FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES DE
NANTES
Les océans face au réchauffement
climatique
Mémoire de recherche
Master II Droit et Sécurité des Activités
Maritimes et Océaniques
Présenté et soutenu par
Pierrick Rogé
Sous la direction de Madame Odile DELFOUR-SAMAMA
Maître de conférence HDR
Année
universitaire 2017-2018
2
3
« La faculté de droit et des sciences
politiques de l'Université de Nantes n'entend donner
aucune
approbation ni improbation aux opinions contenues dans ce mémoires, ces
opinions
doivent être considérées comme propres à
leur auteur »
4
5
Remerciements
Je tiens à remercier Madame Odile Delfour-Samama,
Maître de conférence HDR à l'Université de Nantes,
pour m'avoir encadré dans ce travail de recherche.
Je tiens également à remercier Clara, qui
m'a été d'une immense dans la correction de ce
travail.
Mes remerciements vont, en outre, à l'ensemble du
corps professoral du Centre de droit maritime et océanique de
l'Université de Nantes.
Enfin, pour leur aide indirecte et morale, je voudrais
particulièrement remercier ma mère et mes amis.
6
7
Sommaire
INTRODUCTION 11
PARTIE 1 - LES OCÉANS SUJETS DE PROTECTION
CONTRE
LES EFFETS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
23
CHAPITRE 1 - L'EXISTENCE DE SOURCES DIVERSES DE
PROTECTION DES OCÉANS 23
SECTION 1 - LA PROBLÉMATIQUE DES INSTRUMENTS
DE SOFT LAW 24
SECTION 2 - LA NÉCESSITÉ D'UNE HARD LAW
NONOBSTANT UNE FAIBLE EFFECTIVITÉ 32
CHAPITRE 2 - LES SOLUTIONS PEU EFFECTIVES POUR LA
PROTECTION DES OCÉANS 41
SECTION 1 - DES CONVENTIONS SECTORIELLES APPORTANT DES
SOLUTIONS ÉPARSES 41
SECTION 2 - LA CONSTRUCTION D'UN DROIT SYSTÉMIQUE
PAR LES PRINCIPES DU DROIT DE
L'ENVIRONNEMENT ? 50
PARTIE 2 - LA PROTECTION DES OCÉANS À
TRAVERS LE
PRISME DE LA RÉGULATION DU CLIMAT 59
CHAPITRE 1 - LE PROBLÈME DE L'ENCADREMENT DES
ACTIVITÉS PAR LE DROIT 60
SECTION 1 - L'ABSENCE DE LIEN CONCRET ENTRE LES
DIFFÉRENTES INSTITUTIONS EN
PRÉSENCE 60
SECTION 2 - LES PROPOSITIONS DE
SOLUTIONS INSTITUTIONNELLES POUR UN CADRE PLUS
PROTECTEUR 69
CHAPITRE 2 - L'EXISTENCE D'UN DROIT TROP ACCOMMODANT POUR
ASSURER LA PROTECTION DE L'OCÉAN EN TANT QUE RÉGULATEUR DU CLIMAT
: L'EXEMPLE DE
L'ENFOUISSEMENT DU CO2 77
SECTION 1 - UNE
QUALIFICATION TROP LARGE POUR APPORTER DES GARANTIES SUFFISANTES
78
SECTION 2 - UN ENCADREMENT INSUFFISANT POUR LA PROTECTION
DU MILIEU MARIN 86
CONCLUSION 95
BIBLIOGRAPHIE 99
8
9
Principaux sigles et abréviations
·
·
·
|
AIFM Autorité internationale des fonds marins
(Autorité)
AMP Air marine protégée
CCNUCC Convention-cadre des Nations unies sur les
changements
climatiques
|
·
|
CCS
|
Carbon Capture and Storage
|
·
|
CDB
|
Convention sur la diversité biologique
|
·
|
CIJ
|
Cour internationale de justice
|
·
|
CNUDM
|
Convention des Nations unies sur le droit de la
mer
|
·
|
CO2
|
Dioxyde de carbone
|
·
|
COP
|
Conférence des Parties
|
·
|
CSA
|
Norwegian Continental Shelf Act
|
·
|
GES
|
Gaz à effet de serre
|
·
|
GIEC
|
Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat (IPCC)
|
·
|
IUCN
|
Union internationale pour la conservation de la
nature
|
·
|
OMI
|
Organisation maritime internationale
|
·
|
ONG
|
Organisation non-gouvernementale
|
·
|
ORGP
|
Organisation régionale de gestion de la
pêche
|
·
|
OSPAR
|
Convention pour la protection du milieu marin de
l'Atlantique du Nord-Est
|
·
|
TIDM
|
Tribunal international du droit de la mer
|
·
|
UE
|
Union européenne
|
·
|
ZEE
|
Zone économique exclusive
|
·
|
Zone
|
Zone internationale des fonds marins
|
10
11
« We cannot solve a crisis without treating it
as a crisis. If solutions within the system are
impossible to find, then we
should change the system itsefl » GRETA THUNBERG
Introduction
La fin de l'année 2018 et le début de
l'année 2019 ont été ponctués d'une
actualité plutôt brûlante sur le réchauffement
climatique notamment médiatisé au travers des marches pour le
climat. Ces manifestations se sont réalisées partout dans le
monde et démontrent qu'à l'instar du problème posé,
les volontés de ralentir, voire d'arrêter le processus, sont
également mondiales. La question pourrait se poser de savoir quel est
l'intérêt de réguler ces changements majeurs à
l'aube du XXIe siècle.
La réponse se trouve à travers le prisme
des différentes sciences qui alertent des conséquences d'ores et
déjà arrivées, en cours et évidemment futures. Le
cadre ainsi défini se dénomme Anthropocène et ce dernier
est donc une période géologique déterminée dans le
temps pour indiquer le moment où les activités humaines ont
commencé à impacter globalement l'écosystème
planétaire. Cette période est ainsi définie comme
débutant en 1784, qui se trouve être la date du dépôt
du brevet de la machine à vapeur. Cette datation a été
établie par le météorologue Paul Josef Crutzen dans un
article de décembre 20071. Il est important d'établir
cette période car elle a été une base scientifique de
référence extrêmement importante pour les organismes comme
le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
(GIEC)2 ou encore l'Union internationale pour la conservation de la
nature (IUCN)3 qui est une organisation internationale à
l'instar de Greenpeace mais qui a la particularité d'accueillir des
États en son sein.
En effet depuis que l'Homme a débuté ses
activités industrielles de nombreux changements sont intervenus sur la
planète. Les changements les plus marquants sont évidemment les
plus visibles dans un premier temps. Parmi ceux là il est possible
d'évoquer la fonte des glaces, que celles-ci proviennent de l'Arctique,
de l'Antarctique, ou encore celles issues des nombreux glaciers situés
dans diverses montagnes. Par exemple, le rythme de la
1WILL STEPHEN, P. J.
CRUTZEN, JOHN MC NEILL, « The Anthropocene : Are Humans now Overwhelming
the Great Forces of Nature? », Ambio, n° 36, décembre 2007, p.
614-621
2IPCC en anglais :
https://www.ipcc.ch/ 3IUCN en anglais :
https://www.iucn.org/
12
fonte des glaces en Arctique n'a jamais
été aussi rapide et il aura suffit moins de vingt ans pour que ce
territoire perde 1,6 millions de km2 de glace4. La
première conséquence évidente de ces fontes est la
montée des eaux. En effet, la montée des eaux est une
catastrophes tant sur le plan environnemental que sur le plan humain. Il a
été constaté que le niveau de l'océan avait
augmenté de presque vingt centimètres depuis le début du
XXe siècle. Les différents rapports établissent
que durant le siècle prochain cette augmentation pourrait atteindre 90
centimètres à 1,60 mètres, ce qui engendrerait des
déplacements de populations colossales et ferait de ces personnes des
réfugiés climatiques dont le statut non reconnu amène son
lot de questions juridiques. La seconde conséquence est un
bouleversement des courants comme le Gulf Stream ou le courant Est-Australien
qui participent aujourd'hui à réguler le climat et qui offrent
des zones de reproduction à certaines espèces constituant des
ressources halieutiques.
L'autre changement palpable est une augmentation de la
température globale de la planète. Ce constat a été
justement fait à partir de la période pré-industrielle
afin de déterminer un état d'origine et une base à
laquelle se référer. Il indique qu'à l'heure actuelle la
température a sensiblement augmenté de 1°C. A priori
cela peut paraître relativement peu mais suffit à engendrer
une évaporation plus importante des eaux de la mer et ainsi
générer des cyclones et des tempêtes à la fois plus
fortes et plus régulières. La dernière en date qui a
vraiment marqué les esprits est le cyclone Idai qui a eu lieu
du 4 mars au 21 mars 2019 et qui fait état de presque mille morts et
d'importants dégâts matériels. D'après Johan
Rockström nous sommes bel est bien sortis « d'un espace de
fonctionnement sécurisé 5 » de la
planète.
Il s'agit de la thématique abordée par
le GIEC dans son rapport spécial approuvé lors de la
48e réunion du GIEC à Incheon (Corée du Sud) le
6 octobre 2018. Le GIEC ou Groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat a été créé de
manière conjointe par l'Organisation météorologique
mondiale et le Programme des Nations Unies pour l'environnement en 1988 avec
pour principale mission d'apporter une aide aux décisions politiques
tant au niveau international que national.
4JULIA PEREZ, «
Etat des lieux de la fonte des glaces » dans le cadre de
l'Organisation mondiale pour la protection :
https://www.ompe.org/etat-des-lieux-de-la-fonte-des-glaces/
5JOHAN ROCKSTRÖM ET
AL., »A safe operating space for humanity », Nature, Vol
461/24, September 2009, p. 473.
13
Ce rapport6 se divise en quatre parties
dont la première s'attarde à détailler les causes et le
fonctionnement même du réchauffement climatique afin de poser une
base aux explications scientifiques qui suivront. Il y est notamment
spécifié que le réchauffement actuel pourrait entrer dans
une phase hypothétique où les émissions de dioxyde de
carbone seraient amenées à zéro, le réchauffement
se poursuivrait automatiquement à cause d'un dérèglement
global. Il y est expliqué qu'une limitation de l'augmentation à
1,5°C par rapport à la période préindustrielle
permettrait de limiter grandement les dégâts, même si
certains d'entre eux sont d'ores et déjà bien
avancés7. Les conséquences qui s'en suivraient
seraient une augmentation des météorologies extrêmes en
certains endroits de la planète, passant ainsi de nombreuses
précipitations à des sécheresses totales. Ces conditions
vont nécessairement avoir des conséquences sur les
activités humaines que celles-ci soient dans les infrastructures,
l'agriculture ou l'exploitation de certaines ressources. Une des plus tragiques
conséquences serait la destruction permanente de certains habitats et
refuges pour la biodiversité et les écosystèmes. L'exemple
a donner est celui de l'absorption par l'océan du dioxyde de carbone
amenant ce dernier au phénomène d'acidification, limitant ainsi
grandement la reproduction du plancton et de certaines espèces
halieutiques. Ainsi comme le rapport le précise : « A high rate
of global warming reduces the chances that species can adapt, as they do not
have enough time for adaptation », affirmant donc la volonté
de ralentir ce processus.
Dans la deuxième partie du rapport le GIEC
opère une comparaison des conséquences possibles entre une
augmentation de la température globale limitée à
1,5°C et 2°C. Il ne fait aucun doute que la différence est
importante. Par exemple, les pays en bordure de la Méditerranée
ainsi que les pays Africains vont voir trois fois plus de vagues de chaleur
qu'aujourd'hui dans l'hypothèse d'une limitation à 1,5°C.
Les changements majeurs dans les écosystèmes ont 50% de risques
en plus d'avoir des difficultés d'adaptation et donc de
disparaître. C'est une importante quantité de solutions de
recherches scientifiques pouvant améliorer le quotidien de l'être
humain qui serait alors perdue. Cette affirmation s'opère tant pour les
forêts que les océans dont le rôle est probablement le plus
important. Malheureusement ce dernier n'est pas le plus
appréhendé par le droit du climat comme il sera vu8.
Pourtant l'océan est un important puits de carbone puisqu'il
détient une capacité bien supérieure à celle de
l'atmosphère pour aborder le carbone. Il est question d'une
augmentation
6GIEC, Rapport Spécial
sur une augmentation de la température de 1,5°, 6 octobre
2018.
7Comme la disparition de
70% à 90% des récifs coralliens d'ici 2050 dans
l'hypothèse d'une augmentation limitée à
1,5°.
8Infra Partie 1
14
d'environ 50%. Cette capacité n'est alors pas
sans conséquence dans un environnement naturellement systémique.
En effet, le CO2 absorbé par les océans entraine une
acidification de ces derniers. Cette acidification a pour effet d'appauvrir
considérablement la capacité des espèces halieutiques ou
biologiques à se développer et se reproduire. À terme,
c'est la disparition de beaucoup d'espèces qui pourra être
constatée dans le cadre de l'Anthropocène et de la sixième
extinction de masse que l'Homme a ainsi déclenchée.
Cette comparaison est nécessaire car elle
permet d'analyser et de mesurer les impacts à différents niveaux
de notre civilisation, comme l'affirme le GIEC en précisant : «
In combination, the greater physical changes at warming of 2°C as
opposed to 1.5°C lead to greater risks to livelihoods, food and water
security, human health and security, and economic growth.», marquant
ainsi la dépendance de l'être humain dans ces ressources
halieutiques et biologiques qui contribuent à la fois à la
santé et à l'alimentation de ces derniers.
La suite logique de l'analyse de ce rapport, et celle
qui méritera l'un des plus grands intérêts d'un point de
vue juridique, est l'établissement de solutions pour atteindre
l'objectif urgent de limiter le réchauffement climatique à
1,5°C. La question que pose cette partie du rapport est la suivante :
« How can the warming be limited to 1,5°C ?», et pour
cela il faut comprendre que le réchauffement qui est actuellement
constaté est la conséquence directe des émissions de CO2
relâché dans l'atmosphère. Ainsi, le GIEC n'hésite
pas à citer les Accords internationaux sur le climat pour
préciser que l'objectif de notre temps n'est pas de retrouver les
températures existantes à l'ère pré-industrielle
mais bel et bien d'arrêter toute progression de ce réchauffement.
Cette vision des choses, bien que déjà ambitieuse est
peut-être regrettable quand on sait que l'environnement prévoit
dans certains cas une remise en état des milieux dégradés.
Il serait envisageable bien que cela soit extrêmement amphigourique,
d'envisager de tels résultats afin d'établir des plans d'action
beaucoup plus rapides. Cela n'évite pas le fait que, même si les
émissions étaient nulles, la désintégration du CO2
serait si lente que ce qui a été émis juste qu'alors aura
tout de même des impacts sur des centaines voire des milliers
d'années. La solution apportée par le GIEC est donc la suivante
:
« We need to effectively stop releasing CO2
into the atmosphere. There are two ways we can achieve this. We can actually
reduce our emissions to zero ; or we can effectively do so by substantially
reducing them and then offsetting remaining emissions by using technology
and/or biological means to remove CO2 from the
15
atmosphere - with the overall effect being as though
we were not emitting CO2 at all. »
Il est donc nécessaire soit d'atteindre un
objectif d'émission nulle, soit de les réduire majoritairement,
et de les coupler d'une part avec l'utilisation de biotechnologies (pouvant
faire une référence directe à la fertilisation des
océans), et d'autre part à la géo-ingénierie
(à l'instar du captage et de l'enfouissement du CO2). Ainsi
l'idée principale qui se dégage de cette partie du rapport est
que les solutions ne manquent pas et que les objectifs ainsi prescrits sont
complètement atteignables bien qu'il faille engager des politiques
d'actions très efficaces. Cela ne semble pas être le cas comme le
constate directement le GIEC en précisant : « We are not on
track to limit warming to 1.5°C; in fact, current emission reduction
pledges made by nations in the Paris Agreement would lead to warming of
3-4°C by the end of this century ». Ce constat semble
plutôt alarmant et donne une vision complètement inutile de
l'Accord de Paris pourtant présenté comme un outil juridique et
politique majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Fort
heureusement, il est également précisé que : «
the Paris Agreement has a mechanism that allows countries to raise their
level of ambition for emission reductions over time », affirmant
ainsi que la prise de conscience internationale doit passer par des actions
nationales on ne peut plus concrètes. Il s'agit là probablement
de la raison pour laquelle des procès climatiques se développent
au travers du globe9 qui reste le sujet de nombreux
questionnements.
Au final, de manière pratique dans un premier
temps il convient d'après le GIEC de réduire l'énergie
globale, la demande matérielle et de nourriture. Cela permettrait de
préciser que dans les développements qui vont suivre il ne sera
ainsi pas question de s'attarder sur les moyens juridiques qui permet par
exemple de réduire les émissions de gaz à effet de serre
se dégageant des navires. Ces outils sont apportés par
différentes conventions qui émergent des discussions en
provenance de l'OMI10. En effet, un cargo à l'heure actuelle
émet autant de CO2 que l'ensemble de 50 000 véhicules routiers.
Cette institution a néanmoins un rôle à jouer dans le droit
du climat et plus précisément sur les biotechnologies et la
géo-ingénierie que le GIEC évoque dans son
rapport.
Le -dit rapport se termine sur des objectifs plus
généraux démontant l'interrelation entre les dix-sept
objectifs posés par les Nations-Unies dont l'objectif 13
intéresse les mesures
9Voir Affaire Urgenda c.
Pays-Bas : Cour de district de La Haye, 24 juin 2015 Fondation Urgenda contre
Pays-Bas et Cour d'appel de La Haye, 8 octobre 2018, affirmant la
décision de la Cour de district.
10Organisation maritime
internationale
16
relatives à la lutte contre les changements
climatiques. Cet objectif a été intégré lors de la
Conférence de Rio en 1992, d'où provient la Convention sur le
climat qui est à l'heure actuelle un instrument juridique majeur dans la
lutte contre les changements climatiques, et qui s'imbrique avec les deux
autres conventions que sont la Convention sur la diversité biologique et
la Convention pour combattre la désertification. Ces points
amènent donc logiquement à évoquer la saisie des objectifs
scientifiques par le droit.
Toutefois l'intérêt pour l'environnement
n'est pas né en 2018. Cette notion est née dans les années
1970 et la définition traditionnelle est invoquée comme
étant « l'ensemble des éléments naturels ou
artificiels qui conditionne la vie de l'homme sur terre » qui
provient du Larousse de 1972. Il faut d'ores et déjà
comprendre deux choses via cette définition. La première
est que la vie de l'être humain est intrinsèquement liée
à l'environnement dans lequel il vit. Ce dernier se compose de tous les
éléments de base nécessaires à sa vie comme l'eau,
la nourriture et l'air. La seconde est que la définition est
anthropocentrée, ce qui signifie que la vie ou la survie de l'être
humain est la principale raison pour laquelle l'environnement devrait
être protégé. Il ne fait donc aucun doute à la suite
de celle-ci que le droit adoptera une vision également
anthropocentrée de l'environnement.
Saisi par le droit dès la conférence de
Stockholm en 1972, l'environnement n'a eu de cesse de voir apparaître de
nouvelles conventions internationales afin d'effectuer des protections de
manière sectorielle. Dans cette dernière fût conclue une
déclaration, où l'environnement a été défini
au principe 2 qui dispose que : « Les ressources naturelles du globe, y
compris l'air, l'eau, la terre, la flore et la faune, et
particulièrement les échantillons représentatifs des
écosystèmes naturels, doivent être préservés
dans l'intérêt des générations présentes et
à venir par une planification ou une gestion attention que le besoin
». Dans cette définition il est possible de remarquer qu'il est
fait mention de l'ensemble des ressources et qu'il y est incorporé l'air
et l'eau, la flore et la faune qui sont justement les premiers « objets
»11 à être affectés par les
émissions de CO2.
Comme préalablement annoncé, la
Déclaration de Stockholm et l'article 4 vinrent annoncer un droit de
l'environnement envisagé sous l'égide du développement
économique en précisant que : « La conservation de la
nature, notamment de la flore et de la faune sauvages, doit donc tenir une
place importante dans la planification pour le développement
11Infra Partie 1, Chapitre 2,
Section 2.
17
économique ». Cette affirmation peut
être critiquable au sein d'un système où la croissance
économique est fortement liée à l'endommagement voire
à la destruction de l'environnement. Concernant le climat, il est
aujourd'hui impossible, bien que cela soit un objectif à moyen terme, de
poursuivre une croissance économique sans émettre de CO2. Mais
force est de constater que les considérations pour le climat
étaient grandement absentes et pour cause, en 1972 les connaissances
scientifiques sur le climat n'étaient pas nécessairement
très claires et les liens entre les milieux n'étaient pas
évidents comme aujourd'hui. Juridiquement, c'est donc une approche
sectorielle et par milieux qui s'est progressivement développée.
Néanmoins, l'avancée est malgré tout présente et le
droit international de l'environnement se trouve être aujourd'hui un
ensemble de règles « énoncées et appliquées au
sein de la société internationale organisant, au nom de certaines
valeurs et à partir de certaines modalités, une protection de
l'environnement12.» avec un champ d'application
très vaste mettant en avant trois conceptions. Premièrement,
toute forme de vie a une valeur intrinsèque13,
deuxièmement cette valeur est liée aux êtres
humains14. Enfin, en synthèse des deux premières
conceptions au travers du prisme du patrimoine mondial, l'environnement doit
être préservé pour l'humanité et pour le fait
d'exister de manière autonome15.
En effet, les premières théories sur le
rapport entre la présence de CO2, dans l'atmosphère et le
réchauffement de la planète date du début du
XXe siècle. Néanmoins c'est vers les années
1960 que les scientifiques commencent à s'intéresser davantage
à la question sans pour autant émettre de certitude sur le
rapport et encore moins sur les conséquences à venir. En 1972, le
scientifique J.S. Sawyer put prédire d'une manière qui se
révéla effectivement juste que les températures allaient
augmenter de 0,6°C d'ici l'an 2000. Toutefois ce n'était pas un
danger imminent et il fallait nécessairement poursuivre ces recherches.
Il était donc normal que l'environnement ne se préoccupe pas
encore du climat puisque celui-ci est grandement centré sur le domaine
scientifique.
En 1981, les scientifiques climatologues reconnurent
qu'il « est possible que les effets du CO2 ne soient pas
détectables avant la fin du siècle, mais d'ici là, la
concentration de CO2 sera suffisamment importante pour provoquer un
réchauffement important. C'est pourquoi il pourrait être
nécessaire de prendre des mesures avant même d'avoir des preuves
formelles à
12JEAN-MARC LAVIEILLE, HUBERT
DELZANGLES, CATHERINE LE BRIS, Droit international de l'environnement,
4e
édition, Ellipses, 2018.
13Charte mondiale de la
nature de 1982, Préambule, al.4.
14Déclaration de Rio
de 1992
15Convention sur le
patrimoine mondial, Paris, 1972,art.2.
18
cause du système climatique16
», pourtant l'environnement ne s'est pas saisi du sujet climatique
à ce moment où les incertitudes pesaient encore. Nonobstant les
doutes, les constats se faisaient de plus en plus nombreux et c'est alors
qu'une étude franco-soviétique de 1985 put dégager une
carotte ayant la contenance de 150 000 ans de glace. Cette carotte contenait le
temps de plusieurs cycles où il fut possible d'observer que la courbe du
CO2 suivait la courbe des températures17. Face aux
inquiétudes des météorologues, le GIEC fut
créée en 1988 et l'environnement fit un pas un peu plus important
en avant les années suivantes.
Ce pas a pu se faire grâce à la
conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, plus communément appelé le Sommet de la
Terre de Rio de Janeiro ou sommet de Rio. Cette fois, les inquiétudes
vont au-delà de la vision de la simple limite des ressources du globe.
Le Sommet de Rio de 1992 débouchera sur la réalisation de trois
conventions dont les objectifs sont distincts en droit mais dont les liens sont
indéniables sur le plan pratique. Ces trois conventions sont les
suivantes : la Convention-cadre des Nations unies sur les changements
climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique (CDB) et
la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification
dont l'importance de l'indépendance est discutable. Ces conventions
permettent une grande avancée de l'environnement en dégageant un
certain nombre de principes qui vont permettre d'aller plus loin dans la
protection de l'environnement. Ainsi s'ajoute au principe de prévention
issu de la Déclaration de Stockholm le principe du droit au
développement qui interroge sur le mode de développement et les
liens qu'il peut émettre avec le climat, mais également le
principe des responsabilités communes mais différenciées
qui permet d'établir une responsabilité commune à tous les
États liés à la CCNUCC (lequel manque probablement
d'effectivité comme il sera vu), et enfin le principe de
précaution qui permet dans le cadre de l'absence de connaissance
certaine d'intervenir et de prendre des mesures. Ce dernier principe semble
avoir été pris en considération des nombreux doutes
scientifiques des années passées concernant l'influence des
émissions de CO2 sur le réchauffement climatique. Le constat
à faire est évidemment que ces conventions sont
rédigées de manières indépendantes alors
qu'il
16BERNER, WERNER, et al.
(1980). "Information on the CO2 Cycle from Ice Core Studies." Radiocarbon 22:
22735.
DELMAS, R. J., et al. (1980). "Polar Ice Evidence That
Atmospheric CO2 20,000 Yr BP Was 50% of Present." Nature 284:
155-57.
NEFTEL, A., et al. (1982). "Ice Core Sample Measurements
Give Atmospheric Content During the Past 40,000 Yr." Nature 295: 220-23.
