoins urgents de protections du milieu marin et plus généralement du climat, les scientifiques ne pourraient pas directement interagir avec les juristes. La question peut se poser du point de vue de l'application des principes par ces institutions.

    En effet, l'exemple du principe de précaution est plutôt criant car ce dernier est souvent invoqué comme étant le remède commun mais il n'en existe pas de définition commune. Il en ressort malgré tout les éléments phares et ainsi : « toutes les définitions actuelles du principe de précaution reposent à la fois sur l'existence d'incertitudes scientifiques et de risques hypothétiques et un critère de mise en oeuvre, qui est la décision politique »126.

    125BORN CHARLES-HUBERT, DE SADELEER NICOLAS. ERIC NAIM-GESBERT, « Les dimensions scientifiques du droit de l'environnement - Contribution à l'étude des rapports de la science et du droit », 1999, dans Revue Juridique de l'Environnement, n°3, 2001. pp. 555-557.

    126DE ROANY CÉCILE. « Des principes de précaution. Analyse de critères communs et interprétation différenciée. » In: Revue Juridique de l'Environnement, n°2, 2004. pp. 143-156.

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    C'est bien la problématique centrale de la précaution. Ce principe repose sur la décision politique qui a le dernier mot pour juger s'il est nécessaire ou non d'en faire usage. C'est-à-dire qu'au moment précis de la non-utilisation de ce principe, les avis scientifiques ou l'existence même de doutes sont complètement rejetés, la plupart du temps pour servir les intérêts économiques et engager ainsi l'exploration ou l'exploitation d'une zone marine et ce tant au niveau biologique, halieutique que minier. Ainsi par exemple la convention OSPAR à propos de l'incertitude scientifique évoque l'absence de « preuves concluantes »127, l'absence de « certitude scientifique »128 en ce qui concerne le principe 15 de la Déclaration de Rio de juin, le préambule de la Convention sur la diversité biologique de 1992 ou encore l'article 3 de la Convention sur les changements climatiques. De plus il faut constater que : « Le principe de précaution teste également les institutions politiques en ce sens qu'elles sont forcées de réglementer sans pouvoir se justifier par l'autorité de la science »129, encore faut-il déterminer ce qui peut être qualifié « d'institutions politiques ». Les AMP seraient-elles des institutions politiques ? Ou existe-t-il une réelle écoute de l'incertitude scientifique ? Au final certains auteurs tentent de :

    « Confronte[r] le droit de l'environnement à la rationalité et à l'objectivité scientifique pour mesurer la capacité de cette discipline juridique à conceptualiser l'apport de savoirs multiples, pluriels et équivoques en son sein. Ceci revient à savoir comment le droit de l'environnement appréhende l'indéterminé, l'incertain et la complexité alors qu'il a vocation de dire ce qui doit être. L'auteur plaide ici en faveur d'un « droit relationnel » destiné à gérer la complexité écologique ainsi que l'incertitude scientifique »130.

    Cela démontre bien la difficile conciliation entre les apports scientifiques qui apportent des vérités concrètes d'un état de dégradation ou d'amélioration de l'environnement, ou encore des hypothèses discutables131.

    127Article 2-2-1 de la Convention OSPAR ; voir également la résolution LDC 44/14 (1991) et l'article 3-2 de la Convention d'Helsinki relative à la protection de la mer Baltique.

    128Principe 15 de la Déclaration de Rio de juin 1992 (absence de « certitude scientifique absolue »), le préambule de la Convention sur la diversité biologique de 1992 ou l'article 3 de la Convention sur les changements climatiques (absence de « certitude scientifique totale »).

    129DE ROANY CÉCILE. « Des principes de précaution. Analyse de critères communs et interprétation différenciée. », dans Revue Juridique de l'Environnement, n°2, 2004, pp. 143-156.

    130BORN CHARLES-HUBERT, DE SADELEER NICOLAS. ERIC NAIM-GESBERT, « Les dimensions scientifiques du droit de l'environnement - Contribution à l'étude des rapports de la science et du droit », 1999, dans Revue Juridique de l'Environnement, n°3, 2001, pp. 555-557.

    131Voir le rapport du GIEC ; https://www.futura-sciences.com/planete/breves/rechauffement-climatique-groenland-fond-quatre-fois-plus-vite-approche-point-non-retour-248/

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    Le modèle à suivre serait alors la construction d'une meilleure représentation scientifique et peut-être moins politique. Ainsi la création d'un ou plusieurs comités d'experts indépendants permettrait d'éclairer les juristes afin de trouver le consensus entre droit et science. Les deux matières devraient être des sources intarissables et certaines de la protection du milieu marin notamment à travers les AMP. Couplé à la proposition d'une Commission centrale gérant les sous-commissions d'AMP, dans l'application des propositions de Greenpeace, ce modèle permettrait ainsi une protection systémique des océans. Après tout, la Convention OSPAR prend déjà en compte la notion d'écosystème et même si des auteurs se demandent si : « l'écosystème n'est [...] pas une notion "trop ambitieuse pour le droit" »132, peut-être faut-il simplement se pencher vers des concepts nouveaux plutôt que de chercher les réponses dans des modèles qui ne semblent aujourd'hui plus adaptés. Il faudrait alors retravailler certains concepts juridiques à l'instar du patrimoine. Mais ce dernier n'est peut-être pas aussi adapté qu'il le faudrait à des applications économiques actant pour la limitation du réchauffement climatique, comme l'enfouissement du CO2.

    132ERIC NAIN-GESBERT, Les dimensions scientifiques du droit de l'environnement - Contribution à l'étude des rapports de la science et du droit, Bruylant, VUB PRESS, 1999, 808 pages.

