détenus préventifs
Les limites de la protection des droits et
libertés civils et politiques des détenus préventifs sont
liées aux insuffisances de textes (Paragraphe 1) et aux institutions
(Paragraphe 2).
52Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, 1966 ; Convention relative aux droits de l'enfant, 1989 ; Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, 1986 ; Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes, 1979.
Paragraphe 1 : Les limites textuelles
30
L'état des lieux du cadre légal (A) a
permis de faire ressortir des insuffisances notoires (B).
A. L'état des lieux du cadre légal
Au Togo, le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales des personnes poursuivies est
spécifiquement inscrit dans la Constitution, qui engage l'Etat à
garantir, entre autres53, l'intégrité
physique et mentale des personnes poursuivies, la vie et la
sécurité (article 13), la prohibition de l'arrestation ou la
détention arbitraire (article 15),le droit du prévenu
d'être examiné par le médecin de son choix, d'être
assisté par un avocat et de bénéficier d'un traitement qui
préserve sa dignité, sa santé physique et mentale et qui
aide à sa réinsertion sociale (article 16), la notification
immédiate des charges retenues contre toute personne suspectée
d'avoir commis une infraction (article 17), la présomption d'innocence
(article 18), le droit à un procès équitable et dans un
délai raisonnable (article 19), l'interdiction de la torture, des
traitements cruels, inhumains et dégradants (article 21) et
l'indépendance du pouvoir judiciaire (article 113).
En résumé, le droit à un procès
équitable est défini en premier lieu par les dispositions de la
Constitution togolaise. En plus de la loi fondamentale togolaise, le cadre
légal est également constitué d'autres instruments
nationaux qui définissent les droits et libertés civils et
politiques en matière de la détention préventive. Les
principaux textes sont : l'arrêté n° 488 du 1er
septembre 1933 réorganisant le régime pénitentiaire
indigène au Togo, l'ordonnance n°78- 35 du 7 septembre 1978 portant
organisation judiciaire au Togo, la loi n° 83 -1 du 2 mars 1983 instituant
le Code de procédure pénale au Togo, la loi n°2007 - 017 du
06 juillet 2007 instituant le Code de l'enfant au Togo et la loi n° 2015
-10 du 24 novembre 2015 instituant le Nouveau Code pénal au Togo.
B. Les insuffisances inhérentes au cadre
légal
En examinant le cadre législatif et
réglementaire togolais en la matière, on peut soutenir que les
traités relatifs à la protection des droits de l'homme dans
l'administration de
53Sous - titre 1 intitulé Droits et
libertés tirés du Titre « des droits, libertés et
devoirs des citoyens »de la Constitution Togolaise de 1992, p.6 et
7.
31
la justice pénale ont connu une intégration
constitutionnelle effective, mais paradoxalement sont moins traduites dans les
textes législatifs et réglementaires tels que le code de
procédure pénale, l'ordonnance n°78- 35 du 7 septembre 1978
portant organisation judiciaire au Togo et l'arrêté n°488 du
1er septembre 1933. En effet, l'avancée significative
enregistrée ces dernières années est entre autre
l'adoption du Nouveau Code pénal togolais54.
Il y a lieu de noter que la modification du Code pénal de 1980
était nécessaire pour pallier aux exigences de l'environnement
national et international ainsi qu'à l'évolution de la
société togolaise. On relevait également l'absence de
sanctions de nombreuses infractions, incluant celles résultant de
conventions internationales auxquels le Togo est partie. C'est ainsi qu'il
existait de nombreuses dispositions du code pénal en contradiction avec
la plupart des conventions internationales relatives aux droits humains. A
titre d'illustration, le corpus normatif des droits de l'homme était
lacunaire en ce qui concerne les dispositions pénales relatives à
la torture, alors que le Togo est partie à la convention des Nations
unies contre la torture et les traitements inhumains, cruels et
dégradants. Il faut toutefois relever que ce Code était
déjà une avancée lors de sa publication, et innovateur
notamment par l'intégration de définitions conformes au droit
international des droits de l'homme, des infractions ayant trait à la
torture et aux traitements cruels, inhumains et
dégradants55et des mesures alternatives
à la privation de la liberté. Afin
d'éviter les recours excessifs à la détention provisoire
et à la surpopulation carcérale, le NCPT a prévu des
alternatives aux poursuites pénales (articles 58 à 62). Les
articles 93 à 95 du NCPT ont créé une alternative aux
poursuites qui constitue aussi bien une alternative à la
détention qu'a la reconnaissance préalable de culpabilité
qui définira le code de procédure pénale à
venir.
L'analyse approfondie du cadre légal togolais a permis
de relever également une série de lacunes notamment : absence de
mesures de substitution à l'emprisonnement, absence
d'institutionnalisation du juge des libertés et de la détention,
du juge de l'application des peines, absence de définition des
délais raisonnables en matière criminelle, l'absence d'un
décret d'application de la loi sur l'aide juridictionnelle, les
délais de procédure trop longs, la non transposition du principe
de la présomption d'innocence dans le code de procédure
pénale actuel, l'absence d'harmonisation des textes, l'absence de
garanties contre la torture et les mauvais traitements dans le CPPT, l'absence
d'une disposition expresse imposant de séparer les prévenus des
condamnés, l'absence de limitation de motifs de la détention
préventive pour
54Loi n° 2015 -10 du 24 novembre 2015 instituant
le Nouveau Code pénal au Togo.
55Articles 198 à 206 de la Section 1
intitulé « De la torture et des autres mauvais traitements
tiré du Chapitre IV « Des atteintes à
l'intégrité physique de la personne » du NCPT, p. 38 -
39.
32
lesquels le juge d'instruction ou le procureur de la
République peuvent ordonner cette mesure que le CPPT qualifie
d'exceptionnelle.
Au Togo, les prisons civiles continuent d'être
régies par l'arrêté N°488 du 1er septembre 1933
réorganisant le régime pénitentiaire indigène au
Togo. Une lecture attentive de ce texte, permet de noter qu'il est en
déphasage avec le contenu de l'article 16 de la Constitution togolaise
suscitée. Cet arrêté met l'accent sur le châtiment et
certaines autres sanctions56. C'est une violation
grave du droit au respect de l'intégrité physique du
détenu préventif.
Il n'existe pas également un règlement
intérieur régissant les prisons civiles togolaises. Ce vide
juridique est souvent source de violences récurrentes,
d'insécurité et d'indiscipline dans les prisons.
Ces insuffisances juridiques ci-dessus constatées
constituent des handicaps pour le bon fonctionnement de l'administration de la
justice pénale togolaise.
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