17
http://23dd.fr/climat/histoire-rechauffement-climatique/102-histoire-de-la-decouverte-du-rechauffement-climatique-leffet-de-serre-et-le-co2-iv
19
est évident que le climat s'affiche comme une
menace globale. Le droit du climat est ainsi né et de nombreuses
évolutions au travers les COP18 permettront de
préciser la CCNUCC notamment avec le protocole de Kyoto en date de 1997
qui verra apparaître de nouveaux outils juridiques et économiques
de lutte contre le changement climatique. Ces outils seront renforcés
avec une efficacité dont la remise en question a été
nécessaire durant la COP 21 qui a mené à l'adoption de
l'Accord de Paris le 12 décembre 2015 et à sa signature le 22
avril 2016.
Le constat à faire est le suivant ; le droit du
climat est une branche de l'environnement mais cette dernière à
l'instar des autres est complètement indépendante des autres
branches. Pourtant sur le plan scientifique il apparaît que les
écosystèmes sont reliés et que la disparition de l'un
d'entre eux peut avoir des conséquences sur un autre à l'autre
bout de la planète. L'exemple typique est que le réchauffement
climatique n'a pas seulement des conséquences sur la température
de la Terre mais également sur celle des océans, qui
eux-mêmes dévoilent une interrelation certaine. Cette
interrelation ne se manifeste pas en droit ou ne semble pas assez
avancée pour émettre une protection suffisante. C'est le cas des
océans, en effet, les rapports de l'IUCN expliquent à quel point
les océans sont reliés entre eux19. Dans un premier
temps ce rapport évoque les différents types de relations
environnementales entre l'océan et d'autres milieux. Ainsi il est
question de « facteurs de stress » comme l'acidification des
océans ou la désoxygénation. Une étude de l'IUCN a
défini quatre dimensions systémiques de catastrophes. Deux sont
directement liées aux changements de l'océan, c'est le cas des
changements nocifs et nuisibles (physique et chimie de l'océan), et de
l'utilisation humaine inappropriée avec l'interaction des
océans.
Deux le sont indirectement et concernent ainsi les
politiques ineffectives des océans, de la gouvernance, et l'interaction
entre l'océan et les autres systèmes de la terre. Dans un second
temps le rapport établit la distinction entre une catastrophe et un
risque. D'après ce dernier, un risque est une situation impliquant une
exposition à un danger ou une catastrophe. Ce risque est donc
défini comme une certaine probabilité. Il en résulte que
le risque océanique est une fonction exposée à
l'augmentation des catastrophes en provenance du changement de l'océan
et dont les impacts résultant de vulnérabilités internes
ou externes peuvent être arrêtés, réduits ou
adaptés par des actions préventives. Cette définition peut
être importante pour les secteurs
18Conference of
parties
19D. LAFFOLEY ET J.M.
BAXTER, « Ocean connections - An introduction to rising risks from a
warming, changing ocean », IUCN.
20
privés comme celui des assurances qui devront
à l'avenir gérer de nouveaux risques d'une part, et d'autre part
les secteurs de la science marine et de la protection de cette
dernière.
Si les océans ont une si grande importance dans
la régulation du climat, le droit de la mer est-il présent afin
d'apporter sa pierre à l'édifice juridique ? Il faut
nécessairement évoquer la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer (CNUDM) signée le 10 décembre 1982 à
Montego Bay mais dont l'entrée en vigueur s'est faite après la
Convention sur le climat (en vigueur en mars 1994). Cela donne l'occasion de
s'interroger sur la partie XII intitulée « Protection et
préservation du milieu marin » qui ne semble pas offrir la moindre
relation avec le climat dans une lecture textuelle. La CNUDM est pourtant un
texte fondateur. Souvent dénommée « Constitution de la mer
», ce texte volontairement général est à l'origine de
bien d'autres textes plus précis dont il est possible de citer ceux
à l'origine d'une protection de l'environnement marin comme la
Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par
les navires, modifiée par les Protocoles de 1978 et de 1997 (MARPOL), ou
encore la Convention internationale de 2004 pour le contrôle et la
gestion des eaux de ballast et sédiments des navires ainsi que la
Convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les
dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (CLC) pour ne citer
que des exemples. Le point commun de ces conventions est la protection contre
les dommages envers l'environnement marin. Comme il a été dit
l'approche est sectorielle, ainsi ne sont visés que les lieux de
survenances du dommage et pour un type de dommage précis. Ces
conventions n'appréhendent pas les dommages par ricochets où
l'influence qu'aura l'endommagement d'une zone sur une autre. Il en est de
même concernant le droit du climat et le droit de la mer, ce qui peut
amener quelques questions vis-à-vis d'une protection globale face
à un risque global.
Ainsi, le droit de l'environnement est-il
suffisamment systémique pour permettre une
protection effective des
océans face au réchauffement climatique ?
Il conviendra donc d'analyser les textes en
présence afin de déterminer si les armes juridiques actuelles
sont suffisantes pour combattre les changements climatiques. C'est la raison
pour laquelle il faut dans le cadre de cette étude envisager deux
manières de considérer l'océan. L'évidence est que
ces deux manières d'envisager les océans face au
réchauffement climatique doivent permettre la protection du milieu
marin. L'une d'elle est à court terme et l'autre à plus long
terme.
21
D'une part, le droit du climat doit impliquer
davantage les océans pour prévenir les impacts de ce risque
global sur le milieu marin. Il est ainsi intéressant d'effectuer une
double lecture pour savoir comment les océans peuvent être sujets
de protection contre les effets du réchauffement climatique (I). D'autre
part, l'océan détient un rôle dans le cycle du carbone et
ce dernier pourrait dans certaines mesures se voir accroitre de manière
artificielle sa capacité à stocker du carbone d'une
manière ou d'une autre. L'intérêt sera donc d'observer
comment le droit opère la protection des océans dans leurs
rôles de régulateurs des effets du réchauffement climatique
(II). Dans ce second point il s'agira d'analyser une activité maritime
encore très peu pratiquée qu'est l'enfouissement du dioxyde de
carbone dans les fonds marins.
Finalement, il convient de mettre en relief les propos
de la jeune Greta Thunberg afin d'analyser si des solutions n'existent pas
déjà dans le système actuel. Autrement, il faudra
probablement aller davantage en avant en traitant réellement cette crise
comme une crise et trouver des solutions innovantes. Surtout, il se pourrait
fortement que la solution innovante porte surtout sur le fait d'adopter une
vision systémique des instruments existants et de pouvoir certes
opérer des liens complexes, mais qui amèneraient les armes
suffisantes pour affronter les défis qui attendent
l'Humanité.
22
Partie 1 - Les océans sujets de protection
contre
les effets du réchauffement climatique
La question qui va se poser dans les prochains
développements est de savoir si juridiquement l'environnement a permi
aux milieux océaniques d'être protégés du
réchauffement climatique. Ici la menace identifiée est globale et
provient de différentes causes comme le dioxyde de carbone
relâché par l'ensemble des États dans le monde ainsi que
d'autres gaz accélérant le réchauffement climatique. De
même, ces relâchements ont différentes sources comme
l'agriculture, les transports, les activités de production et
représente 87% du total des émissions de sources
humaines20.
Ainsi l'océan est un milieu très
affecté par l'ensemble des activités humaines quelle que soit
l'origine de ces dernières. Cette remarque s'applique d'ailleurs
à grande échelle aux pollutions plastiques d'actualité et
qui sont pour 60 à 80 % des débris marins d'origine
terrestre21.
Dans cette optique il convient donc d'observer le
droit du climat qui s'intègre à l'environnement et d'analyser en
quoi l'océan n'est pas un objectif important dans les actuels outils
juridiques permettant une protection contre le réchauffement climatique.
Il faudra dans ce cas noter l'existence de sources diverses pouvant permettre
une protection des océans (Chapitre 1) mais faire le constat que les
solutions apportées sont peu effectives pour la protection de ces
derniers (Chapitre 2).
Chapitre 1 - L'existence de sources diverses de
protection des
océans
Ces sources sont classiquement divisées en deux
groupes : la soft law et la hard law. La distinction n'est
absolument pas inutile car ces sources disposent d'une nature
totalement
20
https://votreimpact.org/gaz-a-effet-de-serre/sources-de-co2
21
https://www.greenpeace.fr/pollution-oceans-limpact-plastiques/?utm_medium=cpc&utm_source=google&utm_campaign=Plastique&utm_content=&utm_term=&gcl
id=Cj0KCQjwtr_mBRDeARIsALfBZA48JM5F1aRWmT8bMMQV75afSKbL547BNYrPWn3VqGnlPdYr1kvE
oRsaAsaPEALw_wcB
24
opposées l'une à l'autre quand bien
même les objectifs poursuivis sont les mêmes. Il est donc possible
d'observer que les instruments de soft law posent des problèmes
en terme d'effectivité (Section 1) et que la conséquence de ce
problème est la nécessité d'une effectivité
renforcée au travers de la hard law.
Section 1 - La problématique des instruments de
soft law
Cette problématique peut se traduire par une
solide base politique reposant sur des engagements non contraignants de la part
des États parties aux déclarations. Elles constituent
néanmoins une source d'inspiration, quand bien même une
évolution sectorielle de la soft law environnementale est
critiquable (A), et que cette dernière s'est poursuivie avec l'Accord de
Paris qui, devant faire ses preuves, ne marque pas d'étape pour
protéger les océans des conséquences du
réchauffement climatique (B).
A - Une évolution sectorielle et politique de la
soft law environnementale
Il convient de retracer sensiblement
l'évolution historique pour en comprendre les fondements et ainsi
appréhender les différents aspects qu'offre la soft law
environnementale22. Cette partie de la branche du droit
international public est donc apparue le 16 juin 1972 durant la
Conférence des Nations Unies sur l'environnement qui adopte la
Déclaration de Stockholm. Cette conférence résulte du
constat croissant de la détérioration de l'environnement à
la suite d'incidents pouvant être qualifiés de « catastrophes
écologiques » à l'instar du Torrey Canyon en 1967 suivie
d'autres accidents maritimes, notons également la catastrophe de
Tchernobyl en 1986.
L'un des problèmes ici représenté
n'est pas le problème inhérent à la soft law mais
bel et bien au droit de l'environnement en général. Ainsi faut-il
évoquer la problématique de la définition de son objet.
Jusqu'alors, lorsqu'un traité était adopté l'objet ne
posait aucune difficulté23. Ce constat est aujourd'hui
toujours d'actualité avec pour exemple pertinent la Convention des
Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) dont l'objet concerne
22Partie intégrante du
droit international de l'environnement.
23DAILLIER Patrick,
FORTEAU Mathias, PELLET Alain, QUOC DINH Nguyen, Droit International
Public, 8e édition, L.G.D.J.
25
directement la mer en tant que telle24. La
conséquence de cette difficulté est donc l'absence d'une
définition claire dans la plupart des textes existants. Pour autant il
existe des exceptions comme la résolution25 de
l'IDI26 de 1997, qui reprend de manière quasi-similaire la
définition présente à l'article 2, paragraphe 11 de la
Convention du Conseil de l'Europe de 1993 sur la responsabilité civile
des dommages résultant d'activités dangereuses pour
l'environnement. Cette convention dispose dans son article premier les
suivantes :
« Aux fins de la présente
Résolution, le concept d' « environnement » englobe les
ressources naturelles abiotiques et biotiques, notamment l'air, l'eau, le sol,
la faune et la flore ainsi que l'interaction entre ces mêmes facteurs. Il
comprend aussi les aspects caractéristiques du paysage.
»
C'est-à-dire qu'en l'espèce il existe
une définition de l'environnement qui peut prétendre à
englober les océans à travers la présence de l'eau (ainsi
que de la faune et de la flore de ces derniers) mais également du climat
en général avec la présence de l'air. Le climat ayant une
incidence sur la globalité des écosystèmes, la
définition permet également d'observer le cadre scientifique qui
établit les interactions entre les différents facteurs. Des
questions peuvent alors se poser : pourquoi avec la présence de cette
définition l'océan n'est-il pas plus considéré dans
le droit du climat ? Comment se fait-il qu'une définition large de
l'objet ne permette pas le développement de liens entre les
Déclarations et les Conventions ?
Par ailleurs la science a joué un rôle
extrêmement important pour le développement de ce droit. Davantage
encore pour le droit du climat depuis, car en 1967 deux scientifiques
établissent que la concentration de CO2 dans l'atmosphère allait
doubler d'ici l'an 2000. La question a pu être abordée durant la
première conférence mondiale sur le climat en février 1979
qui développa un programme mondial de recherche sur le climat et qui
déboucha sur la création du GIEC en 1988. Le GIEC a
été déterminant dans l'avancement des connaissances sur le
climat et son second rapport de 1995 affirme qu'il y a « une
influence perceptible de l'Homme sur le climat ». Le premier
rapport rendu en 1990 a été initiateur de la prise de conscience
des enjeux que représentent les changements climatiques. Il faut
observer que ces
24CNUDM, en vigueur le 16
novembre 1994.
Même si cette dernière n'a pu aborder toutes
les problématiques actuelles lors de son adoption en 1982.
25
http://www.idi-iil.org/app/uploads/2017/06/1997_str_02_fr.pdf
consulté le 06/05/2019.
26Institut de Droit
International.
26
rapports ne s'intéressent pas
précisément aux océans de prime abord et ne permettent pas
d'inclure ces derniers dans le cadre de la protection de l'environnement. Cette
dernière étant « limitée » au sein de multiples
Conventions s'inspirant de la partie XII de la CNUDM.
Ainsi les sujets de droits internationaux, les
États donc, se sont saisis de la question lors de la Conférence
de Rio de 1992. Alors que la CNUDM avait été signée en
1982, démontrant ainsi l'intérêt pour le milieu marin, la
question se pose de savoir si les rédacteurs de la Déclaration de
Rio de 1992 ont su intégrer ce dernier dans ses articles. Le principe
premier énonce : « Les êtres humains sont au centre
des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont
droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature.
»,il est donc davantage question de développement durable que de
protection même de l'environnement. Néanmoins la
Déclaration de 1992 a opéré de grandes avancées sur
les questions environnementales.
Premièrement ces avancées ont permis
l'apparition de la notion de développement durable qui semble trouver
son sens au principe 4 qui précise : « Pour parvenir à un
développement durable, la protection de l'environnement doit faire
partie intégrante du processus de développement et ne peut
être considérée isolément. » et démontre
ainsi la continuité de la volonté de créer des normes de
manière sectorielle. Ainsi, cette Déclaration consacre une
nouvelle fois l'intention de lier l'environnement à des secteurs bien
précis.
L'exemple ici présent est l'intégration
de l'environnement à l'économie par la voie du
développement durable qui reste malgré tout une notion
relativement vague et non définie. Cette notion est néanmoins
assistée de trois piliers que sont l'économie, l'écologie
et le domaine social. Ainsi une recherche d'un développement
économiquement efficace est mise en place, socialement équitable
et écologiquement soutenable. L'inconvénient de ces mesures est
qu'elles font de l'environnement l'accessoire de domaines différents qui
viennent également fractionner la globalité que représente
l'environnement. La vision sectorielle est présente depuis la
création du droit international de l'environnement en 1972 quand elle
prenait pour fondement les Droits de l'Homme. Pour terminer à propos du
développement durable il est nécessaire de préciser que
les trois aspects qui le composent sont indivisibles et interdépendants,
et que « les préoccupations environnementales ne peuvent pas
être opposées aux préoccupations sociales et
économiques, ni être mise en concurrence avec elle
»27, ce qui
27ROS Nathalie,
Développement durable et droit de la mer, ADMO 2017, p.
149.
27
explique en partie la raison pour laquelle
l'environnement est aujourd'hui profondément accessoire mais d'une
importance capitale.
Deuxièmement, il y a une forte
juridicité dans la rédaction de la Déclaration de Rio qui
établit des principes importants tel que le principe 7 :
« Les États doivent coopérer
dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger
et de rétablir la santé et l'intégrité de
l'écosystème terrestre. Étant donné la
diversité des rôles joués dans la dégradation de
l'environnement mondial, les États ont des responsabilités
communes mais différenciées. Les pays développés
admettent la responsabilité qui leur incombe dans l'effort international
en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs
sociétés exercent sur l'environnement mondial et des techniques
et des ressources financières dont ils disposent.
»
Cela signifie en théorie la fin du déni
environnemental. Ce qui se révéla faux, ou en tout cas peu
effectif dans la mise en pratique puisque boudé par les États
ayant signé la Déclaration. Un autre principe, très
commenté mais d'une importance capitale est le principe 15 qui
établit le devoir pour les États de prendre des mesures de
précaution. Le principe de précaution est complémentaire
au principe de prévention. Pour son application il doit y avoir un
danger potentiel qui risque de causer un dommage grave et irréversible
et dont l'incertitude scientifique est probante28.
Néanmoins ces avancées ne se font pas
sans contreparties. Il convient d'observer que tous les sujets n'ont pas
été abordés, ce qui peut parfois être regrettable
notamment pour les océans. L'un de ces sujets a fait l'objet de
débats ; l'abattage des forêts. Force est de constater que le
droit international s'intéresse aux dégâts visibles aux
yeux des Hommes. L'avis n'est pas tant de discriminer la volonté des
États participant au Sommet de la Terre de vouloir créer une
Convention contraignante et spécifique aux forêts, au contraire
aujourd'hui celle-ci serait tout aussi appréciée quand le constat
est fait des déforestations massives dans les pays subtropicaux comme le
Brésil. Toutefois l'océan est un objet de droit silencieux et
qui
28BOISSON DE CHAZOURNES
Laurence, MALJEAN-DUBOIS Sandrine, Principes du droit international de
l'environnement, Jurisclasseur Environnement et Développement
Durable, 2011, p. 14-17.
28
absorbe encore correctement les dégâts de
cette période. Les conséquences physiques ne se font pas encore
ressentir comme aujourd'hui.
Ce qui vient en revanche discréditer la
soft law est son absence de contraintes. C'est-à-dire que
même si les États sont signataires, il n'existe rien qui puisse
les obliger à respecter ou à développer les lignes
directrices établies au sein de leurs législations. Pourtant il
est permis de croire qu'à l'instar des déclarations des Droits de
l'Homme, les États se sentiront moralement contraints d'y
adhérer29.
La soft law, si elle n'est pas contraignante,
reste malgré tout créatrice de droits qui sont eux contraignants
aux travers des Conventions qui y sont rédigées, adoptées
et pour beaucoup ratifiées. L'exemple même se trouve au Sommet de
Rio de 1992 qui a vu apparaître la Convention-cadre des Nations unies sur
les changements climatiques (CCNUCC)30 ainsi que la Convention sur
la diversité biologique31 (CDB)32, toutes
entrées en vigueur.
La faible présence des océans dans ces
textes n'incite pas à aller plus loin et à intégrer ces
derniers comme des milieux à protéger comme certaines zones
sensibles notamment les récifs coralliens qui ont fait l'objet d'une
attention plus particulière33. La question de l'application
des déclarations reste pour le moins entière. D'autres
Conférences donnant lieu à d'autres Déclarations ont
été faites. N'est-ce pas là le signe d'une certaine
inefficacité ? Il faut également se demander si les océans
ont été depuis intégrés au droit du climat,
notamment avec les connaissances toujours plus grandes de l'impact du
réchauffement climatique sur ces derniers.
B - La portée problématique de l'Accord de
Paris pour les océans
Il convient d'effectuer un rapide rappel des
Conférences qui ont eu un faible impact pour ne pas dire un impact
quasi-nul dans le développement de l'environnement et d'autant plus pour
le climat dans son rapport avec les océans. Elles sont au nombre de deux
et se sont déroulées en 2002 et en 2012.
29
https://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.
30En vigueur le 21 mars 1994,
et comprend à ce jour 197 États parties.
31En vigueur le 29
décembre 1993.
32Avec actuellement 193
États parties :
https://www.un.org/fr/events/biodiversityday/convention.shtml.
33GUYONNARD Thomas, La protection des récifs
coralliens, mémoire de recherche sous la direction de Madame
DELFOUR-SAMAMA, Odile, 2017-2018.
29
D'une part, la Conférence de Johannesburg
s'était donnée pour objectif de faire un bilan des années
passées depuis la Conférence de Rio de 1992 et d'adopter un plan
d'application et une déclaration politique. La conséquence a
été la rédaction de deux textes qui sont la
Déclaration de Johannesburg sur le développement durable et le
Plan de mise en oeuvre34. Ces deux textes sont non-contraignants sur
le plan juridique et il s'agit davantage de réaffirmations politiques
des déclarations précédentes ou encore des rappels du
protocole de Kyoto35. Au sein de ces derniers l'absence des
océans se fait sentir dans le flot des questions portant sur le
développement durable et de son rapport à l'économie. Le
développement durable est un principe qui intéresse pourtant
grandement le milieu marin avec les opportunités économiques qui
s'ouvrent au XXIe siècle.
D'autre part le Sommet de juin 2012 à Rio,
également nommé « Rio+20 », se ressent comme un
élément négatif pour le droit de l'environnement. Qu'en
dirait-on pour l'environnement marin ? De manière générale
les ambitions « d'économie verte » sont totalement revues
à la baisse dans la crainte d'un ralentissement global du
développement économique. Ici encore, le climat et les
océans sont mis de côté. La Déclaration finale sera
également non-contraignante pour les États l'ayant signée.
Pire encore, « elle n'a même pas la force d'une déclaration
de principes ; elle est plus proche d'un plan d'action incitatif36.
».
Trois années après il serait tout
à fait approprié de reprendre la formule du président
français Jacques Chirac qui en 2002 déclarait déjà
« La maison brûle et nous regardons ailleurs... ». Cette
formule était pourtant assez claire pour engager les États
parties aux Conférences à aller plus loin. Lors de la
21e COP37, qui réunit les États
engagés depuis 1992 par la Convention cadre des Nations unies sur les
changements climatiques (CCNUCC), a été adopté l'Accord de
Paris le 12 décembre 2015. Réunissant 195 pays ainsi que l'Union
européenne, l'objectif était d'analyser l'application pratique de
la Convention et de négocier les nouveaux engagements.
De prime abord, le texte semble être une
déclaration très proche des deux précédentes car il
n'est pas prévu qu'elle soit contraignante immédiatement
après être entrée en vigueur,
34Voir Rapport du
Sommet mondial pour le développement durable, Doc.ONUA/CONF199/20,
Publication des Nations unies, New York, 2002.
35Protocole de Kyoto à
la CCNUCC.
36 LAVIEILLE Jean-Marc,
DELZANGLES Hubert, LE BRIS Catherine, Droit international de
l'environnement, 4e
édition, Ellipses, 2018. 37Conferance
of parties.
30
ce qui arrivera à la date du 4 novembre 2016.
Avant celle-ci la France, dans la loi du 15 juin 2016, a autorisé sa
ratification. Le 7 novembre 2017, 195 pays et l'Union européenne signent
l'Accord de Paris. Le Nicaragua et la Syrie ont annoncé qu'ils allaient
le signer, à l'inverse le président Donald Trump annonce le 1er
juin 2017 que les États-Unis se retirent de l'accord. Le 20 août
2018, l'Australie annonce qu'elle renonce à inscrire dans la loi
l'objectif d'une réduction de 26% des émissions de gaz à
effet de serre (GES), pourtant prévue dans l'Accord de Paris. Ces
annonces démontrent indéniablement le caractère
très politique qu'engage le réchauffement climatique. Par
ailleurs certains auteurs ont pu qualifier ce texte de « réussite
diplomatique »38, mais la question se pose de savoir s'il
s'agit d'un succès juridique.
En France une loi39 signe la fin de
l'exploitation des hydrocarbures. Ce mouvement de désinvestissement des
énergies fossiles est qualifié « d'ampleur remarquable
» ce qui n'est pas vraiment le cas puisque les pays qui découvrent
des gisements envisagent sérieusement de les exploiter. Sur le plan
diplomatique et juridique les revendications sont présentes pour la mer
Arctique qui apparaît suite à la fonte progressive des glaces.
Ainsi se pose la question de l'intérêt porté à la
fois au climat et à l'océan derrière les engagements ou
plus précisément en pratique.
Il faut rappeler que le rapport du GIEC annonce des
conséquences catastrophiques pour les océans si rien ne se fait
au niveau de cet Accord. Juridiquement il pourrait être mener à
une instrumentalisation de l'obligation de diligence. Jusqu'alors les
obligations conventionnelles étaient les plus efficaces. Il pourrait
cependant y avoir une lecture jointe des deux types d'obligations. Notamment
celle de diligence qui signifie une interdiction de causer un dommage à
l'environnement des autres États. Ici ce sont des obligations de moyen
et non de résultat. Au vu de l'urgence qui se présente face au
réchauffement climatique, il faudrait néanmoins envisager un
glissement des obligations d'États vers des obligations de
résultats et non plus de moyens. Ces obligations doivent en
vérité sortir du contexte de la diligence et doivent être
interprétées largement. En effet, le réchauffement est
global et un État qui ne répond pas de ses obligations en
matière de réduction de GES endommage très probablement
l'environnement des États qui lui sont voisins mais participe
également à plus grande échelle à endommager voire
détruire l'environnement de la planète entière y compris
les océans.
38MALJEAN-DUBOIS,
Sandrine, Directrice de recherche CNRS, Aix Marseille, Université de
Toulon et Université de Pau & Pays Adour, L'Accord de Paris sur
le climat : aboutissement et/ ou nouveau départ ?, Quel droit pour
le climat ? :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01684948/document
39Loi n° 2017-1839 du
30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à
l'exploitation des hydrocarbures et
portant diverses dispositions relatives à
l'énergie et à l'environnement (1).
31
Ceci étant précisé, l'Accord
devrait devenir contraignant à partir de 2020 et ainsi remplacer le
protocole de Kyoto en vigueur depuis 2005. Cependant il existe une
inquiétude juridique de taille concernant sa rédaction en
comparaison de Kyoto. En effet, ce dernier n'est pas revêtu de
mécanisme de sanctions. Cela signifie qu'en apparence le texte
n'apparaît pas contraignant. Mais il est probable que ce dernier ait
appris des échecs du Protocole de 1997. Il se trouve que le
mécanisme de sanction consistait à une obligation
renforcée de réduire de 30% les émissions de GES. Sous la
pression, le Canada a quitté le protocole suivi par la Russie, le Japon
et l'Australie.