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    Chapitre 2 - L'existence d'un droit trop accommodant pour assurer la protection de l'océan en tant que régulateur du climat : l'exemple de l'enfouissement du CO2

    Après avoir étudié certains aspects institutionnels de la protection du milieu marin il convient de s'attarder sur une activité qui pourrait se développer de manière exponentielle dans les années à venir compte-tenu de l'urgence climatique mondiale. En effet, depuis la seconde guerre mondiale les scientifiques ont voulu développer des technologies permettant de manipuler le climat et la météo à des fins militaires. Aujourd'hui ces sciences se regroupent au sein de la géoingénierie qui est définie en 2014 par l'Agence nationale de la recherche comme :

    « L'ensemble des techniques et pratiques mises en oeuvre ou projetées dans une visée corrective à grande échelle d'effets de la pression anthropique sur l'environnement. Il importe de bien distinguer la géoingénierie qui met en jeu des mécanismes ayant un impact global sur le système planétaire terrestre des techniques et pratiques d'atténuation ou ayant simplement un impact local. »

    Ainsi il va être question au niveau du CO2 de le capter pour en limiter les quantités dans l'atmosphère et limiter les changements climatiques. Quels rôles peuvent donc jouer les océans dans un tel mécanisme ? Ici l'idée est que les fonds marins et les grands fonds marins133 peuvent accueillir le stockage du dioxyde de carbone ainsi capté. Deux méthodes existent aujourd'hui pour stocker le CO2 dans les océans. La première méthode consiste à isoler le gaz concerné dans des cavités, souvent d'anciens puits pétroliers ou gaziers, qui ont la réputation d'être hermétiques et dont la question du risque porterait sur le mécanisme de fermeture. La seconde méthode est beaucoup plus sensible car consiste à déposer le CO2 dans une zone à une certaine profondeur, ce qui formerait ainsi un lac de CO2, le gaz s'intégrant progressivement au cycle du carbone dans le fond des océans134.

    Il sera donc question de l'enfouissement et des enjeux juridiques que ce dernier dégage. La question se posera de savoir si la qualification n'est pas trop large pour imaginer

    133Car les régimes sont différents. 134Annexe 1.

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    que les garanties de protection du milieu marin soient suffisantes (Section 1). Ainsi cette qualification ne permettrait probablement pas de palier à l'encadrement insuffisant dans la mise en oeuvre de l'enfouissement (Section 2).

    Section 1 - Une qualification trop large pour apporter des
    garanties suffisantes

    Ce sont de vrais débats qui émergent sur la question de l'enfouissement du CO2. Ainsi l'OMI a pu mettre en place la Convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets et du protocole intervenu en 1996. Cette convention est d'une importance majeure sur la prise en compte juridique de cette activité, mais il faut remarquer l'absence de définitions matérielles (A) ainsi que la présence d'un champ d'application trop fractionné (B).

    A - L'absence de définitions matérielles autour de l'enfouissement

    Plusieurs définitions interviennent pour que le droit se saisisse de la question de l'enfouissement. Ces questions interviennent préalablement à la mise en pratique de l'enfouissement car ce dernier nécessite d'être saisi par le droit tant les enjeux environnementaux sont importants. Ces enjeux impliquent la qualification du CO2 lui-même mais aussi de l'immersion.

    D'une part, l'article 1.4.1.1 du Protocole135 désigne l'immersion comme : « toute élimination délibérée dans la mer de déchets ou autres matières à partir de navires, aéronefs, plateformes ou autres ouvrages artificiels en mer ». L'appréhension de la terminologie « élimination » reste douteuse et vaste car elle semble considérer l'océan comme un conteneur à déchets sans limite d'accueil. Pourtant, les problèmes rencontrés avec les déchets plastiques laissent aujourd'hui le constat amer qu'il ne s'agit pas d'une vérité. Comment appréhender positivement cette terminologie ? Cette dernière doit être délibérée, ce qui écarte de fait de qualifier comme immersion le naufrage d'un navire ou la perte d'une partie de sa cargaison. À ce propos, il peut être intéressant d'envisager le transport des déchets concernés et qui

    135Article 1.4.1.1 du protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières.

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    potentiellement pourraient être du CO2. Durant un voyage, il peut arriver qu'une cargaison se détériore et dans ce cas, les marins doivent y remédier. L'un des moyens de gestion de ces cargaisons est de les décharger du navire afin de les gérer à terre et d'en recycler les matériaux récupérables, ou de s'en débarrasser d'une manière qui soit respectueuse de l'environnement et du milieu marin136. Toutefois sous certaines conditions cela n'est pas possible, et la seule option viable est l'évacuation de ces cargaisons dans la mer. Ainsi l'OMI préconise que : « L'évacuation en mer des cargaisons avariées ne devrait être envisagée qu'en cas d'urgence bien établie, s'il n'existe pas d'installation disponible à terre et si cette mesure ne nuit pas à l'environnement ni à la santé de l'homme »137. Or cette hypothèse est parfaitement envisageable car la manière dont est stocké le CO2 ne constitue pas la forme naturelle de ce dernier, il est en conséquence sujet à un retour à son état normal. Ce point sensible peut amener à se poser des questions sur l'état même du CO2 en tant que cargaison. À ce moment, il est possible de se demander si le CO2 peut être considéré comme une cargaison avariée ou s'il peut être un déchet. Faut-il dans ce cas faire une demande de rejet à la mer ? D'une part le CO2 peut être extrêmement dangereux pour l'équipage du navire qui le transporte, mais cette hypothèse concerne d'avantage les règles de sécurité de droit maritime à l'instar des règles qui encadrent la sécurité sur les pétroliers et chimiquiers. D'autre part, la remise à l'air libre et potentiellement dans la colonne d'eau de cette cargaison pourrait provoquer l'inefficacité des mesures de captages. Pire encore, cela pourrait provoquer une pollution en provoquant une acidification immédiate de la colonne d'eau où le rejet a été effectué.

    L'article 1.4.1.3 poursuit en précisant que : « tout entreposage de déchets ou autres matières sur le fond des mers, ainsi que dans leur sous-sol, à partir de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages artificiels en mer »138, peut être un cas d'immersion. Cette hypothèse est davantage pertinente avec les solutions scientifiques envisagées, comme cela a déjà été noté139. Ainsi la déposition du dioxyde de carbone dans le fond des océans de manière à former un lac de CO2 pourra aisément être considérée comme « un entreposage de déchets ou autres matières » ainsi que de l'emporter sur l'hypothèse de l'enfouissement au sein d'un ancien puits de pétrole.

    136« Ce qu'il est et pourquoi il est nécessaire », document de l'OMI pour présenter le protocole de la Convention de Londres de 1996, EV en 2006.

    137Id.

    138Article 1.4.1.3 du protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières

    139Annexe 1.

