Section 2: Une prise en charge insuffisante des droits
économiques, sociaux et
culturels des détenus préventifs
« Les détenus, qu'ils soient condamnés,
accusés d'un crime en garde à vue et en détention
provisoire, (...) font partie des êtres humains les plus
vulnérables et oubliés dans nos sociétés.
», tels sont les propos de Monsieur Nowak Manfred, rapporteur
spécial des Nations Unies sur la torture96.
Pour lui, les détenus sont vulnérables à la torture ainsi
que d'autres formes de mauvais traitements tels que la malnutrition, la
sous-alimentation, manque d'hygiène et soins.
Ce qui nous amène à parler de
l'insuffisance de la prise en charge des droits économiques, sociaux et
culturels des détenus préventifs (Paragraphe 1) et ses
répercussions sur l'ensemble de la société (Paragraphe
2).
94PNUD, Rapport final sur Évaluation du
projet «Recours au volontariat pour un appui juridique aux groupes
vulnérables en milieu carcéral au Togo » 11
février 2014.
95 Ibid., précité.
96NOWAK Manfred, « Etude sur les
phénomènes de torture, de traitements cruels, inhumains ou
dégradants dans le monde, incluant une évaluation des conditions
de détention », 5 février 2010, A/HRC/13/39/Add.5.
51
Paragraphe 1: L'insuffisance de la prise en charge des
droits socio-économiques
et culturels des détenus préventifs
La précarité des conditions d'hygiène et
leurs impacts sur la santé des détenus, l'insuffisance de
l'alimentation sur le plan qualitatif et quantitatif,
l'insécurité dans le milieu carcéral, l'absence de
formation et d'épanouissement, l'absence de traitement spécifique
des détenus préventifs ; telles sont quelques
réalités auxquelles sont confrontées les détenus
préventifs et qui restent d'actualité.
Il convient d'analyser dans ce paragraphe, la
détérioration des conditions matérielles de
détention (A) et des conditions religieuses et intellectuelles
(B).
A. La détérioration des conditions de
détention et les atteintes aux droits socio-économiques des
détenus
Dans cette partie, il serait question de
démontrer que les mauvaises conditions matérielles de
détention portent souvent atteintes aux droits socio-économiques
suivants :
1. Les atteintes au droit à l'hébergement
et à la literie
De nos jours, le nombre de détenus est deux fois
supérieur à la capacité d'accueil des
établissements et il n'est pas rare que des cellules soient
occupées par trois ou quatre fois plus de détenus qu'elles ne
devraient normalement recevoir.
Le manque d'entretien de ces locaux y fait régner une
odeur nauséabonde quasi permanente. Cette insalubrité
conjuguée avec la surpopulation carcérale facilite la
transmission des maladies infectieuses. De plus, l'état
défectueux des toits laisse des fuites d'eau pendant la saison
pluvieuse. Cette situation aggrave les conditions de vie du détenu
préventif présumé innocent.
En ce qui concerne la literie, les détenus ne disposent
pas de lit ni de couverture appropriée. Ils ont des nattes
étalées à même le sol. Ces nattes sont d'une
épaisseur d'un millimètre. Tous les détenus ne sont pas
pourvus de couchette97. Dans son rapport
d'activités
97CNDH : Rapport d'activités exercice 2014,
p. 35.
52
exercice 2014, la CNDH a relevé que : « les
détenus de la prison civile de Mango dorment dans l'obscurité,
les cellules ne disposant pas d'ampoules électriques ou de tout autre
moyen d'éclairage. »
Personne ne saurait soutenir que le détenu est
traité avec humanité. De même que le problème de
logement, l'eau et l'alimentation constituent aussi des préoccupations
quasi quotidiennes qui ne peuvent pas être exclus de cette
étude.
2. Les atteintes au droit à une alimentation
suffisante, saine et équilibrée
Les règles minima pour le traitement des détenus
disposent que tout détenu doit recevoir de l'administration aux heures
usuelles, une alimentation de bonne qualité, bien préparée
et servie, ayant une valeur nutritive suffisante au maintien de sa santé
et de ses forces.