L'Accord n'étant pas encore entré en
application il n'est pour le moment pas possible d'émettre une critique
fondée sur les actions ou les omissions des États l'ayant
signé et ratifié. L'analyse des formulations peut
néanmoins donner certaines indications. Par exemple l'article 5
alinéa premier de l'Accord dispose que « Les Parties devraient
prendre des mesures pour conserver et, le cas échéant, renforcer
les puits et réservoirs de gaz à effet de serre comme le
prévoit l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article 4 de la
Convention, notamment les forêts. », ce qui permet d'opérer
une double analyse, tant sur le degré de l'obligation que sur le
thème abordé même.
Premièrement, comme il a été dit
en amont, les Conventions dispensent des obligations de moyens ou des
obligations de résultat. Ici la présence du terme «
devraient » s'adressant aux États affiche une des premières
faiblesses face à l'urgence climatique. Il s'agit d'une obligation de
moyen et en conséquence les États ne sont pas tenus d'en faire
une application stricte qui pourrait permettre d'atteindre le résultat
escompté de réduction des GES.
Deuxièmement, il faut noter qu'il est fait
mention de « prendre des mesures pour conserver et [...] renforcer les
puits et réservoirs de gaz à effet de serre », suivi d'un
exemple (les forêts) qui ne semble pas exhaustif au vu de la
présence du terme « notamment ». La présence de ce
terme peut laisser penser que le champ reste ouvert à l'accueil de
nouveau puits ou réservoir de GES, en particulier le dioxyde de carbone
à l'instar des océans. Si la mention n'est pas directe
l'interprétation est largement permise cette fois-ci en comparaison avec
les déclarations précédentes. Cette affirmation peut se
dégager de la présence des océans dans le préambule
de l'Accord de Paris qui précise les faits suivants: « Notant qu'il
importe de veiller à l'intégrité de tous les
écosystèmes, y compris les océans, et à la
protection de la
32
biodiversité, reconnue par certaines cultures
comme la Terre nourricière, et notant l'importance pour certains de la
notion de «justice climatique ». Cette considération permettra
probablement une application conjointe beaucoup plus large que la simple CCNUCC
car elle évoque clairement l'intégrité des
écosystèmes ainsi que la protection de la biodiversité. La
question se pose alors de savoir si la présence de ces notions dans
l'Accord permettra à elle seule de créer un lien suffisant pour
générer une lecture conjointe avec les Conventions
précédentes.
Aujourd'hui l'Accord en tant que tel constitue du
droit « mou »40 et ne saurait en ce sens prétendre
à une application concrète de la part des États parties.
De même, le constat est aisément remarquable, à la lecture
du texte, de l'absence même de certains termes à l'instar des
objectifs de la limitation du réchauffement climatique à
1.5°C. À vrai dire, il n'est même pas fait mention du
réchauffement climatique mais bel et bien du « changement
climatique »41. L'avis qui peut être dégagé
du choix de ces termes est que si le texte devait devenir contraignant ou
inspirer des textes contraignants pour les États, la notion de
changement climatique est beaucoup plus souple. Cette souplesse est loin
d'être péjorative et dégage au contraire une vision bien
plus large que le simple réchauffement climatique. Toutefois n'y a-t-il
pas une erreur en ce sens ? Les changements climatiques sont les
conséquences du réchauffement climatique, ce dernier étant
lui-même la conséquence des activités humaines. Ainsi
est-il possible de penser que l'Accord n'a que pour objectif de panser les
plaies et non de prendre le taureau par les cornes en s'attaquant aux
réels problèmes. Il est permis de penser que ce sera le cas
lorsque ce dernier entrera en vigueur et fera partie intégrante de
la hard law.
Section 2 - La nécessité d'une hard law
nonobstant une faible
effectivité
Le devenir de l'Accord de Paris dans la hard
law semble constituer un passage inévitable afin que ce dernier
puisse voir ses effets se développer. L'affirmation est réelle
bien que paradoxale en droit international car la loi est faite par les
États et pour les États. À ce
40En anglais soft
law.
41LEPAGE Corinne, HUGLO
Christian, « Commentaire iconoclaste (?) de l'Accord de Paris », dans
Revue juridique de l'environnement, 2016, p. 9.
33
titre, il est bon de rappeler que ces droits sont
développés (A) et qu'il existe également des
opportunités à saisir dans le cadre des Nations unies
(B).
A - L'état de la législation internationale
sur le climat et les océans
En 1972 la conférence de Stockholm n'avait
abouti qu'à un texte de soft law dont se dégageait
néanmoins une base plutôt solide pour la construction du droit
international de l'environnement. L'année 1992, durant la
Conférence de Rio, les États ainsi réunis
décidèrent d'aller plus loin concernant la mise en oeuvre de la
déclaration ainsi proclamée. La solution pour cette mise en
oeuvre fût d'utiliser un outil multilatéral d'ores et
déjà utilisé depuis plusieurs siècles, le
traité international. Ce sont donc trois conventions qui naîtront
de cette conférence parmi lesquelles la CCNUCC, centrale pour les
aspects climatiques. Entrée en vigueur le 21 mars 1994, cette Convention
établissait un objectif en son article 2 :
« L'objectif ultime de la présente
Convention et de tous les instruments juridiques connexes que la
Conférence des Parties pourrait adopter est de stabiliser,
conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les
concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à
un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du
système climatique. Il conviendra d'atteindre ce niveau dans un
délai suffisant pour que les écosystèmes puissent
s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la production
alimentaire ne soit pas menacée et que le développement
économique puisse se poursuivre d'une manière durable.
»
Cet article amène le lecteur à se poser
une question importante quand son intérêt porte sur les
océans ; cette convention permet-elle d'accueillir juridiquement les
océans en son sein ? La réponse se trouve dans la
définition des termes car il faut noter que les concentrations de gaz
à effet de serre doivent être limitées afin d'éviter
une perturbation du système climatique. Or l'article 1 de la dite
convention définit justement le système climatique comme
étant « un ensemble englobant l'atmosphère,
l'hydrosphère, la biosphère et la géosphère, ainsi
que leurs interactions. ». L'attention doit
particulièrement porter sur le terme « hydrosphère ».
En effet, l'hydrosphère est l'ensemble des éléments
liquides de la planète quelque soit son état
(liquide,
34
solide, gazeux)42 et permet ainsi d'inclure
largement les mers et océans de tout horizon, y compris
l'Arctique.
Sur le papier, la hard law semble
opérer les liens jusqu'ici absents des déclarations
représentatives de la soft law. Néanmoins, à la
lecture de cette dernière il est aisé d'y voir des termes plus
incitatifs que contraignants à l'instar de « encouragent » ou
« tiennent compte », et couplé à l'absence d'un
mécanisme de sanctions. Il faut croire que le principe de
précaution défini à l'article 3 ainsi que la
responsabilité commune mais différenciée établie
à l'article 4 ne sont que des revendications sans une réelle
volonté d'application. À cela s'ajoute l'aspect politique
réticent qui se remarque à la durée d'entrée en
vigueur de cette dernière, soit deux ans. Peut-être est-ce
toutefois plus rapide que les cinq années décidées pour
l'Accord de Paris qui constitue une des suites de cette Convention. En
l'espèce, l'incitation n'a pas été d'un grand effet et les
États parties à la Convention43 se sont probablement
davantage tournés vers des formulations comme celle-ci : «
travailler de concert à un système économique
international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une
croissance économique », plutôt que sur le
développement durable lui-même. C'est cette inaction qui fit
finalement de la CCNUCC un instrument du même niveau et du même
intérêt que les déclarations. En conséquence, il
devenait nécessaire de traduire ces termes juridiques en un texte
contraignant.
Le protocole de Kyoto est un instrument qui marque la
naissance d'un droit du climat contraignant. Plusieurs questions vont se poser
comme le fait de savoir s'il est à lui seul un outil utile à la
protection des océans contre les menaces climatiques ou encore si la
contrainte qu'il a amenée a été d'une grande
utilité. Ces questions sont légitimes car la présence
même de ce protocole semble marquer l'ineffectivité de la CCNUCC.
En allant plus loin, il serait légitime de se demander si la
création de l'Accord de Paris ne marque pas l'échec du protocole
de Kyoto.
En décembre 1997, à l'issue de la
troisième réunion des pays signataires de la convention sur les
changements climatiques, 38 pays industrialisés se sont engagés
à réduire les émissions de gaz à effet de serre en
signant le Protocole. Les engagements se fondaient sur une réduction de
5,2% en moyenne par rapport aux niveaux définis en 1990. L'objectif fut
atteint pour ces
42
https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/structure-terre-hydrosphere-13862/
43197 aujourd'hui,
https://unfccc.int/fr/process-and-meetings/the-convention/status-of-ratification/etat-des-ratifications-de-la-convention.
35
pays atteignant même collectivement une
réduction de 20%44. En cela le protocole de Kyoto permet de
mettre en relief la faisabilité des objectifs de réduction
croissante établie par l'Accord de Paris. Cependant le protocole n'a pas
été nécessairement le modèle de réussite
escompté.
En effet, ce dernier met en place plusieurs
systèmes permettant une gestion coopérative des GES. Parmi ces
systèmes il est possible de citer les permis d'émission,
mécanisme qui permet de vendre ou d'acheter des droits à
émettre des GES entre les pays industrialisés afin
d'améliorer les systèmes de production les plus polluants, la
« mise en oeuvre conjointe » (MOC), mécanisme de financement
de projets ayant pour objectifs principaux le stockage de carbone45
, la réduction des émissions de GES et le « mécanisme
de développement propre » (MDP), mécanisme qui permet aux
pays développés de réaliser leurs objectifs de
réductions d'émissions de GES en investissant dans des projets
réduisant les émissions de GES dans des pays en voie de
développement.
Au final, c'est un marché du carbone qui est
crée. Loin d'être réparateur il s'agit de créer un
véritable marché à circuit fermé avec une
raréfaction des droits à polluer faisait augmenter le prix de la
tonne de carbone. Le premier système en place est le système
communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE) mis en place
le 1er janvier 2005 dans l'Union européenne. Il s'agit du
plus grand système d'échange de quotas d'émission de GES
mis en place dans le monde, il couvre ainsi plus de 11 000 installations
européennes. L'échec de ce marché provient notamment de la
délivrance de trop nombreux droits qui vont prochainement faire culminer
le droit à polluer pour la tonne de carbone entre trente cinq et
quarante euros alors que ce dernier devrait atteindre cent euros pour devenir
efficace46.
Plusieurs autres échecs ont également
marqué le Protocole de 1997. Il est possible de citer un certain
échec de politique internationale avec les États-Unis, plus grand
émetteur jusqu'au milieu des années 2000, qui n'a pas
ratifié ce protocole. De plus, ce dernier établit des sanctions
via le mécanisme de l'observance qui se révèle
être un mécanisme de contrôle dur pour un instrument
plutôt flexible Cette rigidité a convaincu le Canada de se retirer
du Protocole en 2012. La question se pose alors de savoir si le protocole a
fait l'objet d'une réelle effectivité du fait de sa faible
popularité sur le plan politique. Pourtant l'idée d'apporter
une
44
https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/protocole-de-kyoto.
45Infra Partie 2, Chapitre
2.
46.
https://www.actu-environnement.com/ae/news/prix-carbone-marche-europeen-hausse-quota-gaz-charbon-31866.php4.
36
contrainte permettait d'affirmer à la
société civile une certaine garantie que les États parties
oeuvreraient à la réduction des GES responsables du
réchauffement climatique.
Une des questions centrales reste malgré tout
en suspend au niveau de l'analyse. En son article premier, le protocole
précise qu'il est relatif à la CCNUCC. Est-il toujours possible
que le lien effectué entre le CCNUCC et les océans puisse ainsi
être appliqué ? Il n'en reste pas moins que les océans sont
les grands absents des engagements internationaux sur le climat.
Pour terminer il convient évidemment d'aborder
la question de la partie XII de la CNUDM. En effet, si le droit du climat
semble bouder la protection de l'environnement marin, ce dernier semble lui
bouder les risques qu'il encourt du fait des changements climatique. Ainsi
l'article 192 dispose que les États ont « l'obligation de
protéger et de préserver le milieu marin ». Dans son article
193, il est précisé que les États ont « le droit
souverain d'exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique en
matière d'environnement et conformément à leur obligation
de protéger et de préserver le milieu marin », ce qui
signifie que la Convention de Montego Bay s'attarde essentiellement sur les
aspects économiques et de l'exploitation de l'océan47.
Cette dernière étant antérieure au droit du climat, c'est
à ce dernier qu'il aurait importé de se saisir de la protection
des océans face aux changements climatiques. Le développement
sectoriel du droit international semble alors casser toute l'effectivité
qui aurait été construite. Est-il alors possible d'envisager un
droit davantage systémique dans le futur ?
B - L'opportunité de créer des liens concrets
entre les différents régimes
L'heure est donc au changement mais il serait
préférable que ces derniers soient davantage juridiques que
climatiques. Ceci étant il convient d'opérer une comparaison
entre le régime de Kyoto et le régime de l'Accord de Paris afin
de savoir si les rédacteurs ont su apprendre des erreurs de Kyoto. Il
faut malgré tout remarquer que l'existence d'un système
spécifique en droit international n'est jamais fondamentalement mauvaise
et que son bon fonctionnement dépend majoritairement de la
volonté politique des États de le faire fonctionner correctement.
Partant de ce postulat, il s'agit d'une critique ouverte à l'idée
que le protocole de Kyoto n'était pas un échec dans son existence
mais bien dans sa mise en oeuvre.
47Infra Partie 2.
37
Un point peut attirer l'attention de prime abord,
à savoir la différence de qualification. En effet, le terme de
protocole est en adéquation avec la CCNUCC car il peut s'agir d'un
instrument complémentaire. Dans ce cas, il s'agira d'un protocole de
signature. Mais le cas de Kyoto est beaucoup plus développé car
il s'agit en réalité d'un protocole fondé sur un
traité-cadre et il permet ainsi de faciliter l'adoption par les
mêmes parties de nouveaux instruments contraignants à partir
« d'obligations de fond déterminées »48.
D'une autre manière, le terme « accord », est une
dénomination qui n'est pas déterminante dans son caractère
contraignant et obligatoire. Il en ressort que les « Protocoles » et
les « Accords », de par leur contenu font partie de la hard
law contrairement aux déclarations précitées. Quel
est alors l'apport de l'Accord de Paris par rapport à Kyoto en
prévision de son application en 2020 ? Les rédacteurs de l'Accord
de Paris ont tenté de ne pas répéter ce qui avait
semblé être des erreurs dans le protocole de Kyoto. Dans ce sens,
l'Accord évite non seulement un mécanisme de sanction inefficace
dans ses 29 articles, mais il n'instaure pas non plus de « comité
de contrôle du respect des dispositions », ce qui en un sens
enlève un poids conséquent dans la contrainte exercée par
l'Accord lui-même.
Par ailleurs, il convient de souligner que l'Accord de
Paris va avoir un caractère contraignant car c'est un accord qui
comporte de nombreuses obligations juridiques, exprimées dans le texte
par les « shall » [doit], ou de moyens («
should » [devrait]). Ainsi les États parties seront
obligés d'établir une contribution nationale. Cela signifie que
chaque État a malgré tout l'obligation non seulement d'en
créer une mais également de la mettre en oeuvre, et surtout de la
réviser à la hausse tous les cinq ans, selon les articles 3 et 4
de l'accord. Pour terminer, l'article 13 prévoit un mécanisme de
transparence, qui conduira un comité d'experts internationaux à
vérifier publiquement les informations fournies par les pays en terme de
suivi de leurs émissions et des progrès accomplis pour les
réduire. Les comptes-rendus pourraient donc servir à l'avenir
à appuyer l'argumentation des citoyens des États parties dont
certains n'hésitent pas à créer un contentieux d'un
nouveau genre ; le contentieux climatique. Ce phénomène nouveau
qui ne cesse de s'accroître depuis les années 2000 est aujourd'hui
marqué par l'affaire Urgenda en Europe et par l'affaire Juliana v. USA
aux États-Unis. Il pourrait permettre à terme d'obliger davantage
les États à faire respecter les engagements internationaux
auxquels ils ont souscrit et cela inclut sans aucun doute l'Accord de
Paris.
48 ASSEMBONI Alida «
Quelle différence entre Protocole de KYOTO et Accord de Paris en terme
de contraintes juridiques ? Quelles autres formes d'Accords sont-elles
possibles ? Existe-t-il d'autres accords contraignants dans le domaine de
l'environnement ? », Exposé de la Faculté de droit
de l'Université de Lome.
38
Ainsi dans l'affaire Urgenda, contentieux qui opposait
la Fondation Urgenda face à l'État des Pays-Bas, il aura
résulté qu'en juin 2015 le juge hollandais enjoindra au
gouvernement de réduire ses émissions de gaz à effet de
serre d'au moins 25% d'ici à 2020. Actuellement ces contentieux
climatiques font face à l'extra-territorialité, à la
globalité, à l'incertitude scientifique et aux difficultés
probatoires. Cela appelle d'ores et déjà à adopter une
« lecture dynamique du droit positif, en interprétant les
règles existantes à l'aune des nouveaux enjeux
climatique49. ». Le résultat est donc assez positif
même si le lien entre le climat et l'océan n'est ici pas direct,
il convient d'y voir un effet ricochet de l'influence du climat sur les
océans. En ce sens, la protection des océans du point de vue
climatique se fera avec l'appui probatoire du comité mis en place par
l'Accord de Paris. Il s'agit là d'un système beaucoup plus
contraignant pour les États parties que la création d'une
institution internationale ou la possibilité de sanctionner directement
un État à l'instar du protocole de Kyoto. En quelques mots,
l'affirmation d'objectifs à atteindre pour la limitation du
réchauffement climatique permet d'accueillir le milieu océanique
sans lien concrètement réel. L'inverse est-il possible ? Surtout,
cela est-il utile ? Si la réponse est affirmative il faudra
s'intéresser aux travaux de la Conférence des Nations unies sur
le statut de la haute-mer.
En effet depuis 2017 et durant 4 rounds jusqu'en 2020
les Nations unies ont lancé les négociations en vue «
d'élaborer un instrument international juridiquement contraignant se
rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et
portant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité
marine des "zones ne relevant pas de la juridiction nationale",
c'est-à-dire la haute mer50. ». Le problème est
ici que les sujets dont il est question n'abordent pas les dangers issus des
changements climatiques en cours pour la biodiversité marine. Le cas le
plus flagrant est la disparition annoncée par le GIEC de 70% à
90% des récifs coralliens si le réchauffement atteint 1,5°C
depuis l'air pré-industrielle. La solution à apporter est
probablement de passer comme il a été dit par le prisme
climatique mais cela n'est probablement pas suffisant et la
nécessité d'un apport concret de la question climatique pour les
océans devient alors préoccupante au regard du manque
d'intérêt.
En partant du constat des sujets abordés, les
États peuvent-ils dépasser la seule vision de croissance
économique afin de répondre juridiquement à l'enjeu de la
protection des
49LAURA CANALI, «
Droit du procès et climat », dans Quel droit pour le climat
sous la direction de MATHILDE HAUTEREAU-BOUTONNET
50
https://www.un.org/press/fr/2019/mer2093.doc.hrm
39
océans et plus largement de la question
climatique ? De même, comment les textes actuels peuvent-ils servir la
cause de protection des océans face à ces changements
?
40
41
Chapitre 2 - Les solutions peu effectives pour la
protection
des océans
Dire qu'il n'existe pas de solutions pour
protéger l'environnement serait un non sens. Il convient de rappeler que
les conventions sont issues de la volonté des États et sont
destinées à être appliquées par ces derniers. Cette
application passe par différents cheminements selon la forme de
l'État (République, Monarchie) mais il y a consensus pour dire
que les conventions doivent être ratifiées. Une fois
ratifiée, une convention n'est pas directement applicable à
l'instar des règlements de l'Union européenne (UE) et l'usage
veut que celle-ci soit traduite par une loi. Il est important de comprendre ce
mille-feuille juridique afin de mieux observer les problèmes
inhérents à la protection des océans contre le
réchauffement climatique ou pour malgré tout limiter les
dégâts des changements en cours.
Ainsi se pose la question des problématiques
qui concernent la structure de construction des droits en présence
(Section 1), il s'agit d'en dégager quelques pistes pour évoluer
vers une interrelation des différents sujets de droits et des
différents niveaux de la pyramide de Kelsen notamment à travers
le prisme des principes du droit de l'environnement (Section 2).
Section 1 - Des conventions sectorielles apportant
des
solutions éparses
L'identification des risques est probablement la
source de l'aspect sectoriel du droit de l'environnement tel qu'il existe
actuellement. Il est donc possible de constater une volonté d'anticiper
et de répondre aux risques pour l'environnement qui proviennent des
changements climatiques ou non (A). Néanmoins, ce constat plutôt
encourageant se trouve affecté par une préférence
politique notoire pour un droit de l'environnement qui répond avant tout
à des enjeux économiques (B).
A - La volonté d'anticiper et de répondre aux
risques pour l'environnement
Pour identifier les conventions il convient
d'énumérer quelques conventions utiles aux différents
combats en présence liant de fait les océans et le climat. Ici le
traitement est donc par nature moins global qu'une application directe du droit
du climat au sens large. Mais il
42
convient d'opérer une analyse pour
déterminer si cette vision sectorielle est efficace ou non pour la
menace urgente qu'est le réchauffement climatique. Les risques pour les
océans sont établis par le rapport du GIEC de 2018. Ces risques
sont d'abord l'acidification de la colonne d'eau, qui elle-même entraine
une réduction considérable de la biodiversité marine, dont
les milieux qui vont être les plus impactés dans les années
avenirs sont les récifs coralliens, du moins en apparence. Ensuite, le
second risque est la multiplication de certaines algues invasives dont le
milieu ainsi changé favorise leur développement. En bref, un
risque en entraine un autre c'est là toute la vision de la structure
d'un écosystème. Le droit est-il armé pour répondre
à ces risques en cascade ?
Il serait possible d'aborder énormément
d'aspects dans cette analyse mais il s'agira d'aborder uniquement quelques-uns
d'entre eux. Premièrement la Convention sur la diversité
biologique51 est un pilier de la protection de l'environnement car
il s'agit du premier traité conclu au niveau international qui
énonce tous les aspects de la diversité biologique, notant non
seulement la protection des espèces mais aussi celle des
écosystèmes et du patrimoine génétique. Ainsi, elle
garantit l'utilisation durable des ressources naturelles, c'est-à-dire
que l'exploitation des écosystèmes, des espèces et des
gènes doit se faire au bénéfice de l'humanité mais
à un certain rythme et de manière à ce que cela
n'entraîne pas, à long terme, une diminution de la
diversité biologique. Ses trois objectifs principaux sont donc la
conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses
éléments constitutifs et le partage juste et équitable des
avantages découlant de l'exploitation de ses ressources
génétiques. Cette convention est importante car elle opère
des définitions non négligeables dans son article 2 pour l'apport
d'une protection effective à l'instar d'un écosystème qui
est « le complexe dynamique formé de communautés de plantes,
d'animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par
leur interaction, forment une unité fonctionnelle. », mais
également d'une zone protégée qui se définit comme
suit : « toute zone géographiquement délimitée qui
est désignée, ou réglementée, et
gérée en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de
conservation. ». Ces définitions sont essentielles car
l'une marque l'affirmation de la conscience que l'environnement est
formée d'écosystèmes liés entre eux, l'autre marque
pourtant la volonté de protéger des zones bel et bien
délimitées. Ainsi se pose la question de l'établissement
de ces zones. Ces dernières sont effectuées
discrétionnairement
51Convention sur la
diversité biologique (CDB) de 1992.
43
par les États signataires52, ce qui
signifie que l'établissement de ces dernières, même si
elles prennent en compte des études scientifiques relèvent avant
tout d'une décision politique une nouvelle fois. Néanmoins, dans
une approche systémique la protection d'une zone ne devrait-elle pas en
amener à une autre du fait des liens entre les écosystèmes
qui les relient ? La critique ici apportée est non plus l'absence d'un
lien entre les droits mais le manque de prise en compte de faits scientifiques
par le droit.
Une autre critique à apporter consisterait
à dire que les aires marines protégées (AMP), ne
protègent pas du réchauffement climatique. De plus ces
dernières sur le fondement de la CDB ne peut être
créées que dans un cadre national au sein du territoire d'un
État partie. Or comme il a déjà été vu, le
réchauffement climatique est un danger global qui va toucher
indistinctement les écosystèmes les plus sensibles sans
distinction étatique. Néanmoins, cette approche peut être
un levier supplémentaire avec l'apparition du contentieux climatique qui
est principalement interne même si des éléments
internationaux peuvent a fortiori avoir un rôle de preuve dans
les manquements des États. Cette vision pose davantage de questions non
négligeables. Parmi ces dernières, il est possible de se demander
si, en l'absence de conventions pour répondre à ces risques, il
existerait une volonté politique centrée sur l'environnement.
Plus précisément le politique est-il aussi pertinent que le
scientifique sans distinction des affaires internes ou internationales
?
Certains auteurs dépeignent la protection de
l'environnement comme effectivement globale dès la saisie de ce domaine
par le droit international et dès lors que celui-ci adopte des
Conventions-cadres mises en application par des protocoles53. Il y a
certes une part de vérité dans ces affirmations. Néanmoins
la mise en place est assurément sectorielle et si elle est globale d'un
point de vue juridique il manque une vision d'ensemble pour affronter les
changements climatiques. L'exemple même est celui des récifs
coralliens qui ne sauraient être prêts, comme les océans
à affronter ces risques « invisibles » qui pèsent sur
eux.