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    Néanmoins cette dernière hypothèse amène à l'interrogation de ce que l'immersion n'est pas. Cette définition par élimination est précisée à l'article 1.4.2 dont l'alinéa 3 précise que : « L'élimination ou l'entreposage de déchets ou autres matières résultant directement ou indirectement de l'exploration, de l'exploitation et du traitement offshore des ressources minérales du fond des mers ne relève pas du présent Protocole »140. C'est à dire que dans les cas où une plate-forme pétrolière décide d'opérer l'immersion du CO2 puisé après extraction du pétrole au lieu de pratiquer le torchage semble, d'après les termes du Protocole, impossible. Il existe pourtant des cas concrets sur le site de Sleipne, qui est une exception notable car l'opérateur sépare le CO2 dans le gaz naturel (9 %), et l'enfouit depuis 1996 dans une couche géologique à environ mille mètres de profondeur. Il s'agit alors de présenter le captage et l'enfouissement du dioxyde de carbone comme un élément pouvant intervenir à la source, mais aucune convention internationale n'existe pour le moment pour réglementer ce type d'activité. Ainsi il se pourrait que les définitions en provenance du Protocole soient les seules à pouvoir s'exprimer auprès des États parties.

    D'autre part, la qualification du CO2 n'a pas été d'une grande clarté dans l'immédiat. En effet l'article 1.8 dispose que : « "déchets ou autres matières" désigne les matériaux et substances de tout type, de toute forme et de toute nature », ce qui amène à réfléchir sur la possibilité d'y inclure le dioxyde de carbone et sur les formes qu'il pourrait alors adopter. En effet, il n'était faite aucune mention de ce que pouvait être un déchet, mais la nature gazeuse du dioxyde de carbone amène à penser qu'il s'agirait probablement d'une substance pouvant entrer dans le cadre légal de la Convention. Aujourd'hui, il n'y a toujours aucune réglementation internationale spécifique au stockage souterrain du CO2141. Il n'existe pas non plus de statut légal du CO2 provenant des grandes installations de combustion. De plus la question a pu se poser d'appréhender la durée de ce stockage mais il s'agira ici davantage d'une question d'étude d'impact142. Pendant longtemps, l'absence de nouvelle législation s'est faite ressentir. L'unique exception provenait probablement de la Convention OSPAR qui permettait de

    140Article 1.4.2.3 du protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières.

    141ADEME, « La capture et le stockage géologique du CO2 », Les enjeux des géosciences, 2005.

    142Section 2, A.

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    capter le gaz sur le continent pour l'injecter sous la mer à condition qu'il soit amené par pipeline143.

    Néanmoins, des évolutions sont intervenues durant les années 2006 et 2007. En effet, en 2006 un groupe de travail émanant de la Convention de Londres s'est constitué. Il a ainsi « pu établir la liste des différents points juridiques de la Convention et du Protocole de 1996 qui pourraient concerner le stockage du CO2»144, afin de débattre d'une éventuelle adaptation ou d'amendements futurs. À la suite de l'entrée en vigueur du Protocole en 2006, l'Australie, la France, la Norvège et le Royaume-Uni ont émis une proposition d'amendement de l'Annexe 1 afin d'autoriser le stockage du dioxyde de carbone dans les formations géologiques sous-marines. La résolution fût adoptée la même année et a permis d'insérer une liste de huit catégories au sein de l'Annexe 1 du Protocole le stockage du dioxyde de carbone dans le sous-sol marin et indique que ce dernier sera permis dès le 10 février 2007. Il semble qu'il y ait quelques conditions à respecter dans la manière dont a été rédigé cet amendement. En effet, il est rédigé comme suit : « carbon dioxide streams from carbon dioxide capture processes for sequestration », ce qui signifie que le CO2 ne peut avoir une origine autre que celle en provenance du captage. Cela pose encore la question de la définition du captage du CO2. Cette dernière doit-elle se faire à la source de l'émission ? Doit-elle être un captage atmosphérique en provenance des villes polluées ?

    De même, de nombreuses questions se posent encore au sujet du CO2 malgré l'ancienneté de cet amendement. Faut-il ranger le CO2 dans la catégorie déchet industriel ou déchet industriel dangereux ? Cela impliquerait-il une réelle différence dans le traitement en pratique de cette substance ? Néanmoins, le Protocole de 1996 n'est qu'une convention cadre dont les États parties ont un devoir de mise en oeuvre. En ce sens le Protocole n'est pas très orienté et laisse donc un large choix aux États parties.

    Entre 2006 et 2019 il faut constater que des textes réglementaires apportent uniquement un début de réponse. De plus, aucun n'opère une prise en compte du stockage de ce gaz sur une longue période. Mais il s'agit là d'un problème de temporalité dans le droit. Cette temporalité prend une place de plus en plus importante notamment dans le traitement de ces « nouveaux déchets » dans lesquels il est possible de compter les déchets nucléaires également mais dont

    143Solution étudiée aujourd'hui par les Britanniques.

    144ADEME, « La capture et le stockage géologique du CO2 », Les enjeux des géosciences, 2005.

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    l'immersion est aujourd'hui proscrite145. Cette activité devra donc intégrer la notion de stockage sur le long terme à travers les règles notamment en passant par des définitions plus précises et des qualifications plus complètes.

    Il resterait encore à entrevoir la qualification de la zone géologique dans laquelle le stockage aura lieu. En effet, il est possible de se demander si les cavités, qu'il s'agisse d'anciens puits de pétrole ou de cuves sous-marines, ne peuvent pas être cernées par le droit afin d'en assurer une meilleure identification et pourrait être intégrées dans la catégorie « Choix du lieu d'immersion » de l'Annexe 2 du Protocole. Néanmoins, les zones géologiques se distinguent fortement des zones géographiques qui fractionnent le champ d'application du Protocole.

    B - Un champ d'application géographique fractionné

    Le droit de la mer s'est structuré autour de constantes questions de zonage depuis des temps reculés comme en témoignent les débats engagés entre Selden et Grotius dont le dernier a pu faire prévaloir la liberté de la haute-mer. La question qui va être abordée ici n'a strictement rien à voir avec le choix de la zone géologique sur laquelle il est envisagé de stocker le CO2, sujet sous-jacent en réalité. Il s'agit davantage d'une répartition des compétences personnelles entre les organismes internationaux et les États.