Cependant, dans toutes les prisons civiles, la ration
alimentaire est de un repas par jour. Le régime alimentaire est
composé de pâte, de riz, du haricot, du gari et de
protéine. Toutefois les détenus déplorent la
quantité et la qualité des repas
servis98. Les mouches s'y posent faisant subsister
des risques de maladies.
Tout compte fait, les prévenus ont la
possibilité de se nourrir à leurs frais en se procurant la
nourriture à l'extérieur par l'intermédiaire de leurs
familles ou de ceux qui leur rendent visite99. Il
est indispensable d'amener l'administration pénitentiaire à
offrir aux détenus à des heures usuelles une alimentation de
bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur
nutritive suffisante au maintien de leur santé et de leur force.
Outre ce qui vient d'être exposé, il importe
davantage de s'appesantir sur la question des soins médicaux à
apporter aux détenus.
3. Les atteintes au droit à la santé et aux
soins médicaux
Les soins médicaux, tout comme l'eau et la nourriture,
participent au maintien de la santé du détenu. Chaque
établissement doit en principe disposer des services d'un médecin
qualifié.
98CNDH : Rapport d'activités exercice 2014,
p. 35.
99Source : Directeur de l'administration
pénitentiaire lors de l'entretien du 12 mai 2016.
53
Dans la pratique, certaines maisons d'arrêt ne disposent
que d'une infirmerie animée par un seul infirmier. D'autres prisons
civiles telles que les prisons civiles d'Atakpamé, Bassar, Kantè
n'en disposent même pas de manière permanente, les détenus
ne recevant alors la visite d'un infirmier qu'une fois par semaine ou en cas
d'urgence. En effet, les détenus de la prison civile d'Atakpamé
sont exposés à des maladies dont les plus récurrentes sont
le paludisme et la gale alors même que la prison ne dispose pas d'un
agent de santé permanent. La promiscuité est la cause de
plusieurs maladies telles que les parasitoses et surtout, les dermatoses. Selon
le régisseur de cette prison, les détenus malades sont
consultés et traités par un infirmier
bénévole.100
Les produits pharmaceutiques de premiers soins concernent les
pansements et les maux légers. Toutefois, on note une rupture dans
l'approvisionnement de ces produits dans les prisons du
Togo101.
Les conditions d'hygiène sont désastreuses dans
nombre de maisons d'arrêt. La conséquence est que certains
détenus sont galleux, maigres et présentent parfois un
état diarrhéique inquiétant.
En ce qui concerne les cas graves de maladie, les
détenus de Lomé sont conduits au Centre Hospitalier Universitaire
Sylvanus Olympio où un espace dénommé« cabanon
» est aménagé pour recevoir les détenus.
Après la consultation ils retournent en prison. Pour certains cas, les
frais pharmaceutiques sont à la charge des parents. Au contraire, ceux
qui n'ont plus de contact avec leurs familles n'échappent pas à
la mort en raison du manque de moyens financiers pour se traiter. Au demeurant,
les demandes de mise en liberté provisoire pour raison de maladie sont
souvent refusées, et lorsqu'elles sont accordées, elles sont
assorties de caution trop élevée.
Par ailleurs, les détenus ont la possibilité de
se faire examiner par leur médecin privé à condition d'en
faire la demande adressée à l'autorité judiciaire
compétente. L'organisation des soins médicaux dans les maisons
d'arrêt au Togo, n'est pas encore satisfaisante et mérite
d'être revue afin de garantir une meilleure sécurité
sanitaire aux détenus.
100Entretien avec le régisseur de la prison
civile d'Atakpamé, le 26 mai 2016. 101Ibid.,
précité.
4. Les atteintes au droit d'accès aux
vêtements
L'administration pénitentiaire met à la
disposition des détenus des costumes pénitentiaires. S'agissant
du détenu provisoire, celui-ci n'est pas tenu au port de ce costume,
mais il peut lui en être fourni.
Le détenu est cependant autorisé à porter
ses vêtements personnels. A cet effet, il conserve ses chemises,
pantalons, vestes, tricots, pagnes, blouses et robes.
Si de façon générale les conditions
matérielles de détention sont déplorables et
méritent d'être améliorées, comment se
présentent alors les conditions intellectuelles et religieuses du
détenu préventif ?
|