Deuxièmement, l'exemple des récifs
coralliens est le parfait indicateur pour dégager le manque cruel de
transversalité entre la protection des océans face au climat. En
effet, toujours
52Ici 168
ratifications
53BOISSON DE CHAZOURNES
Laurence « La protection de l'environnement global et les visages de
l'action normative internationale », dans Pour un droit commun de
l'environnement, Mélanges en l'honneur de Michel
Prieur.
44
d'après le rapport du GIEC de 2018 auquel
s'ajoute le rapport de l'IPBES54 de mai 2019, les récifs
coralliens font face à diverses menaces d'origine humaine. Les
changements climatiques ainsi que les risques sous-jacents marquent la
présence de menaces globales pour les récifs
coralliens55. Juridiquement il importe donc peu de s'interroger sur
la nature des obligations qui se dégagent des conventions car ces
dernières s'attaquent aux problèmes de manière tellement
sectorielle que leur étendue même ne permet pas d'obtenir un champ
d'application suffisamment large pour permettre une action contre la menace du
réchauffement climatique. Toujours dans la même logique,
Greenpeace cherche à influencer les discussions sur le statut de la
haute-mer en faisant participer la société civile à une
pétition. La finalité de la demande et d'obtenir une
sanctuarisation de 30% de la haute-mer. Loin d'être une
réclamation inutile, la question est encore de savoir si cela est
vraiment utile face à un risque systémique ?
Dans les termes qui concernent purement le droit de la
mer, l'article 192, issu de la partie XII de la CNUDM56
énonce la chose suivante : « Les États ont l'obligation de
protéger et de préserver le milieu marin. »,
l'article suivant affirme que les droits souverains de ces États
leur permettent d'exploiter les ressources naturelles de leurs territoires
à condition de remplir l'obligation de l'article
précédent. L'obligation de protection est formulée en des
termes généraux. Ainsi il n'est pas nécessairement
question de protéger le milieu marin qui incombe directement à
leurs territoires mais seulement et uniquement « le milieu marin ».
Il est possible d'en déduire qu'un lien juridique avec le droit du
climat serait ici fort utile car il étendrait largement l'obligation de
résultat énoncé à cet article. Ce lien s'il
devenait effectif viendrait donc appuyer les obligations de due diligence et de
coopération qui viennent parfaire le système juridique actuel. Il
y aurait donc une obligation par ricochet de devoir limiter les changements
climatiques en pratiquant des politiques effectives au sein des États
parties à la CNUDM.
Néanmoins, la Convention57 a su
développer une approche écosystémique de l'article 63
à l'article 67. Mais cette approche se cantonne au domaine des
pêcheries qui se démarque en droit de la biodiversité.
Pourtant, d'un point de vue scientifique, la biodiversité inclut en
son
54Plateforme
intergouvernementale sur la biodiversité et les services
écosystémiques.
55GUYONNARD Thomas, La
protection des récifs coralliens, mémoire de recherche sous
la direction de Madame
Odile DELFOUR-SAMAMA, 2017-2018.
56Op.cit.
57Ibid.
45
sein les espèces de poissons
pêchés. C'est ici une décision au service de
l'économie agroalimentaire.
Troisièmement, il existe des protections qui ne
s'attachent pas aux océans mais dont les inspirations juridiques
devraient être certaines. Ces protections existent non seulement au
niveau régional (avec l'exemple de l'UE) mais également au niveau
national.
Au sein de l'environnement il existe des
mécanismes naturels dont la fonction est d'absorber le dioxyde carbone.
Ces mécanismes peuvent être pris en compte en droit de deux
manières. D'une part, il faut simplement protéger leur existence
voire les assister de façon à ce que ces derniers se
développent. D'autre part, il faut permettre aux acteurs
économiques de participer à la réduction du CO2 dans
l'atmosphère que ce soit par des mécanismes d'incitations ou
encore par l'encadrement juridique d'une activité58. Sur le
point de vue incitatif il est possible d'évoquer la Politique Agricole
Commune (PAC) de l'UE car les sols sont reconnus comme étant le second
plus grand puits de carbone notamment après les
océans59. La question se pose alors de savoir s'il ne
pourrait exister au niveau régional des instruments juridiques
permettant à l'instar de la PAC d'actionner des politiques de protection
du puits de carbone « océan ». Une telle politique ne serait
pas totalement absurde concernant les océans qui fournissent le domaine
alimentaire avec une importance aussi grande que l'agriculture.
Néanmoins la mise en place d'une telle politique dans l'UE obligerait
une nouvelle fois à opérer des liens entre des règlements
sectoriels et rendant le droit de l'UE transversal concernant les domaines de
l'environnement et des pêches.
Au niveau national il est important de noter qu'il
existe également des mesures qui ne sont pas sans importance. Ainsi par
exemple, la France a promulgué une loi le 15 juin 2016 autorisant la
ratification de l'Accord de Paris de 2015. Les objectifs de l'Accord sont donc
repris notamment pour la limitation de l'élévation de la
température mais également en ce qui concerne les
capacités d'adaptation aux effets néfastes des changements
climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et
un développement à faible émission de gaz
à
58Infra Partie 2, Chapitre 2
l'enfouissement du dioxyde de carbone.
59DESROUSSEAUX Maylis,
« La protection des puits de carbone par la PAC », dans Energie -
Environnement - Infrastructures, n°5, mai 2018, p. 42.
46
effet de serre. L'importance de la biodiversité
océanique face au réchauffement climatique60 oblige
à considérer la loi du 8 août 2016 dite de
Biodiversité comme un pilier des mesures françaises contre le
réchauffement climatique.
Néanmoins l'Accord de Paris prévoit de
rendre les flux financiers compatibles, dans un profil d'évolution, vers
un développement à faible émission de gaz à effet
de serre et adapté aux changements climatiques, il est donc prévu
dans la loi de ratification. De même la loi Biodiversité semble
elle aussi adoptée avec des considérations
économiques61. Cela amène à s'interroger sur la
réelle volonté de protection des océans face au
réchauffement climatique ou d'ores et déjà sur
l'environnement. Ainsi l'outrecuidance des politiques adoptées
n'est-elle pas en train de rendre moins efficaces ces mesures existantes
?
B - La préférence politique pour un droit de
l'environnement répondant aux enjeux économiques
Rien n'est nouveau lorsqu'il s'agit de dire que le
droit représente et sert les intérêts d'une population
à un moment donné. Ainsi il n'est pas étonnant que dans
une période de mondialisation qui ne cesse de croître le droit
soit adapté aux développements des économies de chaque
État même si les enjeux sont d'autant plus grands pour les
États en développement. Néanmoins la vision actuelle de la
volonté de la société civile pourrait paraître
biaisée. Le droit de l'environnement est-il subsidiaire ou
complémentaire au droit économique ? Le droit de l'environnement
n'est-il pas devenu une branche du droit économique ? Comment de droit
économique pourrait-il être un outil pour combattre le
réchauffement climatique ? Le droit économique peut-il
créer un pont entre le droit du climat et la protection des
océans ? Au final il existe une multitude de questions qui
mériteraient des développements conséquents.
Afin d'effectuer un survol du sujet, il est important
de préciser que la vision économique du droit de l'environnement
s'est effectuée à compter des années 1990. Dès lors
le principe et l'objectif portant le même nom de «
développement durable », offrent une terminologie alliant
aisément environnement et économie. En conséquence, le
développement
60
http://www.ocean-climate.org/wp-content/uploads/2017/02/oc%C3%A9an-biodiversit%C3%A9-climat_FichesScientifiques_04-10.pdf.
61yAN LANG Agathe, «
Protection du climat et de la biodiversité au prisme du droit
économique », dans Energie - Environnement - Infrastructure,
n°5, p. 21.
47
ne saurait être distingué des aspects
environnementaux offrant une vision durable de cette économie. Qu'en
est-il ?
Certains auteurs62 ont pu s'interroger sur
les relations qui existent entre biodiversité et «
problématique climatique » mais également sur la
présence « d'instruments économiques ». Ces
interrogations permettent d'amener d'autres questions juridiques comme celle de
savoir si un instrument économique serait justement le plus efficace
dans la lutte contre les problématiques climatiques. Les océans
seront-ils présents dans cette lutte ? Au sein de l'article
précité, l'auteur évoque notamment la loi du 8 août
201663 dite « pour la reconquête de la
biodiversité, de la nature et des paysages », qui en plus
d'opérer des liens entre la biodiversité et le climat se penche
principalement sur les milieux forestiers et en ce qui intéresse ces
développements, les milieux marins. Existe-t-il au sein de cette
législation française des outils économiques ? Avant de
répondre il est nécessaire d'évoquer la notion de «
droit économique de l'environnement » définie par Gilles
Martin comme suit : « droit de l'organisation de l'économie
lorsqu'il a pour finalité directe ou indirecte la protection de
l'environnement ou la gestion des questions environnementales64.
». Ainsi la loi sur la biodiversité adopte deux types de
nouveaux outils : ceux qui sont innovants et ceux somme toute plus classiques.
Une question émerge de ces développements et relève d'un
ordre moins juridique que moral. Les changements climatiques sont une
conséquence directe de l'économie de marché. À
partir de là comment est-il possible d'accorder une certaine confiance
aux instruments de marché pour remédier aux menaces qu'ils ont
contribué à créer ?
Dans ses motifs la loi présente une
terminologie assurément d'origine économique avec des termes
comme « valeur potentielle importante », « capital
économique extrêmement important » et l'orientation des
mesures qui suivent l'est tout autant à l'instar d'outils classiques
comme l'éco-fiscalité (par voie d'exonération par exemple)
et il faut malheureusement regretter l'absence de mécanisme osés
comme la présence d'une écotaxe sur l'huile de
palme65. Il existe par ailleurs des mécanismes contractuels
qui naissent, non seulement par l'existence de cette loi mais également
au niveau international.
62Ibid.
63Loi n°2016-1087, 8
août 2016 : JO 9 août 2016, texte n°2
64MARTIN Gilles, « Le
droit économique de l'environnement, une nouvelle frontière pour
la doctrine et l'enseignement du droit de l'environnement ? »,
RJE, numéro spécial, p. 72-81.
65Taxe appliquée
à tout système ou entreprise qui cause des dégâts
sur l'environnement, destinée à réduire l'émission
de pollution :
https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/ecotaxe/.
48
En effet l'origine des menaces actuelles fut
l'industrialisation et avec elle l'augmentation croissante d'une mondialisation
galopante qui participe aujourd'hui massivement aux émissions de CO2. En
partant de ce constat il est impossible de se cantonner à la
législation française uniquement. Quid alors des
instruments économiques internationaux ?
La protection de l'environnement a pu directement
passer par le prisme de l'économie. À l'origine ce n'est donc pas
l'économie qui s'initia dans le droit de l'environnement mais bien
l'environnement qui se rendit présent au sein des règles
concernant l'économie. Il s'agit malgré tout d'observer cette
évolution et de savoir si aujourd'hui une telle imbrication serait
davantage effective que des mesures environnementales aux influences
économiques. D'une part, le General Agreement on Tariffs and
Trade66 avait pour objectif principal la libéralisation
du commerce dans le monde. Néanmoins il existait et il existe
toujours67 des exceptions dans la mise en oeuvre des conventions
conclues au sein de l'article XX de l'Accord. Cet article énonce
successivement dans ses paragraphes b) et g) les faits suivants : « b)
nécessaires à la protection de la santé et de la vie des
personnes et des animaux ou à la préservation des
végétaux; », ainsi que « g) se rapportant à la
conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures
sont appliquées conjointement avec des restrictions à la
production ou à la consommation nationales; ».
L'article XX du GATT relatif aux exceptions
générales comprend deux prescriptions cumulatives pour permettre
la justification de telles mesures. Pour qu'une mesure environnementale
incompatible avec le GATT soit justifiée au regard de l'article XX, un
Membre doit procéder à une double analyse prouvant que sa mesure
relève au moins de l'une des exceptions précédemment
citées en ce qui concerne l'environnement et qu'elle ne constitue pas
une « restriction déguisée au commerce international ».
Cet article a fait l'objet de plusieurs affaires68 concernant
l'environnement telle que l'affaire États-Unis - Crevettes, dans
laquelle l'Organe d'appel a admis qu'une politique s'appliquant aux tortues qui
vivent dans les eaux des États-Unis, ainsi qu'au-delà de leurs
frontières, relevait de l'article XX g). Il a estimé qu'il
existait un lien suffisant entre les populations marines migratrices et
menacées d'extinction considérées et les États-Unis
aux fins de l'article XX g).
66GATT, en français
: accord général sur les tarifs douaniers et le commerce,
signé le 30 octobre 1947 par 23 pays, pour harmoniser les politiques
douanières des parties signataires
67Règles de
l'Organisation mondiale du commerce (OMC) 68
https://www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/envt_rules_exceptions_f.htm.
49
Une autre affaire peut mettre en relief le commerce et
l'utilisation des règles de l'OMC dans un but de protection de
l'environnement et plus précisément contre les émissions
ici responsables des changements climatiques. Il s'agit de l'affaire
États-Unis -- Essence, les États-Unis avaient adopté une
mesure réglementant la composition de l'essence et ses effets en
matière d'émissions afin de réduire la pollution de l'air
dans ce pays. L'Organe d'appel a constaté que la mesure choisie «
visait principalement » l'objectif général de conservation
de l'air pur aux États-Unis et relevait par conséquent de
l'article XX g). Il est donc possible pour un État de protéger
ses intérêts environnementaux au-delà de ses engagements
économiques et commerciaux. Néanmoins, l'OMC ne devrait-il pas
pouvoir intégrer plus profondément des règles en faveur
d'une réduction conséquente des émissions de dioxyde de
carbone ? Les États étant parties à la fois à l'OMC
et à l'Accord de Paris ne devraient-ils pas acter à davantage de
conventions économiques permettant une évolution vers le
développement durable ?
D'autre part, l'économie s'est invitée
dans le droit de l'environnement dans les années 90 notamment dans la
CCNUCC déjà évoquée et au sein de la
Déclaration de Rio de 1992. C'est ici que la terminologie de
développement durable est née et n'a cessé de se
structurer et de s'adapter. En effet le protocole de Kyoto permettait
l'utilisation d'instruments économiques en ouvrant notamment un
marché du CO2 avec le mécanisme de flexibilité.
Aujourd'hui l'Accord de Paris établit des mécanismes d'incitation
économique pour le carbone forestier mais qui restent
carbo-centrés. Malgré cette vision qui semble aujourd'hui
critiquée69 il se pourrait que cette méthode
appliquée aux océans soit davantage favorable car ces derniers ne
risquent pas une exploitation libérant de nouveau les GES. Mais cette
question relève moins des questions climatiques que de la protection du
milieu marin70.
Pour conclure, le problème qu'il est bon de
relever est que les aspects économiques ont une tendance à
empiéter sur le véritable objectif, concernant le sujet, de
combattre les changements climatiques pour garantir la viabilité des
océans. Néanmoins l'apport de ces instruments économiques
apparaît comme un liant. Les liens nouvellement apportés
pourraient-ils apporter une effectivité renforcée de la
protection des océans des conséquences
69MOLINER-DUBOST Marianne,
« Quel rôle pour les mécanismes d'incitation
économique pour le carbone forestier dans la mise en oeuvre de l'Accord
de Paris », dans Energie - Environnement - Infrastructures,
n°5, 2018, p. 37.
70Infra Partie 2, chapitre
2.
50
climatiques ? À moins que la volonté
politique ne soit préalablement accordée qu'à une
croissance économique éternelle et destructrice.
De plus la confiance accordée aux instruments
économiques pour réparer ou arrêter les menaces
visées n'est plus aussi importante qu'elle a pu l'être. En
revanche, les années 1990 ont permis l'affirmation ou la naissance de
principes qui peuvent avoir un impact sur la protection des océans des
changements climatiques. Mais cette possibilité est-elle palpable dans
les textes ?
Section 2 - La construction d'un droit
systémique par les
principes du droit de l'environnement ?
Depuis la Déclaration de Stockholm de 1972
l'environnement se structure autour de différents principes dont la
juridicité, c'est-à-dire que la force normative issue de la
rédaction de ces derniers est parfois variable selon la nature de la
source dont ils proviennent. Ces principes proviennent de la soft law
mais il ne fait aucun doute que la hard law aura permis une plus
grande applicabilité sans que cette dernière soit pour autant
très efficace. Ces derniers traversent les normes conçues pour
l'environnement et semble dessiner une toile juridique qui permettrait
d'obtenir la vision globale pouvant être recherchée dans la lutte
contre le réchauffement climatique. C'est la raison pour laquelle il
convient d'aborder l'apport de ces principes pour les océans et le
climat (A) avant d'étudier l'application délicate des principes
pour une approche globale (B).
A - L'apport des principes pour les océans et le
climat
L'intérêt est fortement marqué par
la recherche spécifique non pas d'un lien direct mais bien d'un principe
directeur qui proviendrait et serait utilisé dans plusieurs textes.
L'idée est alors de savoir si les principes permettent une
effectivité de la protection de l'environnement. En effet, il a
été vu qu'il pouvait exister une « dualité »
entre la protection de l'environnement marin et le droit de climat. Mais ces
derniers répondent-ils aux mêmes principes ? Est-il possible qu'un
principe similaire dans chaque domaine puisse permettre d'aborder le
thème des changements climatiques pour la protection des océans
?
51
Pour tenter d'y répondre il convient de
s'arrêter sur certains d'entre eux sans spécifiquement distinguer
la soft law de la hard law. C'est alors que le principe 7 de
la Déclaration de Stockholm énonce les faits suivants
:
« Les États devront prendre toutes les
mesures possibles pour empêcher la pollution des mers par des substances
qui risquent de mettre en danger la santé de l'homme, de nuire aux
ressources biologiques et à la vie des organismes marins, de porter
atteinte aux agrément naturels ou de nuire à d'autres
utilisations légitimes de la mer. »
Il s'agit d'un texte de soft law et par
conséquent ce dernier n'est pas contraignant, notamment s'il est
observé l'utilisation du terme « devoir » visant les
États signataires. Il s'agit alors davantage d'une incitation
plutôt que d'une contrainte posée. L'autre aspect de ce principe
est le terme « substance » qui est évoqué car il
n'existe, ni en droit international, ni au sein de droits internes de
définition de ce terme. À partir de là il est possible
d'interpréter ce terme largement ou restrictivement même s'il ne
fait aucun doute qu'une interprétation large permettrait de
considérer le CO2 comme une de ces substances concernées.
Ceci-dit le cas de ce principe de la Déclaration de Stockholm est
utopique car le texte fait partie de la soft law et ne saurait
être invoqué devant un juge international. Une hypothèse
qui apparaîtrait alors comme une opportunité environnementale
serait d'envisager de rendre contraignants des principes aussi forts et aussi
larges que ce dernier.
Néanmoins, la terminologie de « principes
», n'est pas nécessairement très explicite en droit
international et comme Pierre-Marie Dupuy ainsi que Yann Kerbat ont pu
l'énoncer : « Le terme "principe" appliqué à une
notion juridique n'est pas en droit international une appellation
contrôlée71. ». Ce constat s'opère
notamment à la vue des utilisations qui se chevauchent entre le
juridique et le politique. L'objectif étant à la fin de
structurer en donnant du contenu à des normes éparses. Il faut
préciser que les principes du droit de l'environnement existent à
plusieurs niveaux, c'est-à-dire tant au niveau international, qu'au
niveau régional, ou interne.
Il est impossible de ne pas évoquer le principe
de prévention et de principe de précaution tant le rapport avec
le climat apparaît complexe. En effet, ces principes sont
71DUPUY Pierre-Marie, KERBAT
Yann, Droit international public, Dalloz, 13e
édition, 2016, pt.335.
52
apparus lors de la Conférence de Rio de 1992 et
le GIEC avait d'ores et déjà rendu un rapport en 1990 sur les
possibles conséquences climatiques des activités anthropiques.
C'est donc naturellement que ces principes furent intégrés pour
une lutte contre les changements climatiques. En premier lieu, le principe de
prévention se retrouve au principe 14 de la Déclaration de Rio de
1992 et s'énonce comme suit :
« Les États devraient concerter
efficacement leurs efforts pour décourager ou prévenir les
déplacements et les transferts dans d'autres États de toutes
activités et substances qui provoquent une grave
détérioration de l'environnement ou dont on a constaté
qu'elles étaient nocives pour la santé de l'Homme.
»
De même le principe 15 énonce la
précaution de la manière suivante :
« Pour protéger l'environnement, des
mesures de précaution doivent être largement appliquées par
les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages
graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne
doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption
de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement. »
Il est possible d'observer que contrairement aux
principes en provenance de la Déclaration de Stockholm, la
juridicité de ces derniers est beaucoup plus affirmée. En effet,
en l'espèce les États « doivent » et ne «
devraient » plus, marquant ainsi un tournant dans la volonté de
protection.
En second lieu, même si la prévention
semble laissée de côté dans la hard law elle est
majoritairement consacrée dans un texte qui a déjà
été mentionné : la CCNUCC. C'est l'article 3.3 de la
Convention qui vient définir ce nouveau principe en des termes bien plus
précis que la Déclaration et explique que le principe de
précaution est appliqué lorsque l'absence de certitudes,
notamment des connaissances scientifiques et techniques en présence, ne
doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées
visant à prévenir un risque. Ainsi la principale
différence provient de la certitude scientifique de ce dernier. La
conséquence est que la précaution « empêche que l'on
retarde l'adoption de mesures de
53
protection de l'environnement en prétextant de
la nature encore incertaine des risques incriminés72.
».
En somme, les textes visant à la mise en oeuvre
de la CCNUCC (bientôt l'Accord de Paris) doivent alors prendre en compte
ce principe de précaution. Par ricochet, les océans devraient en
bénéficier tout autant car ils font partie d'un
écosystème mondial et ces derniers on dévoilé
grâce aux scientifiques la richesse des liens qui existaient entre
eux73. Mais qu'en est-il au sein des conventions qui s'orientent
davantage vers les océans ? Dans un premier temps il faut remarquer que
la CNUDM a été rédigée en 1982, soit dix ans avant
l'apparition concrète du principe de précaution. Cela signifie
qu'il ne peut y avoir la présence de ce principe au sein de la partie
XII de la convention. Néanmoins il n'y a pas d'absence de principe car
« Les États ont l'obligation de protéger et préserver
le milieu marin74 », ces derniers doivent prendre les mesures
nécessaires pour « prévenir, réduire et
maîtriser la pollution du milieu marin » d'après l'article
194 de la CNUDM. Ces mesures sont ici listées mais il est clairement
possible d'identifier la présence du principe de prévention qui
établit une obligation de moyen envers des États ayant
ratifiée la Convention. L'obligation de moyen se dégage notamment
de la présence d'action à l'instar de la réduction ou de
la maîtrise d'une pollution. Malgré ces termes, et à
l'instar de la Déclaration de Stockholm, il n'est pas possible
d'établir avec précision quelles sont les substances
visées. En effet, l'article 194.3 énonce « toutes les
sources de pollutions du milieu marin ». En partant d'une
interprétation basique, le dioxyde de carbone n'est-il pas une des
sources qui provoque lui-même l'acidification et l'eutrophisation des
océans, le blanchiment des coraux ? La réponse est positive car
celle-ci est affirmée par le GIEC. Mais il reste encore à savoir
si ces propos peuvent juridiquement être acceptés au regard des
engagements des États parties à la CNUDM. À cela s'ajoute
la formulation du a) de l'article 194.3 qui évoque, tout en parlant des
substances que ces dernières peuvent avoir, une provenance tellurique.
N'est-il pas opportun d'envisager une interprétation en faveur du climat
pour les océans ?
72DE SADELEER Nicolas,
« Le rôle ambivalent des principes dans la formation du droit de
l'environnement : l'exemple du principe de précaution », dans
Le droit international face aux enjeux environnementaux, Acte du
43e colloque d'Aix-en-provence.
73D. LAFFOLEY ET J.M.
BAXTER, « Ocean connections - an introduction to rising risks from a
warming, changing ocean », iucn.
74Article 192
CNUDM
54
B - L'application délicate des principes pour une
approche globale
Les principes inhérents à
l'environnement ont pu avoir des difficultés à s'intégrer
juridiquement. La source de cette difficulté provient du fait qu'il
s'agit d'un droit jeune au moment où ces derniers sont affirmés
et que certains d'entre eux sont difficiles à appréhender. Par
exemple, le principe de prévention établit une obligation et une
responsabilité qui doit s'opérer avant l'apparition d'un dommage
lorsque ce dernier est connu scientifiquement parlant. Ce principe apparu
dès 198775 a permis l'apparition en 199076 du
principe de précaution qui se différencie par la prise de mesures
y compris lorsqu'il existe une incertitude sur le risque mais que ce dernier
est probable77. Mais comment ces derniers ont-ils pu être
davantage reconnus ? La réponse se trouve évidemment dans la mise
en oeuvre des États parties aux conventions présence, mais ce
sujet invite communément à s'intéresser aux
différents domaines de ces mises en oeuvre78. L'autre pendant
est bel et bien l'application au regard de la jurisprudence internationale.
Mais celle-ci peut-elle être suffisamment affirmée pour que le
climat soit davantage représenté comme un des aspects de
protection des océans ?