    Dans un premier temps il convient de s'attarder sur le protocole de 1996. Ce dernier s'adresse principalement aux États, et plus précisément aux Parties contractantes au protocole. Des principes de droit international sont réaffirmés dès les considérants, notamment : « l'utilité d'un approche mondiale de ces questions et en particulier l'importance pour les Parties contractantes de coopérer et collaborer en permanence pour mettre en oeuvre la Convention et le Protocole », permettant ainsi de marquer la volonté d'une portée mondiale en mettant en avant l'application par les États Parties. Néanmoins, bien que l'organisation référente soit l'OMI, qui effectue des contrôles sur la législation et l'autorisation de certains permis146, l'application qui ne semble pas être internationalisée par l'AIFM (c'est également le cas pour la gestion des grands fonds marins) est affirmée au sein du considérant suivant. Il précise qu'il : « peut être souhaitable de prendre, au niveau national ou régional, des mesures

    145Depuis 1993, toute immersion de déchets radioactifs est définitivement interdite après un moratoire des Etats parties à la Convention de Londres, initié en 1983.

    146Certains articles marquent des obligations de notifications (Article 4.2), d'informations sur les mécanismes utilisés (Article 7.3), ou de signalement immédiat en cas de danger (Article 9.1).

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    plus rigoureuses pour prévenir et éliminer la pollution du milieu marin résultant de l'immersion que celles que prévoient les conventions internationales ou autres types d'accords de portée mondiale ». Ici les rédacteurs visent implicitement le-dit protocole et cela permet aux États d'effectuer directement une plus stricte application des lignes directrices établies par ce texte. Ainsi l'article 1.7 du Protocole définit la « Mer » comme : « toutes les eaux marines autres que les eaux intérieures des États, ainsi que les fonds marins et leur sous-sol [...] », ce qui signifie a priori qu'il n'est pas possible pour un État partie au Protocole de stocker du CO2 dans ses eaux intérieures. D'un point de vue scientifique le cas d'un stockage du CO2 en dépôt pour créer un « lac » ne serait possible qu'à partir de mille mètres de profondeur, ce qui exclut de manière générale les eaux intérieures pour ce type de stockage. Néanmoins la question peut se poser du point de vue de la cavité géologique ou de l'ancien puits de pétrole et ce sans distinction d'un cadre d'activité. Malgré cette limitation, l'article 7 permet aux États parties d'opérer des immersions au sein des eaux intérieures. Cependant ces immersions se font dans un régime beaucoup plus strict, soumis soit à des mesures minimales en provenance du Protocole, soit plus rigoureuses. Ces mesures plus rigoureuses doivent faire l'objet d'une information systématique auprès de l'OMI d'après l'article 7 :

    « 2. Chaque Partie contractante choisit soit d'appliquer les dispositions du présent Protocole soit d'adopter d'autres mesures efficaces d'octroi de permis et de réglementation afin de contrôler l'élimination délibérée de déchets ou autres matières dans des eaux marines intérieures lorsque cette élimination constituerait une «immersion» ou une «incinération en mer» au sens de l'art. 1, si elle était effectuée en mer.

    3. Chaque Partie contractante devrait fournir à l'Organisation des renseignements sur la législation et les mécanismes institutionnels concernant la mise en oeuvre, le respect et la mise en application des dispositions dans les eaux marines intérieures. Les Parties contractantes devraient également s'efforcer autant que possible de fournir, à titre facultatif, des rapports récapitulatifs sur le type et la nature des matières immergées dans des eaux marines intérieures. »

    Ici encore, la CNUDM même si concernant sur la souveraineté et les pouvoirs souverains n'a pas facilité les choses d'un point de vue environnemental. Même si la

    84

    répartition des territoires maritimes est d'une grande efficacité, elle est toujours une source de contentieux. En effet la CNUDM établit clairement le fractionnement en différentes zones (eaux intérieures, zone économique exclusive, haute mer, plateau continental et zone des grands fonds marins), ce qui n'ajoute aucune efficacité à la mise en oeuvre d'une protection écosystémique du milieu marin. Quelles seraient alors les solutions ?

    Une piste de solution est apportée par le Protocole lui-même évoqué au côté des États, cette solution est la possibilité d'avoir accès à des instruments régionaux, le protocole ne précise toutefois pas la forme de ces derniers. Pourrait-il alors s'agir des AMP qui regroupent en leur sein plusieurs États parties qui s'accordent sur un objectif de protection ? La réponse existe déjà car la Convention OSPAR l'a en effet prévue et prend en compte notamment l'immersion du CO2 depuis 2007147. L'avantage est ici non négligeable car une AMP pouvant se situer sur les territoires de plusieurs États, il y a consensus à l'utilisation et la protection des plateaux continentaux dont ils dépendent. Il n'y a ainsi plus de distinction sur l'étendue de la zone quant à la colonne d'eau et les fonds marins dont ils dépendent. Dans l'hypothèse où il n'y a aucun chevauchement, la formule régionale semble parfaitement adaptée si l'AMP prévoit d'encadrer ce type d'activité en prenant en compte le Protocole de 1996. La question est en revanche moins claire quand les aspects régionaux n'ont pas pour objectif premier la protection du milieu marin en tant que tel. En effet l'UE, dans une directive de 2009148, a légiféré de manière à établir un cadre plus précis sur l'immersion et le stockage du CO2 et précise en son article 2 :

    « 1. La présente directive s'applique au stockage géologique du CO2 sur le territoire des États membres, dans leurs zones économiques exclusives et sur leurs plateaux continentaux au sens de la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM).

    3. Le stockage du CO2 dans un site de stockage situé dans un complexe de stockage s'étendant au-delà de la zone visée au paragraphe 1 n'est pas autorisé. »

    147 https://www.ospar.org/work-areas/oic/carbon-capture-and-storage;

    148DIRECTIVE 2009/31/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009 relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil.

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    La directive fait alors directement mention de la CNUDM et marque bien un cadre assez large de l'activité majeure que va constituer le stockage du dioxyde de carbone dans les années à venir. Néanmoins, contrairement à la possibilité des « lacs de CO2» à une profondeur supérieure à mille mètres, l'UE ne saurait le permettre en précisant dans l'aliéna 4 du même article que : « Le stockage du CO2 dans la colonne d'eau n'est pas autorisé ». Cette interdiction n'est pas totalement justifiée mais, la science n'étant pas au point sur ce type d'entreposage, il semble que la précaution soit ici appliquée à son extrême et au niveau législatif. Cette règle plus rigoureuse est de mise et reste applicable d'après les termes du Protocole. Il reste néanmoins une question importante à régler concernant le champ géographique. Quid des grands fonds marins et du rôle de l'AIFM ?