Il faut pour cela regarder les récentes
décisions de la Cour internationale de Justice, ainsi que les avis
consultatifs du Tribunal international du droit de la mer79 qui sont
venus préciser les obligations des États en matière de
préservation de l'environnement, et ainsi identifier un socle coutumier
d'obligations substantielles et procédurales visant la prévention
des dommages environnementaux sur un ensemble pouvant englober océan et
climat. Il existe par exemple les obligations de due diligence qui peuvent
potentiellement produire des effets systémiques recherchés sur
l'ensemble du droit international de l'environnement et ainsi viser les
domaines concernés. Il est possible d'imaginer et d'espérer que
dans les années à venir, les juges nationaux puissent se saisir
davantage des règles du droit international de l'environnement et ainsi
venir opérer des affirmations plus
poussées80.
75R 42/186 du 11 décembre 1987 et 44/227 du 22
décembre 1989
76R 45/212 du 21 décembre 1990 et R 46/169 du 19
décembre 1991
77TORRE-SCHAUB Marthe, «
Le principe de précaution dans la lutte contre le réchauffement
climatique : entre
croissance économique et protection durable
», dans Revue européenne de droit de
l'environnement, 2003, p.
151-170.
78Infra Partie 2, Chapitre
2.
79TIDM
80KERBRAT Yann,
MALJEAN-DUBOIS Sandrine, « Quelles perspectives en droit
international de l'environnement ? », dans Revue de droit
d'Assas, Université Paris 2 Panthéon-Assas / Lextenso
éditions, 2015. ffhal-01400400f
55
Comme il a été vu, des « principes
» du droit international de l'environnement ont été
proclamés dans la Déclaration de Rio de 1992 qui, à
l'époque où la Convention-cadre et le Protocole de Kyoto ont
été conclus, avaient une nature « programmatoire
»81. Le caractère contraignant de ces principes
était alors encore incertain mais ils ont acquis depuis, avec une
pratique internationale de plus en plus concertée, une valeur
coutumière et sont désormais obligatoires pour les États.
Apparu en premier, cet avancement avait d'abord concerné le principe de
prévention, illustré par l'arrêt rendu par la Cour
internationale de Justice en date du 20 avril 2010 dans l'affaire des Usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay82 et a
confirmé ce caractère coutumier, et donc une reconnaissance au
niveau international pouvant permettre une meilleure application de ce principe
dans l'interrelation climat-océan.
La Cour a précisé à ce moment que
le principe résultait de la diligence due par les États et avait
pour conséquence que tout État était et est encore :
« tenu de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour
éviter que les activités qui se déroulent sur son
territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent un
préjudice sensible à l'environnement d'un autre État.
». La formule est inspirée du « principe 21 » de la
Déclaration de Stockholm de 1972, mais le dépasse aussi en
faisant peser sur chaque État une obligation d'agir83. La due
diligence, un des principes de l'environnement permet alors de
développer la fonction recherchée, c'est-à-dire une
approche systémique du droit. La question se poserait alors de savoir si
les principes visés peuvent fonctionner de manière
autonome.
L'exemple sujet à débat auprès de
la doctrine est le principe de précaution. En effet ce dernier se
retrouve dans plusieurs conventions internationales84 et a
même été consacré au sein de l'UE85. Pour
autant, les juridictions internationales ne se prêtent pas toujours
à l'accueillir favorablement. Par exemple la CIJ dans l'affaire du 25
septembre 1997, Hongrie contre Slovaquie86, l'a clairement
rejeté en invoquant que le péril n'était ni grave, ni
imminent. La question peut alors se poser d'un point de vu climatique car
à l'heure où certains États du monde déclarent
l'urgence climatique, les juridictions internationales ne
81Idem..
82C.I.J., 25 ordonnance du 13
juillet 2006, affaire relative à des usines de pâtes à
papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay)
83Op. cit. KERBRAT
Yann, MALJEAN-DUBOIS Sandrine, « Quelles perspectives en droit
international de
l'environnement ? »
84Liste exhaustive, voy. A.
Trouwborst, « Evolution and Status of the Precautionary Principles in
International
Law », o.c.
85Article 191 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
(TFUE)
86C.I.J. , 25 septembre 1997,
Hongrie c. Slovaquie, par. 56.
56
devraient-elles pas mettre le pied à
l'étrier pour engager ces changements juridiques futurs ? D'autres
exemples permettent d'affirmer que la CIJ ne sera pas des juridictions
internationales nécessairement pionnière sur une
appréciation des principes87.
A contrario, dans le Tribunal international
du droit de la mer88 ce principe a été invoqué
de multiples fois par les parties requérantes. Dans un arrêt de
199989, le TIDM a démontré qu'il était sensible
d'user de ce principe notamment en accolant les termes « prudence »
et « précaution », ce qui a engagé des
difficultés d'interprétation. L'application fût
également amphigourique dans l'affaire de l'Usine Mox90. Dix
ans après une pratique juridictionnelle hasardeuse, l'autorité
coutumière du principe a été affirmée dans un avis
rendu en 2011 par la Chambre pour le règlement des différends
relatifs aux fonds marins du Tribunal international du droit de la mer. Ils
doivent notamment se prononcer sur la question de savoir si les États
sont tenus de respecter « une approche de précaution »
lorsqu'ils patronnent une entreprise qui procède à des
activités d'exploration ou d'exploitation dans la Zone, y compris hors
du champ des deux règlements relatifs à la prospection et
l'exploration des nodules polymétalliques et des sulfures
polymétalliques qui la mentionnent expressément. La chambre
spéciale91 a constaté « approprié de
souligner que l'approche de précaution fait aussi partie
intégrante des obligations de diligence requise incombant aux
États qui patronnent, laquelle est applicable même en dehors du
champ d'application des Règlements relatifs aux nodules et sulfures
», marquant ainsi encore la dépendance du principe de
précaution à la due diligence. Ainsi, la due diligence
étant une obligation coutumière consacrée notamment par la
CIJ dans son arrêt usines de pâtes à papier et l'approche de
précaution faisant partie de la due diligence, il faut en déduire
que la précaution est obligatoire en tant qu'elle découle d'une
règle coutumière. La conséquence d'après la
Chambre, est que les États doivent « prendre toutes les mesures
appropriées afin de prévenir les dommages qui pourraient
résulter des activités ». Faut-il alors croire que les
problèmes climatiques pourraient être saisis par la CIJ ou le TIDM
dans un avenir proche ? Ou bien les États n'oseraient pas enclencher les
mécanismes juridictionnels internationaux ? Dans cette
87C.I.J., ordonnance du 13
juillet 2006, affaire relative à des usines de pâtes à
papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c. Uruguay, §73.
88TIDM
89Affaires du thon
à nageoire bleue (Nouvelle-Zélande c. Japon ; Australie c.
Japon), affaires n°3 et 4, Ordonnance du 27 août 1999.
90Affaire de l'Usine Mox
(Irlande c. Royaume-Uni), affaire n°10, Ordonnance du 3 décembre
2001.
91Ou Tribunal dans le
Tribunal (TIDM)
57
hypothèse le contentieux climatique se
cantonnerait alors aux recours internes des États. La question de
l'effectivité de ces deux alternatives n'entre ici pas en
compte.
En somme les principes ne semblent pas être le
fer de lance du droit du climat. À partir de ce point de vue il ne
semble pas que les océans bénéficient d'une protection
suffisante à partir d'un droit global. Peut-être faudrait-il
aborder chaque droit non pas comme un ensemble mais comme faisant partie d'un
ensemble. Les renvois sont entre le climat et la protection du milieu marin
plutôt absents. La question se pose de savoir si une protection des
océans via le prisme des activités en mer ne serait pas
d'une utilité sur un autre plan. Scientifiquement parlant,
protéger la biodiversité par exemple, c'est également
protéger le climat, notamment lorsqu'il est sujet des océans.
Quelles gouvernances et quelle activité pourraient permettre aux
océans de jouer un rôle dans la régulation du climat
?
58
59
Partie 2 - La protection des océans à
travers le
prisme de la régulation du climat
L'approche précédemment effectuée
avait pour principal but d'observer le manque de lien entre le droit du climat
et la protection du milieu marin. Il a notamment été
observé de manière climato-centrée que l'environnement
marin était grandement soumis à une vision et une application
sectorielle passant par le prisme de l'activité économique. Ces
activités, quand elles sont une émanation à des fins de
protection du milieu marin, laissent en effet une grande place aux enjeux
économiques. Cela provient notamment de la recherche d'un
équilibre entre les nombreux risques que supportent les océans,
l'économie se pose ainsi au côté d'enjeux technologiques,
touristiques, archéologiques, météorologiques,
climatologiques et énergétiques. À bien y regarder, ces
domaines constituent autant de secteurs que le droit de l'environnement
appliqué aux océans pourrait voir apparaître. C'est la
raison pour laquelle la protection du milieu marin passe très souvent
par des mesures en relation avec l'économie. Néanmoins les
objectifs peuvent parfois manquer d'uniformité afin de répondre
à des objectifs systémiques à l'instar des changements
climatiques. De même, la protection du milieu marin ne se trouve
être qu'un domaine pouvant permettre une protection plus
globale92. Ainsi le rapport entre la biodiversité et les
changements climatiques n'est plus à remettre en cause93, et
la protection de cette dernière est un élément essentiel
dans les actions à mener contre le réchauffement
global.
Il va donc être question d'aborder non plus le
manque ou l'absence de lien entre deux droits aux objectifs différents
mais de s'attarder sur les éléments distincts de la protection du
milieu marin. Pour ce faire il faudra observer qu'il existe une multitude
d'institutions pour la gouvernance des océans, mais qu'elles ne sont
peut-être pas opérationnelles pour la mission de protection des
océans (Chapitre 1). De même, il sera abordée la question
de l'enfouissement du CO2, une activité nouvelle méritant un
encadrement juridique relativement strict (Chapitre 2).
92Infra Partie 1.
93
https://uicn.fr/biodiversite-et-changement-climatique/.
60
Chapitre 1 - Le problème de l'encadrement des
activités par
le droit
L'étude des institutions au sein de ces
développements se fera sous le prisme de la régulation du climat.
Au final la question principale est de savoir comment la gouvernance des
océans peut permettre une protection effective du milieu marin dans le
cadre de la régulation du climat. En effet, les institutions qui
existent fournissent des actions concrètes pour encadrer certaines
activités (la pêche, la surveillance d'une zone, la
délivrance de permis d'exploration ou d'exploitation). Ces
dernières doivent en effet appliquer des conventions protectrices quand
la mission n'est pas elle-même la protection. C'est notamment le cas des
aires marines protégées. Par ailleurs, la question au sujet de
ces dernières est de savoir si elles peuvent jouer un rôle dans la
régulation du climat.
Néanmoins pour une protection globale, il
semble évident d'observer l'absence de lien concret entre les
différentes institutions (Section 1). Ce constat n'empêche pas
pour autant de proposer des solutions institutionnelles sur cette base (Section
2).
Section 1 - L'absence de lien concret entre les
différentes
institutions en présence
Pour noter l'utilité d'un lien entre des
institutions il convient de préciser que celles-ci sont à
l'origine très fragmentées et obéissent donc à une
vision sectorielle (A). De plus, ces dernières disposent d'outils
juridiques qui pourraient être complétés pour permettre une
meilleure efficacité des relations actuelles, ou même pour en
créer de nouvelles (B).
A - Des institutions présentes mais sectorielles
Les institutions ayant des rôles plus ou moins
importants dans la régulation et la protection des milieux marins sont
nombreuses. Cette multiplicité pourrait apparaître comme le
constat de l'inefficacité des institutions. Toutefois elle est davantage
le reflet d'une approche sectorielle sur plusieurs plans, d''abord, sur la
répartition des missions. En effet, chaque institution qui participe
à cette gouvernance dispose de missions différentes. Ces missions
se développent selon les niveaux des institutions existantes. Il sera vu
par exemple
61
que l'Organisation Maritime
Internationale94 agit à un niveau différent de celui
des AMP. Pourtant il existe des enjeux parfois communs et l'une et l'autre
auraient tout intérêt à faire converger leurs
actions.
Le second plan de l'approche se concentre sur les
champs géographiques déterminés. Ce peut être
à la fois l'un des freins mais également un des avantages des
institutions. En effet, d'une certaine manière le manque d'une vision
globale ne permet pas la convergence des actions dont il était question
préalablement. Comment considérer les effets du
réchauffement climatiques si ces derniers ne sont pas reconnus de
manière universelle par les institutions ? D'un autre côté,
l'attribution à chaque institution d'un champ géographique permet
une répartition en termes d'objectifs et de moyens. Cette approche
participe notamment à ce que l'institution puisse exercer ses missions
dans un cadre préalablement défini.
Enfin l'approche se concentre sur l'étendue des
compétences des institutions à agir et à
réglementer. Il s'agit d'une particularité qui leur est
donnée. Le terme d'institutions est ici abordé au sens large : il
peut s'agir d'institutions dont la mission est de réglementer des
domaines déterminés (à l'instar de l'OMI) ou encore des
organes moins puissants permettant la gestion et le contrôle des AMP.
Entre autres, il convient de s'arrêter sur la CNUDM car des auteurs
confirment que :
« La Convention des Nations unies sur le
droit de la mer n'assure pas la cohérence des innombrables instruments
juridiques qui régissent les océans et leurs ressources. Si elle
n'a pas le statut de Constitution de la mer, l'évolution des instruments
démontre tout de même qu'elle encadre les dispositions
adoptées par des institutions sectorielles et régionales
indépendantes, et peu coordonnées
»95.
Il est ainsi démontré que la
coordination n'est pas le point fort du droit de la mer et que cela dessert
fortement la protection du milieu marin.
Cette fragmentation a des origines antérieures
à la CNUDM de 1982 et se structure notamment sur la multiplicité
des acteurs. L'un d'eux est l'OMI, agence spécialisée des Nations
unies créée en 1948 par la Convention OMI, elle se voit attribuer
des compétences concernant la navigation. Elle a donné naissance
à de nombreux traités et mesures à l'instar de ceux
identifiés à la sécurité maritime, et plus
précisément à la prévention des accidents,
mais
94OMI
95DIRE TLADI, Gouvernance
des océans : un cadre de réglementation fragmenté ?,
Regards sur la Terre, 2011.
62
également des traités sur la
prévention de la pollution marine. Cela reste toutefois orienté
sur l'exploitation des navires principalement. Nonobstant ces textes, de
nombreux aspects du milieu marin ne sont pas du ressort de l'OMI, telles que la
réglementation des pêcheries, la protection des fonds marins
contre les pratiques destructrices et même la réglementation de la
pollution imputable à des sources telluriques (la principale source de
pollution marine). Si cela peut apparaître regrettable après les
développements apportés96, cela reste néanmoins
cohérent.
L'OMI apporte néanmoins des nuances quant
à son implication dans la protection du milieu marin. La première
est l'intégration à l 'OMI de la protection du milieu marin, car
sur 51 instruments conventionnels qui ont été adoptés
à ce jour, 21 sont directement liés à l'environnement,
voire 23, si l'on tient compte des aspects des Conventions sur l'assistance et
sur l'enlèvement des épaves liées à
l'environnement97. En sus, il existe le Comité de la
protection du milieu marin (MEPC) qui est le principal organe technique de
l'OMI traitant des questions relatives à la pollution des mers. Ce
dernier traite notamment des questions relatives à la Convention
MARPOL98, c'est-à-dire principalement à la pollution
causée par les navires, c'est à dire la pollution par les
hydrocarbures, les produits chimiques transportés en vrac, les eaux
usées ou les ordures. Le MEPC participe également à la
réduction des GES en provenance des navires et des polluants
atmosphériques.
La deuxième nuance est la préparation de
travaux afin de prévenir la pollution de l'océan par l'immersion
de déchets et d'autres matières. Cela a principalement
été réalisé au travers du prisme de la Convention
de Londres de 197299 et de son protocole de 1996 sur « la
prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de
déchets et d'autres matières ». Cette convention
est particulièrement intéressante car elle va constituer le socle
d'une activité nouvelle qui pourra grandement participer à la
diminution (davantage que la réduction) du dioxyde de carbone dans
l'atmosphère notamment à travers le captage et le stockage de
ce
gaz100.
96Notamment dans la partie
1.
97
http://www.imo.org/fr/OurWork/Environment/Pages/default.aspx
98Convention internationale
pour la prévention de la pollution marine par les navires, du 2 novembre
1973
complétée par le protocole de
1978.
99Adopté le 13
novembre 1972 et entrée en vigueur le 30 août 1975.
100Infra chapitre
2.
63
Enfin, l'OMI peut déterminer des zones
maritimes particulièrement vulnérables (PSSA). Ces zones «
en raison de l'importance reconnue de ses caractéristiques
écologiques, socio-économiques ou scientifiques et de son
éventuelle vulnérabilité aux dommages causés par
les activités des transports maritimes internationaux
»101, sont éligibles à : « [une] protection
particulière, conférée par des mesures prises par l'OMI
». Il existe pour cela des critères applicables à
l'identification de ces zones et des critères applicables à la
désignation de zones spéciales qui ne s'excluent pas
mutuellement. Dans de nombreux cas, une PSSA peut être identifiée
à l'intérieur d'une zone spéciale et inversement, ce qui
peut permettre un croisement entre des zones de pêcheries ou même
des AMP. Dans ce dernier cas, la zone bénéficiera d'une
protection double en terme d'institutions. La résolution
A.982(24)102 contient des Directives révisées pour
l'identification et la désignation des zones maritimes
particulièrement vulnérables. Ces directives proposent un certain
nombre de critères qui s'appliquent à la désignation des
PSSA comme des critères écologiques relatifs aux
écosystèmes rares ou uniques, relatifs à leur
diversité ou expose encore leur vulnérabilité face aux
dégradations d'origines naturelles ou humaines. Parmi ces zones, il est
possible de citer la grande barrière de corail, en
Australie103 ou encore le détroit de Bonifacio, en France et
Italie104.
Au final, l'OMI est une institution plutôt
complète concernant la protection du milieu marin même si ce n'est
pas sa mission première. D'autres organisations se trouvent moins
adaptées à cette protection. Pire encore, il est possible de
constater une servitude totale à des intérêts
économiques dans une organisation dont la mission d'origine et de
permettre une meilleure gestion des ressources. L'exemple qui suit est celui de
l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
C'est une agence spécialisée créée en
1945105, qui oeuvre en faveur de la sécurité
alimentaire dans le domaine des pêcheries et de l'aquaculture. Ici il
faut remarquer que sa mission est bel et bien déterminée. Un
cadre est
101
http://www.imo.org/fr/OurWork/Environment/PSSAs/Pages/Default.aspx.
102Résolution
A.982(24) adoptée le 1er décembre 2005 (point 11 de l'ordre du
jour) Directives révisées pour
l'identification et la désignation des zones
maritimes particulièrement vulnérables
103Désignée en
1990 puis étendue afin d'inclure le détroit de Torres en
2005.
104Désignée en
2011.
105Par les Nations
unies.
64
établi afin de cantonner l'organisation
à un secteur, celui du prélèvement halieutique. Elle a
pour compétence d'élaborer des instruments relatifs à la
pêche, contraignants ou non106.
Il est possible de constater une articulation avec la
CNUDM ici. Par exemple la liberté en haute-mer accorde une
liberté de pêche, sauf pour certaines espèces
protégées spécifiquement107, mais celle-ci
contribue au déclin des pêcheries et à de plus grandes
menaces sur la biodiversité marine. Par ailleurs, les dispositions
issues du droit des pêches ne peuvent relever de la Convention sur la
biodiversité et ce à travers les organisations régionales
de pêches (ORGP). En effet ces dernières sont destinées
à permettre une utilisation durable des ressources halieutiques. La
nature juridique de ces organisations a pour unique but de servir les
intérêts économiques via le prisme de
l'alimentation humaine et ne prend pas en compte les poissons comme faisant
partie de la biodiversité. Ce constat peut se faire notamment à
travers la Convention OSPAR de 1992 qui établit une organisation
régionale dans l'Atlantique du Nord-Est et dont les missions sont la
protection de l'écosystème de la zone ainsi que la protection de
la diversité biologique qui s'y trouve. Il faut pourtant noter la
définition donnée de la diversité biologique au sein de
l'article 2 de la Convention qui dispose que celle-ci est une :
« Variabilité des organismes vivants
de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes
terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les
complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la
diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que
celle des écosystèmes. »
Il est possible d'extraire ici les expressions «
organismes vivants de toute origine » et « diversité au sein
des espèces et entre espèces » qui permettent sans doute
d'inclure les poissons péchés. Ainsi sur la même zone
dispensée par OSPAR il est possible de retrouver l'ORGP NEAFC ou
Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est
(CPANE)108.
Au final, la fragmentation observée au sein des
droits permettant la protection des océans face au climat se retrouve
lui-même au sein du droit de la protection du milieu marin.
106DIRE TLADI, «
Gouvernance des océans : un cadre de réglementation
fragmenté ? », Regards sur la Terre, 2011
107Convention
Baleinière Internationale de 1946 par exemple.
108https://www.neafc.org/
65
En effet, l'équilibre est précaire entre
les dispositions de la CNUDM sur la protection du milieu marin et les
intérêts économiques qui restent l'intérêt
majeur. Cette « Constitution pour la mer », aurait du apporter un
ciment solide pour créer des liens et une uniformité dans ces
problématiques, surtout en notant que la CNUDM a été
adoptée en 1982, c'est-à-dire 10 ans après la
Déclaration de Stockholm qui marquait la naissance du droit
international de l'environnement. Pour exemple, l'article 193 qui dispose que
les États ont : « le droit [souverain] d'exploiter leurs ressources
selon leur politique en matière d'environnement et conformément
à leur obligation de protéger et de préserver le milieu
marin », marque avant tout le droit d'exploiter les ressources selon leur
bon vouloir.
Néanmoins ces institutions et organisations
disposent pour certaines de la capacité à créer des
règlementations et à les faire appliquer. À ce titre, il
est nécessaire d'observer quels outils elles peuvent mettre en
oeuvre.
B - Des outils juridiques incomplets pour protéger
le milieu marin
Ces diverses organisations ont pour la plupart les
moyens de créer du droit et d'organiser la mise en oeuvre de la
protection en pratique. En effet, la CNUDM qui établie les zonages et la
protection du milieu marin en deça des lignes de la ZEE109
n'implique que les juridictions et les souverainetés des Etats. Ces
derniers peuvent avoir à appliquer les directives et conventions
dégagées par l'OMI comme il a été vu, mais le
principe de la Convention de Montego Bay est celui de la liberté de la
haute-mer, il est ancré depuis que Grotius l'a affirmé au
XVIIe siècle. Ce principe nuit indéniablement à
l'efficacité de la protection et de la préservation du milieu
marin. En outre, la CNUDM ne remédie pas à la fragmentation de la
gouvernance des océans. Au contraire le problème est accru par la
création d'institutions supplémentaires dont les domaines de
compétence risquent de se chevaucher à l'instar des organisations
gérant les pêches, et d'une AMP. Ce sont trois nouvelles
organisations qui sont établies par la Convention : la Commission des
limites du plateau continental (la Commission), le Tribunal international du
droit de la mer (TIDM) et l'Autorité internationale des fonds marins
(l'Autorité). Les deux qui peuvent avoir une influence sur la protection
du milieu marin sont l'Autorité et le TIDM. Le champ d'application de
l'Autorité reste limité aux grands fonds marins. Le TIDM peut
ainsi répondre
109Zone économique
exclusive
66
des contentieux issus des activités
d'exploration ou d'exploitation dans les grands font marins par la voie de la
Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds
marins, Chambre constituée conformément à la section 5 de
la partie XI de la CNUDM et à l'article 14 du Statut. Cette Chambre a
des compétences concernant les différends relatifs aux
activités dans la Zone internationale des fonds marins.
Ainsi le Tribunal ne crée pas de droit à
proprement parler. Il le complète, et infirme ou affirme l'application
de certains principes comme dans l'avis que ce dernier a pu rendre le 1er
février 2011 dans lequel il participe à la mise en oeuvre de la
protection de l'environnement des grands fonds marins. Il est ainsi
précisé dans le considérant 122 :
« 122. Parmi les plus importantes de ces
obligations directes qui incombent à l'Etat qui patronne figurent
l'obligation d'aider l'Autorité dans l'exercice de son contrôle
sur les activités menées dans la Zone, l'obligation d'adopter une
approche de précaution, l'obligation d'appliquer les meilleures
pratiques écologiques, l'obligation de prendre des mesures de garantie
dans l'éventualité de l'adoption, par l'Autorité, d'ordres
en cas d'urgence pour la protection du milieu marin, l'obligation de garantir
des voies de recours aux fins de l'indemnisation des dommages causés par
la pollution et l'obligation de procéder à des évaluations
de l'impact sur le milieu marin »110.
Le Tribunal dégage ainsi sa ligne de conduite
pour les contentieux à venir. Il est à noter que le principe de
précaution est invoqué et qu'il aura à s'appliquer
à tous les niveaux des missions de l'AIFM.
La mission première de l'AIFM n'est pas en
effet la protection des grands fonds marins même si cela est regrettable.
La mission première est l'exploration et l'exploitation des ressources
qui s'y trouvent comme les granulats, les nodules polymétalliques ou
encore l'hydrogène naturel. C'est donc une organisation dont les
objectifs sont de poser un cadre économique des grands fonds marins pour
développer le partage des ressources et des bénéfices de
ces dernières entre les pays concernés. Il s'agit ainsi
d'éviter le pillage des pays développé, même si
cette affirmation est à nuancer aux vues des négociations
houleuses
110Avis consultatif de la
chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds
marins du Tribunal international du droit de la mer du 1er
février 2011, relatif aux responsabilités et obligations des
Etats qui patronnent des personnes et entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone.
67
concernant la partie XI de la CNUDM. C'est dans ce
cadre que l'AIFM se voit attribuer des compétences de
réglementation dont elle fait bon usage. En effet, cette dernière
a établi un ensemble détaillé de règles,
réglementations et procédures dénommé « Code
minier ». Cette réglementation a pour but de réglementer la
prospection, l'exploration et l'exploitation des ressources minérales
marines dans la Zone internationale des fonds marins (qui recouvre les fonds
marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction
nationale)111. Ainsi, l'articulation entre la CNUDM qui se fait le
cadre originel de l'Autorité, et l'Autorité elle-même
établissent que cette dernière doit faire application de la
première. C'est la raison pour laquelle au-delà des aspects
économiques, l'AIFM doit faire application de la CNUDM et notamment de
l'article 145 qui dispose que : « En ce qui concerne les activités
menées dans la Zone, les mesures nécessaires doivent être
prises [...] pour protéger efficacement le milieu marin des effets
nocifs que pourraient causer ces activités ». La
responsabilité est alors de prévenir, réduire et
maîtriser les pollutions issues des activités d'exploration et
d'exploitation. Ainsi, il pourra se poser la question de savoir si
l'exploitation des sols et sous-sols entre nécessairement en
résonnance avec l'extraction des ressources dans le cadre de l'immersion
de CO2 par exemple112. Toutefois le Code minier n'est actuellement
pas complet et pourrait envisager une extension des compétences de
l'AIFM par analogie à sa mission d'exploitation. L'organisation
participerait alors grandement à la réduction du CO2
atmosphérique dans l'enfouissement de ce dernier.
Il faut noter également la possibilité
pour l'Autorité de créer des zones concernant un plan de gestion
environnementale comme par exemple la zone de Clarion-Clipperton113
dans le Pacifique. Ce plan de gestion permettrait de geler l'exploration et
l'exploitation de certains minéraux sur les fonds marins de la zone
concernée. Il y a donc une exclusion de la colonne d'eau qui reste
tributaire du principe de la liberté de la haute-mer. En
revanche114, la mise en oeuvre de ces zones permettrait la
protection de la biodiversité même si celle-ci est
temporaire115. Il conviendra alors de trouver un équilibre
lorsque l'exploitation débutera afin de ne pas perdre « les
trésors de cette biodiversité inconnue »116 qui
peuvent dans le cadre du
111
https://www.isa.org.jm/fr/mining-code/Regulations.
112Partie 2, Chapitre
2.
113
https://www.isa.org.jm/fr/documents/isba18c22,
Décision du Conseil de l'Autorité internationale des
fonds
marins au sujet du plan de gestion de l'environnement
pour la zone de Clarion-Clipperton
114NATHALIE ROS, «
Développement durable et droit de la mer », ADMO 2018,
p.147.
115Ici 3 ans.
116Ibid.
maintien de la biodiversité marine, servir
à limiter les impacts des changements climatiques en préservant
les écosystèmes et le fonctionnement des océans en tant
que puits de carbone naturel. Néanmoins, il faudrait que le droit
participe davantage à privilégier un choix de protection
plutôt que d'exploitation. L'avenir de la planète en
dépend.
Il existe d'autres exemples d'organisations capables
de créer du droit dans la gestion des zones. Il ne sera pas possible
d'établir un parangonnage exhaustif de ces dernières mais il
convient néanmoins de citer la Commission OSPAR comme exemple de zone
protégeant la biodiversité et les écosystèmes de la
colonne d'eau. Ainsi, l'objectif de la Commission est : « [la] mise en
application de la convention OSPAR et de ses stratégies se fait par
l'adoption de décisions, qui ont force de loi sur les Parties
contractantes, de recommandations et d'autres accords. Les décisions et
les recommandations abordent les actions à entreprendre par les Parties
contractantes »117. Ces stratégies sont
adoptées au sein de différents programmes de surveillance de
l'environnement qui se succèdent dans le temps et s'adaptent aux enjeux
actuels. L'un de ces programmes est le CEMP coordonné de surveillance de
l'environnement (CEMP) et dont l'objet est de produire des données
comparables provenant de toute la zone maritime OSPAR. Ces dernières
peuvent être utilisées dans les évaluations qui permettent
de traiter les questions spécifiques posées par le JAMP,
lui-même un programme conjoint d'évaluation et de surveillance
interdisciplinaire.
Ces programmes sont certes du droit mais
répondent à des objectifs pratiques très proches de la
réalité. Il s'agit d'un droit très opérationnel
fonctionnant de matière thématique. Par exemple, concernant les
effets néfastes du réchauffement climatique, il existe un
programme de lutte contre l'eutrophisation mais également contre la
perte de la biodiversité. Par ailleurs au sein de ce dernier il faut
constater qu'il est également évoqué la restauration du
milieu marin endommagé, ce qui n'est, pour des questions climatiques,
pas encore abordé aujourd'hui. De plus, ces programmes répondent
à six principes importants dont certains redondants mais
nécessaires au droit de l'environnement. Parmi ces derniers se trouvent
le principe de précaution; le principe du pollueur payeur; l'application
de meilleures techniques disponibles (BAT) et de la meilleure pratique
environnementale (BEP) notamment. Ce programme met aussi en place la
technologie propre; le principe du développement durable
68
117
https://www.ospar.org/about/how.
69
grâce à l'application de l'approche
écosystémique; le principe des mesures préventives; et le
principe de la correction à la source des atteintes à
l'environnement.
L'application de l'approche
écosystémique est presque une réussite concernant la mise
en oeuvre d'OSPAR. En effet la Commission travaille à devenir une
entité interdisciplinaire en abordant plusieurs domaines de la
protection du milieu marin. Cette dernière crée également
des liens auprès d'autres structures participant ainsi à une
coopération internationale bénéfique et nécessaire.
Parmi ces dernières il faut compter par exemple le Conseil de l'Arctique
qui est devenu un observateur au sein de la Commission OSPAR. Néanmoins,
aussi complète que soit la zone OSPAR, cette dernière est
limitée à son champ géographique et ne permet pas
l'application de la définition d'aires protégées telles
que définies par l'Union Internationale pour la Conservation de la
Nature, et qui implique que la conservation de la nature soit le premier
objectif de la zone protégée118.
Des interrogations peuvent alors naître quant
à l'utilité des AMP en l'état actuel du droit, notamment
au regard de l'apparition d'activités nouvelles comme l'enfouissement du
CO2 ou la fertilisation des océans.
Section 2 - Les propositions de solutions
institutionnelles
pour un cadre plus protecteur
Les représentants des gouvernements sont
réunis aux Nations unies, à New York, pour discuter d'un
traité mondial sur la haute-mer. Cet espace représente en effet
61% de la surface des océans et près de la moitié de la
surface du globe. Il s'agit d'après Greenpeace d'une occasion de
consacrer 30% de la haute-mer en tant que zone
protégée119. Au-delà des questions que pose une
telle superficie ainsi que sa gouvernance, cela est peut-être l'occasion
de créations et d'innovations quant à l'approche à adopter
vis-à-vis des organisations. C'est la raison pour laquelle il convient
d'établir des communications effectives entre les structures existantes
ou à créer (A), et de mettre en place un cadre juridique plus
scientifique (B).
118ODILE DELFOUR-SAMAMA,
« Les aires marines protégées, outil de conservation de
la biodiversité en haute mer », Neptunus, revue
électronique, Centre de Droit Maritime et Océanique,
Université de Nantes, Vol. 19, 2013/1
119
https://www.greenpeace.fr/proteger-30-oceans-dici-2030/
70
A - La nécessité d'établir des
communications effectives entre les zones
Dans son rapport du 4 avril 2019, Greenpeace rappelle
que les écosystèmes marins de haute-mer sont « une pompe
biologique des océans » et qu'ils « captent le dioxyde de
carbone en surface et le stockent dans les profondeurs »120. Il
s'agit ici d'un fonctionnement crucial qui permet à notre
atmosphère ne pas contenir 50 % de CO2 en plus, et la hausse des
températures rendrait le monde inhabitable. L'étude
démontre ainsi la capacité actuelle à collecter des
données et la présence de moyens à disposition permettant
de cartographier les zones océaniques à protéger et ainsi
créer un réseau de réserves marines interconnectées
et représentatives de la biodiversité marine
mondiale.
Sans doute ce type de projet est-il ambitieux, mais
cela pourrait permettre de mettre un terme aux dérives étatiques
de la surexploitation des océans. Il faut noter qu'en terme de
compétence il ne s'agit ici que de la colonne d'eau puisqu'il est
question de la haute-mer. Comme il a été vu, l'AIFM, bien que son
but premier soit l'exploitation, a le devoir d'assurer une protection du milieu
marin vis-à-vis des personnes qui pratiquent pour le moment
l'exploration et à l'avenir l'exploitation. Pourtant, le rapport de
Greenpeace évoque, tout en évoquant un traité sur la
haute-mer, la question des ressources minières qui concerne directement
les grands fonds marins et donc l'AIFM. Ce constat amène une question
cruciale en terme de protection du milieu marin : comment assurer la protection
effective d'une zone qui dépend d'un point de vue systémique
d'une autre zone ? La réponse à apporter semble couler de source.
Cela semble impossible et il est déjà difficile
d'appréhender les problèmes de pollutions telluriques
s'étendant dans le milieu océanique. Comment serait-il possible
de gérer une pollution en provenance des grands fonds marins sans que la
colonne d'eau soit impactée ?
Cela amène nécessairement à
penser qu'il faudrait d'abord créer, à l'image des commissions
existantes, d'autres commissions sous l'égide d'une Commission centrale
des aires marines protégées. Ce modèle serait fait sous la
coupe des Nations Unies à l'instar de grandes institutions existantes.
Ainsi, cette Commission centrale pourrait disposer d'un fichier commun
permettant d'opérer des liens entres les sous-commissions gérant
des zones
120Ibid.
71
régionales afin d'assurer la protection de la
biodiversité. Cette Commission devra également pouvoir
communiquer avec l'AIFM afin qu'il n'y ait pas de contradictions.
Les missions qui lui seraient attribuées
seraient à l'instar des organisations déjà existantes
d'établir la surveillance et de permettre une gestion
éco-responsable des ressources biologiques pouvant apporter des
solutions clés pour l'humanité. À la fin, il ne s'agit pas
de couper totalement l'accès des activités humaines sur ces zones
mais d'en limiter grandement la présence et l'impact afin de garantir la
résilience des océans. En effet, l'échec d'un consensus
politique pour la création par la Commission CCAMLR d'une réserve
de 1,5 millions de mètres carrés en mer de Ross permet d'imaginer
à quoi peuvent ressembler les négociations sur un traité
sur la haute-mer. La Chine, la Norvège et la Russie se sont
opposées à l'institution de cette réserve qui aurait
bloqué toutes les activités économiques. Un projet d'une
telle ambition semble alors complètement utopique. De même, si des
organes tels que la CCAMLR continuent d'échouer dans leur mandat de
protection de l'océan, ils ne pourront plus faire partie de la solution,
y compris sous l'égide d'une Commission centrale.
Finalement dans une tentative de consensus politique
entre les intérêts économiques et la protection des
océans, il semble clair que les États privilégieront
constamment les aspects économiques ne comprenant pas à quel
point ce manque de protection sera faillible pour l'économie dans le
futur. Si une institution aussi grande qu'une Commission centrale de la
haute-mer ne peut exister, peut-être faut-il néanmoins permettre
aux instruments déjà existants de posséder des outils de
communication entre eux pour établir une coordination des objectifs de
protection.
Il s'agit une nouvelle fois d'une proposition moins
utopique qu'ambitieuse car après tout : « Rien ne s'est fait de
grand qui ne soit une espérance exagérée
»121.
L'inspiration pourrait également venir de ce
qui existe au travers des travaux de la Commission OSPAR qui possède un
domaine de compétence interdisciplinaire. Il va de soi que l'avenir de
la protection du milieu marin se trouve dans l'interdisciplinarité. En
effet, « protéger les espaces en mer reviendrait à
protéger de façon spécifique un immense
chapelet
121Jules Verne.
72
de biotopes particuliers tout en tenant compte des
interactions que chacun d'eux peut entretenir avec l'espace voisin
»122. Il serait ainsi dommage de n'envisager qu'un domaine de
compétence pour les AMP à venir, car les risques en provenance
directe des activités humaines sont relativement nombreuses, y compris
quand ces dernières ont pour objectif à long terme de
réduire les émissions de CO2123. Ceci-dit, certains
auteurs ont déjà pu aborder la thématique de la protection
de la haute-mer au travers de ce prisme et ont pu affirmer que le sujet
était d'une « extrême complexité » car il
nécessite une conjugaison « au niveau de la société
internationale, [de] la protection d'espaces dont la définition
juridique ne se calque pas sur la réalité biologique
»124. C'est ici tout le problème invoqué par
Greenpeace et la solution recherchée à travers ce réseau
d'AMP qui concernerait 30% ou davantage de la haute-mer. Même si la
Convention de Montégo Bay fixe une délimitation juridique des
espaces en mer pour les États, elle confie également la
protection des espaces qui sont attribués à ces derniers. Cela
signifie alors que la protection des espaces est conçue au travers de la
souveraineté et qui plus est de celle de l'État côtier
principal bénéficiaire des dispositions du texte.
Cette vision des choses permet d'opérer un
constat déjà effectué : « Créer un instrument
global de protection ne peut être efficace qu'à la condition
d'être appliqué uniformément, et des initiatives locales ou
régionales ne peuvent être bénéfiques qu'à la
condition de pouvoir être généralisées ». Le
choix sera très probablement discuté lors des négociations
en cours au siège des Nations unies à New York mais il faudra
attendre 2020 avant d'observer le choix qui aura été fait. Il
faudra néanmoins que soit envisagée une meilleure prise en compte
des études scientifiques effectuées pour accompagner et
comprendre les instruments décisionnaires.
B - Le besoin d'un cadre juridique plus scientifique
Dès l'origine l'environnement a
été réputé comme étant un droit de
techniciens. Cependant ce droit n'avait pas encore fait ses marques et les
principes n'étaient pas aussi établis qu'ils le sont aujourd'hui.
Il s'agissait d'un droit qui se faisait « l'expression d'un
122Hana AKROUT, Marie BARBAT
et Louis NAUX, « La protection des espaces en mer : utopie ou
réalité ? », Neptunus, revue électronique, Centre de
Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, Vol. 13 2007/2
123
https://www.greenpeace.fr/proteger-30-oceans-dici-2030/
124Ibid.
73
constat scientifique »125. C'est ainsi
que les praticiens du droit se retrouvaient confrontés aux limites
qu'imposait la lecture des annexes de réglementation. Ces
dernières faisaient de ce droit un droit de techniciens plus que de
juristes. Des interrogations naissaient à propos de la valeur
scientifique du droit de l'environnement ou encore de sa pertinence
scientifique. Aujourd'hui la question s'orienterait d'une autre manière
et aborderait davantage le point de vue de la science émettant
l'interrogation suivante : le droit est-il suffisamment réceptif envers
la science ? En effet, il existe de nombreux organismes déjà
cités à l'instar du GIEC ou de l'IPBES désignés
comme des organismes intergouvernementaux dont l'objectif est principalement de
vulgariser des thématiques scientifiques concernées. Pour les
deux organismes précisés il faut donc noter les
thématiques du climat et de la biodiversité. En revanche, quelle
est leur place ? Puisqu'il s'agit d'organismes intergouvernementaux il faut
observer qu'ils n'ont aucunement les moyens de proposer des analyses aux
institutions comme OSPAR ou d'autre AMP par exemple. De même il s'agit
ici d'interfaces qui ne sont pas directement liées au droit et ne
permettent pas une juridisation suffisante des solutions à apporter. Ces
interfaces servent donc les politiques et ont pour objectif la conservation et
l'utilisation durable de la biodiversité, sous-tendant le
bien-être humain sur le long terme et le développement durable. Il
a pourtant d'ores et déjà été vu que les
gouvernements des États pouvaient être réticents si une
mesure de protection à prendre engageait nécessairement des
sacrifices sur le plan économique. En partant de ce postulat il est
important de se demander s'il n'y a justement pas trop d'intermédiaires,
et si pour répondre à des besoins urgents de protections du
milieu marin et plus généralement du climat, les scientifiques ne
pourraient pas directement interagir avec les juristes. La question peut se
poser du point de vue de l'application des principes par ces
institutions.
En effet, l'exemple du principe de précaution
est plutôt criant car ce dernier est souvent invoqué comme
étant le remède commun mais il n'en existe pas de
définition commune. Il en ressort malgré tout les
éléments phares et ainsi : « toutes les définitions
actuelles du principe de précaution reposent à la fois sur
l'existence d'incertitudes scientifiques et de risques hypothétiques et
un critère de mise en oeuvre, qui est la décision politique
»126.
125BORN CHARLES-HUBERT, DE
SADELEER NICOLAS. ERIC NAIM-GESBERT, « Les dimensions scientifiques du
droit de l'environnement - Contribution à l'étude des rapports de
la science et du droit », 1999, dans Revue Juridique de
l'Environnement, n°3, 2001. pp. 555-557.
126DE ROANY CÉCILE.
« Des principes de précaution. Analyse de critères
communs et interprétation différenciée. » In:
Revue Juridique de l'Environnement, n°2, 2004. pp. 143-156.
74
C'est bien la problématique centrale de la
précaution. Ce principe repose sur la décision politique qui a le
dernier mot pour juger s'il est nécessaire ou non d'en faire usage.
C'est-à-dire qu'au moment précis de la non-utilisation de ce
principe, les avis scientifiques ou l'existence même de doutes sont
complètement rejetés, la plupart du temps pour servir les
intérêts économiques et engager ainsi l'exploration ou
l'exploitation d'une zone marine et ce tant au niveau biologique, halieutique
que minier. Ainsi par exemple la convention OSPAR à propos de
l'incertitude scientifique évoque l'absence de « preuves
concluantes »127, l'absence de « certitude scientifique
»128 en ce qui concerne le principe 15 de la Déclaration
de Rio de juin, le préambule de la Convention sur la diversité
biologique de 1992 ou encore l'article 3 de la Convention sur les changements
climatiques. De plus il faut constater que : « Le principe de
précaution teste également les institutions politiques en ce sens
qu'elles sont forcées de réglementer sans pouvoir se justifier
par l'autorité de la science »129, encore faut-il
déterminer ce qui peut être qualifié « d'institutions
politiques ». Les AMP seraient-elles des institutions politiques ? Ou
existe-t-il une réelle écoute de l'incertitude scientifique ? Au
final certains auteurs tentent de :
« Confronte[r] le droit de l'environnement
à la rationalité et à l'objectivité scientifique
pour mesurer la capacité de cette discipline juridique à
conceptualiser l'apport de savoirs multiples, pluriels et équivoques en
son sein. Ceci revient à savoir comment le droit de l'environnement
appréhende l'indéterminé, l'incertain et la
complexité alors qu'il a vocation de dire ce qui doit être.
L'auteur plaide ici en faveur d'un « droit relationnel »
destiné à gérer la complexité écologique
ainsi que l'incertitude scientifique »130.
Cela démontre bien la difficile conciliation
entre les apports scientifiques qui apportent des vérités
concrètes d'un état de dégradation ou
d'amélioration de l'environnement, ou encore des hypothèses
discutables131.
127Article 2-2-1 de la
Convention OSPAR ; voir également la résolution LDC 44/14 (1991)
et l'article 3-2 de la Convention d'Helsinki relative à la protection de
la mer Baltique.
128Principe 15 de la
Déclaration de Rio de juin 1992 (absence de « certitude
scientifique absolue »), le préambule de la Convention sur la
diversité biologique de 1992 ou l'article 3 de la Convention sur les
changements climatiques (absence de « certitude scientifique totale
»).
129DE ROANY CÉCILE.
« Des principes de précaution. Analyse de critères communs
et interprétation différenciée. », dans Revue
Juridique de l'Environnement, n°2, 2004, pp. 143-156.
130BORN CHARLES-HUBERT, DE
SADELEER NICOLAS. ERIC NAIM-GESBERT, « Les dimensions scientifiques du
droit de l'environnement - Contribution à l'étude des rapports de
la science et du droit », 1999, dans Revue Juridique de
l'Environnement, n°3, 2001, pp. 555-557.
131Voir le rapport du GIEC
;
https://www.futura-sciences.com/planete/breves/rechauffement-climatique-groenland-fond-quatre-fois-plus-vite-approche-point-non-retour-248/
75
Le modèle à suivre serait alors la
construction d'une meilleure représentation scientifique et
peut-être moins politique. Ainsi la création d'un ou plusieurs
comités d'experts indépendants permettrait d'éclairer les
juristes afin de trouver le consensus entre droit et science. Les deux
matières devraient être des sources intarissables et certaines de
la protection du milieu marin notamment à travers les AMP. Couplé
à la proposition d'une Commission centrale gérant les
sous-commissions d'AMP, dans l'application des propositions de Greenpeace, ce
modèle permettrait ainsi une protection systémique des
océans. Après tout, la Convention OSPAR prend déjà
en compte la notion d'écosystème et même si des auteurs se
demandent si : « l'écosystème n'est [...] pas une notion
"trop ambitieuse pour le droit" »132, peut-être faut-il
simplement se pencher vers des concepts nouveaux plutôt que de chercher
les réponses dans des modèles qui ne semblent aujourd'hui plus
adaptés. Il faudrait alors retravailler certains concepts juridiques
à l'instar du patrimoine. Mais ce dernier n'est peut-être pas
aussi adapté qu'il le faudrait à des applications
économiques actant pour la limitation du réchauffement
climatique, comme l'enfouissement du CO2.
132ERIC NAIN-GESBERT,
Les dimensions scientifiques du droit de l'environnement - Contribution
à l'étude des rapports de la science et du droit, Bruylant,
VUB PRESS, 1999, 808 pages.
76
77
Chapitre 2 - L'existence d'un droit trop accommodant
pour assurer la protection de l'océan en tant que régulateur du
climat : l'exemple de l'enfouissement du CO2
Après avoir étudié certains
aspects institutionnels de la protection du milieu marin il convient de
s'attarder sur une activité qui pourrait se développer de
manière exponentielle dans les années à venir compte-tenu
de l'urgence climatique mondiale. En effet, depuis la seconde guerre mondiale
les scientifiques ont voulu développer des technologies permettant de
manipuler le climat et la météo à des fins militaires.
Aujourd'hui ces sciences se regroupent au sein de la
géoingénierie qui est définie en 2014 par l'Agence
nationale de la recherche comme :
« L'ensemble des techniques et pratiques
mises en oeuvre ou projetées dans une visée corrective à
grande échelle d'effets de la pression anthropique sur l'environnement.
Il importe de bien distinguer la géoingénierie qui met en jeu des
mécanismes ayant un impact global sur le système
planétaire terrestre des techniques et pratiques d'atténuation ou
ayant simplement un impact local. »
Ainsi il va être question au niveau du CO2 de le
capter pour en limiter les quantités dans l'atmosphère et limiter
les changements climatiques. Quels rôles peuvent donc jouer les
océans dans un tel mécanisme ? Ici l'idée est que les
fonds marins et les grands fonds marins133 peuvent accueillir le
stockage du dioxyde de carbone ainsi capté. Deux méthodes
existent aujourd'hui pour stocker le CO2 dans les océans. La
première méthode consiste à isoler le gaz concerné
dans des cavités, souvent d'anciens puits pétroliers ou gaziers,
qui ont la réputation d'être hermétiques et dont la
question du risque porterait sur le mécanisme de fermeture. La seconde
méthode est beaucoup plus sensible car consiste à déposer
le CO2 dans une zone à une certaine profondeur, ce qui formerait ainsi
un lac de CO2, le gaz s'intégrant progressivement au cycle du carbone
dans le fond des océans134.
Il sera donc question de l'enfouissement et des enjeux
juridiques que ce dernier dégage. La question se posera de savoir si la
qualification n'est pas trop large pour imaginer
133Car les régimes
sont différents. 134Annexe 1.
78
que les garanties de protection du milieu marin soient
suffisantes (Section 1). Ainsi cette qualification ne permettrait probablement
pas de palier à l'encadrement insuffisant dans la mise en oeuvre de
l'enfouissement (Section 2).
Section 1 - Une qualification trop large pour apporter
des
garanties suffisantes
Ce sont de vrais débats qui émergent sur
la question de l'enfouissement du CO2. Ainsi l'OMI a pu mettre en place la
Convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers
résultant de l'immersion des déchets et du protocole intervenu en
1996. Cette convention est d'une importance majeure sur la prise en compte
juridique de cette activité, mais il faut remarquer l'absence de
définitions matérielles (A) ainsi que la présence d'un
champ d'application trop fractionné (B).
A - L'absence de définitions matérielles
autour de l'enfouissement
Plusieurs définitions interviennent pour que le
droit se saisisse de la question de l'enfouissement. Ces questions
interviennent préalablement à la mise en pratique de
l'enfouissement car ce dernier nécessite d'être saisi par le droit
tant les enjeux environnementaux sont importants. Ces enjeux impliquent la
qualification du CO2 lui-même mais aussi de l'immersion.
D'une part, l'article 1.4.1.1 du
Protocole135 désigne l'immersion comme : «
toute élimination délibérée dans la mer de
déchets ou autres matières à partir de navires,
aéronefs, plateformes ou autres ouvrages artificiels en mer ».
L'appréhension de la terminologie « élimination » reste
douteuse et vaste car elle semble considérer l'océan comme un
conteneur à déchets sans limite d'accueil. Pourtant, les
problèmes rencontrés avec les déchets plastiques laissent
aujourd'hui le constat amer qu'il ne s'agit pas d'une vérité.
Comment appréhender positivement cette terminologie ? Cette
dernière doit être délibérée, ce qui
écarte de fait de qualifier comme immersion le naufrage d'un navire ou
la perte d'une partie de sa cargaison. À ce propos, il peut être
intéressant d'envisager le transport des déchets concernés
et qui
135Article 1.4.1.1 du
protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la
pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et
d'autres matières.