    Il s'agit en effet de l'hypothèse géographique supplémentaire que sont les grands fonds marins. Si cela ne semble pas encore avoir été envisagé, il convient préalablement de se demander si cela est possible tant sur le plan de la technique que d'un point de vue juridique. Plus précisément, le stockage du CO2 dans les fonds marins est-il compatible avec le régime juridique de la Zone ?

    Sur les aspects pratiques, les grands fonds marins tels qu'ils sont établis par la CNUDM dans la partie IX représentent 50% de la surface du sol de la planète149. Ces espaces sont parmi les moins connus du monde et ce notamment par faute de moyens techniques aujourd'hui encore trop coûteux par rapport aux retombées possibles de l'exploitation des ressources minières, biologiques, et peut-être géologiques150 de la Zone. Il en résulte que l'étude juridique est absolument hypothétique et permet simplement d'entrevoir l'articulation entre un régime spécifique et une activité en devenir. Le modèle de l'AIFM étant peut-être une piste à des fins de protection du milieu marin et donc de limitation des changements climatiques comme déjà entrevu151.

    Le régime juridique de la Zone est très spécifique au niveau international car le statut de cette dernière a été qualifié de « patrimoine commun de l'humanité » par l'article 136 de la CNUDM152. Ainsi, cet espace ne peut faire l'objet d'aucune appropriation par des États et donc par une souveraineté étatique. À partir de ce constat il peut être intéressant de se

    149 JEAN-PAUL PANCRACIO, « Droit de la mer », Dalloz, Précis, 1er édition, 2010, p. 335.

    150 Section 2, A de ce chapitre.

    151 Supra chapitre 1.

    152 Article 136 CNUDM : « La Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l'humanité »

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    demander comment juridiquement il serait possible que la Zone puisse accueillir l'activité de stockage du dioxyde de carbone. La Zone est gérée par les États via une institution internationale dénommé l'AIFM et dont le but est de permettre une meilleure gestion et le partage des ressources que contiennent les grands fonds marins, le tout en un modèle de « coopération internationale en vue du développement général de tous les pays »153. En 1994, le nouveau régime a pu permettre l'acceptation d'une exploitation applicable des ressources disponibles sur place avec la délivrance de permis de recherches scientifiques et d'explorations qui va bientôt arriver à échéance et laisser sa place à des permis d'exploitation. Il semble alors possible que l'AIFM puisse faire applicable du Protocole de 1996, auquel elle peut consentir en tant qu'institution internationale. Néanmoins, il y a en l'espèce un problème de qualification de l'exploitation qui ne permet pas un encadrement suffisant de l'activité pour une protection du milieu marin. C'est à ce moment précis qu'intervient le principe de prévention, déjà de mise car il s'agit d'un élément central de la Convention de Londres de 1972 et depuis le Protocole de 1996 il faudra noter l'intégration du principe de précaution.

    Section 2 - Un encadrement insuffisant pour la protection du
    milieu marin

    Les dimensions institutionnelles sont bien présentes et potentiellement prêtes à accueillir l'activité de stockage du CO2. Néanmoins c'est dans l'application du droit que les problématiques peuvent apparaître notamment à travers l'absence de l'utilisation des études d'impact (A) et la faible prise en compte de ce stockage dans les cadres régionaux et nationaux (B).

    A - L'absence de l'utilisation des études d'impact pour le stockage du CO2

    L'étude d'impact est un outil important pour la mise en oeuvre de principes juridiques tels que la prévention ou la précaution permettant une protection effective du milieu marin. Ces dernières se matérialisent par des études d'impact détaillées qui doivent se fonder sur la description d'un état initial des sites dont l'exploitation est envisagée sur : « des données fiables couvrant tous les compartiments de l'environnement marin (faune et flore, sédiments,

    153 JEAN-PAUL PANCRACIO, « Droit de la mer », Dalloz, Précis, 1er édition, 2010, p. 337.

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    colonne d'eau) »154. En remarque préliminaire il convient de préciser que la responsabilité appartient aux exploitants des ressources minières des fonds marins d'après les règlementations nationales pour ce qui concerne la ZEE et internationale pour l'AIFM. Ce sont donc à ces dernières qu'il revient de rédiger ces études d'impact. La seconde remarque s'oriente davantage sur la terminologie « d'exploitation ». En effet, l'exploitation n'est définie dans aucun texte en tant que telle, et tels que son rédigés les textes à l'heure actuelle, il semble que l'exploitation ne puisse que permettre le prélèvement de ressources minérales ou biologiques. La question est ouverte quant à l'exploitation d'un site en tant que zone de stockage pour le dioxyde de carbone. Cette dernière pourrait-elle être l'immersion et le piégeage des GES au sein de couches géologiques ou cavités précédemment exploitées pour le prélèvement des ressources. Il faudrait alors opérer deux définitions claires de l'exploitation. L'une serait l'exploitation-prélèvement et l'autre serait l'exploitation pour stockage. La scission ne serait pas absurde et pourrait faire partie intégrante du Protocole de 1996 car il ne se limiterait donc pas uniquement à l'immersion et à l'enfouissement des GES. Le cadre serait alors plus clair sur la notion même de ce qu'est une exploitation.

    La problématique qui se pose principalement est la capacité des responsables à effectuer des études d'impact en appliquant les principes mis en place par le droit, que ces derniers se trouvent au sein du Code minier établit par l'AIFM ou encore le Protocole de Londres qui devrait indéniablement être pris en compte par l'Autorité. Cela a déjà été remarqué, l'état des connaissances sur les grands fonds marins est très faible ce qui ne peut encore permettre aux entreprises qui patronnent, aujourd'hui pour l'exploration, demain pour l'exploitation155, d'effectuer des évaluations d'impact suffisantes et détaillées. De plus, l'étude d'impact nécessite encore une fois une approche écosystémique sur l'ensemble de la zone qui sera choisie pour l'immersion du CO2 mais également une approche systémique en droit. C'est-à-dire qu'en plus de prendre en compte les principes de droits de l'environnement dans l'étude à faire, il y a la nécessité d'y ajouter les « process industriels, qui pour la plupart, sont confidentiels et/ou en cours de développement »156. Pour aller plus loin, le droit de

    154 JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY ET JEAN-MARC SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore difficile », Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.

    155 A condition d'accepter l'enfouissement comme un des aspects de l'exploitation.

    156 JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY et JEAN-MARC SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore difficile », Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.

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    l'environnement se retrouvera confronté, au sein d'un document au droit de la propriété intellectuelle et ce sans évoquer les différentes échelles de la pyramide de Kelsen. C'est probablement cette complexité qui marque le faible nombre d'études d'impact aujourd'hui disponibles, et ce chiffre est d'autant plus faible quand il s'agit de trouver des études d'impact accessibles à tous. L'information ne semble plus être un principe environnemental lorsqu'il est question de l'exploitation de ressources157. De plus, l'AIFM impose aux signataires d'effectuer et de respecter des mesures d'évitement, de réduction et de gestion durant les explorations des gisements (ou passablement des sites de stockage), mais n'a encore rien réglementé pour encadrer les études d'impact concernant les exploitations commerciales158.

    Pour mieux opérer la faible réglementation autour de l'étude d'impact il est utile d'étudier successivement la législation française159 et la législation établie par l'AIFM.

    D'une part la France a opéré des réformes en 2011 sous l'impulsion du Grenelle de l'Environnement. L'évaluation environnementale a été enrichie au cours de l'année 2016 par une ordonnance160. Ainsi le contenu de l'étude d'impact a été renforcé permettant en outre d'accueillir les situations de changement climatique. Cette réforme a également : « modifié le champ des projets et programmes soumis à une évaluation environnementale systématique ou à une évaluation réalisée »161, selon l'espèce. Il en résulte que le tableau annexé à l'article R. 122-2 du Code précité (modifié par le décret n°2016-1110 du 11 août 2016) affiche donc le cadrage de l'évaluation environnementale obligatoire pour les opérations d'extraction marine de minéraux. Encore une fois, la loi ne permet pas d'accueillir une exploitation au sens de l'activité de stockage du CO2. Néanmoins, les activités sont plutôt proches et permettent d'imaginer une analogie entre un régime existant et un régime à construire.

    D'autre part, l'AIFM compte parmi ses missions celle de réglementer l'exploitation minière des grands fonds marins localisée en dehors de la juridiction nationale162 et de veiller à la préservation du milieu marin contre les effets nocifs de l'exploration et de l'exploitation future. Pour arriver au terme de ses missions, l'AIFM a mis en place le Code minier qui

    157 Convention d'Aarhus signée le 25 juin 1998 et entrée en vigueur le 30 octobre 2001.

    158 RICHARD MAHAPATRA et ANUPAM CHAKRAVARTTY , « Mining at deep sea », Down to Earth 1, 2014 : http://www.downtoearth.org.in/coverage/mining-at-deep-sea-46049

    159 Pour sa ZEE.

    160Ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016.

    161JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY et JEAN-MARC SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore difficile », Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.

    162C'est-à-dire la Zone international des fonds marins, qualifié de patrimoine commun de l'humanité.

    89

    regroupe des règles détaillées concernant les activités minières. Ce dernier impose au sein des contrats effectués avec les entreprises d'exploration et d'exploitation, une évaluation des impacts environnementaux issus de leurs activités163. Ce dernier évoque : « l'exploration des minéraux » et ne semble pas pouvoir accueillir l'hypothèse d'un enfouissement du dioxyde de carbone. Cette absence est confirmée notamment par une liste des activités nécessitant une évaluation préalable de leurs impacts sur l'environnement et la mise en oeuvre d'un programme de surveillance pendant et après le déroulement de l'activité en question a été décidée164. Ainsi, deux décisions portent sur les points suivants :

    « -prélèvements à étudier à terre du point de vue de leur extraction et de leur traitement, si l'aire d'échantillonnage de chaque opération est supérieure à la limite fixée dans les recommandations propres à certaines ressources minérales ;

    -utilisation de systèmes destinés à provoquer des perturbations au fond,

    -essais des procédés et matériels de ramassage,

    -activités de forage au moyen d'appareils de forage embarqués, échantillonnage de roches,

    -prélèvements par traîneau, drague ou chalut épibenthique, à moins qu'ils ne soient autorisés pour des surfaces inférieures à la limite fixée dans les recommandations propres à certaines ressources minérales. »

    Au final, il serait possible d'opérer une analogie à la vue d'activités qui entre dans le champ de l'enfouissement du dioxyde carbone à l'instar des activités de forage ou d'échantillonnage. Mais l'activité d'enfouissement du CO2 mériterait, au vu des risques en présence, une réglementation clairement définie par une Convention. De son côté, le Protocole de 1996 permet un encadrement sur ce point mais qui apparaît encore léger.

    En effet, l'article 9 du Protocole dispose de la délivrance des permis et des notifications. Ce dernier établit l'obligation pour les Parties de : « surveiller individuellement ou en collaboration avec d'autres Parties contractantes et les organisations internationales

    163Voir le document ISBA/19/ LTC/8.

    164Commission juridique et technique de l'AIFM - Recommandations à l'intention des contractants en vue de l'évaluation d'éventuels impacts sur l'environnement liés à l'exploration des minéraux marins dans la Zone, n°13-24714, 2013.

    90

    compétentes l'état des mers au fins du présent Protocole »165. Il s'agit en l'espèce d'une obligation de contrôle a posteriori. Cela peut être efficace mais entre en contradiction avec les modifications apportées à la Convention par le Protocole en 1996 comme l'introduction de : « l'approche de précaution en matière de protection de l'environnement contre l'immersion de déchets ou autres matières » et qui réaffirme les critères de cette dernière dans son article 3.1166. Ainsi il serait judicieux de la part de la part des rédacteurs, de mettre en place par cet outil juridique une évaluation d'impact avec des principes généraux pour les déchets de manières indifférenciés et ensuite des règlementations plus spécifiques issues de recommandations scientifiques167. La mise en place d'une telle mesure achèverait de moderniser l'application des principes existants et renforcerait l'action préventive. Ceci-dit, les instruments régionaux et nationaux ne sont pas davantage préparés à accueillir cette nouvelle activité de manière sécurisée pour le milieu marin.