79
potentiellement pourraient être du CO2. Durant
un voyage, il peut arriver qu'une cargaison se détériore et dans
ce cas, les marins doivent y remédier. L'un des moyens de gestion de ces
cargaisons est de les décharger du navire afin de les gérer
à terre et d'en recycler les matériaux
récupérables, ou de s'en débarrasser d'une manière
qui soit respectueuse de l'environnement et du milieu marin136.
Toutefois sous certaines conditions cela n'est pas possible, et la seule option
viable est l'évacuation de ces cargaisons dans la mer. Ainsi l'OMI
préconise que : « L'évacuation en mer des cargaisons
avariées ne devrait être envisagée qu'en cas d'urgence bien
établie, s'il n'existe pas d'installation disponible à terre et
si cette mesure ne nuit pas à l'environnement ni à la
santé de l'homme »137. Or cette
hypothèse est parfaitement envisageable car la manière dont est
stocké le CO2 ne constitue pas la forme naturelle de ce dernier, il est
en conséquence sujet à un retour à son état normal.
Ce point sensible peut amener à se poser des questions sur l'état
même du CO2 en tant que cargaison. À ce moment, il est possible de
se demander si le CO2 peut être considéré comme une
cargaison avariée ou s'il peut être un déchet. Faut-il dans
ce cas faire une demande de rejet à la mer ? D'une part le CO2 peut
être extrêmement dangereux pour l'équipage du navire qui le
transporte, mais cette hypothèse concerne d'avantage les règles
de sécurité de droit maritime à l'instar des règles
qui encadrent la sécurité sur les pétroliers et
chimiquiers. D'autre part, la remise à l'air libre et potentiellement
dans la colonne d'eau de cette cargaison pourrait provoquer
l'inefficacité des mesures de captages. Pire encore, cela pourrait
provoquer une pollution en provoquant une acidification immédiate de la
colonne d'eau où le rejet a été
effectué.
L'article 1.4.1.3 poursuit en précisant que :
« tout entreposage de déchets ou autres matières sur le fond
des mers, ainsi que dans leur sous-sol, à partir de navires,
aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages artificiels en mer
»138, peut être un cas d'immersion. Cette
hypothèse est davantage pertinente avec les solutions scientifiques
envisagées, comme cela a déjà été
noté139. Ainsi la déposition du dioxyde de carbone
dans le fond des océans de manière à former un lac de CO2
pourra aisément être considérée comme « un
entreposage de déchets ou autres matières » ainsi que de
l'emporter sur l'hypothèse de l'enfouissement au sein d'un ancien puits
de pétrole.
136« Ce qu'il est et pourquoi il est
nécessaire », document de l'OMI pour présenter le
protocole de la Convention de Londres de 1996, EV en 2006.
137Id.
138Article 1.4.1.3 du
protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la
pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et
d'autres matières
139Annexe 1.
80
Néanmoins cette dernière
hypothèse amène à l'interrogation de ce que l'immersion
n'est pas. Cette définition par élimination est
précisée à l'article 1.4.2 dont l'alinéa 3
précise que : « L'élimination ou l'entreposage de
déchets ou autres matières résultant directement ou
indirectement de l'exploration, de l'exploitation et du traitement offshore
des ressources minérales du fond des mers ne relève pas du
présent Protocole »140. C'est à dire que dans les
cas où une plate-forme pétrolière décide
d'opérer l'immersion du CO2 puisé après extraction du
pétrole au lieu de pratiquer le torchage semble, d'après les
termes du Protocole, impossible. Il existe pourtant des cas concrets sur le
site de Sleipne, qui est une exception notable car l'opérateur
sépare le CO2 dans le gaz naturel (9 %), et l'enfouit depuis 1996 dans
une couche géologique à environ mille mètres de
profondeur. Il s'agit alors de présenter le captage et l'enfouissement
du dioxyde de carbone comme un élément pouvant intervenir
à la source, mais aucune convention internationale n'existe pour le
moment pour réglementer ce type d'activité. Ainsi il se pourrait
que les définitions en provenance du Protocole soient les seules
à pouvoir s'exprimer auprès des États parties.
D'autre part, la qualification du CO2 n'a pas
été d'une grande clarté dans l'immédiat. En effet
l'article 1.8 dispose que : « "déchets ou autres
matières" désigne les matériaux et substances de tout
type, de toute forme et de toute nature », ce qui amène à
réfléchir sur la possibilité d'y inclure le dioxyde de
carbone et sur les formes qu'il pourrait alors adopter. En effet, il
n'était faite aucune mention de ce que pouvait être un
déchet, mais la nature gazeuse du dioxyde de carbone amène
à penser qu'il s'agirait probablement d'une substance pouvant entrer
dans le cadre légal de la Convention. Aujourd'hui, il n'y a toujours
aucune réglementation internationale spécifique au stockage
souterrain du CO2141. Il n'existe pas non plus de statut
légal du CO2 provenant des grandes installations de combustion. De plus
la question a pu se poser d'appréhender la durée de ce stockage
mais il s'agira ici davantage d'une question d'étude
d'impact142. Pendant longtemps, l'absence de nouvelle
législation s'est faite ressentir. L'unique exception provenait
probablement de la Convention OSPAR qui permettait de
140Article 1.4.2.3 du
protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la
pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et
d'autres matières.
141ADEME, « La
capture et le stockage géologique du CO2 », Les enjeux des
géosciences, 2005.
142Section 2, A.
81
capter le gaz sur le continent pour l'injecter sous la
mer à condition qu'il soit amené par
pipeline143.
Néanmoins, des évolutions sont
intervenues durant les années 2006 et 2007. En effet, en 2006 un groupe
de travail émanant de la Convention de Londres s'est constitué.
Il a ainsi « pu établir la liste des différents points
juridiques de la Convention et du Protocole de 1996 qui pourraient concerner le
stockage du CO2»144, afin de débattre d'une
éventuelle adaptation ou d'amendements futurs. À la suite de
l'entrée en vigueur du Protocole en 2006, l'Australie, la France, la
Norvège et le Royaume-Uni ont émis une proposition d'amendement
de l'Annexe 1 afin d'autoriser le stockage du dioxyde de carbone dans les
formations géologiques sous-marines. La résolution fût
adoptée la même année et a permis d'insérer une
liste de huit catégories au sein de l'Annexe 1 du Protocole le stockage
du dioxyde de carbone dans le sous-sol marin et indique que ce dernier sera
permis dès le 10 février 2007. Il semble qu'il y ait quelques
conditions à respecter dans la manière dont a été
rédigé cet amendement. En effet, il est rédigé
comme suit : « carbon dioxide streams from carbon dioxide capture
processes for sequestration », ce qui signifie que le CO2 ne peut
avoir une origine autre que celle en provenance du captage. Cela pose encore la
question de la définition du captage du CO2. Cette dernière
doit-elle se faire à la source de l'émission ? Doit-elle
être un captage atmosphérique en provenance des villes
polluées ?
De même, de nombreuses questions se posent
encore au sujet du CO2 malgré l'ancienneté de cet amendement.
Faut-il ranger le CO2 dans la catégorie déchet industriel ou
déchet industriel dangereux ? Cela impliquerait-il une réelle
différence dans le traitement en pratique de cette substance ?
Néanmoins, le Protocole de 1996 n'est qu'une convention cadre dont les
États parties ont un devoir de mise en oeuvre. En ce sens le Protocole
n'est pas très orienté et laisse donc un large choix aux
États parties.
Entre 2006 et 2019 il faut constater que des textes
réglementaires apportent uniquement un début de réponse.
De plus, aucun n'opère une prise en compte du stockage de ce gaz sur une
longue période. Mais il s'agit là d'un problème de
temporalité dans le droit. Cette temporalité prend une place de
plus en plus importante notamment dans le traitement de ces « nouveaux
déchets » dans lesquels il est possible de compter les
déchets nucléaires également mais dont
143Solution
étudiée aujourd'hui par les Britanniques.
144ADEME, « La
capture et le stockage géologique du CO2 », Les enjeux des
géosciences, 2005.
82
l'immersion est aujourd'hui proscrite145.
Cette activité devra donc intégrer la notion de stockage sur le
long terme à travers les règles notamment en passant par des
définitions plus précises et des qualifications plus
complètes.
Il resterait encore à entrevoir la
qualification de la zone géologique dans laquelle le stockage aura lieu.
En effet, il est possible de se demander si les cavités, qu'il s'agisse
d'anciens puits de pétrole ou de cuves sous-marines, ne peuvent pas
être cernées par le droit afin d'en assurer une meilleure
identification et pourrait être intégrées dans la
catégorie « Choix du lieu d'immersion » de l'Annexe 2 du
Protocole. Néanmoins, les zones géologiques se distinguent
fortement des zones géographiques qui fractionnent le champ
d'application du Protocole.
B - Un champ d'application géographique
fractionné
Le droit de la mer s'est structuré autour de
constantes questions de zonage depuis des temps reculés comme en
témoignent les débats engagés entre Selden et Grotius dont
le dernier a pu faire prévaloir la liberté de la haute-mer. La
question qui va être abordée ici n'a strictement rien à
voir avec le choix de la zone géologique sur laquelle il est
envisagé de stocker le CO2, sujet sous-jacent en
réalité. Il s'agit davantage d'une répartition des
compétences personnelles entre les organismes internationaux et les
États.
Dans un premier temps il convient de s'attarder sur le
protocole de 1996. Ce dernier s'adresse principalement aux États, et
plus précisément aux Parties contractantes au protocole. Des
principes de droit international sont réaffirmés dès les
considérants, notamment : « l'utilité d'un approche mondiale
de ces questions et en particulier l'importance pour les Parties contractantes
de coopérer et collaborer en permanence pour mettre en oeuvre la
Convention et le Protocole », permettant ainsi de marquer la
volonté d'une portée mondiale en mettant en avant l'application
par les États Parties. Néanmoins, bien que l'organisation
référente soit l'OMI, qui effectue des contrôles sur la
législation et l'autorisation de certains permis146,
l'application qui ne semble pas être internationalisée par l'AIFM
(c'est également le cas pour la gestion des grands fonds marins) est
affirmée au sein du considérant suivant. Il précise qu'il
: « peut être souhaitable de prendre, au niveau national ou
régional, des mesures
145Depuis 1993, toute
immersion de déchets radioactifs est définitivement interdite
après un moratoire des Etats parties à la Convention de Londres,
initié en 1983.
146Certains articles
marquent des obligations de notifications (Article 4.2), d'informations sur les
mécanismes utilisés (Article 7.3), ou de signalement
immédiat en cas de danger (Article 9.1).
83
plus rigoureuses pour prévenir et
éliminer la pollution du milieu marin résultant de l'immersion
que celles que prévoient les conventions internationales ou autres types
d'accords de portée mondiale ». Ici les rédacteurs visent
implicitement le-dit protocole et cela permet aux États d'effectuer
directement une plus stricte application des lignes directrices établies
par ce texte. Ainsi l'article 1.7 du Protocole définit la « Mer
» comme : « toutes les eaux marines autres que les eaux
intérieures des États, ainsi que les fonds marins et leur
sous-sol [...] », ce qui signifie a priori qu'il n'est pas
possible pour un État partie au Protocole de stocker du CO2 dans ses
eaux intérieures. D'un point de vue scientifique le cas d'un stockage du
CO2 en dépôt pour créer un « lac » ne serait
possible qu'à partir de mille mètres de profondeur, ce qui exclut
de manière générale les eaux intérieures pour ce
type de stockage. Néanmoins la question peut se poser du point de vue de
la cavité géologique ou de l'ancien puits de pétrole et ce
sans distinction d'un cadre d'activité. Malgré cette limitation,
l'article 7 permet aux États parties d'opérer des immersions au
sein des eaux intérieures. Cependant ces immersions se font dans un
régime beaucoup plus strict, soumis soit à des mesures minimales
en provenance du Protocole, soit plus rigoureuses. Ces mesures plus rigoureuses
doivent faire l'objet d'une information systématique auprès de
l'OMI d'après l'article 7 :
« 2. Chaque Partie contractante choisit soit
d'appliquer les dispositions du présent Protocole soit d'adopter
d'autres mesures efficaces d'octroi de permis et de réglementation afin
de contrôler l'élimination délibérée de
déchets ou autres matières dans des eaux marines
intérieures lorsque cette élimination constituerait une
«immersion» ou une «incinération en mer» au sens de
l'art. 1, si elle était effectuée en mer.
3. Chaque Partie contractante devrait fournir
à l'Organisation des renseignements sur la législation et les
mécanismes institutionnels concernant la mise en oeuvre, le respect et
la mise en application des dispositions dans les eaux marines
intérieures. Les Parties contractantes devraient également
s'efforcer autant que possible de fournir, à titre facultatif, des
rapports récapitulatifs sur le type et la nature des matières
immergées dans des eaux marines intérieures.
»
Ici encore, la CNUDM même si concernant sur la
souveraineté et les pouvoirs souverains n'a pas facilité les
choses d'un point de vue environnemental. Même si la
84
répartition des territoires maritimes est d'une
grande efficacité, elle est toujours une source de contentieux. En effet
la CNUDM établit clairement le fractionnement en différentes
zones (eaux intérieures, zone économique exclusive, haute mer,
plateau continental et zone des grands fonds marins), ce qui n'ajoute aucune
efficacité à la mise en oeuvre d'une protection
écosystémique du milieu marin. Quelles seraient alors les
solutions ?
Une piste de solution est apportée par le
Protocole lui-même évoqué au côté des
États, cette solution est la possibilité d'avoir accès
à des instruments régionaux, le protocole ne précise
toutefois pas la forme de ces derniers. Pourrait-il alors s'agir des AMP qui
regroupent en leur sein plusieurs États parties qui s'accordent sur un
objectif de protection ? La réponse existe déjà car la
Convention OSPAR l'a en effet prévue et prend en compte notamment
l'immersion du CO2 depuis 2007147. L'avantage est ici non
négligeable car une AMP pouvant se situer sur les territoires de
plusieurs États, il y a consensus à l'utilisation et la
protection des plateaux continentaux dont ils dépendent. Il n'y a ainsi
plus de distinction sur l'étendue de la zone quant à la colonne
d'eau et les fonds marins dont ils dépendent. Dans l'hypothèse
où il n'y a aucun chevauchement, la formule régionale semble
parfaitement adaptée si l'AMP prévoit d'encadrer ce type
d'activité en prenant en compte le Protocole de 1996. La question est en
revanche moins claire quand les aspects régionaux n'ont pas pour
objectif premier la protection du milieu marin en tant que tel. En effet l'UE,
dans une directive de 2009148, a légiféré de
manière à établir un cadre plus précis sur
l'immersion et le stockage du CO2 et précise en son article 2
:
« 1. La présente directive s'applique
au stockage géologique du CO2 sur le territoire des États
membres, dans leurs zones économiques exclusives et sur leurs plateaux
continentaux au sens de la convention des Nations unies sur le droit de la mer
(CNUDM).
3. Le stockage du CO2 dans un site de stockage
situé dans un complexe de stockage s'étendant au-delà de
la zone visée au paragraphe 1 n'est pas autorisé.
»
147
https://www.ospar.org/work-areas/oic/carbon-capture-and-storage;
148DIRECTIVE 2009/31/CE DU
PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009 relative au stockage
géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du
Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et
2008/1/CE et le règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen
et du Conseil.
85
La directive fait alors directement mention de la
CNUDM et marque bien un cadre assez large de l'activité majeure que va
constituer le stockage du dioxyde de carbone dans les années à
venir. Néanmoins, contrairement à la possibilité des
« lacs de CO2» à une profondeur supérieure à
mille mètres, l'UE ne saurait le permettre en précisant dans
l'aliéna 4 du même article que : « Le stockage du CO2 dans la
colonne d'eau n'est pas autorisé ». Cette interdiction n'est pas
totalement justifiée mais, la science n'étant pas au point sur ce
type d'entreposage, il semble que la précaution soit ici
appliquée à son extrême et au niveau législatif.
Cette règle plus rigoureuse est de mise et reste applicable
d'après les termes du Protocole. Il reste néanmoins une question
importante à régler concernant le champ géographique.
Quid des grands fonds marins et du rôle de l'AIFM ?
Il s'agit en effet de l'hypothèse
géographique supplémentaire que sont les grands fonds marins. Si
cela ne semble pas encore avoir été envisagé, il convient
préalablement de se demander si cela est possible tant sur le plan de la
technique que d'un point de vue juridique. Plus précisément, le
stockage du CO2 dans les fonds marins est-il compatible avec le
régime juridique de la Zone ?
Sur les aspects pratiques, les grands fonds marins
tels qu'ils sont établis par la CNUDM dans la partie IX
représentent 50% de la surface du sol de la
planète149. Ces espaces sont parmi les moins connus du monde
et ce notamment par faute de moyens techniques aujourd'hui encore trop
coûteux par rapport aux retombées possibles de l'exploitation des
ressources minières, biologiques, et peut-être
géologiques150 de la Zone. Il en résulte que
l'étude juridique est absolument hypothétique et permet
simplement d'entrevoir l'articulation entre un régime spécifique
et une activité en devenir. Le modèle de l'AIFM étant
peut-être une piste à des fins de protection du milieu marin et
donc de limitation des changements climatiques comme déjà
entrevu151.
Le régime juridique de la Zone est très
spécifique au niveau international car le statut de cette
dernière a été qualifié de « patrimoine commun
de l'humanité » par l'article 136 de la CNUDM152. Ainsi,
cet espace ne peut faire l'objet d'aucune appropriation par des États et
donc par une souveraineté étatique. À partir de ce constat
il peut être intéressant de se
149 JEAN-PAUL PANCRACIO, « Droit de la mer
», Dalloz, Précis, 1er édition, 2010, p.
335.
150 Section 2, A de ce chapitre.
151 Supra chapitre 1.
152 Article 136 CNUDM : « La Zone et ses
ressources sont le patrimoine commun de l'humanité
»
86
demander comment juridiquement il serait possible que
la Zone puisse accueillir l'activité de stockage du dioxyde de carbone.
La Zone est gérée par les États via une institution
internationale dénommé l'AIFM et dont le but est de permettre une
meilleure gestion et le partage des ressources que contiennent les grands fonds
marins, le tout en un modèle de « coopération internationale
en vue du développement général de tous les pays
»153. En 1994, le nouveau régime a pu permettre
l'acceptation d'une exploitation applicable des ressources disponibles sur
place avec la délivrance de permis de recherches scientifiques et
d'explorations qui va bientôt arriver à échéance et
laisser sa place à des permis d'exploitation. Il semble alors possible
que l'AIFM puisse faire applicable du Protocole de 1996, auquel elle peut
consentir en tant qu'institution internationale. Néanmoins, il y a en
l'espèce un problème de qualification de l'exploitation qui ne
permet pas un encadrement suffisant de l'activité pour une protection du
milieu marin. C'est à ce moment précis qu'intervient le principe
de prévention, déjà de mise car il s'agit d'un
élément central de la Convention de Londres de 1972 et depuis le
Protocole de 1996 il faudra noter l'intégration du principe de
précaution.
Section 2 - Un encadrement insuffisant pour la
protection du
milieu marin
Les dimensions institutionnelles sont bien
présentes et potentiellement prêtes à accueillir
l'activité de stockage du CO2. Néanmoins c'est dans l'application
du droit que les problématiques peuvent apparaître notamment
à travers l'absence de l'utilisation des études d'impact (A) et
la faible prise en compte de ce stockage dans les cadres régionaux et
nationaux (B).
A - L'absence de l'utilisation des études d'impact
pour le stockage du CO2
L'étude d'impact est un outil important pour la
mise en oeuvre de principes juridiques tels que la prévention ou la
précaution permettant une protection effective du milieu marin. Ces
dernières se matérialisent par des études d'impact
détaillées qui doivent se fonder sur la description d'un
état initial des sites dont l'exploitation est envisagée sur :
« des données fiables couvrant tous les compartiments de
l'environnement marin (faune et flore, sédiments,
153 JEAN-PAUL PANCRACIO, « Droit de la mer
», Dalloz, Précis, 1er édition, 2010, p.
337.
87
colonne d'eau) »154. En remarque
préliminaire il convient de préciser que la responsabilité
appartient aux exploitants des ressources minières des fonds marins
d'après les règlementations nationales pour ce qui concerne la
ZEE et internationale pour l'AIFM. Ce sont donc à ces dernières
qu'il revient de rédiger ces études d'impact. La seconde remarque
s'oriente davantage sur la terminologie « d'exploitation ». En effet,
l'exploitation n'est définie dans aucun texte en tant que telle, et tels
que son rédigés les textes à l'heure actuelle, il semble
que l'exploitation ne puisse que permettre le prélèvement de
ressources minérales ou biologiques. La question est ouverte quant
à l'exploitation d'un site en tant que zone de stockage pour le dioxyde
de carbone. Cette dernière pourrait-elle être l'immersion et le
piégeage des GES au sein de couches géologiques ou cavités
précédemment exploitées pour le prélèvement
des ressources. Il faudrait alors opérer deux définitions claires
de l'exploitation. L'une serait l'exploitation-prélèvement et
l'autre serait l'exploitation pour stockage. La scission ne serait pas absurde
et pourrait faire partie intégrante du Protocole de 1996 car il ne se
limiterait donc pas uniquement à l'immersion et à l'enfouissement
des GES. Le cadre serait alors plus clair sur la notion même de ce qu'est
une exploitation.
La problématique qui se pose principalement est
la capacité des responsables à effectuer des études
d'impact en appliquant les principes mis en place par le droit, que ces
derniers se trouvent au sein du Code minier établit par l'AIFM ou encore
le Protocole de Londres qui devrait indéniablement être pris en
compte par l'Autorité. Cela a déjà été
remarqué, l'état des connaissances sur les grands fonds marins
est très faible ce qui ne peut encore permettre aux entreprises qui
patronnent, aujourd'hui pour l'exploration, demain pour
l'exploitation155, d'effectuer des évaluations d'impact
suffisantes et détaillées. De plus, l'étude d'impact
nécessite encore une fois une approche écosystémique sur
l'ensemble de la zone qui sera choisie pour l'immersion du CO2 mais
également une approche systémique en droit. C'est-à-dire
qu'en plus de prendre en compte les principes de droits de l'environnement dans
l'étude à faire, il y a la nécessité d'y ajouter
les « process industriels, qui pour la plupart, sont
confidentiels et/ou en cours de développement »156. Pour
aller plus loin, le droit de
154 JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY ET JEAN-MARC
SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière
des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore
difficile », Annales des Mines - Responsabilité et
environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.
155 A condition d'accepter l'enfouissement comme un des
aspects de l'exploitation.
156 JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY et JEAN-MARC
SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière
des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore
difficile », Annales des Mines - Responsabilité et
environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.
88
l'environnement se retrouvera confronté, au
sein d'un document au droit de la propriété intellectuelle et ce
sans évoquer les différentes échelles de la pyramide de
Kelsen. C'est probablement cette complexité qui marque le faible nombre
d'études d'impact aujourd'hui disponibles, et ce chiffre est d'autant
plus faible quand il s'agit de trouver des études d'impact accessibles
à tous. L'information ne semble plus être un principe
environnemental lorsqu'il est question de l'exploitation de
ressources157. De plus, l'AIFM impose aux signataires d'effectuer et
de respecter des mesures d'évitement, de réduction et de gestion
durant les explorations des gisements (ou passablement des sites de stockage),
mais n'a encore rien réglementé pour encadrer les études
d'impact concernant les exploitations commerciales158.
Pour mieux opérer la faible
réglementation autour de l'étude d'impact il est utile
d'étudier successivement la législation
française159 et la législation établie par
l'AIFM.
D'une part la France a opéré des
réformes en 2011 sous l'impulsion du Grenelle de l'Environnement.
L'évaluation environnementale a été enrichie au cours de
l'année 2016 par une ordonnance160. Ainsi le contenu de
l'étude d'impact a été renforcé permettant en outre
d'accueillir les situations de changement climatique. Cette réforme a
également : « modifié le champ des projets et programmes
soumis à une évaluation environnementale systématique ou
à une évaluation réalisée »161,
selon l'espèce. Il en résulte que le tableau annexé
à l'article R. 122-2 du Code précité (modifié par
le décret n°2016-1110 du 11 août 2016) affiche donc le
cadrage de l'évaluation environnementale obligatoire pour les
opérations d'extraction marine de minéraux. Encore une fois, la
loi ne permet pas d'accueillir une exploitation au sens de l'activité de
stockage du CO2. Néanmoins, les activités sont plutôt
proches et permettent d'imaginer une analogie entre un régime existant
et un régime à construire.
D'autre part, l'AIFM compte parmi ses missions celle
de réglementer l'exploitation minière des grands fonds marins
localisée en dehors de la juridiction nationale162 et de
veiller à la préservation du milieu marin contre les effets
nocifs de l'exploration et de l'exploitation future. Pour arriver au terme de
ses missions, l'AIFM a mis en place le Code minier qui
157 Convention d'Aarhus signée le 25 juin 1998 et
entrée en vigueur le 30 octobre 2001.
158 RICHARD MAHAPATRA et ANUPAM CHAKRAVARTTY ,
« Mining at deep sea », Down to Earth 1, 2014 :
http://www.downtoearth.org.in/coverage/mining-at-deep-sea-46049
159 Pour sa ZEE.
160Ordonnance
n°2016-1058 du 3 août 2016.
161JEAN-DAMIEN BERGERON,
RONAN LAUNAY et JEAN-MARC SORNIN, « Les études d'impact de
l'exploitation minière des grands fonds marins : une étape
nécessaire mais encore difficile », Annales des Mines -
Responsabilité et environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à
54.
162C'est-à-dire la
Zone international des fonds marins, qualifié de patrimoine commun de
l'humanité.