    B - Des cadres régionaux et nationaux incomplets

    Il a été vue l'articulation possible du Protocole de 1996 notamment au niveau international. Néanmoins ce dernier permet aux Etats parties d'aller plus loin dans les mesures déjà définies. Ainsi il serait possible d'imaginer la présence de l'étude d'impact manquante au sein de la législation de l'UE, Française mais également Norvégienne pour exemple.

    Concernant l'UE, une directive a été adoptée le 23 avril 2009168 sur le stockage géologique du dioxyde de carbone. Cette directive avait pour objectif de poser un cadre pour le CCS169 afin de répondre à :

    L'objectif final de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui a été approuvée par la décision 94/69/CE du Conseil du 15 décembre 1993(3) JO L 33 du 7.2.1994, p. 11 est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute

    170

    perturbation anthropique dangereuse du système climatique.

    165Article 9 du Protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières.

    166Article 3.1 du Protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres matières

    167Supra Partie 2, Chapitre 1, Section 2, B.

    168DIRECTIVE 2009/31/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009 relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil

    169Carbon Capture and Storage, capture du dioxyde de carbone et stockage, traduction de P. ROGÉ.

    170Considérant n°1 de la directive 2009/31/CE.

    91

    Ce considérant permet donc d'inscrire la directive dans un cadre plus global. Ainsi, il est possible de se demander si des liens sont opérés entre cette directive et les autres outils permettant la mise en oeuvre de la protection du milieu marin concernant l'enfouissement du dioxyde de carbone. La CNUDM est citée dès l'article 2 afin de délimiter le champ géographique dont il a d'ores et déjà été question. Au-delà de cette question l'article 3 de la directive marque rapidement une avancée extrêmement bénéfique au sein de ses définitions. Il est ainsi possible de retrouver la définition de stockage géologique du CO2 qui exclut donc les « lacs » sous-marin afin d'éviter une contamination de la colonne d'eau, elle-même définie comme : « la masse d'eau continue comprise verticalement entre la surface et les sédiments du fond ».

    Les définitions les plus pertinentes du point de vue de ce qui a été étudié sont celles ayant trait à l'exploration et à l'exploitation.

    D'une part, l'exploitation est définie comme étant :

    « L'évaluation des complexes de stockage potentiels aux fins du stockage géologique du CO2 au moyen d'activités menées dans les formations souterraines telles que des forages en vue d'obtenir des informations géologiques sur les strates contenues dans le complexe de stockage potentiel et, s'il y a lieu, la réalisation de tests d'injection afin de caractériser le site de stockage. »

    Cette dernière inclut donc des activités de forage nécessaires à l'étude des couches géologiques afin de déterminer les risques sur les sites de stockage probables. Cette définition permet également aux personnes morales privées ou publiques en charge de cette mission d'effectuer des essais d'injection de ce gaz. Il faut relever le caractère ambivalent de cette mesure. D'un côté, elle pourrait s'associer à une étude d'impact car elle est réalisée préalablement à un stockage sur un site déterminé. Néanmoins la directive n'établit pas d'étude d'impact en tant que telle et cette définition semble laisse trop de champ libre aux essais pour être qualifiée elle-même d'évaluation d'impact. De même l'exploitant est ici défini et marque ainsi la possibilité au sein de l'UE d'être qualifié d'exploitant lorsqu'une personne physique ou morale pratique l'activité d'enfouissement du dioxyde de carbone. Cette définition indique donc que l'exploitant est : « toute personne physique ou morale, du secteur public ou privé, qui exploite ou contrôle le site de stockage ou qui, en vertu de la

    92

    législation nationale, s'est vu déléguer un pouvoir économique déterminant à l'égard du fonctionnement technique de ce site de stockage », c'est-à-dire que contrairement au cadre de l'AIFM, l'UE est apte à considérer un exploitant comme capable de gérer un site d'enfouissement et non plus uniquement de mener des activités de prélèvement de ressources comme une activité minière.

    Pour le reste de la règlementation, l'UE s'inspire globalement du Protocole de 1996 notamment dans un fonctionnement de qualification d'immersion de déchets avec un mécanisme de délivrance de permis de stockage qui doivent répondre à des obligations strictes, notamment de surveillance171. La Commission européenne s'est engagée avec des acteurs industriels dans une démarche de « démonstration » du CCS en appuyant la création de dix démonstrateurs à grande échelle d'ici à 2015. Sujet de débats houleux et de conflits locaux concernant les risques liés aux fuites de CO2 à court terme (acidification de milieux de surface ou de nappes souterraines) ou à long terme (manque d'efficacité dans la lutte contre le changement climatique), la démarche est malgré tout entreprenante et permet de faire avancer la réglementation et les recherches scientifiques sur les méthodes d'enfouissement.

    Sur les plans nationaux la question de l'application est également à évoquer. La Norvège est le premier Etat au monde à avoir pratiqué l'enfouissement du CO2 et se dit prêt à être en capacité de le faire pour ses voisins européens. Ainsi, un exemple de leur pratique ancienne est le site de Sleipner. En effet, l'opérateur de la plate-forme pétrolière sépare le CO2 contenu dans le gaz naturel (9 %), et l'enfouit depuis 1996 dans une couche géologique à environ mille mètres de profondeur.

    Le CSA172 a permis aux entreprises d'exploiter les ressources naturelles sous marines dans le territoire du la Norvège. Un Décret Royal de mars 2009 basé sur la section 2 et 3 du CSA a ainsi pu établir des textes plus avancés encore que ceux de l'UE173. Ces derniers consistent notamment à atteindre des objectifs d'exploration, de développement et des opérations dans les formations géologiques sous-marines tout en encadrant davantage le stockage du CO2 dans ces formations géologiques concernant l'autorité du ministre du pétrole et des énergies et dans le but de la sécurité du transport et du stockage sous l'autorité du ministre du travail.

    171Article 13 de la directive 2009/31/CE. 172The Norwegian Continental Shelf Act. 173 https://content.next.westlaw.com/Document/I8417b1a01cb111e38578f7ccc38dcbee/View/FullText.html?cont extData=(sc.Default)&transitionType=Default&firstPage=true&bhcp=1.