89
regroupe des règles détaillées
concernant les activités minières. Ce dernier impose au sein des
contrats effectués avec les entreprises d'exploration et d'exploitation,
une évaluation des impacts environnementaux issus de leurs
activités163. Ce dernier évoque : « l'exploration
des minéraux » et ne semble pas pouvoir accueillir
l'hypothèse d'un enfouissement du dioxyde de carbone. Cette absence est
confirmée notamment par une liste des activités
nécessitant une évaluation préalable de leurs impacts sur
l'environnement et la mise en oeuvre d'un programme de surveillance pendant et
après le déroulement de l'activité en question a
été décidée164. Ainsi, deux
décisions portent sur les points suivants :
« -prélèvements à
étudier à terre du point de vue de leur extraction et de leur
traitement, si l'aire d'échantillonnage de chaque opération est
supérieure à la limite fixée dans les recommandations
propres à certaines ressources minérales ;
-utilisation de systèmes destinés
à provoquer des perturbations au fond,
-essais des procédés et
matériels de ramassage,
-activités de forage au moyen d'appareils de
forage embarqués, échantillonnage de roches,
-prélèvements par traîneau,
drague ou chalut épibenthique, à moins qu'ils ne soient
autorisés pour des surfaces inférieures à la limite
fixée dans les recommandations propres à certaines ressources
minérales. »
Au final, il serait possible d'opérer une
analogie à la vue d'activités qui entre dans le champ de
l'enfouissement du dioxyde carbone à l'instar des activités de
forage ou d'échantillonnage. Mais l'activité d'enfouissement du
CO2 mériterait, au vu des risques en présence, une
réglementation clairement définie par une Convention. De son
côté, le Protocole de 1996 permet un encadrement sur ce point mais
qui apparaît encore léger.
En effet, l'article 9 du Protocole dispose de la
délivrance des permis et des notifications. Ce dernier établit
l'obligation pour les Parties de : « surveiller individuellement ou en
collaboration avec d'autres Parties contractantes et les organisations
internationales
163Voir le document ISBA/19/
LTC/8.
164Commission juridique et
technique de l'AIFM - Recommandations à l'intention des contractants en
vue de l'évaluation d'éventuels impacts sur l'environnement
liés à l'exploration des minéraux marins dans la Zone,
n°13-24714, 2013.
90
compétentes l'état des mers au fins du
présent Protocole »165. Il s'agit en l'espèce
d'une obligation de contrôle a posteriori. Cela peut être
efficace mais entre en contradiction avec les modifications apportées
à la Convention par le Protocole en 1996 comme l'introduction de :
« l'approche de précaution en matière de protection de
l'environnement contre l'immersion de déchets ou autres matières
» et qui réaffirme les critères de cette dernière
dans son article 3.1166. Ainsi il serait judicieux de la part de la
part des rédacteurs, de mettre en place par cet outil juridique une
évaluation d'impact avec des principes généraux pour les
déchets de manières indifférenciés et ensuite des
règlementations plus spécifiques issues de recommandations
scientifiques167. La mise en place d'une telle mesure
achèverait de moderniser l'application des principes existants et
renforcerait l'action préventive. Ceci-dit, les instruments
régionaux et nationaux ne sont pas davantage préparés
à accueillir cette nouvelle activité de manière
sécurisée pour le milieu marin.
B - Des cadres régionaux et nationaux incomplets
Il a été vue l'articulation possible du
Protocole de 1996 notamment au niveau international. Néanmoins ce
dernier permet aux Etats parties d'aller plus loin dans les mesures
déjà définies. Ainsi il serait possible d'imaginer la
présence de l'étude d'impact manquante au sein de la
législation de l'UE, Française mais également
Norvégienne pour exemple.
Concernant l'UE, une directive a été
adoptée le 23 avril 2009168 sur le stockage géologique
du dioxyde de carbone. Cette directive avait pour objectif de poser un cadre
pour le CCS169 afin de répondre à :
L'objectif final de la convention-cadre des Nations
unies sur les changements climatiques, qui a été approuvée
par la décision 94/69/CE du Conseil du 15 décembre 1993(3) JO L
33 du 7.2.1994, p. 11 est de stabiliser les concentrations de gaz à
effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche
toute
170
perturbation anthropique dangereuse du système
climatique.
165Article 9 du Protocole
de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution
des mers résultant de l'immersion de déchets et d'autres
matières.
166Article 3.1 du
Protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la
pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et
d'autres matières
167Supra Partie 2, Chapitre
1, Section 2, B.
168DIRECTIVE 2009/31/CE DU
PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009 relative au stockage
géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du
Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et
2008/1/CE et le règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen
et du Conseil
169Carbon Capture and
Storage, capture du dioxyde de carbone et stockage, traduction de P.
ROGÉ.
170Considérant
n°1 de la directive 2009/31/CE.
91
Ce considérant permet donc d'inscrire la
directive dans un cadre plus global. Ainsi, il est possible de se demander si
des liens sont opérés entre cette directive et les autres outils
permettant la mise en oeuvre de la protection du milieu marin concernant
l'enfouissement du dioxyde de carbone. La CNUDM est citée dès
l'article 2 afin de délimiter le champ géographique dont il a
d'ores et déjà été question. Au-delà de
cette question l'article 3 de la directive marque rapidement une avancée
extrêmement bénéfique au sein de ses définitions. Il
est ainsi possible de retrouver la définition de stockage
géologique du CO2 qui exclut donc les « lacs » sous-marin afin
d'éviter une contamination de la colonne d'eau, elle-même
définie comme : « la masse d'eau continue comprise verticalement
entre la surface et les sédiments du fond ».
Les définitions les plus pertinentes du point
de vue de ce qui a été étudié sont celles ayant
trait à l'exploration et à l'exploitation.
D'une part, l'exploitation est définie comme
étant :
« L'évaluation des complexes de
stockage potentiels aux fins du stockage géologique du CO2 au moyen
d'activités menées dans les formations souterraines telles que
des forages en vue d'obtenir des informations géologiques sur les
strates contenues dans le complexe de stockage potentiel et, s'il y a lieu, la
réalisation de tests d'injection afin de caractériser le site de
stockage. »
Cette dernière inclut donc des activités
de forage nécessaires à l'étude des couches
géologiques afin de déterminer les risques sur les sites de
stockage probables. Cette définition permet également aux
personnes morales privées ou publiques en charge de cette mission
d'effectuer des essais d'injection de ce gaz. Il faut relever le
caractère ambivalent de cette mesure. D'un côté, elle
pourrait s'associer à une étude d'impact car elle est
réalisée préalablement à un stockage sur un site
déterminé. Néanmoins la directive n'établit pas
d'étude d'impact en tant que telle et cette définition semble
laisse trop de champ libre aux essais pour être qualifiée
elle-même d'évaluation d'impact. De même l'exploitant est
ici défini et marque ainsi la possibilité au sein de l'UE
d'être qualifié d'exploitant lorsqu'une personne physique ou
morale pratique l'activité d'enfouissement du dioxyde de carbone. Cette
définition indique donc que l'exploitant est : « toute personne
physique ou morale, du secteur public ou privé, qui exploite ou
contrôle le site de stockage ou qui, en vertu de la
92
législation nationale, s'est vu
déléguer un pouvoir économique déterminant à
l'égard du fonctionnement technique de ce site de stockage »,
c'est-à-dire que contrairement au cadre de l'AIFM, l'UE est apte
à considérer un exploitant comme capable de gérer un site
d'enfouissement et non plus uniquement de mener des activités de
prélèvement de ressources comme une activité
minière.
Pour le reste de la règlementation, l'UE
s'inspire globalement du Protocole de 1996 notamment dans un fonctionnement de
qualification d'immersion de déchets avec un mécanisme de
délivrance de permis de stockage qui doivent répondre à
des obligations strictes, notamment de surveillance171. La
Commission européenne s'est engagée avec des acteurs industriels
dans une démarche de « démonstration » du CCS en
appuyant la création de dix démonstrateurs à grande
échelle d'ici à 2015. Sujet de débats houleux et de
conflits locaux concernant les risques liés aux fuites de CO2 à
court terme (acidification de milieux de surface ou de nappes souterraines) ou
à long terme (manque d'efficacité dans la lutte contre le
changement climatique), la démarche est malgré tout entreprenante
et permet de faire avancer la réglementation et les recherches
scientifiques sur les méthodes d'enfouissement.
Sur les plans nationaux la question de l'application
est également à évoquer. La Norvège est le premier
Etat au monde à avoir pratiqué l'enfouissement du CO2 et se dit
prêt à être en capacité de le faire pour ses voisins
européens. Ainsi, un exemple de leur pratique ancienne est le site de
Sleipner. En effet, l'opérateur de la plate-forme
pétrolière sépare le CO2 contenu dans le gaz naturel (9
%), et l'enfouit depuis 1996 dans une couche géologique à environ
mille mètres de profondeur.
Le CSA172 a permis aux
entreprises d'exploiter les ressources naturelles sous marines dans le
territoire du la Norvège. Un Décret Royal de mars 2009
basé sur la section 2 et 3 du CSA a ainsi pu établir des textes
plus avancés encore que ceux de l'UE173. Ces derniers
consistent notamment à atteindre des objectifs d'exploration, de
développement et des opérations dans les formations
géologiques sous-marines tout en encadrant davantage le stockage du CO2
dans ces formations géologiques concernant l'autorité du ministre
du pétrole et des énergies et dans le but de la
sécurité du transport et du stockage sous l'autorité du
ministre du travail.
171Article 13 de la directive
2009/31/CE. 172The Norwegian Continental Shelf Act.
173
https://content.next.westlaw.com/Document/I8417b1a01cb111e38578f7ccc38dcbee/View/FullText.html?cont
extData=(sc.Default)&transitionType=Default&firstPage=true&bhcp=1.
93
Néanmoins la critique majeure à
opérer est toujours l'absence de l'étude d'impact qui ne permet
pas une application sereine des principes de prévention et de
précaution même si ces derniers sont intégrés et
acceptés par l'UE. Cela ne permet que de créer le doute quant
à la valeur de ce type de projet et de marquer le désaccord de
certaines ONG à l'instar de Greenpeace qui pose clairement son
opposition à l'enfouissement du CO2174.
Enfin, la France a simplement ratifié la
directive CCS de l'UE le 10 mai 2010 et a donc incorporées ces
règles dans les articles L.229-27 à L.229-31 du Code de
l'environnement sous la section des gaz à effet de serre, qui marque
également des renvois au Code minier notamment dans la gestion des
ressources du sous-sol.
174
https://www.greenpeace.org/usa/wp-content/uploads/legacy/Global/usa/report/2009/2/carbon-dioxide-capture-and-sto.pdf.
94
95
Conclusion
Les océans sont de puissants
écosystèmes qui participent à la régulation du
climat. En ce sens ils mériteraient d'être davantage
considérés dans les instruments juridiques climatiques qui
laissent bien souvent une place importante aux forêts mais surtout
à des mécanismes économique de marché. Cette
régulation du climat peut elle-même intervenir de la main de
l'être humain, notamment au travers la géoingénierie dont
les deux pendants principaux seront le captage puis l'enfouissement du dioxyde
de carbone et la fertilisation de l'océan ; pour augmenter
artificiellement les mécanismes d'absorption des GES par ces derniers.
Beaucoup de questions restent en suspend même s'il est d'ores et
déjà possible d'affirmer que le droit n'est pas assez
systémique pour permettre une protection efficaces dans les deux cas de
figures que sont le droit du climat et les activités humaines en mer
permettant la régulation du climat. Pourtant, il existe en
l'espèce des mécanismes intéressants qui ne
mériteraient que d'être complétés afin de
créer les liens dont les droits ont besoin afin de s'inspire et de
créer de l'effectivité. L'exemple à donner est par exemple
l'inexistence pour l'immersion et le stockage du CO2, d'études d'impact
encadrées et obligatoires qui permettaient d'avoir une vision plus
globale de l'activité.
Néanmoins que ce soit au sein du droit du
climat ou des règlementations des activités, dès lors que
la science ne peut prédire avec précision les conséquences
à venir, le droit rencontre des difficultés à
répondre à des menaces qui sont soit insaisissable, soit
incertaines dans le temps. Par ailleurs, il s'agit souvent moins d'incertitudes
que de l'absence d'une volonté politique qui tient coûte que
coûte à maintenir le droit au service de l'économie
plutôt qu'au service de l'être humain en préservant son
environnement.
Nombre de réflexions et de modifications
restent à faire pour adapter le système juridique actuel à
la situation de crise climatique à laquelle le monde est
confronté. Si cela semble est impossible, il faudra alors s'interroger
sur la nécessité de changer le système.
96
97
Annexe 1 :
98
99
Bibliographie
Ouvrages
DUPUY PIERRE-MARIE, KERBAT YANN, Droit international
public, Dalloz, 13e édition, 2016
JEAN-MARC LAVIEILLE, HUBERT DELZANGLES, CATHERINE LE
BRIS, 2018, « Droit international de l'environnement »,
4e édition, ellipses
JEAN-PAUL PANCRACIO, « Droit de la mer
», Dalloz, Précis, 1er édition,
2010
PATRICK DAILLIER, MATHIAS FORTEAU, ALAIN PELLET, NGUYEN
QUOC DINH « Droit International Public »,
8e édition, L.G.D.J.
Articles et rapports juridiques
« Ce qu'il est et pourquoi il est
nécessaire », document de l'OMI pour présenter le
protocole de la Convention de Londres de 1996, EV en 2006.
A.Trouwborst, « Evolution and Status of the
Precautionary Principles in International Law », o.c.
AGATHE VAN LANG, « Protection du climat et de
la biodiversité au prisme du droit économique »,
Energie - Environnement - Infrastructure n°5, p.21.
ALIDA ASSEMBONI, « Quelle différence
entre Protocole de KYOTO et Accord de Paris en terme de contraintes juridiques
? Quelles autres formes d'Accords sont-elles possibles ? Existe-t-il d'autres
accords contraignants dans le domaine de l'environnement ? »,
Exposé de la Faculté de droit de l'Université de
Lome
100
BOISSON DE CHAZOURNES, LAURENCE, MALJEAN-DUBOIS,
SANDRINE, « Principes du droit international de l'environnement
», Jurisclasseur Environnement et Développement Durable, 2011,
p14-17.
BORN CHARLES-HUBERT, DE SADELEER NICOLAS. ERIC
NAIM-GESBERT, « Les dimensions scientifiques du droit de
l'environnement - Contribution à l'étude des rapports de la
science et du droit », 1999. In: Revue Juridique de l'Environnement,
n°3, 2001. pp. 555-557
CORINNE LEPAGE, CHRISTIAN HUGLO, «
Commentaire iconoclaste (?) de « l'Accord de Paris » , Revue
juridique de l'environnement 2016, p.9.
DE ROANY CÉCILE. « Des principes de
précaution. Analyse de critères communs et interprétation
différenciée. » In: Revue Juridique de l'Environnement,
n°2, 2004. pp. 143-156.
DIRE TLADI, « Gouvernance des océans :
un cadre de réglementation fragmenté ? », Regards sur
la Terre, 2011.
ERIC NAIN-GESBERT, « Les dimensions
scientifiques du droit de l'environnement - Contribution à
l'étude des rapports de la science et du droit », Bruylant,
VUB PRESS, 1999, 808 pages.
GILLES MARTIN, « Le droit économique
de l'environnement, une nouvelle frontière pour la doctrine et
l'enseignement du droit de l'environnement ? », RJE, numéro
spécial, p.72-81.
Hana AKROUT, Marie BARBAT et Louis NAUX, « La
protection des espaces en mer : utopie ou réalité ? »,
Neptunus, revue électronique, Centre de Droit Maritime et
Océanique, Université de Nantes, Vol. 13 2007/2
JEAN-DAMIEN BERGERON, RONAN LAUNAY ET JEAN-MARC
SORNIN, « Les études d'impact de l'exploitation minière
des grands fonds marins : une étape nécessaire mais encore
difficile », Annales des Mines - Responsabilité et
environnement, 1 N° 85, 2017, pages 49 à 54.
LAURA CANALI, « Droit du procès et
climat », dans Quel droit pour le climat sous la direction de
MATHILDE HAUTEREAU-BOUTONNET
101
LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES, « La
protection de l'environnement global et les visages de l'action normative
internationale », dans Pour un droit commun de
l'environnement, Mélanges en l'honneur de MICHEL
PRIEUR.
MARIANNE MOLINER-DUBOST, « Quel rôle
pour les mécanismes d'incitation économique pour le carbone
forestier dans la mise en oeuvre de l'Accord de Paris », Energie -
Environnement - Infrastructures n°5, 2018, p.37.
MARTHE TORRE-SCHAUB, « Le principe de
précaution dans la lutte contre le réchauffement climatique :
entre croissance économique et protection durable », Revue
européenne de droit de l'environnement, 2003, p. 151-170.
MAYLIS DESROUSSEAUX, « La protection des puits de
carbone par la PAC », Energie - Environnement - Infrastructures n°5,
mai 2018, p 42.
NATHALIE ROS, « Développement durable
et droit de la mer », ADMO 2017, p.149.
NICOLAS DE SADELEER, « Le rôle
ambivalent des principes dans la formation du droit de l'environnement :
l'exemple du principe de précaution », dans Le droit
international face aux enjeux environnementaux, Acte du 43e colloque
d'Aix-en-provence.
ODILE DELFOUR-SAMAMA, « Les aires marines
protégées, outil de conservation de la biodiversité en
haute mer », Neptunus, revue électronique, Centre de Droit
Maritime et Océanique, Université de Nantes, Vol. 19,
2013/1.
Rapport du Sommet mondial pour le
développement durable, Doc.ONUA/CONF199/20,Publication des Nations
unies, New York, 2002.
SANDRINE MALJEAN-DUBOIS, Directrice de recherche CNRS,
Aix Marseille, Université de Toulon et Université de Pau &
Pays Adour, « L'Accord de Paris sur le climat : aboutissement et/ ou
nouveau départ ? », Quel droit pour le climat ?
102
YANN KERBRAT, SANDRINE MALJEAN-DUBOIS, « Quelles
perspectives en droit international de l'environnement », Revue de
droit d'Assas, Université Paris 2 Panthéon-Assas / Lextenso
éditions, 2015. ffhal-01400400f
Articles et rapports scientifiques
ADEME, « La capture et le stockage
géologique du CO2 », Les enjeux des géosciences,
2005.
BERNER, WERNER, et al. (1980). "Information on the CO2
Cycle from Ice Core Studies." Radiocarbon 22: 227-35. Delmas, R. J., et al.
(1980). "Polar Ice Evidence That Atmospheric CO2 20,000 Yr BP Was 50% of
Present." Nature 284: 155-57. Neftel, A., et al. (1982). "Ice Core Sample
Measurements Give Atmospheric Content During the Past 40,000 Yr." Nature 295:
220-23
D. LAFFOLEY ET J.M. BAXTER, « Ocean
connections - An introduction to rising risks from a warming, changing ocean
», IUCN
GIEC, « Rapport Spécial sur une
augmentation de la température de 1,5° C », 6 octobre
2018 JOHAN ROCKSTRÖM ET AL., »A safe operating space for humanity
», Nature, Vol 461/24, September 2009, p. 473.
JULIA PEREZ, « Etat des lieux de la fonte des
glaces » dans le cadre de l'Organisation mondiale pour la protection
:
https://www.ompe.org/etat-des-lieux-de-la-fonte-des-glaces/
RICHARD MAHAPATRA et ANUPAM CHAKRAVARTTY , «
Mining at deep sea », Down to Earth 1, 2014 :
http://www.downtoearth.org.in/coverage/mining-at-deep-sea-46049
WILL STEPHEN, P. J. CRUTZEN,JOHN MC NEILL, « The
Anthropocene : Are Humans now Overwhelming the Great Forces of Nature? »,
Ambio, no 36, décembre 2007, p. 614-621
Jurisprudence
Affaire de l'Usine Mox (Irlande c. Royaume-Uni),
affaire n°10, Ordonnance du 3 décembre 2001.
Affaire Urgenda c. Pays-Bas : Cour de district de La
Haye, 24 juin 2015 Fondation Urgenda contre Pays-Bas et Cour d'appel de La
Haye, 8 octobre 2018, affirmant la décision de la Cour de
district
Affaires du thon à nageoire bleue
(Nouvelle-Zélande c. Japon ; Australie c. Japon), affaires n°3 et
4, Ordonnance du 27 août 1999.
C.I.J., 25 ordonnance du 13 juillet 2006, affaire
relative à des usines de pâtes à papier sur le fleuve
Uruguay (Argentine c. Uruguay)
C.I.J., 25 septembre 1997, Hongrie c. Slovaquie, par.
56.
C.I.J., ordonnance du 13 juillet 2006, affaire
relative à des usines de pâtes à papier sur le fleuve
Uruguay, Argentine c. Uruguay, §73.
T.I.D.M., Avis consultatif de la chambre pour le
règlement des différends relatifs aux fonds marins du Tribunal
international du droit de la mer du 1er février 2011, relatif
aux responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des
personnes et entités dans le cadre d'activités menées dans
la Zone
Sites internet
http://23dd.fr/climat/histoire-rechauffement-climatique/102-histoire-de-la-decouverte-du-rechauffement-climatique-leffet-de-serre-et-le-co2-iv
http://www.ocean-climate.org/wp-
content/uploads/2017/02/oc%C3%A9anbiodiversit%C3%A9-climat
FichesScientifiques 04-10.pdf
103
https://uicn.fr/biodiversite-et-changement-climatique/
104
https://unfccc.int/fr/process-and-meetings/the-convention/status-of-ratification/etat-des-ratifications-de-la-convention.
https://www.actu-environnement.com/ae/news/prix-carbone-marche-europeen-hausse-quota-gaz-charbon-31866.php4
https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/protocole-de-kyoto.
https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/structure-terre-hydrosphere-13862/
https://www.greenpeace.fr/pollution-oceans-limpact
plastiques/?utm medium=cpc&utm
source=google&utm campaign=Plastique&utm content =&utm
term=&gclid=Cj0KCQjwtr mBRDeARIsALfBZA48JM5F1aRWmT8bMMQV75afS
KbL547BNYrPWn3VqGnlPdYr1kvEoRsaAsaPEALw wcB
https://www.wto.org/french/tratop
f/envir f/envt rules exceptions f.htm
Mémoires
GUYONNARD THOMAS, « La protection des
récifs coralliens », mémoire de recherche sous la
direction de MADAME ODILE DELFOUR-SAMAMA, 2017-2018.
105
TABLES DES MATIÈRES
INTRODUCTION 11
PARTIE 1 - LES OCÉANS SUJETS DE PROTECTION
CONTRE
LES EFFETS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
23
CHAPITRE 1 - L'EXISTENCE DE SOURCES DIVERSES DE
PROTECTION DES OCÉANS 23
SECTION 1 - LA PROBLÉMATIQUE DES INSTRUMENTS
DE SOFT LAW 24
A - Une évolution sectorielle et politique de
la soft law environnementale 24
B - La portée problématique de l'Accord
de Paris pour les océans 28
SECTION 2 - LA NÉCESSITÉ D'UNE HARD LAW
NONOBSTANT UNE FAIBLE EFFECTIVITÉ 32
A - L'état de la législation
internationale sur le climat et les océans 33
B - L'opportunité de créer des liens
concrets entre les différents régimes 36
CHAPITRE 2 - LES SOLUTIONS PEU EFFECTIVES POUR LA
PROTECTION DES OCÉANS 41
SECTION 1 - DES CONVENTIONS SECTORIELLES APPORTANT DES
SOLUTIONS ÉPARSES 41
A - La volonté d'anticiper et de
répondre aux risques pour l'environnement 41
B - La préférence politique pour un
droit de l'environnement répondant aux enjeux
économiques 46
SECTION 2 - LA CONSTRUCTION D'UN DROIT
SYSTÉMIQUE PAR LES PRINCIPES DU DROIT DE
L'ENVIRONNEMENT ? 50
A - L'apport des principes pour les océans et
le climat 50
B - L'application délicate des principes pour
une approche globale 54
PARTIE 2 - LA PROTECTION DES OCÉANS À
TRAVERS LE
PRISME DE LA RÉGULATION DU CLIMAT 59
CHAPITRE 1 - LE PROBLÈME DE L'ENCADREMENT DES
ACTIVITÉS PAR LE DROIT 60
SECTION 1 - L'ABSENCE DE LIEN CONCRET ENTRE LES
DIFFÉRENTES INSTITUTIONS EN
PRÉSENCE 60
106
A - Des institutions présentes mais
sectorielles 60
B - Des outils juridiques incomplets pour
protéger le milieu marin 65
SECTION 2 - LES PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
INSTITUTIONNELLES POUR UN CADRE PLUS
PROTECTEUR 69
A - La nécessité d'établir des
communications effectives entre les zones 70
B - Le besoin d'un cadre juridique plus scientifique
72
CHAPITRE 2 - L'EXISTENCE D'UN DROIT TROP ACCOMMODANT
POUR ASSURER LA PROTECTION DE L'OCÉAN EN TANT QUE RÉGULATEUR DU
CLIMAT : L'EXEMPLE DE
L'ENFOUISSEMENT DU CO2 77
SECTION 1 - UNE
QUALIFICATION TROP LARGE POUR APPORTER DES GARANTIES SUFFISANTES
78
A - L'absence de définitions
matérielles autour de l'enfouissement 78
B - Un champ d'application géographique
fractionné 82
SECTION 2 - UN ENCADREMENT INSUFFISANT POUR LA PROTECTION
DU MILIEU MARIN 86
A - L'absence de l'utilisation des études
d'impact pour le stockage du CO2 86
B - Des cadres régionaux et nationaux
incomplets 90
CONCLUSION 95
BIBLIOGRAPHIE 99