    93

    Néanmoins la critique majeure à opérer est toujours l'absence de l'étude d'impact qui ne permet pas une application sereine des principes de prévention et de précaution même si ces derniers sont intégrés et acceptés par l'UE. Cela ne permet que de créer le doute quant à la valeur de ce type de projet et de marquer le désaccord de certaines ONG à l'instar de Greenpeace qui pose clairement son opposition à l'enfouissement du CO2174.

    Enfin, la France a simplement ratifié la directive CCS de l'UE le 10 mai 2010 et a donc incorporées ces règles dans les articles L.229-27 à L.229-31 du Code de l'environnement sous la section des gaz à effet de serre, qui marque également des renvois au Code minier notamment dans la gestion des ressources du sous-sol.

    174 https://www.greenpeace.org/usa/wp-content/uploads/legacy/Global/usa/report/2009/2/carbon-dioxide-capture-and-sto.pdf.

    94

    95

    Conclusion

    Les océans sont de puissants écosystèmes qui participent à la régulation du climat. En ce sens ils mériteraient d'être davantage considérés dans les instruments juridiques climatiques qui laissent bien souvent une place importante aux forêts mais surtout à des mécanismes économique de marché. Cette régulation du climat peut elle-même intervenir de la main de l'être humain, notamment au travers la géoingénierie dont les deux pendants principaux seront le captage puis l'enfouissement du dioxyde de carbone et la fertilisation de l'océan ; pour augmenter artificiellement les mécanismes d'absorption des GES par ces derniers. Beaucoup de questions restent en suspend même s'il est d'ores et déjà possible d'affirmer que le droit n'est pas assez systémique pour permettre une protection efficaces dans les deux cas de figures que sont le droit du climat et les activités humaines en mer permettant la régulation du climat. Pourtant, il existe en l'espèce des mécanismes intéressants qui ne mériteraient que d'être complétés afin de créer les liens dont les droits ont besoin afin de s'inspire et de créer de l'effectivité. L'exemple à donner est par exemple l'inexistence pour l'immersion et le stockage du CO2, d'études d'impact encadrées et obligatoires qui permettaient d'avoir une vision plus globale de l'activité.

    Néanmoins que ce soit au sein du droit du climat ou des règlementations des activités, dès lors que la science ne peut prédire avec précision les conséquences à venir, le droit rencontre des difficultés à répondre à des menaces qui sont soit insaisissable, soit incertaines dans le temps. Par ailleurs, il s'agit souvent moins d'incertitudes que de l'absence d'une volonté politique qui tient coûte que coûte à maintenir le droit au service de l'économie plutôt qu'au service de l'être humain en préservant son environnement.

    Nombre de réflexions et de modifications restent à faire pour adapter le système juridique actuel à la situation de crise climatique à laquelle le monde est confronté. Si cela semble est impossible, il faudra alors s'interroger sur la nécessité de changer le système.

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    Annexe 1 :

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    105

    TABLES DES MATIÈRES

    INTRODUCTION 11

    PARTIE 1 - LES OCÉANS SUJETS DE PROTECTION CONTRE

    LES EFFETS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 23

    CHAPITRE 1 - L'EXISTENCE DE SOURCES DIVERSES DE PROTECTION DES OCÉANS 23

    SECTION 1 - LA PROBLÉMATIQUE DES INSTRUMENTS DE SOFT LAW 24

    A - Une évolution sectorielle et politique de la soft law environnementale 24

    B - La portée problématique de l'Accord de Paris pour les océans 28

    SECTION 2 - LA NÉCESSITÉ D'UNE HARD LAW NONOBSTANT UNE FAIBLE EFFECTIVITÉ 32

    A - L'état de la législation internationale sur le climat et les océans 33

    B - L'opportunité de créer des liens concrets entre les différents régimes 36

    CHAPITRE 2 - LES SOLUTIONS PEU EFFECTIVES POUR LA PROTECTION DES OCÉANS 41

    SECTION 1 - DES CONVENTIONS SECTORIELLES APPORTANT DES SOLUTIONS ÉPARSES 41

    A - La volonté d'anticiper et de répondre aux risques pour l'environnement 41

    B - La préférence politique pour un droit de l'environnement répondant aux enjeux

    économiques 46

    SECTION 2 - LA CONSTRUCTION D'UN DROIT SYSTÉMIQUE PAR LES PRINCIPES DU DROIT DE

    L'ENVIRONNEMENT ? 50

    A - L'apport des principes pour les océans et le climat 50

    B - L'application délicate des principes pour une approche globale 54

    PARTIE 2 - LA PROTECTION DES OCÉANS À TRAVERS LE

    PRISME DE LA RÉGULATION DU CLIMAT 59

    CHAPITRE 1 - LE PROBLÈME DE L'ENCADREMENT DES ACTIVITÉS PAR LE DROIT 60

    SECTION 1 - L'ABSENCE DE LIEN CONCRET ENTRE LES DIFFÉRENTES INSTITUTIONS EN

    PRÉSENCE 60

    106

    A - Des institutions présentes mais sectorielles 60

    B - Des outils juridiques incomplets pour protéger le milieu marin 65

    SECTION 2 - LES PROPOSITIONS DE SOLUTIONS INSTITUTIONNELLES POUR UN CADRE PLUS

    PROTECTEUR 69

    A - La nécessité d'établir des communications effectives entre les zones 70

    B - Le besoin d'un cadre juridique plus scientifique 72

    CHAPITRE 2 - L'EXISTENCE D'UN DROIT TROP ACCOMMODANT POUR ASSURER LA PROTECTION DE L'OCÉAN EN TANT QUE RÉGULATEUR DU CLIMAT : L'EXEMPLE DE

    L'ENFOUISSEMENT DU CO2 77
    SECTION 1 - UNE QUALIFICATION TROP LARGE POUR APPORTER DES GARANTIES SUFFISANTES

    78

    A - L'absence de définitions matérielles autour de l'enfouissement 78

    B - Un champ d'application géographique fractionné 82

    SECTION 2 - UN ENCADREMENT INSUFFISANT POUR LA PROTECTION DU MILIEU MARIN 86

    A - L'absence de l'utilisation des études d'impact pour le stockage du CO2 86

    B - Des cadres régionaux et nationaux incomplets 90

    CONCLUSION 95

    BIBLIOGRAPHIE 99






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore